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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES 1 LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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Suite à la crise financière, les banques et établis-sements financiers dans le monde n’ont cessé de transformer leur gestion des risques pour répondre à des exigences règlementaires élevées et aux attentes d’un marché particulièrement compétitif.

En Tunisie, suite à la dynamique des réformes régle-mentaires qui visent à assurer la solidité du secteur financier et à augmenter sa compétitivité, la maî-trise des risques se dessine comme un des enjeux majeurs de la période à venir.

Dans ce contexte, EY Tunisie a réalisé une enquête sur la pratique de la gestion des risques dans les banques tunisiennes. Cette étude propose une évaluation de la maturité des acteurs tunisiens en comparaison aux bonnes pratiques internationales à travers les 4 axes suivants :

• La Gouvernance • Les Moyens Humains • La maturité des outils Risque • La diffusion de la culture Risque

L’objectif étant de dresser un état des lieux des pra-tiques de la place et d’identifier les perspectives et les leviers de la gestion des risques pour la période à venir.

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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SommaireEditorial 4

La Gouvernance 9

La maturité des outils Risque 13

Périmètre et Méthodologie de l’étude 5

Les Moyens humains 12

La diffusion de la culture Risque 17

Perspectives 18

Synthèse 6

Questionnaire et analyse par thème

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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Edito

rial

Noureddine HajjiAssocié, Directeur Général

La présente étude de la pratique de gestion des risques dans les banques tunisiennes traduit ce qu’est le sec-teur bancaire en Tunisie. Il est à l’image de l’économie tunisienne dans son ensemble en terme de maturité et d’ingrédients pour exprimer tout son potentiel. Les règles régissant la bonne gouvernance et les bonnes pratiques, lorsqu’elles sont là, nous les appliquons au mieux pour l’apparence de la conformité et rarement pour les utiliser comme stimulants de la dynamique de transformation interne, des vecteurs de convergence avec les meilleures pratiques internationales et des facteurs de compétitivité durable sur le marché. Les raisons derrière ce décalage sont souvent les mêmes : les réglementations elles-mêmes sont inappro-priées ou décalées, un manque de rigueur dans le contrôle de leur application, les conditions de concurrence sur le marché ne sont pas saines pour favoriser les « compliants » et les plus performants. Et c’est bien sur ces trois leviers qu’il faudrait agir pour changer la donne.Le secteur bancaire est celui qui a besoin, bien plus que les autres, d’actions parce qu’il est la vitrine de toute l’économie. Il continue aujourd’hui à être mal apprécié par les observateurs internationaux, malgré la restructuration de capital des banques publiques. On reproche au secteur son atomicité, le poids de l’Etat dans le secteur, le poids des créances accrochées dans le portefeuille des banques et le gap par rapport aux standards internationaux. Les conclusions de cette étude en sont une parfaite illustration.Pour changer la donne et s’agissant de l’application des standards internationaux, il est urgent d’enclencher un mouvement de convergence effectif avec les standards internationaux tant au niveau des règles pruden-tielles, en adoptant le dispositif de Bâle III qu’au niveau des règles de communication financière en adoptant le référentiel IFRS. Les intentions sont bien là au travers du plan de la Banque Centrale sur la période 2016-2020. Il reste à espérer que la mise en œuvre soit effective pour pousser les banques à enclencher des trans-formations majeures dans la voie de la modernité et de la sophistication de leurs services et de leurs outils.Pour les banques, ce rapport offre à chacune un cadre qui lui permet de positionner le niveau de maturité de son dispositif de gestion des risques et d’identifier les actions à entreprendre pour l’améliorer. C’est au niveau des acteurs et par les acteurs que nous pouvons enclencher la roue vertueuse du changement vers le progrès.

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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L’enquête s’est basée sur un questionnaire qui a été dif-fusé auprès des directeurs des risques de la majorité des banques opérant en Tunisie via l’outil EY E-Survey. En outre, des entretiens individuels ont été réalisés pour compléter le panel des réponses électroniques.

Au total, nous avons recueilli les réponses de 15 banques parmi les 23 que compte la place (6 par voie électronique et 9 par entretien individuel).

Ces banques sont considérées représentatives du secteur bancaire tunisien puisqu’elles couvrent 97% des dépôts collectés et 95% des crédits octroyés.

Le panel analysé se compose comme suit :

97%95%

Total des dépôts collectés par le secteur

bancaire tunisien

97%95%

Total des crédits accordés par le secteur

bancaire tunisien

Banques privées filiales de groupes étrangers8/15

Périmètre et Méthodologie de l’étude

Banques publiques4/15

Banques privées majoritairement

tunisiennes3/15

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Bien que toutes les banques interrogées placent la gestion des risques dans leurs priorités, les dispositifs mis en place sont assez disparates en termes de maturité. Plusieurs banques filiales de groupes étrangers se démarquent par des dispositifs conformes aux normes internationales bénéficiant des outils et de l’ensemble des mécanismes de bonne gouvernance mis en place par leur maison mère. Les banques publiques, quant à elles, affichent un retard par rapport à leurs paires, notamment en termes de système d’information et d’outils Risque. Leur gestion des risques reste plafonnée par les exigences réglementaires de suivi a posteriori des expositions au risque et des ratios prudentiels.

