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EHESS La Religion populaire. Prospective historique et anthropologique Author(s): Vittorio Lanternari Source: Archives de sciences sociales des religions, 27e Année, No. 53.1 (Jan. - Mar., 1982), pp. 121-143 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30116058 . Accessed: 16/06/2014 06:15 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 185.44.77.38 on Mon, 16 Jun 2014 06:15:35 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

La Religion populaire. Prospective historique et anthropologique

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La Religion populaire. Prospective historique et anthropologiqueAuthor(s): Vittorio LanternariSource: Archives de sciences sociales des religions, 27e Année, No. 53.1 (Jan. - Mar., 1982), pp.121-143Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30116058 .

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Arch. Sc. soc. des Rel., 1982, 53/1 (janvier-mars), 121 - 143. Vittorio LANTERNARI

LA RELIGION POPULAIRE

Prospective historique et anthropologique (*)

The author, following Gramsci's pioneering notes on folklore, refuses to dichotomously and dialectically contrast "popular" with "official" religions. Each type corresponds to different-subordinate or dominant-social strata or cultures. This dichotomy often did not or does not exist, as in the cases of traditional societies before the advent of Christianity and in Oriental societies like India and Japan where authoritarian religious bodies were originally lacking. On the contrary, an opposition between the two did exist in ancient Greece, in Republican and Imperial Rome, and in early, medieval and modern Christianity. It was always linked to the emergence of an institutionalized class of priests or to churches that were allied with economic/political powers. Through popular religion, the lower social strata usually respond to the dominant classes; but sometimes the whole society, as an ethnic unit and without any class discri- mination, participates in the restoration of its traditional religion in reaction to another culture or religion imposed by oppressive outside forces (e.g., nativist or neotraditionalist religions in the Third World). Or yet again, as in the Latin American theology of liberation, the people resort to the evangelical and revolutionary content of Christianity in order to fight against a tyrannic power. No genera- lization can be validly made outside the specific, historical contexts of popular religions or independently of their complex connections with the whole socio-historical situation and dynamics.

Depuis une dizaine d'ann~es, la religion populaire fait l'objet de nombreux travaux et drbats dans divers pays, et plus sp~cialement dans ceux de tradition catholique (1). Folkloristes, historiens des religions, sociologues, psychologues, thbologiens, experts en eccl~siologie s'interrogent sur les motivations d'un vaste ph6nombne - consid&6r comme un retour B la religion (2) - observable ces dernires ann~es au sein des socirtds industrialis6es. Ph~nombne impr~vu et inopin6 par rapport & l'idbologie de la modernisation et de la s~cularisation qui a domin6 au debut des annres 60, marquees en m~me temps par le d6clin du Ssacr6 (3). Devant le caractdre de masse de ce ph~nombne, une question se pose: faut-il le consid6rer comme une manifestation de la religiosit6 populaire, et dans ce cas, dans quel sens cette dernibre doit-elle Stre comprise et concep-

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tualis~e ? En fait, certains auteurs posent une question thiorique pr6alable. Ils se demandent si les discussions autour de la religion populaire n'impliquent pas - plus ou moins consciemment - I'adoption d'une cat6gorie religieuse unitaire et autonome, laquelle serait non seulement inv6rifiable au plan historique, mais franchement d6mentie par les faits r6els observables, si h6t6roghnes dans leurs formes et divers dans leurs contextes qu'ils d6couragent toute tentative de les regrouper dans un concept unitaire et autonome (4). Il faut rappeler agale- ment que de nombreux auteurs travaillent dans une perspective confessionnelle - que nous 6cartons - et qu'ils ne s'int6ressent qu'aux problbmes de la pasto- rale, t ceux de l'orthodoxie et de l'orthopraxie catholique, laissant de c6t6 l'6pais 6cheveau de formes et de manifestations que l'on peut ranger sous l'6tiquette de religion populaire, aussi bien que les problbmes d'interpr6tation historique et anthropologique qui en d6coulent.

I. - PROBLiMES THEORIQUES ET MITHODOLOGIQUES

Religion populaire et religion officielle

Une premiere observation s'impose g propos de la religion populaire. Cette expression lexicale n'a de sens et de justification historique et s6mantique que si l'on renonce t lui attribuer une signification autonome et auto-d6termin6e, sans rapport avec le lien 6troit et coh6rent qui la rattache au concept logiquement diff6rent, compl6mentaire, et dialectiquement oppos6, de a religion officielle . Ce n'est certes pas dans toutes les civilisations religieuses, ni i tout moment du d6veloppement de chacune d'entre elles que l'on trouve une religion populaire existant comme telle, distincte de la religion officielle. L'apparition d'une dicho- tomie ou diversification - qui peut devenir affrontement plus ou moins pol6mique entre deux moments dialectiques au sein d'une civilisation religieuse d6termin6e - peut Stre mise en rapport avec ce processus g6n6ral du d6veloppement religieux que Max Weber, dans une perspective sociologique, d6couvrait dans le passage d'une phase a charismatique a t la phase de bureaucratisation et d'institutiona- lisation. Alors que la premi&re de ces phases est caract6ris6e par la participation spontan6e, les valeurs mystiques et le sens communautaire, dans la deuxibme ce sont le conformisme, I'adh~sion passive des masses, et la pouss6e des int6rats 61itistes et institutionnels qui dominent. Si l'on ajoute i ce processus g6n6ral les tendances de plus en plus affirm6es g l'exclusivisme typiques de certaines religions politiques (par exemple, la religion de la polls dans la Grace ancienne, ou la religion d'Etat dans la Rome antique) et du monoth~isme jud6o-chrttien, on peut alors comprendre pourquoi l'opposition entre les religions populaires et la religion officielle se manifeste dans certaines civilisations et pas dans d'autres.

Dans l'ancienne civilisation grecque, les religions B mystbres de caractdre initiatique et salvifique, dont le culte comportait une intense charge 6motionnelle et avait 6t6 adopt6 par les classes populaires, s'opposaient implicitement B la reli- gion olympienne des aristocrates et des pr~tres, dont t6moignent les podmes hom6riques, fruits d'une culture de cour (5). Nous sommes 1 en pr6sence d'un cas oi des religions populaires s'opposaient B une religion officielle. Cela n'em- pache d'ailleurs pas que des connexions et des interf6rences se produisent entre ces deux strates religieuses dans la structure polyth6iste commune aux panth6ons

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respectifs, dans la mythologie, etc. De m~me, une opposition de strates et de Smoments > religieux a pu se produire dans l'antique civilisation de la Rome r6publicaine. Un exemple est fourni par le cas du culte de Jupiter g Pr6neste, expression d'une religiosit6 d'antique tradition rurale dont les traits mythiques et rituels 6taient jugs compromettants, et done refuses, par le culte officiel rendu g Rome au m~me dieu. En fait, le culte officiel r~pondait B des exigences et des attentes propres & une classe sacerdotale repr6sentative d'une religion d'Etat, qui se r6f6rait a des valeurs politiques, libes g l'expansionnisme territorial de la r6pu- blique: un culte qui visait a c616brer, par la mythologie et le rituel, la puissance et la grandeur du dieu de l'Etat unitaire romain, par opposition a certains traits mythologiques archaiques (ceux du culte & Pr~neste) consid6r6s, par comparaison, comme humiliants et indignes d'une divinit6 d'Etat (6). Un autre cas bien connu illustre l'opposition inconciliable entre la religion populaire et la religion officielle dans la Rome r6publicaine: celui du senatusconsultum de 186 av. J.-C. contre les Bacchanales. Ce culte religieux d'origine orientale, c616br6 par les couches populaires, 6tait jug6 scandaleux et dangereux par les repr~sentants des classes dominantes (7). I1 n'en va pas autrement dans le judaisme, oi, a c6t6 de la religion monoth~iste repr6sent6e et impos6e par la classe sacerdotale fiddle au principe d'unit6 et d'identit6 nationale marquie par le monoth6isme mosaique, fleurissaient les cultes dits idolitres, c'est-8-dire polyth6istes, d'origine agraire, propres des classes populaires. C'est contre eux qu'est dirig6e la pol6mique vive et durable du monoth6isme officiel, dont sont impr6gn6s d'un bout g l'autre les livres de l'Ancien Testament.

Les exemples cit6s montrent qu'en g6n6ral, dans les religions anciennes, le moment ' populaire > refldte une phase archaique et agraire, laquelle pr6cde - au sein de chaque civilisation concern6e - les d6veloppements et les transfor- mations aboutissant A la formation de classes sacerdotales et d'61ites aristocra- tiques dominantes. Ces dernibres, B leur tour, trouvent leur expression directe dans la religion a officielle >.

Face B ces exemples qui prouvent l'existence, dbs les civilisations religieuses anciennes, de stratifications et d'antinomies entre moment a populaire > et moment Sofficiel >, il existe de nombreux cas oi les diff6renciations et les oppositions internes de ce type sont totalement absentes des religions des soci6t6s tradition- nelles faisant l'objet d'6tudes ethnologiques. Ainsi, avant les transformations induites par le christianisme, on ne saurait trouver une telle dichotomie dans la plupart des civilisations religieuses des peuples sans 6criture d'Afrique, d'Oc6anie, d'Asie et d'Am6rique, oi les traditions mythiques et rituelles sont largement partag6es par les couches sociales les plus diverses. Par contre, la dichotomie apparait d~s que le christianisme est introduit. Ainsi done, le d6veloppement de formes oppos6es de religiosit6 - populaire et officielle - observable, nous l'avons dit, au sein des civilisations oi dominent les religions politiques, ou encore dans celles rattachdes au filon jud o-chritien, est absent dans les civilisations afro- asiatiques B dominante islamique, ainsi que dans les societ6s i dominante hin- douiste, bouddhiste et tao-confucianiste. L'islam, en effet, partout oil il s'implante, intdgre par vocation chaque forme pr6existante de religiosit6 ethnique, tribale, originaire, et r6ussit g s'imposer sans rencontrer d'opposition d6clar6e. Par ailleurs, aucune des autres grandes religions asiatiques cit6es ne pr6sente ce caractdre exclusif propre de la tradition jud6o-chr6tienne, et qui tend

t cr6er une fracture

entre les niveaux de la religiosit6 populaire et de la religiosit6 officielle (8).

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Religion populaire et contexte culturel

La formation de religions populaires < indighnes > - visant i exprimer sous des traits traditionnels, originaux et syncr6tiques, sa propre identit6 ethnique et tribale - est typique des cultures tribales afro-am6ricaines et oc6aniques quand elles rentrent en contact avec le christianisme. Car le christianisme, & ce moment-l&, assume la fonction de religion officielle, vu qu'il est impos6 comme module idbologique par les repr6sentants de certaines soci6t6s europ6ennes impliqu6es dans le processus de domination coloniale. A l'inverse, et par cons6quent, les systhmes mythiques et rituels de la tradition autochtone assument alors le r6le de religions populaires, destin6es & repr6senter les valeurs indighnes, & sauve- garder en quelque sorte la conception du monde revue de la tradition ancestrale et a affronter le danger de d6culturation inh6rent au processus de christianisation et de colonisation. C'est ainsi qu'& l'6poque coloniale, mais aussi durant la phase de d6colonisation, les soci&t6s tribales du Tiers-Monde ont vu se multiplier en leur sein les mouvements socio-religieux autonomistes et indig6nistes. Egalement appel6s a sectes ou Eglises s6paratistes ,, ces mouvements se d6tachent d61ib6r6- ment des Eglises missionnaires ' officielles > des Blancs. Ce qui n'emp~che pas ces religions a populaires > d'emprunter, implicitement, aux modules a officiels a bien des 616ments mythiques et rituels, des symboles et des valeurs, qu'elles remodblent de fagon originale et en fonction de leurs propres besoins. Du reste, le christianisme missionnaire est lui aussi progressivement contraint, devant la r6sistance religieuse populaire, d'accepter certaines modifications et d'assimiler certains traits populaires (9). En ce sens, il serait tout & fait absurde de pr6tendre interpr6ter les manifestations de la religiosit6 populaire en les isolant du contexte global de la civilisation d'appartenance, de la situation historique sp&cifique, et des rapports d'influence r6ciproque avec la culture et la religion dominantes.

