98
RECUEIL DE TEXTES

La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

Trente ans après le référendum de 1980 et 15 ans après celui de 1995, le mouvement souverainiste est toujours bien vivant au Québec et la réalisation de la souveraineté demeure une quête de plus en plus endossée par la jeune génération. Dans la foulée des René Lévesque, Pierre Vadeboncœur, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard, des jeunes québécoises et québécois désirent à leur tour prendre le flambeau et porter ce projet qui leur tient à cœur, un projet réaliste, actuel, concret et ouvert sur le monde.

Ce recueil de textes donne la parole à 20 jeunes québécoises et québécois qui présentent leurs réflexions sur la souveraineté. Découvrez un univers unique et rafraîchissant dans lequel la nouvelle génération annonce ses couleurs.

RECUEIL DE TEXTES

LA S

OU

VER

AIN

ETÉ

: NO

UV

ELLE

GÉN

ÉRAT

ION

Foru

m je

unes

se d

u B

loc

Qué

béco

is

Page 2: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses
Page 3: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

Le Forum jeunesse du Bloc Québécois (FJBQ) est une instance ayant comme mission de di≈user les valeurs et les idées du Bloc Québécois auprès des jeunes de 16 à 30 ans. Il constitue un lieu privilégié où tous les jeunes souverainistes peuvent dialoguer, s’exprimer, réagir ou clamer haut et fort leurs opinions.

www.fjbq.org

Page 4: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

Table des matières

Préface5

Le combat d’une génération ?7

Il y a quelqu’un de trop dans le lit9

Éveillez-vous19

La délivrance20

Le salut hors de vue21

Cher Québec23

La bataille des Plaines : qu’en reste-t-il ?27

L’indépendance et la nouvelle génération33

La mondialisation : un puissant levier pour l’indépendance du Québec37

Le champ des possibles41

La souveraineté : une fin en soi45

Le Québec indépendant : essentiel pour l’environnement49

La liberté53

Les Honteux57

Un Québec souverain en 2010 : en quoi est-ce pertinent ?59

Envisager l’avenir autrement63

Recherche de liberté67

L’indépendance, nationale avant tout71

Le grand voyage79

La liberté nationale : avec, avant et après la souveraineté81

Mondialisation et souveraineté du Québec : antagonismes irréconciliables ?87

L’avenir de la langue française au Québec91

Page 5: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses
Page 6: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

5

Préface

Je n’ai jamais compris pourquoi le nationalisme « canadian » de Pierre Trudeau était plus valable ou plus défendable que mon nationalisme québécois. Je n’ai jamais compris pourquoi le Canada devait être séparé des autres pays du monde pendant que le Québec devait, d’autorité, rester attaché au Canada.— pierre bourgault

Il faut que nous osions saisir pour nous l’entière liberté du Québec, son droit à tout le contenu essentiel de l’indépendance, c’est-à-dire à la pleine maîtrise de toutes et chacune de ses princi pales décisions collectives. Cela signifie que le Québec doit devenir au plus tôt un État souverain.— rené lévesque

L’idée même de l’indépendance du Québec suscite les passions, qu’on soit pour ou qu’on soit contre. À preuve, beaucoup, beau-coup d’encre a coulé depuis la fameuse déclaration de Charles de Gaulle en 1967. Deux référendums plus tard, imprégnée de la lumière et de l’ingéniosité de ses prédécesseurs, une nouvelle génération de souverainistes, la nôtre, prend sa place au sein de nos instances, sur les campus et dans tous les forums où c’est possible. Forts de notre jeunesse, de notre instruction, de notre leadership, est-il possible que nous ayons la capacité et l’énergie de reprendre le flambeau ? Le Forum jeunesse du Bloc Québécois, à travers ses batailles et ses nombreux projets, milite tous les jours pour que cette flam-me reste animée dans le cœur des jeunes Québécois, pour qu’ils demeurent fiers d’être ce qu’ils sont : des citoyens d’une nation reconnue, celle du Québec.

Page 7: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

6

Pourquoi un écrit de plus sur l’indépendance ? Parce que quoiqu’en pensent les André Pratte, Paul Desmarais, Michael Ignatie≈ et Stephen Harper de ce monde, un livre regroupant 20 textes indépendantistes, signés par 20 jeunes Québécois de notre génération, est une preuve tangible du fait que l’idée de la pleine et entière indépendance du peuple québécois est loin d’être éteinte ni même désincarnée. Au contraire, après avoir pris vie, elle s’enracine. Sarah Désilets-Rousseau

Vice-présidente du Forum jeunesse du Bloc Québécois

Page 8: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

7

Le combat d’une génération ?par Nicolas Dufour, député de Repentigny et porte-parole du Bloc Québécois

en matière de jeunesse

Depuis la quasi-victoire lors du dernier référendum sur la souve-raineté du Québec, certaines personnes osent croire que le rêve chéri à l’origine par René Lévesque était le projet d’une seule génération et que les jeunes d’aujourd’hui ne se sentent plus interpellés par la question. Bien que le contexte socioculturel et politique ait beaucoup évolué depuis 40 ans, je crois que la génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses valeurs.

Comme vous serez en mesure de le constater dans ce recueil de textes, le grand rêve de l’indépendance du Québec n’était pas que celui d’une seule génération. La flamme est toujours vive parmi les jeunes Québécoises et Québécois qui, plus que jamais, sentent l’urgence et l’occasion de réaliser la souveraineté.

L’implication de chacun d’entre nous afin de réaliser notre pays prend des formes multiples qui convergent toutes vers un objectif commun : la souveraineté du Québec. Réaliser un pays est l’œuvre d’un peuple entier qui, porté par une jeunesse trans-cendant le temps, continue d’innover et de croire à son idéal.

Sur ce, bonne lecture !

Page 9: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses
Page 10: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

9

Il y a quelqu’un de trop dans le litpar Catherine Dorion, aspirante à la maîtrise en conflit, sécurité et dévelop-

pement à King’s College London et diplômée du baccalauréat en relations

internationales et droit international de l’UQAM et du Conservatoire d’art

dramatique de Québec

Je me bourre de livres dans la minuscule cellule aux murs de brique qui me tient lieu de résidence d’étudiante au nord de Londres. Plus les semaines passent, plus ce à quoi je ne dai-gnais pas m’intéresser pendant mon bac à l’UQAM s’empare de mon esprit. Il faut que je comprenne. Je veux savoir pourquoi je suis indépendantiste. Je voudrais une réponse coup de poing à laquelle on ne pourrait que rester sans réplique, un bon slogan, quelque chose qui vendrait. Ça me rappelle les réflexes rhéto-riques de mon enfance pour essayer de planter mes ennemis dans la cour de l’école Saint-Jean-Baptiste à Québec, là où conti-nuent d’avoir lieu les premières joutes oratoires d’une trâlée de petits Québécois.

Puis je m’arrête : « Wô, minute ! Je n’ai à planter personne, je veux simplement savoir pourquoi. » Ma mère, qui a un cœur incom-mensurable, m’a dit assez souvent pour que ça me suive jusqu’à aujourd’hui : « Suis ce que ton cœur te dit. » D’accord. Ça ne tien-drait pas dans une thèse universitaire, mais disons que je suis indépendantiste parce que j’ai envie que le Québec, la seule entité politique à laquelle je me sente liée par mon appartenance au peuple québécois, décide pour lui-même et soit reconnu par le monde. Pas parce que nous posséderions supposément, en tant que Québécois, tels attributs merveilleux que ne posséde-raient pas les Canadiens. Les Canadiens rencontrés lors de mes voyages sont parmi mes préférés ; ils sont généralement doux et curieux, aiment discuter, savent écouter. Parfois, répondant à

Page 11: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

10

mon éternelle question, ils laissent tomber avec un sourire gêné et craquant : « What is a Canadian?... Sometimes I feel like you guys in Quebec are the only ones who actually have a culture. » Non, je ne suis pas indépendantiste parce que je n’aime pas leur (magnifique) pays, mais parce que j’ai envie de vivre dans un pays auquel je m’identifie et dont l’évolution me tient sincère-ment à cœur. Lorsque le Canada fait des conneries, je m’en fous relativement. Je ne suis jamais fière de ses bons coups et je n’ai pas trop honte de ses mauvais. Peut-être sommes-nous beau-coup à être ainsi dénués d’un intérêt politique qui eut pu être naturel, déparés de ce sentiment de responsabilité seul capable d’inscrire véritablement les nations dans la société mondiale. Camille Laurin, le père de la loi 101, décrivait en 1973 les consé-quences de cet état de choses : « Pas de vraie démocratie sans véritable responsabilité et pas de véritable responsabilité sans véritable pouvoir ».1

En fouillant la bibliothèque de King’s College London, je tombe sur un livre de Michael Ignatie≈ sur le nationalisme, Blood and Belonging (le titre en dit long sur son idée sur la question). Je dois admettre que son chapitre sur le Québec ne me fait pas sursauter de rage comme je le prévoyais. Il écrit avec assez de justesse qu’au Québec, « if Canada has defenders, they are [...] disabused, unemotional ironists who think that sovereignty is an outmoded nineteenth-century abstraction ».2 Alain Dubuc en convient : « J’aime visiter le Canada anglais, mais ça reste un pays étranger »3 – même les fédéralistes québécois admettent leur désabusement.

On l’entend beaucoup : nous sommes à l’ère de l’union, il est futile de vouloir séparer quoi que ce soit. J’y crois aussi. Or, une union sincère, faite pour des projets communs (la protection de l’environnement, la lutte contre les inégalités, etc.), nécessite une confiance commune, un profond respect commun. Cette

1  Camille Laurin, Pourquoi je suis souverainiste, 1973.2  Michael Ignatie≈, Blood and Belonging, 1994.3   « I like visiting there but it is still a foreign country. » [Traduction libre] Alain Dubuc, cité dans 

Ignatie≈, ibid.

Page 12: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

11

confiance et ce respect ne pourront exister entre Québécois et Canadiens que lorsque nous nous regarderons en face avec cette profonde et paisible impression d’égalité, de curiosité et de respect, que lorsque les méfiances et les querelles de pouvoir se seront dissoutes. Nous serons là, côte à côte, tous torts par donnés, toute volonté de contrôle des processus sociaux abandonnée, toute possibilité de corruption des élites d’un peuple par celles de l’autre rendues di÷ciles. Et cela, il n’y a que l’indépendance du Québec – et, ironiquement, celle du reste du Canada, enfin libéré de la question nationale québécoise – qui pourra le créer. L’indépendance est une question de paix profon-de, de réelle coopération et, paradoxalement, d’union, non pas archaïque, comptable et d’une légitimité sans cesse remise en question, mais sincère, durable, vivante et librement consentie.

Pour l’instant la mondialisation est une force qui nous est appli-quée à sens unique, de l’extérieur vers l’intérieur, au lieu d’être une œuvre à laquelle nous contribuons allègrement, avec tout ce que nous sommes capables, par nous-mêmes, de donner, de partager et de recevoir, comme le font en Europe les nations maîtres d’elles-mêmes.

1. NOUS SOMMES FAÇONNIERS DE NOUS-MêMES

Une amie marocaine avec qui j’étudie me parlait du Sahara Occi-dental4 et insistait : « Les Sahraouis5, ce sont des Marocains ! Ils ne sont pas di≈érents des Marocains. Le Sahara Occidental est marocain. » Mais il n’appartient pas à un Marocain de déclarer à la place du Sahraoui ce qu’est un Sahraoui. Je pensais à la façon dont les Québécois sont souvent perçus par l’extérieur : « Qu’est-ce qu’ils ont de si di≈érent du reste du continent ? Ils boivent la même bière, mangent les mêmes hamburgers, conduisent les mêmes voitures, ils sont pareils, ce sont des Nord-Américains qui parlent français, c’est tout. » Mais être chez soi, se sentir chez soi, ce n’est pas porter des vêtements semblables à ceux de son

4   Territoire du nord-ouest de l’Afrique qui réclame son indépendance et que le Maroc revendique comme sien. 

5  Habitants du Sahara Occidental

Page 13: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

12

voisin, danser sur la même musique que lui ou manger tel plat et non tel autre. Nous ne sommes plus au siècle dernier : ce soir, un habitant de New Delhi dansera sur Madonna et un habitant de Rimouski aussi ; un Romain mangera des sushis et un Tokyote mangera une pizza. Ce n’est pas non plus regarder les mêmes séries télévisées, les mêmes films ou magasiner dans les mêmes chaînes commerciales.