Dans le même ordre d’idées, la diffusion de la culture risque au sein des banques reste tributaire d’initiatives isolées et ne s’inscrit pas dans le cadre d’un programme global ayant pour objectif d’améliorer la compréhension des risques auprès du personnel et de leur faire adopter un comportement conforme à la stratégie risque de la banque. En conséquence, la faible assimilation de la culture risque a été relevée par les directeurs des risques comme le premier obstacle au déploiement des procédures risque au sein de leur établissement. Véritable pilier du dispositif de gestion des risques, la diffusion de la culture risque figure donc parmi les enjeux majeurs pour la maîtrise des risques.

De manière générale, les dispositifs de gestion des risques de la majorité des banques souffrent d’une faible gouvernance et d’une gestion des risques en silos. En effet, 47% des banques tunisiennes ne disposent pas de Comité opérationnel dédié à la gestion transverse des risques. Ajoutons à cela, une fonction risque positionnée en support, avec une faible implication dans les prises de décisions (seulement 40% des établissements interro-gés consultent la fonction risque dans les prises de décision métier) et une interaction limitée avec les entités de contrôle interne et avec la direction financière (ALM) qui sont elles mêmes concernées par la gestion du risque.

Par ailleurs, la gestion des risques est principalement concentrée sur le risque de crédit avec la majorité des banques interrogées qui consacrent plus des 2/3 de leur effectif risque à la gestion du risque de crédit et qui ont mis en place un comité opérationnel dédié à la gestion de ce risque. Si pendant longtemps, la gestion du risque de crédit a été cantonnée à la classification de créances, les banques tunisiennes commencent à investir dans des outils sophistiqués d’évaluation de la qualité de crédit des contreparties (notation, score d’octroi), s’inscrivant ainsi dans une approche anticipative et objectivée de prise de risque. Toutefois, ces outils restent insuffisants pour assurer un pilotage des risques en cohérence avec la stratégie risque et incorporer l’appétence au risque dans la gestion quotidienne des activités.

Des niveaux de maturité disparates

La diffusion de la culture risque, un axe oublié

Une gouvernance déficiente et une gestion des risques en silos

Une gestion du risque de crédit peu développée

Synthèse

1 à l’exception d’une banque qui consacre 15 ETP à la gestion du risque opérationnel. On peut raisonnablement penser que ces ETPs regroupent également le personnel dédié au Contrôle Permanent.

Concernant le risque opérationnel, celui-ci, se profile comme le nouveau point d’attention des directions des risques dont les 2/3 déclarent avoir d’ores et déjà mis en place la base incidents et la cartographie des risques opérationnels, qui sont les outils d’identification, de mesure et d’évaluation de ce type de risque. En revanche, l’absence d’instances de gouvernance, la faible interaction entre la fonction risque et les organes de contrôle et la maigreur de l’effectif dédié à la gestion du risque opérationnel (avec une moyenne de 1,4 ETP dans les banques interrogées1) jettent un doute sur la capacité des dispositifs mis en place à couvrir l’exhaustivité des processus de la banque et à évaluer et améliorer les mécanismes de prévention et d’atténuation des risques.

La gestion du risque opérationnel, des outils orphelins

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En conclusion, bien que les banques tunisiennes placent la gestion des risques au cœur de leurs priorités, la mise à niveau des dispositifs existants avec les bonnes pratiques internationales nécessitent assurément une réforme de la supervision bancaire sur deux axes : D’abord, la mise à niveau des exigences règlementaires en adoptant un référentiel clair et unique pour assurer la cohérence globale du dispositif règlementaire. En effet, la réglementa-tion actuelle se dessine comme un panaché des 3 textes Bâlois (Bâle I, Bâle II, Bâle III) jetant la confusion sur les attentes du régulateur. Rappelons que, dans son rapport de supervision, la Banque Centrale a annoncé un plan d’action quinquennal 2015-2020 pour le renforcement de la supervision bancaire qui comprend notamment la convergence du cadre légal et prudentiel vers les normes Bâloise II et III. La période transitoire avant la conver-gence définitive vers ces normes sera donc décisive pour mettre à niveau les dispositifs de gestion des risques dans leur ensemble. Ensuite, le renforcement du caractère incitatif des normes de gestion des risques en sanctionnant le non respect des critères qualitatifs du dispositif risque. Le superviseur devra alors effectuer un audit complet du dispositif dans le but de formuler, sous forme de recommandations précises, ses attentes pour chaque établissement. Il est à noter que sur le plan international, les exigences réglementaires ont été un véritable tremplin pour le renforcement des dispositifs de gestion des risques. Bon signe, actuellement, certaines banques affichent leur maîtrise des risques comme un avantage concurrentiel et une source d’opportunité et de création de valeur.

La supervision bancaire, décisive pour la mise à niveau de la gestion des risques

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Questionnaire et analyse par thème :La Gouvernance

Dans cette partie, nous avons appréhendé la maturité de la gouvernance de la gestion des risques au sein des établissements tunisiens à travers les instances mises en place pour assurer la gouver-nance de la prise de risque. Notre analyse a porté sur les axes suivants :

• Les Comités dédiés à la gestion des risques • La fonction risque, son positionnement, ses objectifs et ses attributions• Les interactions institutionnalisées entre la fonction risque et les autres entités concernées par la gestion des risques.

La gouvernance du dispositif de gestion des risques est appréhendée à travers 3 axes : les comités dédiés à la gestion des risques, les caractéristiques de la fonction risque et ses interactions avec les entités concernées par la gestion du risque

Focus sur la règlementation tunisienne

• Les Comités dédiés à la gestion des risques La circulaire 2011-06 spécifie qu’un comité des risques doit être créé, émanant du Conseil d’Administration et indépendant de la Direction de la banque, dans le but de superviser la Direction des risques et d’apporter des avis consultatifs au Conseil d’Administration sur les questions relatives à la gestion et à la surveillance des risques et au respect de la règlementa-tion et des politiques arrêtées en la matière, tant sur le plan stratégique qu’au niveau de leur application opérationnelle. Au niveau des risques spécifiques, la circulaire 2006-19 de la BCT précise que le volume et la diversité des activités de certaines banques justifient la création de comités pour le suivi de certaines catégories de risques spécifiques.