Si l'on considbre l'6volution de la culture europ6enne du Moyen Age & la Renaissance et & la R6forme, on est frapp6 par l'6vidence d'un mouvement ascen- sionnel des croyances et pratiques religieuses populaires vers les classes sup~- rieures. Mouvement qui se combine avec le processus d'intervention et de mani- pulation de la part de l'Eglise sur les diverses expressions de religiositC populaire, cr6ant un double courant de circulation culturelle (10). Aussi est-il impensable de proc6der & l'approche historique de tel ou tel aspect de la religiosit6 populaire du Moyen Age, voire de la Renaissance, sans tenir compte de ce ph6nomhne de bascule et d'osmose entre culture popu- laire et culture savante. Les pressions exercres par la premiere sur la seconde, les r6interpr6tations et les stereotypes idbologiques 61abor6s par la culture savante aux d6pens des comportements et de la realit6 magico-religieuse des couches inf6rieures, la lutte, les pers6cutions et les procs contre la sorcellerie et la magie au Moyen Age constituent autant de chapitres essentiels qui montrent qu'il est impensable, aux fins de l'interpr~tation historique, de dissocier le moment populaire du moment officiel.

Plus particuli~rement, le reflux, au Moyen Age et & la Renaissance, de la magie populaire & partir des strates inf6rieures vers les classes cultiv6es et savantes a d6velopp6 les doctrines complexes de la magie naturelle, oi

aa l'on 6carte les d6mons et I'on fait appel aux influences c6lestes, a la pollution de l'air de la part des rayons visibles et des esprits envofteurs > (11). L& est 6galement le point de d6part des diverses doctrines alchimistes, occultistes et astrologiques (12). L'iddologie populaire de l'envo(tement magique a 6t6 & son tour refagonn6e

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par la bourgeoisie napolitaine des Lumibres pour donner naissance i l'idbologie de la jettatura (13).

L'dtude de la religion populaire : Gramsci et les gramsciens

Dans la tradition de la recherche en Italie, Antonio Gramsci fut le premier g aborder le probl~me des rapports entre religion populaire et religion officielle selon le principe d'une dialectique historico-religieuse et sociale. A ce propos, Gramsci parle de < catholicisme populaire > ou de < folklore religieux >, de Sreligion de l'Eglise > ou < religion h6gtmonique , ou encore < officielle > tout en soulignant le rapport d'opposition entre les deux moments. Pour lui, le folklore religieux repr~sente < la conception du monde et de la vie implicite, dans une large mesure, I certaines couches de la soci6t6, et oppos6e (...) aux conceptions officielles du monde, propres des classes les plus cultivtes de la soci&t6 histori- quement d6terminte , (14). Pour Gramsci, du reste, cette opposition est par nature < implicite, m6canique, objective ,, et done nullement m6thodique ni autoconsciente. L'objet de sa r6flexion c'est le < catholicisme populaire , des classes rurales italiennes, avec ses d6votions de masse B caractbre fortement 6mo- tionnel, son culte de Marie et des Saints, ses persistances magiques et ses syncr&- tismes pagano-chr6tiens. Ce monde religieux, typiquement ancr6 & des formes archaisantes, Gramsci tend a le considtrer comme l'expression d'une a r6sistance , passive des classes populaires demeurbes, pendant des sidcles, parmi les plus pauvres et les plus marginales, face aux tentatives m6thodiques d'absorption culturelle et d'imposition des id6ologies dominantes de la part des classes htg&- moniques, et tout sptcialement de l'Eglise catholique. On sait qu'Ernest De Mar- tino a repris et d6velopp6 ce concept du folklore religieux dans ses travaux sur certaines manifestations de la religiosit6 populaire du Mezzogiorno, qu'il 6tudie dans le contexte d'une dynamique historico-sociale et culturelle, en rapport dialec- tique avec le monde mythico-rituel du catholicisme officiel et avec la politique culturelle de l'Eglise. L'ex6ghse des formes de la religiosit6 populaire propos6e par De Martino s'efforce, tout d'abord, de mettre en lumibre les effets d6termi- nants que la r6sistance religieuse de type paganisant a produits, dbs les premiers sidcles du christianisme, sur I'6volution des contenus religieux officiels, sur les attitudes des hi6rarchies eccl6siastiques et sur les processus d'osmose culturelle. En suite, De Martino affronte le problbme du comportement de l'Eglise, instiga- trice d'une praxis interventionniste, engag6e dans un effort m6thodique pour transformer, prescrire, proscrire, pour d6paganiser par la r6pression, ou pour absorber en adaptant et en s'adaptant. < La basse magie c6r6monielle qui survit dans le Sud - 6crit De Martino -, et les aspects magiques du catholicisme mdridional (...), marquent une limite qu'il faut rechercher non pas dans la stupidit6 et I'ignorance des masses populaires, mais dans les formes htg6moniques de la vie culturelle, et, en dernier ressort, de la g haute > culture elle-mime >. De Mar- tino d6finit ainsi de fagon critique le rble positif du folklore religieux. Loin d'8tre rejet6, tel un d6p6t de a superstitions > grossibres, parmi les d6chets culturels, le folklore religieux doit d6sormais faire l'objet de justifications critiques et d'expli- cations historiques rigoureuses. < Le folklore religieux (...) ne peut, pris isol6ment, 8tre 6tudi6 historiquement. Les survivances folkloriques peuvent acqu6rir un sens historique (...) en tant que stimulant documentaire permettant de mieux mesurer les limites internes et la force d'expansion de telle ou telle civilisation actuelle, qui abrite ces survivances , (15). Ainsi De Martino confie-t-il i 1'historien la

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tiche de reconstituer les raisons, les processus, les articulations qui rbglent les rapports entre culture folklorique et haute culture.

Difficultis et ambigu'its de la recherche

Les travaux italiens sur le folklore religieux post6rieurs t ceux de De Martino et fond6s sur les m~mes critdres, se heurtent aujourd'hui g des difficult6s th&oriques et & des ambiguit6s m6thodologiques provenant de facteurs & la fois internes et externes (16).

En premier lieu, on constate une tendance 6quivoque & faire de la notion de religion populaire une hypostase, comme si l'on pouvait attribuer & cette notion la valeur d'une cat6gorie ph6nom6nologique autonome, libre de tout d6terminisme et cr6atrice, sans tenir compte du rapport dialectique qui relie, implicitement, chaque expression de la religiosit6 populaire aux modules religieux 6manant des forces qui imposent I'id6ologie religieuse dominante, & savoir, pour le cas de I'Italie, l'Eglise catholique (17). A cette ambiguit6 d'origine interne il faut ajouter une difficult6 externe, due & une plus grande complexit6 du panorama actuel des manifestations de la religiosit6 populaire par rapport au contexte historico-reli- gieux 6tudi6 il y a une vingtaine d'ann6es, & l'6poque de De Martino. Pour nous limiter au cas italien, nous pouvons constater que le panorama actuel de la religiosit6 populaire comporte une vari6t6 de formes et de manifestations que les 6tudes cities plus haut n'ont pas appr6ci6es & leur juste valeur. Les plus 6tudi6es sont les formes archaisantes, reli6es & un substrat pr6chr~tien et rural tenace et durable - magie, conjurations, a superstitions > populaires, ph6nom~nes d'en- vofitement et de possession, etc. -, ou encore les manifestations multiformes et varid6es de syncr~tisme: anciens cultes paiens remodel6s dans des contextes fix6s par l'Eglise, anciennes formules magiques d'exorcisme appliqu6es au culte des saints, rituels de sorcellerie absorb6s et r6adapt6s par l'Eglise officielle dans la fonction du pr~tre exorciste. Or, il existe d'autres formes de religiosit6 popu- laire qu'il est n6cessaire de prendre en consid6ration et d'interpr6ter, des d6vo- tions catholiques traditionnelles telles que les phlerinages votifs, les fetes des saints patrons, les cultes marials, qui non seulement se perp6tuent mais connais- sent aujourd'hui un renouveau significatif. Mentionnons encore les divers groupes

6vang61iques > en milieu rural et urbain; les communaut6s catholiques de base avec leur id6ologie socio-religieuse de contestation; le renouveau pentec6tiste B tendance charismatique, d'origine am6ricaine, mais ayant donn6 naissance au n6o-pentec6tisme catholique. On trouve encore le panorama complexe et foison- nant des cultes charismatiques de gubrison & caractere extra-liturgique, calqu6s simplement sur des modbles eccl6siastiques mais faisant appel & des formes mythico-rituelles pr~chr6tiennes, telles que les visions, la transe religieuse, le miracle th6rapeutique. Sans oublier, enfin, le grand nombre de nouveaux cultes charismatiques d'inspiration orientale qui pullulent en milieu urbain, notamment dans la petite et moyenne bourgeoisie et chez les jeunes (18).

