27

La Révolution 1789-1796 - Numilog

  • Upload
    others

  • View
    5

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La Révolution 1789-1796 - Numilog
Page 2: La Révolution 1789-1796 - Numilog

La Révolution et les Femmes

1789-1796

Page 3: La Révolution 1789-1796 - Numilog
Page 4: La Révolution 1789-1796 - Numilog

A n n e S O P R A N I

La Révolution et les Femmes

1789-1796

MA EDITIONS 6, rue Emile Dubois

75014 Paris

Page 5: La Révolution 1789-1796 - Numilog

Du même auteur :

• Paris Jardins - MA Editions

• Les rois et leurs astrologues - MA Editions

© MA Editions - Paris 1988 Tous droits réservés pour tous pays.

Mise en page et fabrication: C. et J.-B. Duméril

ISBN 2 86 676 368 8

Page 6: La Révolution 1789-1796 - Numilog

La Révolution et les Femmes 1789-1796

La société hiérarchisée et autoritaire de l'Ancien Régime mainte- nait les femmes dans la dépendance des pères ou des maris. Son effon- drement allait-il favoriser l'émancipation des femmes? Nombre d'entre elles l'espérèrent, quelques-unes se mobilisèrent, mais la Révolution, en proclamant les principes de Liberté, d'Égalité et de Fraternité, n'envisa- gea pas pour autant de faire des femmes des citoyennes à part entière.

Les femmes cependant ne demeurèrent pas à l'écart du processus révolutionnaire. Des intellectuelles, telles Madame de Staël, Sophie de Condorcet, Louise de Kéralio, défendirent les idées nouvelles dans leur salon ou leurs journaux; des aventurières, comme Théroigne de Méri- court, animèrent des clubs ou prirent les armes; des femmes du peuple, telle Reine Audu, participèrent aux journées révolutionnaires, tandis que Manon Roland et, dans une moindre mesure, Lucile Desmoulins et Françoise Hébert eurent une influence politique déterminante.

D'autres femmes mirent en avant des revendications sociales, ainsi Claire Lacombe et Pauline Léon, alors que des féministes avant la let- tre, à l'exemple d'Etta Palm et d'Olympe de Gouges, luttèrent pour faire reconnaître les droits du sexe féminin.

On ne saurait oublier non plus les femmes de l'autre camp, à com- mencer par Marie-Antoinette, Charlotte Corday et les Vendéennes qui combattirent pour défendre des valeurs anciennes.

Au terme de la Révolution la condition féminine S'est-elle modi- fiée? La société civile ne leur reconnaît pas une place plus enviable qu'avant et aucun droit politique ne leur est accordé. Si les femmes ont réussi à se faire entendre pendant la phase ascendante de la Révolution, à partir de la Terreur - laquelle ne les a pas épargnées -, toute prise de parole leur est refusée. Et il faudra dès lors attendre longtemps avant que leurs revendications soient enfin écoutées.

À travers le récit des actions menées par ces femmes célèbres ou anonymes et l'analyse de leurs déclarations, c'est toute l'histoire de la Révolution qui se trouve évoquée d'un point de vue inédit, celui du sexe féminin.

Page 7: La Révolution 1789-1796 - Numilog

À Sim Marty

Page 8: La Révolution 1789-1796 - Numilog

Introduction

«Vivre libre ou mourir», telle fut la devise des hommes qui s'enga- gèrent corps et âmes dans l'aventure de la Révolution française et la conduisirent à son paroxisme. Cette soif de liberté, qui enflamma les esprits à la fin du XVIII siècle jusqu'à casser l'armature politique et sociale construite par la royauté et transformer les assises idéologiques du pays, engendra aussi les aspirations des femmes à l'émancipation. Celles-ci, en effet, adoptèrent passionnément les idées nouvelles, elles les exploitèrent habilement pour soulever le rideau d'ignorance et d'in- différence qui voilait l'injustice de leur condition.

La Révolution, ce bouleversement formidable de tout ce qui était établi, connut ses héroïnes, ses pasionarias, ses militantes. Les femmes participèrent activement aux grands mouvements populaires, assistèrent aux débats de l'Assemblée, prirent la parole dans les clubs. Certaines combattirent pour le pain, d'autres pour un nouvel ordre politique; quelques-unes surent se servir de la Révolution pour affirmer des reven- dications féministes.

Le courant féministe s'était épanoui au début du XVIIe siècle dans les salons des Précieuses, tant raillées par Molière, mais il avait subi une brutale éclipse avec le règne de Louis XIV. Le roi, désormais, incarnait le pouvoir d'essence divine. Ce pouvoir d'un seul s'accompagnait du triomphe d'un ordre peu favorable à des manifestations d'indépendance féminine.

Aux filles de l'Ancien Régime, la société demandait un esprit aima- ble, un cœur compatissant aux souffrances des malheureux, une soumis- sion effective de l'esprit et du corps. La remise en question de la pré- pondérance du mari ou du père dans la famille, de la supériorité de l'homme dans la société, aurait semblé bouleverser tout l'ordre politi- que et religieux.

Les philosophes, à l'exception de Diderot, ne cherchèrent guère à dénoncer, à la lumière de la raison, l'iniquité et l'archaïsme de la situa- tion faite aux femmes. Et si les salons de Madame du Deffant, de Madame de Tencin, de Madame Geoffrin et de Julie de Lespinasse, de ces grandes intellectuelles du Siècle des Lumières favorisaient les échan-

Page 9: La Révolution 1789-1796 - Numilog

ges et les mouvements d'idées, les conversations demeuraient philoso- phiques. Sans doute, l'œuvre des Encyclopédistes contenait-elle les ger- mes du féminisme. Cependant il faudrait attendre la période pré-révolu- tionnaire et l'ébullition des idées qui allait la caractériser pour voir naî- tre des théories, des analyses qui soulèveraient enfin les vraies questions sur l'ensemble des non-dits régissant le vécu féminin.

En 1772, Monsieur Thomas, de l'Académie Française, présentait un Essai sur le caractère, les mœurs et l'esprit des femmes. De manière encore timorée, l'académicien abordait les contradictions du statut fémi- nin: «Si l'on parcourt les pays et les siècles, on verra presque partout les femmes adorées et opprimées. L'homme qui jamais n'a manqué une occasion d'abuser de sa force en rendant hommage à leur beauté s'est partout prévalu de leur faiblesse. Il a été tout à la fois leur tyran et leur esclave.» Ces constatations encore sexistes suffisent à prouver la force du courant d'idées qui agitaient alors les hommes et les femmes.

Dans son Traité de la législation ou principes des lois, dans lequel il imaginait une république utopique, l'abbé Mably suggérait en 1776 que les femmes puissent exercer un rôle dans la société après avoir reçu une éducation virilisante: «La République n'est pas composée d'hommes seuls, et je vous avertis que vous n'avez rien fait si vous négligez l'éduca- tion des femmes. Il faut choisir, ou d'en faire des hommes comme à Sparte, ou de les condamner à la retraite. Si vous ne leur donnez pas la force, le courage et l'élévation dont je parle; elles vous communique- ront toutes leurs faiblesses. Elles veulent dominer comme nous, mais par des petits moyens, la ruse, l'artifice, les larmes, les bouderies, la pitié et toutes les ressources inépuisables de la coquetterie ; il n'en faut pas davantage pour subjuguer le plus brave homme; et si nous sommes domptés, vous n'aurez qu'une république de femmelettes; nous serons les esclaves de nos femmes; elles seront les tyrans de leurs maisons et bientôt des magistrats et des lois...» Pour le malheur des femmes à venir, ce jugement qui demeurait discriminatoire allait prévaloir chez presque tous les hommes de la Révolution, et sans les inciter à se préoc- cuper de l'éducation des filles.

