La Revue socialiste n°43 Abécédaire de la France

8/13/2019 La Revue socialiste n43 Abcdaire de la France

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Revue

Socialiste

La

43

Abcdaire

de la France3etrimestre

2011


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2 Sommaire

Introduction

Alain Bergounioux,Rflexions sur un inventaire p. 5

Le dossier

Jacques Julliard,A comme argent p. 9

Bertrand Monthubert,B comme biothique p. 13

Denis Declerck,C comme culture p. 17

Daniel Cohen,D comme dclin p. 21

Nicolas Dalle,

E comme nergie p. 25Laurent Baumel,F comme Franais p. 29

Grard Le Gall,G comme ghetto p. 33

Guillaume Bachelay,H comme Houellebecqp. 37

Jacqueline Costa Lascoux,I comme intgration p. 41

Camille Peugny,

J comme jeunes p. 47Franois Jost,K comme Koh-Lanta p. 51

Roger-Grard Schwartzenberg,L comme libert(s) p. 55

Marisol Touraine,M comme Mediator p. 59

Francis Wolff,N comme nature p. 63

Laurent Bouvet,

O comme Obama p. 67Alain Bergounioux,P comme populisme p. 71

Michel Lussault,Q comme quartierp. 75

Olivier Mongin,R comme rirep. 79

Guy Groux,S comme syndicalisme p. 85


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3Sommaire

Philippe Askenazy,T comme travailp. 89

Patrick Viveret,U comme utopiep. 93

Gilles Finchelstein,

V comme vitesse p. 97Benot Thieulin,

W comme Wikileaks p. 101Nonna Mayer,

X comme xnophobie p. 105Jean-Luc Domenach,

Y comme Yuan p. 109Daniel Frandji,

Z comme ZEP p. 113

Polmique

Pierre Moscovici,Rflexions sur le pass et lavenir de notre politique trangre p. 121

Grand texte

Le Conseil national de la Rsistance,Le programme du Conseil national de la Rsistance, mars 1944 p. 129

propos dePhilippe Askenazy,Les dcennies aveugles, Le Seuil, 2011.

Alain Vidalies, Pour une rponse urgente sur lemploi des jeunes p. 135

Philippe Askenazy, Le projet socialiste semble ttanis par la crdibilit budgtaire p. 139

Actualits internationales

Jean-Christophe Cambadlis,Sarkozy corrig par Jupp p. 145

Jean-Franois Bayart,LAfrique de lOuest deviendra-t-elle la Francece que lAmrique centrale est aux tats-Unis ? p. 147

Henri Laurens,Les rvoltes arabes p. 153

Alain Chenal,Dferlante dmocratique dans le monde arabe et musulman p. 157


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Alain Bergouniouxest directeur deLa Revue socialiste

Rflexions sur un inventaire

e numro surprendra peut-tre. Iloffre de parler de la France et des

Franais dune manire qui paratra clate

sous la forme dun abcdaire o chaquelettre traite dun aspect ou dun problme dela socit franaise. Nous avons souvent pluttlhabitude dessayer de rsumer la situationdu pays autour de quelques ides fortes.

Cest ce que nous avons fait dans le texte du projet, Le Changement , qui met en avant la crisedavenir que connat le pays. Le cumul des crises,conomique, sociale, environnementale, morale,

lexplique suffisamment. Et, pour redessiner unavenir, les priorits simposent alors, investir dansdes domaines qui commandent le futur, les nouvellestechnologies, les nouvelles opportunits demploi,et bien sr, dans lducation et la recherche, rta-blir la confiance en assurant la justice sociale misesrieusement mal par les ingalits croissanteset les discriminations de toute nature. Ces enga-gements ont toutes les chances de se retrouver au

C cur du dbat politique au cours de la campagneprsidentielle, gnralement centre sur deux outrois questions clefs.

Mais, en mme temps, la socit franaise prsenteune grande complexit. La crise est son modede vie nous noserions pas dire normal depuisla fin des annes soixante-dix avec des priodes dermission et daggravation. Cela tient aux formesnouvelles prises par le capitalisme dj bien

Depuis la fin des annes 1990,mme si les grands traits du modle social franais demeurent et ont servi damortisseur

dans la crise de 2008-2009, les ingalitscroissent fortement, et nous constatons commeun double phnomne dexclusion, par le haut,

avec une petite part des lites de la fortune quichappent aux lois communes, par le bas, avectoute une partie de la population qui vit dans

la pauvret ou la prcarit.


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LAREVUESOCIALISTEN 43 - 3ETRIMESTRE2011

analyses (dans cette revue notamment). Leffetmajeur, un chmage de masse jamais rellementrduit, qui saccompagne de laccroissement delemploi prcaire, a cr cette dpression silen-cieuse qui fait que le retour une situation de

plein-emploi apparat inaccessible depuis plusde quarante annes despoirs et de dceptions.En mme temps, la France sest enrichie ceque ne doit pas faire oublier la faible croissancedaujourdhui. Seulement depuis la fin des annesquatre-vingt-dix, mme si les grands traits du modle social franais demeurent et ont servidamortisseur dans la crise de 2008-2009, lesingalits croissent fortement, et nous constatonscomme un double phnomne dexclusion, par le

haut, avec une petite part des lites de la fortune quichappent aux lois communes, par le bas, avec touteune partie de la population qui vit dans la pauvretou la prcarit. Ces contradictions sont gommespartiellement par lemprise forte du primat de laconsommation qui continue de faonner la socitet ses valeurs. Lindividualisation des comporte-ments, qui rend galement possible ltendue de laprotection sociale, en est partiellement le produit.Certes, pour beaucoup lindividualisation peut

tre vcue comme une contrainte impose par lesconditions de la vie moderne notamment dans letravail. Mais la fragmentation sociale qui en rsultedemeure de toute manire une donne, et lattache-ment aux choix individuels, une ralit. Le rappelde ces traits, qui ne rsument pas, loin de l, le toutde la socit franaise, suffit pour comprendre lesparadoxes qui agitent les dbats publics.Cest pour cela que, dans ce numro, nous avonsvoulu multiplier les angles dattaque et les points de

vue, partir de vingt-six petits essais, pour prendrela mesure de la diversit des ralits franaiseset des faons den parler. Nous avons demand chaque auteur de dvelopper librement son point

Rflexions sur un inventaire

de vue pour que divergences et convergences appa-raissent partir dune diversit initiale.La lecturede leurs textes montre quel est lenjeu principal

pour la gauche. Il est de mener une bataille cultu-relle pour que les valeurs humanistes reprennentle dessus dans la socit et la culture alors que lenolibralisme, dune manire ou dune autre, aexerc linfluence majeure dans les socits occi-dentales pendant les trente dernires annes. Cestdcisif, car les batailles que nous menons reposentsur la conviction. Pour apporter des rponses nombre des problmes de notre socit, nous devonsne pas perdre de vue que la libert individuelle

que nous dfendons ne peut concrtement spa-nouir que par la recherche permanente dune plusgrande galit. Les tensions fortes qui existententre lindividu et le collectif peuvent tre rduites condition que lon prenne lhabitude de raisonneren termes de liberts collectives. Les propositionsdavenir devront faire appel un ensemble ternaireo ltat, le march et la socit civile seront mis contribution. Aprs la vague nolibrale, les tempsdevraient tre plus favorables pour la gauche socia-

liste, si nous savons reposer la question du sensdans notre socit et notre monde dont lobscurcis-sement nourrit la crise de lide davenir justementmise en vidence dans notre projet.

Dans ce numro, nous avons voulu multiplierles angles dattaque et les points de vue,

partir de vingt-six petits essais, pour prendrela mesure de la diversit des ralits franaiseset des faons den parler. Nous avons demand

chaque auteur de dvelopper librementson point de vue pour que divergences etconvergences apparaissent partir dune

diversit initiale.


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Le Dossier


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104 pages - Ft : 12 x 17 cm - Prix public : 5 e- ISBN : 978-2-916333-89-2 - Vendu en librairie - Diffusion Dilisco

Ina Piperaki -Jean-Michel Reynaud

Leffacement des dettes,une solution la crise mondiale

Lexemple de Solon dans la Grce antique

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Cest essentiellement la cupidit qui est lorigine de la crisemondiale qui affecte toutes les conomies et lensemble descitoyens, en particulier les plus faibles.Pour sortir durablement de cette crise, une nouvelle gouvernancemondiale doit merger pour, quenfin, les changes globalissne produisent plus dexclusion sociale mais profitent la qualitde vie, au bien tre social, la solidarit et la responsabilit.Mais derrire les incantations il faut des propositions,nombreuses dans ce livre, favorisant lmergence dune nouvellere conomique et sociopolitique. travers lexemple de Solon (VIesicle avant notre re), prede la dmocratie et de la premire constitution au monde,lannulation partielle ou totale des dettes publiques et privesest une solution incontournable.

Ina Piperaki, docteur en pharmacie (phD) et universitaire a t directrice dela recherche et du dveloppement de la filiale grecque dune multinationalepharmaceutique. Parfaitement francophone et francophile elle multiplie lesconfrences travers lEurope, et plus particulirement en France, sur des

sujets philosophiques, laques, mais aussi scientifiques et mdicaux.Jean-Michel Reynaud, directeur du dveloppement dun groupe coopratifde formation, prsident honoraire de la section des Finances du Conseilconomique, social et environnemental, a t cadre bancaire et responsablesyndical. Il est spcialis en intelligence conomique, en philosophie et dansla dfense de la Lacit.

VIENTDE

PARATRE


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priv de la dtention du capital, mais au mcanismemme de toute conomie comportant du capitalinvesti. On sen est aperu bien vite en conomie

socialiste , comme dans feu lUnion Sovitique.Quant au fric, cest largent considr non plus dupoint de vue de la production, mais au contraire dupoint de vue de la consommation (ou, la rigueur,de la thsaurisation). Le capital, cest de la consom-mation diffre ; le fric, cest de la consommation

Jacques Julliardest ditorialiste Marianne

A comme argent

eaucoup des difficults et des malen-tendus qui touchent la question de

largent pourraient tre levs si lon voulait

bien accepter au dpart de distinguer entredeux formes distinctes : largent social oucapital ; largent individuel ou fric.

