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Actualités pharmaceutiques n° 539 octobre 2014 46 pratique qualité © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.08.010 Mots clés - audit ; Conseil national de l’Ordre des pharmaciens ; démarche qualité ; développement professionnel continu ; officine Keywords - audit; community pharmacy; continuing professional development; French National Order of Pharmacists; quality approach La qualité à l’officine : l’Ordre s’engage La qualité doit être au cœur des préoccupations de l’officine, et certains pharmaciens se sont déjà engagés dans cette voie. Le programme d’accompagnement qualité proposé par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens a pour objectif de soutenir cette démarche, notamment en proposant des dispositifs permettant d’améliorer l’accueil pharmaceutique des patients sans ordonnance, de réaliser l’auto-évaluation de l’organisation de la pharmacie, ou encore en auditant toute officine volontaire. Quality at the pharmacy: the National Order of Pharmacists’ commitment. Quality must be a key focus of the community pharmacy and some pharmacists are already working hard in this direction. The quality support programme proposed by the French National Order of Pharmacists aims to back this approach, notably by offering schemes which enable pharmacies to improve the way they deal with patients without prescriptions or to carry out a self-assessment of their organisation as well as auditing pharmacies which wish to be audited. E n mai 2014, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) a lancé un programme d’accompagnement qualité des pharmaciens d’officine. Isabelle Adenot, présidente du CNOP, défi- nit cette stratégie comme prioritaire, en précisant « exercer avec qualité, c’est répondre aux exigences de santé des patients et c’est renforcer l’image et la notoriété de la profes- sion ». Trois axes majeurs Le programme d’accompagnement qualité des pharmaciens d’officine se décompose en trois axes. F Le premier axe donne aux phar- maciens les moyens d’exercer leur expertise d’analyse pharmaceu- tique. À ce titre, le CNOP évoque l’importance de l’utilisation du dos- sier pharmaceutique (DP), qui per- met de sécuriser davantage l’acte de dispensation des médicaments. F Le second axe veille à l’éva- luation et à la mise à jour des connaissances. Le développement professionnel continu (DPC) constitue un élément incontournable dans une démarche qualité. Il permet aux pharmaciens d’améliorer l’accueil pharmaceutique et de parfaire leurs connaissances afin d’établir un dia- logue constructif avec les patients. D’ailleurs, en novembre 2013, le CNOP a adressé aux organismes de DPC une recommandation visant à proposer des modules de formation abordant la dispensation des médicaments qui ne requiè- rent pas de prescription médicale obligatoire. À ce titre, le site Accueil pharmaceutique des patients sans ordonnance (AcQO) 1 regroupe les recommandations concernant leur abord. Par ailleurs, il souhaite la mise en œuvre d’un programme patient qualité. Ce dispositif prévoit la visite aléatoire d’officines par des tiers afin d’apprécier la qualité et la sécurité de la dispensation des médicaments sans ordonnance. F Enfin, le troisième axe offre aux pharmaciens un accompagne- ment dans leur démarche qua- lité. Avec la nouvelle version du site AcQO, ils peuvent désormais, d’une part, trouver des outils nécessaires à l’auto-évaluation des différents aspects de l’organisation profes- sionnelle et, d’autre part, apprécier l’état d’avancement de leur propre démarche qualité par rapport à la réglementation existante et aux bonnes pratiques. De plus, l’Ordre des pharmaciens souhaite lancer un programme d’audit pédagogique concernant l’organisation et le fonc- tionnement de l’officine. Ce projet sera conduit par des conseillers ordinaux auditeurs, à la demande des pharmaciens. Les pharmacies visitées par un tiers, conseiller ordi- nal ou non, se verront remettre un rapport leur proposant des recom- mandations afin d’améliorer, le cas échéant, leurs pratiques profession- nelles. Vers une certification ? L’exercice de la profession est déjà encadré par de nombreux textes réglementaires et législatifs : le Code de la santé publique, le Code de déontologie et le Guide des Bonnes Pratiques. Cependant, © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés © 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved Yannick FRULLANI Docteur en pharmacie Adresse e-mail : [email protected] (Y. Frullani). c/o Elsevier Masson, 62 rue Camille-Desmoulins, 92130 Issy-les-Moulineaux cedex, France

La qualité à l’officine : l’Ordre s’engage

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Actualités pharmaceutiques

• n° 539 • octobre 2014 •46

pratiquequalité

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

http://dx.doi.org/10.1016/j.actpha.2014.08.010

Mots clés - audit ; Conseil national de l’Ordre des pharmaciens ; démarche qualité ; développement professionnel

continu ; offi cine

Keywords - audit; community pharmacy; continuing professional development; French National Order of Pharmacists;

quality approach

La qualité à l’officine : l’Ordre s’engageLa qualité doit être au cœur des préoccupations de l’officine, et certains pharmaciens se

sont déjà engagés dans cette voie. Le programme d’accompagnement qualité proposé

par le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens a pour objectif de soutenir cette

démarche, notamment en proposant des dispositifs permettant d’améliorer l’accueil

pharmaceutique des patients sans ordonnance, de réaliser l’auto-évaluation de

l’organisation de la pharmacie, ou encore en auditant toute officine volontaire.

