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1705 LA REVUE DU PRATICIEN (Paris) 1998, 48 Ophtalmologie A 54 Anomalie du champ visuel Orientation diagnostique Pr Henri MONDON Service d’ophtalmologie, groupe hospitalier Cochin, 75674 Paris cedex 14 • L’orientation diagnostique devant une anomalie du champ visuel est double : l’étude précise du champ visuel, souvent à l’aide de relevés, permet en effet d’obtenir sur la lésion en cause des renseignements à la fois topographiques et étiologiques. • Cette démarche clinique garde, malgré l’imagerie moderne, une place dans le diagnostic et parfois dans l’aide à la décision thérapeutique. Points Forts à comprendre • Aux corps genouillés externes, le champ visuel supérieur est interne et le champ visuel inférieur est externe. La macula se projette sur toutes les couches. On note qu’à partir des bandelettes, il y a conjugaison des faisceaux correspondant aux portions des deux rétines qui regardent dans la même direction (bandelette droite = moi- tié gauche du champ) avec regroupement des fibres origi- naires des hémirétines soit supérieures soit inférieures. • Dans les radiations optiques, les fibres sont étalées en une large lame, celles d’origine supérieure et celles d’ori- gine inférieure étant bien séparées. Les fibres d’origine inférieure vont décrire dans le lobe temporal une boucle : l’anse de Meyer. Les fibres inférieures passent par le lobe pariétal. • Au cortex occipital, les fibres supérieures (moitié supé- rieure de la rétine qui regarde la moitié inférieure de l’es- pace) gagnent la lèvre supérieure de la scissure calcarine. Les fibres maculaires se terminent à la partie postérieure de la scissure et débordent largement en superficie. Il y a d’ailleurs une hypertrophie de la représentation maculaire. Les fibres correspondant à l’extrême périphérie du champ visuel temporal monoculaire (fibres de la demi-lune) se projettent sur la partie la plus antérieure de la scissure cal- carine). Bases anatomiques du champ visuel La distribution rétinienne des fibres optiques et leur orga- nisation à la papille et dans le nerf optique rendent compte de la topographie des déficits fasciculaires des voies optiques antérieures (fig. 1). • À partir de la rétine, on note l’individualisation du fais- ceau papillo-maculaire, des faisceaux temporaux supérieur et inférieur (qui entourent le faisceau papillo-maculaire et ne s’entrecroisent pas au raphé horizontal temporal) tan- dis que les faisceaux nasaux supérieur et inférieur se diri- gent en rayon de roue vers la papille. • Dans le nerf optique, les faisceaux temporaux et nasaux restent individualisés respectivement le long du bord externe et interne du nerf entourant le faisceau maculaire qui est devenu central. • Au chiasma, les fibres d’origine temporale restent le long du bord externe du chiasma et vont dans la bandelette homolatérale. Les fibres d’origine nasale vont se croiser pour aller dans la bandelette controlatérale et le faisceau nasal supérieur décusse très précocement pour former dans le nerf optique controlatéral un « genou » qui explique la topographie des atteintes de l’angle antérieur du chiasma. Le faisceau maculaire se divise en deux parties égales des- tinées à chacune des bandelettes. • Dans les bandelettes, le faisceau maculaire se place en coin supérieur et les fibres des hémi-rétines droite et gauche correspondant aux hémi-champs droit et gauche vont se regrouper. Les fibres venant des hémi-champs visuels infé- rieurs sont plus parfaitement réunies que celles venant des hémi-champs visuels supérieurs. Organisation au niveau de la rétine et de la papille des fais- ceaux de fibres originaires des différentes parties de la rétine. 1. Faisceau papillomaculaire; 2. Fibres d’origine rétine tem- porale (noir). La séparation passe par la macula (point de fixa- tion) ; 3. fibres d’origine rétine nasale (bleu). 1 1

La Revue Du Praticien-Ophtalmologie

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1705L A R E V U E D U P R A T I C I E N ( P a r i s ) 1 9 9 8 , 4 8

Ophtalmologie

A 54

Anomalie du champ visuelOrientation diagnostique

Pr Henri MONDON

Service d’ophtalmologie, groupe hospitalier Cochin, 75674 Paris cedex 14

• L’orientation diagnostique devant une anomaliedu champ visuel est double : l’étude précise duchamp visuel, souvent à l’aide de relevés, permeten effet d’obtenir sur la lésion en cause desrenseignements à la fois topographiques etétiologiques.• Cette démarche clinique garde, malgrél’imagerie moderne, une place dans le diagnostic etparfois dans l’aide à la décision thérapeutique.

Points Forts à comprendre

• Aux corps genouillés externes, le champ visuel supérieurest interne et le champ visuel inférieur est externe. Lamacula se projette sur toutes les couches.

On note qu’à partir des bandelettes, il y a conjugaison desfaisceaux correspondant aux portions des deux rétines quiregardent dans la même direction (bandelette droite = moi-tié gauche du champ) avec regroupement des fibres origi-naires des hémirétines soit supérieures soit inférieures.

• Dans les radiations optiques, les fibres sont étalées enune large lame, celles d’origine supérieure et celles d’ori-gine inférieure étant bien séparées. Les fibres d’origineinférieure vont décrire dans le lobe temporal une boucle :l’anse de Meyer. Les fibres inférieures passent par le lobepariétal.

• Au cortex occipital, les fibres supérieures (moitié supé-rieure de la rétine qui regarde la moitié inférieure de l’es-pace) gagnent la lèvre supérieure de la scissure calcarine.Les fibres maculaires se terminent à la partie postérieurede la scissure et débordent largement en superficie. Il y ad’ailleurs une hypertrophie de la représentation maculaire.Les fibres correspondant à l’extrême périphérie du champvisuel temporal monoculaire (fibres de la demi-lune) seprojettent sur la partie la plus antérieure de la scissure cal-carine).

Bases anatomiques du champ visuel

La distribution rétinienne des fibres optiques et leur orga-nisation à la papille et dans le nerf optique rendent comptede la topographie des déficits fasciculaires des voiesoptiques antérieures (fig. 1).• À partir de la rétine, on note l’individualisation du fais-ceau papillo-maculaire, des faisceaux temporaux supérieuret inférieur (qui entourent le faisceau papillo-maculaire etne s’entrecroisent pas au raphé horizontal temporal) tan-dis que les faisceaux nasaux supérieur et inférieur se diri-gent en rayon de roue vers la papille.• Dans le nerf optique, les faisceaux temporaux et nasauxrestent individualisés respectivement le long du bordexterne et interne du nerf entourant le faisceau maculairequi est devenu central.• Au chiasma, les fibres d’origine temporale restent le longdu bord externe du chiasma et vont dans la bandelettehomolatérale. Les fibres d’origine nasale vont se croiserpour aller dans la bandelette controlatérale et le faisceaunasal supérieur décusse très précocement pour former dansle nerf optique controlatéral un « genou » qui explique latopographie des atteintes de l’angle antérieur du chiasma.Le faisceau maculaire se divise en deux parties égales des-tinées à chacune des bandelettes.• Dans les bandelettes, le faisceau maculaire se place encoin supérieur et les fibres des hémi-rétines droite et gauchecorrespondant aux hémi-champs droit et gauche vont seregrouper. Les fibres venant des hémi-champs visuels infé-rieurs sont plus parfaitement réunies que celles venant deshémi-champs visuels supérieurs.

Organisation au niveau de la rétine et de la papille des fais-ceaux de fibres originaires des différentes parties de la rétine.1. Faisceau papillomaculaire ; 2. Fibres d’origine rétine tem-porale (noir). La séparation passe par la macula (point de fixa-tion) ; 3. fibres d’origine rétine nasale (bleu).

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A N O M A L I E D U C H A M P S V I S U E L

• Le glaucome chronique à angle ouvert est une neuropa-thie optique antérieure liée à une hypertonie oculaire et ilentraîne des déficits fasciculaires dont le début est insidieuxdans la zone du faisceau arqué. Il est confirmé par la prisedu tonus oculaire et par l’aspect excavé de la papille optique.

Pathologie des voies optiques

Voies optiques antérieures

Ce sont la papille et le nerf optique dans leur trajet orbi-taire et dans le canal optique.

1. Orientation localisatriceLes déficits sont de type fasciculaire, c’est-à-dire condi-tionnés par l’organisation de fibres optiques, leur conver-gence vers la papille, puis leur localisation à l’intérieur dunerf optique. La figure ci-après montre la disposition desfibres rétiniennes et leur mode d’entrée dans le nerf optique.Les déficits fasciculaires sont de trois types :• Déficit du faisceau papillo-maculaire : (fig. 3)– scotome central et scotome cæcocentral ;– scotome paracentral.Dans les névrites rétrobulbaires, le faisceau maculaire estle plus fragile.• Déficit du faisceau arqué :– scotome de Bjerrum arciforme en cimier de casque à 15°du point de fixation (fig. 4) ;– scotome de Seidel ;– marche nasale ;– scotome isolé dans l’aire de Bjerrum (fig. 5) ;– scotome quadrantique nasal partant de la tache aveugle.En fait, les déficits fasciculaires du faisceau arqué, carac-téristiques de l’atteinte du nerf optique, partent de la tacheaveugle, peuvent chevaucher le méridien vertical passantpar le point de fixation et éclater dans le champ nasal sansfranchir le méridien horizontal.Il importe donc, devant un déficit quadrantique nasal desavoir si ce déficit rejoint ou non la tache aveugle pour loca-liser au nerf optique l’origine du déficit.

2. Orientation étiologique• L’atteinte du faisceau papillo-maculaire seul orientevers les neuropathies optiques héréditaires (dont la mala-die de Leber), les neuropathies toxiques ou nutritionnelleset les neuropathies optiques inflammatoires (sclérose enplaque chez une femme jeune).• Un scotome central isolé évoque une maculopathieconfirmée par l’examen du fond d’œil.• L’atteinte du faisceau papillo-maculaire associée à unautre déficit évoque une neuropathie ischémique chez lesujet âgé (liée dans 25 % des cas à une maladie de Horton)ou une pression du nerf optique à tout âge.• L’absence d’atteinte du faisceau papillo-maculaireévoque un glaucome chronique à angle ouvert et, là encore,l’examen du fond d’œil avec l’excavation papillaire aideau diagnostic.• Dans la pathologie de la voie optique antérieure, l’at-teinte peut être strictement unilatérale ou bilatérale dépen-dant de la cause.

Relevé du champ visuel

• La méthode par confrontation au doigt ou à la boulepermet d’évoquer l’existence d’un important déficit hémia-nopsique. Le champ visuel de l’examinateur sert de réfé-rence.• L’utilisation d’un carton d’Amsler ou d’une simplefeuille de papier quadrillé permet d’évoquer l’existenced’un scotome central qui se traduit par l’absence de visioncentrale du quadrillage..• La méthode de choix pour le relevé précis du champvisuel, en particulier en neuro-ophtalmologie, reste lepérimètre de Goldmann ; l’œil exploré est placé au centred’une coupole sur laquelle sont présentés des tests lumi-neux de taille et d’intensité variables, du non-vu au vu (péri-mètre cinétique).Le relevé du champ visuel au périmètre de Goldmann com-porte autour du point de fixation central (fig. 2) (vu par lamacula) le tracé d’isoptères correspondant à des lignesd’égale sensibilité comme les courbes de niveaux égaux encartographie. L’isoptère le plus périphérique marque leslimites du champ visuel qui émerge dans un océan de nonvu. Plus on se rapproche du point de fixation, plus le sti-mulus nécessaire pour avoir une réponse est faible, ce quimarque une augmentation de la sensibilité rétinienne de lapériphérie vers la macula. Un accident est constitué par lescotome absolu de la tache aveugle : c’est la trace dans lechamp visuel de la papille, là où il n’y a pas de rétine maisrassemblement de l’ensemble des fibres optiques prove-nant de toutes les parties de la rétine.• Les appareils automatisés de relevé du champ visuel,d’apparition récente, ont surtout de l’intérêt pour le spé-cialiste à la recherche des signes de début du glaucome. Ilsprésentent dans l’aire de 30° autour du point de fixationdes stimulus lumineux fixes (périmétrie statique) dont l’in-tensité peut être modulée. Ils ont l’avantage d’explorer plusparticulièrement l’aire de Bjerrum qui est celle où se loca-lisent les déficits les plus précoces du glaucome.

Pathologies rétiniennes et glaucome

Des pathologies oculaires accessibles à l’examen du fondd’œil et donc immédiatement reconnues peuvent entraînerdes anomalies du champ visuel. Nous citerons :• Le décollement de rétine qui entraîne une amputation duchamp visuel proportionnelle à l’étendue de la rétine décol-lée dans l’œil concerné.• Une maculopathie, plus souvent liée à l’âge qu’hérédi-taire, peut être responsable d’un scotome central plus oumoins dense déjà retrouvé aux cartons d’Amsler.Elle sera confirmée par l’observation de la région macu-laire.• Un foyer de choriorétinite entraînera un déficit localisécorrespondant à la lésion rétinienne.• Au cours de la rétinite pigmentaire, il faut connaître ledéficit annulaire périphérique du champ visuel et, en find’évolution, le champ tubulaire restant, bilatéral. La pré-sence de taches pigmentées anormales au fond d’œil signele diagnostic.

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Ophtalmologie

• Les neuropathies optiques inflammatoires(dont la sclé-rose en plaques) peuvent être unilatérales ou le rester.• Une neuropathie optique glaucomateusepeut avoir undébut unilatéral puis se bilatéraliser.• Une neuropathie optique héréditaire ou toxiqueest sou-vent d’emblée ou rapidement bilatérale.

Région chiasmatique

Elle concerne le nerf optique intracrânien, le chiasma et ledébut des bandelettes optiques.Cette baisse d’acuité visuelle unilatérale souvent lentementprogressive peut être le premier signe d’une compressionchiasmatique.Devant cette baisse d’acuité visuelle, le champ visuel restela clé du diagnostic clinique de la localisation à la régionchiasmatique de la souffrance des voies optiques.

1. Orientation localisatriceQuatre types de déficit du champ visuel caractérisent lasouffrance de la région du chiasma.• Le scotome central unilatéral, d’apparition lentementprogressive avec le champ controlatéral normal, traduit lacompression du nerf optique intracrânien.• Le scotome de jonction : ce scotome central ipsilatéral àla compression est accompagné par un déficit du champsupéro-temporal opposé (les fibres nasales croisées del’autre font une boucle dans le nerf optique opposé).• L’hémianopsie bitemporale (fig. 6) réalise l’aspect clas-sique du déficit localisé au chiasma. Mais elle est rarementisolée sans atteinte centrale au moins d’un côté. L’hémia-nopsie bilatérale peut être complète ou incomplète, scoto-mateuse, symétrique ou non.• L’hémianopsie latérale homonyme incongruente (fig. 7)est une hémianopsie asymétrique. Elle traduit l'atteinte desbandelettes optiques en arrière du chiasma.

2. Orientation diagnostiqueLa localisation à la région du chiasma à l’atteinte des voiesoptiques évoque avant tout une tumeur. Parmi les tumeurs

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Champ visuel normal.2

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Tacheaveugle

IsoptèrePointde fixation

Voies optiques antérieures. 1. Scotome arciforme en cimier decasque; 2. scotome dans l’aire du Bjerrum.

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Scotome quadrantique nasal inférieur partant de la tacheaveugle : voie optique antérieure.

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cérébrales, 25 % sont localisées à la région chiasmatiqueet la moitié d’entre elles entraînent initialement une baissed’acuité visuelle.Les tumeurs de l’hypophyse (adénome) sont les plus fré-quentes (50 à 55 %), suivies par les craniopharyngiomes(20%), les méningiomes (10 %) et les gliomes du chiasma(7 %). Les autres causes de souffrance chiasmatique: ané-vrisme, arachnoïdite optochiasmatique, inflammation (dontla sclérose en plaque), traumatisme, sont beaucoup plus rares.

Voies optiques rétrochiasmatiques

Les atteintes postérieures au chiasma produisent des hémia-nopsies latérales homonymes. L’hémianopsie latéralehomonyme est rarement perçue comme telle, sauf si elleest massive et d’apparition brutale. Le plus souvent, lepatient accuse une gêne visuelle parfois à la lecture: unehémianopsie latérale homonyme droite entraîne une diffi-culté à trouver le mot suivant et l’hémianopsie latérale

homonyme gauche rend difficile la localisation du débutde la ligne suivante. Une baisse d’acuité visuelle peut sevoir dans deux circonstances : soit lors d’une lésion anté-rieure des bandelettes optiques avec atteinte associée auchiasma, soit en cas de lésion occipitale bilatérale. Ailleurs,il y a souvent partage maculaire ou épargne maculaire etl’acuité visuelle est maintenue.

1. Orientation localisatriceLa notion de congruence qui ressort de la comparaison dudéficit dans les deux champs homonymes atteints donneune orientation de localisation. Plus la congruence estgrande, c’est-à-dire qu’il y a similitude dans l’étendue dudéficit, plus la lésion est postérieure. Par ailleurs, les signesneurologiques spécifiques à chaque localisation aident audiagnostic topographique.• L’atteinte des corps genouillés externes est rare etentraîne soit une hémianopsie latérale homonyme incon-gruente, soit un déficit sectoriel homonyme et horizontal.

Hémianopsie bitemporale. Syndrome chiasmatique.6

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Hémianopsie latérale homonyme droite avec épargne maculaire : partie postérieure des voies optiques (lobe occipital).7

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Ophtalmologie

• Le déficit typique du lobe temporal est une hémianopsielatérale homonyme quadrantique supérieure (fig. 8). Cedéficit est lié à l’atteinte des fibres inférieures (correspon-dant au champ visuel supérieur) qui forment, dans la par-tie antérieure du lobe temporal, l’anse de Meyer. Uneatteinte plus massive du lobe temporal donnera une hémia-nopsie plus étendue mais qui restera plus dense en haut.• Le déficit du lobe pariétal est une hémianopsie latéralehomonyme quadrantique inférieure du côté opposé à lalésion. En effet, les fibres visuelles supérieures gagnentdirectement le lobe pariétal pour se placer à la partie supé-rieure des radiations optiques. Si le déficit est plus éten-due, plus ou moins congruent, il restera plus dense en infé-rieur. Le signe neurologique associé d’une grande valeurlocalisatrice est une asymétrie dans le nystagmus induit parle déplacement d’un stimulus dans la direction du lobepariétal lésé.• L’atteinte du lobe occipital est caractérisé par unecongruence maximale.Les particularités suivantes sont notées :– l’épargne maculaire et définie par la limite verticale del’hémianopsie qui ne passe pas strictement par le point defixation ;– les fibres monoculaires de la demi-lune se terminent surla partie la plus antérieure du cortex visuel. Elles corres-pondent à la périphérie extrême nasale de la rétine et doncà l’extrémité du champ visuel temporal. On peut donc avoirune atteinte isolée, unilatérale de la demi-lune opposée àla lésion. L’hémianopsie latérale homonyme provenantd’une atteinte du lobe occipital peut être plus ou moinsétendue, congruente avec épargne maculaire, parfois ellepeut être scotomateuse. Elle peut aussi être bilatérale avecépargne maculaire double.

2. Orientation étiologiqueLe type de déficit peut orienter : les déficits larges et densessont les plus souvent vasculaires. Les déficits plus discrets,scotomateux, parfois à pente douce, sont plus volontiersliés à une compression par une tumeur (méningiome de la

faux, métastases, glioblastome). Le contexte clinique gardeune importance capitale.• L’hémianopsie latérale isolée est presque toujours d’ori-gine vasculaire, 3 fois sur 4 ischémique et une fois sur 4hémorragique.• L’hémianopsie latérale homonyme accompagnéed’autres signes neurologiques peut être d’étiologie vas-culaire mais aussi tumorale. Le contexte neurologique varieselon la localisation et va des hallucinations visuelles etauditives des tumeurs temporales aux crises d’épilepsiesjacksoniennes des tumeurs pariétales. Les tumeurs occipi-tales peuvent s’accompagner d'hallucinations visuelles malfigurées et de troubles gnosiques. Les autres étiologies,traumatismes (en particulier occipitaux) ou malformationsvasculaires (angiome) sont plus rares. On trouve enfin deshémianopsies latérales homonymes, dans les affectionsneurologiques souvent dégénératives (sclérose en plaques,maladie de Schilder, leucodystrophie, démence sénile,encéphalite et leuco-encéphalite) où elles sont noyées dansun contexte neurologique complexe et (ou) peuvent êtrebilatérales et confinent alors à la cécité corticale. ■

Quadranopsie latérale homonyme supérieure droite : atteinte anse de Meyer (lobe temporal gauche).8

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• Une anomalie du champ visuel n’est jamaisanodine et est toujours révélatrice d’unepathologie sous-jacente.• Les déficits préchiasmatiques (nerf optique)intéressent surtout l’ophtalmologiste car ilspeuvent relever de la pathologie du glaucome.• Les déficits chiasmatiques et rétrochiasmatiquessont provoqués par des pathologies variées quiintéressent le neurologue, le neurochirurgien,l’endocrinologue, l’interniste…

Points Forts à retenir

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– uni- ou bilatérale ;– totale ou partielle ;– d’apparition brusque ou en quelques jours ouquelques semaines ;– régressive ou permanente ;

2. Circonstances de survenueLa recherche de notion de traumatisme (lieu, heure,accident du travail…) est importante.

3. Signes fonctionnels associésIls faut rechercher des :– rougeurs, douleur ;– myodésopsies, phosphènes (éclairs lumineux) ;– symptômes d’un syndrome maculaire : métamorpho-psies (vision déformée, ondulée), micropsie ;– signes fonctionnels généraux ;

4. Antécédents ophtalmologiquesIl convient de rechercher :– l’état de la vision antérieure, une notion d’amblyopie ;– si le patient a subi une chirurgie oculaire (cataracte,décollement de rétine…) ;– s’il existe des maladies oculaires et leur traitement.

5. Antécédents générauxCe sont :– l’âge, le traitement suivi ;– les antécédents médicaux et chirurgicaux ;– le diabète (rétinopathie et maculopathie diabétique) ;– les facteurs de risque vasculaire ;– les pathologies rhumatismales, l’immunodépression.Au décours d’un interrogatoire précis, un examen soi-gneux systématique est nécessaire.

Examen ophtalmologique

L’examen clinique comprend différents temps.

1. Mesure de l’acuité visuelleCette mesure s’effectue :– œil par œil (la mesure des 2 yeux est indispensable) ;– sans et avec correction portée ;– de loin (échelle de Monoyer) et de près (échelle deParinaud) ;

Orientation diagnostique

L’examen d’une baisse de l’acuité visuelle récente doitêtre méthodique.Il comprend un interrogatoire, un examen clinique et, enfonction des données recueillies, des examens complé-mentaires.

Interrogatoire

1. Caractères de la baisse de l’acuité visuelleLa baisse de l’acuité visuelle peut être :

Baisse récente de l’acuité visuelleOrientation diagnostique

DR Pierre LAURENT, PR Jean-François CHARLIN

Service d’ophtalmologie, CHRU Pontchaillou, 35000 Rennes.

• La baisse de l’acuité visuelle est un motif très fréquent de consultation en ophtalmologie.Toute baisse récente nécessite un examen spécialisé.

• L’œil est composé de différentes structures (cornée, chambre antérieure, iris, cristallin,vitré, rétine, nerf optique) dont le but est lavision nette. L’atteinte de n’importe quellestructure du globe peut entraîner une baisse de l’acuité visuelle, les lésions de plusieursstructures s’additionnant pour donner un déficit généralement important.

• Les circonstances d’apparition et le terrain sont des éléments essentiels pour orienter le diagnostic.

• L’examen clinique soigneux et méthodique permet le plus souvent de faire un diagnosticprécis. L’examen de l’œil adelphe permet d’apporter des éléments diagnostiques (rétinopathie diabétique, artériosclérose…). Les examens complémentaires adaptés permettent de localiser la ou les structuresatteintes.

• Nous distinguerons les baisses de l’acuité visuelle unilatérales sur œil blanc et sur œildouloureux, les baisses bilatérales et enfin les causes traumatiques de baisse récentes.

Points Forts à comprendre

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– pour les enfants, on utilise des échelles de lectureadaptées (Pigassou, Rossano).Après la mesure de l’acuité visuelle, on tente d’évaluerune amputation du champ visuel (CV) (comparaison auchamp visuel de l’examinateur).

2. Examen au biomicroscope (lampe à fente)Il permet l’étude anatomique du globe oculaire et de sesannexes :– examen palpébral (rechercher un corps étranger sous-palpébral) ;– conjonctive (hyperhémie, hémorragie, plaie) ;– cornée (kératite, ulcère, plaie, œdème, opacité) ;– chambre antérieure (Tyndall, hyphéma, profondeur) ;– iris (jeu pupillaire : réflexe photomoteur) ;– cristallin (cataracte, luxation…).On réalise une mesure du tonus oculaire (TO) : onrecherche une hypertonie (> 22 mmHg) ou une hypo-tonie relative par rapport à l’œil adelphe (décollementde rétine, traumatisme perforant).

3. Examen du segment postérieur :vitré, rétine (classique « fond d’œil »)Il est réalisé après dilatation pupillaire (Tropicamide,Néosynéphrine) sauf en cas de diagnostic de glaucomeaigu par fermeture de l’angle :– examen du vitré : Tyndall vitréen inflammatoire,Tyndall hématique, hémorragie dans le vitré ;– examen de la rétine : décollement de la rétine, hémor-ragies, lésions choriorétiniennes (toxoplasmose, cyto-mégalovirus…), œdème maculaire, œdème papillaire,occlusion vasculaire…L’examen clinique comparatif des deux yeux permet leplus souvent un diagnostic. Des examens complémen-taires sont cependant parfois nécessaires.

Examens complémentaires

Ils sont guidés par l’examen clinique.

1. Examen du champ visuelL’examen du champ visuel se fait :– par périmétrie cinétique de Goldmann ou périmétriestatique automatique ;– à la recherche d’un déficit hémianopsique, un sco-tome…;Cet examen a un intérêt particulier en cas de neuropa-thie, d’atteinte cérébrale,

2. Angiographie à la fluorescéineCet examen est capital en cas d’anomalie rétinienne vasculaire (diabète, occlusion…) ou maculopathie.Le risque allergique est à évaluer avant l’examen. Celui-ci permet la recherche d’anomalie circulatoire, anomaliede perfusion, diffusion anormale…

3. Échographie oculaire (mode B)En cas de trouble des milieux empêchant la visualisationdu fond d’œil, elle permet d’apprécier l’état du cristallin,du vitré, de la rétine.

4. Radiographies standard et tomodensitométrie (scanner)Elles peuvent être demandées, entre autres, en cas detraumatisme : lésion osseuse, corps étranger…

5. Électrophysiologie Les potentiels évoqués visuels (PEV) étudient laconduction au niveau des voies optiques. Ils sont parti-culièrement intéressants en cas de suspicion de névriteoptique rétrobulbaire (NORB), de lésions centrales.

6. Autres examens Doppler des vaisseaux du cou, imagerie par résonancemagnétique (IRM)… constituent les autres examens àréaliser en fonction du contexte.Au terme de l’ensemble des données recueillies par l’interrogatoire, l’examen clinique et les examens com-plémentaires, le diagnostic de la baisse de l’acuitévisuelle est le plus souvent connu.

Étiologie Les causes sont colligées dans le tableau.

Baisses de l’acuité visuelle unilatéralessur un œil blanc, non douloureuxLe segment antérieur est alors normal. Il s’agit d’unelésion située au niveau du vitré, de la rétine ou du nerfoptique.

1. Hémorragie intravitréenneLa baisse de l’acuité visuelle est provoquée par l’épan-chement sanguin développé dans la cavité vitréenne.Les signes fonctionnels sont variables : de simplesmouches volantes jusqu’à une baisse d’acuité importantelimitée à des perceptions lumineuses. Le patient peutdécrire une sensation de « pluie de suie ».L’œil est calme, non douloureux, non rouge.On recherche une pathologie rétinienne et en particulierune déchirure de la rétine qui peut alors se compliquerd’un décollement de rétine. L’hémorragie intravitréenne(HIV) peut également être secondaire à une rétinopathieproliférante liée à une ischémie rétinienne chronique ;on recherche un diabète, une occlusion de la veine cen-trale de la rétine, une maladie d’Eales et, plus rarement,une drépanocytose, une thalassémie, une vascularite.Enfin, plus rarement, les tumeurs, les angiomatoses, etcertaines hémopathies peuvent provoquer une hémorra-gie intravitréenne.En cas d’hémorragie importante, l’échographie en modeB permet de diagnostiquer un décollement du vitré ouun décollement de rétine.

2. Inflammation du vitré (hyalite)Il s’agit le plus souvent d’une réaction inflammatoiresecondaire à une pathologie infectieuse ou inflammatoirerétinienne (toxoplasmose…). La baisse de l’acuité visuelleest proportionnelle à l’importance du Tyndall vitréen.

Ophtalmologie

A 53

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L’artériosclérose est la cause principale de cette patho-logie. Les autres causes sont les syndromes d’hyper-viscosité plasmatique, les troubles de la crase sanguine,les pathologies des parois veineuses (lupus, Behçet).• Neuropathie optique ischémique antérieure aiguë :la baisse de l’acuité visuelle est brutale et souvent sévère.Elle est liée à l’atteinte des fibres visuelles détruites parl’ischémie (occlusion d’une artère ciliaire irriguant latête du nerf optique). Cliniquement, il existe une ampu-tation du champ visuel en secteur, le plus souvent altitu-dinal et intéressant une partie de l’aire maculaire.L’examen du fond d’œil met en évidence un œdèmepapillaire en secteur ou total, associé parfois à quelqueshémorragies en regard.La maladie de Horton doit être évoquée systématique-ment ; la vitesse de sédimentation est donc demandée enurgence, une corticothérapie est instaurée au moindredoute et une biopsie de l’artère temporale devra êtrefaite. En pratique, l’atteinte est souvent liée à un terrainvasculaire précaire (artériosclérose, hypertension arté-rielle, diabète) ; le bilan sera donc en conséquence.

4. Décollement de rétineIl correspond à un clivage entre l’épithélium pigmentairede la rétine (feuillet externe) et la rétine neuro-sensorielleou rétine visuelle (feuillet interne). Ce clivage est dû audéveloppement d’une poche liquidienne qui va s’étendreet entraîner, lorsqu’elle atteint la macula, une chute bru-tale de la vision. Le décollement de la rétine peut êtretotal. Le point de départ du décollement est un trou ouune déchirure de la rétine, plus rarement une zonemicrokystique ou une désinsertion rétinienne. Pour seréaliser, il nécessite obligatoirement un décollement aumoins partiel du vitré.Les signes fonctionnels sont des phosphènes (éclairs),des myodésopsies (mouches volantes), un voile noir(amputation progressive du champ visuel) et une baissede l’acuité visuelle quand la macula est soulevée.L’examen du fond d’œil fait le diagnostic.

3. Occlusions vasculaires• Oblitération de l’artère centrale de la rétine ou del’une de ses branches :classiquement, la baisse del’acuité visuelle est brutale et majeure, le patient pou-vant ne plus percevoir la lumière. L’œil est blanc, indo-lore. Le réflexe photomoteur est aboli. Le diagnostic estfait à l’examen du fond d’œil qui est caractéristique : lesartères sont grêles, filiformes, la rétine est pâle, isché-mique, œdématiée dans laquelle se détache la maculadont l’aspect rouge cerise est typique.L’angiographie montre un défaut de perfusion franc.La réalisation de la mesure de la vitesse de sédimenta-tion en urgence est nécessaire pour la recherche d’argu-ments en faveur d’une maladie de Horton ; le traitement(corticothérapie) doit alors être institué sans délai.Les autres causes sont : l’hypertension artérielle, le dia-bète, les embolies (plaque athéromateuse carotidienne,cardiopathies emboligènes) les thromboses (artéritesinflammatoires, artérites dégénératives : artériosclérose),les anomalies de la coagulation, les spasmes artériels.Le bilan est essentiellement à visée vasculaire.Le pronostic visuel est très sombre.• Oblitération de la veine centrale de la rétine ou del’une de ses branches :le patient décrit une baisse del’acuité visuelle rapidement progressive qui peut laisserune acuité visuelle résiduelle de quelques dixièmes.L’œil est également blanc et indolore.L’examen du fond d’œil montre des hémorragies réti-niennes allant jusqu’en périphérie rétinienne, des veinesdilatées et tortueuses, un œdème papillo-rétinien majeuret parfois des nodules cotonneux (forme ischémique).La forme œdémateuse est la plus fréquente. L’acuitévisuelle peut se maintenir à plusieurs dixièmes. Lerisque est l’évolution à la forme ischémique.La forme ischémique est beaucoup moins fréquente maisprésente un tableau plus grave avec baisse de l’acuitévisuelle sévère et pronostic sombre avec un risque important d’évolution vers un glaucome néovasculaire.

œil blanc non douloureux œil douloureux

Bilatérale Traumatique

❑ Hémorragie intra-vitréenne

❑ Hyalite

❑ Oblitération– artère centrale de la rétine– veine centrale de la rétine

❑ Neuropathie optique ischémique

❑ Décollement de la rétine

❑ Hémorragie maculaire

❑ Maculopathies

❑ Névrite optique rétrobulaire

❑ Glaucome aigu par fermeture de l’angle

❑ Uvéite antérieure

❑ Kératite

❑ Neuropathie optique

❑ Lésion– chiasmatique– rétrochiasmatique

❑ Cécité corticale

❑ Érosion cornéenne

❑ Corps étranger– cornéen– conjonctival

❑ Contusion

❑ Plaie performante

❑ Traumatisme du nerfoptique

❑ Brûlures

Baisse récente de l’acuité visuelle

TABLEAU

Unilatérale

Ophtalmologie

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La myopie, l’aphakie (absence de cristallin), la pseudo-phakie (cristallin artificiel après chirurgie de la cataracte)et les traumatismes oculaires sont les facteurs de risqueprincipaux.

5. Hémorragie maculaire compliquant une dégénérescence maculaire liée à l’âge)L’existence d’une membrane de néovaisseaux choroï-diens sous-rétiniens dans le cadre des dégénérescencesmaculaires liées à l’âge (DMLA), exsudatives, peut êtreà l’origine d’une hémorragie siégeant sous l’aire macu-laire. Cette hémorragie crée une baisse de l’acuitévisuelle importante surajoutée à une acuité visuelle sou-vent altérée par la maladie initiale.

6. MaculopathiesToute lésion atteignant la macula peut entraîner une baissede l’acuité visuelle (scotome central), des métamorpho-psies (déformation des objets). Ces lésions peuvent êtredégénératives (dégénérescence maculaire liée à l’âge),infectieuses (choriorétinite toxoplasmique, rétinite à cyto-mégalovirus), microvasculaires (diabète…), tumorales(mélanome choroïdien), traumatiques (cf. plus loin).La choriorétinopathie séreuse centrale est une bulle desoulèvement du neuroépithélium intéressant le plus sou-vent la région maculaire. L’évolution classique est laguérison spontanée en quelques semaines.L’examen du fond d’œil et les examens appropriés (dontl’angiographie à la fluorescéine) permettent le plus sou-vent le diagnostic.

7. Neuropathie optique rétrobulbaireLa baisse de l’acuité visuelle est rapide, associée à unscotome central. L’examen clinique est « normal » (œilblanc, non douloureux, fond d’œil normal). L’étude despotentiels évoqués visuels (PEV) montre une altérationde la conduction au niveau des voies optiques. Une douleur à la mobilisation du globe signe le caractè-re inflammatoire de l’atteinte.L’étiologie est dominée par la sclérose en plaques chezl’adulte jeune et par l’intoxication alcoolo-tabagique.

Baisses de l’acuité visuelle unilatéralessur un œil douloureux

1. Glaucome aigu par fermeture de l’angle Il s’agit d’un phénomène brutal consécutif au blocagede la circulation de l’humeur aqueuse depuis la chambrepostérieure vers la chambre antérieure. L’accolemententre la face postérieure de l’iris et la face antérieure ducristallin bloque l’humeur aqueuse dans la chambre pos-térieure ce qui entraîne un déplacement antérieur de laracine de l’iris et une fermeture de l’angle irido-cornéen.La crise de glaucome aigu par fermeture de l’angle(GFA) survient sur un œil anatomiquement prédisposé(hypermétrope).Les signes cliniques sont une baisse de l’acuité visuelle,des douleurs très intenses, une buée de cornée, une

semi-mydriase aréflexique, une rougeur oculaire (cerclepérikératique) et une hypertonie oculaire majeure (40, 50 voire 60 mmHg).C’est une urgence ophtalmologique : un traitementhypotonisant par voie générale – acétazolamide(Diamox), mannitol – et local (hypotonisant, myotique)ainsi que des antalgiques sont prescrits avant la réalisa-tion d’une iridotomie au laser YAG (ou d’une iridecto-mie chirurgicale si le laser est impossible).Le traitement préventif de l’œil adelphe est systéma-tique (iridotomie).

2. Uvéite antérieureC’est une inflammation de l’une ou des différentes com-posantes de l’uvée antérieure : l’iris (iritis), le corpsciliaire (cyclite) ou l’ensemble (iridocyclite). L’œil estrouge et douloureux, la baisse de l’acuité visuelle estd’intensité variable associée à une photophobie et unlarmoiement. Les signes sont une hyperhémie conjoncti-vale et irienne, un Tyndall de l’humeur aqueuse, des pré-cipités rétrodescemétiques, une pupille en myosis. Onpeut parfois observer un hypopyon. Les complicationssont l’apparition de synéchies irido-cristalliniennes, unehypertonie oculaire, une cataracte.Les principales causes sont les spondylarthropathies, lesmaladies de système (sarcoïdose, lupus), les maladiesinfectieuses – herpès, virus varicelle-zona (VZV),syphilis –, la maladie de Behçet, la cyclite hétérochro-mique de Fuchs.Le bilan minimal comprend : numération formule san-guine (NFS), vitesse de sédimentation (VS), plaquettes,sérologie syphilitique, typage HLA (human leucocyteantigen), radiographie de thorax, dosage de l’enzyme deconversion de l’angiotensinogène (ECA), intradermo-réaction (IDR) à la tuberculine.

3. Kératite• Les kératites aiguës superficiellessont à l’origine dedouleurs, photophobie, larmoiement et baisse de l’acuitévisuelle d’intensité variable. L’examen montre des alté-rations superficielles de la cornée (test à la fluorescéineen lumière bleu). Contrairement à la crise de glaucomeaigu par fermeture de l’angle, la cornée reste claire, leréflexe photomoteur est conservé.En dehors des kératites traumatiques très fréquentes,l’étiologie est dominée par les atteintes virales et en par-ticulier l’herpès (kératite dendritique caractéristique),l’adénovirus (kératoconjonctivite).• Les kératites stromales (disciformes et interstitielles)sont souvent d’origine herpétique.

Baisses de l’acuité bilatérales

1. Neuropathie optiqueQue la cause soit vasculaire, tumorale, toxique ouinflammatoire, l’atteinte bilatérale simultanée des deuxnerfs optiques est rare. On doit rechercher particulière-ment une cause toxique (intoxication alcoolo-tabagique).

B A I S S E R É C E N T E D E L ’ A C U I T É V I S U E L L E

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le corps étranger éventuel. On s’aidera facilementd’examen d’imagerie comme les radiographies standarddes orbites (pour les corps étrangers radio-opaques) ou,mieux, le scanner orbitaire.La prise en charge doit être réalisée en milieu spécialisé.• Traumatismes du nerf optique,rares mais souventtrès graves : avulsion ou arrachement du nerf optique(NO), compression de celui-ci (œdème, hématome,fragment osseux), sidération.

3. Projections oculaires et brûlures• Les brûlures chimiquespar bases sont les plusgraves ; leur pronostic peut être redoutable, les consé-quences pouvant aller jusqu’à la fonte purulente duglobe. Les brûlures par acide entraînent une nécrosebrutale de l’épithélium cornéen qui empêche générale-ment la pénétration plus en avant du produit.Le rinçage abondant est le geste le plus urgent à réalisersur les lieux même de l’accident.• Les brûlures thermiques par flamme ou par contact(cigarette, métal en fusion) sont responsables d’atteintesgénéralement superficielles.• Les brûlures par radiation :« ophtalmie des neiges »par les ultraviolets et « coup d’arc ». L’atteinte est égale-ment superficielle. La récupération de l’acuité visuelleest parallèle à la disparition des douleurs lors de la cica-trisation épithéliale. ■

2. Lésions chiasmatiquesUne compression tumorale, une pathologie vasculaireanévrismale ou encore un traumatisme peuvent être àl’origine d’une lésion du chiasma responsable d’unehémianopsie bitemporale avec baisse d’acuité visuelle.Le scanner crânien voire l’imagerie par résonancemagnétique est utile au diagnostic précis de la lésion.

3. Lésions rétrochiasmatiquesLe déficit du champ visuel associé à la baisse de l’acuitévisuelle est de type hémianopsie latérale homonyme.Les causes vasculaires sont les plus fréquentes. Le scan-ner crânien est également nécessaire.

4. Cécité corticaleC’est une atteinte exceptionnelle.

Baisses de l’acuité visuelle post-traumatiques

Tous les traumatismes oculaires peuvent engendrer unebaisse de l’acuité visuelle d’importance variable. Lepronostic toujours réservé initialement est fonction de lastructure oculaire lésée. Ici, le contexte de la baisse de l’acuité visuelle est évi-dent. L’examen clinique s’attache à faire le bilan le plusprécis des lésions oculaires.

1. Traumatismes bénins• Érosion cornéenne post-traumatique :elle peut êtreprovoquée par une branche d’arbre, un coup d’ongle. Lalésion est superficielle. Le test à la fluorescéine permetde visualiser l’irritation épithéliale ; le traitement estsymptomatique.• Corps étranger conjonctival ou cornéen :l’ablationsoigneuse, sous anesthésie topique, du corps étrangerrepéré au biomicroscope permet de traiter le patient. Il faut savoir rechercher systématiquement un corpsétranger sous-palpébral.

2. Traumatismes graves• Traumatismes non perforants ou contusions, trèsfréquents : balle de tennis, bouchons de champagne,coup de poing…Le traumatisme peut intéresser :– le segment antérieur : ulcération de cornée, œdème decornée, hyphéma (épanchement sanguin dans lachambre antérieure), iridodialyse (désinsertion de laracine de l’iris), luxation du cristallin, hypertonie ocu-laire ;– le segment postérieur : hémorragie dans le vitré,hémorragie rétinienne, œdème rétinien (œdème deBerlin lorsqu’il intéresse la macula), décollement derétine, hématome choroïdien.• Traumatismes perforants :une plaie du globe avecou sans corps étranger intra-oculaire doit être systémati-quement évoquée devant tout traumatisé oculaire.On recherche : une hypotonie oculaire, une plaie des différentes structures (cornée, iris, cristallin, sclère),

• Les baisses de l’acuité visuelle récentes sont fréquentes et génératrices d’inquiétudepour le patient.