La réflexion sur la condition féminine aboutit pourtant en 1782 à cette déclaration de Charles Laclos: «Dans toute société les femmes sont esclaves.» Toutes ces considérations ne furent pas seulement le fait des académiciens et des romanciers, mais aussi celui de femmes privilé- giées, telle Madame Gacon-Dufour qui, dans son Mémoire pour le sexe féminin contre le sexe masculin, répliqua avec passion aux attaques du chevalier de Feucher, lequel accusait les femmes de tous les vices.

Armande Gacon-Dufour, nièce de François Gacon, poète satirique de l'ancien règne, épousa en seconde noce Jules Dufour, avocat au Parlement de Paris. Lectrice à la cour de Louis XVI, elle connut un par- cours mystérieux, qui fit dire aux biographes officiels: «elle s'intéressait autant à la littérature, qu'à la confiture.» Familière de l'univers versail-

Page 10: La Révolution 1789-1796 - Numilog

lais à la veille de la Révolution, nous la retrouverons, en 1800, dans le cercle des intimes de Sylvain Maréchal, «le Berger Sylvain», chantre de la Révolution et ancien ami de Babeuf. Mais en 1786, au sein de cette cour sur laquelle règnent Marie-Antoinette et ses favorites, et où s'acharnent à intriguer, pour survivre, les filles de petite noblesse, Madame Gacon-Dufour livrait ses remarques avec une réelle pertinen- ce: «Toutes, tant que nous sommes, nous savons très bien les raisons particulières pour lesquelles Juvenal, Boileau, Molière, La Bruyère se sont déchaînés contre nous... C'est parce que ils ont cru ou feint de nous croire dépositaires de cette flamme qui embrasa les Homère, les Pindare...; que par un doux retour ils nous ont louées, divinisées, consultées, n'étudiant, n'inventant, n'écrivant que pour nous, et que de ce puéril orgueil découlent tous les maux qui inondent les hommes...» D'emblée, la lectrice du roi débusquait les ambiguïtés, les hypocrisies sur lesquelles reposaient, depuis la Renaissance, les relations des hom- mes avec les femmes. Sans doute influencée par le climat de revendica- tions, mais se référant surtout à sa propre histoire et aux expériences de ses compagnes, Madame Gacon-Dufour dénonçait ensuite le sort peu enviable qui s'abattait sur les femmes. «À vingt ans on nous marie, nos pères, plus que nos mères, décident que nous devrons prendre tel ou tel homme qu'ils nous donnent, dont, à ce qu'ils disent, ils connaissent la fortune, dont ils ont toujours été les amis (c'est-à-dire les connaissan- ces)... Les hommes à qui nous sommes mariées sont très rarement ceux qui nous conviennent par le caractère et l'esprit. Nous leur sommes longtemps fidèles, longtemps soumises: les opinions reçues nous main- tiennent dans ce devoir...» Sans effet de phrases, «tout bonnement» aurait-on dit alors, la lectrice du roi décrivait la réalité morne de son existence et de celle des femmes de son milieu et de son époque: «Au- dessus de sept ans nos enfants sont dans les mains des précepteurs, ou dans des collèges, ou au couvent. Est-il bon qu'ils y soient même pour leur éducation?

À trente ans, nous sommes plus maîtresses de nous-mêmes, nous sommes plus seules; nos maris se plaisent déjà moins avec nous, tant l'habitude a de force.

À quarante-cinq ans, la nature change notre caractère avec notre manière d'exister. Si nous avons acquis auparavant quelques connaissan- ces dans les arts et dans les sciences, nous les cultivons, elles seules rem- plissent tous nos goûts: si nous n'en avons acquises aucune, nous nous livrons à la vie contemplative; la religion devient notre seule passion; libre de toutes les affections, de tous les liens qui nous attachaient à la société, nous ne voyons que le terme où nous devons aboutir tous.»

En peignant sa vie peu exaltante, Madame Gacon-Dufour ne cher- chait pas à rompre le conformisme des mentalités. Son ouvrage ne rece- lait aucun principe d'émancipation. La lectrice de Louis XVI constatait simplement un état de fait, et, la dissolution des mœurs étant au cœur du débat qui l'opposait au chevalier de Feucher, elle concluait son essai en l'interpellant: «Quels pourraient être nos défauts, nos vices, nos pas-

Page 11: La Révolution 1789-1796 - Numilog

sions, depuis cet âge jusqu'à la mort? Tous nos sens sont éteints; si quel- que étincelle se rallume, elle ne luit qu'un instant et passe comme l'éclair».

Ces observations amères parurent à une époque de mutation pro- fonde; elles allaient, plus ou moins, influencer les femmes révolution- naires qui prendraient la parole dès 1789.

Le temps de l'éclosion du féminisme venait, son affirmation allait se servir des armes employées contre l'oppression. Transcendant leurs légitimes revendications, les femmes embrassent la cause commune, et, c'est au nom même des principes contenus dans la Déclaration des Droits de l'Homme qu'elles réclament la reconnaissance de l'utilité et de l'efficacité de leur sexe dans le déroulement de la Révolution. Elles agissent, elles occupent les premiers rangs de ceux qui marchent sur la Bastille, puis sur Versailles; elles fondent des clubs, elles interviennent à l'Assemblée, elles interrompent les orateurs...

Les revendications féminines trouvent quelques défenseurs parmi les hommes dès le début de la Révolution. Condorcet, un aristocrate, le chef de file des philosophes, au regard de la raison démontre qu'aucun principe, qu'aucun argument ne permettent d'exclure les femmes des responsabilités politiques. François Boissel, un petit bourgeois mysti- que, dénonce le mariage qui fait de la femme la propriété de l'homme et propose une société communautaire, ébauche du socialisme à la Fou- rier. Mais c'est une femme, Olympe de Gouges, qui formule le mieux les aspirations féminines. Au nom de la Révolution qui se targue de libérer le genre humain, Olympe de Gouges réclame l'affranchissement de la femme dans un retentissant petit livre dédié à la reine : Les Droits de la femme.

Malheureusement ce courant féministe n'est pas assez fort pour éta- blir d'emblée l'égalité des sexes que commande la raison, au moment où tombent avec la Bastille tous les privilèges de sang. La Révolution triomphante va bientôt repousser le féminisme qu'a encouragé la Révo- lution militante.

Lors d'une séance à la Convention, en octobre 1793, la revendica- tion politique des femmes est clairement présentée par le député Amar.

1) Les femmes peuvent-elles exercer les droits politiques, prendre une part active au gouvernement?

2) Peuvent-elles délibérer réunies en associations politiques ou en sociétés populaires?

