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1 LA SAGESSE DE SIRA Méditations pour la retraite annuelle des Pretres de l’Istitut Séculier des Prêtres Missionnaires de la Royauté du Christ Bubanza (Burundi), 2-9 Août 2014 Brouadou (République de Guinée), 25-31 Août 2014 INTRODUCTION Ce livre porte plusieurs noms. Son nom complet, donné par la Septante, est la "Sagesse de Jésus Ben Sira", ou plus brièvement, la Sagesse de Sira, d'où la création du terme "Siracide" pour le désigner dans certaines bibles francophones. La traduction latine de la Vulgate lui a donné le nom "Ecclésiastique", car ce livre servait à l'instruction des futurs baptisés désireux d'entrer dans l'Eglise. Il appartient à la Bible grecque et n'a jamais été retenu dans le canon hébreu. Nous savons que le texte grec est la traduction d'un original en langue sémitique. Le traducteur, qui n'est autre que le petit-fils de l'auteur, expose les raisons pour lesquelles il a entrepris cette traduction dans un prologue qui n'est pas considéré comme un texte canonique, bien qu'il figure hors numérotation dans la plupart des Bibles. Le texte hébreu, longtemps considéré comme perdu, a été retrouvé de manière fragmentaire d'abord en 1896 à le geniza du Caire puis en 1964 dans une des grottes à manuscrits de Qumrân. On a pu ainsi comparer le texte à sa traduction, et constater que le petit-fils de l'auteur a été souvent bien maladroit, comme il le reconnaît lui même: ce qui est exprimé en hébreu n'a pas la même force une fois traduit dans une autre langue ! Le Siracide est un livre de sagesse, comme son nom l'indique bien dans le texte grec. La sagesse est un don de Dieu mais nécessite à l'homme du labeur pour l'obtenir. En matière de rétribution, le Siracide se place dans la grande ligne des autres ouvrages de sagesse. La rétribution des justes après la mort n'est pas encore mise en place. Assez disparate, le Siracide accumule des sentences, des proverbes, et parfois un enseignement un peu plus détaillé qui forme des petits traités de quelques chapitres, sur des thèmes très classiques dans cette littérature: la mort, le péché, la liberté, la miséricorde divine... L'auteur procède aussi à une relecture de l'histoire d'Israël (chapitres 44-50) en plaçant une forte insistance sur le culte légitime issu d'Aaron. Issu d'une composante pieuse et conservatrice du judaïsme, il témoigne de ce courant attaché à vivre une vie humaine en harmonie avec les commandements divins. PLAN ET RESUME Prologue (hors numérotation) I- La sagesse Le mystère de la sagesse (1,1-10) La source de la sagesse: la crainte de Dieu (1,11-21) Emportement et patience (1,22-24) La crainte de Dieu (1,25-30) Tenir bon dans l'épreuve (2,1-6)

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LA SAGESSE DE SIRA

Méditations pour la retraite annuelle des Pretres de l’Istitut Séculier des Prêtres Missionnaires de la Royauté du Christ

Bubanza (Burundi), 2-9 Août 2014

Brouadou (République de Guinée), 25-31 Août 2014

INTRODUCTION

Ce livre porte plusieurs noms. Son nom complet, donné par la Septante, est la "Sagesse de Jésus Ben Sira", ou plus brièvement, la Sagesse de Sira, d'où la création du terme "Siracide" pour le désigner dans certaines bibles francophones. La traduction latine de la Vulgate lui a donné le nom "Ecclésiastique", car ce livre servait à l'instruction des futurs baptisés désireux d'entrer dans l'Eglise.

Il appartient à la Bible grecque et n'a jamais été retenu dans le canon hébreu. Nous savons que le texte grec est la traduction d'un original en langue sémitique. Le traducteur, qui n'est autre que le petit-fils de l'auteur, expose les raisons pour lesquelles il a entrepris cette traduction dans un prologue qui n'est pas considéré comme un texte canonique, bien qu'il figure hors numérotation dans la plupart des Bibles. Le texte hébreu, longtemps considéré comme perdu, a été retrouvé de manière fragmentaire d'abord en 1896 à le geniza du Caire puis en 1964 dans une des grottes à manuscrits de Qumrân. On a pu ainsi comparer le texte à sa traduction, et constater que le petit-fils de l'auteur a été souvent bien maladroit, comme il le reconnaît lui même: ce qui est exprimé en hébreu n'a pas la même force une fois traduit dans une autre langue !

Le Siracide est un livre de sagesse, comme son nom l'indique bien dans le texte grec. La sagesse est un don de Dieu mais nécessite à l'homme du labeur pour l'obtenir. En matière de rétribution, le Siracide se place dans la grande ligne des autres ouvrages de sagesse. La rétribution des justes après la mort n'est pas encore mise en place. Assez disparate, le Siracide accumule des sentences, des proverbes, et parfois un enseignement un peu plus détaillé qui forme des petits traités de quelques chapitres, sur des thèmes très classiques dans cette littérature: la mort, le péché, la liberté, la miséricorde divine...

L'auteur procède aussi à une relecture de l'histoire d'Israël (chapitres 44-50) en plaçant une forte insistance sur le culte légitime issu d'Aaron. Issu d'une composante pieuse et conservatrice du judaïsme, il témoigne de ce courant attaché à vivre une vie humaine en harmonie avec les commandements divins.

PLAN ET RESUME

Prologue (hors numérotation)

I- La sagesse

Le mystère de la sagesse (1,1-10) La source de la sagesse: la crainte de Dieu (1,11-21) Emportement et patience (1,22-24) La crainte de Dieu (1,25-30) Tenir bon dans l'épreuve (2,1-6)

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Avoir confiance en Dieu (2,7-18) Devoirs envers les parents (3,1-16) Sur l'humilité (3,17-20) Pour ne pas s'égarer à rechercher l'inutile (3,21-25) Sur l'orgueil (3,26-29) Sur l'aumône (3,30-31) Le devoir d'assister les pauvres (4,1-10) La sagesse enseignante (4,11-19) Sur la justice et la prudence (4,20-31) Les dangers qui guettent les riches (5,1-8) Danger du mensonge (5,9-6,1) Sur l'orgueil (6,2-4) La vraie et la fausse amitié (6,5-17) Apprendre la sagesse (6,18-37) Liste de recommandations (7,1-22) Rapports entre parents et enfants (7,23-28) Devoirs envers le clergé (7,29-31) Devoirs envers les pauvres (7,32-36) Prudence dans les relations avec les hommes et les femmes (8,1-9,18) Les chefs (10,1-5) Sur l'orgueil (10,6-18) Gens dignes et méprisables (10,19-25) Sur l'humilité et la vérité (10,26-31) Se méfier des apparences (11,1-6) Sur la prudence (11,7-9) Placer sa confiance en Dieu seulement (11,10-28) Se méfier des méchants (11,29-34) Donner aux hommes de bien (12,1-7) Se méfier des ennemis (12,8-18) Attention aux riches et aux puissants (13,1-26) Le bonheur du juste (14,1-2) Sur l'avarice (14,3-10) Profiter avec sagesse de la vie (14,11-19) Bonheur du sage (14,20-15,10) La liberté humaine (15,11-20) Les enfants méchants (16,1-4) Sur la punition des pécheurs (16,5-23)

II- Dieu et la Création

Dieu créateur (16,14-30) Création de l'homme (17,1-10) L'alliance (17,11-14) La miséricorde et la justice divine (17,15-24) Appel à la conversion (17,25-32) Dieu grand et miséricordieux (18,1-14) Apprendre à donner (18,15-18) Sur la prudence (18,19-29) Se méfier des désirs (18,30-19,3) Sur le bavardage (19,4-12) Discuter avant de condamner (19,13-17) La vraie et la fausse sagesse (19,20-30) Quand parler et quand se taire (20,1-8) Contrastes et maximes diverses (20,9-31) Se méfier du péché (21,1-10) Sur les sages et les sots (21,11-28) Sur le paresseux (22,1-2) Sur les mauvais enfants (22,3-6)

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Comment se comporter avec un sot (22,9-15) Sur l'homme résolu (22,16-18) Sur l'amitié (22,19-26) Sur la vigilance (22,27) Prière de l'auteur (23,1-6) Etre prudent dans les serments (23,7-11) Faire attention à ce que l'on dit (23,12-15) Sur la luxure (23,16-27)

III- La sagesse et la loi

Eloge de la sagesse (24,1-17) Invitation lancée par la sagesse (24,19-22) La sagesse et la loi (24,23-29) Le projet de l'auteur (24,30-34) Ce qui est désirable et ce qui ne l'est pas (25,1-2) La couronne des vieillards (25,3-6) Les neuf choses heureuses (25,7-11) La femme mauvaise (25,13-26) La femme vertueuse opposée à la femme dévergondée (26,1-18) Ce qui attriste (26,28) Risques dans le commerce (26,29-27,3) L'homme et la parole (27,4-7) La quête de la justice (27,8-10) Sur les sots (27,11-15) L'amitié mise en péril par l'indiscrétion (27,16-21) Sur l'hypocrisie (27,22-24) Le châtiment du pécheur (27,25-29) Sur la rancune (27,30-28,7) Sur la querelle (28,8-12) Sur la mauvaise langue (28,13-26) Sur les prêts et les cautions (29,1-20) L'hospitalité qui humilie (29,21-28) Sur l'éducation des enfants (30,1-13) Sur la santé (30,14-20) Sur la joie (30,21-25) Sur la richesse (31,1-11) Comment se tenir dans les réceptions (31,12-24) Sur le vin (31,25-31) Comment présider un banquet (32,1-2) Sur la conversation dans les banquets (32,3-13) La crainte de Dieu (32,14-33,6) Dieu le seul maître du temps et de l'histoire (33,7-15) Projet de l'auteur (33,16-19)

IV- Comment gouverner sa vie

Ne pas toucher à ses biens avant sa mort (33,20-24) Le traitement des esclaves (33,25-33) L'inutilité des songes (34,1-8) Les bienfaits des voyages (34,9-12) La protection du seigneur sur ceux qui le craignent (34,13-17) Sur le culte (34,18-35,15) La puissance de la prière (35,16-18) Le châtiment des païens (35,19-24) Prière pour la délivrance d'Israël (36,1-17) Sur le discernement (36,18-20) Le choix d'une femme (36,21-27)

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Les vrais et les faux amis (37,1-6) Les bons et les mauvais conseillers (37,7-15) la vraie et la fausse sagesse (37,16-26) Sur la tempérance (37,27-31) Sur la nécessité de recourir au médecin (38,1-15) Sur le deuil (38,16-23) Le scribe et l'artisan (38,24-39,11) Hymne à la sagesse de Dieu (39,12-35) La misère de l'homme (40,1-11) Vrais et faux biens (40,12-27) Sur la mendicité (40,28-30) Sur la mort (41,1-4) Le châtiment des impies (41,5-10) Sur la bonne réputation (41,11-13) La vraie et la fausse honte (41,14-42,8) Souci que les filles causent à leur père (42,9-11) Il faut se méfier des femmes (42,12-14)

V- L'action de Dieu dans l'histoire des hommes

Dieu créateur (42,15-43,33) Eloge des pères (44,1-50,21) Action de grâce (50,22-24) Ajout ? contre trois nations (50,25-26) Reprise du projet de l'auteur (50,27-29) Hymne d'action de grâce 51,1-12) Invitation à rechercher la sagesse (51,13-30)

HISTOIRE DE LA REDACTION

Le texte hébreu a été écrit vers 190 av. J.Ch. et traduit en grec une soixantaine d'années plus tard. On se situe donc dans un contexte de montée en puissance de l'hellénisation. L'auteur dit avoir connu le grand-prêtre Simon le Juste (50,1-20) qui est mort après 200. Lors de la traduction du texte, Israël a subi la persécution d'Antiochos IV et le Temple a été profané (50,24)

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TRACES DE MEDITATION

1. Le péché 2. Conversion et pardon 3. L'homme vis-à-vis de Dieu : l’avenir 4. L'homme vis-à-vis de soi-même: la patience 5. Amis et ennemis 6. L'emploi de la parole 7. La Sagesse 8. La loi 9. La crainte de Dieu 10. Le culte

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1. Le péché Le concept négatif plus spécifique de la pensée de la sagesse n'est pas le péché, mais la folie.