Le sentiment d’être chez soi est beaucoup plus subtil et beau-coup plus sûr à la fois : on le saisit dans le regard des habitants, dans leur intonation, dans leur façon de saluer et de dire au revoir, de se toucher les uns les autres en discutant (un peu mais pas trop), d’entrer chez les gens l’été (et di≈éremment l’hiver), de rire à telle chose (mais de trouver que telle autre, c’est aller trop loin). On le trouve dans leur façon d’être polis ou de consi-dérer qu’une politesse appuyée au-delà de tel point crée un malaise ; dans celle de couper la parole à tel ami (mais non à tel collègue de travail), d’avoir tel rapport à l’argent, aux inégalités, tel rapport à l’image, à la fierté, à la liberté individuelle. C’est une conception particulière de l’absurde, des manières, de la langue, des types de sourires, des façons d’entrer en complicité ou en rivalité. C’est un imaginaire commun intrinsèquement compris entre nous qui nous lie sans se faire remarquer. C’est le langage premier, total, celui qui compose littéralement toute charpente sociale, jamais fixe, toujours en évolution, mais sempiternelle-ment fondateur. Nous sommes donc toujours les façonniers de nous-mêmes, les moteurs de cet assemblage et de ce savoir-faire social qui traversent les époques en recevant continuellement de nouvelles épices. Voilà pourquoi Budweiser ou MTV, aussi omni-présents soient-ils, ne su÷sent pas à faire de nous de véritables petits États-uniens qui n’auraient plus que la langue française pour distinction.

Le Québécois, qui possède et porte en lui cette série complexe de détails qui font partie de la manière dont il définit instincti-vement son peuple peut donc être de n’importe quelle origine, de n’importe quelle couleur. Le mouvement indépendantiste

Page 14: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

13

québécois chemine d’ailleurs avec cette reconnaissance depuis ses premiers balbutiements. En 1837, les Fils de la liberté écri-vaient : « En prenant le titre de “Fils de la liberté”, [on] n’a nulle-ment l’intention d’en faire une cabale privée, une junte secrète, mais un cadre démocratique plein de vigueur, qui se composera de toute la jeunesse que l’amour de la patrie rend sensible aux intérêts de son pays, quelque [sic] puisse être d’ailleurs leur croyance, leurs origines et celles de leurs ancêtres. »6 

2. LES FÉDÉRALISTES VOIENT DANS LES IMMIGRANTS QUÉBÉCOIS UN OUTIL

DE COMBAT

Mais tout de suite, il faut s’arrêter. Les Québécois ne peuvent plus être définis uniquement par la possession de cette culture, si di÷cile à définir, mais si facile à reconnaître pour ceux qui la maîtrisent. Nous sommes une société d’immigration et le Québécois d’aujourd’hui ne parlera peut-être pas exactement le français du Québec, il ne sera peut-être pas touché par les chan-sons de Desjardins ni les contes de Pellerin et il ne comprendra peut-être pas pourquoi Yvon Deschamps est tordant et triste à la fois. Pendant qu’on travaille à bâtir des ponts et à démontrer à chaque communauté la bonne volonté fondamentale de l’autre, un phénomène vicieux se taille une place dans le portrait : certains fédéralistes, dont notre premier ministre, instrumentalisent cet état de choses pour amincir leur argumentaire en un sophisme- massue : le nationalisme québécois est raciste. The Gazette fourmille d’articles où l’on attribue aux séparatistes l’idée ferme selon laquelle seuls les Québécois « pure laine » seraient de véri-tables Québécois. Quel indépendantiste a dit ça ? Où ? Quand ? Je sais que nous n’en sommes pas à une malhonnêteté près mais il n’y a rien de plus faux ! Ça m’enrage ! Là on parle de mon pays, là j’ai envie d’entrer dans la bataille ! Et cette idée se répand librement dans beaucoup de cercles fédéralistes, se répète, nous attaque, et nous perdons l’équilibre. Nous savons que nous ne sommes pas racistes, mais nous savons aussi que nous recon-naissons quelque chose au Québécois qui ne se trouve pas dans

6   Adresse des Fils de la liberté de Montréal aux jeunes gens des colonies de l’Amérique du Nord, 1837. [Nos italiques]

Page 15: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

14

un texte de loi – non, nous répond-on, les deux sont mutuelle-ment exclusifs. Quel simplisme, quelle mauvaise foi !

La meilleure réponse à cet uppercut au mouvement souverainiste, Pierre Falardeau l’a donnée à Tout le monde en parle onze mois avant sa mort : « Si tu veux, t’es mon frère, mais si tu veux pas, ça me fait chier ! Le monde, y peuvent venir de n’importe où à tra-vers la planète, s’ils me disent : « moi, je suis Québécois », je vais les embrasser, câlice. Si tu veux embarquer avec nous autres, il n’y en a pas de problème ! Moi, je t’aime ! L’idée d’indépendance, c’est pas un problème de couleur de peau, d’origine ethnique, de religion. C’est la question de savoir si ces gens-là veulent construire un pays avec nous. »7 Personne ne pourra dire en toute conscience aux Québécois « laine mixte » qui auront voté pour l’indépendance que ce pays n’est pas le leur ; ils auront enfanté cet État-là avec nous et en seront les pères tout autant que nous.

Je comprends toutefois que certains de ceux qui sont Québécois depuis peu n’aient pas grand-chose à faire d’une conscience nationale québécoise ; ils ont souvent bien d’autres consciences avec lesquelles jongler, et il n’y a peut-être pas grand-chose que nous puissions y faire depuis notre petit statut de province. Mais le jour où le pays du Québec prendra sa place sur la carte du monde, ceux qui y immigreront diront : « Je suis venu ici parce que j’aimerais devenir Québécois. » Je ne fais qu’écrire cela et j’en ai presque les larmes aux yeux de reconnaissance. Voilà le noyau de la chose. Un désir d’être reconnu.

3. TOUJOURS MINORITAIRES

En s’éreintant à répondre aux fédéralistes qui tentent d’instru-mentaliser le malaise des immigrants, nous oublions la première

7   Radio-Canada, Tout le monde en parle, émission du 26 octobre 2008. L’interview était autrefois disponible en entier sur YouTube, mais selon mx4406, l’internaute qui l’a publié en deux parties, Radio-Canada en aurait fait interdire la deuxième partie où Falardeau faisait ce discours (alors qu’un nombre impressionnant d’entrevues de Tout le monde en parle restent disponibles sur le site). Falardeau y disait aussi : « N’importe qui qui a travaillé à Radio-Cadenas ou à l’ONF ou à Téléfilm Canada ou à la SODEC... Tout le monde sait de quoi que t’es mieux de pas parler... la question nationale québécoise. Chaque fois que tu veux parler de ça... parce que c’est la ques-tion fondamentale au Canada. C’est là-dessus qu’il y a des interdits. »

Page 16: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

15

des réalités du peuple québécois : nous sommes toujours une minorité. En nous posant la précieuse question : « Quelle sorte de société voulons-nous ? », nous oublions que nous ne som-mes pas maîtres des institutions qui régissent cette société ; cette société est, sinon culturellement, du moins dans tout son appareil politique, également canadienne. Des jugements de la Cour suprême invalidant telle ou telle loi québécoise viennent périodiquement nous le rappeler. Et s’il ne s’agissait que de la Cour suprême, mais l’appareil canadien a su démontrer à travers l’histoire que son combat politique incessant contre l’indépen-dantisme pouvait également se faire, la fin justifiant les moyens, au mépris des lois et de la démocratie.8

Le Québec a souvent vu son évolution sociale et culturelle se faire couper la route lorsqu’elle s’aventurait sur des chemins qui semblaient se rapprocher, parfois par hasard, de l’éventua-lité d’une sécession. Notre culture et notre société n’évoluent pas librement : pour chaque pas qu’elles font il y a des check-points politiques liés à des tonnes d’intérêts qui se battent pour ou contre l’indépendance du Québec. Jacques Berque l’a bien résumé : « Dans les pays dépendants, comme dans le Québec, il n’est aucun problème, celui de la gauche ou de la droite, du libéralisme ou de la planification, de l’Église ou de la laïcité qui puisse, je ne dis se résoudre, mais seulement se poser, abstrac-tion faite de la vicissitude nationale. »9 Immigration, cours d’édu-cation à la citoyenneté ou d’éthique et de culture religieuse, lois linguistiques, centres hospitaliers universitaires, recensements, télévision publique, et la liste pourrait s’allonger indéfi niment : tout atterrit dans l’écueil de la question de la séparation, même lorsqu’on veut, de bonne foi, parler d’autre chose. Rien n’y échappe. Libérée de cette polarité envahissante, que serait notre culture ?

8   Les actes de terrorisme « felquistes » commandés par la GRC et le financement d’Option Canada par le gouvernement fédéral au mépris des lois référendaires québécoises n’en sont que deux des exemples les plus éminents. 

9  Jacques Berque, Les Québécois, 1967.

Page 17: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

16

Que serait notre culture si les fédéralistes, qui ont toujours joui de moyens beaucoup plus puissants que ceux des indépendan-tistes, n’avaient vu leur porte de salut dans la promotion inté-ressée d’un nationalisme canadien pratiquement inexistant au Québec et dans le vidage de sens du projet indépendantiste qui était, lui, né d’un véritable mouvement populaire ? Quelles opé-rations ont été faites sur le corps de la société québécoise par le moyen de cette recette, et qu’a-t-on voulu lui occulter ?

Une chose est sûre et, pour moi, indiscutable : avec l’indépen-dance, nous serons libérés de cette bataille incessante où tous les sujets et tous les contentieux sont tendus par la question de la séparation. Rien de bien intéressant ne nous attend hors de cette perspective.

« Libérés de cette lutte continuelle que nous devons mener chaque jour, il nous restera plus de loisirs pour nous occuper de nos a≈aires. »10 Comment pourrions-nous, sans cela, jongler à la fois avec l’identité plurielle des nouveaux arrivants, riche et nécessaire à la survie du Québec, et cette identité canadienne qui essaie de s’installer artificiellement à l’aide de subventions, de Fêtes du Canada et de programmes de commandites pour de multiples intérêts qui n’ont pas grand-chose à voir avec le bien de la société québécoise ? Pourquoi s’enticher de cela qui nous nuit ? Libérés de cette contrainte inutile, que d’air et d’espace nous aurons ! Et quel soulagement aussi pour les immigrants qui arriveront après l’indépendance, à qui sera épargné le tangage entre identité canadienne et québécoise ! Quant aux Autoch-tones, dont les luttes sont aussi actuelles que la nôtre sinon plus, et aux anglophones qui, comme la plupart d’entre nous, ont arrêté de compter les générations, nous devrons nous enga-ger, comme dit Pierre Perreault, à ne pas les traiter comme nous avons été traités depuis 1760. « Car je préfère un petit pays qui a du cœur à un grand pays qui me parle d’économie [...], un pays à aimer plutôt qu’à exploiter. »11

10  Dostaler O’Leary, Séparatisme, doctrine constructiviste, 1937.11  Pierre Perreault, Québec français, no 85, printemps 1992.

Page 18: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

17

Charles Taylor et Gérard Bouchard admettent que « la franco-phonie québécoise a besoin d’une identité forte pour calmer ses inquiétudes et pour se comporter comme une majorité tranquille », concluant que « tant que les Québécois d’origine canadienne-française éprouveront un malaise identitaire, ils risquent d’être peu sensibles aux problèmes réels des minorités ethniques ».12 Si nous cherchons notre air et notre espace du côté des immigrants en brandissant l’exigence qu’ils abandonnent leur culture au plus vite, nous devenons d’inconséquents red-necks en laissant indemne cette velléité du Canada de s’imposer dans la société québécoise. Il y a quelqu’un de trop dans ce lit – quelqu’un dont la paix sociale ne dépend pas et dont la présence n’amène plus rien que des distorsions politiques et une impossi-bilité d’évoluer librement en tant que nation moderne.

