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The Tocqueville Review La Revue Tocqueville VOLUME 9 1987/88 Edited by JESSE R. PITI'S ROLAND SIMON and DOUGLAS E. LOYD

La Révolution française et le narcissisme idéologique

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The Tocqueville Review

La Revue Tocqueville

VOLUME 9 1987/88

Edited by

JESSE R. PITI'S

ROLAND SIMON

and

DOUGLAS E. LOYD

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JEAN-LOUIS MARTRES OLIVIER mL

La Révolution Française et le Narcissisme Idéologique

La Révolution est un jardin cultivé jalousement pas les historiens ct la courtoisie interdisciplinair e interdit de tirer dans les chasses d'autnü.

Cependant de nouvelles méthodes s'y intéressent en cette période anniversaire, de la psychanalyse à l'économie. Quant à la Science Politique, un certain nombre d'aspect.s du phénomène retenait déjà son attention.

Ainsi l'étude des politiques publiques nous montre comment la République s'emploie à réparer les irréparables désastres des ventes révolutionnaires en demandant, par exemple , aux Américains de remeubler Versailles .

L'Histoire Constitut ionelle démontre que la Révolution fut un bref entr'acte qui changea une dynastie par une autre, pour finir par restaurer la première avant de se terminer, par hasard, dans les bras de la République.

Quant à l'analyse des idées politiques, elle fait un bilan plutôt décevant de l'originalité de cette période. L'idée démocratique ou l'idée républicaine doivent beaucoup à j'Angleterre, aux Etats-Unis, à l'Antiquité Grecque. Quant au tyrannicide , les protestants du XVIème siècle avaient dit l'essentiel. Reste évidemment la théorie du gouvernement Révolutionnaire, tirée de l'expérience de Robespierre et qui aura une grande influence sur la pratique marxiste.

Cependant il faut bien constater que l'agitation autour du bicentenaire, dont la célébration est désormais prise en charge par J ean-Noël Jeannenay, nous amène à poser la question suivante: à quoi sert politiquement la Révolution aujourd'hui?

Bien sûr, nous savons par éducation et par rumeur que la Révolution est française comme la cuisine, la mode et les parfums.

Bien sûr, d'autres pays ont connu des phénomènes similaires dont nous aimons penser qu'ils ne furent que des esquisses ou des répétitions . Mais en général nous les

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connaissons que comme des imitations plus ou moins réussies de la Notre. tellement le narcissisme français nous interdit de nous intéresser à autre chose qu'à nous-mêmes. Aussi avons-nous besoin d'interroger le miroir de l'Histoire pour affirmer l'anclennté de notre identité politique. légitimer notre régime. trouver des arguments pour nos querelles présentes et r~octiver les querelles anciennes. Aussi chacun s'é-vcrtue à ranimer la flamme mal etcinte de cet ~ acte fondateur· de la République.

Cependant l'ambiguité du phénomène amène les historiens à prendre des distances et à ne plus servir le politicien en lui donnant des réponses manichéenes que son idéologie partisane lui faisait espérer.

Ainsi peut-on s'interroger sur la signification réelle de ce système do communication imparfait qui unit le présent ct le passé. A force de trop vouloir prouver la véracité de ses lieux communs idéologiques, la République comme Narcisse risque de sc piéger et de libérer la seule vérité incontournable de la Révolution: la violence.

L'idée centrale que nous développerons est que la mythologie révolutionnaire se définit au travers d'interprétations qui sont autant de ressources, ou d'argumentaires symboliques dans le cadre de rivalités partisanes. San caractère équivoque et inépuisable tient à la valeur instrumentale qu'elle revêt au coeur des conflits du politique. Acte fondateur de la République, mémoire sacrée des origines, ce passé ne se conjugue pour cela qu'au présent, sur lequel il a d'ailleurs des effets considérables.

En fait le Présent politique questionne 1'I1istoire pour lui demander de lui renvoyer un reflet fidèle de ses passions présentes. Mais la science universitaire n'est pas aussi dévote, quelquefois. que le souhaitent les politiques, d·où certaines distorsions grinçantes, certaÎns renet.s insidieux, certains silences aussi qui troublent l'eau du miroir.

Pour ces raisons, il nous paraît utile de rechercher ce que les politiques attendent du Mythe Révolutionnaire. avant d'examiner la réponse des historiens, ou leur silence. Peut-être pour savoir si, une fois encore, Narcisse ne fmit pas par succomber au piège qu'il sc tend à lui-même.

LA QUES110N AU ilHROlR , SENS ET ENJEUX DE LA RÉVOLUTION

L'intérêt porté par le politique à l'épisode historique qu'est la Révolution français.; ne s'est jamais démenti depuis son déclenchement. Cet intérêt peut être appl·écié à travers ln matrice politique actuelle du système de valeurs. Mais d'abord, voyons comment la logique de concurrence entre

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machines partisanes a pu transformer ce qui n'était somme toute qu'une série d'évènements historiques parmi d'autres en un repère sacralisé de «l'identité politique française ».

Toutes semblent s'accorder sur l'éminence de l'héritage Républicain malgré les ambiguïtés de l'Histoire. Mais toutes désirent aussi que l'Evènement confirme et justifie leur conception de l'Histoire.

L'ÉMINENCE POLITIQUE DU PATRIMONIE RÉPUBLICAIN

Le monument révolutionnaire a, initialement , été constitué par les révolutionnaires eux-mêmes, ou leurs sympathisants, pour se donner des références communes, des signes de reconnaissance, pour mettre en place des modèles de comportements ainsi que légitimer leur action et leur existence en les rendant nécessaires et fatals. A cet effet, il y a eu création ou captation d'espaces commémoratifs1 et nouvelle mise en forme calendaire du temps. ~ Il y a aussi, dès cette époque, élaboration d'une histoire de caractère catéchistique, qui vint directement servir ce groupe politique visant à la domination en lui fournissant argumentaires et symboles.

Ainsi Saint Martin, philosophe aujourd'hui oublié, écrit dans ses lettres à un ami sur la Révolution Française (1794) que celle-ci est «l'image abrégée du jugement dernier,. punissant, d'un côté, les nobles, prêtres et les rois, ces «excroissances monstrueuses parmi les individus égaux par la Nature », elle récompense, de l'autre, le Peuple et les disciples de « ce Jean Jacques que je regarde comme un prophète de l'ordre sensible »,3

Mais cette politique de la mémoire est vigoureusement contestée. Les groups politiques rivaux s'emploient à dénoncer ces systèmes de représentations et ces rituels commémoratifs. Ils ne peuvent accepter l'image idéalisée qu'ils donnent des nouveaux détenteurs du pourvoir,

Il convient de ne pas perdre de vue que la représentation du présent comme du passé est toujours une construction volontaire destinée à fixer certains intérêts et certaines prétentions.~ Tous les signes qui en sont donnés, les « traces» qui en sont conservées (momuments, symboles, chants, dates anniversaires .. ,), ont pour effet, et souvent même pOlU fonction, d'induire une certaine vision du monde, Aussi les luttes qui ne peuvent manquer de s'engager autour d'eux sont-elles inéluctablement «politiques », c'est-à-dire déterminées par des options idéologiques il n'y a pas de

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mémoire sans politique car la politique a toujours partie liée avec la mémoire.