Complexiti du phbnomcne et de son 6tude

Ainsi done, I'observation des formes sp~cifiques de la religiosit6 populaire en Italie nous fait d6couvrir un panorama extr0mement vari6 et complexe, dont les 616ments et les composantes correspondent g une stratification accumul6e sur un

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arc de temps trbs large, qui va du monde de l'antiquit~ pr6chritienne au Moyen Age, a l'6poque moderne en g~n~ral, et jusqu'd notre 6poque actuelle, caract6- ris6e par le d6veloppement de la civilisation industrielle et de la soci6t6 de consommation. Ces composantes se sont formbes d'aprbs des modules multiformes, depuis les systhmes de croyances et de pratiques magiques ou magico-th6rapeu- tiques, en passant par des rituels d'exaltation collective li6s g certaines d6votions catholiques traditionnelles, jusqu'aux vibrantes expressions spiritualistes du pente- c6tisme, aux attentes eschatologiques des T6moins de J6hovah ou d'autres groupes < 6vang61iques >, et t l'6vasion exotique, 6sot6rique et vaguement mystique pro- pos6e par tant de sectes d'origine indienne, ou orientale en g6n6ral. Dans une perspective historico-religieuse, il est possible de reconstruire les strates d'appar- tenance originaire de chacun des contextes et des diverses composantes dont il a 6t6 question. Les formes archaisantes, telles les croyances et pratiques magiques ou magico-th6rapeutiques, les pleurs fundbres, le < tarantisme >, la c616bration des fetes de mai ou des fetes sacr6es du calendrier (19), ont leurs racines dans des 6poques pr6chr6tiennes et dans des soci6t6s agraires caract6ris6es par des cultes polyth6istes: I'influence de ces derniers, par ailleurs, s'est exerc6e directement sur les syncr6tismes des cultes marials et des cultes des saints catholiques dis leur institution de la part de l'Eglise m6di6vale. La perp6tuation de ces manifestations archaisantes de religiosit6 permet de mesurer les limites de la p6n6tration et de l'acceptation r6elle de la civilisation chr6tienne. Pendant des sibcles, le jugement port6 par les clercs sur les r6sidus de la religiosit6 paganisante s'est inspir6 de l'appellation < animaux insens6s > appliqu6e par Gr6goire le Grand aux bergers barbares de son temps, < adorateurs de bois et de pierres >, ou encore du quali- ficatif a cerveaux endurcis ,> attribu6, toujours par le m~me pape Gr6goire I, aux Angles farouchement attach6s aux cultes paiens (20). Pendant des sidcles on a done parl6 de < grossibres et stupides superstitions a et d'ignorance obstin6e >. La naissance, au cours du sidcle dernier dans le cadre du populisme romantique ambiant, de nouveaux int6r~ts pour la culture populaire, a suscit6 une observation plus attentive et plus curieuse, mais paternaliste et finalement incapable d'une appr6hension historique globale des ph6nombnes observables et recueillis par divers folkloristes. Il s'agissait plut6t d'un culte de l'exotique, du < populaire assimil6 au pittoresque >, pour parler comme Gramsci; cette attitude n6gligeait tout effort de justification et d'explication historique globale.

Or, loin de pouvoir se d6finir en termes purement n6gatifs ou en termes superficiellement descriptifs, la persistance d'attitudes a paganisantes ,

doit plut~t &tre interpr6t6e comme le signe de problkmes pressants qui concernent la d6fi- nition des rapports entre structure et culture, entre religion et changement socio- 6conomique. Les multiples repr6sentations collectives et les diverses orientations de la vie religieuse sont le reflet des conditions g6ndrales d'existence de la soci6t6 d'appartenance. Face A la magie et aux cultes paiens, I'Eglise a r6agi, pendant des sidcles, tant8t en entreprenant des actions r6pressives, tant6t en faisant preuve de tol6rance, ou en s'efforgant de r~cup6rer, d'adapter et de couler dans le moule de nouvelles d6votions chr6tiennes les croyances anciennes et leurs expressions rituelles. Mais li oix les conditions de marginalisation sociale, d'iso- lement culturel, de sous-d6veloppement et d'exploitation 6conomique ont dur6 plus longtemps, dans ces endroits-li a perdur6 une conception magique du monde, immanentiste, marqu6e par le d6monisme et la sorcellerie; conception qui est le reflet id6ologique des conditions de marginalit6 et de domination subies et qui a fini par influencer a son tour le christianisme et par lui donner une configuration

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particulibre, connue sous le nom de . catholicisme populaire ,. Ce dernier

constitue aujourd'hui encore un type religieux propre de notre Mezzogiorno et des zones les moins 6volu6es d'Europe et d'Am6rique latine. J.-C1. Schmitt 6crit, A ce propos : a Les moyens utilis6s pour la christianisation 6taient de deux sortes: la r6pression et la r~cup6ration des traditions folkloriques >. Et encore : L'Eglise a tout au plus christianis~ en partie un folklore qui n'a disparu qu'avec l'ensemble du mode de production dont il faisait partie int~grante > (21). Du reste, comme le souligne g juste titre J. Le Goff, le christianisme officiel lui-m~me s'est d6ve- lopp6 sous la pression de la culture folklorique d&s le IVW sidcle < B travers un jeu subtil d'acculturations internes ,;

en meme temps, a la culture folklorique prenait tour & tour les formes les plus varides de la resistance passive, de la contamination avec la culture eccl6siastique, de liens avec les mouvements poli- tiques, sociaux, religieux

,, jusqu'd a faire irruption dans la culture occidentale,

B partir du IXe sidcle, parallblement aux grands mouvements h6r6tiques n (22).

II. - SURVOL DU PIENOENE

Catholicisme et religion populaire

En fait, parmi les cultes et d6votions modernes du catholicisme populaire, nombreux sont ceux qui prennent racine dans la politique de compromis, d'adap- tation et de r cup6ration men~e par l'Eglise du haut Moyen Age en vue d'absorber et de bloquer les anciens cultes paiens. Ainsi en est-il des festivit6s qui marquent Noe1 et la saint Jean, des cultes marials eux-m~mes et des cultes des saints, des p~lerinages (23). Les processions pour la pluie et les moissons, toujours organis6es dans nos villages mbridionaux, reprennent et perp6tuent 1'ancienne tradition des rogations qui remonte aux V-VPI sidcles: de solennelles processions de paysans invoquaient alors, en chantant les litanies des saints, une bonne r6colte. Il ne fait pas de doute que ces processions comportaient des aspects emprunt6s aux rituels pr6chr6tiens. D'autres rites, de caractdre p6nitentiel, toujours en vigueur dans certaines localit6s des Pouilles, de la Calabre et de la Campanie, connus sous les appellations vattienti, battenti, fujenti, sont autant de vestiges de comporte- ments religieux populaires - comme les flagellanti - remontant aux mouve- ments p6nitentiels et h6r6tiques du temps des communes (XIeP-XIII sidcles). Ces mouvements cristallisaient et exprimaient la religiosit6 des couches les plus d6fa- voris6es et tendaient a d6noncer la corruption, la simonie, le concubinage des clercs, la collusion de l'Eglise officielle avec les classes 6conomiquement privi- 16gi6es; en m~me temps, ils s'efforgaient de red6couvrir la vrit6 et les valeurs p6nitentielles 6vang61iques (24).

Par contre, les grandes processions populaires t l'occasion des f&tes pascales ou en l'honneur des saints patrons sont, elles, d'origine urbaine et remontent directement aux modules rituels et liturgiques institu6s par Gr6goire le Grand, enrichis et surcharg6s plus tard, h l'6poque de la Contre-R6forme, de traits spectaculaires et th64traux. On y assiste au d6fi16 d'appareils compliqu6s, de statues de saints, de chars all6goriques, de structures monumentales richement ornm6es, de tableaux vivants 6voquant des personnages de l'Evangile ou des schnes de la Passion. Ces processions perp6tuent la tradition impos6e par l'Eglise de la Contre-R6forme aux XVPIe et XVIPI sidcles et plus sp6cialement par la Compa-

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gnie de J6sus. Dans ces processions, ~crit C. Ginzburg, < l'esprit d'invention et la passion th6atrale des jrsuites triomphaient (...). La procession 6tait un 6v6nement exceptionnel, au cours duquel la communaut6 se purifiait & travers une srrie de comportements excessifs, hors du commun > (25). Or de nombreux comportements excessifs de ce genre se perp6tuent aujourd'hui encore dans les d6votions traditionnelles des pays catholiques. Tous les pays espagnols ou de tradition espagnole continuent d'organiser de telles processions, de l'Italie mbri- dionale au Mexique et i l'Am6rique latine. Citons un seul exemple: la procession de la Madonne de l'Arc pros de Naples, oi la participation massive de a compa- gnies > venues des villages voisins donne lieu h un veritable concours de dais brod6s (toselli), d'offrandes grn6reuses sous forme de billets de banque, de cierges et d'ex-voto. Cette procession culmine en explosions d'exaltation collective qui se traduit par des cris, des d6placements h genoux, des gestes convulsifs, pouvant aller jusqu'8 la transe, & l'6vanouissement, t la crise d'6pilepsie (26).

Si, en Italie, ce type de religiosit6 populaire se rattache plus particulibrement au Mezzogiorno et aux zones rurales, par contre en Espagne, au Mexique et en Amdrique latine il concerne la population tout entibre de certains grands centres urbains. Pendant la semaine sainte & Sbville et dans d'autres villes espagnoles, toute la population se rdpand dans les rues pour participer aux processions gran- dioses organis6es par diverses confrbries, dont les membres portent des capuches et des robes-sacs traditionnelles; des dais lourds (pasos) et richement ornbs de broderies figurant des schnes de l'Evangile, port6s par des 6quipes de fiddles, 6voquent les repr6sentations sacr6es du Moyen Age. Rappelons encore, dans ce contexte, le culte p6nitentiel de la Vierge de Guadeloupe & Mexico - oi0 l'on retrouve, aujourd'hui, des phrnombnes de paroxysme collectif autodestructeur -, ou le phlerinage de saint Gaatan & Buenos-Aires, qui continue d'attirer chaque ann6e un million de fiddles. Ce sont 1l des manifestations de la pi6t6 populaire qui t6moignent de la persistance, sur une trbs large 6chelle, de comportements religieux reli6s & des mondes archaiques, ohi la recherche de protection et de s6curit6 devant toutes les formes de nrgativit6 est d6l6gu6e & des puissances sur- naturelles, selon des rituels de supplication, de purification et de p6nitence qui impliquent une continuit6 6troite et une interp6nrtration entre les cat6gories du magique et du religieux.

Protestantisme et religion populaire

De leur crt6, les cultes a 6vang6liques > d'origine rurale et urbaine trouvent leur matrice historique dans la r6sistance r6formiste des d6buts de l'&re moderne (vaudois) ou, plus encore, dans les espoirs de renouveau du Risorgimento et de l'6poque suivante (27). De nouvelles vagues d'expansion se sont produites lors du retour des 6migr6s d'Amdrique, provoqu6 par la crise de 1929, et plus tard dans le deuxibme aprbs-guerre, comme effet combin6, d'une part, de la diffusion des modules culturels am6ricains et, d'autre part, de la forte crise affectant les valeurs 6thiques et socio-culturelles.

Le pentec6tisme est, lui, un ph6nomhne qui appartient tout entier & notre sidcle, avec ses appels 6motionnels & un rapport direct avec Dieu, aux dons de l'Esprit (glossolalie, prophrties, guirisons miraculeuses), avec son fondamen- talisme biblique si diff6rent du formalisme de la tradition catholique, et avec

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sa dimension protestataire implicite dans un pays monolithiquement catholique au plan officiel. Ce mouvement refl~te l'effort angoiss6 pour surmonter les contra- dictions inh6rentes & la civilisation technologique dans son d~veloppement incon- tr616 et dans les d6s6quilibres sociaux qui en r6sultent. Il est en effet significatif que l'imnportante diffusion des mouvements pentec6tistes, dans les ann~es 50, ait touch6 essentiellement les zones m6ridionales les moins d~velopp6es en mime temps que s'affirmaient les mouvements d'occupation des terres. Par contre, l'expansion plus r6cente des mouvements 6 vang6liques >, y compris les Timoins de J6hovah, a investi 6galement les milieux petits-bourgeois urbains, i la suite de l'aggravation de la crise 6conomique dans toute la soci6t6 industrialis6e et g l'extension du sentiment d'ins6curit6 dans les classes moyennes.

