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1 LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE ET LES BOULEVERSEMENTS DE L’EUROPE Situation d’introduction : Otto Dix Der krieg 1929‐32 Un peintre allemand du XXème siècle : Otto Dix est né en 1891 et mort en 1969. Fils d’ouvrier, il est d’abord apprenti chez un peintre‐décorateur, puis étudiant aux écoles des Beaux‐Arts de Dresde et de Düsseldorf jusqu’en 1914. Ses influences : les maîtres anciens de la Renaissance, auxquels il emprunte la technique de la peinture sur glacis (il l’utilisera jusqu’en 1944), les précurseurs de l’expressionnisme comme Munch ou Van Gogh, les artistes d’avant‐ garde comme les groupes “Die Brücke” ou “der Blaue Reiter”. Après la guerre, il rencontre Georges Grosz dont il partage l’antimilitarisme. Ils participent tous deux à la Grande Foire Internationale Dada de Berlin en 1920. À partir de 1924, il est un des principaux animateurs, toujours avec G. Grosz, du mouvement artistique baptisé “Nouvelle Objectivité”. La Nouvelle Objectivité, qui s’inscrit dans le courant expressionniste, est une forme de réalisme : montrer la société telle que les peintres la voient, avec ses tares et ses injustices. “Chez moi c’est l’homme, encore et toujours l’homme. Je suis de l’avis hérétique que l’art doit être utile de quelque façon, qu’il s’agisse d’une vision philosophique, religieuse ou autre encore, cela importe peu. Je rejette “l’art pour l’art”, car là quelque chose ne colle pas.” Dix Un peintre chrétien : Otto Dix a, tout au long de sa carrière, peint des sujets religieux. Il s’inscrit dans la grande tradition de la peinture occidentale. Des maîtres anciens il reprend les thèmes, tirés de l’ancien ou du nouveau testament : Madone, Christ souffrant, Piéta, Job..., mais aussi la structure traditionnelle du triptyque, structure qu’il a utilisée à plusieurs reprises. Selon les époques et les préoccupations de l’artiste, l’utilisation de la thématique religieuse est liée soit à des interrogations existentielles (“Je dois me rendre compte par moi‐même de tous les abîmes de l’existence”), soit au contexte historique : solitude de Job dans l’Allemagne dévastée de 1946, critique du nazisme dans “les sept péchés capitaux” (1933)... Dans le cas de “la guerre”, la forme (le choix du triptyque) rejoint le fond (l’identification du massacre à la passion du Christ), dans une représentation clairement inspirée du retable d’Issenheim de Grünewald. Un peintre pacifiste : Le tableau a été réalisé dix ans après la première guerre mondiale. J’avais, durant ces années, effectué de nombreuses études afin de réaliser ensuite un tableau traitant de cet événement. En 1928, je me suis senti prêt à aborder ce grand sujet dont l’exécution me préoccupa durant plusieurs années. A cette époque d’ailleurs, durant la République de Weimar, de nombreux livres prônaient à nouveau librement l’héroïsme et une conception du héros qui avaient été poussés à l’absurde dans les tranchées de la première guerre. Les gens commençaient à oublier déjà ce que la guerre avait apporté de souffrances atroces. C’est de cette situation-là qu’est né le triptyque.” (Dix) L’expérience de la guerre a bouleversé Otto Dix. Engagé volontaire au début du conflit, nationaliste exalté comme une grande partie de la jeunesse de son pays, il

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LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE ET LES BOULEVERSEMENTS DE L’EUROPE  

Situation d’introduction : Otto Dix Der krieg 1929‐32  Un peintre allemand du XXème siècle :    Otto Dix est né en 1891 et mort en 1969. Fils d’ouvrier,  il  est d’abord apprenti 

chez  un  peintre‐décorateur,  puis  étudiant  aux  écoles  des  Beaux‐Arts  de  Dresde  et  de Düsseldorf  jusqu’en  1914.  Ses  influences  :  les  maîtres  anciens  de  la  Renaissance, auxquels il emprunte la technique de la peinture sur glacis (il l’utilisera jusqu’en 1944), les précurseurs de  l’expressionnisme comme Munch ou Van Gogh,  les artistes d’avant‐garde comme les groupes “Die Brücke” ou “der Blaue Reiter”.  

Après  la guerre,  il  rencontre Georges Grosz dont  il partage  l’antimilitarisme.  Ils participent tous deux à la Grande Foire Internationale Dada de Berlin en 1920.  

À partir de 1924, il est un des principaux animateurs, toujours avec G. Grosz, du mouvement  artistique  baptisé  “Nouvelle  Objectivité”.  La  Nouvelle  Objectivité,  qui s’inscrit dans le courant expressionniste, est une forme de réalisme : montrer la société telle que les peintres la voient, avec ses tares et ses injustices. “Chez moi c’est l’homme, encore et toujours l’homme. Je suis de l’avis hérétique que l’art doit être utile de quelque façon, qu’il s’agisse d’une vision philosophique, religieuse ou autre encore, cela importe peu. Je rejette “l’art pour l’art”, car là quelque chose ne colle pas.” Dix  

 Un peintre chrétien :   Otto Dix a, tout au long de sa carrière, peint des sujets religieux. Il s’inscrit dans la 

grande tradition de  la peinture occidentale. Des maîtres anciens  il reprend  les thèmes, tirés de  l’ancien ou du nouveau testament  : Madone, Christ souffrant, Piéta,  Job..., mais aussi  la  structure  traditionnelle  du  triptyque,  structure  qu’il  a  utilisée  à  plusieurs reprises. 

Selon les époques et les préoccupations de l’artiste, l’utilisation de la thématique religieuse est liée soit à des interrogations existentielles (“Je dois me rendre compte par moi‐même de tous  les abîmes de  l’existence”), soit au contexte historique  : solitude de Job  dans  l’Allemagne  dévastée  de  1946,  critique  du  nazisme  dans  “les  sept  péchés capitaux” (1933)... Dans le cas de “la guerre”, la forme (le choix du triptyque) rejoint le fond  (l’identification  du  massacre  à  la  passion  du  Christ),  dans  une  représentation clairement inspirée du retable d’Issenheim de Grünewald.  

 Un peintre pacifiste :   “Le tableau a été réalisé dix ans après la première guerre mondiale. J’avais, durant 

ces années, effectué de nombreuses études afin de réaliser ensuite un tableau traitant de cet événement. En 1928, je me suis senti prêt à aborder ce grand sujet dont l’exécution me préoccupa  durant  plusieurs  années.  A  cette  époque  d’ailleurs,  durant  la  République  de Weimar, de nombreux livres prônaient à nouveau librement l’héroïsme et une conception du héros qui avaient été poussés à l’absurde dans les tranchées de la première guerre. Les gens commençaient à oublier déjà ce que  la guerre avait apporté de souffrances atroces. C’est de cette situation­là qu’est né le triptyque.” (Dix)  

L’expérience de  la guerre a bouleversé Otto Dix. Engagé volontaire au début du conflit,  nationaliste  exalté  comme  une  grande  partie  de  la  jeunesse  de  son  pays,  il 

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découvre rapidement l’horreur et la souffrance et cherchera toute sa vie à l’exprimer par sa  peinture.  La  guerre  est  donc  un  des  grands  thèmes  obsessionnels  de  Dix  et  elle  a marqué toute son œuvre. “J’ai bien étudié la guerre. Il  faut la représenter d’une manière réaliste pour qu’elle soit comprise. L’artiste travaillera pour que les autres voient comment une chose pareille a existé. J’ai avant tout représenté les suites terrifiantes de la guerre. Je crois que personne d’autre n’a vu comme moi la réalité de cette guerre, les déchirements, les blessures, la douleur.” (Dix)  

Il a consacré à la première guerre mondiale un nombre considérable de dessins, gravures et peintures. En 1924, il réalise un cycle de gravures à l’eau‐forte qui évoquent par  leur  force  d’expression  certaines  images  de  Jacques  Callot  et  de  Goya.  Dans  les années 20  toujours,  il  peint  les  estropiés,  les  laissés‐pour‐compte,  les gueules  cassées, dont  les  représentations  pathétiques  contrastent  cruellement  avec  l’insouciance  des bourgeois et des femmes de petite vertu dans le Berlin des années folles. Dix a su créer des images devenues emblématiques de cette époque.  

Le triptyque “la guerre” est inspiré du roman pacifiste d’Erich Maria Remarque : on retrouve, en particulier dans le panneau de gauche et dans la prédelle, des allusions précises  au  roman  (voir  film).  Plus  tard,  Dix  rendra  un  hommage  appuyé  à  Henri Barbusse  et  à  son  livre  “le  feu”  avec  son  dernier  tableau  sur  la  guerre  :  “Flandres” (1936).  Bien  que  l’on  y  reconnaisse  des  uniformes  allemands,  le  triptyque  de  Dresde n’est pas un tableau spécifiquement sur la guerre de 14‐18, il a bien entendu une portée universelle. Dix a pris soin de ne pas  faire  figurer d’ennemi  :  les soldats survivants du carnage se retrouvent face à eux‐mêmes et à leurs angoisses. Le personnage immobile et énigmatique au centre du panneau du milieu,  le visage caché par un masque à gaz, n’a rien d’un héros d’épopée... Dans ses peintures et dessins réalisés pendant le conflit, Dix s’était surtout attaché à montrer les effets des combats sur la nature et les corps. Après la  guerre,  et  en  point  d’orgue  dans  son  triptyque,  c’est  le  message  d’une  souffrance indicible qu’il tente de faire passer.  

 Un peintre symboliste :   La  mise  en  scène  des  personnages  dans  “la  guerre”  s’accompagne  d’une 

théâtralisation  un  peu maniériste.  Le  symbolisme  s’exprime  en  particulier  dans  le  jeu des mains et les regards. Les mains tiennent un grand rôle dans la peinture d’Otto Dix, pour qui l’extérieur était souvent le reflet de l’intérieur. On repérera ici en particulier la main crispée du cadavre, presque exactement au centre du tableau, celle du squelette, le doigt  tendu,  et  celles  de  Dix  lui‐même,  agrippant  un  blessé.  De  la même manière,  les yeux sont, dans beaucoup de ses  toiles, porteurs d’émotion. L’observation des  regards fournit une des clefs du triptyque. La plupart des personnages ne voient rien ou presque rien  : yeux  fermés par  la mort ou  le sommeil,  regards obturés par  les bandages ou  les masques  à  gaz...  Des  deux  soldats  en  queue  de  peloton  du  panneau  de  gauche,  on  ne distingue qu’un œil, terne, interrogateur. Quel contraste avec l’autoportrait du panneau droit ! Un regard de feu, face au spectateur, symbolise l’extra‐lucidité du survivant.  

 Symbolisme encore dans le choix de la structure polyptyque, qui permet à Dix de 

figurer,  autour  d’un  tourbillon  mortel  (panneau  central)  le  cycle  éternel  de  la  vie (d’ailleurs évoqué par la roue dans le bas du panneau gauche).  

