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Enfance, Art et Langages ACTES DU COLLOQUE | 24 et 25 septembre 2013 | FRANCE – BELGIQUE - QUEBEC La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif - pratiques et recherches –

La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

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Les actes du colloque « La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif. Pratique et recherche"

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Enfance, Art et Langages

ACTES DU COLLOQUE | 24 et 25 septembre 2013 | FRANCE – BELGIQUE - QUEBEC

La résidence d’artiste

en milieux scolaire

et éducatif

- pratiques et recherches –

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Remerciements

Enfance, Art et Langages remercie ses invités pour la qualité de leur

interventions, ainsi que les partenaires et équipe sur place qui ont permis la

tenue de ce colloque.

Ce colloque s’inscrit dans le cadre de la Convention de recherche 2012-14 qui lie :

Enfance, Art et Langages - Caisse des écoles de Lyon

La DSDEN du Rhône

Université Claude Bernard - Lyon 1 - ESPE

Université Lumières - Lyon 2 - Équipe d'accueil Éducation Cultures et Politiques

L'Institut Français de l'Éducation

Organisateurs

Christine Bolze et Marion Gronier pour EAL ainsi que : Alain

Kerlan, Jean Paul Filiod, Christian Lallier, Luc Trouche, Nicolas

Favelier et Claudine Potok

Partenaires

Ville de Lyon, Caisse des écoles de Lyon - Enfance,

Art et Langages, Institut Français de l'Éducation,

Université Lyon 1 - ESPE, Université Lyon 2 -

Laboratoire Éducation Culture et Politique et Centre

Max Weber (UMR 5283) et le Ministère de la Culture

et de la Communication. En partenariat avec la

DSDEN du Rhône, l'Opéra de Lyon et l'École Normale

Supérieure de Lyon

Réalisation des actes

Jean-Paul Filiod, Alain Kerlan, Christian

Lallier, Christine Bolze, Caroline Bruguière,

Nadège Galakhoff

Montage vidéo

Mélodie Tabita, Christian Lallier

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Sommaire

SOMMAIRE 2

INTRODUCTION 3

LE PHENOMENE RESIDENCES D’ARTISTE 4

Alain Kerlan L’entrée des artistes 4

LES RESIDENCES EN RECHERCHE 12

M. Evreux L’Opéra à l’École 12

F. Carraud Classe artistique : Quelle influence sur le travail enseignant ? 15

C. Choquet De la boîte noire au troisième espace 34

M-C Le Floch Le projet MUS-E® À Lille 41

J. P. Filiod Résider en résidence - Un détour par l’espace 49

S. Necker Evaluer l’EAC en partenariat ! Etude de cas 56

M. Lemonchois La participation d’élèves à la création d’un conte avec professionnels 62

N. Montoya Réflexions comparatives sur les résidences d’artiste : vers la fin d’une

rhétorique de l’exception ? 82

ARTS ET ARTISTES A L’EPREUVE DE LA RESIDENCE 95

M. Buscatto Le travail artistique en mutations - Dynamiques et tensions 95

Table ronde L’art et l’artiste au risque de la résidence

C. Lallier avec A. Damani, C. Hurtig-Delattre, C. Llobet et M. Mercier 104

Dialogue Alain Kerlan, dialogue et interview avec Christian Ruby 106

Table ronde Des formes esthétiques entre « œuvre » et « production »

J. P. Filiod avec J. Lefebvre, D. Cerclet et E. Eudes 107

CLOTURE 110

Marie-Christine Bordeaux, Grand témoin du colloque 110

ANNEXES 122

Les annexes contiennent une bibliographie ainsi que des fiches expériences

décrivant la majorité des dispositifs artistiques cités dans ces interventions,

n’hésitez pas à vous y référer.

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Introduction

Les 24 et 25 septembre 2013 s'est tenu à Lyon un colloque intitulé : La résidence d'artiste en

milieux scolaire et éducatif – pratiques et recherches-

Ces journées de réflexions organisaient la rencontre et surtout l'échange entre artistes,

pédagogues et chercheurs. Venus de différents pays de la francophonie, les intervenants se sont

ainsi concertés sur la place centrale qu'occupent les résidences d'artistes et sur leurs impacts

dans les milieux éducatifs. Deux journées riches en hypothèses et débats que nous vous

présentons dans ces Actes numériques.

Afin de faciliter votre lecture, voici un rappel des contenus approchés :

Ouverture par Alain Kerlan : L'entrée des artistes.

La première journée a été dédiée aux résidences qui ont été abordées sous deux

angles : la présentation fine et illustrée de dispositifs avec sept exemples français,

belges et québécois (en annexe), puis les observations et analyses des chercheurs qui

les ont étudiées. Chacune de ces interventions a été transcrite dans ce document dans la

partie Les résidences en recherche.

La deuxième journée a privilégié l'approche artistique des résidences. Aussi, après une

conférence de Marie Buscatto sur les mutations de ce travail artistique et un dialogue

entre les philosophes Alain Kerlan et Christian Ruby, trois tables rondes se sont

succédées pour mieux appréhender les notions de risque, d'œuvre et de production…

Les travaux de cette journée ont été filmés et montés pour ces actes et sont introduits dans la

partie Arts et Artistes à l’épreuve de la résidence ; vous trouverez dans ce document des liens vers

les vidéos en question.

Observatrice attentive des journées de travail, Marie-Christine Bordeaux a tenu le rôle

de grand témoin du colloque et en a fait la synthèse dans sa conférence de clôture.

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Le phénomène résidences d’artiste

L’entrée des artistes

ALAIN KERLAN , philosophe, professeur des universités en Sciences de l’éducation

à l’Université Lumière – Lyon 2

La préoccupation du commencement, de

l’incipit, est sans doute commune au travail

artistique et à l’exercice philosophique, et

plus largement à l’exercice de la pensée et

de l’expression, quel qu’en soit le matériau.

Un titre à cet égard n’est pas une étiquette

apposée après-coup. J’ai choisi d’intituler

cette conférence introductive d’un colloque

consacré aux résidences artistiques en

milieu éducatif : « L’entrée des artistes », et

non pas, par exemple : « Des résidences

artistiques à l’école, pourquoi comment ? ».

Je voudrais brièvement m’en expliquer, dans

la mesure où ce choix n’engage pas

seulement la forme, mais bien aussi le fond

de mon propos.

Par où commencer ?

Le choix de placer ce colloque sous cette

expression : « l’entrée des artistes », n’obéit

pas au seul plaisir d’une métaphore

circassienne. Encore que… L’art à l’école,

c’est tout de même un sacré cirque dans la

classe ! Dans la forme scolaire ! J’entends

encore l’exclamation d’une professeure des

écoles exerçant dans une école maternelle

accueillant un artiste en résidence dans le

cadre du programme Enfance, Art et

Langages (EAL) : « Quand je vois comment

l’artiste travaille, je me demande si son cerveau est

vraiment fait comme le mien ! ». Déclaration

pleine d’humour, et qui évoquera à nombre

d’entre nous quelques souvenirs, mais dont

l’humour fait état d’une expérience

marquante, et significative.

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L’expérience de la résidence, l’expérience

partagée de la résidence, voilà ce qui me

semble constituer le point d’entrée le plus

approprié dans les questions et les

réflexions que voudrait aborder notre

colloque. En effet, et nous le verrons très

vite, la toute première caractéristique des

résidences qui nous réunissent est leur

diversité, multipliée de surcroît par la

diversité des expériences qu’elles suscitent,

diversité qui décourage par avance et rend

vaine toute tentative de définition préalable.

Se saisir d’une diversité,

et non la réduire

Mon intention toutefois n’est nullement

d’éviter la notion de « résidence », elle va

être au contraire incessamment interrogée,

illustrée, mise en perspective ici même

pendant deux jours. Il s’agit d’éviter l’écueil

du formalisme ou du nominalisme. Auguste

Comte lui-même, père comme on le sait du

positivisme, dénonçait cette pratique

consistant à commencer une réflexion ou un

exposé par une définition générale de leur

objet. Il qualifiait non sans humour cette

pratique de « dogmatisme puéril ». Nous

buterions inévitablement sur cet écueil si

nous prétendions définir d’emblée ce qu’est

« une résidence artistique en milieu

scolaire », et si nous nous enfermions dans

la recherche d’une définition préalable et

canonique. Il y a de fait sous le même terme

des pratiques fort diverses, et c’est cette

diversité et cette effervescence qui doivent

être préservées.

Ce que dit la charte nationale

Il existe vous le savez une « charte nationale »

concernant les résidences d’artistes, qui fait

l’objet d’une circulaire parue en mars 2010.

Son intitulé exact est le suivant : « Charte

nationale : la dimension éducative et

pédagogique des résidences d’artistes ». Elle

distingue :

- La résidence de création ou d'expé-

rimentation, qui développe une activité

propre de conception d'une œuvre et

des actions de rencontre avec le public

de façon à présenter les éléments du

processus de création tout au long de

l'élaboration de l'œuvre. Sa durée est

variable, de plusieurs semaines à

plusieurs mois, et elle n'aboutit pas

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nécessairement à un spectacle, une

exposition ou une publication.

- La résidence de diffusion territoriale,

qui s'inscrit en priorité dans une

stratégie de développement local,

selon deux axes : diffusion large et

diversifiée de la production des artistes

et actions de sensibilisation.

- La résidence association, qui

correspond à une présence artistique

dans un établissement culturel, sur

une durée de deux à trois ans. Elle a

une triple mission de création, de

diffusion et de sensibilisation.

Une école, un collège ou un lycée peut

accueillir des artistes en résidence. Cette

modalité particulière est appelée « résidence

en établissement scolaire ».

Nous avons bien lu : pour la charte et dans sa

façon de peser les mots, la résidence en milieu

scolaire est une modalité de la résidence

association, avec sa triple mission. Nous

l’aurons bien constaté : jusque dans son titre,

cette charte pèse méticuleusement ses termes

entre d’un côté le langage de la « résidence »,

qui est celui de l’art et de la culture, pas celui

de l’école, et le langage de l’école et de

l’éducation, lequel stricto sensu ignore le

terme comme la notion de « résidence ».

Au-delà de la définition :

le mot et la chose

Distinguons donc le mot et la chose. Cette

affaire des « résidences artistiques en milieu

scolaire » me semble comporter deux enjeux,

lesquels bien entendu s’entrecroisent. Il y a

bien un enjeu du côté des mots, de la

dénotation comme de la connotation des

mots, le choix même du terme « résidence »

est au cœur de cet enjeu, mais il y a tout

autant un enjeu du côté des choses sous les

mots, et les choses, entendons par là les

pratiques et les dispositifs dans leur diversité

sous la même étiquette.

Ce que cette notion de « résidences

artistiques en milieu scolaire » nous invite à

interroger, c’est donc ce carrefour, ce

croisement où les chemins de l’art et les

chemins de l’éducation en viennent à se

rencontrer et s’interpénétrer. C’est ce

carrefour que je me propose d’examiner.

* * *

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Posons donc à nouveau la question :

Pourquoi aujourd’hui des artistes à l’école ?

Pourquoi « l’artiste en tant qu’artiste » comme

partenaire éducatif, sinon recours éducatif ?

L’artiste et/ou l’enseignant

Je voudrais ouvrir cette réflexion en

rapportant un cri du cœur. Pas le mien. Il

s’agit du cri du cœur d’une enseignante en

arts plastiques. La scène se situe à

Beaubourg, en janvier 2007, lors d’une des

dernières sessions d’un important colloque

international consacré à l’évaluation des

activités artistiques et culturelles.

Silencieuse peut-être jusque-là, et à l’écoute

des communications issues du monde

entier, une participante avait pris la parole

pour ne poser qu’une seule mais

douloureuse question : « Mais nous autres,

professeurs d’arts plastiques, que devenons-nous

dans tout cela ? ». Il n’avait été question, au

cours ces journées, en effet, que des artistes

et des dispositifs d’éducation artistique

faisant appel aux artistes.

Cette question, ce désarroi, je ne l’ai

pas entendu comme une demande

« pédagogique » ou « didactique ». Ce

professeur ne se serait nullement satisfait

d’un discours sur le partenariat, qui avait

d’ailleurs été largement exposé. Non. Sous

l’inquiétude bien compréhensible, se tenait

un constat assez simple mais décisif et

même « stupéfiant », « scandaleux », au sens

étymologique : ce dont il avait été question,

et ce dont il est aussi question dans ce

colloque lyonnais, ce n’est pas de la place et

du rôle de l’art en éducation, à l’école, mais

bel et bien de l’entrée de l’artiste en tant

qu’artiste dans le champ éducatif, dans le

domaine des missions de l’école.

Je crois que c’est en effet une bonne question :

« Pourquoi des artistes à l’école ? Et pourquoi

aujourd’hui » ? « Pourquoi des artistes dans

l’école par les temps qui courent ? »

Je ne prétends pas y répondre, mais à l’orée

de ce colloque, je me propose d’ouvrir au

moins quelques pistes.

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Une première piste :

sous le signe partagé de l’esthétique

Je ne développerai pas la première piste, elle

veut simplement rappeler que ce qui nous

occupe s’inscrit dans un mouvement

général, dans une dynamique d’ensemble

affectant l’éducation et l’école, non sans

relation avec la société et la culture dans son

ensemble : la montée en puissance d’un

certain nombre de valeurs ou de dimensions

que l’on peut qualifier de façon générale

d’esthétique : redécouverte du sensible, du

corps, de l’imagination, de l’émotion, de la

singularité… Autant d’éléments en effets

plus proches du vocabulaire de l’art et de

l’esthétique que de celui de la rationalité

scientifique. Il m’est arrivé de théoriser ce

mouvement en avançant l’hypothèse d’un

basculement du modèle éducatif, longtemps

et encore assez largement d’inspiration

rationnelle-scientifique, vers un « modèle

esthétique en éducation ».

Cette considération générale ne répond pas

toutefois à la question angoissée de mon

professeur d’arts plastiques. Pourquoi des

artistes « en chair et en os » ? Cette question

ouvre la seconde piste.

Une seconde piste :

l’artiste « à la place » de l’enseignant ?

Je me contenterai sans trop de commentaires

de vous soumettre quelques réponses :

Une première réponse à minima : celle

d’Erutti, plasticienne, qui a été en résidence

à EAL : Seul un artiste peut introduire l’élève,

l’enfant, dans une véritable expérience

esthétique, l’enrôler dans une authentique

démarche artistique, parce que lui seul

l’habite pleinement. Réponse discutable

sans doute, qui fait trop l’impasse sur le

partenariat, mais qui a le mérite de nous

mettre en face d’interrogations

dérangeantes mais incontournables : L’appel

aux artistes vise-t-il à « mieux faire » ce que

l’enseignant seul ne peut accomplir, ou à

faire « autre chose, autrement » ? Ne

désigne-t-il pas en creux l’existence d’une

limite inhérente à l’enseignement dès lors

qu’il s’agit du pouvoir éducatif de l’art ?

La réponse de Gérard Garouste : Interrogé

sur l’apport de l’artiste à ces élèves en

difficultés accueillis par des artistes en

résidence à La Source, lieu éducatif créé par

le peintre, Gérard Garouste m’avait fait la

réponse suivante : « Ce que l’artiste apporte

d’abord ? Une nécessaire et salutaire

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déstabilisation. Ce n’est pas l’absence de normes,

mais la capacité à produire, travailler, déplacer la

normativité qui importe… ». Un propos

qu’explicitait une autre réponse,

métaphorique, comparant les rôles et les

places comparatives de l’artiste et de

l’enseignant aux pièces de l’échiquier.

L’artiste a tous les privilèges de la diagonale

du Fou, voire ceux de la Reine (le Fou est

néanmoins choisi pour sa portée

métaphorique, on l’aura compris), tandis que

l’enseignant se trouve consigné au pré-carré

du Roi, au champ-clos royal. Esthétiquement,

si je puis dire, le maître-roi est nu…

Je pourrai enfin emprunter à Marc Le Bot, ou

du moins envisager à partir de ses propos

sur l’art, une troisième réponse, pas très

éloignée de celle de Garouste, à première

vue : « J’appelle art, déclare Le Bot, ces effets

de perturbation que l’artiste produit dans un

langage par ailleurs très normalisé, et par lesquels

il rompt la communication. Il n’y a rien à

comprendre. Il s’agit d’affronter ».

Les objets de l’art constituent une

protestation qui s’oppose aux modes

habituels de perception et de

compréhension. Et donc du même coup,

ajouterai-je, une sorte de machine de guerre

contre la logique scolaire, le règne de

l’expliquer/comprendre.

Une troisième piste :

le Cheval de Troie dans la forme scolaire

Une troisième piste pourrait s’appeler méta-

phoriquement « la piste du Cheval de

Troie » : l’artiste dans l’école contre l’école,

pour desserrer - voire défaire - l’étau de la

forme scolaire.

À suivre cette piste, on est aussitôt appeler

à être attentif à ce que « l’entrée de l’artiste »

inéluctablement bouscule dans l’école.

Ses effets sur la forme scolaire. Il s’agit

d’effets spatiaux, temporels, relationnels,

déjà bien documentés, et qu’on retrouvera

assurément dans les communications et

discussions de ce colloque.

Dans cette perspective, à un premier niveau,

nous pourrions analyser l’entrée des artistes

dans l’école comme un processus de

« déscolarisation », de « dé-disciplinarisation »

des arts. Ce n’est pas là quelque chose

d’anodin, bien au contraire. Cela touche

nécessairement à la nature même de l’école,

ou plus exactement de la forme scolaire.

Cela peut être lu comme l’indice d’un

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changement profond, certes encore

souterrain, voire marginal, qui fait signe vers

une autre école…

À un second niveau, dès lors, nous touchons

à des processus et à des enjeux qui

débordent de beaucoup l’enjeu de

« l’éducation artistique », puisqu’ils

concernent le devenir de l’école elle-même,

du modèle éducatif, et procèdent d’une

vision critique et d’une visée de rupture avec

l’état des choses. L’artiste pour changer

l’école, pour changer une école qui doit

changer, mais ne peut changer par elle-

même. C’est la lecture maximale que je

proposerai de la politique éducative des arts

menée un temps par Jack Lang. L’image du

cheval de Troie, donc. Et une réponse à mon

professeur d’arts plastiques.

L’art d’aujourd’hui,

l’école d’aujourd’hui :

des préoccupations en partage

Reste toutefois au moins une question,

ouvrant une quatrième piste : mais pourquoi

les artistes en tant qu’artistes « y vont-ils » ?

Pourquoi l’art contemporain est-il aussi un

art engagé dans l’école ?

Les pistes précédentes oublient une donnée

essentielle. Elles n’interrogent pas du côté

des artistes eux-mêmes. Pourquoi en effet

les artistes d’aujourd’hui acceptent-ils -

voire même revendiquent-ils - d’entrer dans

l’école ? Pourquoi « y vont-ils » ? Comment

comprendre ce double mouvement, de

l’art(iste) contemporain vers l’école et le

champ éducatif, d’artistes « en « demande

d’école », d’un côté, et de l’école en

demande d’art(tistes) contemporains, de

l’autre ?

Voici la thèse que je défendrai : Si l’art et les

artistes d’aujourd’hui sont impliqués et

sollicités dans le champ éducatif, si même ils

s’y engagent, c’est parce qu’il y a dans l’art

d’aujourd’hui et la démarche artistique

d’aujourd’hui, qu’elle se déploie sur le plan

visuel, sur le plan émotionnel, ou sur ceux

de l’énergie ou de la pensée, quelque chose

qui touche aux questions et aux problèmes

éducatifs aujourd’hui majeurs, quelque

chose qui touche « à la source de

l’éducation » pour notre monde. L’art et

l’éducation ont en commun des questions et

des problèmes majeurs.

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Ces questions, ces problèmes, me semblent

graviter autour de trois points : 1) l’individu,

le sujet « comment éduquer, former le sujet

aujourd’hui ? Comment se « fabrique » le

sujet contemporain ? 2) la créativité, la

création, et derechef l’origine : que recouvre

la demande de création et de créativité qui

concerne aujourd’hui chacun ? 3) la norme,

la loi : comment fabriquer de la norme et de

la normativité tout en invitant chaque sujet à

« être lui-même » ? Qu’est-ce que l’art a à

nous apprendre là-dessus ?

* * *

Je m’en tiendrai là, puisqu’il s’agit d’ouvrir

et de baliser notre espace de recherche. Ce

ne sont en l’état que des pistes. Je ne doute

pas que vos communications et nos

échanges les croiseront plus d’une fois.

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Les résidences en recherche

L’Opéra à l’École

MARIE EVREUX , Opéra de Lyon, chargée de médiation culturelle

Un projet artistique

L’Opéra à l’école est un projet artistique et

culturel initié à la rentrée 2011 par l’Opéra de

Lyon pour une durée de trois ans dans une

école élémentaire et un collège de Vénissieux.

Le projet se construit autour de deux axes :

Des ateliers de pratique artistique menés

par sept artistes, mêlant, en écho à la

nature de l’opéra, la musique, le théâtre,

la danse et les arts plastiques ;

Des activités de découverte de l’Opéra :

rencontres et ateliers avec des artistes et

des techniciens, spectacles et épétitions.

Le projet est piloté par le pôle

de développement culturel de l’Opéra, en

partenariat avec l’Éducation Nationale et

la ville de Vénissieux. Il reçoit le soutien

financier et matériel de plusieurs mécènes :

la Fondation d’entreprise Total, la Fondation

d’entreprise France Télévisions et l’entreprise

Clairefontaine.

Un projet d’étude

Une équipe de l’Institut Français

de l’Education (l’IFÉ) accompagne les acteurs

du projet en réalisant une étude, L’Opéra aux

Minguettes, qui comporte deux volets :

Une étude de terrain à travers la

méthodologie de l’observation filmée

des interactions sociales, portée par

Christian Lallier ;

Une enquête compréhensive portée par

le Centre Alain Savary construite à partir

d’une démarche d’observation et

d’analyse sur ce qui se vit et ce qui se

joue au cours de cette expérience du

point de vue des professionnels engagés

dans l’action et des élèves. Cette enquête

s’appuie sur l’observation et l’utilisation

d’outils de la recherche en sciences

sociales : enquêtes par questionnaires,

entretiens et groupes de travail.

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Le pôle de développement culturel avait déjà

travaillé avec des équipes de recherche lors

de la réalisation des projets participatifs

Kaléidoscope 1 et 2.

La question de la commande d’une

évaluation et de son financement se pose

désormais en amont des projets et la

formulation des attentes s’affine.

Les attentes de l’Opéra pour ces études sont

les suivantes :

Apport méthodologique afin d’aider les

parties prenantes (artistes, opérateurs

culturels, partenaires) à prendre du recul

tout au long de la mise en œuvre du projet ;

Confirmer des intuitions, réajuster

certaines propositions en cours de projet ;

Capitaliser sur les éléments de réflexion

mis en avant par les chercheurs pour

construire de nouveaux projets.

Ce projet d’étude a pour objectif de valider

ou d’amender les postulats de départ du

projet. Il croise les problématiques et

questionnements des différents acteurs

(institutions culturelles, éducatives, tutelles)

dans le but de préciser les impacts d’une

action culturelle et artistique d’ampleur

à l’école sur :

- les participants et les cadres d’actions ;

- l’organisation des enseignements et

les méthodes d’apprentissage ;

- les dynamiques de partenariat ;

- les processus de création artistique,

les pratiques des artistes.

L’étude tend à évaluer la traduction de ces

postulats dans le réel, avec une finalité

opérationnelle : quels éléments favorisent la

réussite du projet ? Comment faire évoluer le

dispositif ?

Au terme de deux années de projet, des

points de satisfaction se dégagent :

La relation partenariale construite entre

l’équipe de recherche, l’Opéra et les

enseignants soutenue par un retour

régulier sur l’avancée de l’étude

contribue à instaurer la confiance et le

dialogue entre tous les acteurs.

Le partage des observations et les

questions des chercheurs sur les

pratiques sont des apports essentiels

pour prendre du recul et remettre en

perspective les actions et ce qui les fonde.

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Toutefois des questionnements subsistent :

La présence de chercheurs contribue à

nourrir des attentes qui ne sont pas

réalistes (justification « scientifique »

d’une plus-value d’une action artistique

à l’école par exemple), dans un contexte

où l’on encourage une vision utilitaire

des pratiques culturelles.

Les temporalités de la recherche et des

établissements culturels ne sont pas les

mêmes : travailler sur des études

d’impact dans un calendrier d’action

contraint (les trois ans du projet) s’avère

complexe et induit une étude des

impacts à moyen terme uniquement.

Pour en savoir plus :

- Sur le projet l’Opéra à l’école : www.opera-lyon.com

- Rapports de recherche : rapports intermédiaires de l’IFE et rapports d’études relatifs aux

projets Kaléidoscope. Contacter Stéphanie Petiteau et Marie Evreux : [email protected]

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Classe artistique expérimentale au collège : Quelle influence sur le travail ordinaire des enseignants ?

FRANÇOISE CARRAUD , maître de conférence en Sciences de l’Education ISPEF,

Université Lumière – Lyon 2

Des artistes à l’école :

source d’innovation et d’amélioration ?

Les résidences d’artistes en milieu scolaire,

comme les différents partenariats avec des

artistes, sont souvent présentés comme des

innovations pédagogiques, innovations qui

sont elles-mêmes envisagées comme des

« améliorations » du système scolaire qui

pourraient, voire devraient, produire des

effets positifs sur les résultats scolaires des

élèves, notamment ceux qui sont les plus en

difficultés. Cette question de l’amélioration du

système et de la progression des résultats des

élèves au regard des évaluations nationales et

internationales est épineuse. Elle est souvent

mise sur le devant de la scène politique et

médiatique qui parle aussi d’efficacité,

d’efficience voire de productivité de l’école.

Elle est renforcée par les problèmes

d’insertion sociale et professionnelle des

élèves devenus adultes.

Depuis des décennies, les gouvernements

successifs ont produit et mis en œuvre des

réformes de multiples natures avec pour

objectif explicite une meilleure efficacité du

système et, plus ou moins implicitement, une

visée de transformation des pratiques

enseignantes. Comme si ces pratiques

professionnelles étaient déficientes, comme si

elles étaient à l’origine des mauvais résultats

des élèves. Or les chercheurs qui ont étudié ces

réformes et leurs effets, ne peuvent toujours

mettre en évidence des relations de causalité

entre ces transformations organisationnelles,

didactiques ou pédagogiques et les résultats

des élèves, et ne peuvent guère statuer sur leur

efficacité (ou inefficacité).

Cela ne signifie certes pas qu’il n’existe

aucune relation entre ces évolutions,

transformations ou innovations et les

résultats scolaires des élèves, cela ne signifie

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pas non plus, comme certains le prétendent,

que les enseignants résisteraient à tout

changement et empêcheraient toute

progression du système. Mais la multiplicité

des variables qui influent sur les réussites ou

échecs scolaires, leurs différents liens et

interconnexions, le rôle des contextes

éminemment variables et influents eux-

aussi, rendent difficile la mise en évidence de

facteurs favorisant, de manière avérée et

univoque, la réussite scolaire de tous les

enfants, quels que soient leurs milieux

sociaux et familiaux.

Pour autant, à l’heure actuelle, l’innovation ou

l’expérimentation pédagogique, les pratiques

innovantes sont, non seulement mises à

l’honneur (avec certes beaucoup d’ambiguïtés),

mais aussi prescrites par l’institution elle-

même : voir notamment l’article 34 de loi

d’orientation de 2005, mais également le rôle

du DRDIE (Département de la Recherche et du

Développement, de l’Innovation et de

l’Expérimentation) institué au sein de la

DGESCO, et des CARDIE (Conseillers

Académiques Recherche-Développement,

Innovation et Expérimentation). Dans le Vade-

mecum Innover pour une école des réussites

(rédigé par le DRDIE), il est noté que :

« Les démarches d’innovation et d’expérimentation

relèvent de la conduite du changement dans un

système complexe ».

Ainsi les projets de ces résidences d’artistes

sont toujours motivés par un effet escompté

sur les résultats scolaires des élèves soit

directement, soit indirectement par la

modification des pratiques pédagogiques des

enseignants. C’est pourquoi la plupart des

projets prévoient des évaluations, et

notamment la mesure des résultats des

élèves. Mais certains prévoient également de

mesurer les effets de ces résidences sur les

pratiques enseignantes, car comme le disent

les acteurs : « On sait que tout cela coûte très

cher ». Mais le malentendu est parfois grand

car tous les enseignants n’anticipent pas de

la même manière ces changements

professionnels : la plupart estimant que la

présence d’artistes, les pratiques artistiques

réalisées par les élèves sous la conduite

d’artistes, ou encore les sorties, visites ou

spectacles artistiques peuvent combler un

écart culturel, apporter aux enfants des

formes de prérequis culturels leur permettant

de mieux suivre et acquérir les apprentissages

proprement scolaires, sans qu’il soit pour

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autant nécessaire de modifier les dispositifs

de ces apprentissages scolaires.

C’est dans ce contexte général que peuvent

être étudiées les résidences d’artistes en

milieu scolaire et notamment le travail de la

classe artistique expérimentale du collège de

La pinède1.

Un collège, une expérimentation

et une recherche

Ce collège intégré au programme ECLAIR

scolarise un peu plus de 500 élèves,

population largement issue de l’immigration

et marquée par un fort taux de chômage. Les

résultats scolaires sont inférieurs d’environ

20 % à la moyenne départementale. Les

enseignants (une soixantaine) sont peu

nombreux à rester au-delà de quelques

années. Mais il existe un noyau stable,

composé d’enseignants expérimentés, dont

l’équipe engagée dans ce projet.

Le projet de la classe artistique expérimentale

est dû à l’initiative d’une association

1Le nom du collège a été transformé afin de respecter l’anonymat et la confidentialité des enquêtés, comme le veut

la déontologie des sciences sociales (même si cet anonymat est parfois difficile à tenir, notamment dans le cas de

recherches réalisées dans le cadre de projets expérimentaux, et subventionnées par des commanditaires qui

souhaitent rendre publiques leurs actions).

2Présentation du projet sur le site internet de l’association.

3Idem

départementale visant le développement de la

danse et de la musique et soutenue par le

Conseil Général. Il a été proposé au rectorat de

l’académie, qui a recommandé ce collège, et il

est soutenu par plusieurs organismes et

fondations. Il a « pour objectif d’intégrer les

pratiques artistiques dans un projet pédagogique

transdisciplinaire pour favoriser la réussite scolaire

et éducative de l'élève. […] prévenir les difficultés à

l’école et développer l’ambition scolaire »2.

Il vise aussi à « transformer les pratiques

professionnelles » : « […] La fréquentation

régulière des artistes et la confrontation

permanente des démarches pédagogiques et

artistiques obligent à une grande ouverture d’esprit

et à beaucoup d’inventivité pour tirer le meilleur

parti d’une relation forcément complexe. Les effets

sont prioritairement attendus du côté des

enseignants mais concernent aussi nécessairement

les artistes »3.

L’observation, l’étude et l’évaluation

scientifiques de cette expérimentation,

comme l’accompagnement et le suivi du

projet, prévus dès l’origine par les initiateurs,

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sont assurés par une équipe de cinq

chercheurs du laboratoire Éducation, cultures

et politiques, issus de disciplines de

recherche distinctes : Alain Kerlan

(philosophie de l’éducation), spécialiste de

l’art à l’école, coordonne l’ensemble ; Céline

Choquet (dans le cadre de sa thèse de

doctorat) étudie les résultats du dispositif sur

les parcours des élèves tout au long des

quatre années de collège ; Marie-Christine

Pipérini (psychologie de l’éducation)

s’intéresse à l’évolution de l’estime de soi des

élèves inscrits dans cette classe ; Samia

Langar (dans son mémoire de master 2) a

rendu compte de l’influence de cette

expérimentation sur les familles et leurs

relations à l’école ; et moi-même qui travaille

sur les questions de professionnalité

enseignante à partir des théories de l’activité.

C’est ainsi que depuis le début de

l’expérimentation (en 2009), je cherche à

comprendre les effets de ce dispositif de

classe artistique sur le travail des

enseignants : ce dispositif modifie-t-il le

travail ordinaire des enseignants ? Si oui de

4Les Formes de l'expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995, 337 p. (page 11)

quelle manière ? Quelles sont les influences

majeures ? Pour quelles conséquences ?

La démarche est de type ethnographique : il

ne s’agit pas d’une évaluation au sens

habituel du terme mais d’une description

détaillée de l’activité ordinaire et du sens que

les acteurs donnent à cette activité. Comme

le dit l’historien Bernard Lepetit ma première

question est « comment ça marche ? » et non

« pourquoi cela ne marche-t-il pas

mieux ? »4. Dans ce sens l’évaluation n’est

pas réalisée de l’extérieur, elle n’est pas

produite par les chercheurs indépendamment

des acteurs : elle est dévolue aux acteurs

eux-mêmes. Ce sont eux qui évaluent, c’est-

à-dire qui déterminent la valeur de leur

activité : quel sens, quelle valeur donnent-ils

à leur activité professionnelle dans ce

contexte spécifique de travail qu’est la classe

artistique expérimentale, au sein d’un collège

situé dans un quartier sensible c’est-à-dire

en difficulté économique et sociale ?

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L’organisation de la classe

artistique…

La mise en œuvre du projet a nécessité une

organisation rigoureuse élaborée par les

enseignants eux-mêmes en 2009-2010.

Pour que les élèves suivent chaque semaine

deux ateliers artistiques de trois heures

chacun (soit deux demi-journées dans la

semaine), sans avoir un emploi du temps plus

chargé que celui des autres classes de

sixième, le nombre d’heures de cours de

chaque discipline a été réduit sur l’ensemble

de l’année scolaire (au prorata de leur part

respective dans l’emploi du temps). Les

enseignants, tout en ayant moins d’heures de

cours avec les élèves de cette classe, doivent

cependant effectuer l’ensemble de leurs

heures de service, c’est pourquoi ils sont

alternativement présents pendant les temps

d’ateliers conduits par les artistes (en fonction

du nombre d’heures « abandonnées » au

profit de ces ateliers)5. À cela s’ajoutent des

temps de résidences ou de mini-résidences

avec les artistes (et auxquels assistent les

enseignants concernés), des journées de

5Cette « présence » a fait l’objet de nombreuses discussions et reste un point névralgique du projet : quel est le rôle

de l’enseignant pendant ces ateliers ? Quelle posture ? Quelle influence sur le travail des artistes (en sachant que

tous les enseignants sont amenés à être présents à des différents moments de l’année, quel que soit leur degré

d’engagement dans le projet) ? Quelle influence sur le travail en classe des enseignants ? Sur les relations entre

enseignants et artistes ? C’est sur ces points que nous poursuivons notre étude (cf. deuxième partie de ce texte).

formation pour les enseignants avec les artistes,

des temps de réunions hebdomadaires, et de

nombreuses visites et spectacles pour lesquels

les enseignants accompagnent les élèves.

Les pratiques artistiques, les artistes et leurs

compagnies ont été choisis par le collectif

des enseignants et des commanditaires du

projet : en classe de 6ème, il s’agissait de

danse contemporaine ; en 5ème, de théâtre et

d’écriture ; en 4ème, musique et écriture (avec

le même écrivain que l’année précédente) ; et

en 3ème (2013-2014) une compagnie de

théâtre a mêlé différents arts : écriture,

théâtre, musique, vidéo… L’enquête n’ayant

pas porté sur le processus de choix de ces

compagnies et de ces artistes, il est difficile

de dire précisément comment et sur quels

critères ils ont été élus.

D’une certaine manière, les projets artistiques

ou culturels font partie de l’histoire de ce

collège : dans les entretiens, les enseignants

évoquent leur goût pour le travail à plusieurs qui

les encourage à demeurer dans l’établissement.

C’est ainsi qu’ils ont immédiatement adhéré au

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projet proposé par un de leurs collègues (ancien

dans l’établissement) et ont œuvré à constituer

une équipe complète pour une même classe.

Ceci ne doit pas faire oublier que tous les

enseignants de la classe artistique (une

douzaine) ne sont pas engagés au même

niveau : tous ne participent pas à toutes les

réunions ou aux temps de formation, mais ils

ont tous, d’une manière ou d’une autre, accepté

le principe et l’organisation de cette classe.

… et de la recherche correspondante

L’enquête concernant les enseignants et leurs

pratiques professionnelles, est principalement

basée sur des entretiens individuels, avec

quelques moments d’observation, notamment

pendant les réunions collectives.

En 2010-2011 : dix entretiens ont été

conduits, avec cinq enseignants

différents, à deux moments dans l’année

scolaire (décembre et juin).

En 2011-2012, deux longs entretiens

(début juillet) avec deux enseignants

différents : l’un nouvellement entré dans

le projet et l’autre déjà interviewé l’année

précédente et moteur du projet (tous

deux s’apprêtant à quitter le collège).

En 2012-2013 : quatre entretiens avec

des enseignants nouvellement engagés

dans le projet.

Et juin 2014 : neuf entretiens, avec la

quasi-totalité de l’équipe enseignante.

Ces entretiens, qui durent entre une

heure et une heure trente, portent

toujours sur l’activité concrète des

enseignants.

Le questionnement général et les principales

questions de recherche concernent le travail

ordinaire dans le contexte de cette classe

artistique expérimentale : le fait de travailler

au sein d’une équipe d’enseignants enrôlés

dans le même projet, de se réunir très

régulièrement avec des collègues et avec

différents acteurs intervenants dans ce

projet, de déléguer une partie de son temps

de travail à des artistes, sur des temps

scolaires, tout en participant à ces temps de

pratique artistique, contribue-t-il, ou non, à

modifier ou à transformer les pratiques

ordinaires de ces enseignants, au sein de

leurs propres classes ? Le fait de participer

aux ateliers artistiques, de voir les élèves

engagés dans des pratiques artistiques

impulsées et coordonnées par des artistes,

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de les accompagner lors de spectacles, ou à

l’occasion de leurs propres prestations

publiques, a-t-il une influence sur le travail

ordinaire de ces enseignants ?

Pour traiter ces questions, pour saisir et

analyser d’éventuelles transformations du

travail ou des pratiques professionnelles

ordinaires des enseignants, il importe de

clarifier le sens donné aux expressions « travail

ordinaire » ou « pratique professionnelle

ordinaire ». Notre intérêt, ancien, pour le

travail ordinaire et quotidien des enseignants

est ancré dans le concept de

« professionnalité » définit à partir des travaux

du sociologue Aballéa (1992) pour qui la

professionnalité est un système de normes et

de valeurs en acte. Ce terme, venu de l’italien

professionalità, utilisé dans les années

soixante-dix par les syndicats italiens des

usines FIAT, désigne un patrimoine commun

que les ouvriers veulent défendre et faire

reconnaître, une somme de connaissances,

de capacités et expériences. Ainsi la

professionnalité suppose un métier, une

expertise (des savoirs et des cod’mpétences)

et un système de références normatives ou de

valeurs (déontologie, éthique), un univers

moral. En effet, la professionnalité prend en

compte l’histoire de l’individu (son histoire

personnelle, sociale, technique et culturelle)

et s’intéresse aux systèmes de références,

valeurs et normes que cet individu met en

œuvre au cours de son activité

professionnelle. C’est dans ce sens que nous

utilisons ce terme ici.

Pour saisir cette professionnalité comme

système de normes et de valeurs en acte,

nous nous intéressons aux discours des

enseignants sur leur activité concrète. Il ne

s’agit pas de faire apparaître et de récolter

des représentations, ou des discours de

rationalisation sur le travail, mais de faire

raconter le travail par le détail, par le menu,

pour, à partir du récit de l’activité même,

saisir les normes du travail qui sont en jeu et

ce que à la suite de Schwartz (1997) nous

appelons les processus de re-normalisation

du travail, en situation et en contexte.

La recherche étant en cours, les résultats sont

encore partiels et provisoires : ils concernent

tout d’abord le travail enseignant au sein

de la classe puis, dans un second temps,

ils traitent du travail des enseignants au sein

des ateliers de pratiques artistiques conduits

par les artistes.

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Premiers résultats :

à propos du travail

enseignant dans la classe

« Éviter d’instrumentaliser

les pratiques artistiques »

Le travail enseignant comporte différentes

dimensions : notamment préparer les cours,

les mettre en œuvre tout en assurant

l’organisation et le contrôle du groupe classe,

ou encore évaluer les acquisitions des élèves. À

ces principaux aspects, assez bien connus et

répertoriés par les chercheurs, s’ajoutent des

activités invisibles ou cachées, mal connues :

des tâches matérielles, organisationnelles ou

encore relationnelles ou émotionnelles.

Ainsi, les entretiens conduits la première

année ont fait apparaître que la classe

artistique expérimentale ne modifiait pas, ou

peu, le travail ordinaire et habituel des

enseignants en ce qui concerne le travail de

conception des cours. Au-delà des

adaptations, habituelles pour eux, les

enseignants semblent d’abord s’accorder sur

le fait que travailler avec cette classe

particulière ne nécessite pas de modifications

spécifiques. Le risque d’« instrumentaliser »

ou de « scolariser » le travail artistique est

souvent évoqué collectivement et repris

individuellement. Les enseignants craignent

de stériliser les apports de la classe

artistique en les faisant coïncider avec

les préoccupations scolaires liées aux

programmes et progressions. Comme si les

bénéfices attendus pour les élèves risquaient

d’être perdus ou gâchés par cette forme

scolaire qui, si elle est implicitement acceptée

comme cadre (ou « genre ») de leur propre

travail, est tout aussi implicitement refusée,

du moins en partie, quand il s’agit

d’autres types d’apprentissages, notamment

de nature artistique.

La plupart des enseignants affirment

cependant « faire des ponts » ou des liaisons

entre le contenu des ateliers et leurs

enseignements, selon le degré de proximité

entre la discipline enseignée et la pratique

artistique (EPS et danse, usage de la langue

anglaise en lien avec des artistes anglais,

etc.), et notamment en cours de français, qui

est bien revendiqué comme une matière

artistique parce qu’elle « travaille sur la

sensibilité ». Mais il faut « faire attention à ne

pas surinvestir l’atelier d’objectifs

pédagogiques ». Encore une fois, il s’agit

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d’éviter de « pédagogiser » ou « didactiser »

les activités artistiques, de les conformer à

une forme scolaire qui serait stérilisante. Dans

le même temps, le travail des artistes, qui ne

se conforme pas à ce modèle, déstabilise

quelque peu le travail des enseignants. Pour

nombre d’entre eux, il semble que l’absence

de programmation, le fonctionnement « un

peu trop improvisé », ont été gênants. Même

si les enseignants se sont « adaptés », cela les

a parfois empêchés de « faire des liens avec la

classe » et les apprentissages, en vocabulaire

par exemple.