Protestation catholique et religion populaire

Les mouvements dissidents catholiques qui s'expriment dans des commu- naut6s de base urbaines (Isolotto, Oregina, etc.) ou plus rarement rurales (Conver- sano, Lavello) sont eux aussi une r6ponse B la crise 6thique et socio-culturelle de la soci6td contemporaine. Ils expriment une prise de conscience critique et contestataire des contradictions implicites de l'Eglise officielle, d6finie comme < Eglise des riches > - en raison de sa collusion avec les instances du pouvoir 6conomique et politique - par opposition ~ 1' < Eglise des pauvres n, celle-li mime que ces communaut6s s'efforcent d'incarner selon le module 6vang61ique. En ce sens, la religiosit6 qui s'exprime dans les mouvements dissidents catholiques et qui int6resse des classes sociales diverses, allant du prol6tariat rural et urbain i la petite et moyenne bourgeoisie, constitue un type nouveau de religiosit6 < populaire >, oii la notion de < peuple > s'61argit et d6borde les sch6mas clas- sistes traditionnels. D'autre part, il est int6ressant d'observer que dans ces nouvelles formes de religiosit6 populaire on ne trouve plus trace des modules id6ologiques, rituels et gestuels propres aux autres manifestations de religiosit6 populaire, que nous avons d6finies plus haut comme 6tant archaisantes, g savoir la magie, la procession, les syncr6tismes, etc. Tout au contraire, on trouve dans ces mouvements un appel pressant t une religion qui s'inspire des valeurs les plus originales du jud6o-christianisme : l'universalisme, un eschatologisme actif et militant, un proph6tisme charg6 de passion humanitaire et sociale. Ce qui prouve encore plus clairement que dans d'autres cas combien il est urgent, pour une science historico-religieuse B la hauteur de notre 6poque, de lib6rer la notion de a religion populaire > des barridres 6troites dans lesquelles l'ont enferm6e nombre d'auteurs et de travaux, la limitant artificiellement aux seules formes de religiosit6 pr6-bourgeoise, archaisante, folklorique. L'observation des faits reli- gieux dans une perspective historique montre que la < religion populaire >, loin de pouvoir 8tre d6finie en termes univoques et r~ducteurs, n'est qu'un moment d'une dialectique historique, sociale et culturelle. Dans le contexte de cette dia- lectique, le christianisme fut lui aussi, g l'origine, une religion populaire, puisque non seulement il exprimait les besoins et les attentes diffuses des couches popu- laires et des masses m6contentes, mais encore il repr6sentait implicitement, dans le monde romain, une r6sistance populaire contre la religion de l'Etat et puis de l'Empire, objectivement oppressive. Et ce n'est pas par hasard que les mouvements catholiques contestataires d'aujourd'hui se r6clament des valeurs anti-autoritaires, anti-dogmatiques et d'ouverture sociale du christianisme primitif et apostolique.

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Les cultes < charismatiques > dans l'Italie du Centre et du Sud

Parmi les manifestations de la religiosit6 populaire en Italie qui ont fait I'objet, plus r6cemment, d'observations et d'analyses, on trouve les cultes charis- matiques extra-liturgiques, particulibrement nombreux dans le Centre et le Sud. Fond6s B I'initiative personnelle de chr6tiens d6vots - paysans, m6nagbres, parfois analphabbtes - le plus souvent ? la suite d'exp6riences exceptionnelles (reves, visions, transes, ou encore maladies suivies de gu6risons a miraculeuses >), ces cultes se d6veloppent en attirant, parmi les classes les plus humbles, des foules de fiddles. Ceux-ci se r6unissent autour du fondateur ou de la fondatrice dans un climat particulier de d6votion personnelle, de foi absolue, ohi l'on s'attend A des miracles de gu6drison, de protection, de s6curisation et & toutes sortes de charismes. Bien que n6s et s'6tant d6velopp6s hors de la sphere liturgique offi- cielle, ces cultes populaires sont entibrement calqu6s sur le module des cultes officiels des saints, d'oi proviennent implicitement la culture et les suggestions. Le fondateur, ou la fondatrice, reprend dans sa propre personne le r61e et la fonction du saint. Ils revendiquent une connaissance qui leur est rv616le & travers des inspirations, des visions, des contacts directs avec des agents surnaturels - Dieu, la Madone, les saints - de tradition catholique. Cette connaissance Sspirituelle > leur confbre le pouvoir et la capacit6 - grice & la foi des adeptes - de diagnostiquer et de gu6rir certaines maladies et d'intervenir effica- cement auprbs des fiddles en toute circonstance. Le culte consiste en des rites collectifs tenant lieu de < messe >, ohi le leader (fondateur ou fondatrice) renou- velle le drame initial ayant inaugur6 sa mission, & savoir la crise visionnaire ou la transe, de telle sorte qu'& chaque fois il renouvelle un 6tat de crise au cours de laquelle il regoit des a messages > d'origine a divine >. La rep6tition de la crise initiale du leader assume ainsi la fonction de mythe fondateur du culte, qui assure & l'initiative du fondateur et & tout le processus cultuel une justification surnaturelle et une confirmation. Tout comme dans les soci6t6s antiques ou dans certaines civilisations a primitives >, le mythe fondateur d'un rituel, d'une c616- bration, d'une fete, fait office de module d'ordre surnaturel. Le module de saintet6 propos6 par la tradition eccl6siastique (28) est adopt6 par le leader dbs son exp6rience de d6part et il est r6interpr6t6 par lui en un sens magico-sacral. Ainsi le leader se fait-il le garant de la a grace > divine au moyen de sa propre vertu Smagique >.

L'id6ologie 6thico-sociale proclam6e par ces leaders, h6rit6e des modules eccl6siastiques, est g6neralement conservatrice. Ils condamnent les comportements a mondains > et progressistes (29). Le recours aux visions, au mysticisme, aux miracles, le culte personnel du leader meme, la foi dans la gu6rison miraculeuse font de ces cultes autant d'expressions d'une religiosit6 qui tend & donner un sens magico-sacral et imm6diatement terrestre aux attentes eschatologiques qui, dans le christianisme de l'Eglise officielle, ont un caractbre 6thico-religieux et surnaturel. On a done affaire ici & des r6interpr6tations du catholicisme qui r6ta- blissent dl6ib6r6ment des valeurs archaiYques immanentistes, n6glig6es et exclues par les cultes officiels. Dans ce cas, les traditions catholiques se greffent sur un tronc resolument magique, tendant done & obtenir des b6n6fices imm6diats a travers des techniques psychologiques et psychosomatiques (extase, transe, visions collectives, suggestion et auto-suggestion, glossolalie) qui renouvellent les pro- cessus propres au monde magico-religieux des soci6tes et des cultures archaiques. Ici, en effet, les processus psychosomatiques agissent m6thodiquement sur le plan

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collectif, grace au climat socio-culturel recr66 par la communaut6 des fiddles qui partagent la m~me representation magico-religieuse du monde. Les contenus manifestement magico-th~rapeutiques, la volont6 de r6pondre i des besoins collec- tifs de s6curit6, de protection, d'6limination des aspects n~gatifs de l'existence auprbs d'un public issu des milieux populaires et petits-bourgeois (d'origine urbaine 6galement) font que ces cultes charismatiques extraliturgiques t6moignent, B leur tour, d'un reflux religieux indistinct, oii les CC6ments chr6tiens et magico- paiens sont 6troitement m8l6s, dans un nceud de composantes issues d'origines historiques et culturelles extremement diverses.

Signification sociologique du phinomnane < populaire >

Du tableau d'ensemble que nous venons de brosser, se d6gage une signifi- cation commune aux diff6rentes formes actuelles de la religiosit6 populaire en Italie. En effet, elles constituent une r6ponse, diversifide dans la forme et dans le langage mais univoquement cathartique et implicitement ou explicitement oppos6e aux moddles religieux officiels proposes par des organismes qui d6tiennent, au sommet, I'autorit6 et le pouvoir de contr6le. Sociologiquement, les manifes- tations de la religiosit6 populaire proviennent, dans une large mesure, des couches sociales subalternes les moins favoris6es. Cependant, les processus r6cents de transformation, d'osmose et d'alternance affectant les conditions socio-6cono- miques des diverses couches sociales font que la petite et la moyenne bourgeoisie des villes sont B leur tour entra^m6es dans un v6ritable processus de folklorisation, avec r6cup6ration de modules magico-religieux qui 6taient jadis I'apanage des classes inf6rieures et rurales. Ce caractdre multiforme des religions populaires au sein d'une soci6t6 ou d'une nation donn6e est un ph6nombne qui se retrouve ailleurs qu'en Italie; on a l& un caractbre constitutif de toutes les religions popu- laires, dans n'importe quel pays. Ainsi en est-il, par exemple, pour le Canada francophone, g propos duquel B. Lacroix, I travers les mat6riaux recueillis par le Centre d'6tudes des religions populaires de Montr6al, a d~montr6 que le panorama des types de religiosit6 populaire ne se rdduit pas aux < survivances > ou B la r6cup6ration d'anciens modules de religiosit6 rurale (30).

Tout ce qui pr&cede prouve bien l'usure de la notion meme de a religion populaire > et montre combien est essentiel l'effort actuel de red6finition s6man- tique d'un concept qui, hors de certains contextes historiques, sociologiques et conjoncturels, apparait ambigu et mystificateur. Et cela pour deux raisons: d'une part, les formes concrtes de la religiosit6 populaire peuvent se combiner entre elles de fagons trbs diff6rentes; d'autre part, chacune de ces formes se rattache t des origines historiques h6t6rogines. Par ailleurs, la signification et les valeurs

qui sous-tendent les diverses formes de religiosit6 populaire examinees plus haut, sont extr~mement diverses. Rappelons simplement que si les expressions reli- gieuses de type archaisant et a folklorique > (pratiques magiques, cultes th~ra- peutiques, cultes visionnaires et charismatiques en milieu rural) traduisent des besoins et des valeurs d'ordre purement mat6riel, tels que bien-etre, sant6, s6cu- rit6, succas, fertilit6, protection de tous les maux, les valeurs exprimbes dans les cultes pentec6tistes ou a 6vang6liques a sont, elles, tout B fait diffirentes: tous ces cultes revendiquent le privilege de repr6senter le christianisme dans ses expressions les plus < authentiques ., par opposition aux expressions officielles et eccl6siastiques, jug6es affaiblies et diminu6es par rapport aux modules des Evangiles.

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III. - COMPLEXITI

DE LA RELIGION POPULAIRE

La religion populaire : un phinomcne complexe et dynamique

Parler de la a religion populaire > comme d'une cat6gorie ind&termin6e ou uniforme parait done injustifi~ et peu appropri6. C. Ginzburg, sensibilis6 g ce probl~me, refuse d'employer l'expression a religion populaire >, car, dit-il, a elle est devenue, surtout ces dernibres annies, une des plus ambigu2s et des plus obscures du lexique historiographique international >, brouillke comme elle est c par des connotations anhistoriques et ind6termin~es > (31). En bonne logique, Ginzburg emploie le pluriel (o religions >) et d~signe de fagon concr&te l'objet sp6cifique (o les classes populaires >) auquel il se r6fbre. Quand il 6tudie les pro- blames de l'histoire religieuse italienne, Ginzburg souligne g juste titre - en renouant avec la tradition de Gramsci et de De Martino - combien il est essentiel, plut6t que de se r6f6rer i une a religion populaire anhistorique et immobile >, de parler d'une a lutte entre la religion des classes h6g~moniques et la religion des classes subalternes >. Notons cependant que, dans une perspective historico- anthropologique se proposant de d6passer le cas italien (consid6r6 jusqu'ici) et de prendre en consid6ration d'autres histoires culturelles dans une optique compa- rative, le recours t la notion de classes, utile et inevitable pour interpr6ter l'his- toire religieuse italienne, parait insuffisante pour appr6hender dans toutes ses manifestations la religiosit6 populaire des pays non occidentaux. Nous avons d6ja fait allusion, en passant, t la formation de groupes religieux populaires sous forme de sectes ou d'Eglises indigines dans les soci6t6s africaines et oc6aniennes de type tribal. A leur base, on trouvait un d~terminisme li6 t des facteurs d'ordre ethnique et socio-culturel, mais pas toujours g des facteurs de classe. La mime chose vaut pour les pays de l'Ambrique latine, dont il va &tre question, oii la ligne de d6marcation entre religiosit6 populaire et religiosit6 officielle passe par des facteurs d'identit6 ethnique et culturelle, et pas seulement, ni n~cessairement, par des facteurs de classe.