• La fonction risqueSi l’existence d’une direction des risques n’est pas clairement mentionnée dans la règlementa-tion de la Banque Centrale, il convient cependant de noter que la circulaire 2006-19 prévoit tout un chapitre relatif à la mise en place d’un ensemble de systèmes de mesure, de surveil-lance et de maîtrise des risques, en y détaillant les mécanismes à mettre en place par les établissements bancaires quant aux différents niveaux de risques. La circulaire laisse toutefois un vide quant aux personnes ou directions responsables de la gestion de ces systèmes, même si la nature des mécanismes décrits est semblable à ce qui se fait au niveau des directions des risques dans les bonnes pratiques à l’international.La circulaire 2011-06 apporte un élément supplémentaire en ce sens, en mentionnant que le secrétariat du comité des risques est assuré par la structure chargée de la surveillance et le suivi des risques au sein de l’organisation de l’établissement et que le comité veille à ce que la structure en question puisse jouir de l’ensemble des moyens (humains, logistiques et finan-ciers) pour mener à bien sa mission.

• Extrait du rapport de supervision 2014 de la BCT Renforcement de la supervision bancaire : Plan d’actions quinquennal 2015-2020 Le programme d’actions quinquennal pour le renforcement de la supervision bancaire ayant pour horizon l’année 2020, constitue la feuille de route qui s’inscrit dans le cadre de la migra-tion d’une surveillance bancaire de conformité vers une supervision basée sur les risques. Ce plan vise les objectifs suivants :• Passage et convergence du cadre légal et prudentiel vers les normes Bâloises (II et III) moyennant une réforme sur le plan légal, règlementaire et opérationnel. • Mise en place d’un cadre efficace de surveillance opérationnelle avec ses trois piliers (on-site, off-site et over-sight) des établissements de crédit.• Développement et modernisation des méthodes de supervision à travers l’amélioration du système d’information et la formalisation des procédures et le renforcement des capacités de la supervision bancaire.

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L’existence d’une fonction risque au sein de la banque, son rattachement hiérarchique, ses attributions et enfin son poids dans la prise de décisions au sein de la banque sont autant d’indicateurs de la place de la gestion des risques dans la stratégie de l’établissement. Nous avons mené cette étude dans un contexte de restructuration des banques publiques et de réforme de la loi bancaire qui annonce une volonté du régulateur de redresser et de solidifier le secteur bancaire. Par consé-quent, plusieurs établissements ont entamé des projets de transformation et de mise à niveau de leur gestion des risques. A titre d’exemple, 2 établissements interro-gés ont des fonctions Risque en cours de création. Pour assurer la représentativité de l’étude, nous nous sommes basés sur les pratiques existantes dans l’établissement et non les pratiques cibles.

L’analyse de la maturité de la gouvernance du dispositif de gestion des risques est faite à travers l’institutionna-lisation du suivi et du pilotage des risques au sein des banques. En effet, la mise en place de telles instances assure une gestion proactive du risque et un pilotage efficient des activités de la banque conformément à son appétence au risque. Il ressort de notre étude que seulement 53% des établisse-ments disposent d’un Comité dédié au suivi transverse des risques. Cela implique que pour 47% des établissements interrogés, la gestion des risques est sillonnée par type de risque ce qui peut altérer l’homogénéité et la cohérence dans les décisions de prise de risque et l’absence d’une vision consolidée des expositions de la banque au niveau des directions fonctionnelles.Par ailleurs, si les comités dédiés au suivi d’un seul type de risque sont assez répandus dans les établissements interrogés (67%), les types de risques suivis sont hétéro-gènes d’un établissement à un autre, mis à part le risque de crédit qui est suivi par comité dédié dans la plupart des établissements. En effet, seul un établissement dispose de comités couvrant tous les types de risques (Crédit, Marché, Opérationnel et Liquidité). Les autres établis-sements concentrent leur attention sur une sélection de risques spécifiques.

La fonction risque dans les établissements bancaires tuni-siens est hiérarchiquement rattachée au plus haut niveau organisationnel (Direction générale, Comité Risque ou aux directions centrales des groupes étrangers). L’étude des bonnes pratiques à l’échelle internationale montre que ce rattachement traduit une volonté de maintenir la gestion des risques à un niveau décisionnel stratégique.Cette vision peut être appuyée par le fait que 93% des directeurs risques considèrent que la définition et le suivi de la stratégie risque de la banque fait partie de leurs prérogatives. Il convient toutefois de nuancer ce propos car la fonction risque souffre encore d’un positionnement Back Office dans la majorité des banques. En effet, 47% seulement des directeurs Risques interrogés se positionnent comme partenaires des lignes métier. Les autres restent canton-nés dans un rôle de support ou de contrôle du Business.

En outre, contrairement à ce que suggère la règlemen-tation, la mise en place de Comités spécifiques dédiés à la gestion des risques ne s’avère pas liée à la taille des établissements. Le graphique, ci-dessous, montre l’absence de corrélation entre l’effectif de l’établissement et le nombre de Comités spécifiques mis en place.