   

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Un peintre “dégénéré” :   “Cette  “tranchée”  n’est  pas  seulement  piètrement  exécutée,  elle  est  infâme,  avec 

cette  joie  insupportable  du  détail...  la  cervelle,  le  sang,  les  entrailles,  et  tout  cela  peut pourtant être magnifiquement représenté. Ainsi la deuxième anatomie de Rembrandt, avec ce ventre ouvert, est absolument sublime. Mais Dix est ­ excusez ce terme cru ­ à vomir. Il y a un tel étalage de sang, de cervelle et d’entrailles que cela provoque en nous une réaction animale  portée  à  son  paroxysme.”  Cette  critique  parue  dans  le  Deutsche  Allgemeine Zeitung du 13  juillet 1924, au sujet d’un  tableau d’Otto Dix détruit dans  les années 30 par les nazis, illustre la violence de certaines réactions dès l’époque de la république de Weimar. Malgré cela, Dix devient en 1927 titulaire d’une chaire à l’académie des Beaux‐Arts de Dresde, ce qui montre que son talent était officiellement reconnu.  

Ses ennuis commencent avec  l’arrivée d’Hitler au pouvoir en 1933. Rapidement limogé, classé parmi les artistes “dégénérés”, il devient un exclu. Son art est jugé par les nazis répugnant, antiallemand, judéo‐bolchevique... Ses toiles “blessent le sens moral au plus haut point, menacent le renforcement des mœurs et portent préjudice à la volonté de défense du peuple allemand” (avis du ministre de l’intérieur de Saxe, 13 avril 1933). Ses  œuvres  sur  la  guerre,  en  particulier,  provoquent  leur  colère  :  ils  détestent  son pacifisme,  ses  représentations  de  soldats  allemands  vaincus,  son  refus  de  représenter l’héroïsme guerrier.  

Ses œuvres  sont  retirées des musées allemands,  certaines brûlées. Plusieurs de ses  toiles  figurent  dans  l’exposition  “d’art  dégénéré”  organisée  par  les  nazis  pour illustrer leurs propres conceptions artistiques. Le triptyque, caché en lieu sûr, échappera à la fureur nazie.  

Pour Dix commence  la période de  l’exil  intérieur.  Il va encore peindre quelques toiles  “engagées”  comme  “Flandres”  ou  “les  sept  péchés  capitaux”, mais  qui  ne  seront connues  du  grand  public  que  des  années  plus  tard.  Pour  échapper  à  la  censure,  il  se cantonne à la fin des années 30 dans des thèmes neutres : paysages, madones... “On m’a exilé  dans  le  paysage”.  Otto  Dix  ou  l’exemple  d’un  artiste  vaincu  par  l’oppression:  les nazis lui ont tout pris, ses tableaux, sa liberté de création, et jusqu’à son talent. Jamais, dans ses  tableaux d’après‐guerre,  il ne retrouvera  l’inspiration et  la profondeur de ses œuvres des années 20 et 30. 

 Problématique :  pourquoi  la Grande  guerre  a‐t‐elle  autant  parqué  les  esprits  et 

reste‐t‐elle encore aujourd’hui un événement majeur de l’histoire européenne ?  I. Phases et théâtres de la première guerre mondiale  A. Une guère d’abord européenne 1. La crise l’été 1914 (déjà vu dans le chapitre précédent). 2. Les principales phases de la guerre  Une étude de cas : le chemin des Dames  Doc. 1 Chronologie des événements du Chemin des Dames (1914­1918)  Source  :  D’après  les  travaux  d’André  Loez  «  C’est  à  Craonne,  sur  le  plateau…  » 

Dossier pédagogique pour une visite au Chemin des Dames, CRID 14‐18 et du Hors‐série du magazine l’Aisne 1917‐2007 Chemin des Dames, 90e anniversaire, mars 2007.  

Doc  6  La  nature  de  l’activité  du  front  et  le  traitement  des  corps  sur  le 

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Chemin des Dames entre le 3 aout 1914 et la 11 novembre 1918  Le tableau a été réalisé à partir de  l’article de Thierry HARDIER, « Mourir sur  le 

Chemin  des  Dames  :  le  traitement  des  corps,  les  sépultures  et  monuments  pendant  la guerre  »  in  Nicolas  OFFENSTADT  (sd),  Le  Chemin  des  Dames  de  l’événement  à  la mémoire, Paris, Stock, 2004, 494 p.  

 Les grandes étapes du conflit sur le chemin des Dames • Le  déroulement  de  la  guerre  au  Chemin  des  Dames  coïncide­t­il  avec  les 

grandes phases du conflit ? Justifiez votre réponse • Quelle  est  la  nature  de  l’activité  du  front  dans  le  secteur  du  Chemin  des 

Dames ? doc 6  La guerre de mouvement, première phase du conflit commencée depuis  le mois 

d’août  1914  se  termine dès  les mois  de  septembre  ‐  octobre 1914 dans  le  secteur  du Chemin des Dames. La défaite de l’armée allemande, lors de la bataille de la Marne (6 au 9  septembre  1914),  oblige  celle‐ci  à  se  replier  d’une  quarantaine  de  kilomètres  pour s’établir  au  niveau  de  l’Aisne.  Le  12  septembre  1914,  la  contre‐offensive  franco‐britannique se brise sur les hauteurs qui dominent l’Aisne. A l’Est de Soissons commence la première bataille du Chemin des Dames. Le surlendemain, les régiments du 18e corps d’armée française s’élancent à l’assaut du plateau de Craonne et de la ferme d’Hurtebise mais la percée franco‐anglaise échoue.  

Au  soir  du  14  septembre,  les  combattants  des  deux  camps  creusent  leurs premières tranchées sur le plateau.  

Ce sont les combats évoqués par ce jeune basque de 25 ans, Emile Lesca, du 34e régiment d’Infanterie  engagé dans  ce  secteur  le 14  septembre 1914  (document 10).  Il relate, dans une lettre à sa sœur datée de décembre 1914,  les premiers combats,  leurs violences ainsi que les nouvelles conditions de vie dans les premières tranchées. Après six  semaines  de  combats  et  des  milliers  de  morts  de  part  et  d’autres  (ex  :  les Britanniques  ont  5000  hommes  mis  hors  combat  le  15  septembre  1914),  le  front  se stabilise  dans  le  secteur  du  Chemin  des  Dames  :  les  Allemands  sur  les  hauteurs,  les Français dans la vallée ou sur les pentes… (document 9 c/).  

Dans les semaines suivantes, à partir de novembre 1914, les deux armées tentent vainement de se déborder par l’ouest : c’est la « course à la mer » et le front se stabilise sur 700 kilomètres, de la mer du Nord à la frontière suisse. Aucune des deux armées n’a opéré  de  percée  décisive.  Les  États‐majors,  après  avoir  misé  sur  une  victoire  rapide, renoncent à la guerre de mouvement.  

Les  combattants  sont  alors  confrontés  à  une  guerre  nouvelle,  la  phase  la  plus longue  :  la  guerre de  tranchée ou  guerre de position de novembre 1914  jusqu’en mai 1918, pour le secteur du Chemin des Dames. La guerre devient une guerre d’usure, une guerre industrielle où les tranchées se transforment en lieu de vie pour les combattants.  

Le document 6 permet de s’interroger sur les différents types d’activités du front pendant ces phases et qui ont prévalu dans ce secteur.  

 Au nombre de quatre, on peut distinguer les périodes où : • le  Chemin  des  Dames  se  trouve  complètement  en  dehors  de  la  zone  de combat (129 jours),  

• le  front  passif  (1129  jours)  c‘est‐à‐dire  où  le  front  reste  très  calme  ou relativement calme,  

• le front devenu actif (214 jours) marqué par des attaques locales d’infanterie, 

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des  bombardements  prolongés  et  des  préparations  d’artillerie  en  vue  des grandes attaques et enfin  

• les grandes offensives (40 jours).  Les  2/3  du  temps  de  guerre  dans  ce  secteur  correspondent  à  un  front  passif, 

c’est‐à‐dire où  l’activité des  infanteries  se  réduit  à une  fonction défensive  en assurant l’inviolabilité  du  front  en  tenant  les  tranchées.  Ce  qui  ne  signifie  pas  que  la mort  est totalement absente du plateau. On meurt chaque  jour sur  le Chemin des Dames même lorsque le front est qualifié de front passif. L’exemple du 18e Corps d’Armée qui occupe ce secteur illustre cette  idée.  Il comptabilise 942 tués entre  le 1er février et  le 23 avril 1916 soit 2 tués en moyenne par jour essentiellement dus à des tirs d’artillerie. Les tirs sont réguliers pendant  la période du  front passif car  ils correspondent au changement d’équipes d’artilleurs qui se livrent alors à des tirs de réglages.  

Connaître  la  nature  de  l’activité  du  front  est  importante  car  elle  détermine  les conditions  de  vies  des  soldats.  Ce  n’est  pas  la  même  chose  d’être  sur  le  Chemin  des Dames en 1916 et en avril 1917 lors de l’offensive du général Nivelle.  

 La  guerre  de  mouvement  reprend  au  printemps  1918  (troisième  et  dernière 

phase)  après  le  déclenchement  d’une  succession  d’opérations  sur  le  front  occidental menées  par  l’armée  allemande.  En  effet,  l’entrée  en  guerre  des  États‐Unis  et  la révolution russe modifient l’équilibre stratégique.  

A partir du 21 mars 1918, l’armée allemande reprend l’initiative en déclenchant une  succession  d’offensives  sur  le  front  occidental  (offensive  Michael,  offensive Georgette). Les Allemands retrouvent les lignes d’avancée maximale de septembre 1914 mais l’offensive allemande est stoppée le 4 juin. Dès lors, les Alliés reprennent l’initiative jusqu’à la signature de l’armistice le 11 novembre 1918 à Rethondes 

 Contextualisation   Ainsi, on retrouve, à travers ce secteur géographique qu’est le Chemin des Dames 

toutes  les  grandes phases de  la  guerre  :  la  guerre de mouvement qui prend  fin dès  le mois  de  septembre,  les  premières  tranchées  avec  la  guerre  de  positions  et  enfin l’offensive  allemande  du  printemps  1918  qui  marque  la  reprise  de  la  guerre  de mouvement jusqu’à la contre‐offensive alliée également menée dans ce secteur.   

Carte plan Schlieffen, début de la guerre   

B. L’Europe est le principal théâtre de la guerre  Même s’il s’agit de la première guerre mondiale 

 Carte des opérations militaires  Europe puis extension 

 Voir les cartes du livre 

 II. Les combattants 

 Reprise de l’étude de cas sur le Chemin des Dames 

 

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Doc 5a : effectifs à la veille de l’offensive Nivelle Doc 5b : matériels mobilisés à la veille de l’offensive,  Doc 5c : effectifs et matériel côté allemand,  Doc 5d : pertes françaises,  Doc 7 : trois soldats assis sur les ruines d’une verrerie Compléments :  Doc 9b : offensive de 1917 ; doc 11 : les tirailleurs sénégalais ; doc 15 une guerre 

qui touche les civils : le village de Craonne.  

Questions : La mobilisation des soldats : l’exemple de l’offensive Nivelle du 16 avril 1917. 