Le premier est un prlvement sur la jouissance,une restriction sur la consommation permettant denouveaux investissements et, par consquent, unaccroissement de la prosprit collective. Le capitalnest rien dautre quun moyen de production, quelque soit son mode dappropriation, individuel ou

collectif. En ce sens, toute conomie fonde sur ledveloppement de la richesse doit tre considrecomme capitaliste , mme si, la suite de Marx,on a pris lhabitude de rserver lemploi du mot auxseuls systmes o lappropriation du capital estindividuelle. Usage au demeurant fcheux, car il aempch de comprendre que lexploitation, cest--dire lextraction de la plus-value partir du travailfourni, ne tient pas exclusivement au caractre

B

Quant au fric, cest largent considr non plusdu point de vue de la production, mais au

contraire du point de vue de la consommation(ou, la rigueur, de la thsaurisation).

Le capital, cest de la consommation diffre ;le fric, cest de la consommation immdiate.

Le capital dtermine deux catgories sociales,les capitalistes et les proltaires.

Le fric dtermine deux catgories socialesdiffrentes, les riches et les pauvres.


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immdiate. Le capital dtermine deux catgoriessociales, les capitalistes et les proltaires. Le fricdtermine deux catgories sociales diffrentes, lesriches et les pauvres. Le premier est une notionfonctionnelle ; le second est une notion connota-

tion morale. Le premier renvoie Marx et Keynes ;le second Shakespeare et Freud.Quant lglise catholique, elle rserve sa svrit lusage qui est fait dans des richesses. Car largentcorrompt, et il est plus difficile un riche dentrerdans le royaume de Dieu qu un chameau de passerpar le chas dune aiguille. Certes, il y aura toujoursdes pauvres et des riches sur cette terre, mais cestsurtout la passion de lenrichissement (lauri sacrafames des Anciens) qui est stigmatise travers

la condamnation du prt intrt. En dpit de lalgende et de lectures approximatives, la thorie dupuritanisme prte Max Weber est moins contraire cette thique quil ny parat. Si, comme dans laBible, la richesse peut-tre le signe de la faveur deDieu, il existe un mauvais usage de la richesse danslesprit puritain : celui qui privilgie la jouissancepar rapport linvestissement. Pour nous rsumer,le dveloppement du capital est tout entier orientvers la recherche de la puissance, lenrichissement

personnel est tout entier orient vers la recherchedu plaisir : l est la vraie diffrence, la fois cono-mique et philosophique entre les deux notions.Or, depuis une vingtaine dannes, les choses sontbeaucoup moins claires. La vision commune aumarxisme et au libralisme privilgiait depuis leXIXesicle le couple capitalistes/proltaires parrapport au couple riches/pauvres. Le vocabulairede la richesse et de la pauvret tait pass de modeparce quil privilgiait une approche purement

psychologique et morale du problme de largent,propre au roman et la religion. Cest pourtant cevocabulaire qui est en train de revenir en force,tandis que les termes de capitalistes et proltairesnous renvoient lunivers jug obsolte de la luttedes classes. Que sest-il donc pass ? Dabord quelclipse du marxisme, elle-mme conscutive leffondrement du communisme poststalinien, adonn le signal dun profond remaniement des

concepts du mouvement social et de leur dsi-

gnation. Le Parti communiste franais, vritableconservatoire de lorthodoxie la plus immobile, estdevenu inaudible dans lopinion et chez les intel-lectuels. Le Parti socialiste lui-mme qui, dans leslendemains dpinay, a charri un attirail marxisteparfois approximatif, a cess de parler de front desclasses. Labandon dun vocabulaire est presquetoujours le signe dune dfaite de la pense.Mais il y a plus essentiel. la faveur de sa victoirepar forfait sur le terrain politique et social, le

capitalisme a chang de nature ou, pour tre plusprcis, est revenu sa nature originelle. Le capita-lisme managrial de laprs-guerre celui-l mmequi est lorigine des Trente Glorieuses , orientvers les objectifs de la puissance et de la crationde richesse, a cd la place au capitalisme dac-tionnaires, friand de retour sur investissement ,cest--dire de profits immdiats. Paradoxalement,cest un certain capitalisme populaire, celui desfonds de pension, celui des fameuses veuves

cossaises qui a accentu les traits les plusbrutaux, les instincts les plus prdateurs lint-rieur du systme. Du coup, les dirigeants dsignspar les actionnaires nont plus eu aucun scrupule lcher la bride leurs apptits. Les hommesen gris du pass sont devenus des hommes enor, avides de notorit, de prsence mdiatique,et surtout denrichissement personnel. Il ny aaucune raison technique ou systmique pour que

A la faveur de la sa victoire par forfaitsur le terrain politique et social, le capitalisme

a chang de nature ou, pour tre plus prcis,est revenu sa nature originelle.

Le capitalisme managrial de laprs-guerre celui-l mme qui est lorigine des Trente

Glorieuses , orient vers les objectifs de lapuissance et de la cration de richesse,

a cd la place au capitalisme dactionnaires,friand de retour sur investissement ,

cest--dire de profits immdiats.

A comme argent


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lcart des salaires dans le monde industriel, quia t longtemps de lordre de 1 30, soit passen moins de deux dcennies de 1 1 000, sinondavantage. La logique du fric lemportant sur lalogique du capital, cest tout le systme capitaliste

qui sen trouve transform et qui, de grandioseentreprise promthenne au point darracher Marx des accents dadmiration -, se trouve ramen un systme la fois astucieux dans les mthodeset dmentiel dans les consquences, celui duncreusement sans prcdent des ingalits sociales.De sorte que le capitalisme que lon a pu histori-quement prsenter, avec quelque raison, commelexpression conomique de la dmocratie, se placedsormais contre-courant de cette dernire, et

notamment de son critre principal : laspiration lgalit. Des observateurs libres et sans prven-tion, comme Chateaubriand et Tocqueville, ont bienvu que lgalit politique ne pouvait saccommoderlongtemps de lingalit conomique. plus forteraison lorsque celle-ci va croissant. Davant-gardeintellectuelle quil fut un moment, le capitalismeest en train de se transformer toute allure, sous nosyeux, en doctrine ractionnaire, en bastion aveuglede privilges injustifis. Le capitalisme actuel,

dans la nudit de sa logique et limpudence de sescomportements, peut bien tre demeur seul sur lechamp de bataille historique du lendemain de lachute du mur de Berlin ; mieux, ou pis que cela, ilpeut bien conqurir de nouvelles positions dans cesgrands empires que le communisme avait accou-tums au cynisme social le plus hont, le fait nen

demeure pas moins quil ne cessera plus de dve-lopper ses consquences : son rapport largent,renouvel de ses origines, le place contre-courantde tout le mouvement historique de la modernit.Car cest sur le plan anthropologique et culturel

que le capitalisme financier ou, mieux encore, quela financiarisation du monde aboutit aux rsultatsles plus catastrophiques. Ce nest pas par hasardque le slogan de laltermondialisme, le mondenest pas vendre , est en train de rejoindredes intuitions pguystes que lon a pu longtempsrduire des vieilleries nostalgiques. cause dela rgression brutale du capitalisme telle quonvient de la dcrire, ces vieilleries nostalgiques sesont transformes en intuitions prophtiques. Que

dit en effet Pguy ? Que lexistence dun ordrefinancier nest pas une nouveaut radicale dumonde moderne. Que, dans toute socit, il existeun ordre des valeurs montaires. Mais jusqulapparition de la modernit capitaliste, cet ordredes valeurs montaires coexistait avec dautresordres de valeurs : celui de lhonneur dans lasocit aristocratique ; celui de la charit dans lasocit chrtienne ; celui de la solidarit dans lasocit ouvrire. Et voil ce qui caractrise exac-

tement le monde moderne, celui que nous pour-rions aujourdhui qualifier de nocapitaliste : quecest le premier, que cest le seul dans lequel cesvaleurs collectives, parfois mme collectivistes,ont t littralement absorbes, phagocytes,abolies par les valeurs mercantiles. Ce qui estinsupportable dans la socit moderne, ce nestpas limportance des valeurs marchandes, cestla mercantilisation des valeurs non marchandes,celles qui avaient jusqu lors prvalu dans des

activits telles que la science, lart, le jeu, ldu-cation, la justice. Adam Smith, le pre du lib-ralisme moderne, ne pensait pas autrement et,aprs lui, Kant lui-mme : lordre montaire, poursurvivre, a besoin dordres non montaires o sedploient des sentiments tels que la solidarit, laposie, le dpassement de soi. En les annihilant,le systme de largent est en train de creuser satombe. Il ne sest pas si mal port, ce systme de

Cest sur le plan anthropologique et culturelque le capitalisme financier ou, mieux encore,que la financiarisation du monde aboutit aux

rsultats les plus catastrophiques.Ce nest pas par hasard que le slogan delaltermondialisme, le monde nest pas vendre , est en train de rejoindre des

intuitions pguystes que lon a pu longtempsrduire des vieilleries nostalgiques.

Le Dossier


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pour un moindre mal. Maintenant quil est seul,tout permet de penser quil ne survivra pas sontriomphe. Cest une question de temps.

largent, aussi longtemps que le pseudo-socia-lisme, sous ses espces staliniennes ou nolib-rales, lui a servi de faire-valoir et la fait passer

A comme argent


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dune majorit de lUMP. Sur la recherche sur lescellules-souches embryonnaires, en revanche, lesrebondissements furent multiples, avec des groupes

UMP au Parlement fortement diviss. Du ct socia-liste, en revanche, lunit fut beaucoup plus forte.La direction a choisi de mettre en place un groupede travail co-pilot par Najat Vallaud-Belkacem,en tant que secrtaire nationale aux questions desocit, et lauteur de ces lignes, associant tousles secrtaires nationaux concerns par ces ques-tions. Le rapport issu de ce travail a fait lobjetdune grande unit, lexception de la question dela gestation pour autrui, qui reste clivante, et dans

une moindre mesure la question de lanonymat desdons de gamtes, qui a fait dbat dans les cerclesamis du PS. Comment interprter cette unit ? Sansdoute une des cls de comprhension rside-t-elledans la mise en avant de plusieurs principes, qui nesont pas si vidents pour la droite.En premier lieu, le respect des faits scientifiques.Notre rflexion est politique, mais elle doit sap-puyer sur ltat de la connaissance en matire de

Bertrand Monthubertest secrtaire national du Parti socialiste

en charge de lenseignement suprieur et de la recherche.

B comme biothique

a loi de biothique est lobjet dedbats passionns autant que passion-

nants. En statuant sur des enjeux trs intimes,

du don dorganes la fcondation in vitroenpassant par les sciences du cerveau, cetteloi rassemble et divise suivant des lignes declivage souvent trs diffrentes de celles dontnous avons lhabitude. Cest ainsi que la rvi-sion de la loi, qui devait intervenir en 2009,naura abouti qu lt 2011, au terme dechangements de position permanents au seinde lUMP.

