La saveur de Minas Gerais, Tião Rocha

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  • 8/9/2019 La saveur de Minas Gerais, Tio Rocha

    1/1678 Textes du Brsil.

    N 13

    Tio Rocha

    La saveur deMinas Gerais

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    Si lon souhaite parcourir les mmes sentiers et chemins que les habitantsde Minas Gerais, les mineiros, pour dcouvrir leurs us et coutumes, alors

    il faut en connatre les carrefours et les dtours ; ce qui nous ramneinvitablement la n du XVIIe-dbut du XVIIIe sicle.

    La Couronne Portugaise ne renona jamais lide de trouver des mtauxprcieux sur ses terres en Amrique. Son espoir tait aliment par les lgendessduisantes de la ville de Mana, de la Montagne dmeraudes et de Sabarabu -u. Si la dcouverte de lor dans lintrieur des terres de la colonie a t jusquauxmoindres dtails le pur fruit du hasard, sa concrtisation, elle, se devait surtout une longue persvrance.

    Production de viande sche brsilienne J. B. Debret (1829). Source : Muses Castro Maya IPHAN / Minc MEA 0113

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    pents, lzards, fourmis, voire mme les animaux

    trs blancs qui vivent dans les bambous et dansle bois pourris. Ils mangeaient aussi du miel

    dabeille, des porcs, des palmiers, des bourgeons

    de fougre, des ignames sauvages... et touteautre nourriture invente par la ncessit.

    Les poissons aussi guraient leur menu : le

    menu fretin tait cuit dans des baguees de bam-bou creux, et les gros taient rtis.2

    Une fois que la dcouverte de lor sest brui-te, un dferlement migratoire quasiment sanspareil dans lhistoire de lhumanit a commenc sinstaller dans la rgion de Minas Gerais. Des

    hordes humaines y ont accouru de toutes parts. Lanouvelle, bruite jusquau moindre recoin du Br-sil, a galement eu des rpercussions qui ont pro-fondment modi la quasi-totalit du systme d-mographique du pays. Do le peuplement rapideet gigantesque de la rgion minire.

    Il na pas fallu longtemps pour que cee ruedevienne une calamit publique. Le nombre dam-

    bitieux partis la recherche de lor tait tellementlev quil risquait de provoquer le dpeuplement

    du Royaume. Les villes du lioral du Brsil taientelles aussi menaces. Les mines, dabord consid-res comme une bndiction du ciel, allaient tretaient perues au bout de deux sicles de fouillesanxieuses comme une source de malheurs et demalces.

    Les interdictions et les restrictions aux dpla-cements de population vers les mines ne tardrentpas faire leur apparition, ds 1709, puis en 1711.En plus des restrictions lentre dans la rgion,

    dautres mesures interdisaient louverture de nou-velles routes et sentiers conduisant aux mines. Maisrien ne pouvait empcher la population de MinasGerais de crotre un rythme eroyablement levet dsordonn, en dpit des distances et des obsta-cles de lpoque.

    2 Lere anonyme de 1717, cite par par Afonso de E. Taunay.

    Bien que cee dcouverte ne puisse pastre aribue quelquun en particulier, elle a tle rsultat deorts et de rves ininterrompus degnrations successives. Ces eorts commencent

    ds 1532, larrive des premiers Portugais, avecMartim Afonso de Souza. Lune des ses premiresmesures a t denvoyer une expdition, forte de 40hommes, partant de So Vicente (So Paulo) pourremonter vers le serto, la recherche de mines doret dargent... Personne nen est jamais revenu !

    La nouvelle de la dcouverte de lor se pro-pagea rapidement partout dans le monde. La ruecommena. Des aventuriers en tout genre au-rent : hommes, femmes, jeunes, vieux, blancs, mtis,

    noirs, nobles, pauvres, ecclsiastiques et membresdordres religieux les plus divers. Tous dtermins senrichir vite, sans se soucier ni des obstacles surleur chemin, ni de la duret du travail qui les aen-dait, ni des dangers encourus. Ils avaient tout laissderrire eux, sur leur terre dorigine. Ils avaientvendu leurs biens, abandonn femmes et enfantssils en avaient, rompu leurs anailles

    Le dpart vers les mines tait dj un drameen soi, et le cours du voyage allait en tre un autre,

    pnible, voire mortel. Chacun partait, avec ses mai-gres vivres dans une sacoche, conant, enammpar le mirage de lor. Souvent la pire des souran -ces les aendait : la faim. La pnurie de vivres futsi intense quil y a eu plusieurs grandes famines :une en 1698, une deuxime en 1700 et la troisimeen 1713. Les ressources alimentaires sylvestres desplaines et des montagnes, comme la chasse, avaientt exploites jusqu puisement. De nombreuxaventuriers sont partis dans la fort pour chasser ou

    sont retourns dans leur village dorigine ; dautresencore se sont perdus en chemin.

