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ÉVA COSTE MÉMOIRE DNSEP 2013. 5 e ANNÉE COMMUNICATION, OPTION COMMUNICATION GRAPHIQUE, DIPLÔME DE LA HEAR. LA PROMESSE DES IMAGES À L’HEURE DES RÉSEAUX SOCIAUX

La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

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"Dans toute l’histoire de la création d’images, la photographieest la technique qui se rapproche le plus de ce que l’on perçoitavec notre œil. C’est une représentation fidèle de la réalité, etdepuis les débuts de son élaboration au XVIIIe siècle, elle atrès souvent servi aux recherches scientifiques, en tant quevisuel de référence. Et alors que nos ancêtres, il y a moinsd’un siècle, considéraient la photographie comme un objet rare,précieux et gratifiant, à l’inverse, nous consommons le clichéphotographique à la moindre occasion."

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ÉVA COSTE

MÉMOIRE DNSEP 2013.5e ANNÉE COMMUNICATION, OPTION COMMUNICATION GRAPHIQUE, DIPLÔME DE LA HEAR.

LA PROMESSE DES IMAGES À L’HEURE DES RÉSEAUX SOCIAUX

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LA REPRÉSENTATION PHOTOGRAPHIQUE AMATEUR DE SOI SUR DES RÉSEAUX SOCIAUX TELS QUE FACEBOOK, FAVORISE T-ELLE LE PROCESSUS DE PERSONAL BRANDING ?

LA PROMESSE DES IMAGES À L’HEURE DES RÉSEAUX SOCIAUX

CONCEPTION GRAPHIQUE :Éva Coste

TYPOS :Century Gothic Plantin

REMERCIEMENTS :Un grand merci à Richard Decker et à Laure Coste pour m’avoir soutenue lors de l’éllaboration de ce mémoire.

Ouvrage imprimé et relié en Février 2013, à Strasbourg.

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PERSONAL BRANDING

Définit le fait de créer et de gérer sa propre marque. Cette nouvelle catégorie de « marque » est rattachée à un individu et non à un produit.

Je fais ici allusion aux photographies d’autoportraits utilisées par les internautes pour illustrer leur propre profil.

LA REPRÉSENTATION PHOTOGRAPHIQUE AMATEUR DE SOI SUR DES RÉSEAUX SOCIAUX

LA PROMESSE DES IMAGES À L’HEURE DES RÉSEAUX SOCIAUX

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PRÉFACE

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE

SUR LES RÉSEAUX

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MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION

COMMERCIALE À DES FINS DE RÉUSSITES SOCIALES

INDIVIDUELLES

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PERSONAL BRANDING : PRATIQUE PROFESSIONNELLE

ET PRATIQUE AMATEUR

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CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXE 01

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ANNEXE 02

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE SUR LES RÉSEAUX

1 — L’attente des individus par rapport aux réseaux (1.01) — La réussite sociale : démarche individualiste (1.02) — Fonctionnement des réseaux sociaux sur le Web 2.0 (1.03) — Les réseaux permettent à chacun de se médiatiser

2 — La société virtuelle des réseaux sociaux ouvre la porte à la re-création d’un soi (2.01) — Les portraits photographiques reflètent la réussite individuelle (2.02) — Les réseaux sociaux nécessitent la création d’une image de soi fidèle ou non au réel

3 — Omniprésence de la mode dans les sociétés occidentales (3.01) — La mode : définition de Marie-José Mondzain (3.02) — La photographie de mode, en Occident, forme nos concepts de la beauté, de la célébrité et de la réussite (3.03) — Les mannequins, des célébrités qui deviennent à leur tour des modes

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MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION COMMERCIALE À DES FINS DE RÉUSSITES SOCIALES INDIVIDUELLES

1 — L’industrie du spectacle (1.01) — Chacun veut participer à l’industrie du spectacle (1.02) — Les marques offrent les moyens aux consommateurs- spectateurs de paraître célèbres (1.03) — Faire partie de l’industrie du spectacle c’est exister sur les réseaux sociaux

2 — Fantasmer sa propre image en se projetant dans les modèles médiatiques de réussite sociale (2.01) — Customiser sa propre identité en images (2.02) — Mimétismes de l’esthétique des images médiatiques (2.03) — La séduction : argument numéro un de la vente de soi

3 — Diffuser l’image de son corps : démarche privée ou publique ? (3.01) — L’objet de vente est le corps (3.02) — Quelles intentions sont à l’origine de la diffusion des représentations amateurs sur les réseaux ? (3.03) — Sommes nous face à une pratique professionnelle ou à une pratique privée de la part des internautes?

3

PERSONAL BRANDING : PRATIQUE PROFESSIONNELLE ET PRATIQUE AMATEUR

1 — Le Personal Branding, une pratique professionnelle (1.01) — Des formations de Personal Branding accessibles à tous publics (1.02) — L’identité numérique sur les réseaux sociaux (1.03) — Vie privée - vie publique : plus de limites pour étendre son image de marque

2 — Peut-on qualifier la démarche promotionnelle des amateurs de Personal Branding ? (2.01) — Facebook : le réseau situé entre espace public et espace privé (2.02) — Stratégies marketing inconscientes : l’identité numérique incontrôlée

3 — Des images privées dans un « espace public » (3.01) — Le pouvoir des images représente-t-il un danger pour les personnes qui ne le maîtrise pas ? (3.02) — Des images qui collent à la peau (3.03) — Internet : miroir et amplificateur de tous les aspects de la vie publique

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— PRÉFACE

Dans toute l’histoire de la création d’images, la photographie est la technique qui se rapproche le plus de ce que l’on perçoit avec notre œil. C’est une représentation fidèle de la réalité, et depuis les débuts de son élaboration au XVIIIe siècle, elle a très souvent servi aux recherches scientifiques, en tant que visuel de référence. Et alors que nos ancêtres, il y a moins d’un siècle, considéraient la photographie comme un objet rare, précieux et gratifiant, à l’inverse, nous consommons le cliché photographique à la moindre occasion.

Aujourd’hui la photographie est populaire, elle est présente sur tous nos écrans, que soit la télévision, le cinéma, la presse ou encore Internet. Dans une époque où l’image circule à flots sur les réseaux, la photographie n’est plus utilisée comme une référence scientifique mais comme le médium de communication le plus adopté au monde. Les photos partagées sur les réseaux sont des images instantanées que chacun personnalise et ainsi, elles servent de démarches d’exposition de soi sur la toile. L’image fait désormais partie intégrante de notre quotidien sur le Web, à tel point qu’elle en devient indispensable à nos relations sociales virtuelles. Mais pour exister dans ce monde immatériel, notre seul référent est le corps et qui plus est, l’image de notre corps. Matière d’identité au plan individuel et collectif, le corps est l’espace qui se donne à voir et à lire à l’appréciation des autres. C’est par lui que nous sommes nommés, reconnus et identifiés à une appartenance sociale. Le corps est la souche identitaire de l’homme, le repère que chacun possède pour s’identifier.

En effet, dans un monde immatériel dépourvu des images qu’on ne lui a pas encore données, la seule façon d’être visible est de se montrer grâce à la représentation photographique. L’exposition de soi sur les réseaux est un phénomène qui a aujourd’hui un nom, le Personal Branding. Il a été défini en 1981 par Al Ries et Jack Trout pour définir le fait de créer et de gérer sa propre marque, que ce soit par la réputation immatérielle du

PRÉFACE

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1716 PRÉFACE

Ma recherche se porte sur la sémiologie même des photographies orchestrées par les internautes, les influences sociologiques ou visuelles qui les ont amenés à produire ce type de visuels. Cette recherche me permet également de constater que même muni d’un appareil photographique dernier cri, tout le monde ne peut pas créer des images qu’il contrôle et qu’il comprend. L’image demande une grande attention et une grande réflexion pour atteindre l’objectif qu’on lui donne. J’aimerais comprendre pourquoi les internautes pensent que ces images peuvent les promouvoir sur leur réseaux. J’aimerais également savoir si leurs stratégies commerciales, qu’on imagine instinctives, peuvent réellement marcher.

Pour cela, nous analyserons l’influence de l’imagerie de mode sur l’inconscient des sociétés occidentales, ce qui nous permettra d’en déduire que les internautes s’approprient l’esthétique de ces visuels dans le processus de création de leurs portraits. Et enfin, nous replacerons ces images dans leur contexte relationnel, que sont les réseaux sociaux, par lesquels les internautes pensent valoriser leur image.Ainsi, tout au long de ma recherche, je m’efforcerai de répondre à cette question : la représentation photographique de soi sur les réseaux sociaux tels que Facebook favorise-t-elle le processus de Personal Branding ?

bouche à oreille ou par la diffusion de l’image. Cette nouvelle catégorie de « marque » est rattachée à un individu et non à un produit. Pourtant le Personal Branding s’inspire des techniques commerciales dont les entreprises se servent pour promouvoir leur image de marque. Bien entendu ce phénomène n’est pas apparu d’un coup, les réseaux sociaux l’ont encouragé, puisque la création d’un profil sur des réseaux sociaux tels que Facebook nécessite l’ajout de photographies. Cela engendre le besoin de créer un profil à son image. C’est une démarche qui nécessite de flatter son égo et bien entendu, un profil qui ne ressemble pas à celui d’un autre est un profil qui illustre le caractère d’un individu unique. Cependant la manière la plus efficace de représenter son image dans un espace virtuel est de représenter son corps. Ainsi lorsqu’on associe les termes de photographie du corps avec celui de promotion d’image de marque, on ne peut que penser à l’univers de la photographie de mode. Ce terme fastidieux qu’est le mot « mode », englobe ce monde sans frontières où l’image des marques est minutieusement glorifiée. L’univers de la mode a toujours défini la manière d’apparaître dans un espace et la façon d’être perçu par autrui. Les représentations de mode ne se contentent pas de vendre des produits de luxe, elles glorifient une image très spécifique du corps humain. Un idéal de beauté, d’élégance, de luxe et de séduction. La beauté est un luxe, ainsi que la jeunesse. Seules des égéries divinement belles et jeunes sont à même de véhiculer l’image du luxe et de la réussite. C’est dans cette image précise que se projette le spectateur-consommateur. Le désir de hisser son image au rang de ces figures de mode, l’amène à vouloir accéder à des représentations de lui-même véhiculant ces mêmes valeurs. Ces valeurs ne sont pas simplement des rêves que l’on garderait pour soi-même, elles permettraient d’obtenir auprès d’autrui la reconnaissance de sa propre valeur. Ou du moins, de valeurs que l’on pense être glorifiantes pour sa propre réputation. C’est ainsi que le désir de devenir soi-même un modèle de beauté, de luxe et de de réussite sociale, donne lieu à une production massive de représentations photographiques du corps, et ceci, sur des réseaux sociaux comme Facebook.

PRÉFACE

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE

INDIVIDUELLE SUR LES RÉSEAUX

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 1. L’ATTENTE DES INDIVIDUS 2. LA SOCIÉTÉ VIRTUELLE DES RÉSEAUX SOCIAUX 3. OMNIPRÉSENCE DE LA MODE DANS LES SOCIÉTÉS

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1. Christopher Lasch, La Culture du Narcissisme, p.86.

1 — L’ATTENTE DES INDIVIDUS PAR RAPPORT AUX RÉSEAUX(1.01) — LA RÉUSSITE SOCIALE : DÉMARCHE INDIVIDUALISTE

À l’heure actuelle, l’expression « réussite sociale » ne résonne plus comme elle a pu le faire durant les siècles précédents. L’ardeur au travail et l’accomplissement de tâches hasardeuses étaient les preuves irréfutables de la valeur d’une personne dans son métier. La réputation s’acquérait par l’action et les résultats. Chacun pouvait atteindre sa réussite dans le monde social en offrant sa vie au travail et en accumulant toutes les vertus de l’homme d’avenir : persévérance, sobriété, ambition, modération et humilité.

Christopher Lasch décrit, ici, une société du XXe siècle dont la réussite et l’accomplissement social du self made man sont entièrement dus aux actions qu’il a réalisées et à son ardeur au travail. Sa réputation va de pair avec sa vraie valeur sur le terrain. C’est en effet un concept de la réussite sociale bien différent de l’idée que s’en fait aujourd’hui notre société.

La réputation de l’Amérique, en tant que monde où tout était pos-

sible, reposait sur une affirmation fondamentale : la destruction des

obstacles héréditaires créait les conditions d’une mobilité sociale

ne dépendant que de l’initiative individuelle. Le self made man,

l’homme qui ne doit sa réussite qu’à lui-même, incarne l’archétype

du rêve américain. Son succès est l’effet de son zèle au travail, de sa

sobriété, de sa modération, de son autodiscipline, et de son refus de

faire des dettes. Il vit pour l’avenir, évite de s’abandonner au plaisir.

Il se livre au contraire aux joies de l’accumulation patiente et persé-

vérante de ses gains.1

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 1. L’ATTENTE DES INDIVIDUS 2. LA SOCIÉTÉ VIRTUELLE DES RÉSEAUX SOCIAUX 3. OMNIPRÉSENCE DE LA MODE DANS LES SOCIÉTÉS

LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 2322

4. Ibid, p.94.2. Christopher Lasch, La Culture du Narcissisme, p.93-94.3. Ibid.

Christopher Lasch nous parle d’un XXIe siècle centré sur une loi du paraître. La réputation d’un individu n’est plus due à ses actes mais au paraître de ceux-ci.

C’est ainsi que la réussite sociale apparue comme une fin en soi, une sorte de victoire sur ses concurrents afin d’assouvir sa propre personnalité. Le contenu du succès semble même ne plus avoir d’importance. L’essentiel est de l’obtenir et de le montrer au autre.

Le succès est synonyme de puissance sur autrui, de la victoire sur une course à l’accomplissement personnel. Et comme le dit si bien Lasch, « rien ne réussit mieux que l’apparence de la réussite ». Nous voilà donc dans une société où le succès est devenu sa propre définition, un individu ne peut me-surer ses accomplissements qu’en les comparant à ceux des autres. Ainsi, l’accomplissement est vidé de sa substance :

La réussite sociale serait alors un but en soi pour atteindre la richesse et le pouvoir ? Au risque de ne plus récolter le gain de leurs propres attributs et réalisations, les individus sont prêts à enjoliver une image d’eux-même, de leur personnalité et de leurs capacités dans la seule intention de gravir les échelons sociaux. Qui plus est, les évolutions technologiques de notre temps ont permis de populariser et d’accroître les échanges sociaux par le biais du Web 2.0. Ces nouveaux médias que sont les réseaux sociaux, deviennent la principale source de diffusion médiatique que possède chaque individu. Et c’est un moyen efficace et rapide dont peu de gens se privent pour communiquer avec les autres.

(1.02) — FONCTIONNEMENT DES MÉDIAS SOCIAUX SUR LE WEB 2.0

Aujourd’hui, en France, un nombre conséquent de personnes possèdent une vie sociale sur le Web et ceci par l’intermé-

La conduite des relations interpersonnelles vint à être considérée

comme l’essence de l’avancement personnel. […] Les jeunes gens

désireux de réussir reçurent pour conseil d’apprendre à « se vendre ».

[…] En tant que formule pour réussir, « se faire des amis et influencer

les gens » n’avait plus grand-chose à voir avec l’ardeur au travail et

à l’épargne.[…].2

[...] les apparences – « images séductrices » – sont plus importantes

que la qualité du travail exécuté, la réputation, l’attribution d’un

succès comptant plus qu’un véritable accomplissement. L’un des au-

teurs semble laisser entendre que le moi n’est guère autre chose que

son image réfléchie dans les yeux d’autrui. «Il n’est pas très original

de le dire, mais je suis sûr que vous tomberez d’accord avec moi pour

dire que la façon dont on se voit reflète l’image que l’on montre à

autrui. (Robert.L Shook, Winning images, NY, Macmillan, 1977,

p.22).3

La satisfaction de soi-même dépend de l’acceptation et de l’appro-

bation publiques, et ces dernières ont elles-mêmes changé de nature.

Jadis la bonne opinion qu’amis et voisins pouvaient avoir d’un in-

dividu indiquait à celui-ci qu’il s’était révélé utile à sa communauté,

car cette opinion reposait sur ses accomplissements, ses réalisations.

Aujourd’hui, les hommes recherchent l’approbation non de leurs ac-

tions, mais de leurs attributs personnels. Ils ne souhaitent pas tant

être estimés qu’admirés. Ils cherchent moins à acquérir une réputa-

tion qu’à connaître l’excitation et les éclats de la célébrité. Ils veulent

être enviés plutôt que respectés. L’orgueil et l’âpreté au gain, carac-

téristiques du capitalisme en voie de développement, ont fait place

à la vanité. Pour la plupart […], le succès est encore synonyme de

richesse, de renommée et de pouvoir[…].4

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 1. L’ATTENTE DES INDIVIDUS 2. LA SOCIÉTÉ VIRTUELLE DES RÉSEAUX SOCIAUX 3. OMNIPRÉSENCE DE LA MODE DANS LES SOCIÉTÉS

LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 2524

7. Pierre Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, Chap.V, p.86.8. Dominique Cardon, La démocratie Internet, Chap. III, p.55.9. Dominique Cardon et Hélène Delaunay-Teterel, La production de soi comme technique relationnelle, un essai de typologie des blogs par leurs publics, p.3-4.

