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La Russie d'Aujourd'hui est une source d'informations politiques, économiques et culturelles internationalement reconnue. Elle propose une couverture médiatique réalisée sur le terrain par des journalistes possédant une connaissance en profondeur du pays, ainsi que des analystes et un vaste éventail d'opinions sur les événements actuels.
Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu
Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The Washington Post et d’autres grands quotidiens internationaux
Distribué avec
Mercredi 21 septembre 2011
Limonov ravi d’être le trublion des lettres
Le Lion de Venise pour Sokourov
La vie de l’ancien poète « underground » a inspiré un romancier français.
Quel dictateur se cache derrière le « Faust » du réalisateur russe le plus hermétique ?
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La discrimination envers les salariés seniors s’accentue et la course à l’emploi est perdue d’avance passé 40 ans.
Trop vieux à 40 ans
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Délices d’antanLe « Musée des saveurs oubliées » à Kolomna a ressuscité de succulentes friandises pré-révolutionnaires comme la pastila, à base de chair de pomme.
Le groupe français convoite l’énorme marché de la grande vitesse russe et appâte les autorités en offrant un accès maximal à ses dernières technologies.
Alstom transfère
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www.larussiedaujourdhui.fr
SOVIET K ITCH : LES ICÔNES DU DESIGN
PHOTOXPRESS
Une nouvelle vie pour le parc Gorki
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L’immense parc Gorki, autre-fois le lieu de repos préféré des Moscovites, a gagné au � l du temps une mauvaise réputa-tion. Un milliardaire veut lui donner une deuxième chance.
OPINIONS
POLITIQUE &SOCIÉTÉ
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Inquiétudes sur la sécurité aérienne
La Russie détient cette année le record mondial des victimes d’accidents d’avions. La presse évoque la vétusté du matériel des petites compagnies.
La Russie et l’Europe face à l’immigrationL’expert russe Vladislav Ino-zemtsev pointe du doigt les pa-rallèles et les différences entre les politiques migratoires en Europe et en Russie.
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ANTON MAKHROVLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Dmitri Medvedev souhaite bousculer le train-train des hauts fonctionnaires et désengorger le centre de la capitale. Du coup, Moscou va radicalement s’agrandir.
Les objectifs du président tom-bent sous le sens : « Améliorer le développement de la mégalo-pole de Moscou et simplement rendre plus facile la vie d’un grand nombre de personnes ». La tâche est pharaonique : cons-truire à partir de zéro une ville de 100 000 à 500 000 âmes.« Que la ville des fonctionnaires soit modeste, oui, mais elle doit être autonome », estime Mikhaïl Khazanov, vice-président de l’Union des architectes de Mos-cou. « Les organes supérieurs du pouvoir fédéral, ce ne sont pas uniquement des bureaux. Il faut aussi des logements, une infras-tructure sociale, des transports et des structures commerciales offrant des services aux per-sonnes », poursuit l’architecte. Contrairement à ce qui était at-tendu, les fonctionnaires ont montré une surprenante bonne volonté. Il leur avait pourtant été imparti très peu de temps.
Moscou va se donner de l’airUrbanisme Le Kremlin veut relocaliser les grandes institutions politiques hors des murs de la capitale
SUITE EN PAGE 2 La future cité administrative, qui accueillera les fonctionnaires dans la banlieue de Moscou, permettra de désengorger la capitale.
Le 4 septembre, la campagne autour du village de Borodino a été le théâtre d’une reconsti-tuion historique de la bataille
PHOTO DU MOIS
199 ans après BorodinoUn mousseux bien de « chez nous » !
aménager un petit coin de pa-radis champenois lucratif dans le Midi russe. En misant sur une riche histoire et le prestige de la marque, Titov est con� ant dans l’avenir : « Du point de vue de la réussite, notre premier objec-tif est une introduction en bourse prochaine, pour le début 2012 ». L’entreprise, estimée à 70 mil-lions d’euros, proposera 15% des parts aux investisseurs. Installé dans son vaste bureau lumineux et élégant, Titov nous reçoit entre deux réunions. Aux murs, diplômes et récompenses, des photos sépia des premiers œnologues français, la proprié-té avant la Révolution, à l’époque soviétique. Mais cette page est tournée.
« Chaque année depuis six ans, nous venons faire le plein de champagne pour le réveillon. C’est un rituel ». Tamara et Alexeï, la cinquantaine pé tillante, ont parcouru 1 700 km, de Nij-ni-Novgorod vers les côtes de la
VERONIKA DORMANSPÉCIALEMENT POURLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le « champagne » des tsars actuellement fourni au Kremlin est fabriqué dans le sud de la Russie selon des techniques françaises.
Viticulture Un entrepreneur produit un « champagne » russe
SUITE EN PAGE 5
de la Moskova (Borodino pour les Russes) où, en septembre 1812, l’armée napoléonienne su-bit d’énormes pertes.
mer Noire, pour venir acheter du « champagne » Abrau-Durso et passer quelques jours dans le cadre idyllique du village viti-cole lové dans les collines ver-doyantes de la région de Kras-nodar, au bord du lac Abrau. Depuis qu’il a été repris par l’oli-garque Boris Titov, le domaine Abrau-Durso, fondé en 1870 par le tsar Alexandre II, est en pleine expansion. Avec 13 millions de bouteilles par an et un chiffre d’affaires de 48 millions d’euros, le quatrième producteur de vin mousseux en Russie aspire à
AP/EASTNEWS
AFP
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PRESS
02 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro Politique & société
Préparé parVeronika dorman
lu dans la PresseLa coLère après une série de catastrophes aériennes
En quatre mois, quatre avions se sont écrasés en Russie, en faisant des dizaines de morts. À chaque fois, des appareils de concep-tion soviétique. Après le crash du Yak-42 dans lequel ont péri 43 joueurs de hockey de haut niveau, le président Medvedev a exigé des mesures radicales. Mais les médias doutent de plus en plus de la capacité et des pa-roles du gouvernement.
la sécuriTé dans deux moisAnastasia Dagaevavedomosti
caTasTroPhe ordinaireÉditorialgazeta.ru
des TêTes doiVenT TomberStanislav Koutcherkommersant fm
Medvedev a chargé le gouvernement d’élaborer d’ici le 15 novembre une série de mesures pour limiter l’activité des « compagnies incapables d’assurer la sécurité des passagers ». Toutes les catastrophes de cette année ont impliqué des avions de petits transporteurs, sur des lignes locales, ou des charters. Medvedev a annoncé la création d’un réseau moderne de compagnies qui couvriraient le pays entier en subventionnant les lignes intérieures et régionales. Les directives du président attirent aussi l’attention sur le personnel navigant comme facteur clé de la sécurité des vols, sur sa formation et son niveau de qualification.
Le matériel aéronautique russe est dans un état moribond. Après chaque catastrophe, les fonctionnaires répètent les mêmes for mules de circonstance sur la sécurité, la modernisation et le développement du parc aéronautique. Mais les déclarations sur la nécessité de moderniser ne sont pas suivies d’effet. L’état des routes, des avions, des hôpitaux ou des centrales électriques est tel que le pays vit en permanence au bord de la catastrophe, devenue ordinaire. Le pouvoir doit radicalement changer sa manière de gérer la vie du pays, qui ressemble dangereusement à un avion fatigué et obligé d’atterrir d’urgence, avec des conséquences imprévisibles.
Quand estce que le ministre des Transports sera limogé ? Je n’ai rien contre lui, c’est sûrement un type bien, un bon père de famille. Mais si nous voulons, comme le répète souvent notre président, devenir un état de droit et une société civile, nous devons élaborer quelques règles de bienséance. En premier lieu, un code de comportement des fonctionnaires. Il faut absolument qu’il y ait des licenciements, car c’est un indicateur de la responsabilité de l’État face au peuple. Dans une société normale, le ministre de la Sécurité donne sa démission après une série d’attentats. Chez nous, il reçoit une médaille et se rapproche encore des cimes du pouvoir.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, 40% des Russes fument. Mais dès 2013, les cigarettes devront avoir disparu des kiosques de rue, et leur vente ne sera autorisée que dans les grands magasins. À la place des paquets : des listes de marques et de prix. À partir de 2014, l’interdiction de fumer s’étendra aux transports publics, aux bars et restaurants. Et dans les cages d’escalier, les fumeurs devront obtenir le consentement de tous les habitants de l’immeuble...
nouvelle loi anti-tabacla méThode du Tour de Vis ProGressif
en bref
les hauts fonctionnaires relocalisés en banlieueAfin de préparer les options du « grand déménagement », Medvedev leur a donné moins d’un mois. Des représentants de la municipalité s’étaient plaints d’un délai trop court, mais ils sont néanmoins parvenus à le respecter. Les autorités régionales ont d’ores et déjà accepté de transférer à la ville une zone délimitée par les routes vers Kiev et Varsovie, et par le grand anneau de la voie ferrée de Moscou. Y seront aménagés 105 millions de mètres carrés de sites, dont 45 millions de mètres carrés de bureaux et 60 millions de mètres carrés de logements. C’est à peu près le double du volume annuel de la construction dans toute la Russie. Le maire de Moscou, Sergueï Sobianine, aura besoin de près d’un an pour résoudre des problèmes que les experts comparent à ceux rencontrés par d’autres projets similaires ailleurs dans le monde, et résolus, comme au Brésil. La capitale actuelle Brasilia a été créée exnihilo, le site choisi étant d’ailleurs loin d’être le plus confortable : au beau milieu de la jungle. C’est selon un schéma similaire qu’a opéré le président kazakh Noursoultan Nazarbaïev, lorsque la capitale a été transférée d’Almaty à Astana. Cette démarche permet avant tout de rompre les liens corrompus entre les fonctionnaires et les représentants de diverses élites. D’ailleurs, c’est une expérience semblable qu’avait tentée au XVIIIe siècle le tsar réformateur Pierre le Grand, en déplaçant la capitale vers les marais de SaintPétersbourg.