Les entretiens conduits les années suivantes

n’ont pas démenti cette volonté de ne pas

trop remettre en question la conception et le

déroulement des activités scolaires, des

cours et des apprentissages disciplinaires. Il

ne faut cependant pas sous-estimer les effets

de la classe artistique sur le temps scolaire et

l’organisation même des cours (qui sont

passés de cinquante minutes à une heure

trente)6. Ainsi il apparaît que le projet de la

classe artistique et la participation des élèves

à des ateliers de pratiques artistiques

plusieurs heures par semaine, sur le temps

6Voir Carraud, F. (2012). « Expérimentation dans un collège ECLAIR. Le travail enseignant entre logique scolaire et

logique artistique ». In Sociologies Pratiques, n° 25, Le collège en question : des professionnels au cœur des tensions.

habituellement consacré aux cours,

bousculent bien le travail des enseignants,

fortement normalisé par la forme scolaire et

ses exigences en termes de programmes,

programmations et progressions. Mais les

tensions ou contradictions entre

l’organisation et la mise en œuvre les

activités artistiques et les activités scolaires,

bien ressenties par les enseignants, ne

semblent pas affecter leur propre activité

professionnelle et leur adhésion à la forme

scolaire comme genre professionnel.

Des transformations relationnelles

dans la conduite de la classe

Quelle que soit la discipline concernée, les

enseignants décrivent une « manière de faire

cours traditionnelle, magistrale »,

« classique ». Il s’agit d’abord de reprendre le

travail fait à la maison et demandé lors du

cours précédent (leçons ou exercices), puis

de mener une réflexion, individuelle et

collective, à partir de textes, de documents

ou d’exercices, pour stabiliser (le plus

souvent par écrit) des connaissances qui

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devront ensuite être apprises ou appliquées

dans un exercice pour le cours suivant. À

chaque fois, le travail demandé est noté au

tableau et copié par les élèves dans leur

agenda. Le fait de travailler en équipe a

permis aux enseignants d’expliciter et

d’adopter cette « procédure » pour toute

l’année. Dans ce cadre relativement stable,

les manières de conduire le groupe et les

individus quant à elles sont toujours

instables, sujettes aux aléas des interactions

et des humeurs individuelles et collectives.

Et ce sont ces activités professionnelles, liées

aux relations des enseignants avec les élèves

ou des élèves entre eux, qui ont été le plus

transformées par la classe artistique

expérimentale.

Trois ensembles de transformations peuvent

être identifiés : les changements d’ordre

politique (le « vivre ensemble »), les

changements d’ordre psychologique ou affectif

(l’« estime de soi »), les changements d’ordre

cognitif ou comportemental (la « curiosité » et

le « goût de l’effort »).

D’une manière générale, les enseignants

constatent que les élèves sont beaucoup

moins enclins à la moquerie que dans leurs

classes habituelles : ils se respectent mieux

et osent davantage intervenir en cours à

l’oral, ils lèvent le doigt et participent

volontiers, ce qui crée une dynamique de

classe plus agréable pour les enseignants.

Dans le même registre, et en lien avec la

dimension précédente, les enseignants

constatent que ces élèves sont plus assurés :

ils ont davantage confiance en eux et osent

s’exprimer, ils sont également plus à l’aise

dans leur corps et vont plus volontiers au

tableau. Enfin, s’agissant des apprentissages,

les enseignants ont remarqué que ces élèves

sont plus curieux, ouverts et intéressés par

les nouveaux apprentissages. Parfois certains

estiment même que ces élèves sont plus

exigeants et qu’il faut leur proposer des

activités plus riches (par exemple, en anglais,

des chansons d’un autre niveau). Tous les

enseignants interrogés trouvent les élèves

plus épanouis, plus ouverts, plus autonomes

et plus engagés dans le travail scolaire.

Mais, au-delà de ces convergences, la

question de l’autorité et de la discipline

scolaire reste un point d’achoppement.

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Respecter et faire respecter

l’ordre scolaire

En effet, tout au long des années de

déroulement du projet, quels que soient les

enseignants et les artistes, les exigences

d’ordre et de discipline (silence, immobilité,

etc.) et les injonctions relatives à ces

exigences ont fait l’objet de divergences

entre ces deux groupes professionnels. Et si

les écarts entre le travail des artistes et celui

des enseignants n’ont, finalement, que peu

interrogé le travail enseignant relatif aux

contenus d’enseignement et à leur

organisation, ils ont été bien plus difficilement

vécus, par rapport aux modes de régulation de

la relation pédagogique et aux contrôles

corporels et comportementaux. En effet, c’est

au niveau de la discipline comme norme de

régulation, que les écarts ont pu être perçus

et vécus comme de réelles divergences,

désaccords assez vivement dénoncés, même

à mots couverts, tant par les enseignants que

par les artistes7. Dans le même temps, le

projet de la classe artistique a donné une plus

grande visibilité à ces normes disciplinaires

7 Quelques entretiens menés avec les artistes, par des collègues, ont montré que ces artistes étaient eux-mêmes en

désaccord, voire en conflit, avec les attitudes et les pratiques des enseignants.

8 La notion de « sale boulot », formalisée par le sociologue Hughes, a été reprise par Payet à propos de l’école (1997)

et nuancée par Barrère (2003).

qui, souvent, restent en partie dans l’ombre

du « sale boulot »8. Cette visibilité a aussi

implicitement contribué à re-normaliser

collectivement des normes souvent intégrées

comme individuelles. Plusieurs enseignants

ont longuement relaté comment, le fait de

voir le travail des artistes, ou d’autres

collègues, le fait de constater leurs

différentes manières de contrôler le groupe

et de faire respecter l’ordre scolaire, a

influencé leur propre conception de la

discipline et de la régulation des

comportements des élèves. D’autres ont

davantage insisté sur les écarts de perception

et d’intervention. Cette question de la gestion

de la discipline, de la mise au travail des

élèves et de leur engagement dans l’activité

est particulièrement visible lors des d’ateliers

eux-mêmes. Ainsi ces temps de pratiques

artistiques ont-ils fait l’objet d’investigations

plus poussées lors des entretiens réalisés la

seconde et la troisième année.

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Des résultats en cours de

formalisation : le travail des

enseignants au sein des ateliers

de pratiques artistiques

Lors des ateliers de pratiques artistiques (qui

se déroulaient pendant une à deux demi-

journées par semaine), les enseignants

étaient toujours présents (en fonction de

leurs heures de service). En règle générale, si

ces ateliers étaient conduits par un (ou

plusieurs) artistes, un enseignant était

également présent pendant la première

partie (qui durait une heure trente) et un

autre durant la seconde partie (qui durait

aussi une heure trente). Chaque enseignant

ne restant présent lors des ateliers que

durant quelques mois. Ceci sans oublier la

présence régulière des chercheurs et autres

observateurs, ainsi que celle des

commanditaires du projet. Au final, plusieurs

adultes, ayant des statuts et des rôles très

distincts, étaient présents en même temps,

dans un même lieu, avec le même groupe

d’élèves.

La présence des enseignants était donc

obligatoire (puisque effectuée dans le cadre

de leur service d’enseignement), mais elle

n’était que très peu organisée, prévue,

planifiée, aucune tâche n’étant « prescrite ».

Et, lors des entretiens, la plupart des

enseignants disent leur malaise : leur

sensation de ne rien avoir à faire, de ne pas

travailler et même « d’être payés à ne rien

faire ». Pourtant, lorsqu’ils décrivent, en

détail, leur activité, celle-ci apparaît riche et

variée, même si elle n’est pas « prescrite ».

Ainsi, peu à peu, en fonction des contextes et

des artistes intervenant, à partir du travail

qu’ils ont l’habitude de réaliser, les

enseignants « inventent » de nouvelles

formes de travail qu’ils adaptent en situation.

Comme le résume l’un d’entre eux : « Petit à

petit, je me suis rendu compte que mon travail

c’était d’être là, ce n’était plus un souci… ».

Au fil des entretiens, cette formule, « Être là »,

renvoie nécessairement à différentes façons

d’être là, à différents rôles et différentes

postures qui peuvent être entremêlés. Ainsi

les enseignants veulent à la fois « garder [leur]

rôle de prof » et « délaisser [leur] position », ce

qui est « un peu difficile » disent-ils. Ainsi ils

peuvent « jouer » plusieurs rôles en même

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temps (« conjuguer les rôles ») ou passer de l’un

à l’autre en explorant toutes les nuances d’un

continuum qui va du rôle de prof à celui

d’élève en passant par celui d’artiste,

d’entraineur ou de coach.

Rôle de prof

Tous les enseignants signalent qu’ils doivent

« être prof » pour tout ce qui concerne

l’organisation du travail des élèves : « tout ce

qui est institutionnel ne concerne pas les

artistes » dit l’un d’eux. Ainsi ce sont eux qui

vont chercher les élèves dans la cour, font

l’appel (avec parfois des difficultés

techniques quand l’ordinateur de la salle

prévue pour les ateliers ne fonctionne pas),

font installer les élèves (en demandant de

poser les cartables, les vêtements, ou de les

récupérer à la fin), s’attachent à obtenir le

calme, etc. Plusieurs expliquent qu’ils

organisent, et parfois prennent eux-mêmes

en charge, un rituel pour débuter la séance,

pour faire du lien avec les séances

précédentes.

En tant que professeurs, ils se sentent

chargés de la discipline et estiment devoir

faire respecter et régner l’ordre scolaire. Ce

point est sujet à controverses, nous l’avons

vu. Tous les enseignants s’interrogent :

quand doivent-ils intervenir pour ramener le

calme ? Le font-ils trop ou trop peu ? Même

s’ils en discutent avec les artistes (et avec

leurs collègues) les seuils de perception du

désordre sont très variables : selon les

enseignants, selon les artistes, selon les

jours, les « moments de flottement, de

bazar » sont jugés graves ou pas. En effet,

cette perception du désordre, imminent ou

avéré, varie non seulement d’un individu à

l’autre mais aussi d’un jour à l’autre, selon

les contextes et les situations, en fonction de

ce qui a pu se passer les heures ou les jours

précédents, dans la classe, dans le collège,

dans le quartier. De même, les modalités

d’intervention pour assurer ou retrouver le

calme peuvent varier : depuis le petit

claquement de lèvres presqu’imperceptible,

les haussements de sourcils ou le regard

appuyé en direction d’un élève, jusqu’au

déplacement physique vers un de ces élèves

pour le morigéner, le mettre à l’écart,

l’exclure ou le punir, ou seulement le

maîtriser par une présence proche, en

passant par les remontrances collectives, les

propos moralisateurs ou les menaces…

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Les gestes professionnels destinés à

contrôler les individus et le groupe, parfois

infimes ou minuscules, sont extrêmement

nombreux. Si tous les enseignants n’usent

pas des mêmes gestes dans des situations

qui peuvent sembler proches, tous se sentent

investis de cette mission de contrôle et de

surveillance.

Du côté des artistes, il semble que les

interventions des enseignants soient souvent

embarrassantes, voire importunes ou

envahissantes (mais aucune enquête

rigoureuse n’a été faite sur ce point, et les

discours et perceptions doivent également

différer selon les personnes et les contextes).

Alors que pour les enseignants, il apparaît

clairement qu’ils doivent agir, que c’est leur

rôle : « Je sentais qu’il fallait que j’intervienne, que

je prenne la parole et là c’était mon rôle de prof ».

Pour certains, il est même de leur devoir de

« donner ou transmettre son autorité » à l’artiste :

« lui donner son autorité, il me semblait que ça

passait par moi », par exemple en lui faisant

sentir qu’ils sont tous deux « sur la même

longueur d’ondes ».

« Être prof » cela peut être aussi reprendre des

éléments du travail fait en atelier lors des cours

ordinaires, nous avons vu que c’était assez

rare. Malgré tout cela existe, de manière

discrète, et si les effets à long terme sur leur

travail ordinaire sont difficilement mesurables,

ils ne sont pas négligeables. « Être prof » c’est

encore réexpliquer, reformuler les consignes :

rester auprès de petits groupes ou d’élèves

particuliers, et redire ce que l’artiste a

demandé à tous, redire, répéter, encore et

encore… Tout en stimulant les élèves, en les

motivant, en les engageant dans les activités

proposées et veillant à maintenir cet

engagement, motivation ou intéressement. Ce

travail de reformulation et de stimulation

pourrait conduire à jauger et corriger les

élèves, mais si les enseignants sont présents

pour aider et accompagner, ils ne s’autorisent

pas à juger ou évaluer. Par une forme d’accord

tacite, les pratiques d’évaluation des

apprentissages artistiques, paroles ou gestes,

sont réservés aux artistes. Les enseignants

peuvent évaluer, corriger ou punir les

comportements inadéquats mais pas les

activités artistiques. Dans ce sens ce travail

d’accompagnement individualisé des élèves ou

des petits groupes, renvoie davantage à un rôle

d’entraîneur, voire de coach, qu’à un rôle

d’enseignant au sens strict.

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« Être coach »

Un coach est aussi un entraîneur, un mentor

ou un conseiller, un accompagnateur9. Dans

ce sens les enseignants expliquent être

souvent dans cette position de celui qui donne

des conseils, qui aide individuellement, qui

encourage : « qui entoure l’élève dans ce qui lui est

demandé ». Ce travail d’accompagnement

personnalisé, de coaching, est rarement

effectué par les enseignants dans leur classe,

quand ils doivent faire cours, contrôler le

groupe et l’engager dans le travail scolaire.

Alors que, durant les ateliers, un enseignant

explique de manière détaillé qu’il « n’est pas

entraineur mais capitaine », c’est-à-dire membre

du groupe, chef d’équipe : « celui qui dit qu’il

faut y aller, qu’il faut pousser la montagne » et que

les élèves suivent par mimétisme. Cette

attitude de coach, à mi-chemin entre le prof

qui enseigne, qui réexplique et reformule, et

l’artiste qui dirige le groupe et le travail,

glisse aussi, imperceptiblement vers le rôle

d’élève. Et tous les enseignants rencontrés

ont, à un moment ou un autre, endossé ce

rôle d’élève.

9Voir Rey (2012). Dictionnaire historique de la langue française.

« Jouer à l’élève »

La plupart des enseignants (sauf ceux qui se

sont refusés à « jouer le jeu » mais c’est resté

exceptionnel et momentané) se sont, à divers

moments, volontairement enrôlés comme

élèves, notamment lors des échauffements :

comme les élèves ils peuvent enlever leurs

chaussures, s’asseoir par terre, faire des

exercices corporels ou d’écriture, danser,

jouer d’un instrument… Et ne craignent pas de

perdre leur autorité ou prestige de prof en

faisant cela. Parfois, quand les élèves

préparaient un spectacle ou une

représentation théâtrale, certains enseignants

ont également choisi de « remplacer »

des élèves : « […] et donc là je m’asseyais sur une

chaise, je savais pas trop quoi faire, qui dire […]

j’étais un peu mal à l’aise […] je trouvais que j’étais

assez inutile […] et puis je me suis mis à remplacer

les élèves absents ». Et cet enseignant de

poursuivre : « Et alors du coup j’ai ressenti ce que

ressentaient les enfants, j’étais comédien à ce

moment-là, ça a donné de l’énergie au groupe, un

groupe qui n’était pas facile ».

Beaucoup d’enseignants se sont

complètement mobilisés, engagés, immergés

dans l’activité proposée par l’artiste et se

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sont sentis « à égalité » avec les élèves. Ils ont

alors éprouvé des émotions fortes, partagé

des « moments uniques », « inoubliables » avec

certains d’entre eux. Ce qui peut être analysé

comme un « partage du sensible10 », une

expérience esthétique, sensorielle et

émotionnelle commune, est souvent évoqué

à propos de la préparation des productions

publiques des élèves (et de ce qui leur

apparaît comme une mise en danger

publique) ou encore au sujet des spectacles

auxquels ils ont assisté ensemble11.

Mais « être élève » reste un jeu, un jeu qui

même profondément émouvant, a ses

limites : non seulement les enseignants

savent percevoir où les artistes veulent les

conduire, quand ils ne connaissent pas par

avance le déroulement ou les objectifs de

l’activité (que les élèves ignorent), mais

surtout ils peuvent choisir de « ne pas se livrer,

ne pas s’engager ou s’exposer à titre personnel ».

Ils « n’exposent pas leur intimité », ils « ne

mettent pas en jeu leur personnalité » alors qu’ils

ont le sentiment que c’est ce que les artistes

10Rancière, J. (2000).

11Ce point sera travaillé ultérieurement à la suite des derniers entretiens conduits (juin 2014) : le partage d’émotions

fortes (entre enseignants et élèves), à l’occasion de la classe artistique, influence-t-il le travail ordinaire et la

professionnalité des enseignants ?

12Ce point, important, sera également discuté ultérieurement : le choix d’activités ou de pratiques artistiques liées à

l’art contemporain a-t-il une influence sur le travail des enseignants, dans la classe et dans les ateliers ? Les pratiques

artistiques personnelles des enseignants ont-elles aussi une influence ?

peuvent demander aux élèves (ce qui parfois

les interroge vivement12). De plus, même en

participant de manière active et engagée aux

activités proposées par les artistes, les

enseignants restent toujours vigilants pour

contrôler le groupe et les écarts disciplinaires

éventuels : « [participer comme un élève] ne

m’interdisait pas de faire une remarque à un élève si

nécessaire […] je gardais ce statut d’enseignant, là ».

Et pour garder ce statut d’enseignant et faire

des remarques aux élèves, il leur fallait

endosser, souvent en même temps, un autre

rôle : celui d’observateur.

Un double rôle pour toujours

rester observateur

En effet, tous les enseignants expliquent que,

tout en faisant les échauffements ou les

exercices demandés par les artistes (danse,

écriture ou autre), ils font un effort

d’observation des élèves pour à la fois réagir,

intervenir si besoin, mais aussi et

principalement pour mieux comprendre

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l’activité de leurs élèves et également en

rendre compte : « moi j’avais un double rôle,

même en théâtre je ne prenais pas de notes mais je

me souvenais et je notais juste après tout ce qu’il

s’était passé » ; « et en écriture je notais pendant,

et je faisais l’atelier ». Ils prennent donc souvent

des notes, font des comptes rendus pour leurs

collègues. Pour observer ils ne restent pas

toujours immobiles, assis dans un coin de la

pièce, ils se déplacent et, quand ils sont auprès

des élèves ils peuvent également les aider

(mais aussi rester silencieux à côté d’eux).

Et l’on voit bien de quelle manière les

différents rôles assumés par les enseignants

lors des ateliers peuvent se chevaucher ou

s’imbriquer, s’entrecroiser parfois même se

contredire car, s’ils sont toujours

enseignants, ils sont aussi « coachs »,

« élèves », « observateurs », « animateurs »

disent-ils parfois ou encore « assistants » :

autant d’activités qui dépassent, qui

débordent le travail ordinaire. Ces activités

ne sont pas codifiées, ni par les programmes,

ni par la formation, ni même par le métier (au

sens d’un collectif professionnel). Elles ne

sont pas formalisées et restent toujours à

« inventer » au fur et à mesure, à ajuster en

situation en fonction des contextes et des

personnes. Elles engagent les enseignants

dans une re-normalisation de leur travail, au

moment des ateliers, et sans doute aussi, de

manière discrète, au moment des cours,

même s’ils continuent de conduire les

apprentissages de la même manière et de

suivre les mêmes programmes.

Avant de conclure, provisoirement, il est

intéressant de développer quelque peu un

autre rôle : celui d’assistant de l’artiste.

Assistant de l’artiste

Assurer l’organisation matérielle, maintenir

la discipline, garantir l’ordre scolaire, faire le

lien avec l’institution, etc., autant d’activités

qui, tout en relevant du métier d’enseignant,

sont aussi des tâches qui complètent, aident

ou assistent les artistes qui en sont dégagés.

Mais, au-delà de cette répartition des tâches,

qui place les enseignants au service des

artistes et qui peut s’analyser en termes de

division sociale du travail, certains

enseignants cherchent à assister les artistes

dans la conjugaison de leur travail artistique

et pédagogique. La mise en œuvre de cette

intention et de cette assistance, qui n’est pas

sans ambivalence et ambiguïté, demande

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beaucoup de temps et de disponibilité et va

au-delà des exigences ordinaires du temps

de travail enseignant. En effet, cela nécessite

beaucoup de rencontres, formelles et

informelles, de longs temps de discussion

(avant ou après les ateliers), des entretiens

téléphoniques qui semblent essentiels à

certains enseignants qui envisagent même

des préparations communes avec certains

artistes. Ainsi, même si c’est de manière

marginale et est particulièrement lié aux

individualités (enseignants comme artistes),

certains enseignants se placent volontiers

aux côtés des artistes pour travailler « avec »

eux. Ils cherchent alors à bien comprendre

les intentions, démarches et propositions des

artistes, tout en désirant, plus ou moins

explicitement, les « rapzprocher » des

enseignants, en leur suggérant d’adopter une

démarche plus pédagogique avec des

objectifs (« une direction ou un cap », « être dans

une idée de programme »), et des propositions

« moins complexes, plus lisibles ». Ainsi cette

position d’assistant, assurée et assumée par

les enseignants, qui tend à les mettre dans

une position de dépendance par rapport aux

artistes, est parfois en tension avec la posture

13 Voir Dubet, F. (2006). Injustices. L’expérience des inégalités au travail.

et le statut d’enseignant, et l’autonomie

recherchée dans le travail13. Si aucun

enseignant ne revendique la posture

d’artiste, certains, parfois, cherchent à être

des « collègues », « à égalité » avec eux. Cette

question de l’égalité, ou plutôt de l’inégalité

des statuts sociaux (et économiques) des uns

et des autres, est essentielle même si elle

toujours passée sous silence à propos des

résidences d’artistes en milieu scolaire. Elle

devrait être (et sera) davantage travaillée

pour mieux mettre à jour, analyser et

comprendre les tensions et contradictions

entre les professionnels dans leur travail

quotidien dans les établissements.

Conclusion

Pour conclure provisoirement, il faut insister

sur le fait que la participation des

enseignants aux activités artistiques

proposées aux élèves leur permet de

partager des émotions, par exemple quand

un artiste interpelle un élève qui se tient à

l’écart et parvient à le faire s’exprimer, ou

quand les élèves parviennent à improviser et

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« sont vraiment dans une démarche artistique ».

Plusieurs enseignants sont encore vivement

émus quand ils en parlent. Cette émotion et ce

partage des émotions peuvent être analysés

d’un point de vue sociologique : le travail

émotionnel, le travail sur ou avec les

émotions, même s’il est caché ou invisible, fait

bien partie du travail enseignant et doit être

analysé comme tel. C’est une des dimensions

de la professionnalité enseignante qui fera

l’objet de nos prochaines réflexions.

Sans négliger le fait que ces émotions

artistiques adviennent dans le cadre de l’art

contemporain et que le rapport des

enseignants à cette forme d’art, comme leurs

propres expériences et pratiques artistiques,

réalisées dans leur vie personnelle, ont une

influence sur leur travail au sein de cette

classe artistique expérimentale.

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De la boîte noire au troisième espace

CELINE CHOQUET , doctorante en Sciences de l’Education, Université Lumière – Lyon 2

La présentation suivante repose sur un

observatoire de résidences d’artistes dans

une classe artistique de collège, située à

Montpellier. Nous présenterons quels sont

les effets de l’art sur les jeunes, les aptitudes

et facultés stimulées par l’éducation

artistique et particulièrement la relation

entre les élèves et les artistes.

Durant la dernière décennie, les pratiques

artistiques et culturelles dans le champ

socio-éducatif prennent de l’importance au

niveau international et particulièrement en

France, dans des écoles principalement

situées dans des quartiers fragilisés au

niveau socio-économique. Cependant, il

existe peu de recherches qui permettent une

véritable évaluation des effets de l’éducation

artistique de manière à mieux comprendre

les processus qui s’y créent.

De nombreux constats étonnent et parfois

émerveillent les acteurs de tels projets : le

travail avec l’artiste conduit l’enfant à des

performances inattendues voire « hors

normes ». Ces remarques subjectives voire

excessives pour certaines ne nous interrogent

pas moins sur ce qui se joue objectivement au

sein de l’expérience esthétique partagée avec

l’artiste et, en son centre, une relation enfant-

adulte en pleine mutation.

Le terrain de notre recherche se situe dans

une classe artistique expérimentale, un

projet longitudinal de quatre ans,

permettant aux élèves de rencontrer des

formes d’art diverses et des artistes aux

approches différentes au sein du collège. Les

enfants ont atelier toutes les semaines et

sont en immersion trois jours par trimestre

dans des centres culturels (CCN, théâtres…).

En 6ème, la résidence s’est tournée vers la

danse (6h/semaine) pour commencer avec la

compagnie Les Gens du quai, dirigée par

Anne Lopez ; en 5ème, les enfants ont abordé

le théâtre avec la compagnie de L’Astrolabe

de Nicolas Pichot (3h/semaine) et l’écriture

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avec Jean-Daniel Dupuy (1h30/quinzaine) ;

en 4ème, l’expérience de l’écriture a été

prolongée et le théâtre a fait place à la

musique avec Maguelone Vidal (3h/semaine)

et enfin en 3ème, l’année tourne autour d’une

approche d’« art total » avec la compagnie de

Mathias Beyler (3h/semaine), abordant le

théâtre, la danse, la musique, la radio,

l’écriture, la poésie...

Nous avons régulièrement des remarques

venant des acteurs du projet (enseignants,

éducateurs, artistes…) sur diverses capacités

fines dont font preuve les jeunes : « j’admire

de quoi ils sont capables », « un lâcher-prise et une

confiance totale », « une immersion totale », « ils

sortent de cette identité d’élève pour devenir

danseur »... Il s’agit de remarques subjectives

et non de constats objectifs face aux réels

effets de l’art et aux capacités des jeunes. En

effet, selon quelle théorie l’enfant ou

l’adolescent ne serait-il pas capable de

certaines performances au point de nous en

étonner ? Et a contrario, des observations

sporadiques extérieures suffisent-elles

réellement pour tirer des conclusions sur les

1Third space, When learning matters, R. J. Deasy, L. M. Stevenson, Arts Education Partnership, 2005.

capacités d’individus en pleine construction

personnelle, capacités somme toute

impalpables et intimes relevant du sensible

et du cognitif ? Fulgurances, hasards ou réels

acquis, c’est ce que la recherche tente de

cerner grâce à des méthodes qualitatives

empiriques complémentaires (observations

filmées et entretiens avec les artistes et avec

les enfants, en individuel et en groupe). Le

chercheur n’est pas là pour conforter une

demande béhavioriste afin de satisfaire les

objectifs d’une commande institutionnelle,

ne présentant un système que par ses

interactions sans chercher à en comprendre

le fonctionnement interne, la Boîte noire, en

l’occurrence la pédagogie déployée par les

artistes. Ce qui doit être au centre de notre

modèle d’analyse est ce qui se joue entre

l’artiste et les enfants, à l’intérieur de l’espace

spécifique qu’instaurent la présence et le

travail de/avec l’artiste, alliant les mondes de

l’art et de l’école, pour former un Troisième

espace, concept proposé par Richard Deasy1,

caractérisant l’éducation artistique comme un

lieu socialisant aux normes spécifiques, nous

le verrons plus loin dans cette présentation.

Nous cherchons donc à mieux comprendre la

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relation subjectivante qui se crée en atelier,

tout en conservant l’exigence de maintenir

trois principaux domaines où sont repérables

les effets de l’art.

Sur le plan de la recherche, il y a déjà de

nombreux travaux publiés à ce propos : un

aperçu précis existe dans les

communications du Symposium Européen et

International de Beaubourg de 20072. Les

effets de l'art sont déjà assez bien repérés

par les travaux existants et nous avons pu

les rassembler essentiellement dans trois

domaines : la cognition, le développement

personnel et la socialisation. Mais il s’agit

d’effets recensés largement inexpliqués,

faute de modèle théorique.

2Publiées dans l’ouvrage Evaluer les effets de l'éducation artistique, Symposium international et européen de

recherche, Paris, 2008, La Documentation Française/Centre Georges Pompidou.

3Evaluer les effets de l'éducation artistique, op. cit., p. 69 & p. 145.

Durant cette recherche, nous évaluons

qualitativement les effets de l'art, mais

surtout, nous cherchons à en comprendre le

fonctionnement. Puisqu’il y a donc une

insuffisance en termes d’évaluation des effets

de l’art, il est nécessaire de construire un

modèle théorique et cette expérimentation de

classe artistique est propice pour mettre à

l’épreuve notre hypothèse concernant la

compréhension de la relation enfant-artiste

et définir l’espace qui s’y crée. Ainsi, nous

nous attacherons à comprendre comment et

pourquoi cette relation pédagogique basée

sur l’expérience esthétique est fructueuse et

quels en sont les enjeux.

Dans le cadre de cette communication, nous

avons sélectionné quelques modèles

théoriques qui ont retenu notre attention

pour rendre compte des effets de l’art selon

nos trois axes d’observation.

En ce qui concerne le versant cognitif, les

travaux d’Howard Gardner et Ellen Winner3

avec le Project Zero permettent de dégager

de l’éducation artistique essentiellement des

capacités « perceptives, productives et

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réflexives ». Selon eux, parmi ces capacités

cognitives, huit catégories de schèmes de

pensée sont stimulés en atelier d'art, à

savoir : « la maîtrise d'une technique ;

l'investissement et la persévérance ; l'imagination ;

l'expression ; l'observation ; la réflexion ; l'extension

et la recherche ; la compréhension du monde

artistique ». Nous pouvons donc noter que ces

capacités travaillées en atelier forment une

approche intellectuelle complète : fonctions

réceptives, expressives et raisonnement. La

notion de mémoire n’est pas mise en avant

dans ces travaux mais bien présente. Toutes

ces fonctions cognitives sont à la fois

spécifiques à l’expérience esthétique et

généralisables à toute expérience de vie et

d’apprentissage.

S’agissant du développement personnel, les

travaux de Pierre Gosselin4 et ce qu’il

nomme l’Autorité intérieure met en avant

« une tendance profonde incitant à être auteur de

ses pensées, de ses actions et de ses œuvres (…) qui

favorise ainsi le développement d’une forme

d’autorité qui porte à transcender ce qui a été

proposé ». Selon lui, « Si l’on entraîne l’élève à

créer, ce n’est pas simplement pour qu’il s’exprime,

4Evaluer les effets de l'éducation artistique, op. cit., p. 255.

5The arts-education interface : a mutual learning triangle ?, J. Harland, P. Lord, A. Stott, K. Kinder, E. Lamont, M.

Ashworth, NFER, 2005.

6 Third space, op. cit.

mais surtout pour qu’il se réalise de façon optimale

en tant qu’être humain », le processus de

création est ainsi appréhendé dans ce qu’il a

de plus éducatif et individualisant pour la

personne, développant une autonomie et

affirmant sa subjectivité par l’expérience

créative.

Enfin, la notion de socialisation, pour

laquelle nous nous réfèrerons à plusieurs

recherches distinctes, permet d’ouvrir

l’expérience sensible individuelle vers un

partage collectif. Pour cela, les travaux de

Pippa Lord5 et la métaphore de l’expérience

artistique comme un Triangle d’apprentissage

mutuel nous éclairent sur la nécessaire

cohésion entre les artistes, les enseignants et

les élèves.

Richard Deasy6 présente quant à lui cette

rencontre comme menant à l’ouverture d’un

Troisième espace, une sorte de sortie sans

sortir de la classe, un lieu qui n’est ni

purement un atelier ni une classe, un espace

esthétique de création, formateur et source

d’échanges démocratiques au sein de l’école.

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En somme, plusieurs travaux sont éclairants,

d’autant plus si on les met en relation. Ils

convergent vers un « espace d’apprentissages

mutuels » entre les artistes, les élèves et les

enseignants, ne se réduisant pas seulement

à un triangle mais ouvrant justement une

nouvelle aire éducative dépassant la forme

scolaire, et relevant de normes spécifiques.

Il se crée ainsi un espace où les adultes et les

adolescents échangent d’égal à égal, tous

apprennent et forment une communauté de

réussite partagée, l’art et le sensible donnant

du sens à la vie et aux projets de chacun. Le

modèle d’analyse va donc nous permettre

d’évaluer et de comprendre cet espace et ses

effets spécifiques.

Pour tenter de le comprendre et notamment

ce qui caractérise la relation enfant-artiste,

nous avons travaillé avec Alain Kerlan7

autour d’une hypothèse qu’il a proposée

depuis plusieurs années, notamment au

Symposium de Beaubourg, qui emprunte aux

théories de L. S. Vygotski et qui propose de

considérer la présence et le travail de l'artiste

dans la classe avec les enfants sous un

éclairage vygotskien : « La présence et le travail

7 Evaluer les effets de l'éducation artistique, op. cit., p. 241.

8 Pensée et langage, L. S. Vygotski. Editions sociales/Messidor, Paris, 1985 (1933).

de l'artiste dans la classe avec les enfants, dès lors

que l'artiste pense et agit en tant qu'artiste, relève

d'une autre logique que la logique didactique

commandée par les attentes et les formes scolaires

établies, une logique obéissant plutôt à ce que

nous pourrions appeler un esprit d'atelier ».

Voilà donc l'hypothèse sur laquelle nous

nous sommes basés, à savoir que « l'artiste,

en tant qu'artiste avec les enfants, ouvrirait un

espace d'actions et de compétences nouvelles, une

zone proximale de développement singulière ». La

Zone proximale de développement, selon la

théorie de L. S. Vygotski8, explique que pour

qu’un enfant puisse vraiment progresser, il a

besoin d’être accompagné par une personne

qui puisse anticiper ses apprentissages et

ainsi le guider correctement à son propre

niveau de compréhension. Ici, c’est cet

échafaudage pédagogique que l’artiste

propose à l’enfant qui porte à croire que sa

présence provoquerait quelque chose de

particulier dans cette capacité à être à la fois

devant et à côté du jeune, dans l’expérience

esthétique, le guidant vers l’autonomie, la

conscience de soi et l’affirmation de sa

subjectivité dans le groupe classe.

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Nous travaillons à une reformulation de

notre hypothèse qui ne se réduit pas au seul

concept de zone proximale de

développement et qui conserve le parallèle

entre l’idée de proximité et de distance. Un

autre cadre théorique nous permet

9 D.W. Winnicott, Jeu et réalité, Folio Essais, 2005.

d’approfondir la compréhension de cet

espace et peut être emprunté à la

psychanalyse de D. W. Winnicott9 et son

concept d’espace potentiel, espace

transitionnel ou encore dénommé espace de

création.

Nous pouvons illustrer comme suit l’espace pédagogique des ateliers, avec, en son centre,

l’expérience esthétique et la subjectivation.

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Pour conclure cette brève présentation, dès

lors que nous nous intéressons au contenu

de la Boîte noire que constitue l’éducation

artistique, nous pouvons relever de

nombreuses capacités travaillées en ateliers

par les élèves : des capacités cognitives,

sociales et personnelles, des savoir-faire,

des savoir-être, au monde et à soi, une

conscience au niveau sensible et rationnel,

en somme une éducation globale de la

personne, de l’adulte en devenir. La relation

entre l’adolescent et l’artiste engage la

subjectivité de chacun, des critères moraux

et rationnels sont présents aux côtés de

critères sensoriels et esthétiques, les valeurs

objectives de réussite sont complétées par

les valeurs subjectives de formation

personnelle, encourageant la confiance et

l’autonomie chez ces adultes de demain.

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Le projet MUS-E® à Lille

MARIE-CHRISTINE LE FLOCH , maître de conférences en Sociologie, Université Lille

Cette contribution aborde l’effet de

l’évaluation sur un projet d’éducation

artistique qui associe deux artistes à

un enseignant dans chacune des dix classes

d’une école élémentaire de la métropole

lilloise. Ce projet MUS-E® a lui-même

des effets sur les pratiques éducatives et

le développement des enfants. La question

de l’évaluation comprend par conséquent

plusieurs niveaux d’analyse. Le premier

concerne les fondements de l’évaluation,

le second ses résultats en termes de progrès

pour les enfants et le troisième rend compte

de modifications des cadres spatiotemporels

et des postures professionnelles du travail

éducatif.

Nous présentons ainsi successivement

les normativités à l’œuvre en éducation,

l’effet de l’expérience esthétique vécue

par les enfants et en dernier lieu la forme

scolaire en travail.

Les normativités en éducation

Toute évaluation repose sur des critères.

Ils s’appuient sur des normativités que l’on

peut rapporter à des univers de justice et de

grandeurs (Boltanski, Thévenot, 1991) car

l’école se trouve au carrefour de plusieurs

univers normatifs. Dans un projet

d’éducation artistique, les artistes et les

enseignants s’appuient sur des critères

différents mais aussi sur des compromis et

des convergences.

Si l’école se trouve dans plusieurs mondes

(Derouet, 2000) et on peut préciser qu’avec

les projets d’éducation artistique, les

normativités de la Cité civique rencontrent

ceux de la Cité inspirée. Mais l’école se

trouve aussi confrontée aux injonctions de la

« réussite scolaire », de productivité (taux de

réussite), de « plus-value » éducative et de

réputation pour leur école et leur quartier.

Les enseignants et les enfants sont, à travers

des directives mais aussi plus largement les

normes et les représentations des acteurs

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dans la Cité industrielle, la Cité marchande et

la Cité du renom, pour reprendre ces mêmes

catégories. Le bien commun et la citoyenneté

visée se présentent donc davantage comme

un problème que sous la forme d’une

évidence. Différentes normativités travaillent

ainsi les critères d’évaluation et la Cité par

projet sert de référence commune.

L’évaluation se présente au fond comme celle

d’une dynamique en cours, tenant compte

des étapes de son développement.

Tels qu’ils sont formulés par les enseignants

et les artistes, les critères d’évaluation ont

leurs spécificités. Au-delà des apprentissages

du socle de compétence et du respect de

règles collectives, les professeurs des écoles

attendent que les enfants deviennent

capables de se concentrer dans l’observation

ou la comparaison d’objets ou de documents.

Ils doivent montrer de l’énergie mais, en

même temps, être capable de la maîtriser et

faire preuve d’attention, de patience et de

persévérance pour aller au bout d’un projet.

Pour les artistes, la liberté est première. Les

enfants doivent oser s’exprimer selon les

diverses pratiques artistiques proposées,

travailler leur aplomb qui passe par l’aisance

corporelle, la présence d’esprit et de corps, le

tout dans le plaisir physique et la joie d’un

accomplissement.

L’observation régulière en atelier montre des

différences mais aussi des convergences dans

l’expression de ces critères. Elles portent sur

la place du plaisir, le rôle des émotions, les

normes d’expression et de participation.

Pour les artistes, le plaisir apparait comme

une fin en soi et se confond d’une certaine

manière avec celui de la réalisation d’une

œuvre. Pour les enseignants, il s’agit plutôt

d’un « carburant » qui soutient des efforts,

prix à payer de la satisfaction. L’émotion,

force d’inspiration pour les artistes, reste

associée, pour les enseignants à l’émotivité et

à la timidité. Pour les artistes, le plaisir du jeu

et de l’activité se confond avec la motivation.

L’exaltation des sens engendre la création

comme par la magie. L’émotion est intégrée à

l’action créatrice, performance en elle-même.

Pour les enseignants, le plaisir motive l’effort

consenti pour un objectif de réussite et de

valorisation du travail réalisé. Ce dernier

passe par l’expression des désirs et la

recherche de cette réussite mais aussi par la

maîtrise de l’émotivité.

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Pour les artistes, l’expression et la

participation reposent sur l’estime de soi et un

mieux-être de l’enfant. On peut parler d’une

individuation réussie fondée sur la confiance

en soi et la capacité à se donner ses propres

normes, selon une injonction à l’authenticité

(Taylor, 1991) dans le travail de création. Pour

les enseignants, il faut se montrer expressif,

créatif et se situer en s’intégrant dans un

collectif, selon une norme de participation. Les

normes d’expression sont celles de

formulations correctes, de résultats clairs et

acceptables, pendant que la démarche et le

regard artistiques accordent toute leur

importance au brouillon et à l’élaboration.

On peut ainsi saisir une convergence

autour d’un compromis qui devient normatif :

il « faut » sortir de la gêne (effacement,

moqueries, masques) et de l’angoisse

scolaire, se donner ses propres règles pour

une autonomie et la formation d’un jugement

éduqué. Les normes d’authenticité,

d’expression, de participation voire

d’implication apparaissent clairement comme

normativités contemporaines de l’éducation.

C’est en fonction de cette normativité

négociée et ajustée que sont saisis les progrès

pour les enfants.

Des progrès pour les enfants

Au cours de la recherche nous avons pu saisir

l’expérience esthétique des enfants à travers

des moments de révélation, révélation de soi,

à soi à travers le regard d’autrui, selon une

perspective d’inspiration hégélienne qui peut

être illustrée par la relation amoureuse. Cette

expérience débouche sur de nouvelles

dispositions à travers l’ouverture de l’espace

personnel et social de l’enfant.

Les savoirs existentiels, comme les définit

Merleau-Ponty renvoient à une certaine

manifestation de la vérité de soi, une capacité

sensible de l’enfant à se révéler, à oser se

montrer sous un jour inédit. Ce type de savoirs

soutient l’enfant dans l’affirmation de son

identité personnelle. Ces savoirs traduisent

une certaine qualité à être, une perception et

une attention particulière, la découverte d’une

harmonie dans un processus créatif, la

capacité de faire, de choisir, de s’exposer.

Mathéo par exemple qui était absent de toute

implication scolaire a pu oser exprimer un

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avis, choisir un thème, des partenaires et se

laisser porter par la musique. Clément a pu

sortir d’un trouble sévère.

L’expérience du succès personnel a une

dimension narcissique mais elle réside aussi

dans le fait de se sentir relié à quelque chose

qui dépasse l’expérience ordinaire, quelque

chose que l’on contemple et qui change le

regard que l’on porte sur soi. Au lieu de se

sentir menacé par des regards qui jugent, on

peut montrer de nouvelles dispositions,

connaître un succès et se sentir porté par

l’admiration des autres. L’apparition de ces

dispositions nouvelles ouvre l’horizon,

change le point de vue. Un voile se lève sur

un monde que l’on découvre : celui de

formes nouvelles, de signes non perçus

jusque-là, de couleurs inhabituelles, un

monde de relations jusque-là inaccessibles

ou incompréhensibles. Lila initialement en

échec est devenue leader de sa classe pour

les apprentissages depuis qu’elle est

reconnue pour ses qualités.