L'exemple de la fête du 14 juillet le souligne avec forcc. Succédant a ux fêtes d'Ancien Régime, cette manifestation républicaine voit le jour en 1880. Elle est d'abord l'affaire des autorités qui l'imposent en indiquant très précisément quel doit être son déroulement. Mais celle­ci est violemment. combattue à gauche comme à droite. Dans les campagnes, les communes conservatrices l'ignorent délibérément, voire même la sabote (la maire empêche par exemple la fanfare de jouer la Marseillaise). Tandis que dans les villes ouvrières, l'armée, symbole de la repression de classe et du nationalisme, est conspuée lors des défilés . Aux chants militaires, les ouvriers des cités industrielles opposent des .. Vive la sociale" et "l'Internationale » .5

Hipployte Taine, figure de proue de tous les contre~ révolutionnaires, verra, lui, dans ce 14 juillet, .. la fête de l'assassinat », des .. saturnales républicaines ».

Le conflit de ces organisations politiques se prolonge ainsi en un affrontement. hist.orique pruticulièrement vif, qui n'a jamais vraiment cessé depuis, même s'il revêt aujourdl1ui des formes spécifiques.

Or, n'est-ce pas précisément là le mécarusme principal de la perénnité de la symbolique révolu tionnaire? Car au delà du désaccord sur le contenu à prêter aux signes et rituels révolutiolUlaires, ces différents groupes continuent de recolUlaître à travers ces actes mêmes de dénégation, le caractère ... décisif ,. , ... fondamental .. de cet événement. Ds contribuent en ce sens à le consolider en tant que symbole dominant. Autrement dit, il nous semble que l'accord qui se réalise sur l'objet m ême du désaccord, la Révolut ion française comme victoire du Peuple sur l'Arbitraire, est. ce qui confere à ccl épisode historique toute son évidence sociale et. c'est paradoxalement l'agent vérilable de l'efficacité d'un tel système de signes.

Ce jeu de polémiques et de reconnaissances indirectes serait ainsi le fondement de l'éminence, tant historiographique Que sociale, de cette réalité hjstorique. Cela revient à dire que lorsque les commémorations politiques ne sont plus des lieux de conflits, des enjeux de luttes, c'est certes qu'elles ont réussi, puisqu'elles se sont imposées à tous; mais, en même temps, cela montre qu'eUes ont échoué car, désinvesties de tout affect et de toute conviction, elles perdent toule valeur symbolique et, partant, toute signification véritable.

Mais que représente aujourd'hui 1789 pour la Vème République et les entreprises partisanes qui s'y affrontent?

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Tout type de légitimité repose dans l'histoire sur un anéantissement de celui qui le précède. 1789, c'est l'acte de naissance de la Démocratie. Il faut dès lors trouver à travers les faits révolutionnaires les symboles des valeurs démocratiques, comme les signes d'un changement radical. L'enjeu est de faire de cette date le point de passage entre la nuit et la lumière, le moment à partir duquel tout ce qui est fait ne peut être que nouveau. Il s'agit de faire en sorte qu'au regard du mythe démocratique, le sens de l'Histoire soit accompli par son apparition et que l'avenir ne puisse présager d'aucun autre régime qui lui soit comparable.

l\'Iais la période révolutionnaire ne contient aucun héros disposant du temps et du consensus nécessaires pour donner des institutions stables. La .. bohème littéraire" qui a fait la Révolution (R. Damton), l'instabilité qu'elle a provoquée, les conséquences qu'elle a eues finalement (Napoléon, la Restauration), tout cela fait que cette fondation demeure largement ambigüe. Ses Pères fondateurs, en tâchés de multiples péchés (le plus grand étant certainement de ne pas avoir duré ), elle n'offre à ceux qui se veulent ses descendants que des justifications ambigües. Il n'y a pas d'ancêtres héroïques à la manière d'un J efferson ou d'un Washington pour les Etats-Unis. A défaut, c'cst la période elle-même qui cst mythifiée: on parle de .. La Révolution ", sans aut.re distinction, regroupant par conséquent des phénomènes politiques hétérogènes.

De la même façon, comme on s'cst attaché à l'époque à célébrer la déesse Raison, à pratiquer le culte des nouvelles valeurs, Liberté, Egalité, Fraternité, on ne garde dans le temps présent qu'un culte général pour ces mêmes valeurs, détachées de tout contexte historique.

Ne pouvant trouver pendant cette période des hommes indiscutables, des institutions perennes, qui rassemblent tous ccux qui acceptent la Démocratie et la République, pour maintenir cet.t.e unité on s'en tient aux mots. Nous n'avons que des « concepts-fondateurs ".

LA CONFIRMATION HlSTOJ/lQUE DES .VÉRITÉS • IDEODOGIQUES

Cette ambiguité permet tout. naturellement aux hommes du présent de reconstruire leur généalogie à partir des pierres révolutionnaires. Pour la Gauche qui se vent l'héritière directe de la Révolution, la Droite, c'est l'Ancien Régime. Tandis que pour la Droite dont le lien à l'acte fondateur cst moins net, la Gauche c'est la Terreur et donc le Totalitarisme. Cette définition de la situation justifie donc

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de part et d'autre le combat idéologique mené pour battre l'adversaire.

P olit iquement, on peut présenter l'échiquier .. révolutionnaire,. de la façon suivante:

• Pour l'Extrême Gauche. qui cherche à prouver l'existence de la lutte des classes et le sens de l'Histoire, la Révolution, c'est la violence comme mode de gouvernement; c'est l'exemple de la praxis nécessaire pour se débarrasser des classes dirigeantes inféodées à la Bourgeoisie. C'est en même temps l'acte égalitaire qui supprime les hiérarchies de tout ordre. Pour elle donc, la Révolution doit être le preuve que seule le force peut faire avancer le sens de l"Histoire ;

. Pour la Gauche Marxiste, ce doit être la vérification des lois de l'Histoire: la conquête par la bourgeoisie de l'appareil d'Elat féodal. présageant l'accélération de l'Histoire, amenant la victoire du Prolétariat. C'est aussi l'esquisse du gouvernement révolutionnaire, la première approche des institutions nouvelles;

- Pour la Gauche non Marxiste, il faut chercher la fracture, l'émergence du Peuple, la Vertu républicaine face à­la ploutocratie et à l'aristocratie. C'est la maIÙfestation de la Justice, par les armes, l'esquisse perfectible du gouvernement désintéressé de la Vertu; le vent de la Liberté commence à souffler à ce moment là.