Cependant, on note que 4 des 5 banques qui disposent de 3 comités ou plus sont des filiales de groupes ban-caires étrangers. Cela laisse penser que la mise en place de ces instances est due davantage à une transposition des normes internes des groupes au niveau de la filiale lo-cale qu’à un besoin émanant de l’environnement bancaire tunisien.

Bien que rattachée au plus niveau organisationnel, la fonction risque reste cantonnée à un rôle de support ne lui permettant pas une gestion proactive du risque

La gouvernance du dispositif de gestion des risques souffre de sillonnement par type de risque et de l’absence d’instances dédiées malgré une légère démarcation pour le risque de crédit

Aucun comité

Comité Risque transverse

Crédit

Marché

Opérationnel

Liquidité

RSSI

%53

%47

%47

%53 des établissements

disposent d’un Comité

Opérationnel dédié au suivi transverse

des risques

Comité opérationnel pour le suivi du risque

Nombre de comités risqueselon l’effectif

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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Si les bonnes pratiques internationales ne définissent pas de normes pour l’organisation de la gestion des risques au sein des établissements, il est cependant primordial que l’établissement puisse à la fois identifier, quantifier et piloter ses risques de manière transverse. Le but ultime étant d’assurer la cohérence entre les stratégies de risque et les stratégies liées aux activités. Pour évaluer l’efficacité des synergies mises en place au sein des banques pour la gestion des risques, nous avons analysé les interactions entre la fonction risque et les entités qui contribuent à la gestion des risques à savoir le contrôle permanent et la conformité pour le risque opérationnel et la fonction de gestion d’actif passif pour le risque de liquidité. Les résultats montrent que:• 53% des établissements ont mis en place des comités de coordination entre la fonction risque et le Contrôle per-manent. • 60% des établissements ont mis en place des comités de coordination entre la fonction risque et la Conformité.

• 60% des établissements ont mis en place des comités de coordination entre la fonction risque et l’ALM.• Dans 20% des établissements la fonction risque et le Contrôle permanent ont un manager commun autre que le DG/DGA. Ce chiffre baisse à 7% pour la Conformité et l’ALM. • Dans 20% des établissements il existe un lien hiérar-chique entre la fonction risque et l’ALM.

Ces résultats nous permettent de dresser deux principaux constats : d’abord, une faible synergie entre la fonction risque et les fonctions concernées par la gestion du risque souligne encore une fois les insuffisances de la gouver-nance dans les dispositifs de gestion des risques. En deuxième lieu, ces chiffres viennent ancrer l’écartement de la fonction risque par rapport aux entités opération-nelles. Ce cloisonnement de la fonction met le doute sur la pertinence métier des politiques et procédures de risque qu’elle définit.

La fonction risque est cloisonnée par rapport aux entités concernées par la gestion des risques. Cette situation est entrain d'entraver l’efficacité des politiques de risques qui sont définies sans réelle interaction avec les fonctions opérationnelles

Cette faible implication dans les décisions business se retrouve également dans les attributions de la fonction risque où pour 60% des établissements, les directeurs des risques déclarent que la participation aux décisions de prise de risque fait partie des attributions de la fonction risque. Or, seulement 33% des directeurs risques déclarent que cela fait partie des 3 missions les plus importantes en termes de temps de sollicitation des équipes de la fonc-tion risque. En conclusion, la fonction risque se dessine comme une entité qui définit la stratégie et les procédures de prise de risque pour ensuite réaliser un suivi a poste-riori des expositions au risque. Cet écartement par rap-port aux lignes métiers notamment par des interventions en décalage (en amont et en aval de la décision) est de

nature à entraver sa mission de pilotage et de maîtrise des risques telle que énoncée dans les principes Bâle II.

Les attributions de la fonction risqueLa définition et le suivi de l’appétence au risque 93%La définition des règles et procédures de prise de risque 80%Le contrôle de la bonne mise en œuvre des règles 87%et procédures de prise de risque L’analyse des expositions aux risques 100%Le Reporting 93%La participation aux décisions de prise de risque 60%(octroi des financements, prise de participation, etc.) La diffusion de la culture risque au sein de la banque 80%PCA / RSSI 7%

Dans seulement 47% des établissements tunisiens la gestion des risques est réalisée exclusivement par la fonction risque

%53

%47

%47

%53

Interactions entre la fonction risque et le contrôle permanent, la conformité et l’ALM

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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Les normes Bâloises énoncent que les banques doivent « disposer d’une fonction de gestion des risques couvrant tous les risques significatifs et dotée d’un niveau suffisant de ressources, d’indépendance, d’autorité et d’accès au Conseil d’Administration». Dans cette partie, nous nous sommes intéressés aux moyens humains mis en place pour la gestion des risques au sein des banques tunisiennes. Nous avons rapporté l’effectif dédié à la gestion des risques à l’effectif global de l’établissement. Il en ressort que bien que les moyens humains mis en place soient très disparates entre les différents établissements,0 variant entre 0,25% à 8,71% de l’effectif global, ils sont globalement assez faibles puisque 50% de l’échantillon affichent un effectif risque inférieur à 1,56%. Notons également que les banques fi-liales de groupes étrangers se distinguent par rapport aux banques à capital tunisien (privés et publiques confondus) à l’exception de deux banques qui ont respectivement 2,16% et 5,75% de leur effectif dédié à la gestion des risques.