    Tout ce qui pouvait passer leur porte,

    nimporte quel gibier, tapirs, daims, cabiais, sin-ges, coatis, jaguars, cerfs ou oiseaux, ou bien ser-

    N. D. T. : Serto - zone semi-aride qui correspond grosso modo larrire pays de la partie nord-occidentale du Brsil.

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    Plus les procdures dextraction du mtalprcieux taient compliques et coteuses, plus lesmineurs se sdentarisaient en sagglomrant dansdes campements devenus permanents, avec des

    constructions solides, faites pour rsister au temps.Les bourgades minires ont cr si vertigineuse-ment que, en quelques annes, plusieurs dentreelles sont devenues des chefs-lieux. Les villes histo-riques de Minas Gerais, gardiennes des dicationscoloniales, se posrent en marque permanente deleur poque.

    Une chane commerciale trs active sest ins-talle demble entre les villes du lioral et le Mi -nas Gerais. La frquentation des chemins existants

    devenait plus rgulire avec le passage des mar-chands, des tropeiros, des comboieiros, qui guidaientles convois, et des boiadeiros , qui conduisaientles troupeaux. Ceux-l allaient et revenaient, aucontraire de ceux qui, happs par la vre de lor,ne pensaient qu laller.

    Les bourgs et les villes du lioral ntaientpas prpars pour faire face aux besoins des mi-neurs de Minas Gerais. A cause de la vre de laspculation, tout lapprovisionnement destin aux

    agglomrations ctires tait envoy vers les mines.Paralllement une hausse des prix, il y eut unepnurie de produits alimentaires et de vivres. La si-tuation a t si dramatique pour la ville de So Pau-lo que son Conseil Municipal, lors dune session te-nue le 19 janvier de 1705, a statu que personne nevendrait aucun produit vivrier hors de ses limites,que ce soit de la farine de manioc ou du bl, desharicots, du mas, du lard ou du btail.

    La vie dans les mines, dans les premires an-

    nes qui ont suivi la dcouverte de lor, aurait tpratiquement impossible sans les vivres et produitsde toute sorte, fournis par les bourgs et les villes deSo Paulo, Rio de Janeiro et Bahia : les troupeauxde bufs, le lard, leau-de-vie, le sucre, la farine, lesharicots, le mas, les tissus, les chaussures, les mdi-caments, le coton, les bches, et les produits impor-ts comme le sel, lhuile, le vinaigre, le bl, le fer, la

    poudre, les vitres, le vin, les armes, sans oublier lesesclaves africains, par milliers.

    La population apprit lors des famines duXVIIIe sicle mieux tirer parti des aliments dispo-nibles, pour aboutir la cuisine actuelle de MinasGerais, la fois varie et abondante, simple et so-phistique.

    An de remdier au manque de viande bo-

    vine, les habitants de Minas Gerais ont pris lhabi-tude dlever des porcs partout o ctait possible,

    jusque dans les arrire-cours des maisons, coutumelaquelle a persist. La consommation de viande deporc est devenue une habitude alimentaire telle-ment enracine chez les habitants du Minas, que lalonge de porc est devenue le mets typique le pluscoutumier de la rgion, o il est omniprsent etadul.

    Du temps des mines, les mineurs et les autres

    habitants de la rgion nont jamais connu labon-dance en alimentation. La nourriture des bandeiran-tes de So Paulo ntait gure fournie, elle non plus.Laliment de base de la majeure partie de la popu-lation tait les haricots, le mas et le manioc. Maisles plantations de manioc taient insusantes, et lacanjica ne contenait mme pas de sel car celui-cintait pas accessible tous.

    La population appritlors des famines du XVIIIe

    sicle mieux tirer partides aliments disponibles,pour aboutir la cuisine

    actuelle de MinasGerais, la fois varie

    et abondante, simple et

    sophistique.

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    Le manioc tait le principal aliment, la pi-tance quotidienne de ces populations. Ensuite, il yavait le mas. Un chroniqueur anonyme de 1717, citpar Afonso de Taunay, numrait plusieurs plats ou

    drivs obtenus avec du mas : popcorn, curau,pa-monha, farine, cuzcus, biscuits, gteaux, alcamonias(sucreries gnralement faites de mlasse et de fari-ne)3, catimpuera (espce de boisson fermente, faiteavec du mas ou du manioc cuit ou cras, mlang de leau et du miel), alu (boisson rafrachissan-te du Nord-Est, faite avec de la farine de riz ou demas grille, fermente dans des pots en argile et,au Minas Gerais, avec de lcorce dananas, suivantle mme procd)5 ou encore bire de mas vert,

    eau-de-vie et canjica. Enn, la polenta de farinede mas ou de riz, cuite en grandes quantits dansde grands chaudrons deau chaude, que les richesmangent par got et les pauvres par ncessit.