Quality at the pharmacy: the National Order of Pharmacists’ commitment. Quality must be a key focus of the community pharmacy and some pharmacists are already working hard in this direction. The quality support programme proposed by the French National Order of Pharmacists aims to back this approach, notably by offering schemes which enable pharmacies to improve the way they deal with patients without prescriptions or to carry out a self-assessment of their organisation as well as auditing pharmacies which wish to be audited.

E n mai 2014, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) a lancé un programme

d’accompagnement qualité des pharmaciens d’officine. Isabelle Adenot, présidente du CNOP, défi-nit cette stratégie comme prioritaire, en précisant « exercer avec qualité, c’est répondre aux exigences de santé des patients et c’est renforcer l’image et la notoriété de la profes-sion ».

Trois axes majeursLe programme d’accompagnement qualité des pharmaciens d’officine se décompose en trois axes.

F Le premier axe donne aux phar-maciens les moyens d’exercer leur expertise d’analyse pharmaceu-tique. À ce titre, le CNOP évoque l’importance de l’utilisation du dos-sier pharmaceutique (DP), qui per-met de sécuriser davantage l’acte de dispensation des médicaments.

F Le second axe veille à l’éva-

luation et à la mise à jour des

connaissances. Le développement professionnel continu (DPC) constitue

un élément incontournable dans une démarche qualité. Il permet aux pharmaciens d’améliorer l’accueil pharmaceutique et de parfaire leurs connaissances afin d’établir un dia-logue constructif avec les patients. D’ailleurs, en novembre 2013, le CNOP a adressé aux organismes de DPC une recommandation visant à proposer des modules de formation abordant la dispensation des médicaments qui ne requiè-rent pas de prescription médicale obligatoire. À ce titre, le site Accueil pharmaceutique des patients sans ordonnance (AcQO)1 regroupe les recommandations concernant leur abord. Par ailleurs, il souhaite la mise en œuvre d’un programme patient qualité. Ce dispositif prévoit la visite aléatoire d’officines par des tiers afin d’apprécier la qualité et la sécurité de la dispensation des médicaments sans ordonnance.

F Enfin, le troisième axe offre aux

pharmaciens un accompagne-

ment dans leur démarche qua-

lité. Avec la nouvelle version du site AcQO, ils peuvent désormais, d’une

part, trouver des outils nécessaires à l’auto-évaluation des différents aspects de l’organisation profes-sionnelle et, d’autre part, apprécier l’état d’avancement de leur propre démarche qualité par rapport à la réglementation existante et aux bonnes pratiques. De plus, l’Ordre des pharmaciens souhaite lancer un programme d’audit pédagogique concernant l’organisation et le fonc-tionnement de l’officine. Ce projet sera conduit par des conseillers ordinaux auditeurs, à la demande des pharmaciens. Les pharmacies visitées par un tiers, conseiller ordi-nal ou non, se verront remettre un rapport leur proposant des recom-mandations afin d’améliorer, le cas échéant, leurs pratiques profession-nelles.

Vers une certifi cation ?L’exercice de la profession est déjà encadré par de nombreux textes réglementaires et législatifs : le Code de la santé publique, le Code de déontologie et le Guide des Bonnes Pratiques. Cependant,

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved

Yannick FRULLANIDocteur en pharmacie

Adresse e-mail : [email protected]

(Y. Frullani).

c/o Elsevier Masson, 62 rue Camille-Desmoulins, 92130 Issy-les-Moulineaux

cedex, France

Actualités pharmaceutiques

• n° 539 • octobre 2014 • 47

Note1 Accueil pharmaceutique des patients sans ordonnance (AcQO). www.acqo.fr

Déclaration d’intérêts 

L’auteur déclare ne pas avoir de

confl it d’intérêts en relation avec

cet article.

qualité

pratique

selon le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), Rénovation des missions pharmaceutiques en ARS, publié en novembre 2013, le respect de cette réglementation ne suffit pas [1]. Leurs auteurs recommandent qu’une

tierce partie puisse délivrer une assu-rance de conformité aux exigences réglementaires et législatives qui s’apparente véritablement à une cer-tification des officines de pharmacie.Le CNOP souhaitait que cette certifica-tion provienne de la Haute Autorité de

santé (HAS). Si une telle mesure était mise en place, celle-ci devrait alors se baser sur un référentiel unique : un nou-veau guide des bonnes pratiques qui inclurait l’intégralité des activités liées à l’exercice de la profession. Pour l’heure, ce référentiel n’existe pas. w

Actualités pharmaceutiques  : Jean

Goudounèche, vous êtes pharmacien

titulaire à Talence1. Pourquoi avoir choisi

de mettre en place un système qualité ?

