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La Socialisation utopique aux valeurs

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EHESS

La Socialisation utopique aux valeursAuthor(s): Jean SéguySource: Archives de sciences sociales des religions, 25e Année, No. 50.1 (Jul. - Sep., 1980), pp.7-21Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30125166 .

Accessed: 12/06/2014 12:00

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Arch. Sc. soc. des Rel., 1980, 50/1 (juillet-septembre), 7 - 21. Jean SoGUY

LA SOCIALISATION UTOPIQUE AUX VALEURS

Do sects socialize to dominant values? Some sociologists think so. The present article shows the complexity of the relationship to values and the difficulty of defining the values dominant in a group. For the author, sects represent a particular aspect of a more general case, that of "voluntary utopian" groups. Taking his examples from a number of sects and religious orders, he shows that "utopian" groups socialize their members either to values of their own, or, at times, to the values dominant in society at large, although with a difference. Utopian socialization marks groups off as original in regard to values, which may suffice to induce conflict between them and the rest of society.

Depuis quelques ann6es, I'information pousse les sectes < i la une >. Non pas celles du pass6, de terrain protestant en g6n~ral, r6pondant g peu pros au type w~b6ro-troeltschien de la secte, mais des groupements de cr6ation r~cente - au moins pour la plupart - d'origine et de structure passablement diff~rentes des pr6c6dents.

Deux courants divergents d'6valuation se font jour g leur sujet : r'opinion publique et les moyens d'information paraissent les tenir - en gros - pour de dangereuses machines de guerre mettant en cause les valeurs de notre soci6t6 occidentale : celles de la famille, de la rationalit6 scientifique, de la d6mocratie politique, celles encore qui sous-tendent nos conduites et attitudes vis-a-vis de la vie, de la mort, de la sante et de la maladie, etc. Par ailleurs, les sociologues ayant 6tudi6 les groupes que l'opinion publique met au pilori semblent tous d'accord sur une estimation oppos6e : pour eux, les sectes modernes et les actuelles tendent g socialiser leurs membres aux valeurs dominantes, en d6pit d'un certain nombre de repr6sentations et de pratiques qui leur sont propres et peuvent parfois donner le change (1).

(1) Dans la mesure oi il existe une litt6rature scientifique sur ces groupes, et oii elle pose ce genre de question. Voir par exemple : Roy WALLIS, The Road to Total Freedom. A Sociological Analysis of Scientology, Londres, Heinemann, 1976. On notera que, dans l'abondante litt6rature sur les sectes plus anciennes, ou sur toutes celles r6pondant mieux au type-id6al w6b6ro-troeltschien, le rapport aux valeurs est souvent 6voqu6 dans la perspective des z enseignements sociaux >. Parfois meme, les auteurs ne distinguent pas de fagon tris nette entre valeurs, normes et r~gles.

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Nous voudrions tracer ici une troisibme voie, en ~largissant doublement le champ de la discussion, grace au concept de a groupement volontaire utopique > d'une part; d'autre part, et en consequence, en incluant dans l'espace de la recherche les sectes, le monachisme, les communaut~s actuelles, et toutes les formations r~pondant au concept nomm6 plus haut.

N~gligeant les impressions vite formtes du public et des pourvoyeurs d'infor- mation, nous critiquerons la position des partisans de ( la socialisation aux valeurs dominantes >; puis nous montrerons le rapport existant entre les problbmes poses et ceux de la routinisation et de l'institutionalisation des groupements en question; dans une troisibme partie nous r6fl6chirons sur les destins de l'utopie dans la pers- pective de la socialisation aux valeurs; enfin, nous expliquerons ce que nous entendons par ( socialisation utopique >.

I. - SOCIALISATION AUX VALEURS DOMINANTES ?

< Les sectes socialisent-elles aux valeurs dominantes ? > Toute une sociologie anglo-saxonne pose fr6quemment cette question, qui ne manque pas d'int~r~t. Par contre, la r6ponse affirmative qui lui est le plus souvent apport6e laisse insatisfait. Quelle conclusion tirer, en effet, de ce que, en pays anglo-saxons, les sectes socialiseraient, en g6n6ral, aux valeurs les plus r6pandues (2)? Le puri- tanisme, ou le ' protestantisme asc6tique > (E. Troeltsch), passe pour la source et la r6f~rence des id6aux en vigueur dans ces r6gions. Les sociologues se reportent d'ailleurs souvent au type-ideal w6b~rien de 1' < 6thique protestante > pour d6crire les valeurs dominantes de la < civilisation anglo-saxonne >. Dans ces conditions, peut-on s'6merveiller si des groupes religieux revendiquant le mime h6ritage v6hiculent eux aussi ces valeurs ? On se trouve, semble-t-il, dans un cercle vicieux.

Est-il possible que le rapport des sectes aux valeurs soit, m~me en pays anglo- saxons, massivement constant et univoquement positif ? On a du mal ~ l'imaginer a priori, et la moindre familiarit6 soit avec les sectes soit avec l'6tude des valeurs aiguise encore le souppon. Les recherches des sociologues anglo-saxons nous avertissent d'ailleurs, par leur d~couvertes empiriques et aussi par leurs contra- dictions, qu'il est dangereux d'aller trop vite en besogne dans ce domaine.

James Beckford, 6tudiant les T6moins de J6hovah en Angleterre, observe chez eux un conformisme social coh6rent avec leur appartenance aux classes moyennes. Mais, g quelques paragraphes de distance, il voit un des attraits de ce groupe dans le fait qu'il honore des valeurs abandonn~es par la soci~t6 globale (3). On note des contradictions semblables chez d'autres auteurs : ainsi chez M. Dearman dans un travail portant sur les < sectes de saintet6 (4).

(2) Voir, en particulier : Marion DEARMAN, a Christ and Conformity. A Study of Pente- costal Values >, Journal for the Scientific Study of Religion, d6c. 1974, pp. 437-453, et Benton JOHNSON, aDo Holiness Sects Socialize in Dominant Values ? ~, Social Forces, mai 1961, pp. 309-316.

(3) James A. BECKFORD, The Trumpet of Prophecy. A Sociological Study of Jehovah's Witnesses, Oxford, Basil Blackwell, 1975, pp. 177 et 207-208.

(4) Art. cit. Autres commentaires sur l'article de Dearman dans Jean SBGUY, ' Les sectes comme mode d'insertion sociale >, dans Eglises et groupes religieux dans la socidtd frangaise, Strasbourg, CERDIC-Publications, 1977, pp. 293-316.

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L'auteur affirme g la fois que les groupements qu'il 6tudie socialisent aux valeurs dominantes, et que ces valeurs < ne sont plus op ratoires dans l'ensemble de la soci~t6 am~ricaine >.