En étudiant  les  effectifs mobilisés  lors  de  l’offensive Nivelle, montrez  l’ampleur de l’effort de guerre accompli par les différents pays (doc 5a, 5c) 

De nombreux civils subissent les violences de la guerre. De  quelles  manières  les  populations  ont­elles  été  touchées  par  les  batailles  du 

Chemin des Dames ? Doc 7  Entre  1914  et  1918,  ce  sont  sans  doute  plus  de  1000  régiments  français  et 

coloniaux,  allemands,  mais  aussi  britanniques,  américains,  italiens,  russes  qui  ont combattu  au  Chemin  des  Dames.  L’engagement  humain  dans  ce  secteur  à  la  veille  de l’offensive du 16 avril 1917 est important, près d’un million d’hommes sont rassemblés sur la moitié d’un département (document 5a).  

Il  s’agit  d’une  mobilisation  de  masse  pour  de  nouveaux  types  de  combats.  La guerre de position, qui s’accompagne de pertes énormes, oblige les États à faire appel à toutes  les  ressources  humaines  : mobilisation  de  nouvelles  classes  d’âge,  recrutement colonial,  passage  à  la  conscription  en Angleterre.  Le document 11 permet d’étudier  le parcours de deux tirailleurs sénégalais présents lors de l’offensive Nivelle.  

Les premiers bataillons de tirailleurs sénégalais ont été créés à partir de 1857 par le  général  Faidherbe,  gouverneur  du  Sénégal.  Ceux  qu’on  appelle  les  «  tirailleurs sénégalais » pendant la guerre de 1914‐1918 sont donc originaires de toute l’ancienne Afrique–Occidentale–Française (AOF) et ne sont soumis à  l’autorité coloniale  française que  depuis  une  trentaine  d’années.  A  quelques  rares  exceptions,  ces  hommes  venus d’Afrique  pour  défendre  la  République  ne  jouissent  pas  des  droits  civiques  et comprennent à peine  le  français. Au  total, de 1914 à 1918, 165 000  tirailleurs ont été recrutés en AOF plus 17 000 tirailleurs d’Afrique‐Equatoriale‐Française (AEF) auxquels. De même, à la veille de l’offensive Nivelle, ce sont 20 bataillons, soit un peu plus de 15 000 hommes, qui  sont rassemblés en première  ligne. Mais 1 100 d’entre eux, victimes des  intempéries,  sont  évacués  avant  le  16  avril  pour  pneumonies  ou  engelures.  Le général Mangin les engage à attaquer autour de Vauxaillon‐Laffaux et autour de Paissy‐Hurtebise. Dès  les premier  jours de  l’offensive,  au moins 1 400 Sénégalais  trouvent  la mort dans les combats pour la conquête du Mont des singes, pour la prise des fermes de Moisy, d’Hurtebise et sur les pentes d’Ailles (document 9b). La plupart des « bataillons noirs  »  sont  relevés  dès  le  18  avril  à  cause  des  pertes  très  élevées  qu’ils  ont  subies (souvent  les  trois quarts de  leurs effectifs). Le général Mangin a gagné au Chemin des Dames une réputation de « boucher » et de « broyeur de noirs », qui amène le général Nivelle à lui retirer le 29 avril, le commandement de la VIe armée.  

   

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Contextualisation   Pendant  la  Grande  Guerre,  l’Afrique  noire,  selon  les  statistiques  officielles,  a 

perdu 65 000 tirailleurs, 29 000 sont morts (soit presque un homme mobilisé sur cinq) et  36  000  ont  été  blessés  au  cours  du  conflit.  L’engagement  humain  est  total  dans  la bataille  du  Chemin  des Dames  comme  il  l’a  été  pour  les  pays  engagés  dans  le  conflit. Ainsi, en 1914, les deux camps en présence mobilisent plus de 21 millions d’hommes. A la fin de la guerre, ce sont près de 70 millions d’hommes qui ont été mobilisés.  

La  France,  quant  à  elle, mobilise  plus  de  8,5 millions  d’hommes  dont  600  000 soldats nord‐africains, sénégalais, et indochinois.  

On peut évoquer  le rôle de Blaise Diagne (1872‐1934).  Il est  le premier africain noir à siéger au Parlement français.  

Pendant  la  guerre,  il  intervient  à  plusieurs  reprises  à  la  chambre  des  députés pour  dénoncer  les  conditions  faites  aux  tirailleurs  sénégalais,  que  se  soit  au  front  ou dans  les  camps  d’hivernage.  Lors  du  comité  secret  du  29  juin  1917,  il  prononce  un réquisitoire  contre  les  responsables  de  l’offensive  Nivelle  du  16  avril,  en  particulier contre le général Mangin, qui ont engagé les soldas noirs « un peu comme du bétail ». Au début de 1918, Clemenceau lui confie la mission de recruter en Afrique des milliers de nouveaux  soldats  noirs  sans  soulever,  comme  en  1915‐1916,  de  rébellion.  Dans  une longue tournée à travers l’AOF, il se présente comme le promoteur de l’égalité avec les Français  de métropole  :  « En  versant  le même  sang,  vous  gagnerez  les mêmes  droits ». Promesse  qu’il  tient  à  des  hommes  privés  du  droit  de  vote,  soumis  au  Code  de l’Indigénat et à l’impôt de capitation.   

A. Se préparer, s’équiper  1. Qui sont‐ils ?  

Un engagement de masse, une armée de masse. Les  volumes  humains  mobilisés  n’avaient  jamais  été  atteints.  12  millions 

d’hommes en Europe sont engagés dès l’été 1914. Les tableaux mettant en parallèle les mobilisés et les décédés permettent de saisir l’ampleur de ces volumes.  

Quelques remarques.  En France, une armée de conscription se nourrit des classes d’âges mobilisées par 

les  pouvoirs  publics  de  18  à  48  ans.  Ainsi  environ  8,5  millions  d’hommes  ont  été mobilisés pendant la durée du conflit.  

En  Grande  Bretagne  la  démarche  est  sensiblement  différente.  Le  corps expéditionnaire  se  nourrit  d’une  armée  de  métier  limitée  en  nombre  et  surtout d’engagés volontaires nombreux,  recrutés dans  le cadre d’une campagne  impulsée par Lord Kitchener. Ces volontaires sont estimés à environ 2,6 millions. Cependant un peu moins de 6 millions de soldats ont servi pendant les quatre années. À partir du début de l’année 1916, le recrutement sur la base du volontariat ne peut satisfaire les exigences en nombre, aussi, décision de temps de guerre,  les Britanniques mettent‐ils sur pied la conscription, entre 1916 et 1918 (ils la reproduisent en 1940).  

Les  États‐Unis,  engagés  dans  la  guerre  depuis  avril,  offrent  un  corps expéditionnaire de 150 000 hommes  en décembre 1917. Moins d’un  an plus  tard,  1,8 million de sammies sont présents en Europe.  

Les coloniaux sont aussi présents comme l’a montré l’étude de cas 

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 En tout, 70 millions d’hommes sont mobilisés dans cette guerre, du jamais vu 

 2. Comment sont‐ils équipés ?  Étude de K le Chemin des Dames Question  

• À  partir  du  doc  3c  et  3d  relevez  les  différentes  armes  utilisées  et  rencontrées  sur  le champ de batailles du chemin des Dames par Paul Clerfeuille. 

 Doc 3 Paul Clerfeuille, simple soldat 

Paul Clerfeuille donne de précieuses indications sur l’armement utilisé le jour de l’attaque du 16 avril : « quatre grenades citron, un pistolet automatique, trois chargeurs, une poignée de balles,  un  couteau poignard dans une gaine pendue à  la gauche de mon équipement  et,  enfin, mon  fusil  Lebel  et  ses  cartouches,  les  deux masques  à  gaz  et  sans oublier mon casque ». Les armées du début de  la guerre sont des armées de  fantassins entraînés à porter leur maison sur le dos. Il n’est pas rare que le soldat se déplace avec un  chargement  d’une  trentaine  de  kilos,  voire  davantage.  On  comprend  dès  lors l’épreuve épuisante que représente le moindre déplacement à travers les sinuosités des boyaux.  

L’équipement de Paul Clerfeuille est représentatif de l’équipement du soldat de la Grande Guerre.  

L’armement du  fantassin repose sur  le  fusil,  le Lebel  français qui pouvait  tirer jusqu’à  12  coups  par minute.  Les  fusils  évoluèrent  peu  à  l’exception  de  l’introduction d’un  nouveau  modèle  en  1916  dans  l’armée  française  disposant  d’un  chargeur  et susceptible  d’atteindre  une  capacité  de  tir  de  20  coups  à  la  minute.  Paul  Clerfeuille donne peu d’indications sur la capacité de son arme le jour de l’offensive, il semble qu’il s’agisse  plutôt  du  fusil  Lebel  «  classique  ».  Néanmoins  aucun  tir  collectif  de  fusils  ne pouvait rivaliser avec  l’efficacité d’une mitrailleuse dont  la présence est régulièrement évoquée  dans  son  témoignage  causant  les  pertes  les  plus  importantes  :  «  la  première vague part, mais est au deux tiers fauchée par les mitrailleuses… à gauche, une mitrailleuse en batterie…pour traverser en face de la mitrailleuse… ». Très meurtrières sur les champs de batailles, elles constituaient pourtant une arme encombrante : elles pesaient entre 40 et  60  kg.  Trois  à  six  hommes  étaient  nécessaires  pour  les  faire  fonctionner,  d’où  leur utilisation  surtout  défensive,  à  partir  d’abris  camouflés  et  protégés.  Par  contre,  les grenades prennent une place croissante dans l’équipement des soldats, c’est d’ailleurs la première  arme  de  son  équipement  qu’il  cite.  Les  exigences  du  combat  rapproché développent  les  armes  de  corps  à  corps  comme  le  couteau  poignard  qu’il  a  dans  une gaine pendue à gauche de son équipement, arme dont  il est difficile de savoir à quelle échelle  et  de  quelle  manière  elles  étaient  employées.  La  principale  innovation  dans l’équipement décrit par Paul Clerfeuille est la présence d’un casque. A partir de 1915, il s’affirme comme essentiel pour la protection du crâne et de la nuque. Il ne protège pas contre un coup direct, mais il est en mesure de faire ricocher un projectile ou d’arrêter des éclats de petite  taille. La présence des deux masques à gaz évoque  l’apparition de l’arme chimique au cours de la Grande Guerre. Elle constitue l’un des faits militaires les plus  marquants  du  conflit.  L’arme  chimique,  à  l’instar  de  nombreuses  tentatives tactiques, était une des voies suivies pour tenter de reconquérir le mouvement.    

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Contextualisation   • Uniformes voir doc, en particulier  l’évolution qui montre que  la guerre a 

changé de nature ce que les Allemands avaient déjà compris par rapport aux Français.  • L’équipement, les armes. Doc sur le bardas du poilu environ 30 kg, à partir 

de 1915 présence du masque à gaz, fusil Lebel, grenade etc  L’évolution  est  à  mettre  en  rapport  avec  les  progrès  de  la  seconde 

industrialisation en particulier en se qui concerne l’apparition des armes chimiques en particulier le gaz hypérie, dit gaz moutarde du fait de sa couleur.  