II nous faut souligner ici que la n6cessit6 de sortir du mythe d'une ( religion populaire > unique et immobile et de distinguer les diverses configurations et dynamiques propres aux multiples a religions populaires >, est ressentie 6gale- ment par certains auteurs des milieux confessionnels, et qu'elle a 6t6 mise en 6vidence A l'occasion de rencontres scientifiques. Dans la revue catholique Etudes, Bernard Plongeron insiste sur la notion de a religions populaires avec des racines et des statuts h6t6roghnes > (32). Le colloque international de Qu6bec (Canada), en 1970, avait pour theme a les religions populaires > (au pluriel) (33), mais la question th6orique et m6thodologique n'y fut point trait6e de fagon suffisam- ment approfondie.

Les raisons et les doutes qui compromettent toute tentative de formuler une caract6risation ph6nom6nologique g6n6rale de la religion dite a populaire > nous semblent tenir g deux attitudes implicitement adopt6es par divers auteurs, toutes deux d6viantes et vell6itaires par rapport t la r6alit6 historique et culturelle des donn6es observables. La premiere consiste a faire de la religion populaire une cat6gorie autonome, en l'isolant des contextes historico-religieux auxquels elle se rattache dans ses diff6rentes configurations. Selon la deuxibme attitude, on pr6- tend embrasser les configurations mythico-rituelles les plus diverses soit au sein d'une seule civilisation, soit dans plusieurs civilisations B la fois et a diverses

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6poques, jusqu'd obtenir une notion unitaire, sans se soucier des liens qui ratta- chent ces configurations B des strates socio-culturelles distinctes ou m~me g des histoires culturelles ind6pendantes ou contradictoires. De telles attitudes abou- tissent souvent g des formulations creuses ou B des prtcongus erron~s. C'est le cas du chercheur qui, prenant comme objet personnel de recherche un type particulier de formation religieuse au sein d'une culture donn~e, dans une phase d6termin6e - par exemple, les archaismes magico-religieux toujours en vigueur dans certains milieux ruraux d'Italie -, finirait par donner ~ ce type une dimen- sion absolue et g~ndrale, comme s'il repr6sentait, A lui tout seul, la religion popu- laire. Alors que la seule consistance reparable dans les diverses formes de reli- giosit6 populaire reside, en fait, dans le rapport que l'on peut d6couvrir, dans toute civilisation ou soci6t6, entre le moment religieux et la condition subalterne de certaines composantes ethniques, sociales et culturelles, dans un cadre de dynamique interne et d'osmose culturelle.

La religion populaire en Italie et en Amdrique du Sud

A ce point de notre expos6 - et pour mieux montrer combien les formes des religions populaires sont influenc6es par des milieux historico-sociaux et culturels divers, et souligner leur polymorphisme dans tel contexte unique et sp6cifique - il nous semble utile de comparer les problbmes de la religion populaire - ou plut6t des diverses formes de religiosit6 populaire - en Italie, Sceux d'une soci6t6 non occidentale comme l'Am6rique latine, marqu6e par le christianisme, ohi ce thbme est trait6 par r6f6rence B des ph6nombnes sp6cifiques et historiquement autonomes. A ce propos, il est int6ressant de noter ce qu'6crit I'historien catholique Bernard Plongeron: < C'est d'Am6rique latine [c'est-g-dire du pays] qui a subi une acculturation import6e et impos6e par les christianisa- teurs venus de l'Europe colonisatrice, que nous vient I'expression "catholicisme populaire" i (art. cit., p. 541). A l'6vidence, Plongeron n6glige la contribution de Gramsci qui emploie la m~me expression dans les ann6es 40, dans ses Quaderni dal carcere.

Il est vrai que Gramsci se r6fbre g la religiosit6 rurale italienne, ou g celle agro-pastorale de la Sardaigne. Plongeron, lui, en appelle & Enrique Dussel et, d'une part, aux rapports de la Conf6rence 6piscopale latino-am~ricaine (CELAM) de Medellin (1968) sur la a pastorale populaire >, d'autre part B ceux de la conf6rence de Bogota (1976) sur < Eglise et religiosit6 populaire en Am~rique latine >>. A partir de lI, il identifie le catholicisme populaire B la < thbologie de la lib6ration >, qui est un produit sp6cifique de la culture socio-religieuse latino-am6ricaine. La th~ologie de la liberation est une interpr6tation manifeste- ment socio-politique du christianisme. Dans un langage chr6tien et 6vang6lique, elle exprime et d6nonce la condition d'oppression subie par les populations autoch- tones, et elle annonce un monde et une soci6t6 oii les classes opprimbes parvien- dront B s'6manciper grfce B la lutte r6volutionnaire, g laquelle le clerg6 ne saurait refuser sa participation. La th~ologie de la lib6ration est done en rapport direct avec la structure domination-d6pendance qui, depuis la Conqu~te, se perp6tue, dans ces aires g6o-6thnographiques, entre colonisateurs et colonists. La thbologie de la lib6ration est < en quelque sorte athbe par rapport g la chr6tient6 des conquistadores europ6ens >. Elle devient c tout & la fois dynamique de l'esp& rance, de la justice et de la fraternit6, 'conscientisation' des pauvres, des rebuts

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sociaux, des minorit6s sociales, etc., et cristallisation d'une identit6 continen- tale > (34). Il s'agit done d'un produit culturel sui generis, qui n'est comparable B aucune des formes de la religiosit6 populaire en Italie. fl est vrai, cependant, que la thbologie de la liberation latino-ambricaine et les manifestations, cities plus haut, de la religiosit6 populaire italienne ont une composante commune: elles sont autant de r6ponses g une condition de marginalisation et d'oppression, 61abor6es par certaines classes sociales (en Italie) ou par des classes et des minorit6s ethniques et culturelles (en Am6rique latine) face & des groupes sociaux, des classes et des id6ologies h6g6moniques.

Les figures des pr~tres-gu6rilleros comme Camilo Torres, tomb6 dans la lutte r6volutionnaire, et d'autres pr~tres assassin6s - parmi lesquels le Salvado- rien Rutilio Grande et l'archev~que Oscar Romero -, d6fenseurs d6clar6s de la justice contre la violence de r6gimes locaux despotiques, incarnent un chris- tianisme populaire qui soutient sans r6serve la cause des campesinos pauvres, exploit6s et affam6s. A la < violence constamment exerc6e par les exploiteurs (...), par les oligarchies nationales, par les arm6es de la repr6saille et par les mono- poles de l'imp6rialisme yankee > (35), ces pr~tres opposent, au nom des Evangiles, la lib6ration de l'oppression, de la r6pression et de la misdre. Mais la religiosit6 populaire latino-am6ricaine est, comme en Europe, un lacis de formes multiples et vari6es issues de racines culturelles et religieuses diverses. Outre les cultes de d6votion catholiques li6s & la tradition espagnole et au syncr6tisme avec les religions indiennes autochtones, on note actuellement un regain de cultes extra- liturgiques de gudrison, d'origine catholico-spiritualiste. De nombreux < santos > cr6ent, & Mexico, de petites communaut6s vers lesquelles affluent hommes et femmes de tous Ages, issus des classes les plus d6favoris6es, soucieux de se garantir contre les maux de toute sorte, physiques et mentaux, organiques ou fonctionnels. Ces personnages opbrent au nom des saints catholiques et de la Madone; leurs agissements s'inspirent & la fois du catholicisme officiel et d'anciens rites chamano-magiques de gu6rison (36).

Les ann6es 1925-1930 ont vu s'implanter dans divers secteurs populaires des pays latino-am6ricains un protestantisme d'origine nord-ambricaine, appel6 & devenir bient6t une religion de masse, par opposition aux religions a histo- riques >. La forme la plus r6pandue est le pentec8tisme. A l'initiative de person- nalit6s charismatiques et de groupes d'immigr6s porteurs de la nouvelle religion, le pentec6tisme s'est d'abord r6pandu dans les concentrations urbaines pour gagner ensuite les zones rurales, en m&me temps que se d6veloppait le processus de d6sagr6gation de la famille traditionnelle, et d'anomie consecutive & la moder- nisation (37). L'id6ologie transcendentale, la concentration de I'autorit6 dans la personne du leader, I'unit6 6motionnelle des fiddles font du pentec6tisme une religion populaire avec une orientation essentiellement m6ta-historique et a spiri- tualiste >, bien distincte de la th~ologie de la lib6ration.

Dans le cadre des manifestations locales de la religiosit6 populaire on ne saurait passer sous silence les nombreux cultes afro-catholiques des communaut6s noires au Br6sil (macumba, umbanda), & Trinidad (chango), en Haiti (vodou), a Cuba (santeria), au Venezuela (Maria Lionza), etc. Dans ces cultes se mblent syncr6tiquement des traits mythico-rituels archa'iques d'origine africaine, (culte des esprits-dieux, de possession, rites sacrificiels), le culte des saints catholiques et une id6ologie (umbanda) d6riv6e du spiritisme kard6ciste. Dans certains cas, aux traits africains et catholiques s'en ajoutent d'autres (culte de Maria Lionza) d'origine am6rindienne (38).