    Le style de la cuisine de Minas Gerais servle, principalement, travers le complexe du

    mas. Depuis le mas vert, cuit, rti, ou en bouillie,jusquau fub (sous forme de angu , de bouillie,

    de galee, de biscuit, etc), le mas arrive grand

    vainqueur dans tous les repas et domine mmele manioc natif. Lhabitant de Minas Gerais na

    jamais utilis le pain de farine de manioc, ce pain

    des premiers sicles de la colonisation du Brsil :il a toujours prfr la bouillie de farine de mas,

    les gteaux consistants de fub et le cobu , bis-

    cuit rti et prsent dans une feuille de bananier.Lhabitant du Minas a toujours privilgi, pour

    la mlanger aux haricots, la farine de mas (mas

    mouill, pil puis grill), le angu , la farine dite

    de moulin (fub grill). Les classes dfavorisesont toujours consomm la canjiquinha (sous-produit du dpulpage du mas, qui remplace le riz

    3 FERREIRA, Aurlio Buarque de Holanda. Nouveau Diction-naire de la Langue Portugaise. Rio de Janeiro: Nova Fronteira,1975. 14 impression.

    idem.5 idem, ibidem.

    avec bonheur). La nuit, le lait avec de la farine

    (farine de mas ou de moulin) est apprci pourle dner. Le caf avec de la farine de mas et du

    fromage est un sacr repas. La canjica dlicieuse,

    les popcorn et, en rafrachissement, de lalu ; lefub avec de leau et de la rapadura, qui, aprs

    fermentation, a des proprits alcooliques, tait la

    boisson que les Noirs buvaient lors des caxambus(varit de samba), entre deux danses. Ces divers

    emplois du mas dnotent le caractre composite

    de la cuisine de Minas Gerais.6

    Lalimentation a constitu un grave probl-me pendant toute la phase minire du Brsil, non

    seulement pour les esclaves (mal vtus et mal ali-

    ments), mais aussi pour les hommes libres. Et ceuxqui habitaient la ville ont souert plus svrementencore que ceux qui vivaient sur les exploitationsaurifres.

    Les consquences de loccupation acclreet dsordonne de la rgion minire ont donc tde divers ordres. Certains historiens, pour qui lemotif principal de la Guerre des Emboabas7 (1709)tait la lue pour la possession des mines dor, font

    ressortir que les paulistas ne voulaient pas parta-ger les mines avec des trangers. Il y eut en eet, lorigine de cee guerre, une jalousie des paulistassuscite par la concurrence du Portugal et de Bahia,et une rivalit pour contrler lor. Ces motifs sontsecondaires, cependant, compars au monopolede certaines denres indispensables la vie dansle Minas Gerais, comme les contrats de viande de

    boucheries, ou la spculation sur tous les articlesde premire ncessit et leur contrebande, promus

    6 TORRES, Joo Camilo de Oliveira. Histria de Minas Gerais(Histoire de Minas Gerais), vol.I. Belo Horizonte. p. 161.

    7 Guerre des Emboabas Conit arm qui a eu lieu au Brsilde 1707 1709. Il a oppos les paulistas et les Portugais, pourle contrle de lor. Emboabas est un nom dorigine tupi donnpar les paulistas aux Portugais.

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    par les habitants de la mtropole, allis ceux deBahia.8

    On peut donc considrer qu lorigine de cequi caractrise les mineiros, o cee culinaire sim-pose, il y aurait entre autres la Guerre des Emboabas,prsente dans les manuels scolaires comme tantlune des premires manifestations de lesprit na-tiviste du peuple brsilien.

    Un autre fait historique contient en ligranele problme du ravitaillement de la capitainerie : lesoulvement de 1720, Vila Rica, connu sous le nom

    de Rbellion de Felipe dos Santos, contre linstalla-tion de fonderies dans la rgion aurifre. Cee rvol-te populaire tait accompagne de la volont dabo-lir les contrats concernant leau-de-vie et le tabac.

    8 Memria Histrica da Capitania das Minas Gerais (Mmoi-re Historique de la Capitainerie de Minas Gerais) In.: Revistado Arquivo Pblico Mineiro, vol. II. p. 425.

    Par sa gravit, le problme de lapprovision-

    nement des zones minires a form le terreau desprincipaux vnements politiques de Minas Gerais,dans le premier quart du XVIIIe sicle. Il se rpercu-te sur la formation socioculturelle de notre peuple,manifeste dans le savoir de celui-ci, do slvent,fumantes, des chaudires en cuivre, chaudrons enfer fondu et casseroles en pierre, les odeurs, les cou-leurs et les multiples saveurs de nos nourritures.

    Les rponses et les solutions que Minas Ge-rais a apport la ncessit de survivre ont engen-

    dr des usages personnels et familiaux qui, peu peu, cuits au bain-marie, se sont transforms en ha-

    bitudes locales qui, leur tour, cuites petit feu, sesont gnralises en coutumes rgionales, jusquce quelles clatent comme du popcorn ou des lar-dons dans la graisse chaude, pour enn aboutir nos traditions culturelles.

    Friture des lardons. Photo : Joo Rural

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    De cee faon, et suivant ce processus, lha- bitant de Minas Gerais a survcu la faim pour

    consolider une tradition culinaire riche et varie,entirement au prot des produits les plus lmen-taires haricots, mas, manioc, viande trouvs oudisponibles dans la rgion. La faible varit des res-sources de la priode coloniale a t la condition delapparition et du dveloppement dune culinairecrative et innovatrice, caractrise par la recherchede la saveur et la combinaison des gots, avec lepeu de produits dont il disposait.