Autre évolution aussi liée à l’industrialisation celle de l’aviation qui commence à jouer un rôle dans la guerre à partie de 1917 voir doc. 

 B. Combattre  1. Les tranchées  Étude de cas du Chemin des Dames 

doc 3 Paul Clerfeuille, simple soldat et doc 4 Alphonse Didier, fusillé la 12 juin 1917  Questions  Vivre…. 

• Relevez les éléments importants de la biographie de Paul Clerfeuille et de Alphonse Didier. Quelles sont les limites de leurs témoignages ?  

• Dans quelles conditions Paul Clerfeuille et Alphonse Didier vivent‐ils au front ….et mourir au Chemin des Dames. 

• Qui meurt au Chemin des Dames ? Et comment ? doc 3, 4, 6 et 7 Doc 7 Trois soldats assis sur les ruines d’une verrerie  

L’expérience combattante de chaque soldat est différente en  fonction des  jours, des  mois,  des  années  et  des  secteurs  géographiques  mais  tous  ces  hommes  ont  en commun un lieu, la tranchée. À partir de la fin de l’année 1914 sur le front occidental, les soldats,  épuisés  par  les  immenses  efforts  de  la  guerre  de  mouvement  et  par l’impossibilité  de  se déborder,  creusent  alors des  trous  individuels  qu’ils  relient  entre eux, formant ainsi les premières lignes de tranchées, profondes d’environs 2 m à 2,50 m et larges de 30 à 50 cm à la base, quelquefois à quelques dizaines de mètres les unes des autres.  Ce  système  exprime  une  supériorité  de  la  défense  sur  l’attaque  qui  constitue l’une des caractéristiques majeures de la Grande Guerre. La tranchée devient un monde à part marquant à jamais les soldats qui y vivent et reste, comme le précise Jean‐Jacques Becker, le symbole de la Grande Guerre.  

 C’est  dans  ce  cadre  que  Paul  Clerfeuille  (document  3)  et  Alphonse  Didier 

(document  4),  deux  combattants  du  Chemin  des  Dames  évoluent.  Deux  trajectoires différentes,  mais  précieuses  pour  saisir  les  conditions  de  vie  auxquelles  ils  sont confrontés.  

 Paul Clerfeuille, originaire de la Vienne, est un homme de 32 ans, marié et père 

de deux enfants. Sans instruction particulière, il exerce le métier de roulier comme son père  à  Civray  avant  d’être mobilisé  le  5  août  1914.  Il  combat  quelques  semaines  plus tard  en  Lorraine  puis  demeure  à  l’arrière  presque  toute  l’année  1915  suite  à  une 

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maladie. Il part à Salonique en janvier 1916 et revient en juillet atteint du paludisme. En novembre, il est en Champagne puis participe à l’offensive du 16 avril 1917 avec le 273e Régiment  d’Infanterie.  Pendant  deux  ans,  après  sa  démobilisation  le  11 mars  1919,  il consacre « ses veillées » à recopier ses notes, les détaillant parfois selon les images que lui fournissait sa mémoire. Il y écrit ses souvenirs avec le seul souci de raconter ce qu’il a vu et vécu.  Il  livre rarement ses sentiments. Quelques allusions montrent qu’il est peu sensible à  la  religion et qu’il  regrette que  la  clairvoyance de  Jaurès n’ait pas porté  ses fruits, comme l’indique Rémy Cazals. Son témoignage est celui d’un homme engagé dans une grande offensive qui s’inscrit dans un temps court de la Grande Guerre (document 6) mais le plus meurtrier. Il s’agit donc d’un récit dans l’après‐coup sans que l’on sache ce qui relève d’une écriture immédiate des événements d’une réécriture d’après guerre.  

 L’itinéraire  de  Alphonse  Didier,  33  ans,  marié,  trois  enfants,  employé  de 

commerce,  originaire  des  Vosges,  diffère  de  celui  de  Paul  Clerfeuille.  Soldat  au  18e Régiment d’Infanterie, il est impliqué dans les mutineries qui se déroulent à Villers‐sur‐Fère  le 27 mai 1917. Reconnu coupable d’avoir menacé de mort ceux qui ne voulaient pas se joindre à l’émeute et d’avoir giflé un officier qui s’interposait pour rétablir l’ordre, il est fusillé le 12 juin 1917 à Maizy (Aisne) avec trois autres compagnons de son unité (Denis Rolland). L’enquête réalisée suite à la violente manifestation des hommes du 18e R.I. et  les propos recueillis par son aumônier  transcrits par  le général Hirschauer sont les principales sources. Elles permettent de retracer le fil de cette journée du 27 mai et d’être au plus près du vécu du  soldat Alphonse Didier.  Il  s’agit donc du parcours d’un homme construit à partir de sources essentiellement judiciaires et militaires.   

Ces  deux  profils  ainsi  que  le  document  9e  (coupe  topographique  Saint  Victor/ Bois du  roi), permettent de mieux appréhender  les  conditions de vie des  soldats ainsi que toute la complexité de leur vécu au front et à l’arrière. La coupe topographique met en  relief  la  configuration du  terrain  et  par  là même  les  difficultés  rencontrées  par  les soldats  français  le  jour  de  l’offensive  Nivelle  pour  remplir  la  mission  qui    leur  était assignée. L’importance de la dénivellation du terrain associée aux nombreuses défenses allemandes – mitrailleuses,  abris  fortifiés,  avant‐postes à  flanc de  coteau –,  expliquent les  difficultés  rencontrées  par  les  soldats  pour  réaliser  la  percée  tant  espérée  mais également pour se déplacer dans des boyaux avec un équipement de plusieurs dizaines de  kilos.  Les  tranchées,  volontairement  sinueuses  pour  limiter  les  pertes  que provoquerait un tir en enfilade, deviennent un véritable calvaire pour les hommes lors de leur déplacement, qu’il soit collectif pour assurer la relève en première ligne ou bien individuel  pour  aller  chercher  la  soupe  à  la  roulante.  C’est  le  cas  de  Paul  Clerfeuille lorsqu’il  doit  prendre  position  dans  les  tranchées,  près  de  Craonnelle  avec  ses camarades, la nuit précédant le déclenchement de l’offensive Nivelle du 16 avril 1917 (il fait partie de  la deuxième vague)  :  « … nous devons atteindre ….Craonnelle.  (…) Nous  y arrivons,  après  mille  détours  et  contours  dans  les  boyaux,  vers  4h…  ».  Avec  ses compagnons, il marche pendant une heure et demie, de nuit pour rejoindre sa position avec un équipement que  l’on devine  très  lourd puisqu’il  part  avec des  vivres pour  six jours auxquels il faut ajouter son équipement de soldat (fusil, grenades, cartouches…). Il précise  également  que  ce  déplacement  est  précédé  d’une  « nuit  sans  sommeil  due  aux préparatifs ».  

Le manque  de mobilité  des  troupes  est  accentué  par  les mauvaises  conditions météorologiques. Le 16 avril 1917, et les jours suivants, elles sont extrêmes raconte Paul Clerfeuille : « La température s’en mêle, le ciel s’assombrit et la neige tombe à gros flocons 

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comme  en  décembre  »  puis  le  lendemain  :  «  nous  sommes  gelés  et  une  eau  glaciale  a succédé à la neige ». Le secteur du Chemin des Dames, au début de l’année 1917, connaît un  hiver  rigoureux  avec  des  températures  atteignant  les  –  20°C.  Les mois  de mars  et d’avril  alternent  des  épisodes  de  froid  et  de  neige.  Ces  conditions  accentuent  les difficultés du quotidien du combattant. Toutefois, même par temps sec, les transports à dos  d’homme,  pour  ravitailler  les  tranchées,  sont  pénibles  du  fait  de  l’étroitesse  des boyaux.  

La lettre d’Emile Lesca, doc 10, soldat du 34e Régiment d’Infanterie, adressée à sa sœur  où  il  relate  ce  qu’il  a  vécu  au  mois  de  septembre  1914  va  dans  le  même  sens (document 10) : « Le 13 septembre (1914), nous montons à l’assaut du plateau (…) Nous faisions nos besoins dans des boîtes que nous  jetions au­dessus de  la  tranchée  (…) ». Les tranchées sont donc, dès les premières semaines du conflit, un véritable enfer pour les combattants et les conditions, au regard du témoignage de Paul Clerfeuille, s’améliorent très peu, en premières lignes, durant les quatre années de guerre.  

La tranchée est aussi le lieu ou l’on conserve un lien avec l’arrière, la famille grâce aux courriers : « (…) comme nous savons pas si nous en reviendrons, il fallait en profiter ; une  courte  lettre  à  sa  famille,  presque  un  adieu  ».  En  première  ligne,  les  combattants demeurent une quinzaine de jours dans des tranchées qui ne sont pas prévues pour des séjours prolongés, avant de laisser la place à la relève et de partir vers les lignes arrière. C’est  ici  que  le  soldat  prend  le  temps  d’écrire  à  ses  proches  ou  bien  de  prendre  des renseignements sur son bétail ou son exploitation.  

Le  récit  de  la  violente  manifestation  à  Villers‐sur‐Fére,  le  27  mai,  donne également  de  précieux  renseignements  sur  la  vie  à  l’arrière.  Lors  de  la  relève  du  18e Régiment  d’Infanterie  après  les  durs  combats  sur  les  plateaux  de  Californie  et  de Craonne,  une première  série  de  permissions  est  distribué  (25% de  l’effectif)  avant  de diminuer très fortement (9 %).  Il ressort également du document 4,  le rôle  joué par  le débit  de  boisson  «  Au  rendez­vous  des  poilus  »  situé  en  face  du  cantonnement.  Les hommes s’y retrouvent, bavardent, échangent des nouvelles autour d’un verre de vin, et s’inscrivent  dans  une  sociabilité  proche  de  celle  qu’ils  connaissent  dans  leurs  villages pour la plupart.  

Il est à noter également que, par le contact avec la population civile et les soldats rencontrés  provenant  des  autres  régiments,  les  soldats  connaissent  et  assurent  une transmission des nouvelles entre les hommes.  

De même,  le document 17 L’heure de  la soupe dans  les  tranchées à  l’arrière, une autochrome, montre une  toute  autre organisation de vie  alors que  les hommes  sont  à quelques  kilomètres  du  champ  de  bataille.  Autrement  dit,  la  vie  des  poilus  est  très différente selon la distance qui les sépare du front et ces différents documents mettent en lumière toute la complexité du vécu des soldats de la Grande Guerre. A l’arrière, c’est pour le poilu un moment où il peut s’occuper de lui (hygiène) mais aussi répondre aux attentes des États‐majors en faisant des exercices militaires ou des défilés.  