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Complexitt des rapports entre religion officielle et religion populaire

En conclusion, il n'existe pas une religion populaire en soi, ni comme cat6- gorie historique universelle, ni comme notion historiographique autonome. La complexit6 des rapports entre religion populaire et religion officielle est le reflet de la complexit6 des rapports de classe dans une soci6t6 d~termin6e, ou encore des rapports entre cultures et peuples dans les rencontres interethniques. Ce sont 1h des rapports compliqu6s, faits d'affrontements et d'assimilations impos6es, d'oppositions explicites et implicites, de r6interpr6tations plus ou moins dl61ib6- r6es. Ii est done absurde de consid6rer la < religion populaire > comme etant toujours, partout et d6finitivement oppos6e g la religion de la hi6rarchie. Les rapports entre elles sont, au contraire, des plus articul6s et contradictoires. Ils comprennent de larges zones d'assimilation et d'absorption, B c6t6 d'autres zones de pol6mique (39) ou m~me de r6volte ouverte. Comme le rappelle Ginzburg, a la vari6t6 de comportements et d'attitudes de la hibrarchie peut &tre d6crite au moyen de quatre cat6gories possibles >, a savoir des attitudes a prescrites >, < propos6es a, ' tol6r6es , < proscrites >. Nous voudrions ajouter que quatre 6galement sont les cat6gories de r6ponses possibles de la part des classes subal- ternes, B savoir des attitudes d' < acceptation >, de a soumission >, de a remo- delage > et de a refus >. A ce propos, on peut voir la s6rie de cas de soumission forc6e, d'acceptation volontaire, de remodelage (syncr6tismes, nativismes) et de refus (traditionalismes, n6o-traditionalismes) que nous avons nous-m~me recueil- lis, dans un but de comparaison ethno-religieuse, dans notre ouvrage Occidente e Terzo Mondo. Une analyse historique centr6e explicitement sur ces quatre types d'attitudes des couches populaires dans l'histoire religieuse de l'Occident reste B faire. II n'est done pas permis de parler de religion populaire sans tenir compte de d6terminations historiques, sociales et culturelles pr6cises. Ce qui est vrai, c'est que, g l'int6rieur de toute civilisation religieuse - qui est une rdalitk globale, la seule historiquement analysable - comportant une stratification de classes sociales ou de groupes ethniques et culturels ayant entre eux des rapports de domination-d6pendance, avec la production d'une id6ologie religieuse coh6- rente, d'institutions mythico-rituelles et d'organismes socio-religieux interprktes et gardiens de cette id6ologie, dans toute civilisation de ce type finissent par naitre et se d6velopper des courants religieux ou magico-religieux contraires g l'id6ologie dominante, mais entretenant toujours un rapport dialectique avec elle. C'est ainsi que 1l oii domine une religion d'61ite sacerdotale ou aristocratique, ou bien une religion d'Etat, ou encore un systbme d'Eglises institutionnelles li6es - implicitement ou ouvertement - i des int6r~ts 6conomiques et/ou poli- tiques, naissent et se d6veloppent, par un processus spontan6 et en guise de r6ponse, des formes de religiosit6 que l'on peut appeler a populaires ., c'est-A-dire des manifestations collectives cens6es exprimer, de fagon sp6cifique et spontan6e, les besoins, les espoirs, les attentes qui ne trouvent pas de r6ponse ad6quate dans la religion officielle impos6e par les 61ites dominantes.

Le ph6nombne, historiquement document6, de l'adh6sion massive de tribus entibres, ou de soci6t~s, aux modules religieux, rituels et symboliques propos6s par un r6gime h6g6monique ayant pris les commandes du pouvoir politique, et les conversions en masse qui en r6sultent, ne contredisent pas, mais au contraire confirment le processus de formation de multiples courants de religiosit6 popu- laire face & la religion officielle. On sait que le christianisme, g l'6poque de sa premiere expansion en Occident aussi bien que lors de sa deuxibme expansion,

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dans les pays du Tiers-Monde, a 6t6 accept6, avec ses symboles et ses rites, soit directement par contrainte, soit sous la pression d'instances politiques, sociales, 6conomiques et pratiques, plutbt que religieuses. Et ce n'est pas un hasard si, dans des circonstances aussi diff6rentes, les modules traditionnels de religiosit6 n'ont jamais cess6 d'avoir des adeptes - le a paganisme > polyth6iste dans l'Occident m6di6val, les religions tribales dans le Tiers-Monde -, cr6ant ainsi un dualisme contradictoire: d'une part, une religion populaire remontant aux racines ancestrales; de l'autre, un conformisme chr6tien trouvant ses justi- fications dans la loyaut6 politique, dans l'attente de b6n6fices imm6diats et g venir, dans l'ascension sociale individuelle. Des ph6nombnes semblables se sont produits chaque fois que le christianisme a 6t6 l61ev6 au rang de religion officielle d'Etat, par exemple au IVe sidcle dans la Rome imp6riale, ou dans les royaumes barbares aprbs la conversion des monarques respectifs, ou encore dans des tribus B r6gime monarchique dont les chefs et les rois ont regu le bapteme, dans divers pays d'Afrique et d'Oc6anie (Polyn6sie). Au sein des soci6t6s tribales sous r6gime colonialiste, il est arriv6 souvent que des populations entibres acceptent spontan6- ment le baptime des mains des missionnaires, sans aucune pr6paration cat6chis- tique pr6alable, simplement pour la raison que derriere les symboles et les rites chr6tiens ces populations percevaient la pr6sence d'une puissance politique, orga- nis6e, technologique, d'oit elles comptaient tirer des b6nifices : autrement dit, elles se servaient du bapt~me comme d'un instrument magique cens6 leur procurer des bienfaits concrets. Une telle attitude permettait, dans tous les cas, de perp6tuer des pratiques magico-religieuses traditionnelles - par ailleurs lar- gement tol6r6es par les missionnaires catholiques - d6sormais int6rioris6es comme expressions de religiosit6 populaire, et done d'identit6 tribale. Ce qui n'a pas empach6 cette religion traditionnelle ou ' populaire a de faire l'objet, de la part de la religion officielle dominante, d'influences, d'interf6rences et de modifications plus ou moins lentes. A quoi il faut ajouter, de la part des soci6t6s indighnes, la recherche spontan6e d'une a respectabilit6 > nouvelle calqu6e sur le module de la culture des Blancs.

Les manifestations de la religiosit6 populaire se d6veloppent int6gralement / l'int6rieur de la civilisation dont est issue 6galement la religion officielle, et en sont historiquement ins6parables. C'est pourquoi il existe tant de configurations et d'expressions concr&tes de la religiosit6 populaire, en rapport avec les innom- brables civilisations historiquement observables dans l'espace et dans le temps. De plus, au sein d'une seule et m~me civilisation coexistent de nombreuses expressions de religiosit6 populaire, h6t6roclites et contradictoires au cours d'une meme 6poque, en rapport avec les multiples strates historico-culturelles qui se superposent en elle, et auxquelles correspondent des couches sociales distinctes ou des groupes diff6rents. La magie, les ph6nomines de mysticisme, les c616- brations p6nitentielles collectives, les cultes sorciers, le march6 des ex-voto (40) se combinent de diverses fagons avec des cultes paup6ristes, ou avec des mouve- ments religieux et/ou socio-religieux B caractbre 6mancipationniste, ou encore avec des mouvements spiritualistes, etc. Aussi l'6tude de telle ou telle religion doit-elle 8tre men6e dans le cadre global de la civilisation dont elle fait partie, sans nigliger les liens historico-sociaux, morphologiques et fonctionnels qui tien- nent ensemble ses composantes; c'est g cette condition que l'on peut espdrer saisir la signification et les limites de la port6e antinomique du moment popu- laire, corr61ative au rapport dialectique domination-d6pendance qui ophre dans chaque cas.

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Religion populaire et contenus psychiques : une assimilation rdductiviste

Certains auteurs attribuent & la religion populaire, comme telle, un rapport sp6cifique avec certaines structures mentales et psychiques. Dans son ouvrage La Pidtd populaire au Moyen Age, E. Delaruelle croit reconnaitre l'esprit de la religiosit6 populaire dans certaines attitudes g6n6rales, telles que a la simplicit6 des facult6s psychiques > et a l'empire de l'6motivit6 >, attribu6es au petit peuple. Pour l'historien Alphonse Dupront, la religion populaire constituerait a le refuge d'6motions paniques - en des p6riodes de grandes calamitis, 6pid6mies, angoisses apocalyptiques -, ainsi qu'un lieu privil6gi6 de sortildges et d'exorcismes qui 6chappent & la religion officielle >. Par rapport & cette dernibre, la religion populaire se caract6riserait comme religion du quotidien, de la f&te, de l'6motivit6, des zones obscures du psychisme (41). Le j6suite Giuseppe De Rosa s'efforce d'identifier certains traits saillants - selon lui - de la religion populaire comme telle, et pense les trouver dans des d6finitions telles que a corpor6it6, festivit6, ritualit6, humanit6, demande de graces temporelles > (42). Entre autres, on peut apercevoir ici implicitement la r6f6rence r6ductrice aux aspects folkloriques et archaisants de la religiosit6 populaire, qui exclut d'autres aspects importants et nullement a folkloriques >, au sens 6troit du terme.

Dans sa tentative de d6finir la religion populaire en termes g6n6raux, B. Plongeron a recours & des couples d'oppositions logiques, et plus particulid- rement aux deux couples suivants: a savant/populaire >, a prescrit/v6cu >. C'est sur ce dernier qu'il insiste tout sp6cialement, suivant une tendance diffuse dans le milieu des chercheurs catholiques (43), ainsi que le note Jean-Claude Schmitt dans son essai < Religion populaire et culture folklorique >, ou encore E. Pou- lat (44). Quant & la notion de a v6cu >, avec ses connotations psychologiques, attribu6es par Plongeron et par d'autres & la religion populaire comme un trait sp6cifique et diff~rentiel, il faut bien dire qu'elle se r6vble fondamentalement 6quivoque. En effet, il est 6vident que le c v6cu > n'implique pas n6cessairement une opposition au < prescrit >, ce dernier pouvant, dans certains cas, s'identifier & des exp6riences a v6cues > au sens de la participation. La distinction a v6cu/ prescrit > n'est done pas objectivement connot6e, comme c'est le cas, par contre, de la distinction sociologique propos6e par Gramsci entre a populaire > - c'est- &-dire propre des classes subalternes -, et < officiel > -propre des classes dominantes.

Le peu d'int6r&t des diverses tentatives faites pour d6finir de fagon abstraite non seulement la religion populaire mais le a populaire > en soi, a 6t6 soulign6 clairement dans les travaux de R. Courtas et F.A. Isambert (45) et de V. Lan- ternari (46), mais aussi, implicitement, dans les contributions sur ce thbme publiies par le p6riodique espagnol Revista de fomento social (1977). En parti- culier, il nous semble arbitraire de rattacher la religion populaire, dans ses multiples manifestations, & des structures psychiques et mentales sp6cifiques. Si l'on y regarde de plus pros, on s'apergoit que les divers a traits > attribu6s & la religion populaire par les auteurs cit6s plus haut ne sont que des aspects du comportement religieux tout court. Au fond, tout systdme de croyances et de comportements religieux, quels qu'ils soient, possdde une capacit6 propre d'effets r6els. Celle-ci est le produit d'un systhme de croyances et de symboles 6tablis comme valables et indiscutis par une collectivit6, ou par un secteur de la soci6t6, on encore par un groupe d'individus qui partagent le meme systhme de croyances,