suiTe de la Première PAGE
la zone d’expansion de moscou
Un autre dispositif a été mis en place en Birmanie et au Nigéria, où le centre du pouvoir a été implanté à partir de zéro dans un site difficile d’accès. Le remplacement des grands commis de l’État n’était pas à l’ordre du jour. Au contraire, les autorités cherchaient à protéger les fonctionnaires contre d’éventuels troubles sociaux.Enfin, une troisième option a été utilisée par les autorités de Malaisie où a été fondée une ville ultramoderne réservée aux fonctionnaires, à 20 km de Kuala Lumpur : Putrajaya, le nouveau
centre administratif du pays. Dans aucun de ces cas la question d’un renouvellement radical de l’élite ne s’est posée, le processus étant principalement lié à des raisons de commodité et de gestion. À en juger par l’emplacement du nouveau siège du pouvoir russe, l’option de Medvedev semble s’inspirer du modèle malais, car tous les sites proposés sont faciles d’accès.Le chef de projet de la compagnie de gestion immobilière Trinfiko, Artem Tsogoïev, reste méfiant : « Nous faisons face à une situation où les institutions sont nominalement extraites de la ca-pitale, mais néanmoins chacune d’elles devra conserver, outre le siège en région, une importante filiale à Moscou ».Dans tous les cas, le coût devrait être substantiel, estiment les ex
perts. « 12 à 15 mètres carrés par fonctionnaire seront nécessaires. La construction et l’équipement reviendront à environ 2 105 euros le mètre carré. Non seulement les fonctionnaires, mais aussi leur personnel a besoin d’espace. Le coût total du déménagement d’un officiel pourrait se situer entre 50 000 et 100 000 dollars (soit entre 35 000 et 70 000 euros)», calcule le partenaire gérant de l’agence immobilière Blackwood, Konstantin Kovalev. Les promoteurs du projet sont pourtant convaincus que ces dépenses seront rentabilisées. Le ministre des Finances Alexeï Koudrine estime que le transfert permettra de libérer des bâtiments dans le centreville. Si la vente en est bien gérée, le coût à long terme du projet pourrait être entièrement amorti.
PaVel niKoulinespeciaLement pourLa russie d’aujourd’hui
l’ancien vice-président alexandre ankvab est devenu, le 26 août dernier, le troisième président de cette république qui s’est séparée de la Géorgie et rapprochée de la russie.
L’Abkhazie à l’ombre du grand frère russe
élections ankvab, nouveau président
L’Abkhazie est un coin subtropical du Caucase, situé sur les rives de la mer Noire. Prisé pour ses stations balnéaires du temps de l’URSS, ce petit bout de paradis est aujourd’hui à l’abandon. La région a été durement touchée durant le conflit mené en 199293 contre la Géorgie dont elle voulait se séparer. La majorité des Abkhazes détiennent un passeport russe et, par conséquent, sont en droit de voter aux élections présidentielles en Russie. Mais c’est leur propre scrutin présidentiel qui a animé la saison estivale.Pour un touriste de passage, la procédure électorale peut paraître étrange. Dès l’aurore, les gens se pressent aux bureaux de vote, bien avant l’ouverture officielle du vote. « Il y a encore une semaine, j’ai appelé Ankvab et je lui ai dit que je voterais pour lui », raconte Evgueni, un rapatrié né à Soukhoumi, la capitale de l’Abkhazie, et rentré au bercail au moment de sa re traite. Cette accessibilité du pouvoir n’est pas une nouveauté en Abkhazie. Sergueï Bagapch, le prédécesseur d’Ankvab, aimait aller à la rencontre de la population locale. D’ailleurs, de nombreuses réunions informelles se tenaient dans un petit café du bord des quais, non loin de l’administration présidentielle. Le président s’asseyait à une table, commandait une tasse de café turc, allumait une cigarette. N’importe quel visiteur pouvait s’asseoir à sa table et discuter avec lui. Ce café présidentiel est appelé, aujourd’hui encore, la brekhalovka (du verbe russe brekhat, qui signifie tenir une conversation légère). La Russie apporte une aide électorale à l’Abkhazie en contribuant à l’organisation du travail du centre de presse et à l’accueil des observateurs. Après le scrutin, les Abkhazes se rassemblent autour des bureaux de vote, se hissent aux fenêtres, et suivent attentivement le dépouillement. Les résultats officiels sont an
noncés le jour suivant, à midi, mais dans les quartiers généraux, les résultats sont connus à peine cinq heures après la fermeture des bureaux de vote.Evgueni est satisfait : son favori, Alexandre Ankvab, l’a emporté au second tour le 26 août. Le président de la Fédération de Russie, Dmitri Medvedev, a félicité le nouvel élu dans lequel les Abkhazes sont nombreux à voir, ironiquement, leur Vladimir Poutine. Mais il revenait à Medvedev de souhaiter « un renfor-cement des relations russo-abkhazes ».Issu de la police, Ankvab cultive l’image d’un homme dur (il a survécu à quatre tentatives d’élimination au cours de sa carrière politique) et ferme, qui sera capable de remettre de l’ordre dans un pays dont la survie dépend du soutien économique de Moscou. Le nouveau président, qui es time que l’Abkhazie a besoin de l’injection de liquidités russes pendant encore 5 à 10 ans, a « confirmé le cap sur le parte-nariat stratégique avec la Rus-sie ». La Russie a été la pre mière, dès 2008, à reconnaître la souveraineté de l’Abkhazie à l’issue d’une guerre éclair avec la Géorgie. Pour sa part, l’Union éuropéenne maintient son soutien à l’intégrité territoriale de la Géorgie. Seuls trois autres pays, dont deux îles minuscules du Pacifique, ont depuis emboîté le pas à Moscou.À défaut de reconnaissance diplomatique, l’Abkhazie a obtenu celle de la Fédération internationale de... domino ! Le mois prochain, sa capitale Soukhoumi accueillera les championnats du monde de cette discipline où sont représentés tous les pays membres des Nations Unies !
ankvab succède à bagapch.
pierre le grand avait déplacé l’administration mais cette fois, il n’est pas question de changer de capitale
100 millionsde mètres carrés : c’est la surface totale des différentes construc-tions prévues sur le nouveau ter-ritoire.
70 000euros : c’est le prix estimé de trans-fert de chaque fonctionnaire dans le nouveau centre d’affaires.
x 2,4La superficie de la municipalité de Moscou après l’expansion sera mul-tipliée par près de deux fois et de-mie.
en chiffres
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le nouveau centre administratif doit permettre de désengorger les artères surchargées de la capitale.
03LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Politique & Société
ALEXEÏ BOÏARSKIKOMMERSANT
Pour de nombreux salariés de 40 ans et plus, perdre son emploi signifie pré-retraite forcée. Les recruteurs refusent de voir en eux des éléments productifs sauf cas particuliers.
Emploi : plus de 40 ans s’abstenirMarché du travail La discrimination contre les seniors est une pratique qui se généralise et intervient de plus en plus tôt
En Russie, l’âge limite pour tra-vailler ne se situe pas autour de 60 ans, mais plutôt deux décen-nies plus vite. Pour la majorité des emplois, y compris les p ostes de cadre supérieur, les entrepri-ses ne recrutent en effet qu’en dessous de la barre des 40 ans. La cinquantaine passée, trouver du travail relève de la gageure.« Entreprise recrute directeur gé-néral, âge maximum 40 ans... Di-recteur des ventes, âge maximum 35 ans... ». Dans la base de don-nées du portail de recherche d’emploi Superjob.ru, 54% des offres affichent un âge maximum pour postuler. Selon le chef de projet du site de recrutement Ra-bota.ru, Evguenia Chatilova, dans 75% des cas, le recruteur indique l’âge souhaité du can-didat. Et même quand l’âge n’est pas précisé, dans la plupart des cas, le critère existe implicite-ment. « J’ai trois diplômes supé-rieurs », témoigne Lioudmila. « Actuellement à la recherche d’un emploi, j’ai déjà répondu à 34 offres. Mais je n’indique pas mon âge. 19 employeurs m’ont contacté. En apprenant que j’ai 55 ans, 14 des recruteurs ont admi qu’ils avaient des restric-tions d’âge ». Les rares offres des-tinées aux 45-50 ans sont pour des postes sans perspective d’évo-lution. « Les principaux problè-mes auxquels se heurte l’ancien-ne génération : connaissance insuffisante de l’économie mo-derne, faible connaissance des langues étrangères, difficultés à adopter la culture de l’entre prise moderne et à s’adapter à un nou-veau style de management. Par exemple, la limite d’âge pour un cadre moyen de la finance se situe entre 35 et 38 ans. On consi-
Don augue eget arcu blandit sollicitudin. Nulla ante m.