Le sage est directement opposé à l'insensé, qui, par son comportement arbitraire et non réglementé, nuit tout d’abord à sa santé même (19,4). Mais dans la mesure où identifie la Sagesse avec la loi, le fou est également considéré comme un pécheur, parce qu'il s'oppose à la volonté de Dieu.

En généralisant un peu, on peut dire que l'insensé est consideré du point de vue plus directement anthropologique, tandis que le pécheur est un concept plus clairement théologique. Sur la base de ce terrain commun des deux points de vue différents, nous pouvons nous attendre à ce que la terminologie reste flottante et un peu non conventionnelle et que nous pouvons parler du péché dans le sens de la folie et vice versa. Mais en tout cas il est symptomatique que dans Sir le vocabulaire du péché (102 fois) l’emporte sur celui de la folie (racine hébr. : mor, seulement 29 fois). Donc, si nous examinons la terminologie du péché dans le livre, nous sommes en mesure de trouver toutes les questions morales qui sont les plus caractéristiques, avec quelques principes théologiques sur l'origine et le pardon des péchés. Les mots grecs devant être pris en compte sont les suivants: l) hamartia (46 fois), 2) hamartolos (38 fois), 3) hamartano (16 fois), 4) hamartema (2 fois).

La phénoménologie du péché présente des troubles censurés par Sira. Les pécheurs sont reconnus principalement de leurs combats faciles: il est donc bon de ne pas se mêler dans leurs combats (11,9) et de veiller à ne pas être si passionnés pour mener des combats et tomber ainsi dans le péché (28,8); le pécheur est facilement conduit au ressentiment et à la colère (27,30), il a tendance à verser le sang et à semer la discorde et la calomnie, qui perturbent la paix entre amis, comme une étincelle qui allume le feu (28,11).

Le péché est ensuite associé au thème de la richesse et de l'argent. En principe, il est vrai que la richesse est bonne si elle est sans péché (13,24), mais en pratique, il arrive que beaucoup pèchent par amour à l'argent, parce que à ceux qui cherchent de s’enrichir sans scrupules, il arrive que tôt ou tard le péché s'insinue dans la vente (27,1-2). Nous savons que c'est normal pour le pécheur, d'une part offrir distraitement la garantie avec le mirage de l'argent facile (29,19), et pour l'autre de profiter de la bonté de ceux qui donnent caution, gaspillant leurs biens (29,16). Dans certains cas, le terme « pécheur » est utilisé comme synonyme de « riche », parce qu'il contraste avec les pauvres sages (10,23) ou avec ceux qui confient dans le Seigneur (11,21).

Bien sûr, l'un des défauts du pécheur est l’abus facile de la parole. Dans ce cas, on applique la loi du talion: le pécheur devient la victime de ses lèvres, car les mots superbes et diffamatoires qu'il prononce contre les autres tomberont sur lui (23,8).

Puis l’auteur met en garde contre l'utilisation facile du serment (cf. 4,14; 43,10, 47,8), qui est en soi un péché, mais devient un double péché si l’on parvient à parjurer (23,10-11), et contre le blasphème, qui pourrait entrainer dans le péché même les hommes pieux (23,12); la parole que l’on dit, peut-être dans les affres de l'ivresse, si l’on s’attarde après la fête dans la maison des autres (32,12), est toujours considérée comme un péché d'arrogance. Ainsi le rire du fou dans la débauche est un péché (27,13) et surtout la passion qui mène à l'adultère (23,16-18).

Mais peut-être le regard le plus profond de Sira sur le péché concerne l'obstination du pécheur, cette légitime défense tragique qui le fait rester dans son état. Donc, il échappe au reproche qui pourrait l'aider à renoncer à ses habitudes, et il trouve de nouvelles excuses pour ses caprices (32,17). Il est vrai que sa volonté de nuire à autrui peut être évitée (19,25), mais en réalité, son entêtement tend à ajouter péché sur péché (3,26). L'homme pèche loin de Dieu, puis il montre fierté devant les autres (10,12-13); s’il aime aussi la vengeance, la volonté de Dieu sur lui sera de se venger plutôt que de lui accorder son pardon (28,1). Les pécheurs qui ne peuvent pas se conformer à la loi ne peuvent pas aboutir à contempler la sagesse (15,7), ils ne peuvent pas célébrer la louange du Seigneur (15,9), et lors qu’ils ont l'audace de donner des conseils aux autres, c’est toujours le

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résultat d'une fausse prudence (19,19); parfois ils aimeraient montrer un exemple à suivre, mais en réalité ils marchent sur deux rues au même moment (2,12), une hypocrisie qui les conduit à fuir la pitié et les instructions de la sagesse (1,22). Avec ces coups de pince, Sira a atteint l’origine la plus profonde du péché, d’où vient la décision cruciale de l'homme et son égarement le plus radical.

Mais on parle aussi de l'occasion du péché. Il est possible que Sira qualifie comme le «jour de la honte» l'apostasie jaillissant de l'hellénisme, soulignant, toutefois, que le sage peut se méfier (18,27), de sorte à surmonter ce conditionnement vraiment insidieux qu’est la honte humaine (42,1) et la fausse honte (4,21). En fait, il serait facile d’éprouver de l’envie pour la gloire du pécheur (9,11), mais il ne faut pas oublier que sa fin sera comme tomber dans un abîme, même si son chemin semblait être facile et sans obstacles (21,10). Par conséquent, on doit se tenir à l’écart de la tentation du péché comme d’un serpent (21,2; cf. Gn 3,1), car il est à l'affût comme un lion, prêt à saisir ceux qui pratiquent l'injustice, voire un comportement contraire à la loi (27,10; cf. Gn 4,7). Enfin, comme occasion spéciale de péché on songe au commerce (26,20), tandis que sur le plan historique Ben Sira se souvient du péché de rébellion auquel s’opposa Caleb (46,1 cf. Nb 14,7-9), et de celui de Jéroboam, qui avait fait pécher Israël (1 Rois 47,24 cf. 14,16 etc. ).

L'harmonie de la création est perturbée par la présence du mal et de fléaux naturels dans le

monde, dequels Ben Sira essaie à tâtons de donner une certaine explication logique (théodicée). Il se sert du principe du double aspect, résumé dans 42,24-25, à l'issue de la louange de Dieu dans la création, mais développée dans un certain nombre de pistes précédentes (33,7 -19 ; 39,12-35 et 40,1-17;. cf. Isa 45,6). Selon ce principe, les œuvres de Dieu sont «deux par deux, l'un en face de l'autre» (33,15). Comme vis-à-vis de la vie on trouve la mort, ainsi vis-à-vis du bien il y a le mal et le pieux à côté du pécheur (v. 14).

Souligner cette coexistence du pôle positif et négatif doivent relativiser la réalité. du mal et ainsi résoudre le problème du manque d'harmonie dans l'univers.

Les choses sont neutres du point de vue moral : elles jouent cependant un double rôle en fonction de la qualité morale de ceux qui les reçoivent ou en souffrent. Ainsi, les mêmes éléments naturels (eau, feu, fer), les mêmes aliments (farine, sel, lait, miel, vin et huile d'olive), et même les vêtements sont bons pour les pieux, mais ils deviennent mauvais pour les pécheurs (39,26-27).

Le vents violents, la grêle et la faim, les foires et les vipères ont été créés pour la vengeance,

et leur fonction de « bourreau » explique et justifie le sens de leur brutalité, à première vue totalement négatif (39,29- 30; cf. 40,9). Peu de temps après, le concept a été repris avec une variation, en supposant que si la condition humaine est douloureuse et tragique pour tout le monde, elle devient terrible pour les pécheurs, parce que leur souffrance est sept fois plus élevée que celle des justes (40,8-10) .

Mais à ce stade, le problème se déplace plus en amont, pour enquêter sur l'origine de cette même double distinction entre les hommes. Maintenant Ben Sira élabore deux réponses différentes, qui semblent à première vue contradictoires dans leur partialité, mais qui peuvent être conciliées si on se pose logiquement à différents niveaux.

D’abord l’auteur fait état de la liberté humaine, d’une manière claire et sans équivoque, et donc de l'auto-détermination de chaque personne d'être bonne ou mauvais (15,11-20), mais ensuite il passe à admettre sa destination pour le bien et pour le mal par Dieu (33,10-13). Pour ce deuxième concept, qui est le plus courant dans l'Ancien Testament (cf. Ex 4,21; 7,13-14; Isa 6,9-10; Jer 13,23), Ben Sira se sert d’une image traditionnelle qui est celle de l'argile dans les mains du potier : tels sont les hommes dans les mains de Celui qui les a créés (33,13; cf. Isa 29,16; 45,9 ; 64,7 ; Jer 18,6), parce que le Seigneur les distingue en leur assignant de différents destins (33,13; litt. « différentes manières » ). Mais avant (15,11-20), il a été déclaré, comme on a vu, avec une clarté inhabituelle dans l'Ancien Testament, que l'homme est créé libre et qu’il décide de tendre la main à l'eau ou au feu, c’est-à-dire d’observer ou non les commandements (v. 15-16). Le problème du mal moral et physique dont l'homme fait toujours l'expérience est comparé à la providence et à la toute-

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puissance de Dieu en termes de foi, postulant une réconciliation dont on ne peut jamais faire une démonstration. Même la Sainte Écriture ne peut échapper à cette limitation de la connaissance humaine : quand il s'agit de ce mystère, on ne peut que s’y rapprocher. Par conséquent, nous devons nous contenter de constater le fait de la liberté humaine séparément de celle de la bonté de Dieu tout-puissant, sans attendre de pouvoir réellement vérifier leur composition, parce que. nous sommes confrontés à deux niveaux différents. L'Écriture Sainte est avant tout préoccupée de proclamer la toute-puissance de Dieu (cf. 8,28-30 ; 9,10-21 ; 11,33-36), mais elle assume aussi la responsabilité de l'homme considéré comme coupable de son péché (Gn 2-3; Isa 1,3-5.16-20; Jer 1,16; Ez 18).