On pourrait multiplier les exemples; cela serait sans profit. Notons plut6t la difficult6 que les auteurs paraissent 6prouver dans le rep6rage des valeurs r6ellement dominantes : l'h6sitation sensible chez Beckford et Dearman entre valeurs d'hier et d'aujourd'hui m~rite attention. En premier lieu elle renvoie g un choix possible, de la part de certains groupes, entre plusieurs jeux de valeurs B leur disposition. En second lieu elle pourrait aussi renvoyer B la possibilit6, affirm6e par E. Mansell Pattison, que toutes les sectes ne socialisent pas, ou pas 6galement, aux memes valeurs (5), certaines encourageant la pratique d'id6aux d61laiss~s par la soci6t6 globale, certaines exhortant plutbt I une pratique - la plupart du temps diff6renci6e - d'id6aux contemporains.

Bryan R. Wilson a bien apergu, tout comme Pattison, la vari6t6 des attitudes sectaires dans le domaine qui nous occupe. Etudiant et comparant trois groupes diff6rents - une branche du pentec6tisme (Elim Church), les christadelphiens et la Science chr6tienne -, il note trbs scrupuleusement le rapport que chacun d'entre eux entretient avec les valeurs dominantes actuelles (6). En effet, chacune de ces formations adopte une attitude diff6rente en ce domaine : les pentec6tistes d'Elim s'en tiennent aux valeurs de la soci6t6 globale auxquelles ils ajoutent certaines prescriptions - positives ou n6gatives - de caract~re pratique : des normes ou des r~gles particulibres en somme (7). Elim se pr6sente comme un lieu de compensation aux frustrations sociales exp6riment6es par ses membres. Par contre, les christadelphiens rejettent plus nettement certaines valeurs de la soci6t6 britannique (8). Ces deux groupes, le premier revivaliste, l'autre millina- riste, retirent B des degr6s et sous des formes diverses leurs membres du ' monde >, en mettant une certaine distance id6ologique entre eux et lui. La Science chr6tienne, elle, n'entretient aucune hostilit6 de principe i l'6gard de la soci6t6 globale et de ses valeurs. Elle vise, au contraire, pour Wilson, i int6grer ses adh6rents conforta- blement dans le systdme existant et A en tirer les meilleurs avantages, dans le respect de ses id6aux (9).

Gary Schwartz offre (sur le sujet qui nous occupe) une remarque d'autant plus int6ressante qu'elle est fortuite. Il note en passant que ' dans la mesure oii ils croient que les choix personnels doivent d6pendre de normes sacr6es, pentec6tistes et adventistes du septibme jour se situent en dehors de la conception moderne qui regarde la libert6 comme poursuite de satisfactions individuelles > (10). Ce conflit entre normes sectaires et valeurs de la soci6t6 globale m6rite attention,

(5) E. Mansell PATTISON, a Ideological Support for the Marginal Middle Class: Faith Healing and Glossolalia >, dans Irving I. ZARETSKY et Mark P. LEONE, Religious Movements in Contemporary America, Princeton, Princeton University Press, 1974, pp. 441-445.

(6) Bryan R. WILSON, Sects and Society, Londres, Heinemann, 1961; voir, en particulier, les pp. 317-354.

(7) Ibid., p. 77 et sv., et p. 318. (8) Ibid., pp. 281-295 et 318-319. (9) Ibid., pp. 175-197 et 319-320. (10) Gary SCHWARTZ, Sect Ideologies and Social Status, Chicago - Londres, University

of Chicago Press, 1970, p. 217.

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encore que la r6flexion de l'auteur aurait besoin d'etre affin6e : le reste de son livre montre, en effet, que les deux groupes dont il traite n'entretiennent pas exactement le m~me rapport aux valeurs dominantes. Les pentec6tistes se montrent plut6t indifferents, en ce domaine; les adventistes, par contre, semblent - en pratique plus qu'en thborie - assez disposes i s'accommoder des id6aux de la soci6t6 am6ricaine. Cette diff6rence d'attitude se refl~te d'ailleurs dans le degr6 respectif de r6ussite socio-6conomique au sein des deux sectes.

Bien que leurs perspectives ne coincident pas, les r6flexions de Schwartz et celles de Pattison renvoient a une dichotomie qui les soutient : celle entre sectes * syntoniques > et sectes ' dystoniques > a la soci&6 globale et g ses valeurs (11). Pour Pattison qui, ici, ne rejoint pas Schwartz, l'6thique protestante a 6t6 autrefois syntonique a la culture amdricaine; elle ne l'est plus aujourd'hui. Cette remarque met en question de fagon radicale les nombreuses recherches qui voient dans I'6thique protestante le lieu inspirateur des valeurs nord-ambricaines actuelles, et aboutissent & la conclusion que * les sectes socialisent aux valeurs dominantes .

Ainsi, les trouvailles empiriques, les remarques gn&rales et les contradictions relev6es jusqu'ici chez les sociologues cit6s permettent d'aboutir & une triple certi- tude : 1) en gdndral les sectes modernes et contemporaines ne socialisent pas tout a fait aux valeurs dominantes; 2) toutes ne socialisent pas au mime point aux mimes valeurs; 3) certains de ces groupes paraissent vihiculer des valeurs anciennes, ou certaines valeurs anciennes, plutbt que celles d'aujourd'hui.

A ces notations il convient, selon nous, d'en ajouter trois autres i titre d'hypothbses au moins : 1) les sectes risquent fortement de se poser de manibre diff6rente par rapport aux valeurs dominantes selon les conjonctures qu'elles doivent affronter; 2) dans cette m~me perspective, on peut raisonnablement penser que ces groupes n'entretiennent pas non plus la m~me attitude, dans ce domaine, & toutes les 6tapes de leur histoire; 3) enfin, il faut consid~rer comme important le fait que des formations diff6rentes puissent partager les m~mes idtaux, mais avec une intensit6 diverse et, surtout, leur accorder une place diff6rente dans la hibrarchisation qu'ils en font (12).

Nous allons retrouver ces diff6rents thames en nous penchant sur les pro- blames du charisme et, plus loin, de l'utopie dans leur rapport & diverses conjonctures et aux valeurs.

II. - ROUTINISATION DU CHARISME ET SOCIALISATION AUX VALEURS

Les mouvements (sectes et autres) dont la naissance renvoie & l'apparition et & la reconnaissance d'un personnage charismatique sont, par d6finition, fragiles. Pourtant, ils peuvent desirer durer et s'en donner les moyens en red6finissant,

(11) E.M. PATTISON, op. cit., p. 442. (12) Sur le probl~me de la hidrarchisation des valeurs nous reviendrons plus bas. Sur

l'importance de la diachronie et des conjonctures, bonnes remarques dans R. WALLIS, op. cit., pp. 11-156.