• Elles peuvent être la première manifestation clinique d’une maladie générale (artériosclérose,maladie de système…).

• Leur prise en charge nécessite un examen rapideen milieu spécialisé.

• Certaines pathologies doivent être particulièrement reconnues car un traitementretardé peut engager le pronostic visuel à longterme ; ce sont : le glaucome aigu, les uvéites,les rétinites infectieuses, les occlusions vasculaires et les traumatismes oculaires.

• Devant tout traumatisme oculaire, on doit évoquer une plaie avec ou sans corps étrangerintra-oculaire.

Points Forts à retenir

Votan P, Lachkar Y. Guide pratique d’ophtalmologie. Paris : Éditions Vernazobres-Greco.Pathologie de la rétine. Monographie. Rev Prat (Paris) 1996 ; 46 :1706-64.Becquet F, Binaghi M. Traumatisme oculaire récent. Rev Prat(Paris) 1991 ; 41 : 853-6.Toulemont PJ, Catros A. Baisse récente de l’acuité visuelle. RevPrat (Paris) 1993 ; 43 : 350-8.

POUR EN SAVOIR PLUS

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Ophtalmologie

B 215

Le cristallin est la lentille suspendue, entre la face posté-rieure de l’iris en avant et la surface antérieure du vitré enarrière, par les filaments du système zonulaire, qui le rat-tache aux procès ciliaires en périphérie.

CataracteÉtiologie, diagnostic, principes du traitement

Dr Alain ABENHAÏM, Dr Michaël ASSOULINE

Service d’ophtalmologie, Hôtel-Dieu de Paris, 75181 Paris cedex 04

• La cataracte est l’opacification du cristallinresponsable d’une baisse de la vision. Le diagnostic de la cataracte est clinique.Son traitement est chirurgical.• L’indication opératoire est fondée sur le retentissement fonctionnel des opacitéscristalliniennes, compte tenu des besoins visuels du sujet.• Parfois, l’opération peut être également motivéepar la nécessité d’un traitement adapté du segment postérieur (photocoagulation d’une rétinopathie diabétique préproliférante,bilan et photocoagulation de lésions de dégénérescence maculaire liées à l’âge, pelage d’une membrane épirétinienne).

Points Forts à comprendre ment, le nombre d’opérations de cataracte est estimé glo-balement a 280 000 par an en France avec une augmenta-tion annuelle de 5 % depuis 1996, et de 10 % de 1990 (180000) à 1995. À titre de comparaison, les phacoexerèsessont de l'ordre de 350 000 en Allemagne, de 1,5 à 1,7 mil-lion en Europe, de 1,2 million aux États-Unis (en faibleprogression du fait de la modification du remboursementde la procédure par les caisses du système Medicare), etde 3,5 millions dans le monde.L’appréciation du retentissement fonctionnel d’une cata-racte est exclusivement clinique. Les examens complé-mentaires sont utiles pour préciser d’éventuelles lésionsassociées et pour déterminer la puissance de l’implantintraoculaire.

Étiologie

PhysiopathologieLe cristallin est un organe encapsulé, composé d’un épithéliumcuboïde antérieur qui se différencie dans la région équatoriale et par-ticipe au cours de la croissance à la formation de couches concen-triques de fibres, aboutissement de la différenciation terminale descellules épithéliales (perte du métabolisme aérobie). Le noyaucontient les fibres les plus anciennes, sans activité métabolique. Lecortex, formé des fibres les plus jeunes, est le siège d’une activitémétabolique intense contribuant au transport actif de cations au tra-vers de l’épithélium antérieur. La perturbation de cette activité contri-bue à perturber l’homéostasie cristallinienne et s’accompagne demodifications cytoarchitecturales et biochimiques, entraînant l’opa-cification progressive et irréversible (sauf rares exceptions) du cris-tallin. Dans les cataractes corticales, l’accumulation de liquide hypo-oncotique dans les espaces intercellulaires, d’indice de réfractioninférieur à celui des cellules, occasionne la formation de zones focalesde diffraction. Dans les cataractes nucléaires, la dispersion de lalumière est principalement causée par la formation d’agrégats pro-téiques de très grande taille (> 5 mégadaltons).

1. Facteurs de risques systémiques Le diabète est la principale affection associée à la forma-tion d’une cataracte précoce, parfois réversible initiale-ment, typiquement sous la forme d’une opacification sous-capsulaire postérieure, gênant rapidement la vision de prèset la visualisation du fond d’œil.D’autre causes systémiques peuvent contribuer à la for-mation d’une cataracte, et en particulier la corticothérapieprolongée, la pseudohypoparathyroïdie, l’hypocalcémie,les aminoaciduries, l’exposition aux radiations ultravio-lettes, infrarouges (souffleur de verre, hauts fourneaux,boulangers) ou aux radiations X. Les électrocutions sontégalement des facteurs de risque.

Le cristallin assure environ un tiers du pouvoir réfractif de l’œil, lesdeux tiers restant étant assurés par la face antérieure de la cornée. Lecristallin permet donc la convergence des rayons lumineux issus del’horizon permettant la focalisation de l’image de l’infini sur la rétine(sujet normal emmétrope), ou parfois en avant de la rétine (sujetmyope) ou en arrière (sujet hypermétrope). Le cristallin assure éga-lement la totalité du pouvoir accommodatif de l’œil (modification depuissance optique permettant la focalisation en vision de près). Laperte progressive de la souplesse cristallinienne et de l’accommoda-tion à partir de 40 ans est la cause de la presbytie.

La cataracte est l’opacification du cristallin s’accompa-gnant, du fait du siège axial ou de la taille des modifica-tions de transparence, d’un retentissement visuel signifi-catif. C’est donc une affection d’étiologie variable,survenant en règle du fait du vieillissement tissulaire phy-siologique ou de stress pathologiques. Il n’existe pas actuellement de traitement médical ayantfait la preuve de son efficacité pour ralentir ou prévenirl’apparition et l’évolution de la cataracte. Le traitementchirurgical est le seul recours en cas de retentissement fonc-tionnel de l’opacification cristallinienne.Plus de 95 % des sujets de plus de 65 ans présentent à undegré divers une opacification cristallinienne. Actuelle-

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C A T A R A C T E

2. Facteurs de risques oculairesL’inflammation oculaire (uvéite et notamment l’hétéro-chromie irienne de Fuchs), la pseudo-exfoliation capsu-laire, la myopie forte, les traumatismes oculaires (contu-sion, plaie, électrocution, corps étrangers intraoculairesmétalliques de fer ou de cuivre), l’utilisation de tampon-nement par huile de silicone ou par gaz en chirurgie vitréo-rétinienne, ainsi que les tumeurs intraoculaires (méla-nomes, rétinoblastomes, métastases) sont les principalescauses locales retrouvées dans les cataractes secondaires.

3. Facteurs de risque génétiques ou néonatals• Avec cristallin en place : diverses affections métabo-liques ou néonatales favorisent la survenue d’une cataractechez l’enfant ou l’adulte jeune. On peut citer notammentla galactosémie, les déficits en galactokinase, l’hypogly-cémie néonatale, le syndrome oculo-cérébro-rénal de Lowe(maladie des sclères bleues), la dystrophie myotonique deSteinert, l’ichtyose congénitale, le syndrome de Rothmundet la rubéole congénitale.• Avec subluxation du cristallin : dans le syndrome deMarfan, l’homocystinurie, ou le syndrome de Weil Mar-chesani, la cataracte survient sur un cristallin déplacé dufait d’une laxité zonulaire anormale.

Diagnostic

Signes fonctionnels

1. Baisse de l’acuité visuelleLa baisse progressive de la vision corrigée de loin est lemotif de consultation le plus fréquent amenant à la consta-tation d'une cataracte liée à l’âge. Il s’agit en règle géné-rale d’une cataracte nucléaire. Plus rarement il peut s’agird’une perte fonctionnelle prédominant en vision de près, àla lecture ou la couture, souvent associée à une photopho-bie et à des éblouissement fréquents, évoquant une cata-racte sous-capsulaire postérieure.Dans les formes débutantes modérées, la baisse de la sen-sibilité aux contrastes, se traduisant par une gêne visuelleen vision crépusculaire (basses luminances ou « vision sco-topique ») peut être manifeste en l’absence de réductionavérée de l’acuité visuelle dans les conditions de l’examenstandard (haut contraste, forte luminance). Souvent, cesformes nucléaires s’accompagnent d’une myopie « d’in-dice » par modification du pouvoir réfractif cristallinien.Une correction optique adaptée permet dans ces cas d’amé-liorer transitoirement la vision en attendant l’intervention.Certaines formes unilatérales obturantes sont parfoisdécouvertes de façon fortuite, en l’absence de gêne visuellebinoculaire, et peuvent sembler être d’apparition récente,alors qu’elles sont le plus souvent anciennes.

D’autres symptômes peuvent êtreassociés à la perte fonctionnelle visuelleprogressiveNotamment la photophobie (gêne à la lumière), la perte dela résistance normale à l’éblouissement (augmentation du

délai de récupération visuelle après éblouissement), ladiplopie monoculaire (impression de vision dédoublée per-sistant à l’occlusion d’un des deux yeux), ou encore lamodification de la perception de certaines couleurs (effetde jaunissement).Le clinicien doit être particulièrement attentif lors de l’in-terrogatoire au dépistage de symptômes pouvant faire évo-quer une pathologie oculaire distincte de la cataracte etpouvant grever le pronostic fonctionnel d’une interventionéventuelle. La déformation des images, à type d’ondulation ou d’in-terruption des lignes droites verticales ou horizontales(métamorphopsies) témoignent en particulier d’une atteinterétinienne centrale (dégénérescence liée à l’âge) retentis-sant de façon souvent irréversible sur la vision de près (lec-ture notamment).De même, une réduction du champ visuel périphérique ouparacentral, précisé par le relevé manuel (Goldman) ouautomatisé (Octopus, Humphrey) des champs visuels, doitalerter le praticien de l’éventualité d’un glaucome associé,et d’une limitation potentielle de la récupération fonction-nelle.

Signes d’examen

1. Examen non biomicroscopiqueLa pupille blanche (leucocorie) s’observe dans les cata-ractes congénitales de l’enfant, dans les cataractes post-traumatiques aiguës de l’adulte jeune et dans les cataracteshypermures du sujet âgé.L’examen de la lueur pupillaire à l’ophtalmoscope directréglé sur + 3 ou + 4 dioptries à 20-25 cm de distance estune méthode extrêmement sensible de dépistage des opa-cités, apparaissant en sombre sur fond orange. Ces opa-cités s’élèvent lors du regard vers le haut si elle sont situéesdans la partie antérieure du cristallin, et s’abaissent dansle cas contraire.

2. Examen biomicroscopique

L’examen biomicroscopique du cristallin à la lampe à fenteest le temps essentiel du diagnostic et se pratique après dila-tation pupillaire par tropicamide ou cyclopentholate, aprèsélimination du risque de glaucome aigu par fermeture d’unangle irido-cornéen étroit. Cet examen permet de préciserle siège et l’importance des opacités, sans pour autant per-mettre d’établir une corrélation avec leur retentissementéventuel sur la fonction visuelle.Les caractéristiques morphologiques et le siège des opaci-tés permettent de classifier anatomiquement les formescliniques de cataracte. De la périphérie vers le centre, ondistingue les cataractes sous-capsulaires (antérieures et pos-térieures), corticales (antérieures, postérieures, équato-riales), et nucléaires (séniles, fœtales et embryonnaires).En fonction de la forme, on décrit également les cataractepolaires, en cupule (sous-capsulaire postérieure), stellaires(corticale antérieure), en cavaliers (équatoriales), et zonu-laire (corticale en ceinture).Le siège et l’orientation se dirigent vers la cause. Les cata-ractes cortico-nucléaires sont souvent liées à l’âge, les cata-

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Ophtalmologie

ractes stellaires et polaires antérieures post-traumatiques,les cataractes en cupule sous-capsulaire postérieure méta-boliques (diabète, corticothérapie, uvéite) etc. Ces formessont associées de façon variable avec, dans les formes lesplus évoluées, une opacification complète du cristallin(cataracte blanche totale).Le chirurgien cherche par l’examen biomicroscopique àpréciser les facteurs de difficulté chirurgicale. La qualité

de la dilatation pupillaire est le principal facteur de com-plication peropératoire. Une dilatation médiocre (diamètreinférieur à 5 mm du fait d’un diabète, d’une fibrose dusphincter irien après traitement antiglaucomateux par myo-tiques au long cours, ou d’une pseudo-exfoliation capsu-laire) ou irrégulière (synéchies irido-cristallinienne post-uvéitique) peut gêner sérieusement la visualisationperopératoire. L’intégrité du système suspenseur ligamen-taire zonulaire doit être appréciée par l’examen de la mobi-lité du cristallin en observation de face ou en gonioscopielors des mouvements d’excursion rapide du globe. Unelésion dégénérative (myopie forte, âge extrême, pseudo-exfoliation capsulaire) ou post-traumatique (contusion,plaie ou chirurgie du globe) de la zonule prédispose en per-opératoire aux subluxations du cristallin (distension ou rup-ture zonulaire, rupture capsulaire postérieure, issue de vitré,luxation de fragments cristalliniens dans le segment pos-térieur).La dureté du cristallin est devenue un facteur déterminantde la difficulté de la procédure chirurgicale fondée surl’émulsification du noyau par les ultrasons. Le reflet ambré,et l’absorption importante du faisceau lumineux bleu cobaltde la lampe à fente sont caractéristiques des noyaux plusdurs.L’examen préopératoire détermine en outre les autres fac-teurs pronostiques d’une intervention. L’aspect de l’endothélium cornéen à fort grossissement enillumination à 45° (observation « spéculaire »), permet dedépister les lésions de cornea guttata, prédisposant à ladécompensation œdémateuse de la cornée en cas de trau-matisme opératoire (intervention prolongée, noyau dur) oupostopératoire (hypertonie et inflammation) significatif. L’examen du fond d’œil, souvent difficile du fait des opa-cités cristalliniennes, s’assure de l’absence d’une patho-logie significative du pôle postérieur (dégénérescencemaculaire, atrophie du nerf optique ) ou de la périphérie,et en particulier des lésions rhegmatogènes pouvant favo-riser la survenue d’un décollement de rétine en postopéra-toire (dégénérescence palissadique, déchirures et trous réti-niens, notamment chez le myope, ou le sujet victime d’untraumatisme oculaire).

1d

1c1b1a

Type sémiologique de cataractes à l’examen biomicroscopique :1a : Cataracte sous-capsulaire postérieure débutante (« psc cat »)1b : Cataracte polaire antérieure (anterior polar cat)1c : Cataracte corticale zonulaire (« Chotard »)1d : Cataracte cortico-nucléaire liée à l’âge (« Saux »)

Méthode chirurgicale.Séquence chirurgicale (de gauche à droite, de haut en bas) (Des-sin laboratoire Alcon) :- capsulorhexis sous substance viscoélastique de haute visco-sité- phacoémulsification ultrasonique- pliage de l’implant acrylique hydrophobe à anses rapporté enPMMA- mise en tension du sac capsulaire par substance viscoélastiquede faible viscosité- insertion de l’implant dans le sac capsulaire- ablation de la substance viscoélastique

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C A T A R A C T E

Examens complémentairesLes conférences de consensus récentes ont permis de limi-ter les examens complémentaires pratiqués en routine dansle bilan d’une cataracte liée à l’âge.• L’échobiométrie ultrasonique est indiquée dans tous lescas pour déterminer la longueur axiale de l’œil et le calculde l’implant. Cet examen se pratique en mode A unidi-mensionnel lorsque le segment postérieur de l’œil est cor-rectement analysable par l’ophtalmoscopie directe ou indi-recte. Lorsque la visualisation du fond d’œil est incomplètedu fait des opacités cristalliniennes, une exploration enmode B bidimensionnel, permet d’étudier l’état du vitré(décollement postérieur du vitré, tractions vitréo-réti-niennes), de la rétine centrale (altérations maculaires) etpériphérique (déchirures favorisant un décollement derétine), ainsi que du nerf optique (excavation pathologique).L’échobiométrie en mode B permet également d’affiner laprécision de la mesure de la longueur axiale du globe, dela profondeur de la chambre antérieure et de l’épaisseur ducristallin en cas d’anomalie de forme du globe (forte myo-pie avec staphylome, affection maculaire). • La kératométrie,réalisée à l’ophtalmomètre de Javal ouau kératomètre digitalisé, permet de mesurer les rayons decourbure de la cornée. Dans le cas de cornées irrégulières(pathologiques ou après intervention correctrice de la myo-pie), cette mesure est réalisée au mieux par vidéokérato-scopie informatisée.L’échobiométrie et la kératométrie fournissent les paramètresde calcul nécessaires à la détermination de la puissance del’implant intraoculaire. La méthode de calcul utilise des for-mules de régression, adaptées en fonction de la longueur del’œil et du modèle d’implant utilisé. Des formules théo-riques sont également utiles dans le cas des longueurs axialeshors normes (fortes hypermétropies notamment). La puis-sance moyenne est de 22 dioptries pour un œil de longueuret de kératométrie normales. Un implant de puissance légè-rement supérieure à la normale calculée pour le sujet per-met d’obtenir une myopie postopératoire autorisant une cer-taine autonomie en vision de près non corrigée, au détrimentcependant de la vision non corrigée de loin. • L’examen de l’endothélium cornéen en microscopie spé-culaire n’est indiqué qu’en cas de signe d’appel cliniqueorientant vers une insuffisance endothéliale (antécédentsoculaires traumatiques, glaucomateux, inflammatoires ouchirurgicaux, augmentation de l’épaisseur cornéenne etagrandissement cellulaire endothélial à la lampe à fente,notion d’un flou visuel matinal). Le comptage cellulairepermet la détermination de la densité endothéliale. En deçàde 800 cellules par mm2, il est raisonnable de discuter l’in-dication d’une greffe de cornée associée à la chirurgie dela cataracte, car le risque de décompensation endothélialeœdémateuse postopératoire devient significatif.• L’examen du champ visuel et l’angiographie en fluores-cencesont également indiqués en cas de discordance entrel’importance clinique de la cataracte et le retentissementvisuel. Chez le sujet glaucomateux, ou en cas d’anomaliepapillaire visible, ou d’antécédents d’accident vasculaire, ledépistage préopératoire d’anomalies campimétriques per-

met d’éviter des déconvenues postopératoires sérieuses encas de non-récupération visuelle, sans véritablement modi-fier le pronostic le plus souvent. Par contre, chez le sujet pré-sentant une dégénérescence maculaire associée, ou une réti-nopathie diabétique, il est important de dépister les formesd’œdème maculaire susceptibles d’être aggravées de façonirréversible par une intervention chirurgicale endoculaireinopportune. La chirurgie est alors reportée de quelquesmois pour permettre la prise en charge thérapeutique de l’oedème maculaire, le plus souvent par réalisation d’unephotocoagulation au laser adaptée, lorsque la transparencecristallinienne le permet.

Traitement1. Traitements médicaux : principes et limitations• La dilatation pupillaire,par la prescription de mydria-tiques (tropicamide 1 % ou cyclopentolate 1 %), permetd’améliorer transitoirement la vision en cas d’opacitésaxiales de petite taille.. Chez le sujet diabétique, il n’existe pas actuellement deconfirmation que l’équilibre glycémique plus ou moinsstrict puisse influencer le développement d’une cataracte.Des essais cliniques sont en cours pour déterminer le béné-fice thérapeutique préventif éventuel des inhibiteurs de l’al-dose réductase, systémiques ou topiques. Ce traitementbloque la conversion du glucose en sorbitol et limite lestress osmotique de l’accumulation intracellulaire du sor-bitol, observée dans le diabète et la galactosémie.• La prévention des cataractes iatrogéniquesrepose surune limitation aussi drastique que possible, en posologieet surtout en durée des traitements connus comme cata-ractogènes. La corticothérapie topique ou systémique pro-longée (traitement de l’asthme au long cours par exempleou de la conjonctivite allergique) doit être utilisée de façonprudente et conservatrice. Il est utile de prévoir si néces-saire un bilan ophtalmologique régulier. Il en est de mêmede la radiothérapie, pour laquelle le cristallin doit autantque possible faire l’objet d’une protection spécifique.

2.Traitement chirurgical• L’indication chirurgicale est fondée avant tout sur la gênefonctionnelle ressentie par le patient, en fonction de la limi-tation subjective de sa fonction visuelle et de ses besoinssocioprofessionnels (conduite, travail de précision, visionstéréoscopique, etc.).• Les objectifs thérapeutiquesde la chirurgie sont la sup-pression des opacités cristalliniennes par la phacoexérèse,la prévention de la cataracte secondaire, la correction del’aphakie par l’implantation intraoculaire et l’obtentiond’une réfraction postopératoire optimale (correction desmyopies fortes, des astigmatismes et des hypermétropiespréexistantes). • La préparation opératoire comporte essentiellement unedilatation pupillaire par association de tropicamide 1 % ,de néosynéphrine 10 % et indométacine 0,1 % solution.Ce dernier produit, anti-inflammatoire non stéroïdientopique, contribue au maintien de la mydriase lors de l’ef-fraction peropératoire de la barrière hémato-oculaire. L’ar-

tats par les chirurgiens plus âgés et dansles pays en voie de développement. – La technique de phacoémulsificationpar incision cornéenne ou sclérocor-néenne tunnellisée a supplanté l’extrac-tion extracapsulaire manuelle dans laplupart des pays industrialisés. Cetteméthode permet de réaliser l’émulsifi-cation du cristallin à l’intérieur du saccapsulaire par une voie d’abord auto-étanche de 3,2 mm, à globe « fermé ».L’incision est réalisée en deux ou troisplans à l’aide d’un kératome calibréjetable ou à lame diamant, afin de formerune valve à clapet interne s’obturant sousl’effet de la pression intraoculaire. Le sitede l’incision peut être choisi pour corri-ger partiellement l’astigmatisme cornéenpréopératoire afin de réduire la dépen-dance vis-à-vis d’une correction optiquepostopératoire. Une substance visco-

élastique transparente, dérivée du hyaluronate de sodiumanimal (crêtes de coqs) ou biosynthétique (fermentationstreptococcique) est injectée dans la chambre antérieure, afinde maintenir les volumes endoculaires et de manipuler defaçon atraumatique les tissus les plus fragiles (capsule cris-tallinienne, iris). La capsule antérieure du cristallin est dis-séquée de façon curvilinéaire continue (capsulorhexis) afinde créer une ouverture centrale circulaire de 6 mm de dia-mètre particulièrement résistante à la distension. Le tissuintracristallinien est clivé par hydrodissection lamellaire etdétaché de la capsule. On utilise ensuite une sonde de titanevibrant à très haute fréquence. La propagation des ultrasonsgénérés par l’extrémité de la sonde s’accompagne d’une ondede chocs capable de fragmenter les noyaux les plus durs,dont les débris sont évacués par un flux continu d’irrigation-aspiration mécanisé coaxial. Le cortex est pelé et évacuépar irrigation/aspiration et la capsule cristallinienne anté-rieure résiduelle ainsi que la capsule postérieure sont poliessoigneusement afin de limiter la prolifération cellulaire équa-toriale et la survenue d’une cataracte secondaire.• L’implant intraoculaire, formé d’une optique centrale de5 à 7 mm de diamètre et d’haptiques périphériques, estplacé dans le sac capsulaire. Il peut s’agir soit d’un implanten plexiglas (polyméthylmétacrylate ou PMMA ou Pers-pex CQ) monobloc nécessitant un élargissement de l’inci-sion suivi d’une suture au monofilament Nylon 10/0, soit,de plus en plus, d’un implant souple, présentant les mêmescaractéristiques géométriques, mais dont le matériau (sili-cone ou acrylique hydrophile ou hydrophobe) permet lepliage et l’insertion ou l’injection par l’incision d’origine.L’intervention est donc à présent bien codifiée et d’ap-prentissage relativement rapide pour un chirurgien entraîné.Elle présente des avantages indéniables en termes de sécu-rité peropératoire (élimination du risque d’hémorragie cho-roïdienne expulsive, limitation de l’issue vitréenne et durisque rétinien en cas de rupture capsulaire postérieure) etde rapidité de la réhabilitation fonctionnelle postopératoire(peu ou pas d’astigmatisme induit, récupération d’une

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Ophtalmologie

rêt des antiagrégeants et anticoagulants est de règle si uneanesthésie locale injectable est prévue, afin de prévenir lerisque d’hématome rétrobulbaire ou d’hémorragie endo-culaire. Un relais par héparine de bas poids moléculairepeut être envisagé de façon transitoire si nécessaire. Unesédation légère peut être également administrée.• L’anesthésiepeut être pratiquée selon différents modesen fonction de l’expérience du chirurgien, de la difficultéopératoire prévisible, et de la préférence du patient.L’anesthésie générale, entraîne un risque de morbidité etde mortalité non négligeable chez les sujets âgés candidatsà l’intervention, et doit être réservée à des cas exception-nels, dans lesquels le contexte systémique s’oppose à laréalisation d’une anesthésie locale (enfant et adolescent,sujet psychiatrique, etc.). La difficulté opératoire ou lerisque chirurgical (patient monophtalme) ne sont pasinfluencés de façon significative par le caractère systémiqueou local de l’anesthésie et ne constituent donc pas des indi-cations à l’anesthésie générale.L’anesthésie locale, éventuellement potentialisée par narco-analgésie, se pratique actuellement par injection péribul-baire ou sous-ténonienne directe d’un mélange de 4 à 12mL de lidocaïne 2 % et de marcaïne 0,75 %, additionnéde hyaluronidase. Cette méthode permet l’obtention d’unebonne analgésie et d’une akinésie palpébrale et oculairedans plus de 85 % des cas.• Les techniques chirurgicalesont considérablement évo-lué au cours des dernières années grâce à la microscopieopératoire et à la mécanisation de la procédure.– La méthode d’extraction intracapsulaire (ablation du cris-tallin in toto par une incision limbique de 12 mm de longueurau moyen d’une cryode) n’est à présent indiquée que dansles cas de subluxation marquée (rupture zonulaire sur plus de180°).– L’extraction extracapsulaire manuelle (dissection de lacapsule antérieure et ablation du noyau puis du cortex cris-tallinien par une incision limbique de 7 à 10 mm de long)reste encore largement pratiquée, et avec d’excellents résul-

Aspect postopératoire (Clichés Dr Assouline - Nathaly Martin)3a : Aspect postopératoire à J1 : implant rigide monobloc de PMMA de 6 mm d’op-tique, inséré par tunnel sclérocornéen supérieur de 6 mm (suture Nylon 10/0). Noterla parfaite congruence de l’ouverture capsulaire antérieure circulaire et du bord del’optique.3b : Aspect postopératoire à J1 : implant souple de silicone à anses PMMA rappor-tées de 6 mm d’optique, inséré par un tunnel cornéen temporal de 3,2 mm (non suturé).Noter le recouvrement régulier de l’optique par le bord capsulaire antérieur ainsi quele pli capsulaire postérieur oblique au centre de la pupille attestant du siège endo-capsulaire de l’implant.

3a 3b

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• Les objectifs thérapeutiques de la chirurgie sont la suppression des opacités cristalliniennes par la phacoexérèse, la prévention de la cataractesecondaire (opacification de la capsule du cristallin), la correction de l’aphakie parl’implantation intraoculaire et l’obtention d’une réfraction postopératoire optimale(correction des myopies fortes, des astigmatismes et des hypermétropies préexistantes).• L’intervention se pratique actuellement parphacoémulsification aux ultrasons, sous anesthésielocale par injection péribulbaire ou sous anesthésietopique simple. Les techniques actuelles sont baséessur le principe d’incisions étroites auto-étanches(sans sutures, ni fragilisation du globe, et d’implantspliables. Il s’agit donc d’une chirurgie ambulatoireou dans le cadre d’une hospitalisation courte.

Points Forts à retenir

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vision utile en quelques heures et de la vision définitive enquelques jours au lieu de quelques semaines). Une cor-rection optique adaptée est prescrite à 3 semaines pour lavision de loin et la vision de près dans la majorité des cas.

3. Complications• Complications peropératoires :elles sont dominées parla rupture capsulaire postérieure, donnant parfois lieu à l’in-carcération de brides vitréennes dans les cicatrices (sourcede tractions vitréo-rétiniennes) et, du fait de la pression posi-tive employée, à la luxation de fragments cristalliniens dansle vitré. Cette complication, non exceptionnelle, notammenten phase d’apprentissage de la méthode, nécessite généra-lement l’intervention secondaire d’un chirurgien vitréo-réti-nien spécialisé. • Complications postopératoires :certaines complica-tions, fréquentes autrefois, sont devenues plus rares, oudemeurent bénignes et transitoires. L’inflammation post-opératoire a été considérablement réduite par le progrèstechnique (incisions étroites) et l’utilisation systématiquede stéroïdes potentialisés par les anti-inflammatoires nonstéroïdiens topiques (indométacine 0,1 %, diclofénac 0,1%). L’hypotonie postopératoire et les déhiscences de cica-trice avec hernie uvéale ont pratiquement disparu du faitde l’avènement des incisions auto-étanches. L’hypertoniepostopératoire est également moins fréquente, du fait dedisparition des blocs pupillaires permise par l’implantationsystématique dans le sac capsulaire, et de l’ablation systé-matique de la substance viscoélastique facilitée par l’irri-gation/aspiration mécanisée.Parmi les complications sévères et rares, il faut citer l’en-dophtalmie (infection endoculaire) aiguë et destructricelorsqu’elle survient dans les 7 premiers jours. L’incidencede cette complication est de l’ordre de 3 cas pour 1 000.Elle se caractérise essentiellement par la douleur, la rou-geur oculaire et la baisse brutale de la vision. L’examenrévèle une lueur pupillaire obscurcie, une inflammationdu segment antérieur et éventuellement une collection puru-lente déclive de la chambre antérieure (hypopion). Un trai-tement doit être institué en urgence, après prélèvementendoculaire, par antibiothérapie synergique diffusible (voiesystémique) et non diffusible (voie intraoculaire) afin d’évi-ter la perte fonctionnelle ou anatomique de l’œil. L’œdème maculaire cystoïde est la conséquence d’uneinflammation oculaire prolongée, notamment en cas de rup-ture capsulaire. Des séquelles sont possibles et affectentparfois sévèrement la lecture. Un traitement par anti-inflammatoires topiques et acétazolamide à faible dose estgénéralement prescrit pendant plusieurs semaines.Le décollement de rétine survient avec une incidenceaccrue en cas de terrain prédisposant (forte myopie, anté-cédent traumatique), de traction vitréo-rétinienne par rup-ture capsulaire peropératoire ou d’ouverture capsulairepostopératoire au laser YAG. Le déplacement secondaire de l’implant procède généra-lement d’une complication peropératoire identifiée ou non(rupture du capsulorhexis antérieur, implantation asymé-trique à appui mixte capsulo-ciliaire, rupture ou distensionzonulaire) ou parfois d’un design inadapté (implants

navettes de longueur et de rigidité insuffisantes). Une réin-tervention peut être indiquée.L’opacification de la capsule postérieure (cataracte secon-daire) survient avec une fréquence variable. Elle est favo-risée par le jeune âge du patient au moment de l’interven-tion (100 % des cas chez l’enfant, et seulement 10 % descas après 70 ans). En cas de baisse visuelle secondaire dansles années suivant l’intervention, un bilan permet d’élimi-ner une pathologie intercurrente (affection vasculaire, dégé-nérescence maculaire, glaucome). L’ouverture de la cap-sule postérieure opacifiée, au moyen de quelques impactsde laser YAG pratiqués en consultation, permet le plus sou-vent de restaurer la vision postopératoire initiale.

ConclusionLa cataracte est une affection dont l’incidence augmente defaçon constante en raison du vieillissement de la popula-tion dans les pays industrialisés, et qui demeure la princi-pale cause de cécité dans les pays en voie de développe-ment. Les techniques sophistiquées développées depuis unequinzaine d’années, permettent, au prix d’une formationchirurgicale adaptée, la réalisation d’une phacoexérèse avecimplantation d’une lentille intraoculaire par incision courteauto-étanche, sous anesthésie topique. Ces méthodes auto-risent une réhabilitation fonctionnelle presque instantanéedans la majorité des cas.Les complications de la chirurgie de la cataracte sont deve-nues plus rares, mais peuvent être sévères. Cette chirurgienécessite donc un suivi spécialisé rigoureux. Une consul-tation ophtalmologique en urgence est notamment impé-rative au cours des 15 premiers jours postopératoires en casde douleur ou de baisse visuelle secondaire.Les travaux de recherche actuels concernent la possibilitéde retarder pharmacologiquement l’âge auquel une inter-vention devient nécessaire, et d’inhiber l’opacificationsecondaire de la capsule postérieure afin de permettre ledéveloppement d’un cristallin artificiel permettant la res-tauration physiologique de l’accommodation. ■

Décollement de la rétine Etiologie, diagnostic, principes du traitement

YANNICK LE MERService d’ophtalmologie, CHI André-Grégoire, 93100 Montreuil.

Étiologie

Décollement de rétine par déchirure

La majorité des décollements de la rétine est spontanée,par apparition d’une déchirure dans une zone d’adhé-rence vitréo-rétinienne lors du décollement postérieurdu vitré. Ces adhérences sont physiologiques au niveaudes vaisseaux rétiniens principaux et surtout de la basedu vitré, zone située en avant de l’équateur du globeoculaire où, histologiquement, les fibres du vitré pénè-trent de façon perpendiculaire dans la rétine, alorsqu’elles sont seulement accolées à elle plus en arrière.La liquéfaction du vitré et son décollement se produi-sent habituellement à partir de la trentaine pouratteindre un pic de fréquence maximal vers 60 ans.

Chez les myopes forts (myopie supérieure à -6 dioptriesd’amétropie), le vitré se modifie plus tôt et le décolle-ment de rétine peut donc se produire dès 15 ans pouratteindre un maximum de fréquence vers 40 ans. Chezles patients opérés de cataracte avec les techniquesmodernes de phacoémulsification, il n’y a pas de modi-fication vitréenne tant que la capsule postérieure ducristallin reste intacte. Lorsque celle-ci est ouverte, defaçon volontaire ou non, le vitré peut alors se liquéfiertrès rapidement. On distinguera donc les décollementsde rétine par déchirure selon que le vitré semble normalou non à l’examen du fond d’œil.

1. Traction d’un vitré normal

C’est le cas de loin le plus fréquent pour lequel seuleune adhérence localisée est pathologique et provoque ladéchirure. Celle-ci se produit dans l’immense majoritédes cas juste en arrière de la base du vitré, statistique-ment le plus souvent dans le quadrant temporal supé-rieur de la rétine. Ce type de décollement de rétine sevoit surtout chez les sujets avec une myopie modérée ouemmétropes. Pour les myopies fortes, les adhérencespeuvent être nettement postérieures, en arrière del’équateur, voire même au niveau de la macula.L’examen de la périphérie de la rétine et du vitré avant ledécollement peut être soit strictement normal, soitretrouver des lésions rétiniennes dont on sait qu’ellescoexistent fréquemment avec des adhérences vitréennes,même si celles-ci sont en fait invisibles à l’examen. Ceslésions prédisposantes sont surtout retrouvées chez lesmyopes et sont soit des palissades, soit des plaques degivre, nom donné en raison de leur aspect au fond d’œil.Il est important de reconnaître ces zones qui seront lacible d’un traitement préventif par photocoagulation aulaser.

2. Traction d’un vitré anormal

C’est une situation beaucoup plus rare qui peut êtreacquise ou congénitale. Le vitré est modifié et descondensations localisées vont être à l’origine de bridess’insérant en différents points de la rétine, à l’origine dedéchirures. Ces modifications pathologiques du vitrésont visibles à l’examen du fond d’œil et peuvent parfoispermettre un traitement prophylactique du décollementde la rétine.

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• Le décollement de la rétine dit rhegmatogèneest dû à l’apparition d’une déhiscence rétiniennepar laquelle passe le liquide intravitréen, séparantainsi la rétine neurosensorielle de l’épithéliumpigmentaire sous-jacent. Cette déhiscenceest le plus souvent provoquée par une tractionanormale du vitré sur la rétine au momentdu décollement postérieur du vitré, phénomènephysiologique lié à la liquéfaction du gel vitréen.• Le diagnostic est souvent facile à l’examen.Le pronostic est lié à la durée du soulèvementrétinien et le traitement doit donc êtrele plus rapide possible.• Ce traitement est chirurgical et repose surla découverte et la fermeture de la déhiscence.• Cette fermeture peut se faire par voie externetranssclérale, ou interne par vitrectomie ;le choix dépend de la taille, de la localisationde la déhiscence et de l’existence éventuelled’une prolifération vitréo-rétinienne, réactionprovoquant l’apparition de membranesprérétiniennes empêchant le retour de la rétineà la paroi.

Points Forts à comprendre

• Modifications acquises :la structure du vitré peut êtrealtérée par inflammation et infection, vasculopathie réti-nienne ou traumatisme :– parmi les inflammations, toutes les uvéites posté-rieures graves, aiguës ou chroniques peuvent être à l’ori-gine de ces brides, séquelles de l’envahissement du vitrépar les cellules inflammatoires. Les infections du vitréproduisent le même résultat, qu’elles soient endogènespar dissémination vasculaire (bactérienne ou myco-sique) ou exogènes (endophtalmie postopératoire, parexemple après chirurgie de la cataracte) ;– le diabète et certaines formes de vascularites réti-niennes (à rapprocher des inflammations) sont aussi àl’origine de modifications vitréennes provoquant desadhérences pathologiques ; – les traumatismes peuvent être perforants avec pénétra-tion intravitréenne de cellules fibroblastiques colonisantle vitré ou non perforants mais avec hémorragie intravi-tréenne. L’irruption de sang dans la cavité vitréenne peutêtre à l’origine de modifications structurelles du vitrépar l’intermédiaire des cellules sanguines et de facteursde croissance sériques. Une place à part revient auxtraumatismes chirurgicaux : une intervention de catarac-te compliquée de rupture capsulaire et d’issue de vitrépar la plaie opératoire peut provoquer des bridesvitréennes, surtout si le vitré reste pincé dans la cicatricede cornée. Le décollement de rétine est la deuxièmecomplication la plus fréquente de cet incident chirurgi-cal après l’œdème maculaire.• Modifications congénitales :plusieurs syndromess’accompagnent de dégénérescence vitréo-rétinienneavec anomalies de la jonction vitréenne. Les fibres duvitré s’insèrent perpendiculairement dans la rétine, enarrière de l’équateur du globe et de la base normale duvitré. Celui-ci se liquéfie très tôt et les voiles vitréensvisibles à l’examen provoquent des déchirures réti-niennes de localisation postérieure et de grande tailleparticulièrement difficiles à traiter. Le décollement derétine survient chez l’enfant ou l’adolescent et ce dia-gnostic doit toujours être évoqué devant un décollementde rétine du sujet jeune. Ces anomalies sont souventbilatérales, familiales et suivant les dysmorphies éven-tuellement associées sont les maladies de Wagner, lesyndrome de Wagner-Stickler, la dysplasie de Kniest.

Décollement de rétine sans tractionvitréenne

Cette étiologie est plus rare. Le mécanisme en est diffé-rent puisque l’ouverture rétinienne se produit sansdécollement du vitré. Le décollement de rétine sera sou-vent peu symptomatique et de découverte systématiqueà l’examen du fond d’œil. Cette progression lente estdue au fait que le vitré non décollé s’oppose à l’exten-sion du soulèvement. Il peut donc s’étendre secondaire-ment au moment du décollement du vitré sans pourautant qu’il existe de tractions (décollement de rétine endeux temps). Il s’agit soit de trous par atrophie rétinien-

ne localisée, soit de dialyse antérieure habituellementsecondaire à une contusion.

1. Trous atrophiques

Surtout chez le sujet jeune modérément myope, avec unpic de fréquence maximal vers 20 ans. La localisationdes trous est le plus souvent temporale. Une place à partdoit être donnée aux décollements de rétine associés àune rétinite à cytomégalovirus (CMV). C’est une com-plication fréquente de cette rétinite, elle-même essen-tiellement rencontrée dans le sida. Les trous y sont sou-vent multiples, larges, par atrophie rétinienne au sein ouen bordure des zones de rétinite.

2. Dialyse à l’ora serrata

L’ora serrata est la limite antérieure de la rétine, zonesituée à 5 ou 6 mm en arrière de la racine de l’iris. Encas de contusion, la déformation du globe peut provo-quer une désinsertion localisée de la rétine à son niveau,appelée dialyse. Cela peut donc provoquer un décolle-ment de rétine à progression lente tant que le vitré n’estpas décollé. La localisation des dialyses est préférentiel-lement en nasal inférieur et est quasi pathognomoniqued’un traumatisme oculaire qu’il faudra toujours cher-cher à l’interrogatoire.

Diagnostic

Diagnostic positif du décollementde la rétine

1. Signes fonctionnels

• Décollement du vitré :les signes fonctionnels retrouvéstrès souvent, sont habituellement ressentis quelques joursou heures avant l’apparition des signes propres du décolle-ment. Ils consistent soit en de simples myodésopsies(impression de voir des mouches volantes), inquiétantescar récentes, ou en sensation de « pluie de suie » devant unœil avec perception d’une myriade de points mobiles, aug-mentée par les mouvements oculaires. Tous les degrés exis-tent entre la mouche volante unique et les opacités densesdu vitré qui peuvent être augmentées en cas d’hémorragieintravitréenne (lorsqu’une déchirure rétinienne intéresse unvaisseau sanguin). Il peut s’y ajouter des photopsies,impression d’étincelles diffuses sans localisation précise.• Déchirure : le phosphène est la perception d’un éclairblanc ou bleuté, localisé à un point précis du champ visueld’un œil, permanent ou provoqué par les mouvements ocu-laires. Ce phosphène est dû à la traction du vitré sur ladéchirure qui va provoquer une stimulation visuelle réti-nienne. Ce signe fonctionnel rétinien est beaucoup plusrare que ceux liés au décollement du vitré et est bien sûrabsent en cas de trou rétinien sans traction.

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D É C O L L E M E N T D E L A R É T I N E

• Décollement de la rétine :amputation progressive duchamp visuel sous forme d’un scotome positif, ressenticomme un voile noir. Au début périphérique, l’amputationprogresse à une vitesse variable avant d’atteindre le centre,provoquant seulement à ce moment une baisse d’acuitévisuelle. Ce voile noir ou gris foncé, pathognomonique,peut être totalement absent en cas de décollement de rétinepar trou à progression lente qui est parfois totalementasymptomatique tant que la macula n’est pas atteinte.