Il y a longtemps que nous sommes prêts. Nous portons en nous le Nouveau Monde dans ce qui, de lui, n’a pas vieilli prématuré-ment, dans ce qui, de lui, est encore vif, souple et libre, à l’image de ce nouvel État qui naîtra le soir du troisième référendum sur la souveraineté du Québec.

C’est nous ondulant dans l’automne d’octobre c’est le bruit roux de chevreuils dans la lumièrel’avenir dégagél’avenir engagé— gaston miron, l’homme rapaillé, 1970 

12   Gérard Bouchard et Charles Taylor, Fonder l’avenir : le temps de la consultation – Rapport abrégé, 2008.

Page 19: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses
Page 20: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

19

Éveillez-vouspar Victor le Rêveur

Comment mettre des mots sur des sentiments que ma ferveur angoissée me crie en silence ? J’ai peur, mais je rêve, je rêve de ne plus avoir peur et j’ai peur de ne plus rêver. J’ai la vigueur de la jeunesse qui me pousse à ne pas céder ma conscience à un rival déloyal qui investit dans l’apathie de mes compagnons, des leurs et de ceux des leurs afin que le temps ne corrode les espoirs d’une autre génération. Mes frères et leurs pairs ont lutté et d’aucuns sont tombés, épui-sés par des vies de combat à éveiller révoltes et consciences. Je suis révolté de l’iniquité plusieurs fois centenaire et conscient des séquelles permanentes d’une geôle commode sur le moral des soumis tout autour qui ont perdu confiance en leurs aspi-rations légitimes, pauvres hères qui n’ont jamais véritablement goûté à ce fruit défendu. J’ai peur, pour mes enfants et ceux de leur suite qui n’ont pas encore foulé le sol de ce pays qui m’est si cher bien qu’il ne m’appartienne qu’en songe. Je bataille au quotidien afin qu’ils ne soient eux aussi victimes des descendances des craintes de mes concitoyens, mais puis-sent plutôt s’inspirer de cette aptitude à aspirer à plus et à mieux. Éveillez-vous que je continue de rêver à cette liberté pour un peuple qui ne demande qu’à être inspiré pour avancer.

Page 21: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

20

La délivrancepar Xavier Barsalou-Duval, étudiant universitaire en comptabilité et

en administration

Je pense constamment à ces douces nuitsEn ce moment l’abîme de ma vie est si terneToi qui fusses toujours pour moi une lanterne Ai-je pu te causer une certaine calamité qui t’a nuit ?Il me semble que j’étais encore si ivre de toi hierMon âme errante cherche inlassablement ta lumièreÉternelle sera ma recherche même si tu me fuis Quel que soit le chemin à suivre je le prendraiUne belle route pavée ou un mince espacementEntends les tremblements de ma voix tourmentéeBien que je t’attende depuis très longtempsEt que ta venue soit aujourd’hui tant inespéréeCette rencontre serait mon a≈ranchissement

Page 22: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

21

Le salut hors de vuepar Xavier Barsalou-Duval

Licorne ne devrait pas s’abaisser à tirer charretteOn voudrait lui faire croire qu’elle est un chevalJusqu’à lui limer la corne, ils osent porter le malMais lorsque celle-ci ne traîne point charrette Elle est bien enchaînée aux armoires du RoyLa blanche aimerait bien pouvoir se reposerMais elle doit sans cesse protéger sa postéritéCar le lion guette sans relâchement ses proies Au fond d’elle, elle a un profond désir de libertéLicorne veut tellement la clef du cadenas chromeLe Roy l’a jetée dans un des marais du royaume Elle aurait pu déjà, avec un évêque, s’en sauverLe soir, elle rêve de promenades aux champs de lysEspérant toujours un jour, les contempler de ses iris

Page 23: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses
Page 24: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

23

Cher Québecpar Ariane Cayer, étudiante en secondaire 5

Cher Québec,

Quinze minutes, c’est pratiquement insignifiant dans une vie. Un moment écoulé à réfléchir, à déambuler, à subsister, sans plus. Quinze minutes, c’est négligeable dans le fil d’une existence. On compte 96 quarts d’heure chaque jour, pourquoi s’en faire ? Dans ce monde que nous avons voulu e≈réné, le temps est trop peu chéri, trop peu apprécié. Ainsi, ces 15 minutes ne prennent leur sens que lorsqu’elles sont décisives, elles ne gagnent en valeur que lorsqu’elles sont déterminantes. On oublie souvent qu’un athlète peut perdre une course en quelques centièmes de seconde, qu’une vie peut s’e≈ondrer en l’espace d’un instant. On omet fréquemment qu’un peuple peut voir son sort scellé en à peine 15 minutes. C’est pourtant ce qui est arrivé le 13 septembre 1759, lors de la bataille des plaines d’Abraham. Les troupes françaises ont été vaincues en ce qu’il faut pour réciter la Charte des droits et des libertés ! En 15 minutes, la Nouvelle-France devenait Province of Quebec. Presque instantanément, tout ce que nos ancêtres avaient connu allait être bouleversé à tout jamais. Presque immédiatement, l’avenir de toute une commu-nauté allait être irrévocablement chamboulé. Or, aujourd’hui, nous nous rappelons toujours de l’issue de cette bataille. Les souvenirs de ces 15 minutes cruciales ont traversé 251 ans d’histoire, ils ont marqué d’une pierre blanche les mémoires d’une nation. Aujourd’hui, Québec, je me souviens.

Si on vous demandait maintenant ce qui nous unit, Québécoises et Québécois, sauriez-vous répondre sans la moindre hésitation, avec une assurance indémontable ? Sauriez-vous identifier hors de tout doute ce qui nous lie si indubitablement ? Car ce qui nous assemble n’est ni visible, ni tangible ; ce qui nous assemble est

Page 25: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

24

indémontrable, inexplicable. Mais ce qui nous rassemble fait de nous un peuple. Non seulement nous partageons le même terri-toire et nous sommes régis par les mêmes lois, mais nous avons la même patrie. C’est cette fierté qui sommeille au fond de cha-cun de nous qui embrase la flamme de la nation québécoise, et elle se doit d’être soigneusement protégée de toutes les intem-péries. On pourra tenter de nous diviser, de nous entraîner dans la discorde, de tympaniser notre culture florissante, de dégrader notre belle langue, d’atrophier l’amour que nous portons à notre pays d’or bleu, rien ne doit éteindre ce feu ardent qui nous anime. C’est la lueur de l’espoir, le rougeoiement de nos espérances. Lorsque Wolfe a triomphé sur Montcalm, il croyait qu’un peuple s’a≈aissait lorsqu’il était dominé sur le champ de bataille, qu’un peuple se laissait démolir comme un fort ennemi, qu’un peuple se terrassait à coups de canon. Mais les cœurs sont désunis de l’hostilité, ils ne vibrent pas au même rythme que les tambours de guerre ; les cœurs sont fidèles à leurs origines, à leur nation. Les traités n’assimilent pas les peuples. Les sournoiseries fédé-rales non plus, d’ailleurs. C’est pour cela que, Québec, je crois en ton indépendance.

Nous avons été distraits par les tromperies des administrateurs de la Confédération, mais nous devons nous ressaisir. L’espace de quelques années, nous avons perdu de vue notre objectif, nous l’avons écarté, nous nous sommes confondus, mais nous allons rétorquer. Le rêve nous a filé entre les doigts lors du der-nier référendum, mais il est toujours là, il réclame notre persévé-rance, il sollicite notre foi. Jeune, j’ai trouvé ardu d’accepter que le Québec soit une province au sein d’un pays auquel elle ne peut s’identifier. Lorsque je m’emplissais les yeux de nos paysages saisissants, de nos terres fertiles et prospères, de nos rivières constellées de poissons et de nos contrées alpestres en hiver, je ne pouvais consentir au concept de province, je ne pouvais tolérer que nous ne soyons qu’une parcelle d’un pays, comme si nous étions incomplets alors que nous étions à nous seuls comblés. Lorsque j’ai grandi, j’ai appris les détails de notre histoire à la fois laborieuse et remarquable, j’ai pris connais-

Page 26: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

25

sance de toutes les ressources naturelles dont nous disposions, j’ai admiré les grands esprits qui prennent part active dans notre communauté, j’ai compris toute la complexité de notre culture éclatante et reconnue, j’ai trouvé une définition au mot liberté, j’ai acquis une connaissance de la langue de Molière. Avec ses accents doux et harmonieux, le français m’a immédiatement charmée, m’a instantanément fascinée. C’est en m’exprimant dans cette langue grandiose que je revendique notre autonomie. Maintenant adolescente, je réalise que le Québec est tout simple-ment incompatible avec le Canada. Cette union est stricte ment déraisonnable, insensée. Il est temps de cesser d’exister dans le passé, et de faire un pas vers l’avant. Un pas vers la souverai-neté. Avec le flambeau de notre fierté, nous pouvons consumer les liens, ces marques de nos ancêtres, ces vestiges de nos prédécesseurs. Ils sont tout ce qui nous associe encore à la Confédération canadienne. Et ils sont si étiolés qu’ils ne sau-raient résister bien longtemps à notre désir d’indépendance, cher Québec.

Il m’arrive d’imaginer ce à quoi ressembleraient les premiers instants de notre souveraineté, de visualiser ce matin où je me réveillerais dans ce pays que j’espère, que j’ambitionne tant. Ce matin que certains appréhendent, craignent tant. Heureu-sement, ceux qui réprouvent ce bouleversement seraient vite apaisés, et je n’en serais que plus enchantée : comment répugner le pays que serait le Québec ? Comment mépriser un pays qui se soucierait de l’environnement, qui serait capable de développer une économie stable et e≈ervescente, qui ferait la promotion de la justice sociale, qui agirait dans l’intérêt de la population, qui se tracasserait de ses citoyens ? Comment redouter un pays qui accueillerait chaleureusement les immigrants désirant faire partie intégrante de la société ? Nous serions soulagés d’un poids indicible, délivrés des institutions canadiennes, a≈ranchis d’un gouvernement qui n’aurait jamais dû être le nôtre. Nous serions autosu÷sants. Un pays distinct pour toutes les fois où nous avons été bernés, dépréciés, obstrués. Un pays distinct pour toutes les fois où notre voix a été ignorée, dédaignée. Un

Page 27: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

26

Québec souverain pour toutes ces fois où notre culture et nos idéaux ont été brimés !

Oui. Oui, j’agrée au mouvement nationaliste. C’est un choix que j’ai fait non seulement pour ma génération, celles qui ont précédé et celles qui suivront, mais aussi pour toi, Québec. Par respect envers les patriotes qui ont sacrifié leur vie pour ta liberté, pour donner aux Québécois la possibilité de gouverner par et pour eux-mêmes pour toutes ces fois où on leur a imposé des décisions aberrantes, voire illogiques. Oui, je suis souve-rainiste. Pour ramener le pouvoir au Québec. Pour voir l’impact de nos entreprises s’amplifier, pour voir l’exploitation de nos richesses progresser, pour voir notre culture fleurir comme jamais. Je voterai « oui » pour un Québec indépendant. Je sais que les 15 minutes qui se sont écoulées lors de la bataille des plaines d’Abraham n’ont pas été insipides, qu’elles ne peu-vent pas être e≈acées, corrigées. Mais elles ont contribué à ce que nous sommes aujourd’hui, elles nous ont fait croître. Ces 15 minutes m’amènent à dire qu’aujourd’hui je suis convaincue d’une chose : nous ne pouvons qu’aller de l’avant. Les erreurs ne seront pas répétées, l’espoir ne nous quittera plus. Nous n’abandonnerons pas nos ambitions, nous ne laisserons pas le rêve se dissiper. Le changement commence maintenant. Vive le Québec libre !

Page 28: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

27

LA BATAILLE DES PLAINES :

Qu’en reste-t-il ?par Martin Proulx, étudiant en droit à l’Université de Montréal

Le 13 septembre 1759, date fatidique de l’histoire québécoise lors de laquelle les troupes de Montcalm concèdent la victoire au général James Wolfe : Québec, ville assiégée ! Ce moment émotionnel de notre histoire nationale fut un important pilier de l’argumentaire souverainiste. Selon certains, l’indépendance nationale du Québec est une idée romantique alimentée par la passion de grands poètes et rêveurs. Vrai. Il s’agit pour d’autres d’un projet tout à fait pragmatique et rationnel, qui sous-tend des intérêts socioéconomiques incontournables. Vrai aussi. À ce constat, un juste milieu est-il possible ? Est-ce une histoire de cœur ou de raison ?