Deux aspects principaux de la loi ont ainsi faitlobjet de volte-face : la leve de lanonymat desdonneurs de gamtes, et la recherche sur lem-bryon. Sur le premier sujet, la loi prsente initiale-ment par Roselyne Bachelot prvoyait un abandonde lanonymat de ceux qui donnent du sperme oudes ovocytes. Finalement, la commission spcialede lAssemble nationale en charge de ltude duprojet de loi a repouss cette option, avec laval

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vivant. Trop souvent, des positions sont dvelop-pes qui sappuient sur une comprhension erronede faits scientifiques. Tout particulirement, lagntique est lorigine de nombreux fantasmes.Nous avons pris soin dcarter toute vision dun

dterminisme gntique, qui se caractriserait parlide que lessentiel du devenir de notre corpsserait dtermin par notre patrimoine gntique. Etcette emprise de la gntique est trs forte droiteaujourdhui. Souvenons-nous des propos de NicolasSarkozy pendant la campagne prsidentielle de2007, qui voquait une composante gntique dansle suicide des jeunes ou la pdophilie.Ensuite, la lacit. Les religions, par le biais de leursreprsentants, sont trs impliques dans les dbats

autour de la biothique, tel point que RoselyneBachelot, lors du dpt de son projet de loi, asouhait que les partis politiques ne donnent pas deconsigne de vote : On touche lintime, on touche des convictions qui vous ont construit, des convic-tions religieuses. Le parti politique qui donnerait surles lois de biothiques une consigne de vote nauraitprcisment pas une dmarche thique (dpcheAFP du 25 octobre 2010). Cette dclaration, trsgrave, sous-entend que le point de vue religieux

pourrait prendre lascendant, chez un parlemen-taire, sur llaboration politique. Devrons-nous, laprochaine fois que nous votons pour un dput, nousdemander sil se rfre une religion, afin de savoirce quil voterait sur les questions de biothique ?Pour le Parti socialiste, la rflexion se tient naturel-lement lcart de tout dogme transcendantal, et lescroyances personnelles ne peuvent lemporter.

Le principe dgalit est galement fondamentaldans la construction de notre position. Ces derniresdcennies ont boulevers les relations familiales,et de nombreux schmas familiaux coexistentaujourdhui. Ce nest pas au politique dindiquer

une norme dorganisation familiale, norme dontlanthropologie a bien montr combien elle seraitrelative. Nous avons donc affirm que les coupleshomosexuels doivent avoir les mmes droits que lescouples htrosexuels, tant que cela ne porte pasprjudice un tiers. Lobjection souvent brandiede lintrt de lenfant, lequel est videmmentprimordial, ne tient pas : les travaux des psycho-logues ont montr que les enfants levs par descouples homosexuels ont les mmes difficults et

bonheurs que les autres. Dans lintrt des enfants,la socit doit au contraire reconnatre pleinementleur qualit de parents ces couples. Pour la droite,cette galit entre les orientations sexuelles resteexclue, sauf pour une petite minorit de leurs parle-mentaires : le refus du mariage homosexuel, le refusde traiter sur un pied dgalit les couples homo-sexuels et htrosexuels pour ladoption denfants,est exemplaire de cette attitude. La France prendun retard considrable par rapport de nombreux

pays, de lAfrique du Sud la Sude en passant parla Belgique ou lEspagne. Enfin, la solidarit entreles citoyens guide notre pense, ce qui se traduitnotamment par la gratuit des dons.Cest partir de ces principes de base que nousavons pu formuler des propositions qui ont faitlunanimit des socialistes. Un sujet illustre parfai-tement le danger de labsence de respect de cesprincipes par la droite : la recherche sur lembryon.Dans le cadre de la fcondation in vitro, les mde-

cins sont conduits constituer plusieurs embryonspour chaque couple, afin de favoriser la russitedu processus. Ds lors que les parents ont russi avoir un enfant, ou plusieurs le cas chant, laquestion du devenir de ces embryons (dont il fautrappeler que ce ne sont pas encore des ftus, cene sont pas des personnes humaines ce stade dudveloppement, mme sils peuvent le devenir parla suite) est pose. La destruction est loption la plus

B comme biothique

Le principe dgalit est fondamental dans laconstruction de notre position. Ces dernires

dcennies ont boulevers les relationsfamiliales, et de nombreux schmas familiaux

coexistent aujourdhui. Ce nest pas aupolitique dindiquer une norme dorganisation

familiale, norme dont lanthropologie a bienmontr combien elle serait relative.


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frquente. Ds lors, la question de la recherche surces embryons, qui ne font plus partie dun projetparental et sont destins tre dtruits, se pose.La loi stipule que ces recherches sont interdites,sauf drogations trs limites. De nombreusesinstances, comme le Conseil dtat ont soulign

cette hypocrisie et propos dautoriser la recherchesur lembryon dans un cadre strict faisant appel lagence de biomdecine. Le refus du gouvernementde suivre cette position, malgr les interventionsrgulires des chercheurs qui montrent combienlavancement de leurs travaux est limit par unrgime dinterdiction avec drogations dnu de

Le Dossier

Il est temps de modifier la loi afin quellese rfre de grands principes et valeursfondamentaux : ce qui est essentiel pour

lhumanit, ce qui vaut la peine dtre protget ce qui peut tre mis en cause par une

technique drive dun savoir.

justification relle, met en lumire le danger durefus dappliquer le principe de lacit.La rvision de la loi de biothique a ainsi montrque lexercice a atteint ses limites. Il est temps,comme le propose le Parti socialiste, de modifier

la loi afin quelle se rfre de grands principeset valeurs fondamentaux : ce qui est essentiel pourlhumanit, ce qui vaut la peine dtre protg etce qui peut tre mis en cause par une techniquedrive dun savoir. Afin dtre en phase avecles volutions de la science et de la technologie,ce sont des institutions telles que lAgence debiomdecine et lOffice parlementaire dvaluationdes choix scientifiques et technologiques qui severraient confier le rle dautoriser ou interdire des

pratiques particulires relevant de la biothique,en se fondant sur les principes noncs dans la loi.La biothique nest donc pas un sujet sur lequelchacun aurait un avis seulement personnel, cestune question profondment politique, mettant enjeu des reprsentations de la socit qui diffren-cient profondment la gauche et la droite.


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ses vertus mancipatrices), de fraternit (tol-rance et respect de la culture de lautre), port parune dynamique sociale issue des milieux culturels

eux-mmes, mais aussi denseignants, de travail-leurs sociaux, de militants syndicaux, laccs la culture tait synonyme de libert individuelle etde mieux vivre ensemble. Le combat pour la culturese voulait progressiste et mobilisateur, on pouvaitmme gagner des lections grce lui. Ce fut le casdes municipales de 1977 et de 1983 qui virent denombreux militants culturels devenir maires, et desprsidentielles de 1981.

Quen est-il aujourdhui ?

Paralllement au dveloppement de lemploiculturel (430 000 emplois, 2 % de la populationactive en France selon le recensement de 1999),les professionnels ont progressivement adopt uneposition dfensive vis--vis des consommateurs, desmilitants et des lus. On lavait connue innovante et

Denis Declerckest directeur de laction culturelle

de la Communaut dAgglomration Evry Centre Essonne.

C comme culture

n France, la culture est politiqueavant dtre un rapport individuel

au monde symbolique. Difficile de parler

de culture sans voquer notre politiqueculturelle, ses russites et ses checs. Alorsque les dpenses culturelles des mnagesnont cess daugmenter depuis vingt anspour atteindre 34 milliards deuros en 2009,nous continuons dplorer lchec prsumde la dmocratisation de la culture ou linsuf-fisance des moyens qui lui sont consacrs.

Quen est-il en ralit ? O en sommes-nous en

matire de culture ? Quels peuvent tre les princi-paux enjeux culturels de la dcennie qui vient desouvrir ? Constatons tout dabord que la culture estde plus en plus souvent absente du dbat et desprogrammes politiques, droite comme gauche.Et demandons-nous : pourquoi ? la fin desannes soixante-dix, la culture restait un territoire conqurir pour la gauche. Porteur de valeurs delibert (dexpression, de cration), dgalit (daccs

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gnreuse, voici la culture conservatrice et corpo-ratiste. Aprs le triste pisode dHadopi, qui peutencore croire le contraire ? Ce renversement brouilledu mme coup la perception des valeurs associes la culture. Ses mtiers nattirent plus les jeunesdiplms, rares sont les lus qui en font encore

leur cheval de bataille et, malgr des dispositionsfiscales trs favorables, le monde conomique sendtourne de faon spectaculaire (de 2008 2010,les sommes consacres au mcnat culturel sontpasses de 975 380 m et ne reprsentent plusque 19 % du mcnat contre 39 % en 2008 selonlenqute ADMICAL CSA de 2010).

Que sest-il pass ?

Non seulement la culture ne fait plus gagner lagauche aux lections mais elle peut mme les luifaire perdre. La gauche culturelle est lune desresponsables de la dispersion des voix de gauche aupremier tour de llection prsidentielle de 2002.Puis vnt lt 2003 et son cortge de festivalsannuls. Le carrosse est devenu citrouille, et lesartistes des travailleurs ou des patrons comme lesautres, voire pires , car plus prcaires ou plus

exploiteurs. Les professionnels de la culture sedsintressent de la politique, comme dautres pansdu corps social, les lus prennent leurs distancesavec un milieu de rleurs patents disposant dunfort pouvoir de nuisance.Pour nombre dlus de gauche, le bilan de JackLang est indpassable. Ceux qui, comme CatherineTrautman, se sont risqus au changement de para-digmes (mise en valeur de laction culturelle,

Paralllement au dveloppement de lemploiculturel, les professionnels ont progressivement

adopt une position dfensive vis vis desconsommateurs, des militants et des lus.

On lavait connue innovante et gnreuse, voicila culture conservatrice et corporatiste.

dsacralisation de la figure du crateur ) ontsubi les foudres des professionnels du spectacle etsen sont alls. Jean-Jacques Aillagon puis RenaudDonnedieu de Vabres, impuissants face la criseouverte par la rforme du rgime de lintermittence,

Christine Albanel, incapable de trouver une issueaux Entretiens de Valois sont galement tombssous les coups du monde du spectacle. Lactuelministre de la Culture, bien que sous tutelle dellyse et flanqu dun Conseil de la cration artis-tique, ne sen sort pas mieux que les autres.