2. L’examen ophtalmologique permetfacilement le diagnostic

Il est toujours bilatéral et comparatif.• L’acuité visuelle est variable,de totalement conservéeà réduite à une perception de la lumière. C’est un élé-ment important du pronostic fonctionnel final.• L’examen du segment antérieur est important pour lesindications chirurgicales et les éléments du pronostic.On étudiera la clarté des milieux (cornée, cataractedébutante), la qualité de la dilatation pupillaire (permet-tant un accès au fond d’œil), la pression oculaire sou-vent abaissée (le pronostic est moins bon quand elle esttotalement effondrée) et la position d’un éventuelimplant cristallinien. • L’examen du segment postérieurse fait en dilatationpupillaire maximale en utilisant l’ophtalmoscope bino-culaire indirect ou le verre à trois miroirs. Il précisel’état, la clarté et la mobilité du vitré puis l’étendue dudécollement de rétine qui apparaît jaunâtre par rapport àla rétine non décollée rose. Il faut préciser la localisationdu décollement, son caractère plat ou bulleux, la mobili-té ou l’existence de plis fixant le soulèvement et l’exis-tence d’une atteinte maculaire (fig. 1), autant d’éléments

qui permettent de préciser l’indication chirurgicale, sonéventuelle urgence et le pronostic anatomique et fonc-tionnel. On doit s’acharner à retrouver la ou les déchi-rures responsables du décollement de rétine, cibles dutraitement curatif, habituellement situées dans la partiesupérieure du décollement. La conclusion de l’examenest toujours la réalisation d’un schéma résumant les

constatations cliniques et les éléments du pronostic. Lesmeilleurs pronostics sont obtenus dans les décollementsde rétine récents, localisés sans atteinte maculaire, avecune rétine mobile et une déchirure unique et petite,accompagnés d’un décollement complet du vitré. Lesplus difficiles à traiter sont, à l’inverse, les décollementsde rétine anciens, touchant toute la rétine, compliquésd’une prolifération vitréo-rétinienne fixant la rétine etprovoqués par plusieurs déchirures.• L’examen du second œilest fondamental pour la réalisa-tion d’un traitement prophylactique et recherche les ano-malies rétiniennes habituellement associées à une tractionvitréenne (palissades, givre en plaques, déchirures).• Les examens complémentaires ophtalmologiquessontréduits à la réalisation d’une échographie diagnostiqueen cas d’opacité des milieux empêchant la visualisationde la rétine (cataracte, hémorragie dans le vitré dense).

Diagnostic différentiel

Le diagnostic de décollement de rétine ne pose habituel-lement pas de problèmes à l’examen clinique.

1. Avant l’examen du fond d’œil

Les signes fonctionnels peuvent évoquer :• décollement du vitré sans déchirure rétinienne :phé-nomène physiologique qui ne se complique que rare-ment de déchirure de la rétine. En cas de signes fonc-tionnels persistants, il ne faut pas hésiter à répéter lesexamens de la rétine à plusieurs jours d’intervalle tantque l’on n’a pas acquis la certitude que le décollementdu vitré n’est pas complet et qu’il n’existe pas de trac-tion rétinienne résiduelle ;• amputations non douloureuses du champ visuel :comme certaines migraines ophtalmiques, elles peuventse limiter à des sensations lumineuses ou des amputationsd’une partie du champ visuel précédant les céphalées ;• autres causes d’atteinte non douloureuses du champvisuel (compression des voies optiques, accident vascu-laire cérébral) : elles ne posent en règle générale pas deproblème de diagnostic différentiel ;• baisses d’acuité visuelle aiguës :non douloureuses,elles sont représentées par les accidents vasculaires occlu-sifs rétiniens (artériels ou veineux) et les neuropathiesoptiques ischémiques ou inflammatoires. L’examen dufond d’œil redresse facilement le diagnostic.

2. À l’examen clinique, deux diagnosticspeuvent être évoqués

• Décollements de la rétine sans déhiscence :ils peu-vent être soit exsudatifs, dans certaines uvéites posté-rieures, soit tractionnels sans déhiscence rétinienne.Dans le premier cas, un contexte inflammatoire est sou-vent associé, le vitré est souvent le siège d’une hyalitede densité variable et l’angiographie fluorescéiniquepermet de retrouver l’origine de l’exsudation sous-réti-

Ophtalmologie

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Décollement de rétine total avec plis fixant la rétinesoulevée : début de prolifération vitréo-rétinienne.

1

paroi au contact de la rétine décollée et à fermer lesdéhiscences. L’indentation permet également de relâ-cher des tractions vitréennes localisées (fig. 2) ;

• la voie interneavec injection intra-oculaire d’un tam-ponnement, bulle de gaz ou de silicone qui va obturer ladéchirure par l’intérieur. Le produit utilisé, grâce à satension de surface, va passer en pont sur la déchirure,bloquant le passage au liquide intra-oculaire. Si certainsgaz sont injectés directement dans l’œil, ceux à longévitéoculaire importante ainsi que l’huile de silicone nécessi-tent une vitrectomie complète pour être utilisés. Cettevitrectomie a aussi comme but de retirer des tractionsvitréennes trop importantes et de peler des membranesen cas de prolifération vitréo-rétinienne.

2. Empêcher la réouverture

Elle peut survenir si l’indentation est expulsée (10 % descas) ou à la disparition du tamponnement (constante avecles gaz, de quelques jours à quelques semaines). On pra-tique donc une véritable soudure de la rétine (rétinopexie)autour des déchirures ou des trous, le plus souvent à l’ai-de d’une cryoapplication transsclérale qui va provoquerune réaction inflammatoire locale, source de cicatricerétinienne solide en quelques jours. On peut aussi utiliserune photocoagulation au laser transpupillaire ou trans-sclérale qui donnent le même résultat (fig. 3, 4 et 5).

nienne. Dans le second cas, le soulèvement est dû à unetraction du vitré et à une prolifération prérétiniennecomme celle rencontrée dans les formes proliférativesde rétinopathie diabétique avancée. L’examen du fondd’œil est centré sur la recherche d’une déchirure dontseule l’absence confirme le diagnostic de décollementde rétine tractionnel pur. En dehors des pathologies vas-culaires ou inflammatoires connues, tous les soulève-ments rétiniens doivent donc être a priori considéréscomme étant dus à une déhiscence rétinienne qu’il estparfois très difficile de retrouver, particulièrement chezles patients opérés de cataracte chez qui le bord de l’im-plant crée des aberrations optiques gênant la visualisa-tion de la périphérie rétinienne.• Rétinoschisis :dans le décollement de rétine, la sépa-ration se fait entre la rétine neurosensorielle et l’épithé-lium pigmentaire. Dans le rétinoschisis, il s’agit d’unclivage au sein même de la rétine, entre les différentescouches de la structure pluristratifiée normale. Ce cliva-ge est dû à des anomalies des cellules de soutien. Il estsoit acquis, soit congénital. Le soulèvement est souventplat mais peut parfois être bulleux. Il est surtout asymp-tomatique et peu progressif, très souvent bilatéral et asy-métrique, la surface rétinienne peut présenter des déhis-cences qui ne provoquent pas de décollement de rétinepuisqu’il existe un feuillet de rétine intact au contact del’épithélium pigmentaire. Le diagnostic différentiel sepose en cas de décollement de rétine par petit trou atro-phique, lui aussi souvent asymptomatique et peu ou pasprogressif. Parfois, seuls un examen clinique minutieuxbilatéral et l’évolution sur plusieurs mois permettent depréciser le diagnostic exact.• Autres causes de soulèvement rétinien(tumeurs réti-niennes ou choroïdiennes, hématomes sous-rétiniens) :elles ne posent pas de problème à l’examen clinique.Seule une opacité des milieux (cataracte importante,trouble du vitré) peut parfois laisser le diagnostic repo-ser sur l’échographie.

Principes thérapeutiques

Le traitement est toujours chirurgical, parfois urgent encas de décollement de rétine récent, possible sous anes-thésie générale ou locale. Les principes découlent de laphysiopathologie du décollement : il faut fermer lesdéhiscences rétiniennes, empêcher leur réouverture ulté-rieure et être le moins agressif possible pour limiter lesréactions inflammatoires, source de prolifération vitréo-rétinienne. Chaque fois que cela est possible, une pré-vention par photocoagulation doit être pratiquée.

1. Fermer les déhiscences

Deux voies sont possibles :• la voie externe épisclérale (indentation) :suture sur lasclère d’une indentation, cylindre de silicone dure,enregard de la ou des déhiscences de façon à ramener la

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D É C O L L E M E N T D E L A R É T I N E

Déchirure portée par une indentation. Notez le clapet(blanc) sur lequel s’insère une bride de vitré.

2

Déchirure à plat entourée d’impacts de laser confluents.3

3. Prévenir la prolifération vitréo-rétinienne

Cette réaction survient dans 5 à 10% des cas et est la prin-cipale cause d’échec thérapeutique. Elle est liée au passagede cellules venant de l’épithélium pigmentaire qui passentpar la déchirure dans la cavité vitréenne où elles subissentune transformation fibroblastique avec création de mem-branes prérétiniennes fixant la rétine. Le facteur de risqueest surtout la surface d’épithélium pigmentaire découvert etdonc la taille des déchirures et l’existence d’une réactioninflammatoire associée. Il faut donc être le moins agressifpossible pendant le traitement, notamment en limitant larétinopexie au minimum nécessaire en intensité et en surfa-ce. Elle doit être une préoccupation constante du chirurgiendans le choix des moyens thérapeutiques.

4. Traitement préventif

Il repose sur la photocoagulation des zones de tractionvitréenne avérée ou probable (palissades, plaques degivre, déchirures et trous sur rétine encore à plat) qu’ilfaut rechercher chez tous les myopes de façon systéma-tique. La photocoagulation semble diminuer le risque dedécollement de rétine d’un facteur 10 sans être une sécu-rité absolue en raison des zones de traction qui restent

Ophtalmologie

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invisibles, même à un examen soigneux. Il est inutile detraiter les modifications de la périphérie rétinienne tellesque les pavés, zones d’atrophie sans traction vitréenne.La seule indication indiscutable est l’existence d’unedéchirure rétinienne symptomatique non encore compli-quée de décollement de rétine qui a un risque de pro-gression rapide de 40%. Le laser doit être fait très rapi-dement dans ce cas. Une grande attention doitégalement être donnée chez les patients ayant fait undécollement d’un œil, le risque théorique étant de 10 à15% pour l’autre œil. Le type de prévention (circulairesystématique ou localisée aux éventuelles palissades) etles indications restent très discutés actuellement en l’ab-sence d’études prospectives probantes. ■

Bonnet M. Myopie et décollement de rétine rhegmatogène. RevPrat (Paris) 1993 ; 43 : 1779-83.Bonnet M. Facteurs cliniques de risque de prolifération vitréo-réti-nienne dans le décollement de rétine rhegmatogène. J FrOphtalmol 1994 ; 17 : 530-40.Chauvaud D. Le décollement de la rétine. Rev Prat (Paris) 1995 ;45 : 468-71.Frau E, Sam H, Korobelnik JF, Chauvaud D. Décollement de la réti-ne après chirurgie de la cataracte : une étude rétrospective sur 57cas. Eur J Ophthalmol 1993 ; 3 : 177-80. Le Mer Y, Allagui M. Prolifération vitréo-rétinienne. Rappel physio-pathologique, examen, moyens et indications thérapeutiques.Encycl Med Chir ,Ophtalmologie, 21-245-A-30, 1993, 8p.

POUR EN SAVOIR PLUS

• Le décollement de la rétine rhegmatogèneest le plus souvent idiopathique, brutal, survenantchez le myope jeune ou chez le sujetde la soixantaine, conséquence d’une déchirurerétinienne provoquée par le décollement du vitré. • Une prévention est possible avant la survenuedu décollement de rétine par l’examensystématique retrouvant des signes de tractiondu vitré, en pratiquant une photocoagulationau laser de ces zones. • Une fois la rétine décollée, le laser n’est pluspossible et le traitement est chirurgical, le plusrapidement possible car le pronostic fonctionnelest lié à la durée du soulèvement. Le principeest de fermer les déchirures par une indentationexterne ou par un tamponnement interneéventuellement associé à une vitrectomie,intervention au cours de laquelle une rétinopexieest pratiquée, permettant d’éviter une récidivepar réouverture des déhiscences.

Points Forts à retenir

La même déchirure 3 semaines plus tard : la cicatriceatrophique traduisant la solidité de la rétinopexie commenceà apparaître.

4

Une autre déchirure, 6 mois après traitement par laser.La cicatrice atrophique est encore mieux visible.

5

Ophtalmologie

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Système oculomoteur : rappel anatomique et physiologique

Tronc cérébral : nerfs oculomoteurs et voies associatives supranucléaires

1. Muscles oculaires Ils sont commandés par les 3 nerfs oculomoteurs (III, IV, et VI) et ont leur origine dans des noyaux situésau niveau du tronc cérébral (fig. 1).• Le complexe nucléaire du moteur oculaire commun(III) est situé au niveau de la calotte pédonculaire. Lesfibres provenant du noyau du III (fig. 2) se dirigent versle sinus caverneux et pénètrent dans sa paroi externe.

DiplopieOrientation diagnostique

DR Catherine VIGNAL-CLERMONT

Service d’ophtalmologie, hôpital Delafontaine, 93205 Saint-Denis Cedex 1.

• La diplopie est la perception d’un même objetdans 2 endroits différents de l’espace visuel,c’est-à-dire la vision double de cet objet unique.Elle est rarement monoculaire, secondaire à une pathologie oculaire et persistant lors de l’occlusion de l’œil sain ; elle est le plus souvent binoculaire, conséquenced’une perte du parallélisme oculaire et disparaîtlors de l’occlusion d’un œil.

• Le diagnostic d’une diplopie binoculaire reposesur l’étude de la motilité oculaire extrinsèque et intrinsèque (recherche d’une anomalie pupillaire) et sur l’examen de la diplopie au verre rouge ou par un test de Hess-Lancaster.Les paralysies oculomotrices (POM) représententla principale cause de diplopie binoculaire,mais celle-ci peut également être en rapportavec une atteinte supranucléaire (au niveau du tronc cérébral), une atteinte de la jonctionneuromusculaire (myasthénie) ou une atteintemusculaire (myopathie).

• En dehors d’un éventuel traitement étiologique propre, plusieurs moyens peuventêtre utilisés pour traiter la diplopie (occlusion,prismes, chirurgie à distance) ; quelle que soitl’origine de la diplopie, il ne faut jamais laisserun patient voir double.

Points Forts à comprendre

Noyaux des nerfs oculo-moteurs (tronc cérébral).1

Nerfs oculo-moteurs dans l’étage postérieur de la basedu crâne.

2

L’accès à l’orbite se fait par la fente sphénoïdale. Le III innerve les muscles droit supérieur, inférieur,interne, le petit oblique, le releveur de la paupière supérieure et le sphincter de la pupille (fibres para-sympathiques suivant le trajet du III).

Thalamus

Cervelet

Noyaux

vestibulaires

a

b

c

d

e

f

g

h

i

j

kl

m

n

o

p

VI

IV

III

III

Faisceaulongitudinal

médial

Colliculus supérieur

Colliculus inférieur

a – Artère cérébrale i – Chiasma optiquepostérieure j – Toit du sinus nerveux

b – dure-mère k – IIIc – Arachnoïde l – Paroi postérieured – IV de la loge caverneusee – Tente du cervelet m – Ligamant de Grüberf – V n – Sinus pétreux supérieurg – VI o – Sinus pétreux inférieurh – Cervelet p – Rocher

• Le noyau du nerf pathétique (IV)est situé à proximitédu noyau du III dans la calotte pédonculaire. Les fibresdu IV croisent toutes la ligne médiane et émergent à la face postérieure du tronc cérébral (fig. 1 et 2). Le IV chemine dans la paroi latérale du sinus caverneux.Il pénètre dans l’orbite par la fente sphénoïdale et innerve le muscle grand oblique.• Le noyau du moteur oculaire externe (VI)est situéau niveau pontique, les fibres émergent en dedans et enavant de l’origine du VII. Le VI se dirige ensuite vers laface postérieure du rocher et passe au-dessus de sa pointe(fig. 1 et 2). Au niveau de la loge caverneuse, le VI estsitué à l’intérieur même du sinus caverneux, au contactde la carotide interne. L’accès à l’orbite se fait par lafente sphénoïdale. Le VI innerve le muscle droit externe.• Au niveau du tronc cérébral existe une voie associativeimportante mettant en relation l’ensemble des nerfs crâniens intervenant dans la motricité de la tête et desyeux : c’est le faisceau longitudinal médial (FLM) (fig. 1).Il est situé de part et d’autre de la ligne médiane, à lapartie postérieure du tronc cérébral et va du mésencéphalejusqu’au bulbe.

2. Anatomie des muscles oculomoteurs (fig. 3)• Ils sont au nombre de 6 par œil,on compte 4 musclesdroits (interne, externe, inférieur et supérieur) et 2 obliques(grand oblique ou oblique supérieur, petit oblique ouoblique inférieur).

• Les 4 muscles droitsont leur origine au sommet del’orbite au niveau du tendon de Zinn. À partir de là, ilsforment le cône musculaire à l’intérieur duquel se trouve le nerf optique avec le ganglion ophtalmique,les vaisseaux et les nerfs ciliaires, l’artère et les veinesophtalmiques. Leur insertion antérieure sur le globeoculaire se fait à une distance variable du limbe comprise entre 5,5 et 7,5 mm.• Le grand oblique,rétro-équatorial, se réfléchit surune poulie à la face interne de l’orbite et s’insère sur la partie postéro-externe du globe.• Le petit obliqueest également rétro-équatorial. Il naîtde la face interne de l’orbite, il cravate le globe oculairedans sa partie inférieure et s’insère dans le quadranttemporal au niveau du méridien horizontal.

3. Physiologie de la motilité oculaire• Lors de l’étude de l’oculomotricité,on distingue dif-férents types de mouvements oculaires. Les mouvementsmonoculaires sont appelés ductions ; parmi les mouve-ments binoculaires, on distingue les versions qui sontdes mouvements conjugués (les yeux tournent dans lemême sens) et les vergences, qui sont des mouvementsbinoculaires disjoints (convergence, divergence).• Il est essentiel de différencier l’action des musclesoculaires et leur champ d’action,c’est-à-dire la posi-tion dans laquelle il faut mettre l’œil pour avoir l’actionmaximale du muscle.

D I P L O P I E

2264 L A R E V U E D U P R A T I C I E N 1 9 9 9 , 4 9

Anatomie des muscles oculo-moteurs.3

Grand oblique

Petit oblique

Droit inférieurDroit externe récliné

Ganglion ophtalmique

Nerf moteur oculairecommun

Nerf naso-ciliaire

Nerf optique

Droit supérieur

Releveur de paupière

Nerf naso-ciliaire

Artère ophtalmique

Les 2 yeux sont ainsi strictement coordonnés. En cas deparalysie d’un muscle, il y a hyperaction du synergiquecontrolatéral et les 2 yeux ne sont plus coordonnés.

4. Physiologie de la vision binoculaireIl existe chez le sujet normal une utilisation simultanéedes 2 yeux. Physiologiquement, l’image d’un objet fixé par les 2 yeux se projette sur des points rétinienscorrespondants (il y a correspondance rétinienne normale).Au niveau du cortex occipital, les images issues despoints correspondants fusionnent en une perceptionunique si les 2 images transmises sont identiques. Une déviation pathologique des axes visuels provoque 2 phénomènes :– la diplopie du fait de la vision d’un même objet par

2 points rétiniens non correspondants ;– la confusion par la superposition de 2 images

différentes sur 2 points rétiniens correspondants.

Étude clinique d’une diplopie binoculaire

Nous prenons ici comme forme typique la diplopiebinoculaire dans le cadre d’une paralysie oculomotrice.

Interrogatoire

Il renseigne sur plusieurs paramètres.• La diplopie : généralement, elle est constante et desurvenue brutale dans le cadre d’une paralysie oculo-motrice mais elle peut être perçue comme une visionfloue en cas de décalage faible des 2 images. Elle peutn’apparaître que dans certaines circonstances et peutmanquer en cas de vision unilatérale basse ou s’il existe

Les actions des muscles oculaires sont (fig. 4) :– droit externe : abducteur (déviation de l’œil en

dehors);– droit interne : adducteur (porte l’œil en dedans);– droit inférieur : abaisseur (action principale), adducteur

et extorteur (l’extrémité supérieure du méridien verticalde la cornée s’incline en dedans);

– droit supérieur : élévateur (action principale), adduc-teur et intorteur (l’extrémité supérieure du méridienvertical de la cornée s’incline en dehors);

– grand oblique : abaisseur, abducteur et intorteur;– petit oblique : élévateur, abducteur et extorteur. • L’action des muscles droits verticaux et des obliquesdoit être étudiée en position primaire et suivant la positiondu globe, en effet les muscles droits verticaux ont leuraction verticale maximale en abduction (c’est-à-diredans leur champ d’action) alors que les musclesobliques ont leur action verticale maximale en adduction(c’est-à-dire dans leur champ d’action) [fig. 5].Les 6 muscles de chaque œil peuvent être groupés en 3 paires musculaires. Chaque paire est constituée demuscles antagonistes homolatéraux qui ont une actionprincipale opposée (droits interne et externe, droitssupérieur et inférieur, grand et petit obliques). Les muscles synergiques croisés ou controlatéraux sontdes muscles qui ont le même champ d’action dans les 2 yeux (par exemple, droit externe droit et droit internegauche sont responsables du regard vers la droite).Un mouvement oculaire quelconque est toujours bino-culaire et entraîne la mise en jeu de tous les musclesoculomoteurs. Deux lois sont capitales à connaître.• Loi de Sherrington :quand un muscle reçoit unequantité d’influx nerveux pour se contracter, une quantitéégale d’influx inhibiteur est envoyée à son antagonistehomolatéral pour se relâcher.• Loi de Herring : l’influx nerveux est envoyé en quantitéégale aux muscles des 2 yeux.

Ophtalmologie

2265L A R E V U E D U P R A T I C I E N 1 9 9 9 , 4 9

Action des muscles oculaires. Œil droit vu de face.4 Champs d’action musculaires. Les paires de muscles synergiquescroisés sont visibles. Ils ont le même champ d’action dans les 2 yeux etsont représentés par une ligne parallèle et de même sens.

5

D.S.D. P.O.D.

D. int. D.D.E.D.

D. inf. D.

O. D.

G.O.D.

P.O.G. D.S.G.

D.E.G.

G.O.G.O. G.

D. inf. G.

D. int. G.

D.S.

D. int.

D. int.

P.O.

D.E.

G.O.

un ptôsis associé. Elle disparaît à l’occlusion d’un œil etest toujours maximale dans le champ d’action du ou desmuscles paralysés.• Le terrain : l’âge, les antécédents oculaires (anté-cédent de strabisme éventuellement opéré) et généraux(problèmes vasculaires, neurologiques, diabète).• Les circonstances de survenue :traumatisme, effortphysique, lecture.• Les signes associés :céphalées, douleurs péri-oculaires, éclipses visuelles, baisse d’acuité visuelle outrouble du champ visuel ; nausées, vertiges, signes généraux évoquant une maladie de Horton…

Examen oculomoteur

1. Inspection

Elle apprécie 3 paramètres.• L’attitude vicieuse de la tête ou torticolis :pouressayer de diminuer la vision double, le patient a tendance à tourner la tête dans le champ d’action dumuscle atteint. • La déviation des globes oculaires en position derepos (dite position primaire) :il existe une divergencede l’œil paralysé dans les atteintes du III et une conver-gence dans les paralysies du VI.• L’existence d’un ptôsis :il traduit l’atteinte du releveurde la paupière supérieure. S’il couvre l’aire pupillaire, ilsupprime la diplopie. L’association d’un ptôsis à uneatteinte oculomotrice doit faire rechercher un déficit desautres muscles innervés par le III. Une diplopie variable,majorée par les efforts et la fatigue et associée à un ptôsis doit faire évoquer une myasthénie.

2. Examen de la motilité oculaire • Étude des mouvements oculaires :dans les diffé-rentes positions du regard (œil par œil puis les 2 yeuxensemble).• Examen sous écran(occlusion unilatérale inter-mittente puis occlusion alternée ou cover test) :– si les globes restent immobiles, le sujet est ortho-

phorique;– si l’œil couvert est dévié, mais reprend la fixation

quand on le découvre, sans faire bouger l’autre œil : lesujet est hétérophorique (exophorique si la déviationest vers le dehors et ésophorique si elle est vers lededans);

– dans le cas d’une paralysie oculomotrice, la reprise dela fixation quand on découvre l’œil dévié se fait auprix d’une déviation de l’autre œil : il s’agit d’une tropie s’il y a strabisme ou paralysie oculomotrice(d’une exotropie si la déviation est en dehors, d’uneésotropie si elle est en dedans, d’une hypertropie sielle est verticale ou oblique);

– en cas de paralysie oculomotrice, la déviation estmaximale dans le champ d’action du muscle paralyséet diminue dans la direction opposée.

La mesure de la déviation peut être faite à l’aide deprismes ou au déviomètre.

On appelle déviation primaire la déviation mesuréelorsque l’œil sain est fixateur et déviation secondaire la déviation mesurée lorsque l’œil paralysé est fixateur. En cas de paralysie oculomotrice récente,la déviation secondaire est supérieure à la déviation primaire.

3. Étude des troubles de la torsion ou manœuvre de BielschowskyC’est l’étude de l’inclinaison latérale de la tête surl’épaule qui entraîne normalement un mouvement detorsion compensateur des globes. En cas de paralysieoculomotrice du IV, quand on incline la tête du côté de la paralysie, la diplopie augmente. L’inclinaison de la tête du côté opposé ne provoque pas ce phéno-mène. Ce test est donc très important dans une paralysieoculomotrice verticale pour faire la différence entre une atteinte du grand oblique et du droit supérieurcontrolatéral.

4. Étude de la diplopie • Méthode du verre rouge :en cas de diplopie, on inter-pose un filtre rouge devant un œil, par convention, l’œildroit. Cela permet de savoir quelle est l’image vue parchaque œil, puisque les 2 images sont séparées. On peutainsi analyser le décalage et sa variation en fonction dela position des yeux pour reconnaître le ou les musclesdéficitaires. Il existe des règles d’interprétation :– lorsque les axes se croisent, les images se décroisent :

dans une ésodéviation (en dedans, par exemple avecparalysie du VI), les images s’écartent et la diplopieest dite homonyme ; dans une exodéviation (déviationen divergence, par exemple avec atteinte du III),la diplopie est alors croisée;

– l’écart entre les 2 images augmente dans le champ d’action du muscle paralysé;

– l’image la plus périphérique est celle de l’œil paralysé.• Test de Hess-Lancaster :il est basé sur le principe dela confusion : chaque œil voit une image et un artificepermet de les différencier.Le sujet, en chambre noire, est placé devant un écranquadrillé et porte des lunettes ayant un filtre rougeplacé sur un l’œil droit et un filtre vert sur le gauche.

Deux torches projettent sur l’écran une flèche, unerouge vue uniquement par l’œil droit équipé du verrerouge et une verte vue uniquement par l’œil gauche.Pour étudier l’œil droit, l’examinateur donne la torcherouge, vue par cet œil, au patient et déplace la torcheverte sur l’écran en lui demandant de superposer larouge. Pour étudier l’œil gauche, les torches sont inversées (fig. 6).Ce test met en évidence l’œil atteint, dont le cadre dedéviation est le plus petit et le ou les muscles parétiques.Dans le cadre le plus petit, le carreau le plus petitindique le champ d’action du muscle atteint. Il visualisela déviation secondaire provoquée par la déviation dusynergique controlatéral.Ce test constitue un document objectif qui permet dequantifier et de suivre l’évolution du déficit.

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Diagnostic étiologique d’une diplopie binoculaire

Paralysies oculomotrices :tableau clinique et étiologies

L’atteinte du VI est la plus fréquente des paralysies oculo-motrices (30% à 40% environ), suivie par l’atteinte duIII partielle ou totale (25% des cas environ) et enfin lesatteintes du IV dont la fréquence varie en fonction durecrutement ou non de pathologie congénitale ; le resteest représenté par les atteintes multiples qui sont fréquentes. Les étiologies les plus fréquentes sont les causes traumatiques (20% environ), vasculaires (15% environ), tumorales (10 à 20% selon les séries) etcongénitales (environ 20%).

1. Moteur oculaire commun : III La paralysie du III représente entre 25 et 33,5% desparalysies oculomotrices. Elle peut être totale ou partielle.• Tableau clinique :dans sa forme complète, il existeun strabisme divergent et, du côté de l’atteinte, un ptôsisqui peut masquer la diplopie. En cas d’atteinte intrin-sèque, la pupille du côté atteint est en mydriase aréactive.Lorsque l’œil est maintenu ouvert, il existe une diplopiecroisée avec un petit décalage vertical des images. Lamobilisation fait apparaître un déficit de l’adduction, del’élévation et de l’abaissement. Le test de Lancasterconfirme la limitation du mouvement de l’œil dans cesdifférentes directions et montre l’hyperaction de tous lesmouvements de l’œil sain, en dehors de l’adduction (fig. 7).Elle peut être partielle, touchant 1 ou 2 muscles ; il peutégalement exister une atteinte extrinsèque isolée avecrespect de la pupille. L’atteinte intrinsèque isolée estexceptionnelle. Une mydriase unilatérale isolée est enrègle une pupille d’Adie et non un III intrinsèque pur.

Il est cependant inapplicable en cas de trouble très marqué de la vision des couleurs, de correspondancerétinienne anormale, d’acuité visuelle unilatérale basse.

5. Étude des pupilles (motricité oculaire intrinsèque)• Elle se fait en position primaire,en utilisant diffé-rents types d’éclairage : obscurité, lumière intermédiaire,lumière forte. On éclaire les pupilles en alternance(étude du réflexe photomoteur direct et consensuel) puissimultanément. On étudie enfin la réponse pupillaire à laconvergence (myosis bilatéral).• On recherche une anisocorie(différence de tailleentre les 2 pupilles). La pupille dont la taille varie lemoins en fonction de l’éclairement est la pupille patho-logique : une mydriase unilatérale aréactive associée àune diplopie qui doit faire rechercher une atteinte du IIIextrinsèque et intrinsèque. Une telle association est leplus souvent liée à une pathologie compressive.

Diagnostic différentiel d’une diplopie binoculaire :la diplopie monoculaireCette diplopie persiste lors de l’occlusion de l’œil sainet disparaît lors de l’occlusion de l’œil pathologique.Elle disparaît lors de la mise en place d’un trou sténo-péique devant l’œil atteint. Elle est liée à des atteintesoculaires unilatérales :– cornéennes : taie cornéenne, kératocône, kératite,

astigmatisme important ;– iriennes : iridectomie, iridodialyse;– cristalliniennes : subluxation du cristallin, cataracte

hétérogène;– rétiniennes : pathologie maculaire, par exemple mem-

brane épirétinienne.

Ophtalmologie

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Lancaster normal.6

Paralysie du III droit.7

• Les causes chez l’adulte sont :– une origine anévrismale dans 20 à 30% des cas;– une cause ischémique dans 20% des cas environ

(grande fréquence des atteintes du III d’origine diabétique qui peuvent être douloureuses);

– une fréquence de 10 à 20% pour les causes trauma-tiques;

– une fréquence de 10 à 15% pour les causes tumoralesavec ou sans hypertension intracrânienne (HIC);

– les autre causes sont plus rares : la sclérose en plaques(SEP), la maladie de Horton (à évoquer chez le sujetâgé), des raisons infectieuses (méningites, encépha-lites), le syndrome de Tolosa et Hunt. Dans 10 à 14%des cas, la paralysie oculomotrice du III reste de causeindéterminée, avec probablement une grande propor-tion d’atteintes vasculaires;

– chez l’enfant, la moitié des atteintes sont d’originecongénitale ; les étiologies anévrismales sont rares(7 %). Notons sur ce terrain la migraine ophtalmo-plégique, qui reste un diagnostic d’élimination.

• La conduite à tenir devant une atteinte du III isolée dépend ou non de l’existence d’une atteintepupillaire et de l’âge du patient. Une atteinte du III avecatteinte pupillaire associée à une douleur impose la réalisation en urgence d’une imagerie par résonancemagnétique (IRM) complétée par une artériographiecérébrale, seul examen permettant d’éliminer formel-lement l’existence d’un anévrisme intracrânien.L’atteinte partielle du III, ne touchant pas tous lesmuscles, n’est en règle pas d’origine ischémique etimpose un bilan neuroradiologique pour éliminer unecompression.

2. Nerf pathétique (IV)• Il existe une attitude vicieuse de la tête,inclinée ettournée vers le côté sain, menton abaissé. La diplopieverticale prédomine dans le regard en bas et en dedans etgêne la lecture, la marche, la descente des escaliers.

En position primaire, l’hypertropie est modérée ouabsente et l’œil ne peut se porter en bas et en dedans ; la diplopie augmente si le sujet incline la tête sur l’épau-le du côté paralysé, avec dans ce cas un mouvementd’élévation de l’œil paralysé : c’est la manœuvre deBielschowsky précédemment décrite.• Le test de Lancastervisualise la limitation du grandoblique et l’hyperaction du droit inférieur controlatéral(agoniste controlatéral) [fig. 8].• Les 2 grandes causes de l’atteinte du IVisolée sontl’origine traumatique et l’atteinte congénitale. Lesautres causes : vasculaires, sclérose en plaques, tumeurs,infections, collagénoses, etc. sont beaucoup plus rares. En pratique, devant une atteinte du IV non traumatiquechez un adulte, en l’absence d’argument lors de l’examenoculomoteur en faveur d’une origine congénitale, uneimagerie par résonance magnétique sera pratiquée afind’éliminer une atteinte tumorale.

3. Atteintes du moteur oculaire externe (VI)• La plus fréquente des paralysies oculomotricesn’apas de valeur localisatrice. Elle associe :– une attitude vicieuse de la tête, tournée vers le côté du

muscle paralysé ;– un strabisme convergent, œil atteint en adduction avec

abduction impossible ;– une diplopie horizontale homonyme, maximale dans

le regard du côté paralysé ;– l’épreuve de Lancaster montre une limitation de

l’abduction de l’œil pathologique avec une hyper-action de l’adduction de l’œil sain (fig. 9)

• Une paralysie bilatérale du VI peut s’observer dans lesatteintes traumatiques et au cours de l’hypertensionintracrânienne. Il existe dans ce cas une diplopie hori-zontale qui augmente dans le regard latéral droit etgauche et est moins importante dans le regard de face. Il existe une limitation bilatérale de l’abduction avecune hyperaction de l’adduction aussi bilatérale.

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Paralysie du grand oblique droit (IV droit).8 Paralysie du droit externe droit = VI droit.9

Atteinte de la jonction neuromusculaire : la myasthénie

On l’évoque devant une diplopie intermittente,variable, majorée par les efforts musculaires et lafatigue. Les signes oculomoteurs, diplopie et ptôsis, sontinauguraux dans 70% des cas et environ 95% des patients présentent une atteinte oculomotrice au cours de la maladie. La pupille est toujours épargnée.Les muscles les plus souvent atteints sont le releveur de la paupière supérieure, le droit interne et ensuite ledroit supérieur.

Atteintes musculaires

La présentation clinique de chacune des atteintes d’unmuscle oculomoteur est résumée dans le tableau II.Les causes des atteintes musculaires sont les suivantes.• La pathologie traumatique :incarcération du droitinférieur dans une fracture du plancher de l’orbite,il faut rechercher d’autre signes, inconstants telle uneanesthésie du nerf sous-orbitaire, une énophtalmie.• L’ophtalmopathie thyroïdienne :l’atteinte oculo-motrice peut précéder, accompagner ou suivre l’atteinteendocrinienne (le plus souvent maladie de Basedow).On recherche une exophtalmie et une rétraction palpé-brale avec asynergie oculo-palpébrale. Les muscles lesplus souvent atteints sont le droit inférieur puis lemuscle droit interne. • Les affections musculaires héréditaires :on peutciter l’ophtalmoplégie externe progressive où l’atteinteoculomotrice est le plus souvent bilatérale et s’accom-pagne d’un ptôsis précoce ; les patients se plaignentdonc rarement de diplopie.

• Chez l’adulte, la cause traumatiqueest la plus fré-quente. En dehors de ce contexte les atteintes vascu-laires sont les plus fréquentes. Le bilan retrouve unehypertension artérielle et (ou) un diabète. L’atteinterégresse en 3 à 6 mois.• Les autres causessont : tumorales (par irritation,compression du nerf ou par hypertension intracrânienne),la sclérose en plaques, les causes infectieuses (ménin-gites, mastoïdites), inflammatoires (maladie de Horton,sarcoïdose, syndrome de Tolosa et Hunt)…• Chez l’enfant, les principales causes sont trauma-tiques et tumorales.

4. Atteintes combinées de plusieurs nerfs oculomoteursLes causes les plus fréquentes sont traumatiques ettumorales. L’association de différentes paralysies oculo-motrices a une grande valeur localisatrice. Plusieurssyndromes sont ainsi constitués (tableau I).

Atteintes supranucléaires :ophtalmoplégie internucléaire antérieure (OINA)

Elle se traduit, dans les mouvements de latéralité, parune limitation de l’adduction de l’œil du côté atteint, etun nystagmus de l’œil opposé en abduction ; il existedonc une diplopie horizontale dans le regard latéralconcerné. La convergence est respectée.Chez les patients de moins de 40 ans, la sclérose enplaques est la cause dominante ; chez les patients plusâgés, les causes vasculaires sont les plus nombreuses ;les causes tumorales sont rares. Le diagnostic étio-logique repose sur l’imagerie par résonance magnétiquecérébrale qui visualise le tronc.

Ophtalmologie

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Localisation Signes cliniques

Syndrome carotido-caverneux III, IV, V, VI et sympathique

Syndrome de la fente sphénoïdale III, IV, VI, V1

Syndrome de l’apex orbitaire II, III, IV, VI, V1

Syndrome de Weber (pied du pédoncule) III, hémiplégie croisée

Syndrome pédonculaire de Benedikt (noyau rouge) III, mouvements anormaux controlatéraux (ataxie cérébelleuse, tremblement)

Syndrome de Millard-Gubler (protubérance) VI, VII périphérique, hémiplégie croisée respectant la face

Syndrome de l’angle ponto-cérébelleux V, VII et VIII, atteinte du VI tardive

Syndrome de la pointe du rocher (Gradenigo) V et VI

Syndrome de Garcin (base du crâne) Atteinte homolatérale multiple étendue des nerfs crâniens de I à XII

Paralysies multiples des nerfs crâniens

TABLEAU I

Autres causes de la diplopie binoculaire

• Les causes optiques :l’anisométropie, si elle estimportante entraîne une aniséiconie (différence de tailleentre les 2 images). Dans ce cas, la fusion est impossibleet une diplopie apparaît.• Les hétérophories décompensées :il existe dans cecas une rupture du réflexe de fusion et la diplopie appa-raît à la fatigue et lors de efforts visuels. Cette diplopiereste quasi identique dans toutes les directions duregard. L’examen sous écran confirme la phorie etl’épreuve de Lancaster montre l’absence de paralysieoculomotrice.• Les strabismessoit dans la forme du strabisme aigu àdébut brutal soit en postopératoire, en particulier chezun adulte.

La simulation

Le diagnostic est fait par le verre rouge et l’épreuve deLancaster. ■

D I P L O P I E

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Action ❑ adducteur ❑ élévateur ❑ abaisseur ❑ élévateur ❑ abaisseur ❑ abducteur❑ adducteur ❑ adducteur ❑ abducteur ❑ abducteur❑ intorteur ❑ extorteur ❑ extorteur ❑ intorteur

Champ ❑ en dedans ❑ en haut ❑ en bas ❑ en haut ❑ en bas ❑ en dehorsd’action et en dehors et en dehors et en dedans et en dedans

Déviation ❑ divergence ❑ œil en bas ❑ œil en haut ❑ œil en bas ❑ œil±en haut ❑ divergence

Diplopie ❑ horizontale ❑ verticale ❑ verticale ❑ verticale ❑ verticale ❑ horizontale❑ croisée ❑ maximale maximale ❑ maximale ❑ maximale ❑ homonyme❑ maximale vers le haut vers le bas vers haut en bas ❑ maximaleen adduction et côté paralysé et côté atteint et dedans ❑ augmente en dehors

si tête vers côtéatteint

Attitude ❑ face tournée ❑ menton haut ❑ menton bas ❑ tête en arrière ❑ menton bas ❑ tête tournéevicieuse du côté sain ❑ tête tournée ❑ tête tournée ❑ tête vers ❑ face du côté côté atteint

côté atteint côté atteint côté sain sain

Mouvements ❑ adduction ❑ élévation ❑ limitation ❑ limitation ❑ limitation ❑ abductionoculaires limitée limitée en bas en haut en bas limitée

❑ surtout et en dehors et en dedans et en dedanscôté atteint

Épreuve ❑ déficit droit ❑ déficit droit ❑ déficit droit ❑ déficit petit ❑ déficit ❑ déficit droitde Lancaster interne supérieur inférieur oblique grand oblique externe

❑ hyperaction ❑ hyperaction ❑ hyperaction ❑ hyperaction ❑ hyperaction ❑ hyperactiondroit externe petit oblique grand oblique droit supérieur petit oblique droit internecontrolatéral controlatéral controlatéral controlatéral homolatéral et controlatéral

droit inférieurcontrolatéral

Muscles Droit interne

Droit supérieur

Droit inférieur

Petit oblique Grandoblique

Droitexterne

• L’existence d’une diplopie binoculaire est la conséquence d’une modification de la cinétique binoculaire physiologique. Il est important de faire dans un premiertemps, lors de l’examen clinique, un diagnostictopographique de l’atteinte : paralysie de fonction, paralysie oculomotrice, myasthénie,atteinte musculaire.

• Le terrain et le contexte permettent ensuite de guider les examens complémentaires parmilesquels l’imagerie cérébrale vient en premier.

• Les causes les plus fréquentes sont les atteintestraumatiques, vasculaires et tumorales.

• Une seule urgence existe, c’est la paralysie du III intrinsèque et extrinsèque douloureusequi impose la réalisation urgente d’une artériographie carotidienne afin d’éliminerformellement une malformation vasculaire.