Il est vrai que le projet de souveraineté du Québec a longtemps été entretenu par une certaine rage au cœur. De fait, la cause a indéniablement été nourrie par une forme d’humiliation qui a provoqué le désir d’a÷rmer haut et fort qu’il existe en Amérique un peuple francophone, capable lui aussi de tisser des liens éco-nomiques, d’a÷rmer le caractère distinct et unique de sa culture et surtout de rayonner à l’international au même titre que les grandes puissances d’Amérique et d’Europe. Maintenant que le Québec s’est hissé au rang de la vingtième économie mondiale,13 qu’il est un carrefour culturel incontournable avec notamment ses ambitieux festivals et que Céline Dion est l’artiste féminine ayant vendu le plus de disques au monde, que reste-t-il de cette rage au cœur et de ce besoin d’a÷rmer notre identité nationale ? Ne serait-il pas simplement possible de remercier la cause souve rainiste pour avoir fourni en passion et en énergie à la

13   Institut de la statistique du Québec, Le Québec est 20e au monde quant à son produit intérieur brut par habitant, 28 mars 2006, www.stat.gouv.qc.ca/salle-presse/communiq/2006/mars/mars0628a.htm

Page 29: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

28

réalisation de ces événements grandioses ? Revendiquer le statut de pays souverain ne serait-il pas inutile eu égard à la place de choix qu’occupe le Québec sur la scène internationale ?

Ce sont là des arguments de taille dont useront nos adversaires politiques lors d’un éventuel référendum sur la sécession du Québec, alors qu’ils tenteront à coup sûr de miner la crédibilité du projet de pays à une époque où le Québec brasse des a≈aires d’or et rayonne comme jamais à l’international. La solution pour redonner en crédibilité à l’option souverainiste est donc celle du changement de discours. Sans renier le fond et la source, un nouvel argumentaire est de mise. Ce changement de cap n’impli-que pas le déni du passé et de l’occupation anglaise, car notre histoire en est une de survivants et de combattants. Bien sûr, cette indéniable réalité sera toujours sous-jacente à la cause souverainiste. Or, le discours fondé sur « l’État québécois sous occupation » n’aide en rien le projet de pays et o≈re sur un plateau d’argent, voire d’or et de diamants, de croustillants arguments à nos adversaires fédéralistes. En e≈et, ce ton tourne bien souvent en dérision le projet tout à fait concret et réalisable qu’est celui de l’indépendance nationale du Québec.

À l’heure de la mondialisation, il importe bien sûr de tenir compte du passé, mais surtout d’orienter le discours sur le présent et l’avenir. Il s’agit d’aligner l’option souverainiste sur les intérêts d’aujourd’hui et de demain des Québécoises et des Québécois. Quel rôle un Québec souverain pourrait-il jouer sur la scène internationale ? Qu’apporterait-il à la table des confé-rences internationales, notamment sur les changements clima-tiques ? Le fédéralisme canadien est-il toujours la meilleure formule pour défendre et représenter les intérêts des Québécois ? En fait, l’idée est de questionner les bienfaits et les fondements du fédéralisme, de le remettre en question pour y voir plus clair. Ce sont là des questions que notre génération devra soulever et qui forceront certainement les fédéralistes, longtemps restés mous et silencieux sur ces enjeux, à défendre leur position. C’est une chose que de rejeter le projet d’indépendance nationale

Page 30: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

29

du Québec, mais encore faut-il pouvoir mettre sur la table des idées convaincantes quant à la prétention que le Québec devrait rester au sein de la fédération canadienne. La tradition, le statu quo et les habitudes économiques seront des arguments que les souverainistes auront vite mis en échec considérant leur évidente faiblesse.

Le défi majeur de notre génération sera donc de maintenir le débat en vie en refusant le statu quo et l’arrogance : la loi sur la clarté de Stéphane Dion, le renvoi sur la sécession du Québec de la Cour suprême du Canada et, plus récemment, l’invalidation de la loi 104 par cette même Cour suprême. Le débat ne doit toute-fois pas impliquer la haine et le mépris de l’adversaire, il s’agit là d’un piège bien loin de la motivation première de la souverai-neté du Québec : la dignité. Cette dignité doit se traduire dans le débat avec le vis-à-vis, ce qui le poussera à formuler des argu-ments fondés qui mettront en lumière sa vision sur l’avenir du Québec. C’est à ce débat de fond et d’importance que les indécis et ceux qui perçoivent, quelquefois avec raison, la souveraineté comme une source de chicane inutile, pourront se ranger derrière l’idée que le Québec mérite plus que le statut de nation annexée, qu’il mérite un pays. La souveraineté du Québec doit non seule-ment être présentée comme un réel plan de rechange au fédéra-lisme canadien, mais aussi comme l’unique outil de taille capa-ble de permettre le plein épanouissement des valeurs qui font consensus auprès des Québécois : la langue, la culture, l’égalité des sexes, le respect des minorités, l’environnement, l’entraide sociale et la justice, pour ne nommer que celles-là. Le projet de pays doit être présenté comme l’unique façon d’accéder pleine-ment à la mise en place de mesures législatives protégeant ces valeurs, car l’énergie qui est actuellement dépensée à Ottawa avec le fédéralisme de correspondance, toujours dans l’espoir d’arracher un peu plus de compromis au gouvernement fédé-ral, devrait être mise directement sur la pleine protection de ces valeurs fondamentales au peuple québécois. Cet épanouisse-ment implique forcément d’avoir tous les outils nécessaires et il n’y a qu’une option qui tienne la route : celle des pleins pouvoirs.

Page 31: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

30

L’indépendance du Québec est somme toute, au regard de ces propos, un projet à mi-chemin entre d’une part le romantisme passionné d’avoir un pays bien à nous, portant sa propre Consti-tution sur fond de fleurs de lys, et d’autre part l’idée tout à fait pragmatique et concrète qu’il s’agit de la seule et unique option de taille capable de défendre nos valeurs fondamentales autant à l’interne qu’à l’international. La poudre aux yeux qui nous est lancée par les partis fédéralistes, notamment les quelques sièges du Québec aux Nations Unies, retombera vite et lais-sera place à une vision claire des choses : le Québec jouit d’un vulgaire rôle de figurant et de spectateur passif lors de la prise de décisions internationales qui ont des impacts directs sur notre avenir collectif. Pour mettre en lumière cette réalité, des débats de fond devront être lancés par notre génération, en empruntant peut-être un peu de passion à la bataille des plaines d’Abraham, s’il le faut. Pourquoi pas ?

Le débat ne doit donc pas mourir et se noyer dans le cynisme généralisé entourant la politique : le pire ennemi de la cause souverainiste et le meilleur ami d’une grande partie des tenants du fédéralisme. Il doit cependant voyager des plaines d’Abraham avec tout le bagage qui lui revient de droit, vers les réalités économiques, sociales et culturelles du peuple québécois. Ces discussions serviront aussi à casser l’idée qu’un référendum représente l’ultime porte vers l’indépendance. Encore faut-il, pour assurer la pleine e≈ectivité d’un résultat référendaire en faveur de la souveraineté, qu’un nombre considérable des 192 États membres des Nations Unies reconnaissent le statut d’État souverain du Québec, et la partie n’est pas gagnée à ce chapitre. Il faut donc, aujourd’hui et plus que jamais, convain-cre, expliquer et vendre l’idée d’abord aux principaux prota-gonistes du projet : les Québécoises et les Québécois, mais aussi aux autres pays, sans qui aucune souveraineté e≈ective n’est possible. C’est donc dire que l’énergie dépensée par certains souverainistes sur les insistantes demandes pour la tenue coûte que coûte d’un référendum devraient davantage servir à alimenter les débats de fond et à expliquer aux gens

Page 32: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

31

concrètement pourquoi l’indépendance nationale représente aujourd’hui la meilleure option pour le peuple québécois. Tel est le défi de notre génération qui doit trouver sa place entre passion et raison. II est de taille, mais il promet d’être fort stimulant, et la motivation première qui est celle de réaliser la souveraineté sera de tous les instants.

Page 33: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses
Page 34: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

33

L’indépendance et la nouvelle générationpar Louis-Philippe Caron Lanteigne, étudiant en science politique et

administration à l’Université de Montréal

Je suis né en 1988. J’ai vécu toute ma vie au Québec. Comme la plupart des Québécois de ma génération, j’ai été en contact avec une myriade de cultures dès l’enfance. Bien entendu, la plupart des produits culturels étrangers que j’ai consommés étaient américains. Mais, tout de même, très tôt et tout au long de ma vie, je fus en dialogue indirect avec la planète. Que ce soit par la musique, le cinéma, la cuisine et bien d’autres, j’ai vu d’autres réalités que la mienne. Seulement par la télévision, j’ai vu la misère des plus pauvres d’Afrique, le développement de la Chine et les guerres au Moyen-Orient. C’est une révolution dont ma génération fut la première à bénéficier dès son plus jeune âge.

Toute personne qui a grandi dans la grande région de Montréal à la même époque que moi a fréquenté dès son enfance des gens aux origines diverses. La couleur de la peau, la religion et même la langue parlée à la maison n’ont jamais été un obstacle dans mes rapports avec les autres. La diversité est pour nous banale.

Ma génération a vu l’explosion des technologies de l’information et des communications. Je peux magasiner en ligne partout dans le monde, écouter toutes les émissions de télé et de radio qui se font sur le globe, bavarder avec des gens sur n’importe quel continent. Nous sommes toujours à un clic des régions les plus lointaines du globe.

Il est devenu une quasi-tradition pour les 18 à 25 ans de faire un long voyage à l’étranger, rencontrer d’autres cultures et peuples. Partir avec son sac à dos et vivre selon les coutumes locales.

Page 35: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

34

Vivre ce que nous voyons et entendons depuis si longtemps au sujet des autres pays.

Je suis le produit d’une génération qui est en constante inter-action avec des personnes du monde entier. Une génération qui se sent solidaire des peuples lointains. Une génération qui pense en termes planétaires.

À quoi devrait-on s’attendre de cette génération sur la question de l’indépendance du Québec ? Pour plusieurs, c’est une ques-tion qui devrait nous sembler dépassée. C’est une relique d’une autre époque et elle disparaîtra avec nos parents. Des gens ouverts sur le monde n’ont pas envie de créer de nouvelles fron-tières, pensent-ils. Les distinctions entre le Québec et le Rest of Canada (ROC) sont insignifiantes pour une génération qui baigne constamment dans un melting pot. Elle n’a que faire des chicanes de clocher, des débats sur le bilinguisme et le multiculturalisme. Après tout, nous sommes tous humains et nous partageons tous la même planète. Si ce raisonnement peut revêtir une apparence de logique, c’est parce qu’il se fonde sur de fausses prémisses. D’abord, il n’y a pas de contradiction entre vouloir créer un pays (et donc des frontières territoriales) et être ouvert sur le monde. Les Québé cois de ma génération savent à quel point il est profi-table de partager et collaborer avec le reste de la planète, autant dans les a≈aires que dans les arts ou les sciences. Faire l’indé-pendance, c’est aussi se donner la chance d’agir soi-même, se donner les instruments et les moyens d’interagir comme nous le souhaitons avec les autres pays. Ce n’est pas le cas en ce moment et j’ajouterais que c’est normal puisque nous ne sommes qu’une province. Se donner un pays nous permettrait de traiter d’égal à égal avec les autres nations, de prendre nos responsabilités et nous a÷rmer comme meneur mondial là où nous excellons. En y songeant un instant, il devient évident que l’indépendance n’est pas une fermeture sur le monde, mais au contraire, une ouverture.

être ouvert sur le monde ne veut pas dire s’e≈acer dans un ensemble plus grand. Y a-t-il quelqu’un de sérieux qui reproche

Page 36: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

35

au Canada de ne pas s’annexer aux États-Unis ? Non, même si cela éliminerait des frontières. Nous n’avons pas à ressentir de malaise ou de culpabilité à nous séparer du ROC. Ce que nous voulons, toutes les nations ayant un pays aujourd’hui l’ont sou-haité, l’ont eu et y tiennent plus que tout.