À la suite des philosophes, la sociologie de la

construction de l’identité sociale a insisté sur

le « caractère interlocutoire » du moi et cela

tout au long de la vie. Cette dimension

dialogique de l’identité constitue l’une des

trois vecteurs de la construction identitaire

avec la dimension pragmatique (savoir en

action) et la dimension narrative (se dire se

raconter) (Ricœur, 1990). Ces trois dimensions

sont présentes dans les expériences vécues

par les enfants dans le projet MUS-E® tel qu’il

se déroule dans cette école.

La reconnaissance de leurs qualités donne de

l’audace aux enfants. Ceux-ci prennent des

risques et montrent un nouveau rapport aux

étapes de réalisation d’un objectif. Cette

boucle vertueuse rend à nouveau possible

une pédagogie des erreurs qui deviennent

des étapes. Inévitables et nécessaires dans

tout apprentissage, elles sont surmontées à

la faveur de ces progrès scolaires

académiques ou non académiques. Leur

prise en compte est inégale dans le cadre des

évaluations standardisées mais on peut les

saisir par un suivi des parcours montrant,

par exemple, l’excellence en dessin de

Clément. En outre, les enfants ont pu décrire

par eux-mêmes certains de leurs progrès :

Evaluation de compétences par les enfants eux-mêmes

« Nous avons appris à manipuler différentes matières –plastique, tissus, carton, papier terre-, à utiliser un pistolet à colle sans se

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brûler, à coudre sans se piquer, à découper avec un cutter, à peindre en dosant la quantité de peinture, à nettoyer et à ranger les pinceaux ».

« Nous avons appris à travailler seul, à aider les camarades et à aller jusqu’au bout- d’une idée- ».

Le travail de création est aussi collectif, il

invite à sentir l’interdépendance ainsi que la

place trouvée et occupée dans un groupe. Au

cours d’un projet de classe, un bagage de sens

commun se constitue et devient une véritable

culture de la classe. Cette culture commune

permet de transcender bien des conflits ou

moqueries, à travers des références à ce qu’on

a vécu ensemble (connivences, private jokes).

La circulation des savoirs facilite ainsi la

régulation des relations.

Pour conclure ici, l’expérience esthétique et la

possibilité de la partager fait sauter des

verrous. Les progrès sont constatés dans les

livrets de compétences. Des enfants peuvent

retrouver le cours de leur construction,

personnelle pour chacun d’entre eux, selon une

logique propre à l’équation singulière de leur

trajectoire. Pour autant, même si le respect de

ces singularités fait partie des normativités

contemporaines, l’expression et l’affirmation

personnelle des enfants ne se prêtent pas

nécessairement à l’orchestration demandée

aux éducateurs dans le contexte scolaire.

Dans le contexte d’une école, les cadres

habituels du travail quotidien bougent au

cours du déroulement des ateliers.

Les cadres scolaires en travail

Le travail conjoint d’éducation des enseignants

et des artistes transforme l’espace solaire, ses

rythmes ainsi que les rôles inscrits dans les

relations pédagogiques.

L’espace des ateliers invite au mouvement aux

gestes plus spontanés et aux actes de parole.

Le projet Muse dans l’école où s’est déroulée

la recherche, est l’occasion d’une

réappropriation des locaux scolaires. Les

ateliers peuvent se dérouler dans les salles

de classe, dehors (il y a trois cours), dans les

salles vides d’une ancienne école contiguë, à

l’extérieur (land art par exemple) ou dans

des espaces intermédiaires (atelier photo

dans un hall). Les cadres temporels des

séquences et du rythme scandé par les

récréations et les sonneries sont maintenus

mais ne sont pas systématiquement pris en

compte dans le déroulement des ateliers.

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Ces configurations nouvelles sont propices

au mouvement plus libre des enfants et

invitent à des formes nouvelles

d’expression : occuper l’espace physique et

sonore d’une grande salle, apprendre la

discrétion dans un couloir quand les autres

classes ont besoin de calme pour travailler.

Au cours de ces ateliers, les enseignants et

les artistes interviennent en coprésence ou

de manière séparée selon le projet et l’état

d’avancement de ce dernier. Par exemple

dans l’écriture d’un conte dramatique

destiné à être mis en scène, la comédienne

prend des demi- classes dans la phase

d’invention et d’écriture dictée, puis la classe

entière travaille en répétition, en présence de

l’enseignante et de la comédienne.

Le temps de l’inspiration est aussi celui

d’une nouvelle respiration.

Les temporalités sont modifiées par

l’intervention partagée des enseignants et

des artistes. Finir un dessin, obtenir un

résultat individuel (maquette) ou collectif

(scénette à savoir par cœur, bien interprétée)

devient plus important que l’heure de la

montre ou le temps de récréation. Cela ne

supprime pas le besoin de pause rappelé par

l’état de concentration des enfants qui,

cependant, s’ajuste à l’implication dans le

travail de création. Ce ré-ancrage de

l’apprentissage dans le cours de l’action ou

de la fabrication desserre des contraintes

habituelles du rythme scolaire, source

occasionnelle d’ennui ou de précipitation

infructueuse.

Avec MUSE, « on peut respirer à fond », une

enseignante CP

Le temps de l’inspiration est également celui

de la patience et de l’adaptation des

interventions en fonction des progrès de

chacun et de la progression d’ensemble. En

bousculant les cadres de la forme scolaire, le

projet d’éducation artistique modifie les

prises de rôle et les styles de relation

pédagogique.

Les ateliers d’éducation artistique

fonctionnent comme une invitation à sortir

des rôles prescrits ou à changer de style.

En coprésence directe, continue ou

occasionnelle, à l’épreuve de relations

imprévues, des professeurs d’école et des

artistes opèrent un nouveau réglage dans

leurs interventions. Certains d’entre eux

demeurent attachés à leur identité

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professionnelle initiale. D’autres, à l’inverse,

laissent évoluer leur pratique au gré

de la situation. Travailler ensemble produit

divers ajustements et modifie, au fil

du temps, l’activité et l’idée que chacun

se fait de son métier.

Parmi les rôles prescrits, ce qu’on appelle la

régulation normative est révélatrice des

rouages de la forme scolaire. Selon les

contextes, une force de rappel est exercée

par les enfants ; elle implique sa prise en

charge. Assurer la discipline permet de libérer

l’autre intervenant qui peut alors se consacrer

à l’initiation artistique ou technique. Incarner

ce rôle peut être vécu comme une manière de

tenir sa place, de rester maître de la classe.

Mais il peut aussi être endossé à contre cœur,

comme une corvée qui prive l’adulte du plaisir

d’une participation plus spontanée. À certains

moments de fort engagement des enfants,

cette force de rappel disparait et la régulation

peut être abandonnée pendant l’activité. De

même, la transmission des consignes et

l’évaluation des résultats, tâches ponctuées

de critiques ou d’encouragements, peuvent

faire l’objet d’une redistribution émotive et

affective du travail d’éducation.

Avec le projet MUS-E on voit bouger la forme

scolaire. Le plus souvent, les adultes gardent

la main mais il arrive que des enfants

s’emparent davantage de la conduite d’un

atelier. Enfants et adultes sont en effet sur un

pied d’égalité dans une expérience esthétique

qui bouleverse les représentations les plus

répandues sur le développement des enfants,

selon une métaphore de stades ordonnés.

L’école en France n’en finit pas de se

réconcilier avec le corps et les sens longtemps

séparés des œuvres de l’esprit. L’expérience

esthétique sensible peut modifier la

perception que l’on a du monde et des autres.

Le suivi du parcours des enfants montre des

moments de révélation qui se traduisent par

une ouverture de leur espace personnel et

social. Les postures de moquerie peuvent

ainsi évoluer vers le respect de qualités

différentes et l’accès à de nouvelles

dispositions enrichit la subjectivité.

L’éducation artistique milite sans réserve

pour le respect des singularités et du

développement personnel mais pose

également le problème de leur mise en

musique en déplaçant la question d’un

renouveau dans l’éducation morale.

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Bibliographie

Baeza C., Le Floch M-C., Loeffel L., Nosalik P., Perugorria C., 2013, Effets de l’éducation artistique à

l’école. Exemple du projet MUS-E, Rapport pour l’association Courant d’Art, Université de Lille III,

PROEOR-CeRIES, Dec, 2013.

Boltanski L., Thévenot L., 1991, De la justification. Les économies de la grandeur. Gallimard, Paris.

Derouet J-L. (Dir.), 2000, L’école dans plusieurs mondes, D Boeck Université, Bruxelles.

Taylor C., 1991, Le malaise de la modernité, Cerf Humanités, Paris.

Taylor C., 1998, Les sources du moi. La formation de l’identité moderne, Seuil, Paris.

Ricœur P., 1990, Soi-même comme un autre, Seuil, Paris.

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Résider en résidence - Un détour par l’espace

JEAN PAUL FILIOD , maître de conférence en Sociologie, Université Lyon 1 – ESPE

Résidence, résider : de l’Espace

aux espaces de familiarité

Parlerait-on de résidences d’artistes sans

parler de l’espace ? Comme le temps, comme

les objets, l’espace fait partie des évidences

du quotidien. Dans l’espace toujours nous

sommes, sans cesse traversés par lui autant

que nous le traversons. C’est sans doute

pour cela que nous l’interrogeons peu,

préférant, lorsqu’il s’agit d’artistes en milieu

scolaire ou/et éducatif, les questions sur "la

place de chacun dans le partenariat”, sur le fait

de savoir si l’artiste est ou non “pédagogue”,

s’il n’est pas “instrumentalisé” par l’École, si

les enfants “s’épanouissent” ou non, si les

inégalités entre eux sont réduites, etc. Ces

sujets, évidemment légitimes et cruciaux,

dématérialisent toutefois les réalités de la

rencontre entre artistes et milieux éducatifs.

1 Pour plus de détails, on peut télécharger les rapports de recherche et le bilan d’activités sur www.eal-lyon.fr

2 Je remobilise ici l’expression utilisée depuis 2005 dans les rapports de recherche (cf. note 1) et utilisée plus

récemment dans Necker, S. et Filiod, J. P. (2014). Le sensible au pluriel. Jeux de cadres en contexte d’éducation

artistique, STAPS, 103, 87-99. Cette expression a pour finalité de prendre en compte en toute circonstance le double

statut, générationnel et scolaire, des êtres concernés.

3Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles.

L’invite est ici faite de s’attarder sur l’espace,

à travers quelques résultats obtenus au fil de

dix ans de recherche sur le terrain d’Enfance,

Art et Langages, programme lyonnais de

résidences d’artistes en école maternelle1.

Dire résidence fait résonner le verbe résider, et

d’autres avec lui : habiter, demeurer, rester. Un

artiste qui réside est supposé rester (au moins

un peu), s’être approprié a minima des

espaces, devenus lieux, espaces de familiarité,

partagés avec d’autres acteurs : enfants-

élèves2, enseignants, Atsem3, autres adultes,

professionnels ou non. Cette appropriation

est-elle suffisamment durable pour que

l’artiste ait au moins le sentiment d’être en

résidence, expression censée aussi signifier

qu’il n’est pas intervenant (et encore moins, si

l’on veut bien s’étonner du drôle de destin de

certains mots, demeuré) ?

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Un lieu, des clefs, des lieux :

une appropriation paradoxale ?

La présence effective de l’artiste dans l’école

ne semble jamais être autant interrogée que

lors des premiers jours, où les équipes

engagées dans ces partenariats se demandent

bien quel endroit lui sera dédié.

Les écoles n’ont pas été construites pour

accueillir des artistes, ni, d’ailleurs, d’autres

catégories de professionnels. Leur

architecture est conçue pour différentes

fonctions, attribuées à diverses pièces :

salles de classe, salle des maîtres, tisanerie,

cour de récréation, salle de motricité…et

aucune personne de l’extérieur n’y est

prioritairement attendue. Comme si l’école

était conçue une fois pour toutes, étant ainsi

pleinement un établissement (au secondaire

comme au primaire).

À cette réalité spatiale générale s’ajoute le

contexte local, qui détermine le choix du lieu

dédié à l’artiste. La spécificité de

l’architecture du bâtiment, la variation du

nombre de classes, la loi qui n’autorise plus

les enseignants à bénéficier d’un logement

de fonction, autant de paramètres qui

orientent ce choix. Parfois, on incite les

écoles à mettre l’artiste « au centre ». Peu

d’architectures le permettent, et dans le cas

contraire, les acteurs compensent :

des flèches au sol ou sur les murs

invitent à un parcours menant au lieu

de l’artiste et parfois jalonné de

décors, liés ou non au travail de

l’artiste ou/et des enfants-élèves ;

les artistes, au fil du temps, se

déplacent, pour signaler ou rappeler

leur présence, prenant alors l’habitude

d’être là aux heures d’entrée et de

sortie, à la cantine, etc.

Alors, puisque les artistes « résident » a

minima, le font-ils au point de s’être approprié

une sorte de « chez-soi » ? Ce qui peut sous-

entendre d’avoir les clefs de la maison.

À ma connaissance, cette question ne fait

pas partie des choses réglées une fois pour

toutes au début de la résidence. Dans la

pratique – ce que j’énonce-là ne résulte pas

d’une étude systématique, qui reste donc à

faire, l’artiste a parfois les clefs, souvent

non. Ne pas les avoir, c’est se soumettre aux

horaires de l’école, que l’artiste soit avec les

élèves ou non. L’artiste fait ainsi comme

beaucoup d’autres travailleurs : il rationalise

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ses espaces-temps, cherchant même à les

optimiser. Mais pour certains, la qualité de la

résidence tient à la possibilité de venir sur

des temps particuliers, tôt le matin, tard le

soir, le week-end, les vacances scolaires.

Car, si l’artiste conserve un fonctionnement

qui consiste à se laisser porter par une idée,

une envie, un essai, intimement liés au

travail de création et à la mise en jeu d’un

« univers artistique » (selon l’expression des

appels à projets), une résidence digne de ce

nom impliquerait que l’artiste ait les clefs.

Mais en même temps, on peut résider sans

posséder le pouvoir total sur les seuils du

bâtiment, alors…

Alors, revenons aux lieux, dont un

inventaire, même partiel, renvoie de la

variété : une « BCD 4 », un « espace couchettes »,

une « salle goûter »,« une sorte de salle de jeux »,

une ancienne salle de classe, deux salles de

classe les deux premières années de

résidence, puis une seule la troisième, du fait

d’une création de classe…La recherche d’un

lieu adéquat tient aussi compte de la ou des

disciplines de référence de l’artiste : il y a

l’« atelier » du plasticien mais aussi le « labo »

4 Bibliothèque Centre Documentaire.

du photographe, le « studio » du musicien,

qui porte avec lui des sons, paramètre

supplémentaire dans le choix de la

localisation. Quant au chorégraphe, rien de

tout cela. Ou tout. Il investit souvent

plusieurs espaces de l’école, voire l’école

tout entière, l’espace pouvant même être

central dans son projet. Le visiteur peut ainsi

se faire surprendre par des corps en

mouvement dans un espace scolaire jusque-

là très balisé et défini.

Pourtant, il y a bien la « salle de motricité » ou

« salle d’évolution », mais souvent, les

chorégraphes refusent de s’y installer, pour

que les pratiques scolaires et artistiques ne

soient pas confondues. Cette volonté de

distinguer les pratiques conduit justement,

parfois, à restreindre l’activité artistique

autant que possible à ce lieu, et ce, pour

plusieurs raisons :

donner une identité au travail artistique ;

reconduire autant que possible un

climat, spécifique à ce lieu ;

protéger les autres lieux de l’école,

notamment les classes, qui doivent

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être elles aussi préservées, identifiées

comme le lieu du travail dit « scolaire ».

On relèvera le paradoxe de cette distinction :

l’étanchéité des lieux peut signifier

une protection des permanences culturelles

de l’École, autant qu’une reconnaissance

à part entière de l’activité artistique au sein

de l’école (l’établissement) ou de l’École

(l’institution).

Le lieu et l’espace, la station

et le mouvement

« Dans la plupart des langues indo-européennes,

l'idée d'habiter est rendue par deux verbes, dont

l'un exprime une relation de possession », habiter,

« et l'autre l'idée d'une halte dans un mouvement »,

rester ou demeurer5. L’appropriation doit

donc être pensée comme station en propre (le

lieu) et comme station dans une relation

intime au mouvement (l’espace).

Ainsi, si résider en résidence s’entend

comme l’appropriation d’un lieu dédié à

l’artiste, cela passe aussi par celle de

plusieurs lieux et par le déplacement et le

mouvement. Cette réalité ne concerne pas

5Sivignon Michel. Du verbe habiter et de son amère actualité. Revue de géographie de Lyon. Vol. 68 n°4, 1993, p. 216.

que les chorégraphes. Outre leur « atelier »,

les plasticiens investissent la cour, les

couloirs, la BCD, le hall d’accueil ; voire les

toilettes, qu’on encombre ou qu’on

transforme en jardin, pour faire prendre

conscience ce qu’est un volume ou faire

comprendre qu’on peut aménager

diversement des espaces construits.

En conséquence, ce sont aussi les liens entre

les différents espaces qui sont modifiés, les

seuils se révélant alors mouvants : les portes

des classes s’ouvrent, sans que cela affecte

les activités, tolérant mieux la circulation des

élèves. Cette mobilité a une raison d’être

bien différente de celle qu’on imagine

souvent (la fuite), les élèves ayant intériorisé

la logique des limites et la spécificité du

travail proposé. Toutefois, tous les

enseignants ne réagissent pas de la même

manière à ces modifications spatiales : une

enseignante arrivée dans une des écoles qui

avaient intégré cette nouvelle pratique

fermait systématiquement la porte ; et obtint

sa mutation dès l’année suivante.

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Des changements professionnels

sous l’angle de l’espace

L’approche spatiale permet ainsi d’aborder

la question du changement des pratiques

professionnelles. Chez les enseignants6, les

exemples ne manquent pas, notamment via la

dynamique générée par la polarité lieu de

l’artiste – classe. L’exemple qui suit est

exceptionnel, mais mérite d’être exposé, car le

« bouleversement » vécu par cette enseignante

de petite section, survient après une bonne

vingtaine d’années d’habitudes pro-

fessionnelles engrangées. Ces changements

concernant sa classe et sont survenus la

troisième et dernière année de résidence d’une

artiste identifiée comme marionnettiste, mais

qui est aussi plasticienne, conteuse,

chanteuse, musicienne.

Commençons par l’espace. Exit la répartition

en « coins classiques : BCD, coin cuisine, garage,

etc. », il y a désormais « trois espaces ». « Un

grand espace est prévu pour les marionnettes » et

pour une marionnette spécifique, qui passe

« tous les week-ends chez un enfant différent » :

c’est « très porteur parce qu’elle a son carnet de

6 Pour les Atsem, voir D. Boukacem, J.P. Filiod, Entre-tenir sa place : les Atsem au travail, Rapport de recherche IUFM

– Université Lyon 1, Ville de Lyon, 2011. Pour les artistes, voir J.P. Filiod, Des artistes dans l’école : brouillages et

bricolages professionnels, Ethnologie Française, vol. XXXVIII, no 1, 2008, p. 89-99 Sur les mutations du travail

artistique en général, voir la contribution de M. Buscatto dans ces mêmes Actes.

voyage. Ils le prennent, ils racontent, c’est un vrai

échange ». Les deux autres espaces sont « la

BCD, tout ce qui tourne autour de l’album, y compris

les objets pour raconter l’histoire, et un espace avec

du matériel à disposition, des matériaux, pour faire

du collage, se faire plaisir ». « La manipulation »

devient un préalable à tout processus

d’apprentissage : « la semaine prochaine, on va

travailler le jus de raisin : ils apportent des jus de

raisin achetés en grande surface, mais ils vont avoir

3 kilos de raisin, avec chacun leur grappe et ils vont

partir de la grappe et faire du jus de raisin, avec leurs

mains ». Prégnance du corps, de l’expérience

sensorielle, les danses et les chants ont pris

une nouvelle place, en combinant contrainte :

« on fait un grand cercle » et liberté : « s’ils veulent

chanter et danser, ils le font ».

Il n’en va pas différemment avec les

« albums ». « Aussitôt qu’un album est découvert,

il est joué, et quand les enfants ont bien acquis les

référents lexicaux et spatiaux, qu’ils ont vécu

l’histoire avec leurs tripes, leurs émotions, je passe

au support, à l’album papier, en petits groupes. Et

seulement après, je le mets dans la bibliothèque.

Plus tard, je les vois, ils reprennent l’album et ils

racontent l’histoire ». L’album est là, « c’est

classique », mais « on fait autrement : je fais

revivre l’histoire en mobilisant la pâte à modeler,

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des objets, qui prennent place pas loin du support

dans le coin BCD ». La connexion est ainsi faite

avec la variété de matériaux, regroupés dans

« un grand carton, avec plein de trucs dedans, et

c’est eux qui choisissent le medium qu’ils ont envie

de coller ». L’enseignante se tient à distance :

« J’observe, de l’extérieur, les choix qu’ils font, et ça

me donne des indications sur ce qu’ils sont. On les

met trop dans “papier-crayons-peinture” tout de

suite. Et la créativité, elle y est plus. Ils sont normés,

ça c’est clair ».

Il n’y a pas pour autant absence de normes.

Les sciences sociales nous ont au moins

appris cela : pas de vie sociale sans normes.

Mais ce terme, dans la bouche de

l’enseignante, signifie l’imposition d’une

contrainte aux enfants et l’absence de remise

en question des habitudes. Ainsi les « rituels »,

qui font partie de la panoplie professionnelle

de l’enseignant de maternelle. Censés

« structurer » et « rassurer l’enfant », ils ont

lieu le matin après le temps d’accueil, au

moment du « regroupement » des élèves

devant l’enseignant et le tableau. Pour notre

enseignante, « tels qu’ils se font habituellement,

ça n’a pas de sens pour les enfants. (…) Ils doivent

pas écouter la maîtresse qui dit “c’est lundi,

gnagnagna”… ». Elle revendique toutefois un

« rituel » central, « le déroulement de la matinée :

avec des photos, on se dit ce qui va se passer le

matin (…). Si, plus tard, un enfant s’angoisse, je

reviens sur cette bande de la matinée, et je lui dis

“où on en est ? qu'est-ce qu’il te reste ?”, il voit où

il en est, on repart ». Un regroupement au

niveau du tableau est toutefois maintenu :

directrice de l’école, l’enseignante partage

son poste avec une autre, à qui elle ne veut

pas « imposer (…) un bouleversement total ».

Mais, ce support au déroulé du matin, « ma

collègue l’utilise », « elle est ravie ».

Enfin, un autre rituel a pris place, celui de

« dire Bonjour à chaque enfant, avec un vrai temps

pour le faire ». La pratique peut être

surprenante, mais la manière de le faire

contredit l’adage “C’est simple comme

bonjour”. La pratique a été importée par

l’artiste, qui, pour chaque jour passé à

l’école, visitait chacune des dix classes en

début de journée pour s’annoncer par un

« Bonjour » dit sur un ton et un temps dont la

singularité a été remarquée par beaucoup.

Selon l’enseignante, « elle a une manière de le

dire qui marque, elle dit “Bienvenue”, elle a fait

comprendre qu’il fallait accueillir un enfant de 3 ans

comme un être à part entière. Depuis, je le fais, et

les enfants sont contents qu’on se dise Bonjour ».

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La dynamique spatiale : motifs

discrets et attention des acteurs

Le choix de cet exemple est-il antinomique

avec la problématique de l’artiste en

résidence ? Non. Que cela concerne les

changements dans la classe ne doit pas faire

oublier que ce sont la présence et les

manières de faire de l’artiste qui provoquent

ces changements : le rituel du Bonjour, mais

aussi le grand carton aux matériaux en tout

genre, laisser faire les enfants et les observer

à distance, la marionnette qui voyage… sont

des pratiques mises en œuvre par l’artiste

dès la première année. (On ajoutera, sans

savoir si cela joue un rôle, que, dans cette

école, l’artiste avait les clefs.)

Une autre objection pourrait concerner la

nature des changements. Ceux qui rêvent d’un

bouleversement de la culture scolaire ne sont

sans doute pas servis… même si la suppression

des rituels avec ces « petite section » (dire la

date, compter les absents, poser l’étiquette

personnelle, dire le temps qu’il fait…) relève de

la rupture. Mais on retiendra surtout que les

changements apportés s’inscrivent dans un

rapport discret au quotidien, un des motifs

innovants de ces résidences.

Enfin, on pourrait se dire que l’enseignante,

directrice de l’école et plus proche de la

retraite que de l’entrée dans le métier, se

permet de fait plus de choses. Il n’en est

rien : « Pendant les deux premières années, je

n’osais pas me lancer. Et l’artiste, c’est elle qui m’a

permis de dire “Ose !”.J’avais peur, je n’osais pas

me lancer, j’avais peur de ne pas être dans la lignée

institutionnelle ». L’élan fut ainsi donné, mais

rien n’aurait pu être fait aussi aisément sans

le « soutien à 100 % de l’inspectrice » de

circonscription.

Ainsi, si le détour par l’espace nous permet

de prêter attention aux choses concrètes

(presque au sens de l’anglais, où concrète

signifie concret, mais aussi béton), il ne peut

faire l’économie des acteurs et de l’attention

qu’ils portent eux-mêmes à ces

changements, si discrets soient-ils.

J.P. Filiod L’innovation en mode

pluriel et relatif. L’exemple de

l’éducation artistique et culturelle

et d’un dispositif présenté comme

“innovant”, Socio-logos. Revue de

l’Association française de

sociologie, n° 7 : L’innovation

institutionnelle, [socio-

logos.revues.org/2661].

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Evaluer l’Éducation artistique et culturelle en partenariat

Des extraits vidéo pour s’entendre, ou pas ! Etude de cas

SOPHIE NECKER , maître de conférences, ESPE Lille Nord de France, Laboratoire

RECIFES, sociologue associée au CDWEJ

MILTON PAULO NASCIMENTO DE OLIVEIRA , danseur, chorégraphe,

improvisateur et artiste associé en matière de danse au CDWEJ

Entre 2011 et 2013, un programme

européen Comenius Regio réunit deux

structures œuvrant à la présence des arts et

des artistes dans les écoles ; l’une belge : le

Centre Dramatique de Wallonie pour

l’Enfance et la Jeunesse (CDWEJ), l’autre

française : Enfance, Art et Langages (EAL). Il

vise à questionner l’évaluation de l’éducation

artistique et culturelle à l’école pré-

élémentaire (dite « maternelle »).

Conduite par Jean-Paul Filiod et Sophie

Necker, la recherche-développement de ce

programme européen fait dialoguer

sociologie, anthropologie, sciences de

l’éducation et sciences et techniques des

activités physiques et sportives. Le présent

1 Cf. Necker, S. et Filiod, J. P. (2014). Le sensible au pluriel. Jeux de cadres en contexte d’éducation artistique, STAPS,

103, 87-99 ; Filiod, J. P. et Necker, S. (2013). Évaluer l’éducation artistique : l’expérience au croisement des points

de vue. In Collectif, cARTable d’Europe. Approche du concept d’évaluation en éducation artistique à partir de

résidences d’artistes à l’école. Lyon et Strépy-Bracquegnies : Caisse des écoles de la ville de Lyon et CDWEJ, 45-49.

2Nous remobilisons l’expression que nous avons choisi d’utiliser dans les publications citées (cf. note 1), afin de

prendre en compte en toute circonstance le double statut, générationnel et scolaire, des êtres concernés.

texte expose des résultats issus de ce

travail1 autour d’une étude de cas. La

méthode de collecte de données retenue

repose sur le sens étymologique de

l’évaluation. Ainsi, elle valorise la pluralité

des regards subjectifs sur une même réalité.

L’expérience de l’atelier en présence d’un(e)

artiste, sa teneur, ses enjeux est

appréhendée par le croisement de points de

vue à partir d’une question : que disent des

acteurs différents (artistes, enseignant(e)s,

personnels éducatifs associés), mais

travaillant sur un même lieu, avec les mêmes

enfants-élèves2, de situations émergeant du

travail avec un(e) artiste ? L’intérêt est de

mettre en valeur ce que les acteurs des

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ateliers et les chercheurs considèrent comme

significatif et pertinent, mais aussi d’étendre

les interactions entre les terrains pour

développer la réflexion sur l’évaluation.

Pour les quatre écoles (deux françaises, deux

belges) accueillant un(e) artiste et participant

à la recherche, la confrontation de points de

vue s’opère par une succession d’étapes :

- Le filmage d’une séance de travail avec

artiste et enfants-élèves.

- Le visionnage de ce film par le

chercheur et par chaque acteur

travaillant avec cette classe. Chacun,

seul, relève des passages qu’il trouve

significatifs.

- La rencontre de chaque acteur en

entretien individuel, sur la base des

données filmées. Les échanges portent

sur ce que chacun a relevé de marquant.

- Un entretien collectif avec ces mêmes

acteurs. Le chercheur propose une

sélection de passages significatifs et

de ce que chacun a pu en dire.

3 L’extrait est ainsi intitulé par l’artiste.

Dans cette contribution, à partir d’un extrait

vidéo retenu par Milton Paulo Nascimento de

Oliveira en vue d’un entretien avec Sophie

Necker, nous discutons les consensus et

dissensus observés dans le croisement des

points de vue, ce qu’ils peuvent nous

apprendre de l’expérience en éducation

artistique et de son évaluation.

L’extrait vidéo : Sauter maintenant sur le

tapis, Alice monte sur le tapis3

Présentation

Au cours de l’atelier qu’il conduit auprès

d’enfants-élèves âgés de 2,5 à 4 ans, Milton

Paulo Nascimento de Oliveira propose au

groupe de « traverser » trois tapis alignés en

« dansant très vite ». Pendant qu’un ou deux

enfants-élèves évoluent sous le regard de

l’artiste, les autres sont spectateurs ;

certains étant déjà passés, d’autres

attendant leur tour. Le jour du filmage, la

classe n’est pas au complet. Les adultes

peuvent alors accorder du temps à chacun,

individuellement. Cela permet aux enfants-

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élèves d'explorer les consignes de

mouvement tout en gardant leur singularité

et sans pour autant se faire emmener, voire

parfois effacer, par la force du groupe.

En entretien individuel, Milton Paulo

Nascimento de Oliveira retient de ce temps

de travail, un extrait de trois minutes,

centrant son attention sur Alice, alors âgée

de 2 ans et 7 mois. Cet extrait est situé dans

les dernières minutes de la séance. Il débute

lorsqu’Alice attend son tour, assise sur les

tapis réservés aux spectateurs. Elle est

attentive, elle observe le passage des

enfants-élèves. L’extrait prend fin à l’issue

de la traversée des tapis par Alice, seule.

Pourquoi avoir retenu cet extrait ?

En entretien, Milton Paulo Nascimento de

Oliveira repère chez Alice attendant son tour,

les prémisses de l’action de traversée à venir.

Par décomposition du mouvement et

interprétation des indices pris sur la posture

et l’attitude de l’enfant-élève, l’artiste

montre qu’Alice est déjà dans l’activité, alors

même qu’elle n’est pas encore engagée dans

la traversée : elle prépare son mouvement.

Milton Paulo Nascimento de Oliveira appuie

en particulier son hypothèse sur le

balancement d’Alice.

« J’ai observé [Alice] (…) qui était dans le fond,

en attendant assise sur le tapis. Je sentais

qu’elle était en train déjà de s’organiser pour

faire son passage, elle était déjà en train de

capter, de préparer son corps dans son

mouvement, ce balancement qu’elle faisait

vers l’avant, vers l’arrière, où elle engageait les

jambes, elle était déjà dans un dessin de saut

parce que comme c’est un passage sauté, il

faut sauter et quand on saute, on plie les

jambes, on penche le torse vers l’avant, il y a ce

rapport du corporel qui homologue le haut et le

bas qui commence à se connecter et donc, elle

commence à créer ce va-et-vient aussi. (…) elle

est en train de se préparer »

Entretien individuel, avril 2013

S’appuyant sur l’extrait, Milton Paulo

Nascimento de Oliveira pointe les étapes par

lesquelles Alice est passée au cours de

l’atelier (ce jour-là) : elle est d’abord avec lui

puis, avec une autre enfant-élève puis, seule

dans la traversée. L’extrait présente cette

dernière évolution. L’artiste affirme alors

que dans son attitude, Alice a changé (cette

fois-ci à l’échelle temporelle de l’année) :

elle a gagné en autonomie. Faisant référence

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au Body-Mind Centering4, il conduit son

analyse et repère des traces d’« intelligence

dans le parcours du mouvement » :

« Là on la voit [Alice], elle monte toute seule, je

lui tends la main, elle ne prend pas ma main.

Elle va toute seule, elle tombe tout de suite,

donc elle était déjà dans un élan et elle n’avait

pas besoin comme avant, que je la prenne par

la main, que je la place sur le tapis. (…) Elle

repousse encore une fois le sol et à un moment

donné, elle se redresse au niveau de la tête, en

repoussant le sol et elle passe vers la position

quatre pattes, elle fait le transfert vers les bras,

elle plie les jambes et elle se lève. C’est

incroyable, ce moment où, tout de suite, on

oublie Alice, qui était un peu immobile, avec un

corps statique (…). C’est incroyable ces micro-

changements, transformations qu’elle a pu

développer dans son parcours. Voilà, c’était un

peu ce que j’ai observé et (…) en lisant le livre

de Body-Mind Centering5, qui parle de ce

schéma de développement qui est le schéma

homologue, qui est l’avancée vers l’avant, le

recul vers l’arrière dans ce plan sagittal, le

rapport avec les bras et les jambes où l’enfant

est en train de découvrir le quatre-pattes, il y a

aussi ce rapport avec la nuque. C’est très

présent chez Alice, ces schémas qui se mettent

4 Il s’agit d’une méthode d’éducation somatique par le mouvement créée par Bonnie Bainbridge Cohen. Pour des

détails, voir : www.bodymindcentering.com

5 Nouvelles de Danse, 50 : Sentir, ressentir et agir. L’anatomie expérimentale du Body-Mind Centering®, Contredanse, 2002

en place, où elle revisite ce chemin et là, le fait

de devoir tomber, aller par terre, le fait de se

lever, la façon dont elle s’est mise debout, elle

était très à l’aise, vraiment très intelligente

dans son parcours de mouvement »

Entretien individuel, avril 2013

En retenant cet extrait, Milton Paulo

Nascimento de Oliveira signifie. Il marque

l’évolution – positivement connotée – de

l’attitude et du mouvement d’Alice, au fil des

ateliers du projet et de cet atelier. Non

seulement elle a gagné en « autonomie », mais

elle développe également un mouvement

« habité », « complexe », anticipé, où elle a

« trouvé ses appuis » et « ses articulations ».

Pluralité des regards subjectifs

sur l’expérience d’Alice, pour une

pratique du regard pluriel

En entretien individuel, Milton Paulo

Nascimento de Oliveira choisit ainsi

plusieurs extraits vidéo pour ce qu’ils

révèlent de l’expérience d’Alice dans

l’atelier. Dans cette même étape de collecte,

l’enseignante explique ne pas souhaiter

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rendre significative l’activité d’Alice car au

moment du filmage, cette enfant-élève est

dans la classe depuis peu de temps. En

entretien collectif, le chercheur revient sur

l’extrait « Sauter maintenant sur le tapis,

Alice monte sur le tapis » choisi par Milton

Paulo Nascimento de Oliveira. L’artiste et

l’enseignante disent tous deux la lenteur

d’Alice et s’accordent sur les conséquences

délétères qu’elle pourrait avoir sur le

parcours et le vécu scolaires de l’enfant-

élève (en classe et dans le groupe).

Toutefois, les indices prélevés par l’artiste et

l’enseignante pour analyser et discuter

l’extrait vidéo, les cadres qu’ils mobilisent

pour interpréter et attribuer une valeur à

l’expérience d’Alice diffèrent. L’enseignante

renvoie la lenteur de l’enfant-élève au

mauvais choix de ses parents de l’amener à

l’école en poussette. Pour l’enseignante, ce

mode de déplacement explique « sa lenteur et

son corps qu’elle découvre de façon différente

par rapport aux autres qui descendent et qui

marchent, qui ne viennent pas en poussette ».

La poussette serait un frein à l’autonomie et

à liberté motrice d’Alice.

Enseignante : « Alice, c’est toujours… (…) "Tu

viens ? Tu vas être dans l’atelier plasticine [pâte

à modeler]." (…) parfois, j’installe les autres et

je ne sais plus dans quel atelier elle était, parce

que ça fait bien 10 minutes que je lui ai dit de

s’asseoir là. Tu sens, chez elle… [qu’elle n’est]

pas à l’aise, [qu’elle] verrouille un peu tout ce

qu[’elle] peu[t] verrouiller. (…)

Artiste : « moi je vois quelqu’un qui est

effectivement dans une lenteur, dans un corps

qui ne répondait pas. (…) comme si elle avait

envie, mais que le corps ne répondait pas. Et là

[dans l’extrait retenu], je sens que le corps

répond parce que (…), c’est le sourire

maintenant qui est présent, qui est vivant et

que le corps répond. Il y a un courant qui

passe »

Entretien collectif, juin 2013

Cette étude de cas (le cas n’étant pas Alice,

mais l’extrait présentant l’activité d’Alice)

rend compte de la pluralité des

interprétations possibles d’une même

réalité. La façon de voir et d’interpréter

retenue dépend – entre autres choses – d’un

système de valeurs, de connaissances, de

repères normatifs que le regardeur s’est

construit. Donner la possibilité (des moyens,

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des outils6, du temps, des espaces…) aux

équipes en partenariat de verbaliser,

d’expliciter, de partager, discuter, débattre

ces cadres apparaît comme une condition

nécessaire à l’appréciation fine des

comportements d’enfants-élèves et de leur

complexité, à la compréhension des

connaissances en jeu dans l’expérience

vécue en ateliers… Soit une condition

nécessaire à un partenariat bienveillant et

constructif.

6 Milton Paulo Nascimento de Oliveira souligne l’intérêt de l’outil vidéo. En tant qu'artiste, situé toujours au milieu des

enfants-élèves, la vidéo lui permet une vision plus large de l'atelier, de prendre de la distance pour pouvoir observer

ce qui se passe à l'intérieur comme à l’extérieur de l'espace de danse.

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La participation d’élèves du primaire à la création d’un conte

musical avec des artistes professionnels

MYRIAM LEMONCHOIS , professeure département de didactique, Université

de Montréal – Québec

EMELINE OUVRARD , auxiliaire de recherche, Université de Montréal – Québec

Introduction et problématique

Il est largement reconnu que l’éducation

artistique favorise le développement

personnel et social des enfants, mais peu

d’études ont effectivement démontré

l’existence réelle de ces effets (Valentin,

2006). Il manque des recherches pour

comprendre pourquoi est favorisé ce

développement en fonction des

expériences des élèves dans les projets

artistiques (Burnard et Swann, 2010). Il

est difficile de déterminer, dans la

littérature de recherche, si les effets sont

causés par la pratique artistique ou par

les innovations pédagogiques qui

l’accompagnent (Fraisse, 2008). À titre

d’exemple : le travail collectif est souvent

adopté lors des projets artistiques, et il

semble permettre d’améliorer les

compétences sociales. Mais l’effet est-il

dû aux expériences artistiques ou au

dispositif pédagogique mis en place ?

Seule la spécificité de l’expérience

artistique permet d’affirmer la plus-value

apportée par l’éducation artistique

(Lauret, 2008), il est donc important de

comprendre la participation d’élèves à

des activités artistiques, en se centrant

sur les spécificités de ce type d’activités,

sans négliger les formes d’intervention

pédagogique qui en découlent.

Les deux dernières décennies ont vu la

multiplication des interventions d’artistes

dans les écoles et certains affirment qu’il

ne peut y avoir de projets artistiques sans

participation (Lacroix et Mouraux, 2003).

Quant à Ramsey White et Rentschler

(2005), ils affirment que cette

participation développe l’intégration

sociale. Par ailleurs, il n’existe pas

toujours de participation authentique des

élèves dans les projets (Hart, 1992). Dans

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certains projets, les élèves sont

simplement présents, ailleurs ils

prennent part aux prises de décisions

(Guetzkow, 2002). Si de nombreuses

recherches ont porté sur la participation

des élèves dans le cadre de projets, le

désaccord entre les points de vue des

auteurs est peut-être la conséquence d’un

manque de définition de la participation

(Merli, 2002). C’est pourquoi il est

nécessaire de définir précisément ce

qu’on entend par participation des élèves

afin de mieux en comprendre les effets.

De la Convention Internationale des

Droits de l’Enfant – CIDE - (ONU, 1989)

découle une définition de la participation

des enfants reliée à la reconnaissance de

leur parole. Depuis, l’UNICEF demande

aux milieux scolaires de développer la

participation des enfants (Lansdown,

2005). Mais la participation reste encore

peu développée à l’école (Brougère et

Vandenbroeck, 2007) ou alors seulement

dans le cadre d’une éducation à la

citoyenneté (Pagoni, 2009). De plus, elle

est parfois définie comme une contrainte,

évaluée en termes d’énergie dans la

réalisation de la tâche, comme l’indique,

par exemple, le programme de

d’enseignement au primaire de la

Nouvelle-Écosse (CSAP, 2006, p. 130).

Finalement, la question de savoir quelles

formes de participation l’école peut

intégrer pour reconnaître les élèves

comme des acteurs sociaux reste entière.