A cette donnée traditionnelle, Ben Sira n’ajoute que sa clarification de certains aspects du problème, sans pour autant nous autoriser à demander dans son raisonnement une logique totale et parfaite, qui aurait l'audace de jeter la lumière sur le mystère insondable de Dieu. Sur la base du fait que la création est digne de son Créateur, il affirme que le mal qui se trouve à son intérieur est compensé par le bien, et qu’il faut reconnaître qu’il y a un équilibre entre les deux parties. Mais même dans ce cas, il ne s‘agit que d’une tentative partielle et très approximative d'explication et non de l'explication de l'expérience du mal, qui présente sans aucun doute des données en contradiction avec ce principe général optimiste, où la douleur qui frappe l’innocent ne trouve que peu de place.

Un autre élément important souligné par Sira dans toute cette discussion est le facteur «temps», car le sage est convaincu que la disproportion entre le mal et le bien, mesurée à partir de l'expérience quotidienne, sera redimensionnée et corrigée par la reprise d'un équilibre qui n’est que temporairement perturbé : « Toutes les œuvres du Seigneur sont bonnes, il pourvoira tout à son temps ; dans le temps tout sera reconnu comme étant bien» (39,33-34 ; cf. 39,16). La théodicée pénètre bien dans l'eschatologie, et le thème de la nature aboutit au thème de l'histoire.

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2. Conversion et pardon

Cette exposition méticuleuse, que nous venons de faire de tous les contextes où l’on trouve la terminologie du péché, pourrait faire penser que Sira était un homme obsédé par l'idée de péché. Pour corriger cette impression, nous devons nous rappeler que le thème du péché ne doit pas être isolé de toutes les valeurs positives dont il parle, comme l'admiration de la grandeur de Dieu et le sens de la beauté de la création.

Le péché est négatif car elle empêche la réalisation d'un plus grand bien, par l'introduction d'un manque d'harmonie dans la création. En outre, cette terminologie du péché, qui se produit si souvent et facilement, ne doit pas toujours être compris dans un sens strictement théologique, mais aussi en sens anthropologique, comme contraire à la bonne éducation, à la réussite dans la vie, ou préjudiciable à l’image dìune personne dans le milieu social (cf., par exemple, 1 Sam 26,21). Ben Sira est non seulement un penseur religieux mais aussi un éducateur préoccupé des valeurs civiques qui font le bien de la personne et de la société. Cette utilisation «non-théologique» du terme «péché» est plus évidente dans les trois passages suivants.

L'expression «celui qui pèche contre soi-même" se réfère aux dommages que l'on peut causer à soi-même, lors qu’on ne se fait valoir devant les autres (10,29; Bible CEI : « celui qui donne lui-même tort »), ou qu’on a trop facilement confiance dans les autre (19,4). Enfin, en parlant de la mauvaise femme, Sira déclare: «D'une femme le péché a eu son début. En raison de cela, nous allons tous mourir » (25,24). Cette traduction n'est pas sans rappeler le premier péché d'Eve, qui serait la première cause de la mort de l'humanité, contrairement à ce qui se passe habituellement dans la théologie rabbinique qui pense à Adam (cf. Rom 5,12-14, mais aussi 1 Corinthiens 11,3). Cette interprétation traditionnelle est en contraste avec la thèse récente ici que ce passage ne se réfère pas du tout à Eve, mais aux femmes en général, qui, avec leur mauvaise conduite concernant la gestion de la maison (cf. le profil de la femme idéale dans Pr 31,10-31), peuvent ainsi entraîner leurs familles à leur ruine. En effet, dans le premier stique manque le verbe et le sens peut être compris au présent et non au passé: « De la femme (est) le début du péché », et ce terme signifie tout simplement son «erreur». La «mort», au stique suivant, doit donc être entendue dans un sens métaphorique, tel que «échouer, faire faillite».

Malgré les contraintes négatives, l'homme est libre et responsable de son propre péché (15,12. 20), tandis que notre propre misère nous aide parfois à ne pas pécher (20,21). On a besoin de l'aide de Dieu, invoqué dans la prière, pour se faire fort contre la tentation en général et en particulier contre la luxure (23,2-6). Suivre la sagesse révélée dans la loi (24, 21) et penser à la mort (7,36) nous aide à ne pas pécher. Malgré ces aides le péché peut être considéré comme une condition universelle (8,5), ce qui n'empêche pas, toutefois, la distinction entre les pieux et les pécheurs, selon le principe du double aspect (33,14). En fait celui qui est bon et pieux ne devrait pas aider le pécheur (12,4.7), car il diffère de lui comme l'agneau du loup (13,17). Mais il est clair que même les pieux pèchent, et donc l'invitation à confesser leurs péchés, qui est adressée à tout le monde, sera cependant pour la plupart accueillie par ceux, qui perçoivent que vouloir les nier serait comme s'opposer au courant de la rivière (4,26). Celui qui réfléchit, découvre ses péchés (27,4), alors que celui qui ne pèche en paroles ne devrait pas être tourmenté par le remords (14,1), mais cela est peu probable, parce que il est facile de pécher involontairement avec la langue (19,16).

Malgré les précautions, on ne peut pas éviter le péché, et l’appel à la conversion retentit donc encore plus approprié. Ceux qui craignent le Seigneur, acceptent d’être poussés à la conversion du cœur (21,6) et de montrer leur repentance (18,21). Ils ne retardent pas la conversion (5,7), ils prient Dieu pour le pardon (21h01), et ne se laissent pas saisir une seconde fois par le péché (7,8). Pourtant, tout en insistant sur ces recommandations, Ben Sira admet amèrement que l’insensé reste dans sa triste situation, insensible à tous les appels comme un homme qui ne sort pas de son lit, ni de sa somnolence, et ne se rend pas compte que sa vie est pire que sa mort (22,7-15).

De même, nous devons aussi noter, par exemple, que ceux qui ont l’habitude d’insulter ne se corrigeront pas en toute leur vie (23,15). Comme on voit bien dans l'histoire d’Israël, les habitants

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du Règne du nord ne se repentirent pas et ils n’abandonnèrent pas leurs péchés, malgré l'attrait des grands miracles accomplis par Elie et Elisée (48,15).

Il est donc inévitable que l'on parle de la punition du péché qui – selon notre auteur-prend place dans cette vie et non dans l'autre. Ainsi, nous entendons parler de la colère ou de la colère de Dieu (5,7; 7,16; 16,6}, qui anéantit le pécheur (5,7), ou qui va couper sa vie avec une fin soudaine (9,11), également symbolisée par le feu (16,6), avec une référence à celui qui avait détruit les rebelles dans le désert (Nb 11,1; 16,35). Dieu hait les pécheurs et punit les méchants (12,6), qui ne peuvent échapper en toute impunité avec ce qu’ils ont enlevé aux pauvres (16,14, cf. 13,19; Lev 19,13). C'est pourquoi Dieu n'a eu aucune pitié des Cananéens têtus dans leur orgueil (16,9) et que le châtiment des pécheurs est appelé sur la femme mauvaise (25,18), tandis que la maladie est généralement invoquée sur le pécheur, ce qui va l'obliger à consulter un médecin (38,15).

Il croit aussi en une sorte de transmission héréditaire de la culpabilité et de la peine: les enfants des pécheurs sont abominables comme leurs pères (45,5; cf. 23,25; 40,15; Ezeq 18), de la même manière il indique un héritage de signe opposé pour le bon, (4,16 ; 44,11-12). Les pécheurs seront privés même de la mémoire de la postérité (41,9.11; 44,9), tandis que les bons en quelque sorte survivent (44,8. 14).

Mais comme Ben Sira parle de la colère et la miséricorde de Dieu, avec la punition il parle aussi de pardon, parce que le Seigneur, qui est compatissant et miséricordieux, pardonne les péchés (02h11). Le pardon doit être invoqué dans la prière, comme le fait le scribe chaque matin (39,5), et celui qui souhaite être pardonné par Dieu doit aussi pardonner à son prochain (28,2- 5; cf. Mt 5,23-24; 6,12; 18,23-35), sans toutefois abuser de la patience de Dieu dans son péché (5,4-6). C'est pourquoi le Seigneur a pardonné les péchés (mais ici l'hébreu a le singulier en référence à 2 Sam 11, tandis que le grec utilise le pluriel pour brouiller comme l'allusion à un épisode scandaleux de David (47,11), mais il n’a pas pardonné la faute de Jéroboam, qui a entrainé Israël dans le péché (47,23-24). Une efficacité particulière pour le pardon est attribuée aux œuvres de charité, car la charité a le pouvoir d'expier les péchés, soit dans le cas où on aide les vieux parents nécessiteux (3,3), soit dans toute autre forme d'aumône (3,29). Cette charité efface les péchés comme la chaleur fait fondre la glace (3,15) et que l'eau éteint le feu qui flambe. (3,29).

L'expiation rituelle est confiée à Aaron (45,16) et Phinées (45,23; Bible CEI: «calmer» Dieu) : la terminologie du culte a un sens métaphorique, lors que la «purification» du péché est recommandée pour être libérés de la maladie (38,10).

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3. L'homme vis-à-vis de Dieu : l’avenir

Dans le contexte des tendances et des intérêts de Sira on peut bien apprécier sa façon de parler

de Dieu. Ben Sira nourrit un sentiment bien vivant de la grandeur de Dieu, de son omniscience et omnipotence, de sa miséricorde et de sa gravité. La création, dans son immensité et son harmonie, est le contexte dans lequel se place la relation de l'homme avec Dieu, à qui il doit avant tout, dans sa petitesse, soumission et confiance.

L'attitude contemplative grâce à laquelle on peut surmonter les vaines tentatives de réconcilier les explications rationnelles des contradictions de la création, emmène Sira à parler de Dieu avec enthousiasme et étonnement.

Dieu est omniscient, parce qu'il voit toutes les actions des hommes, bonnes et mauvaises, et qu’il les juge (15,18-19; 16,16-19; 17,13. 15-18; 23,19- 20 ; 39,19- 20) . Ce "Dieu de l'univers" (36,1) est omnipotent dans son commandement (39,18 ; 43,26), et sa grandeur est telle que l'homme ne peut ni la mesurer ni enquêter sur elle (18,1-6).

C'est Dieu qui dans sa providence donne aux scribes la sagesse (37,21 ; 39,6) et le succès qui en revient (10,5), mais aussi, de façon inattendue, il distribue de la richesse aux pauvres (11,12-13. 21); de lui jaillit la guérison (38,2. 9), mais aussi le décret de mort pour chaque homme (41,4). Même si la partie spéciale du Seigneur et son « héritage » est Israël, de lui dépendent aussi les régimes internes des différents peuples (10,4 ; 17,14).

Compte tenu de la finalité d’éducation de son travail, Sira insiste davantage sur les motifs qui poussent l’homme à avoir confiance dans le Seigneur et à agir conformément à sa loi.

Dieu aime ceux qui aident l'orphelin et la veuve (4,10): il protège ceux qui le craignent (2,13 ; 33, l ; 34,14-15) et il combat même à leurs côtés (4,28), en soutenant en particulier les pauvres et les opprimés (35,13-15). Il sait récompenser le bien fait aux autres (17,17- 19), et notamment aux pieux, qui ne sont pas à même de rendre la pareille personnellement (12,2).