Alors que faire ?

Peut-on r-enchanter le rapport entre artisteset politiques ? Cest trs improbable, mais il estpossible de jeter les bases dune nouvelle allianceentre art, culture et socit. Est-il envisageablede recrer un rapport sain entre les milieux cultu-rels et les lus de gauche, les uns se comportantde faon moins corporatiste, les autres cherchant comprendre au lieu de compatir ? Sans doute, condition quils acceptent de confronter leursobjectifs respectifs et de se livrer un examen

prcis des conditions conomiques et socialesde leur ralisation. Cest moins romantique, maiscest plus simple comprendre pour un citoyen engnral et un lu en particulier.En 2012, la gauche devra relever trois dfis majeursEn premier lieu, car cest la base de toute politiquemancipatrice qui vise la fois la construction

C comme culture

En 2012, la gauche devra relevertrois dfis majeurs.

En premier lieu, car cest la base de toutepolitique mancipatrice qui vise la fois la

construction de la personneet celle de la citoyennet, il sagit doffrir un

accs gnralis une vritable ducationartistique et culturelle, ds le plus jeune ge et

tout au long de la vie.


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19Le Dossier

de la personne et celle de la citoyennet, il sagitdoffrir un accs gnralis une vritable duca-tion artistique et culturelle, ds le plus jeune geet tout au long de la vie. Pour y parvenir, lcoleet les mouvements dducation populaire devront

tre mobiliss autour de cet objectif, tout commelaudio-visuel public ainsi quun service publicde la culture domicile qui reste crer au plusvite (sur ce sujet voir larticle dOlivier Donnat En finir [vraiment] avec la dmocratisation dela culture in OWNI, http://owni.fr/2011/04/24/democratisation-culturel).Il faut galement garantir lexpression de la diversitculturelle dans lespace public physique ou num-rique. Lespace symbolique national doit continuer

porter les valeurs universelles de la Rpublique,mais il doit galement reflter la diversit ethnique,religieuse ou culturelle qui fait le quotidien de nosvilles et de nos quartiers. Nos tablissements cultu-rels subventionns sont trop timides sur ce point, serfugiant le plus souvent derrire un universalismede faade. Les industries culturelles paraissent plusaudacieuses, mais elles se bornent le plus souvent une approche marketing qui ne saurait suffire saisir toute la complexit du rel. Au final, les

contenus prsents dans les lieux culturels ou viale numrique rendent assez mal compte de la diver-sit et du mtissage de notre espace national.Il convient enfin de permettre aux filires deproduction et de diffusion artistiques de trouverleur quilibre conomique, en cohrence avec larglementation europenne. Pas de dmocratieculturelle sans pluralisme des contenus produitset diffuss. Prenant acte que la culture est dsor-mais un vritable monde conomique et social

(environ 50 milliards deuros, plus de 3 % du PIB),la gauche doit passer dune logique de subvention une logique de rgulation et dincitation.Pour relever ces dfis, nous aurons besoin dune

organisation beaucoup plus dcentralise, sans sepasser pour autant dune vision et dune impulsionnationale. Ltat est le mieux plac pour piloterla stratgie et rguler le secteur. En transfrantprogressivement ses moyens daction aux rgionsou agences spcialises dans laccompagnementdes filires artistiques et culturelles (sur le modledu CNC ou du CNL), il leur permettra dagir auplus prs des ralits des acteurs.Lchelon local,essentiel pour la cohsion sociale, sera pleinement

oprationnel pour dvelopper lducation artis-tique et les pratiques en amateur, ou pour favoriserlexpression de la diversit culturelle dans lespacepublic. Ainsi rorganise, laction de la Rpubliqueretrouverait un peu de cohrence et de lisibilit. Lecitoyen-contribuable y verrait plus clair. Le profes-sionnel saurait de nouveau quoi il sert. Lluredeviendrait garant de lintrt gnral. Chacunessayant de saisir la complexit dun monde enperptuelle mutation.

Ltat est le mieux plac pour piloter lastratgie et rguler le secteur. En transfrant

progressivement ses moyens daction auxrgions ou agences spcialises

dans laccompagnement des filires artistiqueset culturelles (sur le modle du CNC

ou du CNL), il leur permettra dagir au plusprs des ralits des acteurs.


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la droite contrarie par son archasme. Le septennatde Giscard, marqu par la fin des trente glorieuseset les deux chocs ptroliers, est apparu comme un

renoncement, pas comme un constat dimpossi-bilit. Au cours des trente dernires annes, uneternit sous certains aspects (le temps qui sparele dbarquement de Normandie de llection deGiscard), on est entr dans un monde totalementnouveau : celui de la mondialisation, du capita-lisme financier, de la dsindustrialisation

Daniel Cohenest professeur dconomie lcole normale suprieure,

Paris I et lcole dconomie de Paris. Il est galement membredu Conseil danalyse conomique (CAE) auprs du Premier ministre

D comme dclin

a France est obsde par lide de sondclin. Grande nation europenne au

XVIIIesicle Chine de lEurope , elle

a progressivement perdu sa place au profitde lAngleterre tout dabord, la fin duXVIIIesicle, puis de lAllemagne, lors de laseconde rvolution industrielle, la fin duXIXesicle.

Aprs-guerre, les trente glorieuses lui ont redonnconfiance. Mais le thme du dclin est progressive-ment rapparu avec la crise, comme en tmoigne lesuccs du livre de Nicolas Baverez,La France qui

tombe, ou celui de Yann Algan et Pierre Cahuc,Lasocit de dfiance. En trente ans, la France est nouveau traverse par le doute.Lorsque la gauche promet de changer la socit en1981, il y a une espce dvidence sur les termes.La gauche qui vient au pouvoir hrite des trenteglorieuses et de mai 1968. Elle comprend sonrle comme dtre un acclrateur dune histoireinluctable, celle qui tend vers le progrs, et que

L

Lyotard, dans un livre prmonitoire, laCondition post-moderne, notait lpuisement

des grands mythes qui avaient port le mondemoderne. De la Rvolution franaise la rvo-

lution sexuelle des annes soixante, lhommetait devenu lagent hroque de sa propre

libration . Cette squence sinterrompt,lmancipation, pour reprendre une expression

dAlain Ehrenberg, nest plus une esprance,elle est devenue une condition partage.


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23Le Dossier

rsultent de la comptition conomique commeun fait de nature, reprochant lgalitarisme de lagauche. Elle a enfin, et peut-tre surtout, captlide de lhritage national comme rponse perti-nente la mondialisation, renvoyant la gauche un

internationalisme dmod. Bref, la droite sembletransformer, sans souci de contradiction, lide dudclin en une valeur positive, clbrant les tradi-tions dans un monde en mutation dont elle acceptepourtant la promesse.La gauche doit renouer avec lide de progrs :cest son marqueur gntique. Elle doit inventer unnouvel horizon dattente, qui donne un fil conduc-teur aux transformations en cours et lui permette demontrer un chemin. Mais la charge de la preuve a

chang de camp. La droite campe dans la nouvellevidence dun monde qui perd ses cadres moraux,tout en se moulant parfaitement dans la nouvelle socit de divertissement . linverse, la gauchedoit dmontrer par la preuve quil existe des solu-tions non contradictoires la recherche de pouvoir

dachat et au souci cologique, la dfense de ltatProvidence et la mondialisation, la recherchedune socit dgalit et defficacit. Toutes cesdmonstrations sont possibles et ncessaires, maiselles ont perdu lvidence quelle pouvait revtir

pendant les trente glorieuses, au temps pass de lasocial-dmocratie incarne, quand lide de progrsavait la force naturelle dun fait objectif.

La gauche doit renouer avec lide de progrs :cest son marqueur gntique. Elle doit inventer

un nouvel horizon dattente, qui donne un filconducteur aux transformations en cours

et lui permette de montrer un chemin.Mais la charge de la preuve a chang de camp.

La droite campe dans la nouvelle videncedun monde qui perd ses cadres moraux, touten se moulant parfaitement dans la nouvelle

socit de divertissement .


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e


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faibles que possible. La question demeure : quelscots et dans quelles conditions sommes-nous prts nous engager dans cette voie ? En 2008, lUnion

europenne a engag une politique ambitieuse pourrelever ces dfis en fixant aux tats membres lob-jectif, dici 2020, de rduire de 20 % leurs mis-sions de gaz effet de serre, damliorer de 20 %leur efficacit nergtique et de porter 20 % lapart des nergies renouvelables dans la consomma-tion dnergie. Elle a complt ces objectifs dini-tiatives pour ladaptation des rseaux aux nergiesrenouvelables et la matrise de la consommation(super grid,smart grid).

Outre ses vertus conomiques et environnemen-tales (lnergie la moins chre et la moins polluanteest bien celle quon ne consomme pas), la ralisa-tion des objectifs europens a octroy un avantagecomparatif la France. Le mixnergtique de laproduction dlectricit rserve en France une placeprpondrante aux nergies dcarbones (74 % denuclaire et 15 % de renouvelables) par rapport ses partenaires europens (50 % dnergies fossiles

Nicolas Dalleest matre de confrences lIEP

E comme nergie

prs une courte priode daccalmie,lnergie est nouveau en crise : crise

dune consommation toujours croissante de

ressources fossiles puisables, soutenue parcelle de 50 % dune population mondialeaspirant lamlioration significative de sesconditions de vie ; crises gopolitiques lies la concurrence entre des acteurs toujoursplus nombreux pour laccs ces ressources ;crises environnementales provoques pardes missions de gaz effet de serre et desdchets chaque anne en hausse ; crises tech-nologiques, enfin, confrontes aux besoins

de renforcer la sret des outils industrielset dinnover, que ce soit dans la production,le transport, le stockage ou lefficacit de laconsommation dnergie.

Lobjectif est donc connu et largement partag : ilnous faut disposer ds que possible dune nergieefficacement produite et consomme, abondante etdont les externalits environnementales sont aussi

A


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dans le mix de lUnion europenne et 60 % defossiles dont 45 % de charbon dans celui de lAlle-magne). La France a, toutefois, la part de nuclairedans son mix la plus importante au monde avantlUkraine, 48 %, ou le Japon, 30 %. Ce mix est

parmi les moins metteurs de CO2en Europe (4 foismoins que lAllemagne). Il a permis la France dediminuer ses efforts dans la lutte contre le rchauf-fement climatique et de construire un chemin verslaprs-ptrole. Il a limit sa dpendance lgarddes producteurs dhydrocarbures, structur unefilire industrielle dexcellence, cratrice dem-plois, et fournit une lectricit un prix infrieurdenviron 35 % la moyenne europenne et 50 %aux prix allemands.