Par ailleurs, le personnel de la fonction risque est forte-ment concentré sur la gestion du risque de crédit. En effet, 75% des établissements dédient plus de 50% de leur effec-tif risque à la gestion du risque de crédit. Cela s’explique d’une part par les exigences réglementaires plus élevées sur le risque de crédit mais également par des activités de marché encore très rudimentaires. Concernant la gestion du risque opérationnel, 14 banques1 présentent un effectif moyen dédié au RO 1,4 ETP. Cela traduit le manque de maturité de la place dans la gestion de ce risque. En effet, si on considère que la structure RO doit veiller à l’efficience de la base incidents, la mise à jour de la cartographie des risques sur l’ensemble des process et la mise en place du plan d’action de renforcement du dispositif de contrôle interne, le nombre d’ETP alloués s’avère être fortement insuffisant.

Les moyens humains mis en place pour la gestion des risques s’avèrent insuffisants pour garantir une maîtrise des risques et restent majoritairement concentrés sur le risque de crédit.

Les Moyens humains

1 Une banque qui consacre 15 ETP à la gestion du risque opérationnel. On peut raisonnablement penser que ces ETPs regroupent également le personnel dédié au Contrôle Permanent.

89% 87%

30% 33%

60%

93%

20%

40%

60%

80%

100%

Filiales de groupes étrangers

Privées à capital majoritaire tunisien Publique

8,71%

5,75%

0,83% 0,25% 0,37%

2,16%

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Filiales de groupes étrangers

Privées à capital majoritaire tunisien Publique

89% 87%

30% 33%

60%

93%

20%

40%

60%

80%

100%

Filiales de groupes étrangers

Privées à capital majoritaire tunisien Publique

8,71%

5,75%

0,83% 0,25% 0,37%

2,16%

0

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7

8

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Filiales de groupes étrangers

Privées à capital majoritaire tunisien Publique

Part de l’effectif dédié au risque de crédit

Part de l’effectif dédié à la gestion des risques

Zitouna

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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Pour détecter, mesurer, évaluer et suivre ses risques, une banque doit disposer d’un système d’information lui permettant de collecter et de sauvegarder ses don-nées. C’est pourquoi, avant d’analyser les outils de gestion de risque, nous nous sommes intéressés à leur SI pour évaluer les difficultés auxquelles feront face les banques tunisiennes pour mettre en place des dispositifs conformes aux normes Bâloises.Les banques tunisiennes semblent investir dans les solutions SI dédiées à la gestion des risques puisque 67% des établissements déclarent posséder une application ou un module dédié. À noter que les banques publiques affichent un retard sur ce sujet en comparaison avec les autres banques de la place.

Concernant le risque de crédit, 80% des banques interrogées disposent d’une base historique des expositions et les caractéristiques clients et 73% sauvegardent les données d’icidents (retard de paiement, défaut, remboursement anticipé). La conservation de ces données démontre une prise de conscience sectorielle de l’importance des outils d’aide à la décision tels que les scores d’octroi et les notations. Concernant les outils de prévision des pertes, le constat est plus mitigé puisque seulement 53% des établissements stockent leurs données de pertes. Le même constat est fait pour le dispositif de gestion du risque opérationnel, 67% des établissements déclarent disposer de bases incidents qui regroupent les pertes liées aux évènements de risque opérationnel. Cependant, un écart très important est clairement percep-tible entre le secteur privé et le secteur public en terme de maturité de dispositif IT de gestion du risque opérationnel puisque seulement 25% des banques publiques ont mis en place une base de collecte des incidents contre 82% des banques du secteur privé.

La mise à niveau du SI est à une phase assez avancée pour les banques privées dont plus des 2/3 disposent de bases de données historiques pour le risque de crédit et le risque opérationnel. Le secteur public quant à lui, affiche un retard sur le sujet.

La maturité des outils Risque

Existence d’une application/module dédié à la gestion des risques

Existence d’une Base Incidents

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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Après avoir analysé les moyens déployés par les banques en termes de ressources humaines et système d’infor-mation, nous nous sommes intéressés aux outils risques résultant de ces investissements. Nous avons défini une échelle de maturité sur 5 niveaux : l’identification, la mesure, l’évaluation, la prévision des risques et enfin le pilotage transverse de tous les types de risque. A noter, que la maturité des outils peut être différente par type de risque au sein d’un même établissement.

Le marché des capitaux en Tunisie étant limité en termes de produits échangés, les outils avancés de gestion des risques de marché et de liquidité tels que définis dans les normes internationales sont peu adaptés au contexte tunisien. Par conséquent, nous avons concentré notre étude sur les outils de gestion du risque de crédit et du risque opérationnel.Concernant le risque de crédit, la majorité des banques se placent globalement au 3ème niveau de maturité. En effet, les principaux outils d’évaluation du risque de crédit qui sont les modèles de notation et les scores d’octroi, sont utilisés respectivement par 73% et 53% des banques tunisiennes.

Ces outils permettent à la fois d’estimer la qualité de crédit des contreparties mais également de rationnaliser et normaliser la décision d’octroi et sont donc indispen-sables pour le pilotage a priori des expositions au risque. Seulement un tiers des banques interrogées se place au niveau supérieur de maturité en déclarant disposer d’outils permettant de prévoir les pertes attendues sur leurs portefeuilles. kmhjDans un cadre règlementaire Bâlois, ces modèles, une fois homologués par le superviseur local, sont utilisés pour l’estimation des fonds propres. Cependant, au delà de l’exigence prudentielle, l’estimation des pertes attendues est une brique importante des dispositifs de définition de l’appétence au risque et de stress tests à travers la simu-lation des pertes subies pour différents scénarios et/ou stratégies. Rappelons que 53% des banques déclarent dis-poser de bases de données nécessaires au développement de ces modèles. Ainsi , les délais de déploiement de ces outils peuvent être relativement rapides puisque la constitution de la base de données est assurément l’étape la plus laborieuse du processus de mise en place de tels dispositifs.L’analyse des outils de gestion des risques de crédit par type d’actionnariat permet de constater une hétérogénéi-té des niveaux de maturité des banques. En effet, le sec-teur privé se place nettement au dessus du secteur public dont le dispositif de gestion du risque de crédit ne permet que l’identification et la mesure des risques des pertes subies conformément aux exigences réglementaires.