À ces deux questions l'Assemblée répond négativement.

C'est le parcours de femmes éprises de liberté et d'égalité que nous allons suivre à travers ce livre. Toutes n'ont pas laissé un nom dans l'his- toire. Elles animaient les députations à l'Assemblée, marchaient devant les insurgés, envahissaient les tribunes, occupaient les bancs des clubs.

Page 12: La Révolution 1789-1796 - Numilog

Ce monde féminin, bruyant, en colère, mal canalisé, ne fut guère encensé dans les comptes rendus et les mémoires des survivants. Si Madame de Staël, grande bourgeoise s'il en fut, traita ces femmes de sorcières, que dire de la littérature des Michelet, des Proussinalle qui les transformèrent en furies de la guillotine et en viragos? Que certains auteurs se plurent à mythifier les seules figures de Charlotte Corday ou de Théroigne de Méricourt, il n'en est pas moins vrai que les femmes dans leur grande majorité se portèrent en avant de la Révolution. Les grands ténors de cette période s'appuyèrent sur des mouvements animés par des femmes à l'enthousiasme extrême. Puis, lorsque la raison d'État, ce monstre froid, prévalut, ils les rejetèrent, en abattant sur elles le couperet d'une morale bourgeoise. Désormais cantonnées près des berceaux et aux soins domestiques, les femmes rentrèrent dans l'ordre de la règle.

Les lendemains de la Révolution devaient compter pour les Fran- çaises parmi les heures sombres de leur histoire.

Page 13: La Révolution 1789-1796 - Numilog
Page 14: La Révolution 1789-1796 - Numilog

Première partie

La Révolution en marche

Page 15: La Révolution 1789-1796 - Numilog
Page 16: La Révolution 1789-1796 - Numilog

Chapitre premier

Les femmes exclues des Etats généraux

Le 5 mai 1789, Louis XVI préside l'ouverture solennelle des États généraux à Versailles. Les trois ordres se réunissent au terme d'une cam- pagne électorale chargée d'espoir pour le Tiers État qui réclame l'éga- lité des droits et des devoirs, au plus fort d'une crise économique qui affecte la gestion nationale dans son ensemble.

La veille de cette première séance, dans les rues de Versailles, un imposant cortège a défilé au milieu d'une foule d'invités et de badauds venus de province et de Paris. «Je n'oublierai jamais le matin où l'on vit passer les 1 200 députés de France, se rendant en procession à l'église pour entendre la messe...», devait se rappeler Madame de Staël. Accou- dée à une fenêtre près de Madame de Montmorin, la fille de Necker manifeste ouvertement sa joie: «C'était un spectacle imposant et bien nouveau pour des Français... Cette nouvelle sorte d'autorité de l'État, dont on ne connaissait encore ni la nature, ni les forces étonnait la plu- part de ceux qui n'avait pas réfléchi sur les droits des nations.» Specta- cle impressionnant et inquiétant, sans doute. D'ailleurs Madame de Montmorin commande aigrement à sa voisine de refréner ses ardeurs: «Vous avez tort de vous réjouir; il arrivera de tout ceci de grands désas- tres à la France et à nous.» Germaine de Staël ne l'écoute pas. Convain- cue que la vieille monarchie française doit se réformer et faire place peu à peu à une monarchie constitutionnelle, modelée sur celle de l'Angle- terre, elle se trouve comblée par la réunion des États généraux.

Au numéro 4 du boulevard du Roy, sur la terrasse du pavillon Sigoll, qu'elle a loué pour l'événement, Olympe de Gouges ne perd pas une miette de la représentation qui s'offre à ses yeux. Son tempérament lyrique lui permet de goûter au plus haut point l'apparat de la proces- sion. Ces hommes, sobres et empanachés à la fois, suscitent chez la jeune femme un espoir et un enthousiasme confus. Dans les rues ten- dues des tapisseries de la couronne les députés vont lentement; ils igno- rent encore qu'ils sont les protagonistes d'une épopée grandiose qui commence ce matin-là.

Précédé de ses pages et des princes, de ses grands officiers, de ses piqueurs et de ses palefreniers, le roi est arrivé à neuf heures à Notre- Dame. Son entrée dans l'église a déclenché quelques vivats, mais l'ap-

Page 17: La Révolution 1789-1796 - Numilog

parition de la reine, entourée des princesses et de ses dames richement parées, a réveillé l'hostilité du peuple; après de timides «vive la reine« des «fi donc!» sonores et des plus déplaisants ont retenti. «Monseigneur l'évêque de Nancy a prêché..., il ne s'est pas élevé à la hauteur de son sujet... Mais ce qui a racheté tout cela, c'est qu'il y a eu des tirades de la plus grande force, un courage vraiment apostolique. Il a opposé le luxe de la cour à la misère des campagnes; il a demandé, comment, sous un roi sage et économe, les dépenses s'accroissaient, et là, il a fait de la vie de la reine un tableau très fidèle, au point qu'il a dit que, fatigué du luxe et de la grandeur, il fallait chercher des jouissances dans une imita- tion puérile de la nature, ce qui désigne évidemment le Petit-Trianon...» On l'a applaudi avec transport, ajoute Adrien Duquesnoy, député du Tiers de Bar-le-Duc, présent à la cérémonie. «J'ai remarqué dans la bouche de la reine un petit signe d'humeur... le roi dormait ou au moins s o m m e i l l a i t

En quittant Notre-Dame pour se joindre à la procession du Saint- Sacrement, Marie-Antoinette ne recueille aucun vivat. C'est ce cortège qui déroule ses fastes vers l'église Saint-Louis que Madame de Staël et Olympe de Gouges applaudissent.

La compagnie des gardes de la Prévôté ouvre la marche, les dépu- tés des trois ordres précèdent le dais porté par les princes d'Artois, Angoulême et Berry, aidés de seize officiers. Le Tiers, devant la noblesse, est tout de noir vêtu, avec manteau de soie et cravate de bap- tiste. Les nobles, en habit noir, sont coiffés d'un chapeau à plume retroussé à la Henri IV. Le clergé en soutane, grand manteau et bonnet carré, devance les évêques en robe violette. A gauche et à droite des députés marchent les gardes suisses et les gardes du corps du roi, au rythme des musiques militaires auxquelles répondent les chants reli- gieux. Tout cet arrangement ravit Madame de Chastenay, dont le père est député de la minorité de la noblesse. Elle éprouve une grande joie à contempler ces hommes venus de tous les horizons du pays: «Moi, je l'avoue, j'étais dans le délire, je voyais le triomphe de l'esprit et je croyais y trouver le mien. J'avais déjà eu a souffrir de l'aristocratie des vieilles douairières et du fardeau dont m'avait accablé la médiocrité, qui s'appelait bons sens et détestait le savoir dans la Nation et les talents dans une jeune f i l l e Madame de Chastenay, appelée «Madame» parce qu'elle reçoit une prébende de chanoinesse, est alors âgée de dix- huit ans. Sa réflexion rejoint celle de Madame Gacon-Dufour: les filles étouffées par les convenances et les usages séculaires sont mal instrui- tes, lorsqu'elles ont la possibilité de l'être.