dère que si le candidat a plus de 40 ans et qu’il n’est pas encore directeur � nancier, c’est que quel-que chose ne tourne pas rond. Soit il n’est pas assez profession-nel, soit il manque d’ambition », admet le directeur général des ressources humaines de l’entre-prise Antal Russia, Mikhaïl Ger-mershausen. Autre obstacle : un manque de maturité de la part
des jeunes recruteurs qui ont tout simplement peur des se-niors : « Ils ne savent pas com-ment établir les liens, confondent l’activité professionnelle avec leurs propres con� its familiaux non résolus... C’est pourquoi il leur est plus facile et plus sûr de s’adresser à des personnes plus jeunes », estime la chef de pro-jet du cabinet de recrutement
Consort Group Olga Rybakova. Il reste cependant un secteur d’activité où non seulement l’âge ne représente pas un obstacle, mais où être senior peut même constituer un avantage. « Par exemple, un candidat de 50 ans postulant à un poste de gestion-naire d’actifs, avec toute sa clien-tèle », souligne le directeur gé-néral adjoint du développement
commercial de la société d’in-vestissement Solid, Alexeï Zaï-kine. Dans certains métiers, l’âge est synonyme d’expérience : comme le prouvent les statistiques, on préfère voir des personnes de 35-50 ans à des postes de direc-teur général, et des ingénieurs en chef de 35-45 ans. Quant aux femmes d’âge mûr, on leur con� e
volontiers les tâches ménagères et la garde des enfants : mieux vaut avoir entre 30 et 50 ans. « Souvent, la gestion des en-treprises étrangères (en particu-lier allemandes ou japonaises) est con� ée à des seniors », i ndique Mikhaïl Germershausen. « Ainsi, une compagnie internationale a, pour un poste de consultant ju-ridique senior, � xé la limite d’âge minimale à 36 ans ». La direc-trice des ressources humaines du groupe � nancier BKS Olga Sa-vosko estime qu’« après 50 ans, il est possible de trouver un bon emploi sous réserve d’une car-rière réussie, lorsque vous êtes familier au marché et avez tra-vaillé comme cadre supérieur dans des entreprises de renom. Ou bien lorsque vous êtes expert dans un domaine rare, ou en� n, si vous possédez d’excellentes re-lations commerciales utiles à l’entreprise. Sinon, les chances de trouver un emploi décent sont minces. À un certain âge, le re-crutement s’effectue en général par recommandation ». Or, le mo-dèle d’affaires de nombreuses entre prises est conçu de telle façon qu’il n’y a même pas be-soin de recruter de bons profes-sionnels. Au final, le plafond d’expérience pour des postes de subordonnés dans les secteurs les plus divers tourne autour des 30-35 ans. Selon le portail Su-perjob.ru, la courbe des salaires moyens des différents groupes d’âges en 2011 croît au fur et à mesure que l’âge avance, et a tteint un pic aux alentours des 40 ans. Ensuite, les revenus n’augmentent plus, et dans cer-tains secteurs, ils baissent. Si la situation ne change pas, en Rus-sie comme en France, les trente-naires d’aujourd’hui entendront bientôt ce même triste refrain : « Nous voulons former une équipe jeune, vous ne nous convenez pas ».
GALINA MASTEROVALA RUSSE D’AUJOURD’HUI
Le parc Gorki fut longtemps le lieu de promenade favori des habitants de la capitale. Laissé à l’abandon et mal géré depuis 20 ans, il est tombé dans un piteux état. Mais il va renaître...
1,4 milliards d’euros pour transformer « Moscou plage »
Loisirs L’oligarque Roman Abramovitch veut recréer la magie du parc Gorki
ses infrastructures défaillantes et de quelques faits divers crimi-nels, dont le plus retentissant a donné lieu à un livre et un � lm célèbres (Parc Gorki) : il avait ac-quis une fort mauvaise réputa-tion. Mais tout va changer grâce au projet de rénovation, chiffré à 1,4 milliards d’euros, de l’un des plus grands espaces verts du c entre-ville (environ 120 hec-tares). Une initiative due au mil-liardaire Roman Abramovitch et soutenue par le maire de Moscou Sergueï Sobianine. C’est un proche collaborateur d’Abramovitch, Sergueï Kapkov qui a été désigné pour diriger la manœuvre. Il a promis de rem-placer les attractions foraines décaties par une roue panora-mique semblable au London Eye.
Plani� é par le célèbre archi tecte soviétique constructiviste Kons-tantin Melnikov dans les années 1920, le parc Gorki avait été conçu pour être un lieu de détente, mais aussi de culture, avec un théâtre et un cinéma. Il attirait alors une foule de Moscovites qui, à l’époque, ne disposaient que de peu de pos-sibilités de loisirs. Puis, au � l des années, le parc était devenu ma-lade de ses attractions négligées, de ses bouis-bouis illégaux, de
globale de goudron sera consi-dérablement réduite. Une plage estivale a également été créée, et une longue promenade permet-tra bientôt de relier le parc Gorki au Mont des Moineaux. Autre nouveauté : un réseau de bars gérés par un collectif très en vogue à Moscou.
Le parc Gorki est plus vaste que Hyde Park à Londres.
Chelsea, Tchoukotka et... un parcMondialement connu comme pro-priétaire du club de football an-glais de Chelsea, Roman Abra-movitch est l’un des hommes les plus riches de Russie. Son dernier projet en date : un investisse-ment dans la région de Tchoukot-
La recherche d’un emploi se fait surtout par relations
Statistiques
Un concours sera organisé pour désigner l’architecte chargé de restaurer le parc. Quelques chan-gements symboliques sont déjà perceptibles. L’entrée du parc est désormais gratuite, avec wi-fi disponible sur tout le territoire. Une piste de skateboard a été aménagée, tandis que la surface
ka (en face de l’Alaska) dont il a été gouverneur. Il peut compter sur ses succès et ses appuis po-litiques pour le mener à bien. Sa compagne, Daria Joukova, prévoit d’y déménager sa célèbre galerie d’art contemporain « Garage ».
« Le parc Gorki est plus grand que Hyde Park, et peut-être mieux », fanfaronne Ilya Oskol-kov-Tsentsiper, consultant à l’institut d’architecture et de design Strelka, en répétant la citation devenue célèbre de Medvedev. Une chose est cer-taine : le public du parc va
changer. En attirant la jeunes-se branchée à solides revenus, les investisseurs se débarrassent aussi des prolétaires accourant aux attractions foraines. Reste une question : le nouveau Gorki saura-t-il parler au cœur des Moscovites ou seulement à une élite ?
Article publié dansKommersant
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04 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro économie
Paul duVerneTLa russie d’aujourd’hui
le monopole d’état hélicoptères russes vient d’ouvrir pour la première fois aux journalistes étrangers les portes de l’usine Progress fabriquant l’hélicoptère d’attaque Ka-52.
l’« alligator » jaillit hors de la taïga d’extrême-orient
armement Les grandes commandes de l’armée relancent le secteur couragent pas dans cette direc-tion », conclut Rodin. À partir de 2014, l’usine produira aussi l’hélicoptère de gabarit moyen Ka-62, celui-ci avec une moto-risation Turboméca.Hélicoptères Russes va dépenser cette année 250 millions de dol-lars (soit 183 millions d’euros) en recherche et développement sur de nouveaux modèles d’hélicop-tères. « Environ la moitié provien-dra de nos fonds propres, l’autre viendra du budget fédéral et de crédits ban caires », explique Dmi-tri Petrov.En début d’année, la société avait annoncé une introduction en bourse à Londres et à Moscou pour 2011 afin de lever 500 mil-lions de dollars (366 miliions d’euros) destinés à rembourser la dette et racheter les parts mino-ritaires des filiales du groupe. Le groupe a changé d’avis face au manque d’intérêt des investisseurs et à l’instabilité des marchés.Andreï Reus, directeur d’Obo-ronProm, la holding d’État déte-nant 100% des actions d’Hélicop-tères Russes, affirme que le groupe est financièrement à l’aise. « La dette n’est pas un problème car nous avons un vaste carnet de commandes. Les banques d’État russes et même privées comme Alfa nous proposent des crédits bon marché. D’ailleurs, la valeur de Hélicoptères Russes a considérablement augmenté de-puis le moment où nous avons annoncé notre intention d’aller en bourse. L’offre publique d’achat aura lieu en 2012 », glisse-t-il avec un sourire confiant.
« Je suis très impressionné. Les Russes investissent lourdement. On ne voit plus cela en Europe », explique Claude Planchamp, un expert en métallurgie français qui aide depuis un an l’usine Progress à se moderniser. Helicoptères Rus-ses a investi 72 millions d’euros dans l’usine et en investira en-core le double dans les toutes prochaines années, sou ligne son patron Dmitri Petrov. Claude Planchamp note, admiratif : « Ils ont clairement choisi le meilleur équipement du marché », faisant référence aux robots de l’italien IMF dans l’atelier fonderie. « Ce sera l’une des cinq meilleures fon-deries au monde. Ils peuvent sor-tir des pièces de magnésium de 100 kg », un exploit dans l’ aéro-nautique. Des outillages automa-tisés de l’allemand DMG et du japonais Mazak complètent l’ar-senal flambant neuf de Progress. Et tout cela au beau milieu de la
devrait en principe équiper le porte-hélicoptères Mistral vendu par la France. « Entre 8 et 16 Ka-52 par navire », précise Dmi-tri Petrov, le patron d’Hélicop-tères Russes. L’armée russe vient de passer la semaine dernière une commande de près de trois milliards d’euros pour sa socié-té. Dmitri Petrov ajoute que « des négociations ont déjà eu lieu » pour l’exportation du Ka-52, seul au monde dans sa catégorie à être doté de rotors contrarota-
tifs et de sièges éjectables. Il a en outre l’avantage d’être deux à trois fois moins cher que son concurrent Tigre d’Eurocopter. Progress démarre également la production d’hélicoptères civils. Cinq Mi-34C1 étaient assemblés dans le même hangar. Cet appa-reil léger (un pilote et trois pas-sagers) doit concurrencer le Ro-binson américain pour un prix sensiblement inférieur. « Nous comptons en produire au moins 200 exemplaires par an », lance Dmitri Rodin, qui dirige le pro-gramme Mi-34C1. « Nous sommes par contre septiques sur la mo-torisation à turbine proposée par Turboméca, trop lourde et coû-teuse pour ce type d’appareil. D’ailleurs les ventes médiocres du 120 d’Eurocopter ne nous en-
le hangar de montage final du Ka-52, sur le site de l’usine Progress, à arséniev.
taïga, dans l’extrême-orient russe, à 250 km au nord de Vladivos-tok.Ce sont naturellement les pétro-dollars du budget et les com-mandes de l’armée russe qui tirent Hélicoptères Russes, et particulièrement l’usine Progress, hors du marasme après 20 ans de grosse déprime. L’Alligator
Paul duVerneTLa russie d’aujourd’hui
alstom Transport élargit rapidement son partenariat avec Transmachholding (Tmh) à tous les segments ferroviaires.