Ensuite, l’autre fausse prémisse est celle que nous aurions dépassé le stade des querelles Québec-Ottawa et, par consé-quent, que le principal argument pour faire l’indépendance est neutralisé. Cela ne serait que du passé pour nous : nous sommes tournés vers un avenir multiculturel. Cette prémisse est fallacieuse, rien de moins. Je ne la qualifie pas ainsi tant parce qu’il est faux que nos di≈érends avec Ottawa sont terminés, comme on le constate tous les jours. Elle est fallacieuse parce qu’elle sous-entend que le désir d’indépendance résulte de notre histoire conflictuelle (pour employer un euphémisme) avec le ROC. Cela est faux, absolument faux.

Pierre Bourgault a dit : « On aurait tort de vouloir réduire un désir naturel de liberté à une simple réaction de ressentiment. » Il avait vu juste. Le désir d’indépendance des Québécois n’est pas dû aux relations avec le ROC. Il est dû à la nature des hommes et des peuples. Il est naturel de vouloir décider pour soi-même, de souhaiter être responsable et autonome. C’est une vérité qui n’est jamais remise en doute lorsqu’il s’agit d’autres pays. Le Québec n’est pas une exception.

On a raison de se rappeler tout ce que notre nation a subi depuis la Conquête. Nous avons un devoir de mémoire, pour que jamais plus cela ne se reproduise et pour mieux comprendre qui nous sommes. Cependant, la lutte pour l’indépendance n’est pas une rengaine contre les anglophones. Un souverainiste qui forme son argumentaire contre le Canada dans la haine, la colère et la peur est dangereux et aveugle. Le projet d’indépendance est positif. Il ne vise pas à briser et à faire violence, mais à rendre justice, dignité et liberté.

Page 37: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

36

Peu importe la péréquation que le Québec touchera ou les compétences reconnues, le désir de liberté ne s’en satisfait pas. Il n’y a pas de conditions à satisfaire pour que la domination et l’oppression (n’ayons pas peur des mots) soient acceptables. Nous voulons notre propre chez-nous. Notre désir de liberté se trouve en nous, non pas entre nous et eux.

L’idée que les jeunes de ma génération ne s’intéressent plus au projet de pays est donc réfutée. En fait, c’est plutôt l’idée contraire qui semble s’imposer. Une génération ouverte sur le monde voudra être libre pour prendre la place qui lui revient à l’international. La mondialisation renforce notre besoin d’indé-pendance.

Évidemment, tous ceux de ma génération ne sont pas souve-rainistes. Les principales causes de cela sont les mêmes que celles d’il y a quarante ans : l’ignorance, la peur et l’indi≈érence. L’ignorance de ce que le Québec est, de son histoire et de ce qu’il lui arrivera si nous ne menons pas à terme notre projet de pays. La peur de perdre notre confort matériel, bien chaud et moelleux. L’indi≈érence face aux enjeux de notre société, et cela de plus en plus depuis la montée de l’individualisme.

Ma génération continuera le combat pour la souveraineté, il en va d’une loi naturelle, si je peux m’exprimer ainsi. En fait, tant que le Québec sera vivant, les gens se battront pour son indépen dance, maintenant ou dans cent ans. Le désir de liberté n’est pas une sorte de gène qui peut sauter une génération. Il est intrin sèque aux humains et aux peuples qu’ils forment. Quand le Québec ne se battra plus, c’est qu’il ne sera plus.

Page 38: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

37

LA MONDIALISATION :

Un puissant levier pour l’indépendance du Québecpar Étienne-Alexis Boucher, député du Parti Québécois dans Johnson

Souveraineté. Au Québec, ce concept est le dernier d’une longue liste pour décrire cette capacité d’un peuple, d’une nation à prendre son destin en main. Sur notre territoire, il représente un concept dont les origines remontent, paradoxalement, bien avant que le Canada ne soit o÷ciellement créé, en 186714. Alors que le Québec n’a pas encore réussi, à ce jour, à atteindre le statut d’État pleinement souverain, il s’en trouvera plusieurs pour a÷rmer qu’il est désormais trop tard, que ce concept est dépassé et ringard. L’argumentation qui justifie une telle prise de position repose presque sur la seule mondialisation. En e≈et, à l’heure d’un monde globalisé, où les échanges culturels, politi-ques, économiques et environnementaux se multiplient à l’infini, l’indépendance du Québec correspondrait, selon eux, à un repli sur soi, à une fermeture sur le monde, bref, à un important recul.

Cependant, rien n’est plus faux. Au contraire et tel que le démon-tre éloquemment l’ex-premier ministre du Québec, M. Jacques Parizeau, dans son dernier ouvrage intitulé La souveraineté du Québec 15, la mondialisation représente un puissant levier pour faire avancer la cause de l’indépendance au Québec. Selon M. Parizeau, la création de grands ensembles, notamment écono-miques, facilite la réussite d’États souverains de plus en plus petits en termes de population ou de géographie16. Un deuxième

14   Rappelons que dès 1837, les leaders de la majorité francophone, avec M. Louis-Joseph Papi-neau en tête, réclamaient la création d’une République du Bas-Canada, ancienne appellation du territoire connu aujourd’hui sous le nom de la province du Québec. 

15   PARIZEAU, Jacques, 2009. La souveraineté du Québec. Hier, aujourd’hui et demain. Montréal : Les éditions Michel Brûlé, 256 pages.

16  Ibid., p. 47.

Page 39: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

38

angle par lequel il est manifeste que le mouvement de mondia-lisation justifie l’atteinte de la souveraineté par les nations concerne cette quasi-obligation pour ces dernières d’avoir leur place au sein du concert des nations, afin d’être en mesure de faire entendre leur voix et ainsi défendre leurs intérêts. Voilà les deux points que nous développerons à l’intérieur de cette courte réflexion.

Alors que la création de grands ensembles supranationaux dans les domaines économique, politique, culturel ou autre est anté rieure à l’avènement du XXe siècle,17 ce n’est que grâce à la révolution des systèmes de communication et de transport que le monde est véritablement devenu un « village global ». De plus, il s’est avéré, au cours des dernières décennies, que les problé-matiques auxquelles font face les diverses nations sont de moins en moins cantonnées à l’intérieur de leurs frontières territoriales. Pour espérer les résoudre, les dirigeants politiques d’une nation doivent donc travailler de concert avec de multiples partenaires nationaux et internationaux.

Afin de faire face à cette nouvelle réalité, la communauté interna-tionale s’est dotée de structures visant à encadrer des relations de plus en plus serrées et fréquentes entre les multiples nations qui la composent. Ainsi, l’Organisation des Nations Unies (ONU), la Convention des Nations Unies pour la diversité culturelle (UNESCO), l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Union européenne, l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), le G20, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mon-diale sont autant d’exemples qui illustrent la multiplication des forums, ententes économiques et regroupements internationaux traitant de l’ensemble des sphères d’activité des nations.

Bien entendu, comme il est ici question de concert des nations, les règles régissant les diverses organisations internationales

17   À titre d’exemple, l’Empire britannique, qui regroupait des peuples présents sur les cinq continents du globe, lesquels entretenaient des liens politiques, culturels et économiques.  Les grands empires, tels celui de Napoléon, des Romains et des Grecs, sont d’autres  exemples de vastes regroupements supranationaux.

Page 40: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

39

sont élaborées de façon à ce que chacune des nations qui les composent soit considérée comme membre à part entière. Autrement dit, peu importe l’étendue du territoire national, l’importance de sa démographie, la richesse de son écono-mie ou encore la puissance de son armée, chaque nation peut traiter d’égal à égal avec ses semblables au sein des organisa-tions internationales. Alors que dans un simple rapport de force, une nation pourrait systématiquement voir ses revendications insatisfaites face à un « puissant », il lui est possible de renver-ser la vapeur au sein de ces organisations puisqu’elle n’est pas seule ! D’autres nations peuvent e≈ectivement avoir les mêmes intérêts, se joindre à la voix de cette « petite » nation et faire plier son « vis-à-vis ». M. Parizeau cite en exemple les démarches de quatre pays nord-africains à l’OMC qui, voyant les États-Unis refuser de cesser de subventionner leurs producteurs de coton, une pratique qui mettait en péril leur propre industrie, s’alliè-rent à des pays comme le Brésil, la Russie et la Chine pour forcer le géant américain à modifier sa position.18 Ainsi, grâce aux organisations internationales, les « petits » ne sont plus seuls et isolés, mais disposent désormais de forums pouvant entendre leurs revendications.

Ainsi, la mondialisation, qui s’incarne entre autres par la multi-plication des forums internationaux, permet aux di≈érentes nations de faire valoir leurs intérêts, peu importe leur démogra-phie ou leur puissance. Seulement, pour se faire entendre, une nation doit d’abord et avant tout être en mesure de s’exprimer ! Car pour celles qui ne bénéficient pas de ce statut de nation souveraine, comme les nations québécoise, basque, écossaise ou catalane, point de salut. Les intérêts de ces nations sont noyés dans ceux de la majorité qui les gouverne et les représente. Et comme il n’est pas possible de reprocher aux élites des pays dans lesquels sont présentes ces nations non souveraines de défendre les intérêts de la majorité (qui sont fréquemment en conflit direct avec les intérêts des nations minoritaires), il ne

18  PARIZEAU, Jacques, La souveraineté du Québec. Hier, aujourd’hui et demain, p. 75

Page 41: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

40

reste plus qu’une solution : celle de parler en son propre nom, c’est-à-dire de se doter d’un État pleinement souverain.

Est-ce qu’un Québec souverain aurait pu jouer un rôle de leader et d’élève modèle à Copenhague, cela pendant que le Canada rece vait jour après jour le prix Fossile pour ses réticences à aller de l’avant en matière de lutte aux GES ? La réponse est oui. Est-ce qu’un Québec souverain aurait été guerroyer dans le sud de l’Afghanistan plutôt que de se concentrer sur les e≈orts humanitaires visant à extirper une majorité d’Afghans de la pauvreté ? La réponse est non. Ainsi, il est désormais prouvé hors de tout doute raisonnable que le Canada défend très mal les intérêts et les valeurs du Québec. Les organisations interna-tionales sont autant de forums où il nous serait possible de faire valoir ce que nous croyons essentiel à l’épanouissement de notre culture, de notre société. Ne reste plus qu’à se donner le pouvoir de s’exprimer.

En guise de conclusion, je tiens à faire valoir une statistique très révélatrice concernant cette interrelation entre la souveraineté et la mondialisation. Au lendemain de la Seconde Guerre mon-diale, la communauté internationale s’est dotée de multiples organisations telles que l’ONU. À cette époque, cette dernière ne comptait pas plus de 53 pays membres. Alors que le mouve-ment de mondialisation s’accélère depuis ce temps, pas moins de 140 nations ont accédé à l’indépendance depuis la création de l’ONU, qui compte donc aujourd’hui près de 200 membres. Pendant ce temps, il n’existe pas un seul exemple où un pays en est venu à renoncer à son statut d’État souverain. Ringarde, la souveraineté ? Dépassée ? Si c’était e≈ectivement le cas, ce sont des milliards d’individus qui ne l’auraient pas encore compris...

Page 42: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

41

Le champ des possiblespar Julien Levac, étudiant à la maîtrise

Je me nomme Julien Levac et je vais tenter, au meilleur de mes connaissances, de vous transmettre la nécessité du rêve de l’indé pendance.

Il me semble qu’au-delà des arguments pratiques, c’est princi-palement dans le domaine du rêve que se situe l’idée de l’indé-pendance du Québec. Le rêve, c’est ce désir d’évoluer dans un territoire qui nous appartient réellement. Cependant, il est bien évident que les arguments économiques et culturels sont puis-sants et permettent aux gens rationnels, desquels je crois faire partie, de croire au réalisme de l’indépendance.