- Pour le Centre ct une partie de la Droite, c'est la Démocratie. Elle appartient à ce titre au patrimoine national. C'est un réformisme jusqu'à la Fête de la Fédération. C'est, en fait, un .. oui-mais JO. Il Y a des avantages, mais aussi des inconvéIÙents.

- Pour l'Extrême Droite et la Droite extrême, la Révolution ne peut être que le déclin des valeurs morales avec la lutte contre le magistère de l'Eglise, l'ouverture à des valeurs nouvelles non nationales, la subversion du pouvoir légitime par des intellectuels dévoyés. En un mot, c'est un malheur onéreux qui a retardé, ruiné et assassiné de nombreux Français parmi les meilleurs.

Ces différentes forces politiques expriment leur références discursives par mythes inte rposés. Mais l'affrontement joue surtout entre les franges centrales de l'échiquier.

Pour la Gauche qui se différencie du Marxisme .. orthodoxe ,. , il s'agit de conserver le patrimoine révolutionnaire mais en en soustrayant les aspects les plus contestés. li lui faut présenter la Révolution comme l'ancêtre nécessaire mais non reproductible, démontrer qu'elle est enfermée de façon nécessaire dans une période historique à jamais révolue. D'où l'idée de la spécificité des conditions révolutionnaires Qui poussent le Peuple à des extremités :

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1) Il faut que ce soit le Peuple en masse pUlsque c'est lui qui décide en Démocratie. Il ne peut être question d'une simple révolte, d'une incapacité tactique du pouvoir à se défendre. C'est la Nation en armes qui reprend sa souveraineté comme elle avait chassé les Anglais de France par la voix (!) de Jeanne d'Arc;

2) Il faut que les conditions et l'époque aient justifié les moyens employés par le Peuple

- les ennemis extérieurs; - la trahison des Nobles; - la subversion des provinces inféodées à l'Eglise

et aliénées par l'obscurantisme religieux, attardés dans leur éloignemnt ;

3) Il faut que les institutions et les hommes aient posé les problèmes essentiels de la Démocratie en recherchant tous les moyens pour lutter contre les riches et les puissants qui accaparaient le pouvoir.

Cette mythologie a été longtemps accept ée sans susciter de problèmes majeurs. Ceux qui la refusaient ne pouvaient que refuser la République. C'est « la Révolution en bloc ".

La difficulté a surgi avec les progrès enregistrés par l'historigrapme révolutionnaire qui a amené des historiens à considérer la Révolution comme un phénomène historique avant que d'être un mythe et à chercher par conséquent à établir la chronologie complexe de cette période.

Il est apparu progressivement que le complot de l'aristocrtie était moins évident, que la pureté des révolutionnaires était de moins en moins établie, que les massacres procédaient quelques fois d'une justice arbitraire et que les grands évènements commémorés obéissaient à des logiques bizarres voire folkloriques sans grand rapport avec les mythes incarnés (comme en témoigne la réalité de la prise de la Bastille).

La Droite va symétriquement exploiter ces révisions historiograpruques pour chercher à détruire cette mythologie qui par trop la dessert. Cette logique est d'autant plus accentuée qu 'elle sc produit dans le cadre fortement bipolaire de la Vème République. Elle prend la figure de deux traditions totalement opposées. L'une va voir dans les massacres de Septembre, dans «le Génocide franco­français », les attributs naturels de la Gauche au pouvoir. Alors que l'autre trouve justification de ces attaques pour renforcer sa vision d'un monde dans lequel les riches sont toujours coalisés pour empêcher le Peuple de s'exprimer. De teUe sorte que le clivage Droite/Gauche se renforce par ce jeu de représentations symétriquement inverses du

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phénomène. Et toute nouvelle information sur la période révolutionnaire ne peut que venir conFIrmer cette opposition.

Où se situent les historiens par rapport à cette matrice politique des valeurs révolutionnaires? De quel type est le travail de ces professionnels du passé?

LA REPONSE DE L UNIVERSITÉ LES PIEGES DU MIROIR

Traditionnellement c'est J'historien qui a en charge la réponse ct c'est à lui que s'adresse naturellement le pouvoir. Ceci et toujours vrai. Mais des phénomènes perturbateurs apparaissent. En effet, sa docilité est d'autant moins acquise que progressivement l'autonomie du champ méthodologique le sépare d'une simple hagiographle politique et que le pouvoir politique n'est plus le seul à même de lui dispenser les faveurs auxquelles il soit attaché.

L'autonomie du champ méthodologique

Pendant longtemps, le travail de 111istorien a été le seul à être un travail d' .. archiviste "., au sens étymologique du terme. Se penchant sur le .. commencement .. (archê) , il a alors bénéficié de l'exclusivité des prébendes attachées à la défense de la mémoire des origines. Depuis quelques années, ce savant voit son monopole sérieusement remis en question. 1789 intéresse aujourd11ui de nombreuses disciplines. Cette portion dhistoi re se prête à l'expérimentation de toutes les méthodes et de tou tes les techniques. s

L'historien n'est donc plus le seul à donner la réponse aux politiques. Des économistes , par exemple, se préoccupent d'appliquer leur grille de lecture, de tester leurs hypothèses sur cet épisode prestigieux de l'histoire de France. Le u r but est de découvir .. la cause". des évènements de l'année 1789, pour les uns , d'en faire .. le bilan une fois pour toutes ,., pour les autres. Ainsi Florin Aftalion, dans Economie de la Révolution Française,1 cn s'appuyant sur la théorie économique classique et .. la nouvelle économie des institutions". c'est-à-dire sur l'étude des comportements individuels érigés en principe de méthode, soutient que l'origine de ce mouvement révolutionna ire se situe dans une politique fiscal e et monétaire inadéquate, ainsi que dans l'échec des mesures de libéralisation du commerce entre 1774 en 1789 . La démonstration est des plus logiques. Mais l'auteur ne fait jamais que retrouver, au terme du raisonnement, les postulats qu 'il avait placés à son point de départ, à savoir la validité des thèses quantitatives. René Sédillot dresse lui,

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dans Le coût de la Révolution française ,8 une comptabilité extrëmement précise du nombre de morts qu'a provoqué cet évènement. sur les champs de bataille on sur l'échafaud, des portions de territoires, conquises ou perdues, des pertes commerciales et industrielles, des déboires monétaires ... Un tel ouvrage vaut surtout comme un très bon instrument de travail. Il ne saurait cependant prétendre .. compler ... la Révolution française, car il n'accorde d'attention qu'aux éléments susceptibles d'ètre quantifiés.