Points Forts à retenir

Atteintes musculaires

TABLEAU II

Ophtalmologie

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2. Examens complémentaires

Ils permettent d’affiner le diagnostic d’une exophtalmie,d’en faire la mesure précise et d’orienter l’enquête étiologique. Parmi les techniques d’imagerie médicale,on peut citer l’échographie, l’écho-doppler couleur,lescanner et l’imagerie par résonance magnétique.Un bilan biologique (T3, T4, TSH [thyroid stimulatinghormone], dosage d’anticorps…) peut compléter lesinvestigations en fonction de l’examen clinique et radiologique.• L’examen tomodensitométriquequantifie l’exophtalmieen mesurant la protrusion du globe oculaire par rapportà la ligne bi-canthale externe dans un plan axial nomméplan neuro-oculaire passant par le cristallin et le canaloptique (fig. 2 et 3) :– grade I : plus des deux tiers de la longueur du globe

oculaire se projettent en avant de la ligne bi-canthaleexterne ;

– grade II : la ligne bi-canthale externe passe à l’aplombdu pôle postérieur du globe oculaire ;

– grade III : le globe oculaire est projeté en avant de laligne bi-canthale externe.

Combinée à une reconstruction en 3 dimensions, latomodensitométrie permet d’analyser les paroisosseuses de l’orbite. C’est la méthode de référence pourtoute lésion osseuse, traumatique, congénitale, tumoralemais aussi inflammatoire. • L’imagerie par résonance magnétiquepermet unebonne approche de la caractérisation tissulaire orbitaire,supérieure aux possibilités du scanner (fig. 4).

L’exophtalmie ou protrusion du globe oculaire est définiepar un déplacement anormal du globe oculaire dans unplan antéro-postérieur. Par analogie, ce déplacementpeut siéger dans les trois plans de l’espace, sous formed’un déplacement horizontal ou d’un déplacement vertical.On parle alors de dystopie oculaire dans un des troisplans de l’espace.

Diagnostic

Diagnostic positif

1. Aspect cliniqueDe face, elle s’objective par la perte des rapports normaux entre les paupières et l’œil (fig. 1).La paupière supérieure ne cache plus la partie supérieurede la cornée. La paupière inférieure n’affleure plus le limbe commenormalement, découvrant ainsi la conjonctive.De profil, l’exophtalmie est souvent plus apparente.Elle se mesure à l’exophtalmomètre (type Hertel). Elleest normalement o à 18 mm. Elle peut atteindre deschiffres considérables (25 à 30 mm au Hertel).

ExophtalmieOrientation diagnostique

DR Serge MORAX, DR Mehrad HAMEDANI

Service d’ophtalmologie, fondation ophtalmologique A.-de-Rothschild, 75019 Paris.

• L’exophtalmie constitue le signe cliniquemajeur dans les maladies orbitaires.

• La mesure se fait cliniquement par l’exophtalmomètre de Hertel et radiologiquement par la projection du globeoculaire par rapport à la ligne bi-canthaleexterne dans le plan neuro-oculaire.

• L’interrogatoire, l’examen clinique soigneux et le bilan radiologique (scanner, imagerie par résonance magnétique, échographie doppler couleur orbitaire) permettent de reconnaître l’entité pathologique responsable de l’exophtalmie dans la grandemajorité des cas.

• Les causes sont nombreuses. Il faut distinguerles exophtalmies dans le cadre d’une orbitopathiedysthyroïdienne, les exophtalmies tumorales,inflammatoires, traumatiques, vasculaires et, enfin, les exophtalmies dans le cadre d’une malformation orbitaire.

Points Forts à comprendre

Exophtalmie unilatérale droite associée à une rétractionpalpébrale supérieure (maladie de Basedow).

1

• L’échographie doppler couleurest la superpositiond’une image en mode B et d’une image des flux vascu-laires par effet doppler. Elle a comme principal avantaged’être un examen dynamique en temps réel, donnant desinformations morphologiques et fonctionnelles (caracté-risation tissulaire et étude de la vascularisation).

Diagnostic différentiel : les faussesexophtalmies

Il faut éliminer les fausses exophtalmies dues à :• l’augmentation du volume de l’œilcomme on l’observe

au cours de la myopie forte, au cours des glaucomescongénitaux évolués (buphtalmie) ;

• des malpositions palpébralesnotamment des rétrac-tions palpébrales soit d’origine musculaire avec asynergie oculo-palpébrale vers le bas, caractéristiquedes orbitopathies dysthyroïdiennes mais aussi à la suite de paralysie faciale voire de rétraction cutanée consécutive à des brûlures palpébrales ou àdes traumatismes ;

• une énophtalmie unilatérale controlatéralequiest la plupart du temps liée à des lésions des parois de l’orbite : traumatisme, asymétrie faciale,brèche osseuse, rarement syndrome de ClaudeBernard-Horner et encore plus rarement une cica-trisation post-traumatique, post-radique ou post-inflammatoire.

E X O P H T A L M I E

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Diagramme des mesures de l’exophtalmie par rapport à la ligne bi-canthale externe dans le plan neuro-oculaire en 3 grades.

2

Intérêt de l’imagerie par résonance magnétique. Coupesagittale montrant un angiome caverneux rétrobulbaire(flèche).

4

Scanner d’une exophtalmie asymétrique grade III droit,grade II gauche (maladie de Basedow).

3

• La réaction inflammatoire à bas bruitprésente uneévolution lente et insidieuse. Cette dernière présentationse rencontre essentiellement dans les syndromes lympho-prolifératifs, l’orbitopathie dysthyroïdienne, les néo-plasies primaires et secondaires, les vascularites, lesinflammations orbitaires sclérosantes idiopathiques, lesaffections granulomateuses.

4. Retentissement fonctionnelToutes les structures présentes dans l’orbite peuvent êtreaffectées par un processus lésionnel comptant différentsmécanismes : compression, ischémie, érosion, infiltra-tion. Selon la structure atteinte, le retentissement seradonc visuel, sensitif, oculomoteur, oculo-palpébral,sécrétoire et vasculaire.

5. Lésions du nerf optique Les lésions du nerf optique sont étudiées par les explora-tions fonctionnelles (acuité visuelle, sensibilité auxcontrastes, vision des couleurs, champ visuel, potentielsévoqués visuels). L’examen du fond d’œil précise l’étatde la papille (œdème, atrophie), mais aussi l’existencede pli choroïdien pouvant traduire une compression dupôle postérieur par une masse intra-orbitaire rétrobul-baire.

6. Troubles oculomoteursLes troubles oculomoteurs se traduisent par une diplopiequels qu’en soient la cause ou le mécanisme. Cette diplo-pie est au mieux étudiée par un bilan orthoptique avectest de Hess-Lancaster.

7. Signes hémodynamiquesLes signes hémodynamiques dépendent de l’intensité duflux sanguin. La présence d’un frémissement (thrill ) à lapalpation de l’orbite et d’un souffle vasculaire à l’aus-cultation de la région orbitaire oriente vers une angio-dysplasie de haut débit type fistule artério-veineuse. Lamajoration d’une exophtalmie lors de la compressionjugulaire ou d’une manœuvre de Valsalva oriente versune angiodysplasie veineuse de type varice orbitaire.

Grands syndromes étiopathogéniques

On distingue par ordre de fréquence les exophtalmiesd’origine thyroïdienne, volontiers bilatérales, et lesexophtalmies tumorales le plus souvent unilatérales.Parmi les autres causes, on peut citer les exophtalmiesinflammatoires, les traumatiques, les vasculaires etcelles dues à des malformations orbitaires.

Exophtalmies endocriniennes au coursdes dysthyroïdies

Ce sont les plus fréquentes des exophtalmies. Elles sonten règle générale bilatérales, mais les formes unilaté-rales (20 % des cas) ne sont pas rares. Ces exophtalmiessurviennent dans un contexte d’orbitopathie (l’ensemble

Approche diagnostique

L’objectif de l’examen est de préciser par une excellenteétude clinique et radiologique les points suivants : carac-tère de l’exophtalmie (uni- ou bilatéralité, réductibilitéou non à la pression, topographie de l’exophtalmie dansles 3 plans de l’espace à savoir exophtalmie dans unplan antéro-postérieur, dystopie verticale ou dystopiehorizontale) mais aussi localisation, évolution, caractèreinflammatoire, retentissement fonctionnel et nature dela lésion.L’ensemble de ces informations, avec l’aide de l’imagerieet, la plupart du temps, de l’histologie, peut préciser ledernier point : quelle est la cause ?

1. Moyen de localisation La localisation de la lésion peut être évidente d’emblée,surtout s’il s’agit d’une lésion très antérieure, unilatérale,aiguë, sans signe inflammatoire associé. Elle peut êtrebeaucoup plus difficile si la lésion est plus profonde,bilatérale, chronique et masquée par une réactioninflammatoire importante.

2. ÉvolutionUne évolution extrêmement rapide en quelques heuresévoque une hémorragie dans une lésion préexistante,une inflammation fulminante. Une évolution plus lente,mais rapidement progressive en quelques jours, évoqueun processus inflammatoire ou une néoplasie de hautgrade de malignité. Une évolution insidieuse se voitdans les tumeurs bénignes ou de bas grade ou dans lesinflammations à bas bruit.Les variations dans le temps sont également contribu-tives. Certaines inflammations se traduisent par un renforcement matinal de l’œdème palpébral, de l’exophtalmie et de la diplopie, lié au décubitus. Dansles angiodysplasies veineuses (varice orbitaire), lamanœuvre de Valsalva entraîne une hyperpression dans les voies aériennes qui se transmet au système veineux distensible entraînant une augmentation del’exophtalmie.

3. Caractère inflammatoireL’inflammation est présente dans près de 60 % desaffections orbitaires. L’exophtalmie s’accompagne alorssouvent d’un œdème palpébral, d’un chémosis et dedouleurs. Trois types de réaction inflammatoire peuventêtre distingués. • La réaction inflammatoire intenseest dominée parles cellulites orbitaires infectieuses, les inflammationsaiguës non spécifiques, les inflammations oculairesaiguës et certaines néoplasies fulminantes (rhabdomyo-sarcome). L’évolution est rapide en quelques jours.• La réaction inflammatoire modéréese traduit par uneffet de masse, d’injection, des douleurs sourdes, unebaisse de la fonction visuelle. La cause la plus fréquenteest l’orbitopathie dysthyroïdienne, les mycoses orbi-taires, les inflammations orbitaires non spécifiques,certaines inflammations aiguës oculaires.

Ophtalmologie

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du contenu orbitaire est touché) et on préfère actuel-lement utiliser le terme de dysthyroïdie car la plupartdes manifestations de l’orbitopathie surviennent dans uncontexte thyroïdien qui peut être avant tout hyper-thyroïdien mais aussi hypothyroïdien et euthyroïdien(syndrome de Saint-Yves).

1. Signes cliniquesL’exophtalmie est liée à l’augmentation du volume ducontenu orbitaire par un gonflement des muscles et (ou)une augmentation du compartiment graisseux orbitaire.Elle peut être de plusieurs grades I, II ou III. Elle s’ac-compagne de façon variable : d’anomalies inflammatoiressous forme d’œdème conjonctival (chémosis), d’unehypertrophie de la glande lacrymale, d’un œdème etd’un gonflement des paupières avec parfois aggravationdes douleurs et inconfort, à la pression du globe oculaire. Ces troubles peuvent s’accompagner de fatigue oculaire. D’autres signes doivent être recherchés.• La rétraction palpébrale supérieure spasmodique oupermanente(signe de Dalrymple) laisse découvrir lelimbe supérieur. Elle est responsable d’une asynergieoculo-palpébrale dans le regard vers le bas (signe deDegraefe) : la paupière supérieure ne suit pas ou suitavec retard le globe oculaire.• Une diplopie est provoquée le plus souvent par fibrosed’un muscle oculomoteur, en particulier le muscle droit inférieur, sous forme d’une hypotropie avec limitationde l’élévation.• Une atteinte cornéennepar lagophtalmie est un signeà rechercher.• Un déficit de la fonction visuellecentrale et péri-phérique par neuropathie optique compressive parfoisvu à l’examen tomodensitométrique systématique.Celui-ci permet d’étudier le volume des masses muscu-laires au niveau de l’apex orbitaire expliquant la compression. Le traitement, parfois en urgence, faitappel à la corticothérapie générale à fortes doses parvoie veineuse, associée ou non à une radiothérapie orbitaire ou à une décompression orbitaire.

2. Examen tomodensitométriqueL’examen tomodensitométrique est indispensable. Ilpermet de mesurer le degré d’exophtalmie, de mettre enévidence l’augmentation du volume des muscles, de lagraisse et dans le même temps d’étudier les paroisosseuses, la taille des sinus et leur clarté en vue d’uneéventuelle décompression orbitaire.

3. DiagnosticLe diagnostic d’exophtalmie endocrinienne repose surdes critères cliniques et paracliniques (hypersécrétionthyroïdienne avec augmentation de T3 libre, T4 libre,effondrement de la TSH, présence d’anticorps anti-récepteurs de TSH). Cette exophtalmie endocriniennesurvient la plupart du temps dans le cadre d’une maladiede Basedow (goitre, exophtalmie, tachycardie, troublesnerveux, troubles gastro-intestinaux) chez la femme àl’époque de la ménopause. Plus rarement, il s’agit

d’exophtalmie et surtout de syndromes palpébrauxrétractiles dans le cadre d’une thyroïdite d’Hashimoto,d’un adénome toxique. Enfin, cette exophtalmie peutsurvenir aussi bien dans un contexte d’hypothyroïdieque dans un contexte d’euthyroïdie (syndrome de Saint-Yves).L’exophtalmie peut inaugurer la maladie de Basedow ouprécéder les autres signes de plusieurs mois ou années.

4. ÉvolutionL’évolution naturelle de l’exophtalmie dysthyroïdiennepasse le plus souvent par une période d’augmentation,de stabilisation puis de diminution sur une période de 3 mois à 3 ans. Elle peut être influencée par la cortico-thérapie au début en phase inflammatoire ; au stade deséquelles, elle est indépendante du traitement cortiso-nique et du traitement antithyroïdien.

5. TraitementLe traitement comporte l’équilibre thyroïdien par lesantithyroïdiens de synthèse, iode 131 ou la thyroïdectomie.Selon le caractère inflammatoire ou non et compressifou non, un traitement de l’exophtalmie peut être institué :corticothérapie, radiothérapie et éventuellement décom-pression orbitaire.

6. Exophtalmie œdémateuse maligneL’exophtalmie œdémateuse maligne, complicationredoutable exceptionnelle, survient après une thyroïdec-tomie ou quelquefois après un traitement par l’iode. Ellese traduit par une exophtalmie majeure, très inflamma-toire, avec malocclusion palpébrale, ophtalmoplégie,kératite. Le pronostic se situe à 2 niveaux : au niveau dela cornée (risque d’ulcération et d’abcès) et au niveau dunerf optique (compression du nerf optique, papilliteœdémateuse). Le traitement doit être entrepris en urgence,basé sur la corticothérapie générale à fortes doses parvoie veineuse, la radiothérapie orbitaire et éventuellementune décompression orbitaire.

Exophtalmies tumorales

Les exophtalmies tumorales sont habituellement irré-ductibles et souvent se traduisent par un déplacementdans un des 3 plans de l’espace (dystopie horizontale,verticale ou sagittale). Elles s’accompagnent volontiersau cours de leur évolution d’une diplopie avec limitationdes mouvements, d’une ophtalmoplégie plus ou moinstotale par syndrome de la fente sphénoïdale, parfoisd’une baisse d’acuité visuelle ou d’une cécité en cas desyndrome de l’apex (compression du nerf optique).Dans de rares cas, le diagnostic est facilité par la présenced’une tumeur palpable associée à l’exophtalmie : tumeurde l’angle supéro-interne évoquant une mucocèle dusinus frontal, un ostéome frontal à consistance osseuseet plus rarement une méningocèle molle ; une masse del’angle supéro-externe orientant vers une tumeur de laglande lacrymale. Mais très souvent, une exophtalmieisolée et unilatérale nécessite un bilan ORL et tomo-

E X O P H T A L M I E

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phtalmie ; soit propagées comme la méningocèle ouméningo-encéphalocèle. Il s’agit d’un kyste contenantdu liquide céphalo-rachidien par hernie des méningesdans l’orbite. La masse siège dans l’angle supéro-interne,elle est molle, parfois expansive avec les cris, refoulantl’œil en bas et en dehors. Le diagnostic est radiologique.Le traitement est neurochirurgical. • Le kyste hydatique de l’orbitese traduit par uneexophtalmie unilatérale, rapide et douloureuse. Le diagnostic préopératoire est assuré par la sérologie etpar l’imagerie.• Parmi les autres tumeurs rencontrées chez l’enfant,on peut citer le granulome éosinophile, tumeur bénignequi rentre dans le cadre des histiocytoses X, les tumeursorbitaires métastatiques d’origine hématologiquecomme une leucémie ou les métastases d’un neuro-blastome, exceptionnellement la propagation orbitaired’un rétinoblastome.

2. Tumeurs orbitaires chez l’adulteElles sont actuellement dominées dans leur fréquencepar les syndromes lymphoprolifératifs. L’exophtalmieest d’évolution lente, irréductible, isolée. La fonctionvisuelle est rarement altérée. La masse orbitaire peutêtre très antérieure et fait alors saillie dans le cul-de-sacconjonctival déformant les paupières. L’imagerie permetd’évoquer le diagnostic, de préciser l’importance deslésions et l’extension postérieure. Le diagnostic est faitpar la biopsie qui permet de classer le syndrome lympho-prolifératif selon son grade : bas, intermédiaire, selon letype de cellules. Le traitement repose sur la radiothérapie,la chimiothérapie selon le degré d’extension locale etgénérale. Nous en rapprochons les hémopathies à localisation orbitaire comme la maladie de Hodgkin,les leucémies ou les myélomes. • Les tumeurs de la glande lacrymalepeuvent prendrel’aspect d’une exophtalmie indolore, progressive, dépla-çant l’œil en bas, sans trouble oculomoteur, bien limitéeen imagerie et évoquant avant tout une tumeur mixte ouun adénocarcinome qui doit imposer l’exérèse en totali-té sans rupture de capsule.• Les tumeurs propagéessont chez l’adulte essentiel-lement des tumeurs sinusiennes en particulier les muco-cèles, plus rarement des tumeurs malignes comme lescarcinomes épidermoïdes du sinus maxillaire et des adénocarcinomes siégeant le plus souvent au niveau del’ethmoïde (vus classiquement chez les travailleurs dubois). L’extension orbitaire se traduit par une exophtalmietardive, une douleur oculaire mal systématisée, une bais-se d’acuité visuelle, une diplopie, un épiphora et parfoisun ptosis. Le diagnostic repose sur la confrontation del’examen clinique et des données radiologiques.• Les tumeurs métastatiquessont les plus fréquentes encomparaison des cancers orbitaires primitifs. Par ordrede fréquence, l’origine de la tumeur primitive est avanttout le cancer du sein chez la femme dans 42 % des cas,puis les cancers broncho-pulmonaire, prostatique, le mélanome et le cancer du rein. Ces métastases sont àl’origine d’exophtalmie importante, douloureuse avec

densitométrique orbitaire. En dernier ressort, c’est labiopsie, lorsque la lésion est accessible, qui permet d’affirmer le diagnostic.

1. Tumeurs orbitaires de l’enfantElles sont rares chez le nourrisson et l’enfant, en parti-culier les formes néonatales et les formes secondairesmétastatiques. Les tumeurs bénignes surtout kystiquesreprésentent 50 à 80 % des cas.Les seules véritables tumeurs de l’orbite fréquentes quise présentent avec une exophtalmie au premier plan deleur tableau clinique sont le rhabdomyosarcome et legliome du nerf optique.• Le rhabdomyosarcomeest la tumeur maligne la plusfréquente chez l’enfant. D’origine mésenchymateuse,elle peut revêtir plusieurs aspects cliniques : soit exophtalmie non axile, non douloureuse, souvent àdéveloppement supéro-nasal, soit parfois tuméfactionrougeâtre entre le rebord orbitaire et le globe oculaireavec chémosis qui fait protrusion entre les paupières.L’exophtalmie s’accompagne très souvent d’un déficitdes mouvements du globe oculaire. Le diagnostic estconfirmé par la biopsie. Le traitement repose sur la chimiothérapie et la radiothérapie. Le pronostic a ététransformé ces dernières années grâce à un traitementprécoce et bien conduit. • Le gliome du nerf optiqueest une tumeur bénigne quise rencontre avant l’âge de 10 ans, elle se traduit par uneexophtalmie axile, lentement progressive, irréductible,accompagnée parfois d’un strabisme. Le fond d’œil peut montrer une atrophie optique avec un déficit de lafonction visuelle. L’examen tomodensitométrique etl’imagerie par résonance magnétique précisent la lésion,sa topographie et son extension. La tumeur est encapsulée,sans métastase mais l’extension peut se faire vers lechiasma. Le traitement, essentiellement chirurgical,dépend de la topographie et de l’extension de la lésion.Certaines formes avec extension vers le chiasma peu-vent bénéficier d’une irradiation. Une maladie deRecklinghausen doit toujours être recherchée.• Les tumeurs vasculairessont principalement desangiodysplasies orbitaires ou orbito-palpébrales quipeuvent se manifester par une exophtalmie. D’évolutionbénigne, elles sont parfois volumineuses et, dans ce cas,entraînent une occlusion palpébrale ou une déviation du globe oculaire susceptible d’engendrer une amblyopie.On peut distinguer l’hémangiome immature du nouveau-né qui régresse spontanément avec le temps oufavorisé par une corticothérapie, le lymphangiome dontle diagnostic est histologique et qui est souvent de trèsmauvais pronostic du fait des récidives fréquentes.• Le kyste dermoïde de l’orbiteest une tumeur bénigne,congénitale, siégeant dans l’angle supéro-externe del’orbite, ne s’accompagnant d’aucun trouble visuel nioculomoteur. L’exophtalmie est rare et traduit uneextension postérieure.• Les autres tumeurs orbitaires de l’enfantsont trèsrares. Il s’agit de tumeurs d’allure kystique : soit primitivescomme les kystes congénitaux de l’orbite avec micro-

Ophtalmologie

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chémosis et déficit oculomoteur. Le traitement reposesur la radiothérapie et la chimiothérapie.• Les tumeurs neurogènessont dominées par le méningiome du nerf optique et le méningiome sphéno-orbitaire propagé à l’orbite. L’exophtalmie est lentementprogressive, souvent axile, parfois latéralisée. Elle s’ac-compagne de déficits oculomoteurs et d’une baissed’acuité visuelle. L’imagerie permet la plupart du tempsde faire le diagnostic. Le traitement est essentiellementchirurgical. • Les autres tumeurs de l’orbite sont plus rares :ostéome du sinus frontal ou de l’ethmoïde, histiocytosenotamment tumeur osseuse de la maladie de Hand-Schüller-Christian avec granulome éosinophile, exoph-talmie, diabète.

Exophtalmies inflammatoires

On distingue les inflammations orbitaires non spécifiqueset spécifiques.

1. Inflammations orbitaires non spécifiques Ces anciennes pseudo-tumeurs inflammatoires peuventévoluer sur un mode aigu ou subaigu. La présentationclinique complétée par l’imagerie permet de distinguerdifférentes catégories selon la localisation : myosite,dacryo-adénite, forme antérieure, apicale et diffuse. Lediagnostic repose sur la biopsie montrant une infiltrationpolymorphe de cellules inflammatoires. Le traitementcomporte la corticothérapie.

2. Inflammations orbitaires spécifiques Elles sont secondaires à des entités pathologiques :infections, vascularites, granulomatose…Parmi les inflammations spécifiques de l’orbite, il fautsignaler les exophtalmies dans le cadre de la celluliteorbitaire. Elles peuvent se développer aux dépend dessinus de la face ou de l’oro-pharynx, à la suite d’uneplaie pénétrante de l’orbite, d’un corps étranger orbitaire,d’une infection oculaire ou comme complication d’unesepticémie. Les affections bactériennes sont les plus fréquentes mais on décrit aussi des affections virales etparasitaires. Chez l’enfant, il peut s’agir d’une ethmoï-dite aiguë et chez le nourrisson d’une ostéomyélite dumaxillaire supérieur.L’exophtalmie est douloureuse, peu réductible, d’appa-rition brutale, s’associant à un chémosis, à un œdèmechaud et rouge des paupières, une atteinte de l’état général avec fièvre et syndrome biologique (vitesse desédimentation élevée, polynucléose). Le diagnosticrepose sur l’examen oto-rhino-laryngologique (présencede pus au niveau du méat moyen) et sur l’imagerie orbito-cranio-sinusienne qui va montrer une opacité du sinus,une érosion osseuse et une infiltration de la graisse orbitaire.Il est indispensable de vérifier l’absence de thrombo-phlébite du sinus caverneux dont les signes évocateurssont l’augmentation du calibre de la veine ophtalmiquesupérieure de façon bilatérale, l’élargissement des

muscles oculomoteurs, l’élargissement du sinus caver-neux avec éventuellement image d’infarctus de l’artèrecérébrale.Ces sinusites, chez l’enfant, sont liées la plupart dutemps à Hæmophilus influenzæ avant 4 ans alors quechez l’adulte ce sont des infections polymicrobiennesfronto-ethmoïdiennes associant des gram-positifs, desgram-négatifs et des anaérobies. Il existe d’autres cellulites bactériennes mais aussimycosiques comme la mucormycose rhino-orbitaire depronostic gravissime, les aspergilloses, d’autres affec-tions comme la tuberculose, la syphilis, les infectionsparasitaires.

Exophtalmie traumatique

Elle est rare et est due à :• un hématome orbitaireen rapport avec une fracture

de l’orbite ou une plaie pénétrante plus ou moins asso-ciée à un corps étranger intra-orbitaire ; la résorptiondemande 10 jours ;

• un emphysème orbitairetémoignant d’une fractureorbitaire faisant communiquer sinus et orbite ; la pré-sence d’air avec crépitation de la paupière à la palpa-tion est caractéristique ; l’exophtalmie augmente devolume lors du mouchage ;

• une cellulite orbitaireaprès fracture ouverte ou corpsétranger intra-orbitaire méconnu.

Elle peut être pulsatile due à une fistule carotido-caverneuse ou une communication entre cerveau et orbi-te par le biais d’une fracture du toit. Dans tous les cas, l’imagerie est indispensable.

Exophtalmies vasculaires

Les lésions vasculaires de l’orbite peuvent être classéesen 3 catégories : hémangiomes immatures, malformationsvasculaires, tumeurs vasculaires.

1. Hémangiomes immatures Ce sont les plus fréquents chez l’enfant et ils subissentune régression spontanée sur plusieurs années (voir :tumeurs de l’enfant).

2. Malformations vasculaires Elles peuvent être sous-divisées anatomiquement selon le type de vaisseau préférentiellement impliqué en malformations capillaires, veineuses, artérielles,lymphatiques voire associatives. Elles peuvent aussi êtredifférenciées sur le plan hémodynamique en malformations à haut débit, ce qui se traduit souvent parune exophtalmie pulsatile et qui comprend les malfor-mations artérielles, les anévrismes, les fistules artério-veineuses mais aussi les malformations à faible débit(malformations capillaires, veineuses, lymphatiques et lymphangiomes).

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Exophtalmies dans les malformationscranio-faciales

Il s’agit de dysostose crânienne et craniofaciale avecsynostose. Il existe une modification de la configurationanatomique de l’orbite avec réduction du contenant res-ponsable d’une exophtalmie qui peut être monstrueuse.C’est donc une dysharmonie entre un contenant orbitairediminué et un contenu orbitaire resté identique. Les exophtalmies se rencontrent surtout dans la maladiede Crouzon, dans le syndrome d’Apert, mais aussi danscertaines malformations craniofaciales, type fente facialeet cranio-faciale. ■

En pratique, l’exophtalmie pulsatile s’accompagne decéphalées rétro-orbitaires, d’un souffle intracrânien,parfois d’une diplopie. L’exophtalmie est réductible,pulsatile avec un thrill à la palpation et un souffle àl’auscultation. Il existe une dilatation des vaisseauxconjonctivaux, une hypertonie oculaire parfois une para-lysie du VI et du III. Le diagnostic le plus fréquent estune fistule artério-veineuse d’origine traumatique. Lediagnostic est confirmé par l’imagerie notamment l’ar-tériographie. Le traitement repose à l’heure actuelle surla neuroradiologie interventionnelle qui permet le traite-ment endovasculaire par occlusion du sinus caverneux.Devant un syndrome d’énophtalmie-exophtalmie avecvariation et, en particulier, augmentation de l’exophtalmieen procubitus et lors de la compression des jugulaires, ilfaut penser à une angiodysplasie veineuse comme desvarices orbitaires qui sont confirmées par l’imagerienotamment la phlébographie orbitaire.

3. Tumeurs vasculaires proprement ditesDeux grandes causes sont à évoquer : l’hémangiomecaverneux et l’hémangiopéricytome. Devant une exophtalmie non pulsatile, axile, non douloureuse, sans retentissement fonctionnel oculaire,il faut penser à un angiome caverneux dont le diagnosticest souvent porté par l’imagerie. Le traitement discu-table est purement chirurgical. Le principal diagnosticdifférentiel dans ce contexte est une lésion lymphangio-mateuse.L’hémangiopéricytome, véritable tumeur d’origine vasculaire, est beaucoup plus rare.

Ophtalmologie

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• L’exophtalmie bilatérale évoque en premier lieu une orbitopathie dysthyroïdienne.

• L’exophtalmie unilatérale évoque en premierlieu une tumeur orbitaire.

• L’imagerie orbitaire (scanner, imagerie par résonance magnétique, échographie doppler couleur) est indispensable devant touteexophtalmie uni- ou bilatérale.

Points Forts à retenir

Adenis JP, Morax S. Pathologie orbito-palpébrale. Rapport de

la Société française d’ophtalmologie. Paris : Masson, 1998.

POUR EN SAVOIR PLUS

Ophtalmologie

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– à chambre antérieure étroite, inférieure à 2,5 mm ;– à angle étroit.Ces conditions anatomiques sont nécessaires mais insuf-fisantes pour que la crise de glaucome aigu survienne. Ilest indispensable qu’un facteur déclenchant soit présentpour entraîner un blocage pupillaire et une élévationbrutale de la pression intra-oculaire. • Toute mydriase, qu’elle soit physiologique ou phar-macologique,est susceptible d’entraîner un glaucome àangle fermé chez un patient prédisposé. Il faut retenirque l’hypertonie oculaire peut être déclenchée par toutmédicament ayant une action mydriatique, qu’il soitprésenté sous forme locale ou générale. Le risque estd’autant plus grand que l’action du médicament est pro-longée. Un avis ophtalmologique est essentiel avanttoute prescription de médicaments à effet mydriatique,en particulier chez les sujets âgés.Une mydriase peut être simplement physiologique etsurvenue au cours d’une émotion, d’un stress, d’unedouleur intense, ou à la simple obscurité (séance decinéma, travail souterrain). Toutes ces conditions sontréunies durant toute période périopératoire (exemple :femme âgée et stressée car opérée d’une chirurgie diges-tive et chez qui il est prescrit de l’atropine ou des anti-spasmodiques…).• Les médicaments susceptibles d’entraîner une crisede glaucome aigu à angle fermé sont nombreux et seclassent en :– médicaments à effet parasympatholytique (par voielocale ou générale) :. psychotropes : antidépresseurs tricycliques, phénothia-zines, certaines benzodiazépines, imipraminiques…. antiparkinsoniens anticholinergiques ;. antispasmodiques (belladone) et antiulcéreux ;. antidiarrhéiques et antiémétisants ;. antihistaminiques H1 (antiallergiques, décongestion-nants nasaux, antimigraineux) ;. anticonvulsivants…. collyres mydriatiques : atropine, tropicamide, scopola-mine…– médicaments à effet sympathomimétique (par voielocale ou générale) :. antiparkinsoniens dopaminergiques ;

Étiologie

• Le glaucome aigu à angle fermé (ou par fermeture del’angle) est une urgence ophtalmologiquemédico-chi-rurgicale. Il est généralement dû à une constitution ana-tomique particulière de l’œil qui fait que, sous l’influen-ce de différents facteurs déclenchants, l’angleirido-cornéen peut se fermer.Le glaucome aigu à angle fermé est une maladie essentielle-ment biométrique (« petits yeux, gros problèmes »).Il sur-vient essentiellement sur des yeux anatomiquement pré-disposés :– le plus souvent, hypermétropes (donc courts), excep-tionnellement myopes ;– à petite cornée ;

Glaucome aigu à angleferméÉtiologie, physiopathologie, diagnostic, évolution, traitementPr Philippe DENISService d’ophtalmologie, hôpital Édouard-Herriot, 69437 Lyon cedex 03

• Le glaucome par fermeture de l’angle survientessentiellement sur des yeux prédisposés (œilprésentant une hypermétropie, une chambreantérieure ou un gros cristallin) et est le plussouvent déclenché par une mydriase(physiologique ou pharmacologique). • Le glaucome par fermeture de l’angle se traduitpar un blocage pupillaire de l’humeur aqueuse,aboutissant rapidement à une élévationimportante et généralement brutale de la pressionintra-oculaire. L’hypertonie oculaire se manifestepar des signes généraux et oculaires nonspécifiques mais évocateurs de la crise. Le diagnostic et le traitement d’une crise de glaucome aigu doivent se faire sans délai pour éviter ses conséquences graves sur l’œil et la vision.• Le glaucome par fermeture de l’angle ne doitpas être confondu avec le glaucome chronique à angle ouvert dont la physiopathologie et lasymptomatologie clinique sont fondamentalementdifférentes.

Points Forts à comprendre

. IMAO ;

. bronchodilatateurs (expectorants et antitussifs) ;

. sérotoninergiques (dexfenfluramine), anorexigènes(amphétamines) ;. collyres mydriatiques : phényléphrine, adrénaline…– dérivés nitrés (étiologie discutée).• Outre la dilatation pupillaire, le cristallin joue égale-ment un rôle essentieldans le déclenchement d’unecrise de glaucome aigu à angle fermé. Son augmentationde volume au cours de la vie explique que les conditionsanatomiques décrites (chambre antérieure étroite, angleiridocornéen étroit) ne soient réalisées qu’à partir d’uncertain âge (après 50 ans). Les dimensions biométriquesoculaires étant légèrement diminuées chez la femme, lesglaucomes aigus par fermeture de l’angle s’observentplus fréquemment chez la femme âgée (environ 3 foisplus souvent que chez l’homme). Le glaucome aigu àangle fermé est rarissime chez l’enfant.

Physiopathologie

La pression intra-oculaire résulte d’un équilibre entre lasécrétion de l’humeur aqueuse et son élimination. Toutealtération de la dynamique de l’humeur aqueuse s’accom-pagne d’une modification de la pression intra-oculaire.Le segment antérieur de l’œil est baigné par un liquidequ’on appelle l’humeur aqueuse. Ce liquide est enconstant renouvellement : il est sécrété par les procèsciliaires en arrière de l’iris, passe librement à travers lapupille dans la chambre antérieure de l’œil et est éliminédans l’angle iridocornéen par le trabéculum (puis par lecanal de Schlemm apposé à la face externe du trabécu-lum, et enfin par les veines épisclérales). Une quantitémineure de l’humeur aqueuse s’élimine directementhors de l’œil au travers du muscle ciliaire et de la sclère(voie uvéo-sclérale).• La plupart des glaucomes sont liés à un défaut d’éli-mination de l’humeur aqueuse.L’élévation prolongéede la pression intra-oculaire (dont la normale est de 15 ±

6 mmHg) entraîne une destruction progressive des fibresoptiques qui composent le nerf optique. Cette destructionest à l’origine d’une atrophie du nerf optique, avec exca-vation papillaire. Celle-ci s’accompagne de scotomesnégatifs (non perçus par le patient) que l’on peut détecterpar l’analyse du champ visuel par périmétrie.Chez un patient anatomiquement prédisposé, un contactanormal entre l’iris et le cristallin entraîne un blocagepupillaire relatif, plus important en cas de semi-mydria-se. La dilatation pupillaire favorise la séquestration del’humeur aqueuse dans la chambre postérieure de l’œilen arrière de l’iris qu’elle pousse en avant, réalisant unblocage pupillaire de l’humeur aqueuse. Alors que lebord de la pupille reste plaqué à la face antérieure ducristallin, la racine de l’iris est également repoussée enavant, s’accole à la partie périphérique de la cornée, cequi empêche secondairement (et définitivement, si letraitement n’est pas institué d’urgence) l’élimination del’humeur aqueuse. Le blocage pupillaire se traduit parune hypertonie oculaire brutale, parfois très importante(40 à 70 mmHg, parfois plus). Cette « véritable apo-plexie oculaire » peut entraîner une neuropathie optiqueessentiellement ischémique.• La mydriase pharmacologiqueinduit un relâchementdu tissu irien, son déplacement en avant, ainsi que lamise en tension de la zonule du cristallin, ce qui a poureffet de plaquer davantage le cristallin contre la pupille.En pratique, la semi-mydriase est plus dangereuse que lamydriase maximale où le bord pupillaire de l’iris sedétache du cristallin (faisant céder le blocage pupillaire).

Diagnostic

1. Diagnostic clinique

La crise de glaucome aigu par fermeture de l’angle sur-vient typiquement chez un sujet âgé (après 55 ans),desexe féminin et volontiers hypermétrope. Il n’est pasrare de retrouver des antécédents familiaux identiques

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Circulation normale de l’humeur aqueuse. L’humeuraqueuse est sécrétée par les procès ciliaires, passe librementau travers de la pupille et est éliminée dans l’angle irido-cor-néen (d’après A. Béchetoille).

1

Blocage pupillaire de l’humeur aqueuse. L’humeuraqueuse s’accumule derrière l’iris qu’elle repousse en avant.L’angle irido-cornéen se ferme, réalisant une crise de glau-come aigu (d’après A. Béchetoille).

2

car l’étroitesse de la chambre antérieure, qui prédisposeau blocage pupillaire, se transmet selon un mode vrai-semblablement autosomique dominant. Le glaucomepar fermeture de l’angle est fréquent dans la populationasiatique mais rare chez les mélanodermes.

• La crise se manifeste typiquement par :– un début brutal ;– des douleurs oculaires unilatérales intenses à type decéphalées péri-orbitaires à irradiation occipitale (avecdouleurs névralgiques du trijumeau), qui laisse lepatient prostré ;– une baisse brutale et ipsilatérale de l’acuité visuelle ;– une photophobie avec blépharospasme et larmoiementclair ;– des signes généraux, parfois au premier plan : nausées,vomissements (par réflexe oculo-digestif) ou bradycar-die (par réflexe oculo-cardiaque). • L’interrogatoire est essentiel à la recherche :– des facteurs déclenchants : médicaments, obscurité…– d’attaques prodromiques et intermittentes de fermetu-re de l’angle. Elles peuvent survenir des mois ou desannées avant la grande crise aiguë, déclenchées commecette dernière par une dilatation pupillaire. Les symp-tômes se résument à un brouillard visuel intermittent ouà la perception d’halos colorés autour des lumières (enrelation avec l’œdème cornéen), et à des douleurs ocu-laires survenant notamment le soir dans la pénombre.• L’examen ophtalmologique retrouve :– une baisse généralement franche de l’acuité visuelle ;– un discret œdème palpébral ;– un cercle périkératique (injection vasculaire de laconjonctive prédominant autour de la cornée) ou parfoisune vasodilatation conjonctivale globale ;– un œil « dur » (comme une « bille de verre ») au palperoculaire bidigital. La pression intra-oculaire peut dépas-ser 50 mmHg au tonomètre à aplanation ;– un œdème cornéen (par anoxie tissulaire), donnant unaspect « glauque » du reflet cornéen, volontiers associéà un phénomène de Tyndall de chambre antérieure et desprécipités rétrocornéens (par inflammation);

– une semi-mydriase unilatérale et aréflexique (parischémie irienne) ;– un angle iridocornéen fermé sur toute la circonférenceangulaire (souvent difficile à objectiver du fait de l’œdè-me cornéen) ;– une chambre antérieure étroite (inférieure à 2 mm),voire plate ;– un nerf optique normal, hyperhémié ou excavé (enfonction de l’existence d’antécédents de crises subai-guës spontanément résolutives).• L’examen de l’œil adelphe est essentiel,à la fois pourrechercher les signes prédisposants de la crise de glau-come aigu à angle fermé : angle iridocornéen étroit(mais ouvert), chambre antérieure étroite, cataracte…La pression intra-oculaire de l’œil adelphe est typique-ment normale, la pupille conserve un diamètre normal.Des épreuves de provocation du blocage pupillaire sontrarement nécessaires au diagnostic de la forme typique.

2. Formes cliniques

Les crises d’hypertonie oculaire se répètent pendant uncertain temps à intervalles plus ou moins réguliers, sansentraîner de retentissement fonctionnel. Le diagnosticest généralement posé lors de la grande crise de glauco-me aigu à angle fermé. Cependant, en cas de diagnosticretardé, apparaissent des déficits périmétriques et uneexcavation papillaire par atrophie de la tête du nerfoptique. Les déficits périmétriques sont proches de ceuxobservés dans le glaucome chronique à angle ouvert.

Lorsque les crises se répètent, le trabéculum est irrémé-diablement lésé avec constitution de goniosynéchies(adhérences entre l’iris et la partie périphérique de lacornée). Le trabéculum est ainsi obstrué de façon défini-tive, aboutissant à une hypertonie oculaire chroniquesouvent élevée (stade du glaucome chronique par ferme-ture de l’angle). L’examen gonioscopique confirme laprésence des synéchies iridocornéennes et impose leplus souvent une chirurgie filtrante (trabéculectomie)afin d’enrayer la situation. Le champ visuel est le plussouvent déjà altéré à ce stade.

Ophtalmologie

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Glaucome aigu par angle fermé : œdème cornéen dif-fus avec cercle périkératique (vasodilatation prédominantautour de la cornée.

3

Glaukomflecken : foyers de nécrose sous-épithéliale cris-tallinienne survenant au décours d’une crise de glaucome aigu.

4

Il faut insister sur la fréquence des crises atypiques deglaucome aigu à angle fermé :– crises subaiguës de fermeture de l’angle, spontané-ment résolutives mais laissant des séquelles oculaires denature ischémique : atrophie de l’iris en secteur, syné-chies iridocristalliniennes, foyers de nécrose sous-épi-théliale cristallinienne (glaukomflecken),atrophieoptique (par ischémie) ;– formes asymptomatiques, dues à des crises passéesinaperçues. La fermeture de l’angle se fait à bas bruit etl’on découvre une pression intra-oculaire élevée avecexcavation papillaire sur un œil dont l’angle est complè-tement fermé ;– crises où la symptomatologie digestive est au premierplan. L’association de douleurs abdominales et d’algiesfaciales doit faire penser au diagnostic ;– formes associées à une cataracte intumescente, à l’ori-gine du blocage pupillaire.