D’une manière générale, la clef de la

réussite de la participation des enfants est

le partenariat enfants-adultes (Cook et

collab., 2004). La même constatation est

faite par les chercheurs qui ont étudié les

pratiques pédagogiques des artistes dans

les écoles : les pratiques des artistes les

plus signifiantes sont celles qui

recherchent une coparticipation et une

coconstruction entre les élèves et les

artistes (Craft, 2005). Actuellement, les

recherches sur les interventions d’artistes

dans les écoles — les plus récentes et les

plus approfondies — se sont déroulées en

Grande-Bretagne, où, depuis 2002, un

important programme de partenariats

artistiques et culturels, intitulé Creative

Partnership, a été institué avec les écoles

(Burnard et Swann, 2010). Ces recherches

ont fait ressortir plusieurs points saillants

concernant la relation entre élèves et

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artistes : c’est une relation qui diffère de

celle de l’enseignant avec les élèves

(Galton, 2008 ; Pringle, 2008) parce que

l’artiste se place à côté des élèves

(alongside) (Chappell et Craft, 2009). Les

interventions des artistes dans les écoles

seraient une autorisation à aborder

autrement les élèves (Chappuis et collab.,

2008, p. 135). Le contexte des projets de

création avec des artistes est donc

pertinent pour étudier une forme

particulière de participation dans les

écoles.

Contexte théorique

Spécificité de la création artistique

Reprenant Genette lorsqu’il affirme qu’il

n’y a d’œuvre qu’à la rencontre active d’une

intention et d’une attention (Genette, 1992,

p. 8), nous avons défini la spécificité de la

création artistique autour de ces deux

notions : intention et attention.

Le premier élément propre à l’art, selon

Genette (1997), est la considération de la

fonction intentionnelle. Pour que l’activité

artistique ait lieu, l’artiste doit diriger son

acte volontairement en formulant une

intention artistique, afin de maximiser les

potentialités de l’œuvre et la rendre plus

intelligible, signifiante et intéressante

(Ilhareguy, 2008, p. 72). Pour autant, le

travail ne se limite pas à une résolution de

problème qui consisterait à surmonter des

contraintes de départ. Si l’artiste vise

intentionnellement à réaliser ce qu’il

pressent, il n’est pas toujours en mesure

de pleinement déterminer les contours de

son œuvre dès le début de son

élaboration. L’intention artistique est un

complexe intentionnel composé

d’interactions entre intentions initiales et

intentions d’ajustement (Ilhareguy, 2008).

Le processus de création consiste en une

mise à l’épreuve d’intentions artistiques,

l’artiste expérimentant et vérifiant la

pertinence de ses intentions artistiques

dans l’expérience de leur matérialisation

ou de leur conceptualisation (Ilhareguy,

2008). Au cours du processus de création,

l’artiste est donc amené à faire des choix

parmi ses intentions.

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Genette (1997) appelle « attention

esthétique », l’attention de l’œuvre et de ses

éléments de contenu matériels et

conceptuels afin de les apprécier. Mais cette

attention intense et rigoureuse concerne

aussi l’activité du créateur : l’œuvre est le

résultat d’une composition où chaque

intention est soumise à l’appréciation.

L’artiste ne peut vérifier et évaluer la

pertinence de ses intentions artistiques qu’à

partir de sa propre sensibilité (Lemonchois,

2003). Toute création artistique repose sur

l’appel à la nécessité intérieure (Kandinsky,

1989), dans lequel l’artiste puise ses

mobiles (Guisgand, 2002) et qui joue un

rôle de verdict sensible pour mettre à

l’épreuve des intentions artistiques

(Ilhareguy, 2008).

Si le créateur évalue ses intentions artistiques

à partir de sa sensibilité, il doit, par ailleurs,

toujours avoir en tête le regard d’autrui.

L’artiste pour être reconnu doit montrer qu’il

est non seulement singulier (un être unique

dont l’œuvre est originale) mais aussi

universel (capable de toucher chacun et tous

en même temps) (Heinich, 2005). L’art n’est

pas seulement une pratique solitaire, c’est

aussi une pratique sociale.

Participation

Depuis la publication de la CIDE (ONU,

1989), la participation de l’enfant a fait

l’objet d’un nombre croissant de projets

concrets et de recherches (Lansdown,

2001). Dans ces travaux, la définition de

la participation découle directement de

l’article 12 de la CIDE qui octroie aux

enfants le droit d’avoir un rôle actif dans

leur propre existence et de participer aux

décisions les concernant (Lansdown,

2001). Et les chercheurs constatent que le

degré le plus élevé de la participation des

enfants consiste dans leur implication à

des prises de décision avec des adultes,

parce que ce sont celles qui ont un impact

durable sur l’ensemble de la collectivité

(Cook et collab., 2004). En adoptant cette

définition de la participation, il s’agit de

chercher à comprendre comment les

artistes impliquent les élèves dans des

prises de décision.

Craft (2005) et Galton (2008), qui ont

étudié la participation d’enfants à des

projets avec des artistes, constatent que

cette participation est authentique, si les

enfants ont un rôle dans le processus de

création. Étant donné que la participation

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étudiée dans notre recherche se déroule

dans le contexte particulier de projets de

création avec des artistes dans des

écoles, nous avons porté notre attention

sur le processus de décision qui

accompagne la mise à l’épreuve des

intentions artistiques, pour déterminer

les ajustements nécessaires à la réussite

de l’œuvre. Dans ce contexte et afin

d’étudier la participation d’élèves du

primaire à un projet de création avec des

artistes, trois objectifs ont été définis : 1)

Analyser comment les artistes sollicitent

la participation des élèves en milieu

scolaire ; 2) Comprendre comment

l’appel à la nécessité intérieure module la

participation des élèves ; 3) Définir le

statut de l’élève lors de sa participation

au processus de création avec les artistes.

Méthodologie

Sujets

La recherche a porté sur un des projets

du programme Libres comme l’art, créé

par le Conseil des Arts de Montréal, Le

Conseil des Élus de Montréal et l’École

montréalaise pour tous. Ce programme

accorde un soutien financier pour la

réalisation de résidences de création

dans des écoles publiques francophones

et anglophones de l’ile de Montréal. Les

projets Libres comme l’art ont pour

objectif de faire participer des élèves à un

projet de création artistique

professionnelle sur plusieurs mois et ils

sont sélectionnés sur leur qualité

artistique et la pertinence des activités

proposées dans les écoles. Les jeunes

entrent ainsi en contact avec une

démarche artistique professionnelle,

alors que les artistes alimentent leur

travail créatif au contact des élèves.

Toutes les disciplines artistiques sont

admissibles au programme. Une

douzaine de projets de ce type étant

financés chaque année, nous en avons

sélectionné un au hasard pour réaliser

cette étude. Ce projet a permis la

participation d’élèves de 2e et 3e cycle du

primaire à un projet de création de conte

musical avec des artistes : une classe de

3e cycle a réécrit un conte traditionnel

japonais, une autre de 2e cycle a appris à

jouer du shinobue, écrit et sélectionné

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des séquences musicales, et deux autres

du 2e cycle ont sélectionné des thèmes

musicaux joués. Deux artistes, l’une

Japonaise et l’autre Québécoise, sont

intervenues conjointement. Toutes les

deux étant co-auteures du conte, mais

l’une d’elles étant à l’initiation du projet,

c’est cette dernière que nous avons

rencontrée en entretien.

Instrumentation

De type descriptif (Van der Maren, 1987),

la méthode de recherche a consisté en

des entretiens individuels avec une

artiste et un enseignant et des entretiens

collectifs avec les élèves, avec auparavant

des observations lors des interventions

des artistes pour en concevoir les

questions. Parce que la recherche a

bénéficié d’une subvention de recherche

octroyée par le Bureau de la recherche, du

développement et de la valorisation de

l’Université de Montréal, son comité

d’évaluation scientifique en a approuvé la

valeur scientifique.

La méthode de recherche a été élaborée à

partir d’une recension de la littérature de

recherche impliquant des enfants. La

sociologie de l’enfance considérant les

enfants comme des participants à part

entière (Sirota, 2005), capables

d’interpréter leur propre expérience

(James et Prout, 1990), au même titre que

les adultes (Christensen et Prout, 2002),

l’approche évite d’infantiliser les

enfants : il s’agit d’entendre et de

reconnaitre leur point de vue (Alderson,

2000). Le guide d’entretien auprès des

élèves a donc tenté de respecter les

éléments essentiels lors de la conduite de

recherche auprès d’enfants, déterminés

par Clark et Moss (2001). Tout d’abord,

les élèves ont pu témoigner de leurs

expériences des élèves, comme des

experts, c’est-à-dire comme les autres

participants adultes. Ensuite, une

certaine souplesse était présente dans la

conduite des entretiens : de mode semi-

directif, l’ordre et la formulation des

questions ont été adaptés aux enfants.

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Déroulement

Les entretiens ont pu être réalisés auprès

de trois groupes d’élèves, chaque groupe

étant composé de trois élèves différents

issus des différentes classes ayant

participé au projet. Ces entretiens ont

duré environ quarante minutes chacun.

Faire parler les élèves sur ces concepts

complexes, tels que ceux que nous avons

définis dans notre contexte théorique,

s’est avéré difficile. Les premières

questions de l’entretien qui consistaient à

leur demander ce qu’ils avaient aimé le

plus et ce qu’ils avaient aimé le moins

dans le projet, ainsi que ce qu’ils avaient

imaginé du projet avant de le commencer,

nous ont permis d’avoir un recueil de

mots et d’expressions que nous avons

réutilisé pour reformuler nos questions le

plus simplement possible. Par ailleurs,

nous avons adapté le déroulement du

guide d’entretien à l’ordre d’apparition

des thématiques que les élèves abordaient

au cours de l’entretien, nous contentant

ainsi de reformuler leurs propos pour les

inviter à être plus précis.

Le point de vue des enfants a été croisé

avec celui des adultes. Trois autres

entretiens ont été effectués : un en fin de

projet, auprès de l’enseignant spécialisé en

musique, qui a accompagné le projet dans

les classes y participant, et deux entretiens

avec l’artiste, initiatrice et responsable du

projet, un entretien en début de projet,

avant les observations dans les classes et

un entretien à la fin du projet. Les

entretiens avec les adultes participant ont

duré en moyenne une heure.

L’analyse des notes d’observation nous a

permis de construire un guide d’entretien

et de déterminer les questions que nous

voulions poser. Après quelques

questions d’ordre générales sur le projet,

le guide d’entretien contenait des

questions réunies sous trois thèmes

principaux : le processus de prise de

décision, l’appel à la nécessité intérieure,

la relation aux élèves.

Considérations éthiques

Afin de pouvoir réaliser les observations et

les entretiens dans les écoles, l’obtention

d’un certificat d’éthique auprès de

l’Université de Montréal s’est avérée

nécessaire, ainsi que des formulaires de

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consentement de participation à la

recherche, un destiné à l’enseignant, un à

l’artiste et un autre aux parents des

élèves. L’obtention du consentement des

élèves leur a été demandée de manière

orale. Les données ont été anonymisées,

les participants ne devant pas être

identifiés lors du traitement des données

et de la diffusion des résultats.

Méthode d’analyse des résultats

Les entretiens avec les élèves, l’artiste et

l’enseignant ont été transcrits puis

analysés de manière thématique en

fonction des objectifs de recherche. Ils

ont été analysés une deuxième fois en

écoutant le fichier audio, afin de mieux

cerner le discours des enfants. Lors de

l’écoute, l’analyse a été effectuée de

manière linéaire, au fur et à mesure de

l’écoute : les chercheurs interrompant

leur écoute pour transcrire leurs

interprétations faisant appel au cadre

théorique ou aux données recueillies lors

des observations. Les résultats sont

présentés en fonction des objectifs de la

recherche et des thèmes issus de

l’analyse des entretiens.

Résultats

La participation des élèves

sollicitée par les artistes

Le projet de création avec les artistes

s’est toujours déroulé dans la salle de

classe réservée aux cours de musique.

Malgré cela, les enfants nous disent que

ce n’est pas comme à l’école. Les élèves ont

eu des difficultés à expliquer pourquoi,

mais en reformulant leurs propos nous

avons eu quelques réponses.

Tout d’abord, les élèves disent que le

projet a un côté mystérieux, car ils n’ont

pas su avant la présentation du projet

final, ce que serait le résultat de leur

travail. Le projet de création a été réparti

entre plusieurs classes : une classe a

réécrit l’histoire, une autre a appris à

jouer du shinoboe pour créer des

séquences musicales et deux autres

classes ont choisi toutes les autres

séquences musicales du conte. Par

ailleurs, la mise à l’épreuve d’intentions

artistiques implique une modification de

la création au fur et à mesure de son

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avancement : c’est nous qui a fait l’histoire…

mais on sait pas quoi ça fait tout ensemble,

nous disent les élèves. Les élèves ont bien

compris que le projet se construisait au

fur et à mesure et pensent que cela

diffère des autres projets dans l’école.

Pour les élèves, c’est un projet mystérieux

aussi parce qu’il diffère des autres

projets d‘intervention d’artistes à l’école.

Des élèves nous disent avoir pensé au

début du projet qu’ils allaient continuer à

jouer de la flute à bec et faire un spectacle de

fin d’année, comme tout le temps. Certains

élèves ont même imaginé que les artistes

feraient tout le travail de création et

qu’eux joueraient seulement quelques

morceaux. Les interventions d’artistes se

déroulent souvent sur une courte période

et ont pour objectif de présenter une

œuvre, de réaliser un atelier avec les

élèves ou d’aider l’enseignant à réaliser

une création des élèves montrée à l’école.

Les projets Libres comme l’art sont

originaux parce qu’ils visent une création

professionnelle, c’est-à-dire destinée à

un large public, et qu’ils séparent les

aspects techniques des aspects de

création, ainsi dans les projets musicaux

ce ne sont pas les élèves qui jouent, mais

des artistes professionnels. L’artiste qui

dit intervenir depuis 15-20 ans dans les

écoles reconnaît que des projets comme

cela, c’est assez unique. Cet aspect est assez

déroutant pour les participants : au début

du projet, l’enseignant et les élèves nous

ont dit avoir été étonnés par le

déroulement du projet qui impliquait

seulement de faire des choix musicaux.

Lorsque nous demandons aux élèves ce

qui est différent entre l’enseignant et

l’artiste, un élève cite un exemple de

séquences de pratique du shinobue, l’une

avec l’artiste japonaise durant ses

interventions et l’autre avec leur

enseignant de musique :

Moi je trouve que c’est meilleur avec Y (l’artiste

japonaise), plus facile, parce qu’avec P. (leur

enseignant de musique), avec lui on pratique,

avec Y., on pratique et en même temps on

choisit des choses, et puis après on donne son

opinion si on aime cela.

Lorsque le projet a été présenté en début

d’année aux élèves, ils n’avaient pas

imaginé avoir un rôle aussi important. Ils

ne sont pas habitués à être consultés pour

participer à des prises de décisions : c’est

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souvent leur enseignant qui choisit ce

qu’ils doivent faire et selon eux, c’est

correct, parce qu’après tout c’est lui le prof,

nous disent-il. L’une des particularités du

projet retenue par les élèves est leur

participation à des prises de décision.

Le fait que le projet se déroule dans la

classe a impliqué une adaptation du projet

aux contraintes scolaires. L’enseignant et

les élèves ne nous nullement parlé des

contraintes scolaires, peut-être parce

qu’ils les vivent au quotidien et qu’elles

sont des habitus inhérents à l’école,

auxquels on finit par ne plus penser. Mais

elles ont été pesantes pour l’artiste, même

si le projet n’était pas le premier qu’elle ait

fait dans des écoles. La contrainte la plus

dérangeante pour l’artiste a été celle du

temps si on avait eu plus de temps, j’aurai peut-

être essayé d’explorer les segments musicaux et

de creuser un peu plus les choix. L’artiste

aurait préféré travailler avec les élèves sur

des périodes plus longues que celles qui

lui étaient allouées sur l’heure du cours

avec l’enseignant spécialisé en musique. À

cause de la contrainte de temps, l’artiste a

dû adopter une procédure particulière

pour le recueil des choix des élèves : j’ai

décidé d’y aller avec des votes et que j’ai noté

pour avoir une espèce d’idée de ce qui plaisait le

plus à la majorité. Le processus de création

artistique ne répond pas à une

programmation horaire comme les cours,

les contraintes de temps ont donc eu des

implications sur le type de relation avec

les élèves : j’aurai trouvé cela intéressant

d’avoir un peu plus de temps, travailler peut-être

un peu plus en équipe, pour avoir un rapport plus

égal, nous dit l’artiste.

En début de séance, l’artiste commence

par présenter le travail du jour :

On a trouvé pas mal d’ambiances, mais il nous

reste quelques moments du spectacle où là on

ne sait pas quoi, alors c’est pourquoi on est en

classe ce matin, on a besoin de ton avis ; c’est

parce qu’on a plusieurs choix, et on n’arrive pas

à se décider.

Lors de chaque séance d’une heure, les

artistes présentent aux élèves diverses

versions musicales et elles les consultent

pour la mise à l’épreuve de ces intentions

artistiques. Elles ont donc délégué une

partie de leur travail en demandant aux

élèves d’en déterminer les ajustements

nécessaires. Quand nous demandons aux

élèves ce que cela leur fait, ils répondent :

moi, j’aime ça parce que si c’est eux tous seuls

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qui les prennent, c’est comme si nous on

participait pas parce qu’on donne pas notre

opinion. Pour les élèves, la notion de

participation est bien reliée à l’idée de

prendre des décisions personnelles.

Dans l’ensemble, de nombreux choix des

élèves ont été incorporés dans la

réalisation : on a respecté leurs choix

musicaux, les instruments, tout cela on

ne les a pas remis en question, nous dit

l’artiste. Selon l’enseignant, les élèves

ont reconnu leurs choix dans le produit

final et il nous rapporte des propos

entendus après le spectacle : ah oui, on

avait choisi cela, ben oui, c’est ma phrase. Mais

toutes les décisions prises par les élèves

n’ont pas été incorporées dans le projet.

Par ailleurs, jamais les décisions qui ont

été prises par les enfants n’ont jamais été

considérées comme des choix définitifs,

le processus de création impliquant de

mettre à l’épreuve des intentions

artistiques. Mais les élèves semblent ne

pas avoir été gênés par le fait que les

décisions qu’ils avaient prises n’étaient

pas définitives ou qu’elles n’aient pas été

incorporées dans le produit final :

S’ils le mettent là, on serait content, parce que

notre choix est mis dans le spectacle, mais si

jamais ils sont pas là, on se dirait au moins

qu’on s’est laissé exprimer, même s’ils les ont

pas mis, au moins on a pu dire notre

personnalité, les choix qu’on a choisis.

Les élèves ajoutent qu’ils se sont sentis

comme des créateurs, créatrices parce qu’ils

ont pu exprimer leur personnalité dans le

processus de création, même si tous

leurs choix n’ont pas été intégrés dans le

produit final.

L’appel à la nécessité intérieure

et la participation des élèves

Le processus de création exige de porter

une attention esthétique sur les

matériaux qui peuvent être insérés dans

l’œuvre, dans le cas observé, les

séquences musicales. Formuler des

intentions artistiques est parfois difficile

pour les élèves. Dans ce projet de

création, les intentions artistiques

initiales ont été formulées par les

artistes, mais elles ont été mises à

l’épreuve par les élèves qui ont dû faire

appel à leur nécessité intérieure afin de

rendre un verdict sensible et prendre des

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décisions pour les ajustements

nécessaires. Lors des choix des

séquences musicales, les artistes

arrivaient en classe avec trois ou quatre

versions d’une même séquence pour les

faire écouter aux élèves. Ils leur

demandaient de choisir parmi celles-ci

celles qu’ils pensaient correspondre le

mieux. Après mise en contexte, l’artiste

demandait aux élèves de réfléchir en

fermant les yeux parce qu’elle pense qu’il

lui semblait important de renvoyer les

élèves à leur intériorité : je vais le faire moi-

même, pour avoir le senti, parce que c’est très

kinesthésique, c’est les sons, faut les sentir,

nous dit-elle.

Lorsqu’on demande à l’enseignant ce

qu’il pense de cette manière de faire, il

nous répond que lui aussi le demande

dans ses cours aux élèves : on veut bien

leur faire prendre conscience de cela, le faire

réfléchir, le faire questionner sur tout cela. Ce

qu’on remarque d’emblée lorsqu’on

compare les propos de l’artiste et ceux de

l’enseignant concernant l’appel à la

nécessité intérieure, c’est que l’artiste a

parlé de sentir quand l’enseignant parle

de réfléchir et de questionner. Cet

enseignant semble faire référence à ce

que Bachelard appelle la surveillance

intellectuelle de soi (Fabre, 2003), un

outil nécessaire à la pensée scientifique

qui nous empêche de croire à la première

idée venue. Si l’enseignant spécialiste en

musique renvoie parfois les élèves à leur

intériorité, les élèves pensent que

l’enseignante généraliste leur demande

rarement : c’est pas vraiment une habitude,

nous disent les élèves. Et lorsque cela

arrive, c’est uniquement en dehors des

apprentissages scolaires, par exemple

pour demander aux élèves s’ils veulent

aller dehors quand il fait chaud. Les

élèves pensent qu’à ce moment-là,

l’enseignante ne veut pas qu’on copie les

personnes, parce que quand on va juste dehors

et qu’on a rien à faire (…) là ce sera plate.

D’après cet exemple, l’intériorité renvoie

au maître intérieur, tel que défini par

Durkheim (1938) : l’élève doit y faire

appel pour y trouver une vérité

universelle, le juste et le bien. Si le maître

intérieur chez Durkheim renvoie à un

habitus moral (Fabre, 2003), l’appel à la

nécessité intérieure de l’artiste n’est pas

du même ordre. Elle ne renvoie ni à un

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bon comportement social (Durkheim,

1938) ni à un bon comportement

intellectuel (Fabre, 2003). Lorsque les

artistes partagent avec les élèves leurs

intentions artistiques, ils leur demandent

de faire appel à leur sensibilité.

Les artistes demandent aux élèves de

faire appel à leur sensibilité et en même

temps, ils rappellent aux élèves que la

mise à l’épreuve sensible implique le

regard de l’autre. Les consignes des

artistes contiennent à la fois une

dimension personnalisante et de l’autre

une dimension généralisante. La

dimension personnalisante apparaît dans

les consignes des artistes : ce que tu

préfères ; ce que tu penses ; ça va être toi qui va

décider. Et les artistes rappellent ainsi aux

élèves la dimension généralisante en leur

demandant par exemple : imagine-toi que

tu arrives au spectacle et là tu entends…

Trouves-tu que cela nous met dans l’ambiance

de la forêt japonaise, de la forêt de bambous et

que cela ouvre un conte japonais ? Les artistes

accompagnent les élèves dans le travail

d’explicitation de l’intention artistique en

leur montrant qu’elle est un compromis

entre un projet d’expression personnelle

et les attentes d’un public. L’élève doit se

poser comme artiste, c’est-à-dire

comme être unique parlant au nom et en

direction de tous (Maulpoix, 1998, p. 63).

Lorsque les artistes et les élèves se

retrouvent partenaires dans l’acte

créateur, l’apprentissage artistique

adopte une perspective culturelle

indispensable à la pratique artistique.

Le statut de l’élève lors de

sa participation au processus

de création

En déléguant une partie de leur travail de

création aux élèves, les artistes leur ont

reconnu une expertise : celle de pouvoir

évaluer la pertinence d’intentions

artistiques. Les artistes ont accordé aux

élèves une expertise : celle d’une

personne agissante, c’est-à-dire capable

de faire des choix éclairés dans des

situations dont il maîtrise et comprend

les enjeux (Lacroix et Mourault, 2003). Et

étant donné que les artistes n’ont pas

vérifié auparavant si les élèves

possédaient réellement cette expertise,

nous pouvons dire qu’elles ont d’emblée

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reconnu les élèves compétents pour

participer aux prises de décisions

artistiques. L’artiste que nous avons

rencontrée justifie ainsi cette posture : ce

que j’ai essayé de leur dire que c’est eux les

spécialistes, à partir du moment où je leur

donne le contexte et leur fais écouter

différentes musiques, je ne vois pas pourquoi ils

ne seraient pas capables de choisir, puisqu’ils

ont une sensibilité. Les élèves ont vraiment

eu l’impression qu’on les reconnaissait

comme compétents et se sont sentis

valorisés : Ce que j’ai préféré c’est choisir les

musiques, parce que c’est des choix à nous, et

pas des choix à d’autres. Au début du projet,

les élèves n’ont pas imaginé qu’on leur

confierait des tâches propres à l’artiste.

Être reconnu comme expert est un rôle

apprécié des élèves, mais qui n’est pas

habituel à l’école.

L’enseignant reconnaît qu’il y a un

décalage entre l’attitude de l’artiste

envers les élèves et la sienne : elles avaient

au départ confiance en leurs idées, en leurs

capacités, en leur effort, en leur motivation.

Même s’il valorise ses élèves en leur

disant ah ça vous êtes bons pour cela ;

c’est comme cela que je voudrais qu’on

travaille tout le temps, il reconnaît qu’il

n’est pas capable d’avoir totalement

confiance dans leurs compétences : c’est

sûr que ce n’est pas ce que je pense au début là,

volontairement. Et il ajoute : peut-être que je

ne leur fais pas assez confiance,

personnellement. Je ne pense jamais qu’ils

pourront faire certaines choses. Il cite en

exemple : souvent j’aurai envie de leur faire

écouter de la musique, telle que de l’opéra… « oh

non, ils n’aimeront pas cela. Ça va rire et puis ils

n’aimeront pas cela ». Je m’enlève le droit de

faire cela et je vois que cela pourrait très bien se

passer. L’enseignant ne pense donc pas

d’emblée que les élèves sont compétents.

Les principes didactiques, quelles que

soient les disciplines, reposent toujours

sur l’idée que les élèves ne sont pas

compétents et que le rôle de l’enseignant

est de les amener à le devenir.

Lorsque l’artiste a sollicité la

participation des élèves, elle affirmait son

ignorance en affirmant qu’elle ne savait

pas quelles musiques il fallait choisir en

rappelant plusieurs fois au cours d’une

même période et à toutes les périodes :

moi je ne sais pas, c’est vous qui savez. Le

travail au sein du projet devait se faire

dans un esprit égalitaire : toutes les

opinions pouvaient être entendues, étant

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donné qu’elle étaient issues de personnes

considérées comme compétentes dans

leur créativité et leur sensibilité artistique.

En adoptant cette attitude, l’artiste a eu

l’impression que les élèves ressentaient

un certain inconfort et qu’ensuite ils se

questionnaient :

Je pense qu’ils ne sont pas habitués, qu’ils sont

toujours dans un rapport maitre-élève, le

maitre sait tout, l’élève ne sait rien. Et là de les

mettre dans un processus de coéducation, de

cocréation, ils ne sont pas habitués à cela. Et

c’est la difficulté, la surprise.

Cela peut être en effet déroutant pour les

élèves qu’un adulte qui prend la place de

son enseignant n’en sait pas plus que lui.

Discussion des résultats

Les résultats exposés ci-dessus nous ont

permis de répondre à la question

principale de la recherche pour

comprendre la participation d’élèves du

primaire à un projet de création avec des

artistes. Nous avons vu que cette

participation diffère sur de nombreux

points de la participation demandée aux

élèves habituellement en classe, même si

elle se déroule dans un contexte scolaire

en respectant ses contraintes. Les élèves

n’ont pas développé des intentions

artistiques mais ils ont participé à leur

mise à l’épreuve et ont pu prendre des

décisions quand aux ajustements

nécessaires à la production artistique.

Les élèves ont pris des décisions d’ordre

artistique et par de là se sont sentis

reconnus comme compétents et dans une

relation égalitaire avec l’artiste.

Les élèves pensent que les artistes n’ont

pas exercé une autorité sur eux, tout

comme, parfois, peut le faire leur

enseignant, mais que le prof, quand il est

prof, il est sévère. Ils rappellent ainsi que

dans le rôle d’explicateur de l’enseignant

induit une relation pédagogique

inégalitaire. Les propos des élèves

rappellent ceux de Rancière (1987),

lorsqu’il affirme que l’artiste a besoin de

l’égalité comme l’explicateur a besoin de

l’inégalité (p. 54). La reconnaissance des

élèves, dans un rapport égalitaire entre

adultes et enfants, n’est pas sans

rappeler le projet d’émancipation décrit

par Rancière (1987, 2009). Chez Rancière

(2009), si l’instruction est basée sur un

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rapport inégalitaire entre un maître

savant et un élève ignorant,

l’émancipation se base sur la prémisse

d’une égalité des intelligences du maître

et de l’élève qui leur permet d’échanger

leurs aventures intellectuelles (Rancière,

2009, 23). Il nous paraît intéressant

d’interpréter les résultats à la lumière des

travaux de cet auteur, car la définition de

la participation que nous avons

empruntée à la CIDE implique que

participation et émancipation soient

interchangeables, comme dans les

publications du centre de recherche de

l’UNICEF (Lansdown, 2005).

Prendre pour point de départ l’égalité,

c’est donc partir non pas de ce que l’élève

ignore, mais de ce qu’il sait et de vérifier

s’il a usé de son intelligence (Rancière,

1987). Dans notre recherche, nous avons

constaté que les artistes ont demandé

aux élèves de justifier leurs choix. Ils leur

ont demandé de rendre compte de leur

volonté de donner du sens, en montrant

que leur nécessité intérieure a bien été

sollicitée. Ils ont donc joué ici un rôle

identique à celui du maître ignorant

décrit par Rancière (1987) en vérifiant

que l’élève a cherché en jugeant de

l’attention que l’élève à porter en

vérifiant par lui-même ce qu’il a trouvé.

Pour Rancière (1987), la leçon

émancipatrice de l’artiste est d’effectuer

une double démarche : ressentir et faire

partager ce qu’il ressent. Cela ne signifie

pas copier l’œuvre d’un artiste mais

adopter une attention et une attitude de

recherche propre à l’art pour dire et faire

partager son rapport à soi, aux autres et

au monde dans des matériaux a priori

arbitraires et dont il faut forcer la

résistance pour pouvoir se dire (Rancière,

1987). Cet auteur rappelle ainsi que la

vertu première de notre intelligence est la

vertu poétique (Rancière, 1987, p. 120).

Selon Rancière (2009), l’art de nos jours

relève d’un régime esthétique qui lui

octroie une valeur émancipatrice dans la

mesure où la propriété d’être de l’art

n’est dépendante de critères de

perfection technique, mais reflète une

volonté de partager une appréhension du

sensible. Reprenant les propos de

Rancière (1987), nous pouvons dire que

le rôle pédagogique de l’artiste est de

donner à voir faire de l’art pour

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apprendre à en faire soi-même ;

apprendre de celui qui vient en homme

émancipé pour aider le novice sur le

chemin de l’intelligence poétique à

partager la parole muette de l’émotion en

maniant l’arbitraire de la langue — dans

le cas étudié le langage musical. Il

semblerait que développer une posture

d’auteur à l’école consiste à mettre en

œuvre un régime esthétique de

l’enseignement des arts, c’est-à-dire un

mode d’enseignement dans une égalité

des sujets, enfants et adultes.

Parce que la création artistique relève à la

fois d’un régime de singularité et d’un

régime de communauté (Heinich, 2005),

elle constitue d’évidence un lieu

privilégié dans lequel le sujet peut se dire

tout en participant à la culture. Les

artistes par leur expérience d’auteur

peuvent aider les élèves dans la

construction de leur propre posture

d’auteur. La notion d’auteur permet de

penser l’aptitude du sujet à produire du

social, par sa position de sujet et par sa

force critique (Bertucci, 2007). Elle

renvoie aussi à la définition de

l’émancipation de Rancière, comme

capacité des individus à se démarquer

des identités qu’on leur assigne

(Rancière, 2009). Le projet d’émanciper

par l’art est né dans les écoles

progressives (1890-1920) de

l’éducation, où expression de soi et

enseignement artistique sont intimement

mêlés (Lemonchois, 2011). Mais dans la

classe, le rapport de pouvoir entre élève

et enseignant est un pouvoir

d’assujettissement et l’expression de

l’élève ne suffit pour être émancipatrice.

C’est parfois même au contraire une

source additionnelle d’assujettissement :

l’élève qui se dévoile par l’expression

artistique se met en danger, en particulier

celui d’être jugé par l’enseignant, comme

lorsque celui-ci l’évalue en fonction des

étapes du développement graphique.

Pour que l’éducation ait une valeur

émancipatrice, il ne suffit pas de

demander aux élèves de s’exprimer par

l’art, mais de leur demander de faire

l’effort de partager leur expérience

sensible. L’appel à la nécessité intérieure

conjugue des dimensions à la fois

personnelle et sociale ; il exige un

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compromis entre expression personnelle

et attentes du public. Par la mise à

l’épreuve d’intentions artistiques avec

des artistes, les élèves peuvent approcher

une posture d’auteur.

Conclusion

Parce que les projets d’intervention

d’artistes dans les écoles se multiplient,

que cela soit au Québec ou dans d’autres

pays, et qu’il existe des évidences non

démontrées sur la participation des élèves,

la recherche a eu pour objectif principal de

comprendre quelle était leur participation

dans ce contexte, en adoptant une

définition précise de la participation. Par

ailleurs parce qu’il est important de

prendre en considération dans ce type de

projets, la spécificité des expériences

artistiques, la recherche s’est appuyée sur

deux de leurs aspects essentiels :

l’intention artistique et l’appel à la nécessité

intérieure qui caractérise l’attention de

l’artiste. De type descriptif, la méthode de

recherche a permis de recueillir dans des

entretiens semi-directifs les propos des

participants (les élèves, l’enseignant et

l’artiste) dans le cadre d’un projet de

résidence de création dans une école

primaire montréalaise. Les résultats ont

permis de comprendre la participation

d’élèves du primaire à un projet de création

avec des artistes. Nous avons vu que cette

participation diffère sur de nombreux

points de la participation demandée aux

élèves habituellement en classe, même si

elle se déroule dans un contexte scolaire en

respectant ses contraintes : les élèves ont

pu prendre des décisions en faisant appel

à leur nécessité intérieure, tout en prenant

en compte les attentes d’un public

potentiel. Cette participation repose sur la

reconnaissance en amont de la

compétence des élèves, dans une relation

égalitaire entre adultes et enfants.

La recherche n’a étudié qu’un seul projet

de résidence d’artistes dans une école. Il

s’agissait d’une étude pilote pour mettre à

l’épreuve l’approche théorique et

méthodologique d’une recherche de plus

grande ampleur sur différents projets

d’intervention d’artistes dans des écoles de

l’Ile de Montréal. Elle nous a permis

d’évaluer la pertinence de notre cadre

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théorique et d’affiner nos outils de

recherche, en particulier les guides

d’entretiens auprès des élèves. Mais

comme il s’agit d’une étude sur un corpus

restreint ses résultats ne peuvent être

généralisables et doivent faire l’objet de

vérification dans d’autres recherches.

Cette étude nous a permis d’observer une

forme de participation dans un contexte

scolaire qui implique une reconnaissance

de la compétence des élèves comme

prémisse, alors qu’habituellement la

compétence de l’élève y est reconnue

comme finalité. Plusieurs questions

émergent : Que devient la valeur

émancipatrice de ces projets à plus ou

moins long terme ? Pourrait-elle être

développée dans d’autres apprentissages

scolaires ? Pour mieux comprendre les

apports d’une telle participation dans les

apprentissages disciplinaires, nous

aimerions effectuer une recherche pour

comparer les pédagogies des enseignants

et des artistes, dans le contexte

d’apprentissages disciplinaires par projets,

qui sont des formes pédagogiques

relativement proches des interventions

d’artistes dans les classes.

De cette étude pilote, une autre question

émerge. Actuellement, plusieurs

recherches sur l’engagement scolaire des

élèves reprennent le concept de sentiment

d'efficacité personnelle (self-efficacy),

théorisé par le psychologue Albert Bandura

(1997). Ce concept désigne la croyance que

possède un individu de ses compétences

pour atteindre un but et serait source de

réussite scolaire et même de résilience. Les

recherches montrent que les élèves se

désintéressent des activités dans

lesquelles ils se sentent peu efficaces

(Bandura, 1997). Le degré de perfection

attendu est extrêmement élevé ou flou

dans le domaine des arts lorsque les

critères de perfection technique ou

d’appréciation subjective sont des critères

d’évaluation. Par conséquent, l’évaluation

des réalisations des élèves a pour

conséquence de miner le sentiment

d’efficacité personnelle des élèves en arts,

parce qu’elle consiste à adopter une

évaluation normative basée sur la

comparaison (Ames, 1992), en arts avec un

idéal inaccessible (le génie artistique), ou à

adopter une attitude culpabilisante pour

l’élève (Ames, 1992), qui ne peut

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comprendre la subjectivité de l’appréciation

par l’enseignant de sa réalisation. Il n’existe

aucune recherche sur le sentiment

d’efficacité comme source d’engagement

dans les apprentissages artistiques et nous

nous interrogeons sur la diminution de

l’intérêt des élèves pour les arts au fur et à

mesure de leur scolarité. Cette étude nous

a permis d’observer une forme de

participation dans un contexte scolaire qui

reconnait la compétence des élèves comme

prémisse, alors qu’habituellement à l’école

la compétence de l’élève est reconnue

comme finalité. Adopter un enseignement

des arts basé sur la reconnaissance de

l’expertise sensible des élèves pour prendre

des décisions d’ordre artistique est-il

envisageable ? Ce type de participation est-

il transférable dans la plupart des

didactiques des disciplines, et en particulier

en enseignement des arts ? Et si, oui,

permet-il une amélioration du sentiment

d’efficacité personnel des élèves ?

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Réflexions comparatives sur les effets spécifiques des résidences

d’artiste dans les dispositifs d’éducation artistique et culturelle :

vers la fin d’une rhétorique de l’exception ?

NATHALIE MONTOYA , maître de conférences en sociologie, Laboratoire du

changement social et politique, Université Paris-Diderot

Réflexions à partir d’une double enquête menée sur deux dispositifs d’éducation artistique et

culturelle porté par le conseil général de Seine Saint Denis (Culture et Art au Collège,

Résidence In Situ)

Depuis un peu plus d’une dizaine d’années,

les recherches menées en sciences sociales

sur l’éducation artistique et culturelle se sont

développées de façon importante. Si nous

disposons aujourd’hui de travaux

importants sur l’histoire de l’éducation

artistique et culturelle, sur les processus

socio-politiques qui ont présidé à son

développement par expérimentations et

dispositifs et si nous pouvons désormais

nous appuyer sur un certain nombre

d’enquêtes menées sur les projets eux-

mêmes, très peu de recherches se sont

intéressées aux effets différentiels des

projets entre eux. Les enquêtes empiriques

sur l’éducation artistique et culturelle, en

1 Bozec Géraldine, Barrère A., Montoya N. Les parcours « La Culture et l’Art au Collège » : enquête sur un dispositif d’éducation artistique et culturelle, Laboratoire CERLIS, Université Paris-Descartes, février 2013. Le rapport et la synthèse peuvent être téléchargés ici : www.seine-saint-denis.fr/La-Culture-et-l-Art-au-College.html

raison de leur caractère encore trop peu

nombreux, ont eu tendance à replier

l’examen singulier des dispositifs (types de

moyens consacrés au projet, type de

coordination, forme des projets etc.) sur des

réflexions générales sur « l’art à l’école ».

L’étude que nous avons menée, avec

Géraldine Bozec et Anne Barrère, sur le

dispositif de résidence artistique In Situ, un

an après avoir mené une étude sur le

dispositif Culture et Art au Collège1, visait à

explorer les effets spécifiques propres à la

forme « résidence artistique » (par comparaison

avec une forme plus ordinaire de projet

d’une quarantaine d’heures). Quels sont les

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apports spécifiques d’une résidence d’artiste

dans un collège, lorsqu’on les compare avec

les processus engagés, par ailleurs, dans les

projets d’éducation artistique et culturelle ?

Le dispositif de résidence In Situ du Conseil Général de la Seine-Saint-Denis

Les artistes en résidence accueillis dans In Situ, 10 à 11 chaque année, signent un cahier des charges précis2. Ils s’engagent à poursuivre un travail de création personnel et à être présents au collège entre trente et quarante jours par an. Ils doivent s’associer à un lieu culturel en Seine-Saint-Denis et organiser des sorties avec les collégiens. Ils bénéficient d’un espace dédié au sein de l’établissement. Comme le dit la charte du dispositif, « artistiquement, il s’agit de développer des projets inédits, et de développer le travail en direction du public collégien en permettant le suivi, le contact et l’échange avec un artiste dans le cadre d’une démarche spécifique. La résidence d'artiste au sein du collège permet de rendre présente la création au plus près de la communauté scolaire. Elle offre un espace d'ouverture, de réflexion et d'expression auquel les collégiens peuvent être associés individuellement ou collectivement, charge aux partenaires du projet d’imaginer des moments de rencontre, de découverte et d’échange ». La résidence comporte des moments de passage obligés de l’acte inaugural à la restitution finale en passant par un certain nombre de points d’étapes.

2 La présentation du dispositif In Situ est téléchargeable ici : www.seine-saint-denis.fr/IMG/pdf/charteinsitu-2.pdf 3 Pour une présentation détaillée de l’enquête CAC, peu exploitée ici, cf. le rapport cité plus haut. 4 Le rapport d’étude n’est pas encore achevé et devrait être bientôt disponible sur le site du conseil général de Seine-Saint-Denis (prévue pour décembre 2014).

L’enquête sur In Situ a été menée au

printemps 20133. L’enquête était plus

limitée en temps et en moyen que celle

réalisée sur la CAC (Culture et l’Art au

Collège). Une dizaine d’entretiens ont été

menés avec des artistes et des enseignants,

12 séances de travail ont été observées et 6

groupes d’élèves de 3 à 4 élèves sur deux

résidences ont été interrogés lors d’entretien

collectif ; 6 sur 10 des résidences In Situ

menées en 2012-2013 ont ainsi été

examinées, par entretien ou observation. Par

ailleurs les réunions de préparation de deux

résidences de l’année 2013-2014 ont été

observées et quelques résidences des

années passées ont été évoquées dans les

entretiens menés les années précédentes

avec les acteurs de Culture et Art au Collège.

Comme pour l’étude sur les parcours CAC,

nos questionnements portaient sur l’examen

des processus sociaux mobilisés par ces

projets et sur la saisie et l’analyse de leurs

effets sur l’école et sur le rapport aux arts et

à la culture des élèves concernés4.

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L’étude comparative sur les deux dispositifs

permettait ainsi d’observer les processus

engagés par l’éducation artistique et

culturelle lorsqu’un ensemble restreint de

variables changeaient :

- La variable temps est sans doute celle

qui marque le plus significativement la

différence entre les deux dispositifs.