La convocation des États généraux soulève une immense espérance dans laquelle chacun entrevoit le moyen de s'affranchir quelque peu de la tutelle d'une famille, ou de l'oppression sociale. Mais, si Madame de Staël formule parfaitement son désir: changer le mode de gouverne-

1. Adrien Duquesnoy, Journal. Paris, 1894. 2. Madame de Chastenay, Mémoires. Paris. 1896.

Page 18: La Révolution 1789-1796 - Numilog

m e n t , O l y m p e d e G o u g e s e t M a d a m e d e C h a s t e n a y n ' a p p r é h e n d e n t q u e c o n f u s é m e n t le s ens d e c e t t e r é u n i o n d e s t ro i s o r d r e s . U n e civil isa- t ion e s t p r ê t e à b a s c u l e r ; d e ses c e n d r e s e n n a î t r a u n e a u t r e q u ' e l l e s i g n o r e n t . T o u t e f o i s , a u c u n e d e ces t ro i s f e m m e s , p r é s e n t e s à Versa i l l e s les 4 e t 5 m a i , n e s e m b l e v r a i m e n t r e p r é s e n t a t i v e d e la f o u l e d e s f e m m e s

qu i , d e p u i s u n a n , se l è v e n t d a n s t o u s les É t a t s p r o v i n c i a u x a u x c ô t é s d e s h o m m e s . E l l e s d e m a n d e n t l e u r a d m i s s i o n a u x É t a t s g é n é r a u x ,

r e v e n d i q u e n t le d r o i t a u t rava i l , à l ' é d u c a t i o n . D a n s le D a u p h i n o i s , l ' A n g o u m o i s , e n B r e t a g n e , à A n g e r s , e l les i n t e r v i e n n e n t a u p r è s d e s a s s e m b l é e s p r i m a i r e s . D a n s les c a h i e r s d e d o l é a n c e s q u i a f f l u e n t , p a r m i les p l a i n t e s d e s c u l t i v a t e u r s , d e s v i g n e r o n s , d e s p a r o i s s e s e t d e s m a r - c h a n d s , s e s i g n a l e n t ce l l e s d e s f e m m e s p r e s s é e s , e l les auss i , d e se f a i r e e n t e n d r e . A i n s i , M a d a m e B . . . B . . . , u n e N o r m a n d e a n o n y m e , q u i s e r é v è l e , à l a l e c t u r e d e ses r é c l a m a t i o n s , u n e f e m m e i n s t r u i t e , f a i t - e l l e

p a r v e n i r u n e d e s p r e m i è r e s r é e l l e s r e v e n d i c a t i o n s f é m i n i s t e s .

« L ' a u r o r e lu i t , l e s t é n è b r e s s e d i s s i p e n t ; l ' a s t r e d u j o u r a p p r o - c h e , l e c ie l b r i l l e . . . s o n é c l a t e s t u n p r é s a g e h e u r e u x . 0 p u i s s a n c e s u p r ê m e ! fa i s q u e ce s y m b o l e e n f l a m m e t o u s l e s c œ u r s , r a n i m e n o t r e e s p o i r e t c o u r o n n e n o s v œ u x . C ' e s t d a n s ce m o m e n t d ' u n e r é v o l u t i o n g é n é r a l e q u ' u n e f e m m e é t o n n é e d u s i l ence d e s o n s e x e , l o r s q u ' i l a u r a i t t a n t d e c h o s e s à d i re , t a n t d ' a b u s à c o m b a t t r e , t a n t d e d o l é a n c e s à p r é s e n t e r , o s e é l e v e r sa vo ix p o u r d é f e n d r e la c a u s e c o m m u n e . C ' e s t a u t r i b u n a l d e l a n a t i o n q u ' e l l e va l e d é f é - rer.

P a r d o n n e , ô m o n s e x e ! si j ' a i c r u l é g i t i m e l e j o u g s o u s l e q u e l n o u s v ivons d e p u i s t a n t d e s i èc l e s ; j ' é t a i s p e r s u a d é e d e t o n i n c a p a - c i té e t d e ta f a i b l e s s e . . . j e n e te c roya i s c a p a b l e q u e d e filer, c o u - d r e e t v a q u e r a u x s o i n s é c o n o m i q u e s d u m é n a g e . Ô d é p u t é s d e la N a t i o n ! c ' e s t vous q u e j ' i n v o q u e ; j e c o n ç o i s q u e m a r é c l a m a t i o n p a r a î t r a a u m o i n s i n c o n s i d é r é e . L ' a d m i s s i o n d e s f e m m e s a u x É t a t s g é n é r a u x , u n e p r é t e n t i o n d ' u n r i d i c u l e i n c o n c e v a b l e , s ' é c r i e r a - t - on . J a m a i s les f e m m e s n ' o n t é t é a d m i s e s d a n s l e s c o n s e i l s d e s r o i s

o u d e s r é p u b l i q u e s . I l y a p l u s , l e s s o u v e r a i n s q u i o n t g o u v e r n é l e s É t a t s d e p u i s S é m i r a m i s j u s q u ' à n o s j o u r s n ' o n t a d r e s s é q u e d e s h o m m e s d a n s l e u r conse i l . L a d e v i s e d e s f e m m e s e s t : t ravai l le r , o b é i r e t s e t a i r e . . .

C e n ' e s t p o i n t a u x h o n n e u r s d u g o u v e r n e m e n t n i a u x a v a n t a - g e s d ' ê t r e i n i t i é e s d a n s l e s s e c r e t s d u m i n i s t è r e q u e n o u s a s p i r o n s ; m a i s n o u s c r o y o n s q u ' i l e s t d e t o u t e é q u i t é d e p e r m e t t r e a u x f e m - m e s , v e u v e s o u f i l les p o s s é d a n t d e s t i t r e s e t a u t r e s p r o p r i é t é s d e p o r t e r l e u r s d o l é a n c e s . . . , q u ' i l e s t é g a l e m e n t j u s t e d e r e c u e i l l i r l e u r s su f f rages , p u i s q u ' e l l e s s o n t o b l i g é e s , c o m m e l e s h o m m e s , d e p a y e r l e s i m p o s i t i o n s r o y a l e s e t d e r e m p l i r l e s e n g a g e m e n t s d u c o m m e r c e .

A h N a t i o n l é g è r e , m a i s é c l a i r é e , r e p r e n d s t o n é n e r g i e , sa is is d ' u n e m a i n f e r m e la b a l a n c e d e la j u s t i c e e t l e f l a m b e a u d e la p h i -

Page 19: La Révolution 1789-1796 - Numilog

l o s o p h i e ; p u i s a r r ê t e tes r e g a r d s s u r ces vices d e l ég i s l a t ion e n f a n - t é e d a n s les t é n è b r e s p a r l ' i g n o r a n c e e t l a b a r b a r i e .

Vous, q u i a l l e z d e v e n i r les a r b i t r e s d u b i e n o u d u ma l , occu - p e z - v o u s d e c h a n g e r l e s r è g l e s d e n o t r e é d u c a t i o n .

N e n o u s é l e v e z p l u s c o m m e si n o u s é t i o n s d e s t i n é e s à f a i r e les p l a i s i r s d u séra i l .