L'attribut que Ben Sira met le plus en valeur à côté de la grandeur de Dieu, c’est sa miséricorde (18,4), qui peut bien être exaltée si on la compare à la fragilité de l'homme, fait de chair et de sang, de terre et cendre, et donc sujet au mal (17,25-27; cf. Gen 6,5; 8,21). C'est pourquoi les hommes ont besoin du pardon de Dieu, de sa correction et de sa doctrine (18,7-14); comme Sira le déclare à partir de la perspective universelle qui lui est si chère : « La miséricorde de l'homme touche son voisin, la miséricorde du Seigneur, toute chose vivante » (18,12; cf. Sg 11,21-12,18).

Compter sur la miséricorde de Dieu ne doit pas déresponsabiliser l'homme, mais motiver sa conversion: "Retourne vers le Seigneur et cesse de pécher. Comment ils sont grands la miséricorde du Seigneur et son pardon pour ceux qui se tournent vers lui »(17,25.29 BJ).

De son admiration pour la miséricorde de Dieu dérive son insistance sur la prière dans son double aspect de demande et de louange. Dans ces prières l'influence des psaumes est remarquable. Dans la Sagesse de Ben Sira, il y a trois prières formulées à des occasions spéciales:

- pour le domaine des passions sensuelles (23,1-6), - pour la défaite des ennemis d'Israël (36,1- 17), - en action de grâce pour la délivrance obtenue (51,1-12). Il y a des pétitions pour implorer la guérison (28,3 ; 38,9.10.14), pour obtenir de Dieu la

sagesse (39,5) ou encore sa guide morale sur notre vie (37,5). Jésus ben Sira prévient de ne pas demander la guérison, si l’on n’a pas pardonné à son prochain (28,2-5; cf. Mt 5,23-24 ; 6,12; 18,23-35) et de ne pas répéter les mots dans la prière (7,4b ; cf. Ecclésiaste 5,1 ; Mt 6,1). Pourtant, tout comme avec le culte, le discours de Sira sur la prière est fondé sur de vastes motivations de sagesse: la louange de Dieu est une capacité spécifique de l'homme qui atteint ainsi le but de sa création (17,8) et elle est enseignée d’une manière spéciale comme une réponse spontanée à la

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contemplation consciente de l'harmonie de l'univers (39,13-16). A’ cause de son lien avec l'intelligence de la création, la louange de Dieu est demandée au sage comme une exigence spécifique (15,1-10; 51,1.11.12.29).

Mais Sira met également en garde à plusieurs reprises de ne pas abuser de la miséricorde de

Dieu (5,3-7, 16,11-15), parce qu’il y a en lui et pitié et colère (5,6c ; 16,12). Dieu est puissant et indulgent, et lors qu’il répand sa colère, sa miséricorde est aussi grande que sa gravité (16,12-13). Ainsi, il parle souvent de la punition divine, qui est appelé la « visite » (2,14), l' « épée » (26,19), la « vengeance » (28,1). Dieu hait les pécheurs et les poursuit même par la maladie (30,19 ; 38,15), de sorte que ceux qui ne craignet pas sa colère aboutiront à la ruine de leur maison (27,3). La colère de Dieu est dirigée en particulier contre les orgeuilleux (10,12-17), qu’il frappe de la verge jusqu'à les exterminer (v. 13d), et contre le méchant en général, qui est aveuglé par l’erreur (v. 11.16). La réflexion sur la miséricorde de Dieu et sur sa colère est illustrée par quelques exemples de l'histoire biblique (16,5-10), qui doivent valider les avertissements donnés. La punition de Dieu est attendue (35,19-23) et invoquée (36,1-7. 8. 9) sur les nations ennemies (Egypte et Syrie) qui oppriment le peuple d'Israël, mais dans l'espoir qu'eux aussi ils aillent reconnaître la puissance de Dieu (v. 2. 4. 17; cf. Isa 2,2-5; 19,16 – 25 ; 25,6; 45,14-17. 20-25; 60,1 à 16; Zac 14,16). Ces deux aspects de l'œuvre de Dieu, sa miséricorde et sa colère, doivent être liées à la théodicée et l'eschatologie de Sira.

3. 1. L'avenir de l'homme Dans les expressions de la colère de Dieu, Sira ne pense pas à un châtiment dans l'au-delà,

mais aux maux qui touchent les hommes dans ce monde. En fait, quand il parle de l’enfer (hébr. sheol, grec hadès), il ne le considère pas comme un lieu de punition, mais comme un lieu où tout le monde, bons et mauvais coexistent dans une survie terne et indifférenciée, selon la conception traditionnelle de l'Ancien Testament sur le séjour des morts. Compte tenu de cette perspective générale de notre auteur, on comprend mieux son exhortation à profiter de la vie présente, parce qu'il n'y a pas de joie dans le monde souterrain (14,11- 19, spéc. v. 16b), ou son invitation à se confier aujourd'hui à la miséricorde divine, parce que dans la vie après la mort il n'est plus possible de louer Dieu, comme seuls les vivants peuvent le faire (17,22-23; Ps 6,6; 115,17; Isa 38,18; Bar 2,11).

Conformément à ce point de vue, la promesse de la vie pour ceux qui aiment la sagesse (4,12 a) doit se comprendre dans le sens d'une vie sereine et heureuse dans ce monde (cf. v. 12b ; 30,22), grâce aux bénédictions attirées sur 'homme sage qui craint Dieu (1,9-16 ; 11,20). Dans ce même sens, la loi de la vie (17,9 ; 45, 5) aide à vivre cette existence en plénitude, grâce aux conseils de l'homme sage qui est défini « source de vie » (21,13).

En fait, celui qui péché nuit d’abord à soi-même (19,4- 5), et ce principe est également exprimé par des images fortes: celui qui sème l'injustice en reçoit sept fois plus (7,3), celui qui lance une pierre à l'autre, la jette sur sa propre tête, comme celui qui creuse une fosse y tombe lui-même dedans (27,25- 29; cf. Mt 26,52 b). Dieu va exposer le menteur dans l'assemblée (1,26-29) et la peine atteindra les pécheurs (12,6) avant leur mort (9,11-12). Cette forme de représailles qui sont mises en œuvre dans les vicissitudes de la vie, est parfois rappelée par l'image du feu, qui indique simplement la cessation soudaine de l'état de l'injustice et d'une situation injuste (8,10 ; 21,9 -10; 28,18-23). De cette façon, la vie et la mort ne sont que deux zones où l'homme se déplace dans sa vie actuelle: elles viennent du Seigneur comme la pauvreté et la richesse, le bien (= récompense) et le mal (= punition) (11,14), mais ce sont aussi les deux directions de conduite que l'homme choisit lui-même (15,11) et qui se manifestent d'une manière particulière dans l'utilisation différente de leur propre langue (37,17- 18).

A cette interprétation générale de l'eschatologie de Sira, qui parait terrestre et non surnaturelle, s'opposent certains passages tels que: «Pour ceux qui craignent le Seigneur, ce sera bien à la fin, il sera béni le jour de sa mort» (1,11). Ici, comme ailleurs, le jour de la mort (11,26 ;

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18,24, cf. 2,3) ou de la fin (7,36 ; 9,11), défini comme le moment de la rétribution (1,11 ; 2,3, 7,36 ; 11,26) ou du châtiment (9,11 ; 18,24), en tenant compte de l'ensemble de l'ouvrage, ne concerne pas une récompense après la mort, mais les circonstances dans lesquelles l’on meurt, comme une mort prématurée (cf. 3,6) ou particulièrement douloureuse ou honteuse (10,9-10), ou encore le mauvais souvenir laissé aux héritiers. Nous comprenons donc l'importance de garder une bonne réputation pendant la vie et après la mort (6, 1 ; 15,6 ; 23, 26 ; 37,26; 39,6.11; 41,11-13; 44,8. 11), aussi bien qu’une bonne progéniture (1,13 ; 8,4 ; 16,1- 3 ; 23,24-25 ; 25,7 ; 30,4; 40,15. 19; 41,5), considérés comme indices révélateurs de la valeur d'un homme. Bonheur "éternel" (2,9) doit être compris du bonheur qui dure dans cette vie (cf. Isa 35,10; 51,11; 61,7), et le "repos éternel" (30,17) de la mort qui délivre d’une vie amère. Sira parle encore de la mort comme d’un retour à la terre par l’inhumation (16,30 ; 17,1 ; 40,11 ; 41,10) ou il l’explique comme un départ de l'esprit avec la cessation de la vie (38,23), comparant l'alternance des générations au sort des feuilles, qui tombent et renaissent sur un arbre (14,18). Beaucoup de ces observations restent au niveau de la phénoménologie commune.

La métaphore de la renaissance végétale est adoptée deux fois concernant les os des juges (46,12) et des prophètes dits « mineurs » (49,10); d'où l'expression figurée, utilisée pour exprimer l'espoir que leur exemple et leur enseignement puissent s'épanouir dans le présent à travers leurs descendants.

3.1.2 La « petite patte » du traducteur Il semble certain qu’à deux reprises le traducteur grec a introduit dans le texte l'idée de la

rétribution dans l'au-delà, que la conscience d'Israël avait acquis pendant la persécution des Maccabées et qui trouve son autre expression dans Dan 12,2-3 et 2 Mac 7,9. En Sir 1,17b le texte grec dit que «le feu et les vers sont le châtiment des méchants », signifiant le feu comme une punition dans l'au-delà, tandis que le texte hébreu ne parle que des « vers qui attendent (tous) les hommes», se référant uniquement à la décomposition physique du cadavre. En 48,11ab il vaut mieux ne pas traduire le participe du grec par le passé (Bible CEI) mais par le futur: « Heureux ceux qui te verront et s'endormiront dans l'amour », en faisant référence à ceux qui assisteront au retour d’Elie et à sa prédication à l'inauguration des temps messianiques (48,10). Dans la partie suivante du verset, le traducteur grec semble avoir transformé le texte, qui est d’ailleurs incomplet et incertain en hébreu, dans une claire déclaration sur la vie future : « parce que nous vivrons certainement » (48,10c). Ces deux précisions sur la rémunération ultra-terrestre, l’une de malheur (7,17b) et l'autre de récompense heureuse (48,11c), seraient une innovation du traducteur, ce qui ne doit pas changer l'interprétation de l'eschatologie de cet ouvrage.