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entre autres choses, leur position vis-a-vis de la soci6t6 globale et de ses valeurs. Weber a d6crit ce procks en parlant de la routinisation du charisme (13).

Ce processus peut commencer du vivant mime du porteur de charisme personnel. A sa mort, en tout cas, le problime de la transmission du ( don se pose; au moins en principe, car des raisons peuvent exister qui militent contre tout transfert. Dans le cas oii il s'effectue, cependant, c'est au prix d'un change- ment de nature et, aussi, de fonction. Le charisme, d'abord personnel, se d6per- sonnalise et tend g se joindre g un r6le social. I1 s'accommode de plus en plus des conditions de la vie quotidienne, en particulier dans le domaine 6conomique. Cependant il 6vite toujours de se confondre complbtement avec le quotidien et l'ordinaire; sans cela, il ne pourrait plus 16gitimer les effets extraordinaires qu'il pritend toujours produire. Dans ce processus, le charisme, d'abord 4 r~volution- naire , c'est-A-dire porteur de nouveaut6 non-16gitime en termes de domination 16gale-rationnelle ou traditionnelle, tend peu g peu B 16gitimer un ordre qu'il avait d'abord contest6. La domination charismatique se charge aussi, et de plus en plus, de traits traditionnels ou 16gaux rationnels. Dis lors, le groupement d'origine cha- rismatique va n6cessairement en arriver A 16gitimer les valeurs dominantes et g y socialiser ses membres. A la longue, et dans des conjonctures favorables, I'institu- tionalisation peut mener i des pratiques et g un mode de 16gitimation entrenant de moins en moins de rapports directs avec l'6v6nement fondateur.

Le charisme doit-il, et comme n6cessairement, disparaitre, apr~s routinisation, d6personalisation et institutionalisation ? Par certains aspects de sa sociologie, Weber donne g penser qu'il doit effectivement en aller ainsi. Mais c'est proba- blement mal l'interpr6ter, comme Michael Hill - entre autres - a tent6 de le montrer (14). Pour le sociologue de Heidelberg, le groupement hi6rocratique succ6dant au groupe charismatique est le porteur d'un charisme de fonction dont il use quotidiennement (15) et qu'il pr6tend 16gitimement et monopolistiquement poss6der par la volont6 de son fondateur. Ce dernier jouissait d'un charisme personnel, qui ne saurait revivre tel quel, mime transmis t un autre personnage. Par contre, il peut toujours servir de source ultime de 16gitimation. Dans certaines conjonctures, le groupement hibrocratique se r6clame de lui pour appuyer certaines revendications vis-a-vis de la soci6tC globale et de ses valeurs. En effet, le rapport du charisme de fonction i ces dernires n'apparait pas n6cessairement fix6 ne varietur (16). I1 est susceptible de se diff6rencier soit diachroniquement, soit synchroniquement. Ainsi, le groupement peut socialiser, de manibre g6n6rale, aux valeurs dominantes; mais aussi, il peut de fagon contemporaine socialiser diff6- remment certaines cat6gories de ses membres (les porteurs du charisme de fonction, et/ou les virtuoses de l'ascse par exemple); ou encore, il peut, i certains moments

(13) Max WEBER, Economie et Societd, Paris, Plon, 1971, t. 1, pp. 249-261, et 275-278, g quoi on ajoutera avantageusement les pp. 271-274, sur la < combinaison des diff6rents types de domination s. D'autres pages du m~me ouvrage - qui figureront dans le t. 2, encore B paraitre - sont 6galement B consulter : cf. Wirtschaft und Gesellschaft, Tiibingen, Mohr, 1956 (4' ed.), t. 2, pp. 662-695; en traduction anglaise dans Economy and Society, New York, Bedminster Press, 1968, t. 3, pp. 1111-1157, et index, au mot a charisma >.

(14) Michael HILL, A Sociology of Religion, Londres, Heinemann, 1973, pp. 160-182. (15) M. WEBER, Economie et Societd, t. 1, pp. 57-59; g quoi il faut ajouter, Wirtschaft

and Gesellschaft, t. 2, pp. 696-710; en trad. anglaise : Economy and Society, t. 3, pp. 1158-1177. (16) A partir d'ici, nos r6flexions, tout en s'inspirant de Weber, revetent un caractbre

plus personnel.

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et dans une perspective strat6gique pr6cise, tendre g socialiser l'ensemble de ses membres en tension avec la soci6t6 globale. Dans ces processus, les normes et la hi6rarchie des valeurs peuvent &tre en cause plus que les valeurs comme telles, mais cela suffit pour qu'un conflit apparaisse entre soci&t6 globale et groupement hi6rocratique.

En fait, il faut, selon nous, se demander si - dans les religions universelles - les groupements hi6rocratiques d'origine charismatique socialisent jamais absolu- ment aux valeurs dominantes. Cela nous parait peu probable, en dehors des conjonctures de hi6rocratie totale. M~me dans la synthise m6di6vale entre catho- licisme et soci6t6 globale occidentale, E. Troeltsch note l'existence de tensions au niveau des valeurs et des normes (17). Si le < compromis > parvenait t &re total entre Eglise et . monde >, le groupement hi6rocratique se priverait, en l'occurrence, d'un outil essentiel de manipulation individuelle et collective de ses membres; il devrait renoncer & se donner pour la source oblig6e de 16gitimation en matibre de valeurs. Le groupement religieux apparemment le plus int6gr6 & la soci6t6 globale doit toujours apparaitre relativement < 6trange > par rapport & cette dernikre. Dans les moments oii les int6r~ts de l'un et de l'autre divergent, il devient d~s lors possible d'accentuer cette < 6tranget6 & des fins strat6giques. Le message eccl6siastique, m~me si, en dernibre analyse, il 16gitime les valeurs de la soci6t6 globale, tend ainsi toujours & se pr6senter en retrait par rapport & elles (18). A plus forte raison doit-il en &tre de m~me dans le cas de groupes contestataires - & des degr6s divers - de la soci6t6 globale. La d6marche th6orique inspir6e de Weber rejoint ici, pour l'essentiel, les remarques tir6es plus haut de quelques travaux empiriques sur les sectes, et en 61argit la port6e.

III.- LES DESTINS DE L'UTOPIE

On peut aborder le problbme d'une autre fagon, autour du concept d'utopie. Le charisme renvoyait & la 16gitimation. L'utopie, telle que nous l'entendons, r6fbre & un type-id6al de fonctionnement id6ologique. Rappelons-en notre d6fi- nition : , Nous appellerons utopie tout systdme id6ologique global visant, impli- citement ou explicitement, par appel & l'imaginaire seul (utopie r ?vie) ou par recours concomitant ou compl6mentaire & l'6crit (utopie tcrite), ou encore par passage subs6quent ou parallble & la pratique (utopie pratiquie), & transformer - de manibre au moins optativement radicale - les systdmes globaux exis- tants > (19).