5. Étude Nielsen, Mai 2012. (source : FrenchWeb.fr, http://frenchWeb.fr/les-3-dernieres-etudes-a-decouvrir-99825/71292)6. Dominique Cardon, La démocratie Internet, Chap. III, p.55.

diaire de réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, Flickr, LinkedIn… Selon les derniers chiffres publiés par Nielsen, basés sur le mois de mai 2012, la France compterait désormais près de 26 millions d’utilisateurs Facebook. Au total, la moitié des utilisateurs (13 millions) se connecterait au réseau social directement depuis un smartphone. Le cabinet indique égale-ment que 63% des utilisateurs s’y rendent quotidiennement.5 Ces statistiques font des réseaux sociaux un élément majeur du quotidien d’aujourd’hui. Un réseau social, d’après la définition de Wikipédia, est un ensemble d’identités sociales, telles que des individus ou encore des organisations, reliées entre elles par des liens crées lors d’interactions sociales. Il se représente par une structure ou une forme dynamique d’un groupement social. Le principe de ces échanges est de pratiquer l’art du bavardage.

Le Web 2.0, est accessible à toute personne possédant un or-dinateur ou une connexion à Internet. Un individu, quelle que soit sa classe sociale dans le monde « réel » devient un individu comme les autres sur le Web.

Cela fait de ce média, un média populaire dont toutes les classes sociales peuvent se servir, comme nous l’indique Dominique Cardon dans La démocratie Internet.

Ce qui signifie qu’Internet met tout le monde sur un pied d’éga-lité, chacun peut, au même titre, s’approprier les réseaux et in-teragir dessus. Ainsi, internet repositionne chaque individu au même point de départ. C’est de ce point de départ que certains vont pouvoir se démarquer des autres. Dominique Cardon met également en évidence le caractère familial des partages que l’on exerce sur les réseaux sociaux, puisque ceux-ci sont constitués par l’internaute lui-même, ils deviennent des terrains conquis, reconnus et rassurants. Ainsi le contexte devient favo-rable pour s’exprimer.

Internet n’est plus une porte ouverte vers un monde de documents

froids et lointains, mais une fenêtre vivante sur notre vie quotidienne.6

La dynamique des réseaux sociaux se caractérise par l’arrivée mas-

sive, sur Internet, de populations beaucoup plus jeunes et issues de

milieux populaires. Dans les pays occidentaux, le fossé numérique

se mesure moins par l’accès à un ordinateur connecté que par les

différentes manières, élitistes ou populaires, de naviguer, de s’exhiber

et d’interagir. Les inégalités sociales et culturelles se distribuent dé-

sormais à l’intérieur des pratiques en ligne. La distinction numérique

est née.8

Les internautes livrent des traces de leur quotidien, racontent

en temps réel leurs activités, exposent des photos de tous les jours,

confient des humeurs et des ambiances, affichent leurs goûts et leurs

coups de coeur.9

Il n’en reste pas moins qu’il n’est pas absurde de faire l’hypothèse que

la multiplication des liens faibles et donc des «ponts» entre milieux et

groupes sociaux, due à la diffusion des nouvelles technologies de com-

munication en général et à l’explosion des réseaux sociaux en ligne en

particulier, peut être au principe d’un affaiblissement des hiérarchies

sociales : dans l’univers de la sociabilité à distance, les structures re-

lationnelles seraient moins marquées par le poids des déterminants

sociaux (de sexe, de classe, d’âge, d’appartenance ethnique…), c’est

du moins ce que laisse entendre une partie des travaux de la dernière

décennie sur les relations entre capital social et stratification sociale

[Granjon, Lelong, 2006]. Internet serait de ce point de vue une sorte

d’espace social carnavalesque, où les individus pourraient s’affran-

chir des règles et des contraintes sociales habituelles, et jouer à oublier

ou changer leur condition.7

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 1. L’ATTENTE DES INDIVIDUS 2. LA SOCIÉTÉ VIRTUELLE DES RÉSEAUX SOCIAUX 3. OMNIPRÉSENCE DE LA MODE DANS LES SOCIÉTÉS

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11. Pierre Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, Chap.V, p.84-85.12. Stanley Milgram, psychosociologue, auteur de The Small World Problem in Psychology Today, 1967, cité par Pierre Mercklé dans Sociologie des réseaux sociaux.

10. Dominique Cardon, La démocratie Internet, p.58.

(1.03) — LES RÉSEAUX PERMETTENT À CHACUN DE SE MÉDIATISER

Internet, et plus précisément les réseaux sociaux, sont un facteur de multiplication des contacts. Mais qu’en est-il de la « force » de ces liens crées de jour en jour ? Ils ont pour conséquence, la plupart du temps, de transformer la notion de « groupe ».

En effet, les groupes seraient, grâce aux possibilités qu’offrent les réseaux sociaux comme Facebook, composés de plus en plus de contacts éphémères. Et nous pouvons supposer que ces contacts éphémères, pourraient dans certains cas, être provo-qués dans des buts précis. Grâce aux théories de John A. Barnes en 1954 et Stanley Milgram en 1967, nous pouvons avancer qu’il suffirait de six intermédiaires maximum pour relier deux personnes qui ne se connaissent pas, et donc, atteindre n’im-porte qui dans le monde.12 Comme je l’ai démontré précé-demment, ces nouvelles technologies sont apparues dans un

Mais raconter sa journée en temps réel n’est pas la seule occu-pation des internautes. Sur les plateformes de réseaux sociaux, les participants sont amenés, dès la création de leur profil, à créer une page qui leur ressemble, qui leur est propre et qui les représente face à leur réseau d’amis et de proches. Cette page nécessite, entre autre, l’ajout de photographies. Le corps étant le lien physique par lequel nous sommes nommés, reconnus et identifiés à une appartenance sociale, une représentation de celui-ci semble être la meilleure solution pour se représenter soi-même et être identifié par ses contacts. Illustrer son profil par un autoportrait devient alors une évidence. Une fois sa page créée, chaque internaute est libre d’exposer certains traits de sa personnalité afin d’entrer en communication avec tout un réseau qu’il va patiemment construire, en créant des liens d’amitié avec ses proches, amis et collègues. Mais comme le souligne Dominique Cardon :

Ainsi comme je l’ai signifié plus haut, les interactions sociales, grâce aux réseaux sociaux, deviennent une véritable course à la réussite, ou du moins à la simulation d’une réussite. De là se développe une auto-construction narrative que chacun met en place afin de partager sa vie ordinaire. Mais cette vie qui semble ordinaire se doit de refléter le bonheur de l’internaute qui la partage, toute chose qui pourra le mettre en valeur et soigner sa réputation auprès de ses amis sera privilégiée. C’est ce qu’on pourrait appeler la quête de reconnaissance publique.

Lorsque l’exposition de soi ne se fait plus vers des inconnus mais

vers des proches, la manière de figurer son identité se modifie

sensiblement.10

D’ensembles relativement homogènes et unifiés, les groupes prennent

de plus en plus la forme de réseaux sociaux hétérogènes, spécialisés,

dont les membres sont désormais plus faiblement reliés les uns aux

autres qu’auparavant [Wellman, Hogan, 2006]. Le friending, porté

à son paroxysme par le succès planétaire de Facebook, serait donc

plutôt du côté du bridging (la construction de nouveaux liens non

redondants) que du bonding (le renforcement des liens existants et

de la redondance intra-groupe) : une enquête longitudinale menée

aux États-Unis sur un échantillon d’étudiants américains montre

que l’utilisation intensive de Facebook lors de la première année de

l’enquête est un fort prédicateur de l’augmentation des liens faibles

au cours de l’année suivante, en particulier chez les enquêtes affi-

chant les niveaux initiaux d’estime de soi les moins élevés [Steinfield,

Ellison, Lampe, 2008].11

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 2928

Ainsi, sur un tel média social, se médiatiser devient très facile et très rapide ; de part la publication de photos, de vidéos, d’hyperliens, ainsi que la création de groupes, de pages, etc. Autant de supports et de médias qui permettent une haute diffusion de contenus. Dès lors, les individus ont, aujourd’hui, tous les outils en main pour s’auto-promouvoir auprès de leurs contacts.

2 — LA SOCIÉTÉ VIRTUELLE DES RÉSEAUX SOCIAUX OUVRE LA PORTE À LA RE-CRÉATION D’UN SOI

(2.01) — LES PORTRAITS PHOTOGRAPHIQUES REFLÈTENT LA RÉUSSITE INDIVIDUELLE Le relationnel des échanges sur les réseaux sociaux implique un rapport à soi très intense qui pourrait s’apparenter à une pratique narcissique. Toutefois on peut constater qu’elle est contrôlée pour certains et inconsciente pour d’autres. Dans ces échanges relationnels sur la toile, nous nous inté-resserons plus particulièrement aux photographies de por-traits d’internautes, la plupart du temps utilisés pour illustrer leur profil. Comme je l’ai souligné, la manière de figurer son identité est un aspect très important lorsqu’on est en contact avec un réseau relationnel. La facette la plus visible de notre identité est, sans nul doute, notre corps et celui-ci est l’élément qui nous distingue des autres, puisque chacun est unique, mais c’est aussi l’élément qui nous rapproche d’eux. Contrôler la visibilité de notre corps c’est contrôler l’image de nous-même que l’on donne à voir au monde extérieur. Ainsi, contrôler notre corps et son image revient à contrôler notre ré-

contexte social où les interactions entre individus sont moti-vées par l’atteinte d’une réussite sociale individuelle. Les liens faibles permettent l’accès à des relations plus professionnelles, des personnes avec lesquelles il pourrait être intéressant de tra-vailler un jour ou l’autre. Néanmoins, en situation difficile, dans un cadre plus privé, on se tourne vers les liens forts, qui sont, en général, nos proches. Ainsi, il ne faut pas pour autant négliger les liens faibles qui permettent de diversifier les informations que l’on reçoit et le réseaux qu’ils nous permettent d’atteindre. Ces liens sont provoqués par l’auto-médiatisation de chaque individu, c’est-à-dire le fait qu’ils se rendent visibles afin d’être repérés et contactés par autrui.Cependant, il convient de distinguer les réseaux sociaux des médias sociaux. Les médias sociaux proposent des outils de publication (les blogs, les micros blogs), des sites de partage de contenus numériques (Flickr pour les photos, Dailymotion, Youtube ou Viméo pour la vidéo, Diigo site de partage de signets, Slideshare pour les diaporamas), des pages person-nelles (Netvibes), des univers virtuel (Second Life). Les sites de médias sociaux mettent l’accent sur le contenu, ils utilisent des techniques de communication dont l’accessibilité et l’utili-sation sont facilitées pour tous afin d’accéder aux interaction sociales sans problème. Dans les réseaux, au contraire, l’im-portant est le profil des usagers. Le partage de contenu est également très important si l’ont veut communiquer son travail à son réseau (son site, son blog…). Quant au profil usager, il est tout aussi influent sur un réseau puisqu’il défini l’identité de l’individu à qui il appartient. Les deux sont complémentaires, et c’est en cela que Facebook est devenu un réseau très popu-laire, il les réunit. C’est en cela que je vais m’intéresser plus particulièrement à ce réseau.

LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 1. L’ATTENTE DES INDIVIDUS 2. LA SOCIÉTÉ VIRTUELLE DES RÉSEAUX SOCIAUX 3. OMNIPRÉSENCE DE LA MODE DANS LES SOCIÉTÉS

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 3130

13. Gilles Lipovetsky, L’empire de l’éphémère, Chap. II, p 103.14. Ibid, p 103.

Ce sont ces nouvelles valeurs morales glorifiant l’humain qui ont permis l’anoblissement de la mode. L’idéologie individua-liste et l’âge sublime de la mode sont ainsi inséparables du culte de l’épanouissement individuel, du bien-être, des jouissances maté-rielles, désir de liberté, volonté d’affaiblir l’autorité et les contraintes morales : les normes « holistes » et religieuses, incompatibles avec la dignité de la mode, ont été minées non seulement par l’idéologie de la liberté et de l’égalité, mais aussi par celle du plaisir, tout aussi

caractéristique de l’ère individualiste.14 Le plaisir humain, comme le dit Gilles Lipovetsky, est devenu le moteur de notre société, de nos façons de vivre et de penser. L’ère individualiste, comme il la nomme, est la conséquence directe de cette recherche de l’épanouissement individuel. Cet épanouissement se traduirait aujourd’hui, sur les réseaux par un certains nombres de comportements ; l’exposition de sa vie quotidienne sur les blogs, le partage de ses photos de vacances, etc. Mais elle se traduirait également par la représentation pho-tographique de soi et la diffusion de ces photographies. Car la représentation de son propre corps serait le reflet de son propre bonheur, de sa propre réussite et de son propre épanouisse-ment. Cette représentation sur les réseaux aujourd’hui est la plupart du temps photographique. Et comme nous le savons, la photo est devenue accessible à tous, elle n’appartient plus à une minorité artistique et sa diffusion n’est plus restreinte à des lieux réservés à l’élite.Ainsi, se représenter soi, est devenu un véritable jeu d’enfant. Cela voudrait-t-il dire que tout le monde serait à nouveau sur

putation. Dans le monde virtuel du Web 2.0, aucune image de notre corps n’existe si elle n’y a pas été introduite au préalable, notre apparence physique y est invisible jusqu’à ce qu’une re-présentation vienne l’imager. Ainsi, les représentations photographiques d’internautes viennent inonder les réseaux sociaux. Lorsque je parlais, plus haut, de la conception actuelle et collective de l’expression de « réussite sociale », je n’ai pas mentionné ce point ; la recherche constante par l’internaute d’un bonheur visible. C’est-à-dire un bonheur qui, comme la notion de « réussite sociale », a son propre écho dans notre société. Et on pourrait résumer la notion de « bonheur », à notre époque, comme le bonheur de posséder. Lipovetsky rapproche le bonheur de la possession de biens « à la mode », et introduit ainsi l’univers séducteur de la mode à notre perception du bonheur :

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L’apologie du bonheur, la recherche de l’agréable, l’aspiration à une

vie plus libre, plus heureuse, plus facile, ont entraîné un processus

d’humanisation du sublime, une conception moins majestueuse,

moins haute du beau ainsi qu’un anoblissement des choses utiles,

des « menus plaisirs », des fantaisies décoratives, des beautés et raf-

finements temporels : fanfreluches, bibelots, « petits appartements »,

décorations d’intérieur, miniatures, petites loges de théâtre, etc. À

l’hégémonie du majestueux se sont substitués une esthétique des

formes gracieuses, un éloge de la légèreté séduisante, de la variété

source de plaisirs et d’excitations. Au coeur du statut moderne de

la mode, la nouvelle morale individualiste signifiant la liberté, le

plaisir, le bonheur : ainsi Le magasin des modes, qui porte pour

épigraphe « l’ennui naquit un jour de l’uniformité », est-il bien en

écho avec l’esprit hédoniste du siècle épris de sensations inattendues,

de surprises, de renouvellements. À la racine de la promotion de la

mode, la répudiation du péché, la réhabilitation de l’amour de soi, des

passions et du désir humain en général : le magazine définit ainsi ses

buts : « Mettre tout le monde en état de satisfaire cette passion qu’il

apporte en naissant pour les objets qui le feront paraître avec le plus

d’avantages et d’éclat. »13

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 3332

15. Dominique Cardon, La démocratie Internet, p.55.

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rivée massive, sur internet, de populations beaucoup plus jeunes et issues de milieux populaires.15 Les milieux populaires sont extrê-mement exposés aux mass médias, ce qui pourrait expliquer cette culture médiatique de l’image. À présent, si nous reconsidérons le besoin des internautes de représenter leur corps sur les réseaux sociaux et que nous nous projetons dans les références visuelles auxquelles ils se rap-portent pour réaliser leurs images, nous pouvons penser que leur principale source d’inspiration serait la photographie de mode. En effet, la photographie de mode pourrait être le vec-teur responsable de la vision que les internautes voudrait avoir de leur propre corps. Non pas par le simple fait que la photogra-phie de mode représente l’Homme, mais parce qu’elle symbo-lise le modèle de réussite que chacun rêve d’atteindre. Prenons l’exemple de Abraham Amara-Boulay et d’Aline Gamin, deux internautes présents sur Facebook. [Annexe 01, Fig.01 & 05] À première vue, ces deux personnages ont un point en commun : leur pose. En effet, l’attitude qu’ils emploient tous les deux n’est pas anodine. Ce ne sont ni des poses ordinaires ni des poses naturelles. Un air assuré, une posture qui met en valeur leur corps, ces photographies sont clairement inspirées des photographies de mode que nous avons l’habitude de voir dans certains magazines et répondent à des schémas types qui sont entrés dans les moeurs.

3 — OMNIPRÉSENCE DE LA MODE DANS LES SOCIÉTÉS OCCIDENTALES

(3.01) — LA MODE : DÉFINITION DE MARIE-JOSÉ MONDZAIN

un même pied d’égalité et que seule la meilleure photographie ferait la différence ?

(2.02) — LES RÉSEAUX SOCIAUX NÉCESSITENT LA CRÉATION D’UNE IMAGE DE SOI FIDÈLE OU NON AU RÉEL

Désormais, tout le monde produit des images qui sont diffusées sans aucune limite ni contrainte. Les photographies inondent la vie sur Internet, des blogs en passant par les réseaux sociaux, la photographie est partout. La question de la technique ne se pose pas, chacun est à même, aujourd’hui, de représenter son corps par l’intermédiaire d’un appareil photographique. La vraie question serait de comprendre comment chacun s’y prend pour se représenter. Donner l’image de nous tels que nous sommes, tels que nous nous percevons ou tels que nous aimerions être perçus ? Créer une image implique de maîtri-ser les messages qu’elle diffuse. Et si l’on en croit le rôle que donnent les internautes à leurs images, à savoir soigner leur ré-putation, la création de celles-ci n’est plus à prendre à la légère. Une représentation photographique est subjective, elle peut être fidèle au réel, comme elle peut-être sujette au rêve et au fantasme. De même que les images photographiques que l’on crée ne viennent pas de notre imaginaire – tout comme les rêves qui se nourrissent d’une réalité – les images photographiques se nourrissent de nos références culturelles, qui elles, sont bien réelles. Au XXIe siècle, si nous repensons le contexte de notre univers visuel, nous constaterons que les médias sont les prin-cipales sources d’images que nous côtoyons chaque jour sans nous en rendre compte. La culture populaire de l’image est la culture de la mass média et comme l’a précisé Dominique Cardon, la dynamique des réseaux sociaux se caractérise par l’ar-

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 3534

17. Christopher Lasch, La Culture du Narcissisme, p.109.18. Gilles Lipovetsky, L’empire de l’éphémère, p.45.

16. Marie-José Mondzain, La mode, petites conférences, p.10-11.

de vie humaine. C’est-à-dire que les photographies de mode englobent la totalité de l’expression « être à la mode », elles com-portent non seulement les accessoires à la mode, mais égale-ment le corps qui devient le modèle de silhouette, de beauté et d’élégance « à la mode ».