Ce même développement doctrinal qui a conduit à l'adoption de l’eschatologie ultra-terrestre est bien attesté dans quelques ajouts le long du texte (Gr. II):

- "Parce que sa récompense est un don éternel de joie» (2, 9c); - «Il les garde pour le jour de leur peine» (12,6 c); - «Dans la mort (il y a) l'examen de toutes choses» (16,22 c); - « La connaissance des préceptes du Seigneur est la discipline de la vie ; ceux qui font les

choses qui lui plaisent, mangeront de l'arbre de l'immortalité » (19,19). Ce type d'ajouts, provenant de l'environnement pré-chrétien juif (Gr. II), se multiplie dans le

milieu chrétien attesté par la Vetus Latina (II siècle après J.C.). L'eschatologie de Sira est terrestre et n’atteint pas la vision messianique d'une transformation

des conditions politiques et matérielles de son peuple, telle qu’on la trouve dans les textes prophétiques après l'exil (cf. en particulier le Deutéro et le Trito-Isaïe, Aggée et le Proto-Zacharie). Toutefois, une exception à cette attitude générale est constituée par la prière pour l'indépendance de Jérusalem des mains des étrangers (36,1-17), une péroraison qui explose dans un moment de tension nationale que l’on ne saurait mieux identifier, ou bien sous les Ptoléméens ou bien les Séleucides. En tout cas, c'est une composition remplie de références bibliques (Ps 44; 60; 79; 80; 83; 2 Mac

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1,24-29). Cette prière n'exprime pas la pensée plus typique de l'auteur, qui est normalement méfiant envers les étrangers, mais pas au point de manifester son ressentiment si ouvertement et impétueusement.

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4 L'homme vis-à-vis de soi-même: la patience Le comportement que l’homme tient dans sa famille et dans le domaine de ses relations

sociales présuppose une étape interne qu’il vaut la peine de considérer en soi, car elle comprend les attitudes les plus intimes de la personne. Peut-être que l’on interprète bien l'éthique de Ben Sira, si l’on met au premier rang la patience, qui reçoit une place d'honneur dans l'édition finale du livre car, après les deux premiers passages consacrés à la sagesse (1,1-8) et la crainte de Dieu (1,9-18), la patience est introduite tout de suite, et même d'un double point de vue: vis-à-vis des autres, car elle contribue à maitriser la colère (1,19-21), et vis-à-vis de Dieu, car c’est elle qui donne la force d'accepter les épreuves sans perdre confiance en lui (2,1-18). La patience encourage la recherche de la sagesse (1,22-23), inspirée par la douceur (1,24) et évitant de glisser dans la duplicité et la tromperie du cœur (1,25-29), auxquelles on a recours pour résoudre les problèmes par ces subterfuges inspirés par l’impatience.

En revanche, Ben Sira montre une grande réticence envers la colère et l’exaspération; lorsque il veut présenter un tableau sombre de l'existence humaine, il la caractérise par ces sentiments, qui sont des manifestations de la colère: le dédain, l'envie, l’effroi, l'inquiétude, la peur de la mort, les conflits et les querelles (40,4). Cette colère caractéristique de l'ennemi (25,14) est principalement le résultat de cet orgueil qui mène à l'arrogance (10,18), et de la richesse qui fait éclater de violents combats (28,10). Celui qui est en colère dans son cœur ne peut pas demander pardon à Dieu (28,3-7; cf. Mt 6,12). D'autre part, la colère nuit également à la santé (30,24) et elle est plus dangereuse que l’ivresse (31,29-30).

Si cette patience n'est pas déçue (2,10), elle conduit à la joie (l,20), qui est un sentiment important pour que Ben Sira présente une vue sereine et optimiste de la vie (1,10; 6,28; 15,6; 30,3.22; 31,28). En fait, la sérénité de l'homme se manifeste aussi dans son visage (13,25-26), elle ne dépend que d’une conscience qui n'est pas hantée par le remords du péché (14,1-2), mais aussi d’une bonne santé (30,16), qui permet de manger avec un vrai goût (30,14-25; 14,11.14). En dépit de cette saine appréciation de la bonne nourriture, il est recommandé d'ailleurs de se modérer dans l'alimentation non seulement pour des raisons de politesse (31,12-18), mais aussi pour prévenir les dommages à sa propre santé (31,19-22; 37,27-31).

Une sage conduite de la vie se révèle surtout dans la capacité d'apprendre et de réfléchir, de prévoir et de décider.

L'homme a reçu dans la création de nobles pouvoirs, tels que le discernement, la langue, les yeux, les oreilles, le cœur et l'intelligence pour être raisonnable (17,5-6). Donc, c’est son activité intellectuelle qui est relevée au maximum : le scribe-sage étudie les documents du passé (39,1-3), il se déplace également pour enquêter de par son expérience le bien et le mal chez les hommes (39,4) . Ces voyages font grandir son intelligence et sa prévoyance (34,12), ce qui rend inutile de faire confiance dans les rêves comme moyen de connaissance (34,1-8). En réfléchissant sur l'expérience, ce n’est pas surprenant de constater que si les conséquences des actions humaines sont souvent opposées à l'effet recherché, c’est car il il y avait à leur origine un défaut initial en raison d'un comportement qui n’avait pas été sage (20,9-17).

4. 1 confiance en soi L'homme qui réfléchit est assuré dans ses décisions (22,16-18), parce qu'il sait d'abord être

pondéré dans ses choix (36,18-20), et car il sait suivre les conseils que il peut obtenir des autres, tout en tenant compte de leurs motifs qui sont parfois intéressés (37,7-11). Il fait confiance dans l'homme qui observe les commandements, mais il se fie surtout de soi-même et de la lumière de Dieu invoquée dans la prière (37,12-15). Cette confiance en soi est recommandée comme une adhérence à ses convictions religieuses. Pour ce faire, en un temps d'apostasie facile, l'homme doit être prêt à se battre pour la vérité jusqu'à sa mort (4,20-28).

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4.2 Activités dont il faut avoir honte. Qui suis-je ? Où est mon trésor ? Comment je me porte

dans mes relations ? La honte est un sentiment en soi-même ambivalent. Il est donc nécessaire de discerner de cas

en cas. Sur ce thème, qui est très important pour les stoïciens, Ben Sira récapitule toute sa morale sociale, condensée en 19 choses dont avoir honte (41,17-27) et 15 choses qui ne sont pas honteuses (42,1-8). Ce n'est qu'en 42,2 qu'on trouve une référence religieuse (à la loi du Très Haut et à l'alliance), par rapport à la honte du respect humain, cf. 4,20-28. De même, il peut y avoir un juste orgueil que vient de sa propre dignité (10,28; 32,2; 33,23), qui ne doit pas d'ailleurs générer cette fierté menant à s'écarter de Dieu (10,12-13).

Cette fierté, qui peut être inspirée par la richesse (4,29-5,8), non seulement est détestée par Dieu, mais peut pousser à se plier aux passions du cœur (5,2). Sur ce point, la discussion devient plus explicite en 18,30-19,3, où l’on trouve une liste des divers plaisirs de la chair, qui peuvent également conduire à la pauvreté en raison du gaspillage financier impliqué. La passion sensuelle (23,17; 25,20) est assimilée pour sa violence à un taureau qui a un effet dévastateur sur ceux qui en sont dominés (6,2-4). Donc, on considère avec un dédain particulier le vieil homme qui, au lieu de nourrir son intérêt pour la sagesse, est à la recherche d'évasion dans l'adultère (25,3 à 6). Puisque ce désir conduit également à une utilisation incorrecte du don de la parole, Sira demande à Dieu de lui accorder la domination de la concupiscence dans les pensées et les désirs, et qu'il mette un sceau sur ses lèvres (22,27 -23,6).

4. 3 Du travail et de la richesse L'économie de l'époque de l'Ancien Testament est essentiellement agraire, hors mis les

artisans, le personnel du culte et de la cour, aussi bien que les milices. Pendant les périodes de bien-être, des déséquilibres sociaux sont déterminés, contre lesquels militent les prophètes (cf. par exemple Isaïe 1,22-23; 3,14; 5,8-12; Am 6,1-7). A l'époque de Ben Sira s'intensifie le mouvement des échanges avec le monde hellénistique, dont profitent les classes supérieures. Comme il est caractéristique de la tradition de la sagesse, Jésus Ben Sira ne critique pas le système social de son temps en tant que tel, mais seulement ses déviations individuelles. sur la base de ce contexte historique et idéologique, voyons ensemble ce qu'il dit au sujet du travail et de la richesse.

Chacun doit faire son travail avec modestie, mais aussi avec fierté (10,26-31), sans dispersion (11,10), et avec persévérance (11,20), comme ce qu'il est admiré dans les œuvres de la création (16,27). D'où le mépris pour les paresseux (22,1-2; cf. Pr 12,24.27; 13,4; 15,19). Bien sûr qu'il existe une prospérité juste, qui est le fruit d'un travail bien fait et de la bénédiction de Dieu (11,10-19). Mais il prévient que dans la richesse il faut rester humbles (3,17-18; 11,24-25), sans faire confiance en elle (5,1), surtout si l'on sait qu'elle vient d'une origine injuste. En fait, il est difficile de s’enrichir sans courir de risques pour sa santé (31,1-2) ou pour sa conduite morale (31,5-7), mais après tout il est possible d'atteindre une richesse honnêtement et de s'en servir pour faire de la bienfaisance (31,8-11).

Il est aussi juste de jouir de sa richesse sans être avare avec soi-même (14,3-7.9.11-16), mais on doit le faire avec modération (31,3-4), en tenant compte du fait qu'il est imprudent d'emprunter pour s'amuser (18,32-33). En ce qui concerne, ensuite, l'utilisation sociale de la richesse, il est bon de faire des prêts (29,1 à 7) et des garanties (29,14-20), même s'il s'agit de courir des risques, car c'est là un signe de la miséricorde et du respect de la loi (29,1.11.20), mais d'autre part, il est également recommandé au bénéficiaire qu'il a une obligation de restitution (v. 3,15-16). Ensuite, en ce qui concerne la richesse des autres, il ne faut pas en avoir envie (14,8. 10) ni on doit abuser de l'hospitalité, par exemple (29,21-28; 40,28-30) ou dans le cadre de l'invitation à un banquet (32,12-13).

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En ce qui concerne les différentes activités professionnelles Ben Sira favorise sa propre avec beaucoup de ferveur (de 38,24-39,11; 24,28-32; 33,16-19; 34,11-12; 51,1-30), bien qu'il admette parfois que l'étude des proverbes par les sages (39,3) soit un travail difficile (13,26). Il admire également le travail d'un médecin (38,1-15) et reconnaît l'utilité de divers métiers tels qu'agriculteurs et artisans (de 38,25-34, spécialement v. 32-34), puis il loue l'employé (40,18), il recommande l'agriculture (17,15), mais il met en garde vis-à-vis du commerce où la malhonnêteté est facile (26,20-27,3; 42,4-5a). Enfin, en ce qui concerne les esclaves, d'une part Ben Sira recommande rigueur en les faisant travailler (35,25-30b; 42,5c) et de l'autre il avertit de leur réserver un traitement humanitaire (33,30-33c; 7,20-21).

4. 4 La relation avec la femme dans la famille et dans la communauté L'interlocuteur direct et privilégié de l’Ecclésiastique est toujours un homme, et cette

circonstance nous aide à comprendre, en tenant compte du contexte historique et social dans lequel il vit, son approche apparemment un peu trop "macho" à cette question. Ainsi, il parle de la femme mariée, ou des relations avec les femmes, à l'homme-époux. La plus longue collection de proverbes dédiée aux femmes (25,12 à 26,18) présente une alternance dans l'examen de la femme, dont on distingue les traits mauvais (25,12 – 26 ; 26,5 -12) des bons (26, 1-4; puis 26,13-18). En tenant compte également d'autres passages mineurs, on peut décrire le profil de ces deux groupes de femmes résumant les adjectifs ou les noms qui les caractérisent:

- Dans le bon sens: sage et bonne (7,19), sensible (25,8), vertueuse (litt. 'bonne': 26,1.3.6), forte (litt. 'virile': 26,2; cf. Pr 31,10 LXX), silencieuse (26,14), éduquée (26,14), modeste (26,15), modérée (26,15); bonté (7,19; dans sa manière de parler 36. 23), grâce (26:13), science (26,13), beauté (26. 16; dans sa manière de parler: 36,22), douceur (36,22).