L'utopie critique le pr6sent, au nom d'un pass6 normativement appr6hend6 (ou d'un principe cens6 < primitif s, a naturel > ou < 616mentaire s), et se

(17) Ernst TROELTSCH, Die Soziallehren der christlichen Kirchen und Gruppen, Tiibingen, Mohr, 1912; voir ce que l'auteur dit de la r6forme gr6gorienne (pp. 383-386).

(18) Voir J. GUTWIRTH, aAspects du catholicisme au Br6sil , Archives de Sciences sociales des Religions, 42, Ns 2, 1977, pp. 175-180.

(19) J. SAGUY, Lettre c Jacqueline, n* 3 (document ronbotypl d'un s6minaire de I'E.P.H.E. 6' sect.), p. 11; cette formulation reprend et pr6cise celle que l'on trouvera dans SUne sociologie des soci6tis imagin6es : monachisme et utopie >, Annales, E.S.C., mars- avril 1971, p. 331.

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propose d'informer sur lui l'avenir (20). Nous distinguons ' une utopie progressive et une utopie retrogressive, ou si l'on pr6fbre, des utopies qui vont dans le sens ou B l'encontre du sens indiqu6 par le changement social pergu comme in6vita- blement en train de s'instaurer. L'utopie critique le pr6sent soit comme pr6sageant une lenteur fatale dans l'installation de conditions nouvelles (utopie progressive), soit comme coupable de tol6rer la moindre part d'un changement en une direction funeste (utopie ritrogressive) s (21).

On appellera < groupement volontaire utopique s tout groupement de caractdre volontaire (22) dont l'id6ologie peut se r6f6rer i un fonctionnement utopique, au sens que nous donnons au vocable < utopie >. Ordres religieux (23), communes ou communaut6s actuelles, sectes, certains partis politiques, certaines coop6ratives, nous paraissent appr6hendables comme groupements volontaires utopiques (24).

Dans la perspective de la socialisation aux valeurs dominantes ou r des valeurs propres, la distinction articul6e plus haut entre utopies progressive et r6trogressive m6rite d'&tre approfondie. En effet, dans le concret, un passage se revble possible du < pro > au <' r6tro s (25). La lecture et la critique du present, tout comme la signification reconnue au changement social, et le mode du rapport & inspirer entre avenir souhait6 et r6f6rence au pass6 apparaissent susceptibles de se transformer avec les conjonctures. Or, chaque 6quilibre de ces rapports au temps renvoie g des valeurs louses, promues, ou au contraire d6nonc6es (26).

Ainsi, telle utopie logeait son esp6rance dans l'acc616ration de certaines potentialit6s du changement social. Les circonstances imposent au groupe porteur d'emprunter une autre direction. L'id6e et la volont6 contestataires (critique du pr6sent) ne varient pas, ou pas n6cessairement. Par contre, la forme qu'elles prennent change, de m~me que le sens donn6 au fonctionnement id6ologique. On reste en utopie, mais la soci6t6 souhait~e rev&t concrdtement d'autres aspects. Le module qu'on entrevoit et r6alise - 6ventuellement et dans des mesures diverses - peut d~s lors s'inspirer d'un pass6 qu'on d6sire sauver, plus que de l'acc616ration des potentialit~s que le present comprime. D~s lors, aller vers l'avenir suppose de prendre appui strat6gique sur des traces ou des restes du pass6, et non plus simplement d'en appeler a sa 1Cgitimation. Un pass6 r6cent peut, d~s lors, 8tre t6lescop6 par la m6moire du groupe avec la r~f6rence au temps des origines, et devenir ainsi normatif. Le rattachement effectu6 avec une 6poque

(20) Lettre..., p. 14, et < Une sociologie... >, pp. 332-333. (21) Ibid., p. 14, et pp. 333-334. (22) Deux critbres le ddfinissent selon nous : le recrutement volontaire des membres

et la definition des objectifs et des moyens aptes a les atteindre par le groupe lui-mime > (cf. Lettre..., pp. 9-10, ohi nous d~veloppons cette definition).

(23) Nous employons ce terme g~ndrique pour designer toutes les formes de la d vie religieuse > (ordres, congregations, soci&t6s de pr&tres, etc.).

(24) Dans un travail a venir, qui reprendra, amendera et 6largira Lettre..., nous montrerons en quoi et jusqu'oi ces groupements peuvent se rattacher B notre conception du groupement volontaire, et du groupement volontaire utopique.

(25) Nous n'excluons pas que le processus inverse puisse 6galement se produire. (26) Les riflexions qui suivent sont induites g partir de l'analyse de diff~rents cas

concrets : T~moins de Jehovah et moonistes en particulier; cf. art. cit6 en note 4, supra, et < Le ph~nomhne sectaire comme riv6lateur social >, Autrement, n0 12, f~vrier 1978, pp. 63-77. Nous avons trouv6 aussi un stimulant dans Danible LUGER et Bertrand HERVIEU, 'rLes Immigris de l'utopie >, Autrement, n0 14, juin 1978, pp. 48-70.

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encore presente en certaines m6moires vivantes demontre - au moins aux yeux des sujets utopiques - la viabilit6 du projet contre ses detracteurs.

Dans la pratique, cette attitude mane i definir un rapport nouveau avec la soci6t6 globale et ses valeurs. Les utopistes peuvent avoir a brfiler ce qu'ils ont ador6 en ce domaine; la recherche d'allies et les changements affectant la societe globale peuvent aussi les pousser dans cette direction. Dans les strat6gies dbs lors mises en oeuvre, la radicalit6 du contenu utopique risque de se trouver affectee, encore qu'elle ne disparaisse pas n6cessairement (27). Dans ce processus, le souhaitable se subordonnera au possible. On preferera transformer l'interieur et I'individuel - facilement malleable - plut6t que l'ext6rieur et le collectif. Ceux qui avaient commenc6 en mettant en question des structures limiteront leur ambition t changer des consciences. A tout le moins, ils tendront ou pourront tendre B faire passer, d'abord, le micro-social avant le macro-social, puis la conversion individuelle avant les experiences micro-sociales. Ce qui avait 6t6 conqu dans la perspective d'une totale transformation sociale peut ainsi trouver sa vitesse de praticabilit6 dans la contemplation individuelle. Un projet de signi- fication globale, cosmique 6ventuellement, est susceptible de se muer en parcours de perfectionnement interieur : on attend le changement collectif de la multipli- cation escompt6e de conversions individuelles. Si cela m~me parait irr6alisable sur une 6chelle planetaire, on peut pronostiquer la venue prochaine et inbluctable d'un cataclysme naturel et universel, dont 6chapperont uniquement les individus int6rieurement transformis, seuls capables de perfection dans un cosmos radica- lement chang6. A la limite extreme, on situera ces < cieux nouveaux > et cette < terre nouvelle > en un temps et un lieu anhistoriques et transcendants. On en fera une < JTrusalem c6leste s, 6ventuellement non-religieuse. L' < ancien paradis >, 1' < &ge d'or > inspire bien encore la critique du present comme a vallie de larmes >; I'aspiration g une ' terre sans mal > a venir demeure vivante. Mais l'utopie 6chappe au temps de l'histoire et de la creation, pour se refugier dans l'attente d'un au-deld de signification individuelle avant d'etre collective.