Ou bien encore la saisine par la psychanalyse. C'est le cas du livre sur La guillotine de l'imaginaire de la Terreur de Daniel Arasse. g L'auteur s'y est posé plusiers questions: Pourquoi la Guillotine fait-elle à ce point peur? En quoi mérite-l-cette réaction de crainte? Qu'est ce qui, précisément, rait horreur dans la ~ Veuve" ? L'un des mérites du livre est de montrer comment cet objet a bénéficié d'un véritable culte de la part des révolutionnaires, qui l'ont entouré de mille litanies, en en faisant même K Sainte Guillotine, protectrice des patriotes ". C'est ainsi à une véritable psychanalyse de l'invention du docteur Guillotin que se livre l'auteur, au terme d'une recherche très documentée.

On pourra trouver un autre exemple, de type linguistique, de ce mouvement avec l'ouvrage de Marcel David Fraternité, et Révolution Française. LO Professeur à la Sorbonne où il est spécialiste du XVIIIème siècle, l'auteur y procède à une reconstitution des fortunes et infortunes de ce mot dans la période révolutionnaire. L'ouvrage est considérable autant par la richesse d'information qu'il déploie, que par l'ampleur des résultats auxquels il aboutit. Marcel David situe ses initiateurs à l'époque des lumières; d'ailleurs toutes or les idées, les valeurs, les vertus, les principes que la Révolution a exigé en fondement et en ferment des transformations auxquelles elle a procédé c. .. ) ont un passé qui remonte pour le moins aux années 1740 ". I! montre quelle arme elle a pu être dans les rivalités qui opposaient les prétendants au pouvoir. Les rapports entre fraternité et Révolution sont ainsi mis en lumière tant sous l'angle des incidences économiques, que sociales! culturelles, religieuses ou affectives.

Cette diversification des approches dont la portée demeure donc inégale est le contrecoup de la consecration qu'a connue cet objet au sein du champ universitaire français. Depuis l'ouverture à la Sorbonne en 1886 d'une chaire d'histoire de la Révolution, il y est devenue une vér itable institution, possédant, comme l'écrit Furet, "ses revues spécialisées, ses professeurs assermentés, C.) ses lieux de culte et de révérence ". LL C'est pourquoi la

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Révolution ne peut. manquer d'etre ce dont il est gratifiant de parler. La simple référence à celle-ci, étant donné l'enjeu social qui y est lié, garantit à tout coup une audience spectaculaire, ainsi Que les avantages aisés de traiter un sujet valorisé parce qu'éprouvé. Peut-être est-ce là un élément d'explication de la • crampe cérébrale .. lDaniel Halévy) qui semble entourer le phénomène ...

Et tout cas, la Révolution a sur le plan universitaire des vertus insoupconnées. Elle permet dejà ces comparaisons incomparables avec la Révolution américaine, qui amènent, sous prétexte que le mot est identique, les bordelais à Charlotteville et les américains à Bordeaux. Elle constitue également un excellent moyen d'obtenir des moyens de financement pour des centres de recherche toujours en quëte de budgets décents. Et comment pou rraient-ils leur échapper que la valorisation sociale dont bénéficie l'événement est le garant d'une solvabilité indéfectible? Ces raL..'OQIl.5 peuvent apparaître impies, voire sacrilèges. ~laîs c'est jU5tement. en faisant question de ce qui est si souve nt;. hors de question, que l'objet Révolution française pourra cesser de contraindre la réflexion scientifique.

Les historien s n'ont pas po ur autant cessé d'interpréter le phénomène. L'examen de la bibliographie .. révolutionnaire ,. indique qu'ils occupent encore une position dominante en la matière. Comment s'organisent ces interprétations? On peut les ramener, en simplifiant, à trois idéaux-types .

Tout d'abord, la position des «héritiers ~ du marxisme, pour qui 1789 est une coupure radicale, en deçà de laquelle il n'y a qu'asservisement, gabegies et privilèges et au delà de laquelle nait un monde nuuveau fondé sur les libertés , l'égalité et l'émancipation des liens féodaux. Elle assume une tradition qui va de Jaurès â A Soboul en passant par A. Mathiez et G Lefebne, et que l'on a défmie comme jacobine dans lbistoriographie française. Sa thèse principale, susceptible bien entendu de multiples nuances, est que 1789 constitue la résu ltante d'un conflit entre forces productives de type capitaliste et rapports sociaux dépassés de type féodal. Il s'agit d'une " ré\'olution bourgeoise il soutien populaire .. (Soboul) qui est fondamentalement antiféodale. Mais surtout elle permet de valider la méthode du matérialisme hist.orique et en ce sens , constitue la promesse d'un nouveau changement .5ocial et politique. Ce manichéisme se retrouve aujourd'hui dans la collection lancée par Michel Vovelle La Révolution fra nçaise, images et récit. lz Les témoignages iconographiques y servent de vecteur essentiel à une hist.oire de la Révolution ., sans concepts, faiLe de retrouvailles du coeur, marquée par une

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sorte de divination des âmes et des acteurs ,. (Furet). On retrouve ce manichéisme dans l'ouvrage de Guy Lemarchand et Monique Levêque, Précis d'histoire des campagnes {rançaise,I3 où le privilège accordé à l'économie su r fond d'une histoire linéaire et téléologique, transforme l'épisode révolutionnaire en phénomène nécessaire autant que propitiatoire.

Ensuite, la position des contre-révolutionnaires, Puisant leurs références chez E. Burke, Taine, ou plus récemment, p, Gaxotte, ils condamnent violemment le phénomène révolutionnaire dans lequel ils voient à la fois les agissements d'une minorité perverse, l'ancètre de tous les totalitarismes, et la conséquence désastreuse du « philosophisme,. ou de la rupture du « pacte divin ». La Vendée constitue d'ailleurs depuis quelques années, te pierre angulaire de ce discours, fournissant un thème à haute charge émotive: l'idée de génocide. C'est ainsi que pour Reynald Secher,l. cette révolte fut un « génocide" en bonne et dûe forme, ainsi que la matrice des grandes tueries qui marquèrent le XXème siècle. Elle s'inscrit dans la logique barbare du terrorisme. Les causes en sont à chercher dans les caractères de la "gauche révolutionna ire,,: anti­religieuse, centralisatrice, totalitaire ...

On peut remarquer que ce manichéisme est le symétrique inverse du précédent, reposant d'ailleurs sur des matériaux puisés aux mêmes sources : les déclarations et les écrits des acteurs mêmes de cet épisode historique. D'un côté sont valorisés la .. rupture salvatrice », la " souveraineté populaire". et la «Raison,. tandis que sont dénoncés « l'arbitraire "', « le complot,.., .. l'obscurantisme ". De l'autre sont sacralisés .. le Roi ", .. la Vendée,., .. le catholicisme". et maudits la .. Terreur >l, .. la violence ", " la démagogie ". De telles histoires sont bien entendu l'envers et l'endroit d'une même commémoration de l'événement.