3. Diagnostic différentiel

• Le diagnostic différentielse pose avec :– les causes de baisse d’acuité visuelle unilatérale avecœil rouge et cercle périkératique (essentiellement leskératites et les uvéites) ;– les glaucomes secondaires : glaucome traumatique,néovasculaire, inflammatoire, d’origine cristallinienne(glaucome phakolytique, glaucome phakoantigénique),associé à une tumeur oculaire…– l’iris plateau : malformation rare de l’iris, se manifes-tant par un angle iridocornéen étroit mais une chambreantérieure profonde au centre.• Le glaucome chronique à angle ouvert(ou glauco-me primitif à angle ouvert) ne doit pas être confonduavec le glaucome aigu à angle fermé. Il s’y associe par-fois (glaucome mixte). Le glaucome chronique à angleouvert est une neuropathie optique progressive souvent(mais pas systématiquement) associée à une hypertonieoculaire. L’hypertonie oculaire procède ici d’un méca-nisme tout à fait différent. L’élévation de la pressionintra-oculaire est liée à une dégénérescence progressi-ve du trabéculum qui n’assure plus ses fonctions nor-males d’écoulement de l’humeur aqueuse. La pressionintra-oculaire est modérément augmentée (inférieure àcelle mesurée dans le glaucome aigu), mais de façongénéralement bilatérale. La maladie est asymptoma-tique et évolue lentement et insidieusement.Contrairement au glaucome aigu, l’œil est blanc etindolore, l’angle iridocornéen est ouvert. Le diagnosticest posé devant l’association :– d’une hypertonie oculaire ;– d’une excavation papillaire ;– d’une altération caractéristique du champ visuel.

Évolution

Si la crise de glaucome aigu est résolue rapidement, toutrentre dans l’ordre et la pression intra-oculaire se nor-

malise. Dans le cas contraire, des adhérences tissulairessolides se forment entre la périphérie de la cornée etl’iris, fermant irréversiblement l’angle iridocornéen(stade de glaucome chronique). La maladie glaucoma-teuse devient difficile à contrôler et ne répond que par-tiellement à l’iridectomie ; les déficits du champ visuelsont irréversibles.

TraitementEn raison de sa gravité, une crise de glaucome par fermetu-re de l’angle doit être traitée en urgence. À cause descontraintes diagnostiques, le traitement est le plus souventréalisé en milieu ophtalmologique. Son but est multiple etconsiste chronologiquement à :– réduire la pression intra-oculaire qui règne dans lachambre postérieure de l’œil et qui repousse en avant le planiridocristallinien ;– supprimer le blocage pupillaire absolu, en diminuant lamydriase et l’adossement de l’iris au trabéculum, ce quipermet de rouvrir l’angle iridocornéen ;– éviter les récidives : en « créant une seconde pupille » quel’humeur aqueuse pourra traverser librement ;– traiter préventivement l’œil adelphe.

La pression intra-oculaire élevée étant responsable d’uneanoxie tissulaire, l’œil réagit moins favorablement aux col-lyres appliqués par voie locale. La diminution de la pressionintra-oculaire fait essentiellement appel à des médicamentsadministrés par voie générale :

1. Acétazolamide (Diamox)

D’abord sous forme d’une ampoule intraveineuse de 500mg (éventuellement renouvelée) avec un relais par voieorale (comprimé de 250 mg, en 3 prises).L’acétazolamide est un inhibiteur de l’anhydrase carbo-nique qui réduit la sécrétion de l’humeur aqueuse par lesprocès ciliaires. Ses effets indésirables et ses contre-indica-tions doivent être connus :– acidose métabolique (prescription de bicarbonates, risqueaccru chez le sujet diabétique) ;

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Iridectomie périphérique supérieure.5

– hypokaliémie (supplémentation en potassium, sur-veillance de la kaliémie et de l’électrocardiogramme) ;– lithiases rénales ;– contre-indications : insuffisance rénale, insuffisancehépatique sévère, allergie aux sulfamides.

2. Solutés hyperosmotiques(mannitol à 20 %; 2 g/kg ; 100 à 250 mL par voie veineuse administrésrapidement), permettant une réduction rapide de la pres-sion intra-oculaire par déshydratation du vitré. Les com-plications liées à l’utilisation du mannitol sont plus fré-quentes chez les sujets âgés (contre-indication siinsuffisances cardiaque ou rénale graves) : nausées etvomissements, déshydratation intracellulaire avec déso-rientation, hypotension artérielle, décompensation car-diaque avec œdème aigu du poumon (par augmentationde la volémie sanguine), convulsions, hématome sous-dural etc. Elles nécessitent l’arrêt du traitement dès quela pression intra-oculaire a atteint le niveau souhaité. Unexamen préalable comprend une évaluation stricte desfonctions cardiaque et rénale et de l’état hydro-électro-lytique ; en cas d’oligurie ou d’insuffisance rénale chro-nique, les doses sont réduites à 0,2 g/kg (perfusion de 75mL de mannitol 20 % en 5 min) et la diurèse est contrô-lée.

3. Parallèlement, il est souhaitabled’associer au traitement général un traitementlocal :

• Collyres bêtabloquants :qui réduisent la sécrétion del’humeur aqueuse et diminuent efficacement la pressionintra-oculaire : timolol (Timoptol), bétaxolol (Betoptic),cartéolol (Cartéol), lévobunolol (Bétagan)…, instillés 2fois par jour. Les bêtabloquants sont contre-indiquéschez les sujets souffrant d’insuffisance cardiaquecongestive, d’asthme ou de bronchopneumopathieschroniques obstructives, de bloc auriculo-ventriculairedu second degré non appareillé et de maladie deRaynaud.• Autres collyres hypotonisants oculaires :agonistesa2-adrénergiques (apraclonidine ou Iopidine), inhibi-teurs locaux de l’anhydrase carbonique (dorzolamide ouTrusopt)…• Collyres myotiques faiblesqui réduisent directementla pression intra-oculaire mais qui permettent surtout decontracter la pupille: acéclidine (Glaucostat) ou pilocar-pine (Pilocarpine à 2%, à raison d’une instillation toutesles 10 min jusqu’à obtention d’un myosis puis une foistoutes les 4 h). L’œil adelphe doit être également traitépar myotiques pour éviter une crise de glaucome aigucontrolatéral.• Collyres alphabloquants(guanéthidine ou Isméline),qui diminue le tonus musculaire du dilatateur de l’iris etpotentialise l’effet des myotiques.On y associe souvent un collyre corticostéroïde pourdiminuer les effets inflammatoires associés à la crise deglaucome par fermeture d’angle (GFA) et des antal-giques par voie générale (en évitant les médicaments

interdits !). Les myotiques forts (carbachol) et les col-lyres à base d’adrénaline sont contre-indiqués car ilspeuvent induire ou majorer un blocage pupillaire.

4. Iridectomie

Une fois que la pression intra-oculaire s’est normaliséeou est redescendue à un niveau suffisant pour que la cor-née redevienne transparente (on peut s’aider de glycéri-ne pour l’éclaircir), il est essentiel d’effectuer une iri-dectomie bilatérale, réalisée chirurgicalement sousmicroscope opératoire ou, beaucoup plus fréquemment,au laser argon ou au laser YAG (iridotomie au laser).Quelle que soit la forme clinique, le glaucome aigu àangle fermé n’a qu’un traitement : l’iridectomie.

L’iridectomie (ou iridotomie lorsqu’elle est pratiquée aulaser), qui rétablit le passage de l’humeur aqueuse entrela chambre postérieure et la chambre antérieure, estindiquée sur tous les yeux ayant présenté des épisodesaigus ou subaigus de glaucome et sur l’œil adelphe d’unpatient ayant fait un accident du premier œil. Cette indi-cation doit être étendue à tous les sujets porteurs d’unangle étroit chez lesquels est envisagée une thérapeu-tique à effet mydriatique (psychotropes). Après iridecto-mie bilatérale, ces médicaments ne sont plus contre-indiqués (et la prescription de collyres myotiques n’estplus nécessaire).Si la pression intra-oculaire n’est pas normalisée aprèsiridectomie (stade du glaucome chronique par fermeturede l’angle), et seulement dans ce cas, une chirurgie fistu-lisante doit être envisagée (trabéculectomie). ■

Ophtalmologie

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Schéma d’une iridectomie périphérique. L’iridectomiepériphérique permet le libre passage de l’humeur aqueuse depart et d’autre de l’iris, permettant la réouverture de l’angleirido-cornéen (d’après A. Béchetoille).

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• Le glaucome aigu à angle fermé doit être suspecté chez tout patient ayant une baisse uni- ou bilatérale de l’acuité visuelleavec œil rouge, douloureux et en mydriase.L’attention doit être renforcée en casd’appartenance à un groupe « à risque »(femme âgée ayant une hypermétropie et unechambre antérieure étroite) et en cas d’existenced’une circonstance déclenchante (mydriase).• En dehors de la grande crise aiguë de glaucomepar fermeture de l’angle, généralementstéréotypée, il est essentiel de reconnaître les épisodes de crises subaiguës (à bas bruit),les crises où la symptomatologie digestive ou algique est au premier plan.• Le traitement du glaucome par fermeture de l’angle consiste à :– réduire la pression intra-oculaire :hypotonisants oculaires ;– diminuer le blocage pupillaire : myotiques,a-bloquants ;– éviter les récidives : iridectomie chirurgicale ou au laser argon ou laser YAG ;– traiter préventivement l’œil adelphe :iridectomie.• L’examen ophtalmologique doit êtresystématique chez tous les sujets prédisposés(angle étroit, hypermétropie, sujet âgés…) chez lesquels une thérapeutique ayant des effetsmydriatiques (exemple : psychotropes) est envisagée.• Après iridectomie bilatérale, ces médicaments ne risquent plus d’entraîner de crise de glaucomeaigu par fermeture de l’angle.

Points Forts à retenir

Ophtalmologie

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L’élévation de la pression intra-oculaire dans le glaucomeprimitif à angle ouvert est la conséquence d’une pertur-bation de l’excrétion de l’humeur aqueuse au niveau du trabéculum. Il faut rappeler le trajet de l’humeur aqueusedans le globe oculaire (fig. 1) :– celle-ci est sécrétée par les procès ciliaires, glandes

situées derrière l’iris, au niveau du corps ciliaire ;– elle passe de la chambre postérieure (entre cristallin et

iris) à la chambre antérieure (entre iris et cornée) parla pupille ;

– elle est enfin évacuée dans l’angle irido-cornéen parce filtre d’excrétion microscopique qu’est le trabécu-lum. Celui-ci rejoint un canal circulaire intrascléral, lecanal de Schlemm, qui lui-même s’évacue par de multiples canaux collecteurs vers les veines de l’orbite.

Les mécanismes intimes de la perturbation trabéculairedans le glaucome primitif à angle ouvert sont encore peuconnus : collapsus des espaces intercellulaires, déficiencedes pompes trabéculaires, altération du film protéino-glucidique recouvrant les cellules du trabéculum…? Entout cas, lorsque l’ophtalmologiste examine l’angleirido-cornéen, celui-ci est normalement ouvert et aucunemodification anatomique n’est observable.

Altération de la papille optique dans le glaucome

La pierre de touche du glaucome est la papille ou tête dunerf optique. Les fibres optiques (axones des cellulesganglionnaires rétiniennes) s’y regroupent pour former

Physiopathologie

Pression intra-oculaire normale et hyperpression intra-oculaire

La pression intra-oculaire (PIO) se mesure facilementau cabinet de l’ophtalmologiste, en quelques secondes,soit à l’aide d’un tonomètre annexé à la lampe à fente,soit par un appareil à projection d’air indépendant desautres instruments d’examen ophtalmologique. Elle estcomprise normalement entre 10 et 20 mmHg et peutprésenter de petites variations (de 2 à 5 mmHg) au coursdu nycthémère.Une hyperpression intra-oculaire (21 mmHg) est retrouvéedans plus de 90 % des cas de glaucome primitif à angleouvert. Elle paraît être la cause la plus fréquente duglaucome, bien qu’il soit possible d’avoir une pressionintra-oculaire très élevée et ne jamais développer deglaucome (« hyperpression intra-oculaire isolée »), ouqu’à l’inverse un glaucome authentique puisse existeravec une pression intra-oculaire apparemment physiolo-gique (« glaucome à pression normale ») .

Glaucome chroniquePhysiopathologie, diagnostic, évolution, principes du traitement

DR Éric SELLEM

Centre ophtalmologique Kléber, 69006 Lyon.

• Le glaucome chronique – qu’il faut appelermaintenant « glaucome primitif à angleouvert » (GPAO) – est une neuropathie optiqueantérieure :

– d’évolution chronique et progressive ;– caractérisée par l’association d’altérations

du champ visuel et d’une excavation papillairepathologique ;

– généralement accompagnée d’une hyperpressionintra-oculaire.

– alors que l’angle irido-cornéen est ouvert.• Le glaucome primitif à angle ouvert

est un problème majeur de santé publique,atteignant au moins 2 % de la population française adulte et pouvant conduire à la cécité en l’absence de traitement ou en casde diagnostic tardif. Son dépistage systématiqueà un stade précoce – et, au mieux, le repéragedes sujets à risque – pourrait permettre d’éviter certaines situations fonctionnelles dramatiques régulièrement constatées par lesophtalmologistes.

Points Forts à comprendre

Zones anatomiques intervenant dans le trajet de l’humeur aqueuse. L’origine de l’hyperpression intra-oculaire du glaucome primitif à angle ouvert se situe auniveau du trabéculum.

1

le nerf optique. C’est ici qu’elles sont agressées dans leglaucome, pour être progressivement détruites. La causeprécise de cette perte cellulaire reste hypothétique. Lapression intra-oculaire en excès peut écraser directe-ment les fibres optiques et stopper le flux axoplasmique,ou écraser leurs vaisseaux nourriciers, ou encoredéstructurer les tissus de soutien entre lesquels chemi-nent ces fibres. Lorsque la pression intra-oculaire n’estpas anormalement élevée, il est vraisemblable qu’unechute de la perfusion oculaire (en cas de vasospasme parexemple) soit directement à l’origine de cette perte cellulaire progressive. Quoi qu’il en soit, il existe unegrande disparité individuelle concernant la tolérance de la papille vis-à-vis de la valeur de la pression intra-oculaire.Sur le plan fonctionnel, cette perte s’exprime par l’appa-rition et la multiplication de scotomes dans le champvisuel. À l’examen du fond d’œil, la papille devientpâle, atrophique et elle se creuse progressivement. Ainsise forme une excavation papillaire ou, lorsqu’existedéjàune excavation physiologique constitutionnelle, celle-cis’élargit anormalement.

Diagnostic

Le glaucome primitif à angle ouvert atteint préférentiel-lement les adultes de plus de 40 ans et un peu plus souvent les hommes que les femmes. Les deux yeuxsont habituellement touchés, souvent à un stade évolutifdifférent. C’est une maladie fréquente : on peut direqu’il y a en France environ 500 000 personnes suivies ettraitées pour ce type de glaucome et autant de glauco-mateux inconnus. Ainsi une fraction équivalente à 1 à 2 % de la population générale (plus de 10 % après 80 ans !) est directement concernée par cette affection.Des antécédents familiaux sont fréquemment retrouvés.La mise en évidence des gènes responsables est encours. La transmission du glaucome primitif à angleouvert peut atteindre 50 % dans certaines familles. Il estdonc impératif d’alerter tous les patients glaucomateuxsur cette possibilité, et de conseiller à l’ensemble deleurs ascendants, descendants et collatéraux d’être exa-minés pour dépister les cas encore inconnus.

Modes de découverte

Dans la majorité des cas, la maladie est découverte –parfois à un stade très évolué – au cours du dépistagesystématique que fait l’ophtalmologiste lors d’uneconsultation pour des problèmes de réfraction (change-ment de verres de lunettes ou presbytie débutante),oupour tout autre problème oculaire sans rapport avec leglaucome.En revanche, il est rare de voir arriver des sujets venantspécialement pour ce dépistage (inquiétés par desparents atteints, des amis, des articles de presse) ou àcause des signes fonctionnels liés au glaucome (percep-tions des scotomes, chute de l’acuité visuelle).

Symptômes

Les trois signes qui caractérisent la maladie sont dessignes d’examen : une hyperpression intra-oculairehabituelle, la présence de scotomes (ou déficits périmé-triques) au relevé du champ visuel et la constatationd’une excavation papillaire pathologique. Il n’y a nidouleur, ni rougeur oculaire, et l’acuité visuelle ne s’effondre qu’au stade ultime de la maladie, ce quiconfère à celle-ci un caractère particulièrement insidieux et sournois.

1. Déficits périmétriquesLa recherche des déficits glaucomateux a largementbénéficié du développement de la périmétrie statique (letest est fixe en une zone donnée du champ visuel, saluminance augmentant ou diminuant) au détriment de lapérimétrie cinétique de la classique coupole deGoldmann. Par ailleurs, l’adjonction de l’ordinateur permet maintenant une comparaison plus fiable de tracéssuccessifs, en fournissant des indices quantitatifs.Pendant très longtemps, le patient n’a pas conscience decette altération du champ visuel, puisqu’elle débute toujours en dehors du champ visuel central (et n’altèrealors pas la valeur de l’acuité visuelle) et qu’elle seconstitue sur de nombreuses années, très progressive-ment. Puis les déficits périmétriques vont s’élargir, semultiplier et se rejoindre tout en devenant de plus enplus profonds (fig. 2, 3, 4 et 5).

2. Excavation papillaire glaucomateuseElle est facilement observable au fond d’œil, creuse-ment progressif, faisant disparaître de façon centrifugel’anneau rosé regroupant les fibres optiques à l’entréedans le nerf optique. Les vaisseaux émergents se retrou-vent progressivement plaqués au bord de la papille. Depetites hémorragies papillaires fugaces peuvent accom-pagner cette évolution (fig. 6, 7 et 8).

3. Examen direct de la chambre antérieure À l’aide de la lampe à fente, l’ophtalmologiste note parfois des anomalies oculaires plus fréquentes dans leglaucome primitif à angle ouvert que dans la populationgénérale : excès de pigments («dispersion pigmentaire»),dépôts dits exfoliatifs. Il constate, à l’aide d’un verre decontact spécifique (« gonioscopie »), que l’angle irido-cornéen est normalement ouvert (fig. 9 et 10).

Glaucome primitif à angle ouvert « à pression normale »

Dans certaines circonstances, le globe oculaire présenteà la fois une excavation papillaire pathologique et desaltérations du champ visuel typiques de glaucome alorsque la pression intra-oculaire n’est jamais supérieure à20 mmHg (après plusieurs mesures faites à différentsmoments de la journée). La mesure de la pression intra-oculaire peut ainsi être mise en défaut et ignorer la présence d’un glaucome, bien qu’elle reste le test le plus

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Ophtalmologie

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Papille normale, avec une petite excava-tion physiologique (œil droit).

6

Excavation glaucomateuse manifeste,avec hémorragie papillaire supérieure (œildroit). Pourrait correspondre au champvisuel altéré de la figure 3.

7 Même papille, 20 ans plus tard, avec uneexcavation totale rejetant les vaisseauxcontre la bordure papillaire. Le patient avaitrefusé de se soigner et de se faire suivre.Pourrait correspondre au champ visuel altéréde la figure 5.

8

Champ visuel normal de l’œildroit (noter la tache aveuglesituée en temporal).

2 Déficit périmétrique glauco-mateux débutant, à distance du centre, en nasal supérieur(œil droit).

3 Nette aggravation du scoto-me précédent, gagnant la quasi-totalité du champ visuel supé-rieur (œil droit).

4 Glaucome très évolué, avecîlot central résiduel dans lequelle sujet peut encore avoir uneacuité visuelle de 10/10 (œil droit).

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Angle irido-cornéen ouvert en gonioscopie. En bas, l’irisbrun ; plus haut, la cornée (blanc). Entre les 2, le fond del’angle irido-cornéen, où l’on voit nettement le trabéculum,ligne brune foncée.

9 Angle irido-cornéen fermé, l’iris est plaqué contre la cornée, le trabéculum n’est pas observable.

10

fiable pour dépister la maladie au cours d’un examenophtalmologique de routine. Ces cas, souvent diagnosti-qués à un stade évolué, pourraient représenter au moins5 % de l’ensemble des glaucomes à angle ouvert. Ungrand nombre d’entre eux réagit favorablement àl’abaissement de la pression intra-oculaire (par exempleen la faisant passer de 16 à 12 mmHg), ce qui confirme-rait une tolérance pressionnelle plus faible chez lessujets développant ce type particulier de glaucome pri-mitif à angle ouvert. Ailleurs, l’abaissement pressionnelne suffit pas à stopper ou freiner la maladie. Certains casde glaucome à pression normale s’intègrent à un syndromevasospastique, s’associant avec une fréquence anormaleà une acrocyanose ou un terrain migraineux, et pouvantalors réagir favorablement à la prescription d’inhibiteurscalciques, telle la nifédipine.

Diagnostic différentiel

1. Hyperpression intra-oculaire isoléeUn globe oculaire peut garder toute la vie durant unepression intra-oculaire supérieure à 20 mmHg, et nejamais développer de glaucome. Cette situation nonpathologique concerne près de 10 % d’une populationd’âge adulte. En d’autres termes, un patient qui a unehyperpression intra-oculaire a plus de chances de nejamais présenter de dégradation glaucomateuse que d’endévelopper une. Certains tests très sensibles (analyseursde papilles et de fibres optiques, vision des contrastes…)peuvent parfois révéler des lésions glaucomateuses pas-sées inaperçues au relevé du champ visuel et à l’observa-tion simple de la papille. Pour l’ophtalmologiste, tout leproblème est de savoir s’il faut abaisser la pressionintra-oculaire ou se contenter d’une simple surveillance.

2. Déficits périmétriques non glaucomateuxToute la pathologie oculo-cérébrale peut créer desatteintes périmétriques, depuis une opacité cornéenne jus-qu’à une nécrose occipitale mais les déficits glauco-mateux sont suffisamment typiques pour permettre d’éviterhabituellement une confusion diagnostique. Par ailleurs,le relevé de faux positifs est fréquent (alors qu’en fait lechamp visuel est indemne), et l’ophtalmologiste doitconfronter l’aspect de l’atteinte papillaire à celui des scotomes pour dépister les incohérences, habituellementprovoquées par l’incompréhension de l’examen.

3. Excavations physiologiquesEn réalité, la constatation d’une excavation constitution-nelle est fréquente dans les yeux normaux et, dans leglaucome, il serait préférable de parler d’élargissementde l’excavation physiologique. Pour l’ophtalmologiste,toute la difficulté est de savoir si l’excavation qu’ilconstate est innée ou acquise et correspond donc à unedestruction glaucomateuse.

4. Autres glaucomesIls sont constamment associés à une hyperpressionintra-oculaire.

• Le glaucome primitif par fermeture de l’angle,plusrare (1 cas pour 4 cas de glaucome primitif à angleouvert), survient classiquement sur un mode aigu : trèsforte pression intra-oculaire en quelques minutes (sou-vent > 60 mmHg), rougeur et douleur oculaires, nauséeset vomissements. Mais il peut être moins bruyant clini-quement. Il survient préférentiellement chez des sujetsâgés hypermétropes et peut être déclenché par une prisemédicamenteuse dilatant la pupille (sympathomimé-tiques ou parasympatholytiques, par voie locale ougénérale). Ces substances ne risquent pas d’aggraver, enrevanche, un glaucome primitif à angle ouvert.• Le glaucome congénital atteint préférentiellement lesenfants de moins 3 ans en créant de « trop gros yeux »,avec des signes locaux irritatifs. Des formes tardivessont cependant possibles, ne s’exprimant qu’à la pubertéou plus tard.• Les glaucomes secondaires,inflammatoires, trauma-tiques, néovasculaires, postopératoires. Un glaucomecortisonique peut survenir chez certains sujets prédis-posés génétiquement, traités par une corticothérapielocale ou générale au long cours. Celle-ci n’est pas formellement contre-indiquée chez les sujets déjàatteints d’un glaucome primitif à angle ouvert, mais lasurveillance de l’état oculaire doit être renforcée.

ÉvolutionEn l’absence de traitement, les déficits périmétriquess’aggravent d’année en année. Au stade ultime, il ne per-siste plus qu’un îlot central de vision, qui se rétrécit –altérant enfin l’acuité visuelle – pour disparaître définitivement. Le patient n’a plus que quelques perceptions lumineuses en périphérie mais, en pratique,il sera aveugle. La papille est alors totalement excavée. Un certain nombre de paramètres peuvent précipitercette évolution :– le niveau de la pression intra-oculaire naturellement ;– des antécédents familiaux de glaucome ;– la race noire ;– la coexistence d’une myopie forte ; – la présence d’une artériopathie systémique (hyper-

tension artérielle, diabète sucré, dyslipidémie, terrainvasospastique) ;

– l’hypotension artérielle primitive ou iatrogénique peutégalement aggraver rapidement un glaucome, par lachute de la perfusion oculaire qu’elle provoque.

Un traitement bien conduit et bien contrôlé doit per-mettre de freiner cette évolution, mais pas toujours de lastopper dans les formes très évoluées. La surveillanced’un glaucome traité et apparemment équilibré sur leplan pressionnel nécessite deux contrôles annuels,incluant en particulier le relevé du champ visuel, test leplus fiable pour confirmer ou non la stabilité du glaucome.En cas d’hyperpression intra-oculaire, la fréquence descontrôles oculaires – comme la décision éventuelle detraiter – sera très variable en fonction du niveau pres-sionnel et de la présence (ou pas) des facteurs de risqueénoncés ci-dessus.

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Laser

La technique appelée trabéculoplastie utilise l’énergiethermique fournie par le laser à l’argon. En 2 séancesfaites en ambulatoire, avec une simple analgésie decontact, une centaine d’impacts est placée sur la circon-férence du trabéculum, améliorant ainsi l’évacuation del’humeur aqueuse vers le canal de Schlemm. Un abais-sement pressionnel moyen de 6 à 10 mmHg est généra-lement obtenu ; les échecs immédiats de la techniquesont de l’ordre de 10 %. Les résultats à long terme donnent50 % de bons résultats persistant à 5 ans, 10 à 20 % aubout de 10 ans. Cette technique, très utile pour les sujetsâgés, doit être considérée comme un complément autraitement médical, car il est rare qu’elle permette desuspendre totalement les instillations de collyres.

Chirurgie

L’intervention de choix dans le glaucome primitif àangle ouvert est la trabéculectomie. Elle consiste à enlever sous la conjonctive, après dissection de la scléro-tique, quelques millimètres de trabéculum afin de per-mettre à l’humeur aqueuse d’être directement drainéevers les espaces sous-conjonctivaux. La trabéculectomiedonne d’excellents résultats, durables, et permet de suspendre habituellement le traitement médical en totalité. Elle risque toutefois de précipiter l’apparitiond’une cataracte ou de provoquer certaines complica-tions (hypotonie majeure, infection) interdisant sa réalisation systématique. Elle a été récemment amélioréeen une technique encore plus minutieuse, la sclérectomieprofonde, de réalisation difficile mais dont les suitessont très simples. ■

Principes du traitementEn excluant les cas exceptionnels où un inhibiteur calcique peut être prescrit (glaucome à pression normaleavec vasospasme) et en attendant d’éventuels neuro-protecteurs efficaces, le seul traitement du glaucomeprimitif à angle ouvert demeure l'abaissement de la pression intra-oculaire. Le traitement médical vient enpremière intention. Lorsqu’il ne permet plus d’abaissersuffisamment la pression intra-oculaire et de stopper laprogression des déficits du champ visuel, un traitement aulaser et (ou) un geste chirurgical deviennent impératifs.

Thérapeutiques médicamenteuses

L’ophtalmologiste dispose de 6 familles thérapeutiques,toutes sous forme de collyres, pour abaisser la pressionintra-oculaire.• Les collyresβ-bloquants(timolol et dérivés), dont latolérance est habituellement parfaite, ne doivent êtreinstillés qu’une ou deux fois dans la journée et repré-sentent encore la prescription de première intention. Ilsagissent en diminuant la sécrétion de l’humeur aqueuse.Les contre-indications générales des β-bloquantsdemeurent toutefois, en raison du passage systémique :asthme, troubles de la conduction cardiaque, maladie deRaynaud…• Les récents dérivés de la clonidine, dits α2-agonistes,abaissent la pression intra-oculaire en diminuant lasécrétion de l’humeur aqueuse par un mécanisme quicomplète celui des β-bloquants. Ils sont instillés 2 foispar jour et sont globalement bien tolérés.• Les inhibiteurs de l’anhydrase carboniquesontmaintenant disponibles par voie locale – alors que laprescription d’acétazolamide (Diamox) per os a long-temps été le seul mode d’administration possible de cetype de molécule – ce qui améliore singulièrement leurtolérance, en particulier métabolique. Ils doivent êtreinstillés 2 ou 3 fois par jour. Ils diminuent également lasécrétion de l’humeur aqueuse.• Les collyres aux prostaglandines(Xalatan) sont disponibles depuis peu, très efficaces sur l’abaissementpressionnel, avec une seule instillation quotidienne.Parfaitement bien tolérés tant localement que sur le plansystémique, ils peuvent toutefois augmenter la pigmen-tation de l’iris dans les yeux de couleur hétérogène, maiscet effet irréversible n’est qu’esthétique. Ils agissent enaugmentant l’excrétion de l’humeur aqueuse.• Les collyres myotiques(essentiellement la pilocarpine)et les collyres sympathomimétiques(adrénaline et précurseurs) sont les plus anciens. Ils agissent en augmentant l’excrétion trabéculaire de l’humeur aqueuse.Ils sont souvent mal tolérés et devraient progressive-ment disparaître du traitement du glaucome.Ces collyres peuvent naturellement être associés pourrenforcer l’abaissement pressionnel, mais la prescriptionde plus de 3 collyres différents augmente considérable-ment les risques d’intolérance sans bénéfice pressionnelnotable.

Ophtalmologie

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• Le glaucome primitif à angle ouvert est une maladie oculaire fréquente, volontiersfamiliale, évoluant à bas bruit sur des années pour conduire à la cécité en l’absence de dépistage et de traitement. Seul l’ophtalmo-logiste est capable d’en faire le diagnostic ou,mieux, de repérer les sujets à risque (hyper-pression intra-oculaire en particulier).

• Le traitement fait appel à la prescription de collyres le plus souvent – les plus récentesmolécules disponibles sont très bien tolérées –parfois au laser et (ou) à la chirurgie.

• Un glaucome primitif à angle ouvert bien traité et équilibré nécessite cependant une surveillance à vie.

Points Forts à retenir

Ophtalmologie

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myopie, jeune âge, diabète et présence d’un glaucomeprimitif à angle ouvert. Cette hypertonie est égalementcorrélée à l’activité anti-inflammatoire du corticoïde utilisé : la dexaméthasone et la bétaméthasone sont lesplus hypertonisants contrairement à la fluorométholoneet la médrysone.L’hypertonie oculaire débute généralement 2 à 3 semainesaprès le début du traitement mais parfois plus précocement.À l’arrêt du traitement, le tonus se normalise enquelques semaines si ce dernier n’a pas excédé 2 mois.Si la durée du traitement est comprise entre 2 mois et 1 an, le retour à la normale de la pression intra-oculairene se voit que dans 50 % des cas.La prescription de stéroïdes doit donc être prudente chezle glaucomateux et nécessite la mesure de la pressionintra-oculaire avant le début du traitement puis réguliè-rement chez le patient traité durant plusieurs semaines.Ces glaucomes secondaires cortisoniques sont souventdifficiles à maîtriser et requièrent un traitement médicaladapté et parfois chirurgical.

2. Cataracte cortisoniqueLa cataracte cortisonique peut apparaître après adminis-tration prolongée de corticoïdes locaux ou généraux. Ledélai d’apparition est très variable et se situe en moyenneà une année de traitement à la dose de 15 mg de predni-solone ou équivalent par jour.L’opacité cristallinienne cortisonique se situe typiquementdans les couches postérieures du cortex cristallinien,étant responsable d’une cataracte en soucoupe posté-rieure (fig. 1), mais elle peut évoluer vers la cataractetotale nécessitant une extraction chirurgicale.

Effets secondaires oculaires

Corticoïdes locaux et généraux

Les corticoïdes sont très fréquemment utilisés en ophtal-mologie dans les affections inflammatoires ou allergiques,et même infectieuses. Les voies d’administration sontnombreuses : voie topique, en injections péri- ou intra-oculaires et voie systémique (voie orale ou intraveineuse).Ils sont très efficaces mais sont responsables d’effetssecondaires importants, communs aux corticoïdes locauxet généraux. Il faut noter que les inhalations de corticoïdesen spray peuvent conduire aux mêmes complications.

1. Hypertonie oculaireL’utilisation de corticoïdes par voie générale, et surtoutlocale, peut entraîner l’apparition d’une hypertonie oculaire(voir : Pour approfondir 1). Le test de provocation à ladexaméthasone révèle chez le sujet normal une augmen-tation de la pression intra-oculaire de 6 à 10 mmHg dans30% des cas et supérieure à 15 mmHg dans 5% des cas.L’apparition d’une hypertonie oculaire est influencéepar certains facteurs de risque individuels : hérédité,

Médicaments et œilEffets secondaires oculaires des corticoïdes locaux et généraux, des antipaludéens de synthèse et des parasympatholytiques ; effets secondaires extra-oculaires des collyresbêtabloquants et des collyres sympathomimétiques

DR Vincent GUERZIDER, PR Alain BRON

Service d’ophtalmologie, Hôpital général, 21033 Dijon Cedex.

• La prescription de certains médicaments par voie générale est susceptible de provoquerde graves manifestations visuelles menaçant la vision. Il est donc primordial de connaître ces médicaments et leurs effets secondaires oculaires. Ainsi, un bilan ophtalmologiqueapproprié doit être réalisé avant de débuter le traitement puis régulièrement durant celui-ci.

• De la même façon, certaines classes thérapeutiques utilisées localement en ophtalmologie (en collyres ou pommades)peuvent, à cause de l’absence d’effet de premierpassage, provoquer de graves manifestationsgénérales engageant parfois le pronostic vital. Il faut toujours y penser devant des manifestationscliniques déroutantes, le patient ne pensant pas toujours à signaler au médecin généralisteses traitements ophtalmologiques locaux.

Points Forts à comprendre

Cataracte cortisonique. Cataracte en « soucoupe posté-rieure » : le cortex postérieur du cristallin est opacifié tandisque le reste du cristallin est transparent.

1

L’évolution des atteintes cristalliniennes dues aux corti-coïdes est imprévisible.Le traitement est uniquement chirurgical quand la gênefonctionnelle est présente chez le patient. Les progrès dela chirurgie moderne de la cataracte permettent de réaliserune chirurgie gratifiante avec des complications minimes.

3. Retards de cicatrisationLes corticoïdes ralentissent la prolifération fibroblastiqueet la cicatrisation de l’épithélium cornéen. Il faut doncles utiliser avec prudence en cas de pathologie cornéennecar ils peuvent entraîner ou aggraver un ulcère cornéenpouvant conduire à la perforation cornéenne.

4. Aggravation des infections oculairesLes corticoïdes locaux accélèrent la dissémination desinfections oculaires, que celles-ci soient bactériennes,mycosiques ou virales (kératite herpétique). Il est doncinterdit de les prescrire en première intention sans avisspécialisé. Ils pourront être utilisés dans certaines maladiesoculaires sous couverture antivirale ou antibiotique.

5. Autres effetsDes effets plus rares peuvent se manifester : exophtalmie;ptosis; neuropathie optique œdémateuse.

6. ConclusionLa prescription d’un traitement corticoïde prolongé parvoie générale ou locale nécessite régulièrement :– la mesure de l’acuité visuelle ;– un examen à la lampe à fente du segment antérieur del’œil ;– la prise de la pression intra-oculaire.

Antipaludéens de synthèse

Les antipaludéens de synthèse (APS) sont parmi lesmédicaments les plus prescrits dans le monde. Ils sontutilisés depuis une cinquantaine d’années pour la pro-phylaxie et le traitement du paludisme, ainsi qu’à dosessouvent très élevées dans le traitement de diverses maladies systémiques (lupus érythémateux disséminé etsurtout polyarthrite rhumatoïde).Les principaux produits en cause sont:– le sulfate de chloroquine ou Nivaquine; – le sulfate d’hydroxychloroquine ou Plaquenil .Les risques d’intoxications chroniques deviennentimportants si la dose cumulée est de l’ordre de 200 à 500 gd’hydroxychloroquine (Plaquenil) selon les auteurs,cequi correspond, pour une dose standard de 2 à 3 compriméspar jour, à 2 ou 3 ans de traitement. Néanmoins, il existeune sensibilité personnelle aux antipaludéens de synthèse,et de véritables intoxications ont été décrites pour desdoses cumulatives de 100 g.

1. Troubles de l’accommodationIls peuvent apparaître 2 h après la prise du médicamentpour diminuer progressivement.

2. Thésaurismose cornéenneIl s’agit de dépôts cornéens pigmentaires grisâtres trèssuperficiels, situés dans la partie inférieure de la cornée,visibles uniquement à la lampe à fente. Ces dépôts pren-nent un aspect stellaire ou verticillé (on parle de corneaverticillata). Cette atteinte cornéenne ne nécessite pasl’interruption du traitement et disparaît quelques moisaprès l’arrêt de celui-ci.

3. MaculopathieRare mais grave, l’atteinte est très progressive, débutanten général après plusieurs années de traitement. Il s’agitde lésions maculaires bilatérales, asymétriques, pouvantconduire à la perte irréversible de la vision centrale (voir : Pour approfondir 2). Cette maculopathie évolueen 3 stades.• Le stade préclinique(4 % des patients traités) : l’acuitévisuelle, le fond d’œil et l’angiographie fluorescéiniquesont strictement normaux.Il existe un trouble de la vision des couleurs (initialementd’axe bleu-jaune par atteinte de l’épithélium pigmentairepuis secondairement d’axe rouge-vert par atteinte desphotorécepteurs).L’électrorétinogramme objective une altération des cellulesrétiniennes avec diminution du rapport des ondes b/a(rapport d’Arden).• Le stade clinique (1,6% des patients traités) : l’acuitévisuelle diminue mais une acuité de 10/10e est compatibleavec d’importantes lésions à l’examen du fond d’œil (iln’existe pas de corrélation entre l’acuité visuelle et lesaltérations ophtalmoscopiques).Il existe une dyschromatopsie d’axe rouge-vert.L’examen du fond d’œil retrouve au niveau de la maculaun aspect typique en «œil de bœuf» (lésion en cocardeavec un centre pigmenté, entouré d’un anneau clair, lui-même entouré d’une couronne très pigmentée) [fig. 2].

M É D I C A M E N T S E T Œ I L

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Maculopathie par intoxication aux antipaludéens de synthèse. Macula présentant un aspect typique en « œil de bœuf » (lésion en cocarde avec un centre pigmenté,entouré d’un anneau clair, lui-même entouré d’une couronnepigmentée).

2

Effets secondaires extra-oculaires

Collyres bêtabloquants

Les collyres bêtabloquants sont les thérapeutiques utiliséesen 1re intention dans le traitement du glaucome primitifà angle ouvert. Ils diminuent la sécrétion d’humeuraqueuse. Ils ont un passage systémique non négligeable,suffisant pour entraîner éventuellement de nombreuxeffets secondaires généraux. En effet, environ 1 à 5% duprincipe actif pénètre dans l’œil. Le reste est chassé parles larmes et réabsorbé par la muqueuse nasale, puisatteint le cœur droit par la voie cave supérieure. Ce trajetshuntedonc le foie (absence d’effet de 1er passage),siège du catabolisme des bêtabloquants, ce qui expliqueles concentrations sériques thérapeutiques de ces médi-caments lorsqu’ils sont administrés par voie locale. Leseffets secondaires généraux sont :– diminution de la fréquence cardiaque, effet inotrope

négatif, diminution de la vitesse de contraction myo-cardique et arythmie avec possibilité d’insuffisancecardiaque. Il ne faut donc pas les utiliser chez lesinsuffisants cardiaques ou les patients présentant unbloc auriculo-ventriculaire;

– apparition ou aggravation d’un syndrome de Raynaud;– aggravation d’une claudication intermittente existante;– bronchospasme, surtout chez les patients atteints

d’une bronchopneumopathie chronique obstructive,ou d’un asthme;

– hypoglycémie;– diverses manifestations cutanées, y compris éruptions

psoriasiformes;– augmentation des lipoprotéines de haute densité (HDL).Le passage systémique des collyres bêtabloquants estdonc susceptible de provoquer des complicationsvitales, une cinquantaine de décès d’origine cardiaqueou pulmonaire ayant à ce jour été rapportés. Il faut doncinsister sur le respect de leurs contre-indications.

Collyres sympathomimétiques

Certains collyres sympathomimétiques sont utilisés enophtalmologie pour leur action mydriatique (la phénylé-phrine, Néosynéphrine) et d’autres en raison de l’hypo-tonie oculaire induite (dipivéphrine, Propine ou apraclo-nidine, Iopidine ou brimonidine, Alphagan). Suivantleur classe thérapeutique, ils agissent sur les récepteursα1, α2 ou les deux à la fois. Les effets secondaires locaux sont nombreux mais lescomplications systémiques plus rares sont cependant àprendre en compte :– cardiovasculaires principalement : hypertension artérielle,

tachycardie, arythmie cardiaque, spasmes coronairespouvant aller jusqu’à l’infarctus myocardique;

– insomnie, troubles oniriques, irritabilité;– sédation et fatigue brutale particulièrement chez l’enfant

pour la brimonidine.Les collyres sympathomimétiques doivent donc êtreprescrits avec prudence en cas de pathologie cardio-vasculaire sévère ou instable et non contrôlée. ■

L’angiographie fluorescéinique confirme l’atrophie del’épithélium pigmentaire ; l’électrorétinogramme esttrès perturbé et le champ visuel objective un scotomepéricentral annulaire.• Le stade séquellaire :l’acuité visuelle est très forte-ment diminuée, pouvant être inférieure à 1/10e avec cor-rection. L’altération de la vision des couleurs peut allerjusqu’à l’achromatopsie acquise. Le fond d’œil montreune macula «poivre et sel» avec atrophie et remanie-ments de l’épithélium pigmentaire. L’électrorétino-gramme est éteint.• Conduite à tenir :la maculopathie induite par les anti-paludéens de synthèse est irréversible. Une surveillanceophtalmologique est donc indispensable chez toutpatient recevant ce traitement. Il n’existe pas de consensusquant aux examens à effectuer pour cette surveillance.En pratique, on effectue :– une mesure de la meilleure acuité visuelle corrigée;– un examen de la cornée à la lampe à fente;– un fond d’œil (avec photographies);– un examen de la vision des couleurs (test de

Farnsworth) ;– un champ visuel statique explorant les 10 ° centraux

(effectué en lumière rouge, ce test serait le plus sensible);– un électrorétinogramme.Ce bilan est effectué avant de débuter le traitement, tousles 6 mois durant les 2 premières années, puis tous les 3 mois. L’apparition du moindre signe d’intoxicationnécessite l’arrêt immédiat des antipaludéens de synthèse.