A  ces  conditions  de  vie  au  front  viennent  s’ajouter  les  peurs  et  les  angoisses inhérentes  à  l’attaque  de  la  tranchée  ennemie.  La  mort  est  omniprésente.  Dans  son témoignage,  Paul  Clerfeuille  n’évoque  pas  son  ressenti  au  moment  de  sortir  de  la tranchée, mais décrit plutôt ce qu’il voit c’est‐à‐dire ses camarades tombés au cours de l’attaque ainsi que l’ampleur des pertes : « nous heurtons des morts de la première vague (…)  ça  et  là  des  morts  et  des  mourants  (…)  nous  gravissons  des  ravins,  redescendons, heurtons à chaque pas des morts  (…) nous remplaçons un bataillon qui n’a presque plus personne  (…)  nous  en  sommes  écœurés,  nous  avons  les  larmes  aux  yeux.  Quelques sénégalais, morts eux aussi (…) ».  

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Les tranchées, c’est aussi le danger permanent provoqué par les tireurs ennemis et  les  bombardements.  Chaque  jour,  dans  le  secteur  du  Chemin  des  Dames,  des combattants  sont  tués  ou  blessés  (document  6).  L’exemple  du  18e  Corps  d’Armée présent  dans  ce  secteur  est  très  parlant  puisqu’il  comptabilise  942  tués  entre  le  1er février 1915 et le 23 avril 1916 soit une moyenne de 2 tués par jour alors que le secteur ne connaît aucune grande activité militaire. Cette période est d’ailleurs qualifiée de front passif  (très  calme  voir  relativement  calme).  L’étude  du  document  7  souligne  que  les populations civiles font également partie des victimes. Les destructions engendrées par les bombardements d’artillerie des villages sont meurtrières.  

La coupe topographique (document 9 e voir plus haut) montre un autre aspect du champ de bataille, celui du no man’s land. Cette zone de danger extrême qui sépare les belligérants  mesure  quelques  centaines  de  mètres  dans  les  zones  de  plaines  jusqu’à quelques dizaines de mètres seulement en forêt ou en montagne. Le village de Craonne, situé au cœur du no man’s land, est pris entre les feux des combattants des deux camps ce qui explique sa totale destruction  

(document 15 Une guerre qui touche les civils : le village de Craonne).   

Craonne, chef  lieu de canton, 608 hab. recensement de 1911 avant la guerre est totalement ravagé après les combats en 1917. Le site de l’ancien village, classé en zone rouge  est  confié  en  mars  1931,  aux  services  des  Eaux  et  Forêts.  Un  arboretum commence  à  y  être  planté  en  1941  avec  l’aide  financière  de  la  Suède.  Le  site  est désormais inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments historique (2003). « Le conseil municipal renonce définitivement à réclamer le Vieux Craonne et demande que les  Eaux  et  forêt  le  conservent  et  en  fassent  un  parc  qui  perpétuera  le  souvenir  de l’ancien  village  pendant  la  guerre. »  Délibération  du  Conseil  Municipal  de  Craonne  7 décembre 1930)  Craonne en 1917 après les combats, Craonne en 2006  

Contextualisation  Le  lieu  emblématique  de  la  Grande  guerre est  donc  la  tranchée  qui  transforme 

radicalement le champ de bataille donc le type de combat. Pourquoi  et  à  partir  de  quand  les  hommes  s’enterrent‐ils  dans  ce  réseau  de 

tranchées ?  Dès  la  fin de 1914 voir étude de K sur  le Chemin des dames dès octobre 1914. 

C’est  l ‘échec  de  la  guerre  de mouvement,  cela  correspond  à  un  relative  équilibre  des forces de par et d’autres de la ligne de front qui s’étend sur 700 km de la Mer du Nord à la Suisse.  

 Doc sur les tranchées. 

 Avec le passage de la guerre de mouvement à la guerre de position, s’installe donc 

un nouveau type de guerre, celui de  la guerre de matériel, dont  les conséquences sont rapidement  terribles.  Les  gros obus utilisés pulvérisent  les  corps dont on ne  retrouve rien  (d’où  le  nombre  de  disparus)  et  dont  les  éclats  peuvent  couper  un  homme  en deux…, des gaz de combats, des grenades et des mitrailleuses deviennent les armes clés de  la  guerre…  les  ballent  tuent  avec  une  efficacité  inconnue  jusque‐là  (elles  sont devenues coniques, rapides et pivotantes).  

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Les batailles sont très longues : la bataille de la Somme dure quatre mois de juillet à novembre 1916, Verdun 10 mois. Il s’agissait plus de sièges en rase campagne que de batailles.  Le  champ  de  bataille  s’est  considérablement  élargi  à  cause  de  la  portée  des armes : ainsi  la notion même de champ de bataille perd de son sens. Les modalités du combat changent aussi.  

Cent  ans  auparavant,  les  soldats  sont  au  coude  à  coude,  debout,  étincelants,  ils sont désormais dispersés, isolés et presque perdus dans le fracas des détonations, voire laissés à eux‐mêmes quand les liaisons sont coupées comme à Verdun, et disséminés au hasard des trous d’obus. À la fin c’est  même la mort des batailles puisque la profondeur des arrières  fronts permet premières  lignes de se ravitailler, de résister aux nouvelles poussées ennemies. Sur  la Somme, en 1916, quatre millions d’hommes se sont relayés de part et d’autre d’un front de 40 km de long. Plus du quart fut tué, fait prisonnier ou porté  disparu.  Toute  offensive  était  condamnée.  Il  fallut  les  chars,  l’arrivée  des Américains et les offensives aériennes de 1918 pour briser cette nouvelle configuration.  

2. Souffrir/ faire souffrir  Reprendre  les  documents  sur  les  conditions  de  vie  dans  les  tranchées  qui 

montrent dans l’étude K sur le chemin des Dames  Contextualisation  La  Grande  Guerre  est  d’une  violence  jamais  atteinte  jusqu’alors  ;  «  la 

radicalisation de l’activité guerrière est au cœur de l’expérience de guerre des combattants de  toutes  les  armées  engagées  dans  le  conflit  »  (Anne  Dumenil).  Le  niveau  des  pertes humaines  est  le  premier marqueur  de  ce  changement.  Chaque  jour,  900  soldats  sont tombés  côté  français,  457  côté  britannique,  1  300  côté  allemand  et  1  459  côté  russe. Dans  les  conflits  précédents,  les  pertes  étaient  essentiellement  provoquées  par  les maladies.  Elles  sont  désormais  imputables  à  des  blessures  qui  sont  «  d’une  variété  et d’une  gravité  sans  précédent  »  comme  le  souligne  Stéphane Audouin‐Rouzeau. D’août 1914  au  31  juillet  1918,  l’armée  française  dénombre  3,6 millions  de  blessures  et  2,8 millions de blessés. Elles sont de 70 à 80% provoquées par les obus et leurs éclats alors qu’au XIXe siècle, 85% des blessés de guerre étaient le fait de balles. L’effet du souffle est aussi  redouté pour  les hémorragies  internes qu’il provoque et qui  tuent  les soldats en quelques heures. De plus, ces données ne tiennent pas compte des énormes écarts selon les mois et les années : le vingt‐deux août 1914, 27 000 soldats français trouvent la mort.  

 Au Chemin des Dames, ce sont également les tirs d’artillerie qui causent le plus de 

pertes (document 6). Les hommes sont confrontés à de nouvelles armes industrielles ce qui constitue une profonde mutation sur le champ de bataille. Le fait que la mort n’est plus donnée mais subie (document 13) modifie  la nature de  la guerre. Les hommes se trouvent alors confrontés à une mort quotidienne due à l’intensité du feu de l’artillerie et non plus  au produit  d’un  combat  au  corps  à  corps. A  la  fin de  la  guerre,  la mention  « blessure  par  baïonnette  »  disparaît  même  des  registres  dans  les  hôpitaux,  faute  de blessures de ce type. 

 L’horreur du bombardement était renforcé par le sentiment d’impuissance totale 

éprouvée  par  les  soldats :  il  fallait  attendre  la  fin  du  pilonnage  pour  sortir,  le ravitaillement  ne  passait  plus,  impossible  de  dormir,  le  risque  d’être  enterré  vivant faisait qu’on se disputait la place la plus proche de la sortie dans les abris (qui résistaient 

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rarement,  à  moins  d’être  très  profonds  et  bétonnés  comme  ceux  aménagés  par  les Allemands sur la Somme). Quant à l’assaut, exceptionnel, il était proprement terrifiant : attente  au  pied  de  la  tranchée  devant  l’échafaud,  l’échelle,  course  au  feu  des mitrailleuses ennemies, pliés en deux pour éviter  les balles, plongée dans des trous ou assaut au corps à corps dans  la  tranchée ennemie pour ceux qui avaient pu passer. Le front devient donc un lieu de mort de masse, on ne sait pas qui on tue, on ne sait pas qui vous tue et en fait on tue rarement soi‐même. 

À cette déshumanisation de la guerre et au déséquilibre du plus en plus fort entre moyens  de  tuer  et  moyens  de  se  protéger  répond  la  multiplication  des  blessures  et l’amoindrissement des chances de survie. Dans l’armée française on a dénombré 3 594 000 blessures pour 2 800 000 blessés. La moitié des hommes ont été blessés deux fois et 100 000 plus de trois fois. Au total, 40 % des mobilisés ont été blessés ce qui provoque une véritable inscription de la guerre sur les corps et dans les chairs comme le montre le cas des gueules cassées. Il faut imaginé le paysage social de l’après guerre peuplé de ces hommes  jeunes  amputés,  défigurés  plus  ou  moins  gravement  mutilés  et  souvent incapables de travailler.  

D’où  l’importance nouvelle de  la médecine qui connaît  la diffusion de nouvelles techniques  (rayons  X  pour  détecter  les  éclats,  réduction  des  fractures  pour  éviter  les amputations,  les  analgésiques..) mais  qui  restent  en  retard par  rapport  à  la  puissance destructrice des nouvelles armes. 

 3. Être un soldat en 1914  Rappelons  d’abord  qu’il  existe  autant  d’expériences  que  de  soldats mais  si  l’on 

cherche des éléments communs ont peut tout de même en trouver.   La guerre a changé le rapport au corps au lieu de combattre debout, fier, le soldat 

s’est  transformé  en  un  être  rampant,  maculé  de  boue  cherchant  à  disparaître  pour échapper  à  la  mort  qui  peut  venir  de  n’importe  où  puisque  l’ennemi  est  lui  aussi invisible. À  tout  instant un  tir d’artillerie peut venir mettre  fin à  la vie du soldat ou  le mutiler de façon inconnue dans les guerres précédentes.  