Le parcours et les avatars ainsi d6crits et sommairement balis6s ne sont pas le fait de tous les groupements utopiques. Tous ne vivent pas assez longtemps pour 6voluer d'alpha en omega. D'autres peuvent ne pas y etre contraints et perdurer un temps plus ou moins long - des si~cles, des decennies ou des annees - B un point donn6 du continuum 6voque. Il importe surtout de souligner ici qu'd chacune des etapes possibles d'un parcours de necessit6 seulement theorique, correspondent des manibres differentes, pour les groupes, de se poser par rapport / la societ6 globale, et done de socialiser, ou pas, leurs membres aux valeurs dominantes en son sein.

Le passage du < pro > au < retro > entraine-t-il comme consequence une deradicalisation de la protestation vehiculre par l'utopie ? Pas n6cessairement, selon nous. Le changement de signe dans le fonctionnement utopique ne s'accom- pagne pas obligatoirement d'une acceptation plus large des canaux institution- nalises de regulation des conflits, & quoi se mesure, d'aprbs nous, I'utopie (28). Pourtant, le degr6 de radicalit6 court un risque certain de diminuer lorsque le referent primitif se telescope avec un pass6 recent. En effet, si l'autonomie (dans

(27) Voir plus bas. (28) Lettre..., pp. 39-40.

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les domaines politique, 6conomique, id6ologique, culturel) apparait plus ou moins synonyme de la radicalit6, plus facilement aussi cette dernibre aura la possibilit6 de croitre avec l'6tranget6 ou l'extran6it6 du r6f6rent. Par contre, la relative familiarit6 avec le module arch6typique ou principiel sur lequel l'utopie s'appuie rend facile sa r6cup6ration par la soci6t6 globale. Celle-ci peut en effet d6sirer, pour des raisons li6es g une conjoncture, r6int6grer certains aspects de son pass6 r6cent, ou au moins les accommoder sur des parties pr6cises de la surface sociale (29).

Que le degr6 de radicalit6 diminue, et qu'augmentent en cons6quence les chances de socialisation aux valeurs dominantes dans et par les groupements volontaires utopiques, la possibilit6 de conflits entre ces formations et la soci6t6 globale ne se trouve pas exclue pour autant. Un minimum de diff6rence suffit en effet pour induire la mdfiance de part et d'autre, la diff6rence utopique tradui- sant, de fait, un 6cart entre les int6r~ts - au moins non-mat6riels - des deux parties. Mais il existe des conflits de toutes sortes, dont certains sont d'autant moins radicaux que les enjeux le sont moins. Cela ne signifie pas que, pour des raisons de conjoncture, une des parties ne puisse chercher i obtenir la disparition de r'autre. On se retrouve ici devant les m~mes constatations d6ji faites en r6fl6chissant autour du charisme : un groupe peut socialiser - en dernibre analyse, de fagon indirecte et non recherch6e - aux valeurs dominantes, tout en se situant de fagon conflictuelle vis-a-vis de la soci6t6 globale. Des formations comme les T6moins de J6hovah et quelques autres peuvent servir d'exemple en l'occurrence. Mais, nous l'avons not6 plus haut, les groupements de ce genre semblent ne jamais socialiser ni directement ni tout i fait h ces valeurs dites dominantes. Tout se passe en fait comme si sectes et autres groupements volon- taires utopiques poss6daient une fagon propre de socialiser aux valeurs.

IV. - LA SOCIALISATION UTOPIQUE AUX VALEURS

Ce qui pr6c~de permet d'apercevoir la possibilit6 B la fois th6orique et concrdte d'un rapport diff6renci6 entre, d'une part, les groupements charismatiques ou d'origine charismatique et ceux que nous appelons volontaires utopiques, et, d'autre part, les a valeurs dominantes >. Il s'agit, maintenant, d'exemplifier plus abondamment cette possibilit6, et de montrer sa coh6rence avec notre type-id6al de fonctionnement id6ologique des groupements volontaires utopiques. Il ne sera pas inutile de rappeler d'abord quelles difficult6s rencontre toute tentative d'iden- tification des s valeurs dominantes >.

Nous avons vu, plus haut, certains sociologues h6siter devant la description des valeurs honor6es dans les groupes qu'ils 6tudient. Ils nous disent successivement qu'il s'agit des id6aux en vigueur dans la soci6t6 globale, et d'id6aux abandonnis par elle. Rien ne s'oppose A ce qu'un groupe adhere g la fois a des valeurs aujourd'hui honorees dans le monde qui l'entoure, et i d'autres, tomb6es en d6sh6rence dans ce mime univers. Il peut aussi exister des formations sociales attach~es g des id6aux jug6s ailleurs d6pass~s; mais d'autres formations de mime

(29) IL-dessus, voir D. LAGER et B. HERVIEU, art. cit., pp. 56-59.

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type se reconnaitront dans les valeurs actuelles de la soci6t6 globale. Au-deld de la n6cessit6 de diffrencier les groupements selon leur attachement a des valeurs d'hier ou d'aujourd'hui, se pose la question des critdres concrets de cette diffren- ciation meme.