Cepen dant, une position nouvelle établie au t.erme d'une démarche souvent critique et analytique témoigne d'une volonté de passer enfin du mythe il l'histoire. Longtemps réduite, cette historiographie s'est considérablement développée ces dernières années, profitant de l'importante réflexion qui a été engagée autour du rôle et du statut de l'histoire. Les travaux des anglo-saxons tiennent une place tout à fait iropOltante. Mais le regard qu'ils projettent sur cette période n 'ayant pas à se plier aux règles de bienséance universitaire ou aux interdits inscrits dans ce qu'on peut appeler la culture politique française, il n'est pas rare que l'image instituée de la Révolution de 89 en soit sérieusement mise à mal.

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Ainsi lbistonen britannique Alfred Cobban, après aVOlr critiqué dans une conférence restée célèbre. .. Le mythe de la Révolution française ... , en 1955, revient à la charge. Dans u sens de la Rél.:olution fra nçaise,'s il s'en prend aux théories marxistes élaborées à ce sujet, en les jugeant ", trop générales ou perimées ~. Il montre qu'elle;; ne respectent pas la complexité du phénomène, en paniculier en soutenant une conception bien trop simpliste de la bourgeoisie, selon clles, orientée par l'u nique désir de conquête des positions politiques suprêmes. une fois garantie sa domination sur les forces productives.

Or, pour Cobban, il est nécessaire d'opérer en la matière une révision sémantique car Ibisloricn ne peut plaquer le sens actuel de certains mots sur leur signification passée et aujourd'hui souvent oubliée, sans verser dans un travers méthodologique criant.

C'est également l'exemple du son compatriote Alan Forest, de l'Université de :\lanchester. Dans un livre consacré à la politique des re\"olutionnaires, à l'égard des pauvres," il enquëte sur les ambitions développées alors de " nationaliser la misère ... Le résultat. auquel il aboutit est. le constat d'un décalage profond enlre discours et. réalité et. d'un échec patent. L'inflation s'éle\'ant., ainsi que le coût de la vie, le guerre opér ant de vasles ponctions dans les couches laborieuses de la sociét.é, ces velléités aboutissent â l'inverse de ce qui était. prévu: une précarité des plus noires. Quelques années plus tard, on dût. même restituer aux hopitaux une partie de leurs revenus d'Ancien Régime ...

En France, cette position a surtout été illustrée par les recherches de François Furet, en particulier Penser la Révolution française. Dans cet ouvrage, l'auteur s'attache à faire de la Révolution française un ~ problème plutôt qu'une période privilégiée de J'histoire de France ". Outre les vigoureuses considérations mét.hodologiques addressées à l'historiographie révolutionnaire, il y défend l'idée que la Révolution se " termine" avec Bonaparte qui en constitue la version" plébiscitaire ", c'est-à-dire .. la forme enfm trouvée sous laquelle la société fonde un pouvoir qui tienne tout d'elle même en restant indépendant d'elle, supérieur â elle (..,) mais qui rende à un nouveau roi ce qu'elle cherche en vain depuis 1789 C .. ): la condit.ion de possibilité d'une administration démocratique ".

Cette position se marque aussi par un éclatement des recherches, qui s'attachent désormais à des points très limités de la réalité révolutionnaire. Il en résulte une fragmentation du mythe, éclaté, déchiré, disséqué par les nouvelles approches méthodologiques. i\Jais fmalcIIIent la perfection dans la recherche qui vise à rétablir la complexité

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du phénomène révolutionnaire ne lui fait pas perdre sa charge émotive . Et si de plus en plus la réponse universit aire se plie mal à des typologies simplistes, elle apporte sa contribution au pouvoir.

En effet le travail critique continue de se prêter aux influences des idéologies constituées. On y retrouve les préocupa tions proprement politiques de savoir si la Révolution est ou non un « bloc ", si la Terreur et la Vendée dépendent de «causes idéologiques " ou de «simples circonstances ... , si elles sont le fait d'une Gauche tyrannique on d'une Droite maléfique. On pourrait même sans peine y retrouver un « centre-droit " et un " centre-gauche ... tant il est vrai que les précautions méthodologiques n'empêchent pas ces auteurs d'être dans l'histoire et à ce titre d'être pris dans l'étau d'enjeux et d'intérêts particuliers.

Au total, ces différe ntes perspectives s'ordonnent selon la configuration en vigueur au sein de l'univers politique et ne prennent de sens qu'au regard ce celle-là, tellement l'ordre idéologique sc trouve encore capable de plier à ses lois toutes les réalités historiques.

Cependant cet ordre lui-même devient différent sans qu'il soit possible de dire a priori qu'il s'agit d'une évolution dans les idées politiques ou le résultat d'un travail complexe de toutes les disciplines scientifiques tendant à rejeter les approches trop manichéennes.

Mais peu importe. Il existe une synergie entre les nouvelles approches de l'histoire et l'évolution des idées dans la mesure où l'on essaie de passer d'une logique de l'affrontement à une logique du consensus. \1 Celle dernière ne peut être vérifiée dans l'Histoire ? Tout au moins le compte rendu de la méthode historique tend à faire disparaître ce qu'il y avait de trop blanc ou de trop rouge dans la Révolution.

Alors finalement l'autonomie de la discipline aura encore servi. le Pouvoir, dans la mesure où il veut fonder l'ordre social sur un sentiment communautaire ...

L'autonomie du champ stratégique : " La maladie professionnelle de ['historien "

L'historien est investi depuis longtemps d'une mission tout à fait cruciale celle d'apporter les assurances de l'Histoire aux ambitions politiques de ses contemporains. Il suffit d'examiner l'évolution dans le temps du discours historique pour s'apercevoir qu'il s'agit même là d'une véritable topique. Des chroniqueurs bénédictins du l\-1oyen Age aux grands érudits du XVIlème et XVIIIème siècles, l'histoire est produite à l'usage des Grands et des

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prétendants à cette dénomination. Dans les scriptoria monastiques, après avoir été servante de la théologie, propédeutique de la Cité de Dieu, elle se lafcise et vient servir les cours et les Princes' c'est l'apogée des historiens comme Jean de Montreuil ou Froissart. La nature de la légitimité peut alors changer avec les transformations apportées il la fin du X\'11Ième 5iècle dans l'ordre du politique ct du social: la fonction. elle, demeure. De Fustel de Coulanges à Michelet . le Peuple,. el «la Xation. prennent le relais . pour incarner et asseoir le nouveau régime des nouveaux hommes de la République. On le voit, comme le souligne ).Iarc Ferro, ~ d'abord naît la fonction ( ... 1

ensuite le métier JO , l' Mais l'affirmation du métier n'efface pas ipso facto

les errances de la fonction, ce que Furet appelle ironiquement la .. maladie professionnelle de l'historien -. li n'y a pas en effet entre les deux d'antériorité irréversible.