 Pour un courant de l’historiographie autour de l’historien américain G. Mosse, les 

soldats  auraient  alors  fait  l’expérience  de  la  « brutalisation »  traduit  par « ensauvagement » pour A. Becker, concept récent qui essaye de rendre compte de cette nouvelle guerre. La brutalisation nait de l’exposition prolongée à la violence de la guerre et ses effets sont ensuite perceptibles en temps de paix, par le réinvestissement de ces comportements brutaux dans  le champ politique. Les soldats auraient  fait  l’expérience de la mort de masse, de  la durée, de  la violence, de  la  fatigue, du stress. Cette violence qu’ils subissent et qu’ils utilisent les a rendu violents et ils réinvestissent cette violence dans la politique après la guerre. En fait cette notion est de plus en plus discutée car elle est  trop  globalisante,  en  fait  l’expérience  de  guerre  est  différente  selon  la  culture  du pays, elle conduit en France et en Angleterre au pacifisme des anciens combattants alors qu’en Allemagne, pays vaincu le passage de la violence militaire à la violence politique a bien lieu dans la république de Weimar. Les troupes d’assaut ont ainsi été transformées en corps francs. Plus de 500 meurtres ont eu lieu, tous amnistiés avant l’arrivée de Hitler au pouvoir. Mais cette brutalisation est sans doute à mettre en relation avec  la culture politique allemande : l’expérience de guerre de masse a été ici intégrée dans une culture bien antérieure à la guerre. De fait, en Allemagne, pour beaucoup de théoriciens, la force 

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prime sur le droit. Le darwinisme social est très répandu : le monde appartient au plus fort. La guerre est un examen de passage auquel  les nations ne peuvent se soustraire : seules les nations guerrières ont le droit de vivre. Il faut en plus ajouter que le pays est vaincu et le peuple assoiffé de revanche.  

 C. Tenir  1. Consentement ou contrainte ?  Qu’est  ce  qui  a  permis  à  ces millions  d’hommes  de  tenir  pendant  quatre  longues 

années dans ces conditions ?` Plusieurs théories sont avancées par les historiens, théories qui ont provoquées 

de véritables affrontements par écrits interposés entre les tenants de telle ou telle thèse.  Doc sur le consentement ou la contrainte.  Comment répondre, à partir de quelles sources ? Il s’agit d’interpréter le vécu des soldats confrontés à la guerre. Ce vécu se lit dans 

un  ensemble  des  traces,  de  témoignages,  de  courriers,  des  productions  des  temps  de guerre  ou  postérieures  à  la  guerre.  Deux  courants  de  pensée  proposent  des interprétations opposées, séparant la notion de consentement à la guerre pratiquée de celle de contrainte subie.  

Doc 13b  

 Thèse de la contrainte. Les combattants ont tenus parce qu’ils y étaient tenus. Les formes de contraintes 

sont multiples. L’appartenance au groupe joue un rôle important car elle crée cet espace dans  lequel  le soldat pratique ou apprend la solidarité et  les contraintes qu’elle  induit, par  pression  des  groupes  notamment  primaires.  Le  discours  ambiant  alimenté  par  la propagande crée un climat d’acceptation de ce que le commandement impose, de ce que les autorités politiques fixent comme obligation pour que vive la nation. Le regard et les attentes  de  l’arrière  peuvent  augmenter  la  charge morale.  À  cela  s’ajoute  la  peur  des gendarmes, des jugements, des conseils de guerre. Si les cas de ténacité sont nombreux il ne  faut  pas  négliger  la  gamme  très  large  des  formes  d’évitement  des  positions  jugées dangereuses  soit  de  façon  détournée,  les  embusqués  notamment,  soit  de  façon  plus franche  en  courant  les  risque  inhérents :  refus  d’obéissance,  mutinerie,  mutilation volontaire ou encore désertion à l’intérieur ou passage à l’ennemi. 

 Pour  la  thèse  du  consentement,  le  sacrifice  subi  mais  aussi  pratiqué  par  les 

soldats leur est apparu comme une évidence. Il appartenait aux apprentissages du rôle, des  devoirs  du  citoyen,  mobilisés  par  une  culture  de  guerre.  Elle  est  composés  d’un messianisme patriotique, animée par l’esprit de croisade et ayant construit une haine de l’autre si  tenace que  la mobilisation des esprits et des corps, spontanée au début a été 

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entretenue  tant  bine  que mal,  tout  au  long  du  conflit.  Cette  approche  rejoint  celle  de guerre  totale,  une  guerre  à  laquelle  les  populations  et  les  soldats  adhèrent.  Le consentement n’est pas en premier lieu une adhésion au discours de propagande ou du bourrage  de  crane,  il  s’appuie  sur  un  ensemble  de  représentations  du  conflit  qui  lui donne sa signification. Ce corpus semble venir de la population elle même et contribue à construire l’unité de la nation pour lui faire affronter la guerre. 

Mais, dans cette théorie, que faire des mutins ? ils sont certes environ 45 000, ce qui est beaucoup en valeur absolue mais rapporté aux nombre de soldats mobilisés  le pourcentage  de  mutins  est  d’environ  1%  soit  très  peu.  Pour  les  partisans  du consentement cela ne remet donc pas en cause leur théorie. 

 Ce  qui  paraît  particulièrement  intéressant  c’est  l’idée  de  croisade.  Les 

productions  d’objets  (croix,  crucifix,  chapelets..),  de  monuments,  les  comportements individuels  notamment  de  retour  vers  les  autels,  traduisent  une  attente  d’un  monde meilleur sorti d’un conflit qui prend dès lors une dimension eschatologique. La guerre, nourrie  de  la  haine  de  l’ennemi,  de  la  volonté  de  faire  disparaître  l’autre  est  vécue comme  une  apocalypse  dont  le  sens  premier  est  bien  révélation.  De  la  fin  du monde croisée sur les champs de bataille naîtra le monde meilleur. 

 2. La figure de l’ennemi  L ‘idée de mener une guerre  juste, de  la civilisation contre  la barbarie conduit à 

l’animalisation de l’ennemi, à sa deshumanisation.  Voir doc et doc 4 p. 227  3. Écrire, correspondre, témoigner Relativiser le rôle de la censure.  

Voir tout ce que vous avez fait pour les TPE  

III. Les sociétés en guerre  A. Les fronts intérieurs  1. Produire La guerre s’accompagne d’une mobilisation de l’économie sans précédent.  Étude de K doc 3, 5a, 5b, 5c, 5d et doc 8  Questions 

Une mobilisation industrielle : l’exemple du Chemin des Dames (1914‐1918) • Quels moyens matériels sont mis en œuvre pour l’offensive Nivelle du 16 avril 1917 afin de réaliser la percée tant espérée par l’état­major ? doc 3b et 5b 

• Qu’est ce qui montre dans le matériel utilisé et rencontré par P. Clerfeuille que toute la société française est impliquée dans la guerre? 

La mobilisation des sciences et des techniques pour un nouveau type de combat • À partir du doc 8, montrez qu’il s’agit d’une guerre d’un genre nouveau. 

Les  gouvernements  doivent  assurer  une  production  massive  et  totalement imprévue de matériel de guerre (armement, munitions, équipements divers…) et donner une  importance particulière  à  la  production d’obus,  tout  en  assurant  le  ravitaillement 

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nécessaire de  la population civile.  Jusqu’à présent,  l’activité économique n’était pas du domaine des États. C’est pourquoi,  l’État  français organise  la reconversion de  l’activité économique afin de satisfaire les besoins militaires, qu’il s’agisse du matériel, de la main d’œuvre ou du financement. Pour cela, le gouvernement développe un partenariat avec les  entreprises privées  contrairement à  l’Allemagne qui  impose un véritable dirigisme d’État sous contrôle de l’armée.  

 Les  besoins  matériels  lors  de  l’offensive  Nivelle  éclairent  sur  les  besoins 

militaires à satisfaire lors de ce conflit (documents 5b et 5c). La préparation de la grande offensive  du  16  avril  nécessite  des  quantités  importantes  de  matériels,  dont  Paul Clerfeuille est le témoin le 10 avril 1917 : « les artilleurs, les camions, les tracteurs roulent jour et nuit des obus de tout calibre et du matériel d’offensive. Les bois sont pleins d’obus, des tas gros comme un village. Il y en a qui sont de la taille d’un homme ». Les chiffres du document 5b/, pour  l’armée  française, sont éloquents puisqu’il s’agit de  la dotation en munitions pour 7  jours seulement (ex  : 6,5 millions de cartouches de 75). Cela  traduit l’effort  consenti  par  l’économie  et  l’industrie  pour  préparer  une  telle  offensive  que  se soit de la fabrication des obus, des canons jusqu’à leur acheminement sur les différents théâtres d’opérations.   

L’affiche de Victor Prouvé (document 8) appartient à une série réalisée en 1918 pour  illustrer  la  mobilisation  économique  totale  de  la  société,  les  hommes  restés  à l’arrière  se  révélant  indispensables  pour  ceux qui  sont  au  front.  Victor Prouvé  (1858‐1943), peintre, paysagiste, sculpteur et graveur,  travailla en collaboration avec Eugène Vallin,  Fernand  Courteix,  Daum  frères,  Albert  Heymann  et  surtout  Émile  Gallé  pour lequel il dessina des décors de verrerie et des meubles. A la mort d’Émile Gallé, il devient le  second  président  de  l’École  de  Nancy.  Pendant  la  guerre,  il  réalise  de  nombreuses affiches  sur  les  thèmes  habituels  de  la  propagande  :  effort  de  guerre,  atrocités allemandes,  soutien  des  alliés,  légitimité  des  buts  de  guerre  français.  Ici,  son  affiche (document 8),  intitulée « Le laboratoire,  l’usine,  la guerre » montre au premier plan un laboratoire dont l’un des chercheurs porte l’uniforme afin que l’on comprenne bien qu’il s’agit de soldats détachés du front pour accomplir une mission indispensable et non de civils jouissant de privilèges exorbitants. La mobilisation industrielle n’est évoquée que par les usines en arrière‐plan. La carte du front est très défavorable à la France puisque 95 hauts fourneaux sur 123, la moitié des bassins houillers du Nord et du Pas‐de‐Calais, une  bonne  partie  des  usines  métallurgiques,  chimiques  et  textiles  tombent  dès  les premiers mois du conflit aux mains de  l’ennemi. La France perd environ  les 2/3 de sa fonte et de son acier. Des ateliers se multiplient alors un peu partout sur le territoire afin de  fournir  les munitions  nécessaires  aux  armées.  C’est  sans  doute  ce  qu’il  a  choisi  de représenter en arrière plan dans son affiche.  

Les armes utilisées et rencontrées sur le champ de bataille indiquent qu’il s’agit également d’une guerre moderne et d’une guerre des savants comme le suggère l’affiche de Victor Prouvé. Dès le début du conflit, les scientifiques se mobilisent : en Allemagne, l’appel  des  93  «  An  die  Kulturwelt  »  ;  les  89  Oxfords  pamphlets  publiés  par  les Britanniques et  le Manifeste des universités  françaises publiés  le 3 novembre 1914 aux universités des pays neutres illustrent cette idée. Les scientifiques de chaque pays sont convaincus de combattre pour la culture et la civilisation. En France, la loi Dalbiez d’août 1915 organise  la mobilisation des  spécialistes.  Les  scientifiques  quittent  le  front  pour regagner leurs laboratoires et participent notamment à la guerre chimique.  