- La seconde variable, d’importance pour

comprendre l’engagement des artistes

dans ces projets, tient à l’esprit de la

commande passée aux artistes dans

chacun des dispositifs par les acteurs du

Conseil Général. Dans le cadre d’In Situ,

les artistes sont soumis à une injonction

partiellement contradictoire : s’ils sont

libres de mener leur création comme ils

l’entendent dans l’espace de la

résidence, le conseil général attend

d’eux qu’ils mènent avec une classe un

travail sur l’année qui donnera lieu à une

présentation finale. L’injonction à

produire avec les élèves est à la fois

moins forte (il s’agit d’une résidence, et

non pas d’un projet à mener avec les

élèves) et plus exigeante.

- Afférentes à ces deux facteurs un

ensemble de variables à la durée et la

nature de la présence de l’artiste dans la

classe changeait également : l’artiste

disposait d’une salle qui lui était affectée

dans le collège (pour créer et travailler

avec les élèves), et de fait était installé

dans le collège au côté de l’équipe

pédagogique.

Les premières exploitations de l’enquête

montrent que les résidences d’artistes

exacerbent les effets et les enjeux des

projets d’éducation artistique et culturelle :

si les tensions provoquées par les projets

peuvent être plus fortes, la forme scolaire est

retravaillée de façon plus significative par

ces expériences et la familiarisation des

élèves avec les objets culturels et les

pratiques artistiques plus notables.

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Les résidences exacerbent

les tensions et les contradictions

propres au projet d’éducation

artistique et culturelle

Des formes de collaboration

artistes-enseignants plus ouvertes

et plus périlleuses

Les enquêtes ont souvent soulignées les

difficultés soulevées par l’entrée des artistes

à l’école : les habitudes de travail des acteurs

éducatifs d’une part, et des artistes et des

acteurs culturels d’autre part, sont toujours

pensées comme difficilement compatibles.

Les artistes ignoreraient les codes et les

normes scolaires tandis que les acteurs

éducatifs auraient du mal à comprendre les

formes spécifiques du travail artistique

(caractère indéterminé du travail en cours,

rythmes irréguliers, logique de projet etc.).

S’il existe de nombreux exemples de projets

qui démentent ces représentations stéréo

typiques des mondes scolaires et culturels,

les enquêtes tendent à montrer que les

projets d’éducation artistique et culturelle

tendent à actualiser et à mettre en scène ces

oppositions. Les résidences d’artistes dans

les établissements scolaires accentuent ces

contradictions tout en offrant des espaces de

collaboration plus larges et plus ouverts.

Dans une résidence, à cause de la durée et

de la liberté offerte à l’artiste, la dimension

erratique du processus créatif avec les élèves

est accentuée, tandis que l’attente placée

dans le projet et ses effets est plus forte.

Lors de la réunion préparatoire d’une résidence, un professeur de français demandait à l’artiste : « Ce qu’il va falloir se poser comme question, c’est là où vous voulez les emmener ». « On va voir ensemble » répondait l’artiste, évoquant à nouveau ses thèmes. L’enseignante insistait en rappelant que les thèmes allaient intéresser les élèves mais que le « problème c’était de savoir comment faire devant les élèves ». L’artiste s’en tenait à des réponses évasives sur un travail qu’il convenait de construire au fur et à mesure.

Cette ouverture des méthodes de travail avec

les élèves, permise par le temps de la

résidence, exacerbe les tensions et amène

les artistes et les enseignants à inventer de

nouvelles formes de collaboration, entre les

contraintes des institutions scolaires et les

différentes formes d’attentes placées dans

ces projets.

« On navigue à vue » disait une enseignante au

moment de la restitution finale du projet de

résidence sur lequel elle était engagée. « C’est

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souvent du hors-piste », « on monte sur un bateau

et on ne sait pas toujours où l’on va arriver ».

« L’aventure » au long cours engagée par la

résidence accentue le sentiment d’incertitude

des acteurs éducatifs engagés dans les

projets d’éducation artistique. Elle élargit les

possibilités de collaboration pour les

enseignants qui se saisissent différemment

de cette ouverture. Entre le retrait total

(absence systématique des enseignants en

classe, difficulté à communiquer) observé

dans deux résidences), et un engagement

exacerbé (présence systématique en classe,

velléité de co-création du projet avec l’artiste

etc.) qui peut donner lieu à des malentendus

et des tensions, les enseignants cherchent

souvent pendant quelques mois la « juste

place », les modes de collaboration les plus

efficaces et les plus confortables. Ces

moments d’ajustements et de recherches

peuvent donner lieu à des tensions

extrêmement fortes qui peuvent même

conduire à l’abandon de la résidence, dans

des cas exceptionnels. En l’occurrence,

l’année où nous avons mené nos

observations, le surinvestissement des

enseignants dans l’une des résidences, les

avait amenés à jeter l’opprobre sur l’œuvre en

cours d’écriture de l’artiste engagé dans le

projet : tout d’un coup dépossédés d’une

œuvre dans laquelle ils ne se reconnaissaient

pas, ils ont interrompu brutalement, en

excluant l’artiste du collège, toute forme de

collaboration possible. Il est remarquable que

d’après nos enquêtes, le temps long passé

dans les collèges par les artistes, accentuent

les tensions souvent présentes dans les

projets d’éducation artistique et culturelle

davantage qu’elles ne stabilisent les formes

de collaborations, toujours bricolées, dans ce

type de projet.

Exacerbation des tensions autour

de « l’oeuvre finale »

D’après nos enquêtes sur in Situ, ces

tensions sont particulièrement fortes à

l’approche de la fin de l’année et du moment

de restitution finale, sur laquelle des attentes

divergentes sont souvent placées. Pour les

opérateurs du Conseil Général les moments

de restitution finale de chacune des

résidences constituent la vitrine officielle du

dispositif : des élus, des responsables

administratifs des services culturelles ou de

l’inspection académique y sont conviées très

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officiellement comme à un événement

culturel soutenu par le Conseil Général. Lors

de ces présentations, entre invités, on

échange sur les qualités formelles et

esthétiques des travaux présentés par les

artistes et les élèves. L’un des opérateurs du

dispositif nous confiait avoir été très déçu

lors d’une résidence précédente, par un

travail final qui n’était pas à la hauteur du

travail habituellement réalisé par ces deux

artistes ; interrogés un peu plus tard, ces

derniers disaient avoir respecté le travail des

élèves et s’en être tenu à ce qu’il était

possible de faire avec une classe de primo-

arrivant, peu engagée dans le projet d’après

eux. Pour les artistes, ces attentes sont

parfois difficiles à comprendre car elles

contrastent avec la liberté qui leur ait donné

en début de résidence de créer à leur rythme

et selon l’avancée du travail avec les élèves.

Pour certains, l’exigence de restitution met

en péril et dénature le travail d’atelier,

d’avancées à petits pas, réalisé avec les

élèves. Du côté des équipes pédagogiques,

la tendance est à inclure ces moments de

restitution dans les événements festifs de fin

d’année : fêtes de collège ouverte aux

familles, journées de présentation des projets

etc. Nous avons assisté à des négociations

parfois délicates sur les formes de ces

restitutions (degré d’achèvement du travail

présenté, ouverture au public, jauge et nature

de la présentation etc.), significatives de

l’accentuation des tensions propres aux

résidences d’artiste.

Une forme scolaire retravaillée

en profondeur par l’installation

durable des artistes

L’installation durable d’une

manière de travailler alternative

à la forme scolaire

Notre enquête sur les parcours CAC avait

montré que l’un des effets les plus notables

des projets d’éducation artistique à l’école

tenait à la façon dont les projets

retravaillaient la « forme scolaire » :

installation d’un curriculum alternatif,

ouverture de l’espace-temps scolaire, formes

pédagogiques nouvelles, transformation de

l’ambiance etc. Les résidences In Situ

accentuent les traits de cette transformation,

pour l’installer plus significativement dans

l’espace scolaire.

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Interrogés sur les projets qu’ils mènent avec

les artistes, les élèves évoquent longuement

et en détail les types d’activités qu’ils ont

réalisées dans les résidences. L’installation

sur l’année du travail avec l’artiste lui

confère un statut d’activité légitime au sein

de l’espace scolaire, mais spécifiques dans

ses modalités de travail et dans les

exigences qui lui sont associées.

« Enquêtrice : Mais vous savez pourquoi elle est

là A. [artiste en résidence] ?

Elève 1 : Non.

Enquêtrice : Ça vous étonne ?

Elève 1 : Depuis le temps qu’elle est là, ça nous

étonne plus. Au début on pensait que c’était pour

une journée, on se disait elle veut quoi, pourquoi

elle est là.

Elève 2 : On croyait que ça allait nous rajouter

des heures.

Elève 3 : On croyait que c’était pour une journée.

Enquêtrice : Vous ne vouliez pas le faire ?

Elève 2 : Non, c’est qu’on ne savait pas au début.

Elève 1 : Moi je croyais que c’était pour une seule

journée. En fin de compte, je vois elle venait tous

les jours. Au début de l’année, on se disait, elle

veut quoi, elle sert à quoi, elle va nous faire quoi,

mais finalement, on se rend compte.

Enquêtrice : Et elle est là pour quoi à votre avis ?

Elève 1 : Ben pour nous faire plaisir.

Elève 2 : Et pour se faire plaisir à elle.

Enquêtrice : Comment ?

Elève 2 : Ben, avec…En faisant partager ce qu’elle

aime. (...) C’est pas pareil, elle est pas obligée

d’être là ».

Il est intéressant que les élèves associent ici

le temps passé par l’artiste dans le collège

(elle « venait » tous les jours ») avec le sens

donné au projet : leur faire ce plaisir et se

faire plaisir. Si l’idée de plaisir est

directement lié à sa manière de présenter

son travail de création, le projet a un sens

pour ces jeunes filles parce qu’il s’inscrit

dans le temps, et dans un temps dont elle

présume que l’artiste fait un usage libre

(« elle n’est pas obligée d’être là »).

Un peu plus tard, à propos des formes de

travail engagé par l’artiste, les élèves

opposaient là encore le travail avec les

enseignants à celui mené par l’artiste :

Elève 1 : Les profs ne servent à rien. Ils font que

crier, nous exclure, crier, ils nous apprennent rien.

A… elle nous a jamais collé, elle nous a exclu

qu’une fois.

Elève 2 : Non, on peut sortir notre téléphone elle

dit rien.

Enquêtrice : Et ça vous trouvez ça bien ?

Elève 1 : Bah oui.

Enquêtrice : Ah, les règles sont pas claires avec

A…. ?

Elève 1 : Voilà c’est ça qui est bien – tant que tu

travailles, tant que tu ne fais pas n’importe quoi,

c’est ça qui est bien. Tant que tu travailles et que

tu rigoles c’est bon. (...)

Elève 2 : Pour nous c’est pas une prof, c’est

quelqu’un qui est venu comme ça ».

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Non sans contradiction mais avec beaucoup

de fermeté, ces élèves désignent un équilibre

fragile entre indiscipline et concentration,

équilibre permis par l’ignorance des règles

scolaires de l’artiste et supporté par son

engagement personnel qui semble être

propice au travail et à l’intérêt de ces élèves

pour leur travail. « Tant que tu travailles et que tu

rigoles c’est bon » : c’est clairement l’idée d’un

travail appliqué, mais accompli dans le plaisir,

qui engage ces élèves dans le projet et le

distingue de l’ordinaire des cours (« qui ne

servent à rien »).

Cet équilibre autorise des formes de

raccrochages scolaires ponctuels, de l’aveu

même de cette élève :

« Elève 1 : C’est gentil de sa part de vouloir faire le

projet. Elle était à fond dans le projet. Je voyais

qu’elle voulait vraiment finir. Nous aussi on voulait

vraiment finir, on était à fond…quand il fallait

accrocher les élastiques, c’était que moi et A….

(...)

Elève 1 : J’ai vu qu’on pouvait travailler

tranquillement en s’amusant et tout, là, du coup

j’ai travaillé. Mais qu’avec elle. Y’a que le projet

avec A…. où je travaille. Les autres cours, je fais

n’importe quoi sauf avec A ».

Absente du collège pendant plus d’un mois,

souvent exclue pour indiscipline, cette élève

avait décroché, d’après ses propres mots des

autres cours. Là encore, l’installation d’une

relation dans la durée avec l’artiste et la

pratique artistique, permet plus fortement et

plus durablement que dans les parcours

CAC, de raccrocher, de façon limitée

cependant (il n’y a « que dans le projet avec A

qu’elle travaille »), à l’institution scolaire des

élèves à la limite du décrochage.

Vers des « artistes-enseignants» ?

L’enquête comparative montre que ces

contradictions sont également accentuées

lorsqu’il s’agit de comprendre le rôle et la

place de l’artiste dans les établissements

dans lesquels ils sont en résidence. Les

artistes sont face aux élèves sans être

considéré, et sans se penser eux-mêmes

comme enseignants. Ils travaillent à la

réalisation d’un projet artistique, mais au

sein d’un collège, avec une classe qui les

contraint à faire preuve de pédagogie,

d’autorité et d’une connaissance relative du

fonctionnement de l’institution. Lorsqu’on

les compare aux artistes qui interviennent

dans les projets Culture et Art au Collège, il

semble que les artistes en résidence soient à

la fois plus proches des enseignants, et plus

libres de se réaliser comme artiste au sein

des établissements scolaires.

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Dans une résidence, les artistes s’installent

pour une année, avec les moyens qui sont

ceux des enseignants : en plus d’avoir un

rendez-vous régulier avec une classe, une

demi-journée par semaine, tout au long de

l’année, ils disposent d’une salle

uniquement consacré à leur travail, ils

fréquentent la salle des profs, ils ont leurs

habitudes à la cantines, connaissent les CPE,

les surveillants, les autres enseignants du

collège et sont plus au fait des règles de

l’établissement scolaire. L’un des artistes en

résidence participait même au conseil de

classe et donnait son avis sur l’engagement

des élèves dans le projet. Bref, dans les

résidences, les artistes s’installent dans les

établissements au côté des enseignants, en

endossant une partie de leurs pratiques et

habitudes au collège.

La résidence est également l’occasion de

déployer et d’explorer sur la longueur les

possibilités de création au sein du collège. Ils

ont accès à davantage d’espace pour

exposer leurs œuvres et commenter leur

façon de travailler : dans leurs salles, mais

également comme on l’a vu parfois dans les

couloirs, le CDI, la cour etc. La durée leur

laisse le temps de chercher avec les élèves,

de changer de projet en cours d’année, d’en

débuter plusieurs à la fois en fonction du

déroulement de la résidence. La présence

dans le collège infléchit leur travail en même

temps qu’elle offre un espace pour s’y

déployer pleinement : la résidence pousse

les artistes à habiter le collège par leur

pratique de création.

Pour les élèves, les artistes en résidence sont

également perçus « comme des profs, qui ne

seraient pas tout à fait des profs ». « C’est comme un

prof, mais qui viendrait de l’extérieur et qui n’est pas

obligé d’être là » disait un élève. Les élèves sont

sensibles aux rapports qu’instaurent les

artistes, différents de ceux qu’ils entretiennent

avec leurs enseignants : les artistes sont en

général plus bienveillants, moins au fait des

codes disciplinaires, plus attentifs.

« Elève 1 : Les autres profs quand on fait n’importe

quoi ils nous ignorent, vous voyez. Alors on

s’arrête. Alors que A. (artiste en résidence) elle

nous calcule toujours un truc, elle va nous dire

arrêter, elle va nous parler pendant 10 minutes, et

nous ça va nous donner encore plus envie de rire.

Enquêtrice : Donc il vaut mieux qu’elle ne le fasse

pas ?

Elève 2 : Ben oui. Mais elle ne le sait pas. Faut ne

pas lui dire. »

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Comparé au parcours Culture et Art au

Collège, les artistes en résidence s’intègrent

davantage à la vie de l’établissement, au côté

des autres enseignants. En résidence, les

artistes sont à la fois plus profs et plus

artistes. Bien qu’elle soit sujette à polémique

en France, l’expression « Artistes-

enseignants » (« teaching artist »), employée

sans complexe aux Etats-Unis pour désigner

le travail mené par les artistes dans les

établissements scolaires, qualifierait très

bien la position paradoxale des artistes

en résidence.

Une familiarisation plus grande

avec la pratique artistique

Une plus grande familiarité avec

le métier d’artiste

Dans les parcours CAC, la pratique des

artistes engagés dans les projets avait une

visibilité variable pour les élèves, qui

méconnaissaient parfois la pratique de

l’artiste avec lequel ils travaillaient. La

connaissance des œuvres des artistes est bien

plus sensible dans les résidences In Situ.

Certains des artistes témoignaient de

l’acquisition d’une forme de sensibilité

durant les résidences, de façon peut être

plus évidente, plus détaillée que lors des

entretiens menés avec les artistes des

parcours Culture et Art au Collège.

« Enquêtrice : Sur leur perception de la musique

classique, vous avez eu des témoignages ?

M… : Ils ne sont pas très bavards. (...) Enfin ce

n’est pas tellement dans les mots que je vois les

choses, mais dans les actes, leur façon de se tenir

au concert, ou les questions qu’ils posaient quand

il y avait des intervenants, la pertinence...

Enquêtrice : vous sentiez qu’il y avait une écoute ?

M… : je sens qu’il y avait une sensibilité ».

Entretien avec M…musicien,

accueilli en résidence 2012-2013

Les témoignages d’élèves attestent

également d’un processus de familiarisation

avec la pratique des artistes en résidence.

« Enquêtrice : C’est quoi son métier à A…?

Elève 1 : Plasticienne

Elève 2 : Elle fait ce qu’elle aime. Elle fait des

tournées. Elle accroche des œuvres.

(...) Elève 1 : Pour nous c’est artiste c’est quelqu’un

qui sait ce qu’il veut, c’est quelqu’un qui sait ce

qu’il va faire…pas comme nous. (...) Mais artiste tu

montres ce que tu fais, tu fais découvrir aux gens

ce que tu fais.

Enquêtrice : Pourquoi vous dites qu’elle aime bien

son métier A… ?

Elève 1 : Ben je ne sais pas, elle est souriante. En

plus c’est quelque chose qu’elle a fait.

Elève 2 : Elle aime bien les couleurs. Elle aime bien

les lignes ».

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Etre artiste pour ces élèves, ou plus

exactement plasticienne, c’est « choisir et

aimer ce qu’on fait » et « le montrer ». Leurs

formulations dénotent, en dépit des

maladresses d’expression, une certaine

familiarité avec la façon qu’à l’artiste

d’habiter sa pratique.

Enquêtrice : Qu’est-ce qu’elle vous a appris A… ?

Elève 1 : Son métier c’est trop bien.

Enquêtrice : C’est quoi son métier ?

Elève 1 : Artiste. C’est trop bien.

Enquêtrice : C’est ça qu’elle vous a appris ?

Elève 1 : Oui, c’est trop bien. Et puis elle nous a

appris à accrocher des élastiques, à mettre des

couleurs ».

La transmission est double pour ces élèves :

la découverte d’une pratique plasticienne

(mettre des couleurs) est associée à la

compréhension d’un rapport au travail vécu

comme un plaisir (« trop bien »).

Un rééquilibrage des ambitions

éthiques et esthétiques

L’enjeu des projets d’éducation artistique et

culturelle, réside souvent principalement

pour les acteurs culturels qui les portent

dans leur dimension éthique et dans leur

ambition de transformation de la personne ;

il s’agit souvent de façon plus ou moins

explicite dans ces projets de transmettre des

rapports au monde, des valeurs, des

représentations de sa place dans la société

davantage que de transmettre un goût pour

les objets culturels ou artistiques. La

rencontre avec l’art, les œuvres, et la

pratique artistique est alors dotée dans cette

perspective d’une fonction émancipatrice

(« ouvrir le champ des possibles ») qui prime

sur les dimensions esthétiques des objets

mobilisés. Il semble que cette ambition

éthique soit moins prévalente dans les

résidences artistiques ou plutôt qu’elle soit

reconfigurée, retissée autour de la pratique ;

l’installation de la pratique dans la durée, qui

la banalise et permet de la découvrir en

profondeur, relègue à l’arrière-plan les

espoirs de transformation radicale associés

au caractère exceptionnel de la rencontre

avec les œuvres d’art. Moins extraordinaire,

l’expérience de la résidence amène ses

différents acteurs à se recentrer sur les

spécificités d’une pratique avant d’en faire

ressortir les valeurs éducatives. Dans les

résidences, il est autant question d’amener

les élèves à réaliser une œuvre, et à partager

la démarche de création de l’artiste que

de transformer les représentations ou

d’éveiller les valeurs de citoyenneté.

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D’ailleurs, les artistes accueillis en

résidences se révèlent prudents, et pour

certains extrêmement sceptiques, lorsqu’il

s’agit d’évoquer les effets de leurs actions

dans le collège.

« L’idée c’est qu’ils aient des moyens d’être aussi

ouverts que la vie est ouverte. En théorie tout leur

est accessible, mais dans la pratique, il faudrait

pouvoir les aider plus à être autre chose que ce à

qu’ils s’imaginent être prédestinés. À l’évidence, il y

a beaucoup d’autres urgences que celle de

s’instruire sur l’art... Même pour être artiste et vivre

de ça, il ne faut pas juste savoir dessiner, il faut

aussi savoir faire un book, savoir se comporter en

«société», il y a un côté de réseau, il faut savoir

saisir une opportunité, être fiable, lire un contrat,

pouvoir négocier... (...) Pour retirer le bon, le vrai

efficace de la résidence, l’art c’est le prétexte, mais

tout le concret qui se passe, c’est cette dimension

autre, ouverture, qui apporte la confrontation de

deux univers différents. C’est pour ça que les

échanges en-dehors du collège sont si importants.

Et pas forcément pour voir de l’art ».

Entretien avec A…, plasticienne,

accueillie en résidence 2012-2013

Un peu plus tard, cette plasticienne

comparait la résidence à un « pansement

inadapté à une plaie trop grande ». Et

pourtant c’est bien par la pratique qu’elle

avait eu le sentiment de transmettre à ces

élèves la possibilité d’entreprendre.

« A… : Ce qui me plairait de leur avoir transmis,

c’est la possibilité de l’entreprenariat, au sens

d’entreprendre un projet en autonomie, avec

l’idée d’assumer certains besoins de compétences,

certains manques de compétences, et ça y a

toujours pourquoi pas les compétences de

quelqu’un d’autre. Dire que oui, c’est possible,

quel que soit le truc. Et d’ailleurs, ils n’y croyaient

pas trop quand ils faisaient les boîtes. Pour eux,

c’était abstrait jusqu’à ce qu’ils se retrouvent les

mains dans la peinture. L’aventure, c’est tout le

chemin...

Enquêtrice : Tu penses à tous leur avoir transmis

cette idée ?

A… : Oui, je pense. Enfin peut-être pas l’idée

précisément, mais bon.

Enquêtrice : A quoi tu vois ça ?

A… : Leur enthousiasme, le fait que quand

on s’est mis à réaliser les choses, ils savaient quoi

faire ».

Dans les résidences, les ambitions

éducatrices générales des artistes sont

portées par une pratique régulière avec les

élèves ; ces ambitions se nouent autour

d’une prise en compte plus précises des

difficultés des élèves et de la possibilité pour

la pratique artistique de revêtir une fonction

éducative générale. Par rapport aux projets

de taille plus modeste comme les CAC,

plutôt qu’à une rencontre exceptionnelle,

parfois encore décrite comme un choc, c’est

à la découverte d’une pratique et de ses

difficultés, dans la durée, que les artistes en

résidence prêtent des vertus éducatives.

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Conclusion : la fin de la

rhétorique de l’exception ?

Les projets d’éducation artistique et culturelle

sont souvent examinés à l’aune de leur

caractère exceptionnel. La rencontre entre les

univers culturels et scolaires est généralement

pensée comme rare et précieuse, vectrice de

changements d’autant plus radicaux qu’elle

est extraordinaire. Les études sur les

résidences artistiques permettent de sortir de

cette pensée magique qui prête à l’éducation

artistique et culturelle de façon générale (et

donc plus ou moins indifféremment à tous les

projets qui s’en réclament) les vertus

miraculeuses de pallier les manques de

l’institution scolaire et les réalisations

inachevées du projet de démocratisation de la

culture. La résidence d’artiste, en installant

durablement la présence des artistes dans les

collèges d’une part, et le travail mené avec les

élèves dans l’emploi du temps scolaire d’autre

part, offre un véritable espace

d’expérimentation pour les acteurs culturels et

éducatifs des ressorts propres à la

mobilisation des pratiques artistiques dans

l’espace scolaire. Les premières enquêtes

menées sur les résidences le montrent : il y est

moins question de l’ethos de l’artiste en

général, reconnu comme tel par les élèves, que

de la spécificité d’une pratique (travailler avec

des élastiques, faire un film de science-fiction

ou un clip vidéo, réaliser un concert), d’une

œuvre (en cours de création) ou de la

singularité d’une relation avec un artiste en

particulier. Si les résidences d’artistes,

lorsqu’on les compare à des projets de taille

plus modeste, tendent à exacerber les

tensions propres aux projets d’éducation

artistique, et à en accentuer les effets sur

l’école et sur la culture, elles permettent

également de saisir les effets différenciés de

chacune des pratiques engagées, de chacun

des modes d’engagement ou de collaboration

mobilisées dans des contextes spécifiques.

C’est sans doute dans ce travail comparatif,

sensible aux situations particulières, attentif à

la diversité des moyens et des méthodes

engagés dans les dispositifs, que réside pour

les chercheurs en sciences sociales une piste

féconde d’interrogations et de réflexions, qui

soient à même de désenchanter les propos

militants tenus sur l’éducation artistique et

culturelle sans tomber dans une dénonciation

unilatéralement critique, aveugle aux effets

avérés mais toujours singuliers, de ces projets.

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Arts et artistes à l’épreuve de la résidence

Le travail artistique en mutations - Dynamiques et tensions

MARIE BUSCATTO, professeure d’université en Sociologie, Université Paris 1 – Sorbonne

Note de lecture : ce texte est intimement lié à des extraits vidéo du colloque. Pour une meilleure

compréhension, visionnez les vidéos au fur et à mesure de votre lecture.

Depuis le début des années 1960, les arts ont

pris une place croissante dans les sociétés

occidentales, sous l’influence croisée d’une

impulsion politique visant la démocratisation

culturelle, de l’avènement des industries

culturelles de masse et de l’intérêt croissant

de la population pour les biens et les

pratiques artistiques. Parallèlement à cette

montée des pratiques culturelles et

artistiques, amatrices et professionnelles, de

la petite enfance au grand âge, a crû de

manière forte le nombre de femmes et

d’hommes qui aspirent à devenir artistes,

voire à vivre de leur pratique artistique de

manière professionnelle. Et cette croissance

n’a pas été empêchée par les faibles chances

de succès et la multiplication des difficultés

d’emploi et de travail.

Comment rendre compte de ce paradoxe ?

Que nous dit-elle sur le travail artistique et,

plus largement, sur la vie d’artiste à l’aube

du XXIe siècle ?

Il s’agit ici de dépeindre et de comprendre les

dimensions objectives et subjectives du travail

artistique justifiant un fort engagement de soi

dans une activité pourtant si risquée, si

incertaine, si difficile à vivre et si peu

rémunératrice pour une grande majorité des

artistes. Ce texte se fonde sur des travaux de

recherche portant aussi bien sur les arts

reconnus de longue date, comme la littérature,

la musique classique, les arts plastiques, le

théâtre ou la danse classique, que sur les arts

plus récemment définis comme tels, à l’image

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Actes du Col loque : Arts et art istes à l ’épreuve de la rés idence

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du cirque, de la bande dessinée, de la musique

rap ou de la danse contemporaine1.

Des artistes toujours plus

nombreux et soumis à de grandes

difficultés d’emploi et de travail

Sous l’effet de ces mutations sociales,

culturelles et économiques ont crû les

populations d’artistes, professionnels et

amateurs, dans les arts dits majeurs – théâtre,

danse, musique classique, arts plastiques ou

littérature –, mais également dans les arts dits

mineurs, en voie de légitimation – cirque

contemporain, musiques « populaires » ou

bande dessinée. Ces artistes sont nombreux et

souvent difficiles à dénombrer du fait du grand

flou que caractérise le mot artiste. Prenons au

hasard deux exemples français des problèmes

que pose le dénombrement des artistes.

Si on trouve plus de 25 000 musicien-ne-s

interprètes déclaré-e-s, il s’avère qu’à

l’échéance de 10 ans, une fois le premier

engagement professionnel déclaré, la

probabilité de toujours exercer la musique

de manière professionnelle est de 45 %

alors même que 20 % de ces musicien-ne-s

1 Les points traités ici ont été développés et approfondis dans deux textes publiés par nos soins (Buscatto, 2014, 2012).

disparaissent dès les deux premières années

d’exercice (Coulangeon, 2004).

Ou encore, l’essentiel des écrivain-e-s qui

ont publié au moins une fois chez un éditeur

exerce un autre métier pour vivre

– enseignement, journalisme, animation

sociale, traduction, etc. (Lahire, 2006).

Les artistes identifiés varient ainsi grandement

selon les critères choisis : rémunérations liées à

l’activité artistique, auto-déclaration, exposition

d’œuvres ou pratique artistique effective, temps

consacré à l’activité, appartenance à une

association ou à un syndicat d’artistes,

« sentiment » d’être un-e artiste.

Or, ce que révèle plus largement cette

difficulté à compter les artistes est de fait la

grande difficulté de leurs conditions de travail

et d’emploi : forte précarité, faibles

rémunérations au regard des qualifications

engagées, cumul d’activités, risques sérieux

d’échecs, souffrances physiques ou tensions

subjectives nombreuses…

Et plus largement encore, apparaît ainsi

la faible part de ceux et de celles qui vivent,

au moins de manière principale, de leur art.

L’essentiel des musiciens de rap, des poètes

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ou des écrivain-e-s ne vit pas de son art et

la plupart des danseur/se-s, circassien-ne-s,

musicien-ne-s de jazz, cinéastes ou

comédien-ne-s en vit de manière secondaire,

ou du moins en exerçant son art de manière

différente de celle qui les « définit », de

leur point de vue, comme artiste (professorat,

animation, doublage, musiques « com-

merciales », accompagnement, traduction…).

Comprendre le travail artistique dans nos

sociétés contemporaines suppose donc de

rendre compte d’un tel investissement

subjectif des artistes dans leur art.

Justifier l’entrée dans le travail

artistique : l’appel à la « vocation »

Le travail artistique a longtemps relevé

de manière principale du registre du métier et

de l’habilité. Au-delà des variations entre arts

au fil du temps s’est cependant construit

un passage progressif, lent et controversé,

du « régime du métier » au « régime

professionnel » et, enfin, au « régime de

vocation » (Moulin, 1992 ; Heinich, 1996)

aujourd’hui observé dans les différents arts.

Extrait vidéo Vocation : 01min50

Pour conclure, les artistes et les différents

membres des mondes de l’art définissent

prioritairement leur activité comme une

nécessité qui s’impose à eux et à elles,

expliquant en retour aussi bien l’acceptation

des difficultés inhérentes à sa réalisation –

difficultés matérielles et psychologiques

rencontrées dans l’exercice de l’activité

d’artiste – que la continuation de l’activité

dans le temps pour une partie d’entre eux et

elles, malgré les difficultés répétées auxquels

ils et elles sont parfois confronté-e-s.

Et ce constat se répète, que l’enquête porte

sur le cirque contemporain (Cordier, 2009)

les écrivain-e-s (Heinich, 2008 ; Lahire,

2006 ; Naudier, 2007 ; Sapiro, 2007), les

musicien-ne-s classiques (François, 2009),

de jazz (Buscatto, 2004) ou de rap et électro

(Jouvenet, 2006), les danseurs et les

danseuses de l’Opéra de Paris (Laillier, 2011),

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de hip-hop (Faure, 2004) ou contemporain-

e-s (Sorignet, 2004), les plasticien-ne-s

(Oughabi, 2014) ou encore les acteurs et les

actrices professionnel-le-s français-e-s

(Bensa, 2006 ; Menger, 1997 ; Paradeise,

1998) ou grec-que-s (Karakioulafis, 2014)…

Une « passion » dévorante

pour l’activité artistique

La vocation s’accompagne aussi le plus

souvent de discours affichant une passion

pour l’activité artistique. L’attachement

démesuré à l’activité, l’incapacité à échapper

aux idées créatives, le besoin intense de

s’exprimer par la création ou encore l’intensité

des émotions sont autant de traits qui

caractérisent chez ces artistes un rapport

passionné au travail artistique. Cette passion

ne se réalise pas au hasard. Elle concerne de

manière principale l’activité censée permettre

à l’individu d’exprimer son « être », ses

pensées « profondes » et de faire ainsi preuve

d’« authenticité », et ce, même si elle est de

fait secondaire dans l’activité quotidienne

pour la plupart des artistes qui, de fait, ne

réussissent guère à vivre de leur passion.

Ainsi, les musiciens de rap ou électroniques ou

les musicien-ne-s de jazz décrivent aussi bien

leur attachement émotionnel à la création de

leur musique que le prix qu’ils et elles sont

prêt-e-s à payer pour aller jusqu’au bout de

leur démarche créative. Les « petits boulots »,

le long apprentissage social et musical fait

d’imitation des autres et d’acceptation de

« galères » et de « plans » incontournables, les

échecs et les difficultés musicales, financières

ou humaines sont, pour ces individus, autant

de prix à payer pour réaliser leur passion de

manière « authentique ».

Extrait vidéo Trajectoires : 01min53

Une passion justifiant

de continuer « quand même »

La passion pour la création artistique devient

ainsi un élément clé de l’engagement de ces

artistes qui font le « choix » de continuer sur

cette piste alors même que capacité à en vivre

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et reconnaissance artistique ne sont que

rarement au rendez-vous. La passion pour

l’activité artistique choisie – écrire ses poèmes,

jouer sa musique, créer ses installations ou

monter son spectacle - soutient alors l’effort

parfois démesuré que suppose le maintien

dans une activité qui donne souvent lieu à une

reconnaissance sociale et personnelle limitée

et surtout bien inférieure aux justifications

vocationnelles données pour expliquer

l’entrée dans l’activité artistique.

Cette passion se maintient parfois sous le

signe de la vocation, le temps devant donner

l’occasion ou la possibilité à l’artiste d’être

enfin reconnu-e comme un-e artiste à part

entière par ses pairs, voire même par la

critique ou les producteurs. Mais la passion

peut se dissocier de la vocation pour devenir

le ressort principal du temps et de l’énergie

consacrés à monter des projets souvent

onéreux et peu rémunérateurs à l’image de

ces écrivain-e-s qui consacrent leur temps

libre, une fois leur activité professionnelle

accomplie, à écrire des romans ou des

poèmes chers à leur cœur ou des musicien-

ne-s de rap ou électro ou de jazz qui

enchaînent les « petits boulots » alimentaires

afin de libérer du temps et de l’énergie pour

la création musicale avec leurs « potes » sur

disque ou en concert.

Enfin, même s’ils ou elles effectuent l’essentiel

de leur activité professionnelle sur un mode

soit alimentaire, soit professionnel, dans l’art

ou à l’extérieur du domaine artistique (Bureau,

Perrenoud, Shapiro, 2009), dont l’école est un

exemple évident (Filiod, 2008), l’activité

artistique investie de manière personnelle est

redéfinie comme celle qui exprime leur

personnalité, leurs qualités créatives et

personnelles, leurs aspirations intimes.

Une organisation collective

de trajectoires passionnées

Les manières dont les unes et les autres

(re)construisent leur rapport à l’activité

artistique, entre vocation et passion, ne

se font pas au hasard et dépendent

grandement des conditions collectives

de production, de reconnaissance et de

rémunération à l’œuvre dans les mondes

de l’art fréquentés par ces artistes.

D’une part, certain-e-s artistes se voient

défini-e-s par leur seul parcours de

formation dans l’élite comme une « main-

d’œuvre » compétente et bien formée sur le

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marché du travail qui peut l’accueillir. C’est

le cas probant des musicien-e-s d’orchestre

(Lehmann, 2002), des danseurs et des

danseuses de l’Opéra de Paris (Laillier, 2011)

ou des violonistes-virtuoses (Wagner, 2004).

En effet, ayant passé les nombreuses

épreuves de formation et de sélection mises

sur le chemin d’une carrière d’élite, mêmes

les artistes qui ne peuvent réaliser leur

vocation à plein se voient doté-e-s d’une

valeur professionnelle qui leur permet

des reconversions au sein même de l’art

qu’ils et elles affectionnent.

D’autre part, dans la plupart des autres

mondes de l’art, les possibilités de

(re)construction de la passion se révèlent

bien plus nombreuses, mais aussi plus

difficiles d’accès et donc largement

dépendantes des opportunités présentes sur

les marchés du travail. Par exemple, les

musicien-ne-s de jazz peuvent envisager de

vivre de la musique sur un marché du travail,

certes très concurrentiel et saturé, mais

ouvert du fait des nombreuses possibilités

offertes à un-e musicien-ne de jazz bien

formé-e – événements commerciaux, soirées

privées, spectacles, enseignement ou

accompagnement musical (Buscatto, 2004).

Le possible accès à l’intermittence du

spectacle disponible pour ces musicien-ne-

s renforce encore leurs chances de vivre de

la musique même si elle n’est pas celle qu’ils

et elles aspirent à créer et à jouer de manière

principale. Une même situation est

rencontrée pour les danseurs et danseuses

(Rannou, Roharik, 2006) ou les comédien-

ne-s et acteurs/trices professionnel-le-s

dans les travaux déjà cités. En revanche,

rares sont les écrivain-e-s ou les poètes

(Dubois, 2011) qui peuvent imaginer vivre de

leur art. Les enquêtes révèlent ainsi de

nombreux/ses enseignant-e-s (très

majoritaires chez les poètes selon Dubois)

ou des journalistes, mais aussi des

assistant-e-s sociales, des mères au foyer

ou des allocataires sociaux.

Ne pas vivre de son art étant la règle,

l’investissement subjectif sur un mode

vocationnel va plutôt dépendre des signes de

reconnaissance reçus par les pairs, les

critiques ou les éditeurs dans des cercles

parfois très fermés – la poésie expérimentale

ou la composition contemporaine – et des

manières dont chacun et chacune justifie à

lui-même ainsi qu’à autrui son propre

rapport à l’activité artistique.

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Extrait vidéo Savoirs : 02min18

Un travail très exigeant qui suppose

un lourd engagement personnel

Or, c’est bien par la seule vertu de la passion

et/ou de la vocation qui guident les individus

concerné-e-s que ces efforts sont

effectivement acceptés. Si la passion guide

bien l’implication dans le travail artistique, elle

ne doit pas masquer les apprentissages, les

contraintes, les efforts et les difficultés que

traverse la plupart des artistes étudié-e-s.

Conclusion

Les artistes font de multiples efforts,

individuels et collectifs, disciplinés et parfois

douloureux, pour exercer leur art :

les conditions de travail et d’emploi sont

souvent difficiles et les chances de voir

leurs aspirations artistiques reconnu-e-s

sont faibles.

Seule une vocation, définie comme une

« nécessité intérieure », justifierait chez ces

artistes de s’engager dans de tels efforts.

S’accompagnant d’une entière passion pour

« son » art, cette vocation peut certes

s’épuiser au fil du temps, notamment lorsque

l’aspiration artistique peine à se réaliser. Mais

le maintien dans la production artistique

« quand même » suppose bien un

engagement de soi, souvent passionné, qui

explique largement que certains individus

continuent à se définir comme artistes alors

même que l’activité professionnelle ne

permet guère de s’accomplir comme artistes

et que la reconnaissance artistique est faible.

Ces engagements passionnés sont enfin le

fruit de mécanismes collectifs qui tiennent

aussi bien à la définition historique du travail

artistique contemporain sous le registre de la

vocation qu’aux modalités d’emploi et de

reconnaissance à l’œuvre dans les mondes de

l’art ou aux contextes familiaux, scolaires,

sexués ou sociaux dans lesquels évoluent les

individus artistes.

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Bureau Marie-Christine, Perrenoud Marc, Shapiro Roberta (dir.) L'artiste pluriel : démultiplier l'activité pour

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Buscatto M. « Aux fondements du travail artistique. Vocation, passion ou travail ordinaire ? ». In Leroux

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Buscatto Marie « Travail artistique ». In Bevort Antoine, Jobert Annette, Lallement Michel et Arnaud Mias

(dir.) Dictionnaire du travail, Paris, PUF, 2012, p. 798-803.

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Filiod Jean Paul « Des artistes dans l’école : brouillages et bricolages professionnels ». In Buscatto Marie

(dir.) « L’art au travail », Ethnologie Française, vol. XXXVIII, no 1, 2008, p. 89-99.

François Pierre « La vocation musicale : de l’illumination individuelle au processus collectif ». In Demazière

Didier, Gadéa Charles (dir.) Sociologie des groupes professionnels. Acquis récents, nouveaux défis, Paris,

La Découverte, 2009, p. 165-174.

Heinich Nathalie « Régime vocationnel et pluriactivité chez les écrivains : une perspective compréhensive et

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Heinich Nathalie Etre artiste : les transformations du statut des peintres et des sculpteurs. Paris,

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Jouvenet Morgan Rap, techno, électro... Le musicien entre travail artistique et critique sociale, Paris,

Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2006.

Karakioulafis Christina « Être acteur professionnel en Grèce : un travail de passion ou un emploi comme les

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Lahire Bernard La Condition littéraire. La double vie des écrivains, Paris, La Découverte, 2006.

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Lehmann Bernard L’orchestre dans tous ses éclats. Ethnographie des formations symphoniques, Paris, La

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Menger Pierre-Michel La profession de comédien. Formation activités et carrières dans la démultiplication

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Moulin Raymonde L'artiste, l'institution et le marché, Paris, Flammarion, 1992

Naudier Delphine « Les modes d’accès des femmes écrivains au champ littéraire contemporain ». In Mauger

Gérard (dir.) Droits d’entrée. Modalités et conditions d’accès aux univers artistiques, Paris, Editions de la

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Oughabi Moufida « Ne vivre que de son activité de plasticien : une condition exclusive pour affirmer sa

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Paradeise Catherine Les comédiens. Profession et marché du travail, Paris, PUF, 1998.

Rannou Janine, Roharik Ionela Les danseurs. Un métier d'engagement, Paris, La Documentation française, 2006.