Le nuclaire ne constitue pas, pour autant, unesolution absolue au rchauffement climatique,reprsentant 14 % du mixmondial, contre 17 %pour les nergies renouvelables. Il a conduit, enFrance, une surproduction et une surconsom-mation structurelle dlectricit. Le modle degouvernance de ce secteur, hrit de la Libration,sest, par ailleurs, rvl peu compatible avec lemarch unique et a conduit une perte dinfluencede la France lheure o une politique europenne

ambitieuse en matire dnergie est indispensable.Sa comptitivit est, enfin, rgulirement conteste,notamment cause des cots de dmantlement etdes exigences croissantes de sret.La catastrophe nuclaire de Fukushima au Japon,en ne limitant plus les accidents des pays dfail-lants comme lUkraine, a fragilis la confiancedans ce chemin vers laprs-ptrole mme si mme

si peu de pays (lAllemagne, la suisse et lItalie ce jour) ont formellement dcid de labandonner.Lacceptation sociale du nuclaire tait relativeen France, bien que suprieure celle de lAlle-magne ou de lAutriche. Elle sest dgrade aprsFukushima, malgr le maintien de la confiance

dans la gouvernance de ce secteur en France. Leprojet du Parti socialiste prvoit de sortir de ladpendance du nuclaire . Lexpression apparat certains excessive, dautres toujours trop timore.Il nen reste pas moins quun rquilibrage de notremixlectrique conduit une rorientation signifi-cative de la politique nergtique de la France.Les dfis lis aux nergies renouvelables sontmoins lis leur potentiel thorique (il existe suffi-samment de vent ou de soleil pour satisfaire tous

nos besoins), qu quatre contraintes majeures :1. industrielle : garantir la scurit du systme lec-trique (intermittence de certaines nergies et faiblemoyen de stockage) ; 2. financire : les consomma-teurs, les oprateurs et les investisseurs doiventpouvoir financer de nouveaux actifs de produc-tion dans un contexte de rduction des dpensespubliques, de protection du pouvoir dachat et decrise financire ; 3. environnementale : les nouveauxactifs de production ne doivent pas dgrader les

efforts consentis pour diminuer les missions deCO2 sauf rengocier nos engagements interna-tionaux et acclrer dautres prils ; 4. socitale :les nouvelles nergies doivent tre acceptes parla population, mme en grand nombre, et ne pasdonner lieu des conflits dusage.Les scnarios de sortie du nuclaire ont, pour laplupart, trois tendances en commun : une prioritabsolue donne la matrise de la demande, un

La France a, toutefois, la part de nuclairedans son mix la plus importante au monde

avant lUkraine, 48%, ou le Japon, 30%. Cemix est parmi les moins metteurs de CO2enEurope (4 fois moins que lAllemagne). Il a

permis la France de diminuer ses efforts dansla lutte contre le rchauffement climatique etde construire un chemin vers laprs-ptrole.

E comme nergie

Lacceptation sociale du nuclairetait relative en France, bien que suprieure

celle de lAllemagne ou de lAutriche.Elle sest dgrade aprs Fukushima, malgr le

maintien de la confiance dans la gouvernancede ce secteur en France.


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large dveloppement du solaire et de lolien etlutilisation du charbon/gaz/biomasse pour quili-brer le systme lectrique. Ils sont probablementles plus ambitieux en termes dinnovations et din-vestissements dans une co-industrie fortement

cratrice demplois. Ils ne lvent toutefois pasencore les incertitudes pour construire un chemingalement sans nergies fossiles, notammentpour grer les pointes de consommation, garantirlefficacit des actions de matrise de la demandeainsi que pour sassurer de lacceptabilit socialedes signaux de prix La tentation des pays quiannoncent une sortie rapide du nuclaire est alorsgrande dadopter lobjectif sans concertation avecleurs partenaires europens, puis de scuriser leur

approvisionnement par des importations (y comprisnuclaires) de pays frontaliers et la constructionde centrales au charbon et au gaz. Or, lensembledes systmes lectriques europens sont intercon-nects et les prix sont dsormais harmoniss sur laplaque continentale. Labsence de concertation surles moyens de production est donc dangereuse pourlensemble de lEurope et fait partager par tous lesconsommateurs les avantages et inconvnients despolitiques publiques des tats membres.

Le chemin de laprs nuclaire doit donc reposersur un cadre de rgulation renforc qui prvoi-rait la diminution progressive mais certaine dunuclaire un rythme industriellement et cono-miquement soutenable. Ce cadre de rgulationdonnerait la priorit absolue des investissementspublics la matrise de la demande et aux nergies

renouvelables.Il prvoirait la cration dun fondsde transition intgralement abond par limptsur les socits des entreprises dnergie, lesdividendes perus par ltat, une taxe addition-nelle sur les nergies fossiles et une taxe sur le

risque nuclaire qui ferait converger les tarifs dellectricit des mnages vers la moyenne des prixeuropens.Ce renchrissement des prix serait compens parladoption de nouveaux dispositifs de redistribu-tion, fonds sur des critres cologiques et de soli-darit. Ainsi, la tarification progressive garantiralaccs de tous la part essentielle de la consom-mation dnergie et les moyens seront donns auxconsommateurs de simmuniser contre les augmen-

tations tarifaires venir sans dgrader leur confortgrce lamlioration de lhabitat. Par ailleurs,une loi de programmation de la transition dfini-rait le cadre de rgulation conomique et tech-nique de laprs nuclaire et un objectif indicatifde nuclaire et dlectricit dcarbonne dans lemix terme. lissue de ce chemin, la loi pourraitprvoir la fermeture rapide des centrales.En contrepartie de ces investissements, lextensionde la dure de vie des centrales serait possible

sous rserve des dcisions de lAutorit de sretnuclaire (ASN), car cest grce aux centrales dontles cots sont amortis quil est possible de raf-fecter une partie de la rente nuclaire au finan-cement de la transition. Cette extension permettraitde ne pas subir la fois la perte de recettes lie la fermeture des centrales et le besoin de finance-ment de nouveaux moyens de production ainsi quede partager ces investissements avec le consom-mateur europen. Un tel chemin tirerait rsolu-

ment les leons de Fukushima. Il engagerait laFrance sur la voie de laprs nuclaire et de latransition nergtique, de faon pragmatique afinde garantir la soutenabilit conomique et socialede leffort ainsi que son efficacit technique, touten prparant lavenir des filires industrielles enFrance. Il suppose, toutefois, un discours politiqueaussi pdagogique que responsable sur les prix delnergie et leur adquation aux objectifs fixs.

Le chemin de laprs nuclaire doit doncreposer sur un cadre de rgulation renforc

qui prvoirait la diminution progressivemais certaine du nuclaire un rythme

industriellement et conomiquementsoutenable. Ce cadre de rgulation donnerait la

priorit absolue des investissements publics la matrise de la demande

et aux nergies renouvelables.


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Laurent Baumelest secrtaire national adjoint aux relations internationales et lEurope

et co-auteur (avec Franois Kalfon) deLquation gagnante.La gauche peut-elleenfin remporter la prsidentielle? ditions du Bord de lEau, mai 2011.

F comme Franais

loccasion de llection prsiden-tielle, le candidat ou la candidate

socialiste fera face un corps lectoral

marqu par lampleur de son miettementpolitique et sociologique. Pour btir son quation gagnante 1, il ou elle devrasadresser dabord des groupes idologiquesou sociaux divers, dfinis par la diffrencede leurs valeurs, de leurs statuts profession-nels leurs positions dans les rapports deproduction, aurait-on dit autrefois , leurlieu de rsidence, leur ge, leur originepersonnelle en sefforant de trouver des

rponses appropries aux attentes multipleset contradictoires quengendre cette ralitmultiforme.

Mais conscient(e) des impasses possibles dundiscours qui se rduirait une juxtaposition depromesses catgorielles, il ou elle cherchera toute-fois aussi dpasser cette fragmentation initialeen rassemblant les lecteurs autour de quelques

A mots dordre fdrateurs : lemploi, la jeunesse,la protection sociale, la justice De ce point devue aussi, le ou la candidat(e) devra se souvenir

quil ne sadresse pas simplement, dans cette lec-tion prsidentielle, une socit mais aussi unepersonnalit collective, un pays, une nation. Il ouelle ne devra pas seulement aller au printempsprochain la rencontre des couches populaires et des couches moyennes , des jeunes etdes seniors , des habitants des cits et des ruraux mais galement la rencontre dun peuple , la rencontre des Franais, dans cequils ont de (ou en) commun : la France.

Lexercice ne coule pas tout fait de source pour unsocialiste : la captation historique de la patrie par la droite au moment de laffaire Dreyfus, lideque le nationalisme fait cran la question sociale,le traumatisme des deux guerres mondiales, ontancr dans les rflexes de la gauche une prventionidologique vis--vis du discours national. Mmesil a perdu son caractre belliciste dantan et symanifeste avec plus de pudeur quaux tats-Unis


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par exemple, le sentiment dappartenance nationalena pourtant pas disparu de lHexagone. Dans unepoque o tous les repres anciens sont bousculs,il persiste chez les Franais sous la forme pacifiemais profonde dun besoin didentification unepersonnalit collective, une histoire, une culture,des traditions partages et transmises de gnrationen gnration. Les Franais apprhendent surtoutavec une certaine angoisse le nouveau monde quise dessine. partir de leur propre exprience et

des images mdiatiques qui lui en sont donnes,ils assimilent la mondialisation une srie demenaces de plus en plus pesantes et une comp-tition conomique destructrice dans laquelle ilsredoutent de ntre pas les mieux arms. Ils salar-ment du dclin suppos de leur pays dans lemouvement plus gnral de dsoccidentalisationdu monde. Il est clair que llection prsidentiellemet toujours en jeu, par nature, cette double dimen-sion de la projection extrieure de la France et de

lidentit collective.