N e n o u s p r i v e z p a s d e s c o n n a i s s a n c e s q u i p e u v e n t n o u s m e t - t r e à m ê m e d e v o u s aider .

R é u n i s s e z - v o u s , f i l les c a u c h o i s e s , e t vous , c i t o y e n n e s d e s p r o - v inces r é g i e s p a r d e s c o u t u m e s aus s i i n j u s t e s e t a u s s i r id icu les , sol-

l i c i t ez l ' a b o l i t i o n d ' u n e l o i q u i v o u s r é d u i t à l a m i s è r e d è s q u e v o u s v e n e z a u m o n d e e t q u i v o u s p r i v e d e t o u t e s l e s s u c c e s s i o n s p o s s i b l e s . . . l o r s q u e v o u s a v e z d e s f r è r e s » .

Madame B... B..., Cauchoise véhémente, présentait sur un ton iro- nique la plus ancienne et la plus légitime revendication des femmes: le droit à l'héritage. En effet, ce titre de «citoyenne», dont les femmes s'affubleront dès 1789, ne correspond à rien. En terme juridique, les femmes ne disposent d'aucun droit. Seules les «femmes possédant divi- sément, les filles et les veuves, ainsi que les mineures jouissant de la noblesse, pourvu que les dites femmes, filles, veuves et mineures possè- dent des fiefs, pourront se faire représenter par des procureurs près de l'ordre de la noblesse.» La doléance de Madame B... B..., appartenant sans doute à la catégorie des femmes propriétaires, est exemplaire; elle constitue un des premiers maillons de la longue chaîne des réclamations que les femmes ne cesseront d'adresser à l'Assemblée nationale pendant la Révolution.

À cette revendication du droit à l'héritage s'ajoutait celle du droit à l'instruction pour composer les plaintes essentielles des femmes de 1789. Le 1 janvier, les femmes du Tiers s'étaient adressées au roi: elles souhaitaient qu'enfin le monarque, à l'occasion de la réunion des trois ordres, prît en considération les conditions lamentables dans lesquelles se développait l'esprit des filles.

«Sire, Dans un temps où les différents ordres de l'État sont occupés

de leurs intérêts, où chacun cherche à faire valoir ses titres et ses droits, où les uns se tourmentent pour rappeler les siècles de la servitude et l'anarchie, où les autres s'efforcent de secouer les der- niers chaînons qui les attachent encore à un impérieux reste de féodalité, les femmes, objet continuel de l'admiration et du mépris des hommes, les femmes, dans cette commune agitation ne pourraient-elles pas aussi faire entendre leurs voix?

Exclues des assemblées par des lois trop bien cimentées pour espérer de les enfreindre, elles ne vous demandent pas, Sire, la permission d'envoyer leurs députés aux États généraux; elles savent trop combien la faveur aurait de part à l'élection.

3. Cahiers de doléances et réclamations des femmes. B.N.. L b 1593.

Page 20: La Révolution 1789-1796 - Numilog

Les femmes du Tiers État naissent presque toutes sans fortu- ne; leur éducation est très négligée ou très vicieuse: elle consiste à les envoyer à l'école chez un maître qui, lui-même, ne sait pas le premier mot de la langue qu'il enseigne; elles continuent d'y aller jusqu'à ce qu'elles sachent bien lire l'Office de la Messe en fran- çais, et les Vêpres en latin. Les premiers devoirs de la religion remplis, on leur apprend à travailler; parvenues à l'âge de quinze ans elles peuvent gagner cinq ou six sous. Si la nature leur a refusé la beauté, elles épousent, sans dot, de malheureux artisans, végè- tent péniblement dans le fond des provinces... Si au contraire elles sont jolies, elles deviennent la proie du premier séducteur.

Aujourd'hui que la difficulté force des milliers d'entre elles de se mettre à l'encan... nous demandons, Sire, que les hommes ne puissent, sous aucun prétexte, exercer les métiers qui sont l'apanage des femmes, soit couturière, brodeuse, marchande de mode, etc...; que l'on nous laisse au moins l'aiguille et le fuseau, nous nous engageons à ne manier jamais le compas ni l'équerre. Que vous nous assigniez des charges qui ne pourront être remplies que par nous... Nous demandons à posséder des emplois, non pour usurper l'autorité des hommes, mais pour en être plus esti- mées; pour que nous ayons le moyen de vivre à l'abri de l'infortu- ne, que l'indigence ne force pas les plus faibles d'entre nous de se réunir à la foule des malheureuses qui surchargent les rues.

Nous vous supplions, Sire, d'établir des écoles gratuites où nous puissions apprendre notre langue par les principes de la reli- gion et de la morale, que l'une et l'autre nous soient présentées dans toute leur grandeur.

Nous demandons à sortir de l'ignorance pour donner à nos enfants une éducation saine et raisonnable, pour en former des sujets dignes de vous servir; nous leur transmettrons l'amour que nous avons pour Votre Majesté; car, nous voulons bien laisser aux hommes la valeur, le génie; mais nous leur disputerons toujours le dangereux et précieux don de la sensibilité; ils courent à Versailles la plupart pour leurs intérêts, et nous, Sire, pour vous y voir... »

L'adresse des femmes du Tiers État au roi recèle un appel pathéti- que et dévoile la situation poignante de ces femmes qui demeurent à la merci du moindre imprévu.

Si le ton des revendications de Madame comme celui des femmes du Tiers restait raisonnable, si elles n'imaginaient pas siéger aux États généraux, leur plainte posait les véritables questions du devenir des femmes. Et ce qui relevait du courage et de l'intelligence, de la part des femmes, ne rencontra chez les hommes que railleries et dérision. Ces deux cahiers de doléances ne furent pas les seuls; la multitude des réclamations des femmes amena les hommes à noyer ces requêtes équi- tables sous un flot de faux griefs et de doléances inventées. Mais ces libelles, rédigés par des hommes pour se moquer du mouvement qui se dessinait, témoignent, par le fait même, de la vigueur et de l'ampleur de

4. Pétition des femmes du Tiers État au Roi, 1 janvier 1789, B.N., L b 920.

Page 21: La Révolution 1789-1796 - Numilog

l a m a n i f e s t a t i o n f é m i n i n e . C e s éc r i t s , p a r s e m é s d ' a l l u s i o n s g r ivo ises , c o m p o s é s d e f a ç o n s a t i r i q u e , t e i n t é s d ' u n an t i c l é r i c a l i sme o u t r a n c i e r , p a s e n c o r e d e m i s e d a n s le p e u p l e , m é l a n g e n t , p a r f o i s h a b i l e m e n t , l es v ra i s p r o b l è m e s r e n c o n t r é s p a r les f e m m e s - l a c h e r t é d e la vie o u les p r é j u g é s sex i s t e s q u i les a c c a b l e n t - à d e s d é n o n c i a t i o n s d e s p l u s f a r fe - l ue s . A i n s i c e t t e « D o l é a n c e d ' u n e d a m e d e la H a l l e , p r é s e n t é e à M e s - s i e u r s d e s É t a t s g é n é r a u x . »

« N o s c h e r s M e s s i e u r s ,

J e n e s a v o n s q u e d e p u i s q u e l q u e s j o u r s q u e j e p o u v o n s v o u s f a i r e s a v o i r n o t r e f a ç o n d e p e n s e r . C ' e s t M o n s i e u r J o s s e é c r i v a i n à l a p o i n t e S a i n t - E u s t a c h e q u i n o u s a a p p r i s ç a . . . C ' e s t t o u t j u s t e - m e n t p o u r e n v e n i r à b o u t , q u e j ' a l l o n s v o u s d é c h a r g e r n o t r e r a t e , s a n s c r a i n d r e n i m o u c h a r d s , n i l i e u t e n a n t d e p o l i c e . . .