Sapiro Gisèle « Je n’ai jamais appris à écrire. Les conditions de formation de la vocation d’écrivain », Actes

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Sorignet Pierre-Emmanuel « Etre danseuse contemporaine : une carrière ‘corps et âme’ », Travail, Genre et

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Wagner Izabela « La formation des violonistes virtuoses : les réseaux de soutien », Sociétés

contemporaines, 56, 2004, p. 133-163.

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Table ronde L’art et l’artiste au risque de la résidence

Animateur

CHRISTIAN LALLIER , anthropologue-cinéaste, IFE – ENS Lyon

Invités

ABDELKADER DAMANI , directeur de Veduta, Biennale d’Art Contemporain de Lyon

CATHERINE HURTIG-DELATTRE, enseignante, résidences d’artistes Enfance,

Art et Langages

CAMILLE LLOBET, artiste plasticienne, résidences d’artistes Enfance, Art et Langages

MARC MERCIER , directeur du Festival Instants Vidéos et artiste vidéo - Marseille

Que vient donc faire un artiste dans une

école ? Témoigner de son art, faire découvrir

son activité, initier à sa pratique artistique ?

Parfois, bien davantage… Les ateliers de

l’artiste engagent les enfants dans des jeux

d’expression qui les obligent à travailler

leurs cadres de socialisation : la mise en

représentation de soi supposant de se sentir

en confiance avec autrui…

L’artiste vient transmettre sans le devoir

d’enseigner. En cela, il se distingue de

l’enseignant et n’appartient pas à l’institution

scolaire. Il apparaît alors souvent comme un

intervenant extérieur. Mais, que se passe-t-il

quand l’artiste s’installe dans l’école, au

quotidien… qu’il s’engage aux côtés des

enseignants dans une pratique pédagogique

au long cours, pendant un an voire plusieurs

années… ?

Une résidence d’artiste désigne un lieu de

création pour les artistes, au sein d’une

institution publique ou privée, pour une

durée déterminée. Quant est-il de l’artiste en

résidence dans un milieu éducatif et dans un

établissement scolaire en particulier ?

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Cette fois, la résidence ne vise pas tant à

favoriser le processus de création de l’artiste

lui-même qu’à lui demander de produire une

expérience esthétique, de réaliser un projet

artistique, pour les élèves.

Dès lors, comment l'artiste parvient-il à

concilier ou à maintenir sa propre créativité

dès lors qu'il s'engage à développer la

créativité d'autrui ? Que produit l’artiste en

résidence dans un milieu éducatif : s’agit d’une

œuvre ou d’une simple expérience ? Mais, si il

ne s’agit pas d’une œuvre alors est-il encore

un artiste ? Et si il n’est plus un artiste à part

entière, en tant qu’il ne produit pas d’œuvre,

alors qu’elle est son statut ? Un intervenant

extérieur… mais précisément, la notion de

« résidence » semble vouloir rompre avec celle

d’un intervenant qui désigne le caractère

ponctuel de la relation.

En posant d’emblée la question de la mise en

risque de l’art et de l’artiste en résidence, il

s’agit de s’interroger sur l’enjeu d’une telle

pratique éducative. En effet, s’il n’y a pas de

risque pour l’artiste alors c’est qu’il n’y a pas

d’enjeu à l’intégrer dans une école. En quoi

le milieu scolaire met-il l’artiste à l’épreuve ?

On se demandera donc ce que le milieu

scolaire fait à l'art et à l'artiste, en mettant à

l'épreuve les conditions de sa créativité.

Cette attention portée sur la prise de risque

de l’artiste vise donc à interroger l’interaction

qui se construit entre l’artiste et l’enseignant

et à travers laquelle se joue une relation sans

doute plus complexe entre l’institution

artistique et l’institution éducative.

La Table Ronde en vidéo

Lien YouTube [01:14:19]

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Alain Kerlan, dialogue et interview avec Christian Ruby

ALAIN KERLAN , philosophe professeur des universités en Sciences de l'Education à

l'Université Lumière Lyon 2, Laboratoire Education Cultures et Politiques.

Invite

CHRISTIAN RUBY , philosophe, directeur de la revue Raison Présente, auteur de

nombreux ouvrages consacrés à l’art contemporain.

Les résidences d’artistes ne sont qu’une modalité institutionnelle de l’éducation artistique et

culturelle en milieux scolaire et éducatif. Néanmoins, la rencontre entre ces deux univers, l’art

et l’éducation, soulève de nombreuses interrogations. Quels sont les points de tension et de

convergence entre l’institution éducative et l’institution artistique ? Quel sens donner à l’entrée

de l’artiste en milieu scolaire sur le plan esthétique? Quels sont les effets de cette rencontre sur

les parties-prenantes ? Sans prétendre y répondre, les deux interlocuteurs tentent au cours d’un

dialogue d’apporter des pistes de réflexion à ces interrogations.

Dialogue de philosophes

Lien YouTube – 38min01

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Table ronde Des formes esthétiques entre « œuvre » et « production »

Animateur

JEAN-PAUL FILIOD , maître des conférences en Sociologie, Université Lyon 1 - ESPE

Invités

JULIE LEFEBVRE , artiste danseuse chorégraphe Compagnie La Fabrique fastidieuse,

résidences d’artistes en écoles maternelles Enfance, Art et Langages – Lyon

DENIS CERCLET , maître de conférences en anthropologie à l’Université Lyon 2,

membre du Centre de Recherches et d’Etudes Anthropologiques (CREA)

EMELINE EUDES , docteure en esthétique environnementale et coordinatrice du

programme Artistes intervenants en milieu scolaire à l’Ecole nationale supérieure des

Beaux-arts de Paris (de 2011 à 2013)

Au cours de cette table ronde, nous

interrogerons le statut des formes

esthétiques produites dans le cadre des

résidences d’artistes, notamment la manière

dont on nomme ces « formes ».

Pour l’intitulé, nous avons mobilisé deux

termes courants :

– l’un, œuvre, est plutôt associé à l’artiste ;

– l’autre, production, est plutôt associé

aux élèves, enfants ou adolescents, mais

peut-être aussi adultes, voire grands adultes.

Ce terme, productions, suggère une valeur

matérielle issue d’un faire, mais il sous-

entend aussi que ces formes, produites par

des gens qui ne sont pas artistes, ne

méritent pas d’être qualifiées d’œuvres,

terme distinctif d’un monde de l’Art qui

continue d’avoir besoin de distinction.

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En fait, derrière ce mot œuvre, qui semble

faire problème à pas mal de gens, il y a

sans doute l’ombre du chef-d’œuvre,

version supérieure de l’œuvre, symbole de

l’excellence, du sublime, de l’exceptionnel,

bref, tout le contraire de l’ordinaire et de la

banalité supposés de la production.

Cependant, en nous calant sur la racine du

mot œuvre, des résonances affleurent avec

d’autres mots : ouvrage, ouvrier, sans

oublier l’ouvroir, qui désigne, dans une

communauté religieuse, le lieu des travaux

en commun. Ces mots peuvent alors donner

un sentiment de rapprochement avec la

production. Et avec la mention de l’ouvroir,

cette famille de mots nous fera bien sûr

penser, puisque la création et la créativité

sont concernées par ce colloque, à des

mouvements culturels inscrits dans ce qu’on

pourrait presque appeler une tradition, celle

des OU-x-PO, « ouvroirs de quelque chose

potentielle », lieux d’élaboration de possibles

à partir de contraintes formelles.

À l’origine, il y a l’OULIPO, OUvroir de

Littérature POtentielle, communément associé

à Queneau ou Perec, mais dont le Frésident-

Pondateur (dixit l’oulipo.net de 2014) est

François Le Lionnais, mathématicien et

ingénieur chimiste, fondateur du Collège de

Pataphysique après la seconde guerre

mondiale et résistant notoire pendant celle-

ci. L’OULIPO, qui compta parmi ses membres

Marcel Duchamp, aura donc nombre de

descendants, à commencer par l’OULIPOPO

pour la littérature policière, et avant l’arrivée

de tant d’autres : OUPEINPO, OUTRAPO, OUBAPO,

OUPHOPO, OUCIPO, OURAPO, OUMAPO, OUMUPO,

pour la peinture, la tragicomédie, la bande

dessinée, la photographie, la cinématographie,

la radiophonie, les marionnettes, la musique.

Les arts sont donc bien présents, mais nous

sommes plutôt à un carrefour, celui des arts,

des sciences et de la littérature, comme le

prouveront ensuite l’OUHISPO, l’OUINPO,

l’OUARCHPO, l’OUJARPO et l’OUCUIPO (pour

l’histoire, l’informatique, l’architecture, le

jardinage, la cuisine).

Que d’ouvroirs ! Que d’œuvres !

Que de productions !

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Et dans l’art, il y a d’autres mots : créations,

pièces, installations, performances, voire

formes tout simplement. Au-delà de ces

termes, la question du statut se pose en

regard des contextes où ces formes

prennent naissance et place. Sommes-nous

dans un contexte artistique ? Un monde de

l’art, pour se rappeler d’Howard S. Becker ?

Ou sommes-nous dans un contexte d’art en

contexte : art social, art public, résidence

d’artiste en milieu scolaire et éducatif… ?

Mais puisque l’art est en contexte, on

pourrait penser que cela reste de l’art, sauf

peut-être aux yeux du Monde de l’Art…

La Table Ronde en vidéo

Lien YouTube [01 :14 :19]

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Actes du Col loque Grand témoin

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Clôture

Grand témoin

MARIE-CHRISTINE BORDEAUX, maître des conférences, GRESEC, Université

Stendhal – Grenoble 3

Je commencerai cette synthèse par quelques

remarques transversales sur les enjeux de

l’éducation artistique, tels qu’ils se trouvent

réactualisés ou reconfigurés dans les

résidences d’artistes au sein des

établissements scolaires. Ensuite, je me

réfèrerai à l’« archéologie » de ces

résidences : comme toute innovation -

contrairement à une vision répandue de

l’innovation comme pur surgissement de

l’inédit -, les résidences d’artistes en milieu

scolaire ont une histoire, qui montre que ce

dispositif s’ancre dans une conception

récurrente du rôle de l’art dans la société

aussi bien que dans l’histoire de l’école et de

ses réformes, et qu’il s’adapte aux évolutions

des institutions et de la demande sociale.

J’aborderai ensuite la manière dont

les résidences ont évolué, quels usages y sont

associés, et comment ce dispositif longtemps

considéré comme hors normes, coûteux,

difficile à appréhender du point de vue

des outils qui structurent traditionnellement

l’éducation (classes, horaires, programmes),

permet de combiner de l’exceptionnel et de

l’ordinaire et de s’inscrire dans des stratégies

de long terme. Je conclurai sur le rôle

croissant des collectivités, phénomène qui

concerne l’ensemble de la politique

d’éducation artistique et culturelle, mais qui,

dans le cas particulier des résidences, appelle

quelques remarques du point de vue de

l’ancrage des projets dans le temps et du

point de vue de l’impératif de généralisation.

Les enjeux de l’éducation artistique

et culturelle dans les résidences en

établissements scolaires

Le premier enjeu est celui du partenariat, qui

est dans les « gènes » de l’institutionnalisation

de l’éducation artistique. Dès le congrès

d’Amiens Pour une école nouvelle en 1968,

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l’éducation artistique est étroitement mêlée à

des enjeux de société : modernité,

transversalité, créativité, formation de

citoyens éclairés et impliqués. Les écoles sont

encouragées à coopérer avec des acteurs

extérieurs et à faire une large place aux

pratiques artistiques, culturelles et

médiatiques. La culture dont il est question à

cette époque déborde largement le champ de

l’art, car elle inclut jusqu’aux industries

culturelles. Les exemples cités dans les actes

du congrès se réfèrent aussi bien au théâtre,

aux arts plastiques qu’aux médias (journaux,

radio, télévision). Le partenariat est présenté

comme la condition d’une ouverture

réciproque entre la société et la sphère

éducative. La notion de partenariat se

précisera plus tard avec la mise en place de

dispositifs conjoints culture / éducation. Elle

servira à définir les formes de l’agir tout

autant que le sens de l’action. À partir de

1983, le partenariat est défini par les

ministères de la Culture et de l’Éducation,

selon des normes qui restent aujourd'hui à

peu près inchangées concernant les

intervenants : reconnaissance par les DRAC

de la qualité du travail artistique ou

patrimonial chez le partenaire culturel,

inscription avérée dans le monde de l’art et

de la culture, capacité à intervenir dans un

projet pédagogique, formation attestée par

des diplômes ou par l’expérience, co-

élaboration d’un projet commun avec un ou

des enseignants. Les promoteurs de

l’éducation artistique ont eu constamment le

souci de dissocier le partenariat culturel aussi

bien de son origine historique dans

l’Éducation (le lien avec les entreprises et plus

largement avec le marché de l’emploi) que de

son versant mercantile ou utilitariste

(l’intervention à la petite semaine, le travail

alimentaire). Ils ont développé un modèle

spécifique du partenariat, que Françoise

Buffet avait proposé de nommer « partenariat

culturel d’éducation » (Buffet, 1998 : 17-23)

pour bien le distinguer des autres formes de

partenariat dans le secteur éducatif : ce

modèle opère un va-et-vient constant entre

le dedans (l’école) et le dehors (les lieux

culturels, le champ de l’art), tendant à une

certaine forme de convergence entre les

objectifs de l’éducation et ceux de la culture,

et transcendé par la notion d’intérêt général.

Le partenariat a été longtemps étudié dans sa

dimension interindividuelle, entre un artiste

et un enseignant. Lorsque l’éducation

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artistique s’est trouvée, dès la fin des années

1980, confrontée au problème général de la

démocratisation culturelle, il a fallu

cependant repenser l’assise du partenariat

dans d’autres cadres que ceux des ateliers et

des options : ce fut l’époque des jumelages,

sites expérimentaux, plans locaux,

aménagement des rythmes, parcours

culturels (qui resurgissent aujourd'hui dans la

loi de refondation de l’école). La dimension

interindividuelle du partenariat, très

prégnante dans les projets menés à l’échelle

d’une classe, est alors complétée par un

partenariat d’organisation1, centré sur

l’impératif de généralisation, la mise en

cohérence au niveau territorial, et sur

l’établissement scolaire tout entier, voire le

bassin d’éducation comme territoires de

référence. Face à cette évolution, les

résidences d’artistes apparaissent d’une

certaine façon comme une préfiguration,

dès les années 1980, d’enjeux qui ont émergé

au début des années 1990. Le refus des

interventions régulières en classe de type

1 Françoise Buffet (1998 : 19-20) propose une typologie du partenariat en trois points : d’impulsion (institutionnel) ;

de projet (définissant les responsabilités de chacun et les cadres matériels) ; de réalisation (logiques d’action,

stratégies). Nous avons utilisé dans plusieurs études cette grille en l’adaptant aux avancées des politiques d’éducation

artistique, également en trois points : partenariat de réalisation (entre acteurs de terrains) ; d’organisation (au niveau

des structures locales) ; d’impulsion (au niveau politique) (Bordeaux, Deschamps, 2013 : 42-45).

2 On trouve une intéressante synthèse de cette controverse dans Jacinthe Baribeau, Geneviève David et Serge

Larrivée, « Critique du modèle neurophysiologique de la delphinothérapie - Sonophorèse et écholocation », Revue de

psychoéducation, vol. 35, n° 2, 2006 : 399-417.

atelier (que j’évoquerai plus bas) était

également un élément précurseur, ainsi que

la forme du contrat, par lequel l’artiste

recevait une bourse et non un salaire. Les

résidences portaient enfin une question

toujours posée, mais rarement résolue dans

les ateliers de pratique artistique : le lien avec

un processus de création en cours

d’accomplissement.

Le deuxième enjeu est relatif aux effets de

l’éducation artistique. Face à des affirmations

souvent entendues, prêtant à l’intervention

de l’artiste un pouvoir réel et direct sur

l’amélioration de performances scolaires ou

de comportements sociaux chez les enfants,

on peut - toutes proportions gardées, bien

entendu, et avec une pointe d’humour -

établir un parallèle avec la delphinothérapie

et la controverse dont elle fait l’objet2. Les

recherches scientifiques (qui s’opposent en

cela à certaines recherches financées)

établissent que le dauphin ne soigne pas,

qu’il « agit » indirectement, comme un

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élément transformateur du contexte et de

l’entourage de l’enfant en raison de la

croyance diffuse dans son pouvoir

thérapeutique et en raison de la mobilisation

physique, affective, sensorielle déployée pour

aboutir à une rencontre entre un enfant

malade et un animal considéré à la fois

comme auxiliaire thérapeutique et comme

l’incarnation de forces échappant à la

connaissance rationnelle. C’est pourquoi il

me semble qu’il faut prendre au sérieux les

artistes lorsqu’ils évoquent la spécificité de

leur rôle et la distance qu’ils souhaitent

préserver vis-à-vis d’objectifs scolaires,

comportementaux, cognitifs pourtant bien

observables dans les retombées des projets

menés en classe, tout en affirmant leur

engagement social auprès des enfants et des

jeunes. Ainsi que le rappelle régulièrement

Alain Kerlan, l’enjeu de l’éducation artistique,

c’est de changer l’école, c'est-à-dire l’acte

même d’enseigner, et non de compléter

l’école ou de trouver remède à certaines de

ses limites. Dans le cas des résidences

d’artistes, on voit bien comment la résidence

n’est pas unidirectionnelle, centrée sur

l’enfant, mais au contraire en prise avec

l’ensemble de la communauté éducative, par

le rôle reconnu à chacun, l’occupation de

l’espace, le temps consacré à la connaissance

mutuelle et à la conception d’un projet

commun, la question de la transversalité des

savoirs et des pratiques, etc.

Le troisième enjeu est celui de la médiation.

Je laisse de côté une question pourtant

importante, celle d’une situation somme

toute assez classique, où l’artiste, seul en

scène (il s’agit de « scène » au sens

sociologique), représenterait à lui seul le

monde de l’art et de la culture auprès des

enfants, dans un face-à-face sans médiation,

ni médiateur autre que l’enseignant ou

l’ATSEM. En somme, sans médiateur culturel,

ou plus précisément : sans médiateur du

monde culturel. Je me centrerai plutôt sur les

institutions médiatrices. Un rôle me semble,

en effet, insuffisamment étudié de ce point de

vue : c’est celui joué par Enfance, Art et

Langages, qui agit comme un « traducteur »

permanent entre différents mondes : monde

de la culture, monde de l’éducation, mondes

vécus par les enfants et les familles, sphère

politique. Un « traducteur » ne se définit pas

uniquement par des opérations menées par et

sur le langage, bien qu’il s’agisse d’une

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fonction majeure de la médiation, dont les

traces écrites sont nombreuses dans le cas

des résidences (conventions, contrats, récits

d’expérience, évaluations, etc.) qui font aussi

appel à de très nombreuses interactions

verbales. Il se définit aussi par la production

de normes, dimension toujours importante

dès lors qu’il s’agit de la sphère éducative.

Les normes sont ambivalentes : elles cadrent

l’action et peuvent limiter l’imagination des

acteurs en présence. Elles peuvent aussi être

considérées comme des repères cristallisant

les leçons de l’expérience, à condition d’être

évolutives et de rester des outils au service

d’une démarche. Dans le cas des résidences,

cette fonction de médiation (certains diraient

d’accompagnement ou d’ingénierie de projet)

est particulièrement importante, et cela dès

les années 1980, comme ce fut notamment le

cas avec l’association Savoir au Présent,

association très active dans l’organisation de

résidences dans toute la France, et qui ne se

bornait pas à l’organisation concrète du face-

à-face entre enseignants et artiste. Le rôle

joué par des structures d’accompagnement

telles que Savoir au présent ou Enfance, Art et

Langages permet d’élargir la question de la

médiation au-delà de la seule figure du

médiateur culturel. En particulier, les

résidences invitent à dépasser les tensions

récurrentes entre éducation et médiation,

dont témoignait récemment le rapport

Loyrette (2013 : 8-9). Selon ce rapport, ces

tensions sont fondées sur l’idée que

l’Éducation nationale privilégie des objectifs

« fonctionnels » (l’adéquation aux

programmes scolaires) tandis que la culture

privilégie des objectifs « plus larges » et

« humanistes ». Elles se cristallisent, du point

de vue des institutions culturelles, dans

l’opposition entre deux directions : relations

avec le monde scolaire (« éducation

artistique ») et « politique de publics ». En

effet, la médiation, en tant que pratique

professionnelle, repose sur l’idée que l’école

n’est pas le seul vecteur d’éducation à la

culture, et que l’âge scolaire n’est qu’un des

âges possibles pour des apprentissages

culturels non formels.

Faute de pouvoir citer d’autres enjeux, je

m’en tiendrai à un dernier enjeu, que je

formulerai par une question : dans quelle

mesure les résidences d’artistes

accomplissent-elles un objectif d’éducation

artistique et culturelle ? Je m’appuie, pour

poser cette question, sur l’idée maintenant

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communément admise et relativement bien

ancrée institutionnellement que l’éducation

artistique et culturelle ne se définit pas

seulement par la co-présence d’enseignants,

d’élèves et d’artistes engagés dans un projet

commun. Elle se définit, plus

fondamentalement, par la combinaison de

trois expériences de l’art : esthétique, par le

contact avec les œuvres et les lieux ;

artistique, par l’élaboration personnelle d’un

langage et d’une forme ; symbolique et

culturelle, par l’appropriation de ressources

culturelles, la réflexivité, la formation de

l’esprit critique la confrontation des points de

vue. Les résidences sont conçues sur le

principe de l’immersion (présence longue,

cohabitation, apprivoisement progressif) et

non sur celui de la rupture (présence plus ou

moins ponctuelle, activités parfois

inconcevables dans un système éducatif

traditionnel, temps fort et visible d’un projet

mené par ailleurs toute l’année par

l’enseignant). Pour le dire autrement : sur le

principe de la proximité et de la

familiarisation et non sur celui de l’étrangeté

ou de l’altérité entre acteurs éducatifs et

acteurs culturels. La scène qui met le plus

3 Actes du colloque École / Milieu scolaire / Milieu artistique. Quels échanges, quels réseaux, quelles pratiques, ministères

de la Culture, de l’Éducation nationale, de l’Agriculture, Savoir au Présent, Palais du Luxembourg, 16-18 mai 1990.

souvent en prise les acteurs de ces projets

(enfants, communauté éducative, artistes) est

dans les murs de l’école. Certes, des sorties

culturelles sont prévues, et des

apprentissages culturels sont certainement

présents. Mais ce n’est pas leur existence qui

est visée par la question posée, c’est plutôt

leur place dans les objectifs des projets, dans

leur réalisation et dans leur évaluation.

Les résidences d’artistes en milieu

scolaire ; permanences et évolutions

Je voudrais maintenant faire un retour vers le

premières formes de résidences dans les

établissements scolaires, en m’appuyant à la

fois sur mon expérience personnelle de mise

en place de résidences au cours des années

1980, en lien avec l’association Savoir au

Présent, et sur les actes d’un colloque

organisé en 1990 par cette même

association, avec l’appui des ministères

concernés3. À cette époque, les résidences en

milieu scolaire sont une extension des

résidences en entreprises, dans les usines et

dans divers lieux de vie et de travail. Les

mêmes règles y sont prescrites, en particulier

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le fait de ne pas demander à l’artiste d’animer

d’ateliers de pratique ou de faire don d’une

œuvre réalisée dans le cadre de la résidence.

Il était également recommandé de

commencer la résidence sans programme

préalable d’activités, le but étant que chaque

lieu d’accueil invente progressivement les

formes de la rencontre. Les résidences sont

conçues selon un référentiel assez strict, sous

la responsabilité du chef d’établissement,

destiné à laisser émerger des projets

singuliers et non normés selon les règles

pédagogiques.

À l’époque où se tenait le colloque de 1990,

alors que les résidences d’artistes

concernaient tous les types d’établissements

scolaires, le point de vue de l’Éducation

nationale était formulé essentiellement par

l’Inspection générale des arts plastiques,

focalisée sur la différenciation entre les

professionnalités respectives de l’enseignant

d’arts plastiques et de l’artiste. Aucun apport

n’est repérable pour les problématiques liées

au primaire et à la maternelle, c'est-à-dire à

l’enseignant polyvalent. Du côté de

l’institution culturelle, on est frappé de voir à

4 « La meilleure résidence d’artiste semble être son atelier », affirme ainsi un représentant de la Délégation aux arts

plastiques du ministère de la Culture.

quel point, à cette époque, le discours est

limité4, faisant ainsi une large place au

discours d’artiste et donc aux valeurs

dominantes dans le champ de l’art :

autonomie par rapport à la demande sociale

ou politique, singularité, avant-garde,

rupture, dévalorisation des savoirs

académiques ou disciplinaires. Ce discours

est assez largement relayé par Savoir au

présent qui défend un point de vue centré sur

l’altérité fondamentale des acteurs en

présence et la spécificité du rôle de l’artiste :

« L’école ne peut attendre de l’artiste qu’il assure

personnellement une activité éducative ou

culturelle. L’institution scolaire atteint des buts

culturels parce que l’artiste dans sa pratique relève

de l’artistique. […] La médiation culturelle doit

s’appuyer sur les fondements de la création

artistique ». Cette idée, qui consiste à

présenter l’action de l’artiste comme d’autant

plus efficace (ou en tout cas efficiente) qu’il

s’affranchit de tout référence à une pratique

ou à un savoir-faire pédagogique, reste

aujourd'hui très prégnante dans les discours

d’artistes, mais elle l’est de moins en moins

dans les discours des institutions,

préoccupées par la qualité de la transmission

et par les compétences nécessaires pour

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assurer cette qualité. De plus, elle est à

relativiser par l’observation concrète des

résidences que j’ai organisées, ou plus

récemment par l’examen des vidéos réalisées

dans les classes lyonnaises coordonnées par

Enfance, Art et Langages, où l’on voit

fréquemment les artistes en posture

d’explication, de facilitation, de soutien,

d’accompagnement. Autour du geste

professionnel expliqué et partagé par les

artistes se jouent les enjeux d’une co-

éducation, d’une pédagogie active et d’une

méthode non formelle, bien qu’elle se déroule

dans un contexte formel, celui de l’école.

Il est intéressant de noter que déjà à cette

époque, les organisateurs et institutions

partenaires se plaignaient des stratégies de

légitimité des artistes, qui ne mettaient pas

en visibilité leur participation à des

résidences en milieu scolaire. Les curriculum

vitae (CV) d’artistes diffusés auprès des

institutions culturelles ne mentionnaient pas,

dans la plupart des cas, ce type d’expérience.

Or, les CV sont un outil important des

stratégies de légitimation dans le champ

artistique, comme l’a montré, dans un autre

5 Fourmentraux (2011 : 79-82) montre comment, dans le cas des coproductions entre artistes et scientifiques,

l’examen des curriculum arte (des artistes) et des curricumum vitae (des ingénieurs informaticiens) permet

d’analyser les modes d’attribution de valeur artistique ou scientifique, et les stratégies de valorisation artistique

d’activités hybrides relevant de la recherche-création.

domaine, Jean-Paul Fourmentraux5. Y faire ou

non figurer une expérience menée dans un

établissement scolaire peut, selon les cas,

renforcer ou affaiblir ces stratégies. La même

question s’est posée à propos des ateliers

artistiques dans le champ social, comme l’a

analysé Pierre-Alain Four (2003 : 207-227),

mais les actions menées en milieu carcéral,

hospitalier ou dans les quartiers en difficulté

ont connu une progression en légitimité

supérieure par rapport à celles menées en

milieu scolaire.

La question de la mention des résidences

dans les CV est réapparue au cours de ce

colloque, et semble toujours poser quelques

problèmes, malgré une réelle progression de

cette question, à la faveur de trois

changements majeurs : l’affirmation de

l’éducation artistique et culturelle comme

composante stratégique des politiques

culturelles ; la raréfaction des soutiens

publics en matière de culture et le besoin de

diversifier les sources de revenus des

artistes ; le pilotage par les collectivités

territoriales (qui par ailleurs financent la

culture) de dispositifs qui échappent ainsi à

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une connotation trop scolaire. La longue

durée des résidences et l’importance des

crédits qui y sont affectés contribuent aussi à

cette légitimation. La notion de résidence

elle-même relève d’un vocabulaire de l’action

publique centré sur la création et le créateur,

au contraire des ateliers de pratique artistique

et des autres dispositifs de type « classe à

PAC » : la résidence d’artiste reste un

dispositif identifié majoritairement par

rapport à des espaces non scolaires.

J’ai entendu au cours des échanges que les

représentations conflictuelles de la relation

entre artistes et enseignants, que l’on

pourrait supposer dépassées par trente

années de construction institutionnelle du

partenariat entre culture et éducation, sont

toujours présentes. Ce constat peut

s’expliquer de deux façons. D’une part, la

culture doit être appréhendée « au pluriel »,

selon les termes de Michel de Certeau qui

postulait que son analyse ne peut être que

polémologique6, afin de mettre en évidence

une de ses dimensions majeures : les conflits

6 À propos de l’activité culturelle de la production des non-consommateurs, considérée à tort comme passive et

marginalisée par la dimension productiviste de l’économie culturelle, Certeau relève que « la relation des procédures

avec les champs de force où elles interviennent doit […] induire une analyse polémologique de la culture. […] la

culture articule des conflits et tour à tour légitime, déplace ou contrôle la raison du plus fort » (1990 : XLIV).

7 On peut se référer notamment à l’histoire de l’enseignement du dessin puis des arts plastiques, et plus particulièrement

aux « scènes primitives » décrites par Bruno Duborgel à propos des visions opposées – utilitaristes ou esthétiques –

développées par Eugène Guillaume et Felix Ravaisson (1990 : 72-74). Une synthèse historique réalisée en 1996 par

Marie-Jeanne Brondeau-Four et Martine Colboc-Terville (« Du dessin aux arts plastiques. Repères historiques et

évolutions jusqu’en 1996 ») peut également être utilement consultée sur le site de l’académie de Mayotte.

entre les cultures et les rapports de

domination des unes envers les autres. Or,

nous savons que les difficultés de l’éducation

artistique et culturelle tiennent certes à des

problèmes concrets de mise en œuvre, mais

plus profondément à des conflits de valeurs

et de représentations entre la culture de

l’école et la culture du champ artistique

contemporain. Elles tiennent aussi à une

tension historique, présente bien avant

l’institutionnalisation de l’éducation

artistique, dès la création des enseignements

artistiques à l’école, entre deux

représentations opposées des visées de cet

enseignement7 et, plus largement, de l’acte

même d’enseigner. D’autre part, malgré la

très grande hétérogénéité des « carrières »

d’artistes (au sens sociologique du terme),

malgré le fait que dans certains domaines

(arts plastiques, danse, musique) les artistes

ont dans leur grande majorité suivi une

formation supérieure spécialisée, la critique

de l’école reste très prégnante dans leurs

discours. Cette critique est une transposition

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de la critique de l’académisme, en art comme

ailleurs, et également une façon d’héroïser le

regard rétrospectif que posent les artistes sur

leur parcours en soulignant son caractère

singulier par le régime de vocation,

d’opposition, de résistance. Curieusement,

alors qu’une critique sociale aujourd'hui

largement répandue reproche à l’école le

caractère structurel de sa dimension

inégalitaire, les artistes perdurent dans une

critique plutôt psychologisante de l’école,

génératrice d’ennui, incapable de déceler les

talents, les individualités et de développer le

plaisir d’apprendre. Ce faisant, ils présentent

leur rôle de deux manières : soit sous le

régime d’une vision « romantique » de la

transmission8, qui convient assez bien au

temps souvent bref de leur intervention

auprès des enfants et à la préservation d’une

8 À cet égard, les artistes se présentent souvent comme des figures de l’enseignant idéal selon leurs propres normes,

c’est-à-dire libertaire et anti-système. Dans ses travaux sur l’école ou sur l’illettrisme, Bernard Lahire a largement

critiqué cette vision d’une pédagogie romantique et vertueuse. « L'enseignant romantique - dont l'un des modèles

est partiellement livré dans le film de Peter Weir Le Cercle des poètes disparus - ne fait en définitive que jouer le rôle

bien connu des lecteurs de Max Weber, rôle du ‘prophète’ face au ‘prêtre’ comme ‘fonctionnaire du culte’. Ce modèle

d'enseignant privilégie l'expérience événementielle vécue par rapport à l'exercice quotidien, la spontanéité ou le

happening pédagogique par rapport à la progression continue dans un corps de savoirs et, au fond, la démarche

intérieure et volontaire par rapport à l'action extérieure et imposée. Il privilégie ainsi, sans s'en rendre compte, ceux

qui ont déjà constitué au cours de leur socialisation antérieure les démarches et les motivations internes par rapport

à ceux qui ne les ont pas encore constitué[es] et qui ont besoin pour cela d'une action pédagogique spécifique. »

(Lahire, 1997 : 6). Par ailleurs, dans un cadre relevant plutôt de la formation des adultes, Lahire critique les postures

adoptées par les associations luttant contre l’illettrisme, considérant comme populistes certaines de leurs affirmations,

par exemple : « Le même fond populiste amène ATD à développer la conception d’une pédagogie radicalement

romantique (antitechniciste, anti-institutionnelle, antiautoritaire, égalitaire) où l’apprentissage se déroulerait dans la

joie permanente » (Lahire, 1999 : 53) 9 En référence à des catégories développées par Boltanski et Thévenot, les « valeurs inspirées » privilégient

l’excellence (plus que la simple qualité professionnelle) la spécificité de la démarche artistique, l’autonomie du monde

de l’art, la singularité de la démarche, l’innovation, l’avant-garde ; les « valeurs civiques » s’attachent davantage à

l’égalité d’accès, au droit à la culture, à la culture facteur d’identité ou bien commun, à l’héritage, au sens commun

(Bordeaux, Deschamps, 2013 : 25-27).

identité professionnelle centrée sur la

compétence artistique ; soit en tant que

simples « travailleurs culturels » (Menger,

2003), présents à un moment de leur vie

professionnelle auprès de certains groupes

sociaux sans pour autant considérer y avoir

des missions ou une vocation particulières.

De l’exceptionnel à l’ordinaire : la

question des changements d’échelle

Un des reproches principaux qui pouvait être

fait aux résidences d’artistes par l’Éducation

nationale au cours des années 1980 était le

caractère exceptionnel et coûteux de ces

opérations. Face aux valeurs « inspirées » qui

prédominaient dans les discours culturels

faisant la promotion des résidences,

l’Éducation opposait les valeurs « civiques »9

et critiquait le caractère sporadique de ces

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projets, l’impossibilité de les généraliser

aussi bien que l’absence de cadrage

pédagogique préalable. Ce ne fut sans doute

pas le cas dans toutes les régions, mais dans

les territoires où j’ai eu l’occasion de monter

des projets, rien ne se serait fait sans le

volontariat des chefs d’établissements et des

directeurs d’écoles en lien avec les élus de

leur ville, le rectorat et les inspections

académiques restant en dehors de

l’impulsion et du suivi de ces actions.

Aujourd'hui, les résidences sont reconnues

par l’Éducation nationale et font même l’objet

d’une circulaire interministérielle

spécifique10. Des collectivités les

revendiquent comme un outil important de

leur politique croisée de soutien à la création

et d’éducation artistique. Elles les organisent

concrètement de manière à les rendre

accessibles. L’expérience d’Enfance, Art et

Langages à Lyon, ainsi que celle d’autres

territoires comme la Seine Saint Denis (pour

les collèges) ou le Nord Pas de Calais, montre

10 La circulaire (Éducation nationale, Enseignement supérieur et recherche ; Agriculture ; Culture et Communication)

n° 2008-059 du 29 avril 2008 « Développement de l'éducation artistique et culturelle » précisait déjà que « les

résidences d’artistes seront développées pour permettre aux élèves de suivre au plus près la création dans différents

champs, des phases de recherche jusqu’à la réalisation. Elle a été complétée récemment par la Circulaire (Éducation

nationale ; Agriculture ; Culture et Communication) n° 2010-032 du 5 mars 2010 « Charte nationale : la dimension

éducative et pédagogique des résidences d'artiste », qui définit les résidences en milieu scolaire comme une des

catégories possibles des résidences d’artistes.

que l’intervention de la collectivité territoriale

peut changer la donne, à condition de

maintenir son effort sur la durée. À Lyon,

toutes les écoles maternelles de l’éducation

prioritaire ont été, sont ou seront concernées

par une résidence d’artiste. L’appel à projets

permet de cadrer l’impératif de qualité du

côté des artistes ainsi que la cohérence avec

le projet d’école. La durée, qui est fixe, mais

peut dans certains cas être négociée, est

pensée pour garantir des effets non

seulement sur les enfants, mais aussi et

surtout sur la communauté éducative, ce qui

est la condition de l’ancrage des nouvelles

pratiques développées à l’occasion de la

résidence. À la fin de la résidence, les écoles

ont la possibilité de continuer à mener des

projets culturels, contrairement à bien des

projets où, une fois le spectacle ou

l’exposition terminés, on passe à autre chose.

Au cours de la résidence, les artistes sont en

général amenés à animer des ateliers, dans le

cadre d’un projet de recherche artistique co-

élaboré avec les équipes pédagogiques.

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Actes du Col loque Grand témoin

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On voit donc, d’une certaine manière, ces

résidences répondre point par point aux

critiques dont elles pouvaient faire l’objet, et

devenir un des instruments d’une politique

territoriale de l’éducation artistique visant la

généralisation. Ce format de projet, qui était

exceptionnel par son ampleur et son

ambition, peut aujourd’hui faire l’objet d’une

politique concertée et durable. Il y a là matière

à réflexion pour ceux qui seraient tentés de

voir dans le parcours culturel l’unique

instrument de la généralisation. Les

résidences permettent de poser la question, à

mon avis nécessaire, de la diversité des

dispositifs et des échelles de projets.

Bibliographie

Bordeaux Marie-Christine, Deschamps François, 2013, Éducation artistique, l’éternel retour ? Une

ambition nationale à l’épreuve des territoires, Toulouse : Ed. de l’Attribut (coll. La Culture en questions)

Buffet Françoise (dir.), 1998, Entre école et musée, le partenariat culturel d’éducation, Lyon : PUL (coll.

Travaux et documents)

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(coll. Essais)

Duborgel Bruno, 1990, « Scènes de l’enseignement artistique », in Daniel Lagoutte., Les arts plastiques

contenus, enjeux et finalités, Paris : A. Colin, (Coll. Formation des enseignants), p. 71-90

Four Pierre-Alain, 2003, « La démocratisation culturelle à l’épreuve des ateliers de pratiques artistique »,

in Olivier Donnat (dir.), Regards croisés sur les pratiques culturelles, Paris : La Documentation française

(coll. Questions de culture), p. 207-227.

Lahire Bernard, « Démocratisation, formes scolaires et techniques intellectuelles », Actes du colloque « Défendre

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Lahire Bernard, 1999, L’Invention de l’ « illettrisme », Paris : La Découverte

Menger Pierre-Michel, 2003, Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme, Paris :

Seuil (La République des Idées)

Actes du colloque École / Milieu scolaire / Milieu artistique. Quels échanges, quels réseaux, quelles

pratiques, ministères de la Culture, de l’Éducation nationale, de l’Agriculture, Savoir au Présent, Palais

du Luxembourg, 16-18 mai 1990

L’éducation artistique et culturelle dans les musées et monuments nationaux, rapport de mission

confiée à Henri Loyrette et conduite par Catherine Guillou, ministère de la Culture, juillet 2013

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Annexes

Bibliographie

Fiches expériences : exemples de dispositifs

o Art à l’école

o Enfance, Art et Langages

o Témoignage Bérengère Valour

o IN SITU

o L’Opéra à l’école

o Libres comme l’art

o Les Escholiers de la Mosson

o MUS-E® à Lille

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Bibliographie sélective

Les résidences, Les artistes

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L'inscription de la résidence d'artistes en milieu rural et sa pertinence dans le développement culturel local.

Mémoire de DESS Développement Culturel et Direction de projet sous la direction de Jacques Bonniel,

Faculté d’Anthropologie et de Sociologie. Lyon : Université Lyon 2, 2004, 117 pages.

socio.univ-lyon2.fr/IMG/pdf/doc-557.pdf

BECKER, Howard S.

Les mondes de l’art. Paris, Flammarion, 1988 (1982), 379 pages.

BONNIEL, Jacques.

Résidences d’artistes : définition et contextes artistiques, institutionnelles et historiques in Les

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de 8, 2005, pp.14-18.

BORDEAUX, Marie-Christine, DESCHAMPS François.

L’Éducation artistique, l’éternel retour ? Une ambition nationale à l’épreuve des territoires.

Toulouse : Ed. de l’Attribut (coll. La culture en questions), 2013, 172 pages.

BOURDIEU, Pierre.

L’invention de la vie d’artiste, Actes de la recherche en sciences sociales. 2, 1975, pp. 67-94.

BUSCATTO, Marie (sous la dir.).

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www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=ETHN_081_0005

CHABANNE, Jean-Charles ; PARAYRE, Marc ; VILLAGORDO, Eric.

La rencontre avec l’œuvre. Eprouver, pratiquer, enseigner les arts et la culture. Actes des journées

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DEKENS, Gregory ; GINEVRO, Daniela.

Art, Petite Enfance, Etc., Morlanwelz, Lansman Editeur, 2012, 68 pages.

FILIOD, Jean Paul.

L’innovation en mode pluriel et relatif. L’exemple de l’éducation artistique et culturelle et d’un

dispositif présenté comme “innovant”, Socio-logos. Revue de l'Association Française de

Sociologie, no 7, 2012. socio-logos.revues.org/2661

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FOURNEL, Yves.

Des artistes à la maternelle. Entretien avec l’adjoint au maire de Lyon délégué à l’éducation.

L’observatoire. N°42. Grenoble : Observatoire des politiques culturelles, juillet 2013, 3 pages.

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Canada Moncton : Association acadienne des artistes professionnel.le.s du Nouveau-Brunswick,

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HEINICH, Nathalie.

Etre artiste. Cinquante questions. Paris : Klincksieck, 1996.

JORI LAZZARINI, Héloïse. Sous la direction de Alain Vulbeau.

L’éducation artistique et culturelle, entre attentes sociales et réponse à la crise de l’école. Etude

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KERLAN, Alain.

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LAMY, Yvon ; LIOT, Françoise.

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plastiques : enjeux et effets, in CALLEDE Jean-Paul, Métamorphoses de la culture, pratiques et

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MENGER, Pierre-Michel.

Portrait de l’artiste en travailleur. Paris, Seuil 2003, 96 pages.