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de rites et de symboles. La capacit6 de toute exp6rience religieuse & produire des effets en soi entraine comme cons6quence non seulement des effets sur le plan 6thique et social, et sur celui du comportement, mais aussi sur le plan individuel et psychosomatique; ce qui explique les gu6risons de certaines maladies, ou des ph6nombnes tels que la transe, I'extase, les visions, les hallucinations, la posses- sion, les stigmates, la glossolalie et autres 6tats d'alt6ration de la conscience et de dissociation mentale (47). De tels ph6nombnes caract6risent 6galement les systhmes de croyances et pratiques magiques, si bien que, de ce point de vue, il existe entre la religion et la magie une homog6n6it6 et une continuit6 sur le plan ph6nom6nologique, m~me si l'on peut opbrer une distinction entre elles en termes de valeurs. En effet, tout systime de croyances, de pratiques rituelles et de symboles tendant & produire de l'utile imm6diat et concret relive du monde de la magie, alors que l'on rattachera au monde de la religion tout systdme de croyances et de comportements rituels et symboliques qui implique des valeurs d'une port6e sociale et universelle. Selon C. Ginzburg, a la distinction entre magie et religion est apparue dans la haute culture europ6enne dans une p6riode histo- rique d6termin6e, aux XVIIe-XVIIIe sidcles, parallblement & la distinction entre science et magie > (48). Une distinction entre < irrationnel > et a rationnel > n'est certes pas ad6quate pour discerner le moment magique du moment religieux. Le problbme est bien plus complexe, 6tant donn6 l'interp6n6tration de ces deux moments aussi bien avant l'6poque 6voqu6e par Ginzburg qu'& l'6poque moderne et contemporaine, ainsi qu'en t6moignent les traces multiformes de la magie dans la soci6t6 cultiv6e et bourgeoise. D'une fagon g6n6rale, une d6marcation nette, en termes de structures, de comportements et d'effets psychologiques, n'est pas acceptable pour distinguer les manifestations de la religiosit6 populaire des manifestations d'une religion officielle. En r6alit6, dans le d6veloppement des diverses civilisations religieuses, on trouve des phases au cours desquelles la religiosit6 populaire cristallise et exprime des tendances conservatrices, archai- santes, tendant & forger, au moyen d'un systhme mythico-rituel et symbolique, un instrument psychologico-culturel efficace contre le malheur dans le monde. C'est le moment magique, syncr6tique, folklorique, li6 & des besoins individuels imm6diats. Mais il y a 6galement la phase pendant laquelle la religion populaire s'attribue le privilege historique de cr6er et de fonder des valeurs durables, capa- bles d'61argir l'horizon culturel aux dimensions d'un humanisme innovateur, liber- taire et universaliste. C'est le cas du christianisme au moment de son essor. C'est le cas 6galement de nombreux mouvements religieux de l'Europe m6di6vale, de bien des mouvements messianiques et proph6tiques dans le Tiers-Monde soumis aux r6gimes colonialistes ou & la pression culturelle de l'Europe. C'est le cas, enfin, des grands mouvements de r6veil < 6vang61ique > dans le monde occidental moderne - du moins dans leurs aspects spontan6s, non soumis aux manipulations iddologiques -, de la th6ologie de la lib6ration en Am6rique latine et des mouvements de protestation catholique en Europe, lesquels en appellent & l'authen- ticit6 des valeurs chr6tiennes originelles.

CONCLUSION

Du point de vue d'une historiographie valable et ouverte, l'approche th6o- rique d'une religion populaire ind6terminde et abstraite n'a pas plus de sens que l'6tude r6ductrice d'une religion populaire limit6e aux seuls aspects folkloriques

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archaiques, ou aux < superstitions >. La seule r6alit6 que l'on puisse raisonna- blement tenter de saisir et de comprendre au moyen d'analyses appropri~es est celle des formes varibes et concretes que peut assumer la religiosit6 populaire au sein des diverses civilisations - europ6ennes, occidentales et non occiden- tales, antiques et modernes - tout au long de leur evolution historique propre (49).

Vittorio LANTERNARI

Universita di Roma

Traduction de Marie-Louise LETENDRE

NOTES

(*) Cet article, dont la version originale en italien a paru dans Civilta delle Macchine (Rome, 1979, pp. 131-140), est traduit ici en frangais avec l'aimable autorisation de la r6daction de ce p6riodique, publi6 par l'Institut Italien pour la Reconstruction (I.R.I.) (N.D.L.R.).

(1) Nous ne citons ici que les p6riodiques ayant publi6 soit des dossiers, soit un num6ro sp6cial sur ce theme : ' La Religione popolare >, Sacra Doctrina, 61, 1971; Social Compass, 19, 1972 et 22, 1975; IDOC Internationale, 5, 1976 et 8, 1977; a Religiosidad popular >, Revista de Fomento social, na 127, 1977; c Ethno-sociologie des religions populaires , Archives de Sciences sociales des Religions, 43/1, 1977; < Religion populaire, sociologie, histoire et folklore >> (F.-A. ISAMBERT), ibid., 43/2, 1977 et 46/1, 1978; << Images et religion populaire >> (J. SAGuY), ibid., 44/1, 1977; La Religion populaire, nouveau mythe de notre temps ? > (B. PLONGERON), Etudes, avril et juin 1978; << La Religion populaire des Qu~b6- cois a>, Communautd chritienne, 1977; Ricerche di Storia sociale e religiosa, 11, 1977; SLa nuova religiosith >, Testimonianze, n0' 209-210, 1978; La Civiltd cattolica, avril et septembre 1979; a Religiosith popolare a (America Latina), Quaderni ASAL, na" 32-33, 1977.

(2) Cf. a Rinascita del religioso ? >, IDOC Internazionale, n0' 5-7, 1979; << Persistenza della religionea>, Concilium, janvier 1973; Civiltd cattolica, avril 1979, pp. 114-118; B. WILSON, The Return of the Sacred >, Journal for the Scientific Study of Religion, 1979, no 3, pp. 268-280; D. BELL, a The Return of the Sacred >', British Journal of Sociology, 1977, na 4; G. GUIZZARDI, C. PRANDI, M. CASTIGLIONE, E. PACE, A. MOROSSI, Chiesa e religione del popolo, Turin, Claudiana, 1981.

(3) S. ACQUAVIVA, L'Eclissi del sacro nella civilta industriale, Milan, Ed. Comunith, 1961.

(4) F.-A. ISAMBERT, art. cit., pp. 177, 183-184.

(5) R. PETTAZZONI, La Religione della Grecia antica fino ad Alessandro, Turin, Einaudi, 1954, Introduction.

(6) A. BRELICH, Tre variazioni romane sul tema delle origini, Rome, Ed. Ateneo, 1976, ch. 1.

(7) C. PRANDI, a Popolare>, dans Enciclopedia Einaudi, X, 1980, pp. 888-889. Le conflit entre les religions d'origine orientale adoptues par les couches populaires

et la religion officielle des classes aristocratiques dans la Rome ancienne est analys~e par C. GALLINI, Protesta e integrazione nella Roma antica, Bari, Laterza, 1970, pp. 53-89. Pour ce qui concerne le conflit entre le monoth6isme judaique et 1' < idolitrie > populaire, cf. T.J. MEEK, Hebrew Origins, New York, Harper, 1960; T. REIK, Pagan Rites in Judaism, New York, Gramerey, 1964.

(8) C'est ainsi que dans le cas du Japon on ne peut parler d'une religion populaire en tant qu'ensemble bien d~termin6 de superstitions et de f&tes, ni d'un shinto pur ni d'un bouddhisme pur opposes h la religion populaire ou a folk-religion >>. Ces diverses religions sont entrem8l6es et elles s'interp~nktrent. La folk-religion est pratiquie par toutes les couches sociales; cf. J.H. KAMSTRA, a Japanese Religion >>, dans : P.H. VRIJHOF, J. WAARDENBURG (eds), Official and Popular Religion. Analysis of a Theme for Religious Studies, La Haye- Paris-New York, Mouton, 1979, pp. 427-461.

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(9) Pour ce qui concerne les mouvements socio-religieux dans les soci6t6s du Tiers Monde, voir V. LANTERNARI, Movimenti religiosi di liberth e di salvezza dei popoli oppressi, Milan, Feltrinelli, 1974 (2* 6d.); Problemi di etnocentrismo e d'identitdc, Rome, Ed. Goliardica, 1979.

(10) Sur ce processus de < circulation a de la culture entre les classes dominantes et les classes subalternes au Moyen Age, cf. C. GINZBURG, dans Ricerche di Storia Sociale e religiosa, n0 11, 1971, pp. 175-176. Voir 6galement la documentation recueillie par les participants au Colloque sur La Notion de religion populaire du Moyen Age d nos jours en Europe (Paris, 1977), et aussi : E. DELARUELLE, La Pidtd populaire au Moyen Age, Turin, Bottega d'Erasmo, 1975; F.-A. ISAMBERT, art. cit., 1977, pp. 169-175; 1978, pp. 112-131.

(11) Ernesto DE MARTINO, Sud e magia, Milan, Feltrinelli, 1959, p. 132. (12) Cf. C. VASOLI, Magia e scienza nella civiltd umanistica, Bologne, II Mulino,

1976; M. ROMANELLO, La Stregoneria in Europa, Bologne, II Mulino, 1975; C. GINZBURG, a Stregoneria, magia e superstizione in Europa fra Medio Evo ed eth moderna >, Ricerche di Storia sociale e religiosa, 1977, pp. 119-133. Voir aussi M. ELIADE, Forgerons et alchimistes, Paris, Flammarion, 1977.

(13) E. DE MARTINO, Sud e Magia, op. cit., pp. 172-180; G. GALASSO, L'altra Europa, Milan, Mondadori, 1982, pp. 253-283.

(14) A. GRAMSCI, Letteratura e vita nazionale, Turin, Einaudi, 1950, p. 215. (15) E. DE MARTINO, op. cit., pp. 10, 11.

(16) On trouvera un bilan 6quilibr6 et utile des travaux sur les religions populaires en Italie dans Carlo PRANDI, Religion et classes subalternes en Italie. Trente annies de recherches italiennes >, Archives de Sciences Sociales des Religions, 43/1, 1977, pp. 93-139.

(17) Voir, par exemple, le livre de C. BARBATI, G. MINGOZZI, A. RossI, Profondo Sud. Viaggi nei luoghi di Ernesto De Martino a vent'anni da "Sud e Magia" a, Milan, Feltrinelli, 1978, et le documentaire tir6 du livre pour la tC1lvision; et aussi : G. PROVITERA, G. RAMISIO, E. GILIBERTI, Lo Spazio sacro. Per un'analisi della religione popolare napoletana, Naples, Guida, 1978.

(18) Cf. V. LANTERNARI, Crisi e ricerca d'identitci, Naples, Liguori, 1977, pp. 29-47, 122-150; B. WILSON, Contemporary Transformations of Religion, Oxford, Clarendon Press, 1979, pp. 39-81.

(19) Les manifestations de religiosit6 populaire archaisante (a folklorique >, selon Gabriele De Rosa) sont objet d'6tude dans les ouvrages de E. DE MARTINO, Sud e magia, op. cit. (pratiques magiques et magico-th6rapeutiques); Morte e pianto rituale nel mondo antico, Turin, Einaudi, 1958 (pleurs fundbres); La Terra del rimorso, Milan, Saggiatore, 1961 (tarantisme). Une f~te de mai typiquement archaique, le a maggio > de Accettura (Basilicata), est document6e, avec ses significations pai'ennes de fertilit6 et f~condit&, mais aussi enrichie de valeurs modernes en occasion du retour des 6migris, dans les ouvrages de V. LANTERNARI, Crisi e ricerca d'identitd, op. cit., pp. 173-177, et de G.B. BRONZINI, Accettura : il contadino, l'albero, il santo, Galatina, Congedo, 1979.

(20) V. LANTERNARI, << La Politica culturale della Chiesa nelle campagne : la festa di S. Giovanni >, Societci, 1955, N0 2; repris dans Occidente e Terzo Mondo, Bari, Dedalo, 1967, pp. 354-356.