Une des plus grandes preuves de cette possibilité de faire l’indépendance nationale du Québec découle étrangement des propos de Jean Charest lors de son voyage en France. Il a dit, en parlant de l’indépendance : « La question aujourd’hui, en 2006, n’est plus de savoir si l’on a les moyens financièrement. Oui, nous avons les moyens. Personne ne remet en question la capa-cité du Québec financièrement. Sauf que la vraie question est la suivante : qu’est-ce qui est dans notre intérêt, à nous ? »

Puis, les trois principaux gains reliés à l’accession à l’indépen-dance sont les mêmes que lors du référendum de 1980, soit le droit de voter ses propres lois, de recueillir ses propres impôts et d’établir ses propres traités internationaux. Pour le premier droit, pensons à la loi sur les jeunes contrevenants. La majo-rité des Québécois désire réhabiliter ses jeunes plutôt que de les mettre en prison comme le souhaite l’État fédéral. Peu importe, le Canada légifère et le Québec doit suivre la parade de l’emprisonnement. En ce qui a trait aux impôts, la production d’un seul rapport plutôt que deux et le traitement par un seul

Page 43: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

42

gouvernement permettraient une gestion plus e÷cace de nos finances. Il est aussi possible de penser que le Québec investirait une moins grande somme de ses impôts dans l’aspect militaire et davantage dans l’humanitaire, moins dans l’aspect pétrolier et davantage dans l’éolien, moins dans l’industrie automobile et davantage dans la protection de notre culture. Finalement, le droit de ratifier nos propres traités internationaux représente, parmi ces trois droits, celui qui semble le plus important. En e≈et, pendant que les Québécois diminuent leurs émissions de gaz à e≈et de serre, l’Alberta en émet davantage. Ainsi, nos e≈orts sont réduits à néant, car une autre province profite de ceux-ci. De toute évidence, le protocole de Kyoto serait déjà signé au sein d’un Québec indépendant et nous aurions été les premiers à encourager les autres pays de la planète à se joindre à l’e≈ort collectif nécessaire pour rétablir l’éco-système. L’intérêt du Québec est par conséquent mieux desservi avec l’indépendance.

Aussi, il est important de garder en mémoire que la protection d’une langue parlée par sept millions d’individus est nécessaire, car nous sommes entourés de plus de 350 millions d’individus utilisant la langue anglaise, qui est devenue avec les années la langue internationale. Bien sûr, l’apprentissage de plusieurs langues représente une des richesses les plus puissantes, mais le respect d’une langue qui perdure malgré 250 ans de conquête est fondamental. Cette langue, c’est le carrefour de notre culture. C’est en ce carrefour que circule Wajdi Mouawad, que déambule Karkwa, que vagabonde Sol et où, espérons-le, gambaderont nos petits-enfants.

Cependant, après avoir mentionné l’ensemble des raisons concrè-tes soutenant la nécessité de réaliser l’indépendance, la ques-tion relative au fait qu’elle n’est pas encore réalisée nous laisse perplexes. Je veux dire, si Jean Charest mentionne que le Québec est économiquement prêt pour l’indépendance, comment est-il possible que nous demeurions une province ? Comment se fait-il que le peuple québécois ne parvienne pas à devenir souverain ?

Page 44: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

43

Je crois profondément que l’absence de rêve en est la cause. Bien évidemment, l’omniprésence de la consommation, des publicités, de l’importance du paraître et de l’individualisme font que les discussions politiques se déplacent du collectif vers l’individuel et que la classe politique ne propose rien de porteur pour le Québec, car trop occupée avec le financier. De plus, les adversaires de l’indépendance réussissent à la tuer en diminuant la capacité des citoyens de croire et de rêver ensemble à un avenir meilleur. Il ne faudrait plus espérer améliorer le monde, car : « c’est comme ça, on ne peut plus changer les choses, que voulez-vous, on n’a pas les moyens, pas de temps à perdre, le temps c’est de l’argent, etc. ». La principale tâche des souverai-nistes est de raviver le rêve, cette passion pour le Québec qui est actuellement voilée par l’individualisme et la satisfaction des plaisirs instantanés. L’exemple du Moulin à paroles, revisitant des textes empreints du rêve québécois, représente exactement ce qui doit être réalisé dans le but de raviver ce rêve. Chaque texte lu représentait une page de notre histoire. Bien que le livre de l’histoire du Québec soit plus petit que celui d’autres nations, les pages restantes sont blanches et ne demandent qu’à être emplies de rêves et d’espoirs.

L’espoir d’un livre ouvert dans lequel nous pouvons écrire le pays que nous voulons ne cesse de m’encourager à continuer la lutte de mes ancêtres. Un livre où le français serait la langue de chacun et où la connaissance des autres cultures, des autres langues serait valorisée. Où la page de l’énergie verrait le budget de soutien au développement pétrolier transféré à la recherche sur la géothermie.

Cette possibilité de définir nous-mêmes notre réalité en utili-sant notre force collective semble être le plus des beaux rêves pour une nation. Pour l’ensemble des arguments concrets, mais aussi pour ce désir de croire en quelque chose de plus profond que notre intérêt personnel, l’indépendance demeure à rêver, à réaliser.

Page 45: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

44

Au sein du présent texte, j’ai rapidement tenté d’esquisser la nécessité du rêve. Je crois important de continuer de travailler pour que ce rêve et cet espoir fassent que, pour chacun de nous, l’indépendance soit comprise comme ce qu’elle est : une ouver-ture du champ des possibles.

Page 46: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

45

LA SOUVERAINETÉ :

Une fin en soipar Dominique Goudreault

Qu’est-ce que la souveraineté peut représenter pour un jeune de vingt ans ?

Une fin en soi.

Il est plutôt rare qu’on entende cette idée dans le discours souverainiste. En e≈et, on accole toujours à ce projet politique son rôle de moyen. Moyen de préserver notre langue. Moyen d’avoir notre mot à dire dans la communauté internationale. Moyen de sauver de l’argent. On l’entend beaucoup celui-là.

Ces raisons sont toutes excellentes. Toutefois, j’ose a÷rmer qu’on peut désirer l’indépendance du Québec pour ce qu’elle serait : la liberté, la responsabilité et l’autodétermination d’un peuple.

Les Québécois forment une nation qui occupe pleinement son territoire, même Stephen Harper le reconnaît. Mais au-delà des déclarations politiques et des définitions sociologiques se trouve un sentiment d’appartenance ; bien que les sondages démontrent que nous nous sentons beaucoup plus Québécois que Canadiens, le vrai argument vient du cœur.

Lorsqu’une catastrophe survient au Saguenay, à Drummondville ou à Montréal, je suis touché, un des miens sou≈re. La même catastrophe se passe à Toronto, Sudbury ou Regina ? Sensible-ment le même e≈et que si ça avait eu lieu au Maine ou à Djibouti.

Loin de moi l’idée de préconiser l’isolement et le nationalisme primaire, mais certains faits résistent à l’idéologie universaliste :

Page 47: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

46

nous ne pouvons accorder autant d’attention et de compassion à tout le monde, nous sommes naturellement portés vers les nôtres.

En tant que peuple, qu’y a-t-il d’anachronique à vouloir se gouverner seul et souverainement ?

Les Français n’ont pas honte d’être Français. Les Suédois ne rougissent pas de former un pays distinct. Les Italiens ne culpa-bilisent pas à l’idée d’être dans un régime di≈érent de celui de leurs voisins. Pourquoi les Québécois devraient-ils assumer seuls le fardeau de l’universalisme ? On demande au conquis, au soumis, de montrer au monde entier que deux peuples di≈érents peuvent cohabiter pacifiquement et prospérer également. Ça me rappelle la phrase d’Aristote voulant que l’égalité entre deux partenaires inégaux, ça crée l’inégalité.

En quoi un député de l’Alberta, aussi bienveillant soit-il, devrait avoir à voter une loi qui s’appliquera au Québec ? Le contraire est aussi vrai ; nous n’avons pas plus à dicter aux autres notre volonté.

La souveraineté du Québec, comme fin en soi, me rappelle une histoire que nous avons tous vue ou vécue à une époque :

Un jour, un jeune homme alla voir son père pour lui exprimer sa volonté de quitter le domicile familial.

— Mais pourquoi ? Ici, tous tes repas sont préparés, nous faisons ton lavage. Nous n’avons pas de trop gros conflits, il me semble. Bon, quelques accrochages une fois de temps en temps, mais rien de bien dramatique, ce n’est quand même pas la guerre. En plus, tu oublies que je te donne de l’argent de poche. Une fois parti, tout ça sera fini.

Page 48: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

47

— Je sais tout cela, Papa, mais j’ai envie d’être libre. De décider pour moi-même ce qui m’intéresse et d’être responsable de ce que je fais, de mes réussites comme de mes erreurs.

— Et où t’installerais-tu ?

— La maison d’à côté. On sera les meilleurs voisins du monde, mais on sera voisins. Et égaux.

Qui oserait dire au fils qu’il a tort ? Que la liberté et l’autonomie, somme toute, ne valent pas une brassée de lavage ? Personne, car il est dans l’ordre des choses que les fils quittent le nid pour être responsables d’eux-mêmes. De la même manière, il est naturel que les peuples cherchent à se gouverner entièrement.

Depuis que la faisabilité économique de la souveraineté du Québec s’est avérée incontestable, le discours fédéraliste s’est orienté vers l’émotif, la destruction d’un beau projet, les Rocheuses. Les leaders indépendantistes leur ont laissé tout cet espace, s’en tenant à la démonstration des bénéfices et avantages que nous tirerions de la séparation.

Oui, tous ces calculs ont une valeur. Mais n’oublions pas que jamais un changement de régime ne s’est réalisé qu’avec des comptables, que ça prend aussi des conteurs.

Au final, qu’est-ce que la souveraineté peut représenter pour un jeune de vingt ans ?

Une fin en soi. Ou plutôt le commencement de l’âge adulte.

Page 49: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses
Page 50: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

49

LE QUÉBEC INDÉPENDANT :

Essentiel pour l’environnementpar Myriam Arsenault-Jacques

Quoi qu’on aime en dire dans certains cercles, l’idée de l’indé-pendance du Québec n’est pas morte. On peut bien s’e≈orcer de nous faire croire qu’il s’agit d’une idée révolue que l’on devrait reléguer aux oubliettes pour le bien de « notre » pays, reste que le projet indépendantiste est toujours aussi d’actua-lité. Une nouvelle génération gagne peu à peu le droit de vote et un autre argumentaire en faveur de la libération politique du Québec se développe. Alors que nous entrons dans une période charnière pour le maintien d’un environnement relativement sain, il appert essentiel de chercher à comprendre en quoi l’indé-pendance québécoise peut servir le nouveau défi environnemen-tal mondial.

L’idée de se séparer dans le but de faire face à une situation globalement inquiétante semblera sans doute contradictoire et même insensée au terme d’une analyse incomplète de la situation. Apparaît donc toute l’importance de saisir pourquoi la nation québécoise, par son caractère distinctif, nécessite la pleine possession de ses moyens politiques (ce qui n’est atteignable que par l’indépendance, on en conviendra) afin d’être en mesure de jouer pleinement son rôle, alors que la scène internationale est en majeure partie déjà arrêtée sur le sujet environnemental.

Le Québec est une nation. Point. Point. (Je me répète, pour donner le temps à certains de déglutir cette a÷rmation.) Il s’agit

Page 51: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

50

d’un simple fait qui est même reconnu par le gouvernement fédéral canadien. Je pourrais certainement m’étendre ici sur les raisons qui font du Québec une nation,19 mais cela ne servirait que piètrement mon propos et le sujet a déjà été largement cou-vert par nombre de gens. En considérant le Québec et le Canada comme des entités nationales séparées, un glissement, pour ne pas dire une cassure, apparaît rapidement dans la perception et la compréhension du concept d’environnement, ou plutôt de la protection de l’environnement pour être exacte.