- Dans un sens négatif: éffrontée (22,5), mauvaise (25,15. 22. 25; 26,7), bavarde (25,19), jalouse (26,6), ivre (26,8), libertine (26,10), sans vergogne (26,11), immorale (41,22), méchante (25,12. 16) ; méchanceté (25,18), immoralité (26,9).

Dans le cadre de cette vision fonctionnelle et subalterne de la femme, on attribue une grande

importance à la réussite du mariage pour le bonheur de l'homme. Un passage est dédié au choix de la femme à marier (36,21-27), où Ben Sira commence en disant que ce qui importe le plus, c'est qu'elle réponde à l'homme, parce qu'il est plus facile pour la femme de s'adapter au choix fait à son égard que vice versa (36,21). Elle est alors pour lui le bien premier, l'aide qui lui est le plus approprié (expression un peu différente dans Gen 2,18: kenegedô = "complémentaire en opposition"), un pilier de soutien qui lui prépare un nid afin qu’il ne soit plus perdu (36, 24-27). Lorsque la femme est appropriée (bonne), elle devient pour l'homme une source constante de joie (25,8.23; 26,2.4; 36,23), et à cela contribue également sa beauté (26,16-18; 36, 22). Par conséquent, la plus belle chose au monde est le spectacle d'un mari et d'une femme qui vivent en harmonie (25,1d: c'est le sommet du proverbe numérique), tandis que la misère d'un mariage raté devient un fait de domaine public (25, 16-17). D'autre part, un mari qui est maintenu sur les actifs de sa femme est digne de mépris (25,21), parce qu'il devrait toujours avoir la supériorité sur elle (92). Le régime matrimonial conçu par Sira admet la bigamie (26,6, 37,11a) et la possibilité du divorce, à l'initiative du mari (7,26; 25,26; 28,15; 42,9d; cf. Dt 24,1-4). En ce sens, nous parlons de la femme haïe (7,26) par opposition à celle aimée (9,1) ou qui est selon son cœur (7,26).

Bien sûr, on parle aussi de l'adultère, à la fois concernant l'homme (23,16-21) et les femmes (23,22-26), en accord avec l'éthique du Décalogue (Ex 20,14. 17 b; Dt 5,18. 21 a). Mais en ce qui concerne les occasions dangereuses, c'est de nouveau vers l'homme que Ben Sira se tourne (9,3-9); il est bon qu'il évite la courtisane, la chanteuse, toute vierge, une prostituée (voir aussi 19,2), une belle femme, la mariée (voir aussi 41,23 b), puis la femme immorale ou une esclave (41, 22.24). Les enfants de l'adultère doivent être exclus de l'héritage de l'époux (23,25; cf. Dt 23,3), alors qu'ils portent l'indignation de la malédiction de leur mère (23,26; cf. Sg 3,16-19; 4,3-6). La conclusion de

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ce passage montre donc comment Ben Sira est intransigeant par rapport à la loi morale; même si elle a des conséquences inévitables dans sa rigueur, elle doit être suivie par amour plutôt que par peur, car "rien n'est mieux que la crainte du Seigneur, il n'y a rien de plus doux que garder ses commandements" (23,27).

Pour placer historiquement l'attitude de Ben Sira vers la femme, il peut être utile de rappeler ce que Philon d'Alexandrie, philosophe judéo-hellénistique, a recommandé, un peu plus de deux siècles plus tard: "La place publique, le conseil d'administration, les tribunaux, les confréries, les réunions et la vie en plein air avec des discours et des traités de paix et de guerre, tout cela s'adapte aux hommes, tandis que les femmes doivent s'occuper de la maison, chercher la solitude dans leurs maisons, et ne pas se promener partout comme des nomades, sous les yeux des gens, sauf que pour aller au temple »(De specialibus legibus 3,169-170). En revanche, à peu près à l'époque du même Ben Sira, le judaïsme palestinien avait été en mesure d'offrir l'exemple du grand courage de la mère des sept frères martyrs de la persécution religieuse (2 Mac 7).

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5 Amis et ennemis À propos de l'amitié la prudence habituelle de Ben Sira émerge de manière assez évidente, car

il s'avère être très prudent et circonspect dans les relations avec des connaissances. À première vue, le sentiment semble être étouffé par une préoccupation trop pédante pour être d'abord sûr sur les intentions et le tempérament des gens avec qui l'on pourrait avoir à traiter. En fait, il recommande de choisir des amis seulement après qu'ils ont été mis à l'épreuve, pour voir s'ils sont motivés hypocritement par l'intérêt et de décider plus tard s'ils sont dignes de confiance (6,5-13; 37,1. 4-5). En outre, les faux amis, le moment venu, abandonnent leur masque pour se révéler seulement comme des ennemis qui ont blessé les autres (12,8-18); il est donc toujours préférable de faire confiance à un vieil ami, dont la fidélité a été déjà testée (9,10). L'amitié doit être cultivée afin d'éviter la trahison et pour aider en cas de besoin (de 22,19-26), car voir l' effondrement soudain d'un ami offre toujours une grande douleur (37,2-3).

En fait Sira a une grande estime de l'amitié (6,14-17), considérée non seulement comme solidarité au moment du besoin et de la prospérité (22,23), mais aussi comme affinité dans le choix des mêmes valeurs morales (6,17; 13,15-16). Pour cette raison, il exhorte à prendre des risques en faveur des amis (22,25-26; 37,6), dont l'importance n'est seconde qu'à la relation entre mari et femme (40,23). Parmi les 19 choses à se reprocher, deux concernent l'équité et la bonté qu'il faut avoir avec les amis (41,19a.22b).

Parfois, à côté de son ami il se souvient de son frère: "Perdre de l'argent pour un frère de bien ou pour un ami" (29,10; voir encore 7,12; 25,1; 29,27; 33,20; 40,24) . Il ne semble pas nécessaire de comprendre le terme "frère" au sens étroit (comme en 45,6; 49,15), en tenant compte du fait que par ce mot la Bible peut indiquer un frère (Lev 10,4), un compatriote (Deut 1,16; 15,3), un ami (2 Sam 1,26), un collègue (2 Chr 31,15) ou simplement le voisin de quelqu'un (Deut 25,11). Ce terme est également utilisé ailleurs au sens large (10,20; 50,12), pour indiquer celui qui appartient à son propre cercle social.

Inversement, plusieurs fois dans le livre on se réfère aux ennemis, qui sont les personnes du même environnement avec qui on est en rupture ou en concurrence. Il a une certaine analogie avec les "ennemis privés" dont on parle dans les Psaumes (Ps 5,11; 6,11. 16; 7,10. 16; 10,12. 15; 28,4; 31,19 35,4-6, 109; 139. 19, etc), mais ici tout se passe en termes plus passionnés et violents. En Sira les ennemis sont ceux qui prennent plaisir aux malheurs des autres, d'où la nécessité d'éviter de tomber dans le ridicule devant eux. La pensée de devenir ridicule à leurs yeux et de leur donner une occasion de se réjouir du mal, par exemple, doit agir comme un moyen de dissuasion contre la passion sensuelle (6,4; 18,31) ou contre la légèreté de la parole (23,3), qui peut également faire tomber en face de ceux qui sont déjà aux aguets (28,26). Une fille qui ne serait pas instruite dans la discipline serait non seulement une honte devant tous les habitants de la ville, mais elle donnerait aux ennemis de quoi se réjouir (42,11). Au contraire, la prospérité du sage apporterait des douleurs à ses ennemis (12,9), ainsi que le succès de son fils les rendrait envieux (30,3). Il serait donc une source de joie d'apprendre leur chute (25,7) ainsi que de pouvoir confier dans la vengeance que son fils mettra en œuvre sur eux après la mort du sage (30,6).

On est désolé de constater qu'un ami peut se transformer en ennemi (5,15; 6,9; 20, 23; 29,6; 37,2), bien que dans certains cas on doit avoir envers ses amis la même discrétion que l’on aurait avec ses ennemis (6,13; 19,8).

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L'ennemi disparait à l'heure de la douleur (12,8), tandis qu'avant il se montrait hypocritement sensible (12,16). On doit se rendre compte à temps de sa simulation pour pouvoir s'en méfier (12,10). Contre son ennemi, l'aumône donnée vaut plus que bouclier et lance (29,13).

Même envers les étrangers il est recommandé beaucoup de prudence; on ne devrait pas être naïf au point de les introduire immédiatement dans sa propre maison, parce qu'ils peuvent bouleverser la famille (11,29-34).

Malgré toutes ces précautions envers ses voisins, Ben Sira est très attentif à ne pas dépasser la mesure d'une légitime défense préventive, et il ne cesse de mettre en garde contre la colère et la vengeance et d’encourager à pardonner, avec une grande magnanimité (27,30-28,7).

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6. L'emploi de la parole Le bon usage de la parole était déjà un problème dont on pouvait s’apercevoir dans la sagesse

traditionnelle de l’Egypte ancienne. Nous lisons, par exemple, dans les instructions pour Mérikaré (ca 2000 avant J.C.): « Soyez des artiste de la parole. vous êtes si puissant . . . le discours est plus fort que toutes les armes ». On en parle largement dans les Proverbes (Pr 10,13-14.19.31-32; 12,14.17-19; 13,2-3), et dans l’Ecclésiastique. Du point de vue anthropologique, il note que c'est la langue qui exprime les pensées du cœur et de la raison (37,16-18). Par conséquent, pour connaître l’intérieur de l'homme, il faut le mettre à l'épreuve par l'observation de ses paroles (27,4-7). Étant donné l'importance de la parole, on en prend en considération son usage positif et négatif.

6. 1 Le bon usage de la parole Qui fait bon usage de sa parole, il sait momentanément se taire (1,21; 20,5-7), alors qu'il se

prépare à parler par la réflexion, l'instruction ou l’écoute (5,9-13; 11,7-8; 18,19a). Il est également important d'être capable de parler au moment approprié, pour éviter les erreurs, comme être importun ou décider à la hâte sous la pression du respect humain (8,9; 20,18-23). Par exemple, lors d'un banquet ce n'est pas le bon moment pour porter des accusations (31,31), ni pour parler trop, ni pour les personnes âgées elles-mêmes, ni surtout pour les jeunes (32,3-9). Une préoccupation majeure, à laquelle on revient plusieurs fois, c’est qu’il faut savoir se taire afin de ne pas trahir les secrets reçus en confiance (19,7-12); En fait, le fou ne sait pas comment les garder à l'intérieur de soi-même, parce que c’est comme s’ils allait éclater, ou comme si une flèche fut pénétrée dans sa chair vivante et qu’on doit l’extraire (v. 10-12), et ainsi les secrets révélés lui font perdre des amis (27,16-21). Sachant cela, il est bien d’éviter de se confier à un fou ou même à l'inconnu (8,17-19). Il est alors bon pour la personne concernée de vérifier les rumeurs qui circulent à son égard, et de l’aider à se corriger (19,13-17) ; il faut éviter de gronder quelqu'un lorsqu’on est en colère (10,6-7). Il est recommandé de ne converser qu’avec les sages ou les personnes âgées (8,8-9), qui aiment parler de la loi et à qui on peut également demander des conseils en toute confiance (9,14-16), tandis qu’il faut avoir horreur pour les discours des imbéciles et des stupides (27,11-13). Enfin, Sira tient à exalter expressément la bouche tendre et la langue douce (65).