Encore une fois, la publicité qui promeut la mode, vend un style de vie, une vie qui ne peut pas se passer de tous ces ac-cessoires. Comme je l’ai cité plus haut, avec Lipovetsky, la so-ciété de consommation actuelle vend à l’individu l’accès à un épanouissement personnel qu’il ne pourrait pas atteindre sans la consommation. Tout le secret est là, les grands maîtres qui tirent les ficelles de la mode ne contrôlent pas uniquement son aspect matériel, ils contrôlent aussi tous les aspects du compor-tements à adopter pour paraître à la mode.

Car être à la mode, c’est aussi avoir des prétentions sociales, et faire partie d’un milieu aisé. C’est alors que l’accès à un milieu aisé est non seulement le résultat d’un épanouissement person-nel mais également d’une réussite sociale. Ce grand théâtre de la mode, Marie-José Mondzain le définit comme faisant partie d’une industrie du spectacle de laquelle les médias, le cinéma,

La mode est un phénomène qui nous touche tous, un phé-nomène qui pourrait être qualifié de superficiel et peu pro-fond puisqu’il vise notre apparence. Il semble dénué de tout sérieux, être un sujet sur lequel on ne devrait pas s’attarder, ni même penser qu’il a une quelconque influence sur nos façons d’agir, sur nos rapports avec les autres et sur la maîtrise que l’on souhaite avoir de l’exposition de soi en société. Mais en réalité, qu’est ce que la mode ? Ce mot fait partie de notre lan-gage courant et n’importe qui pense être à même de définir ce terme. Nous avons l’impression de savoir de quoi il s’agit car nous sommes tous confrontés, chaque jour, aux magazines qui diffusent des images représentant la mode et aux boutiques qui vendent des articles dits « à la mode ». Ce contact permanent avec elle nous amène à penser que nous savons de quoi il s’agit. Cependant, si nous regardons de plus près l’expression « être à la mode », celle-ci ne concerne pas uniquement l’accessoire de mode, à savoir, les vêtements au sens large.

On s’aperçoit alors que la mode n’est pas uniquement une question d’accessoires, elle fait aussi l’objet d’un rapport à soi très intense et de la maîtrise complète de l’exposition de son propre corps. L’attitude du corps vient alors compléter son esthétique vestimentaire. Et c’est précisément cette recherche dans le paraître de l’attitude qui a poussé la mode à faire appel à la représentation photographique de ses collections, et ceci, par l’intermédiaire de modèles choisis avec précision. En effet, le mannequin n’est pas un cintre qui présente banale-ment le produit ni même un pantin de bois, sans aucune lueur

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Elle désigne non seulement une manière d’être, une manière de vivre,

de choisir un environnement, des objets. Elle désigne aussi une ma-

nière d’apparaître dans l’espace public, de s’apprécier soi-même dans

son propre regard et la façon d’être perçu par le regard des autres.16

La diffusion de mode a moins été une forme de contrainte sociale

qu’un instrument de représentations et d’affirmations sociales, moins

un type de contrôle collectif qu’un signe de prétention sociale.18

[Ainsi,] la publicité sert moins à lancer un produit qu’à promouvoir

la consommation comme style de vie. Elle « éduque » les masses à

ressentir un appétit insatiable, non seulement de ses produits, mais

d’expériences nouvelles et d’accomplissement personnel.[…] D’où la

volonté d’envelopper la marchandise d’une aura romantique, d’al-

lusions à des lieux exotiques, à des expériences merveilleuses, et de

l’affubler d’images de seins féminins, d’où coulent tous les bienfaits.17

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 3736

20. Deyan Sudjic, Le langage des objets, chap. 4, La Mode, p. 163.21. Irving Penn, photographe de mode américain du 20e siècle.

19. Gilles Lipovetsky, L’empire de l’éphémère, p.60.

Ainsi, notre inconscient emmagasine un nombre incalcu-lable d’images qui imprègnent nos façons d’appréhender le monde. Mais ce ne sont pas n’importe quelles images, ce sont des photographies. La photographie, qui comme on le sait, n’a pas toujours eu le rôle d’imagerie de fantasme, a long-temps servi de visuel de référence scientifique (Muybridge, système Berthillon, la Nouvelle photographie...). Toutefois la photographie reste, aujourd’hui encore, une image qui res-semble à notre monde. Ainsi, dans les mots « photographie de mode », nous avons la notion de « photographie » et la notion de « mode ». Si l’on combine la définition de la photographie, à savoir une reproduction fidèle de la réalité, et la définition de la mode, énoncée plus haut, qui désigne la manière d’être d’un individu, nous obtenons une définition de la photographie de mode, qui serait, une reproduction réaliste et fidèle de la manière d’être de l’Homme. Cela voudrait dire que la photo-graphie de mode donnerait une image fidèle de l’Homme ? Et comme nous l’avons énoncé tout à l’heure la mode n’existe pas sans Hommes. La photographie de mode comporterait donc automatiquement une représentation du corps humain. Que ce soit en plans serrés ou larges, l’Homme fait partie intégrante de l’image de mode. Mais qu’est-ce qui définit une image de mode d’une autre image ? En 1950, Irving Penn annonçait, la photo-graphie de mode est un portrait, de même que le portrait est une photographie de mode.21 Ces quelques mots mettent en évidence la frontière quasi inexistante qui sépare une photographie de portrait d’une photographie de mode. Toute deux, comme je l’énonçais plus haut, comportent une représentation du corps

le sport ainsi que toutes activités publiques et médiatiques font parties. Une industrie dont les coulisses sont totalement pas-sées sous silence afin que le spectateur-consommateur n’en ai nullement conscience. Ainsi cette inconscience a le pouvoir de croire en tous ses rêves et de vouloir les réaliser.

(3.02) — LA PHOTOGRAPHIE DE MODE, EN OCCIDENT, FORME NOS CONCEPTS DE LA BEAUTÉ, DE LA CÉLÉBRITÉ ET DE LA RÉUSSITE

Notre société actuelle nous offre, au quotidien, un monde empli d’images : des visuels qui nous agressent, nous touchent ou bien nous vendent des produits divers et variés. Ainsi la photographie de mode est entrée dans les moeurs par le biais des médias. Ceux-ci étant de nos jours omniprésents dans la rue, à la télévision et sur Internet, en quelques mots, ils nous assaillent de visuels en tout genre. Deyan Sudjic nous donne un exemple d’un numéro de Vogue, dans lequel les pages de publi-cité ont quasiment une place plus importante que le contenu du magazine.

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Avec l’essor de la bourgeoisie l’Europe a vu s’amplifier les désirs de

promotion sociale et s’accélérer les phénomènes de contagion imita-

tive ; nulle part ailleurs, les barrières de classes, les états et conditions

n’ont été franchis avec autant d’ampleur.19

La mode est réduite à une série frénétique et interminable d’images

étourdissantes qui peuvent, même brièvement, faire tourner la tête à

un public blasé.20

Le numéro de Vogue coïncidant avec les collections est truffé de

publicités dont l’unique objectif est de distinguer une marque d’une

autre en une fraction de seconde - c’est-à-dire, grosso modo, le temps

de tourner la page -, un délai toutefois trop court pour insérer du

texte et même, dans bien des cas, donner un aperçu des habits.

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 3938

23. Marie-José Mondzain, La mode, petites conférences, p.51.24. Ibid, p.52.

22. Gilles Lipovetsky, L’empire de l’éphémère, p.19.

comble par la séduction et l’éphémère, par la logique même de la mode. Ce qui résume à la perfection cette tendance au mimétisme aveugle.

(3.03) — LES MANNEQUINS, DES CÉLÉBRITÉS QUI DEVIENNENT À LEUR TOUR DES MODES

Marie-José Mondzain nous parle des prémices de la mode et du statut du mannequin qui à l’époque n’était pas une personne, mais un objet inanimé en bois, un corps sans tête.23 Ainsi jusqu’à la moitié du XXe siècle, les mannequins étaient anonymes puis, avec le développement de la mode comme art produit par des créateurs, nous avons commencé à identifier les mannequins et à les associer aux stars. La notoriété du photographe, dans le monde de la mode, fait de ses photographies des clichés de mode. Mais ce n’est pas seulement le photographe qui fait de sa photo une image de mode dans ces cas-là. Les modèles ne sont pas choisis au hasard. Ils représentent un idéal de beauté et d’élégance. Et lorsque le faciès du mannequin est célèbre dans le monde entier pour avoir été l’égérie de D&G, de Guerlain, ou bien de Dior, il représente à lui seul l’emblème de la marque. Ces images médiatiques alimentent l’industrie du spectacle de la mode. [Annexe 02, Fig.03 & 04]

Elle nous explique que ces mannequins sont sorties de l’ano-nymat par leur participation à cette société du spectacle et non pas par leurs qualités artistiques ou leurs exploits accomplis qui

humain. Si nous prenons une photographie de Paolo Roversi, par exemple, nous constaterons que, sortie de son contexte, elle peut être considérée, simplement, comme le portrait d’une jeune femme. En oubliant la renommée du photographe et de ses modèles (Devon Aoki ou Natalia Vodianova) [Annexe 02,

Fig.01 & 02], quels seraient les critères délimitant la frontière entre photographie et photographie de mode ? Est-ce justement la renommée des protagonistes qui font de cette image une image dite « de mode » ? Ou bien est-ce cette ambiguité qui engendre le succès de ces images ? La frontière invisible entre ces deux types d’images engendre l’impact qu’elles ont sur notre inconscient. En effet, reprenons les images de Paolo Roversi, si celles-ci sont considérées par le spectateur comme étant de simples photos prises par un pho-tographe quelconque, cela veut dire que l’univers qu’elles re-présentent fait également partie du monde réel, ce monde que chaque consommateur connaît. Un monde proche du leur qui paraît accessible. Ainsi opère le théâtre de la mode, impecca-blement mis en scène et ajusté au millimètre près. C’est comme cela qu’elle a conquis son public, chaque artifice est tellement subtil et réfléchi qu’il semble ne plus exister. La mode a mis en place des codes esthétiques que les photographes diffusent par leurs photos. Les images de mode deviennent les médiateurs de cette philosophie de séduction et de perfection et influencent notre conception de l’esthétique et de la beauté. Dans L’empire de l’éphémère, Gilles Lipovetsky affirme :

Ainsi, les Hommes sont tributaires de ces modes. Ils les suivent et les imitent aveuglément, à tel point que nous assistons au-jourd’hui à l’avènement d’une société restructurée de fond en

LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 1. L’ATTENTE DES INDIVIDUS 2. LA SOCIÉTÉ VIRTUELLE DES RÉSEAUX SOCIAUX 3. OMNIPRÉSENCE DE LA MODE DANS LES SOCIÉTÉS

La séduction et l’éphémère enchainent l’esprit et ils sont les signes

même de la captivité des Hommes. 22 [...]

C’est ce qu’on appelle la société du spectacle, par quoi l’on veut dire

que la façon d’être visible pour chacun n’est plus liée à la réalité so-

ciale ou à la force intime d’un désir, mais est totalement dépendante

de notre participation à un commerce du spectacle, nous dit-elle.24

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LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 4140

25. Ibid, p.62.26. Gilles Lipovetsky, L’empire de l’éphémère, p.45.27. Ibid.

28. Deyan Sudjic, Le langage des objets, chap. 4, La Mode, p.159.29. Marie-José Mondzain, La mode, petites conférences.

Aujourd’hui ce sont les marques qui ont besoin de l’image des célébrités déjà reconnues pour promouvoir leur image.

Ces stars deviennent des modèles de réussite, elles sont sur tous les fronts de l’industrie du spectacle, à tel point que même dans un contexte extérieur à celui de cette industrie, on les consi-dère encore comme des images médiatiques. Si nous prenons l’exemple des studios Harcourt, leurs photographies ne sont pas destinées à servir une image de marque en dehors de la leur, et pourtant, leurs images sont devenues des mythes. Elles possèdent l’image de la star, éternellement belle, jeune, riche et célèbre. À elles seules, ces images transmettent l’univers mé-diatique du spectacle et de la réussite sociale dans l’incarnation de ces êtres fantasmatiques dont l’apparence divine n’est que beauté et séduction.

L’industrie du spectacle a donc réussi à séduire son public par l’image. Ou plutôt, en lui vendant un rêve qu’il voudrait atteindre afin d’obtenir ce que tout individu du XXIe siècle souhaite, exposer aux yeux de tous, son épanouissement et sa réussite sociale individuelle en images : ce qui ne tardera pas à faire des envieux.

auraient engendré une reconnaissance mondiale. Leur image devient le visage d’une marque dont elles sont l’égérie, mais leur personnalité n’existe plus, elle est entièrement reconstituée par cette marque.

C’est en cela que la mode est une machine à créer des mo-dèles de luxe et de réussite sociale auquels notre imaginaire s’accroche.

Autrement dit, l’industrie du spectacle nous vend un rêve ;

Cependant, ce système fonctionnait jusqu’à ce que la marque soit plus reconnue que le modèle lui servant d’égérie.

LE XXIe SIÈCLE, L’ÈRE DE LA RÉUSSITE SOCIALE INDIVIDUELLE 1. L’ATTENTE DES INDIVIDUS 2. LA SOCIÉTÉ VIRTUELLE DES RÉSEAUX SOCIAUX 3. OMNIPRÉSENCE DE LA MODE DANS LES SOCIÉTÉS

Elle [la société du spectacle] construit un rêve qui soutient une ré-

alité et cette réalité est commerciale. […] La puissance du commerce

des marques, de la mode comme industrie du spectacle liée au com-

merce des choses devient un commerce des corps à tel point que nous

ne savons plus si un corps est vendu par une chose ou si une chose est

vendue par un corps ou même s’il faut consommer la chose pour avoir

droit à un corps. La confusion est totale dans la représentation que

nous nous faisons de la reconnaissance ou de l’obligation de paraître

dans la société devenue victime des apparences triomphantes.25

Elle est l’exhibition ostentatoire des signes du pouvoir. Ainsi le vête-

ment de mode est aussi longtemps resté une consommation luxueuse

et prestigieuse, confinée pour l’essentiel dans les classes nobles.26

Ces idéaux de beauté possèdent tout, des vêtements de luxe au corps

parfait, elles alimentent une utopie de perfection que le consomma-

teur voudrait atteindre […] plus fondamentalement, c’est en raison

du désir des individus de ressembler à ceux qui sont jugés supérieur,

ceux qui rayonnent par le prestige et le rang que les décrets de la mode

réussissent à se répandre […].27

Pour garder l’attention du public et rester pertinente auprès du

monde extérieur, la mode avait le devoir de charmer en permanence

de nouvelles élites, non seulement en tant que clients potentiels, mais

également en tant qu’appât à médias.28

Le corps des stars et celui des champions devient un porteur promo-

teur des marques […] Pour les spectateurs-consommateurs d’images

il y a là une offre d’identité, d’identification même au corps de la

star […].29

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2

MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION

COMMERCIALE PAR DES SPECTATEURS-

CONSOMMATEURS DEVENUS INSTIGATEURS DE LEURS PROPRES IMAGES SUR

LES RÉSEAUX

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4544 MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION 1. L’INDUSTRIE DU SPECTACLE 2. FANTASMER SA PROPRE IMAGE 3. DIFFUSER L’IMAGE DE SON CORPS

1. Christopher Lasch, La Culture du Narcissisme, p.108.

1 — L’INDUSTRIE DU SPECTACLE

Nous l’avons bien compris, le monde de la mode et l’univers médiatique des stars sont liés, et désormais, les deux ne sont plus dissociables, ils se regroupent au sein d’un même monde : l’industrie du spectacle.