Dans certains cas, en effet, des id6aux abandonn6s inspirent toujours des modules de conduites qui continuent a servir de rbgles : la politesse et l'6tiquette, motrices de nombreuses conduites et de comportements quotidiens, se trouvent souvent dans ce cas. On a depuis longtemps oubli6 les valeurs qui les informent. D'autre part, le m~me individu, quelle que soit la source habituelle ou principale inspirant ses conduites en ce domaine, se rrvble susceptible d'en changer suivant les groupes qu'il fr6quente. Par ailleurs, il n'est pas certain que les formations sociales entretiennent une attitude exclusive vis-a-vis des valeurs, de sorte qu'elles n'en posshderaient qu'un seul jeu coh6rent et s'imposant, sans conteste possible, a tous leurs membres, en toute occasions. Ceci se rivble particulibrement vrai en p6riode de transition, lorsque des id6aux anciens demeurent honor6s par certains groupes ou certains individus, sans que des valeurs nouvelles les aient encore remplac6s sur toute la surface sociale. Peut-8tre, d'ailleurs, aucune soci6t6 - moderne ou contemporaine occidentale - n'offre jamais le spectacle d'une parfaite unanimit6 en ce domaine. Les classes et les couches sociales peuvent honorer chacune des valeurs propres. En tout cas, on comprend avant toute enqu~te empirique que cette hypothbse mbrite examen et risque fort de se trouver v6rifi6e. On ne saurait se montrer surpris que, g tout le moins, des formations sociales diverses mettent un accent diffbrent sur les id6aux qu'elles peuvent poss6der en commun.

Les travaux de F.R. Kluckhohn et de F.L. Strodtbeck (30) ont bien montr6 l'importance de la hierarchisation des valeurs. Pour eux, il existe un nombre riduit de solutions possibles aux grandes interrogations de l'existence, et done un nombre rrduit d'id6aux ou de valeurs. A plus forte raison en va-t-il ainsi dans chaque soci6t6 particulibre. Peu de valeurs v6ritablement nouvelles apparaissent jamais. Ce qu'on appelle facilement un a changement de valeurs > correspondrait, selon ces auteurs, g une nouvelle hi6rarchisation des id6aux damns une formation sociale donn6e, plut6t qu'd une cr6ation a proprement parler. Pour Kluckhohn et Strodtbeck, toute soci&t6 honorerait et v6hiculerait deux sortes de valeurs : ils appellent < dominantes > celles qui sont adopt6es de fagon obvie et relativement unanime; ils 6tiquettent a variantes > ou <' substituts > celles qui, ne faisant pas l'objet du m~me consensus, n'en existent pas moins damns la formation sociale en question. Il s'agirait, en somme, d'une rbserve. Pour ces auteurs, a le syst~me des valeurs d'une soci6t6 n'est pas compos6 des seules valeurs dominantes, mais forme un ensemble dans lequel s'entremblent, dans des formes hibrarchiques variables, valeurs dominantes et valeurs variantes > (31). De plus, l'univers des valeurs manque de coh~rence et de nettet6; il apparait parfois difficile de drfinir avec clart6, ou de d6crire avec certitude le systdme des valeurs auquel une soci6t6 adhere.

(30) Florence R. KLUCKHOHN, Fred. L. STRODTBECK, Variations in Value Orientation, Evanston, Row, Peterson et Co., 1961.

(31) Guy ROCHER, Introduction a la sociologie gdndrale, t. 1 : L'Action Sociale, Paris, H.M.H., 1968, p. 79.

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Les conclusions de Kluckhohn et Strodtbeck vont dans le m~me sens que nos propres remarques. II semble bien que toute affirmation concernant les id6aux honor6s dans un groupe demande B &tre nuanc~e et prudente. La hibrarchie des valeurs est, de toute fagon, plus importante que le fait de recevoir ou de ne pas recevoir telle ou telle valeur, pr~sente ou passbe. Il est peu probable, en effet, qu'aucun groupement volontaire puisse se cr6er avec une autonomie telle qu'il s'invente des valeurs n'entretenant aucun rapport avec celles - actuelles ou anciennes - de la soci6t6 globale. Par contre, la fagon dont chaque formation sociale concurrente hibrarchise ses id~aux apparait porteuse de significations et de cons6quences qu'il faut examiner. Dans cette perspective, le fait de se r6f6rer

t des id6aux du pass6 ou du pr6sent, ou encore toute diff6rence dans la position relative reconnue aux diverses valeurs communes sur l'6chelle des priorit6s, de m~me que tout autre discr6pance en ce domaine se r~vble heuristiquement pr6- gnante. Que de telles differences ou discr6pances se manifestent, et I'on ne peut plus parler de pure et simple a socialisation aux valeurs dominantes >. Il s'agit d'autre chose : d'une fagon propre de socialiser, filt-ce aux m~mes id6aux. La socialisation utopique aux valeurs, celle que les groupements volontaires utopiques produisent sur et dans leurs membres, nous parait 8tre de cette nature : elle r6side dans la mesure d'une difference ou d'une alt6rit6. Celle-ci entretient un rapport avec la d6nonciation d'un pr6sent en r6f6rence t un pass6 normatif et t un avenir voulu, d~sir6, escompt6.

L'importance de la r~f~rence i un pass6 normatif, arch~typique ou principiel, dans le domaine des valeurs d'un groupe utopique va de soi. Nous voulons former < un seul coeur et une seule ame s comme les ap6tres i Jbrusalem (Actes, 4,32), proclament moines et religieux, sectes et communes chr6tiennes. Nous voulons poss6der, produire, habiter en commun, disent tous les communautaires qui, ne partageant pas la r6f6rence au module du livre des Actes, se reclament d'une 6galit6 de nature entre les hommes, principe qui peut s'allier avec la croyance ?

un communisme primitif. Certains syndicats, certains partis politiques, telles coop6ratives se montrent sensibles au m~me genre d'id6ologie. Dans tous ces cas, I'id~al promu se r6fire g une image du pass6 ou & une conception de la nature humaine renvoyant aux origines de l'humanit6. Un pass6 arch~typique ou principiel est done bien pr6sent dans ces groupes, B la matrice m~me de leur conception du monde; de 1 d6coulent de fagon significative, mais pas n6cessairement exclusive ni cohdrente, les valeurs honortes par ces formations. Mais ceci n'appa- rait pas le plus important. Dans tel groupe, en effet, l'attraction de l'avenir ou du pr6sent peut se r~v6ler plus puissante, dans le choix, la hi~rarchisation et I'interpr6tation concrete des valeurs, que le pass6; encore celui-ci conserve-t-il, malgr6 tout, une fonction inspiratrice et 6ventuellement dynamisante, unique. Dans cette perspective il convient de mettre particulibrement I'accent sur la contamination - d6ja signale - qu'un pass6 recent se r6vble susceptible de produire sur la repr6sentation de l'arch6typique ou du principiel; dans ce processus, l'in principio peut induire I'archaisme.