MONOD-JUHEL, Charline.

Autour de la résidence d’artiste : évolution et extensions du principe de résidence d’artistes.

Mémoire de master 2 professionnel Développement culturel et direction de projet. Lyon : Université

Lumière Lyon 2, 2009, 141 pages.

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Vade-mecum pour monter une résidence d’artiste à l’école. Paris : DSDEN, Inspection de

circonscription de la Goutte d’Or, octobre 2012, 4 pages.

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Développer une résidence d’artistes. In La Scène. N° 49. Nantes : Millénaires, été 2008, 20 pages.

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La résidence d’artistes plasticiens en milieu scolaire. Compte-rendu des rencontres des 15 et 16

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Auxerre : Centre d’art de l’Yonne, 2008, 49 pages.

www.mediationculturelle.net/wp-content/uploads/résidence-artiste-à-lécole.pdf

Textes officiels

France

Circulaire N°2013-073 du 3 mai 2013 « Le parcours d’éducation artistique et culturelle ». Paris :

ministère de la Culture et de la Communication, 4 pages, 2013.

www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=71673

Éducation artistique et culturelle. Charte nationale : la dimension éducative et pédagogique des

résidences d'artistes. Circulaire n° 2010-032 du 5-3-2010. Bulletin officiel n°10 du 11 mars 2010.

Paris : ministère de l’Education nationale, 2010.

www.education.gouv.fr/cid50781/mene1003709c.html

Circulaire N° 2006/001 du 13 janvier 2006 relative au soutien à des artistes et à des équipes

artistiques dans le cadre de résidences. Paris : ministère de la Culture et de la Communication, 7

pages, 2006.

mediatheque.cite-musique.fr/mediacomposite/cim/_Pdf/70_Institutions_Circresidences.pdf

Belgique – Wal lonie

Le Décret du 24 mars 2006 relatif à la mise en œuvre, la promotion et le renforcement des

Collaborations entre la Culture et l'Enseignement. 12 pages.

www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/30655_001.pdf

La circulaire 2200 du 20/02/2008 concernant le décret du 24 mars 2006 relatif à la mise en

œuvre, la promotion et le renforcement des collaborations entre la Culture et l’Enseignement. 8

pages.

www.enseignement.be/hosting/circulaires/upload/docs/2394_20080220104436.pdf

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Données d’observation et de recherche par expériences

ENFANCE, ART ET LANGAGES - LYON

FILIOD, Jean Paul ; NECKER, Sophie.

Evaluer l’éducation artistique : l’expérience au croisement des points de vue. cARTable

d’Europe, approche du concept d’évaluation en éducation artistique à partir de résidences

d’artistes à l’école. Belgique et France : CDWEJ et EAL, 2013, pp. 45-49.

FILIOD, Jean Paul, BOUKACEM, Dalila ; COSNIER, Brigitte ; PINOT, Françoise ; SEGUI,

Fernando.

Trois études sur le dispositif Enfance, Art et Langages, Lyon : Université de Lyon : université

Lyon 1-IUFM, 2011, 153 pages. www.eal.lyon.fr

Présentation : « Rapport de recherche développant les 3 thématiques suivantes : Trace

d'enfance, d'arts et de langages : paroles d'élèves ; Entre-tenir sa place : les Atsem au travail ;

Arts dans l'école, arts hors-l'école : les motifs d'une rencontre. »

Filiod, Jean Paul ; avec COSNIER, Brigitte ; DUVILLARD, Jacques ; LADRET,

Geneviève ; PINOT, Françoise et VIDON, Michel.

Quand l’éducation artistique ne va pas de soi. Enfance art et langages, programme lyonnais

d'éducation artistique et culturelle en école pré-élémentaire, 2e phase. Lyon : Université Lyon

1 - IUFM, INRP, Caisse des Ecoles de Lyon EAL, 2007, 100 p.

FILIOD, Jean Paul (sous la dir.)

Recherche-développement sur le programme Enfance Art et Langages. Bilan de trois ans de

recherche (2005-2008). Lyon : 2008, 46 pages. www.eal.lyon.fr

- Rapport de 2007 : Quand l’éducation artistique ne va pas de soi.

- Rapport de 2006 : La place, le statut et les usages des arts à l’école maternelle.

KERLAN, Alain (sous la dir.)

Des artistes à l’école maternelle. Lyon : SCEREN-CNDP, Enfance, Art et Langages, 2005, 190 pages.

CENTRE DRAMATIQUE DE LA WALLONIE POUR L ’ENFANCE ET LA JEUNESSE – LOUVAIN-

LA-NEUVE (BELGIQUE)

NECKER, Sophie ; Filiod, Jean Paul

Evaluer l’éducation artistique : l’expérience au croisement des points de vue.

cARTable d’Europe. Approche du concept d’évaluation en éducation artistique à partir de

résidences d’artistes à l’école. Belgique : CDWEJ et EAL, mai 2013, pages 45-49.

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L’Instant Marionnette, un projet du CDWEJ, film réalisé par J-B. Gabriel, 2006.

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IN SITU ET CULTURE ET ART AU COLLEGE – CONSEIL GENERAL SEINE-SAINT-DENIS

BARRERE, Anne ; MONTOYA, Nathalie ; PEQUIGNOT, Bruno (ss la coordination et

responsabilité scientifique).

Les parcours « La culture et l’art a collège » : enquête sur un dispositif d’éducation artistique

et culturelle. Paris : Université Paris-Descartes, Laboratoire CERLIS, février 2013, 14 pages.

fr.calameo.com/read/00063492458629ea01db7

LES ESCHOLIERS DE LA MOSSON - MONTPELLIER

CARRAUD, Françoise.

Expérimentation dans un collège ECLAIR. Le travail enseignant entre logique scolaire et

logique artistique. In Sociologies pratiques 2012/2 n°25.

KERLAN Alain (sous la dir.)

Les moissons de la Mosson. La scène et l’écriture. Rapport établi à l’intention d’Hérault Musique

Danse. Lyon : Lyon : Université Lyon 2, Equipe d’Accueil Education Culture et Politique, octobre

2012, 48 pages.

KERLAN, Alain (sous la dir.)

Les moissons de la Mosson. Que la danse commence ! Rapport établi à l’intention d’Hérault

Musique Danse. Lyon : Université Lyon 2, Equipe d’Accueil Education Culture et Politique,

septembre 2011, 37 pages.

recherche.univ-lyon2.fr/ecp/ressources/axe-3/LES%20MOISSONS%20DE%20LA%20MOSSON.pdf/view

LANGAR Samia (sous la direction d’Alain KERLAN)

Les relations Parents-Collège : Quelles médiations pour la classe artistique ? Rapport établi à

l’intention d’Hérault Musique Danse. Lyon : Université Lyon2, Septembre 2011, 55 pages.

recherche.univ-lyon2.fr/ecp/ressources/axe-3/RAPPORT%20MEDIATION%20LANGAR%20DEF..pdf/view

L’OPERA A L ’ECOLE - LYON

MAIRE SANDROZ, Marie-Odile ; STEFANI, Patrick.

L’Opéra aux Minguettes. Ce que l’art fait à l’école, ce que l’école fait à l’art… Premier rapport

intermédiaire de l’étude compréhensive. Lyon : Contribution du Centre Alain Savary, Agence

qualité éducation, IFÉ/ENS Lyon, septembre 2012, 86 pages.

ARTISTES INTERVENANT EN MILIEU SCOLAIRE , ENSBA – PARIS

LEMAIRE, Vincent ; DEAM, Nina.

L’effet chenille. Pais : Beaux arts de Paris les éditions, 2012, 64 pages. Projet conduit dans les

écoles de Saint-Ouen avec L’ENSBA de Paris et les Fondations Rothschild en 2011-2012.

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Sites internet : expériences de résidences d’artistes

FRANCE

Seine-Saint-Denis

Conseil Général de la Seine-Saint-Denis, In Situ, 31 pages.

fr.calameo.com/read/00063492480be20e94fc7

In Situ et CAC - www.seine-saint-denis.fr/-Education-artistique-et-culturelle-.html

Montpellier

Classe artistique expérimentale Les Escholiers de la Mosson. Hérault Musique Danse.

www.heraultmusiquedanse.fr/classe-artistique.html

Petites Galeries - www.ac-montpellier.fr/sections/ia34/actualites-ia34/mini-residence-artiste

Rennes

Les résidences d’artistes de Rennes.

rennes.iconito.fr/index.php/blog?blog=les_r_sidences_d_artiste

Les résidences d'artiste à l'école : dispositif Ville de Rennes/DRAC. Métropole Rennes, 1page.

metropole.rennes.fr/politiques-publiques/culture-education-vie-sociale/la-culture/mise-en-partage-de-la-

culture/?no_c

Rhône-Alpes

La Caravane des dix mots - fr-rhonealpes.caravanedesdixmots.com

Lyon

Les Résidences d’artistes en maternelle – Enfance, Art et Langages - www.eal.lyon.fr

L’Opéra à l’école - Opéra de Lyon

www.opera-lyon.com/opera-citoyen/developpement-culturel/lopera-a-lecole/

Nord

Contrat Local d’Education Artistique (CLEA) - www.clea-intercommunal.fr

Côte d’Or

Résidences longues - www.cotedor.fr/cms/lang/fr/pid/4884

Créteil

UNE ARTISTE en RESIDENCE au Lycée Saint-Exupéry de Créteil

acl.ac-creteil.fr/domaines/residence/residence-st-exupery.doc

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INTERNATIONAL

Belgique - La Louvière

Centre Dramatique de Wallonie pour l’Enfance et la Jeunesse (CDWEJ)

www.cdwej.be/index.php?pid=1&mid=1000

Canada - Montréal

C2S Arts et Evénements - www.c2sarts.org

Suisse - Genève

Academia d’Archi : Orchestre en classe.

www.accademia-archi.ch/index.php?option=com_content&view=article&id=50&Itemid=137

Sites internet : artistes intervenants au cours du colloque

Yves Henri - www.yveshenri.com

Julie Lefebvre - lafabriquefastidieuse.com/index.php?/project/julie/

Milton Paulo Nascimento de Oliveira - www.dancersproject.com/browse/DancersBio.php?ID=4546

Arnaud Theval - www.arnaudtheval.com/2-50-autofiction.php

Camille Llobet -

www.eal.lyon.fr/enfance/sections/fr/residences/les_artistes/artistes_en_residenc/?aIndex=1

Bérengère Valour -

www.eal.lyon.fr/enfance/sections/fr/residences/les_artistes/artistes_des_ancienn/?aIndex=2

Marc Mercier - www.instantsvideo.com/blog/fr/archives/category/accueil ou instantsvideo.over-blog.com

Page 133: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif

L’art à l’école

Dispositif porté par le Centre dramatique de Wallonie pour l’Enfance et la

Jeunesse (CDWEJ) à la Louvière (Belgique). Les résidences d’artistes prennent

place dans des établissements scolaires de tous niveaux, des crèches aux

établissements d’études supérieures pour une durée d’une année scolaire.

www.cdwej.be

Centre dramatique de Wallonie

pour l’Enfance et la Jeunesse

Rue des Canadiens 83

7110 Strépy-Bracquegnies

Belgique

Tél. : +32 64 66 57 07

Courriel : [email protected] Directrice du CDWEJ

Sarah Colasse

© A. Valentin © CDWEJ

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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience CDWEJ

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Présentation du projet

Le CDWEJ (Centre dramatique de Wallonie pour l’Enfance et la Jeunesse) existe depuis

1982. Lié au secteur du théâtre jeune public, il travaille au rapprochement entre

monde artistique et monde éducatif en proposant des spectacles pour le jeune public

ainsi qu’un vaste projet sur l’ensemble de la Wallonie : l’opération « Art à l’Ecole ».

Ce dispositif permet la mise sur pied d’une soixantaine de résidences d’artistes

par saison. Ces résidences se déroulent dans des crèches, des écoles

du fondamental (maternelles et primaires), des écoles du secondaire et des Hautes

Ecoles pédagogiques. Nous les appelons davantage « ateliers » que « résidences ». Un

atelier équivaut à une dizaine de demi-journées de prestation pour l’artiste en classe.

LA RECHERCHE

L’opération « Art à l’Ecole », dans ses contours actuels, existe depuis 2004.

Le CDWEJ a pris un tournant en 2000 avec la mise sur pied d’un projet ministériel :

d’un travail avec des animateurs, il est passé à un travail avec des artistes en

création exclusivement. Dans l’idée d’emmener les élèves dans un véritable

processus artistique, les plonger dans un bain de recherche, un chemin, loin de

toute certitude, de toute recette… Dans l’idée également de valoriser la singularité

de chacun, de l’affirmer en tant que ferment de création au sein du collectif.

Par ailleurs depuis 2011, dans le cadre du projet européen cARTable d’Europe

conduit avec Enfance, Art et Langages (cf. fiche expérience EAL), le CDWEJ

s’est assuré la collaboration de la sociologue Sophie Necker pour une recherche-

développement sur la question du sensible.

Plus d’informations sur : cartabledeurope.over-blog.com

Page 135: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience CDWEJ

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Partis pris des ateliers

Art pour tous. L’enjeu principal du dispositif consiste à mettre les jeunes en contact

avec les arts dès le plus jeune âge, de revendiquer une place importante pour

les arts dans la société, de défendre la politique de l’art pour tous.

Partenariat. L’atelier se déroule presqu’exclusivement en temps scolaire, avec

la classe dans son entièreté. Il repose sur la complémentarité des compétences

artistiques/pédagogiques de l’artiste et l’enseignant partenaires. La mise en œuvre

de cette philosophie du partenariat trouve ses influences… en France, précisément

via la parole de Jean-Claude Lallias, responsable à l’époque de l’Anrat, que le CDWEJ

avait invité en conférence lors des prémisses de l’opération. Pour articuler ce

partenariat artistes/enseignants, des formations réunissent artistes, enseignants et

médiateurs culturels à l’entame du travail avec les jeunes. Ici, autre source

d’influence française, c’est Marcelle Bonjour et le dispositif Danse au Cœur qui nous

ont inspirés pour la mise sur pied de ces modules de formation.

Triangulation. Il est un autre partenariat d’importance chez nous : celui qui nous lie à

nos Partenaires culturels - Points de chute. Ils sont une vingtaine de centres culturels

locaux et régionaux à avoir rejoint le CDWEJ. Ce travail avec les médiateurs culturels

est capital. Pour rapprocher ces deux mondes que sont l’art et l’école, il s’avère

toujours juste et sain d’avoir une structure qui offre un cadre (en l’occurrence, ici,

le CDWEJ) et qui accompagne sans faire ingérence dans les projets (CDWEJ et le centre

culturel en lien avec l’école). La collaboration avec nos Partenaires culturels - Points

de chute nous permet d’opérer un véritable travail de proximité, de mise en lien avec

les œuvres, les propositions culturelles… Elle nous permet également de rester

attentifs aux spécificités, aux besoins, aux attentes de chaque région.

Co-construction. Artistes, enseignants, médiateurs culturels… tous contribuent

à construire et voir grandir cette opération.

Eclectisme. Les ateliers se déroulent dans des régions parfois très différentes et dans

des écoles très diverses elles aussi. Âges, milieux sociaux, types d’enseignement,

types de publics… Cette diversité est une revendication et un atout. Elle permet

d’œuvrer au décloisonnement, à la rencontre et dévoile chaque année ses richesses

tant en formations que lors des réunions et des Rencontres « Art à l’Ecole ».

Page 136: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience CDWEJ

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Balisage. Une saison « Art à l’Ecole » est très structurée, balisée et demande un

véritable engagement pour tout qui y participe : réunions, formations, Rencontres

« Art à l’Ecole » où se retrouvent les élèves qui présentent et découvrent les

différents chemins artistiques parcourus…

MARGE DE PROGRESSION

Chaque médaille a son revers, chaque situation, son paradoxe.

Concernant le stricto sensu : CDWEJ

Sur sa faim ? La Belgique est petite mais in fine, le territoire d’action

du CDWEJ, lui, est plutôt grand. Pour pouvoir compter sur la diversité

préconisée, il est important de maintenir un certain nombre d’ateliers.

Cependant, pour donner l’accès à ce type de projets à un maximum

d’enseignants, d’écoles, de jeunes… nous veillons à ce que les ateliers

tournent et que ce ne soit pas chaque fois les mêmes établissements qui en

bénéficient. Mais quid de ces écoles qui souhaitent tant poursuivre et

approfondir une démarche artistique ? Quid des brasiers qu’on allume et

qu’on ne laisse pas « prendre » sur le long terme ? Il peut être très frustrant

pour tous de ne pas pouvoir développer plus en avant un partenariat qui

mériterait de l’être, une exploration artistique avec de nouveaux élèves…

Cadre >< souffle ? Une des grandes forces de l’opération est sa structure et

son balisage (cf. plus haut). Il est cependant important de rester vigilant à y

préserver du souffle, de la liberté, de nouveaux possibles, du temps pour se

poser et évaluer ce qui s’y passe, pour évaluer la structure en elle-même. Le

danger serait de nous voir nous retrouver à « fonctionner ». L’art à l’école ne

peut simplement « fonctionner », l’art à l’école doit « vibrer ».

Nos pistes pour tenter d’éviter les écueils énoncés :

Artistique. Un travail accru avec des artistes associés invités à repenser

le projet avec nous. Nous venons par exemple de mettre sur pied

« L’Assemblée des Rêveurs », espace de réunions avec la direction (trois

rencontres sur l’année) où, avec six artistes, l’opération est remise en

perspectives.

Page 137: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience CDWEJ

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Gestion. Octroyer davantage d’autonomie aux binômes artiste/enseignant,

aux Partenaires culturels - Points de chute… Favoriser encore davantage

les prises d’initiatives…

Collaborations. Les projets internationaux tels que celui qui nous lie

présentement à Enfance, Art et Langages sont des espaces de confrontation,

de rencontre et de construction qui peuvent permettre de prendre

de nouveaux souffles, d’entrevoir la chose quotidienne sous un autre angle et

de creuser des thématiques d’importance.

Concernant le contexte institutionnel belge francophone :

La culture : une possibilité ou un droit ? Un décret a vu le jour en 2006,

cosigné par la Ministre de l’Enseignement et la Ministre de la Culture. Ce

décret encourage les ponts entre arts et écoles en finançant des projets

sélectionnés par une commission. Il reconnait d’ailleurs le CDWEJ comme

Partenaire privilégié. Ce système a le mérite d’exister mais pose la question

suivante : veut-on proposer l’art à l’école sur base du bon-vouloir des

personnes en présence (enseignants, directions, inspection…) ou bien

adopte-t-on une politique claire et cohérente pour rendre accessible la

pratique artistique à TOUS les élèves ? Cette question en entraîne aussitôt

une autre : qu’entend-t-on par art à l’école ? Pour notre part, nous

défendons bien entendu le principe de travailler AVEC des artistes. Or, cela

engendre des coûts. Or, cela bouscule les pratiques. Ce qui n’est certes pas

toujours évident à gérer mais ô combien essentiel pour proposer de

véritables démarches artistiques et pour garder une société en mouvement…

Page 138: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience CDWEJ

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Pilotage

Le CDWEJ est subsidié principalement par la culture. Un contrat-programme le lie au

– ou à la – Ministre en charge des arts de la scène. Ce contrat est renouvelable tous

les quatre ans.

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Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif

Ecole maternelle les Tables Claudiennes (Lyon 1er

),

résidence de Camille Llobet, plasticienne, 2012-13

Ecole maternelle Combe Blanche (Lyon 9ème

), résidence

de Myriam Soltani Azad, plasticienne musicienne, 2012-2013

Enfance, Art et Langages

Programme de résidences d’artiste en école maternelle à Lyon. La résidence se

prolonge trois années au sein d’une même école, située prioritairement en

territoire fragilisé. Ce dispositif soumis au regard de chercheurs et accolé à un

centre ressources.

www.eal.lyon.fr

ENFANCEARTETLANGAGES

Les Subsistances

8 bis quai Saint Vincent

69001 Lyon

Tél. : +04 78 38 62 10

Courriel : [email protected] Directrice

Christine Bolze

Assistante projet

Anaïs Lavot

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Ecole maternelle Gilbert Dru (Lyon 7ème

),

résidence de François Cini, plasticien, 2008-2009

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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience EAL

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Présentation du programme de résidence

ENFANCEARTETLANGAGES coordonne un programme de résidences d’artiste en école

maternelle pariant sur l’intérêt de l’art et de la création comme langage sensible et

fondateur pour le petit enfant. Ce projet original est né à Lyon en 2002 d’un

partenariat entre la Ville et des ministères de l’Education Nationale et de la Culture.

Le principe est simple : un artiste, quelle que soit sa discipline, s’installe au cœur

de l’école maternelle, pour une implantation délibérément longue durant trois

années. S’engage alors dans cette durée, un travail d'équipe entre les enseignants,

le personnel de l'école, les parents, les équipements culturels de la ville.

Enfance, Art et Langages a initié en douze ans, une quarantaine de résidences

d’artiste. Chaque année environ 1.200 enfants sont concernés, principalement dans

les quartiers priorisés de la ville.

Au-delà de la démocratisation scolaire et culturelle, la démarche de l’artiste

observée puis partagée régénère des pratiques scolaires dans de nouveaux modèles

éducatifs. Ce processus est soumis au regard de chercheurs en sciences-humaines

depuis dix ans. Chaque année, ils produisent des analyses et un propos sur

l’expérience artistique à l’école (disponible sur le site internet : www.eal.lyon.fr).

Basé aux Subsistances, un centre de ressources en parallèle des résidences, propose

documentation, éditions, DVD, colloques, formations sur l’art et l’enfance.

Résidence d’artiste, de l’usage du terme par Enfance, Art et Langages

La dénomination Résidence d’artiste a été choisie dès 2002 à Lyon pour

caractériser l’installation d’un artiste dans une école maternelle de la ville. Les

Italiens d’Emilie Romagne, dont l’expérience lyonnaise s’est inspirée avaient retenu

le mot atelieriste pour nommer l’artiste à l’école. Pourquoi Résidence d’artiste ?

Parce que ce terme emprunte plus au monde de l’art qu’à celui de l’enseignement.

Le dispositif lyonnais prétend bouleverser l’organisation ordinaire de l’école. Il

faut des mots forts, voire étrangers pour bousculer l’ordinaire et s’autoriser

une expérience autre. Le dispositif Enfance, Art et Langages entend offrir aux hôtes

de l’école les espaces temps et lieu de la résidence. De ceux qui résident,

qui habitent l’école.

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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience EAL

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LA RECHERCHE

Les résidences en maternelle au sein d'Enfance, Art et Langages (ou EAL), font l'objet

depuis 2004, d'études, d'observations et d'analyses par des chercheurs-universitaires,

enseignants du premier degré et formateurs en ESPE. Les recherches nourrissent

les acteurs des résidences (enseignants, ATSEM1 et artistes) et vice-versa.

Les résultats sont communiqués par la publication de rapports, par ailleurs partagés

lors de séminaires. L’ensemble des documents produits est accessible sur le site

internet d’EAL.

Des outils vidéo en ligne, Propositions ouvertes pour l’action professionnelle,

décryptent des situations spécifiques.

Les questionnements sur l'art et l'enfance sont au cœur de la démarche d'Enfance,

Art et Langages.

Le pôle recherche est régi par des conventions triennales avec l'Université Lyon1-

ESPE, l’EA Education, culture et politique – Lyon2 et l’IFE.

1 Agent Territorial Spécialisé en Ecole Maternelle

Page 142: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

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Partis pris du programme

Rencontrer la démarche d’un artiste

Plasticien, danseur, ou musicien, l’artiste en résidence partage son univers avec les

enfants, les enseignants, les ATSEM, les parents d’une école. Cet artiste n’est pas

un pédagogue, pas un éducateur, pas un animateur. Il n’est pas chargé d’enseigner.

N’enseigne pas de techniques artistiques, il ne réalise pas d’œuvre non plus dans

l’école. Il n’a pas de classe, il a un atelier et occupe aussi les couloirs et les recoins.

Il intervient dans l’école avec de petits groupes d’élèves provenant d’une seule

classe ou de plusieurs. C’est à la fois très simple et assez inhabituel. Il doit trouver

ses marques. L’équipe de l’école aussi. Cela peut prendre un peu de temps et

beaucoup de tâtonnements…

Que fait-il ? Il introduit dans l’école sa démarche artistique : sa manière

de travailler, de voir et d’interroger le monde. Ce qu’il cherche, comment il cherche,

la palette de ses matériaux, ses référents théoriques, artistiques, son imaginaire,

ses langages et ses propres réalisations qu’il donne à voir. Les productions

expérimentées ou réalisées avec les enfants sont le résultat de ce processus.

Ce processus fonde la résidence d’artiste en maternelle.

Expérimenter

Un certain nombre d’artistes invitent les enfants à entrer dans leur univers

artistique, en expérimentant des dispositifs, en proposant des expériences à vivre :

expérience d’élaboration d’une intention et d’un projet, expérience de perception en

toute audace et en toute sécurité, expérience de soi, expérience esthétique,

expérience de l’usage d’outils ou de matériaux peu habituels à l’école, expérience à

partir de petits dispositifs inventés et propices à mobiliser les imaginaires. Par

exemple : un gant rétroviseur, il s’agit d’un gant d’enfant en laine sur lequel l’artiste

greffe un petit miroir, le gant devient un outil d’exploration. Ou encore des courbes

de niveau tracées à la craie tout un après-midi, sur le goudron de la cour autour

d’une flaque d’eau qui s’évapore sous le soleil, cartographie éphémère. L’enfant est

au cœur de la résidence en étant au cœur de l’expérience: il réfléchit, projette,

propose, explore, tente, observe, perçoit. Il est présent, concentré, « il va jusqu’au

bout » disent les enseignants.

Page 143: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

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Interroger les pratiques professionnelles

On dit fréquemment que la résidence d’artiste provoque dans l’école un choc des

mondes. Une directrice évoquait « un bouleversement joyeux ! ». L’artiste bouscule

et détourne les usages de l’école, les hiérarchies, les flux, les circulations,

les espaces, les temps, les matériaux, les mots… Ce bouleversement ne va pas sans

heurts que le dialogue cependant, résout. Le dialogue pour mieux se connaître et se

comprendre mais aussi pour renouveler les pratiques professionnelles, développer

le sens de l’observation et de l’analyse. Intégrer les contextes sans leur être soumis,

mettre à distance, interroger les routines, chercher le sens de l’action, aller plus loin

et finalement non seulement, comprendre les détournements propres à l’artiste ou

à la résidence, mais les souhaiter et les provoquer.

QUESTIONNEMENT EN COURS…

1) Un projet d’équipe

L’artiste réside non pas dans une classe, mais dans l’école. Il travaille avec

les enfants mais aussi les adultes : les enseignants et les ATSEM, les parents aussi.

Faire équipe malgré les nominations tardives et les mouvements de personnels

fréquents, malgré les différences de métiers, de cultures professionnelles, malgré

les hiérarchies autoritaires… Les temps de concertation sont indispensables.

Si des problèmes traversent les équipes, la résidence les révèle, ne les résout pas

toujours…

2) Trois ans de résidence et après ?

Les premières résidences d’artiste d’Enfance, Art et Langages datent de 2003, 12

ans d’expérience... Une capitalisation, une certaine expertise, des savoir-faire sont

là, indéniablement acquis par les acteurs artistes-enseignants-ATSEM. Mais

essentiellement acquis individuellement. Transforme la pratique au sein de la classe

mais la dynamique au sein de l’école s’émousse assez vite…

On peut s’interroger plus globalement sur le partage de ces bénéfices dans chacun

des métiers. Le parcours culturel (artistique ?) de l’enfant développé par la circulaire

de mai 2013 pourrait apporter des réponses et permettre des aboutissements avec

Page 144: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

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la réforme des rythmes éducatifs. Rendre les métiers plus réflexifs est possible à

condition d’avoir ou de prendre le temps de la réflexion.

3) Résidences d’artiste : une méthodologie de l’action culturelle de territoire ?

Les résidences décryptées au filtre des recherches livrent une foule de bénéfices

pour ceux qui en font l’expérience. Mais qu’en font les commanditaires ? qu’en

disent ceux qui les financent ? Comment passer de l’expérimentation, non pas à la

généralisation mais à l’essaimage des principes positifs découverts là ? Construire

d’autres projets, d’autres formes en conservant la substantifique moelle des

résidences ? Alain Kerlan nous dit qu’il manque encore à l’éducation artistique et

culturelle un modèle théorique pour en permettre la diffusion cohérente…

Nous comptons sur les chercheurs pour avancer en ce sens. Et nous essayons de

convaincre par l’énumération d’arguments, afin de dépasser la mise en place

d’actions artistiques pour affirmer des politiques d’éducation artistique et culturelle.

Page 145: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience EAL

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Pilotage

Enfance, Art et Langages a été créé à Lyon en 2002 à l’initiative de la Ville de Lyon

et des ministères de la Culture et de l’Education Nationale. Le dispositif bénéficie

aujourd’hui d’un financement majoritaire de la Ville de Lyon (directions de

l’Education et de la Culture), et d’un soutien de la DSDEN du Rhône, de la DRAC

Rhône-Alpes, et de l’ACSé.

EAL est intégré à l’établissement public Caisse des Ecoles de Lyon.

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Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif

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Enfance, Art et Langages

Bérengère Valour , artiste

chorégraphique livre le témoignage de son

expérience d’artiste immergée durant trois

ans au sein des maternelles Mermoz A et

Mermoz B (Lyon 8ème).

Propos d’artiste

Ma démarche d’artiste

« Tous les hommes sont libres et égaux dans le déploiement de leur sensibilité », Jacques Rancière.

Cette phrase symbolise pour moi l’enjeu majeur de mon travail.

C’est dans « tout ce qui met en lien », que je me nourris et m’inspire pour proposer

une approche du quotidien par un corps conscient. Le principe des créations in situ,

de l’improvisation ou de la composition instantanée, sont les bases du mouvement

que je crée.

Vivre la résidence

Pour commencer, ce qui caractérise Enfance, Art et Langages et qui étaye l’emploi

du terme résidence à mon sens, c’est l’échelle du projet :

- échelle de temps : 3 parfois 4 ans ;

- échelle d’espace : toute l’école, toutes les classes sont concernées.

Puis il y a l’idée d’interprète et d’auteur qui diffère dans l’approche d’une résidence.

Pour moi, dans la résidence en milieu scolaire, l’artiste doit se positionner comme

auteur. La question des disciplines et surtout de la formation dans ces disciplines

est à prendre en compte dans le démarrage d’un projet de résidence. Par exemple,

la formation d’un danseur est avant tout une formation d’interprète alors que le

cursus de l’école des Beaux-arts est beaucoup plus basé sur la démarche

personnelle de chacun.

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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche témoignage Bérengère Valour

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En ce qui concerne ma résidence, le terme de résidence peut sembler plus ou moins

approprié si l’on prend en compte les besoins particuliers d’une recherche

chorégraphique (grand espace, sol adapté) ; mais pourtant, ce terme est nécessaire

et opportun car il symbolise une présence particulière, une présence dans tous

les temps et tous les espaces de l’école. Se faire une place dans l’école, c’est avant

tout comprendre comment l’équipe fonctionne, quels sont les moments forts,

les rituels presque « chorégraphiques » et, petit à petit, s’immiscer discrètement

dans ses moments (les petits-déjeuners partagés, les moments de repas, les temps

de récréation dans la cour) pour que la confiance s’installe. Il m’a semblé que nous

avons toujours beaucoup avancé dans ces temps informels, assises ensemble sur

des petites chaises face à la cour et aux enfants.

Et c’est une question de présence dans tous les sens du terme :

- La présence physique (enfants, artiste, enseignants, ATSEM) nous sommes

bien tous ensemble dans l’école.

- La présence à soi-même (enjeux pour les enfants dans la pratique artistique

mais aussi pour les adultes de l’école qui ne peuvent entrer dans le processus

que s’ils se distancient de la situation proposée et vécue au présent).

- La présence à l’instant, qui pour moi est l’étape suivante, celle qui demande

d’être à la fois physiquement là, présent à soi-même, et présent avec les

autres pour faire et vivre ensemble.

Et la résidence implique que la présence soit perçue malgré l’absence physique par

exemple.

Par plusieurs stratagèmes, nous avons essayé de faire en sorte que ma présence à

l’école soit continue malgré mes périodes de travail à l’étranger. Pendant ces trois ans

de résidence j’avais envie de partager ce que je vivais en dehors de l’école avec les

enfants, les enseignants, les ATSEM. J’envoyais des mails, des cartes postales, des

flyers de spectacles, j’invitais d’autres artistes à venir proposer un extrait de

spectacle. Des musiciens à faire des moments de sortie des classes en musique, tous

les artistes invités étaient des personnes proches de mon univers et participaient de

fait à la compréhension plus globale de qui je suis et de ce que je fais.

Page 148: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche témoignage Bérengère Valour

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Il y a, je crois, le faire et aussi le laisser faire. Lancer des propositions, et voir ce qu’elles

produisent. C’est aussi comme ça que je travaille. On voit ce qui marche et ce qui ne

marche pas une fois qu’on a essayé. Et à partir de ça on peut discuter, préciser, affiner.

La question de la langue, des langues

Une fois la confiance établie, il faut encore parler la même langue ou plutôt trouver

un langage commun pour le projet. Et dans mon cas, c’est le langage du corps, le

langage sans mots que j’ai essayé de transmettre de trois façons différentes, trois

expériences communes et partagées sur trois plans :

- Une expérimentation par le corps lors des réunions – dansée (une heure de

danse /une heure de paroles).

- Invitation à une générale d’un spectacle à l’Opéra pour un spectacle dont je

faisais partie.

- Aller voir un spectacle ensemble, tous en tant que spectateurs, pour que

chacun exprime et assume ses impressions, sa sensibilité.

Offrir les conditions matérielles de la création

Il y a aussi le fait important que l’utilisation du mot résidence dans le milieu

artistique renvoie à une mise à disposition d’espace et de temps mais aussi

de moyens matériels qui offrent des conditions de travail pour inventer et créer.

Or, une résidence Enfance, Art et Langages donne également les moyens de créer,

et quand ce n’est pas en termes d’utilisation de l’école comme d’un lieu

de répétition, c’est, en tous cas, en permettant de co-produire financièrement

des projets de création.

La question de l’après –résidence

Trois points d’interrogation après deux années de recul :

Mon projet de départ consistait à lier deux écoles engagées ensemble dans la

résidence. J’avais pris le parti de faire les mêmes propositions dans les deux écoles,

mais je n’ai pas eu assez de recul sur leurs impacts différents surtout la première

année Je me suis rendu compte assez tard qu’en fait, j’avais fait deux résidences ! Et

je dirais que l’une a bien marché et l’autre moins bien.

Page 149: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche témoignage Bérengère Valour

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C’est un état de fait, mais si l’école a des problèmes ou des tensions internes, alors

la résidence, avec la venue d’une personne extérieure, dévoile ces difficultés. Parfois

pour les surmonter ; parfois pour les exacerber.

Dans les deux écoles, nous avons inventé deux formes différentes pour ne pas

passer de tout à rien après la troisième année passée ensemble : « projet

parachute », « semaine des arts »… Ces projets « atterrissage » m’ont permis de voir

que les apports, les changements dus à la résidence, sont plutôt visibles chez

les personnes individuellement et beaucoup moins dans le fonctionnement global

de l’école ou de l’équipe.

Pour conclure je dirai que si le terme « résidence » se définit par un lieu

de recherche dans lequel on vit un temps donné en cherchant des idées,

des réponses alors l’école pourrait être considéré comme une résidence longue

(…15 ans minimum !) où les équipes changent mais où la création individuelle et

collective est toujours singulière et n’est jamais achevée.

Complément vidéo

Cette vidéo est un extrait d’atelier conduit par des artistes dans le cadre d'un stage Enfance, Art et Langages - Inspection d'académie du Rhône en 2010. Les participants devaient composer un court solo à partir d'une écoute musicale puis

danser à plusieurs leur propre partition à l'écoute des autres. L'idée de cette

expérience conduit à vivre corporellement et personnellement une situation de

création artistique, tel qu'on la propose aux enfants dans le cadre des résidences.

Les participantes sont des ATSEM, des enseignantes et une artiste plasticienne de

différentes écoles EAL.

Extrait vidéo : 04min 26

Page 150: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif

IN SITU

Programme de résidences de création d’une année scolaire entière dans les

collèges publics de la Seine-Saint-Denis. En lien avec une structure culturelle,

tous les champs de la création artistique contemporaine. L’artiste est accueilli

pour mener un travail artistique personnel, poursuite d’un travail de création

en cours, ou mise en œuvre d’un travail spécifique pour la résidence.

www.seine-saint-denis.fr

Hôtel du Département

Direction de la Culture, du Patrimoine, des Sports et des Loisirs

Mission « La Culture et l’Art au Collège »

Esplanade Jean Moulin

93006 Bobigny

Responsable de la Mission

Dominique Bourzeix

Tél. : 01 43 93 85 45

Courriel : [email protected]

Chargée de Mission

Yasmine Di Noia

Tél. 01 43 93 76 77

Courriel : [email protected]

Chargée de Mission

Cathie Losson

Tél. : 01 43 93 85 45

Courriel : [email protected]

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© Eric Garault/Picture Tank 2011

© Eric Garault/Picture Tank 2011

Photographies réalisées durant l’année 2010/11

par Eric Garault dans le cadre de sa résidence IN

SITU itinérante.

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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience IN SITU

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Présentation des résidences d’artistes au collège

Le dispositif IN SITU a été créé en 2007. Il consiste à mettre en place, chaque année,

onze résidences de création dans les collèges publics de la Seine-Saint-Denis.

Concrètement, après un travail de repérage croisé, les artistes sollicités par

le Département sont invités en résidence dans un des collèges du département durant

une année, sur l’équivalent d’une journée par semaine d’activités scolaire. Tous

les champs de la création artistique contemporaine sont concernés. Les artistes sont

accueillis pour mener un travail artistique personnel. Il peut s’agir de la poursuite

d’un travail de création en cours ou la réalisation d’un projet spécifique, imaginé pour

l’occasion. Une structure culturelle est systématiquement associée à la résidence et a

la charge de concevoir, avec le résident, un parcours culturel et de le mettre en

œuvre. Un local est dévolu à l’artiste au sein du collège pour lui permettre de

travailler sur place et matérialiser sa présence dans les lieux.

A noter, sur l’ensemble des éditions, 72 artistes et collectifs y ont participé, 62

collèges en ont bénéficié sur 32 villes, et plus de 20 formes de création

contemporaine ont été proposées sachant que, chaque année, aussi bien les artistes

que les collèges sont nouveaux.

In Situ : le guide pratique / www.seine-saint-denis.fr/In-Situ-le-guide-pratique.html

Ce guide pratique, recense les passages obligés, les conseils, les rappels

méthodologiques pour faire des résidences la plus belle réussite possible.

LA RECHERCHE

Ce dispositif s’est inspiré d’un ensemble de préconisations formulées par

le laboratoire de sociologie ESCOL/ESSI (Paris 8) dans le cadre d’une recherche-action

menée en 2005/2006, dont l’objet était de mettre en évidence les conditions propres

à favoriser des processus d’acculturation scolaire.

Page 152: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience IN SITU

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En 2014, un rapport commandé par la Mission Culture et Art au Collège à Nathalie

Montaya sociologue, maître de conférences à l'Université Paris Diderot s’apprête à

paraitre.

En 2013, un rapport d’enquête a été produit par le laboratoire d’études du CERLIS

(Centre de recherche sur les liens sociaux, Université Paris-Descartes) présentant

les principaux résultats d’une recherche collective qui visait à évaluer le dispositif

« La Culture et l’Art au Collège » (CAC), financé et piloté par le Conseil général de la

Seine-Saint-Denis. Cette étude vise à nourrir la réflexion sur les enjeux

de l’éducation artistique et culturelle par une analyse proprement sociologique

des représentations et des expériences des acteurs qui y sont engagés sur le terrain.

Plus d’informations sur : www.seine-saint-denis.fr/La-Culture-et-l-Art-au-College.html

Page 153: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

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Partis pris du programme

Ces résidences de création ont pour but d’expérimenter une rencontre entre

des projets artistiques et éducatifs en milieu scolaire, dans une synthèse qui se veut

exemplaire. Artistiquement, il s’agit de développer le travail en direction du public

collégien en permettant le suivi, le contact et l’échange avec un artiste dans le cadre

d’une démarche spécifique. La résidence permet de disposer, tant pour l'artiste que

pour les collégiens, d'un temps d'exception vécu au quotidien, en et hors

temps/rythmes scolaires habituels, laissant une place possible aux relations directes

avec l'artiste dans le cadre de son travail. Elle vise à faciliter l'échange, l'interaction

et la rencontre entre la communauté scolaire et l'artiste. Si toute expérience de

résidence implique le développement d’une dimension d’accueil et la construction

réciproque d’un lien, cela doit se faire dans l’acceptation et le respect du risque

expérimental qui constitue l’enjeu de toute création artistique.

Il s’agit aussi de créer les conditions du réinvestissement pédagogique de la situation

au bénéfice des élèves, de leur développement et de leur apprentissage. La résidence,

qui est intégrée dans le volet culturel du projet d’établissement, doit être le point

d’appui d’un projet transdisciplinaire mené par une partie de l’équipe enseignante.

C’est néanmoins toute l’équipe qui doit être mobilisée sur les enjeux de la résidence :

si une ou deux classes seulement sont concernées par un travail plus approfondi en

lien avec l’artiste, pour autant la résidence doit induire des effets sur l’ensemble

de l’établissement. Et, au-delà du collège, sur le territoire de proximité.

ACQUIS ET MARGE DE PROGRESSION

Le défi permanent d’ est de faire la preuve qu’un projet de mise en partage IN SITU

d’une œuvre et de son processus de création peut s’envisager dans un lien étroit

avec les enseignements sans pour autant devenir un «super » support pédagogique.

On peut se réjouir que nombre de professeurs, encouragés par leurs chefs

d’établissements, arrivent à dépasser les logiques de programme et à construire

des séquences pédagogiques à la fois pertinentes et respectueuses du projet

artistique. Mais, malgré le recul de sept années et la preuve qu’une telle démarche

est possible, c’est toujours cet aspect qui inquiète les enseignants lorsqu’ils

abordent une résidence.