Parasympatholytiques

Les médicaments à action parasympatholytique (respon-sables d’une mydriase) sont susceptibles de provoquerune crise de glaucome aigu par fermeture de l’angleirido-cornéen chez des patients prédisposés comme lessujets âgés (l’augmentation de la taille du cristallin avecl’âge diminue la profondeur de la chambre antérieure),les patients hypermétropes (leurs yeux sont plus petits queles yeux emmétropes) et les patients atteints de cataractes.Tous les médicaments à action parasympatholytiqueseront donc utilisés chez des patients prédisposés aprèsexamen ophtalmologique et surtout gonioscopie (étudede l’angle irido-cornéen). En cas d’angle ouvert, le dangerde ces thérapeutiques est nul. En cas d’angle très étroit,il faut réaliser une iridotomie bilatérale préventive aulaser si l’utilisation de ces thérapeutiques est indispensable.Les médicaments ayant une action anticholinergique sont :– les psychotropes (neuroleptiques, anxiolytiques, anti-

dépresseurs tricycliques);– les antiparkinsoniens;– les antihistaminiques, les antispasmodiques et les

anti-ulcéreux (penser aux sirops contre la toux);– tous les collyres ou pommades mydriatiques à effet

atropinique.Les autres effets secondaires des parasympatholytiquessont la paralysie de l’accommodation à l’origine d’unebaisse de la vision de près; la sécheresse oculaire parhyposécrétion lacrymale; les blépharospasmes.

Ophtalmologie

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• Effets secondaires oculaires des corticoïdeslocaux et générauxAprès traitement au long cours, apparition de cataracte, bilatérale mais asymétrique,typiquement en «soucoupe postérieure».Risque d’hypertonie oculaire, parfois irréversible, aboutissant éventuellement au glaucome cortisonique (atteinte associée du champ visuel).Aggravation d’un processus infectieux cornéen (toujours penser à l’herpès oculaire):prescription de corticoïdes interdite en casd’œil rouge sans avis spécialisé.

• Effets secondaires oculaires des antipaludéensde synthèseAvant tout la maculopathie, irréversible,peut entraîner la cécité. Le mécanisme de cette toxicité est cumulatif. Elle impose régulièrement la mesure de l’acuité visuelle,le fond d’œil, l’évaluation de la vision des couleurs, le champ visuel central et l’électrorétinogramme.

• Effets secondaires oculaires des parasympatho-lytiques : glaucome aigu par fermeture de l’angle irido-cornéen chez les patients prédisposés (chambre antérieure étroite).

• Contre-indications des collyres bêtabloquants :asthme, bloc auriculo-ventriculaire, insuffisancecardiaque, syndrome de Raynaud, artériopathieoblitérante serrée.

Points Forts à retenir

Demailly P,Hamard H,Luton JP.Œil et cortisone.Paris :Masson,1975.

Raspiller A,Trechot P,Maalouf T.Atteintes ophtalmologiques d’originemédicamenteuse. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris) Ophtalmologie,21-810-A-10, 1998, 8p.

POUR EN SAVOIR PLUS

1 / Corticoïdes et hypertonie oculaire

Chez certains sujets prédisposés, les corticoïdes vont agir sur la poly-mérisation de la matrice extracellulaire du trabeculum et donc provo-quer une gêne à l’évacuation de l’humeur aqueuse, responsable d’une augmentation de la pression intra-oculaire.

Il est intéressant de noter que, très récemment, un gène codant uneprotéine du trabeculum induite par les corticoïdes a été mis en évidencechez des patients porteurs d’un glaucome primitif à angle ouvert.Cette protéine s’appelle la protéine TIGR (trabecular meshwork inducible glucocorticoid response protein).

2 / Physiopathologie des lésions induites par les antipaludéens de synthèse

Le métabolisme des antipaludéens de synthèse est bien connu, en parti-culier leur grande affinité pour les cellules pigmentées et notammentpour les cellules de l’épithélium pigmentaire rétinien. Les conséquencesen sont : destruction de l’épithélium pigmentaire et migration de pigmentvers les couches internes de la rétine, par perturbation de l’action desenzymes des mélanocytes et blocage de la synthèse protéique.

Leur action serait sous-tendue par des mécanismes oxydatifs auniveau de l’épithélium pigmentaire par le biais de la production deradicaux libres.

POUR APPROFONDIR

Ophtalmologie

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de type terminal sans anastomose entre artérioles réti-niennes ou avec la vascularisation choroïdienne. Desanastomoses n’existent qu’au niveau capillaire rétinien.Une occlusion quelle que soit sa localisation au niveaude l’arbre vasculaire est donc responsable d’une ischémiedu territoire concerné d’aval.La rétine neurosensorielle est un tissu fragile et l’ischémieentraîne des lésions définitives en quelques heures.Les occlusions artérielles rétiniennes réalisent destableaux cliniques différents, selon le site de l’obstruction.L’évolution et le pronostic visuel ne sont pas les mêmesselon qu’il s’agit d’une occlusion d’un gros tronc oud’une artériole ; selon que la macula est épargnée ou non.Les occlusions artérielles rétiniennes sont donc des accidents graves et représentent l’une des rares urgencesen ophtalmologie où le délai de prise en charge est unélément capital. De plus, elles sont la plupart du tempsla traduction d’une souffrance du système vasculairedans son ensemble. Elles devront être l’occasion d’unbilan général complet pour éviter qu’une urgence fonc-tionnelle visuelle ne se transforme en une urgence vitale.

Occlusion de l’artère centrale de la rétine

Causes

On peut classer les causes dans plusieurs grands groupes selon le mécanisme en cause : les embolies ; lesthromboses ; les troubles de la coagulation ; les causeslocales.

1. EmboliesMême quand un mécanisme embolique est fortementsuspecté, un embole n’est pas nécessairement visible aufond d’œil. Dans d’autres cas, l’embole est parfaitementindividualisable au fond d’œil.

L’occlusion de l’artère centrale de la rétine (OACR) estune pathologie rare ; sa fréquence est estimée à uneconsultation sur 10 000. Elle atteint le plus souvent dessujets autour de la soixantaine. Néanmoins, elle peut seproduire chez des adultes jeunes et même des enfants. Ilexiste une prédominance masculine et les deux yeuxsont atteints sans différence significative. L’accident estbilatéral dans 1 à 2 % des cas.La vascularisation rétinienne est sous la dépendance de2 systèmes indépendants :– la circulation choroïdienne, ayant pour origine les

artères ciliaires courtes postérieures vascularise lescouches profondes rétiniennes, notamment l’épithé-lium pigmentaire rétinien ;

– la circulation issue de l’artère centrale de la rétine vascularise les couches internes de la rétine.

Chez environ 20 % des individus, il existe une artèrecilio-rétinienne. D’origine choroïdienne, elle vasculariseun territoire temporo-papillaire plus ou moins étenduselon les cas, atteignant et irriguant la macula dans lamoitié des cas seulement.L’artère centrale de la rétine, branche de l’artère ophtal-mique, se divise classiquement en deux branches supé-rieure et inférieure émettant elles-mêmes une branchetemporale et nasale. La division se poursuit ensuite surun mode dichotomique. La vascularisation rétinienne est

Oblitération de l’artère centrale de la rétine et de ses branchesÉtiologie, diagnostic, évolution, traitement

DR Maurice HAOUAT, DR Gilles CHAINE

Service d’ophtalmologie, hôpital Avicenne, 93009 Bobigny Cedex.

• L’artère centrale de la rétine vascularise le tiersinterne de la rétine.

• Des lésions rétiniennes définitives apparaissentaprès moins de 2 h d’ischémie.

• Les mécanismes responsables de l’occlusionsont divers : embolie, thrombose, trouble de la coagulation.

Points Forts à comprendre

Les emboles sont de différents types :• emboles de cholestérol :brillants, jaunâtres, réfringents,

ce sont les plus fréquemment observés ; l’obstructionest souvent incomplète. Ils ont le plus souvent pourpoint de départ une plaque d’athérome ulcérée de lacarotide interne ;

• emboles fibrino-plaquettaires :allongés, grisâtres ;ils se morcellent spontanément. Ils sont responsablesd’occlusions incomplètes, leur origine est égalementcarotidienne le plus souvent ;

• emboles calcaires :blanchâtres de plus grande taille,ils sont plus rares, souvent uniques. Leur origine est leplus souvent cardiaque. On les retrouve volontiers lorsde pathologies valvulaires mitrales ou aortiques.

Beaucoup plus rarement, il s’agit d’emboles leucocy-taires, d’emboles lipidiques consécutifs à une fracturedes os longs, d’emboles de liquide amniotique ou d’em-boles tumoraux (myxome de l’oreillette). Les emboliesexogènes sont rares, elles comprennent le talc chez lestoxicomanes, les corticoïdes injectés dans les tissus de laface peuvent être responsables d’occlusions artériellesrétiniennes.Les pathologies emboligènes sont multiples, on retiendrales plus fréquentes dont l’athérosclérose carotidienne.L’embole responsable de l’occlusion artérielle rétiniennea pour point de départ une plaque d’athérome ulcérée au niveau de la carotide interne. L’embolie peut être d’ori-gine cardiaque. On retrouve dans ce groupe toutes les cardiopathies emboligènes : pathologies valvulaires, pro-lapsus de la valve mitrale, thrombus intracavitaire aprèsinfarctus du myocarde, tumeurs intracavitaires (myxome),migrations emboliques après troubles du rythme.

2. ThrombosesElles sont responsables d’une occlusion complète dutrajet artériel. Entrent dans ce cadre les artérites giganto-cellulaires, les maladies de système, les collagénoses.• La maladie de Hortonest une urgence ; elle doit êtrerecherchée systématiquement chez les sujets de plus de 50 ans. Les manifestations ophtalmologiques sontfréquentes, présentes dans 50 % des cas. Il s’agit alorsd’une baisse de l’acuité visuelle dans 99 % des cas etl’on retrouve des épisodes d’amaurose fugace dans 30 %des cas. Les névrites optiques ischémiques antérieuresaiguës sont les atteintes les plus fréquemment retrouvéesmais une occlusion de l’artère centrale de la rétine estpossible tout comme une occlusion de l’artère cilio-rétinienne. Il faudra rechercher les autres signes cliniques(céphalées, asthénie), demander une vitesse de sédi-mentation en urgence et éventuellement confirmer le diagnostic par une biopsie d’artère temporale.• Les autres causessont le lupus érythémateux dissé-miné, la maladie de Wegener, la maladie de Takayashu,lamaladie de Kawasaki et le syndrome de Churg et Strauss.

3. Troubles de la coagulationDes perturbations de l’hémostase sanguine peuvent parfois être incriminées, en particulier chez des sujetsjeunes.

De nouveaux facteurs intervenant dans la cascade de lacoagulation sont régulièrement découverts. Plusieursanomalies des facteurs activant la fibrinoformation ontété retrouvées au cours d’occlusions artérielles réti-niennes : déficits congénitaux en protéine inhibitrice dela coagulation (protéine C, protéine S, antithrombineIII), résistance à la protéine C activée, mutation du facteur V de Leyden.Les déficits en antithrombine III, protéine C, protéine Ssont congénitaux et héréditaires, de transmission domi-nante. L’accident vasculaire rétinien survient chez unsujet jeune et il existe classiquement des antécédentspersonnels ou familiaux de thrombose. La présenced’anticoagulants circulants a aussi été incriminée dansla genèse d’occlusions artérielles rétiniennes, on lesretrouve classiquement au cours du lupus érythémateuxdisséminé et des collagénoses. La présence d’anticoa-gulants circulants peut être aussi totalement isolée (syndrome primaire des anticorps anti-phospholipides).Des occlusions artérielles rétiniennes ont été décrites aucours de la drépanocytose, d’homocystinurie, de syndromesd’hyperviscosité au cours de certaines hémopathies.On peut associer dans cette catégorie les cas d’occlusionartérielle rétinienne décrits au cours de la grossesse ouchez la femme sous contraception orale œstroprogestative.De même, la femme jeune migraineuse représente unterrain à risque.

4. Causes localesDes occlusions artérielles rétiniennes peuvent se voirdans des cas de traumatismes orbitaires.Le mécanisme peut être compressif ou entraîner unelésion vasculaire directement.D’autres causes ont été rapportées : cellulite orbitaire,hématome compressif.

Bilan étiologique

Il ne peut évidemment pas être systématique et completchez tous les patients. Il doit être orienté en fonction duterrain, de l’interrogatoire, de l’examen ophtalmologiqueet général.L’interrogatoire est fondamental ; il précise les anté-cédents d’hypertension artérielle, de diabète, de patho-logie cardiovasculaire, de consommation de tabac,d’hypercholestérolémie, le contexte de survenue – spon-tanée ou provoquée –, l’heure du début des signes fonctionnels. Il recherche également la survenue d’épi-sodes d’amauroses fugaces antérieures.• L’examen ophtalmologique recherche la présenced’emboles rétiniens ; cholestéroliques, ils sont en faveurd’une pathologie carotidienne ; calcaires, ils font penserà une pathologie cardiaque emboligène.• L’examen généraldoit être pratiqué par un médecininterniste. Il guide la suite des investigations.• Les examens complémentaires sont les suivants :– biologie : vitesse de sédimentation en urgence, surtout

chez le sujet de plus de 50 ans, numération formule

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allongement du temps vasculaire rétinien artérioveineux.Aux temps précoces, il existe une absence totale de perfusion artérielle et du lit capillaire. Ensuite, selon lesniveaux d’occlusion, on peut observer :– un remplissage très lent des vaisseaux rétiniens, le lit

capillaire restant peu ou pas visible ;– un remplissage fractionné de l’arbre vasculaire ;– une absence de perfusion de certains territoires persis-

tante au temps tardif.

Évolution

L’évolution spontanée est quasiment toujours défavo-rable. Des lésions rétiniennes définitives apparaissentaprès 100 minutes d’ischémie.Quand l’ischémie rétinienne a été brève, on peut observer une récupération fonctionnelle à des degrésvariables.En l’absence de traitement on n’assiste habituellementpas à une amélioration de l’acuité visuelle, sauf dans lescas où il existe une artère cilio-rétinienne vascularisantla fovea.Dans la plupart des cas, on assiste à une régression del’œdème rétinien sur une période allant de 4 à 6 semaines.Progressivement, la papille devient pâle, atrophique etles artères rétiniennes deviennent grêles, filiformes,disparates.Dans les formes les plus sévères, en réponse au phéno-mène ischémique, on peut assister dans 20 % des cas audéveloppement de néovaisseaux iriens et dans l’angleirido-cornéen avec le risque de constitution d’un glaucomenéovasculaire.

sanguine (NFS), glycémie, bilan lipidique complet,taux de prothrombine (TP), temps de céphaline activée(TCA), facteurs de la coagulation et protéine C, protéineS et antithrombine (AT) III chez le sujet jeune ;

– bilan carotidien : auscultation ( recherche d’un soufflecarotidien) ; doppler des vaisseaux du cou : chez lesujet jeune comme chez le sujet âgé ;

– bilan cardiologique : auscultation, électrocardiogramme(ECG), échographie en fonction de l’examen clinique.

Ce schéma est simple, quasi minimal ; d’autres explorations complémentaires pourront être demandéesen fonction des cas et des pathologies associées suspectées.

Diagnostic

1. Tableau cliniqueLa baisse d’acuité visuelle est brutale, typiquementindolore. Certains patients décrivent un ou plusieurs épi-sodes d’amaurose fugace antérieurs. À l’examen, l’acui-té visuelle est effondrée, le plus souvent limitée à une perception lumineuse.Dès les premières minutes suivant l’occlusion artérielle,la pupille est en mydriase aréflexique, le réflexe photo-moteur direct est aboli, le réflexe photomoteur consensuelconservé. Dans les tout premiers instants, le fond d’œilpeut apparaître normal, le diagnostic doit être alors portédevant une baisse d’acuité visuelle brutale, un déficitafférent pupillaire et un fond d’œil normal. Le fondd’œil peut cependant montrer un rétrécissement diffusdu calibre artériel. Un courant granuleux peut êtrevisible. Ce n’est que dans les heures qui suivent qu’ap-paraît un œdème blanc rétinien ischémique traduisant lasouffrance ischémique des couches internes de la rétine.La fovea, de par sa vascularisation choroïdienne, peutapparaître « rouge cerise » par contraste avec tout lereste de la rétine d’aspect blanc laiteux.Dans 20 % des cas, on peut observer la présence d’em-boles rétiniens au fond d’œil ; ces derniers sont localisésle plus souvent au niveau des bifurcations artérielles. Dans 20 % des cas, il existe une artère cilio-rétiniennepermettant de préserver un territoire temporo-papillairenormalement perfusé échappant à l’ischémie rétinienne.Ce territoire garde alors une coloration rétinienne orangéenormale. Dans les cas où seulement une partie de larégion interpapillo-maculaire est préservée, l’acuitévisuelle est moins effondrée mais reste généralementinférieure à 2 dixièmes. Dans 10 % des cas seulement,une artère cilio-rétinienne permet une épargne fovéolaire,l’acuité visuelle dans ces cas est le plus souvent supé-rieure à 4 dixièmes (fig. 1).

2. Angiographie à la fluorescéineElle n’est pas indispensable au diagnostic, sa réalisationne doit pas retarder la mise en route du traitement.L’angiographie à la fluorescéine est marquée par unretard de perfusion artérielle (allongement du tempsbras-rétine) et surtout de façon plus spécifique par un

Ophtalmologie

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Occlusion de l’artère centrale de la rétine au fond d’œil.Œdème diffus blanchâtre de la rétine, par contraste la macula apparaîtrouge cerise ; interruptions multiples du courant circulatoire. On noteune petite zone en temporal de la papille normalement colorée, nonischémique, en rapport avec une vascularisation cilio-rétinienne n’atteignant pas la macula.

1

Traitement

L’occlusion de l’artère centrale de la rétine est une desrares véritables urgences en ophtalmologie. En effet, lafonction visuelle est menacée à très court terme. Deplus, cet accident peut être le témoin d’une pathologiesystémique sous-jacente. C’est pourquoi, le bilan étio-logique et le traitement de l’occlusion artérielle doiventêtre menés dans le même temps, en urgence.Le traitement des occlusions de la rétine comprend 2 grands volets : le traitement étiologique d’une part etle traitement de l’affection rétinienne d’autre part.

1. Traitement étiologiqueIl doit être adapté aux multiples causes possibles res-ponsables d’occlusion de l’artère de la rétine. Le degréd’urgence diffère selon les situations. Un traitement chirurgical ou la mise en place d’un traitement anticoa-gulant au cours de certaines cardiopathies emboligènesdoivent être décidés de façon urgente pour empêcher larépétition d’accidents emboliques. De même, une cortico-thérapie à fortes doses au cours d’une maladie deHorton doit être instaurée au plus vite pour éviter la bilatéralisation de l’atteinte. En revanche, la décision depratiquer une endartériectomie chez un patient présentantune sténose carotidienne significative peut être retardéede quelques temps.Le traitement étiologique doit donc être décidé au caspar cas.

2. Traitement symptomatiqueIl reste décevant. L’objectif de tous les traitements proposés est d’obtenir une reperméabilisation artériellele plus tôt possible avant l’apparition de lésions réti-niennes ischémiques définitives. Expérimentalement, ona prouvé chez l’animal que des lésions rétiniennes défi-nitives apparaissaient après 100 min d’ischémie. • Mesures locales :la position de Trendelenburg estpréconisée. Le massage oculaire est indiqué dans le butde mobiliser un embole. Il permet aussi de faire varier lapression intra-oculaire.Une ponction de la chambreantérieure est pratiquée en créant une dépression brutaleà l’intérieur du globe oculaire ; on espère qu’ainsi lapression sanguine peut lever l’obstruction. • Traitements généraux :il n’y a pas de traitement type ;on peut associer, selon les cas :– traitements hypotonisants tels l’acétazolamide (Diamox),

intraveineux ou per os ; le but est de diminuer la pression intra-oculaire afin de diminuer la résistanceintra-oculaire du flux sanguin ;

– traitement vasodilatateur, en perfusion intraveineuse,leur manipulation est délicate ;

– antiagrégeants plaquettaires– traitements anticoagulants qui n’ont pas fait la preuve

de leur efficacité. Pourtant, une héparinothérapieintraveineuse à la seringue électrique représente letraitement d’urgence dans de nombreux centres ;

– fibrinolytiques dont le traitement comporte un certainnombre de risques, surtout hémorragiques. Lescontre-indications sont essentiellement : accidentsvasculaires cérébraux récents ; hypertension artérielle(HTA) sévère ; intervention chirurgicale récente ;manifestations hémorragiques récentes ; dissectionaortique ; péricardite.

La fibrinolyse in situ est une technique récente, décritepour la première fois en 1992 ; elle apporte des résultatsencourageants.La technique consiste en un cathétérisme rétrograde del’artère ophtalmique pour permettre l’injection in situd’agents fibrinolytiques (urokinase ou rTPA). Lescontre-indications restent à peu près les mêmes quecelles pour l’administration par voie générale, même siles complications décrites sont très rares. L’instauration rapide du traitement, dans les 4 à 6 pre-mières heures, est un élément de bon pronostic. La pré-cocité de prise en charge est effectivement un élémentcapital du pronostic. La fibrinolyse in situ est la technique qui apporte lesmeilleurs résultats en termes de récupération visuelle. Ils’agit néanmoins d’une technique lourde, réalisée danspeu de centres.

Indications thérapeutiques

Elles dépendent de plusieurs paramètres : le siège del’occlusion, son ancienneté, l’âge et l’état général dupatient. Toute occlusion de l’artère de la rétine qui pro-voque une baisse de l’acuité visuelle profonde, que cesoit une occlusion de l’artère centrale de la rétine ou uneocclusion de branche de l’artère centrale de la rétineavec atteinte maculaire chez un sujet jeune et en bonneforme, vu dans les 6 premières heures, doit bénéficierd’un traitement maximal visant une reperméabilisationrapide. Le délai maximal peut même être repoussé jus-qu’à 20 ou 24 h. Passé ce délai, on ne doit raisonnable-ment plus attendre de récupération et aucun traitementlourd comportant des risques ne doit alors être tenté.

Occlusion d’une branche de l’artèrecentrale de la rétine

Diagnostic

1. Tableau cliniqueIl est variable selon la localisation de l’occlusion, selonl’étendue du territoire ischémique et selon l’atteintemaculaire. L’atteinte maculaire conditionne le pronosticde cette affection. Le début des signes fonctionnels est brutal et indolore.Les patients décrivent une amputation du champ visuelsouvent à limite horizontale. Une baisse de l’acuitévisuelle s’observe dans les cas où la branche occlusevascularise tout ou une partie de la macula. L’examen dufond d’œil affirme le diagnostic en retrouvant un œdème

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Occlusion d’une artère cilio-rétinienne

Cette artère, dont la présence peut faire espérer un pro-nostic meilleur en cas d’occlusion de l’artère de la rétinepeut elle-même être le siège d’une occlusion. Le patientse plaint alors d’un scotome plus ou moins important et d’une baisse de l’acuité visuelle variable selon le territoire irrigué par cette artère. ■

rétinien ischémique en secteur localisé au territoire de labranche occluse. Il est important de préciser les rapportsexacts avec la macula :– lorsque l’œdème recouvre la région maculaire, la

fovea apparaît rouge cerise. Ces formes sont de pro-nostic réservé ;

– l’œdème ischémique peut affleurer la fovea ;– l’absence d’atteinte maculaire. Ce sont les formes de

meilleur pronostic.L’obstruction se situe souvent au niveau d’une bifurcationartérielle et celle-ci est fréquemment soulignée par laprésence d’un embole (fig. 2).

2. Angiographie à la fluorescéineElle n’est pas indispensable au diagnostic ; elle permetde préciser le degré et l’étendue de l’occlusion.L’atteinte maculaire est finement analysable.L’occlusion de branche se manifeste par un retard deperfusion ou une absence complète de perfusion dans labranche occluse.

Évolution

Une reperméabilisation de la branche occluse en quelquesjours est l’évolution habituelle. Après quelques semaines,on assiste à une résorption de l’œdème rétinien et à uneremonté de l’acuité visuelle. Le pronostic visuel est bon.L’acuité visuelle est supérieure à 5 dixièmes dans plusde 80 % des cas. L’amputation du champ visuel persiste.Les complications néovasculaires sont très rares.

Causes

Ce sont les mêmes que celles retrouvées dans les casd’occlusion de l’artère centrale de la rétine. Un patientqui présente une occlusion de branche doit bénéficierd’un examen général et du même bilan en urgence.

Moyens thérapeutiques

Ce sont les mêmes que ceux utilisés dans des cas d’oc-clusion de l’artère centrale de la rétine. Toutefois, lesindications doivent être plus restreintes en raison de labonne récupération habituelle. Néanmoins, un patient enbonne santé qui présente une occlusion de branche del’artère centrale de la rétine avec atteinte maculaire et vusuffisamment tôt doit bénéficier d’un traitement maximal.

Autres formes cliniques

Occlusion d’une artériole rétinienne

Leur traduction clinique est le nodule cotonneux. Il peutexister un ou plusieurs nodules cotonneux selon lenombre d’artérioles occluses. Les principales causessont l’hypertension artérielle, le diabète, le sida…

Ophtalmologie

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• L’occlusion de l’artère centrale de la rétine est une urgence ophtalmologique.

• La rapidité de prise en charge est un élémentcapital.

• Un bilan étiologique à la recherche d’une pathologie systémique sous-jacente est indispensable : chez le sujet âgé,athérosclérose, maladie de Horton…,chez le sujet plus jeune, cardiopathie emboligène, trouble de la coagulation.

• Le pronostic visuel est pauvre.

Points Forts à retenir

Occlusion de la branche supérieure de l’artère centrale de la rétine.Œdème blanchâtre ischémique rétinien localisé à l’hémi-rétine supérieure affleurant la macula. La circulation dans la branche inférieure est normale.

2

Ophtalmologie

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non aux autres facteurs de risque d’artériosclérose quesont le tabagisme, l’hyperlipidémie, l’hyperuricémie oule diabète.

Glaucome chronique à angle ouvert

Une hypertonie oculaire chronique est retrouvée dansquasiment 30 % des cas d’occlusion veineuse rétinienne.

Modifications circulatoires

1. Anomalies du contenu vasculaireCes anomalies sont :– hyperviscosité sanguine (cellulaire ou plasmatique) :

hyperagrégabilité érythrocytaire, hémopathies (leucé-mies, lymphomes…), dysglobulinémies (myélome,maladie de Waldenström…), syndrome inflammatoire ;

– troubles de l’hémostase : hyperagrégabilité plaquettaireprimitive ou secondaire (prolapsus de la petite valvemitrale), déficit en inhibiteur de la coagulation (anti-thrombine III, protéine C, protéine S), anticoagulantcirculant, résistance à la protéine C activée, trouble dela fibrinolyse.

2. Anomalies de la paroi vasculaire (vascularites occlusives)Ces anomalies sont :– infectieuses : syphilis, tuberculose, VIH (virus de

l’immunodéficience humaine) ;– inflammatoires et immunologiques : collagénoses

(lupus), sarcoïdose, maladie de Behçet, maladie deCrohn, sclérose en plaques, spondylarthrite ankylosante,périphlébites rétiniennes idiopathiques.

3. Anomalies du débitIl s’agit de :– hypodébit : pathologie carotidienne ;– compression rétrobulbaire : pathologie orbitaire

(tumeur, fracture), maladie de Basedow ;– hyperpression veineuse : fistule carotido-caverneuse.

Étiologie

Dans la plupart des cas, il n’y a pas une étiologie d’occlusion veineuse rétinienne (OVR) mais un terrainprédisposant lié à l’âge et à l’artériosclérose. Cependant,en absence de facteurs de risque cardiovasculaires,lebilan clinique et paraclinique devra s’attacher à rechercherune cause à l’origine des modifications circulatoires(voir : Pour approfondir 1).

Artériosclérose et ses facteurs de risque

L’artériosclérose est la principale cause d’occlusion vei-neuse rétinienne, qui survient souvent à l’occasion d’unfacteur déclenchant surajouté. Ainsi, une hypertensionartérielle est retrouvée dans 60 % des cas, associée ou

Oblitération de la veinecentrale de la rétine et de ses branchesÉtiologie, diagnostic, évolution, principes du traitement

DR Hervé ROUHETTE, PR Pierre GASTAUD

Service d’ophtalmologie, hôpital Saint-Roch, 06006 Nice.

• L’oblitération ou occlusion veineuse rétinienneest définie par un obstacle aigu à l’écoulementsanguin dans le compartiment veineux.

• Cette occlusion veineuse rétinienne n’est passecondaire à la formation d’un thrombus,mais sa physiopathologie fait intervenir la combinaison de mécanismes complexes,par ailleurs mal connus, qui déstabilisentl’équilibre hémodynamique.

• Les altérations capillaires secondaires à l’occlusion veineuse sont de 2 types en fonctiondu degré de l’obstruction : soit dilatation capillaire avec œdème exsudatif, soit obstructioncapillaire avec ischémie rétinienne.

• La symptomatologie est variable en fonction de la forme clinique et de la topographie de l’occlusion et va de la perte d’acuité visuelleminime et réversible à l’effondrement visueldéfinitif.

Points Forts à comprendre

Prise médicamenteuse

La contraception orale par œstroprogestatifs est un facteur de risque reconnu ; les diurétiques et la sulfa-salazine (Salazopyrine) ont été incriminés.

Diagnostic positif

L’occlusion veineuse rétinienne survient le plus souventchez le sujet de 50 à 70 ans, sans prédominance de sexe,et se traduit par une sensation de baisse d’acuité visuellecentrale d’intensité variable en fonction de la topographieet du degré de sévérité de l’occlusion.

Occlusion du tronc de la veine centralede la rétine

L’obstacle veineux se situe au niveau de la lame criblée,en arrière de la papille et l’examen du fond d’œil aprèsdilatation pupillaire retrouve la tétrade caractéristique :dilatation et tortuosités veineuses, hémorragies rétiniennesdisséminées superficielles (en flammèches) ou profondes(rondes), œdème exsudatif diffus (rétinien et papillaire)et nodules cotonneux.Les formes cliniques sont définies en fonction des alté-rations capillaires, au mieux appréciées lors de l’examenangiographique à la fluorescéine, examen paracliniqueindispensable.

1. Forme œdémateuseC’est la forme typique, la plus fréquente (60 à 80% des cas).• Signes fonctionnels :l’acuité visuelle est relativementconservée, le patient se plaignant principalement d’unbrouillard visuel prédominant le matin.• Signes physiques :lors de la phase aiguë, l’examen dusegment antérieur est normal et la recherche d’un glaucomepar prise de la tension oculaire doit être systématique.Lors de l’examen du fond d’œil, la dilatation et lestortuosités veineuses sont majeures, les hémorragiesrétiniennes retrouvées sont de type superficiel (en flam-mèches) et les manifestations œdémateuses exsudativessont au premier plan (fig. 1).• Signes angiographiques :l’obstacle veineux estconfirmé par le retard de remplissage veineux aux tempsprécoces (voir :Pour approfondir 2). Au cours de laséquence angiographique, les capillaires dilatés laissentdiffuser le colorant avec constitution aux temps tardifsd’un œdème rétinien diffus qui se traduit par une hyper-fluorescence. L’œdème papillaire s’accompagne d’unœdème maculaire au niveau du pôle postérieur. Lorsquece dernier revêt un aspect caractéristique en logettes, onparle d’« œdème maculaire cystoïde ».• Examens paracliniques :le relevé du champ visuelpeut permettre de retrouver des scotomes centraux relatifs.

2. Forme ischémiqueForme la moins fréquente (10 à 15% des cas), elle est aussila plus sévère et se caractérise par les éléments suivants.

• Signes fonctionnels :la baisse d’acuité visuelle estbrutale et profonde.• Signes physiques :si l’examen du segment antérieurest normal, l’examen du fond d’œil retrouve des hémor-ragies profondes en flaques, un réseau artériel grêle et de nombreux nodules cotonneux, témoins d’uneischémie rétinienne.• Signes angiographiques :les temps circulatoires sontaugmentés aussi bien au niveau artériel qu’au niveauveineux. L’atteinte du lit capillaire se traduit par de vastesterritoires ischémiques de non-remplissage vasculaire quirestent noirs lors de la séquence angiographique (fig. 2).• Examens paracliniques :les déficits relevés auchamp visuel sont absolus et l’électrorétinogramme peutêtre altéré dans les formes graves.

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Occlusion de la veine centrale de la rétine, forme œdémateuse. Photographie couleur du fond d’œil. Dilatationveineuse, hémorragies rétiniennes disséminées et œdèmepapillaire.

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Occlusion de la veine centrale de la rétine, forme isché-mique. Cliché anérythre (sans injection). Hémorragiesrondes et profondes disséminées au pôle postérieur et enpériphérie, avec nodules cotonneux et œdème papillaire.

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3. Forme mixteSurvenant soit d’emblée, soit comme complicationd’une forme œdémateuse, elle est définie par l’examenangiographique. Elle associe des territoires de dilatationcapillaire et des territoires de non-perfusion.

Occlusion de la branche veineuse rétinienneL’occlusion se situe au niveau d’un croisement artério-veineux, la plupart du temps complication ou évolutionde l’artériosclérose.

1. Caractéristiques générales• Signes fonctionnels :ils sont variables, la gênevisuelle pouvant passer inaperçue.• Signes physiques :l’examen du fond d’œil retrouveles 4 éléments caractéristiques d’occlusion veineuserétinienne localisés dans le territoire de drainage de labranche atteinte (dilatation et tortuosités veineuses enamont du croisement artérioveineux, hémorragies,nodules cotonneux, œdème rétinien).• Signes angiographiques :les temps précoces mettenten évidence le retard de remplissage de la veine occluseavec rétrécissement de la lumière veineuse au niveau ducroisement pathologique et stase en amont du croisement.L’angiographie à la fluorescéine retrouve une diffusionlocalisée au niveau du croisement artérioveineux et permetpar ailleurs d’apprécier l’atteinte du lit capillaire (fig. 3 et 4).

2. Formes cliniquesOn les retrouve en fonction :• du type de capillaropathie :les occlusions de branche

veineuse rétinienne œdémateuses sont les plus fré-quentes, l’angiographie retrouve lors de ces formes ladilatation capillaire avec phénomènes de diffusion etœdème rétinien. Comme lors de l’occlusion de la veinecentrale de la rétine, des zones de non-perfusion défi-nissent les formes ischémiques ;

• de la topographie de la branche occluse :l’occlusionpeut être hémisphérique (supérieure ou inférieure, tempo-rale ou nasale), localisée à une branche temporale ounasale (rare) ou atteindre une veine de 2e ou 3e ordre.

Diagnostic différentiel

L’interrogatoire, l’examen clinique et l’examen angiogra-phique permettront d’éliminer d’autres causes de baissed’acuité visuelle brutale unilatérale à œil blanc et indolore :• occlusion de l’artère centrale de la rétine :l’acuité

visuelle est réduite aux perceptions lumineuses, lapupille est en mydriase avec abolition du réflexe photomoteur direct et le fond d’œil retrouve l’aspectcaractéristique d’œdème rétinien ischémique blanchâtreavec macula rouge cerise ;

• neuropathie optique ischémique antérieure aiguë :l’examen du fond d’œil retrouve un œdème papillaireavec quelques hémorragies superficielles chez un sujet

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Occlusion de branche veineuse temporale supérieure.En haut : cliché anérythre. Hémorragies en flammèches dis-séminées au niveau de la rétine temporale supérieure.En bas : cliché angiographique (200e seconde) 15 jours plustard chez le même patient présentant une nouvelle baisse del’acuité visuelle. Plages d’hypoperfusion capillaire avecaspect en arbre mort des vaisseaux. On note des phénomènesde diffusion des capillaires périmaculaires temporaux supé-rieurs et une hyperfluorescence au niveau du croisementartérioveineux.

3

Cliché angiographique (304e seconde). Occlusion debranche veineuse temporale inférieure. Aspect de néovais-seaux prérétiniens en bordure de zones ischémiques.

4

présentant des facteurs de risque cardiovasculaires;• décollement de la rétine avec atteinte maculaire :

l’interrogatoire recherche des phosphènes ou myo-désopsies les jours précédents ;

• hémorragie du vitré,qui peut être une complicationd’une occlusion veineuse rétinienne passée inaperçueou relever d’une autre étiologie (déchirure rétinienne,rétinopathie diabétique…). Le fond d’œil est inéclairable.

Les autres causes d’hémorragies rétiniennes dissémi-nées sont :• ischémie oculaire chronique :en cas de sténose

carotidienne sévère, les hémorragies rétiniennes sonttypiquement périphériques et c’est l’écho-doppler desvaisseaux du cou qui fera le diagnostic ;

• rétinopathie diabétique évoluée :l’atteinte est habi-tuellement bilatérale et les temps circulatoires sontnormaux lors de l’examen angiographique.

Évolution

L’évolution d’une occlusion veineuse rétinienne est variableen fonction de la forme clinique, mais l’occlusion veineuserétinienne est une affection dont le pronostic à long termeest globalement réservé. Par ailleurs, il faut toujourspenser au risque de bilatéralisation qui est de 10 à 15 %.

Occlusion du tronc de la veine centralede la rétine

1. Forme œdémateuseLe développement d’une circulation de suppléance et devoies de dérivation (anastomoses optico-ciliaires péri-papillaires) permet une évolution favorable dans 30 %des cas. La normalisation de l’examen du fond d’œil(retour du calibre veineux à la normale, diminution del’œdème rétinien et des hémorragies) se fait progressi-vement en plusieurs mois. Si l’acuité visuelle s’améliore,la récupération n’est complète que dans moins de 10 %des cas. Ainsi, dans 50 % des occlusions de la veine centrale de la rétine œdémateuses l’acuité visuelle estinférieure à 1/10e après 2 ans d’évolution.Un œdème maculaire persiste ou s’aggrave dans 50 %des cas. Cet œdème maculaire prolongé peut être à l’ori-gine de séquelles qui vont compromettre la récupérationvisuelle finale (remaniement cicatriciel de l’épithéliumpigmentaire maculaire, trou maculaire lamellaire…).La deuxième complication est représentée par la conver-sion en une forme ischémique (10 % des cas) avecrisque de néovascularisation secondaire, justifiant unesurveillance angiographique régulière.

2. Forme ischémiqueL’évolution est sévère, toujours défavorable. L’acuitévisuelle d’emblée effondrée ne s’améliore pas.Les complications graves sont liées à l’apparition d’unenéovascularisation dont le risque augmente avec la tailledes surfaces ischémiques. Le développement d’une rubéose

irienne peut être rapide, évoluant vers le dramatiqueglaucome néovasculaire («glaucome des 100 jours») abou-tissant à la perte fonctionnelle, voire anatomique de l’œil.Le développement de néovaisseaux prérétiniens ou pré-papillaires peut être responsable d’hémorragies intra-vitréennes récidivantes avec risque de décollement derétine tractionnel.

3. Forme mixteForme de gravité intermédiaire, l’évolution se fait versle développement de néovaisseaux prérétiniens en borduredes zones ischémiques.

Occlusion de la branche veineuse rétinienne

Des vaisseaux de suppléance vont se développer autourdu territoire occlus. L’évolution des formes œdémateusesest ainsi le plus souvent favorable avec une acuitévisuelle supérieure ou égale à 5/10e dans plus de la moitiédes cas. L’absence de récupération peut être liée dansces formes à la présence d’un œdème maculaire cystoïdeou partiel. Le risque de néovascularisation prérétinienne etprépapillaire existe dans les formes ischémiques et mixtes.Si le pronostic est meilleur qu’en cas d’occlusion de laveine centrale de la rétine, la récupération visuelle est parailleurs liée à l’atteinte maculaire et cette récupérationvisuelle est souvent médiocre en cas d’occlusion de branchetemporale ou en cas d’occlusion d’une veinule maculaire.

Principes du traitement

L’occlusion veineuse rétinienne est une urgence médicaledont la prise en charge en milieu spécialisé doit être laplus rapide possible, mais l’hospitalisation n’est passystématique. Si le but initial du traitement est la conser-vation de la vision, la prise en charge doit égalementpermettre d’éviter d’une part, l’apparition des complica-tions et, d’autre part, la bilatéralisation.

Traitement du terrain

Il consiste en :– prise en charge des facteurs de risque de l’artério-

sclérose : traitement d’une hypertension artérielle,d’une hypercholestérolémie ou d’une hyperuricémie,équilibration d’un diabète, règles hygiéno-diététiques(arrêt du tabagisme, régime en cas d’obésité…) ;

– traitement d’un glaucome chronique à angle ouvert ;– dans les cas où une cause est retrouvée (collagénose,

hémopathie, prise médicamenteuse…), le traitementde celle-ci est indispensable (traitement anti-inflam-matoire, arrêt d’un traitement œstroprogestatif…).

Occlusion veineuse rétinienne récente

Tous les moyens thérapeutiques suivants peuvent êtreutilisés en respectant leurs contre-indications et les indications sont fonction du tableau clinique.

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Surveillance

Elle fait partie intégrante du traitement. L’examen ophtalmologique régulier doit rechercher des signes précoces de néovascularisation, tels qu’une rubéoseirienne et un examen angiographique doit être réalisétous les 2 mois au cours du premier semestre.

Prévention et traitement des complications

1. Photocoagulation laser• Prévention et traitement de la néovascularisation(prérétinienne, prépapillaire, irienne) :l’efficacité dela photocoagulation laser a été démontrée dans les 2 cas,empêchant le développement ou faisant même régresserles néovaisseaux. Il s’agit d’une destruction de tous lesterritoires rétiniens ischémiques par des impacts de laserconfluents. Dans les occlusions de la veine centrale de larétine ischémiques, il faut réaliser une photocoagulationde toute la rétine des arcades vasculaires temporales àl’ora serrata (photocoagulation panrétinienne, PPR). Sil’examen retrouve une rubéose irienne, cette photo-coagulation doit être réalisée en extrême urgence. Dansles occlusions de branche veineuse, la photocoagulationconcerne le territoire occlus.• Traitement de l’œdème maculaire chronique :unephotocoagulation en « grille » peut être envisagée pour lesœdèmes maculaires persistant plus de 6 mois après l’accidentocclusif et entraînant une baisse d’acuité visuelle. Il s’agitde petits impacts non confluents en quinconce appliquéssur les zones de diffusion capillaire ou tout autour de lamacula. Ce traitement est surtout efficace dans les occlusionsde branche veineuse rétinienne.