    John Mawe, premier voyageur tranger

    pouvoir entrer dans le territoire de Minas Gerais,sur autorisation du Prince Rgent, armait en1809 : Tiens donc ! Tant quil y aura du mas et deleau, les habitants dici ne mourront pas de faim.9

    9 Viagem ao interior do Brasil, particularmente aos distritosde ouro e do diamante, em 1809/1810 (Voyage lintrieurdu Brsil, particulirement dans les districts de lor et du dia-mant, en 1809/1810).

    Saint Hillaire10 observa le penchant des habi-tant du MinasGerais pour les sucreries et les con-

    tures, et leur passion pour les prparer. Il critiquananmoins lutilisation abusive du sucre, qui an-nulait le got des fruits. Beaucoup dtrangers quigotent nos sucreries partagent la mme opinion.Certains voyageurs franais ont trouv trange quelon puisse manger une sucrerie avec du fromage,ce qui est une vritable hrsie culinaire selon cesgrands connaisseurs. Ils ne savent pas ce quils per-dent : de la pte de goyave avec du fromage de Mi-nas, miam-miam !

    Pendant ce temps, des familles entires deconseurs talaient (et continuent dtaler) dans lesrues des plateaux couverts de gteaux sucrs lanoix de coco, des rouleaux de fromage, des brevi-dades et desps-de-moleque. Dautres familles arron-

    10 Viagem pelas Provncias do Rio de Janeiro e Minas Gerais(Voyage travers les Provinces de Rio de Janeiro et de MinasGerais).

    Troupeaux de cargaison. Photo : Joo Rural

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    dissaient leur n de mois en vendant des gteaux deharicot trs poivrs, et dautres encore, fabriquaientdans des bassines de cuivre les amandes pour lescornets de la Semaine Sainte.

    La quitanda, ne loublions pas, est une ptis-serie installe chez un particulier, o sont prparsles biscuits, la broa, les roscas, les sequilhos (petits g-teaux secs), les gteaux, le tout prsent sur des pla-teaux. La quitandeira est celle qui fabrique ou vendces produits. Les femmes dOuro Preto avaient larputation dtre dexcellentes ptissires.

    Les femmes noires et mtisses avaient beausaeler la prparation de ptisseries, il ny enavait jamais assez pour satisfaire la gourmandise

    des travailleurs des mines. Une multitude de fem-mes noires et mtisses, esclaves ou libres, sillon-naient les collines et les bordures des rivires avecleurs plateaux, en incitant les Noirs dpenser lorqui ne leur appartenait pas avec les ptisseries.

    Un des premiers gouverneurs de la rgionstait dcid rsoudre le problme :

    ...il est interdit : aux femmes de se rendre

    sur les mines dor, avec des beignets, des gteaux,

    des sucreries, du miel, de leau-de-vie et dautresboissons, parce quelles sont envoyes par certai-

    nes personnes sur les mines et les lieux dextrac-

    tion de lor dans le but de dtourner le mtal deses propritaires, qui il est destin, pour le re-

    mere des mains qui ne versent pas le quint

    sa Majest...

    Les bates les plus riches des mines taientcelles qui ont continu appartenir aux femmesnoires qui portaient des plateaux de ptisseries,

    ce qui conduisit linterdiction du 11 septembrede 1729 ; une de plus, qui, comme les prcdentes,resta sans eet.

    FIGUEIREDO, Luciano. Mulheres nas Minas Gerais (Les Fem-mes Minas Gerais). In: Histria das Mulheres no Brasil (His-toire des Femmes au Brsil). So Paulo: Contexto. p. 151.

    Selon un diction populaire, la faim des pau-vres est venge par lindigestion des riches.

    Les habitants de Minas Gerais ont toujours ttrs grignoteurs, amateurs de sucreries et de frian-

    dises, comme la plupart des Brsiliens dailleurs,connus pour leur sensualisme apicole.12

    Quelles soient mises sur un plateau pourtre vendues en magasin ou dans la rue, nos su-creries sont toutes des clbrits : doce de leite (lesplus authentiques du Minas Gerais sont enroulsdans la paille de mas) la bergamote, au citron et lorange, brevidade , geles, ptes de goyave et de

    banane,p-de-moleque,pamonha enveloppe dansune feuille de bananier, queadinha, me-benta,

    quebra-quebra, broinha de farine de mas ou de caca-houte, biscuit de tapioca, et bien dautres, toutesissues de notre conserie luso-brsilienne. Leursnoms suggrent la tendresse et la gentillesse du si-cle du irt, du romantisme (XVIIIe) : le suspiro (lit-tralement: un soupir ; meringue, en franais), les

    12 MNTUA, Simo. Cartas de um chins (Leres dun chinois).

    Selon un dictionpopulaire, la faim des

    pauvres est venge parlindigestion des riches.Les habitants de Minas

    Gerais ont toujours t trsgrignoteurs, amateurs desucreries et de friandises,

    comme la plupart desBrsiliens dailleurs,connus pour leur

    sensualisme apicole

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    melindres (gentilesses), les arrufados (crissements),les esquecidos (oublis), les beos-de-freira (baisers de

    bonne-sur), lespapos-de-anjo (gorjes dange), lababa-de-moa (bave de jeune lle), les quindins-de-

    iai (ptulance de iai)...Il y avait toujours dans le garde-manger un

    compotier rempli de mlasse, manger avec de lafarine de mas ou des morceaux de fromages. Dansles boutiques et les bars, on pouvait tre sr de trou-ver des carafes deau-de-vie, des po de queo , des

    biscuits fourrs la crme, du popcorn et enn dela rapadura (casson de sucre), ingrdient indispen-sable toute ptisserie familiale digne de ce nom.