L’artillerie  qui  atteint  son  apogée  au  cours  de  l’année  1916,  constitue  l’arme 

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principale  du  champ  de  bataille.  Le  début  de  la  guerre  de  position  rend  alors  plus indispensable  une  artillerie  lourde  puissante,  devenue  nécessaire  pour  atteindre  les abris  profondément  enfouis  dans  le  sol,  pour  détruire  les  tranchées,  frapper  les positions  arrière  de  l’ennemi.  Le  bombardement  de masse  était  désormais  la  réponse tactique  principale  à  la  prolongation  de  la  guerre  de  position.  Ce  rôle  nouveau  de l’artillerie se traduisit par un immense développement du nombre de pièces et de coups tirés d’où  la nécessité d’adapter son économie pour répondre à ses besoins nouveaux. Par  exemple,  pendant  la  bataille  des  observatoires,  entre  le  8 mai  et  le  4  août  1917, l’activité  quotidienne  des  artilleries  est  très  élevée  :  l’artillerie  du  37e  Corps  d’Armée tire en moyenne 4 937 obus par jour soit plus de 440 000 projectiles sur l’ensemble de la période.  

Quant  aux  chars  (document  16),  aperçus  par  Paul  Clerfeuille,  ils  sont  nés  des nécessités de la guerre, en réponse également au blocage de la guerre de tranchées. Les chars français sont engagés pour la première fois lors de l’offensive Nivelle d’avril 1917. Engagés  sur  un  terrain  trop  bouleversé  les  pertes  sont  élevées  (sur  les  128  chars Schneider,  57  ont  été  détruits,  64  sont  tombés  en  panne  ou  sont  restés  enlisés).  Les chars  lourds ne connaissent  leurs premiers vrais succès qu’à  la  fin 1917 en ouvrant  la route  à  l’infanterie  et  en  faisant  taire  les  mitrailleuses.  L’armée  française,  tout  en utilisant encore en 1918 des tanks lourds, fait basculer sa production vers des modèles de  chars  légers,  confiés  à  Renault  en  octobre  1917  (le  tank  Renault  pèse  6,5  tonnes, roule à 9 km/h, fonctionne avec un équipage de deux hommes seulement, et n’est armé que  d’une  mitrailleuse  et  d’un  canon  de  37  mm).  Déployés  comme  arme  de  soutien rapproché à  l’infanterie,  appuyés par  l’aviation,  ils  jouent un  rôle  important  lors de  la contre–offensive  de  l’Aisne  du  18  juillet  1918.  Le  front  allemand  est  enfoncé,  c’est  la deuxième bataille de  la Marne que remportent  les alliés. Cette victoire de  la Marne est un tournant parce qu’elle traduit la supériorité croissante des Alliés, grâce à l’apparition sur le front des troupes américaines (3 divisions). C’est également un tournant au point de  vue  technique  parce  que  le  succès  est  dû  en  partie  à  l’engagement  des  chars  et notamment aux chars Renault et aux nouveaux rôles attribués à l’aviation.  

 Utilisation des gaz est aussi un bon exemple de cette guerre moderne. Combien  de  victimes  a  fait  cette  nouvelle  arme ?  Le  bilan  est  difficile  à  établir 

mais  il  est  incontestablement  limité  par  rapport  à  la  place  réelle  que  lui  accorde l’opinion. 

Produire des gaz pour en faire des armes meurtrières pose également la question de la place de la science et de la recherche dans un conflit total. Le potentiel scientifique, en  plein  développement  dans  le  cadre  de  l’application  de  la  deuxième  révolution industrielle, trouve dans la guerre un terrain d’application nouveau. Il se met au service du  conflit,  comme  l’a  montré  l’affiche  de  Victor  Prouvé.  Les  scientifiques,  souvent associés  avant  guerre  dans  des  rencontres  internationales,  manifestent  pendant  la guerre un patriotisme qui les conduit à mettre au service de leurs armées les armes les plus  efficaces. Travaillant  en  lien  étroit  avec  l’armée,  et  pas  seulement  sur  les  gaz,  les chimistes  ont  pu devenir  des  acteurs  clefs.  Ce  fut  le  cas  de  Fritz Haber  en Allemagne, responsable de  la première utilisation des gaz au cours de  la bataille d’Ypres de 1915. Les  équipes  de  recherche  voient  le  nombre  de  leurs  membres  considérablement augmenter et il faut mettre sur pied une véritable organisation des services de la guerre chimique.  La  chimie  allemande  associe  les  instituts  de  recherche,  comme  le  Kaiser Wilhelm  de  Berlin,  et  les  laboratoires  privés  comme  celui  d’IG  Farben  puis progressivement toutes  les grandes entreprises du secteur. Mais  les chimistes d’autres 

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pays travaillent aussi sur la production de gaz, au même moment, en France notamment. Ainsi la question de la responsabilité se résout‐elle aujourd’hui par une sorte de partage entre  les principaux belligérants. Certes  les Allemands  les ont utilisés en premier mais les autres étaient prêts à le faire. Si  les scientifiques, par leurs travaux, participent à la définition de la guerre totale entre 1914 et 1918, ils transmettent au siècle des moyens et des méthodes. Pershing souligne que « les Allemands avaient abandonné tout principe d’humanité  dans  le  vent  de  Langemarck  ».  Ainsi  est  soulignée  la  barbarie  de  l’ennemi, leitmotiv  d’un  discours  de  guerre  que  l’utilisation  des  gaz  alimente  abondamment. Quand leur efficacité est la plus grande ils sont destinés à modifier la nature du combat, pas à gagner des positions.  Il pousse  les armées à se protéger. Bien qu’il soit destiné à lutter  contre  les  effets  nocifs  des  gaz,  le  masque  à  gaz  entre  lui  aussi  dans  cette déshumanisation du soldat. Des dessins, des eaux  fortes comme  les plus connues sans d’Otto Dix, montrent cette transformation du visage par la pause d’un groin, animalisant le soldat dans l’horreur des combats d’un nouveau genre. L’intensification de la guerre chimique dans la dernière partie de la guerre répond à la double question du vecteur par la  naissance  d’une  artillerie  chimique  et  de  l’efficacité  des  gaz  par  «  une  course  à  la toxicité » avec le développement d’agents létaux et incapacitants. il s’agit là d’un legs de la  guerre  chimique  au  XXe  siècle,  cette  capacité  à  créer  des  produits  de  plus  en  plus efficaces dans leur œuvre de mort. Le tragique usage qui est fait des gaz dans le cadre de la  Seconde  guerre  mondiale  puise  ses  origines  dans  l’ensemble  des  démarches scientifiquement mises au point avec une efficacité relative pendant  la Grande Guerre. Mais les bases d’une destruction d’êtres humains par un produit chimique étaient bel et bien  posées.  De  même  la  guerre  chimique  peut  également  ouvrir  la  porte  à  d’autres types  de  guerre,  comme  la  guerre  biologique,  dite  aussi  bactériologique,  par l’exemplarité de la transgression. Les mentalités collectives leur ont attribué un pouvoir qu’ils  n’ont  de  toute  évidence  pas  eu.  Utilisés  selon  la  technique  des  nuages  gazeux dérivants, ils ont été d’un intérêt tactique limité. Quand le projecteur permet d’inonder les positions ennemies ils jouent un rôle plus important pour apparaître ainsi à la fin de la guerre comme « une arme d’avenir ».  

 Il faudrait ajouter la question du financement de la guerre pour laquelle les États 

mettent  en  œuvre  tout  l’arsenal  possible :  planche  à  billet,  emprunt  à  l’étranger, principalement  aux  États‐Unis,  emprunt  auprès  de  la  population,  augmentation  de  la fiscalité….Un  véritable  dirigisme  d’État  se  met  en  place  et  ce,  alors  que  ces  États pratiquant  le  libéralisme  économique.  Il  faut  remarquer  que  la mise  à  disposition  de l’appareil  économique  par  contrôle  de  la  distribution  de  matières  premières,  par commandes prioritaires, par inflexion de la production, par intervention de l’État a sans doute été plus efficace dans les économies de l’Entente que pour celles de l’Alliance. Il y a  donc  un  apparent  paradoxe,  retrouvé  pendant  la  Seconde  Guerre  mondiale  :  les démocraties quand elles s’en donnent les moyens semblent mieux maîtriser les secteurs d’activités que les régimes autoritaires voire totalitaires ! 

L’économie connaît donc une reconversion qui nécessite un large appel à la main d’œuvre. 

 2. Mobiliser l’arrière  Les hommes dans les colonies cas des Ammanites dans les usines d’aviation Les Annamites dans les usines d’armement doc de l’INA  

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Ce  reportage  sur  les  Annamites  (habitants  d'Indochine)  travaillant  dans  un atelier  de  fabrication  d'avion  permet  de  souligner  l'importante  discipline  à  laquelle étaient soumis les travailleurs coloniaux. Les ouvriers annamites travaillent d'ailleurs en uniforme, ce qui  témoigne bien de  leur militarisation. Des contrôleurs (sans doute des officiers  français)  se  livrent  à  un  contrôle  permanent  de  leur  travail.  La  pancarte  au début du reportage précise qu'il s'agit d'une main‐d’œuvre "appréciée". Les Annamites étaient considérés comme habiles, ce qui explique leur utilisation dans les industries les plus  modernes  comme  l'aéronautique.  L'utilisation  de  la  main‐d’œuvre  coloniale répondit  en  fait  à  des  critères  ethniques  lors  de  la  Première  Guerre  mondiale,  les coloniaux  étant  utilisés  dans  des  secteurs  et  à  des  tâches  différentes  selon  les stéréotypes  de  l'époque.  Les  reportages  de  la  Première  Guerre mondiale  ne  sont  pas datés avec précision. Par convention,  la date du 1/1/19 indique que le document a été tourné pendant l'année en cours. 

 Le rôle des femmes. Doc L’appel du président Viviani doc  Les  femmes  et  les  enfants  ne  sont  en  effet  pas  tenus  à  l’écart  de  la  guerre.  Les 

épouses remplacent le plus souvent les hommes partis au front, à l’usine et aux champs, elles jouent le rôle du chef de famille. D’autres sont infirmières ou marraines de guerre. Certaines, plus rares, combattent (résistance ou bataillon de combat sur le front russe). Les enfants n’échappent pas à la mobilisation morale au travers de l’école, des livres, de leurs jouets ou encore des emballages des friandises. 