Signaux de transferts technologiques en vueTransports Visite de l’usine de Novotcherkassk, où le groupe français alstom modernise la production de locomotives
tie qui intéresse le plus les constructeurs étrangers – dont Alstom – est celle des 2 500km de lignes à grande vitesse qui doivent être construites en Rus-sie d’ici 2018, date à laquelle le pays organisera la Coupe du monde de football.
Alstom multiplie les signaux aux autorités russes pour signifier qu’il est prêt à localiser la pro-duction et transférer ses tech-nologies, ce qu’il fait déjà avec TMH. Vingt-deux de ses ingé-
locomotive fret baptisée 2ES5.Le marché, et plus particulière-ment RJD, répond positivement à ces efforts, puisque depuis 2008, l’alliance TMH Alstom a reçu des commandes pour 700 locomo-tives totalisant 3,5 milliards d’euros. Thierry Best, directeur commercial d’Alstom Transport, note qu’il n’y a « pas exemple de pays où Alstom ait connu une croissance aussi forte qu’en Rus-sie ». L’alliance TMH et Alstom Transport a également répondu à de gros appels d’offres comme le métro d’Omsk (Sibérie) et les tramways de Saint-Pétersbourg et de Moscou. Afin de se posi-tionner face aux besoins russes, les deux groupes envisagent de lancer avec Promelectronica une société spécialisée dans la signa-lisation ferroviaire.
Principal objectif : remporter le mirifique contrat pour la construction du train à très grande vitesse qui doit relier avant la fin de la décennie Mos-cou et Saint-Pétersbourg à une allure de 400km/h. L’infrastruc-ture ferroviaire en Russie laisse à désirer, et une modernisation est urgente. Début septembre, le patron des chemins de fer russes (RJD), Vladimir Iakounine, an-nonçait que 313 milliards d’euros seraient dépensés d’ici 2030 pour remettre à niveau quelque 20 000 km de lignes ferroviaires. La par- assemblage d’une locomotive eP20 à l’usine de novotcherkassk.
Le marché répond positivement aux efforts conjoints des deux groupes, avec de grosses commandes
niKiTa dulneVLa russie d’aujourd’hui
le premier tube du gazoduc nord stream est prêt à livrer le gaz russe en europe du nord, mais la construction de south stream a été mise en attente.
Moscou ouvre de nouvelles capacités gazières
énergie Le gazoduc de la Baltique fonctionne, mais Bruxelles retarde la progression d’une liaison plus importante à travers la mer Noire
vers l’Europe - environ 36% du gaz que les pays de l’UE achè-tent à la Russie. Afin de mieux satisfaire la demande croissante de l’Occident, celle-ci envisage de construire le gazoduc South Stream à travers la mer Noire, via l’Italie, afin de livrer 65 mil-liards de mètres cubes de gaz aux pays d’Europe méridionale d’ici 2014.Mais le troisième paquet éner-gie de l’Union européenne, un ensemble de règlements qui ré-gissent le prix et la fourniture de gaz vers l’Europe, récemment entré en vigueur, suscite la controverse en raison du con-trôle qu’il offre aux pays se trou-vant sur l’itinéraire du trans-port. Certains experts estiment
Achevé début septembre, le ga-zoduc Nord Stream transporte-ra du gaz russe vers l’Allemagne, la France, la Hollande, le Dane-mark et le Royaume-Uni. L’Union européenne (UE) voit avec sou-lagement diminuer les risques d’interruption du transit de pé-trole et de gaz, car la Biélorus-sie et l’Ukraine auront moins de moyens de pression sur Moscou. Nord Stream acheminera 55 mil-liards de mètres cubes de gaz
qu’à moins qu’une exception au troisième paquet ne soit accor-dée pour le projet South Stream, le gazoduc ne sera pas construit. « Le gazoduc South Stream n’ira de l’avant que s’il obtient le statut de projet prioritaire », explique l’analyste d’une socié-té d’investissement Vitaly Kryukov. Mikhaïl Kroutikhine, un partenaire de RusEnergy, juge peu probable que l’Europe fasse une exception spéciale-ment pour le transport de gaz russe : « Cela n’a aucun sens. En vertu des lois européennes, les pipelines transfrontaliers au sein de la Communauté euro-péenne doivent se conformer aux principes du troisième pa-quet énergie ».
les gazoducs south, nord stream et nabucco
nieurs travaillent en perma nence sur le site industriel de Novot-cherkassk (sud de la Russie) pour former des équipes russes. « La conception des nouvelles loco-motives est entièrement réalisée ici », précise Pietro Silvestro, di-recteur général de TATrans, fi-liale d’Alstom et de TMH. « Nous avons complètement changé la manière dont les ingénieurs tra-vaillaient. Désormais, tous uti-lisent le logiciel Catia [de Das-sault Systèmes] et l’on met en place une chaîne de commande à l’occidentale ». TATrans vient de présenter au public sa pre-mière locomotive passager EP20, au terme d’une conception qui a pris à peine 7 mois. TATrans emploie 170 personnes au total et va dans quelques mois mettre sur le marché une nouvelle
250 milionsde dollars seront in-vestis cette année dans la conception d’hélicoptères.
18%C’est la marge bénéfi-ciaire que fait le grou-pe, une des plus hau-tes dans l’industrie.
2,38 milliardsde dollars. C’est la va-lorisation optimiste estimée en avril pour Hélicoptères Russes.
en chiffres
Les pétrodollars du budget russe sont activement réinvestis dans la construction d’armes modernes
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05LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Régions
L’autre but de l’entrepreneur est de créer un « cluster » de tourisme vinicole de standing européen avec hôtels, station thermale et spa, haute gastro-nomie, loisirs balnéaires, et même un com ple xe immobilier de résidences secondaires. Le site accueille déjà 130 000 vi-siteurs par an. Homme d’affaires, mais avant tout amateur de bon cham pagne, Titov se sent investi d’une mis-sion civilisatrice : « Le vin, c’est avant tout une passion. Nous al-lons (re)fonder une tradition, pro-mouvoir notre vision de la consommation du vin, éduquer les goûts ». À cette � n, un par-cours a été mis en place, de la visite des vignes et des caves à la dégustation. Les demi-doux et demi-secs, généralement pri-sés par les Russes, sont délaissés au pro� t des bruts. « Nous allons les obliger à boire du brut, im-poser une authentique cul tu re du champagne, contre cette mau-vaise habitude du ‘’sucré qui pé-tille’’ », rigole Titov, en regrettant que la tenue vestimentaire des visiteurs – shorts et tongs – jure radicalement avec la noblesse du breuvage et la solennité du rite de dégustation. En pénétrant dans la cave, Pacha, en bermuda, frissonne. Son père Sergueï s’occupe de son « éducation esthétique », pour qu’il préfère le « vrai cham-pagne à la mauvaise vodka ». Magnétisé, Pacha suit la guide dans les chais, 5 km de tunnels où reposent 9 millions de bou-teilles. Il écoute avec fascina-tion les explications sur les pro-cédés d’assemblage et de remuage des vins « classical », alliances de pinot blanc, pinot noir, chardonnay et riesling, dont 1,5 millions par an sortent d’Abrau-Durso, contre 20 mil-lions de bouteilles de mousseux fabriqué avec la technologie « Charmat » (cuve close). Le ma-
tériel – cuverie, chaînes de dé-gorgement et d’habillage, gy-ropalettes – � ambant neuf, vient de France, d’Espagne ou d’Ita-lie. La plus grande fierté du do-maine, c’est son enracinement dans la tradition française. Au XIXème siècle, Abrau-Durso servait de potager à la table im-périale, avant que le terroir ne soit déclaré propice à la fabri-cation de grands crus. En 1905, le chef de cave Victor Dravigny, à la tête d’une équipe de spé-cialistes français, est invité à quitter sa Champagne natale pour parfaire le vin pétillant russe. Jusqu’à la Révolution, la cour et l’aristocratie se délec-
SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE
Un mousseux russe haut de gamme au goût des élites
En chiffres2 000 hectares, dont 534 de vignes actives et 500 de terres prêtes à être plantées. 1, 5 millions de bouteilles de champagne clas si que « champenoise » produites par an.20 millions de bouteilles par an produites selon la technologie « Charmat ».Plus de 2 milliards de roubles comme chiffre d’af-faires.212 millions de roubles : le résultat net d’exploi-tation.