J ' a l l o n s t o u t d ' a b o r d , p o u r c o m m e n c e r d é g u e u l e r c o n t r e la f e r m e e t l e s f e r m i e r s g é n é r a u x . . . c a r e n v é r i t é ê t r e o b l i g é d e p a y e r u n e p a u v r e b o u t e i l l e d e vin d o u z e s o u s , p l u s e n c o r e s i i l y a v a i t u n e j u s t i c e d a n s la p e r c e p t i o n d e s d r o i t s d e b a r r i è r e s , m a i s n o n , u n e s a c r é e b o u t e i l l e d e m i s é r a b l e vin d ' A r g e n t e u i l , b a p t i s é , f r e l a t é d e m i l l e h i s t o i r e s . . . p a i e a u s s i c h e r q u ' u n e b o u t e i l l e d e l e u r b o n vin d e B e a u n e . . . P a s m o i n s j e n e p o u v o n s n o u s t a i r e d ' u n a u t r e d r o i t q u e l e g r a n d d i a b l e d ' e n f e r a ch i é . . . a v e c c e t t e i n v e n t i o n i l s f o n t s u r l a v i a n d e c o m m e p o u r l e v in . . .

P a r l o n s m a i n t e n a n t d u p a i n q u ' i l f a u t m a n g e r à q u i n z e sols . J e p e n s i o n s t o u t d ' a b o r d q u ' c ' é t a i t p a r c e q u ' l e s m i t r o n s l e r e n c h é - r i s s i o n t d ' e u x - m ê m e s p o u r e m p o c h e r . . . m a i s y a g r o s qu ' i l s e n s o n t i n n o c e n t s e t q u ' l a f a m i n e n e v i e n t p a s d e la g r ê l e , n i d u R o i , e n c o r e b e n m o i n s d e M o n s i e u r N e c k e r . . . C ' e s t v o u s m e s s i e u r s l e s

c h a t t e m i t t e s d ' p a r l e m e n t , e t vous , c a l o t i n s q u i v o u s v o y a n t à v o t r e d e r n i e r soup i r , a v e z j o u é d e v o t r e r e s t e e n a c c a p a r a n t l e b l e d . . .

Si j e v o u l o n s l e d i m a n c h e c h a s s e r l e m a u v a i s a i r d e la h a l l e , e t r e s p i r e r t a n t s o i t p e u l e f ra is , j e n e p o u v o n s p a s m ê m e e n t r e r d a n s l e j a r d i n d u R o i , p a r c e q u e j e n ' a v o n s p a s d e g r a n d s c h a p i a u x e n n a r n a c h é s d e p l u m e s e t d e r u b a n s . . . E h s a c r é ch i en , s i j ' é t i o n s e n t r e t e n u e c o m m e b e a u c o u p d e ce l l e s q u i y e n t r e n t , j ' a u r i o n s a u s s i b i e n q u ' e l l e s . . .

S i v o u s v e n e z à b o u t , M e s s i e u r s l e s É t a t s g é n é r a u x , d e n o u s

f a i r e c o m p t e r p o u r q u e u q u e c h o s e d a n s ce m o n d e , j e p r i e r o n s l e b o n d i e u p o u r v o u s ; j ' i r o n s f a i r e l e s n e u f t o u r s d e la c h â s s e d e l a b o n n e s a i n t e G e n e v i è v e , à l ' i n t e n t i o n q u e vos f e m m e s p u i s s e n t

s ' e n p a s s e r p e n d a n t v o t r e a b s c e n c e , e t n e vous e n p l a n t e n t p a s d a n s v o t r e p a y s p e n d a n t q u e v o u s ê t e s a t t r o u p é s à V e r s a i l l e s » .

C e p a m p h l e t g ross ie r , é c r i t d a n s u n s ty le q u ' i m i t e r a H é b e r t à d e s f ins p o l i t i q u e s , v i sa i t s u r t o u t à d i f f a m e r l e s f e m m e s d e s c lasses p o p u l a i - r e s , q u i a l l a i e n t b i e n t ô t s e l ever , c o n d u i t e s p a r d ' a u t h e n t i q u e s m e n e u - ses .

5. Cahiers des plaintes et doléances des dames de la Halle, B.N., microfiche, m. 12421

Page 22: La Révolution 1789-1796 - Numilog

Le texte suivant, paru en 1789, renferme plus de subtilités, mais les articles qui le concluent suffisent à prouver qu'il s'agit d 'un faux rédigé par des hommes.

«Nos seigneurs, I l est sans doute é tonnant qu 'après avoir marché à si grands

pas dans la voie des réformes, e t abattu, comme s 'exprimait jadis l'illustre d 'Alembert, une très grande par t ie de la forêt des préju- gés, vous laissiez subsister le p lus antique et le p lus généra l des abus, celui qui exclut des places, des honneurs et sur tout du droit de siéger au milieu de vous, la plus belle e t la p lus aimable moit ié des habitants de ce vaste royaume. . .

Osez, aujourd'hui, r épare r en not re faveur les anciennes injustices de votre sexe; me t tez nous à por tée de travailler comme vous et avec vous à la gloire, au bonheur du peuple français, e t si, comme nous l 'espérons, vous consentez à pa r tager avec nous votre empire, que nous ne devions plus ce précieux avantage à l 'éclat de nos attraits e t à la faiblesse de votre cœur, mais unique- m e n t à votre justice, à nos talents e t à la sainteté de vos lois. E n conséquence décrétez: L 'Assemblée nationale voulant r épare r le plus grand, le plus universel des abus e t r épare r les torts d 'une injustice de six mille ans décrète:

1 ) Tous les privilèges de sexe sont ent ièrement abolis dans toute la France.

2) L e sexe féminin jouira toujours de la m ê m e liberté, des mêmes avantages, des mêmes droits, e t des mêmes honneurs que le sexe masculin.

3) Le genre masculin ne sera plus regardé, m ê m e dans la gram- maire, comme le genre le plus noble. 4) On n'insérera plus dans les actes, contrats, obligations etc.. . cette clause si visitée, mais si insultante: que la f emme est autori- sée p a r son mar i à l 'effet des présents , parce que l 'un et l 'autre doivent jouir, dans le ménage, de la m ê m e puissance et de la m ê m e autorité.

5) La culotte ne sera plus le par tage exclusif du sexe masculin. 6) Quand un militaire aura, p a r lâcheté, compromis l ' honneur français, on ne croira plus le dégrader en lui faisant a rborer le cos- tume féminin...