F Jean Goudounèche  : La profession de pharmacien est en pleine mutation. Aujourd’hui, nous sommes incités à élar-gir notre panel de services et, par consé-quent, à parfaire sans cesse nos compé-tences. Afin d’y parvenir, il paraît essentiel d’améliorer nos pratiques afin de satisfaire aux exigences réglementaires, profession-nelles et surtout à celles exprimées par la patientèle. Pour relever ce challenge, la mise en place d’un système qualité est apparue comme incontournable. En effet, une telle stratégie permet de souder une équipe autour d’un projet professionnel défini par les titulaires. Notre objectif pre-mier est de sécuriser de façon optimale la dispensation des médicaments : cet acte de soins constitue le cœur de notre métier.AP : Qui a la responsabilité de sa mise en

place et de son amélioration continue ?

F JG : Les responsables du système qua-lité sont les deux titulaires  : Jean-Paul Akbaraly et moi-même. Ensemble, nous définissons la ligne directrice que nous voulons appliquer et prenons le temps d’expliquer à l’ensemble de nos collabo-rateurs notre stratégie. Régulièrement, nous faisons évoluer nos procédures en fonction des difficultés rencontrées au quotidien. Nous nous devons d’amé-liorer au fur et à mesure nos méthodes. Cette disposition permet de répondre aux attentes de nos patients de manière optimale.AP : Depuis combien de temps êtes-vous

certifié ISO 9001 ?

F JG : Nous sommes certifiés ISO 9001 QMS depuis février 2012.

AP : Combien de temps vous a-t-il fallu

pour mettre en place le système qualité ?

F JG  : La mise en place d’un système qualité requiert une réévaluation des méthodes de travail. Ainsi, en interne, ce temps de réflexion a pris plusieurs années.AP : Comment avez-vous présenté votre

nouvelle stratégie à l’équipe ? Comment

vos collaborateurs ont-ils appréhendé

cet engagement ?

F JG : En amont, nous avions déjà évoqué cette alternative au cours des réunions mensuelles. L’ensemble de mes collabo-rateurs ressentait le besoin d’améliorer les méthodes de travail. Vous savez, la mise en œuvre d’un système qualité soulève de nombreuses interrogations. Ce n’est donc pas une tâche évidente. Au départ, tous semblaient septiques. Dans toute entre-prise, le dialogue est incontournable. Il a été essentiel de discuter avec nos colla-borateurs de nos intentions et de nos objectifs. En effet, cette démarche requiert l’adhésion de l’ensemble du personnel et un véritable investissement. Tous se sont engagés pleinement dans ce projet.AP  : Comment avez-vous procédé  ?

Sur quelles bases avez-vous travaillé ?

F JG  : Pour commencer, nous nous sommes appuyés sur les éléments mis à disposition sur le site de la Commission qualité Aquitaine pour la pharmacie d’officine2 qui constituent une excellente base de départ. Ensuite, nous avons pro-cédé à une certification collective par l’in-termédiaire du groupement Pharmavie.AP : Avec du recul, êtes-vous satisfait

d’avoir mis en œuvre une telle stratégie ?

F JG  : Oui, pleinement. Ma première satisfaction est de constater que les patients apprécient les services que nous leur rendons. Ils sont très sen-

sibles à la qualité des prestations et sont donc un excellent indicateur de notre performance.AP : Nombreuses sont encore les offi-

cines n’ayant pas mis en place de

système qualité, qu’en pensez-vous ?

Comment les convaincre de franchir ce

cap ?

F JG  : Notre profession est encadrée par de nombreux textes réglementaires et législatifs. Beaucoup de mes confrères pensent qu’ils constituent un gage de qualité. Cependant, à eux seuls, ils ne per-mettent pas d’arrêter des méthodes de travail qualitatives. La mise en place d’un système qualité permet de définir la ligne conductrice de l’entreprise et de “normer les actes officinaux”. Ce système offre de nombreux avantages comme la sécurisa-tion de la chaîne du médicament et de la dispensation par une double vérification, le contrôle de la chaîne du froid, la mise en place d’un système de questionne-ment et d’accompagnement du patient dans le cadre de la dispensation de soins ou de médicaments sans ordonnance, la définition du rôle de chaque collabora-teur par une fiche de poste ou encore la mise en œuvre d’un plan de formation afin de parfaire nos connaissances et nos compétences. Grâce à une telle démarche, nous avons réussi à instaurer un climat de confiance, de sérénité et de sécurité au sein de l’officine. Cette disposition est bénéfique pour chaque membre de l’équipe, pour les titulaires et surtout pour l’ensemble des patients qui franchissent le seuil de l’officine.

1 Pharmacie Nour, 254 rue Frédéric-Sévène,

33400 Talence. Titulaires : Jean-Paul Akbaraly

et Jean Goudounèche. Adjointe : Laure Jeanneau.2 Commission qualité Aquitaine pour la pharmacie

d’officine (CQAPO). www.cqapo.fr

Le système qualité en pratique, témoignage

Pour en savoir plus• Évaluation Qualité offi cine (eQo). www.eqo.fr

• Conseil national des pharmaciens. www.ordre.pharmacien.fr

Référence[1] Garrigue-Guyonnaud H, Morin A. Rapport IGAS 2013-073R. Rénovation des missions pharmaceutiques en ARS. Novembre 2013.