    Peu peu, le pril de la famine sest dissip,

    mais les prix restaient trs levs. Nombreux furentles ambitieux, venus Minas Gerais pour senrichiravec lor, qui dcouvrirent que tout compte fait, iltait plus facile den obtenir par le commerce, unefois quil avait t extrait par dautres. Et voil lechemin tout trac pour que les habitants des minesse meent commercer, deviennent de ns ngo-ciants, marchands, chefs de convoi ou tropeiros,pour enn se transformer en redoutables banquierset usuriers.

    Grce au systme de ravitaillement orga-nis et assur par les trains danimaux convoyspar les tropeiros, plus rien ne manqua aux habitantsde Minas Gerais. Vers la moiti du XVIIIe sicle,lor abondait. On racontait partout que les minei-ros payaient gnreusement leurs fournisseurs.Des liaisons rgulires stablirent par le biais desconvois. La crainte de la famine et de la disee dis-parut pour toujours. Labondance de produits et devivres sinstalla.

    Vila Rica abondait en vivres et ses terresproduisaient beaucoup de plantes marachres,comme les choux, les choux pomms et les oignons.Il y avait aussi une profusion de fruits, surtout despches, des coings, des oranges, des pommes. Bienque la terre ft peu cultive, rien ne manquait seshabitants, grce aux arrivages quotidiens de vivres,apportes dos de bte par les convois charges de

    lard, de mas, de haricots, de fromages et dhuiledolive, vendus des prix assez raisonnables.13

    La cuisine du Minas Gerais doit aux ancienstropeiros (convoyeurs) le plat nomm feo-de-tro-

    peiro en hommage, justement, ces valeureux ex-plorateurs de la jungle brsilienne.

    Le centre des activits marchandes ntaitautre que les boutiques. On pouvait y trouver (maisle plus souvent on ny trouvait pas) de la cachaa, dusel, du sucre, des haricots et de la carne seca (viandesale), du tabac en cordes, des fers cheval, desgousses dail, des armes feu et des missels.

    Lextraction de lor et des diamants tait trsabsorbante. Labondance de la production minire

    na pas laiss despace lapparition dune agricul-ture ou dun levage intenses. A lapoge de la pha-se de lor, il tait impossible pour lagriculture dese dvelopper puisquelle ne pouvait pas rivaliseravec les mines sagissant dacheter les esclaves. Leprix quun un mineur payait pour un esclave noirtait compltement hors de porte pour un cultiva-teur.

    Les parcs btail simplantrent lentementdans la Capitainerie, se dissminant sur les ten-

    dues de terre aux abords du Fleuve So Francisco,comme un prolongement naturel de llevage dve-lopp Bahia.

    En dpit des nombreuses adversits, la Capi-tainerie de Minas Gerais se dirigeait lentement verslautonomie alimentaire. La Vila de Sarab produi-sait du mas, des haricots, du riz et de la canne su-cre ; Vila Risonha et Bela de Santo Antnio da Mangade So Romo fournissaient du btail, des poissonset des fruits du serto. Vila Nova da Rainha cultivait

    les fruits dlicats de notre Portugal, comme lespommes, les pches, les raisins et les prunes ; SerroFrio exportait du mas, des haricots et du fromage ;et Vila de So Jos do Rio das Mortes (actuelle Ti-

    13 ROCHA, Jos Joaquim da. Memria Histrica da Capitania deMinas Gerais (Mmoire Historique de la Capitainerie de MinasGerais), relatif lanne de 1778.

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    radentes), qui tait la mieux pourvue de toutes lesvilles de la Capitainerie, approvisionnait la plupartdes circonscriptions avec son lard, son btail, sesfromages, son mas, ses haricots et son riz.

    La population de Minas Gerais consom-mait la viande de buf, en grosses tranches sales(carne-seca, charque, carne-de-sol, carne-de-vento ou

    jab). A lexemple de la viande de porc et du lard, lebuf tait conserv au moyen de fumage, de sel, desa transformation en paoca et de la conservationdans de la graisse (toujours pratique).

    Au nord de Minas Gerais, le repas courantde la population rurale demeure les haricots avecde la farine et dujab. Le plat, servi avec de la sauce

    de cumari, du pimentpili-pili et de lhuile de palme,est tellement cors quil faut quelques bonnes ra-sades de cachaa avec de lajuna ou des feuilles degue pour arriver le dguster.

    Le dclin des mines dor et de diamant, quisest amorc la n du XVIIIe sicle, a t la princi-pale raison du changement dactivit du Minas Ge-rais. Lindustrie minire a t relaye par llevage,les manufactures et lagriculture. Les cultures sesont multiplies sur le lieu mme des exploitations.