Le cas apparait fr6quent dans la routinisation et l'institutionalisation des ordres religieux et des sectes. L'ob6issance que les disciples accordaient aux ap6tres (Actes, 2,42) dans l'unanimit6 charismatique des commencements est ainsi interpr6t6e dans l'optique de la soumission aux sup6rieurs < autrefois > en vigueur dans l'ordre, dans la secte, ou dans la soci6t6 globale. Dans ce d6rapage du sens, la place de l'ob6issance par rapport aux autres id6aux du groupe change de place, d'importance et de forme. Le souvenir que l'on a conserv6 de la

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pratique et des representations en ce domaine chez les g~n~rations imm~diatement pr6c6dentes, cens6ment exemplaires, devient exemplifiant de l'id6al des a pares s,

c'est-a-dire des fondateurs, et de la communaut6 apostolique qu'ils ont, croit-on, parfaitement imit6e. On peut penser qu'un processus de ce type se produit de fagon constante t l'int6rieur des groupements volontaires utopiques, pour qui l'attraction de l'avenir devient concritement moins puissante que celle du pass6 : chaque g6n6ration tend alors & recentrer ses id6aux sur le souvenir incertain de leur pratique ou de leur repr6sentation A l'6poque des grands-parents, par exemple. Qu'une contamination suppl6mentaire se produise entre ces id6aux et ceux de 1' r ancien temps > dans la soci6t6 globale elle-mime ne saurait 6tonner. Mais cette manibre de se situer dans le monde des valeurs permet de maintenir une diff6rence avec la soci6t6 actuelle. C'est assez pour rester dans la logique de l'alt6rit6 utopique. On notera que ce rapport aux valeurs pass6es est celui mime que l'on observe dans les mouvements messianiques, mill6naristes ou nativistes des peuples opprimbs (32). Albert Memmi a parl6, g ce propos, de a valeurs- refuges > (33). Elles permettent d'organiser la r6sistance au changement. On ne s'6tonnera pas qu'elles caract6risent pour nous l'utopie r6trogressive. Les conjonc- tures peuvent cependant leur donner, dans certains cas, un sens progressif.

Dans d'autres cas, les groupements utopiques socialisent leurs membres g des valeurs pr6sentes de la soci6t6 globale, mais en les r6interpr6tant, ou en les hi6rarchisant diff6remment. Ce que l'on sait par ailleurs des sectes et mouvements de r6veil (pentec6tistes, par exemple) permet de penser - par mani~re d'hypoth~se au moins - qu'ils entrent dans ce cas. L'ouvrage r6cent de M.D. Williams sur une communaut6 de ce genre dans un ghetto noir des Etats-Unis (34) permet, en tout cas, d'argumenter le cas. Zion - nom suppos6 du groupe &tudi6 par Williams - ne poss~de pas de systbme propre de valeurs, mais l'interpr6tation qui s'y fait des id6aux de la soci6t6 globale et de la sous-soci6t6 noire permet d'6tablir une distance entre Zion et le a monde >.

Dans certains groupements, le rapport aux valeurs se r6vble plus compliqu6. C'est le cas chez les quakers de la r6gion de Philadelphie entre la guerre de s6cession et la fin du premier conflit mondial. Leur historien, Ph.S. Benjamin, note qu'ils vivent comme vertu 1' s Esprit du capitalisme , inspirateur des valeurs dans la soci6t6 am6dricaine de l'6poque; mais ils le critiquent en mime temps (35). Par ailleurs, leurs oeuvres sociales v6hiculent une protestation contre les cons6- quences pratiques du capitalisme triomphant, et, en m~me temps, reproduisent ses valeurs. Tout se passe comme si la vie priv6e des quakers philadelphiens s'inspirait d'id6aux anciens ou diff6rents, tandis que leur vie publique reproduit les valeurs dominantes; g moins qu'il ne s'agisse ici d'une hibrarchisation, propre Sce groupe, des a valeurs dominantes > et des a valeurs substituts > en vigueur dans la soci6t6 amdricaine de l'6poque. De toute fagon, une distance est maintenue entre les < Amis > philadelphiens et le a monde > par le biais d'une manipulation

(32) B.R. WILSON, Magic and the Millenium, Londres, Heinemann, 1973. (33) Albert MEMMI, Portrait du colonisd prkcidd du portrait du colonisateur, Paris,

Buchet-Chastel, 1957, pp. 131-134. (34) Melvin D. WILLIAMS, Community in a Black Pentecostal Church. An Anthropo-

logical Study, Pittsburgh, University of Pittsburgh Press, 1974. (35) Philip S. BENJAMIN, The Philadelphia Quakers in the Industrial Age, 1865-1920,

Philadelphie, Temple University Press, 1976.

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symbolique et d'une dichotomisation de l'existence. Le catholicisme en offre un autre exemple. Rendant compte d'un ouvrage br6silien sur les valeurs familiales, Jacques Gutwirth note : a le message de l'Eglise assure la l6gitimit6 idtologique de la socidt6 capitaliste r6gnante, mais (...) ce message est toujours en retrait par rapport / l'6volution des moeurs... > (36). On a remarqu6 ce ph6nombne de d6phasage par rapport aux valeurs dominantes & propos de certaines sectes r6centes (37). La dichotomie priv6-public, relev6e plus haut au sujet des quakers, se retrouve aussi dans les ordres religieux : les valeurs pr6nbes par l'Eglise y sont honor6es. Mais, Q l'int~rieur des ordres, d'autres id~aux interviennent, et ceux de l'Eglise sont v6cus avec une intensit6 et selon une hibrarchisation propres. Le religieux individuel se trouve entretenir un rapport diversifi6 avec trois systdmes de valeurs qui ne coincident pas parfaitement : valeurs de la soci6t6 globale, de l'Eglise, de son ordre. M~me si l'on pouvait affirmer que l'ordre religieux institu- tionnalis6 reproduit - finalement et en dernire analyse - les valeurs de l'Eglise et de la soci~t6 globale, il resterait i expliquer la manibre de cette reproduction et ~ p6n6trer sa signification.

Un cas particulier m~rite ici attention. On a not6 que les T6moins de J6hovah, tout en d6nongant < le pr6sent systhme de choses >, recourent sans cesse aux tribunaux pour faire respecter les droits que la loi leur reconnait. Aux Etats-Unis, cela les amine i une certaine c616bration des id~aux des Pares fondateurs de la R6publique. Reproduction des valeurs de la soci6t6 ambricaine ? Rien n'est moins certain. Les T6moins ne s'int6ressent pas B la glorification des principes sur lesquels l'idbologie officielle repose thboriquement. Ils veulent faire la d6mons- tration que le < pr6sent systhme de choses > est pourri : la soci6t6 ne tient pas ses promesses. Par ailleurs, les Timoins accordent une grande importance B 8tre connus pour < bons reproducteurs > des vertus priv6es th6oriquement honor6es par la morale en vigueur. Li encore, il s'agit pour eux de montrer qu'ils sont fiddles g des exigences que la soci~t6 globale loue bien, mais pratique peu (38). En d'autres termes, cette secte socialise ses membres A utiliser les valeurs de la soci6t6 globale comme d6nonciateurs ou analyseurs de cette m~me soci6t6. Il y a des chances - au sens w~bbrien du terme - pour que tous les groupements volontaires utopiques agissent peu ou prou de m~me : la A vertu >, comme l'asc6tisme (39), pr6sente des aspects contestataires. Pratiquer mieux que la soci~t6 globale les id6aux que celle-ci propose est une fagon de constater ou de donner B constater qu'elle ne respecte pas les r~gles proclam6es de son propre jeu; c'est critiquer son pr6sent au nom de ses principes, ou de son pass6, en vue d'un avenir, autre.