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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience IN SITU

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Une autre source de satisfaction est de n’avoir jamais dû céder sur la qualité

intrinsèque des projets artistiques, l’institution scolaire se révélant plus apte

qu’on ne l’imagine à accueillir des propositions originales voire radicales,

artistiquement parlant.

Enfin, il est satisfaisant de constater que d’année en année, nous avons pu conserver

au dispositif une souplesse dans son organisation et dans son contenu et que,

là encore, l’institution scolaire a plutôt « joué le jeu » et adapté son fonctionnement

pour faciliter les choses même si, çà et là, des rigidités peuvent subsister.

Sans oublier que tout cela a pu exister et se déployer grâce à un portage politique

déterminé et convaincu qui, aujourd’hui encore, place l’éducation artistique et

culturelle au nombre des priorités départementales.

Néanmoins, il s’agit, encore et toujours, d’œuvrer à la connaissance mutuelle de ce

que sont les enjeux et les contraintes de chaque acteur de ces résidences.

Les chartes, les vadémécums, les séances d’immersion dans les univers artistiques

sollicités ou les approches progressives de la vie de classe n’y suffisent pas et il faut

continuer à faire preuve d’imagination pour réduire les zones d’incompréhension

qui peuvent vite altérer les dynamiques à l’œuvre.

Autre aspect interrogé sans véritable réponse : la difficulté à positionner l’élève comme

un acteur à part entière de ces résidences, et non comme un simple bénéficiaire.

Et un (petit) regret: le constat que ces résidences, pour marquant qu’ait pu être leur

déroulement, tombent vite dans l’oubli et ne font pas trace dans les établissements

qui les ont accueillies (sauf exception à découvrir ici en zoomant en mode satellite

sur le collège Delaune de Bobigny).

Page 155: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience IN SITU

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Pilotage

Le Département est l’opérateur et l’unique financeur du dispositif (250.000 € par an

sous forme de bourse de création), en partenariat avec l’Education nationale (DSDEN

et Rectorat), la DRAC d’Ile de France et son réseau d’acteurs culturels.

Deux chargées de mission en assurent le suivi.

Page 156: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif

L’Opéra à l’école

Opéra de Lyon Résidences de sept artistes danseurs, comédiens, plasticiens, musiciens

durant trois années scolaires (2011-2014) au sein d’une école élémentaire et

d’un collège voisins à Vénissieux (69). Expérience soumise au regard de

chercheurs.

developpement-culturel.opera-lyon.com

Opéra de Lyon

Place de la comédie

69203 Lyon cedex01

Tél : 04 69 85 54 54

Courriel : [email protected]

Pôle de développement culturel de l’Opéra

Responsable

Stéphanie Petiteau Chargée de médiation culturelle

Marie Evreux

Chargé de production

Ghislain Lenoble

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© B. Stofleth - Répétition au Studio du Ballet, juin 2013

© B. Stofleth – Représentation à l’Amphi de l’Opéra, juin

2013

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Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience Opéra à l’école

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Présentation des résidences d’artistes au collège

L’Opéra national de Lyon a implanté un projet artistique de trois ans dans le quartier

des Minguettes à Vénissieux. Les enfants scolarisés à l’école Anatole France puis

au collège Elsa Triolet bénéficient d’une expérience artistique de longue durée

qui devrait les accompagner et les soutenir dans leur passage, parfois difficile pour

certains, de l’école primaire au collège. La durée devrait aussi permettre de mesurer

les impacts réels d’un tel projet sur l’ensemble de la communauté scolaire. L’Opéra

à l’école est un projet artistique et culturel initié à la rentrée 2011 par l’Opéra de

Lyon pour une durée de trois ans dans une école élémentaire et un collège

de Vénissieux.

Cet investissement culturel se concrétise, tout d’abord, par la présence de trois puis

jusqu’à sept artistes en résidence. Ensuite, d’autres artistes, permanents de l’Opéra,

interviennent ponctuellement. Les enfants et les jeunes inscrits dans ce projet

suivent un parcours de découverte de l’Opéra de Lyon et de ses métiers.

Ils participent aussi, en 2014, à la création d’un spectacle qui se produit à l’Opéra

de Lyon et lors d’événements organisés à Vénissieux même.

LA RECHERCHE

Une recherche « l’Opéra aux Minguettes » a été commanditée dès l’origine du projet

par l’Opéra de Lyon à l’Institut Français de l’Education (IFÉ). Elle comporte deux

volets :

- une approche par l’anthropologie filmée confiée à Christian Lallier.

- une enquête « compréhensive » menée par le Centre Alain-Savary. Le Centre

Alain-Savary est une composante de l’Agence Qualité Education (AQÉ) de l’IFÉ

- ENS de Lyon, en tant que centre national de ressources sur les pratiques

éducatives dans les établissements et territoires confrontés à d'importantes

difficultés sociales et scolaires. Le Centre conduit des études dans le but

d’apporter un appui aux acteurs de l'éducation visant ainsi à développer

la réussite scolaire et à réduire les inégalités.

Page 158: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience Opéra à l’école

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L’étude porte sur les points suivants :

- La connaissance des publics d’action et bénéficiaires du projet en identifiant

les profils sociologiques, les habitudes et pratiques culturelles.

- L’impact de l’action sur les participants (élèves et leurs familles, enseignants,

artistes) et les cadres d’actions (projets d’écoles, réseau ECLAIR).

- L’analyse des dynamiques de partenariats.

La parution de ses résultats de recherches est attendue pour la fin novembre 2014

avec une synthèse numérique librement accessible en ligne. Concernant le rapport

complet, il pourra être consulté sur demande via le Pôle Développement Culturel de

l’Opéra.

L’équipe de recherche rend des rapports intermédiaires. La première année

d’observation (2011-2012) a fait l’objet d’un premier rapport intermédiaire.

Un deuxième rapport intermédiaire mené par le centre d’études Alain Savary est paru

en 2013. Ces documents sont accessibles à la demande auprès du Pôle

Développement Culturel de l’Opéra.

Page 159: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience Opéra à l’école

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Partis pris

Le projet l’Opéra à l’école s’inscrit dans la lignée d’une action territoriale concertée

de long terme. Les différents partenaires approuvent les objectifs et participent à

la définition des contenus en amont du projet. Ils sont consultés régulièrement,

notamment via la réunion du comité de pilotage du projet. Le projet fait l’objet

d’une convention entre l’Opéra de Lyon et les Services départementaux

de l’Education Nationale du Rhône. Elle se décline dans les établissements scolaires

comme suit :

- À l’école par un avenant à l’axe culturel du projet d’école.

- Au collège par le contrat d’objectifs et un cahier des charges annuel.

Les actions de l’Opéra de Lyon de développement culturel font également

l’objet d’un suivi au sein du comité de pilotage institutionnel qui réunit tous

les financeurs publics de l’établissement (Ville, Etat, Région, Département)

ainsi que l’Education Nationale.

- Enfin, les actions de l’Opéra de Lyon sur la ville de Vénissieux font l’objet

d’une convention entre la Ville et l’Opéra, signée pour trois ans et assortie

d’un plan d’actions annuelles.

Au-delà du contenu institutionnel du partenariat, le projet fait l’objet

d’une communication régulière entre le pôle de développement culturel,

les établissements scolaires, la circonscription de Vénissieux Sud, et les autres

partenaires (école de musique, services de la Ville de Vénissieux, etc).

SATISFACTIONS…

Au terme de deux années de projet (septembre 2013), des points de satisfaction se

dégagent :

- Les élèves acquièrent des compétences fondamentales pour apprendre

(expression orale, mémoire, concentration, confiance et estime de soi,

posture réflexive…) et grandir (maîtrise des émotions, engagement individuel

pour un objectif commun…). Ils manifestent également leur plaisir

de partager des moments conviviaux et de se sentir devenir « experts » dans

les disciplines artistiques.

Page 160: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience Opéra à l’école

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- Le projet permet aux adultes-intervenants (enseignants, artistes, opérateurs

culturels) de développer de nouvelles compétences professionnelles (co-

intervention) et de réinterroger certaines pratiques (évaluation).

- La relation partenariale construite entre l’équipe de recherche, l’Opéra et

les enseignants, soutenue par un retour régulier sur l’avancée de l’étude,

contribue à instaurer la confiance et le dialogue entre tous les acteurs.

… ET MARGE DE PROGRESSION

Les questionnements actuels :

- La relation aux familles, envisagée initialement comme un axe majeur par

l’équipe de l’Opéra, reste ponctuelle et parcellaire. Les informations -orales

et écrites- et les invitations régulières à découvrir différentes étapes

du projet (dans les établissements scolaires et à l’Opéra) n’ont pas suffi.

De nouvelles modalités d’action avec les familles sont envisagées pour

la suite (participation à des ateliers de pratique artistique qui leur soient

dédiés en dehors de l’univers scolaire notamment).

- La présence de chercheurs contribue à nourrir des attentes qui ne sont pas

réalistes (justification « scientifique » d’une plus-value d’une action artistique

à l’école par exemple), dans un contexte où l’on encourage une vision

utilitaire des pratiques culturelles.

Page 161: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience Opéra à l’école

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Pilotage

Le projet est piloté par le Pôle de développement culturel de l’Opéra de Lyon, en

partenariat avec l’Education nationale et la Ville de Vénissieux. Il reçoit le soutien

de l’ACSé, Clairefontaine et les Fondations Total et France Télévisions.

Page 162: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif

Libres comme l’art

Programme de résidences de création avec le milieu scolaire pour les artistes

professionnels avec l’appui d’un lieu de diffusion professionnel. La résidence

se déroule sur l’année scolaire dans des écoles primaires ou des écoles

secondaires de l’ile de Montréal au Québec, à raison d’une dizaine

de rencontres entre le ou les artiste(s) et les élèves d’une ou plusieurs classes.

Son originalité consiste à amener les élèves à participer au processus

de création des artistes. Il fait actuellement l’objet d’une recherche pour

évaluer ses impacts sur les artistes, les élèves et les enseignants.

www.artsmontreal.org/fr/programmes/libres-comme-lart

Conseil des arts de Montréal

Édifice Gaston-Miron

1210, rue Sherbrooke Est

Montréal (Québec) H2L 1L9

514-280-2599

Canada

Conseillère en cinéma et littérature

Réjane Bougé

[email protected]

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Résidence des artistes Ximena Holuigue et Geneviève Godin, en 2011-2012 dans une école primaire. Cette

résidence a été appuyée par le Centre Turbine (centreturbine.org), qui développe des espaces d’expérimentation

jumelant pratiques actuelles en art et en pédagogie.

Page 163: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience Libres comme l’art

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Présentation de ce dispositif La participation au processus de création des artistes

Le Conseil des arts de Montréal (CAM), la Conférence régionale des élus de Montréal

(CRÉ) et le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) ont annoncé

le lancement officiel de Libres comme l’art le 21 octobre 2008. Mais ce programme

existait déjà à titre expérimental depuis quelques années dans des écoles primaires

de Montréal en milieu défavorisé. En effet, ce programme de résidence avait été

élaboré par le Programme de soutien à l’école montréalaise (PSEM) pour être inséré

dans sa mesure « accès aux ressources culturels » parmi les sept qu’il développe

afin de favoriser la réussite des élèves issus de milieux défavorisés et de milieux

défavorisés pluriethniques. Dernièrement, le PSEM a changé de nom, pour s’appeler

désormais Une école montréalaise pour tous et a été rattaché directement au MELS,

tout en gardant ses principales lignes directrices.

Bien que la définition «classique» d’une résidence de création suppose que l’artiste

ou l’organisme artistique dispose d’un espace adéquat pour la réalisation du travail

de création d’une œuvre, il est à noter que, selon la discipline exercée par l’artiste

ou les artistes, et la disponibilité des locaux à l’école où se déroule la résidence,

l’espace alloué à la création peut varier d’une résidence à l’autre. La plupart

des disciplines artistiques sont admissibles soit : les arts visuels, les arts

médiatiques, le cinéma et la vidéo, la danse, la littérature, les métiers d'art,

la musique, les nouvelles pratiques artistiques, les arts du cirque et le théâtre.

Parce que les projets Libres comme l’art doivent aboutir à une œuvre qui répond

aux exigences de professionnalisme artistique1 du Conseil des arts de Montréal,

le projet de résidence doit être porté par un lieu de diffusion professionnel, soit

un lieu principalement voué à la diffusion d’œuvres artistiques ou littéraires

et dirigé par un professionnel qui fait la sélection des artistes ou des écrivains

qu’il présente.

1 Définition de « professionnalisme artistique » tel que l’entend le CAM : « On entend par artiste

professionnel, tout artiste qui, ayant acquis sa formation de base, possède une compétence reconnue

par ses pairs, crée, interprète ou publie des œuvres pour diffusion dans un contexte professionnel, se

voue principalement à la pratique de son art et reçoit une rémunération pour les œuvres qu'il réalise. »

Page 164: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience Libres comme l’art

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Les activités mises en place dans le cadre de ce programme doivent s’adresser :

aux élèves fréquentant les écoles primaires publiques ciblées par Une

école montréalaise pour tous ;

aux élèves fréquentant les écoles secondaires publiques de l’île de

Montréal (à l’exception des écoles ou des classes à vocation artistique).

L’originalité du programme de résidence Libres comme l’art consiste en

l’importance accordée à la participation des élèves au processus de création ou

des artiste(s) lors de la sélection des dossiers. Ces résidences d’artistes sont donc

des projets significatifs en rupture avec d’autres projets artistiques dans des écoles,

puisqu’elles se déroulent sur une longue durée et constituent des situations où

les adultes et les enfants doivent prendre des décisions ensemble pour créer

une réalisation artistique professionnelle.

Participer au processus de création

Les artistes sont sélectionnés sur dossier à partir de la présentation de leur projet

de création et des activités prévues avec les élèves. Les résidences de création Libres

comme l’art impliquent les élèves dans un projet de plusieurs semaines avec

des artistes professionnels en fonction de trois aspects : l’appréciation artistique,

la rencontre avec divers aspects de la création et la participation à la création

(proposer des idées, gérer une partie du projet…). Lorsque les élèves participent au

processus de création en partenariat avec un artiste, ils peuvent comprendre que

l’expression artistique n’implique pas seulement un désir d’expression, mais aussi

un travail de recherche des moyens à mettre en œuvre pour dépasser

les contraintes. Ce travail consiste en une mise à l’épreuve des procédés

de création. Le processus de création implique d’entrer dans un processus

décisionnel. Les élèves sont donc amenés à soumettre des idées aux artistes et à

exercer des choix artistiques avec eux.

Faire des choix artistiques

Le travail ne se limite pas à une résolution de problème qui consisterait à surmonter

des contraintes de départ. Si l’artiste vise intentionnellement à réaliser ce qu’il

pressent, il n’est pas toujours en mesure de pleinement déterminer les contours de son

Page 165: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience Libres comme l’art

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œuvre dès le début de son élaboration. Au cours du processus de création, les élèves

sont donc amenés à faire des choix artistiques en collaboration avec les artistes.

Le processus de création consiste en une mise à l’épreuve d’intentions artistiques,

l’artiste expérimentant et vérifiant la pertinence de ses intentions artistiques dans

l’expérience de leur matérialisation ou de leur conceptualisation. Les artistes

formulent parfois les intentions mais invitent toujours les élèves à les mettre à

l’épreuve. Ainsi ils demandent aux élèves de faire appel à leur sensibilité et

en même temps, ils leur rappellent que la mise à l’épreuve sensible implique

le regard de l’autre, donc une certaine forme d’objectivité.

Par conséquent, dans ces résidences, la participation des élèves au processus

de création diffère sur de nombreux points de la participation demandée aux élèves

habituellement en classe, même si elle se déroule dans un contexte scolaire en

respectant ses contraintes : les élèves peuvent prendre des décisions en faisant appel à

leur nécessité intérieure, tout en prenant en compte les attentes d’un public potentiel.

LA RECHERCHE

En 2012, le Conseil des Arts de Montréal et la Conférence régionale des élus de

Montréal ont mandaté Myriam Lemonchois, professeure à l’Université de Montréal,

pour réaliser une recherche sur les impacts des projets Libres comme l’art sur les

élèves, les enseignants et les artistes (2013-2014). Ce projet de recherche a été

élaboré suite à une recension de la littérature de recherche sur les projets de

résidence d’artistes dans des écoles dans quatre pays : États-Unis, Grande-Bretagne,

Australie et Canada afin de déterminer d’un côté les difficultés rencontrées par les

chercheurs, de l’autre les apports pédagogiques et les apports artistiques constatés.

Une dizaine de résidences en cours ou terminés ont été sélectionnées, certaines se

déroulant au primaire, d’autres au secondaire, et l’ensemble essayant de couvrir

l’ensemble des disciplines artistiques admissibles au programme Libres comme l’art.

La méthodologie de recherche adopte une approche qualitative avec plusieurs

instruments de collecte de données : des entretiens semi-directifs avec des artistes,

des enseignants et des groupes d’élèves ayant participé au projet Libres comme

l’art. Quelques résidences ont pu faire l’objet d’observations approfondies durant

leur durée. Les résultats de la recherche doivent être présentés à l’automne 2014.

Page 166: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience Libres comme l’art

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Paroles d’élèves, d’artistes ou d’enseignants

Lors de la création d’un conte musical avec des élèves du premier cycle du primaire,

jamais les décisions qui ont été prises par les enfants n’ont été considérées comme

des choix définitifs par les artistes. Mais les élèves semblent ne pas avoir été gênés

par le fait que les décisions qu’ils avaient prises n’étaient pas définitives ou qu’elles

n’aient pas été incorporées dans le produit final :

S’ils le mettent là, on serait content, parce que notre choix est mis dans le spectacle,

mais si jamais ils ne sont pas là, on se dirait au moins qu’on s’est laissé exprimer,

même s’ils les ont pas mis, au moins on a pu dire notre personnalité, les choix

qu’on a choisis.

Les élèves ajoutent qu’ils se sont sentis comme des créateurs, créatrices parce

qu’ils ont pu exprimer leur personnalité dans le processus de création, même

si tous leurs choix n’ont pas été intégrés dans le produit final. Une élève ajoute :

Ce que j’ai préféré c’est choisir les musiques, parce que c’est des choix à nous,

et pas des choix à d’autres.

L’enseignant reconnaît qu’il y a un décalage entre l’attitude de l’artiste envers

les élèves et la sienne : les artistes avaient au départ confiance en leurs idées,

en leurs capacités, en leur effort, en leur motivation. Lorsque les artistes ont sollicité

la participation des élèves, ils affirmaient ignorance en affirmant ne pas savoir

quelle musique. Le travail au sein du projet devait se faire dans un esprit égalitaire :

toutes les opinions, y compris celles des élèves, pouvaient être entendues, étant

donné qu’elles étaient toutes issues de personnes considérées comme compétentes

dans leur créativité et leur sensibilité artistique.

Les élèves pensent que les artistes n’ont pas exercé une autorité sur eux, tout

comme, parfois, peut le faire leur enseignant, mais que le prof, quand il est prof,

il est sévère. Ils rappellent ainsi que dans le rôle d’explicateur de l’enseignant induit

une relation pédagogique inégalitaire. Les propos des élèves rappellent ceux

de Rancière (1987), lorsqu’il affirme que l’artiste a besoin de l’égalité comme

l’explicateur a besoin de l’inégalité (p. 54). La reconnaissance des élèves, dans

un rapport égalitaire entre adultes et enfants, n’est pas sans rappeler le projet

d’émancipation décrit par Rancière (1987, 2009).

Page 167: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience Libres comme l’art

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Pour les artistes intervenir auprès de jeunes enfants ou d’adolescents est un défi.

Une artiste rapporte son expérience en début de projet :

ça a été un défi pour moi et peut-être un peu plus complexe pour eux (les élèves).

Parce que je ne suis pas arrivée en disant on va faire ça ça ça et ça va donner ça.

Parce que je ne le savais pas. Je voulais vraiment cette fois-là y aller en création

complète tout en ayant une matière première qui était définie : les adolescents.

Un élève du secondaire dit qu’avant le projet avec les artistes, il allait à l’école par

obligation sans y prendre plaisir : c’était « fais ce que t’as à faire puis tu rentres

chez toi après ». Et ce même élève constate que durant la résidence : On a créé

des liens avec les artistes, mais aussi dans le projet, il y a aussi les enseignants qui

sont impliqués puis ça aussi ça a fait des liens aussi.

Une autre élève du secondaire : Moi je trouve que ce projet m’a appris qu’on peut

aller vers d’autres affaires, ben pas d’autres affaires, mais d’autres projets pour

s’intéresser… Parce que moi, habituellement, j’étais toujours « je fais mes affaires,

je fais mes affaires ». Je voulais rien savoir d’autres affaires. Mais quand

tu t’aventures dans quelque chose que tu connais pas, t’apprends quelque chose

de nouveau, tu vois que c’est intéressant.

Identité Montréal Nord, murale réalisée en mars 2010 par Patrick Dionne et Miki Gingras

(Diasol) en collaboration avec des élèves du secondaire.

Ce photomontage a été réalisé avec des caméras obscura, un Brownie 1957 pellicule couleur 2 1/4. La

lentille a été retirée pour mettre un sténopé, tous les gens ont été photographiés dans des poses

d'environ 8 à 12 secondes. La résidence a duré environ 7 mois et le montage environ 4 ou 5 mois.

Page 168: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

Colloque 2013 – La résidence en milieux scolaire et éducatif

Fiche expérience Libres comme l’art

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Pilotage

Ce dispositif de résidence d’artistes a été élaboré par programme par le Conseil

des Arts de Montréal (www.artsmontreal.org), la Conférence régionale des élus

de Montréal (credemontreal.qc.ca ) et le Ministère de l’Éducation, du Loisir et

du Sport (MELS) par son programme Une École montréalaise pour tous

(www.ecolemontrealaise.info).

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Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif

© HMD © HMD

La classe artistique C ol l èg e l e s E scho l i e r s de l a M osson

De septembre 2011 à juillet 2014, une classe de collégiens bénéficie (de la 6ème à la

3ème) d’un vaste parcours de pratiques artistiques intégrées aux enseignements et

conduites par des artistes, dans le but de favoriser la réussite scolaire des élèves.

www.heraultmusiquedanse.fr

Depuis de nombreuses années Hérault Musique Danse œuvre pour favoriser la rencontre

entre les artistes et les élèves et la pratique d’une discipline artistique. Les bilans témoignent

de l’impact positif des pratiques artistiques sur le développement personnel des élèves. Mais

de tels projets restent trop souvent à l’initiative d’un ou deux enseignants, et n’étant

pas inscrits dans la durée et encore moins intégrés au projet pédagogique de la classe,

les bénéfices potentiels sont sous exploités.

Hérault Musique Danse, le Conseil général de l’Hérault et le collège les Escholiers de la

Mosson (ECLAIR) ont perçu la nécessité d’aller plus loin et ont conçu une alternative

pédagogique en s’appuyant sur les pratiques artistiques. Choix a été fait de travailler avec

des artistes ayant une réelle activité de création et d'explorer différentes formes d'art.

La participation des artistes sort de l'habituelle logique d'intervention sous forme d'atelier et

doit nourrir leur propre recherche. Les mêmes élèves de « La classe artistique » bénéficient

du dispositif durant quatre années.

Hérault Musique Danse

Tél. : 04 67 45 71 10

Courriel : [email protected]

Chargée de mission

Françoise Heulin

Directrice

Sabine Maillard

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Fiche expérience CDWEJ

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Présentation de la classe artistique

Les pratiques artistiques sont inscrites dans le projet pédagogique de la classe et

dans l’emploi du temps des élèves, chaque enseignant cédant une part de son

volume horaire annuel aux pratiques artistiques. Les élèves bénéficient chaque

année et pendant 4 ans d’environ 150 heures de pratique artistique réparties sous

forme d’ateliers hebdomadaires de 3 heures et de trois mini-résidences de 3 ou 4

jours. Il est important de signaler que les élèves n’ont pas été sélectionnés :

la composition de cette classe ne s’est pas faite sur le volontariat mais sur des

critères classiques de constitution d’une classe.

Les “pratiques artistiques”, sont ici considérées comme un terme générique

désignant à la fois les ateliers de pratique, la rencontre avec les œuvres, le spectacle

vivant, le regard du spectateur. Un partenariat a donc été élaboré avec trois

structures culturelles de la ville de Montpellier (le théâtre Jean Vilar, le Centre

Chorégraphique National et le domaine d’O).

o En 2010/2011 (6ème), présence de la Cie de danse Les Gens du Quai dirigée par

Anne Lopez.

o En 2011/2012 (5ème), présence de la Cie de théâtre de l'Astrolabe, et l’écrivain,

Jean-Daniel Dupuy.

o En 2012/2013 (4ème), Présence de la musicienne saxophoniste Maguelone

Vidal et de l’écrivain Jean-Daniel Dupuy.

o En 2013/2014 (3ème), présence de la compagnie de théâtre U Structure Nouvelle

LA RECHERCHE

Cette expérimentation, est accompagnée et évaluée par Alain Kerlan, philosophe

de l’éducation et membre de l’EA Education Cultures et Politiques (Lyon2/ENS/IFE).

Une équipe de recherche « Art et éducation » constituée par Françoise Carraud, Céline

Choquet, Samia Langar, et Marie-Christine Pipérini a d’ores et déjà produit deux

rapports de recherche en 2011 et un 2012.

Page 171: La résidence d'artiste en milieux scolaire et éducatif

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Fiche expérience CDWEJ

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L’évaluation et la recherche scientifique concernent l’impact des pratiques artistiques

sur les apprentissages, le développement personnel des élèves et le lien social mais

aussi la transformation des pratiques des enseignants.

La synthèse du rapport scientifique réalisée par Alain Kerlan sur ces quatre ans de

classe artistique à Montpellier est accessible dès la fin octobre 2014 via le site Hérault

Musique Danse.

Pour plus d’informations sur les différents documents disponibles :

www.heraultmusiquedanse.fr/observations-et-evaluations.html

recherche.univ-lyon2.fr/ecp/ressources/axe-3

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Partis pris

OBJECTIFS ET ATOUTS

Quatre principes fondamentaux avaient été retenus :

Mettre la pratique artistique au centre de la pédagogie, tout en garantissant

l’intégralité des enseignements obligatoires. Par pratique artistique on entend

aussi bien l’expérimentation physique en atelier (du côté de la création) que

la découverte culturelle et l’histoire des arts (du côté de la réception).

Ne pas opérer de sélection dans le recrutement des élèves de la classe.

La classe artistique de 6e est constituée de la même manière que les autres

classes, sans désir de spécialisation artistique.

S’appuyer sur le travail d’équipe entre les enseignants des différentes

disciplines et les artistes représentant la diversité des champs artistiques.

Respecter le travail de l’artiste en reconnaissant la contribution éducative

de l’art sans l’instrumentaliser à des fins pédagogiques.

Les effets positifs constatés en classe de 6e s’affirment au fil des ans, aussi bien au

niveau collectif qu’individuel car les pratiques artistiques créent une alchimie

positive dans la classe.

Les enseignants et l’équipe de recherche ont déjà noté des progrès en matière de

relation aux autres, d’estime de soi, de confiance en soi et d’ouverture au monde

par la fréquentation régulière des œuvres et des artistes qui stimule une curiosité

intellectuelle qui fait souvent défaut aux élèves. L’acquisition est aussi remarquable

en termes d’autonomie, avec la prise en charge par les élèves de leur vie d’élève

dans la classe et en dehors de la classe, et en termes d’écoute des consignes qui

favorise une plus grande rapidité dans la mise au travail.

Concernant les résultats scolaires ce n’est pas spectaculaire, mais contrairement

aux autres classes, les élèves perturbateurs n’arrivent pas à tirer la classe vers

le bas et les bons élèves s’autorisent à être bons ; cette classe obtient des résultats

satisfaisants au sein de cet établissement mais ces derniers restent faibles au regard

des moyennes nationales (il faut toutefois rappeler que le collège est classé en zone

d’éducation prioritaire).

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La méthode de travail, proposée et coordonnée par Hérault Musique Danse est

construite sous forme de réunions de régulation et de modules de

Formation/Action/Recherche. Elle adopte ainsi un processus d’observation, d’analyse

et de régulation interne qui permet d’identifier, de noter et de signifier les effets sur

les élèves et sur l’équipe pédagogique ce qui permet aussi d’éclairer le dispositif, de

le reconsidérer et de re-questionner les objectifs, de façon à pouvoir décider avec

justesse de la suite des événements. Cette méthode de travail est inédite en collège et

semble répondre au désir des enseignants de travailler “autrement” et “ensemble” et a

de ce fait un effet dynamisant sur l’ensemble de l’équipe enseignante et éducative.

La classe artistique est aussi repérée comme classe pilote au sein de

l’établissement. L’élaboration du projet pédagogique a amené l’équipe enseignante

et éducative à s’interroger sur la structuration du temps de l’élève : un nouvel

emploi du temps, mis en place dès la rentrée 2010 pour les élèves de la classe

artistique, propose des séances d’1h30 (au lieu des 55 minutes ordinaires) pour

permettre une installation plus efficiente des élèves dans l’activité scolaire. Ce

nouvel emploi du temps qui s’est révélé très positif à la fois pour les élèves et pour

les enseignants a été adopté par tout le collège à la rentrée 2011.

MARGE DE PROGRESSION

Lors de la présentation de son rapport scientifique de l’année de 4e, Alain Kerlan

souligne deux éléments dominants :

Tout d’abord, il constate la difficulté pour l’enseignant de s’inscrire

réellement dans l’atelier ; Il s’interroge particulièrement sur la place, et les

rôles que l’artiste réserve ou assigne aux enseignants et relève aussi la

difficulté pour ces derniers d’être, lors d’un atelier, à la fois participant,

garant de l’ordre scolaire, pédagogue et observateur.

D’autre part Alain Kerlan relève une anxiété très présente chez l’élève malgré

l’impact positif de la pratique artistique concernant la découverte de soi, une

aisance relationnelle entre eux et avec les adultes et la capacité à se projeter

dans l’avenir. Ce caractère anxiogène serait donc peut être à interroger du

côté du collège et de la scolarité « ordinaire », mais il précise aussi que la

classe de 4e est, pour tout élève, une classe charnière, où les problématiques

de l’adolescence sont exacerbées, même en dehors de la question des

pratiques artistiques.

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Pilotage

Le projet est coordonné par l’association Hérault Musique Danse.

HMD est conventionné par le Conseil général de l'Hérault et la Direction Régionale

des Affaires Culturelles du Languedoc-Roussillon.

Le projet reçoit le soutien de la Fondation de France, la Caisse des dépôts direction

régionale du Languedoc-Roussillon, la Fondation BNP Paribas, la Maïf, La Fondation

d'entreprise La Mondiale, l'ACSE ainsi que la Ville et l'Agglomération de Montpellier

dans le cadre du CUCS.

La Fondation de France a récompensé la classe artistique par un “Laurier national”

en 2012.

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Colloque 2013 – La résidence d’artiste en milieux scolaire et éducatif

© Danièle Bertotto

© Marc Helleboid

MUS-E®

à l ’éco l e Sa ma in Tr u l a in - L i l l e L'école d'application Samain Trulin à Lille expérimente la mise en place

d'ateliers MUS-E® pour l'ensemble de ses dix classes et sur une période

de cinq ans. Le principe du programme MUS-E® repose sur l'intervention

hebdomadaire d'un ou deux artiste(s) autour d'un projet de pratiques

artistiques, spécifique à chaque classe.

www.mus-e.fr

Tél. : (+33) (0) 3 88 56 99 75

Courriel : [email protected]

Directrice artistique

Isabelle Marx

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Présentation du dispositif MUS-E® en général

Le programme MUS-E® introduit les arts à l'école primaire en proposant une

pratique artistique régulière à un public d'enfants de 6 à 11 ans d'écoles dites

« sensibles ». Le projet a la vocation de participer à la prévention de la violence,

du racisme et de l'exclusion sociale, à travers l'ouverture aux différentes cultures et

l'éveil du potentiel créatif de chacun.

Les ateliers sont animés par des artistes professionnels, en temps scolaire et en

présence des enseignants. Ils durent une année scolaire, à raison d'une intervention

d'1h30 par semaine, soit 45 heures par an. Le projet est conçu en amont avec

la direction de l’école et l’enseignant, présent lors des séances; et peut regrouper

plusieurs disciplines. Dans l’idéal, les ateliers s’inscrivent sur plusieurs années

scolaires consécutives avec les mêmes enfants, comme c'est le cas à l'école

d'application Samain Trulin à Lille.

MUS-E® défend :

o la notion de démarche artistique où l'enfant expérimente, se trompe,

s'investit dans un parcours personnel et collectif ;

o la pratique artistique : ancré dans l’expérience, les ateliers stimulent le

plaisir de la découverte, la curiosité, l’intérêt et l’accès à d’autres savoirs,

savoir-être et savoir-faire ;

o l'art comme outil de communication pour accéder à des cultures différentes

pour promouvoir l’ouverture, le lien social, l’apprentissage et le respect des

différences.

En œuvre dans 11 pays, le programme MUS-E® s’adresse aujourd’hui à environ

55.000 enfants de 550 écoles primaires, grâce à l’appui de l’Union Européenne, de

nombreux gouvernements nationaux et régionaux et de partenaires privés. Près de

1.000 artistes sont impliqués dans ce programme. Le projet MUS-E® « Music at

School » fut initié en 1993 par Yehudi Menuhin. Il s'inspire pour ce faire, du concept

d'éducation musicale du compositeur, ethnomusicologue et pédagogue hongrois

Zoltán Kodály, qui pensait que la musique devait faire partie du quotidien et qu'elle

devait être accessible à tous. Yehudi Menuhin élargit le concept de Kodály en

l'adaptant à la réalité actuelle de la multiculturalité.

L'association coordonne le programme depuis 2006 en France. Courant d'Art MUS-E®

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Présentation de l’expérience MUS-E® à Lille

Entre 2009 et 2011, l’école Samain Trulin bénéficie de 2, puis 3 projets MUS-E®

pour l'établissement. En 2011, l’équipe enseignante demande l'étendue du

programme à l'ensemble de ses dix classes en faisant le pari que l’ouverture

culturelle combinée avec le dire permettra d'améliorer le lire et l’écrire. Ainsi depuis

trois ans, ce projet concerne dix classes soit les 203 enfants de l’école, du CP au

CM2, les dix enseignants et onzeq artistes s’y rattachant. La directrice de l’école et

assurent la coordination d’ensemble, suivi également par l’inspecteur Courant d'Art

et le conseiller pédagogique de la circonscription.

Chaque classe est engagée dans un projet bi-disciplinaire et spécifique, en lien avec

son projet de classe et celui de l'école. Cela permet d’articuler des apprentissages à

visée scolaire et esthétique. Les enseignants choisissent parmi les disciplines

suivantes : danse, théâtre-conte, arts plastiques/visuels ou cirque. Cette année,

onze artistes interviennent tout au long de l'année dans l'école, à raison d'un ou

deux artistes par classe (les artistes peuvent intervenir sur deux projets différents).

Il ne s’agit pas d’une résidence d’artiste, au sens strict du terme mais les artistes

sont installés durablement dans l'école, dans et hors les salles de classes selon

l’évolution d’une œuvre en marche.

Les ateliers, centrés autour de la pratique, se caractérisent par une forte et

continuelle sollicitation des enfants : le projet artistique évolue au cours de l'année

dans une démarche participative des enfants selon un échange constant entre eux,

l'artiste et l'instituteur.

Le projet se transforme avec les enfants, grâce à leurs apports, leurs idées, ce qui en

fait d'une part toute la richesse et ce qui leur permet d'autre part d'y adhérer

totalement en se l'appropriant. Ils sont acteurs de leur création, utilisant les outils

amenés par l'artiste, accompagnés par leur instituteur, le tout créant une dynamique

de confiance, de responsabilisation et de créativité.

Les ateliers sont complétés par, au moins, une visite culturelle (exposition, concert,

représentation théâtrale, ..). Des temps de performances et d’expositions devant

les parents sont prévus afin de présenter des résultats ou les étapes du projet

traversées par les enfants, durant et à l'issu de l'année scolaire.

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LA RECHERCHE

Une évaluation a été commandée auprès d’universitaires sur la période 2011-2013,

soit les deux premières années de la mise en place de ce projet de cinq ans, à partir

d’une recherche de terrain (Rapport sur des « effets de l’éducation artistique à

l’école », Baeza C., Le Floch M-C., Loeffel L., dec 2013). Ce rapport est disponible

sur le site de , dans la rubrique Galerie/Documents à télécharger et Mus-e

également . ici

En prenant appui sur le cadre général de réflexion du réseau et sur MUS-E®

la philosophie de l’évaluation propre au programme , la recherche MUS-E® France

avait pour objectif d’évaluer les effets des pratiques d’éducation artistique sur

les apprentissages, la qualité du vivre ensemble dans la classe et plus largement

dans l’école (comportement, attitude des élèves) ainsi que le développement

personnel de chaque enfant. L’objectif était plus précisément d’articuler ces

dimensions de la vie des élèves à partir d’une hypothèse : les pratiques d’éducation

artistique réunissent les conditions d’un « apprendre autrement » générateur

d’un mieux-être des élèves. Le propre des dispositifs et des situations d’éducation

artistique est en effet de faire bouger les frontières du « scolaire » ainsi que

les catégories de l’éducation et de l’enseignement : les instruments de ces

déplacements en sont les artistes eux-mêmes, ce qu’ils apportent et ce qu’ils disent

de leur engagement dans ces actions éducatives au sein des écoles ; les enseignants

et leurs motivations à s’engager dans ce type de projet, les croyances qui

les inspirent ; l’art en tant que tel comme objet non scolaire ; les dispositifs en

eux-mêmes et les situations qui tendent à bousculer les normes traditionnelles

de la forme scolaire, en particulier l’espace et le temps, les modalités du travail

scolaire, la place accordée à la créativité, à la sensibilité et au corps des enfants. Au

fond l’hypothèse était que dans le bouleversement de « l’ordinaire scolaire » se

trouveraient les conditions d’un rapport de l’enfant à lui-même favorisant une

meilleure estime de soi, une meilleure appréciation de ses compétences,

une capacité d’action plus importante sur lui-même et sur son environnement,

une plus grande autonomie.

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Partis pris du dispositif

Des ateliers de pratique artistique

L’art est abordé à travers une pratique régulière. Ainsi les artistes orientent MUS-E®

leur méthodologie vers l'expérience directe : il s'agit non pas d'apprendre de l'art,

mais par l'art. L'art est au service du participant en activant ses ressources, tant

comme individu que comme être social. La priorité doit être donnée à

un investissement dans les domaines du rythme, l’espace, la perception sensorielle,

le jeu et l’imaginaire. Apprendre, c’est faire des expériences concrètes.

Entrer dans un processus de création

L’artiste doit rendre accessible le processus de création, se servir de sa méthode et de

son expérience, et permettre aux enfants de développer leur potentiel de créativité. Il

met sa vision au service des enfants pour leur donner d’autres perspectives pour

s’exprimer, entrer dans un processus de création personnelle et collective.

Un rôle-clé dans l’éducation de la multiculturalité

Les ateliers constituent un excellent moyen d'aborder des cultures différentes et ainsi

promouvoir l’ouverture, le lien social et l’apprentissage et le respect des différences.

Une collaboration étroite enseignant-artiste

L’artiste crée toutes les conditions pour que les enseignants puissent collaborer

étroitement au déroulement du projet, dans le respect du projet global de l'école.

L’enseignant est toujours présent lors des interventions. Il participe aux séances

selon une dynamique propre à chaque binôme artiste-enseignant.

Pas d'obligation de productions !

Mettant les enfants au centre des ateliers, pleinement sollicités sans être contraints, le

programme n'exige pas la mise en place d'un « rendu final »! Ainsi enseignant MUS-E

et artiste conviennent avec les enfants de la possibilité/envie/pertinence d'une

restitution et de sa forme (étape de travail, blog, exposition, représentation...).

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MARGE DE PROGRESSION

1. Sur le long terme : 1 an voire plus

a la spécificité d'inscrire son action dans la régularité et la durée : MUS-E®

30 séances par an réparties au fil de l’année, sur une période d'un an minimum avec

les mêmes élèves ; afin que chaque enfant puisse bénéficier de 45 heures

de pratique artistique par an. Il s'agit de passer de la simple sensibilisation à

une pratique régulière source d'apprentissages multiples y compris d'apprentissages

fondamentaux. À ce jour, ce point semble aller à l'encontre de la structuration

des programmes scolaires.

2. Une forme scolaire en mouvement

Si les ateliers reposent sur la dynamique du binôme enseignant-artiste, celle-ci

n'est pas aussi évidente à mettre en place et à vivre. Des concertations régulières

entre les artistes et les enseignants sont nécessaires pour clarifier les attentes,

le fonctionnement du partenariat, chercher des solutions aux problèmes soulevés

par certains enfants ou par le groupe, négocier les limites de territoire de l'artiste

et de l’enseignant. En cas de besoin, accompagnent les artistes et Courant d'Art

enseignants dans ce processus délicat.

3. La diversification et pérennisation des partenariats

Les ateliers (intervention, matériel, transport, sortie) sont entièrement financés par

. La recherche de financements constitue la principale mission et Courant d'Art

difficulté de . À ce jour, à la vue des spécificités de chaque territoire et Courant d'Art

de nos moyens pour la coordination, il nous est difficile d'étendre le programme à

davantage de villes (malgré les demandes). D'où une réflexion sur une nouvelle

structuration à l'image d'autre pays européens, telle que l'Italie ou l'Espagne.

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Pilotage

Depuis 2006, et en qualité de coordinateur national, l'association a Courant d'Art

la mission de construire et développer un réseau sur le territoire français, en

partenariat avec d'autres associations implantées dans différentes villes qui œuvrent

aussi en faveur de l'éducation artistique.

Les premiers ateliers furent initiés à Strasbourg dans le cadre de MUS-E®

la politique de la Ville (à ce jour 85 % de financements publics).

Grâce aux dons privés, le réseau s'est étendu en 2008, 2009 et 2010 MUS-E® France

aux villes de Paris, Lyon et Nancy. La Fondation de l'Orangerie soutient également

le programme depuis 2009 et finance désormais 12 classes à Lille. MUS-E MUS-E ®

Depuis son implantation en France, le programme a touché 4.350 enfants MUS-E®

dans cinq grandes villes françaises grâce à l’implication de 83 artistes.