Oser parler de lidentit franaise

La gauche doit bien sr rcuser violemment lediscours xnophobe qui se dveloppe droite etrduit de faon artificielle et cynique la question delidentit nationale celle de limmigration. Elle ne

doit pas craindre pour autant de parler de lidentitfranaise. Elle a tout gagner, dans la campagnequi vient, valoriser, en premier lieu certainesvaleurs ou attitudes politiques largement parta-ges par tous les Franais et qui les singularisent

par rapport dautres peuples : lattente, encorepuissante malgr les dceptions accumules, duntat pilote et protecteur, capable de rguler tantlconomie que la socit ; la qute dune ambitiontransformatrice toujours latente dans un pays quia historiquement rinvesti son besoin de croire dans la politique. Lattachement non dmenti lapromesse galisatrice de lcole rpublicaine ;celui, indfectible, aux services publics et lascurit sociale. La lacit, comme volont de

donner chacun les armes de son mancipationet comme refus denfermer les individus dans descommunauts ethnico-religieusesCes diffrents lments doivent dautant plus treassums par la gauche quils correspondent la partde ces valeurs de gauche qui a t intriorise, au fildu temps, dans le consensus politique national. Ilsconstituent la composante rpublicaine de lidentitfranaise, laquelle tout homme ou toute femme degauche ne peut videmment que tmoigner sa fid-

lit, en se gardant de laisser dautres le soin de seles approprier. Pour gagner le cur des Franais,la gauche doit aussi savoir parler positivement destraditions qui constituent aussi, au-del de la poli-tique, lidentit franaise. Lode aux terroirs estvidemment insupportable lorsquelle se confondavec la dfense des Franais de souche oulorsquelle vise exclure ltranger de lacommunaut nationale. Mais, renouant en ce sensavec linspiration mitterrandienne, la gauche, qui

le fait dj largement travers laction de ses luslocaux, aurait tout intrt savoir rendre davan-tage hommage dans son discours national despratiques sociales et culturelles ancres dans nosterritoires, porteuses de valeurs, dune douceur devivre, dune faon spcifique d tre-ensemble ,qui font contrepoids au rgne sans partage de lindi-vidualisme et du consumrisme, et qui constituentdailleurs aux yeux du monde une des marques de

F comme Franais

Le ou la candidat(e) devra se souvenir quilne sadresse pas simplement, dans cette

lection prsidentielle, une socit maisaussi une personnalit collective, un pays,

une nation. Il ou elle ne devra pas seulementaller au printemps prochain la rencontre

des couches populaires et des couchesmoyennes , des jeunes et des seniors ,des habitants des cits et des ruraux mais galement la rencontre dun peuple ,

la rencontre des Franais,dans ce quils ontde (ou en) commun : la France.


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fabrique de la Francecomme en tmoigne le clas-sement moins anecdotique quil ny parat - durepas gastronomique des Franais au patrimoinemondial de lhumanit.

Redonner aux Franais de la confiancedans la mondialisation

Le candidat ou la candidate socialiste devra satta-cher sortir la France de son rapport dfaitiste la mondialisation. Bien sr, il ou elle devra porterun regard critique sur cette dernire et indiquer lesrgulations quil entend apporter au fonctionnementdu capitalisme financier et du commerce mondial.

Mais, quitte assumer devant lopinion la confron-tation avec les candidats qui de Mlenchon Marine Le Pen feront de la tentation rgressivesouveraino-populiste leur fonds de commerce, il ouelle devra aussi rappeler aux Franais quen permet-tant de les sortir partiellement de la pauvret, lin-tgration dans le commerce mondial de nombreuxpays en voie de dveloppement nest pas seulementune catastrophe ; ou quen faisant mergerune conscience politique et des solidarits plan-

taires, labolition des distances et la mondialisation

culturelle ont quelques avantages Malgr la criseet les inquitudes quelle prennise, la gauchedoit surtout redonner confiance aux Franais dansleurs propres potentialits, les convaincre quilspossdent, eux aussi, dans ce monde nouveau,

des atouts valoriser. Loin de lautodprciationambiante, de la fascination rcurrente des litespour les modles trangers, il est temps de direaux Franais que leur pays nest pas condamn ntre plus quune des toutes premires destina-tions touristiques du monde, un pays en voie demusification, mais quil a tout ce quil faut enmagasin pour raccrocher le peloton de tte : desavantages naturels, une diversit gographiqueexceptionnelle, un dynamisme dmographique

bien rel, une main-duvre qualifie, une impor-tante culture scientifique et technique, des infras-tructures publiques de qualit, des positions fortesdans des secteurs de pointe, une influence politiqueet un rayonnement culturel encore reconnu, larmenuclaire, des positions diplomatiques et des airesdinfluence Bien videmment, ces atouts doiventtre mis en mouvement dans une stratgie la foisoffensive et astucieuse. Thme central de la futurecampagne socialiste, la restauration dune politique

industrielle volontariste se rattache cette ambi-tion. Le grand chantier ducatif, avec un investis-sement consquent dans lenseignement suprieurpeut tre aussi rapport cette volont nouvelledinsertion conqurante dans la mondialisation.Parce quelle offre une occasion unique pour unesorte de retour rflexif de la communaut natio-nale sur elle-mme, la campagne prsidentielle quisannonce peut devenir, si la gauche le dcide etparvient crer cet lan, le moment historique

partir duquel les Franais sortent de leur sinistroseauto entretenue pour reprendre collectivementconfiance dans leur destin commun.

Loin de lautodprciation ambiante,de la fascination rcurrente des lites

pour les modles trangers, il est tempsde dire aux Franais que leur pays nest pas

condamn ntre plus quune des toutespremires destinations touristiques du monde,

un pays en voie de musification, mais quila tout ce quil faut en magasin pourraccrocher le peloton de tte.

1.Laurent Baumel et Franois Kalfon, Lquation gagnante, la gauche peut-elle enfin remporter la prsidentielle ?ditionsdu Bord de lEau, mai 2011.


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g


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Grard Le Gallest politologue et conseiller auprs de la direction commerciale de Suez

G comme ghetto

vec le temps, le sens de certainsmots, forte rsonance historique,

smancipe par rapport aux circonstances

qui les ont vus natre. Ainsi totalitarisme , apartheid , esclavage , indignat , goulag , connaissent de frquentes mta-morphoses dans le dbat public, le plussouvent au mpris de lhistoire, et pire, deses victimes. Plus rcemment, ghetto vaconnatre un usage commun sans beaucoupde liens avec ses rfrences un pass loin-tain, ni son ultime exprimentation dansles annes 1940 en Pologne et en Union

Sovitique. On peut vrifier cet envahisse-ment dans le champ politique, administratif,scolaire, urbanistique, sociologique et biensr mdiatique.

Voici peu en juin 2010 le Conseil danalyse stra-tgique (CAS) en prsence dune ministre ne sin-terrogeait-il pas : des ghettos franais : abus delangage, ralit ou terme cran ? . Le sminaire fut

A conclu par le secrtaire gnral du Comit inter-ministriel des villes, prfet de la Rpublique, quicrut devoir dclarer quil existait des ghettos en

France. Dans la documentation distribue, aucunrappel sur lexistence ddification de ghettos,durant la priode nazie. Quand lair du temps est,parat-il, lindignation, pourquoi ne pas mani-fester sa libert dexpression contre un usage tropextensif, rarement productif et souvent marqu dusceau de la mconnaissance, aux limites de lind-cence. Quand le devoir mmoriel est si justementdevenu impratif, catgorique, comment tolrer,aussi passivement, le mpris quotidien la mmoire

de ceux qui ont souffert ou pri dans les ghettos ?Sil existe, lvidence, un consensus contempo-rain pour mieux comprendre les complexes ralitsurbaines1, comme une volont, locale et nationale,de lutter plus efficacement contre certaines situa-tions intolrables daujourdhui, pourquoi convo-quer un tel symbole si explicite des pires pages denotre histoire europenne ?Par-del la dimension morale de laffaire, on en


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succinctement quelques traits de la ralit dughetto. Cest un lieu de relgation rgi par unemultitude de contraintes juridiques, toujours plushumiliantes, dans lorganisation de la sphre dutravail, du commerce, de la proprit, de la libert

daller et venir, dans limposition du port du chapeaujaune et de la rouelle. On voquera, encore, parexemple, la pratique denlvement denfants dughetto pour les convertir, loin de leurs parents,dans des couvents. Le ghetto de la priode nazieempruntera certains traits des sicles passs. LonPoliakov dans sonBrviaire de la haine 4(1951) ledcrit dans le chapitre IV de son ouvrage ouvrantle suivant sur Les exterminations ! Dcrivantprincipalement le ghetto de Varsovie, il y montre

une collectivit artificiellement cre , herm-tiquement close rduite une misre et unefamine lancinante , un monde de cauchemars ,un miroir dform de la condition humaine ,un entassement effroyable , quelque chosedintermdiaire entre maison de fous et marchoriental . Lvocation parallle avec les camps deconcentration revient spontanment sous la plumedes rares survivants.La frquentation de la littrature sur les ghettos

mdivaux, musulmans ou nazis, devrait suffire inhiber tout citoyen et lui interdire tout usageinappropri du terme. Lintellectuel, pour sa part,devrait savoir que le concept de ghetto renvoie une vision du monde en forme dapartheid (spa-ration), cest--dire de diffrenciation des droitsavec son environnement extrieur. Entre autres

soulignera une totale msinterprtation. Le ghettonest ni un espace plus ou moins clos et plus oumoins autonome, ni une simple figure ethnico-spatiale. Le quartier juif du haut Moyen ge,mme avec ses hauts murs denceinte, nest pas,

ou pas encore le ghetto2

. Ce dernier ne surgitpas dans lhistoire de lEurope chrtienne avantle XIIIesicle et ne trouve son nom quen 1516 Venise3. Il est laccomplissement de la hirarchiede lglise, dun projet la fois politique et reli-gieux la chose se confondait lpoque pourmieux contrler le monde dans sa totalit. cettefin, il faut, en usant de la contrainte, concentrer lespopulations de culture juive, afin de les isoler dumonde environnant, pour mieux les dissoudre et les

intgrer par conversion. Plusieurs conciles et ency-cliques papales vont, au fil des sicles, amnagercette contrainte sociale.Bien plus tard Hitler, dans Mein Kampf (1924),annoncera la lgislation raciale de Nuremberg(1935). Pour leur part, les juristes nazis veille-ront distinguer dans des ordonnances de 1942,les ghettos proprement dits, avec cloisonne-ment hermtique et contraintes maximales, et les quartiers juifs qui de fait, permettaient une vie

quotidienne un peu moins effroyable. La distinc-tion, toute smantique, fut de peu de consquencespour le destin des deux populations. Les ghettos lesplus peupls, par apports successifs de populationsfurent, soulignons-le, une des institutions les plusefficaces de la solution finale .Afin de mieux attirer lattention sur les frquentscontresens de certaines productions sociologiqueset ditoriales franaises, on sefforcera de rappeler

G comme ghetto

Sil existe, lvidence, un consensus contem-porain pour mieux comprendre les complexes

ralits urbaines, comme une volont, locale etnationale, de lutter plus efficacement contre

certaines situations intolrables daujourdhui,pourquoi convoquer un tel symbole si explicitedes pires pages de notre histoire europenne ?