2. Traitement chirurgicalIl n’est envisagé qu’au stade des complications. Unecryothérapie rétinienne par voie transclérale doit êtreréalisée si le laser est impossible (hémorragies abon-dantes, cataracte gênante). Une vitrectomie avec endo-photocoagulation est indiquée en cas d’hémorragie duvitré compliquant la néovascularisation prérétinienne oudans les cas d’œdème maculaire tractionnel tardif.■

1. Traitement médical• Les anticoagulants :aucune étude n’a fait la preuvede l’efficacité de l’héparine ou des antivitamines K(AVK), une occlusion veineuse rétinienne pouvantmême survenir sous AVK. Ils se justifient en cas d’ano-malie du système de la coagulation.• Les fibrinolytiques : la fibrinolyse par voie généraleprésente des risques vitaux et n’a pas d’indication lorsdes occlusions veineuses rétiniennes. En revanche, lesfibrinolytiques ont été utilisés « in situ », c’est-à-dire par injection directe dans l’artère ophtalmique aprèscathétérisme transfémoral ou en injection intravitréenneavec des résultats encourageants (voir :Pour approfondir 3).Cependant, il s’agissait de petites séries et ces résultatsdemandent confirmation.• Les antiagrégeants plaquettaires :largement prescritsdans cette indication, leur efficacité n’a pas été démontrée,mais ils représentent un traitement préventif des compli-cations ischémiques lors de l’artériosclérose. En pratique,ils sont souvent utilisés au long cours en relais d’un traitement de quelques jours par héparine de bas poidsmoléculaire.• Les correcteurs rhéologiques :l’intérêt de ces traite-ments repose sur la diminution de la viscosité sanguineet sur la vasodilatation (troxérutine [Veinamitol],pentoxifylline [Torental]...). Ils peuvent être associésaux autres modalités thérapeutiques.• Les anti-œdémateux :les corticoïdes ne sont pas indiqués dans les occlusions veineuses rétiniennes dusujet âgé, mais peuvent avoir un effet bénéfique chez lesujet jeune ou en cas d’étiologie inflammatoire. Lesautres traitements (acétazolamide, collyres anti-inflam-matoires non stéroïdiens) sont peu efficaces.• Les collyres hypotonisants oculairespermettent uneamélioration des conditions circulatoires rétiniennes etpeuvent être prescrits même en absence de pathologieglaucomateuse.

2. Hémodilution isovolémiqueSon but est de diminuer la viscosité sanguine par dimi-nution du taux d’hématocrite. Elle se réalise lors d’unecourte hospitalisation de 48 à 72 h et consiste en un prélèvement de 10 mg/kg de sang total (saignée) associéà une perfusion à isovolume de soluté de remplacementpour obtenir une hématocritie comprise entre 30 et 33 %.Un effet bénéfique a été démontré sur l’acuité visuelle àlong terme. Cette hémodilution est indiquée en cas deforme œdémateuse et doit être réalisée au mieux dans lapremière semaine d’évolution.

3. Anastomoses choriorétiniennesDe description récente, elles consistent en la créationd’une anastomose entre la choriocapillaire et la circulationveineuse rétinienne par des impacts laser de forte puis-sance sur une branche veineuse inférieure. Les risques(hémorragie, occlusion veineuse complète, néovascula-risation choroïdienne) nécessitent cependant la réalisationd’autres études avant d’envisager ce traitement en pratiquequotidienne.

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Occlusion de branche veineuse temporale inférieure.Cliché angiographique (34eseconde). Bon aspect de cicatricesde photocoagulation focale en quinconce inféro-maculaire.

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O B L I T É R A T I O N D E L A V E I N E C E N T R A L E D E L A R É T I N E E T D E S E S B R A N C H E S

1496 L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

• L’occlusion veineuse rétinienne est une maladiemultifactorielle qui touche le sujet âgé de plusde 50 ans dans plus de 3 cas sur 4.

• Les 2 causes principales sont l’artériosclérose(hypertension artérielle dans 60 % des cas) et le glaucome chronique à angle ouvert (30 % des cas).

• Le diagnostic est clinique (tétrade caractéristiqueà l’examen du fond d’œil) et angiographique.

• L’angiographie à la fluorescéine est l’examenparaclinique indispensable permettant de confirmer le diagnostic et de classer l’occlusion veineuse rétinienne (forme œdémateuse, ischémique ou mixte).

• Le pronostic est réservé quelle que soit la forme clinique et la surveillance doit êtrerégulière les premiers mois.

• Les complications sont un œdème maculairechronique pour les formes œdémateuses et la prolifération néovasculaire pour les formesischémiques.

• Aucun traitement médical n’a fait la preuve de son efficacité.

• La photocoagulation au laser a une place fondamentale dans la prévention et le traitementdes complications.

Points Forts à retenir

Glacet Bernard A, Coscas G. Actualités sur les occlusions veineusesrétiniennes. J Fr Ophtalmol 1993 ; 16 : 685-95.

Glacet Bernard A, Coscas G, Soubrane G. Occlusions veineusesrétiniennes. Encycl Med Chir (Elsevier, Paris), Ophtalmologie, 21-240-E-15, 1998, 13 p.

POUR EN SAVOIR PLUS

1. Lors de l’orientation étiologique, l’interrogatoire est d’une impor-tance fondamentale : âge, hygiène de vie, traitements suivis, maladiesystémique, état infectieux ou inflammatoire, pathologie orbitaire…Chez le sujet de plus de 50 ans, il faut en premier lieu rechercher des facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension artérielle, dyslipi-démie, diabète, hyperuricémie) et en faire le bilan (fonction rénale,électrocardiogramme, écho-doppler des vaisseaux du cou). En l’absen-ce de facteurs de risque d’artériosclérose ou chez le sujet jeune, ilfaut penser aux troubles hémorrhéologiques ou aux troubles de l’hémo-stase, troubles qui sont de mieux en mieux connus grâce aux progrèsconstants dans le domaine de l’hématologie. Enfin, un bilan à larecherche de causes plus rares sera décidé en fonction du contexte cli-nique.

2. Après son injection intraveineuse au pli du coude, la fluorescéineapparaît dans l’artère centrale de la rétine au bout de 12 s en moyenne(temps bras-rétine). Le remplissage des veines commence par leurparoi externe (phénomène du courant laminaire) environ 2 s aprèsles artères. Lors d’une occlusion, les veines ne se remplissent que 10à20 s après les artères, témoin du ralentissement circulatoire.

3. Le fibrinolytique actuellement utilisé en ophtalmologie est le rt-PAou activateur tissulaire du plasminogène (Actilyse).

POUR APPROFONDIR

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Ophtalmologie

A 55

Œil rouge et (ou) douloureuxOrientation diagnostique

Pr Isabelle RISS

Clinique ophtalmologique, CHU, groupe Pellegrin, 33076 Bordeaux

• Le pronostic visuel nécessite dans beaucoup de cas un diagnostic et un traitement en urgence.Un œil rouge et douloureux est en rapport avecune pathologie grave du globe oculaire, menaçantla fonction visuelle. Un œil rouge associé à unesimple irritation ou à une douleur bien localisée estgénéralement dû à une atteinte de la conjonctiveou des annexes.• Une baisse de l’activité visuelle, une altération de l’oculomotricité, ou encore une exophtalmie,associées à un œil rouge, sont des témoins,facilement identifiables, de l’urgence absolue.• Un traumatisme oculaire n’est malheureusementpas toujours facile à identifier : le patient peutavoir 10/10 d’acuité visuelle avec un corpsétranger intra-oculaire nécessitant uneintervention chirurgicale en urgence.

Points Forts à comprendre

Dans le département d’urgence, cela doit être refait avantmême d’appeler l’ophtalmologiste de garde.Les brûlures par bases sont plus graves que les brûlures paracides parce que les bases pénètrent facilement les tissus.L’importance des dégâts n’est pas toujours visible initia-lement.

Plaie du globe oculaire

La deuxième urgence absolue est la plaie du globe ocu-laire ; elle doit être suspectée devant une lacération de laconjonctive, une pupille irrégulière, une cataracte. Enfin,une hernie de l’uvée signe la plaie du globe.Si l’on suspecte une plaie du globe, il faut impérativementarrêter tout examen de l’œil. Il faut mettre un pansementnon compressif, assurer la prophylaxie antitétanique et neplus bouger le malade qui doit être envoyé en urgence dansun service d’ophtalmologie.Le maître symptôme de plaie du globe oculaire à la lampeà fente est le signe de Seidel, l’hypotonie oculaire s’il existeun doute sur le caractère transfixiant ou non d’une plaie decornée, la hernie de l’uvée en cas de plaie de la sclère.Les radiographies à la recherche d’un corps étranger intra-oculaire doivent être prescrites au moindre doute.Le traitement est chirurgical en urgence. La plaie est fer-mée sous anesthésie générale, qui permet de plus de fairele bilan lésionnel. Un corps étranger intra-oculaire métal-lique doit être enlevé en urgence à l’électro-aimant. Uncorps étranger non aimantable sera enlevé dans un secondtemps opératoire.La prophylaxie de l’endophtalmie est obligatoire surtouten cas de corps étranger intra-oculaire. En l’absence detraitement, l’évolution se fait vers la surinfection (endoph-

Examen ophtalmologique

Comme devant tout problème médical, il faut faire un inter-rogatoire précis. Il est important de savoir s’il y a une baissed’acuité visuelle uni- ou bilatérale et de la chiffrer, s’il y ad’autres signes fonctionnels, l’heure du traumastisme ocu-laire et les soins qui ont été réalisés.Pour éviter de méconnaître une urgence ophtalmologique,seuls un examen complet avec une mesure de l’acuitévisuelle, l’examen externe (paupières, orbite), l’examendes pupilles, l’oculomotricité, l’examen à la lampe à fenteavec la tension oculaire et l’ophtalmoscopie, permettrontde l’éviter.

Conduite à tenir devant une brûlureet devant un traumatismede la région orbitaire

Brûlures chimiques

Il faut impérativement laver abondamment les yeux avecde l’eau pendant 5 minutes en écartant en force les pau-pières sur le lieu de l’accident.

Démarche diagnostique

• Diagnostic d’un œil rouge non traumatique– Les picotements, brûlures sont des signes d’irritation évoquant unepathologie conjonctivo-palpébrale.– Un œil rouge, douloureux, sans localisation particulière de la dou-leur est le signe d’une pathologie grave du globe oculaire :

• kératite,• uvéite,• glaucome aigu.

• Diagnostic d’un œil rouge traumatiqueIl ne faut pas méconnaître une plaie du globe oculaire, un corps étran-ger intra-oculaire.

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d’une pathologie grave menaçant la vision et (ou) l’inté-grité du globe oculaire telle que : une infection cornéenne,une sclérite, une iritis, un glaucome aigu ou encore une cel-lulite orbitaire.L’examen consiste en une mesure de l’acuité visuelle, unexamen de la face, des orbites et des annexes, de la moti-lité oculaire, de la pupille et de la cornée à la fluorescéineà l’aide d’une lampe stylo munie d’un filtre bleu. Cet exa-men permet de déterminer la pathologie causale : palpé-brale, orbitaire, atteinte des voies lacrymales, de la conjonc-tive, de la sclère, de la cornée, ou intra-oculaire. L’examenophtalmologique à la lampe à fente permet d’étudier laconjonctive, la cornée à la recherche d’un ulcère, un effetTyndall, des synéchies antérieures ou postérieures et per-met l’examen du cristallin. La tension oculaire est prise àl’aide du tonomètre par aplanation. Après avoir vérifié lamotilité intrinsèque et éliminé une fermeture de l’angleirido-cristallinien, la pupille est dilatée. La dilatation de lapupille permet de faire un examen du segment postérieurde l’œil.

Causes palpébrales

1. OrgeletC’est une infection de la bordure ciliaire, caractérisée parune petite tuméfaction centrée par un cil.

2. ChalazionC’est une inflammation granulomateuse d’une glandeMeibomius. Il se caractérise par une voussure sous-cutanée intrapalpébrale. Le traitement est le même quecelui de l’orgelet : massage par une pommade anti-inflammatoire. En l’absence de guérison, le traitement estchirurgical.

3. BlépharitesElles sont caractérisées par une sensation de corps étran-ger, de brûlures, de picotements. Le traitement le plus effi-cace est l’hygiène des bords libres.

talmie) dont le pronostic est très réservé. Les plaies ocu-laires sont associées à des lésions contusives (cataractes,hémorragie du vitré, décollement de rétine) dont le pro-nostic s’est beaucoup amélioré. Un corps étranger métal-lique laissé en place, en l’absence de surinfection, engendreune métallose responsable de la perte irréversible de lafonction visuelle par altération de la rétine.

Contusions du globe oculaire

L’hyphéma, lorsqu’il est suffisamment important, est visibleà l’examen à l’œil nu avec une lampe stylo. La conduite àtenir est la même qu’en cas de plaie du globe. Les autreslésions contusives sont l’hypertension oculaire, immédiateou retardée (glaucome post-traumatique), la cataracte, laluxation du cristallin, l’hémorragie du vitré et des lésionsrétiniennes contusives dont le décollement de rétine.

Traumatismes orbitaires

L’hématome orbitaire nécessite rarement un drainage chi-rurgical. Celui-ci est justifié lorsque l’exophtalmie estimportante : exposition cornéenne ou souffrance du nerfoptique.La fracture de l’orbite est suspectée devant une hémorra-gie sous-conjonctivale, une diplopie, une épistaxis, unehypœoesthésie dans les territoires des nerfs sus- ou sous-orbitaires, une dystopie orbitaire, un ptosis, ou encore encas d’atteinte du nerf optique avec baisse d’acuité visuelle.Les radiographies simples, si besoin le scanner avec descoupes coronales, confirmeront la fracture, l’incarcérationmusculo-aponévrotique et mettront en évidence des signesdirects et indirects d’une fracture de la paroi de l’orbite(rupture de continuité, hémosinus, image en goutte dans lesinus maxillaire, pneumo-orbite, pneumo-encéphale en casde fracture du plafond avec brèche ostéo-méningée).Le traitement est chirurgical s’il existe un risque de séquellede diplopie ou encore d’énophtalmie.

Plaies palpébrales

Les plaies du tiers interne sont fréquemment accompagnéesd’une plaie des voies lacrymales nécessitant une répara-tion microchirurgicale.Une désinsertion ou une plaie de releveur de la paupièresupérieure nécessite une suture de celui-ci.

Abrasions et corps étrangers cornéens

Ces pathologies sont caractérisées par une sensation decorps étranger accompagnée de douleur, de larmoiementet de photophobie. Un examen à la lampe à fente permetle diagnostic de l’ulcère traumatique, permet de rechercherle corps étranger parfois fiché dans le cul-de-sac conjonc-tival supérieur et enlevé après une anesthésie de contact.

Conduite à tenir devant un œil rougenon traumatique

Il faut savoir identifier une pathologie simple ne menaçantpas la vision (hémorragie sous-conjonctivale, conjoncti-vite, blépharite, chalazion, orgelet, ulcération cornéenne),

Œil rouge : causes

• Pathologies simples :– facilement résolutives,– ne menaçant pas la vision.1. Hémorragie sous-conjonctivale2. Conjonctivite3. Blépharite4. Chalazion5. Orgelet6. Syndrome sec

• Pathologies graves :– menaçant le pronostic fonctionnel,– nécessitant un traitement en urgence.1. Infection cornéenne2. Sclérite3. Iritis4. Glaucome aigu5. Cellulite orbitaire

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Ophtalmologie

4. EctropionC’est une éversion de la paupière inférieure. L’œil est irritéet rouge en raison d’une protection inadéquate de la sur-face oculaire. Le traitement est chirurgical.

5. EntropionC’est l’inversion de la paupière. Les cils frottent sur la cor-née et provoquent une kératite (cf. infra).Le traitement estchirurgical.

des sécrétions. Le reste de l’examen ophtalmologique estnormal. L’examen à la lampe à fente permet de rechercherdes signes évocateurs de l’étiologie.• Les conjonctivites bactériennessont caractérisées pardes sécrétions purulentes. Les germes en cause sont : Sta-phylococcus, Streptococcus,et Haemophilus.Un prélève-ment conjonctival avec un examen cyto-bactériologique etun antibiogramme sont indispensables. En cas de port delentille de contact, celle-ci est mise en culture. La guéri-son est obtenue par une antibiothérapie à large spectre pen-dant 5 à 8 jours. Chez le nourrisson, elle complique géné-ralement une dacryo-sténose congénitale qui guérit le plussouvent spontanément à l’âge de 1 an. Les conjonctivitesnéonatales à Neisseria gonorrhaœae (Gonococcique) sur-viennent dans les 8 jours après la naissance, véritableurgence nécessitant une antibiothérapie par voie parenté-rale.Autrefois, l’évolution se faisait vers la fonte purulente duglobe oculaire. Cette conjonctivite gravissime est traitéede façon préventive par une goutte de nitrate d’argent à 1 %à la naissance.

Conduite à tenir devant une kératite

• La reconnaîtreL’œil est rouge, douloureux, avec ou sans baisse de l’acuité visuelle,et parfois photophobe. Il y a un larmoiement et une ulcération pre-nant la fluorescéine à la lampe à fente.

• Causes– virales: herpétiques (ulcération dendritique ou en carte de géogra-phie). Les corticoïdes sont formellement contre-indiqués. Le traite-ment est le Zovirax ;– bactériennes: le traitement antibiotique à large spectre doit êtredébuté avant le résultat de l’antibiogramme.

Conduite à tenir devant un œil rouge

Attention, certains collyres contiennent des vasoconstricteurs, cesprincipes actifs ne sont pas anodins et comportent des contre-indica-tions :– nourrisson : risque de passage systémique via la conjonctive.– adulte : risque de glaucome aigu ;– femme enceinte ou allaitante ;– porteur de lentille : coloration irrémédiable de la lentille en jaune ;– sportif : réaction positive lors des contrôles de dopage ;– patient sous antidépresseur (IMAO) et certains antihypertenseurs ;– effet sur la vigilance des conducteurs ;– en cas de surdosage (utilisation trop fréquente), l’instillation de col-lyre contenant un vasoconstricteur peut être à l’origine de troublesvisuels.

Causes orbitaires

Les cellulites orbitaires sont caractérisées par des douleurs,une diplopie, un œdème et une rougeur des paupières, uneexophtalmie, un ptosis et une limitation de l’oculomotri-cité ; c’est une urgence absolue en raison des risques d’unebaisse irréversible de l’acuité visuelle, de septicémie, dethrombophlébite du sinus caverneux. Une hospitalisation,un scanner en urgence à la recherche d’un sinus infecté,une antibiothérapie parentérale sont réalisés en urgenceaprès la réalisation d’un bilan inflammatoire et infectieux :NF, VS, hémocultures. Les germes en cours sont le plussouvent : Staphylococcusou Streptococcuschez l’adulte,et l’Haemophilus influenzaechez l’enfant.

Atteinte des voies lacrymales

La dacryocystite aiguë est une infection du sac lacrymalcaractérisée par un gonflement rouge et douloureux àl’angle inféro-interne de l’orbite, avec un reflux purulentà la pression du sac lacrymal. C’est une urgence thérapeu-tique en raison du risque de dissémination hématogène. Ilfaut faire un prélèvement et instaurer une antibiothérapieà large spectre.Le traitement chirurgical se fait à froid : dacryocysto-rhinostomie.

Affections de la conjonctive et de la sclère

1. ConjonctivitesElles sont définies par une inflammation isolée de laconjonctive : l’œil est rouge, non douloureux, sans baissed’acuité visuelle, avec une sensation de gêne oculaire et

• Les conjonctivites viralessont caractérisées par des sécré-tions séro-muqueuses, la notion d’épidémie, une fréquentebilatéralisation, des adénopathies prétragiennes. L’examenà la lampe à fente permet de retrouver une conjonctivitefolliculaire (éléments lymphoïdes vascularisés en périphé-rie de façon circonférentielle). Le virus en cause est le plussouvent un adénovirus. Le traitement par antiseptiques apour but d’éviter une surinfection.• Les conjonctivites allergiquessont caractérisées par dessécrétions séreuses, une irritation, voire un prurit sévère.L’examen à la lampe à fente permet de mettre en évidenceune conjonctivite papillaire dans les formes chroniques(infiltrats leucocytaires centrés par un pédicule vasculaire),ou un simple chémosis dans les formes aiguës. La conjonc-tivite printanière de l’enfant est caractérisée par des papillesvolumineuses (pavés) se compliquant de kératite.Le traitement est local par des antihistaminiques et (ou) pardes inhibiteurs de la dégranulation des mastocytes.

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2. Hémorragie sous-conjonctivaleL’œil est rouge, non douloureux, sans baisse d’acuitévisuelle avec un examen normal. Il faut rechercher unehypertension artérielle, un diabète, une anomalie de la crasesanguine.

3. Syndrome secLa baisse quantitative ou une anomalie qualitative deslarmes sont responsables d’une altération de la trophicitédes cellules épithéliales de la conjonctive, mais aussi de lacornée (kérato-conjonctivite sèche).Les signes fonctionnels sont l’œil rouge avec une irritationoculaire. Les signes d’examen sont un Schirmer positif et(ou) un test au rose Bengale positif. Les étiologies princi-pales sont séniles, médicamenteuses ou encore inflamma-toires. Le traitement est symptomatique par des larmes arti-ficielles en collyres.

4. ÉpiscléritesL’œil est rouge avec une douleur localisée. La rougeur nedisparaît pas à l’instillation d’un vasoconstricteur.La vision est conservée et l’examen à la lampe à fente estnormal.Le bilan étiologique recherche une maladie inflammatoiregénérale.

Uvéite antérieure

L’uvéite antérieure – inflammation de l’uvée antérieure(iris, corps ciliaire) – est caractérisée par un œil rouge avecdes douleurs oculaires, un myosis et un flou ou une baissed’acuité visuelle, nécessitant une consultation par un oph-talmologiste dans l’heure qui suit l’apparition des symp-tômes.

Le traitement symptomatique vise à juguler l’inflamma-tion par des anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéroï-diens et à dilater la pupille pour faire lâcher les synéchies.Les séquelles de l’uvéite antérieure, en l’absence de trai-tement, ou en cas de récidives sont : la cataracte, le glau-come, le bloc pupillaire par synéchies postérieures circon-férentielles nécessitant une iridotomie, et la phtisie du globepar altération du corps ciliaire.Le traitement est par ailleurs étiologique.Les examens complémentaires permettant d’aboutir au dia-gnostic étiologique sont demandés selon les caractéris-tiques de l’uvéite, les antécédents, le terrain et l’examenmédical complet.

Glaucome aigu par fermeture del’angle (GFA)

Il est caractérisé par un frein à l’écoulement de l’humeuraqueuse entre la chambre postérieure et la chambre anté-rieure. Il est favorisé par une dilatation spontanée ou médi-camenteuse (Atropine ou toute autre méthode ayant un effetparasympatholytique, antidépresseurs tricycliques, anti-spasmodiques intestinaux, antiparkinsoniens par exemple).Il survient préférentiellement chez un sujet morphologi-quement prédisposé en raison d’une chambre antérieureétroite : femme d’un certain âge avec un gros cristallin,hypermétropie. Cette prédisposition explique la bilatérali-sation de la maladie dans 100 % des cas, d’où la nécessitéabsolue d’effectuer un traitement préventif sur l’œil contro-latéral.

Conduite à tenirdevant un glaucome aigu

• Le reconnaître– œil rouge et douloureux,– baisse brutale de l’acuité visuelle,– semimydriase aréflexique,– à l’examen : œdème cornéen, hypertonie oculaire mesurée par tono-mètre par aplanation et une fermeture de l’angle irido-cornéen engonioscopie.

• Le traitement consiste en urgence à faire baisser la tension ocu-laire par du Diamox en intraveineux et à remettre la pupille en myo-sis avec de la pilocarpine. L’évolution non traitée se fait rapidementvers un œil aveugle et douloureux.

• Le traitement curatif est l’iridectomie ou l’iridotomie au laser quidoit aussi être pratiquée du côté controlatéral.

Conduite à tenir devant une uvéite

• La reconnaîtreL’œil est rouge et douloureux, avec un flou ou une baisse de l’acuitévisuelle. Il y a une photophobie. À l’examen, il y a un myosis, un effetTyndall à la lampe à fente, parfois un hypopion (accumulation de cel-lules inflammatoires dans la partie inférieure de la chambre antérieure)et parfois déjà des synéchies irido-cristalliniennes.

• Le traitement est symptomatique (atropine et anti-inflammatoireslocaux), et étiologique si possible.

L’examen à la lampe à fente permet de confirmer le dia-gnostic en objectivant l’hyperhémie conjonctivale avec uncercle périkératique et l’inflammation du segment anté-rieur. Il existe un effet Tyndall, des précipités rétrocornéens,des synéchies irido-cristalliniennes. Il peut y avoir des syné-chies antérieures responsables d’une hypertonie oculaireirréversible.Le diagnostic différentiel avec le glaucome aigu (cf. infra)est très important car la dilatation de la pupille fait partiedu traitement de l’uvéite antérieure.La dilatation de la pupille permet de vérifier l’intégrité dusegment postérieur.

Il débute par des douleurs modérées ou violentes, au pointd’être émétisantes et d’engendrer des troubles de l’équi-libre. La vision est floue ou bien sévèrement abaissée. L’œilest rouge, en semi-mydriase aréflexique, il est dur à la pal-pation. Une perfusion de Diamox doit être immédiatementposée si possible et le patient transporté en urgence en oph-talmologie.L’examen constate un œil rouge avec un cercle périkéra-tique. La cornée est trouble voire totalement blanche, œdé-mateuse. La chambre antérieure est étroite, l’angle est

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Ophtalmologie

fermé en gonioscopie, la tension oculaire mesurée par tonomètre par aplanation est très élevée, généralement au-dessus de 40 mmHg, l’examen en gonioscopie de l’œilcontrolatéral permet de retrouver un angle irido-cornéenétroit.Il faut en urgence compléter l’injection intraveineuse deDiamox (500 mg) par une perfusion de Mannitol à 25 %(500 mL passé en 20 min), en l’absence de contre-indica-tion générale. Le traitement en collyres a pour but de tarirla sécrétion d’humeur aqueuse (Trusopt), mais aussi delever le bloc pupillaire et angulaire par une instillationtoutes les 5 minutes au départ de myotique et enfin de dimi-nuer l’inflammation par des anti-inflammatoires en col-lyres.Lorsque la pression intra-oculaire est normalisée, une iri-dotomie périphérique au laser, homolatérale et controlaté-rale, est effectuée pour éviter respectivement la récidive etla bilatéralisation. Si la transparence de la cornée ne per-met pas de réaliser une iridotomie, une iridectomie chi-rurgicale est effectuée. En l’absence de traitement ou encas de traitement trop retardé, l’évolution est caractériséepar la perte fonctionnelle du globe oculaire.

Kératites

Les kératites sont caractérisées par un œil rouge, doulou-reux, avec une photophobie et un larmoiement et parfoisune baisse d’acuité. Une consultation ophtalmologique enextrême urgence est nécessaire en raison du risque de per-foration du globe oculaire, de surinfection et d’endophtal-mie ou de séquelles visuelles irréversibles.Les signes d’examen sont la rougeur conjonctivale avec uncercle périkératique, une coloration positive à la fluores-céine des zones de défect épithélial (ponctuées, dendri-tiques, en carte de géographie, ou ulcère rond plus ou moinscreusant) en cas de kératite superficielle, un œdème dustroma en cas de kératite interstitielle.

• L’œil rouge post-traumatique est une plaie du globe oculaire jusqu’à preuve du contraire. Le pronostic visuel et anatomique dépendlargement de la qualité de la prise en chargeinitiale et de la rapidité des soins spécifiquesophtalmologiques.• En dehors de tout traumatisme oculaire, un œilrouge et douloureux est en rapport avec unepathologie grave du globe oculaire menaçant la fonction visuelle ou l’intégrité du globe oculaire.• Quatre diagnostics sont à retenir : 1) le glaucomeaigu, 2) l’uvéite antérieure, 3) la kératite, 4) la cellulite orbitaire. • Un examen méthodique et complet permetd’instaurer un traitement adéquat en extrêmeurgence.

Points Forts à retenir

Les kératites ponctuées sont généralement associées à uneconjonctivite virale ou à une anomalie de l’auvent palpé-bral (entropion, ectropion, lagophtalmie, exophtalmie).L’herpès est responsable de kératites dendritiques ou encarte de géographie. Le diagnostic est clinique. Dans cesformes épithéliales, un traitement antiviral en urgence doitêtre instauré ; les corticoïdes locaux sont formellementcontre-indiqués.L’ulcère infectieux se complique rapidement d’un abcès decornée, il survient surtout chez le porteur de lentilles decontact. Il nécessite en urgence un prélèvement, un anti-biogramme et une antibiothérapie en collyres.Le traitement est ajusté selon les règles classiques de l’an-tibiothérapie et la lentille de contact est mise en cultureégalement. ■

Ophtalmologie

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un proche avenir, de nouveaux traitements médicamen-teux apparaissent permettant de ralentir la progressionde la rétinopathie diabétique ou d’inhiber la survenue dela néovascularisation.

Physiopathogénie

Lésions initiales

La lésion initiale de la rétinopathie diabétique estl’épaississement de la membrane basale des capillairesrétiniens à laquelle s’associe une diminution du nombredes péricytes (cellules de soutien des capillaires réti-niens) et une diminution du nombre des cellules endo-théliales. Il en résulte des altérations de l’autorégulationdu débit sanguin rétinien, une dilatation capillaire, laformation de microanévrismes et une occlusion descapillaires rétiniens. Les microanévrismes sont des ectasies de la paroi capil-laire, tapissées par de nombreuses cellules endothélialeset localisées en bordure d’un microterritoire non perfusé.Ils peuvent être considérés comme une réponse prolifé-rative autolimitée à l’ischémie localisée. Ils ont uneparoi dont la barrière hématorétinienne est déficiente etpeuvent donc entraîner un œdème rétinien. Les occlu-sions capillaires sont secondaires à des modificationspariétales des capillaires (épaississement de la membranebasale, disparition des péricytes, modifications des cellules endothéliales), et (ou) à des modifications rhéologiques du sang circulant (adhésion leucocytaire leplus probablement). L’occlusion étendue des capillairesrétiniens puis des artérioles rétiniennes aboutit à uneischémie rétinienne.Plusieurs mécanismes biochimiques peuvent être à l’origine d’anomalies, secondaires à l’hyperglycémiechronique : l’excès de sorbitol intracellulaire (voie despolyols), la glycation non enzymatique des protéines, lapseudohypoxie.La paroi des capillaires rétiniens constitue une « barrièrehémato-rétinienne » qui régule les échanges métabo-liques entre le sang et la rétine et maintient avec les cel-lules gliales la déshydratation de l’espace extracellulaireet la transparence du tissu rétinien. Les altérations descomposants de la paroi capillaire aboutissent à la rupturede cette barrière et à l’œdème rétinien.

La rétinopathie diabétique (RD) reste de nos jours unecause importante de cécité et de malvoyance dans lespays industrialisés. Elle est première cause de cécitéchez les sujets jeunes. Cela est évitable, grâce à undépistage plus systématique, notamment chez les diabé-tiques de type 2, à une meilleure éducation des patientset à une prise en charge précoce. En effet, le diagnostic des formes asymptomatiques etleur traitement par photocoagulation au laser permettentde limiter le risque de complications de la rétinopathiediabétique proliférante à moins de 5 % à 5 ans dans lesformes à haut risque et de stabiliser la baisse visuelleliée à l’œdème maculaire dans plus de 50 % des cas. Le seul traitement reste actuellement la photocoa-gulation au laser. Cependant, d’importantes études àlong terme, publiées récemment, ont établi le rôle primordial que joue le déséquilibre glycémique maisaussi tensionnel dans la survenue et la progression de la rétinopathie. L’étude DCCT (Diabetes Control andComplication Trial) a montré ainsi que l’équilibre strictde la glycémie permet de réduire considérablement lerisque de rétinopathie. Enfin, il est probable que, dans

Rétinopathie diabétique Physiopathologie, diagnostic, évolution, principes du traitement

DR Pascale MASSIN, PR José SAHEL

Service d’ophtalomologie, hôpital Lariboisière, 75475 Paris Cedex 10.

Clinique ophtalmologique, hôpitaux universitaires, 67091 Strasbourg Cedex.

• La rétinopathie diabétique reste de nos joursune cause importante de malvoyance et decécité dans les pays industrialisés, et c’est lapremière cause de cécité avant l’âge de 50 ans.

• la baisse visuelle est tardive, causée par lescomplications de la rétinopathie diabétique.

• Un examen ophtalmologique précoce dès ladécouverte du diabète, puis une surveillanceophtalmologique régulière tout au long de la vie du diabétique doivent permettred’éviter l’évolution vers des complicationsgraves de la rétinopathie diabétique.

• le traitement par laser permet d’empêcher les complications de la rétinopathie diabétiqueproliférante et de stabiliser la baisse visuelleliée à l’œdème maculaire

Points Forts à comprendre

Les phénomènes occlusifs et œdémateux évoluent defaçon concomitante. Les phénomènes occlusifs affectentsurtout la rétine périphérique et les phénomènes œdéma-teux prédominent dans la région centrale de la rétine, lamacula.

Complications

1. Lorsque l’ischémie rétinienne est étendue

Une prolifération réactionnelle de néovaisseaux se produit à la surface de la rétine puis dans le vitré. Les fibres collagènes du vitré offrent une trame auniveau de laquelle les néovaisseaux prolifèrent et créentdes zones d’ancrage vitréorétinien où des phénomènesde traction peuvent s’exercer, responsables d’hémor-ragies et de décollements rétiniens. C’est la rétinopathiediabétique proliférante. À un stade ultime, lorsque l’ischémie rétinienne est très étendue, une proliférationde néovaisseaux sur l’iris (rubéose irienne) et dansl’angle irido-cornéen peut se produire et conduire à un glaucome néovasculaire. Le stimulus exact de la néovascularisation n’est pas connu, mais l’ischémie réti-nienne semble le fait important, à l’origine de la production de facteurs de croissance, stimulateurs de la néovascularisation. Les principaux facteurs sont le VEGF (Vascular Endothelial Cell Growth Factorou vasculotropine) et le FGFII (Fibroblast GrowthFactor).

2. Au niveau de la maculaCe sont en général les phénomènes œdémateux qui pré-dominent. L’accumulation de liquide dans le comparti-ment extracellulaire de la rétine, habituellement virtuel,aboutit à la constitution d’un œdème maculaire non cys-toïde, puis lorsqu’il est plus important, d’un œdèmemaculaire cystoïde. Les exsudats sont secondaires à unediffusion de constituants plasmatiques, tels que les lipo-protéines à travers la paroi des microanévrismes et dessegments capillaires dilatés, et à leur accumulation dansl’épaisseur de la rétine.

Diagnostic

Circonstances de découverte

1. Baisse visuelleElle peut révéler la rétinopathie. Elle est en général tar-dive ; ne survenant qu’après une longue période d’évolu-tion silencieuse de la rétinopathie, elle est causée par sescomplications. Une baisse visuelle brutale et importanteévoque une hémorragie intravitréenne compliquant unerétinopathie diabétique proliférante. Une baisse visuelleplus modérée et progressive est plutôt liée à un œdèmemaculaire.

2. Examen ophtalmologique systématique

Il est réalisé lors de la découverte du diabète ou lors dela surveillance ophtalmologique annuelle de tout diabé-tique, et peut révéler la maladie.• Tout diabétique doit avoir un examen du fond d’œilà la découverte de son diabète, la rétinopathie diabétiquene survenant en général pas avant 7 ans d’évolution dudiabète, chez les diabétiques de type 1. Mais après 20 ans d’évolution, 90 à 95 % des diabétiques ont unerétinopathie diabétique ; en revanche, 20 % des diabé-tiques de type 2 ont une rétinopathie diabétique lors dela découverte de leur diabète. • L’examen du fond d'œil doit être répétéau moins une fois par an, ou plus fréquemment s’il existe une rétinopathie diabétique sévère.

Examen clinique

1. Examen oculaire

Il comprend :– un interrogatoire portant sur l’anamnèse du diabète,l’équilibre glycémique (taux de l’hémoglobine glyquée)et tensionnel, l’existence d’autres complications du diabète (micro-albuminurie, complications cardio-vasculaires) ;– l’analyse des symptômes visuels ;– la mesure de l’acuité visuelle avec correction optique ; – la mesure de la pression intra-oculaire (recherche de

glaucome) ; – l’examen de l’iris et du cristallin (recherche de rubéose

et de cataracte) ; – l’examen du vitré et du fond d’œil après dilatation

pupillaire (collyre à 1 % de tropicamide [Mydriaticum]et (ou) collyre à 1 % de cyclopentolate [Skiacol] etcollyre phényléphrine [Néosynéphrine] 2,5 à 10 %sans dépasser 2 instillations).

L’examen se fait à la lampe à fente, à l’aide d’une lentille d’examen avec ou sans contact cornéen. Il doitêtre complet et comprendre l’analyse soigneuse de la région maculaire, de la papille et de la rétine péri-phérique. Il permet de diagnostiquer l’existence d’unerétinopathie diabétique et de préciser son degré de gravité.

2. Signes cliniques

L’examen recherche des signes cliniques de rétinopathiediabétique, précise leur siège (pôle postérieur et [ou]périphérie rétinienne) et leur nombre. • Les microanévrismes rétinienssont les premierssignes ophtalmoscopiques de la rétinopathie diabétique.Ils apparaissent sous forme de lésions ponctiformesrouges de petite taille.• Les hémorragies rétiniennes ponctiformessont par-fois difficiles à distinguer des microanévrismes (fig. 1 et 2).L’angiographie permet de les différencier.

R É T I N O P A T H I E D I A B É T I Q U E

1036 L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

• D’autres signes,évocateurs d’ischémie rétiniennesévère, sont recherchés : des hémorragies intrarétiniennes« en taches », de plus grande taille que les hémorragiesponctiformes ; des anomalies veineuses à type de dilata-tion veineuse irrégulière « en chapelet » ou de boucles vei-neuses (fig. 5) ; des anomalies microvasculaires intraréti-niennes (AMIR) qui sont des dilatations et télangiectasiesvasculaires développées en périphérie des territoires isché-miques et qui seraient des néovaisseaux intrarétiniens.• Les néovaisseaux prérétiniens et prépapillairestémoignent d’une rétinopathie diabétique proliférante.Ils apparaissent sous forme d’un lacis vasculaire à lasurface de la rétine ou de la papille (fig. 6 et 7). Les néo-vaisseaux prérétiniens se développent à la limite posté-rieure des territoires ischémiques. On doit préciser leurtaille, leur nombre et leur siège.• Les complicationsde la rétinopathie diabétique proli-férante sont recherchées à l’examen clinique : hémorragieprérétinéenne ou intravitéenne témoignant d’un saigne-ment à partir des néovaisseaux (fig. 8 et 9), proliférationfibrogliale (fig. 10), décollement de rétine.

• Au niveau de la macula,l’examen clinique rechercheun épaississement rétinien témoin d’un œdème maculaire.Lorsque celui-ci est important, il prend un aspect d’œdème maculaire cystoïde (OMC) qui se traduit bio-microscopiquement par un épaississement de la rétinemaculaire auquel s’ajoute un aspect de microkystesintrarétiniens.• Les exsudatssont des accumulations de lipoprotéinesdans l’épaisseur de la rétine ; ils apparaissent sous formede dépôts jaunes et sont habituellement disposés en cou-ronne autour des anomalies microvasculaires dont ilssont issus (exsudats circinés) (fig. 3). Lorsqu’ils sonttrès nombreux, les exsudats ont tendance à s’accumulerdans la macula et à réaliser un placard exsudatif centro-maculaire de mauvais pronostic visuel. • Les nodules cotonneuxsont des lésions blanches,superficielles et de petite taille, d’axe perpendiculaire àl’axe des fibres optiques (fig. 4). Ils correspondent àl’accumulation de matériel axoplasmique dans lesfibres optiques. Ils traduisent une occlusion des arté-rioles précapillaires rétiniennes.

Ophtalmologie

1037L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

Hémorragies et exsudats limités du pôle postérieur.1 Rétinopathie circinée : de multiples hémorragies, et sur-tout des exsudats en couronne sont notés.

3

Rétinopathie ischémique caractérisée par l’existence denombreux nodules dysoriques, de territoires d’exclusion vasculaire.

4Histopathologie d’une rétinopathie diabétique hémor-ragique avec accumulation d’hématies au niveau de lacouche des photorécepteurs.

2

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Altérations veineuses à type de duplication, d’anomaliesde calibre traduisant l’importance de l’ischémie.

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Ischémie massive, altérations veineuses majeures, néo-vascularisation de la région papillaire.

6

Prolifération fibrovasculaire avec adhérences vitréo-rétiniennes.

7

Traction vitréenne lors du décollement postérieur duvitré, hémorragie intravitréenne.

8

Néovascularisation papillaire compliquée d’une hémor-ragie intravitréenne modérée en inférieur.

9

Prolifération fibrogliale le long des vaisseaux temporaux.

10

diabétique non proliférante ; il correspond à un stade àhaut risque d’évolution vers la prolifération néovasculaire.L’atteinte de la macula ou maculopathie fait l’objetd’une classification à part. Elle peut être associée aussibien aux formes proliférantes que non proliférantes derétinopathie diabétique.

1. Rétinopathie diabétique non proliféranteOn trouve, associés de façons diverses, des microané-vrismes, des hémorragies rétiniennes, des nodulescotonneux et, en angiographie, des dilatations et diffu-sions capillaires, des territoires d’occlusion capillaire etd’ischémie rétinienne. Selon le nombre de ces lésions,on qualifie la rétinopathie diabétique non proliférante deminime ou modérée.

2. Rétinopathie diabétique préproliféranteElle est aussi appelée rétinopathie diabétique non proli-férante sévère. Elle est définie par l’association dessignes ophtalmoscopiques évocateurs d’ischémie réti-nienne sévère tels que de nombreuses anomalies vei-neuses (dilatations en chapelet et boucles veineuses),des nodules cotonneux, des hémorragies intraréti-niennes étendues, un groupement d’anomalies micro-vasculaires intrarétiniennes (fig. 4 et 5). L’angiographiemontre des territoires d’ischémie étendus en moyennepériphérie rétinienne.