(21) J.-C. SCHMITr, dans Ricerche di Storia sociale e religiosa, n0 11, 1977, pp. 22-23. (22) Jacques LE GOFF, Temps de l'Eglise et temps du marchand, Paris, Annales

E.S.C., 1960, tr. it. : Tempo della chiesa e tempo del mercante, Turin, Einaudi, 1977, pp. 196-198, 203.

(23) Cf. P. SAINTYVES, Les Saints successeurs des dieux, Paris, Noury, 1907; E. DELA- RUELLE, La Pidtd populaire au Moyen Age, op. cit.; LE GOFF, op. cit.

(24) Sur les origines sociales des mouvements h6r~tiques au Moyen Age, cf. J.-C1. SCHMITT, art. cit., pp. 24-26; G. VOLPE, Movimenti religiosi e sette ereticali nella societd medievale italiana, Florence, Sansoni, 1961; N. COHN, I Fanatici dell' Apocalisse, Milan, Ed. Comunith, 1965. Pour les battenti de Nocera Terinese, cf. V. LANTERNARI, op. cit., 1977, pp. 172-182; pour les avattienti> de Guardia Sanframondi (Salerno), cf. J. RECUPERO, Gli Eretici dell'Assunta, Rome, De Luca, 1978.

(25) C. GINZBURG, a Folklore, magia, religione >, in Storia d'Italia, Turin, Einaudi, vol. 1, 1972, p. 659.

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(26) Immagini della Madona dell'Arco, Rome, De Luca, 1974; T. TENTORI, Une fete religieuse italienne : le rite des fugenti de la Madone de l'Arc , Cultures, 1976, 1, pp. 123-146.

(27) Pour les mouvements 6vangl61iques des origines jusqu'd nos jours, cf. G. SPINI, Movimenti evangelici nell'Italia contemporanea >, Rivista storica italiana, 1968, pp. 463

et ss.; D. MASELLI, Breve storia dell'altra chiesa in Italia, Napoli, Centro Biblico, 1972; M. CASTIGLIONE, H. MOTTU, Religione popolare in un'ottica protestante, Turin, Claudiana, 1977.

(28) Sur le module du < saint > catholique selon l'Eglise officielle, cf. J.-M. SALLMANN, SI1 Santo e le rappresentazioni della santit >, Quaderni storici, 41, 1979, pp. 584-602.

(29) Sur les cultes extra-liturgiques de la r6gion des Pouilles (Foggia), voir M. CASTI- GLIONE, I professionisti dei sogni. Visioni e devozioni popolari nella cultura contadina meri- dionale, Naples, Liguori, 1982. Sur les cultes extra-liturgiques dans le Latium, cf. M.I. MACIOTI, G. DE LUTIIS, Aspetti e problemi del fenomeno carismatico nell'Italia centrale , in R. CIPRIANI (ed.), Sociologia della cultura popolare in Italia, Naples, Liguori, 1979, pp. 292-302; R. (2CIPRIANI, a Maghi e Madonne nella cultura popolare >, ibid., pp. 303-320; F. FERRAROTTI, G. DE LUTIIS, M. MACIOTI, L. CATUCCI, Forme del sacro in un'epoca di crisi, Naples, Liguori, 1978.

(30) < Religion populaire des Qu6b6cois >, art. cit.; B. PLONGERON, art. cit., p. 839. (31) C. GINZBURG, a Introduzione >, Quaderni storici, 41, 1979, p. 393.

(32) B. PLONGERON, La Religion populaire, nouveau mythe de notre temps ?, Etudes, avril 1978, pp. 535-548; juin 1978, pp. 825-837. Cf. 6galement M. MESLIN, 11 fenomeno religioso popolare >, Sacra Doctrina, 61, 1971, p. 5; G. GRANERIS, Religione ufficiale e religione popolare in Grecia e in Roma >, ibid., pp. 21-32; J.J. QUEIROZ, a La ReligiositY popolare in Brasile >, ibid., pp. 91-106.

(33) B. LACROIX, P. BOGLIONI, Les Religions populaires. Colloque international 1970, Quebec, Presses de l'Universit6 Laval, 1972.

(34) B. PLONGERON, art. cit., pp. 541-542. Sur la thbologie de la lib6ration, cf. EQUIPE SELADOC, a Religiosith popolare >, Quaderni ASAL (Rome), n". 32-33, 1977; P.A. RIBEIRO DE OLIVEIRA, a Le Catholicisme populaire en Amnrique latine >, Social Compass, 1977, no 4, pp. 567-584; Orientamenti pastorali, 1977, na 3, pp. 54-66; Revista eclesiastica brasileira, n0 141, 1976; A. BUNTIG (ed.), Historia del catolicismo popular en Argentina, Buenos Aires, 1969 (en particulier les vol. IV et V). En dehors de la filibre confessionnelle, voir l'ouvrage int6ressant de J. DE CASTRO, Una zona esplosiva

" il Nordeste del Brasile, Turin, Einaudi,

1966, pp. 183-206, et plus sp6cialement pp. 198-203.

(35) Cf. C. PRANDI, a Chiesa e rivoluzione in America latina. Camilo Torres , Testimonianze, no 107, 1968, pp. 603-618, en particulier p. 608; I ELLACURIA, a Notas teologicas sobre la religiosidad popular >, Revista de fomento social, 1977, pp. 259-266.

(36) Cf. S. ORTIZ ECHANIZ, ~ Espiritualismo en Mexico >, Quadernos de trabajo (Mexico), 20, 1977. Sur les survivances du paganisme, cf. J.D. BELLIDO, a I1 permanere di miti preispanici >, Quaderni ASAL, no 33, 1977, pp. 43-48, et aussi Quaderni ASAL, n0 32, 1977, pp. 203-222.

(37) Ch. LALIVE D'EPINAY, a Les Protestantismes latino-ambricains. Un module typo- logique >, Archives de Sociologie des Religions, 30, 1970, pp. 33-58; A. POLLAgK-ELTZ, a Pentecostalism in Venezuela >, Anthropos, 73, 1978, pp. 461-482; Ch. LALIVE D'EPINAY, Haven of the Masses. A Study of the Pentecostal Movement in Chile, Londres, Lutterworth, 1969; Soci6t6 d6pendante, classes populaires et mill6narisme >, in Dipendance et structure de classes en Amdrique latine, Genbve, CETIM, 1972, pp. 401-432; J.J. QUEIROZ, art. cit.

(38) A. POLLAK-ELTZ, Cultos Afro-Americanos, Cacaras, Univ. Andres Bello, 1972; R. BASTIDE, Les Religions africaines au Brisil, Paris, P.U.F., 1960.

(39) Sur l'attitude de l'Eglise h l'6gard des survivances paganisantes dans la religiosit6 populaire, voir Phre G. DE RosA, a La religione popolare 6 folklore, superstizione e magia ? , La Civilth cattolica, septembre 1979, pp. 358-370; V. LANTERNARI, La Politica religiosa della chiesa nelle campagne >, art. cit.

(40) Cf. E. POULAT, a Pour une notion extensive de "religion populaire" >, Ricerche di Storia sociale e religiosa, 1977, pp. 49-50.

(41) Selon A. DUPRONT, cit6 par B. PLONGERON, art. cit., p. 831.

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LA RELIGION POPULAIRE

(42) G. DE ROSA, . Che cos', la religione popolare ? >, La Civiltd cattolica, avril 1979, pp. 129-130.

(43) Gabriele DE ROSA, dans son essai trbs subtil Religione popolare o religione prescritta? ? (dans Chiesa e religione popolare nel Mezzogiorno, Bari, Laterza, 1978, pp. 3-20) rejette l'affirmation d'une cat6gorie autonome de la religion populaire : o La religion populaire (...) n'est pas une cat6gorie en soi, une autre religion aux traits clairement et nettement autonomes; elle est la religion < officielle pour ainsi dire vdcue (soulign6 par nous) selon l'humeur, les convenances, les int6r~ts, les habitudes, les r6sistances mentales du milieu historique local, (p. 7). De Rosa d6fend done la thbse d'une distinction, ou opposition, entre religion populaire au sens de a religion v6cue > et religion officielle au sens de a religion prescrite >. Aussi 6crit-il : La religion populaire n'est pas hors du christianisme (...), [elle] peut vivre autrement la religion prescrite (p. 8). L'opposition entre la pens6e de De Rosa et le courant qui s'inspire de Gramsci et De Martino est 6vidente. De Rosa, en effet, 6vacue de la notion de religion populaire > les formes qu'il appelle < folkloriques , c'est-8-dire les diverses survivances magico-paiennes, et restreint le concept de religion a populaire > aux formes de la d6votion catholique, c'est-a-dire a ces manifestations d6finies par Gramsci, De Martino, etc., comme a catholicisme populaire ,. Ce faisant, De Rosa n6glige, nous semble-t-il, la ligne de continuit6 historique et morpho- logique qui relie les survivances archaisantes aux divers syncr6tismes pagano-catholiques qui s'expriment dans les cultes des saints et marials et dans certaines d6votions catholiques populaires; il cr6e une dichotomie entre des ph~nombnes historiquement connexes. Sur l'opposition entre les theses de De Martino et de De Rosa, cf. A. LOTIERZO, I1 Concetto di religione popolare in E. De Martino e G. De Rosa >, dans Studi di Storia sociale e religiosa. Scritti in onore di Gabriele De Rosa (a cura di A. CESTARO), Naples, Ferraro, 1980, pp. 99-119; et aussi G. GALASSO, L'altra Europa, op. cit., pp. 414-430.

(44) J.-C. SCHMITT, a Religione popolare e cultura folklorica, , Ricerche di Storia sociale e religiosa, 11, 1977, pp. 9-27; E. POULAT, a Pour une notion extensive de "religion populaire" ,, ibid., pp. 49-50.

(45) R. COURTAS, F.-A. ISAMBERT, a Ethnologues et sociologues aux prises avec la notion de "populaire" >, La Maison-Dieu, 127, 1975, pp. 20-42.

(46) V. LANTERNARI, c Popolo-popolare : senso o non-senso ? >, La Ricerca folklorica, 1980, pp. 47-52. Sur le populaire > comme cat6gorie psychologique et mentale, et non seulement sociale, voir G. GALASso, L'altra Europa, op. cit., p. 132, 137.

(47) Cf. I.M. LEWIS, Ecstatic Religion, Harmondsworth, Penguin Books, 1971; E. BOURGUIGNON, Religion, Altered States of Consciousness and Social Change, Columbus, Ohio State. University Press, 1973; E. DE MARTINO, II Mondo magico, Turin, Einaudi, 1948.

(48) Ricerche di Storia sociale e religiosa, 1977, p. 128. (49) Un travail exemplaire, conduit B partir d'une m6thodologie qui distingue diverses

p6riodes historiques dans la civilisation franCaise, est La Religion populaire, 6dit6 par B. PLONGERON (Paris, Beauchesne, 1976), avec des chapitres consacr6s au Moyen Age (F. RAPP), aux XVI" et XVIIP sidcles (J. DELUMEAU), & la R6volution et a l'Empire (B. PLONOERON), & la France actuelle (G. CHOLVY).

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