(1.01) — CHACUN VEUT PARTICIPER À L’INDUSTRIE DU SPECTACLE

L’industrie du spectacle, également appelée industrie du diver-tissement, recouvre l’ensemble de l’industrie du divertissement. Ce terme désigne l’ensemble de ceux qui participent à cet en-vironnement, qu’ils se nomment star, idole, célébrité ou people. Et d’une façon générale, l’expression « industrie du spectacle » recouvre l’ensemble des secteurs du divertissement, mais plus particulièrement le cinéma, la musique, le théâtre, les spectacles de scène, la télévision, le cirque, le sport et plus récemment, la mode. La diffusion au plus grand nombre de cette industrie se fait par l’intermédiaire de la publicité, et c’est par la diffusion de ces images médiatiques que l’on contrôle l’imaginaire des masses. C’est en tout cas ce que soutient Christopher Lasch :

Si l’ont se penche attentivement sur la définition de l’indus-trie du spectacle, on peut constater que les idoles et la mode sont intimement liées aujourd’hui. Que ce soit des idoles créées

La publicité, disait Calvin Coolidge, « est la méthode par laquelle on

crée le désir de posséder de meilleures choses ». La « civilisation » des

masses a finalement donné naissance à une société des apparences :

la société du spectacle.1

Page 23: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

4746 MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION 1. L’INDUSTRIE DU SPECTACLE 2. FANTASMER SA PROPRE IMAGE 3. DIFFUSER L’IMAGE DE SON CORPS

2. Marie-José Mondzain, La mode, petites conférences, p.27.

(1.02) — LES MARQUES OFFRENT LES MOYENS AUX CONSOMMATEURS-SPECTATEURS DE PARAITRE CÉLÈBRES

Nous venons de voir que l’industrie de la mode diffuse un fan-tasme de réussite sociale dans lequel se projettent certains in-dividus afin de lutter contre leur propre invisibilité auprès de leurs connaissances. Nous avons également vu que la réalité virtuelle préconise à ses utilisateurs de multiplier les connais-sances et de les conserver pour pouvoir exister socialement sur la toile. De ce constat nous établirons le fait que la loi des ré-seaux sociaux entraîne les utilisateurs à adopter une présence quasi continuelle sur leur profil afin de rester actifs et d’alimen-ter le flux continu d’actualités ; leurs actualités. Car le principe de ces échanges sociaux virtuels est bien entendu d’intéresser les autres, d’attirer leur reconnaissance, leurs réactions et leurs retours mais aussi, de devenir quelqu’un de populaire. C’est en vue de cette course à la popularité que les internautes soignent leur image physique et plus précisément les représen-tations d’eux-même qui paraîtront sur leur fil d’actualités pour illustrer leur profil et glorifier leur réputation. Comme nous l’avons abordé précédemment, l’image d’un corps semblable à celui d’une figure de mode véhicule l’image qu’a encrée le monde de la mode dans notre imaginaire collectif ; celle de la réussite sociale. Et cette course à la réussite, Christopher Lasch nous la résume bien ;

par la mode, le cinéma ou la télévision, l’important est qu’elles soient connues pour leur participation à l’industrie du spec-tacle. Mais laquelle des deux produit l’autre ? Les deux se nourrissent mutuellement, et ce, parce qu’elles font partie de la même industrie ;

Par ces quelques mots, Marie-José Mondzain nous rappelle que la mode est synonyme de pouvoir. Elle participe pleine-ment à toutes les industries de la communication par lesquelles elle se fait connaître et à travers lesquels chacun essaie plus ou moins d’être reconnu. La mode est devenue une pratique de la mise en scène de soi à la télévision, au cinéma, dans la chanson, etc. Ainsi, participer au monde du spectacle, ou bien donner l’illusion d’y participer, offre la reconnaissance d’autrui et cette reconnaissance permet d’acquérir une réussite sociale. Cela veut dire que désormais la vie sociale est un vrai théâtre qui repose sur un jeu d’apparences, une obsession qui s’appuie aujourd’hui sur les rôles que les uns choisissent et que les autres subissent. Les protagonistes du monde du spectacle et de la mode sont so-cialement supérieurs aux autres, puisque suivre la mode semble être le signe d’une victoire contre l’invisibilité et contre la pau-vreté. C’est de cet idéal de réussite sociale que se bercent la majorité des utilisateurs des médias sociaux comme Facebook.

Le monde du spectacle produit la mode et la mode produit l’illusion

de faire partie du monde du spectacle […] la mode concerne des

aspects très profonds dans l’ordre social et dans l’exercice du pouvoir

[…].2

[…]Alors que la réputation ou la renommée dépend de faits remar-

quables, loués dans les biographies et ouvrages d’histoire, la célébrité

- récompense accordée à ceux qui projettent une image plaisante ou

haute en couleur, ou qui sont parvenus à attirer l’attention sur eux

- la célébrité est acclamée dans les grands moyens de diffusion et

d’information, dans la « rubrique des potins », les entretiens radiodif-

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4948 MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION 1. L’INDUSTRIE DU SPECTACLE 2. FANTASMER SA PROPRE IMAGE 3. DIFFUSER L’IMAGE DE SON CORPS

5. Roland Barthes, Mythologies, p.25-28.3. Christopher Lasch, La Culture du Narcissisme, p.95.4. Ibid, p.124.

À présent, de par l’image de marque des studios d’Harcourt, chacun peut obtenir un « portrait prestige » de lui-même et ceci, au même titre que n’importe quelle star. Le message est clair : « Faites-vous prendre en photo dans nos studios et on fera de vous une célébrité ! ». En effet, l’illusion est trompeuse, les adeptes de ce studio reconnaîtront, dès le premier coup d’œil, la touche Harcourt, dont les éclairages spécifiques ont sculpté de nombreux visages devenus des icônes : Laetitia Casta, Guillaume Canet, Marion Cotillard, Jean Dujardin…[Annexe 02,

Fig.07 & 08] Si l’on se fiait à notre œil, sans se soucier du contexte, on pourrait presque envisager que ces deux internautes sont des célébrités. Leurs followers sont conquis et leurs commen-taires au sujet de ces photos sont clairs : « fais payer pour les autographes ma brunette », « t es trop belle ma chérie », « ... a star is born ! », etc. Ces deux internautes sont beaux et donnent l’il-lusion d’être des stars. Mais l’image d’une icône est également une image sans imperfections. La retouche photographique fait partie des backstages du monde de la mode, elle est là pour servir toute la mise en scène orchestrée autour de l’industrie du spectacle. Elle s’est démocratisée dans les médias et façonne cet imaginaire de perfection et de jeunesse auquel il faut avoir accès pour devenir soi-même un mythe. Elle fait donc partie intégrante de la photographie de mode ;

Si les consommateurs pensent que ce que les images média-tiques leur montrent est le réel, cela expliquerait le fait qu’il s’y projettent. Mais il semblerait que cela soit bien plus complexe :

Ce sont bien les médias qui engendrent chez les individus une perception du glorieux, du beau et de la séduction comme étant les fondements de la vie en société. Des valeurs indispensables sans lesquelles nous ne survivons pas à l’invisibilité. Des men-songes que tout le monde persiste à perpétuer, quitte à s’éloi-gner complètement du monde réel. Ainsi des utilisateurs de Facebook comme Céline Lemonnier ou Omar Benlaala [Annexe

02, Fig.05 & 06] ont fait appel aux studios d’Harcourt pour leur façonner une photographie à similaire à celles des plus grandes stars de cinéma. Les stars ont rendu célèbre ce studio et celui-ci a crée le mythe de l’image de star. Une image à l’effigie du monde de la mode ;

fusés ou télévisés, les magazines consacrés aux « personnalités ». Elle

est donc évanescente, comme les nouvelles elles-mêmes, qui perdent

leur intérêt avec leur nouveauté. La réussite en ce monde a toujours

eu un côté poignant, dû à la conscience « qu’on peut l’emporter avec

soi » ; mais, à présent, le succès est tellement fonction de la jeunesse, de

l’éclat et de la nouveauté, que la gloire est plus éphémère que jamais ;

ceux qui ont gagné l’attention du public ne cessent de craindre de la

perdre.3

Curieusement, il semble que notre sens du réel se fonde sur le fait

que nous acceptons d’être pris par la mise en scène de l’illusion de

la réalité. Même une compréhension rationnelle des techniques au

moyen desquelles on produit une illusion donnée, ne détruit pas né-

cessairement notre aptitude à l’éprouver comme une représentation

de la réalité.4

En France, on est pas acteur si l’on a pas été photographié par les

Studios d’Harcourt. L’acteur d’Harcourt est un dieu […] débarrassé

de l’enveloppe trop incarnée du métier [l’acteur] rejoint son essence

rituelle de héros, d’archétype humain situé à la limite des normes

physiques des autres hommes. Le visage est ici un objet romanesque ;

son impassibilité, sa pâte divine suspendent la vérité quotidienne,

et donnent le trouble, le délice et finalement le sécurité d’une vérité

supérieure.5

Page 25: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

5150 MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION 1. L’INDUSTRIE DU SPECTACLE 2. FANTASMER SA PROPRE IMAGE 3. DIFFUSER L’IMAGE DE SON CORPS

7. Ibid.8. Ibid, p. 25-26.9. Ibid, p. 26.

6. Marie-José Mondzain, La mode, petites conférences, p.31.

alimenté par de nouvelles actualités, il n’existe plus et la per-sonne sombre dans l’oubli. Alors la vie sociale virtuelle n’existe plus, le profil devient à nouveau invisible. Marie José Mondzain nous dit que la mode est une façon de sortir de l’invisibilité, de la solitude, d’être tout à coup associé à un groupe, à un monde […],7 ainsi, le monde de la monde et celui du spectacle dont il fait partie, seraient des passages obligés pour faire partie d’un groupe et de ce fait, d’un réseau social. Toute l’industrie du spectacle est fondée sur les apparences physiques, l’identité d’une personne transparaît à travers elle. C’est en jouant de ce physique que l’on peut modeler son identité :

Exister sur un réseau social reviendrait alors à façonner l’image physique d’un corps afin d’obtenir l’identité que les autres veulent voir. Tout se joue sur le désir de paraître :

Le monde de la mode ne s’arrête pas aux codes vestimentaires, comme je l’ai analysé plus haut, mais également à la manière d’être, à l’image que l’on donne de soi. Le commerce de cette manière d’être, que nous vend la mode, influence les fantasmes que les consommateurs projettent sur leur propre corps, mais il influence également les représentations photographiques que ceux-ci font d’eux-mêmes. Chacun a quelque chose à prouver

Ainsi, Marie José Mondzain souligne que le monde de la ri-chesse et du pouvoir ne fait pas partie du monde du commun des mortels, mais bien d’un monde où l’Homme est éternel-lement et divinement jeune et beau. C’est ainsi que plusieurs logiciels permettent de retoucher facilement et rapidement ses propres photographies (photofiltre, XnView, PhotoScape, instagram, etc.) Chacun est libre d’ajuster et de modifier son visage et son corps afin d’obtenir l’image du physique qu’il a toujours rêvé d’avoir. C’est alors que le rêve se réalise ; le fantasme d’hisser son image au rang des personnes les plus reconnues et admirées est désormais façonné en image. Et cette image peut être ensuite diffusée sur un réseau de connaissances et ainsi interpeller son public. Mais ces faux-semblants font-ils de Céline et de Omar de vraies stars ?

(1.03) — FAIRE PARTIE DE L’INDUSTRIE DU SPECTACLE C’EST EXISTER SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

Revenons à l’exemple de ces photographies d’internautes, inconnus du grand public, qui sont réalisées par les Studios d’Harcourt. Ces images ont eu pour effet de stimuler le réseau sur lequel elles sont diffusées, récoltant likes et commentaires, autrement dit, ces images ont accompli leur mission : attirer l’attention d’un public et donner l’illusion d’être une célébrité. Cependant, cette simulation est une illusion éphémère, une fois l’attention de leurs connaissances acquise, ces images ne font plus partie des actualités de cette personne, mais d’un fait passé. Par conséquent, si le réseau de cette personne n’est plus

La mode montre et cache aussi. Elle masque les imperfections et elle

fait étinceler la richesse et le pouvoir.6

[…] car si ma façon de vivre, de m’habiller, d’être visible me permet

de me montrer et de donner une forme à mon identité, si c’est un

moyen de savoir qui je suis et où je suis, il sera parfois tentant de

commencer à vivre et à s’habiller en fonction de ce que nous désirons

paraître […].8

Par la mode, je peux entrer dans le monde de mes rêves ou y faire

entrer les autres. Comme la mode est devenue un immense commerce,

elle nous rend dépendant(s) des commerces du rêve, de celui de l’ima-

ginaire et du désir […].9

Page 26: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

5352 MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION

11. Thierry Grillet dans Portraits/Visages, 1853-2003, Galerie de photographie, bibliothèque nationale de France, Gallimard.12. Marie-José Mondzain, La mode, petites conférences, p.26.

10. Baudelaire, Salon de 1859, dans Curiosités esthétiques. L’art romantique, Paris, Garnier, 1962, p.317.

même, est rendu visible dans sa globalité grâce à la photogra-phie. Ces représentations deviennent le reflet précis et objectif de ce qu’est notre corps, et de ce fait, de ce que perçoivent les autres. Ces images deviennent-elles des objets d’étude de soi ? Peut-être nous permettent-elles d’avoir conscience de cette chose immatérielle qu’est notre corps, pour nous-même, si nous ne nous le représentons pas ? L’aperçu de notre corps dé-clencherait une prise de conscience de celui-ci, rendant possible le contrôle de sa propre image lorsqu’on est en contact avec les autres. Un corps dont on a conscience serait un corps assumé, et un corps assumé serait un corps à la mode. La photographie de portrait permet, en effet, à chacun de se connaitre :

Thierry Grillet aborde ce besoin de l’Homme de prendre conscience de l’image qu’il projette afin de s’accorder avec son moi intérieur, le moi qu’on pourrait qualifier de moi « réel ». Le moi social serait le corps qui est le lien physique avec l’autre, la première impression que l’on a d’un individu. Quant au moi idéal, il serait ce moi que chacun rêverait de devenir ou de pa-raître lorsque nous ne cherchons plus à nous faire connaître tels que nous sommes mais à rendre visible le rêve que nous avons de nous-mêmes ou l’image de nous à laquelle nous voulons faire croire.12

à son entourage, et veut ainsi le convaincre d’une réussite so-ciale virtuelle, certes, mais qui n’en est pas moins « réelle ». Ainsi que je l’ai dit précédemment, les réseaux sociaux nous poussent à alimenter continuellement notre actualité et cette actualité se fait également par l’image. De cette façon, Facebook fait place à un panel très étendu de photographies de mode amateurs. Des images confectionnées pour la plupart chez soi, avec les moyens du bord, et d’autres fois avec l’aide de photographes. Chacun possède son panel de photographies de lui-même qui illustrent sa participation à l’in-dustrie du spectacle, ou du moins la simule. Chacun contrôle les images qu’il va diffuser puisque chaque image aura une importance sur l’activité de son réseau. C’est alors que chaque flatterie donne à l’internaute l’illusion d’un moment de gloire. « L’identité visuelle » de chacun semble manipulée et montée de toute pièce.

2 — FANTASMER SA PROPRE IMAGE EN SE PROJETANT DANS LES MODÈLES MÉDIATIQUES DE RÉUSSITE SOCIALE

(2.01) — CUSTOMISER SA PROPRE IDENTITÉ EN IMAGES

Avec le portrait photographique, le XIXe siècle ouvre l’âge dé-mocratique de la représentation de soi. Le portrait peint était réservé à une caste aristocratique obsédée par le souci de la lignée, ou à une élite bourgeoise soucieuse de poser pour la postérité. Baudelaire condamne et exècre alors cette société im-monde [qui] se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image […].10 Mais d’où vient cette envie de contempler sa propre image ? Notre corps, cet élément invisible pour nous-

MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION 1. L’INDUSTRIE DU SPECTACLE 2. FANTASMER SA PROPRE IMAGE 3. DIFFUSER L’IMAGE DE SON CORPS

L’individu, empêché physiquement de se voir lui-même cherche

les moyens d’y parvenir. D’abord à travers des miroirs naturels :

Narcisse et son reflet dans l’eau. [...] Le portrait-miroir, saisi dans la

frontalité la plus crue, constitue le cadre anthropologique de référence.

Le portrait s’y superpose exactement au visage et vérifie l’identité,

la coïncidence d’un sentiment de soi et d’une image physique. Le

sujet doit y négocier entre les différentes couches du feuilleté de la

personnalité et tenter de concilier le moi idéal, le moi social et le moi

réel […].11

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5554 MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION

happened, and he has a certain real power over the result, Richard Avedon, 1000 Photo Icons by Anthony Bannon, George Eastman House, p. 712.15. Roland Barthes, Chambre claire, dans Oeuvres complètes, p. 797.16. Marie-José Mondzain, La mode, éd. Bayard, 2009, retranscription d’une conférence.

13. Ibid, p.29.14. Richard Avedon, 1974, New York. A photographic portrait is a picture of someone who knows he’s being photographed, and what he does with this knowledge is as much a part of the photograph as what he’s wearing or how he looks. He’s implicated in what’s

Cette citation de Richard Avedon, met l’accent sur un point important : une personne qui sait qu’elle va être photographiée n’est plus naturelle, elle prend possession de son image afin d’en donner ce qu’elle pense être juste. Ou bien ce qu’elle pense vouloir être juste. De même, dans un texte célèbre, Roland Barthes décrit, de l’intérieur, cet effort du modèle sur le point de se faire photographier ;

Ces pensées, qui envahissent le modèle, sont la preuve de la participation du modèle à une photographie, une photographie volée n’aura jamais l’esthétique et le message d’une photogra-phie de mode. Le modèle a complètement conscience de se trouver devant un appareil photo pour se faire photographier. La photographie n’est que le témoin de cette démarche du modèle voulant être photographié. De même, la photographie devient le témoin de cet ensemble de pensées, de cette envie du modèle d’incarner une image précise qui se voudra figée pour toujours.

Cette imitation dont nous parle Marie-José Mondzain se tra-duit en premier lieu, dans le cas des internautes présents sur

Ce moi idéal prendrait forme à partir de modèles sociaux, des modèles présents dans l’entourage de chacun de nous. Comme nous l’avons démontré plus haut, l’industrie du spec-tacle serait responsable de la diffusion de nombreux modèles médiatiques dans lesquels des utilisateurs de réseaux sociaux, comme Facebook, projetteraient leur moi idéal. Un moi idéal qui naitraît sous la forme de photographies amateurs illustrant des profils d’utilisateurs. Cependant l’industrie du spectacle comprend énormément de domaines, la télévision, le cinéma, la chanson, le sport, la mode… ce qui fait d’autant plus de sources d’inspiration pour chaque individu ! Néanmoins, nous nous fo-caliserons sur le domaine très vaste qu’est le monde de la mode. J’ai choisi ce domaine parce qu’il me paraît être l’univers le plus représentatif des cultes de la beauté, de l’esthétique et de la sé-duction qui fascinent tant notre société occidentale actuelle. La mode est l’emblème d’un pouvoir basé sur la loi du paraître qui incite à la soumission et à la dévotion de ses fidèles admirateurs.