La frquentation de la littrature sur lesghettos mdivaux, musulmans ou nazis,

devrait suffire inhiber tout citoyen et luiinterdire tout usage inappropri du terme.

Lintellectuel, pour sa part, devrait savoir quele concept de ghetto renvoie une vision du

monde en forme dapartheid (sparation),cest--dire de diffrenciation des droits avec

son environnement extrieur.


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35Le Dossier

les termes mmes de ghetto ou de sgrga-tion ni sont plus tabous. En fait, on croit dcou-vrir que lauteur qui assimile allgrement les deuxconcepts, plus ou moins conscient de laudace,justifie le dtour par la caricature comme mode

dapprofondissement du dbat dmocratique ! Ce gauchisme smantique qui rappelle les excsdu maosme franais des annes 1960-1970, souve-nons-nous des nouveaux partisans , semble segnraliser. Dans lhebdomadaire Marianne, ona pu lire en 2011 un article ainsi titr : Bien auchaud dans nos ghettos de bobos ou encore quandles ditions du Seuil vont imposer deux cher-cheurs du CNRS spcialistes dtudes sur la grandebourgeoisie, le titre de leur ouvrage :Les ghettos du

gotha(2007)6

!Si les ghettos de Venise, Rome ou Prague des sicleslointains et de Varsovie ou Lodz des annes 1940taient limage de nos quartiers les plus pauvres,alors le pass ntait peut-tre pas aussi cruel, etnous nous dirions collectivement les victimes dunegigantesque mystification. Si linverse, la transpo-sition est pertinente, alors le prsent porte en germeles pires tragdies pour les catgories sociales lesplus vulnrables. Mais dans ce cas, et dans ce cas

seulement, le mot ghetto trouverait une justifica-tion. Aux dialecticiens par excs de langage denous le prouver par ltude rigoureuse des faits. Ilsen deviendraient plus convaincants !

caractristiques, faut-il rappeler quil est mono-thnique (juif, ou noir aux USA), gnralementmono-religieux, matriellement strictement fermet rigoureusement surveill, trs htrogne socia-lement (des riches et des pauvres) et culturelle-

ment. Autant de diffrences majeures avec certainsquartiers de nos villes, mme les plus dgrads !Loin de ceux qui assimilent quartiers sensibles et ghettos , Eric Maurin, dans son essai Leghetto franais (2004)5 marque sa singularit enne sattardant gure sur les seuls espaces dgradsmaintes fois tudis. Il porte son attention etanalyse avec mthode un implacable jeu dvi-tement et de dfiance dans toute la socit entreniveaux de catgories sociales. Chacun contribuant

par l mme produire de la sgrgation urbaine.Cette ambitieuse tentative de thorisation est hlasaltre. La vision est donne dune socit fran-aise fragmente - ce qui nest pas neuf - mais envoie de ghettosation avec, aux extrmes, des ghettos chics (sic) et des ghettos pauvres ,l o, on en conviendra, le mot quartiers auraitpu convenir ! On sinterroge alors un moment surles connaissances de lauteur en matire de ghetto,dautant qu aucun instant de ltude il prouve le

besoin de justifier lemploi du mot, comme le choixdu titre. On croit tre rassur quand en conclusionlauteur constate que le dbat dmocratique acertainement avanc ces dernires annes puisque

1.Voir Runifier et rconcilier la ville , Constat et propositions. Avis du Conseil conomique et social prsent parGrard Le Gall.2.Pour parfaire sa culture on lira larticle de Grard Lahon dans Encyclopdia Universalis.3.Ricardo Calimani, Histoire du ghetto de Venise, prface dElie Wiessel, Collection Texto, ditions Tallandier, 2008.4.Lon Poliakov, Brviaire de la haine, Le IIIeReich et les juifs ,Prface de Franois Mauriac, Calmann-Lvy, 1951.5.Les ghettos franais. Enqute sur le sparatisme social, Collection La rpublique des ides, Le Seuil, 2004.6.Monique Charlot-Pinon et Michel Pinon, Les ghettos du Gotha, Le Seuil, 2007.


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Guillaume Bachelayest secrtaire national du Parti socialiste lindustrie,

aux entreprises et aux nouvelles technologies.

H comme Houellebecq

utour de nous, dans le vaste monde,lhistoire se noue dans les livres.

LItalie berlusconienne est capte parLa Fte

du Siclede Niccol Ammaniti. LAmriquezombie de la violence et du fric avance aupas des anti-hros de Bret Easton Ellis. Les

Brothersde Hu Yua expriment le sens moralet lapptit, les ples de la Chine contempo-raine. En refermant ces romans au prsent,le roman du prsent peut encore tre critou rcrit. Une gauche italienne est possible,tout comme une vie au-del du dollar et delinstant.

En France, tout se passe comme si la littraturetait une matire vivante, instructive et prescrip-tive, pour tous les pays sauf pour le ntre ! Le sortrserv loeuvre de Michel Houellebecq illustrecette inertie. Par commodit, on le range dans descases, celles que coche Daniel 1, lhumoriste aucynisme bankablede La Possibilit dune le : jedevins de plus en plus mchant, et par consquent

A de plus en plus caustique ; le succs, dans cesconditions, finit par arriver dune ampleur, mme,qui me surprit 1.

Critique de mai 1968 et des monothismes (LesParticules lmentaires), apologie du tourismesexuel et questionnement charge de lislam(Plateforme), guerre la vieillesse et rmissionpar le clonage (La Possibilit dune le), les thmeshouellebecquiens sont millimtrs pour recueillirun maximum dUnits de bruit mdiatique (UBM).Hlas ils clipsent lontologie de lpoque quiles sous-tend. Les ligues de vertu sindignent,les dfenseurs des droits de lhomme montent au

rideau, la gauche se bouche le nez, la droite fermeles yeux, les magazines lchent puis lynchent, leWeb fait monter la sauce, des religieux portentplainte, lditeur se frotte les mains, bref le spec-tacle a gagn : Ctait pli davance, tout a,compte tenu de la socit o on vivait, il ne pouvaitgure en aller autrement ; il nempche que, les-pace dune ou deux saisons, je mtais retrouvdans la peau dun hros de la libert dexpression2.


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Thse, antithse, foutaise. Rien de grave, mais riende srieux, non plus.Mme le Goncourt, surtout le Goncourt, estutilis pour baliser la forme et banaliser le fond.Il rcompense lcrivain assagi , son style

moins polmique et ses proccupations plus grand public : le march de lart et la filiation.En somme, Houellebecq rentre dans le rang. Leshonneurs peuvent lui tre rendus, comme on le faitpour un mort au combat. Le hic est queLa Carte etle Territoire, louvrage prim, vrifie la prdictiondExtension du domaine de la lutte: Sous nos yeux,le monde suniformise ; les moyens de tlcommu-nication progressent ; lintrieur des appartementssenrichit de nouveaux quipements. Les relations

humaines deviennent progressivement impossibles,ce qui rduit dautant la quantit danecdotes dontse compose une vie (...) Le troisime millnairesannonce bien 3. Arrachons Houellebecq et sestextes aux provocations et aux honneurs qui nousprivent de leur force. Lisons-le et vite ! Le compte--rebours du nouveau Moyen ge est lanc : Cest partir de ce moment, je pense, que jeus lintuitionquun phnomne nouveau allait se produire 4.Une crise profonde et globale que seul un saut

dhumanit peut vaincre.Mondialisation et dclassement. Aprs vingt ansde conflit entre fin de lHistoire et choc des civi-lisations, le besoin dun bilan de lge global sefait sentir : la mondialisation de lconomiedonna naissance une comptition beaucoup plusdure qui devait balayer les rves dintgration

de lensemble de la population dans une classemoyenne gnralise au pouvoir dachat rguli-rement croissant ; des couches sociales de plus

en plus tendues basculrent dans la prcarit etle chmage 5. Sen suit une raction en chane :dgradation des conditions de travail ( dans cemtier, nous sommes parfois soumis des pressionsterribles 6), mise en concurrence des salaris (ausein du groupe Aurore, Jean-Yves et Valrie nejouaient plus ; ou bien si, mais ils jouaient leurcarrire 7), contagion du management corporateaux services publics (le ministre de lAgriculturedans Extension). Les Trente Glorieuses sont un

lointain souvenir. Lascenseur social ne fonctionneplus qu la descente, la haine de soi et des autresse diffuse, par exemple chez linformaticien pari-sien en dplacement professionnel qui ne supportepas la vue des amateurs de skateboard , desindividus , des maris , des retraits , desimmigrs , des mendiants 8. Quant au prophtede la secte Elohim, il appelle voter pour Jean-Marie Le Pen contre Jacques Chirac au second tourde la llection prsidentielle, dans le but dacc-

lrer la dcomposition de la pseudo-dmocratiefranaise 9.Dsindustrialisation et Europe-muse. La Francede Houellebecq est celle du dclin industriel et deses dgts : la relgation dune partie grandissantedes travailleurs la priphrie des centres villes,lcart qui se creuse entre revenus du capital et dutravail, larrogance dune lite improductive symbo-lise par les VIP qui brunchent dans le Marais (La

H comme Houellebecq

Arrachons Houellebecq et ses textes auxprovocations et aux honneurs qui nous privent

de leur force. Lisons-le et vite ! Le compte--rebours du nouveau Moyen ge est lanc :

Cest partir de ce moment, je pense,que jeus lintuition quun phnomne nouveau

allait se produire . Une crise profondeet globale que seul un saut dhumanit

peut vaincre.

Les Trente Glorieuses sont un lointain souvenir.Lascenseur social ne fonctionne plus qu

la descente, la haine de soi et des autresse diffuse, par exemple chez linformaticienparisien en dplacement professionnel quine supporte pas la vue des amateurs de

skateboard , des individus , des maris , des retraits , des

immigrs , des mendiants .