    Les mines agonisantes ont commenc sappuyersur les cultures, qui ont avidement occup les terresfertiles des alentours des mines.

    Au dbut du XIXe sicle, le panorama co-nomique de Minas Gerais contrastait avec celui dusicle prcdent. Grce au dveloppement de lagri-culture, de llevage et des manufactures, la Capi-tainerie accdait lautonomie sous divers aspects.Non seulement elle smancipait dune grande par-tie de ses fournisseurs externes, mais elle commen-

    ait aussi ravitailler son tour des rgions dontelle dpendait auparavant. En somme, la situationconomique sinversait.

    Le naturaliste allemand Hermann Burmeis-ter, qui a voyag travers le Minas Gerais en 1851, aconsign quelques curieuses impressions proposdes sites, des paysages, de la faune et des coutumesdes habitants des diverses rgions quil a visites.

    Mariana et Ouro Preto, il fait un rapport int-ressant sur les horaires des repas et sur ce qui taitmang habituellement :

    dix heures, djeuner : des haricots, du

    angu , de la carne seca, de la farine, du lard, du

    chou, du riz, et parfois du poulet. On mangeait volont, mlangeant tout dans une mme assiee

    (usage toujours dactualit). Entre 3 et 4 heures

    de laprs-midi, on rptait le mme menu, avecdes produits frais. Durant le repas, on buvait de

    leau, un peu deau-de-vie et, la n, une tasse de

    caf. Chez certaines familles, un troisime repastait consomm entre 7 et 8 heures du soir, mais

    ce ntait pas la coutume gnrale. cee heure-l, on servait des plats plus lgers (sic), comme la

    canjica avec du lait et du sucre, du th lorangeavec du lait, accompagn dun biscuit ou dun g-teau plus ran, comme lepo-de-l ou le pain

    de mas. Il trouva le th lorange trs agrable...

    Le commun de la table mineira (chez ceuxqui peuvent se le permere, bien entendu) suit unetradition demeure quasiment identique dans lamajorit des cas, avec peu de variations selon les

    Le commun de la tablemineira (chez ceux qui

    peuvent se le permettre,bien entendu) suit une

    tradition demeurequasiment identique dans

    la majorit des cas, avecpeu de variations selon les

    diffrentes zones de ltatactuel du Minas.

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    N 13

    Po-de-queijo. Daniel Augusto Jr. / Pulsar Imagens

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    direntes zones de ltat actuel du Minas, du sud jusquaux proximits de Bahia. On y mangeait, eton y mange toujours, principalement, des haricots,du angu, de la farine de mas ou de manioc, du riz,

    de la longe de porc, des saucisses, de la viande debuf, boucane ou frache, du poulet, et comme l-gume, du chou.

    Les haricots rgnent en matre. Le haricotest le pilier de la maison, dit le refrain populaire.Il occupe la premire place, principalement le hari-cot mulatinho, mais dautres varits sont galementconsommes : le haricot chumbinho, le haricot man-teiga, le haricot roxinho et le haricot noir. A ses ctsviennent la bouillie de mas, puis les lardons frits.

    Le riz rivalise actuellement avec les haricots. Le rizblanc, cuit notre faon, bien dcoll, ne peut treabsent daucune table de Minas Gerais. Et, pour -nir, le chou.

    Les haricots avec du angu, des lardons frits,de la farine et du chou en lanires ou hach voilla nourriture quotidienne du foyer, sous sa forme laplus simple et la plus commune.

    On appelle feo-de-tropeiro, feo-das-onze ou feo-de-preguia, le haricot cuit pres-

    que sans jus, non cras, et mlang des lardonsfrits et la farine de manioc.

    Un autre plat incontournable pour le palaisdes habitants de Minas Gerais, considr le plus mi-neiro de tous les plats, cest le tutu de feio, fait avecdu haricot mulatinho. Aprs la cuisson, les haricotssont paissis avec de la farine de manioc ou de maset servi avec des lardonsfrits, de la saucisse ou desufs durs, coups en rondelles... Miam-miam !

    Tout comme la simplefeoada, parfois prpa-

    re avec de la viande de porc sale, ou de la viandesche, le tutu de feio est un plat consistant, quiappelle un apritif, en loccurrence un bon verrede cachaa. la n du repas, rien de mieux quunetasse de caf fort.

    Les petits gteaux au haricot sont trs ap-prcis pour grignoer un peu, avant le dner ou

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    le souper, accompagns dune excellente cachaa fa-brique partir de canne sucre de Cayenne.

    Lalimentation journalire de lhomme ru-ral, du paysan ou de lhabitant du serto, se rsumepresque toujours des haricots, du angu, du riz cuit,

    un lgume quelconque et, dans le meilleurs des cas,des ufs et de la volaille. La farine de manioc nestabsente daucun repas...

    Le angu de farine de mas ou de manioc estun plat trs consistant, indispensable lalimenta-tion des paysans, mais on le retrouve galement surles tables des citadins. Le mineiro le prpare habi-tuellement sans sel, tradition hrite du XVIIIe si-cle, quand le sel tait un produit cher et rare.