Comme l’indique Marie-José Mondzain, la mode entraîne des comportements d’imitation, c’est ce que nous allons constater un peu plus tard grâce aux photographies amateurs utilisées par les internautes sur leur profil Facebook.

(2.02) — MIMÉTISMES DE L’ESTHÉTIQUE DES IMAGES MÉDIATIQUES

MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION 1. L’INDUSTRIE DU SPECTACLE 2. FANTASMER SA PROPRE IMAGE 3. DIFFUSER L’IMAGE DE SON CORPS

Car si la mode propose des modèles, c’est qu’elle cherche à provoquer

des comportements d’imitation et inciter à la soumission. La mode a

donc des liens avec le pouvoir.13

Un portrait photographique, c’est l’image de quelqu’un qui sait qu’il

va être photographié.14

… je ne sais agir de l’intérieur sur ma peau. Je décide de laisser «flot-

ter» sur mes lèvres et dans mes yeux un léger sourire que je voudrais

« indéfinissable »… je voudrais en somme que mon image, mobile,

cahotée entre mille photos changeantes, au gré des situations, des âges,

coïncide toujours avec mon « moi » (profond comme on le sait).15

Cette image d’un moi idéal qui sera la preuve irréfutable d’une réus-

site rêvée dans la société. Ainsi, les représentations photographiques

de notre corps sont des signes muets qui semblent parler à notre place,

pour justement indiquer notre place. Cependant, si faire la mode

c’est être le maître du changement, être à la mode c’est être à l’écoute

de ce maître et trouver son plaisir dans l’imitation […].16

Page 28: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

5756 MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION

17. http://www.bookiblog.com.18. http://www.bookiblog.com/user/L01096.

le simple fait de s’adonner à ce genre de pratiques. En effet, chacun d’entre nous a un idéal. Certains expriment l’envie de se hisser à son rang tandis que d’autres gardent cette envie soigneusement rangées dans un recoin de leur jardin secret. Mais cette pratique ne relève pas seulement d’une envie ou d’un fantasme, elle fait partie intégrante d’un processus bien précis : celui de l’empire de la mode et de ses dictats, enclins à transformer n’importe quel individu en être fidèle, dont le corps, dans sa globalité, sera dévoué à imiter ce système pour en être le plus proche et ainsi avoir l’espoir de l’intégrer un jour. Ces êtres fidèles que sont les internaute-consommateurs s’im-prègnent de ces images médiatiques dans le but d’en repro-duire l’esthétique, sans se rendre compte du pouvoir que ces images de marque transmettent. N’étant pas dans une dé-marche d’analyse et de compréhension des images au delà de la première lecture qu’ils peuvent en faire, les internautes se laissent piéger par le pouvoir esthétique et séducteur qu’elles engendrent. Comme je l’expliquais, le bonheur ou l’apparence du bonheur se traduit par la recherche de l’agréable entraîné dans un processus d’humanisation du sublime. Autrement dit, tout ce qui paraît beau, paraît heureux. Si un internaute semble beau, sa vie paraîtra heureuse et réussie. C’est ainsi que l’es-thétique s’octroie la première place dans les priorités des inter-nautes lorsqu’ils choisissent leur photo de profil. Mais la copie aveugle et non maîtrisée de certaines images médiatiques peut engendrer des contres-sens. Les images de Minette Pulpeuse et de Mégane Berthely, par exemple, en sont la preuve.[Annexe 01,

Fig.02, 03, 04 & 06 ] C’est ce que nous allons analyser à présent en nous penchant sur le thème de la séduction par le sexe dans les images médiatiques.

Facebook, par un mimétisme assez approximatif des attitudes de mode, c’est-à-dire les poses.On retrouve énormément de «clichés» propres à la photogra-phie de mode : des « figures » qui reviennent, des schémas types encrés dans l’imaginaire collectif lorsqu’on parle de photogra-phie de mode. Parmis ces figures, on retient, la pose contre un mur, la pose avec une voiture (à coté ou dedans), la figure du couple, et la pose allongée, entre autres. Associées à ces fi-gures, on retrouve des attitudes et des tenues faisant écho au sexe (jambes écartées, porte-jarretelle, sous vêtement, nudité partielle, déhanché…etc.) Autant d’images types encrées dans l’imaginaire collectif qui ont été semées par les images média-tiques, à tel point que chacun d’entre nous peut les mimer sans même s’en rendre compte. On retrouve ce phénomène sur tous les réseaux sociaux qui nécessitent l’utilisation et la diffusion de photographies. Ainsi, ce mode d’appropriation d’images par les internautes est présent sur un réseau de blogs qui s’appelle « bookiblog ».17 Prenons l’exemple du bookiblog de L01096,18 dans lequel cette internaute poste des représentations d’elle-même ainsi que les photos desquelles elle s’inspire, des « stars à la mode » : Claudia Schiffer, Natalia Vodianova et Kate Moss, dont elle imite les attitudes nonchalantes, les expressions mais également les tonalités colorimétriques des photos. Le mimé-tisme est très frappant. [Annexe 02, Fig.11 & 12]

Ces photographies utilisées par les internautes, que ce soit pour illustrer leur profil Facebook ou autres blogs, sont la preuve frappante que les images médiatiques ont une influence directe sur l’image que les individus veulent donner d’eux-mêmes. Elles ne sont que le reflet de l’envie du modèle de se projeter dans la peau d’une de ses idoles favorites, incarnation visuelle de la réussite, de la richesse, de la beauté et de l’épanouisse-ment. Néanmoins nous ne pouvons blâmer personne pour

MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION 1. L’INDUSTRIE DU SPECTACLE 2. FANTASMER SA PROPRE IMAGE 3. DIFFUSER L’IMAGE DE SON CORPS

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5958 MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION

20. Ibid, p.164.19. Deyan Sudjic, Le langage des objets, chap. 4, La Mode, p. 164.

MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION 1. L’INDUSTRIE DU SPECTACLE 2. FANTASMER SA PROPRE IMAGE 3. DIFFUSER L’IMAGE DE SON CORPS

tisme et commerce paraît évident et les marques l’ont compris, le corps de la femme fait vendre, mais les allusions pornogra-phiques aussi. Gucci avec Mario Testino et Sisley avec Terry Richardson, en ont également fait l’expérience dans des cam-pagnes non moins connues dont les allusions pornographiques sont évidentes. [Annexe 02, Fig.09 & 10] Notre monde d’images est gorgé de connotations sexuelles, que ce soit par la photo ou le cinéma, à tel point que ces images nous semblent banales, faisant partie de notre quotidien. Mais cela n’a pas toujours été le cas, les connotations au sexe n’ont pas toujours fait partie de l’univers visuel populaire. Il était réservé au monde fermé de l’art, pratiqué par des artistes. Mais la mode s’est introduite dans ce cercle et l’a popularisé :

La diffusion en masse de pâles copies de photographies clas-sées monuments artistiques, atteint un nombre considérable de personnes. Dont des individus qui ne savent pas lire ces images puisqu’elles ont plusieurs sens : celui de la photographie d’ori-gine et celui donné par la marque pour promouvoir et vendre ses produits. Comment un lecteur non-averti réagit-il face à de

(2.03) — LA SÉDUCTION : ARGUMENT NUMÉRO UN DE LA VENTE DE SOI

Le commerce a depuis longtemps introduit la séduction dans ses images, comme argument de vente. C’est un thème récur-rent auquel toutes les marques font appel, de la séduction la plus banale à l’évocation du sexe, les images commerciales tentent, sans nul doute, de nous séduirent.

Le Calendrier Pirelli est l’un des exemples le plus expli-cite de ce commerce du sexe. L’entreprise Pirelli, produc-teur de pneumatique, a mis au point en 1964 un calendrier pour promouvoir sa marque auprès de ses clients. Ce ca-lendrier comportait des photographies de femmes réalisées par des photographes de mode réputés [Annexe 02, Fig.15 & 16]. C’était un tirage limité qui n’était qu’un simple cadeau publi-citaire et qui, aujourd’hui, est devenu un objet culte. Ces pho-tographies glamours, mettant en scène la beauté féminine sont très certainement à l’origine du prestige de l’objet, lequel n’avait plus rien à voir avec la marque de pneumatique, ni même avec l’univers de la voiture le corps de la femme, par son aspect érotique, servait à la promotion de la marque. Le lien entre éro-

À un moment ou à un autre, pratiquement toutes les marques ita-

liennes se sont aventurées à intégrer à leurs publicités des évoca-

tions formidablement détaillées de la pornographie des années 1970.

Beaucoup de leurs concurrentes françaises et américaines les ont imi-

tées. Certaines ont donné à leurs mannequins des looks très étudiés

pour évoquer les putains des années 1940. Chanel a même fait pho-

tographier l’un de ses mannequins en extérieur, dans une rue obscure,

prise dans la lumière des phares d’une voiture, vêtue de façon à

rappeler les prostituées qui, au bois de Boulogne, guettent le passage

d’un automobiliste intéressé.19

La mode d’aujourd’hui, mastodonte formé de trois ou quatre conglo-

mérats, puise ses références visuelles dans l’art, la photographie et le

cinéma. Devant la lourde tâche d’alimenter plusieurs collections par

an, elle absorbe ces images avec une frénésie telle que leurs thèmes

ne mettent pas longtemps à être vidés de tout sens. Une photogra-

phie d’Helmut Newton ou de Robert Mapplethorpe est reproduite ou

copiée dans un magazine de mode : elle capte notre attention. Mais

si le magazine en est truffé, on la voit sans vraiment la regarder,

et l’impact de l’image originale est affaibli. Des photos saisissantes

jusqu’alors perdent en un rien de temps leur pouvoir d’attraction.

La mode n’est pas de l’art. Pourtant, aujourd’hui plus qu’à aucune

autre époque, elle fait tout pour suggérer le contraire.20

Page 30: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

6160 MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION

21. Marie-José Mondzain, La mode, petites conférences, p.58.

MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION 1. L’INDUSTRIE DU SPECTACLE 2. FANTASMER SA PROPRE IMAGE 3. DIFFUSER L’IMAGE DE SON CORPS

de l’imagerie médiatique, comme nous l’avons démontré plus haut, et ont pour but de mettre en valeur le propriétaire du profil, en le représentant à la manière des célébrités du monde du spectacle. Le message transmis par les marques à travers leurs campagnes publicitaires est avant tout la glorification de leur image. Le modèle est au service de cette promotion et son corps aussi. Mais lorsque la représentation du corps utilise les mêmes codes que ceux des campagnes publicitaires pour créer un visuel qui promeut un individu, quel message trans-met l’image ? Le corps devient un accessoire de mode à lui tout seul et devient son propre objet de promotion à propre-ment parler; il se vend lui-même. Les images qui en résultent sont plus qu’étonnantes, de part le message commercial mimé, qui ne promeut plus une marque de produits mais bien une personne à la manière d’un produit. Le modèle est dénué de sa personnalité et devient un pantin dont les atouts sont mis en avant. Un corps dont les courbes parfaites et érotiques de-viennent des arguments sociaux. Qu’en est-il des relations où le véritable intérêt est la personnalité de l’autre ?Quand un individu se vend comme une marque auprès d’au-trui, cela veut dire qu’il s’adonne à une pratique que l’on nomme Personal Branding. Cela voudrait dire que les individus, sur les réseaux, se vendent aux autres à des fins sociales ?

Les campagnes dissimulent le désir d’argent par le désir éro-tique grâce aux allusions pornographiques présentent dans les campagnes publicitaires. Ici, les images créées par les in-

tels visuels ? Comment les lit-il et qu’en retient-il ?Dans le cas de notre internaute, Minette pulpeuse, les images prises pour référence n’ont pas été analysées correctement. En effet, cette personne a lu les images de campagne publicitaire au premier degré. C’est-à-dire, qu’elle n’a « entendu » que le message direct, celui qui expose un corps pour promouvoir l’image de la marque. Dans le cas de la campagne Calvin Klein, un individu peut, vite, et seulement, s’identifier au person-nage de Éva Mendès, de son corps mis en avant par une tenue très légère dont la connotation à l’univers de la prostitution est évidente. [Annexe 01, Fig.06] La marque ne vend pas des pro-duits pour des prostitués, mais suggère que ses produits trans-forment le corps de ses clients en celui d’Éva Mendès ou un approchant. Le message lié à l’univers de la prostitution est se-condaire, et c’est pourtant celui-là qui est interprété et capté le premier. J’ai comparé ces deux images qui semblaient pour moi avoir un lien indéniable. Il n’est pas prouvé que cette internaute connaisse cette campagne. Ce qui est sûr, c’est que son imagi-naire, sa culture de l’image, l’a emmagasinée inconsciemment ou sciemment pour pouvoir ainsi la reproduire. Qu’advient-il de la représentation du corps du modèle lorsqu’il ne sert plus l’image d’une marque mais qu’il se sert à lui-même ?

3 — DIFFUSER L’IMAGE DE SON CORPS : DÉMARCHE PRIVÉE OU PUBLIQUE ?

(3.01) — L’OBJET DE VENTE EST LE CORPS

Reprenons quelques photographies de nos internautes sur Facebook. Toutes ces photos sont utilisées sur ce réseau pour représenter la personne qui a créée le profil. Chacune s’inspire

Le corps des femmes est réduit à l’état d’instrument comme le serait

un argument de vente.[…] son corps opère comme une marque. Le

mannequin est devenu opérateur de communication, une chose publi-

citaire. […] La figure de mode permet d’identifier jusqu’à confondre

le désir érotique et le désir d’argent.21

Page 31: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

6362 MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION

(sexe, âge, région, taille d’agglomérations, PCS de la personne de référence).22. Christopher Lasch, La Culture du Narcissisme, p. 99.23. Étude TNS Sofres, du 22 juin 2012 au 26 juin 2012. Echantillon national représentatif des 15 ans et +. Taille de l’échantillon final : 2000 questionnaires. Quotas standard Omnibus

sentiellement des photos d’eux-mêmes (85%) et 62% d’entre eux déclarent utiliser régulièrement les réseaux sociaux en ligne pour poster des photos. De plus, regarder des photos publiées par d’autres personnes (68%) reste l’activité préférée sur ces services en ligne, puisque la plupart des jeunes aiment com-menter ces photos (79% des moins de 25 ans). Nous l’avons compris, la photographie a une place primordiale dans la vie virtuelle des internautes. Mais dans quels buts postent-ils des photographies d’eux-mêmes ? Certains que c’est dans le seul but d’illustrer leur profil. D’autres, dont une jeune internaute de 19 ans que j’ai interrogée, avoueront attendre les réactions de son réseau, commentaires et likes. En affirmant que ce sont des retours « qui lui font plaisir ». Comment expliquer que certaines photographies trouvent un écho tandis que d’autres non ? Le nombre de commentaires et de likes sont-ils la preuve de la réussite promotionnelle d’une photo pour son propriétaire ? Reprenons mes internautes comme exemple. [Annexe 01 & Annexe

02, Fig. 13 & 14]

La première constatation que l’on peut faire c’est que la nudité attire une attention très particulière des réseaux dans lesquels les images sont diffusées (73 likes et 60 commentaires, Sarah Macro). D’autres images, comme celles de Minette Pulpeuse et Gwadaly CM, ne fonctionnent pas du tout sur leur réseau (à peine 3 likes pour une et un seul pour l’autre). Et il y a les internautes branchés dont les images déclenchent des réac-tions, comme l’image de Nanou Bfve (avec 105 likes et 57 com-mentaires), et Mégane Berthely (51 likes et 9 commentaires). D’autres se stabilisent entre 7 et 17 likes (Joffrey Gricourt et Aline Gamin). Comment interpréter ces chiffres ? Le retour des internautes est-il dû à la photographie elle-même ou bien à la personne et à son réseau ?L’intégralité de ces images de profils Facebook ont un point

ternautes dissimuleraient le désir social par le désir érotique. Quelqu’un d’attirant deviendrait quelqu’un d’intéressant socia-lement. De même, quelqu’un d’intéressant socialement devien-drait une personne qui a réussi. On pourrait décrire l’homme nouveau né dans les années 50 comme le décrit Christopher Lasch : c’est un homme social dont l’ambition au travail va de pair avec son ascension sociale :

Cette analyse de l’homme nouveau est toujours d’actualité et décrit parfaitement l’homme des réseaux sociaux d’au-jourd’hui, qui se vend à un réseau de connaissances.

(3.02) — QUELLES INTENTIONS SONT À L’ORIGINE DE LA DIFFUSION DEs REPRÉSENTATIONS AMATEURS SUR LES RÉSEAUX ?