7) Toutes les personnes du sexe féminin pou r ron t être admises indistinctement aux assemblées de district e t de dépar tement , éle- vées aux charges municipales, e t m ê m e députés à l 'Assemblée nationale, lorsqu'elles auront les qualités requises p a r la loi. Elles y auront voix consultative et délibérative, ce droit p e u t d ' au tan t moins lui être refusé qu'elles ont déjà celui de j uge r l 'assemblée. . . 8) Elles pour ron t aussi être promises aux offices de magistrature. 9) Il en sera de même de tous les emplois, récompenses et digni- tés militaires.

10) Nous ne balançons pas non plus à ouvrir l ' ent rée du sanc- tuaire au sexe féminin n o m m é depuis si longtemps le sexe dévot .»

Page 23: La Révolution 1789-1796 - Numilog

Le but de cette pétition était, avant tout, de chercher à per turber les lecteurs en leur suggérant les effets néfastes d 'un partage du pouvoir avec les femmes. Les auteurs furent cependant étrangement inspirés en rédigeant les articles sept et huit, mais ils signèrent leur faux en écrivant le dixième : aucune femme du X V I I I siècle ne pouvait imaginer accéder à la prêtrise.

Le plus célèbre des libelles écrits par des hommes en 1789, pour se moquer d 'un mouvement qu'ils contrôlaient mal et qui les dérangeait, est une «Requê te des femmes» composée de manière frivole, et dont seules les ambiguïtés en constituent le sujet:

«... toutes les femmes, vous le savez, sont les premiers auteurs de la société; ce sont elles qui vous ont fait connaître les charmes des liaisons, qui vous ont appris le pouvoir de l 'amour. Vous viviez auparavant isolés dans les bois, ennemis les uns des autres, vous étiez des statues d'argile je tées au hasard sur la terre, nous sommes venues, e t nous les avons animées. Quel a été le pr ix de tant de bienfaits? La plus noire ingratitude. Rougissez hommes iniques, d 'avoir p u manque r au plus sacré de vos devoirs, e t cependant nous vous avons fait naître, nous avons élevé votre enfance; vous étiez condamnés à la mort , nous vous avons, accou- tumés avec cette idée, en vous enseignant à en faire des répéti- tions entre nos bras...

Personne ne nous contestera que la véritable richesse d 'un É t a t est la populat ion; il en résulte que négliger les moyens de l 'augmenter, c 'est renoncer à s'enrichir... Crescite et multiplicate, voilà le g rand secret de toute sage administration, secret précieux qu'elle a trop souvent oublié, e t auquel il est important de la rap- peler. Il n 'y a qu 'un moyen de proscrire le célibat en France, c 'est de doubler les cotes d'impositions des célibataires; c 'est de ne les n o m m e r à aucun emploi, de ne donner aucune charge à cette classe de parasites qui joui t des labeurs des pères de familles e t envahit la propr ié té de la race future.

Enfin, Messieurs, vous n'ignorez pas sans doute qu 'une des choses les plus nuisibles à la populat ion, est le pré jugé dénaturé qui flétrit honteusement et rédui t à un opprobre éternel celles d 'entre nous qui on t p rê t é l'oreille à vos insinuations, e t dont le cœur trop tendre s 'est ouvert à l 'attrait du plaisir, e t a donné les premières preuves de fécondité. . .»

La requête se terminait en farce; elle proposait aux femmes de se constituer en trois ordres et de répart ir ses représentantes dans chacune des trois chambres. Ainsi, les «Abbesses, Prieures, Chanoinesses et Religieuses composeront notre Clergé; les femmes titrées notre Noblesse; et toutes les autres notre Tiers.»

Ces textes marquent , en 1789, une escalade sexiste, mais soulignent aussi l ' inquiétude diffuse des hommes, qui s 'acharnent à conjurer la poussée féministe en publiant des écrits de plus en plus tendancieux. Ignorant toutes ces publications, les femmes vont affirmer leur réelle

Page 24: La Révolution 1789-1796 - Numilog

emprise sur la vie politique en organisant, dès la réunion des Éta ts géné- raux, des députations à l 'Assemblée, qui siège à l 'Hôtel-des-Menus-Plai- sirs à Versailles.

Convoquer, mais surtout faire travailler plus d 'un millier d 'hom- mes, venus d'horizons différents, relève d 'une formidable gageure. Essayer de calmer la noblesse, qui désire se déclarer chambre consti- tuée, alors que dès le 6 mai le Tiers refuse de reconnaître la division des ordres, et calmer le clergé, qui s 'épuise en vaines querelles de préséan- ce, commandent une autorité dont le roi est dépourvu. Dès le 15 mai, la fureur des uns, l 'indécision ou l ' impuissance des autres transparaissent dans le Journa l d'Adrien Duquesnoy: «Toujours le même mélange de violence et de modérat ion. . . le roi est d 'une tranquillité d é s a r m a n t e

E t tandis que la noblesse et le clergé bataillent à l ' intérieur de leurs groupes respectifs pour vérifier leur pouvoir, les membres du Tiers se sont reconnus «députés des Communes». Ils ont ouvert leurs délibéra- tions au public. Cette liberté permet , alors, à chacun de s'installer dans les tribunes, d 'écouter les débats et de rappor ter dans la capitale les désirs du Tiers. L'habitude d ' intervenir pendant les séances n'est pas encore prise ; les délégations se bornent à réciter des compliments flat- teurs, en hommage à leurs représentants, mais le temps n'est pas loin où les femmes et les hommes s 'emporteront à la barre de l 'Assemblée, e t feront, parfois, basculer le processus des discussions.

A u cours de la séance du 19 mai, il ne s'agissait pas pou r les dames de la Halle de vilipender leurs députés: selon un témoin, le libraire Har- dy, la délégation comptait «huit des mieux embouchées» des fruitières et orangères de la Halle. Elles embrassèrent Messieurs du Tiers en leur adressant leur compliment et leur chanson.» O n ne peut qu'imaginer, un instant, le climat bon enfant qui préside à cette réception. Cepen- dant, les femmes ne manquen t pas, en dépit de la bonhommie ambian- te, de «recommander l ' intérêt du peuple aux députés», puis, ensemble, elles déclament leur louange dans la plus pure tradition populaire.

«Compliment des dames poissardes à leurs frères du Tiers Éta t .

Comme tous les cœurs se rassemblent en ce j o u r p o u r adres- ser des vœux au ciel, p o u r la prospér i té de not re monarque e t de son auguste famille ainsi que p o u r l 'heureux rétabl issement des finances du royaume, e t assurer à la pa t r ie une tranquillité dura- ble; permettez-nous, Messieurs, qu 'animées du zèle le plus res- pec tueux p o u r vos personnes, nous venions nous glorifier à vos yeux du choix qui vient d 'être fait en votre faveur en vous nom- mant , p a r la voix publique, p o u r soutenir les intérêts d 'un peuple, dont vous êtes membres , e t aussi zélés p o u r son roi. La sagesse, l 'équité, le désintéressement, une science p rofonde et mille autres vertus qui existent en vous, Messieurs, ont é té les seuls motifs de votre députation, e t nous assurent du bonheur qui nous attend.

6. Adrien Duquesnoy, Journal, op.cit.

Page 25: La Révolution 1789-1796 - Numilog

Nos vœux pour la conservation de vos précieux jours qui ne fini- ront qu'avec les nôtres.