    Ce plat-l gagne beaucoup en got si on y

    ajoute des lardons frits ou des saucisses. Et si onrajoute, en plus, quelques herbes haches, ltouf-fe, quel dlice !...On obtient alors la triade tradi-tionnelle : haricots, angu et chou.

    En labsence de farofa , on ajoute gnrale-ment de la farine simple, grille ou non, aux haricotset leur jus, pour leur donner de la consistance.

    Avec le fub de mas, on fait du mingau,bouillie trs populaire, simple ou sucr, saupoudrde cannelle. On peut le manger avec des morceauxde fromage, du lait ou mme le miel, au petit-djeu-

    ner, ou, comme dernier repas du soir... Il y aussi lemingau de mas vert et le angu au lait.

    Vers la n du XIXe sicle, dans toutes les fer-mes du Minas Gerais rgnait le plat quotidien sui-vant: haricots avec du angu et des lardons grills,longe de porc rtie, saucisses, chou et la typiquefarine de mas de Minas Gerais. Les dimanches, il yavait invariablement du poulet. Comme dessert, onservait des sucreries dans des moules et des com-potes, avec du fromage, ou de la mlasse avec de

    la farine ou du manioc. Aprs le souper, sur la tra-ditionnelle vranda des fermes, on servait du thde congonha ou bien du caf sucr avec de la rapa-dura.

    Ainsi lagriculture sest-elle petit petit r-pandue, de mme que llevage. Le sud du MinasGerais orait les meilleures conditions leur ex-pansion. Lindustrie de produits laitiers t ses d-

    buts. Le mineiro leveur de btail t son apparition.Bien que sa consommation de lait ft modeste, il

    est lorigine de lun des traits les plus marquantsdu Minas Gerais typique : lindustrie du fromage.Celle-ci a donn le fromage de Minas, un fro-mage blanc, rond, savoureux, dont la prsence estindispensable sur nos tables lheure du caf, ac-compagn de sucreries...

    Les circonscriptions de louest du Minas sontde gros producteurs de porcins. La viande de porc,surtout le lard, est consomme dans toute la rgionet constitue le condiment indispensable de tous les

    plats de la cuisine rgionale.A la n du XIXe sicle, le commun des tables

    plus modestes se rduisait des haricots avec de lafarine et du angu, complts par quelque verdure ouautre produit potager : chou, gombo, chayoe, laite-ron, igname, potiron ou taro violet. Parfois la nour-riture de base pouvait se limiter des haricots, deslardons frits et du riz. La viande manquait presque

    Vers la fin du XIXe sicle,dans toutes les fermes du

    Minas Gerais rgnait leplat quotidien suivant:haricots avec du angu etdes lardons grills, longede porc rtie, saucisses,

    chou et la typique farine

    de mas de Minas Gerais.Les dimanches, il y avaitinvariablement du poulet.

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    toujours au menu, mais elle ntait pas indispensa-ble, linverse des haricots ! En lieu et place du pain,on utilisait souvent du beiu (galee de tapioca), dela farine de mas ou des biscuits de polvilho (tapio-

    ca). Le pain tait pour ainsi dire un produit trangerdans la cuisine de Minas Gerais traditionnelle.

    Pour leur part, les classes plus aises pou-vaient se rgaler avec une grande varit de ptis-series, friandises et autres gourmandises :

    Petit-djeuner : une assiee de bouillie defub , simple, saupoudr de cannelle ou ac-compagn de mlasse et de morceaux defromage ; ou bien du caf au lait avec desptisseries ou des tartines beurres (avec du

    beurre tranger) ; Djeuner : des haricots, sous forme de tutu

    de feio , avec des lardons frits, des saucis-ses ou de la longe de porc ; ou seulement desharicots et, parfois, du chou, ou du virado defarine de manioc ou de mas, du angu, simpleou garni de lardons frits et de gombo ; du riz

    blanc dcoll, de la viande de buf sche oudu porc frais ou sal, et, plus rarement, de laviande de buf frache. La viande de buf,

    sche ou frache, rtie, en ragot ou en ds,avec soit du riz, soit du manioc, soit du chou,ou avec de ligname ou des haricots verts ;ou bien du buf, eloch, ou frit avec desufs brouills, ou bien encore cuit avec deslgumes. La volaille, en sauce de prfrence,avec du angu et des gombos. Peu de lgu-mes : du chou, de la laitue, du chou pomm,du laiteron ou du taro. En dessert : de la ptede coing ou de goyave, de la mlasse ou une

    autre sucrerie en bote, accompagne defromage blanc ou de requeo frais. Pour -nir : bananes, oranges ou papaye.

    Goter : un caf, accompagn ou non de p-tisseries.

    Dner : une soupe de lgumes ou de viande,avec de la farine de mas, de car ou digna-me, de manioc, de haricot blanc, defub aux

    herbes ; des haricots seuls ou du virado avecde la farine ; du ragot de viande avec desgombos ou des aubergines, du manioc ou dela patate douce ; du riz avec des ufs frits.

    Dessert: pte de fruit avec fromage ou requei-jo frais.

    Souper : canjica avec ou sans cacahoutes,ou fromage ; ou bouillie defub.