Se vendre par le biais de représentations photographiques de soi (entre autres) est une démarche, qui, examinée de l’exté-rieur, peut prêter à confusion. Ce qui est sûr c’est que Facebook est le réseau social le plus utilisé pour poster des photographies d’après une étude du TNS Sofres datant de Juin 2012.23 On note une importance grandissante de la photographie chez les internautes et mobinautes français. Cette étude nous indique également que les internautes de moins de 25 ans publient es-

MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION 1. L’INDUSTRIE DU SPECTACLE 2. FANTASMER SA PROPRE IMAGE 3. DIFFUSER L’IMAGE DE SON CORPS

[...] Son désir ardent de bien s’entendre avec autrui ; son besoin

d’être, même dans sa vie privée, en accord avec les exigences des

grandes organisations ; sa façon d’essayer de se vendre comme si sa

propre personnalité était un produit auquel on pouvait assigner une

valeur marchande ; son besoin névrotique d’être aimé, rassuré et de

se gratifier oralement ; l’aisance avec laquelle ses valeurs peuvent être

corrompues.22

Page 32: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

6564 MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION

de Facebook, où leurs photographies les promeuvent. Aline Gamin, par exemple, possède un book.fr, un réseau de books réservé aux mannequins et photographes dans des buts profes-sionnels. Joffrey Gricourt et Jana Simkova sont dans le même cas. De même pour Minette Pulpeuse, qui possède un book.fr mais également un profil sur un site d’annonces (viva street), sur lequel elle a posté une annonce à l’égard des photographes afin de poser pour eux en tant que professionnelle. Dans ces quatre cas, la démarche d’exposition des photographies de soi entrerait dans le cadre professionnel. Ainsi ces quatre per-sonnes utiliseraient leurs photographies pour se promouvoir professionnellement auprès de photographes ? Tout le monde peut-il ainsi faire appel à des photographes, diffuser ses photo-graphies sur les réseaux et prétendre être mannequin ? Cependant lorsqu’on observe le profil Facebook de ces indivi-dus, leurs photos ont des résonances auprès de leur réseau de proches (commentaires, likes). Et certaines images n’ont pas du tout de retours. La pratique soit-disant professionnelle de ces quatres internautes ne serait-elle pas née de ce besoin incon-ditionnel de reconnaissance de soi ? Ce besoin qui aurait en-traîné une pratique assimilée à une démarche professionnelle ? Ce besoin grandissant d’épanouissement et de réussite sociale que nous avons évoqué plus haut ? L’image aurait alors une place centrale dans les relations sociales virtuelles, puisqu’elle engendre les démarches de ces internautes à faire appel à des photographes ou bien de se photographier eux-mêmes à la manière de et ensuite de retoucher eux-mêmes leurs photogra-phies. Des pratiques qui prennent énormément de temps à un individu pour un retour quasi éphémère de ses proches.

La représentation de soi sur un réseau tel que Facebook prend une place quasi fondamentale auprès des internautes, puisque

en commun : elles représentent visuellement le propriétaire du profil. L’intention est claire, attirer l’attention de son réseau et être couvert de reconnaissance. Et, à l’évidence, la notoriété fonctionne par l’image pour certains, tandis que pour d’autres, celles-ci ne trouvent que peu d’échos, voire pas du tout. Une image a-t-elle réellement le pouvoir de promouvoir quelqu’un ou bien est-ce la personnalité – plus ou moins sociale – de la personne qui prime (même dans un espace virtuel) ? Car après tout, un réseau réuni sur Facebook est, au départ, un réseau « réel » d’amis. Et si ces images avaient été réalisées par des pro-fessionnels de la mode et des médias, fonctionneraient-elles toutes ?

(3.03) — SOMMES NOUS FACE À UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE OU À UNE PRATIQUE PRIVÉE DE LA PART DES INTERNAUTES ?

Nous allons à présent nous questionner sur la qualité privée ou professionnelle de l’exposition des représentations de soi sur Facebook. La plupart des internautes interrogés lorsque je leur ai montré les images de campagnes publicitaires qui ressemblaient étrangement à leurs photographies de profil Facebook n’ont pas eu conscience d’avoir à faire aux mêmes types d’images que les leurs. Ce qui signifie que tous ont une démarche inconsciente de mimétisme face à ces images. Cela veut également dire que la naissance, chez eux, d’une démarche de Personal Branding serait tout aussi instinctive et inconsciente. Dans le cas de Nanou Bfve, ses images lui servent clairement à illustrer son profil puisque ce sont des images qui « lui plaisent à elle avant tout ». Cependant, dans ce même échantillon de per-sonnes, certaines possèdent des réseaux qui s’étendent au-delà

MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION 1. L’INDUSTRIE DU SPECTACLE 2. FANTASMER SA PROPRE IMAGE 3. DIFFUSER L’IMAGE DE SON CORPS

Page 33: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

66 MIMÉTISME ET APPROPRIATION DES IMAGES DE PROMOTION

ces images doivent en dire long sur eux-mêmes. Et même si elles semblent professionnelles, ces démarches permettent avant tout aux internautes d’alimenter une activité privée, qui leur assure une attention éphémère sans laquelle ils seraient bel et bien invisibles.

Page 34: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

68

3

LE PERSONAL BRANDING : PRATIQUE PROFESSIONNELLE

ET PRATIQUE AMATEUR

Page 35: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

7170 LE PERSONAL BRANDING 1. UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE SÉRIEUSE 2. LA DÉMARCHE DE PROMOTION DES AMATEURS 3. DES IMAGES PRIVÉES DANS UN «ESPACE PUBLIC»

1. www.personalbranding.fr.

1 — LE PERSONAL BRANDING, UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE

(1.01) — DES FORMATIONS DE PERSONAL BRANDING ACCESSIBLES À TOUS PUBLICS

Le Personal Branding est une expression qui signifie « marque personnelle ». C’est le fait de créer et de gérer sa propre marque, celle-ci étant rattachée à un individu et non à un produit. En d’autres termes, c’est ce qui définit notre identité numérique. On applique des stratégies marketing d’entreprise commer-ciale pour des êtres humains, afin de créer leurs réputations ainsi que leurs identités professionnelles à travers leur présence sur les réseaux. Le Personal Branding est une pratique très sé-rieuse qui peut être enseignée à qui le souhaite, par le biais de différents organismes, dont le plus important est la société Centième Singe1 pionnière du Personal Branding en France, fondée par Béatrice Cuvelier. Ces formations enseignent à tra-vers trois étapes : la découverte de sa valeur, la communication de sa marque et la diffusion, qui permettra de rayonner et de réussir. Autant dire que parmi toutes ces étapes, aucune ne se prononce sur la représentation, en images, de l’individu à pro-prement parler. Pourtant la présence sur les réseaux sociaux est fortement conseillée. Prenons l’exemple d’une campagne pour Hired my way, une compagnie qui relie employeur et candidats par le biais d’annonces.[Annexe 02, Fig.17] Celle-ci décrit, réseau par réseau comment gérer son identité virtuelle. Facebook serait le réseau de l’image et de la représentation de l’individu. Les conseils restent assez vagues : montrer sa personnalité, cus-tomiser sa page et cacher des informations qui pourraient être défavorables. Facebook est alors un réseau utilisé à des fins pro-fessionnelles et privées. Dès lors que les individus gèrent eux-

Page 36: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

7372 LE PERSONAL BRANDING LE PERSONAL BRANDING 1. UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE SÉRIEUSE 2. LA DÉMARCHE DE PROMOTION DES AMATEURS 3. DES IMAGES PRIVÉES DANS UN «ESPACE PUBLIC»

3. David Fayon, Gérer son identité numérique avec le Web 2.0, www.e-alsace.net, pdf, 2009.4. Béatrice Cuvelier, co-dirigeante des ateliers de Personal Branding français.

2. Alexandra Bensoussan-Sureau, Réseaux sociaux et présentation de soi, du Personal Branding à l’onanisme, www.nonfiction.fr.

(1.02) — L’IDENTITÉ NUMÉRIQUE SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX

L’identité numérique d’un internaute peut être définie comme un lien entre une entité réelle (la personne) et une entité vir-tuelle (sa ou ses représentation(s) numérique(s)). Les réseaux sociaux, entres autres, ont provoqué une véritable proliféra-tion des données personnelles sur le Web. Désormais, chaque utilisateur dispose, et doit gérer, une véritable « identité nu-mérique » constituée des informations qu’il a saisies dans ses profils (chaque réseau nécessite la création d’un profil), de ses contributions (sur des blogs ou des forums) ainsi que de certaines traces qui peuvent être laissées sur des sites Web vi-sités… Autant dire qu’avec le temps, un grand nombre d’in-formations existent sur chaque internaute. Ainsi David Fayon décline l’identité numérique en quatre P : personnelle, profes-sionnelle, privée, publique.3 Ainsi, le Personal Branding permet de gérer cette identité numérique afin d’en faire un allier. Qu’en est-il des internautes présents sur Facebook ? Ont-il conscience de semer des informations sur eux-mêmes à chacune de leur connexion ? Le post d’images d’eux-mêmes sur leur profil est-il une démarche réelle pour soigner leur réputation ? Si oui, ont-ils conscience d’utiliser le Personal Branding ? Ce contrôle per-manent de soi doit être sur tous les fronts, même dans celui du domaine privé.

mêmes leur profil sur les réseaux sociaux, le Personal Branding devient une pratique d’auto-promotion, ou d’auto-marketing. L’individu est à lui-même une source de plaisir.

L’individu veut s’auto-promouvoir, certes, et un nombre im-portant d’outils sur le Web lui permettent de le faire très faci-lement. Cependant, devant un interminable panel d’outils, une confusion s’installe : la question de la participation. Les usagers sont en effet « au cœur du Web », mais ils sont submergés par des médiums qu’ils ne maîtrisent que très peu, voire pas du tout. Les données qu’ils confient aux réseaux ne sont plus contrôlées car ils n’ont plus la possibilité de savoir quel réseau sert à quoi. Les usagers sont en effet souvent obligés de se démultiplier sur le Web, leurs images sont diffusées sur un nombre important de réseaux et il devient impossible de les contrôler. Comment gérer de tels contenus sur la toile lorsque l’on est amateur et utilisateur non professionnel du Web ? Internet n’a pas de mode d’emploi, ni de limite séparant les données publiques des don-nées privées si l’internaute ne fait pas lui-même attention à ce qu’il diffuse. Comment se détermine alors l’identité numérique d’un internaute ?

[…] Pourtant, il semble plus raisonnable de voir dans cette redon-

dance autour de la réputation Web la manifestation d’un fait récent et

marquant : le Web 2.0, avec ses sites de partage et ses réseaux sociaux,

est devenu un nouveau support de légitimation et d’autorisation (au

sens littéral) des personnes, s’étendant même à la sphère profession-

nelle. On est loin de l’époque où « surfer sur Internet » n’était qu’un

loisir vague, voire une perte de temps, en tout cas une activité nette-

ment séparée des choses sérieuses, au centre desquelles figurait l’acti-

vité professionnelle.2

Le Personal Branding touche tous les domaines de vie. L’être humain

est un être entier, et on s’aperçoit, en effet, que la marque personnelle

se développe dans tous les domaines de vie que ce soit profession-

nel, personnel, social, citoyen. Il n’y a pas de limite. Mais il est vrai

qu’aujourd’hui, la demande est souvent professionnelle.4

Page 37: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

7574 LE PERSONAL BRANDING LE PERSONAL BRANDING 1. UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE SÉRIEUSE 2. LA DÉMARCHE DE PROMOTION DES AMATEURS 3. DES IMAGES PRIVÉES DANS UN «ESPACE PUBLIC»

5. https://www.facebook.com/legal/terms?locale=fr_FR.6. Conférence : Des réseaux sociaux et des bibliothèques, animée par Benoît Roucou, responsable de l’informatique à la B.D.P de Gironde et Thomas Chaimbault, responsable de la bibliothèque numérique de l’E.N.S.S.I.B, 15 octobre 2009.

fions que trop peu. L’internaute diffuse des informations dont il peut ne plus être le propriétaire une fois diffusé sur les ré-seaux. La charte Facebook stipule : « vous nous accordez une licence non-exclusive, transférable, sous-licenciable, sans rede-vance et mondiale pour l’utilisation des contenus de propriété intellectuelle que vous publiez sur Facebook ou en relation à Facebook (« licence de propriété intellectuelle »).5 Cette licence de propriété intellectuelle se termine lorsque vous supprimez vos contenus de propriété intellectuelle ou votre compte, sauf si votre compte est partagé avec d’autres personnes qui ne l’ont pas supprimé. »6 Autant dire que lorsqu’une information est confiée au Web, elle ne peut disparaître comme elle est apparue. Quelle conduite tenir pour utiliser les réseaux sociaux en se protégeant et en préservant ses libertés individuelles ?La réponse à cette question est loin d’être simple puisqu’il y a en réalité des contradictions. D’un coté, les internautes présents sur Facebook cherchent à diffuser leurs images à leurs amis ou à leur cercle professionnel. En effet, se promouvoir auprès de ses proches, ou auprès d’un réseau lié au travail, nécessite de se montrer et d’être présent presque en permanence, ou du moins le plus souvent possible afin de ne pas être oublié. Nous l’avons précisé plus haut, exister sur la toile, c’est être actif. Et la meilleure façon d’être actif sur un réseau social comme Facebook, c’est de publier des actualités qui nous concernent. Ainsi, un nombre considérable d’informations sont échangées chaque jour sur les réseaux (entres autres puisque nous nous penchons sur le cas Facebook) :

Peut-on associer l’envie de reconnaissance et de réussite sociale à l’utilisation du Personal Branding ? Que vend-t-on ? Si l’on en croit la définition du Personal Branding, cela voudrait dire que l’on vend un corps, mais aussi un mode de vie. Une personna-lité tout entière dont l’intégralité des faits et gestes sont sous le regard d’autrui. Si ce contrôle est parfaitement réalisé, sur l’ensemble des réseaux utilisés par l’internaute, l’effet désiré semble fonctionner. Cependant, si la persistance sur le Web des données postées par l’utilisateur est un fait inconnu des inter-nautes, ceux-ci n’ont pas conscience de créer malgré eux une identité virtuelle incontrôlée. Il en est de même pour les images. Un visuel de soi diffusé sur un réseau est une information per-manente. D’où l’importance pour chaque individu présent sur la toile d’arriver à définir son identité numérique comme étant personnelle, professionnelle, privée ou bien publique afin que chaque information diffusée concorde avec la façon d’être perçu ou de vouloir être perçu, de chaque internaute.

(1.03) — VIE PRIVÉE - VIE PUBLIQUE : PLUS DE LIMITES POUR ÉTENDRE SON IMAGE DE MARQUE

Au milieu d’un brouhaha numérique de données, d’images et de possibilités de diffusion de ses informations pour par-faire sa réputation, l’internaute ne sait plus vraiment sur quel pied danser. Partager des informations personnelles avec ses proches implique de les diffuser sur le net, cependant diffuser des informations sur le net, c’est prendre le risque de les rendre publiques. Comment gérer son identité numérique ? Celle-ci est constituée de l’ensemble des informations qu’un internaute laisse sur le net, elle peut avoir plusieurs origines, comme je l’ai dit plus haut et c’est autant de sources dont nous nous mé-

Concrètement, outre les informations caractéristiques de son profil

que l’internaute renseigne parfois avec des informations sensibles au

sens de la CNIL (opinions politiques, religieuses, philosophiques, ap-

partenance syndicale, santé, orientation sexuelle) et qui sont souvent

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7776 LE PERSONAL BRANDING

Barbe, Eric Delcroix, Sciences de la Société, n° 75, 2008, p.114-125.10. Ellison (N.), Steinfield (C.), Lampe (C.), The benefits of Facebook « friends ». Exploring the relationship between college students’use of online social networks and social capital. Journal of Computer-Mediated Communication, n°12, pp.1143-1168, 2007.

7. David Fayon, Gérer son identité numérique avec le Web 2.0, www.e-alsace.net, pdf, 2009.8. Réseaux sociaux numériques : vie privée, vie publique, what else?, Danah Boyd, 2007.9. Émergence et appropriation des dispositifs socio-techniques : le cas Facebook, Lionel

segmentée, un grand nombres d’outils de communication et d’application sont mis à disposition de chaque utilisateur. Très peu d’études existent sur l’analyse des comportements et des pratiques sur Facebook et Danah Boyd, dans son article sur les réseaux sociaux en témoigne :

Cependant, une étude française récente, de Lionel Barbe et de Eric Delcroix tente de définir les différentes pratiques de ce réseau suivant ses utilisateurs.

On constate alors que Facebook ne se situe pas clairement comme faisant partie d’un domaine public ou d’un domaine privé pour ses usagés. De même que le statut de Facebook n’est pas clairement défini, les pratiques sur ce réseau non plus. Ainsi, une étude amé-ricaine datant de 2007 étudie et classe les différentes utilisa-tions de Facebook. Et il semblerait qu’en « savoir plus sur des personnes déjà connues » serait l’activité préférée des inter-nautes, suivie de façon décroissante de « établir des relations amicales nouvelles », « se divertir par le jeu », « se faire connaître et promouvoir ses idées sur internet », « établir des relations pro-fessionnelles » et « se cultiver sur différents sujets ».10 Cette clas-

Et d’un autre côté, les internautes sont mis en garde sur le genre d’informations qu’ils diffusent et l’endroit où ils les diffusent. Comment arriver à concilier ces deux facteurs ? Contrôler une « image de marque » est un véritable travail en soi et tout le monde n’en est pas capable. Alors qu’en est-il des internautes qui ne sont pas aptes à gérer leur Personal Branding sur le Web ? Ou bien des internautes qui ne savent pas ce qu’est une identité numérique ?

2 — PEUT-ON QUALIFIER LA DÉMARCHE PROMOTIONNELLE DES AMATEURS DE PERSONAL BRANDING ?