Henri Irénée Marrou qui a pOUltant déployé tant d'efforts et d'intelligence pour mettre en lumière la place de la subjectivité dans le travail de l'historien n'en continue pas moins d'appele r celui-ci à un rapport affectif avec le passé, en lui demandant .. amitié,. et "sympathie ~ pour les personnages qu'il pourrait r encontrer lors de son investigation. l

'

Le comportement actuel des historiens est là également pour en témoigner. Ils continuent, pour leur plus grande part, dans la reconstitution qu'ils prétendent faire des manifestations passées de la 'oie sociale, à fermer les yeux devant l'incidence de la perspect ive , de la reconstruction et de la sélection. Le rapport qu'ils entretiennent avec l'histoire reste pour cela plus celui, affectif et militant, du réqu isitoire ou de l'éloge que celui, distant et mesuré, de la connaissance scientifique. Le meilleur indicateur en est que le public continue d'ëtre le point d'ancrage essentiel de l'ounage d'histoire. Il en constitue autant l'enjeu que le ressort financier.~ )'Iétier et fonct ion entretiennent donc des relatio ns plus complexes qu'on ne le dit parfois.

P our l'historien de la Révolu tion française, la sollicitation du passé est encore plus intéressée' il lui faut fournir au détenteur de pouvoir, ou à son prétendant, un imaginaire reconstitué sur la base de ses intérêts et de ses prétentions, un imaginaire qui ouvre de nOU\'eaux itinéraires, dresse de nouvelles bornes, fonde de nouvelles croyances.

Comment s'organise ce tra\'ail de légitimation? il consiste en deux opérations:

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respiré que pour le bien de son pays ... :3 Elle peut être analysée comme une lentath-e de préserver le patrimoine de croyances accumulées sur la figure de l'Incorruptible . patrimoine qui paniclpe du credll dont. disposent ces entreprises politiques dans leurs luttes actuelles.

Et, effeclivement. d'autres entreprises politiques n'hésitent pas à s'appuyer s ur ces révisions hislo rigraphiques pour sé\-èrement mettre en cause la légitimité symbolique. et. donc historique, de ces partis_~ Celle prise de position S'inscrit. donc dans un jeu complexe de captations et destructions symboliques. Cl revèt une valeur essentiellement relationelle celle des rapports de rivalité existant entre entreprises politiques.

N'ayant jamais dressé de barrière épistémologique entre sa pratique et son emironnement, ce professionnel du passé a ainsi, comme l'a d'ailleurs rois en é\idence François l-ùret. produit autant d'interprétations de la Révolution qu'il y avait de perspectives politiques pour accueillir et reformuler l'évènement.

En mettant au jour la trame .. st.ratégique.. de l'historiographie révolutionnaire. on comprend également. comment ce passé peut se conjuguer continuellement au présent, comment, pareil à la lumière d'u n ~tre mort, il peul. poursuivre sa course dans le temps , bien qu'en réalité il n'existe plus depuis longtemps.

Toutefois si cet aspect classique de la relation a u Pouvoir demeure, là encore des changements peunnt être appréciés. La dépendance du Pouvoir existe bien évidemment en démocratie comme dans tous les régimes. Mais l'autonomie universitaire permet à ses membres de se fixe r leur propres enjeux de carrière. qui ne passent pas par des récompenses immédiates du politique. Bien mieux la récompense des medias qui s'apprécie en tirages et en prestige ne passe pas par lui (du moins pas entièrement dans la mesure où le systeme médiatique a lui· même une certaine autonomie).

Dès lors. donc, la réponse que l'historien est censé apporter sur ce sujet. comme sur les autres . sera davantage condîtionée par le désir de séduire un public qu'un pouvoir désarmé. Apparaitront alors des ouvrages plus en quête de " sensationnel ,., de " coups de théâtre ., de changements de perspectives, moins directement utilisables par le Pouvoir qui devant ce monstre foisonnant ne sait plus très bien si on ne lui a pas volé" sa Révolution ... Ce désarroi est assez sensible dans le discours politique, où les gouvernants, faute de savoir si le I.crrain n·est pas miné. n'osent plus aborder Je sujet sans prendre de t.elles precautions qu'on fmit par se demander si, un jour ou l'autre, le concept. ne sera pas

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Le narClSSlsme idéologique 145

totatement vidé de contenu à fo rce de voir chaque thèse contestée sitôt énoncée.

LE MYTHE DE NARCISSE OU LA DEMOCRATIE PIEGEE

L'effet du culte révolutionnaire sur la réalité politique française est tout à fait paradoxal. Car, à vouloir verifier, par le Passé, les thèses du Présent, à rechercher dans le mythe fondateur les justifications d'une position partisane, on entretient éte rnellement ce mort-vivant qu'est la Révolution . A ne pas vouloir lui trouver une tombe décente que tous pourraient neurir à des dates variables, on a ouvert la boîte de Pandore et déchaîné le seul élément caractér istique d'une révolution: la violence. Alors qu'un régime établi et légitimé doit tout. faire pour enfermer le changement dans des procédures souples et rodées, la France a fini par considérer implicitement que la violence révolutionnaire était un mode de changement banal. Ainsi règle-t-ellc la succession de ses régimes, l'alternance de ses forces politiques, les conflits sociaux par des rituels révolutionnaires dont la violence n'est plus jamais absente.

Ces multiples controverses laissent en effet dans l'insatisfaction. Elles ne permettent pas de saisir les effets d'une telle commémoration su r les croyances politiques du plus grand nombre. Or c'est à ce niveau que doit porter l'interrogation, car c'est là que se situe la conséquence fondamentale de cette symbolique révolutionnaire: la généralisation d'un système de shèmes au travers duquel se trouvent. affirmés la forme nécessairement républicaine de la démocratie et, paradoxalement car de façon inavouée, le rôle de ta violence comme procédure de changement social et politique.

Les commémorations organisées autour de la Révolution française ont joué comme un important facteur de politisation. Elles ont servi à inculquer et institutionnaliser un certain nombre de prat.iques qui, er rad iquant les spécificités lqcales, ont introduit la .. République au village ". Par là même, elles ont cont.ribué à la définition d·un rapport institué à la politique qui participe à part entière de son fonctionnement comme à l'affirmation de sa prééminence au sein de la structure sociale. Ainsi le départ des maires pour le défllé du 18 août a accrédité pendant longtemps dans chaque commune l'idée de J'exi stence d'une scène politique nationale, lieu où se discutaient et. se pr.enaienL les grandes décisions qui affectaient l'avenir de chacun; tandis qu'à Paris la procession de ces maires se donnait à voir comme

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l'incarnation même de cette • France. dont on leur parlait tant, comme sa concrétisation en actes. De la même façon. la cérémonie de la distribution des drapeaux a permis de mett.re en place un système de croyances qui atteste de l'évidence de .. l'unité nationale ... Ces rituels commémoratlf5 ont donc cu une fonction centrale d:ms l'instauration d'une vic politique nationale.