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Possibilit dune le) et rveillonnent dans lhtelparticulier de Jean-Pierre Pernaut (La Carte et leTerritoire). Usines et ouvriers cdent la place uneFrance-chambre dhtes et une Europe-parc dat-traction. lhorizon 2030-2040, la production et

limmigration de travail sont parties lautre boutdu monde : Nayant gure vendre que des htelsde charme, des parfums et des rillettes ce quonappelle un art de vivre, la France avait rsist sansdifficults ces alas , non sans avoir travers ledsert avec la rduction drastique des mesures deprotection sociale intervenue au dbut des annes2020 10. LAllemagne ne fait pas exception : lesautorits locales tentaient de mettre sur pied untourisme industriel, fond sur la reconstitution du

mode de vie ouvrier au dbut du XXe

sicle 11

.

Le culte de la jeunesse et la peur du vieillissement.

Dans la World culture, vieillir signifie dchoir. Auboulot, sur la plage, lcran, les corps jeunes sontexalts et les autres relgus. Une conomie de lgese constitue : Un voyage aux Etats-Unis lavaitconvaincu que la chirurgie esthtique offrait despossibilits davenir considrables un praticienambitieux 12. La solidarit cote cher, la vieillessedevient insoutenable au regard social, et son poidslectoral, un obstacle la jeunesse permanente : ce

fut sans doute la canicule de lt 2003, particuli-rement meurtrire en France, qui devait provoquer

la premire prise de conscience du phnomne 13

.Houellebecq imagine ltape ultime, le triomphe dubio pouvoir : dveloppement de leuthanasie et dusuicide en Europe, childfree zones en Floride,autorisation par lONU du clonage humain pourune humanit de fait : Voil, a y tait : noustions dans le monde normal() un monde de kidsdfinitifs 14.Le monde de laprs-crise. Les futurs ne sont pascrits. Le pire peut advenir sous leffet du change-

ment climatique, de la manipulation de lADN, desguerres ethniques et religieuses (LaPossibilit dunele). Contre la barbarie, il ny a que la civilisation. Latechnique oublieuse des fins, le march, le consu-mrisme, lindividualisation, les industries cultu-relles nous procurent le global sans le mondial, lemondial sans luniversel. Lautre chemin consiste retrouver un intrt au monde et aux autres : Vousaussi, vous vous tes intress au monde. Ctait il ya longtemps ; je vous demande de vous en souvenir

() vous ne pouviez vivre plus longtemps dans ledomaine de la rgle ; aussi, vous avez d entrer dansle domaine de la lutte. Je vous demande de vousreporter ce moment prcis. Ctait il y a longtemps,nest-ce pas ? Souvenez-vous : leau tait froide 15.Pour changer nos modes de production et deconsommation, revaloriser le travail et la bonneperformance, tablir des solidarits entre lespersonnes, les gnrations, les territoires, pour

Usines et ouvriers cdent la place uneFrance-chambre dhtes et une Europe-parc

dattraction. A lhorizon 2030-2040, laproduction et limmigration de travail sontparties lautre bout du monde : Nayant

gure vendre que des htels de charme, des

parfums et des rillettes ce quon appelleun art de vivre , la France avait rsistsans difficults ces alas , non sans avoir

travers le dsert avec la rduction drastiquedes mesures de protection sociale intervenue au

dbut des annes 2020 .

Lautre chemin consiste retrouver un intrtau monde et aux autres : Vous aussi, vous

vous tes intress au monde. Ctait il ya longtemps ; je vous demande de vous en

souvenir () vous ne pouviez vivre plus long-temps dans le domaine de la rgle ; aussi, vousavez d entrer dans le domaine de la lutte. Jevous demande de vous reporter ce momentprcis. Ctait il y a longtemps, nest-ce pas ?

Souvenez-vous : leau tait froide .


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mesurer la qualit du progrs, nous devons rvisernos certitudes et changer nos habitudes. Ainsidcouvrirons-nous, par exemple, que la ralit etla beaut dun lieu ne sont pas sur lcran du GPS,mais sur la carte Michelin Dpartement : Le

contraste tait frappant : alors que la photo satellitene laissait apparatre quune soupe de verts plusou moins uniformes parseme de vagues tachesbleues, la carte dveloppait un fascinant lacis dedpartementales, de routes pittoresques, de pointsde vue, de forts, de lacs et de cols. Au-dessus desdeux agrandissements, en capitales noires, figuraitle titre de lexposition : LA CARTE EST PLUSINTRESSANTE QUE LE TERRITOIRE 16.Pour combattre la haine de la culture et de lalt-

rit, citoyens et politiques doivent, par-del le

matrialisme et le libralisme, dfinir les contourset le contenu dune spiritualit laque. Spiritualitpuisquil faut rpondre la question des Anciens :quest-ce quune vie russie ? que ni le droit, ni laproprit ne satisfont.Laquecar dans une socit

scularise, le sens de la vie ne se trouvera pasdans un retour aux dogmes traditionnels et auxarguments dautorit. Cest alors que le romancierse tait et que parle le pote :

Je veux dire, un monde o lon pourrait vivreDepuis le premier instantEt jusqu la fin, jusquau terme naturel ;Un tel monde nest en aucun cas dcrit dans noslivres.

Il existe, potentiel. 17

H comme Houellebecq

1.La Possibilit dune le, Fayard, 2005, p. 21.2.Ibid, p. 48.3.1994, Jai Lu, 1997, p. 16.4.La Possibilit, op. cit., p. 354.5.Les Particules lmentaires, Flammarion, 1998, p. 83.6.Extension du domaine de la lutte, ditions Maurice Nadeau, 1994, p. 135.7.Plateforme, Flammarion, 2001, p. 171.8.

Extension,op. cit., pp. 69-72.9.La Possibilit,op. cit., p. 128.10.La Carte et le Territoire, Flammarion, 2010, pp. 415-417.11.Ibid, p. 427.12.Les Particules,op. cit., p. 36.13.La Possibilit,op. cit., p. 92.14.Ibid, p. 263.15.Extension,op. cit., pp. 13-14.16.La Carte,op. cit., p. 82.17. Naissance aquatique dun homme , extrait du recueil Rester vivant suivi de La Poursuite du bonheur, Flammarion,1997, inMichel Houellebecq, Posie, Jai Lu, 2010, p. 134.


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publique ltranger venu des pays du Sud et desanciennes colonies.

Chaque pays a sa propre histoire de limmigration.Lorsquon parle d immigrants Outre-Atlantique,la France parle d immigrs , les Pays-Basd allognes et lAllemagne ont longtemps utilisle terme travailleurs invits . Dans les tats quise sont constitus partir dune immigration depeuplement, comme les tats-Unis, les conditionsdentre et de sjour des trangers sont slectives,tout en saccommodant dun nombre importantdirrguliers arrivs par la back door(13 millions

aux USA). Ces socits dimmigrants se disent multiculturelles , ce qui signifie un traitementinstitutionnel spcifique de la diffrence : ltatrecense des groupes ethniques, quitte prendredes mesures daffirmative action pour compenserles injustices historiques (esclavage et sgrgation).Le Vieux Continent a connu une autre histoire etla France y tient une place singulire. Pays dim-migration depuis le milieu du XIXe sicle, alors

Jacqueline Costa Lascouxest directrice de recherche honoraire au CNRS,

associe au CEVIPOF, Sciences-Po Paris

I comme intgration

e mot intgration irrite souventles jeunes issus de limmigration ,

qui le peroivent comme une injonctionmle de dfiance. Pourtant, lintgration estun concept fort du droit international, quiqualifie le processus par lequel des lmentsdiffrents construisent un ensemble cohrentrespectant les singularits : Unir dans ladiversit , selon la devise europenne.

Le processus est irrversible (lantonyme est ladsintgration), alors que la simple insertion est

toujours susceptible dune rinsertion dans un autrecontexte. Lintgration se distingue, par ailleurs, delassimilation qui opre par effacement de lalt-rit dans un corps dominant.1Alors pourquoi cesrticences croissantes, lorsquil sagit dimmigra-tion ? En ralit, si le terme immigr dfinit la personne ne trangre ltranger et rsidanten France, quelle ait ou non acquit entre-temps lanationalit franaise , il dsigne dans lopinion

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que les autres pays europens ont t, pendantdes dcennies, des pays dmigration, la Francea accueilli des vagues migratoires successives ;les immigrs se sont installs et ont acquis majo-ritairement la nationalit franaise. Pendant plus

dun sicle, lexception des annes sombres deVichy, les modalits dobtention de la nationalitse sont diversifies : la premire loi franaise surle droit du sol date de 1851 ! En France, la poli-tique dmancipation des minorits na jamaist adopte, mais les changements de cap sesont succd depuis vingt ans. Durant les annesquatre-vingt-dix, les politiques de lintgration sesont dveloppes autour des zones prioritaires,des publics cibles, des quartiers sensibles

Le sociologisme de la diffrence sest impos.Lethnicisation de la socit franaise a ds lorst exploite par les mouvements dextrme droite.Elle a accompagn les explosions de violence dansles quartiers difficiles et la radicalisation desrevendications identitaires ou religieuses.Tandis que le modle communautariste commen-ait tre critiqu aux tats-Unis2, en France,le systme concurrentiel nolibral anglo-saxon,prn aprs la chute du Mur de Berlin, a triomph.

Or, par une curieuse inversion logique, les checsde lintgration ont t attribus au modlerpublicain alors que, prcisment, il ntaitplus appliqu. Laggravation de la relgation dansles territoires perdus de la Rpublique et lejeu des identits meurtrires (pour reprendrelexpression dAmin Maalouf) ont fait obstacle

lmancipation individuelle et lintrt gnral. Lalutte contre les discriminations a t contrecarre

par la valorisation de lethnicit. Il en est rsultdes phnomnes complexes de victimisation, decumul des discriminations, de jeu de rles entreauteurs et victimes (on peut tre victime de racismeet auteur dinjures sexistes ou homophobes). Ladnonciation globale de la France raciste etlempilement de mesures sectorielles ont masqules mcanismes luvre. Une quinzaine dannesont t perdues dans de striles querelles sur lemodle rpublicain .

Une raffirmation des valeurs de la Rpublique a ttente, mais le dlitement tait profond. Dans sonDiscours de Troyes, en octobre 2002, le Prsidentde la Rpublique annonait la refondation de lapolitique de lintgration laissant au Haut Conseil lIntgration la mission den prciser la philoso-phie, celle du contrat social, et le principe dexten-sion du droit commun de prfrence aux statutsparticuliers. Par ailleurs, un cahier des charges adfini les droits

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La Revue socialiste n°43 Abécédaire de la France