Champagne russe à boire en FranceLe propriétaire d’Abrau-Durso, Bo-ris Titov, retourne à l’origine de de la vénérable boisson pétillante en investissant dans la région de Champagne. Le projet est ambi-tieux : produire une marque russe en France, séduire les spécia listes champenois mais aussi ouvrir un hôtel de luxe avec dégustation et haute gastronomie, créer une ligne de cosmétiques à base de raisin, exploiter les sites de loisirs locaux déjà existants et relancer
ainsi le tourisme vinicole dans la région. Vu les atouts de cette des-tination naturelle, et le succès im-battable de la marque sur le site d’Abrau-Durso dans la région de Krasnodar, Titov a toutes les rai-sons d’être optimiste : il prévoit l’inauguration de son projet cham-penois en 2015.
teront du « cham-p a n s -k o ï e » made in R u s s i a , élaboré selon la méthode cham-penoise de double fermentation, avec une durée de vieillissement de deux ou trois ans. Un siècle plus tard, Hervé Jestin, consul-tant champenois lui aussi et an-cien chef de caves de Duval-L e r o y, c h a p e r o n n e l a production. « Nous utilisons des technolo-gies françaises, mais évidem-ment nous restons un mousseux. Sans prétendre concurrencer le champagne, nous défions les
autres vins pétillants. D’ailleurs, nous te-nons tête à l ’ E s -
pagne », assure non sans réelle � erté Andreï Koboyan, le direc-teur-adjoint. Les vins Abrau-Durso ont été médaillés plusieurs fois à la Wine & Spirit competition de Londres ce qui devrait, comme l’espère Koboyan, leur valoirune sortie prochaine sur le mar-ché international. En attendant, Abrau-Durso gagne des galons à la maison. Au mois de juin, le domaine est devenu le fournisseur officiel
des Jeux Olympiques de Sotchi, en 2014, en s’engageant à four-nir 75 000 bouteilles et former du personnel dans ses « master classes » pour les besoins de l’événement. Cette aubaine ne doit pas sur-prendre : Abrau-Durso, qui ap-provisionne déjà le Kremlin en vin à bulles, est un lieu prisé des stars et des hommes poli-tiques ; Boris Gryzlov, le prési-dent de la Douma, ou encore le réalisateur Pavel Lounguine y sont des invités d’honneur, tan-dis que le Premier ministre Vla-dimir Poutine possède un ca-sier personnel assorti d’une collection de bouteilles, tout comme le patriarche Kirill.
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EN BREF
L’organisation Zones écono-miques particulières constate que des zones touristiques hier en danger de fermeture sont � nalement épargnées : le � nan-cement a enfin été trouvé pour la côte sud-ouest du lac Baïkal et le parc Isthme de Courlande, dans la région de Kaliningrad, serait déplacé sur un site plus avantageux pour les investisseurs. Néanmoins, il est toujours question de fer-meture d’une station balnéaire dans la région de Stavropol. On re proche aux fonctionnaires de choisir des sites sans con naître les besoins des investisseurs.
Ozon.ru, l’équivalent russe de Amazon.com, a recueilli 100 millions de dollars auprès de quatre fonds d’investissement de Russie, de Suisse et du Japon. C’est la plus grosse levée de fonds dans le domaine de l’e-economie en Russie. Le précé-dent record était détenu par ku-piVIP.ru, avec 55 millions de dollars en avril dernier. Ozon.ru, qui vend principalement des livres, des DVD et des équipe-ments électroniques, va réinves-tir la quasi-totalité des fonds dans le développement du groupe en diversi� ant ses pro-duits, en améliorant ses ser vices de livraison et éventuellement en procédant à l’acquisition de concurrents.
Quel avenir pour les zones touristiques ?
L’Internet russe attire les investissements
L’industrie pharmaceu-tique place beaucoup d’espoir dans l’un des plus grands la-boratoires dédiés au contrôle des médicaments en Russie. Pendant la période d’essai du nouveau centre qui vient d’être inauguré à Rostov-sur-le-Don, sur près de 1 000 médicaments analysés, des contrefaçons ont été détectées dans 6% d’entre eux. En comparant ce résultat à la moyenne générale de 1%, on peut apprécier l’impact po-tentiel du laboratoire de Ros-tov. Des centres d’expertise existent déjà à Goudermes, Krasnoiarsk, Ekaterinbourg, tandis que d’autres sont prévus à Khabarovsk, Saint-Péters-bourg, Kazan et Moscou.
Chasse aux faux médicaments
Pour Abrau-Durso il s’agit de créer et d’imposer une culture de champagne.
Depuis le XIXe siècle, Abrau-Durso suit la méthode champenoise.
Les femmes russes en politique : potiches, pasionarias ou simples technocrates ?
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MIKHAIL MORDASOV/FOCUSPICTURES (5)
ITAR-TASS
LORI/LEGION MEDIA
DANS LE PROCHAIN NUMÉRO
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06 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI www.larussiedaujourdhui.frcommuniqué de rossiYsKaYa GaZeTadisTribué aVec le fiGaro opinions
des problématiques migratoires communes
Vladislav inozemtsev
SpÉcialement pourla ruSSie d’aujourd’hui
jusqu’où peut on comparer les problèmes rencontrés par Moscou et Bruxelles dans la formation de so-
ciétés polyethniques ? L’intensi-fication des flux migratoires est l’un des signes de la mondiali-sation. Dans certains cas, ce pro-cessus est stimulé par les États eux-mêmes ou par des forma-tions méta-étatiques. Il est alors vu comme l’un des éléments de la formation d’une nouvelle iden-tité. Tel était le cas en URSS, où l’on rêvait d’un peuple sovié tique conçu comme « une nouvelle communauté historique », et c’est ce qui se passe aujourd’hui au sein de l’Union européenne qui a doté les États membres d’un espace économique et législatif commun. Toutefois, la migration procède beaucoup plus souvent d’un choix individuel effectué par des personnes désireuses d’améliorer leurs conditions de vie et/ou de fuir la violence.Ces deux processus mènent à la formation de sociétés multicul-turelles. De ce point de vue, la Russie et les pays de l’Union européenne d’aujourd’hui se res-semblent sur bien des plans. Au sein de la Fédération de Russie, les Russes, nationaux en titre, constituent 80% de la popula-tion, sans compter près de 3% de personnes issues de peuples slaves proches. Depuis plusieurs années, la Russie accueille jusqu’à 600 000 migrants par an. Leur nombre total atteint, selon les différentes estimations, de 7 à 12 millions de personnes, soit 5 à 8% de la population du pays. Dans les grands pays de l’UE, on compte 80 à 86% de natio-naux, 2 à 4% de résidents pro-venant d’autres pays européens et 6 à 10% d’immigrants venant de pays hors Union europénne. En Russie comme en Europe, une part significative des migrants vient de pays et de régions qui diffèrent sensiblement du point de vue ethnique et confession-nel, ce qui provoque parfois de sérieuses tensions sociales. Bien évidemment, cela engendre de nombreux problèmes, en Rus-sie comme dans l’Union euro-
La Russie et l’Europe unifiée sont obligées de rechercher de nouvelles formules pour ré-soudre le problème des mouve-ments migratoires. Ce problème s’aggrave du fait qu’il existe de-puis longtemps en Russie des ré-gions (les républiques du Nord-Caucase) ayant des populations musulmanes prédominantes en-vers lesquelles les habitants des métropoles gardent certains pré-jugés et, en ce qui concerne l’Eu-rope, de telles zones apparaî-tront inéluctablement (la Bosnie-Her zégovine, l’Albanie voire la Turquie). C’est pourquoi le pro blème de la construction d’une société polyethnique sta-ble en Russie et en Europe ne se réduit pas aux défis engen-drés par l’immigration. La Rus-sie et l’UE devront faire de gros efforts en faveur du dépassement des préjugés nationalistes, ce qui n’est réalisable que dans le cadre d’un équilibre équitable entre les droits et les responsa-bilités des citoyens et des rési-dents, se conjuguant raisonna-blement avec l’affirmation de l’État laïque au service d’une nation unifiée.
péenne. Du point de vue écono-mique, il s’agit surtout du caractère illégal d’une grande partie de l’immigration, une clandestinité qui réduit la col-lecte d’impôts et offre un terrain favorable à la corruption. Du point de vue social, c’est l’émer-gence de diasporas et de com-munautés fermées assorties de liens interpersonnels spécifiques et d’un rapport souvent dédai-gneux aux lois et traditions lo-cales. Du point de vue politique, le problème se traduit par le ca-ractère ethnique et religieux des conflits sociaux.En Russie, « l’ État social » est beaucoup moins développé que dans l’UE. L’immigration y revêt donc un caractère plus tempo-raire. En règle générale, les mi-grants rentrent dans leurs pays après une période de travail en Russie puisque les perspectives d’obtention de la nationalité russe sont très limitées et les aides sociales inexistantes. De surcroît,
le statut légal d’un migrant est le plus souvent très précaire, et le taux d’extorsions de la part des forces de l’ordre envers les migrants est élevé. Dans l’UE, les mouvements migratoires sont au contraire orientés vers l’ancrage et vers le regroupement familial. Plus de 45% des arrivants en France (et seulement 7% des mi-grants aux États-Unis), se font enregistrer en tant que chômeurs ou font enregistrer des membres de leur famille au bout de la pre-mière année de résidence légale. En outre, une partie importante des migrants diffère sensiblement des autochtones par son identité religieuse. Par conséquent, les aides économiques de l’ État et le refus de respecter les tradi-tions et les institutions du pays d’accueil provoquent une tension sociale importante, plus visible au sein de l’Union européenne qu’en Russie. Cela s’explique par-tiellement aussi par le fait que la Russie et l’Union soviétique, pendant des décennies, se déve-loppaient « par nature » comme des pays multinationaux, alors que dans l’UE, les États se sont formés sur une communauté d’histoire, de culture, de langue et de traditions. En son sein, l’im-migration massive venant de l’ex-térieur du continent est un phé-nomène encore récent.