Les fêtes du centenaire de la Révolution française. du centenaire de Voltaire et Rous,seau ou du 14 juillet. les symboles des trois couleurs et de la :\Iarseillaise. les monuments de Panthéon ct de la mairie. L'Hütoire de France de Lavisse, Le Dictionnaire de pédagogie de Fernand Buisson, on encore Le Tour d.. France par deux enfants. ont cn outre diffu sé les catégories de perception et de compréhension grâce auxquclles la mythologie republicaine a pu s'imposcr,2:i Aujourdbui , sa prégnance est teUe qu'clle se confond avec l'idée mème de démocratie La devise républicaine. Liberté, Egalité, Fraternité - s'est a ce point. imposée, comme le triptyque de la dé mocratie que mème scs adversaires se sont appropriés ces références. Dans ce cas, le but est double: celui de se légitimer en se plaçant dans le droit fil d'une tradition désormais inscrite dans le sens commun, et, celui de menre en difficulté ses véritables défenseurs, en les accusants d' " usurpateurs.. ou de " traîtres .. , ce qui présente l'a\·antage d'un point. de vuc tactique de briser l'exclusivité qu'ils détcnal(~nt dans l'empoi de ces références et donc dans le bénéfice de leur autorité morale.~

Facteur de politisations, dc l'affirmation de la prédominance de la mythologie républicame, les rituels commémoratifs de la Révolution française ont aussi permis de conservcr à travers le temps l'idée d'un modèle de changement fondé sur la procédure de la \;olence. C'est d'ailleurs là l'élémcnt le plus original qui reste de la période révolutionnaire. Car, sur le plan des valeurs, la Révolution anglaise, et surtout la Rè·olution amér icaine n'ont guère différé de 1789.n Ce qui pour l'e5ssentiel a sun.!cu, c'est la rhétorique de la rupture. de la vertu salvat rice de la violence, Celle-ci d'ailleurs se fonde sur, et ".e JustIfie pa r, l'idée du politique comme pri.rtcipe déterminant de la \'ie sociale, comme \'éntable agent actif.

Mais ce thème de la \·iolence demeure mavoué , Dans chacun des deux blocs politiques de la '-ème République, cxlstent de larges franges consensuelles. Celles-ci ne peuvent pas faire l'apologie, même indirecte, d'une violence qui menacerait. un régime politique auquel leur sort est désormais lié. D'ou le tra\'ail sur l'histoire qu'elles se doivent d'accomplir pour erradiquc r du mythe répu blicain tOut ce qui

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a trait à ce thème. Elles veulent la Révolution mais sans la violence; or la Révolution étant de fait la violence, elles se voient obligées d'accepter l'héritage révolutionnaire, mais vidé de tout ce qui rappelle la lutte , les barricades, les massacres, bref vidé de la Révolution.

Cela expliqu e la reconstruction dont le phénomène fait l'objet, en particulier les découpages historiques auxquels on le soumet pour en faire l'équivalent de la Révolution anglaise.

En réalité, seuls les Marxistes posent aujourd'hui le problème sous l'angle de la violence, avec la théorie de la dictature révolutionnaire. Le gouvernement révolutionnaire y apparaît comme une nécessité historique pour se débarrasser de la peste bourgeoise. Loin d'être déniée, la violence de 1789 est alors encensée. On y voit la première étape d'un processus qui mènera au Grand Soir, une solution magnifiée et extatique aux difficultés du présent.?JI

Débarrassée de son a rrière-fond normatif, cette orientation de la réflexion est pourtant la plus féconde pour la compréhension de la signification de l'évènement. Elle est la plus fidèle à sa caractérisque essentielle, qui est la violence. En témoigne, le mimétisme révolutionnaire qui a marqué en France toutes les périodes d'effervesence sociale, que ce soit en 1830, en 1848, lors de la Commune de Paris, du Front Populaire, ou encore en 1968. A chaque fois, la Révolution fourni t les signes, les mots, les idéaux, des révoltés. A chaque fois, les acteurs de ces événements veulent redoubler ou prolonger les affrontements qu'auraient livrés les grands ancêtres.

Prenons l'exemple de la Commune. Pendant cette période, 13lanqui date le premier numéro de son journal, La Patrie en danger, du 20 fructidor an 78. Les Versaillais seront eux dénoncés en commun comme .. chouans" et « vendéens ". On les verra -- co mble du délire fantasmatique -- marcher contre Paris « drapeau blanc en tête "! Les concepts de Commune, de Comité de Salut Public, qui apparaissent à cette époque, sont eux-aussi directement repri.s des évènements de 1793-95.29

La Révolution française a aussi fourni le rituel des événements de mai 1968. Peut-ètre est-ce là que réside la raison des singularités qu'a connu le mouvement de contestation dans ce pays? Il n'y a Que dans ce pays, en effet, qu'une jonction s'est opérée entre le soulèvement de la jeunesse scolarisée et les revendications des salariés, comme il n'y a que dans ce pays qu'est apparue une volonté de rupture aussi radicale avec tout ce qui se rattachait à l'ordre existant.30 Or cette situation est des plus paradoxales au regard des bases objectives du mouvement. La raison en

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est que la Révolution a à ce point ri tualisé le:> changement,;:; politiques ct. les mouvement.:> sociaux qu'elle a fU1! par fossiliser une partlC du repertoire des actions collective,;:;, qui apparaît désormais en décalage total avec les ne-cC5sltes des réalités conflictuelles contemporaines.

'fous ces conflits se sont parés des habit.:. hauts en couleur de 93. Ceux-ci ont servi autant de prOgTammes d'action que d'agent de mobilisation. On le VOlt. cei! nsiOlls révolutionnaires du monde social son t. donc loin d'être inertes. Elles ont des effet:; pratiques tout à rait réels L'espace de références que met en place le monument de la Révolution française inclIne à une poslUre du lutte manichéenne, de conflit radical. il. un engagement à pcru;er la réali té en termes de classes antagonistes .

Cette liaison entre hier et aujourd'hui se retrouve par exemple dans un sondage rêceni.. Aux questions de l' lns titut de sondage :. Pense z·vous que les révolu tionnaires de 1789 ont eu ra ison ou pas de vouloir changer le systeme politique et social de la France?,. et " A votre avis, la France, aura·t·elle on non à nouveau besoin de changer de régime politique et social ? ... , une majorité t rès nette de réponses affirmati\'es a été obtenue. Ce qui témoigne non pas de l'existence d'une majorité de révolutionnai res, mais de l'incidence que peut a voir cct épisode encensé de l'histoire de France sur la perception commune de la réalité actuelle. 11 rassemble sur l'idée d'un renversement violent du cours des choses. les attentes et frustrations du présent, en leur fournissant les clés d'une solution radicale.

Autre signe, autre sondage : celui réalisé par la revue L'Hütoire. JZ Pour l'échantillon représentatif d es Français de 18 ans et plus, l'événement majeu r de ce XXeme siècle, c'est mai 68.