Concernant le risque de crédit, différents niveaux de maturité des outils sont observés, allant de la mesure a posteriori des pertes jusqu’à la prévision des risques. Cependant, la majorité des banques disposent d’outils d’évaluation du risque qui leur permettent d’objectiver et de rationnaliser les décisions d’octroi.

La maturité des outils Risque

Risque de crédit

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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Si les deux tiers des banques déclarent disposer de la cartographie des risques, le faible effectif dédié à la gestion du risque opérationnel, le manque voire l’absence d’interaction avec les entités de contrôle et l’incomplétude du manuel des procédures laissent à penser que cet outil est encore dans une phase d’initiation dans plusieurs banques.

Le risque opérationnel diffère du risque de crédit du fait que l’exposition à ce type de risque est inhérente à l’acti-vité de la banque. Elle n’est donc pas choisie et consentie par l’établissement comme c’est le cas pour le risque de crédit. L’identification de ces risques devient donc un réel challenge pour les banques. En effet, si la base incidents permet de collecter et mesurer les pertes dues à un risque

opérationnel, la maîtrise du risque doit passer par l’iden-tification et l’évaluation des risques potentiels même s’ils n’ont jamais été observés au sein de l’établissement. De même, contrairement au risque de crédit, la sévérité de risques n’est pas limitée et peut même mener à la faillite de l’établissement en cas d’incident majeur.

La maturité des outils Risque

Le Comité de Bâle, Mars 2016

La revue du Comité de Bâle des pratiques de modélisation du risque opérationnel des banques et des fonds propres associés a révélé que l’Approche de Mesure Avancée (AMA) a induit de la complexité inhérente et un manque de comparabilité dus à une vaste gamme de pratiques de modélisation internes, ce qui a exacerbé la variabilité des estimations des actifs pondérés de risque et a érodé la confiance dans les ratios prudentiels. Le Comité propose donc d’enlever l’AMA du cadre règlementaire.

Deux tiers des banques tunisiennes possèdent une car-tographie des risques ce qui les placent à un niveau de maturité satisfaisant d’évaluation des risques. Ce résultat est inattendu étant donné les constats réalisés sur l’insuf-fisance des ressources humaines dédiées au risque opé-rationnel et le manque d’interaction de la fonction risque avec le contrôle permanent et la conformité. Cela pourrait s’expliquer par le fait que pour plusieurs banques, la car-tographie des risques est à ses prémices et ne couvre pas l’exhaustivité des processus de l’établissement. Cette hy-pothèse est confortée par le fait que 60% de notre échan-tillon déclare disposer d’un manuel des procédures incom-plet. Par ailleurs, 53% des banques utilisent les indicateurs de performance et de risques (KPI/ KRI) pour évaluer leur dispositif de contrôle. Ainsi, nous pouvons en conclure que les banques tunisiennes entament la mise en place de leur cartographie des risques sur un périmètre restreint mais en utilisant des outils d’évaluation rationnalisée de leurs systèmes de contrôle permettant ainsi de mieux es-timer la criticité de leurs risques résiduels. Il est à souligner qu’étant donné la spécificité du risque opérationnel, la prévision de ce risque reste encore un défi autant pour les grandes banques internationales que pour les instances de régulation comme le Comité de Bâle qui peine à définir une méthodologie pertinente à ce sujet. En effet, la règlementation bâloise a défini une approche avancée de mesure des risques opérationnels qui doit se baser sur les pertes internes et externes observées mais également sur les facteurs d’environnement et de

contrôle et sur les analyses de scénarios. Or, si la qualité du dispositif de contrôle interne et l’évolution des caracté-ristiques de l’environnement de la banque ont assurément un impact sur le risque opérationnel, calculer cet impact à partir des facteurs d’environnement et de contrôle s’avère assez problématique. Le Comité de Bâle lui-même ne donne aucune indication sur le sujet et propose même de supprimer l’AMA du cadre règlementaire. En effet, la mul-titude d’hypothèses utilisées mettent à mal la pertinence et la consistance des estimations.

Disposition de cartographie des risques

Utilisation des KPIs et KRIspour évaluation des risques

Manuel de procédures complet

67%

33%Oui

Non

Disposition de cartographie des risques

40%

60%

Manuel de procédures complet

53%

47%

Utilisation des KPIs et KRIs pour évaluation des risques

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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La maturité des outils Risque

Les parties précédentes de l’étude ont montré que la gestion des risques dans les banques tunisiennes a tendance à être réalisée en silos contrairement aux bonnes pratiques et aux normes internationales. En effet, pour maîtriser ses risques, il est important que la banque puisse avoir une vision transverse de l’ensemble de ses risques afin de piloter ses activités de sorte à atteindre ses objectifs stratégiques.