Vladislav Inozemtsev est doc-teur des sciences économiques, chef de la Direction exécutive du Forum politique mondial.
les migrants en russie sont temporaires : ils n’ont presque aucune chance de recevoir la nationalité russe
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révolutions arabes : la russie reste sur le quai
sa mentalité. Les humiliations de l’après-guerre froide, certaines réelles, d’autres fantasmées, ont créé des réflexes anti-occiden-taux. Les décideurs et l’opinion publique russe voient la poli tique mondiale comme un jeu à somme nulle, où le gain de l’un fait la perte de l’autre. Cela rend les Rus-ses instables et les place sur la défensive. Ils vénèrent la souve-raineté - comprise comme une
sorte de droit des gouvernements à faire ce qu’ils veulent à l’inté-rieur de leurs frontières nationa-les. Ils sont incapables d’accep-ter, et peu enclins à le faire, des concepts tels que l’« intervention humanitaire » et la « responsa-bilité de protéger », sur lesquels reposait l’intervention en Libye. Cela conduit à une situation ré-currente dans laquelle la Russie se retrouve du mauvais côté de l’histoire, s’efforçant de venir au secours de dictateurs ayant at-teint leur date de péremption de-puis longtemps. Cela a été le cas avec Milosevic, Saddam, Kadha-fi, et l’on se demande si cela ne se répétera pas une nouvelle fois avec Bachar el-Assad.La politique mondiale est aujourd’hui une interaction entre intérêts et valeurs, opportunis-me et idéalisme. Rejetant l’évi-dence, les Russes croient que tout événement qu’ils ne maîtrisent pas - comme les révolutions a rabes - est par défaut une si-nistre conspiration, généralement occidentale et liée au pétrole. Les dirigeants russes sont en me sure soit d’aggraver ce réflexe, soit de l’abandonner.
Konstantin von eggert
SpÉcialement pourla ruSSie d’aujourd’hui
à son vote à l’ONU (abstention) tandis que les rebelles voyaient en elle un ennemi. Au final, se li-vrant à une m arche arrière hu-miliante, Moscou a dû reconnaî-tre, sur le tard, que les rebelles étaient le gouvernement légitime de la Libye.Alors pourquoi un aussi mauvais calcul ? Les racines de cette er-reur sont à rechercher dans la si-tuation intérieure de la Russie et
j’en suis encore perplexe : comment le Kremlin a-t-il pu commettre une erreur de jugement aussi gros-
sière ? Dès le moment où Mos-cou a choisi de ne pas opposer son veto à la résolution 1973 du Conseil de sécurité, Kadhafi était fichu. Il avait la plus puissante alliance militaire du monde sur le dos et pratiquement aucun appui. La Jordanie, le Qatar et les Émirats arabes unis ont sou-tenu militairement l’OTAN. Si la Russie avait envoyé une frégate symbolique vers les côtes libyen-nes, elle se serait assuré une place d’honneur parmi les futurs vain-queurs. Mais au lieu d’être cohé-rent, Moscou s’est presque im-médiatement empressée de condamner l’opération menée par l’OTAN. Or, le dictateur avait perdu confiance en la Russie suite
Konstantin von Eggert est un ancien correspondant au Moyen Orient.
Le courrier des Lecteurs, Les opinions ou dessins de La rubrique “opinions” pubLiés dans ce suppLément
représentent divers points de vue et ne refLètent pas nécessairement La position de La rédaction de La russie
d’aujourd’hui ou de rossiyskaya Gazeta.
françois PerreaultSpÉcialement pour
la ruSSie d’aujourd’hui
natalia GevorkyanSpÉcialement pour
la ruSSie d’aujourd’hui
Dix heures plus tard, Jean-P ierre est porté par deux nouveaux ca-marades dans sa chambre d’hô-tel. Décalage horaire oblige, il ne reste que dix minutes avant la visite de l’usine. Arrivé devant le portail, le car marque un arrêt et deux hommes montent. « Jean-Pierre, viens par ici ! », jappe Igor. « Écoute, en fait tu ne peux pas rentrer dans l’usine, elle est top secrète et tu es étranger. On va te faire visiter notre musée et tu vas discuter avec le chef de la sécu ». Abasourdi, Jean- Pierre se retrouve seul face à un mous-tachu qui l’observe avec suspi-cion. Au bout de quelques « je l’ignore » et « pourquoi voulez-vous savoir cela ? », il re nonce à en savoir plus. Il s’endort sur la table de la cantine, où Igor le ré-veille : il faut rentrer illico à Mos-cou car un cyclone menace de bloquer l’aéroport pour toute une semaine. Juste avant de décoller, Jean-Pierre reçoit un coup de fil de son boss : « Tu as été formi-dable ! Ils veulent signer pour 15 machines ! Comment as-tu fait ? » « Je connais la méthode russe », gémit Jean-Pierre, dont les éruptions gastriques lui rap-pellent qu’il n’a pas vu un seul volcan.
nait de traiter avec dédain un serveur et se mettait à faire des courbettes devant une célébrité ou un supérieur. En y réfléchissant un peu, je me suis rendue compte qu’effective-ment, à Moscou, on imagine mal les clients d’un café ou d’un res-taurant entretenir des relations aussi simples avec le personnel. J’ai informé la dame moscovite qu’Antoine n’était pas seulement serveur mais accessoirement le patron de l’établissement, même s’il trime en salle du matin au soir. Elle l’a regardé avec stupeur. À Paris non plus, tous les pro-priétaires ne mettent pas les mains dans le cambouis. Tout le charme est précisément dans le fait que chaque serveur se com-porte comme si le bistro lui ap-partenait, comme si ça dépen-dait de lui que le client s’y plaise ou non, et comme s’il était personnellement responsable du succès de l’affaire. Ce n’est pas insignifiant dans une ville de 40 000 restaurants, sans compter les bouis-bouis, cafés et bars. La concurrence produit de la qualité, pas seulement côté nourriture, mais également en ce qui concerne le style de la rela-tion au client.
jean-Pierre vient d’être chargé de retourner en Russie le temps d’une mission pour un très gros
client potentiel, le groupe mi-litaire d’État GromProm. Il doit visiter l’usine du fournisseur exclusif de tournevis pour l’ar-mée russe. Jean-Pierre est ravi car l’usine est située au Kam-tchatka : « Je vais enfin voir ces fameux volcans ! ». Grom-Prom affrète spécialement un avion pour lui et une déléga-tion d’industriels russes. Il est conduit à l’aéroport militaire et on le fait grimper dans un avion, sans contrôle ni des pa-piers, ni des bagages. « La c lasse ! » s’émerveille Jean-Pierre. Au bout de deux h eures, les industriels russes arrivent dans une armada de BMW aux vitres teintés. Après 10 mi nutes de vol surgit Igor, le contact de Jean-Pierre au sein de Grom-Prom. « Neuf heures de vol, c’est long. Mais nous avons une mé-thode russe pour passer le temps », susurre-t-il en bran-dissant une vodka. Interloqué, Jean-Pierre accepte. Une forte odeur de cigarettes vient simul-tanément frapper ses narines.
Sur le seuil d’un restau-rant dont je suis une ha-bituée, le serveur Antoi-ne m’embrasse et nous
invite à nous asseoir, une amie moscovite et moi.- Pourquoi laisses-tu le serveur t’embrasser ? jette-t-elle avec sévérité.Je n’ai pas eu le temps de ré-pondre que le chef surgit et me lance :- Natacha, comment ça va ? Tu as réussi à te reposer ?Et ma Moscovite : « Celui-là t’appelle familièrement par ton prénom ! »Je sens la colère qui monte :- On va arrêter tout de suite cet interrogatoire absurde. Moi aussi je les appelle par leur pré-nom, le chef et le serveur. Nous nous connaissons depuis long-temps. Depuis quand ça te dé-range que j’embrasse et tutoie une connaissance ?- Une connaissance, oui, mais pas un serveur !Il y avait tant de snobisme dans cette remarque que j’en ai perdu la voix. Mon père m’avait dit un jour : « Parler de haut avec un serveur est un signe indé-niable de larbinisme ». Surtout en observant quelqu’un qui ve-
ces sacrés russes
ces sacrés français
les clés de la réussite
Familier ou obséquieux ?
François Perreault est basé à Moscou depuis cinq ans.
Natalia Gevorkyan est corres-pondante à Paris du journal en ligne gazeta.ru.
07LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Culture
Nous étions habitués à suivre Sylvain Tesson sur les routes du monde, farouche mangeur de kilomètres que la fatigue dé-posait parfois à l’endroit même où s’arrêtait sa course, comme un enfant fauché par le som-meil. Nous savions de lui que cette course effrénée et érein-tante, en faisant de chaque journée un millefeuille de mo-ments de vie intenses et mé-morables, était le prix à payer pour tenter de fausser le mé-canisme de la grande horloge. Une traversée de la Sibérie à pied lui avait fait découvrir les cabanes éparpillées sur les rives du Baïkal et les paysages ma-giques du lac. Il eut envie de s’y installer le moment venu pour jouer contre le temps une autre partition et mettre en ac-cord ses paroles et ses actes : vivre au cœur de la nature en l’impactant le moins possible.Là, au bord du Baïkal, dans une cabane de trois mètres sur trois, les jours s’égrainent au rythme des tâches essentielles : couper le bois pour le poêle,
CHRONIQUE LITTÉRAIRE
Six mois de cabane
TITRE : DANS LES FORÊTS DE
SIBÉRIE
AUTEUR : SYLVAIN TESSON
ÉDITION : GALLIMARD
Christine Mestre
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nourrir les mésanges qui frap-pent à la fenêtre, préparer les repas, pêcher, écrire, lire, glisser dans une douce ivresse et sur-tout, observer les bêtes, les pay-sages grandioses du Baïkal, écou-ter la vie, les gémissements ou les craquements terribles des glaces. Il y a les moments qui se donnent dans la contemplation et ceux que l’on mérite, arrachés à coup de piolet le long de pa-rois enneigées, à coups de rame au milieu des eaux glaciales du lac ou dans des marches forcées par moins 30°. Le bonheur naît du contact avec la nature, de l’immensité et de la solitude, de la liberté qu’elles génèrent. Dans ce sentiment de plénitude sou-veraine et d’immense liberté, rien ni personne ne lui manque. Il y a bien sûr les moments de doute, de dégoût de soi, de chagrin lorsqu’un message annonce l’abandon par l’être aimé, mais l’impression dominante est celle de l’unité presque retrouvée. Il est des lieux et des environ-nements qui répondent à ce que l’on est au plus profond de soi. Pour Tesson, ce sont les forêts de Sibérie et les hommes que l’on y croise, des taiseux, dotés d’une incroyable énergie vitale. Ivres de vodka, d’espace et de liberté, ils vivent l’instant présent avec d’autant plus d’intensité qu’ils n’attendent rien du lendemain. En ce sens, Sylvain Tesson est leur frère. Dans sa solitude de la taïga, il réussit le miracle d’ins-taurer un dialogue entre eux et des auteurs, des penseurs, des scienti� ques, des sages.