(2.01) — FACEBOOK : LE RÉSEAU SITUÉ ENTRE ESPACE PUBLIC ET ESPACE PRIVÉ

Facebook est un réseau multipolaire et multifonction évo-luant au fur et à mesure de son appropriation par les usagers. Ainsi, Facebook n’est pas dédié à une utilisation particulière ; chacun l’utilise dans le cadre d’objectifs variés, allant du jeu à la plate-forme de travail professionnelle. Aucune activité n’est

LE PERSONAL BRANDING 1. UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE SÉRIEUSE 2. LA DÉMARCHE DE PROMOTION DES AMATEURS 3. DES IMAGES PRIVÉES DANS UN «ESPACE PUBLIC»

optionnelles, le pivot d’un réseau social est pour la majorité des ac-

teurs constitué par le carnet d’adresses du membre. Ainsi, les réseaux

sociaux permettent de constituer des gigantesques bases de données

sur les personnes. Facebook crée ainsi une base de données de profils

qui permet des ciblages très précis connaissant le profil du consom-

mateur, ses centres d’intérêt, etc. Le profil d’un internaute est réalisé

à partir des données que celui-ci renseigne, des informations qu’il

publie mais aussi de ses contacts selon l’adage «Dis-moi qui sont tes

contacts, je te dirai qui tu es».7

Les universitaires ont encore une compréhension limitée de qui utilise

et qui n’utilise pas ces sites, pourquoi, et dans quels buts, particu-

lièrement en dehors des Etats-Unis. Ces questions nécessiteront de

nombreuses recherches, autant sur le plan quantitatif que qualitatif.8

Facebook reste principalement perçu comme un réseau de relations

privées, mais 38% des utilisateurs pensent qu’il est autant privé que

professionnel et seulement 3% le considèrent uniquement comme

réseau de relations professionnelles. Cette donnée confirme le statut de

réseau mixte de Facebook, un réseau qui se veut généraliste et capable

d’intégrer des applications aux fonctions très variées.9

Page 39: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

7978 LE PERSONAL BRANDING

11. Émergence et appropriation des dispositifs socio-techniques : le cas Facebook, Lionel Barbe, Eric Delcroix, Sciences de la Société, n° 75, 2008, pp.114-125.12. Site de création de book d’artiste (mannequin, photographe, maquilleur(se), comédien(ne)...).

à Minette Pulpeuse, elle entre dans la tranche des plus de 35 ans qui sont beaucoup plus intéressés à établir des relations profes-sionnelles. Est-elle dans le même cas qu’Aline Gamin ou bien croit-elle réellement développer un réseau professionnel et ceci de façon maladroite ?Il y aurait encore de nombreux exemples à évoquer, cependant cet échantillon nous montre qu’il y a une réelle confusion chez certains internautes. Facebook offre un grand nombre de ser-vices qui peuvent être utilisés par tous. Le problème se pose au niveau de la maîtrise de ces outils, de la faculté de chaque internaute à définir si Facebook est, pour lui, un réseau profes-sionnel, un réseau public, ou bien encore un réseau privé.

(2.02) — STRATÉGIES MARKETING INCONSCIENTES : L’IDENTITÉ NUMÉRIQUE INCONTRÔLÉE La popularité grâce à Internet est devenu un mythe au sein du monde des internautes. Nous en avons encore eu la preuve avec le récent clip Gangnam style de Psy (Park Jai-Sang) et ses plus d’un milliard de vues qui l’ont rendu célèbre.

sification expliquerait le comportement des internautes qui se mettrent en avant par le biais de représentations d’eux-mêmes. En effet, l’activité première, consistant à « vouloir en savoir plus sur des personnes déjà connues », oblige les internautes à soigner leur réputation avant tout par l’image. De même que ces représentations faciliteraient l’activité classée numéro deux : « établir des relations amicales nouvelles ». L’image de soi, comme nous l’avons constaté précédemment, fonctionne auprès d’un réseau, seulement si elle transmet une bonne image de soi : celle de la réussite. De plus, l’étude de Lionel Barbe et de Eric Delcroix, analyse les classes d’âge suivant les activités :

Ces résultats nous éclairent également sur certaines ques-tions posées plus tôt, les jeunes de moins de 26 ans utilisent Facebook pour s’amuser avec leurs amis et faire de nouvelles rencontres. Reprenons les photographies de mes internautes de moins de 26 ans, Mégane Berthely, Nanou Bfve, Joffrey Gricourt. Leurs images sont diffusées dans des réseaux d’amis jeunes, où la dynamique de reconnaissance rejoint l’affirmation de soi, l’épanouissement personnel et le besoin d’appartenir à un groupe. Quant à d’autres, Aline Gamin par exemple, ses images entrent dans une pratique professionnelle, comme nous l’avons démontré plus haut grâce à la découverte de son book.fr12. Cette pratique « professionnelle », que l’on a jugée plus haut, comme étant « d’apparence », entre-t-elle dans le besoin de cette internaute de se forger une identité et une réputation par le biais d’une soi-disant activité « professionnelle » ? Quant

LE PERSONAL BRANDING 1. UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE SÉRIEUSE 2. LA DÉMARCHE DE PROMOTION DES AMATEURS 3. DES IMAGES PRIVÉES DANS UN «ESPACE PUBLIC»

Au niveau des classes d’âge, les plus de 25 ans et les plus de 35 ans

sont beaucoup plus intéressées à établir des relations professionnelles

ou de développer leur activité que les jeunes de moins de 26 ans qui se

connectent davantage pour jouer, établir des relations amicales ou en

savoir plus sur la vie de personnes qu’ils connaissent déjà.11

[…] La popularité croissante d’un site comme Klout, qui permet

aux internautes de mesurer leur influence sur les réseaux sociaux, est

un symptôme de cette nouvelle autorité d’Internet. De même que le

Webmarketing est devenu indispensable au maintien de l’image des

marques, l’étalage par les individus de leur popularité sur le Web, s’il

est souvent maladroit et peut prêter à rire, est devenu un argument

légitimant auprès d’éventuels employeurs, mais aussi et surtout de la

masse des internautes qui, on l’a vu avec le phénomène du crowd-

funding et plus récemment des podcasteurs, peuvent miraculeuse-

ment propulser vers le succès de parfaits inconnus qui parviennent

à faire le buzz. Bien sûr, il convient de nuancer cette dernière af-

Page 40: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

8180 LE PERSONAL BRANDING

13. Alexandra Bensoussan-Sureau, Réseaux sociaux et présentation de soi, du Personal Branding à l’onanisme, www.nonfiction.fr.14. Émergence et appropriation des dispositifs socio-techniques : le cas Facebook, Lionel Barbe, Eric Delcroix, Sciences de la Société, n° 75, 2008, p.114-125.

LE PERSONAL BRANDING 1. UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE SÉRIEUSE 2. LA DÉMARCHE DE PROMOTION DES AMATEURS 3. DES IMAGES PRIVÉES DANS UN «ESPACE PUBLIC»

marche que l’on pourrait qualifier de Personal Branding puisque l’intention est de se présenter aux autres par le biais de l’image, de la manière la plus gratifiante possible. Mais on pourrait éga-lement dire que cette démarche relève du Personal Branding car elle utilise les codes marketing des images : les arguments qui font vendre. En effet, chacune de ces images amateurs fait appel à l’argument de vente numéro un : la séduction. Les ressemblances plus qu’évidentes entre les images amateurs de ces internautes et celles des campagnes publicitaires sont trou-blantes.[Annexe 01] La plupart des individus interrogés n’ont pas reconnu les images que j’avais assimilées aux leurs et ne re-gardent pas de magazines de mode. Mais nous remarquerons que chacune des photos que j’ai prises en exemple répond à un thème très spécifique dans la photographie de mode. Que ce soit le portrait torse nu, la pose aguicheuse sur un lit, sur une voiture, une attitude très mode en talons et mini robe ou bien encore la pose veste sur une épaule, aucune de ces images n’a été inventée. Ce genre d’images existent depuis bien long-temps dans la photographie de mode et sont réexploitées par tous. Comme je l’ai dit précédemment, ce sont des figures types présentes dans l’imaginaire collectif lorsqu’on parle de pho-tographies de mode. On pourrait les qualifier de « mythes po-pulaires » connus de tous, même de façon inconsciente. Ainsi, Nanou Bfve, n’a pas reconnu les images des séries Vuitton, ré-pondant toutes au même thème, la voiture et la femme.[Annexe

01, Fig.09] C’est pourtant un mythe qui existe en dehors de la mode et qui a depuis longtemps envahi le monde des marques automobiles. La femme fait vendre l’automobile, ainsi les sec-teurs de la mode et de l’automobile se sont rejoint pour nous offrir un mythe impérissable ; celui d’une image rassemblant le pouvoir séducteur du corps féminin et de la carrosserie d’une voiture de luxe.

Cette vague pourrait être à l’origine de l’exposition intensive à laquelle se prêtent un certain nombre d’internautes sur un réseau comme Facebook. Ainsi, 95% des utilisateurs déclarent posséder un compte Facebook sous leur véritable identité et non sous une identité virtuelle.14 Cela voudrait dire qu’il y a une volonté de la part des individus d’apparaître sur la toile comme ils apparaissent dans la vie réelle. Les informations qu’ils donnent, ainsi que les images d’eux-mêmes, sont alors directement rattachées à leur vie réelle. Être populaire dans le monde virtuel signifierait donc être populaire dans la vie réelle. Et quel enchantement de devenir une personne célèbre afin de suivre la vague et d’impressionner son réseau tout entier ! La célébrité, comme nous l’avons évoqué plus tôt, est le reflet d’une réussite sociale et d’un épanouissement personnel. En effet s’accomplir soi-même est un but ultime et chacun s’y prend d’une manière différente. Que ce soit par la musique, la danse ou bien l’exploitation de son corps par l’image. Car un corps jeune, beau et célèbre, est le corps de quelqu’un qui a réussi socialement. Ainsi, montrer son corps de la façon dont sont montrés ceux des célébrités, serait un moyen d’accéder à la popularité. Une supposition, certes, mais c’est en tout cas le phénomène observé à partir des photographies des internautes que j’ai pris pour exemples. La démarche des internautes comme Mégane Berthely, Minette Pulpeuse, Joffrey Gricourt ou bien Aline Gamin, est une dé-

firmation, dans la mesure où le succès effarant de quelques électrons

libre du Web n’est pas monnaie courante parmi les internautes. Mais

ces success stories participent du mythe qui, à côté des réalités écono-

miques, confère à l’Internet sa valeur légitimante, et pousse les per-

sonal branleurs à s’enorgueillir des marqueurs d’une e-réputation

honorable.13

Page 41: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

8382 LE PERSONAL BRANDING LE PERSONAL BRANDING 1. UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE SÉRIEUSE 2. LA DÉMARCHE DE PROMOTION DES AMATEURS 3. DES IMAGES PRIVÉES DANS UN «ESPACE PUBLIC»

l’internaute. Se promouvoir est un but, utiliser la photographie de soi est un médium et diffuser ces images sur les réseaux est une publicité. Jusqu’ici, aucune difficulté. La subtilité se trouve dans la création de l’image. La notion de séduction dans la pho-tographie existe partout, ou presque, comme nous l’avons vu. Ce dont les internautes n’ont pas conscience c’est la façon dont sont pensées et produites les images médiatiques. Les messages sont mûrement réfléchis ainsi que les compositions des images. Aucun contre-sens ne se dégage de ces images. Qu’en est-il d’une image qui reproduit aveuglément celles diffusées par les médias, sans en comprendre le sens et en en conservant seulement l’esthétique ? Ce mimétisme aveugle est à l’origine d’images dont l’aspect séducteur devient provocant, voire vul-gaire. Les images de Minette Pulpeuse, [Annexe 01, Fig.02, 04, 06] de Sara Macro [Annexe 02, Fig.14] ou bien encore de Mégane Berthely [Annexe 01, Fig.03] en sont la preuve. Ce sont des images brutes, dont le sens n’est nullement dissimulé. La nudité et la provoca-tion par le sexe de ces corps transmettent une image autrement vulgaire de ces trois internautes. Le sexe n’étant plus un tabou dans notre société, il n’y a plus de barrière quant à sa diffusion. Toutefois, cette pratique d’exposition de soi peut être en accord avec soi si cette image est assumée. Mais le sexe n’est-il pas avant tout une pratique privée ?

Ainsi, une même image, à connotation sexuelle, diffusée dans un réseau de proches, n’aura pas le même impact que dans un réseau à visée professionnelle. Se promouvoir face à ses amis n’implique pas les mêmes démarches. Reprenons les images de nos internautes analysées précédemment. Les visuels de Minette pulpeuse par exemple, n’ont pas le même impact dans un réseau privé, qui implique sa famille, son mari, ses amis que dans un réseau professionnel. Ces images équivoques éveillent

Les internautes, de part leurs images, ne font que répondre à l’envahissement du monde médiatique par les images de marque. C’est alors que seule l’esthétique subsiste dans les images amateurs, dénuées de toute fonction publicitaire en dehors de l’auto-promotion de chaque individu. Les cam-pagnes sont dépouillées de leur sens et sont réinvesties ma-ladroitement pour des usages personnels. Les images qui en résultent ne sont ni des campagnes publicitaires ni des images dont le but est clairement défini. Elles deviennent des hybrides dont le sens premier a disparu, des images dont la seule fonc-tion est d’avoir l’aperçu d’un visage. Elles sont le témoin de l’obsession croissante des individus pour leur personne, mais aussi de leur déroute face à ce monde inondé d’images dans lequel ils se noient. Des images dont ils ne savent pas lire le message et dont la seule lecture faite est celle d’un premier degré esthétique.

3 — DES IMAGES PRIVÉES DANS UN « ESPACE PUBLIC »

(3.01) — LE POUVOIR DES IMAGES REPRÉSENTE-T-IL UN DANGER POUR LES PERSONNES QUI NE LE MAITRÎSENT PAS ?

Le Personal Branding, ou toute pratique qui peut s’y apparen-ter, sur les réseaux sociaux, n’est pas encore maîtrisé par la plupart des gens. Et c’est justement l’inconscience de ce terme qui pourrait être à l’origine de cette non-maîtrise. Car jouer avec la séduction peut être dangereux. En effet, des images qui évoquent le pouvoir de séduction du corps peuvent regrouper des non-sens qui, au final, n’atteignent pas le but poursuivi par

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8584 LE PERSONAL BRANDING

15. Réseaux sociaux numériques : vie privée, vie publique, what else?, Danah Boyd, 2007.

Nous l’avons bien compris, les sphères publiques médiatiques, comme les réseaux sociaux, jouent des rôles dans nos vies quo-tidiennes puisque toutes nos activités ont une traçabilité, ou presque. Il est donc important de contrôler la diffusion de ces informations puisque la perdurabilité de celles-ci est quasi illi-mitée. Ainsi, une image diffusée durant la jeunesse peut faire partie, à vie, de la réputation d’un individu.Alors quel genre de photographie est capable de favoriser le Personal Branding ? Le Personal Branding, comme nous l’avons dit précédemment, est présent dans la vie privée comme dans la vie professionnelle. Cela veut dire que toute information dif-fusée sur la toile doit être cohérente avec un personnage. Et ceci afin d’éviter les incohérences d’un réseau à un autre. Comment gérer autant de « lieux » de diffusion à la fois ? Internet nécessite la création d’une identité numérique et tout individu surfant sur le Web est obligé d’en avoir une. Cependant, tout le monde a-t-il réellement la capacité de gérer son identité numérique par la représentation de lui-même ? La confusion entre tous les outils disponibles, en terme de réseaux sociaux, pourrait bien être le pire ennemi d’une identité numérique cohérente et valo-risante. Ainsi David Fayon donne des conseils aux internautes :

peut-être l’appétit sexuel des hommes qui lui rapporteront quelques compliments, mais elles n’offriront pas les mêmes re-tours d’un chef d’entreprise ou d’un employeur, par exemple, qui tomberait dessus par hasard (ou pas). Ces images, à l’évi-dence, desservent cette personne si elles ne se trouvent pas dans le domaine privé. De même pour Mégane Berthély, les charmes d’une adolescente ont-ils les mêmes effets que dans une campagne pour Gucci ? [Annexe 01, Fig.03] Il y a cependant un cas dans lequel des images à connotation sexuelle peuvent avoir une réelle visée professionnelle. Dans le cas de Emily (modèle), [Annexe 02, Fig.13] gogo danseuse, ces images font partie de son CV. Nous pouvons ainsi nous demander dans quel cas une représentation de son corps peut être dangereuse ? Suivre aveuglément les dictats visuels des médias et de leurs images équivoques est-il le commencement du danger ? Les marques sont-elles la cause de la dérive de ces images ?

(3.02) — DES IMAGES QUI COLLENT À LA PEAU

Sur Internet, il n’y a pas ou peu de cloisons, les conversations s’amplifient et les contextes disparaissent. Ainsi, un contenu sans contexte peut avoir un nombre illimité d’interprétations. Et comme nous le précise Danah Boyd, cette haute visibilité ne risque pas de changer :

LE PERSONAL BRANDING 1. UNE PRATIQUE PROFESSIONNELLE SÉRIEUSE 2. LA DÉMARCHE DE PROMOTION DES AMATEURS 3. DES IMAGES PRIVÉES DANS UN «ESPACE PUBLIC»

Il est peu probable que des solutions techniques viennent changer cette

situation parce que chaque fois qu’un mur digital a été érigé, une

nouvelle technologie est apparue qui l’a fait tomber. La caractéris-

tique de reproductibilité de l’information numérique et la puissance

des moteurs de recherche font que tout mur de protection ne peut être

au mieux que temporaire.15

Pour gérer son identité numérique, il convient d’une part de prêter

une attention toute particulière à ce que l’on publie (écrits, photos,

etc.) sur Internet et d’autre part d’exploiter les réseaux sociaux pro-

fessionnels notamment pour bâtir son réseau de contacts et les mises

en relation, les recommandations des personnes avec lesquelles on a

travaillé pour être visible sur Internet. Ceci est possible avec des ré-

seaux sociaux professionnels comme Viadeo ou LinkedIn mais aussi

avec une bonne utilisation de Facebook en veillant au paramétrage

de son compte et soit en segmentant la vie professionnelle et la vie

personnelle soit en ayant des compétences sociales et relationnelles

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86 LE PERSONAL BRANDING

16. David Fayon, Gérer son identité numérique avec le Web 2.0, www.e-alsace.net, pdf, 2009.

L’autocensure pourrait bien être le moyen le plus efficace, pour chaque internaute, de conserver sa vie privée et de s’épanouir dans sa vie professionnelle.