Au-delà des organes de gouvernance qui tendent à assu-rer le suivi global et transverse des risques, les modèles d’estimation de l’appétence au risque contribuent de ma-nière importante à objectiver et rationnaliser cette ges-tion. Quasiment la moitié des banques tunisiennes déclarent disposer de modèle d’estimation de l’appétence pour le risque. En même temps, seulement 27% d’entre elles utilisent des modèles d’estimation des pertes attendues. On en déduit donc que pour l’estimation de leur appé-tence pour le risque, les banques tunisiennes utilisent davantage des méthodes qualitatives que quantitatives.Lorsque l’on recoupe ces taux avec le fait que 93% des directeurs des risques aient déclaré que définir et suivre la stratégie risque fait partie de leurs attributions, on en dégage une volonté des banques à maîtriser leurs risques et à inscrire la gestion des risques dans leur stratégie. Cependant, les outils mis en place à ce stade semblent être encore rudimentaires et l’assimilation de l’appétence au risque dans la gestion quotidienne des activités repré-

sente encore un challenge pour le secteur. Sur le plan international, bien que l’appétence au risque ait été un sujet à fort intérêt durant les dernières années, plusieurs établissements trouvent encore des difficultés à intégrer l’appétence au risque dans le pilotage quoti-dien de leurs activités. Toutefois, au delà des exigences règlementaires poussant à la mise en place de dispositifs robustes d’intégration de l’appétence au risque, les éta-blissements eux-mêmes voient un réel bénéfice dans l’uti-lisation de ces processus qui offrent à la fois une vision globale des risques et des outils permettant de rationa-liser les décisions de prise de risque. L’étude EY Global réalisée en 2016 montre que les banques convergent vers l’utilisation de modélisations prédictives des pertes extrêmes pour les risques financiers (crédit, marché et liquidité). L’implémentation d’une méthodologie d’inté-gration de l’appétence au risque opérationnel se dessine quant à elle comme le défi de la période à venir. Les diri-geants y voient un parcours de longue haleine qui néces-site, la promotion continue de la culture risque, le ren-forcement de la gouvernance, la réforme des indicateurs de performance et de rentabilité et enfin l’amélioration continue des systèmes et process. En conclusion, si la mise en place de la stratégie risque via la définition de l’appétence au risque fait partie au-jourd’hui des objectifs des banques tunisiennes, l’atteinte de cet objectif nécessitera beaucoup d’investissements et de transformations qui, s’ils ne sont pas déployés, peuvent mettre à mal l’aboutissement de ces projets. Le rehausse-ment des exigences réglementaires sur le sujet sera donc décisif pour faire de la gestion des risques une priorité et assurer la mise en place de dispositifs risques robustes.

Utilisation de modèle d’estimationde l’appétence pour le risque

Fehmi LaourineAssocié, Secteur des Services Financiers

La focalisation de la profession sur le risque de crédit l’amène à accorder moins d’importance aux autres risques auxquels font face les banques, notamment, le risque opérationnel et le risque de taux. Si on prend le cas du risque de taux, les trois dernières années ont connu une croissance considérable des expositions des banques aux Bons du Trésor Assimilables (BTA). Ces instruments n’étant pas forcément financés par des ressources de même nature (maturité longue, taux fixe) font émerger un risque de taux important. La profession doit être vigilante à cette nouvelle particularité du marché et mettre en place des outils permettant d’évaluer et de piloter ce risque.

Poin

t de

vue

Bien que la mise en place de la stratégie risque fasse partie aujourd’hui des objectifs des banques tunisiennes, les outils déployés à cette fin sont encore rudimentaires. L’incorporation de l’appétence au risque nécessitera donc beaucoup d’investissements et de transformations au sein des banques.

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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La prise de risque est au cœur de l’activité bancaire et inhérente à son métier. Dans ce cadre, la maîtrise des risques au sein d’un établissement passe d’abord par une assimilation de la culture risque de l‘ensemble de son per-sonnel et l’adoption d’un comportement conforme à la stratégie risque et aux procédures définies par l’établisse-ment à cet effet. La culture risque peut être définie comme l’ensemble des normes et comportements des individus qui déterminent la façon dont ils identifient, comprennent, évaluent, acceptent et traitent les risques auxquels l’établissement fait face. Lorsque nous avons demandé aux directeurs des risques des banques tunisiennes si leurs collaborateurs étaient sensibilisés aux problématiques de gestion des risques, ceux-ci ont répondu favorablement à 80%. L’étude EY Global révèle que sur le plan international la diffusion de la culture risque continue à être une préoc-cupation majeure pour les banques. En effet, 74% des établissements interrogés opèrent des changements dans leur culture d’entreprise et 81% déclarent que l’implan-tation du changement de culture est encore en cours. La diffusion de la culture risque est déployée selon 3 axes majeurs : - Le renforcement de la gouvernance des risques. - La clarification des niveaux de tolérance au risque en incorporant l’appétence au risque dans la gestion quoti-dienne des activités et le déploiement de formations et de communications - L’intégration dans le système d’évaluation du personnel d’incitations à la réalisation des objectifs risque.