À L’AFFICHELA SAISON RUSSE EN PAYS D’AIXDU 1 OCTOBRE AU 16 DÉCEMBREAIX EN PROVENCE
Comme chaque année, Dat-cha Kalina propose dans le ca-dre de ce festival récitals de chants, expositions de photos, conférences, ateliers de poly-phonie et spectacles divers.
www.datcha-kalina.com ›
LE CHANT DES FRÊNES : TOURGUÉNIEV-VIARDOT SUR SCÈNEDU 20 SEPTEMBRE AU 13 NOVEMBRETHÉÂTRE DE L’ÎLE SAINT-LOUIS, PARIS
Ce spectacle poétique et musi-cal, qui met en scène la corres-pondance entre l’écrivain rus-se Ivan Tourguéniev et la diva
TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITELARUSSIEDAUJOURDHUI.FR
française Pauline Viardot, est un hommage à l’amour, au génie ar-tistique, à l’intelligence du cœur et de l’esprit de ces deux person-nes. Avec Michael Lonsdale, Ca-therine Fantou-Gournay et Marc Zviguilsky.
www.lechantdesfrenes.blogspot.com ›
L’ORCHESTRE NATIONAL DE RUSSIE EN TOURNÉELE 17 OCTOBRE (PARIS), LE 19 OCTOBRE (DIJON)
L’Orchestre national de Russie in-terprétera des œuvres de Sibe-lius, Tchaïkovski, Korngold. Direc-tion musicale de Mikhaïl Pletnev. Au violon, le soliste David Grimal.
www.russianarts.org/rno/ontour.cfm ›
Depuis le 16 septembre et jusqu’au 10 octobre, Saint-Pétersbourg re-çoit pour la cinquième fois le festival de la BD BOOMFEST. Au pro-gramme cette année : une exposition Corto Maltèse dans le cadre de l’année croisée Italie-Russie, le projet français Le Monde diplomatique en bande dessinée illustrant des questions politiques et sociales, la BD judiciaire dans le cadre du procès Art Interdit sur l’exposition des œuvres censurées par des musées russes...
FESTIVAL DE BD BOOMFEST REND JUSTICE À L’ART INTERDIT
EN BREF
DARIA MOUDROLIOUBOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
La vie de l’ancien poète underground, personnage sulfureux et ennemi intime de Poutine, a inspiré un romancier français. Mais Édouard Limonov n’est guère impressionné...
Limonov, enchanté d’être le voyou de la rentrée littéraire
Biographie Le trublion répond à Carrère
Carrère se met à la place de ceux qui ne savent rien de l’histoire russe. Des parallèles viennent re-lier les lieux et personnages avec leurs alter egos français : Kas-parov devient ainsi « une sorte de François Bayrou », tandis que deux semaines avec Limonov, c’est comme si on était venu « in-terviewer à la fois Houellebecq, Lou Reed et Cohn-Bendit ». « C’est parfois bienveillant, par-fois hostile. On sent que l’auteur est un intellectuel et un bour-geois », écrit Limonov. Et note que « les intellectuels français ont toujours eu un penchant pour les voyous ». Le livre, il dit – non sans coquetterie – ne l’avoir que feuilleté. Limonov n’est pourtant pas insensible à sa nouvelle g loire puisqu’il répertorie sur son blog les critiques du livre et avoue qu’il « s’amuserait bien » si sa « biographie » par « un célèbre écrivain français » trouvait un éditeur en Russie.
Stupéfaction chez les lecteurs russes de Limonov : à quoi bon publier la biographie d’un per-sonnage qui ne fait qu’écrire des autobiographies depuis 30 ans ? Mais pour les Français, c’est autre chose. C’est la saga d’un aventurier si extravagant qu’à la � n, peu importe s’il existe vrai-ment : Limonov, le nouveau livre d’Emmanuel Carrère, s’appelle-rait Le Rouge et le Noir, les Fran-çais n’y verraient que du feu chez ce Julien Sorel « parachuté dans la jungle avec sa bite et son cou-teau » tel que le décrit le roman-cier français. Limonov ac quiesce : « Il n’y a pas si longtemps, il y a eu, en France, des écrivains de mon type : Camus ou Genet. Je suis donc un type facilement identi� able pour les Français, « l’homme révolté ». Le politi-quement correct stérile qui est de rigueur aujourd’hui en F rance a supprimé jusqu’à la possibili-té même que de revoir de tels héros. Voilà pourquoi les Fran-çais ont choisi un étranger ». Au-delà d’un roman d’appren-tissage, les Français trouvent dans Limonov un récit sur la Russie des 60 dernières années.
Si Sokourov est allé à Venise, ce n’était pas par goût de l’agita-tion autour des grands festivals. « Je n’aime pas y être. Je n’aime pas le système de compétition », nous déclarait avant coup le réa-lisateur, 60 ans, dans un parc à proximité de son domicile de Saint-Pétersbourg. « Comment pouvez-vous affirmer que je suis meilleur qu’un autre ? Les ci-néastes qui se sont déjà fait un nom ne devraient pas rivaliser avec les jeunes », estime-t-il. « Nous devons faire place aux jeunes ». Le franc-parler de So-kourov concernant le festival n’a rien d’étonnant : le cinéaste est connu pour ne pas avoir la langue dans sa poche. Ses premiers � lms ont été interdits par les autori-tés soviétiques. Sokourov affirme que son obsession pour les dic-tateurs, comme Faust lui-même, qui constitue l’aboutissement d’un quadriptyque de � lms, re-monte à 30 ans. « C’est in croyable qu’on accorde si peu d’attention à «Faust», déclare-t-il. Si n’im-porte quel politicien lit «Faust», tout y est. C’est comme si cela avait été écrit au XXIe siècle, pas au XIXe ». Mais sans dire quel personnage réel est visé...De nombreuses recherches his-toriques ont été intégrées au � lm, qui a été tourné en Espagne et
ALEXANDRA REGNIERLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Le Théâtre de la Colline présente à Paris jusqu’au 8 octobre et à Dijon du 11 au 15 octobre La Conspiration des sentiments, de Iouri Olecha.
Fantômes communistes sur scèneThéâtre Des ombres fantasmagoriques d’une époque - heureusement - révolue
Le poète Nicolaï Kavalerov s ouffre de ne pas trouver sa place (celle d’un héros, évidemment !) dans le nouveau monde sovié-tique. Dix années se sont écou-lées depuis la Révolution, et « la nature de la gloire a changé » dans ce XXe siècle qui dévore le pré-
nold), se proclame « chef des sen-timents » et cherche à en orchestrer un dernier éclat dans un « complot paci� que ». Tiraillée entre ces trois personnages, Valia, � lle adoptive d’Ivan, est courti-sée à la fois par Nicolaï et par Andreï.Dans une tentative d’assimiler collectivisme et capitalisme, Ber-nard Sobel aimerait interpréter le texte d’Olecha comme une cri-tique de la société de consom-mation de masse. Cette dernière serait alors le lieu où se re-joignent l’individualisme prôné
par Ivan et le collectivisme prôné par Andreï. Le con� it pourtant central entre l’art et la société rationnelle s’en trouve affaibli et le spectateur, confus, car une telle relecture, privée de soutien dans le texte, aurait mérité d’être davantage défendue dans la mise en scène. Seule l’enseigne lumineuse « MarxDonald » sur laquelle s’ouvre la pièce, matérialise le dessein du metteur en scène, alors que notre époque ne manque ni de faiseurs de sau-cisson ni de poètes inutiles…
GALINA MASTEROVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
Faust, le film très attendu, tourné en allemand, d’Alexandre Sokourov, qui vient d’être couronné à la Mostra, avait été spontanément et bizarrement soutenu par les autorités russes.
Quel dictateur se cache sous le « Faust » de Sokourov ?
explique-t-il. Je ne comprends pas pourquoi une telle aide m’a été accordée, car je ne suis pas de ceux qui soutiennent la cul-ture politique russe ». D’ailleurs, Sokourov, qui a longtemps mi-lité pour la préservation du pa-trimoine architectural historique de sa ville, a été un adversaire féroce des autorités de Saint-Pé-tersbourg, ce qui lui a valu l’an-nulation de la représentation d’un opéra. Il n’avait pas hâte de parler de Faust aux critiques à Venise : « Personne n’est plus dur que moi-même dans la cri-
cédent. Nicolaï se révolte devant la réussite d’Andreï Babitchev (Pascal Bongard, très juste), in-venteur de la cantine de masse où deux mille travailleurs pour-ront dévorer « la soupe aux choux sur fond de musique de Wagner ». Ce « faiseur de saucisson » est le héros des nouveaux temps, et Ka-valerov le poète est devenu un « homme inutile ». Dans le siècle rationalisateur, les « passions an-ciennes » – l’amour, la haine, l’am-bition – deviennent elles aussi inutiles. Le frère d’Andreï Babi-tchev, Ivan (magni� que John Ar-
Cinéma Le film du réalisateur russe a remporté le Lion d’Or au 68ème festival de Venise
Sokourov en bref
Avec Faust, Sokourov clôt sa té-tralogie sur les dictateurs. Mo-loch (Hitler), Taurus (Lénine) et Le Soleil (Hirochito) lui ont valu une renommée mondiale. Son film l’Arche russe, tourné à l’Ermitage, est le seul long métrage fait sans montage.
en Islande, où le réalisateur a fait construire des répliques de villes allemandes du début du XIXe siècle (son Faust em prunte à celui de Goethe et au Doctor Faustus de Thomas Mann). Sokourov n’a demandé aucune subvention pour produire son film. Mais l’argent est apparu après que le Premier ministre Vladimir Poutine a manifesté son soutien au tournage de Faust. La raison en reste un mystère pour Sokourov. « Je ne sais pas s’il [le � lm] va l’intéresser, bien que la culture allemande lui soit chère,
tique de mes � lms. Je sais mieux que quiconque ce que je voulais faire et ce qui n’a pas fonction-né. Une fois que je commence à parler des défauts de ‘Faust’, il est impossible de m’arrêter ». Le jury en a décidé autrement.