Je ne tenterai pas ici de convaincre qui que ce soit de la sainteté absolue du Québec en matière environnementale, ce qui serait à la fois inutile et intellectuellement malhonnête. Certains argue-ront sans doute que la côte ouest canadienne est au moins aussi verte que le Québec, que Greenpeace y est né et qu’on n’a pas de leçon à donner avec notre chasse au phoque. Il n’en demeure pas moins qu’il existe une franche distinction dans la manière dont le Québec et le ROC gèrent les « dossiers » environnementaux, et cela ne peut être qu’une réflexion de la perception du sujet par la populace. Avec un recul historique (mince, je l’accorde), une tendance significative semble se dessiner : alors que le Québec cherche de plus en plus à s’aligner sur les positions plus progressistes de l’Europe, le gouvernement fédéral maintient une ligne qui, autrefois aurait-on dit, s’inspire de celle des Amé-ricains. Mais même cette explication ne su÷t pas aujourd’hui pour définir et expliquer le retard politique canadien à ce sujet. Évidemment, plus le Canada se refuse à voir l’urgence de prendre des actions concrètes (entre autres – mais non limitées – à un engagement sérieux dans des processus de réduction de gaz à e≈et de serre assortis d’objectifs précis et contraignants de réduction), plus le Québec sent l’importance d’a÷rmer son propre désir de changement. Face donc à cette tendance fédé-rale, laquelle transcende le parti au pouvoir, soit dit en passant, de minimiser l’importance de la question environnementale, l’indépendance du Québec devient rapidement nécessaire. Cela

19   Certains parlent d’une « nation distincte ». Il m’apparaît évident que chaque nation possède évidemment un caractère distinct, sans quoi l’idée même d’une nation ne peut exister.

Page 52: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

51

permettra à notre nation de jouer le rôle que l’on veut prendre et, je dirais même, que l’on doit prendre, dans le contexte actuel. Notre indépendance politique n’est pas seulement un atout, il s’agit d’un outil essentiel pour relever le défi environnemental.

Si le Québec souhaite avoir une véritable influence et jouer le rôle qui lui revient sur la scène internationale, il est primordial qu’il ait la pleine possession de ses moyens politiques. Cela ne peut évidemment être atteint que par l’indépendance. Les exemples où les positions québécoise et canadienne sur le sujet di≈èrent pleuvent, mais les récents événements de Copenhague sont certainement un cas probant de l’urgence de faire entendre notre voix. Lors de cette importante conférence internationale, sans doute la plus importante de cette décennie concernant l’environnement, le message canadien était non seulement faible et rétrograde, mais était aux antipodes de la position et des revendications québécoises.

Il est évident que le Québec possède le potentiel humain, écono mique et politique pour jouer un rôle important dans la protection de l’environnement. Toutefois, son statut de province canadienne l’emprisonne dans un carcan politique et même philo sophique qui éteint sa voix et l’empêche ultimement de poursuivre ses propres objectifs. Si l’on considère que l’enga-gement dans la lutte aux changements climatiques et dans la protection de l’environnement profite à la population mondiale, le projet souverainiste québécois se veut une manière d’attein-dre une meilleure condition planétaire.

Ernest Renan écrivait en 1882 : « Une nation est [...] une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. » Ces sacrifices ont été nombreux et diversifiés et ont cherché à atteindre di≈érents objectifs à travers les siècles : l’indépendance face à la Grande- Bretagne, l’opposition envers la conscription, la protection du fait français, la conservation de notre culture, le contrôle de notre économie. Aujourd’hui, un défi beaucoup plus important

Page 53: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

52

se montre. Il est mondial, global, et les jeunes Québécois sont prêts à y faire face. Notre totale liberté est essentielle afin que l’on puisse mener cette bataille avec notre plein potentiel. Renan déclarait aussi qu’« une nation n’a jamais un véritable intérêt à s’annexer ou à retenir un pays malgré lui. »

L’indépendance politique du Québec est donc non seulement cruciale, mais aussi parfaitement légitime.

Page 54: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

53

La libertépar Audrey Bonhomme, étudiante en secondaire 4

La liberté, c’est un mot plein de fierté. C’est un mot courageux qui ose dénoncer l’oppression de ceux qui se lèvent et qui le prononcent. Est-il possible, ce mot, dans un monde d’injustice, dans un monde où la liberté d’expression est critiquée, où la liberté de vouloir changer les choses est refusée, où la liberté de croire est redoutée ? Mais qui aurait cru que tant d’années plus tard nous serions toujours là, bien droits et bien forts, à s’arracher notre liberté comme jamais on ne l’a fait ? Notre désir à nous, souverainistes, est encore une fois repoussé, est encore une fois abattu par ceux qui n’ont pas le courage de nous donner raison, est encore une fois chaviré par les marées d’obstacles qui se dressent chaque jour un peu plus devant nous. La liberté, ce n’est pas un devoir de la conquérir, la liberté c’est un droit pour lequel personne d’entre nous ne devrait avoir à se battre.

Nous avons tout pour avoir le plus beau pays qui soit, mais sommes-nous les seuls à bien vouloir s’en rendre compte ? Nos longs hivers qui nous glacent la peau peuvent d’un seul coup nous réchau≈er le cœur. Nos grandes valeurs peuvent nous trahir, mais aussi nous réunir. Mais notre histoire, elle, ravive l’espoir de tous ceux qui croient, de tous ceux qui espèrent, de ceux qui restent debout pour soutenir un pays. Je fais et ferai toujours partie de ceux-là.

Quand je regarde autour de moi, j’essaie toujours de comprendre pourquoi nous sommes encore soumis, nous, peuple de force. J’essaie de comprendre ce qui nous empêche d’aller de l’avant. J’essaie de comprendre comment des gens, aussi nombreux soient-ils, peuvent rester indi≈érents face à des merveilles aussi imminentes. J’essaie de trouver toutes ces réponses que je cher-che depuis toujours. Et puis, enfin, je vois les milliers de gens

Page 55: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

54

qui se posent exactement les mêmes questions et qui eux aussi restent sans voix face à cette incompréhension qui les assaille.

Mais malgré tout, s’il y a bien une chose que j’ai comprise depuis que le Québec est mon pays, c’est que ce sont des gens comme nous qui, chacun pour soi, contribuent à rendre ce pays un peu plus beau chaque jour. Ce sont des gens comme nous qui font rayonner nos villes de leurs étincelles d’espoir. Ce sont des gens comme nous qui animent ces plus beaux paysages qui soient. Ce sont des gens comme nous qui sont fiers de dire que, pour eux, le Québec c’est leur pays.

L’indépendance du Québec, pour moi, n’est ni un souhait, ni une bataille, ni une prière, ni un parcours ; c’est un choix. Nous avons tous entre nos mains le choix de faire du Québec un pays, notre pays. Certains ont peur de ce qu’ils ont entre les mains. D’autres lèvent les bras bien haut et brandissent leur détermination.

Il ne faut jamais dire que l’espoir est mort, ça ne meurt pas, l’espoir.— gabrielle roy, écrivaine

Il est bien certain que l’espoir ne meurt pas ; il renaît chaque jour dans les cœurs de ceux qui croient. Moi, je crois, parce qu’à chaque seconde fleurit en moi une nouvelle raison de vouloir le Québec comme pays. Je n’ai alors qu’à regarder par la fenêtre et voir la neige tomber d’un ciel lourd, et je constate que chaque flocon tombe sur un sol qui un jour nous appartiendra vraiment. L’espoir, c’est ce qui me tient vivante. C’est ce qui fait que j’ai envie de me battre pour mon pays, c’est ce qui me tient au sommet de ma force. Il faut choisir ses combats ; j’ai choisi le mien, pacifique, et je ne l’abandonnerai pas.

Lorsque je vois notre drapeau flotter bien haut dans les airs, je sais que sur mon visage se dessine un sourire plein de fierté.

Page 56: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

55

Ce drapeau, c’est l’emblème d’une nation, notre nation, et nous nous devons d’en être fiers. Il est grand temps de se lever encore une fois pour revendiquer nos droits pour qu’enfin ce drapeau soit seul à virevolter au-dessus de ce qui sera un jour le pays du Québec.

Page 57: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses
Page 58: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

57

Les Honteuxpar Antoni Gilbert, étudiant en philosophie

L’oiseux troupeau aux harfangs attentifsRaconte le châtiment de sa témérité :« Il y eut naguère, céans veillant, natifsDe la ramée, deux points bleus – et mérités

Puis une nuit, quelle foire ! comprenez,

La Garde fort épeurée dans la forêt sonoreCalma le jeu que son hôte opéraitParlant : Ô grand Loup ! Reste donc, et soisContent. Ne brise plus tes liens de soie. »

— Encore ! Nous calmîmes, l’os au nez.

Page 59: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses
Page 60: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

59

UN QUÉBEC SOUVERAIN EN 2010 :

En quoi est-ce pertinent ?par Audrey Beauséjour

Parce que quelqu’un nous a dit : « À la prochaine fois ! »

21 mai 1980 – Mal de bloc de lendemain de veille. Au Québec, on se lève, pas plus riches qu’hier mais moins riches que demain. Sommes-nous un pays ? Nous a-t-on gratifiés de cette liberté ou plutôt nous l’a-t-on rendue ? À voir la mine basse des gens dans la rue, on comprend vite la situation. On nous a dit : « À la prochaine fois ! »

Cette phrase n’est pas vide de sens pour tous locuteurs du fran-çais. Il su÷t de se souvenir de notre enfance pour en découvrir les racines : on ira faire telle ou telle chose la prochaine fois. Elle nous rend impatient. Plus tard, au sein même de notre famille, quand un membre nous trahit, on se dit : « Il va voir la prochaine fois ! » On est conditionné par « la prochaine fois ».

Dans toute l’histoire de la « grande famille canadienne », beau-coup de situations critiques se sont terminées par des « Ah, la prochaine fois ! » ou des « À la prochaine fois... » : découverte de l’Amérique et passage du territoire des mains des Français à celles des Britanniques, conscription pancanadienne durant les grands conflits mondiaux, non-ratification de la Constitution par le Québec et « nuit des longs couteaux », premiers ministres successifs d’origine québécoise avec une attitude plus anti- Québec que leurs prédécesseurs.

De nos jours, plusieurs situations simultanées se terminent par la même réflexion : indécision sur les cibles à atteindre en matière d’environnement, d’éducation, de santé, de revenus à la population et j’en passe. Le bien-être des générations futures

Page 61: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

60

semble lui aussi remis « à la prochaine fois » quand le dernier cri en informatique, en téléphonie ou une grande chaîne de malbou≈e sort son carnet de chèques pour commanditer un événement sportif d’envergure mondiale.

René Lévesque se retourne-t-il dans sa tombe ou se rend-il compte de son mauvais choix de mots qui résonnent dans nos têtes et nos cœurs à chaque campagne préréférendaire ? ttSerons-nous obligés ou capables d’attendre, tout comme pour le dévoilement des dessous de l’assassinat de Kennedy, que toutes les personnes présentes au centre Paul-Sauvé ce soir de mai 1980 soient oubliées pour nous libérer de ces paroles si pleines de sens ? Est-ce à ce moment-là qu’un leader aussi charis-matique et idéologiquement honnête que monsieur Lévesque se présentera ?

La rancœur contre nos frères et voisins du ROC s’atténuera-t-elle un jour ? Et la leur envers nous ? Nous sommes tous des humains et donc liés dans nos gènes, mais la phrase « Ah, la prochaine fois ! » résonne dans nos têtes comme quand les frères et les sœurs prennent des décisions et des chemins contraires. Au prochain référendum, serons-nous à la croisée des chemins ou nous dirons-nous encore une fois « À la prochaine fois » ?

Il y a pourtant des domaines où nous ne pourrons pas dire éternellement « À la prochaine fois ». La culture québécoise a grandement besoin de notre appui. La présence du fran-çais en cette terre d’Amérique nous préoccupe déjà malgré les mau vaises langues : la recrudescence de l’usage de la langue française par nos jeunes artistes fait partie des preuves. La pré-sence d’armes de poing dans plusieurs domiciles de nos voisins nous fait peur, mais avons-nous le courage de les empêcher de nous l’imposer ? Monsieur Lévesque nous dirait « oui ».

Finalement, en quoi un gouvernement irrespectueux des valeurs de ses citoyens pourrait respecter les droits de qui que ce soit d’autre ? Le traitement – ou plutôt le mauvais traitement – des

Page 62: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

61

droits de la personne nous horripile et nous choque, mais sommes-nous aptes à nous écarter de cette façon de voir la poli tique internationale ? Pour ce qui est de la vision pacifique que nous avons de notre monde, nous les Québécois, comment soutenir plus longtemps les missions armées canadiennes ? Le favoritisme économique pourrait-il se tourner vers nos entre-prises québécoises autrement qu’en obtenant le plein contrôle de nos investissements et de notre fierté ?