Daignez-nous permettre de faire éclater le transport de notre joie par les couplets suivants sur l'air: «Vous qui de l'amoureuse ivresse»: Si le Clergé, si la Noblesse

Mes bons amis, Nous trait' avec tant de rudesse

E t de mépris, Laissons-les tous s'en faire accroire,

Perdre l'État: En attendant nous allons boire

Au Tiers État. Nous devons tous à sa Puissance

Respect, égard Mais d'où tenons-nous la Naissance,

C'est du hasard. Le premier qui se rendit Maître

Fut un soldat. Il fut roi; d'où tenait-il l'être ?

Du Tiers État. »

Les dames de la Halle chantèrent leurs cinq couplets: pour les remercier, il leur «fut donné un rafraîchissement, et au moyen d'une cotisation particulière de chacun des membres de l'assemblée il leur fut remis une espèce de gratification de la valeur de 300 livres.»

Ces éloges et ces chants, éloignés de tout effet littéraire, participent de l'héritage oral des rues de Paris. Ils ne manquent pas de saveur, mais prouvent, surtout, que le peuple se mêle de la vie politique en tentant d'établir une connivence avec son assemblée. Cette députation n'est pas conjoncturelle: elle annonce le suivi de la collaboration du peuple avec ses représentants et il est essentiel de constater que, déjà, ce sont les femmes qui concourent à dynamiser la Révolution en marche.

Les délégations de poissardes détendent, sans doute, l'atmosphère de l'Hôtel-des-Menus-Plaisirs, mais elles apportent aussi, au Tiers, le soutien nécessaire à sa lutte et conforte les députés dans leur proposi- tion originale de réunir les trois ordres. Le 10 juin 1789, l'abbé Sieyès, député de Paris, invite le clergé à se joindre au Tiers, espérant ainsi convaincre les curés pauvres à faire front commun contre la noblesse. Durant cinq jours, abbés et curés commencent à se joindre aux Commu- nes. Le 15 juin, Sieyès, «l'oracle mystique des é v é n e m e n t s propose à ses collègues de s'occuper sans délai de la Constitution et d'ériger leur assemblée en Assemblée nationale. «Enfin le grand pas est fait, les Communes viennent de se déclarer Assemblée nationale, elles ont adopté la motion de l'abbé Sieyès par 491 voix contre 90.8»

7. Madame de Staël, Considérations sur la Révolution Française, Paris 1819. 8. Adrien Duquesnoy, Journal. op.cit.

Page 26: La Révolution 1789-1796 - Numilog

P o u r c o n t r e r ce t é t a b l i s s e m e n t , le ro i , s o u t e n u p a r la n o b l e s s e e t l es

p r i n c e s , a n n o n c e u n e s é a n c e roya l e a u c o u r s d e l a q u e l l e il c o m p t e f a i r e p r é v a l o i r sa v o l o n t é . E n a t t e n d a n t ce j ou r , il d é c i d e d e f e r m e r la sa l le d u T ie r s , a f in d ' e m p ê c h e r le c l e r g é d e s i é g e r a v e c les C o m m u n e s . T r o u v a n t l e u r p o r t e c o n d a m n é e , le 21 j u i n , les d é p u t é s n e se d é m o n t e n t p a s , ils se d i r i g e n t ve r s u n e v a s t e p i è c e d e s t i n é e a u J e u d e P a u m e , e t d a n s u n m o u - v e m e n t e n t h o u s i a s t e r é p o n d e n t à la m a n i f e s t a t i o n d ' a u t o r i t é d u ro i e n p r ê t a n t le s e r m e n t d e n e j a m a i s se s é p a r e r e t d e se r a s s e m b l e r « p a r t o u t o ù les c i r c o n s t a n c e s l ' e x i g e r o n t , j u s q u ' à ce q u e la C o n s t i t u t i o n so i t é t a - b l ie e t a f f e r m i e . . . »

L a s é a n c e r o y a l e se d é r o u l e d e u x j o u r s a p r è s le S e r m e n t d u J e u d e P a u m e . P a r c r a i n t e d e s d é b o r d e m e n t s c e t t e s é a n c e e s t i n t e r d i t e a u

pub l ic . L e ro i c o m m a n d e a u x t ro i s o r d r e s d e s e r e t i r e r e n c h a m b r e s s é p a r é e s , cas se les a r r ê t é s d u T i e r s ; a p r è s le d i s c o u r s r o y a l , le c l e r g é e t la n o b l e s s e s o r t e n t p a r g r o u p e s e n s igne d ' o b é i s s a n c e . F i g é , l e T i e r s d e m e u r e d a n s ses r a n g s ; d e b o u t , il a t t e n d . P r é v e n u , L o u i s X V I e n v o i e le m a r q u i s d e D r e u x - B r é z é , s o n m a î t r e d e s c é r é m o n i e s , q u i inv i t e l e T ie r s à se re t i rer . C ' e s t a l o r s q u e M i r a b e a u s ' a v a n c e e t r é p l i q u e a v e c s u p e r b e a u m a r q u i s : « N o u s s o m m e s ici p a r l a v o l o n t é d u p e u p l e , n o u s n ' e n s o r t i r o n s q u e p a r la fo rce d e s b a ï o n n e t t e s ! »

L e s 24 e t 25 j u i n , u n e g r a n d e p a r t i e d e s d é p u t é s d u c l e r g é e t q u a - r a n t e - s e p t m e m b r e s d e la n o b l e s s e , a y a n t à l e u r t ê t e le d u c d ' O r l é a n s , se r a l l i en t a u Tiers . C ' e s t le t r i o m p h e . G a l v a n i s é s p a r l e u r n o m b r e , les d é p u t é s d é c l a r e n t l ' A s s e m b l é e i nv io l ab l e . A c c u l é , L o u i s X V I n e p e u t q u e s ' i nc l ine r : il i nv i t e les m e m b r e s r é c a l c i t r a n t s d u c l e r g é e t d e la n o b l e s s e à se j o i n d r e à l a m a j o r i t é . M a i s , e n m ê m e t e m p s , il c o m m e t l ' i m p r u d e n c e d ' a p p e l e r l ' a r m é e e n r e n f o r t .

D è s le d é b u t ju i l l e t , le t a b l e a u r é v o l u t i o n n a i r e e n f e r m e ses p r inc i - p a u x a c t e u r s : l ' A s s e m b l é e d e v e n u e C o n s t i t u a n t e , q u i s u p p o r t e m a l l a m e n a c e d e s r é g i m e n t s d i s p o s é s a u t o u r d e Ver sa i l l e s , e t le p e u p l e , q u i t r a d u i t l ' i n q u i é t u d e d e s d é p u t é s e n d é v e l o p p a n t à P a r i s u n e t e n s i o n h o u - l e u s e d o n t les r a c i n e s s o n t le c h ô m a g e e t l a h a u s s e d e s p r ix .

D è s lo r s l a R é v o l u t i o n a r m é e s ' a v a n c e . L e s é v é n e m e n t s q u i s e p r é - c i p i t e n t v o n t p e r m e t t r e à p l u s i e u r s f e m m e s d e se d i s t i ngue r .

Page 27: La Révolution 1789-1796 - Numilog