    En boisson : un petit verre de cachaa, commeapritif (rserv aux hommes).

    Condiments : oignons, ciboulee, ail, laurier,rocou, piment pili-pili, poivre, coriandre.

    Graisse : saindoux de porc.Cee nourriture quotidienne des familles

    riches du XIXe sicle - abondante et bon march,varie et saine, facile digrer et, plus importantencore, savoureuse - , a perdur jusqu nos jours,avec peu de variations, pour devenir le menu tradi-tionnel de la cuisine de Minas Gerais.

    Le secret est pass de mre en lle, commeun bou de famille - une ppite dor ou un diamant,dirait-on au pays des mines - : la faon bien mineirade faire la cuisine, de hacher et noyer les ingr-dients disponibles, comme disaient nos anciennes

    cuisinires. Mme si les matresses de maison deMinas Gerais ne connaissaient pas la science delalimentation, elles excellaient toutefois dans lartde lalimentation, ce qui comptait (et compte) bienplus.

    Minas Gerais... est une petite synthse, uncarrefour. Il y a au moins plusieurs Minas Gerais,il y en a tellement la fois et un seule en mmetemps. Comme lcrivait Guimares Rosa :

    Il y a la fort, par del la montagne, encoresuintante des vents marins, agricole ou sylvicole,densment fertile ; il y a les paciques et les belli-

    queux. Il y a le Sud, cafier, sis sur la terre mauve

    pentue ou sur des collines que des europennesapprtent, qui sait lun des plus sages refuges

    de la joie en ce monde ; il y a les timides, et les

    audacieux jusqu limprudence. Il y le Triangle,

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    Poulet avec du gombo. Maison ddition Peixes (Embratur)

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    rgion dveloppe, forte et franche ; il y a les es-

    prits routiniers, et les aventuriers. Il y a lOuest,taciturne, aux manires courtaudes, mais leveur

    et politique, ptri de ruse ; il y a les lgalistes et les

    rvolutionnaires. Il y a le Nord serto aux ha-bitants chauds, bucoliques, tantt baianos sur les

    bords, tantt nordestins dans laridit intraitable

    de la caatinga, qui copent du polygone de la s-cheresse ; il y a les nafs et les nauds lextrme.

    Il y a le centre chorographique de la valle du Rio

    das Velhas, calcaire, clment, clair, ouvert la joiede toute nouvelle voix ; il y a les avares et les pro-

    digues. Il y a le Nord-Ouest, avec ses plateauxaux immenses tendues dgages qui rejoignent

    Gois et Bahia sur la gauche puis remontent jus-quaux ondulants Piau et Maranho.

    Je crois que la lgitimit de Minas Gerais sestfaite travers le mlange, ou la cxistence entre cer-tains de ces dfauts et qualits, avec la permanencedes caractristiques essentielles notre identit.

    Existe-t-il, nalement, une nourriture de Mi-nas Gerais ?

    Voil la rponse bien typique de chez nous

    : oui et non la fois !Oui, parce quon peut identier une constan-te dans lquation des prfrences alimentaires dupeuple qui habite le Minas. Et non la fois, parceque ces prfrences ne sont pas exclusives de cemme peuple.

    La constante se dnit, bien sr, par la cui-sine de tous les jours, base premirement sur le tri-nme haricot, angu et chou, suivi par le riz, ensuitela viande (porc de prfrence ) et, enn, modr-

    ment, les lgumes et autres plantes potagres.Les plats considrs typiques de Minas Ge-rais sont : le tutu de feio avec des lardons frits oudes saucisses, la longe de porc rtie et le chou ha -ch n. On peut encore citer le poulet au sang avecdu angu et des gombos. Ces plats sont considrscomme tant lgitimes de Minas Gerais, sans trepour autant exclusivement de cee rgion.

    Mais comment ces plats-l ont-ils accd austatut de plat de Minas Gerais ?

    Par la faon mineira de les cuisiner, qui estcomme un rituel. Par la faon mineira de les servir,

    semblable une liturgie. Par la faon mineira de lessavourer, pareille une communion !

    Il ny a rien de meilleur dans la cuisine uni-verselle, armait Guimares Rosa, non sans quel-que patriotisme exacerb.

    Et pourquoi pas ? rpondait-il lui-mme,en ajoutant : le vrai patriotisme est dans la sen-sualit gustative de la table, le couvert, le dessertet la desserte. Le ptrole ne sera pas autant nous ;de chez nous, bien de chez nous, sont les doce-de-

    leite et leloch de viande sale. Pardonnez-moi mon plat moi cest le plat du Minas vritable-ment principal ; poulet en sauce avec des gombos,de la citrouille (ad libitum laubergine) et du angu,plat en aquarelle, qui coule, visqueux comme la vieelle-mme, et ruisselant de piment.

    Bibliographie

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    Maison ddition de lauteur, Rio de Janeiro/RJ, 1967.ROCHA, TIO. (org.)Anal, o que ser mineiro? (Quest-

    ce qutre mineiro , en n de compte ?) Service Socialdu Commerce de Minas Gerais, Belo Horizonte/ MG,1995.

    Tio RochaAnthropologue et folkloriste