En définitive, la Révolution française se révèle plus qu'un simple épisode de l'Histoire de France, un donné dont il l'agirait de restituer la complexité. Elle constitut u n objet construit, en fonction ct pour des enjeux politiques présents. Cette figure fait resurgir toute une ancestralitê oubliée, faiLe de divinités usées et de morts ressucités et dont chacun attend quelque chose: les un s qu' elle leur permette d'accéde r a ux trophés politiques suprêmes. les autres qu'elle les soulage de leurs afllictions et de leu rs déboires. On est ainsi là au coeur de la dimension historique de lbistoire de la Révolution française: l'Imaginaire qui nourrit le mouvement par lequel se construit et se déconstruit l'ordre social et politique.

En guise de conclusion, on peu t remarquer que l'image de la Révolution fran çaise développée par les

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émetteurs idéologiques que sont les partis pol itiques écrase les subtilités mises en avant par les universitaires, en particulier les historiens. Ceux-ci interrogent l'histoire, soit déjà convertis à des systèmes de valeurs constituées politiquement, soit en respectan t la complex ité du phénomène, Mais, dans les deux cas, la réponse qu'ils font est interprétée et retraduite, par le code des émetteurs idéolOgiques, CetLe opération est même relayée par les medias qui se placent en conformité avec ses systèmes organ is és de val eurs, du fait des constraintes de fontiormement qui sont les leurs. Le but de ces émetteurs est ainsi de capturer, ou de maintenir captif, un public de mandants qui est au fondement même des prérogatives dont ils disposent,

Il n'est pas étonnant dès lors que deux cen ts ans après son déclenchement, la Révolution française demeure toujours aussi réfractaire à se soumettre aux exigences de la connaissance scientifique, et continue de vivre avec ses majuscules. Elle fait coule r plus d'encre que de sang, mais maintient toujours une logique de l'affrontement brutal pour résoudre des problèmes qui pounaient trouver des solutions plus pacifiques et surtout plus rapides.

Notes

L Le sculpteur Moitte, en 1791, rompt avec la tradition religieucse et les symboles de sa domination (croix, anges adorateurs, frise, inscription latine ... ) pour faire de cc qui était une église plac~e sous l'invocation de la patronne de Paris, un temple destin~ à recevoir les cendres des ~ grands hommE's • du nouveau l'~brime ct à personnifier les id('!aux de la IU:volution. C'est la naissance du Panth~on.

2. C'est par exemple, le sens de .. l'annuaire de la République ~ qui prit fin le 11 nivose An XnI : il s'agissait ni plus ni moins que d'incorporer dans le rapport au temps des citoyens un nouveau système de significations, propre à le rendre cunrolme aux nouvelles ambitio nH du réf,rime.

3. Cit~ par Alice G~rard, La Révolution Françai.~e: mythe et interpréta/ions 1789./970, Questions d 'histoire (paris: Flammarion, 1970).

4. C'est cc que mon tre, dans un autre contexte, Elise Marienstras, en s'interrogeant sur Le.~ mythes fondateurs ue la nation amêricaine (Paris: r-,Iaspcro, 1976). Les ·'Fondateurs" ont constitué de toutes pièces une tradition et des mythes capables d'aider les révolt~s à révêler les défis liés à l'affirmation d'une Nation américaine.

5. Ces ~l~ments sont tir('!s de l'excellent article de Pierre Valin ; "F(!te, m~moire et politique : les 14 juillet et le Limousin ( 1880-1914 ) ", Revue Française de Science Politique n" 6 ( d('!cElmbre 1982 ), vol. 32.

6. Ln Révolution franç aise ayant intéressé presque toutes les disciplines des sdences humaines, la liste des ouvrages qui ont été écrits à son sujet serait bien trop longue à énumérer. On pourra toutefois se reporter dans les publications r~centes, à titre simplement

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150 LA REVUE TOCQUEVILLE

Indicatir, • M. Peronn.t. C''lqllClinU mots cU. SIU' la tiU011l11Dn ftOltfOlM ( Part. : Privat. 1984 ); .kan St.arobinski, 1789 : k. tmbllwu. th la /"Culan (Pari •. Cham,:.·Flammarion. 1979 ) ; F. Guattarl, La ltOtICftI/a

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11. En t'motf[Nnt de oombreux cntnuens e.l déclarauons publiques d'Eda:ar Faure, PrHidc.nt de la Commission de commémoration jUJqu'" sa mon r*enle, am.i, dans le journal • Le Mondo • (12 man 1987) -II nou, f.ut maintenant urer les l(!ÇOns da la IUvolutlon rranÇAlIO. L'une de (C!I leçons. c' .. t une grande rfcond)iatum rrançal ... Il Caut maintenant que ln descendants des Vendéens et ceux dc!. ~ban.n~ da Velmy voient qu'ils étaient toUS des homrnet de .. tril'\oo, d .. hommC!l do l'int/k~t national, de l'intérnt humain. n f.ut maintonant arriver" calte soudure ... ttttc réconciliation. au lens Pf'ellquo C!C(1~tlaJ du œrme, et .. l'\d6e d'en finir avec l'opposition droite-puche. qui lmnsformll la France en deux blocs qui semblent Impcnnh.bl .. _.

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19. Hanl")' Irénée Marrou. [k la connoiuone, hutoriqlU (Pari.: Seuil, 19& ).

20. SUl' ce point. on peUL sc rcponer .. J.P. Rioux, • La popularit' de l'h.iltoire. Ct F. Cèze, Th. Paquat, • La mlCl do l'jdltlon du aden(C!l humains at social" ~ \n L'Etat de •• cienelll .ocial •• ,n France ( Pari. : Editions La D6<.'OuYerto. 1986).

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24.. "'Pour en finir a''eC la }U,volutlon rrtlnç:AI ... , FjJ:OI'O MtJ.GfUIM, II octobre 1986.

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Le narCtSSLsme idéologique 151

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26. Pour une prC!sentation de cette .. str atC!gie républicaine _. PiC'TTO· Andre! TaguielT, .. La d6magogio à visal':'e rC!publîcain ., Rcuue politique et porlemolltoire, n" 915 ( mars-avril 1985 ).

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28. Michel Vovolle répond ainsi dans un cntretien qu' .. clle cs~ restoo jusqu'à nOll jours la premicre tentative conscience et mnttrisC!e de changer le monde par la violence.. Et la rédaction du joumal de surenchC!rir .. Aujourd'hui ce n'cst plus une mais des Bastilles qui dC'meurent. Elles sont ê. prendre mOme si ça demandera plus qu'un jour. in ~ Vive lu. HOvolulion ., Clarté, nO 35 (1968).

29. Stéphane Hiob, "Néo.jacobinisme et noo.hébertisme (lU milieu du XIXe sitoc\e : une contribution à la typolol"ric des gauches ., Revue de droit public, n° "' , 1984. On pouTTa se rapporter également à François Furet, • La Révolution dans l'imaginaire politique français". Le Débat ( septembre 1983 ).

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