(3.03) — INTERNET : MIROIR ET AMPLIFICATEUR DE TOUS LES ASPECTS DE LA VIE PUBLIQUE

Il convient de préciser que Facebook est un outil médiatique hautement diffusé et que la banalisation de l’image, qui existe aujourd’hui, sous-estime le pouvoir évocateur et bien trop bavard de celle-ci. L’image au contraire nous parle et comme le précise Danah Boyd, les réseaux sociaux permettent d’échanger des informations dans un espace où le temps n’existe plus. En effet, chaque image diffusée sur les réseaux peut être consul-tée encore 5 ans après avoir été postée. Elle est ainsi privée de son contexte et ne fait que parler à notre place de ce que nous n’avons pas dit. L’imagination autour d’une image est illimitée, des interprétations très différentes peuvent en être faites. Et chaque interprétation faite à partir de la représentation d’un internaute le touche directement, dans sa vie privée ainsi que dans sa vie professionnelle. Le voyeurisme est devenu une pra-tique courante sur le net et un bon nombre de scandales sont nés à la suite de la diffusion d’une image qui aurait dû rester dans le domaine du privé. Négliger le pouvoir de parole d’une image c’est s’exposer aux polémiques, au jugement des autres et à certains quiproquos. Alors faut-il disparaître des réseaux afin d’être protégé ?

qui permettent de tirer profil d’un outil Facebook où les genres sont

mêlés.16

Page 44: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

8988

— CONCLUSION

Tout au long de ma recherche, je me suis demandé si les pho-tographies amateurs présentes sur un réseau comme Facebook favorisaient le processus de Personal Branding chez les inter-nautes. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette question. Tout d’abord, cette tendance des individus, propre au XXIe siècle, de se rendre présents sur la toile par le biais des réseaux sociaux tels que Facebook. Une force médiatique qui semble devoir être surveillée, puisque toute expansion publique en-gendre une exposition à des spectateurs et ainsi, des consé-quences dans la vie privée, publique ou professionnelle des utilisateurs. Grâce à l’analyse des représentations amateurs de certains internautes sur la toile, et aux études de Dominique Cardon et Pierre Mercklé, j’en suis venue à conclure que chaque internaute, par le biais des réseaux, était en quête de re-connaisance publique de la part de leur réseau de proches. Ce besoin de visibilité et d’intérêt serait généré par le post d’images d’eux-mêmes. Des images qui seraient le reflet de leur vie, une vie qu’ils voudraient heureuse et épanouie.J’ai ainsi constaté la ressemblance frappante entre les photo-graphies d’internautes et certaines photographies de mode. En effet, des figures types sont récurrentes, des schémas repris éternellement dans l’histoire de la mode, ce qui aurait alimenté l’imaginaire collectif, à tel point que les internautes seraient ca-pables de les reproduire inconsciemment.

Ainsi la question de l’auto-promotion me paraissait essentielle : ces photographies sont-elles à l’origine de la popularité de certains internautes ? Et si ce n’est pas le cas, est-ce la mission qu’on donne à ces images de soi que l’on diffuse ? La compa-raison aux imageries de mode pouvait me laisser penser que le mimétisme n’était pas seulement dans les attitudes et les poses, mais également dans les stratégies marketing de vente. En effet, dans la photographie de mode, l’image n’est pas anno-dine, elle sert à la promotion d’un produit. Je ne peux pas être

CONCLUSION

Page 45: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

90 CONCLUSION

certaine que les images utilisées par les individus sur la toile soient des outils de promotion d’eux-mêmes, même si cela y ressemble fortement. L’analyse de certains commentaires, liés aux photos diffusées, sont la preuve d’une reconnaissance posi-tive d’un réseau de proches, pour l’internaute qui est à l’origine de l’image. Les images postées ont alors une réelle capacité à attirer l’attention et la reconnaissance d’un public. De plus, l’analyse de certaines images amateurs m’a amenée à conclure que le mimétisme engendré par les images de type commer-cial n’était que superficiel. Le message présent dans la photo-graphie d’origine disparaît dans la copie, pour ne plus laisser paraître que l’esthétique. J’en ai déduit que les internautes ne faisaient qu’une lecture partielle de ces images, mais cela peut également prouver que la copie était inconsciente et très floue. Cela serait la cause de la disparition du message d’origine.

Ainsi la constatation de ces copies aveugles d’images média-tiques m’a amenée à constater certains contre sens dans les images amateurs. La non-maîtrise de la création de ces images et de leur sens en font des photos dont l’interprétation peut-être multiple et pas forcement contrôlée. C’est la non-maitrise du sens de ces images amateurs et le fait qu’elles soient hautement diffusées sur des réseaux publics qui m’a amenée à me deman-der si ces photographies pouvaient être dangereuses pour leur propriétaire. Le droit moral quant à la diffusion de sa propre image sur des réseaux mal protégés et accessibles de tous est-il bien respecté ? Facebook doit-il continuer à rester indécis sur son statut multifonctionnel de réseau à caractère privé, public et professionnel ? Et enfin, cette indécision n’est-elle pas à l’ori-gine de ces « fuites » photographiques que les internautes ne contrôlent pas ?

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93 BIBLIOGRAPHIE

— BIBLIOGRAPHIE

(01) — LIVRES

OUVRAGES PRINCIPAUX

Pierre Mercklé, Sociologie des réseaux sociaux, La Découverte, 2011.

Gilles Lipovetsky, L’empire de l’éphémère, Gallimard, folio essais, 1987.L’ère du vide, Gallimard, folio essais, 1983.

Marie-José Mondzain, La mode, Bayard, coll. Les petites conférences, 2009.

Christopher Lasch, La culture du narcissisme, Flammarion, coll. Champs essais, 2006.

Dominique Cardon, La démocratie Internet, promesses et limites, Seuil, coll. La république des idées, 2010.

Deyan Sudjic, Le langage des objets, Pyramyd, coll. :T, Chap. IV, La mode, 2012.

Collectif,Galerie de photographie, bibliothèque nationale de France, Portraits/Visages, 1853-2003, Gallimard, 2003.

Page 47: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

9594

Nancy Hall-Duncan, Histoire de la photographie de Mode, préface Yves Saint Laurent, Le Chêne, 1978.

(02) — ARTICLES

Fabien Granjon, Julie Denouël, Exposition de soi et reconnaissance de singularités subjectives sur les sites de réseaux sociaux, Sociologie, vol. 1, 2010, pp.25-43.

André Gunthert, Sans retouche, histoire d’un mythe photographique, Études photographiques, n° 22, octobre 2008, pp.56-77.

La révolution de la photographie vient de la conversation, Culture Visuelle, 14 juillet 2012.

L’image partagée. Comment internet a changé l’économie des images, Études photographiques, n° 24, novembre 2009, pp.182-209.

Esthétique de l’occasion. Naissance de la photographie instantanée comme genre, Études photographiques, n° 9, mai 2001, pp.65-87.

Alexandra Bensoussan-Sureau, Réseaux sociaux et présentation de soi : du personal branding à l’onanisme ou le marketing personnel, nonfiction.fr, Juillet 2012.(http://www.nonfiction.fr/article-5965-reseaux_sociaux_et_presentation_ de_soi__du_personal_branding_a_lonanisme.htm)

David Fayon,Les réseaux sociaux menacent-ils nos libertés individuelles ?, colloque du CREIS, 2010.

Gérer son identité numérique avec le Web 2.0, www.e-alsace.net, 2009.

BIBLIOGRAPHIEBIBLIOGRAPHIE

AUTRES OUVRAGES

Roland Barthes, Mythologies, sur les Studios d’Harcourt, Seuil, coll. Points essais, 1957.Chambre claire, dans Oeuvres complètes, Paris, Seuil, 2002

Antonio A. Casilli, Les liaisons numériques : vers une nouvelle sociabilité ?, Paris, Seuil, 2010.

Jean-François Amadieu,Le poids des apparences : beauté, amour et gloire,Odile Jacob, 2002.

Frédéric Monneyron,Sociologie de la mode, Puf, Collection Que sais-je ?, 2010.

Jean-Claude Kaufmann,

L’invention de soi. Une théorie de l’identité, Hachette Littératures, Paris, 2007.

Erving Goffman,La mise en scène de la vie quotidienne 1 : La présentation de soi,Les Éditions de Minuit, 1973.

Thomas Zuber et Alexandre Des Isnards, Facebook m’a tué, Nil, 2011.

Collectif, Calendrier Pirelli, l’intégrale - 40 ans, Flammarion, 2004.

Catalogue d’exposition,Face of Fashion : une histoire de la photographie de mode catalogue, National Portrait Gallery, Victoria et Albert Museum, 2006.

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9796

L’actualité du web et du numériquehttp://davidfayon.fr/Ce site est sous la direction de David Fayon, il donne des informations pratiques relatives à l’actualité du Web et du numérique.

Totemhttp://culturevisuelle.org/totem/Bloc-notes visuel, par André Gunthert.

PHOTOGRAPHIES DE MODE

Art Partnerhttp://www.artpartner.com/

Voguehttp://www.vogue.fr/photo

Fashion gone roguehttp://fashiongonerogue.com/campaign/

Lionel Barbe, Eric Delcroix, Émergence et appropriation des dispositifs socio-techniques : le cas Facebook, Sciences de la Société, n° 75, 2008, pp.114-125. (source: http://halshs.archives-ouvertes.fr)

Danah Boyd, Réseaux sociaux numériques : vie privée, vie publique, what else ?, 2007, (texte original : «Social Network Sites: Public, Private, or What ?» Knowledge Tree 13, May, traduit en français par Tilly Bayard-Richard, Paris, France)

Dominique Cardon et Hélène Delaunay-Teterel,La production de soi comme technique relationnelle, Réseaux, n°138, juillet-août 2006, pp.15-71.

Dominique Cardon,Le design de la visibilité, un essai de cartographie du web 2.0,Réseaux, n°152, 2008, pp.93-137.

(03) — SITES

Culture visuellehttp://culturevisuelle.org/Média scientifique collaboratif, proposé par le laboratoire d’histoirevisuelle contemporaine (Lhivic/EHESS), sous la direction d’André Gunthert.

Latelier des icôneshttp://culturevisuelle.org/icones/Blog scientifique spécialisé dans le domaine de la culture visuelle. Créé en 2009 par André Gunthert.

Cairnhttp://www.cairn.info/Cairn.info est né de la volonté de quatre maisons d’édition (Belin, De Boeck, La Découverte et Erès) ayant en charge la publication et la diffusion de revues de sciences humaines et sociales afin de développer une version électronique de leurs publications.

BIBLIOGRAPHIEBIBLIOGRAPHIE

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ANNEXE 01

Page 50: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

CAMPAGNES PUBLICITAIRES

01. Aline Gamin Derenne, photo de profil Facebook, 2012. 02. Campagne Louis Vuitton, 2011.

FIG. 01

FACEBOOK

ATTITUDE POSÉE N°1

0201

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CAMPAGNES PUBLICITAIRESFACEBOOK

03. Minette Pulpeuse, photo de profil Facebook, Avril 2011. 04. Campagne Guess, 2011.

ATTITUDE POSÉE N°2

04

FIG. 02

03

Page 52: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

CAMPAGNES PUBLICITAIRESFACEBOOK

05. Mégane Berthely, photo de profil Facebook, Août 2012. 06. Campagne Gucci, printemps-été, 2011.

ATTITUDE POSÉE N°3

06

FIG. 03

05

Page 53: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

CAMPAGNES PUBLICITAIRESFACEBOOK

07. Minette Pulpeuse, photo de profil Facebook, Mars 2011. 08. Campagne Guess, 2011.

ATTITUDE POSÉE N°4

08

FIG. 04

07

Page 54: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

CAMPAGNES PUBLICITAIRESFACEBOOK

LE DIEU GREC

09. Abraham Amara-Boulay, photo de profil Facebook, 2012. 10. Campagne Armani, avec Cristiano Ronaldo, 2010.

10

FIG. 05

09

Page 55: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

CAMPAGNES PUBLICITAIRESFACEBOOK

ATTITUDE POSÉE N°5

11. Minette Pulpeuse, photo de profil Facebook, Mars 2011. 12. Campagne Calvin Klein, Éva Mendès, 2009.

12

FIG. 06

11

Page 56: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

CAMPAGNES PUBLICITAIRESFACEBOOK

13. Minette Pulpeuse, photo de profil Facebook, Mai 2011. 14. Ny Tine, photo de profil Facebook, Mars 2010.15. Jana Simkova, photo de profil Facebook, Août 2011.16. Joffrey Gricourt, photo de profil Facebook, Octobre 2008.17. Campagne Louis Vuitton, Cruise, 2011.

POSE CONTRE UN MUR

17

FIG. 07

1413

1615

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CAMPAGNES PUBLICITAIRESFACEBOOK

22. Campagne Emporio Armani, avec Mégane Fox, 2011. 23. Campagne Emporio Armani, avec Tomas Skoloudik, 2012.24. Campagne Guess, 2011.

LA POSE ALLONGÉE

22

23

24

18. Jana Simkova, photo de profil Facebook, Septembre 2011. 19. Mégane Berthely, photo de profil Facebook, 2012.20. Minette Pulpeuse, photo de profil Facebook, 2011.

21. Joffrey Gricourt, photo de profil Facebook, Février 2009.

FIG. 08

18

19

20

21

Page 58: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

CAMPAGNES PUBLICITAIRESFACEBOOK

29. Campagne Louis Vuitton (Resort), Printemps-été, 2011. 30. Campagne Louis Vuitton (Resort), Printemps-été, 2011.

POSE AVEC UNE VOITURE

29

30

FIG. 09

25

27

26

28

25. Nanou Bfve, photo de profil Facebook, 2012. 26. Nanou Bfve, photo de profil Facebook, 2012.

27. Tysono Colucci, photo de profil Facebook, 2009.28. Tysono Colucci, photo de profil Facebook, 2009.

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LE COUPLE

CAMPAGNES PUBLICITAIRESFACEBOOK

31. Mégane Berthely, photo de profil Facebook, Septembre 2012. 32. Campagne Calvin Klein, avec Éva Mendès et Jamie Dornan, Automne-Hiver 2009.

32

FIG. 10

31

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CAMPAGNES PUBLICITAIRESFACEBOOK

33. Sherya Séverine Bonbois, photo de profil Facebook, Septembre 2012. 34. Campagne Versace Jeans, avec Gisèle Bundchen, Fall-Winter 2012.

ATTITUDE POSÉE N°6FIG. 11

34

33

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CAMPAGNES PUBLICITAIRESFACEBOOK

36. Ny Tine, photo de profil Facebook, 2010. 38. Campagne Versace, avec Gisèle Bundchen, Printemps-été, 2012.

FIG. 12 ATTITUDE POSÉE N°7

3736

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FIG. 02

01. Aline Gamin Derenne, photo de profil Facebook, 2012. 02. Campagne Louis Vuitton, 2011.

ANNEXE 02

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FIG. 02FIG. 01

CAMPAGNES PUBLICITAIRESCAMPAGNES PUBLICITAIRES

01. Devon Aoki par Paolo Roversi, mars 1999. 02. Natalia Vodianova par Paolo Roversi, dans L’Égoiste N°15, ~2006.

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CAMPAGNES PUBLICITAIRES

03. Marion Cotillard par Peter Lindbergh, Lady Dior, 2008. 04. Scarlett Johansson, campagne pour Dolce & Gabanna, 2009.

FIG. 04FIG. 03

CAMPAGNES PUBLICITAIRES

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FACEBOOK FACEBOOK

05. Omar Benlaala, photo de profil Facebook, Octobre 2012. 06. Céline Lemonnier, photo de profil Facebook, Octobre 2012.

FIG. 06FIG. 05

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07. Laetitia Casta, par les Studios d’Harcourt, 2005. 08. Jean Dujardin, par les Studios d’Harcourt, 2009.

HARCOURT HARCOURT

FIG. 08FIG. 07

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CAMPAGNES PUBLICITAIRES

09. Campagne Sisley Fram par Terry Richardson, 2001. 10. Campagne de Tom Ford pour Gucci, photographiée par Mario Testino, Printemps-été, 2003.

FIG. 10FIG. 09

CAMPAGNES PUBLICITAIRES

Page 68: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

11. L01096, 17 ans, captures d’écran de son Bookiblog, Octobre 2012.12. L01096, 17 ans, captures d’écran de son Bookiblog, Octobre 2012.

BOOKIBLOG BOOKIBLOG

FIG. 12FIG. 11

Page 69: La promesse des images à l'heure des réseaux sociaux - COSTE Eva

13. Émily modèle, photo de profil Facebook, Décembre 2011. 14. Sarah Macro, photo de profil Facebook, Septembre 2012.

FIG. 14

FACEBOOK FACEBOOK

FIG. 13

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15. Calendrier Pirelli, Hans Feurer, Seychelles, 1974. 16. Calendrier Pirelli, Bruce Weber, Miami, Floride, USA, 1998.

PIRELLIPIRELLI

FIG. 16FIG. 15

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HIRED MY WAY

17. Campagne Hired my way, 2012.

FIG. 17