Sokourov n’en revient pas que Faust ait reçu le soutien de Poutine.
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08 LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FRCOMMUNIQUÉ DE ROSSIYSKAYA GAZETADISTRIBUÉ AVEC LE FIGARO Loisirs
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ALENA LEGOSTAEVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
La première semaine de septembre a été marquée par deux grands événements qui ont fait la jonction entre la riche saison estivale et les manifestations culturelles automnales.
Les fanfares donnent le ton à MoscouFestivals Sur la Place Rouge, des musiques de tous pays ont sonné l’ouverture des grandes manifestations culturelles de l’automne
La Russie d’antan. Tel était le thème du festival « Le temps et les époques » qui a réuni à Mos-cou, sur 84 sites, des reconstitu-tions historiques. Du 2 au 4 sep-tembre, le musée-réserve de Kolomenskoïe s’est notamment remis à l’heure médiévale et a fait revivre les tribus qui peu-plaient autrefois le territoire
européen de la Russie actuelle, comme les populations � nno-ou-griennes. Selon un mode parti-cipatif, le public pouvait jouer le jeu et séjourner en habits d’époque, à l’ancienne, dans un campement du temps jadis ins-tallé sur les bords de la Mosko-va, en plein centre-ville. En cé-rémonie d’ouverture d’un festival qui a rassemblé plus de 50 000 visiteurs : un combat entre des centaines d’hommes vêtus et armés comme au IXe siècle et dont les « survivants » pouvaient ensuite participer aux jeux folk-loriques les plus hardis. C’était l’histoire au présent. Un présent conjugué, aussi, en musique.
Parade de la Tour SpasskaïaLa Place Rouge, une heure avant minuit. Les musiciens de l’As-sociation nationale des tireurs de Lecco, en Italie, sont entou-rés par la foule. Coiffés de cha-peaux, décorés de bouquets de plumes noires, ils lèvent le nez de leurs trompettes et, à la gran-de joie du public, exécutent en-core quelques airs, à l’entrée du métro. La soirée du festival internatio-nal de musique militaire de la Tour Spasskaïa s’est termi-née il y a à peine une demi - heure , dimanche 4 septembre, ponctuant une grandiose fête de la musique prolongée, mais per-sonne ne veut en voir la � n. Et, aux quatre coins de la Place Rouge, on entend rugir corne-muses et trombones, tambours et applaudissements. Musique militaire et populaire, démonstrations d’armes et dé-� lés, spectacles au laser et ef-fets pyrotechniques... Et toute cette effervescence en plein cœur de Moscou, pendant cinq jours! Les bruits sourds des ca-
nons, depuis la Tour du Sau-veur (Spasskaïa), ont donné le coup d’envoi, marquant l’am-pleur et la solennité de l’évé-nement. Le régiment de cava-lerie, la Garde d’honneur du régiment présidentiel, l’or-chestre de cors russes ont donné le ton, et ce n’était qu’un début. La fanfare des « Jaguars de la Tamayo » et l’ensemble folklo-rique « Tenochtitlan » (Mexique)
mettent le feu aux poudres, l’Or-chestre symphonique national d’Ukraine surprend le public avec ses airs et rythmes de jazz, le groupe folklorique She Huo, de Sanya (Chine), interprète la chanson russe Nuits de Moscou (Podmoskovnie Vetchera), l’Or-chestre de la Garde royale nor-végienne chante avec brio
Art contemporain, cirque, il y en a pour tous les goûts !IVème Biennale d’art contempo-rain de Moscou Du 23 septembre au 30 octobre Cette Biennale aura pour thème « Réécrire le Monde » (Rewriting World).
www.4th.moscowbiennale.ru ›
Festival de dessins animésDu 28 octobre au 7 novembre450 dessins animés provenant de 22 pays seront diffusés dans le ca-dre du cinquième Festival interna-tional du film d’animation.
www.multfest.ru ›
Le Festival international des LumièresDu 20 au 23 octobreLe centre-ville se transformera en immense objet d’art grâce à Da-mien Fontaine, metteur en scène de la Fête des Lumières de Lyon. Les installations son et lumière refléteront tous les coloris tra-ditionnels russes. Ce show gran-diose en plein air sera visible sur la Place Rouge, au Théâtre du Bolchoï, au Musée d’Histoire, sur la Place Loubianka et la Place du Manège.
Vème Festival international des arts du cirque Du 30 septembre au 2 octobre Les légendes mondiales du cirque participent à un concours dans le complexe olympique Loujniki.
www.festival.circus.ru ›
Biennale des métiers de l’artJusqu’au 15 octobre L’exposition-vente met à l’honneur les objets artisanaux, créations d’artisans indépendants, ainsi que de petites entreprises.
www.kremlin-izmailovo.com ›
PAUL DUVERNETLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI
C’est en Russie que la pomme – le fruit défendu par excellence – a connu sa vraie sublimation en garnissant la pastila.
À la (re)découverte des délices pré-révolutionnaires
Gastronomie Un musée proche de Moscou ressuscite une friandise d’antan
La pastila était un secret mieux gardé que les sous-marins nu-cléaires soviétiques. Tenez-vous bien : les Russes nous avaient caché qu’ils préparaient des des-serts à base de pommes aussi ex-quis que raffinés !Heureusement, les touristes étrangers, comme les es-pions, sont désormais les bien-venus au « Musée des saveurs oubliées », situé dans la pitto-resque ville de Kolomna, à une heure de route de Moscou. Un-
musée consacré à la pastila, cette fameuse friandise qui a autre-fois enchanté les papilles d’Ivan le Terrible, de Catherine II, de Fiodor Dostoïevski et de Léon Tolstoï.La pastila consiste en une pâte préparée à partir de chair de pomme. Y sont ajoutés divers in-grédients comme du miel, des noix ou des baies locales. Il existe au total une cinquantaine de re-cettes différentes de la pastila, qui revêt des aspects, des cou-leurs et des consistances variant selon les ingrédients. La pastila évoque tantôt nos pâtes de fruit françaises, tantôt les fruits confits, voire des mignar-dises. Une fois au contact de votre palais, en revanche, leur
originalité ne fait plus de doute.Cette friandise ravira les ama-teurs de produits « bio » ou dié-tétiques. Elle est riche en � bres et en pectine et se prépare ex-clusivement à base d’ingrédients naturels. La pastila est non seu-lement pauvre en calories, mais dispose en outre d’avantages qui sont très semblables à ceux du lait. Mais n’espérez pas désin-toxiquer vos gamins épris decochonneries chimiques avec la pastila, car cette dernière estmalheureusement produite en quantité limitée dans une mo-deste fabrique artisanale fonc-tionnant en binôme avec le musée des saveurs oubliées.Une visite s’impose donc, d’autant
que le musée voit au-delà du simple plai-sir gusta-tif. « Il s’agit pour nous de recréer la culture de galanterie qui exis-tait aux 18 et 19ème siècles », explique la jeune guide Irina, vêtue d’un costume d’époque. Le musée est abrité dans une charmante maison en bois non loin de la rivière Oka. Dans toutes les pièces � otte une appétissante odeur de pomme et de cannelle. On vous y servira un thé dont la légère amertume pondère idéalement la douceur des sept variétés de pastila. Historiquement, la pastila doit
sans doute son apparition locale au fait que Kolomna a toujours croulé sous les pommes et qu’il fallait trouver un moyen de les conserver. En outre, le sucre était une denrée chère et rare dans le passé. La pastila ré-pondit avantageusement à ces impératifs, jusqu’à ce que les bolcheviks mettent � n à une pro-duction prisée de la cour impé-
riale. Après de longues années, ce complot contre le goût a été dé-joué. La pastila dispose désor-mais de solides atouts pour concurrencer la vodka, le borchtch et les blinis parmi les titres de gloire culinaire rus-ses.
l’Adieu de Slavianka en russe, les cornemuses du 19ème Ré-giment royal d’artillerie britan-nique paradant sous les ovations et les tambours de l’armée suisse (Top Secret Drum Corps) hyp-notisent par un jeu de ba guettes exécuté à la perfection. Cette année signe la quatrième édition du festival « Tour Spass-kaïa ». Ce sont plus de quinze cents jeunes musiciens venus de 15 pays différents (des régiments de Gardes d’honneur, des or-chestres militaires et des collec-tifs du monde entier) qui ont offert au public, sous les murs du Kremlin de Moscou, une mer-veilleuse bataille symphonique. Et il n’y a eu que des vain-queurs !
Pour en savoir plus :www.gorodmuz.ru/pastila
Le salon où vous sont servis les pastila avec du thé.
Le Festival international de re-constitution historique (ci-con-tre) et celui de la Tour Spasskaïa sur la Place Rouge (ci-dessus).
Le Festival international de mu-sique militaire « Tour Spass-kaïa » :
www.kremlin-military-tattoo.ru. ›
Le Festival international de re-constitution historique « Le temps et les époques » :
www.historyfest.ru. ›
Aux quatre coins de la Place Rouge, on entend rugir cornemuses et trombones, tambours et applaudissements
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