3. Rétinopathie diabétique proliféranteElle est caractérisée par des néovaisseaux prérétiniensisolés ou multiples (rétinopathie diabétique proliféranteminime ou modérée) ou, à un stade plus sévère, par des

Examens complémentaires

1. Examen angiographique du fond d’œil • L’angiographie en fluorescenceest un complémentde l’examen du fond d’œil. Elle ne doit pas être réaliséeà titre systématique, son indication dépend de l’existencede signes biomicroscopiques de rétinopathie diabétique.Elle objective l’existence de la rétinopathie diabétique,aide à préciser son niveau de gravité, en visualisant enparticulier l’étendue de l’ischémie rétinienne. Elleconsiste à injecter, par voie veineuse dans le pli ducoude, 5 mL de fluorescéine à 10 %, puis à observer etphotographier, grâce à des filtres appropriés, le passagede ce colorant dans l’arbre vasculaire choroïdien et réti-nien.• Aux stades initiaux de rétinopathie diabétique,onobserve sur l’angiographie des dilatations capillaires,des diffusions de fluorescéine à travers la paroi descapillaires traduisant l’hyperperméabilité capillaire, desmicroanévrismes souvent plus nombreux qu’à l’examendu fond d’œil, des micro-occlusions capillaires. Auxstades plus avancés de rétinopathie diabétique, l’angio-graphie objective l’ischémie rétinienne qui apparaît sousforme de larges plages grises hypofluorescentes, bor-dées par des capillaires occlus. Les néovaisseaux pré-rétiniens et prépapillaires se traduisent par une hyper-fluorescence précoce et une diffusion très intense de lafluorescéine.• Au niveau de la macula,l’angiographie permet devisualiser l’œdème maculaire non cystoïde, par une dif-fusion de la fluorescéine à partir des capillaires macu-laires dans le tissu rétinien. L’œdème maculaire cystoïdese traduit par une diffusion de la fluorescéine à partir descapillaires maculaires puis, sur les clichés tardifs, parune accumulation du colorant dans les logettes micro-kystiques intrarétiniennes.

2. Autres examens complémentairesIls peuvent être nécessaires dans certaines circons-tances, en particulier l’échographie du segment posté-rieur qui est utile lorsque le fond d’œil n’est pas analy-sable (hémorragie intravitréenne, cataracte obturante).Elle permet de diagnostiquer l’existence d’un décolle-ment de la rétine et de préciser l’état de la jonctionvitréorétinienne.

Classification de la rétinopathie diabétique (tableau)

Elle est définie à partir des lésions observées au fondd’œil et (ou) en angiographie. Elle énonce les différentsstades de la rétinopathie diabétique et donne une indica-tion aisément compréhensible de gravité et de pronostic.La classification généralement utilisée distingue rétino-pathies diabétiques non proliférante et proliférante. Unsous-groupe appelé rétinopathie diabétique prépro-liférante (encore appelé rétinopathie diabétique non proliférante sévère) a été introduit dans la rétinopathie

Ophtalmologie

1039L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

Pas de rétinopathie diabétique

Rétinopathie diabétique non proliférante

❑ minime❑ modérée❑ sévère (ou rétinopathie diabétique préproliférante)

Rétinopathie diabétique proliférante

❑ minime❑ modérée❑ sévère❑ compliquée

± à tous les stades : maculopathie diabétique – exsudats – œdème maculaire non cystoïde– œdème maculaire cystoïde – maculopathie ischémique

Classification de la rétinopathiediabétique

TABLEAU

néovaisseaux prépapillaires (rétinopathie diabétiqueproliférante sévère) [fig. 6 à 11]. La rétinopathie diabé-tique proliférante compliquée est définie par l’existenced’une hémorragie intravitréenne, d’un décollement derétine, une rubéose irienne ou un glaucome néovasculaire.

4. Maculopathie diabétiqueSchématiquement, on distingue 3 formes : maculopathieischémique, œdème maculaire non cystoïde ou cystoïde,exsudats lipidiques. • La maculopathie ischémiquedésigne l’occlusionétendue des capillaires maculaires et parfois des arté-rioles périmaculaires. Elle s’observe habituellement lorsd’une rétinopathie diabétique sévèrement ischémique,préproliférante ou proliférante, et s’accompagne le plussouvent d’une très mauvaise acuité visuelle.• L’œdème maculaire non cystoïdeest le plus souventcompatible avec une acuité visuelle presque normale etévolue lentement.• L’œdème maculaire cystoïdevisible à l’examen bio-microscopique et confirmé par l’angiographie. L’acuitévisuelle commence à se détériorer lorsque apparaît l’œdème, mais cette détérioration est lente. Des fluctua-tions spontanées de l’œdème ne sont pas rares avec despériodes de rémission puis de récidive.• Les exsudatssont organisés en couronne (exsudatscircinés) ou centromaculaires (fig. 1 et 3).

Évolution

Rythme de surveillance

L'évolution de la rétinopathie diabétique est habituelle-ment lente, et se fait progressivement tout au long de lavie du diabétique. Une surveillance ophtalmologiquerégulière doit permettre de diagnostiquer précocementla rétinopathie diabétique et de prévenir l'évolution versles complications. Cependant, il existe des périodes de la vie du diabétiquependant lesquelles le risque d'une évolution rapide de larétinopathie rend nécessaire une surveillance ophtalmo-logique renforcée :– la puberté et l’adolescence ; – la grossesse ; – la normalisation rapide de la glycémie par un traite-

ment intensif (passage à la pompe à insuline parexemple) ;

– l’extraction chirurgicale de la cataracte ; – une décompensation tensionnelle ou rénale. En dehors de ces circonstances, le rythme de surveillancede la rétinopathie diabétique est fonction de sa gravité :– en l’absence de rétinopathie diabétique, ou en cas de

rétinopathie diabétique minime, un examen ophtalmo-logique annuel est suffisant ;

– en cas de rétinopathie diabétique plus grave, une surveillance ophtalmologique tous les 4 à 6 mois peutêtre nécessaire.

Complications

En l’absence de traitement, des complications de la rétinopathie diabétique peuvent survenir et entraîner unebaisse visuelle sévère.

1. Au cours de la rétinopathie diabétique proliféranteLa vision est longtemps conservée, jusqu’à la survenuedes complications. Une hémorragie intravitréenne parsaignement des néovaisseaux entraîne une perte brutaleet quasi complète de la vision (fig. 8 et 9), un décolle-ment de la rétine entraîne également une baisse profondede la vision (fig. 10).L’hémorragie intravitréenne peut se résorber spontané-ment, une photocoagulation panrétinienne (PPR) urgentedoit être débutée dès que possible. Une intervention chi-rurgicale à type de vitrectomie, indiquée en l’absence derésorption spontanée de l’hémorragie, permet en généralla récupération d’une vision satisfaisante. Le décolle-ment de rétine maculaire est également une indication àla vitrectomie, mais les résultats visuels postopératoiressont plus médiocres.

2. Au cours de l’œdème maculaireLa baisse visuelle liée à l’œdème maculaire est plus pro-gressive et modérée. Une équilibration stricte, glycé-mique et tensionnelle, peut l’améliorer. Mais, à lalongue, l’œdème maculaire cystoïde chronique peutentraîner une cécité. Il en est de même de l’accumula-tion d’exsudats au centre de la macula. Un œdème massif du pôle postérieur peut aboutir à la constitutiond’un véritable décollement de rétine maculaire.

Traitement

Traitement médical

1. Équilibre glycémique et tensionnelL’effet bénéfique d’une bonne équilibration glycémiquesur l’incidence et la progression de la rétinopathie diabétique a été démontré par le DCCT (DiabeticControl and Complications Trial Research Group) chezles diabétiques de type 1 : l’équilibration stricte de laglycémie par insulinothérapie intensive a significative-ment réduit l’incidence et la progression de la rétinopa-thie diabétique. Plus récemment, l’UKPDS (UnitedKingdom Prospective Diabetes Study) a montré égale-ment l’effet bénéfique d’un bon équilibre glycémiquechez les diabétiques de type 2 sur la survenue de com-plications microvasculaires et sur la progression de larétinopathie diabétique qui est réduite de 20 %.L’UKPDS a surtout montré l’effet bénéfique d’uncontrôle strict de la pression artérielle sur la progressionde la rétinopathie diabétique : le maintien d’une pres-sion artérielle strictement inférieure à 150/85 mmHgpermet de réduire la progression de la maladie de 34 %

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• Les effets secondaires sont la réduction du champvisuel périphérique, avec une gêne à la vision crépuscu-laire ainsi qu’une baisse visuelle fréquemment observéemais le plus souvent transitoire.

2. Maculopathie diabétique • La photocoagulation focale des anomalies micro-vasculairessituées au centre des couronnes d’exsudatset responsables de l’exsudation est toujours efficacepour faire disparaître les exsudats. Elle est indiquée danstous les cas, même si l’acuité visuelle est normale. Lesexsudats se résorbent lentement et un contrôle est réalisé4 mois après la photocoagulation. • Le traitement par laser de l’œdème maculaire cystoïdeest indiqué s’il existe une baisse visuelle significative etprolongée, sans tendance à l’amélioration spontanée. Ilconsiste en une photocoagulation en quinconce nonconfluente périfovéolaire sur toute la surface de l’œdèmemaculaire cystoïde. Il permet au mieux un ralentissementde la baisse visuelle. Dans ce type d’œdème, certainescirconstances particulières comme une insuffisancerénale, une pression artérielle non contrôlée, un déséqui-libre glycémique patent doivent faire surseoir au traite-ment jusqu’à correction de ces anomalies.

Traitement chirurgical

Il est indiqué dans les cas de rétinopathie diabétiqueproliférante compliquée d’hémorragie intravitréennepersistante, de décollement de rétine tractionnel décol-lant la macula, et en cas de décollement de rétine mixtetractionnel et rhegmatogène. Il consiste en une vitrecto-mie avec dissection des proliférations fibrovasculairesau niveau des zones d’adhérence vitréorétiniennes, com-plétée par une photocoagulation panrétinienne au laserendoculaire. En dépit des progrès de ces techniques, lepronostic fonctionnel des formes compliquées est sou-vent médiocre. ■

après une durée de suivi médiane de 7,5 années, et labaisse visuelle de 47 % essentiellement par une réduc-tion de l’incidence de l’œdème maculaire.

2. Traitements médicamenteuxDeux études prospectives randomisées (DAMAD Studyet TIMAD Study) ont démontré l’efficacité des anti-agrégeants plaquettaires pour ralentir la progression dela rétinopathie diabétique à un stade de faible gravité.Les traitements utilisés ont été, dans la DAMAD, l’aspi-rine à la dose de 1 g/j et, dans la TIMAD, la ticlopidineà la dose de 500 mg/j . Par contre, l’efficacité des inhibiteurs de l’aldose réduc-tase pour ralentir l’évolution de la rétinopathie diabé-tique n’a pu être prouvée.

Traitement par laser

1. Rétinopathie diabétique proliférante• La photocoagulation panrétinienneest le traitementde la rétinopathie diabétique proliférante. Elle permet de réduire considérablement le risque de cécité lié à larétinopathie diabétique proliférante et d’obtenir larégression de la néovascularisation prérétinienne et (ou)prépapillaire dans près de 90 % des cas. Elle consiste en une coagulation étendue de toute la surface rétinienne située entre l’arc des vaisseaux tem-poraux et l’équateur, zone dont l’ischémie est respon-sable de la néovascularisation. Elle est réalisée en ambu-latoire sous anesthésie de contact. L’utilisation denouveaux verres de contact donnant une vue panora-mique du fond d’œil, permet de réaliser la photocoagu-lation panrétinienne dans de très bonnes conditions devisibilité, même au travers de petits orifices pupillaires.Le laser à argon (bleu-vert ou vert) est le plus souventutilisé ; le laser krypton peut être utile en cas de troubledes milieux oculaires (cataracte modérée, vitré hémorra-gique). La photocoagulation panrétinienne doit être réa-lisée le plus progressivement possible (habituellement 6 à 8 séances de 500 impacts, espacées de 15 j à 1 mois).La fréquence des séances de laser sera à adapter en fonctionde la gravité de la rétinopathie proliférante et de l’urgence. La photocoagulation panrétinienne est indiquée danstous les cas de rétinopathie diabétique proliférante. Larapidité de sa réalisation dépend de la sévérité de la rétinopathie diabétique. L’existence d’une rubéose irienne est l’indication à une photocoagulation panréti-nienne urgente. • En l’absence de néovascularisation, l’indication dephotocoagulation panrétinienne peut être discutée austade de rétinopathie diabétique préproliférante, à titrepréventif. Elle peut être indiquée plus systématiquementà ce stade chez les patients au suivi aléatoire, ou danscertaines circonstances à risque d’aggravation rapide(grossesse, équilibration rapide de la glycémie, chirur-gie de la cataracte). Si elle est décidée, elle doit être faitetrès progressivement pour minorer autant que possible lerisque d’effets secondaires.

Ophtalmologie

1041L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0

• Toute découverte d’un diabète,qu’il soit insulino- ou non-insulinodépendant,doit s’accompagner d’un examenophtalmologique.

• L’équilibration stricte de la glycémie ainsi que de la tension artérielle, associée à une surveillance annuelle du fond d’œil,est le meilleur traitement préventif de la rétinopathie diabétique.

Points Forts à retenir

Agression avec pistolet à grenaille.C’est surtout la peau de la face et des paupières qui est rempliede plomb. La radiographie de profil qui nous permettra de déter-miner s’il y a eu pénétration dans l’œil.

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Ophtalmologie

B 212

Les urgences traumatiques oculaires regroupent les contu-sions oculaires (60 % des cas) et les plaies cornéenneset (ou) sclérales. Les limites ne sont pas définies aussirigoureusement en pratique car l’élément contusif apparaîttoujours en pathologie perforante à un degré variable.

Étiologie

Cette pathologie traumatique frappe avant tout des sujetsjeunes, du sexe masculin. Les enfants sont très souventconcernés et représentent à eux seuls le quart des plaiesperforantes.

Circonstances de survenueOn note 5 grandes causes de traumatisme : • les accidents de travailsont très largement impliqués, ilspourraient être en partie prévenus puisque l’utilisation deverres de protection n’est retrouvée que chez 6 % despatients ;• les accidents liés au bricolage ou à une activité domes-tique représentent un quart des traumatismes oculaires ;• les accidents de la circulationvoient leur fréquence etleur gravité en régression, probablement grâce au port obli-gatoire de la ceinture de sécurité ;• les accidents de sportse placent en seconde position dansle cas des contusions oculaires ; mais celles-ci peuvent êtregraves, une rupture du globe étant présente dans 10 % descas ;

Urgences traumatiques oculairesÉtiologie, diagnostic, principes du traitement

Dr Carole BURILLONClinique ophtalmologique, hôpital Édouard-Herrio, 69437 Lyon Cedex 03

• Après un violent traumatisme oculaire, uneaffection générale mettant en cause le pronosticvital (hémorragie viscérale, fracture grave...) estéliminée avant l’examen oculaire.• L’examen ophtalmologique initial est capital caril a une valeur médico-légale. Souvent difficile etincomplet, il permet d’établir un premier bilan eta une valeur pronostique.• Il faut rapidement séparer la contusion oculairede la plaie oculaire qui justifie un traitementmédical et chirurgical spécifique et urgent.• Face à une plaie oculaire, nous devons toujourssuspecter la présence d’un corps étranger intra-oculaire.

Points Forts à comprendre • les agressions(grenaille, plomb, explosif) auxquellesnous rattachons les accidents de chasse se trouvent en der-nière position par leur fréquence, mais leur gravité est liéeà leur bilatéralité (fig. 1). L’absorption d’alcool est retrou-vée dans 43 % des cas d’agression oculaire, et 6 % despatients sont sous l’effet de drogues illicites.

Agent traumatisant• Les coups par ballonsou balles (de golf par exemple) sontresponsables du quart des contusions oculaires, suivis parles coups de poing et les traumatismes par branchages.• Si le verre(28 %) du pare-brise et d’autres objets cou-pants (20 %) comme les ciseaux sont des agents évidem-ment responsables des plaies oculaires, la mise en caused’objets mousses dans 32 % des cas explique le manque deprévention possible et la constitution de plaies irrégulières,non franches, donc difficiles à suturer.

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• L’agent traumatisantpeut être resté à l’intérieur de l’œil :dans 66 % des cas, c’est un corps étranger intraoculaire(CEIO) magnétique volontiers consécutif à un accident detravail de l’industrie métallurgique. Il devra impérative-ment être retiré après diagnostic de sa localisation.• Agents chimiques : les traumatismes chimiques repré-sentent de vraies urgences ophtalmologiques et le traite-ment doit commencer avant même l’examen oculaire : l’ir-rigation continue de toute la partie antérieure de l’œil(cornée, conjonctive et culs-de-sac) doit être pratiquéeimmédiatement après la projection de l’agent chimique.Les bases sont particulièrement toxiques et entraînent unedissolution des protéines permettant leur pénétration enprofondeur qui se poursuit les jours suivants. Les acidesvont coaguler les protéines et les lésions seront fixes immé-diatement. L’examinateur doit contacter le centre anti-poi-son le plus proche afin de déterminer la toxicité du produit.• Agents thermiques : les paupières représentent unedéfense efficace pour ce type de traumatismes. Lors de brû-lures par le feu, si l’œil est atteint, il existe alors d’autreslésions associées faciales, parfois graves. Lors de projec-tion de métal en fusion, la gravité est liée à la températurede fusion (risque de perforation si métal à haut point defusion comme le fer, l’acier, l’aluminium). Lors de brû-lures électriques, l’examinateur doit déterminer la puis-sance, l’ampérage et le voltage de la source électrique, etle lieux d’entrée et de sortie. On retrouvera souvent les brû-lures liées à la soudure sans protection, qui induit deslésions cornéennes superficielles, extrêmement doulou-reuses (coup d’arc) mais bénignes. L’ophtalmie des neiges est provoquée par les rayons ultra-violets, à la suite d’une excursion sur un glacier ou d’unejournée de ski par beau temps, ou encore au décours d’uneexpostion sous lampe à bronzer si les yeux n’étaient pasprotégés. Les radiations solaires sont susceptibles d’occa-sionner d’autres dégâts graves comme au cours des éclipsesde soleil. Une photocoagulation de la région rétinienne cen-trale peut en résulter avec diminution de l’acuité visuelle.• Traumatismes liés à des animaux : les traumatismes lesplus classiques sont représentés par les morsures de chienset les pénétrations intraoculaires de poils d’animaux en par-ticulier de chenilles et de tarentules. Dans le premier cas,la connaissance de l’animal (chien ou chat ou autres), seranécessaire pour identifier une maladie transmissible pos-sible (comme la rage...). Le risque infectieux est très élevéet la reconstruction chirurgicale rendue difficile par les tis-sus souvents déchiquetés.Les poils de chenilles ou tarentules sont souvent de dia-gnostic retardé, mais n’induisent rarement plus qu’uneréaction inflammatoire du segment antérieur.

Diagnostic

Diagnostic positif

1. Examen cliniqueDans le cadre de l’urgence, l’examen du patient n’est pastoujours facile : la douleur, la peur et l’ingestion éventuelle

de drogues (sédatifs ou alcool) sont des éléments qui vontrendre le patient peu coopératif. L’examen de l’enfant n’estsouvent possible que sous anesthésie générale.Les deux yeux seront toujours comparés.• Examen externe (fig. 2a) : – une luxation antérieure se voit dans les fracas de la face,mais aussi lors d’accident de ski (coup de bâton) ou aprèsforte pression du pouce sur le côté de l’œil (certains alié-nés). La luxation en arrière est plus rare, lors de graves trau-matismes cranio-faciaux. L’avulsion du globe est la pro-jection de l’œil en avant à travers des paupières souventdéchirées avec un arrachement du nerf optique. L’accidentest provoqué par un coup de corne de vache par exemple.La cécité est totale et le chirurgien ne peut que compléterl’énucléation ;– des plaies cutanées ou l’existence de corps étrangers auniveau cutané sont mises en évidence ;– l’état des paupières est évalué : plaies, corps étrangersous la paupière (éversion à réaliser), intégrité des voieslacrymales (atteinte des points ou canaux lacrymaux).• Acuité visuelle : bien que cette mesure ne soit pas tou-jours facile à réaliser, elle reste importante d’une part, pourl’examinateur comme élément diagnostique et pronostique,d’autre part, pour le patient qui peut apprécier la récupé-ration visuelle dans le temps, ou qui réalise rapidement lemauvais pronostic, lorsqu’il n’a plus de perception lumi-neuse.• Mouvements oculaires : après avoir éliminé une plaieévidente oculaire, l’examinateur peut évaluer les musclesoculomoteurs. Il note la présence d’un strabisme avec ousans diplopie, spontanément, ou lors de mouvements duglobe. Ces signes orientent vers la paralysie d’un muscle,sa section possible ou son incarcération dans une fracturede l’orbite.• Pupilles : l’examen des pupilles chez le patient trauma-tisé est extrêmement important car il peut indiquer unepathologie intracrânienne ou des lésions responsablesd’une baisse visuelle. Leurs formes, leurs localisations etleurs réactions à la lumière sont évaluées. • Examen oculaire à la lampe à fente : en dehors des grostraumatisés ne pouvant s’asseoir, ou des patients présen-tant un éclatement oculaire évident avec absence de per-ception lumineuse, l’examen à la lampe à fente est abso-lument indispensable, permettant ainsi le bilan exact deslésions :– conjonctive : elle est examinée avec plus de précisionmalgré un chémosis ou une hémorragie (fig. 2b) ; une plaieconjonctivale et (ou) sclérale associée est mise en évidence.Les petits corps étrangers sont retrouvés au niveau de laconjonctive bulbaire ou palpébrale : ces derniers exposentaux traumatismes cornéens répétitifs et doivent être enle-vés rapidement ;– cornée : l’intégrité de l’épithélium est affirmée après l’ins-tillation d’une goutte de fluorescéine et l’examen enlumière bleue. Le signe de Seidel confirme la présenced’une plaie perforante, un œdème cornéen peut apparaître,diffus ou localisé (fig. 3a et 3b).L’imprégnation de sang au niveau de la cornée (hémato-cornée) est secondaire à un hyphéma (sang dans la chambre

Contusion oculaire. Examen externe2a : ecchymose palpébrale ;2b : hémorragie sous-conjonctivale.

2b

3a

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antérieure) volumineux et persistant, mais est rarementimmédiat ;– chambre antérieure : une chambre antérieure étroite peutêtre révélatrice d’une plaie cornéenne ou cornéo-limbique,d’une subluxation antérieure du cristallin. En général, lorsd’un globe intact, il est nécessaire d’examiner l’angle irido-cornéen par la gonioscopie, afin de diagnostiquer une éven-tuelle lésion angulaire (recul angulaire) qui sera à l’origined’un glaucome secondaire. L’hyphéma doit être quantifiéet la source de l’hémorragie identifiée si possible. Des frag-ments de cristallin, la présence de vitré ou d’autres corpsétrangers sont notés ;– iris : l’iris peut être déformé par une lésion directe, désin-sertion de la racine de l’iris (iridodialyse), plaie, rupturesphinctérienne, mais également par une lésion des struc-tures avoisinantes comme luxation du cristallin, hémorra-gie du corps ciliaire... Les corps étrangers de l’iris ne sontpas toujours faciles à reconnaître car ils sont noyés audépart dans un hyphéma, puis englobés rapidement dansun granulome irien ;– cristallin : la position du cristallin, sa stabilité et sa clarté,l’intégrité capsulaire sont évaluées. L’examen est fait avant,puis après mydriase médicamenteuse. Une subluxation ouluxation vraie est notée, suspectée sur un iridodonésis (exa-

gération des mouvements de l’iris). Parfois, le cristallin estretrouvé luxé sous la conjonctive lors de rupture du globesévère.L’existence d’une cataracte est mentionnée. La présencede masses cristalliniennes dans la chambre antérieure a uneconséquence directe sur la conduite à tenir chirurgicale. Uncorps étranger peut être présent à l’intérieur même du cris-tallin, n’entraînant aucune autre lésion associée à ce stadeinitial de l’examen ; l’orifice d’entrée est quelquefois uneminuscule plaie cornéenne ou limbique, déjà coaptée : ilfaut savoir la retrouver.

2a

Examen de la cornée. Signe de Seidel positif3a : plaie perforante ;3b : corps étranger cornéen perforant.

3b

Examen de la cornéeAprès un traumatisme oculaire, l’examen de la cornée débute par l’ins-tillation d’un anesthésiant de surface (collyre à base d’oxybuprocaïne).Le patient pourra ainsi se laisser examiner plus facilement, sans dou-leurs. La fluorescéine est un colorant très utilisé pour visualiser lesdéfects épithéliaux et stromaux de la cornée. En lumière bleue, l’ac-cumulation de fluorescéine au niveau d’érosion, d’ulcération ou deplaie est plus facile à mettre en évidence. Lors d’une plaie, après ins-tillation d’un collyre à la fluorescéine, l’écoulement spontané, ou pro-voqué par la pression douce du doigt sur le globe, de l’humeur aqueuselave le collyre sur la surface antérieure de la cornée et est visible, tou-jours en lumière bleue. Ce signe appelé signe de Seidel affirme lecaractère perforant de la plaie.

4c4b4a

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• La pression intraoculaire est évaluée au palper bidigitalen cas d’impossibilité d’asseoir le patient devant la lampeà fente (pour les polytraumatisés). Elle n’est bien sûr pasmesurée lors de rupture du globe avec manifeste hypoto-nie majeure. Sa mesure est importante lors d’hyphéma :l’élévation tensionnelle peut entraîner des lésions cor-néennes postérieures et un retentissement sur le nerfoptique.L’hypotonie traduira une ouverture du globe passée inaper-çue parce que postérieure.• Examen de la rétine et du vitré : lors de plaies oculairesou de douleurs trop importantes, l’examen du pôle posté-rieur est réalisé avec l’ophtalmoscopie directe. Le verre àtrois miroirs est réservé aux contusions oculaires sans rup-ture de la paroi et permet de dépister les lésions périphé-riques.Dans tous les cas, l’examinateur recherche :– une atteinte vitréenne : décollement vitréen postérieur,diagnostiqué parfois par la présence de pigments suspen-dus dans le vitré. Un corps étranger peut être égalementprésent dans le vitré, facilement visible ou dans un magmadéjà fibrino-hématique. Une hémorragie vitréenne est pos-sible, plus ou moins importante, pouvant empêcher l’exa-men rétinien ;– la rétine peut être le siège d’un œdème du pôle posté-rieur. Différentes formes d’hémorragies rétiniennes peu-vent exister, localisées, en flammèches ou en taches, par-fois très étendues. L’examinateur recherche un éventuelcorps étranger encastré dans la rétine et des déchirures outrous souvent secondaires à la traction vitréenne lors dutraumatisme. Ils peuvent être responsables de décollementde rétine, immédiatement ou de façon retardée : approxi-mativement 10 à 15 % des décollements de rétine sontsecondaires à un traumatisme ;– les atteintes choroïdiennes sont également fréquentes, enparticulier la rupture de la choroïde, qui apparaît commeune zone linéaire plus ou moins hémorragique avec unœdème rétinien sus-jacent ; après la résorption de l’hé-

morragie, cette rupture devient beaucoup plus facilementvisible avec sa couleur blanche (fig. 6c).• Examen du nerf optique : le traumatisme du nerf optiqueest fréquent lors de traumatismes orbitaires ou crâniens.L’examen du pôle postérieur peut mettre en évidence unepapille strictement normale, qui s’atrophie secondairement,traduction d’un traumatisme majeur intra-canaliculaire(rupture, compression par hémorragie...). Dans des cas plusévidents, on retrouve un œdème avec la perte de la visibi-lité de la circonférence papillaire, ou des hémorragies péri-papillaires.

2. Examens paracliniques en urgence• Radiographies et tomographies : une radiographie ducrâne (face, profil) est systématique si un traumatisme crâ-nien est associé. Dès qu’une plaie oculaire est suspectée,une radiographie orbitaire est indispensable afin d’élimi-ner un corps étranger intraoculaire radio-opaque. Uneradiographie de face (incidence de Blondeau) et un profilstrict seront pratiqués (fig. 4a et 4b)• Scanner et imagerie par résonance magnétique : actuel-lement, en cas de doute sur la présence d’un corps étran-ger intraoculaire, ou sur sa localisation, les tomodensito-métries sont demandées systématiquement, en urgence,avant la chirurgie. Les corps étrangers intraoculaires métal-liques de moins de 1 millimètre sont ainsi facilement repé-rés (fig. 4c) ; les corps étrangers non radio-opaques ne sontdétectés que lorsqu’ils ont une taille un peu plus large. Lalocalisation exacte peut être déterminée, ainsi que lenombre de corps étrangers. L’évaluation de la paroi orbi-taire, des tissus mous, du cône musculo-aponévrotique estrendu facile grâce à cet examen. Les atteintes du nerfoptique peuvent être également suspectées ou diagnosti-quées.L’imagerie par résonance magnétique apporte une défini-tion supérieure de l’image et réalise de véritables coupesanatomiques de l’œil et de l’orbite. Elle est utilisée pourdéterminer des atteintes des tissus mous et la présence et

Corps étranger intraoculaire radio-opaque.4a et 4b : radiographies simples face et profil ;4c : scanner : le corps étranger est dans le vitré.

5a

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localisation de corps étrangers intraoculaires non métal-liques comme des végétaux, morceaux de plastique ou deverre, présents dans l’œil, l’orbite et les annexes. Les corpsétrangers intraoculaires ferreux présenteraient quelquesmouvements dans le champ magnétique, selon certainsauteurs, ce qui contre-indiquerait son utilisation systéma-tique lors de la présence de corps étrangers intraoculairesmétalliques.• Échographie oculaire: utilisée en l’absence de plaie, ellepermet de déterminer l’état du cristallin et de la rétine,lorsque les milieux oculaires ne sont pas transparents.

Diagnostic étiopathogéniqueIl permet de séparer les lésions induites par une simplecontusion des atteintes plus graves en rapport avec une plaieoculaire.

1. Contusion oculaire ferméeCliniquement au moment du choc, le malade ressent unevive douleur, il voit « 36 chandelles ». Selon la gravité deslésions, cette douleur disparaît rapidement ou persiste ets’étend, le trouble visuel reste passager ou s’aggrave.• Syndrome contusif du segment antérieur :– l’hémorragie sous-conjonctivale est souvent présente,parfois abondante (fig. 2b) :– les érosions cornéennes sont superficielles et doulou-reuses. Un œdème de cornée réalise la kératite post-contu-sive, le plus souvent régressive ;– l’hyphéma est fréquent mais de gravité variable (fig. 5a) ;– l’atteinte de l’iris peut se traduire par une mydriase post-traumatique, fréquente et volontiers régressive. Si elle per-siste, elle est due à une rupture du sphincter irien. Parfoisune iridodialyse se produit et la pupille devient ovalaire(fig. 5b). L’angle iridocornéen peut être modifié (recul)avec le risque d’hypertonie secondaire ;– les cataractes contusives sont fréquentes mais rarementimmédiates. La rupture de l’appareil suspenseur du cris-tallin (zonule) entraîne une subluxation du cristallin, plusrarement une luxation totale dans la chambre antérieure oudans le vitré.• Syndrome contusif du segment postérieur :– l’hémorragie intravitréenne rend l’examen rétinienimpossible ;– le syndrome de Berlin associe une baisse de l’acuitévisuelle avec un œdème blanc et diffus de la rétine centrale. Il est généralement régressif en quelques jours(fig. 6a) ;– des hémorragies de la rétine sont souvent intrarétiniennes,avec baisse de la vision si elles sont situées dans la régionmaculaire. Elles peuvent former des poches de sang pré-rétiniennes qui parfois se rompent dans le vitré (fig. 6b) ;– le décollement de rétine est consécutif à une désinsertionpériphérique ou une déchirure géante de la rétine et sur-vient plus facilement sur des yeux fragilisés (myopes forts) ;- le trou maculaire se manifeste par une baisse de l’acuitévisuelle importante (scotome central). Il est lié à une traction vitréenne postérieure au cours d’un traumatismeou, s’il apparaît plus tardivement, à une nécrose tissulaire(fig. 6d) ;

– le pronostic de la rupture de la choroïde dépend de sonsiège : si la macula est intéressée, le trouble visuel est consi-dérable, sinon elle peut n’entraîner aucun trouble fonc-tionnel (fig. 6c).

• Une fracture de l’orbitepeut être provoquée si la contu-sion est très violente. La radiologie systématique fait le dia-gnostic. En cas de fracture du plancher de l’orbite, il peutexister une incarcération du muscle droit inférieur dans labrèche accomagnée d’un trouble de l’élévation oculaire.Une réfection du plancher de l’orbite libère les muscles etremet le globe en place.

2. Contusion ouverte

La contusion est parfois si violente qu’elle entraîne unerupture de la coque sclérale au niveau de ses points les plusfragiles : insertions musculaires, cicatrice de cataracte, ouparfois à l’opposé du coup, c’est-à-dire au niveau du pôlepostérieur. L’œil est aveugle, plein de sang et très mou. Larupture de la sclère peut être cachée par le chémosis hémor-ragique (infiltration saillante et hémorragique de laconjonctive). Le traitement chirurgical est celui de touteplaie ouverte du globe oculaire.

Syndrome contusif du segment antérieur.5a : hyphéma déjà collecté dans le bas de la chambre antérieure(bon pronostic) ;5b : iridodialyse avec cataracte partielle.

5b

• Dans tous les cas de plaies, un corps étranger intrao-culaire doit être suspecté même si l’orifice est minime avecpeu de dégâts dans le globe. La radiographie puis le scan-ner lèveront le doute avant tout geste chirurgical.Le corps étranger intraoculaire peut se situer dans lachambre antérieure, sur l’iris ou dans l’angle iridocornéen(fig. 8a). Plus souvent, on le retrouve dans le cristallin oudans le vitré, parfois posé sur la rétine, parfois fiché dansla rétine. Il peut pénétrer soit par la cornée, soit plus laté-ralement par la sclère (fig. 8b).La chirurgie des corps étrangers intraoculaires est une chi-rurgie d’urgence (risque de métallose secondaire).Enfin, le corps étranger peut rester superficiel : sur la cor-née, ce sont les pailles. De nature extrêmement variable (éclatmétallique, poudre de pétard, poussière...) ils entraînent unedouleur importante, un larmoiement, un blépharospasme.L’ablation après instillation d’un collyre anesthésique est engénéral aisée et entraîne un soulagement immédiat.

Diagnostic différentiel

Avec les autres urgences oculaires le diagnostic différen-tiel ne se pose généralement pas car l’interrogatoireretrouve la notion du traumatisme. Ce problème peut

Syndrome contusif du segment postérieur.6a : syndrome de Berlin ;6b : hémorragie prérétinienne (rétrohyaloïdienne) qui peut serompre dans le vitré ;6c : rupture de la choroïde ;6d : trou maculaire.

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3. Plaies pénétrantes du globe• Souvent le diagnostic de plaie du globe est évidentet leblessé est dirigé en urgence sur un service spécialisé.Dans les cas les plus graves, l’œil peut être dilacéré, lespaupières déchirées, le contenu de l’œil en partie expulsé.De façon moins grave, la plaie cornéenne même anfrac-tueuse est parfois bouchée par l’iris qui s’extériorise endehors du globe oculaire. L’hyphéma est constant avechypotonie (fig. 7a).La plaie peut être sclérale avec segment antérieur normalmais toujours œil mou. Cornéo-sclérale, la plaie est asso-ciée à une hernie d’iris, de corps ciliaire ou de choroïde.• Parfois la perforation est minime,spontanément étancheet peut passer inaperçue. La douleur est vive au momentde l’impact, la chute de l’acuité visuelle plus ou moinsimportante.L’ophtalmologiste cherche une plaie cornéenne avec signede Seidel provoqué par la pression, ou une petite plaie sclé-rale sous une hémorragie conjonctivale modérée.Le cristallin peut également être touché par l’agent pénétrant et développer une cataracte blanche qu’il fautextraire secondairement (fig. 7b).

Physiopathologie du traumatisme• Traumatisme à globe fermé ou contusion oculaireLa contusion qui vient frapper la partie antérieure du globe va pro-voquer dans un premier temps un raccourcissement de l’axe antéro-postérieur du globe et un agrandissement du diamètre transversal. Desruptures des insertions de l’iris, du corps ciliaire et du vitré sont alorspossibles. La pression intraoculaire est très élevée. Dans un 2e temps,cette force revient d’arrière en avant après avoir rencontré la résis-tance solide de la sclère postérieure, et repousse tout le vitré et le cris-tallin vers la cornée. Cette contusion peut être suffisamment profondepour entraîner la rupture du globe oculaire soit au limbe (jonction cor-néo-sclérale) soit en arrière.• Traumatisme à globe ouvert: c’est la plaie cornéenne et (ou) sclé-rale. Les plaies cornéennes sont fréquentes en raison de la positionmême de la cornée, soumise directement au traumatisme. « L’œilregarde souvent l’objet traumatisant ». Le risque infectieux n’est pasnégligeable avec une fréquence située entre 2 et 7 % ; l’existence d’uncorps étranger intraoculaire multiplie par 2 ce risque infectieux.

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cependant exister avec l’enfant chez qui le traumatismesera toujours suspecté lors d’une lésion oculaire unilaté-rale récente (rougeur avec larmoiement).

Principes du traitement

Traitement curatif

1. Lors d’une contusion oculaireIl n’y a pas habituellement d’indication de traitement chi-rurgical immédiat.– La pression intraoculaire doit être surveillée et un traite-ment hypotonisant instauré si besoin : collyre β-bloquant(Timoptol, Bétoptic...), acétazolamide en comprimé (Dia-mox) ou mannitol 20 % en perfusion si la tension oculaireest très élevée.– Le traitement de l’hyphéma est médical sous surveillancehospitalière : repos strict en position semi-assise avec pan-sement oculaire (binoculaire chez l’enfant pour éviter l’am-blyopie). Exceptionnellement, le traitement est chirurgi-cal avec lavage de la chambre antérieure si on note une

hématocornée, un hyphéma ne régressant pas avec unehypertonie oculaire, un hyphéma > 10 jours, ou unhyphéma récidivant– La luxation du cristallin ou subluxation n’est une urgencechirurgicale que si elle est responsable de troubles du tonus(hypertonie surtout) ou d’œdème de cornée. La luxationdans le vitré est souvent bien tolérée et la chirurgie peutêtre retardée.– Enfin la cataracte traumatique contusive, volontiers enrosace postérieure, est opérée plus tardivement, commel’éventuel décollement de rétine.

2. Lors de plaies oculairesUne antibiothérapie large (pipérilline + quinolone) par voiegénérale et la prophylaxie du tétanos sont d’emblée ins-taurées (v. encadré thérapeutique).– Si la plaie cornéenne est étanche (inférieure à 2 mm) sansdéplacement et sans lésion sous-jacente, un pansementocclusif discrètement compressif peut suffire. Une lentillede contact a été proposée pour des plaies de 1 mm.– Dans tous les autres cas, la plaie cornéenne ou scléraledoit être suturée en maîtrisant les hémorragies (électro-

7a

Plaie oculaire.7a : plaie limbique avec hernie d’iris et hyphéma ;7b : plaie cornéenne anfractueuse suturée.Une cataracte très évoluée va probablement obliger le chirur-gien à réopérer rapidement.

7bCorps étranger intraoculaire.

8a : corps étranger en verre dans l’angle irido-cornéen ;8b : corps étranger métallique piqué dans la rétine.

8b

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coagulation) et en la nettoyant de tous les tissus qui auraientpu s’incarcérer : l’iris, avec résection possible s’il y anécrose ou suspicion de contamination, le corps ciliaire, levitré qui est source de complications rétiniennes s’il resteinclus dans la plaie. La suture est effectuée avec des filsnon résorbables bien tolérés de taille 10/0 pour la cornée à6/0 pour la sclère.– Les corps étrangers superficiels ou intracornéens sontvolontiers extraits sous anesthésie locale à la curette ou àla pique. Des collyres antibiotiques et cicatrisants permet-tent une guérison généralement rapide (3-4 jours).Les corps étrangers intraoculaires sont extraits après loca-lisation très précise : avec un électro-aimant pour les corpsétrangers magnétiques ; sinon avec des pinces, avec ou sansvitrectomie s’ils sont sur la rétine.

3. Brûlures chimiquesElles justifient un lavage à grande eau (douche) de la sur-face oculaire et des culs-de-sac conjonctivaux pendant plu-sieurs minutes. Une pommade vitaminée ou antibiotiquediminuera la formation des brides conjonctivocornéennessecondaires cicatricielles. Leur pronostic est souventsombre.

Traitement préventifLe port de lunettes de protection dans certaines activitésprofessionnelles, dans certains sports et lors de bricolageest recommandé notamment chez les patients à risque:monophtalmes, forts myopes, patients ayant des antécé-dents de chirurgie du globe oculaire.L’éviction de jouets dangereux (fléchettes) diminuera lerisque de traumatisme chez l’enfant.La fermeture à clef ou le rangement en hauteur des pro-duits à usage ménager pourrait considérablement limiterles brûlures chimiques oculaires et parfois digestives.Enfin, depuis l’obligation du port de ceinture de sécuritéet l’équipement des voitures de pare-brise feuilleté triplex,le nombre de plaies par bris de pare-brise a considérable-ment diminué. ■

Cas particulier de l’enfant• L’utilisation de forceps à la naissance n’entraîne plus qu’excep-tionnellement des lésions urgentes telles l’avulsion de l’œil ou lesfractures orbitaires.• L’enfant retardé ou psychotique peut s’automutiler avec ses doigtsou tout autre objet et entraîner des traumatismes oculaires graves etrécidivants.• Le syndrome de Silverman (enfant battu) sera suspecté devant l’as-sociation des lésions oculaires traumatiques avec des lésions des tis-sus mous à divers stades de résorption et à des fractures osseuses. • Dans tous les cas, la mauvaise vision temporaire d’un œil trauma-tisé peut être la cause d’une amblyopie (diminution de la fonctionvisuelle) parfois irréversible.

Burillon C. Gain Ph. Traumatologie du segment antérieur de l’œil.Editions techniques. Encycl Med Chir Paris. Ophtalmologie, 21, 700,A 10, 1993, 21p.Frau E. Traumatologie par contusion du globe oculaire, Editions tech-niques. Encycl Med Chir Paris. Ophtalmologie, 21, 700, A 65, 1996,8 p.

POUR EN SAVOIR PLUS

• Les traumatismes oculaires sont une sourceimportante de morbidité et d’invalidité, d’autantque dans 1 cas sur 5, les atteintes sont bilatérales. • Si la prise en charge d’une plaie oculaire aboutitimpérativement à une hospitalisation et à unechirurgie rapide, celle d’une contusion oculaire ne doit pas être négligée : l’hyphéma peut êtreimportant, masquant d’autres lésions graves et justifiant une thérapeutique urgente adaptée.

Points Forts à retenir

SCHÉMA THÉRAPEUTIQUE

La prise en charge rapide en milieu spécialisé s’impose.La suture chirurgicale et l’antibiothérapie générale systématique dimi-nuent les risques d’infection oculaire (panophtalmie). Les complications (cataracte, décollement, glaucome...) nécessitentdans un second temps une prise en charge différente selon leur loca-lisation.