 Question de l’émancipation des femmes par la guerre Les femmes, une émancipation en trompe l’œil ?   Mythe communément répandu,  la  femme  intégrée brutalement dans  le conflit a 

pu,  à  travers  lui,  modifier  durablement  ses  conditions  d’existence.  Ce  thème  permet d’aborder les genderstudies, l’histoire du genre. Sans revenir sur la place que la guerre donne aux femmes, chose connue, la question réellement posée est celle de savoir si  la guerre a favorisé son émancipation. L’appel de Viviani aux femmes françaises, transforme les  femmes en une catégorie à part,  leur propose  finalement un ordre de mobilisation spécifique.  Françoise  Thébaud  pose  la  question  de  la  nationalisation  de  la  femme pendant le conflit : est‐elle un objet à nationaliser, est‐elle le sujet de la nationalisation ? Idée  spontanément  soutenue  par  de  nombreux  documents  iconographiques,  c’est  au travail des femmes dans la guerre que l’on pense. Il est bon parfois d’enfoncer une porte ouverte  :  les  femmes ne  font  pas  leur  entrée  dans  le monde  du  travail  en  1914.  Elles représentent déjà plus du  tiers de  la population active. Mais  le  travail  féminin, peu ou pas qualifié, faiblement rémunéré, s’intègre généralement à des stratégies familiales. Si l’homme pourvoit à ses besoins, la femme apporte un appoint. Ce sont ces situations que la  guerre  transforme  :  il  y  a  essor  et  diversification  du  travail  féminin,  émergence  du salaire féminin dominant dans les budgets. La femme exerce des emplois qu’elle n’avait pas  coutume  de  remplir.  Si  le  travail  féminin  est  valorisé  par  les  discours  officiels,  la guerre  n’améliore  pas  la  qualification  des  femmes.  L’emploi  féminin  est  organisé, encadré par les autorités avec des bureaux de placement pour orienter la main‐d’œuvre. De  plus  un  vocabulaire  spécifique  et  révélateur  souligne  la  place  des  femmes  dans l’appareil de production. « Les munitionnettes » au suffixe réducteur s’introduisent dans un secteur masculin en cours de féminisation, sans doute temporaire car lié aux temps de guerre. Cet essor de  leur présence dans  le monde du  travail n’est en réalité qu’une 

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arrivée dans des travaux et des métiers visibles. Ce qui se voit dans l’industrie se lit aussi dans  le monde  des  employés.  Les  administrations  lancent  un  appel massif  à  la main‐d’œuvre  féminine.  L’essor  se  traduit  également  par  des  contraintes.  La  législation  du travail, si chèrement conquise, est allégée pour fait de guerre ce qui touche les femmes directement  (augmentation  de  la  durée  quotidienne  de  travail,  travail  de  nuit, accentuation  de  la  dangerosité,  de  la  pénibilité…).  Ces  éléments  sont  rarement compensés par des mesures sociales d’aide et de protection (pouponnière Citroën pour les  jeunes mères,  chambres d’allaitement…). Perçue comme  faiblement active dans  les mouvements  sociaux  avant  le  conflit,  appoint  logistique  des  mouvements,  la  femme prend  une  autre  place  pendant  la  guerre.  Les  ouvriers  mobilisés  et  déplacés  sur  les unités de production sont dans l’incapacité de développer des mouvements sociaux. Les femmes deviennent de véritables actrices dont se méfient les syndicats. Pour la CGT par exemple,  l’émancipation  des  femmes  ne  passe  pas  par  le  travail  et  la  lutte  sociale.  Le masculinisme  peut  se  montrer  aussi  redoutable  que  le  capitalisme.  Le  consensus  qui semble  se  dégager  est  celui  d’une  complémentarité  et  d’un  remplacement  :  le  travail féminin des temps de guerre est une simple substitution à celui de l’homme défendant l’arrière  au  prix  de  sa  vie.  Soldats  et  femmes  au  travail  mènent  un  combat complémentaire dans des rôles sexués que seul un moment critique bouleverse. À la fin du conflit, la présence de la femme dans l’appareil de production est remise en cause par une tentative de retour à la norme d’avant guerre. Redonner le travail aux hommes fait que la femme se déplace d’une situation de substitution à celle de concurrence.  

Touchée  directement  par  un  ensemble  de  souffrances,  la  femme  est  également une victime de la guerre. Le deuil touche majoritairement des femmes, mères, épouses et  fiancées  (veuves noires,  veuves blanches),  filles,  sœurs,  amies… de  soldats décédés. Sur  les 700 000 veuves de guerre que  la France compte à  la sortie du conflit, 262 500 étaient  remariées  en 1933.  Le déficit  des hommes n’explique pas  tout.  Certains deuils sont  difficiles,  impossibles  et  des  femmes  seules  ont  traversé  le  siècle  comme  une immense  tragédie  personnelle,  que  l’héroïsation  du  disparu  ne  peut  satisfaire.  Les veuves  de  1918  sont  des  femmes  jeunes  comme  les  anciens  combattants  sont  des hommes jeunes.  

Les  violences  de  guerre  dont  les  femmes  sont  victimes  peuvent  être  abordées sous le double angle de la violence faite au civil, de la violence dirigée contre la femme parce  qu’elle  est  femme.  Elle  est  bien  objet  de  la  violence  de  guerre  :  le  corps  de  la femme de l’ennemi est un enjeu de guerre, la propagande de guerre érige le viol au rang d’illustration  ultime  de  la  barbarie  de  l’ennemi.  L’enfant  du  viol  devient  un  débat national, introduisant les notions d’avortement, d’infanticide.  

La femme, rarement engagée dans les combats (il existe des bataillons de femmes russes  engagés  dans  les  combats  par  le  gouvernement  Kerenski),  peut  participer  au conflit par des formes de résistance active dans les zones occupées ou proches du front. L’exemple  de  Louise  de  Bettignies  espionne,  prisonnière  des  Allemands  depuis septembre 1915 et qui meurt de la tuberculose en captivité, et celui de Mata Hari sont également révélateurs de la place faite aux femmes.  

L’exemple  de  Louise  de Bettignies  est  en  effet  caractéristique.  En  février  1915, lors d’un séjour à Saint‐Omer, Louise de Bettignies est contactée par un officier français qui lui propose de servir son pays en tant qu’agent de renseignement. Elle met alors en place, dans  le  secteur de Lille  l’embryon du  futur  "Service Alice" ou  "Service Ramble". Passant  par  la  Belgique  et  les  Pays‐Bas,  la  désormais  Alice  Dubois  transmet  des informations  en  Grande‐Bretagne.  Elle  est  arrêtée  en  1915.  A  la  fin  de  janvier  1917, Louise  de  Bettignies  est  mise  au  cachot  pour  avoir  refusé  de  fabriquer  des  pièces 

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d’armement destinées à  l’armée allemande et avoir entraîné  le soulèvement de ses co‐détenues. Elle succombe le 17 septembre 1918 des suites d’un abcès pleural mal opéré. Le 16 mars 1920, les alliés organisent à Lille une cérémonie‐hommage pendant laquelle la "Jeanne d’Arc du Nord" reçoit à titre posthume la croix de la Légion d’honneur, la croix de  guerre  14‐18  avec  palme,  la  médaille  militaire  anglaise.  Elle  est  faite  officier  de l’ordre de l’empire britannique. 

Les violences de guerre  faites aux  femmes, ce sont aussi  les difficultés de  la vie quotidienne, liées aux pénuries, à l’inflation, aux privations et qui se traduisent par des comportements nouveaux  comme  l’abandon de  l’obligation  scolaire  ou  l’augmentation de  l’offre  prostitutionnelle.  La  violence  ne  contribue  bien  évidemment  pas  à l’émancipation des femmes.  

L’émancipation  aurait  pu  être  obtenue  par  la  construction  d’une  citoyenneté féminine  par  la  guerre.  L’historiographie  montre  que  les  mouvements  féministes  ont rejoint l’Union sacrée dès le début de la guerre, que les femmes animées de patriotisme ont  fait  preuve  de  sens  civique,  alors  qu’elles  sont  dénuées  de  droits  politiques.  La question du droit de vote des  femmes, présente dans  l’espace public avant guerre,  est momentanément tue sans être totalement absente. Mais l’approche très masculine d’un transfert du droit de vote des soldats morts à leurs veuves est rejetée par les féministes. Comme pour le travail,  les fonctions civiques masculines sont prises en charge par des femmes (maires notamment). Elles jouent également un rôle essentiel dans le lien entre front  et  arrière  (services  de  santé,  avec  des  infirmières  admises  au  front  à  partir  de 1915,  sociétés  de  secours,  marraine  de  guerre…).  Des  femmes,  plus  connues,  offrent renom et compétences à des services actifs (Marie Curie et  le service de radiologie). À vrai  dire,  ces  formes  d’investissement  sont  ressenties  comme  naturelles,  missions féminines,  non  comme  révélatrices  d’acquis  professionnels,  ni  de  réelle  insertion civique. À la sortie de la guerre, le droit de vote, accepté par la chambre des députés en 1919,  leur  est  refusé par  le  Sénat,  avec  le  rôle dominant des  radicaux, maintenant  les femmes dans l’exclusion politique. Elles sont du reste fort peu présentes dans les partis politiques.  Les  femmes  ont  donc  bel  et  bien  été  intégrées  à  la  nation  par  leur comportement de  guerre.  La  guerre  finie  elles  sont priées de  regagner  leurs places  et statuts  d’origine.  Il  n’y  a  donc  ni  émancipation  par  le  travail,  qui  reste  déqualifié, dévalorisé,  ni  émancipation  civique.  La  femme  française  reste un  être mineur,  que  les autorités  après  guerre  vont mobiliser  dans  la  bataille  démographique.  Les  formes  de domination  s’exercent  toujours  par  les  hommes  dans  des  domaines  clefs.  Une comparaison  avec  les  autres  États  belligérants  fait  apparaître  le  retard  français.  Le Parlement britannique octroie le droit de vote aux femmes âgées de plus de trente ans dès février 1918, avant même la fin des hostilités. La restriction d’âge est levée en 1928, de plus dès le mois de novembre 1918, elles sont éligibles. Entre 1918 et 1919 les deux chambres du congrès américain accordent le droit de vote aux femmes, fermant un long débat  indépendant  de  la  guerre.  La  femme  allemande  obtient  le  droit  de  vote  dans  le contexte  troublé  de  novembre  1918,  confirmé  par  l’une  des  constitutions  les  plus modernes de  son  temps,  avec une ouverture vers  la démocratie  sociale,  sous Weimar. L’autonomie obtenue par le veuvage, le travail, peut se traduire par de petites avancées symboliques  :  en  1919,  le  baccalauréat  féminin  ouvre  les  portes  de  l’université. Cependant, les études menées sur les femmes de ces pays montrent que, comme pour la France, la guerre n’a pas fait disparaître les « relations et identités sexuelles de manière telle  qu’elles  auraient  dû  être  reconstruites  dans  l’après‐guerre  ».  Pourquoi  le mythe d’une femme nouvelle née de la guerre imprègne‐t‐il encore si fortement les mentalités ? La  lecture  des  faits  est  sans  doute  biaisée  par  les  manifestations  culturelles  d’après‐

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guerre qui livrent, parmi les élites, dans les grandes villes, une femme nouvelle, ouverte aux  changements,  production  d’un microcosme  certes  vitalisant mais  numériquement faible.  La garçonne,  création de  la  guerre  comme des mouvements  engagés avant  elle, contribue à  créer une émancipation en  trompe  l’œil.  La  culture  elle  aussi maintient  la femme dans son rôle de modèle, de muse tant les créatrices perturbent l’ordre installé.    Sources Pour l’étude de cas sur le Chemin des Dames M.‐C.  Bonneau‐Darmagnac,  F.  Durdon,  P.  Hervé,  La  Grande  Guerre  coll.  Trait  d’Union, scérén CRDP Poitou‐Charentes  Aide à la mise en œuvre des programmes de 1ère scéren A.Prost et  J. Winter Penser  la Grande Guerre, un essai d’historiographie, Paris, Le Seuil, coll Points histoire n°336, 2004 Manuel de la classe Différentes mises au point sur Internet comme  aphgcaen.free/conférences/prost2.htm crid2428.org art‐ww1.com