6. 2 Le mauvais usage de la parole Le même enseignement est répété en sens négatif, avec l'ajout de quelques précisions. Par

exemple, le fait de parler hors lieu est comme jouer de la musique heureuse dans en lieu de deuil (22,6), et dans l'assemblée des aînés il faut éviter de parler trop (7,14a). Il est vrai que la langue semer la terreur dans la ville (9,18; 19,6), mais celui qui s’en sert sera détesté par tous, de la même manière que ceux qui veulent s'imposer par la force des mots (20,8). L'usage mauvais de la langue se révèle la plupart du temps par des mensonges et de calomnies, qui sont une honte pour ceux qui les disent (5,14-6,1; cf. Ex 20,16; 23,1-3.6-8; Lev 19,11; Deut 5,20; Pr 12,17) et sont nuisibles à ceux qui souffrent leurs conséquences (7,1 -13), qui sont graves et injustes pour bien de personnes innocentes (28,13-17). Ben Sira condamne alors l'hypocrisie qui s'exprime avec un clin d'œil ou par des mots de flatterie, et il recommande de s’en écarter (27,22- 24, cf. Pr 6, 13 ; 10,10) ; il condamne les jurements faciles (23,9- 11 ; 27,14), le discours obscène (23-13) et, secrètement, le blasphème (23,12;. cf. Lev 24,11.16). Mais l'abus le plus épouvantable de la parole se manifeste dans les querelles (28,8-12; 8,16; 11,9; 22,24; 27,15). La parole inspirée par la passion, surtout sensuelle, peut plonger dans la ruine le sujet qui se laisse entraîner (22,27).

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7. La Sagesse La sagesse est le sujet-clé qui donne l'inspiration à l’ensemble du livre, ce qui n'est pas un

hasard, car l’Ecclésiastique appartient à la littérature de sagesse de l'Ancien Testament (avec Proverbes, Job, Ecclésiaste, Sagesse). En fait, l'auteur n'est pas seulement un sage mais un scribe-sage, car il combine la sage réflexion à l'étude des livres sacrés. La synthèse sapientielle typique de Ben Sira est basée sur la corrélation entre la sagesse, la loi et la crainte de Dieu. Pour ce qui concerne la sagesse, même si la totalité du contenu du livre a un caractère clairement sapientiel, on peut y distinguer douze pièces traitant d'une façon plus directe de la sagesse ou du sage: 1,1-8; 4,11-19; 6,18-37; 14,20 -15,10; 19,18-21; 20,27-31; 21,11-28; 24,1-32; 32,14- 33,6; 37,16-26; 38,24- 39,11; 51,13-30. Dans ces passages, on peut saisir la profondeur de l'âme de Sira.

7. 1 L’origine de la sagesse et sa révélation La base la plus théorique de la conception de sagesse de Siracide se trouve en 1,1-8; 16,24-

17,12; 24,1-32. La sagesse est la propriété exclusive de Dieu (l, 1) ; elle a été créée par lui (1,4.9), qui est le seul sage (l, 8), et a participé à toutes les œuvres de la création-la mer, la pluie, le ciel, la terre et le temps-que l'homme ne peut pas découvrir (l,2-3.7; cf. Job 28). Il est donc nécessaire de connaître la révélation de Dieu, qui ne se rapporte immédiatement qu’à Israël, même si cela n'est pas encore affirmé explicitement (1,8.12-13). Dans l'étape suivante, la communication de la sagesse est identifiée avec la révélation au Sinaï (17,9-12); mais cette exclusivité est en quelque manière dépassée, car la loi de la vie donnée par Dieu au Sinaï est immédiatement liée avec la création de l'homme (cf. 16,24 -17,8 en relation avec Genèse 1-2).

Ainsi, on assiste à une première identification de la sagesse avec la loi, que le poème du chap. 24,1-32, vrai centre idéal de l'ouvrage, développera plus clairement. On voit la sagesse personnifiée, qui parle à la première personne, bâtir sa maison en Israël (v. 8-12), puis se diffuser de Jérusalem à travers la terre sainte (v. 13-14), et prendre forme expressément dans le livre de la loi de Moïse (v. 22), malgré le fait qu'’elle avait la domination sur chaque peuple et nation (v. 6). Grâce à cette identification il n’y a plus de discontinuité entre la sagesse qui peut être découverte avec l'expérience humaine et celle qui se trouve dans la révélation de la loi. S'il semble à première vue que la sagesse identifiée à la loi ait été nationalisée et limitée, il est vrai aussi que en même temps elle est considérée du point de vue de la rationalité universelle de tous les hommes, qui sont invités à l’aborder.

Cette position de Sira est le mérite principal de son livre par rapport à l'héritage de l'Ancien Testament. En outre, l'unification encore plus prononcée entre le droit des Juifs et la sagesse des Grecs est la caractéristique fondamentale de judaïsme hellénistique à partir du 2ème siècle avant J.C. comme le témoigne aussi cette déclaration du quatrième livre des Maccabées: "La raison est l'intelligence qui choisit, sur la base d’un juste raisonnement, l'existence sage: Quant à la sagesse, c'est la science des choses divines et humaines et de leurs causes. Mais elle est avant tout l'éducation qui est le fruit de la loi nous donnant la connaissance des choses divines et la connaissance sainte et utile des affaires humaines »(IV Mac 1,15-17).

7. 2 La recherche de Sagesse Entre le ch. l et le ch. 24, qui sont les deux passages les plus importants de l'ouvrage sur le

concept de la sagesse, nous avons trois compositions (4,11-19; 6,18-37; 14,20-15,10) qui décrivent l’alléchante recherche de la sagesse par ceux qui ont choisi expressément d’être conquis par elle. Si dans le ch. 24 la personnification de la sagesse atteint sa pleine forme car elle-même raconte sa propre histoire, ici c’est la relation personnelle avec elle, sa recherche et sa conquête qui sont explorées avec beaucoup de détails. Elle doit être aimée (4,12. 14), recherchée (4,11.12), on doit lui appartenir (4,13), l’adorer (4,14), l’écouter (4,15; 6,33) ; il est nécessaire de se confier à elle (4,16 ; 15,4) et s’appuyer sur elle (15,4). Cette relation d'amour avec elle implique aussi une épreuve, bien que temporaire, avec des endroits tortueux (4,17), des souches et des chaînes (6,24.29), des liens (6,25. 30). Ce n’est qu’alors qu’on peut profiter de son fruit excellent (l,14-15 ; 6,19): la vie (4,12),

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un vêtement de gloire (6,31), une magnifique couronne (6,31) ou la joie (4,12 ; 6,28 ; 15,6), des ornements d'or (6,30), le contentement (15,6), le repos (6,28), une vie calme (4,15), la gloire (4,13), même éternelle (15,6 ), En fait, la poursuite de la sagesse dure tout au long de la vie (6,18); ceux qui la cherchent doivent se cacher près de son domicile car « Elle vient au-devant de lui comme une mère, comme une épouse vierge elle l'accueille ; elle le nourrit du pain de la prudence, elle lui donne à boire l'eau de la sagesse »(15,2-3). Ceux qui la cherchent sont ses enfants (4,11), mais elle se révèle aussi dans l'écoute fréquente des sages (6,33-36).

Le livre se termine par un poème autobiographique sur l'expérience de la sagesse faite par

l'auteur (51,13-29), qui est maintenant dit être en mesure de offrir la sagesse dans son école (v. 23). Dans ce rapport avec la sagesse, il donne tout de lui-même: le cœur (v. 15), les pieds (v. 15), l'oreille (v. 16), les mains (v. 19), l'estomac (v. 21), la bouche (v. 25), le cou (v. 26), les yeux (v. 27). Donc la sagesse qui était la prérogative de Dieu (1,6), et qui a été révélée dans la loi (24,8.22), est intériorisée par Ben Sira (51,20- 21 ; 24,28- 29), qui est devenu son premier disciple, et qui peut maintenant la communiquer à ses élèves en tant que professeur (51,23-26; cf.24,30-32; 39,12).

Mais on trouvera l'image la plus complète de l'expérience de la sagesse dans la louange du

scribe sage (38,24 -39,11), avec laquelle l'auteur s'identifie certainement. Voici que Ben Sira présente donc l'étude (39,1 -4) et la prière (v. 5), qui est un don de Dieu (v. 6), comme condition de l'acquisition des connaissances, mais il parle aussi de son enseignement (39,6.8) et de sa carrière publique (39,4). Donc, il considère que la profession du scribe du point de vue du goût personnel et de sa fonction sociale. Par rapport à l'activité de l'agriculteur (38,25-26), de l’artiste (v. 27), du forgeron (v. 28), du potier (et même du médecin 38,1-15, qui est distincte des autres à cause de l'insertion de la péricope sur le deuil: 38,16-23), celle du scribe est supérieure même si, en faisant véritablement preuve d’équilibre de la sagesse, Siracide reconnaît la grande utilité pratique de ces professions (38,3.12; 39,32.34).

7. 3 Critère de la vraie sagesse Les caractéristiques religieuses et sociales de la sagesse, déjà soulignées dans l'éloge du

scribe, sont répétées ailleurs en les comparant avec la fausse sagesse (19,18-21), ou avec le comportement de l’insensé (21,11-28), soit enfin avec le manque de succès de ce dernier (20,27- 31; 37,19- 26). Dans ces cas, il est précisé que le critère fondamental de la vraie sagesse est religieux, car elle doit être en harmonie avec la crainte de Dieu et avec la loi (9,15-16; 15,1; 19,18; 21,21). Le vrai sage jouit d'une reconnaissance publique, il est apprécié par les grands (20,17), dans l'assemblée (21,17), et parmi son peuple (37,26 ; cf. 1,21). Son comportement typique implique que le sage sait parler (20,17. 31; 21,17. 25), qu’il sait écouter (21,15), qu’il n'entre pas tout de suite dans la maison de son voisin, contrairement à l'imbécile (21,22-25). Le sage et le fou se démarquent même dans la façon de rire (21,20).

L'harmonie qui est établie aux yeux de Sira entre la création et la révélation se reflète dans sa confiance optimiste que la sagesse des sages sera justement appréciée et reconnue par la communauté. L'unité entre la sagesse humaine et la sagesse qui jaillit de la loi révélée s'est également imposée dans le Talmud: « Le fils d'un rabbin avait été choqué par l'enseignement de tendance ‘ profane’ de son maître. Mais son père le réprimanda en ces termes: Il prend soin de la vie des créatures et tu dis : des choses terrestres. En tout cas, fréquente sa maison! » (Shabbat 82a).