La mise en perspective de ces pratiques par rapport au contexte tunisien appelle les deux constats suivants : Premièrement, la mise en place d’un dispositif de gestion des risques efficace, clair et robuste est un prérequis à la diffusion de la culture risque. Deuxièmement, la culture risque s’avère intimement liée à la culture de l’entreprise. Pour impulser la culture risque au sein de l’établissement, il est donc nécessaire d’inté-grer la maîtrise des risques comme axe stratégique et de transformer la culture et l’identité de la banque en consé-quence. Concernant les actions mises en place au sein des banques tunisiennes pour sensibiliser leur personnel à la culture risque, nous avons recensé 80% des banques qui ont eu recours à des formations et à la communication sur les enjeux risques. Au regard de la responsabilisation des commerciaux, 60% des banques interrogées ont intégré des indicateurs risque dans les objectifs du personnel de vente. Bien que largement déployées, ces actions s’ins-crivent dans le cadre d’initiatives isolées adressées à une population restreinte réduisant ainsi leur impact sur les comportements au quotidien des effectifs. À noter la spé-cificité des banques filiales des groupes étrangers à ce su-jet puisqu’elles bénéficient des mesures de renforcement de la culture risque mises en place par la maison mère. En conclusion, pour assurer le déploiement effectif du dis-positif de gestion des risques celui-ci devrait s’accompa-gner d’un programme dédié à la diffusion de la stratégie et de la culture risque à tout le personnel de l’établissement.

La diffusion de la culture est caractérisée par des actions isolées et adressées à une population restreinte. Elle gagnerait à faire l’objet d’un programme dédié qui marquerait l’adoption de la maîtrise des risques dans les objectifs stratégiques de l’établissement et comme faisant partie intégrante de son identité.

La diffusion de la culture Risque

Ridha MeftahDirecteur, Secteur des Services Financiers

La maîtrise des risques bancaires est aujourd’hui un enjeu majeur pour les banques tant au niveau individuel qu’au niveau sectoriel. En effet, la Tunisie souffre aujourd’hui d’un taux de bancarisation encore faible dû entre autre aux coûts élevés des services bancaires. Si les conséquences économiques et sociales de cette exclusion financière sont considérables, le manque à gagner pour les banques en termes de dépôts et de taille du marché est tout aussi alarmant. Or, le coût du risque est une composante majeure des coûts bancaires mais par-dessus tout, il s’agit de la composante la plus compressible. A cet effet, les banques tunisiennes n’ont aujourd’hui d’autres choix que de renforcer leur dispositif de gestion des risques pour rester compétitives sur le marché.

Poin

t de

vue

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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Perspectives

L’état des lieux de la gestion des risques ne saurait se limi-ter aux pratiques existantes sans s’intéresser aux projets et aux perspectives du secteur. Sur le plan international, depuis la crise financière, la gestion des risques au sein des banques est en perpé-tuelle mutation au gré des réformes réglementaires mais également de la conjoncture économique impliquant des transformations de politique, de périmètre et d’ou-tils risques. A titre d’exemple, l’étude EY Global a montré que les banques s’intéressaient de plus en plus au risques non financiers et opèrent des améliorations à leur straté-gie de diffusion de la culture risque et d’incorporation de l’appétence au risque et des stress tests dans le pilotage quotidien des activités. La gestion des risques est donc un processus en continuelle évolution. Du reste, les effectifs des directions des risques dans le monde connaisent une croissance persistante depuis la crise.Nous avons interrogé les directeurs des risques sur les projets planifiés ou en cours de la fonction risques, il en ressort une forte dynamique de développement des outils (100%) et de recrutement pour la fonction risque (73%) en accord avec la volonté de mettre en avant la gestion des risques précédemment décelée.

Par ailleurs, nous avons tenté d’appréhender les anticipa-tions des directeurs des risques en termes d’évolutions réglementaires et notamment l’impact de ces évolutions sur leur gestion des risques. Il apparait que 87% d’entre eux prévoient des changements dans leur dispositif de gestion des risques et 53% qualifient ces changements d’importants voire radicaux.

Ainsi, le secteur bancaire a des attentes fortes en termes de réformes règlementaires sur le dispositif de gestion des risques. Cela montre également que les banques esti-ment que le rehaussement des exigences règlementaires est un prérequis à la transformation de leur gestion des risques et révèle ainsi le rôle majeur que joue le régula-teur dans la mise à niveau des dispositifs de gestion des risques. Il est à remarquer ici que tous les directeurs des risques interrogés considèrent que la gestion des risques figure parmi les priorités du Conseil d’Administration et 93% d’entre eux placent la gestion des risques comme priorité de la direction générale. En définitif, bien que la gestion des risques soit affichée comme priorité des dirigeants des banques et que plusieurs projets aient été lancés au niveau des fonctions risques, la mise à niveau de la gestion des risques néces-sitant un fort investissement, aura besoin du concours d’obligations règlementaires pour assurer l’aboutisse-ment de ces projets.

Bien que la plupart des fonctions risques planifient des investissements en ressources humaines et en outils, une évolution réglementaire s’avère nécessaire pour assurer une transformation réelle de la gestion des risques dans les banques tunisiennes.

34%

13% 13%

40%

Avez-vous des projets en cours ou plannifiés concernat :

Pensez-vous que les évolutions réglemen-taires sur un horizon de 3 ans vont impacter

la gestion de votre établissement?

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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Publications

Revolution Opportunities: Construisons notre Tunisie

de demain, 2011

A set of blueprints for successSeventh annual global EY/IIF bank risk management survey

Summ

aryM

ethodology C

ultureN

on-financialsA

ppetiteG

overnanceStress testing

Basel III

Conclusion

Contacts

Section titles

Rethinking risk management

2015 risk management survey of major financial institutions

Banks focus on non-financial risks and accountability

Shifting focusRisk culture at the forefront of banking

2014 Risk management survey of major financial institutions

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LA PRATIQUE DE LA GESTION DES RISQUES DANS LES BANQUES TUNISIENNES

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Noureddine HajjiAssocié, Directeur Géné[email protected]

Fehmi LaourineAssocié, Secteur des Services [email protected]

Ridha MeftahDirecteur, Secteur des Services [email protected]

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