On oublie, enfin, trop souvent qu'outre les diffirentes fagons d6j& signal6es de se situer vis-A-vis des valeurs dominantes, pr~sentes ou pass6es, et de les

(36) Jacques GUTWIRTH, art. cit. (37) J. SIGUY, a Les Sectes comme mode d'insertion sociale >, pp. 308-314. (38) Ibid., p. 310. Remarques dans le m~me sens dans R6gis DERICQUEBOURG, Les

Tdmoins de Jdhovah. Dynamique d'un groupe religieux et rapport d I'institution. Essai de description psychologique d'une secte. These de doctorat de 3' cycle, Paris, Universit6 Ren6- Descartes (Paris-V), 1979, polytyp6.

(39) M. WEBER, L'Ethique protestante et I'esprit du capitalisme, Paris, Plon, 1964, p. 190, note 179 : < le viritable asc6tisme est toujours hostile a l'autorit6 >. Mais a l'asc6tisme catholique a bris6 cette tendance en ce qui concerne les sup6rieurs eccl6siastiques au moyen du voeu d'obdissance, tout en interpr6tant I'ob6issance elle-mame comme un asc6tisme >.

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hi~rarchiser, les groupements utopiques peuvent pr6ner des valeurs relativement autonomes. La valeur a salut ' (ou < int6grit6 >) nous parait de cet ordre. On salt qu'elle entre souvent en conflit avec la valeur < sant6 > dont elle constitue sans doute une des versions possibles. Dans nos soci6t6s occidentales contem- poraines, l'idee meme qu'un id6al transcendant puisse s'opposer B la rationalite m6dicale passe pour une h6r6sie mettant en danger le corps social. L'actualit6 quasi-quotidienne offre des exemples de conflits entre membres de certaines sectes (Tsmoins de Jehovah, sectateurs du Christ de Montfavet, etc.) et medecins, conflits parfois port6s devant les tribunaux.

Parmi les valeurs relativement autonomes des groupements volontaires utopiques, il faut relever celles que cultivent particulibrement les communautes de toutes sortes (sectes communautaires, ordres religieux, a communes > religieuses ou non du passe ou du pr6sent le plus immediat). Rosabeth Moss Kanter en a dress6 une liste quasi-exhaustive dans son ouvrage Commitment and Community (40). Au premier rang de ces ideaux, il faut ranger le concept de perfectibilit6 : < On cr6e des communes pour cr6er la societe et l'etre humain parfait ici et maintenant >. L'id6e d'un ordre utopique vient en second lieu, et decoule du concept de perfectibilit6 : I'ordre utopique - pense, voulu, mis en oeuvre - permet d'atteindre, pour autant que possible, i la perfection. Les valeurs de fraternit6, d'harmonie, d'exp6rimentation, d'unit6 viennent s'ajouter aux prece- dentes. Valeurs et id6aux impregnent l'ensemble de la vie communautaire dans ses ideologies et ses politiques.

Les valeurs communautaires n'apparaissent pas absolument autonomes. Elles ne sont pas inconnues g la societ6 globale. Mais elles occupent dans les commu- nautes la premiere place, au lieu d'etre simplement des valeurs substituts. De meme, en proclamant la primaut6 de l'amour, de la libert6 individuelle, de l'harmonie avec la nature, de l'imaginaire, le mouvement hippie et ses commu- nautes innovaient de manibre seulement relative (41), mais suffisante pour affirmer la difference utopique et entrer en conflit avec la societ6 globale. On a pu montrer que la deviance hippie refusait, par son affirmation utopique, les valeurs de la societe globale, que la deviance criminelle honore au contraire (42). Cette mise en cause ne provoque pas pour autant un conflit de radicalite maximale. A la limite, on peut meme se demander si le mouvement hippie n'a pas servi, finalement, B renforcer et done a reproduire les valeurs dominantes de la societe americaine actuelle.

CONCLUSIONS

Le problime de la socialisation aux valeurs nous apparait moins simple qu'il ne semble l'etre pour ceux des sociologues qui ont pose avant nous la question du rapport entre sectes et valeurs dominantes. Les sectes ne sont elles- memes, dans ce domaine, qu'un cas parmi ceux que nous tentons d'apprehender

(40) Rosabeth Moss KANTER, Commitment and Community; Communes and Utopias in a Sociological Perspective, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1972, pp. 32-57.

(41) Lewis YABLONSKY, The Hippie Trip, Baltimore, Penguin Books Inc., 1973. (42) Ibid., p. 318.

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LA SOCIALISATION UTOPIQUE

par le concept englobant de < groupement volontaire utopique >. On regrettera que le rapport des ordres, des partis politiques, des syndicats, des cooperatives aux valeurs, dominantes ou pas, n'int~resse pratiquement pas les chercheurs. II est t peine plus 6tudi6 s'agissant des < communautts > actuelles.

Nous avons pu cependant, par quelques extrapolations, montrer la plausibilit6 d'une < socialisation utopique >. Certains groupes se r6vilent porteurs de valeurs relativement autonomes. La plupart se diff~rencient de la soci6t6 globale en hibrarchisant de fagon propre ses valeurs dominantes. Filtrage, manipulation, s6lection, d6phasage, r6f6rence B des valeurs pass6es nous ont sembl6 caract6- ristiques de la socialisation utopique, dont nous avons note la coh6rence avec notre type-id6al de fonctionnement idbologique des groupements volontaires utopiques. Tout reste B faire concritement, en particulier dans le domaine des formations autres que les sectes. Ainsi l'on aimerait savoir dans quelle mesure les ordres religieux, les partis politiques qu'on peut dire utopiques, etc., se comportent comme les sectes dans le domaine des valeurs. Ou encore quelle est, dans cette m~me perspective, l'influence du type d'organisation, ou des conjonc- tures politiques, 6conomiques, culturelles, etc., dans les d~placements des grou- pements utopiques par rapport aux valeurs. Autant de questions auxquelles il faudra un jour tenter de r~pondre.

Jean SIsGUY Groupe de Sociologie des Religions

C.N.R.S.

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