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8. La loi Dans la tradition de l'Ancien Testament la loi est présentée comme une règle expressément

donnée par Dieu pour consacrer l'alliance qu'il a nouée avec Israël seul, qu’il avait acquis à un titre spécial par la libération d'Egypte (cf. Deut 4,1- 8; 5,1-6). C’est pourquoi la loi est un patrimoine exclusif d'Israël, un don de Dieu, qui complète le don de l'Exode et qui sera suivi par le don de la Terre promise. Selon cette vision théologique, la connaissance de la loi n’est qu’une voie de la révélation. Par contre, la connaissance des règles morales proposées par les sages ne se fonde pas sur la révélation, mais elle s’appuie sur l'observation directe de la réalité de la vie et sur la réflexion sur sa propre expérience par le sage. Comme pour la connaissance prophétique, la connaissance de sages a tout de même une origine surnaturelle, bien que les enseignements de la sagesse ne fassent pas de référence explicite à Dieu (cf. Pr 25-27). Nul n'ignore que les lois de la vie sont une conséquence implicite de ce que Dieu a disposé dans l'ordre de la création, exploré par les sages. En tout cas, il est une caractéristique de Sira d’harmoniser et de mélanger plusieurs types de connaissances, qui seraient traditionnellement distincts.

Mais si la sagesse de Ben Sira est identifiée avec la loi (24, 22), leur fonction est différente. La loi est la révélation qui fut donnée une fois pour toutes à Moïse comme « loi de la vie et de l'intelligence » (45, 5), et fut ensuite confiée à Aaron, afin qu’il l'enseigne au peuple (v. 17). La méditation est la tâche principale du scribe-sage (39, 1b), dans le sens que elle fait l'objet de la recherche de la sagesse, permettant une assimilation personnelle et une compréhension plus profonde de la loi, ce qui coïncide avec l'acquisition de la sagesse. C’est pourquoi Ben Sira met en garde vis-à-vis d'une liberté intellectuelle prétentieuse affranchie de la loi révélée (3,21-24), tandis que il recommande de l’examiner et de l’étudier, car il n’y a pas de bonheur hors de la sagesse de la loi (6,37, 32, 15). Il faut lire tout le passage 32,14- 33,6, qui parle de la loi: « celui qui prend au sérieux les commandements individuels, est digne de confiance (33,3), comme le Seigneur lui-même » (cf. 32,24 ; 1,24). Cette approche sapientielle prend la loi au sérieux, empêchant de tomber dans une attitude légaliste rigide ou froide. L’attraction de la sagesse qui touche et inspire Sira éclaire aussi son amour pour la loi, qui lui garantit l'adhésion la plus fidèle à son peuple. Pourtant, Ben Sira insiste davantage sur la crainte de Dieu que sur la loi.

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9 La crainte de Dieu La valeur la plus importante pour Ben Sira après la sagesse est la crainte du Seigneur. Cinq

passages lui sont consacrés, qui mettent en valeur ses différents aspects: 1,9-18; 2,1-18; 10,19-25; 34,13-17; 40,18-27. En fait, la crainte du Seigneur montre l'attitude fondamentale de l'adhésion à Dieu, qui est nourrie de soumission et de confiance, de respect et de joie, qui nous mènent à accepter sa loi, et à marcher volontiers à la poursuite de la sagesse.

Dans l'enseignement de Sira sur ce sujet fondamental on découvre «l'image d'une piété saine, où la confiance en Dieu ne diminue pas l’engagement à son service et l'humilité de la soumission à protège Dieu de toute légèreté cette même confiance heureuse en lui »(J. Haspecker, Gottesfurcht bei Jesus Sirach, PIB, Rome 1967). L'importance de la crainte du Seigneur peut être déduite du fait qu’après l’ouverture consacrée à la sagesse (1:1-8), le second passage du livre (1,9-18) lui est déjà consacré. C’est là que sont présentés avec enthousiasme les fruits de la crainte du Seigneur, qui sont la gloire, l’exaltation, la joie et la couronne de jubilation (v. 9), la joie du cœur, bonheur et une vie longue (v. 10). Ils correspondent aux mêmes fruits qui ailleurs sont reliées à la sagesse (4,11-19; 6,18-37; 14,20- 15,10). Cette correspondance montre comment la sagesse et la crainte de Dieu peuvent pratiquement coïncider, l'une étant la condition de l'autre et vice versa. Par conséquent, dans ce même passage (1,9-18), il est dit que l'une est le début (v. 12), la plénitude (v. 14), la couronne (v. 16) et la racine (v. 18) de l'autre, autrement dit, elle en est la cause et l'effet en même temps. La croissance dans la crainte de Dieu fait grandir en sagesse, comme la sagesse développe la maturité dans le sens de la crainte de Dieu. En effet, il semble parfois que la crainte du Seigneur soit la valeur suprême de Sira, qui, dans la liste des bonnes choses (40 ,18-27), la place au-dessus de tout (v. 26-27), même au-dessus de la sagesse (v. 20) et du conseil (v. 25), qui est une autre manifestation importante de la sagesse (21,13 ; 24,27; 25,4-5). Il n'est donc pas surprenant de constater que le passage le plus intense du livre du point de vue religieux (2,1- 18) est dominé par la référence à la crainte du Seigneur, qui est nécessaire pour nourrir la patience et la confiance dans l’épreuve (cf. v. 7.8.9.10c.15.16.17). L'invitation initiale est exceptionnellement large et intense: "Vous qui craignez le Seigneur, attendez sa miséricorde» (v. 7). La sagesse, étant elle-même en relation directe avec Dieu, se retire pour laisser la place à la crainte de Dieu et à la confidence en lui. Par conséquent, s’il est certain que la valeur du sage sera reconnue et récompensée publiquement dans son environnement (1,21; 20,17; 21; 17;37,26), on affirme que la valeur de ceux qui craignent le Seigneur dépasse les honneurs sociaux (10,19-25). Ceux qui craignent le Seigneur ont une protection divine particulière dans les dangers de la vie (34,13- 17): il est leur soutien (v. 15), leur logement, leur défense et sauvetage (v. 16), car il leur donne la santé, la vie et la bénédiction (v. 17).

En conclusion, la place de choix réservée à la crainte de Dieu à côté de la sagesse (cf. 19,21), ne devrait pas être jugée comme une incohérence de la pensée de Ben Sira, mais un signe de l’équilibre de son jugement. Malgré son option théorique en faveur de la sagesse, il est assez sage pour ne pas sous-estimer l'importance pratique de la crainte du Seigneur, qui est une expression de la relation avec Dieu et vécue comme une humble soumission à sa volonté. En plaçant en premier lieu la crainte de Dieu, Siracide reconnaît les limites de la sagesse considérées du point de vue de la capacité humaine et de l'affirmation de son intelligence.

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10 Le culte Ben Sira est un partisan de la théocratie sacerdotale de Jérusalem, qui était si puissante en son

temps, mais lorsqu’il parle du culte, il le fait en tant que laïque. Il semble donc qu'il n'appartient pas à la classe sacerdotale, de qui ne relevait pas le soin de la tradition sapientielle. En accord avec sa position « profane », son point de vue à l’égard du culte n'est pas strictement rituel, mais politique, esthétique et moral.

Du point de vue politique, il exalte « l’alliance éternelle »(45,7a. 1.15c) ou « alliance de paix » qui devait durer « éternellement » (45,24a.d) grâce à l'évocation d'Aaron (45,6-22) et Phinées (v. 23-26), en contraste avec l'alliance de David qui est restée valable jusqu'à son extinction à l’époque de l'exil (v. 25; 47,11; 49,4). Cela signifie qu'il soutien, le remplacement du roi par le grand prêtre au sommet de la hiérarchie nationale (45,24bc; 50,1-4); il recommande donc l'obligation de maintenir les prêtres (7,29-31; 45,20- 21) non seulement par conviction religieuse, mais aussi pour garder l’ordre politique existant.

Son intérêt esthétique pour le culte se manifeste dans l'enthousiasme et la rigueur avec lesquels il décrit les vêtements des prêtres (45,7c-13; 50,11) et le décor de la liturgie du temple avec la participation du grand prêtre, des autres prêtres et de toute l'assemblée du peuple (50,12-21). L'expression utilisée pour le turban du grand prêtre, appelé "bel ornement pour les yeux" (45,12d), est symptomatique de cette attitude esthétique. En ligne avec cette sensibilité, en commémorant David, l’Ecclésiastique distingue comme son principal mérite le fait qu'il "a donné la gloire aux fêtes et les solennités jusqu’à leur perfection" (47,10).

Quant à l'aspect moral, dans le sillage des prophètes (Am 5, 21-25; Hos 8,13; Is 1,11-17; Mi 6,7-8; Ger 7,21-23; cf Sal 50,1-15) Sira condamne le culte détaché de la justice et de la charité (34,18- 26), et après avoir répété avec insistance que « le (vrai) sacrifice expiatoire est s’abstenir de l'injustice » (35,3), car l’injustice rend inutiles les offrandes prévues par la loi (35,4-10). Mais sa contribution la plus personnelle de ces recommandations est la motivation qu'il expose à leur fondement: croire en la générosité de Dieu (35,9-10), ne pas être avare (35,7, 14,11), ne pas avoir la présomption de pouvoir captiver la faveur de Dieu par des dons (7,9), faire preuve de solidarité avec les prêtres (7,29-31) qui sont associés aux parents dans le besoin (7:27-28) et aux pauvres (7,32- 36). En parlant de voeux, il recommande d'une part la rapidité dans leur mise en œuvre et de l'autre la prudence dans leur formulation (18,22-23). Même en cas de maladie, il suggère de consulter un médecin, mais en même temps, de se purifier du péché et de faire une offrande pour la guérison (38,11).

Compte tenu de cette vue d'ensemble, l’on pourrait penser que les éléments de culte dont il dépeint la sagesse personnifiée, qui officie dans le temple à Sion (24,10) ou qui s'approprie des prérogatives des arômes utilisés dans le temple (v. 15), ne soient utilisés que comme des ingrédients métaphoriques pour évoquer sa beauté. Cette adhésion de Sira au culte peut en effet nous paraître trop extérieure, mais elle reste importante pour le fait qu'elle nous rappelle qu'il existe de diverses manières de vivre et personnaliser la même religion professée et acceptée. En réalité, tous les éléments de la religion, bien que respectés et non rejetés, ne peuvent atteindre le même niveau de participation intime et d'identification.

Ben Sira est d'abord et avant tout un penseur et un savant, et non pas un homme de culte. En

tant que croyant laïc il respecte les prêtres et le cérémonial du temple, mais sans avoir à s'identifier à eux, comme d'ailleurs il respecte les professions autres que la sienne (38,24- 39,11), tout en se concentrant sur sa propre mission. Ce n’est pas pour rien qu’il invite à se consacrer à son propre travail et à l’aimer (11,20). Fondamentalement, ce qui compte le plus dans l’étude de l’Ecclésiastique, c’est de mettre en valeur la conception organique du peuple et de la société, d’où l’importance des différentes fonctions exercées par les différentes catégories de personnes au sein de ce même peuple et de cette même société.