Existe-t-il plus belle façon de retrouver la fierté perdue de justesse en 1995 que de rendre réelle l’impossibilité d’une prochaine fois en devenant un pays souverain pas plus tard qu’au prochain référendum ? À l’issu duquel, cette fois-ci, nous aurions retourné à monsieur Lévesque son « oui » très fort pour le remercier de sa vision avant-gardiste de la politique canadienne.

Page 63: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses
Page 64: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

63

Envisager l’avenir autrementpar Marc-André Gagnon, aspirant à la maitrise en histoire à l’Université

d’Ottawa

These are times that try men’s souls.— thomas paine

La cause du Québec est la cause de notre temps. Elle est celle de tout un peuple qui lutte pour sa liberté, pour son existence propre.

Alors que plusieurs commentateurs estiment le projet dépassé, il m’apparaît au contraire d’une extrême importance pour le développement de notre nation. Devant le refus systématique des fédéralistes à discuter clairement de l’avenir du Québec, il serait important de se pencher sur notre vision de l’avenir et du rôle de la jeunesse dans sa construction.

L’argumentaire indépendantiste classique se réduit souvent à trois principes fort simples. Accéder à sa souveraineté c’est permettre à l’État du Québec de prélever tous ses impôts, voter toutes ses lois et établir l’ensemble de ses relations internationales.

Or, il est temps de dépasser cette vision pour que notre projet devienne un véritable projet d’édification nationale. Édifier notre nation suppose que le projet incarne l’a÷rmation de nos droits, de notre culture, de notre histoire et, plus que tout, a÷rmer haut et fort que nous ne plierons pas devant toutes autres nations qui chercheraient à nous inféoder. C’est faire rayonner notre fierté et notre désir de faire société.

La question aujourd’hui est de savoir ce que signifie encore le projet d’indépendance pour le Québec et quelle direction

Page 65: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

64

notre génération compte-t-elle donner à ce projet pour qu’il soit moderne et qu’il ait une réelle portée sur le progrès de notre société ? Il est de notre devoir de mettre de l’avant ces questions et de créer l’espace de discussion nécessaire afin que le projet d’indépendance du Québec reflète les aspirations légitimes de l’ensemble du corps social québécois.

Ce sont les peuples qui font l’histoire. Malgré une riche tradi-tion, le Québec ne pourra aspirer à sa pleine maturité sans les leviers politiques et économiques nécessaires à son développe-ment. Certes, le développement historique particulier du Québec en fait une expérience sociale, politique et culturelle unique au monde. Mais refuser l’indépendance serait de refuser voir cette expérience portée plus loin. Cela serait de figer le Québec par des arrangements constitutionnels du XIXe siècle basés sur un partage de compétences inadéquat pour une société qui aspire à s’épanouir au XXIe siècle. En d’autres mots, cela reviendrait à nier l’existence d’une alternative au régime politique actuel.

Notre rôle est de créer cet espace afin que soit exposée la criti-que du régime fédéral et de ses institutions. Ces dernières nous sont étrangères et furent imposées au peuple québécois qui ne les a jamais choisies. La prérogative royale, la concentration du pouvoir au Cabinet combinée à l’absence d’un chef d’État élu, et l’absence d’une Constitution moderne sont autant d’indices que de manifestations du caractère passéiste du statu quo fédé-raliste canadien.

Historiquement, ce dernier n’est pas fondé sur un partage des souverainetés. Fortement centralisateur, il a plutôt forcé les Québécois à défendre leur autonomie à l’intérieur du cadre imposé en 1867. Tout au long de notre histoire, combien d’énergie avons-nous dépensée pour supporter quelques « défenseurs de nos droits » alors que ces derniers étaient fou-lés au nom du « canadian way of life and thinking » ? Pourquoi autant d’entêtement à vouloir réformer un système dont la seule finalité est sa reproduction dans le temps ?

Page 66: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

65

L’indépendance apparaît alors comme essentielle. Elle requiert une responsabilité collective complète et, en ce sens, c’est à notre génération qu’incombe la tâche d’envisager l’avenir autre-ment. Notre époque exige davantage qu’une répétition du passé et il est de notre devoir d’inscrire le projet souverainiste au cœur d’une réflexion sur ce que nous voulons pour le Québec et sur comment impliquer les Québécois dans ce vaste exercice.

Pour cela, il faut s’attarder à la question de la souveraineté, donc de l’exercice de l’autorité politique. Trop souvent, nous confon-dons dans notre démarche la souveraineté et État. Ce dernier est une forme d’organisation qui permet à la nation d’établir les arrangements d’une société moderne.

La souveraineté pose donc la question de qui exerce le pouvoir. Si notre peuple peut décider démocratiquement de son avenir constitutionnel, peut-il décider de ses politiques sociales, écono-miques ou culturelles ? La souveraineté permettra aux Québécois d’être les seuls décideurs du développement et de la direction à prendre pour le Québec.

Le simple fait que nous soyons des êtres humains implique que nous vivons en communauté organisée, que nous commu-niquons, que nous établissons des rapports sociaux, que nous sommes issus d’une tradition culturelle. Cela implique égale-ment que nous sommes tous concernés par les a≈aires publi-ques et que nous avons tous le droit et le devoir d’y participer.

L’élaboration d’un projet d’édification nationale suppose la création d’un système politique qui répond aux aspirations du peuple québécois et lui permettant d’avoir le plein contrôle sur les a≈aires politiques du Québec. L’adoption d’une Constitution moderne reconnaissant les droits de tous doit être la base de la fondation de l’État souverain du Québec.

De là peuvent émerger des institutions politiques démocra-tiques, modernes et québécoises qui seront bâties sur ce que

Page 67: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

66

nous sommes et non pas sur ce que les autres nations voudraient que l’on soit. C’est renverser l’imposition du modèle britannique et la mise en place d’institutions pour que soit assurée la partici-pation des gens à la conduite des a≈aires politiques.

Lançons la réflexion ! Choisir l’indépendance, c’est replacer le Québec au cœur de nos discussions. Si nous voulons ouvrir la voie au progrès, nous ne devons compter que sur notre capacité à établir notre propre modèle pour le développement de notre nation.

C’est notre rôle de tracer les grandes lignes du Québec de demain et de tenir cette discussion avec l’ensemble du corps politique québécois. Il faut envisager l’indépendance du Qué-bec autrement. Il ne faut plus en faire qu’une simple question de la souveraineté de l’État. À quoi bon faire un pays pour conserver les formes d’« ancien régime » qui caractérisent le Québec d’aujourd’hui ? L’indépendance est la porte de sortie du statu quo de notre société. Nous en sommes à un point de notre histoire où tout reste à bâtir malgré nos succès. Sans détourner notre regard du passé, c’est dans la construction d’un avenir brillant que nous devons placer nos énergies. N’est-ce pas là notre rôle ?

Page 68: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

67

Recherche de libertépar Jasmin Lavoie, étudiant en science politique à l’UQAM

« Devrais-je partir ou bien rester ? Devrais-je enfin tout laisser tomber ? » chante Jean Leloup. Cette question se pose aussi pour l’avenir du Québec dans la fédération canadienne. On dit souvent que la musique est le reflet de l’identité d’une géné-ration. Essayons de voir quelle est cette nouvelle jeunesse.

Pour ma génération, la souveraineté du Québec signifie indé-pendance. L’indépendance vient souvent par le travail. Voilà un mot primordial pour arriver à cette souveraineté. Jamais dans l’histoire une indépendance n’a été donnée, chaque pays a dû se battre pour y accéder. On ne parle pas ici de violence, mais bien de combat par l’usage de cette liberté de parole et d’expression acquise dans le passé. Par ailleurs, cette réalité distingue cette lutte aux autres luttes passées des pays pour leur indépendance.

Ma génération est en constante recherche de liberté. Ce désir de liberté, nous en sommes tout un chacun porteur. Nous avons besoin de sentir que notre vie nous appartient et que personne d’autre ne peut en profiter. C’est ce sentiment qui anime ma géné ration et c’est dans cette direction que nous orienterons ce futur pays.

Dans cette optique, notre génération construira le Québec de demain. Un Québec qui colle à nos valeurs. Un Québec qui sera avant-gardiste en développement durable, qui poussera ses entreprises à être précurseurs, à développer de nouveaux pro-duits, à être plus compétitives et, surtout, à les aider à continuer d’innover tout en respectant le travailleur québécois. Un Québec qui prend sa place sur l’échiquier mondial en étant audacieux et en apportant de nouvelles mesures afin de combattre le grand défi du XXIe siècle qu’est la préservation de notre espace naturel.

Page 69: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

68

Le Canada ne permet pas au Québec, et encore moins à notre géné ration, de s’émanciper sur ces points. C’est par la souverai-neté que notre voix sera entendue.

Dans un contexte d’ouverture sur le monde souhaitée et inévi-table des « Y », ma génération, un nouveau pays sur l’échiquier mondial ne signifie pas une fermeture sur soi. Au contraire, c’est la situation actuelle qui freine notre ouverture. Au sein d’un Canada uni, les relations internationales sont impossibles pour les provinces puisque le Canada cherche sans cesse à réa÷rmer sa primauté en la matière. Le Québec se trouve alors coincé.

Notre jeunesse a connu et a intégré les immigrants venus de partout dans le monde comme jamais auparavant. Les enfants montréalais sont bien habitués à l’immigration mais, pour les régions éloignées, l’immigration ne fait que commencer. Je suis originaire du Saguenay. Une chose m’a particulièrement frappé en arrivant à Montréal. J’étais en classe quand le professeur expliquait un problème touchant le Costa Rica. Le professeur a demandé s’il y avait une étudiante de ce pays dans la classe et quelqu’un a alors levé sa main. Elle nous a raconté quelques anecdotes et a approfondi ce que le professeur essayait de nous expliquer. Cela m’a frappé puisqu’une situation semblable s’était déjà produite lors de mes cours au Saguenay, à la seule di≈érence qu’au moment où le professeur avait demandé si quelqu’un était d’origine étrangère, tout le monde s’était mis à rire puisqu’on savait fort bien que l’enseignant ne faisait que blaguer. Néanmoins, cela m’a permis d’acquérir cette richesse incroyable qu’est l’ouverture et la tolérance envers les autres cultures et mœurs et ce phénomène se propage de plus en plus dans les régions et dans notre jeunesse.

Bien sûr, nous aurons à relever plusieurs défis au cours de ce siècle. Et pour la première fois, la plupart des experts s’enten-dent pour dire que nous vivrons moins bien que nos parents. Les défis sont surtout économiques : comment faire face au déclin démographique alors qu’il y aura trop de retraités par rapport

Page 70: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

69

à la population active. Cette situation est très alarmante et la dernière chose à faire serait de rester les bras croisés. L’État aura un rôle primordial à jouer afin de contrer ce phénomène. Plusieurs sacrifices devront êtres faits et nous devrons avoir une vision collective afin de repenser notre « vivre ensemble ». Cette situation sera d’autant plus importante pour chaque Québécois. Nombreuses sont les situations où nous avons été en mesure de constater la di≈érence de cette province francophone par rapport à ses voisines. Dans cette optique, nous devons choisir entre prendre ces importantes décisions ici, chez nous, avec nos valeurs et nos propres institutions, ou continuer à nous battre dans un système où notre poids politique est sans cesse diminué avec cette constante tendance centralisatrice des gouvernements canadiens.

Malgré le désintéressement assez généralisé de la population envers la politique, qui se traduit par des taux de participa-tion aux élections de plus en plus faibles, on constate dans les sondages que l’appui à la souveraineté reste tout de même assez stable année après année, entre 40 et 45 %. Cette très simple analyse nous permet de réfuter l’a÷rmation selon laquelle la souveraineté est une idée dépassée et d’une seule génération. Une génération comme la mienne doit mener ce projet à terme. Cela représenterait un bel avancement commun pour cette auda-cieuse jeunesse.

Un Québec souverain ne signifie pas un Québec seul et encore moins séparé complètement du reste du Canada. Le Canada est et devra rester un partenaire économique important pour le Québec. Notre génération comprend et désire garder de bons contacts avec son pays voisin. C’est en réalité tout ce qu’il y a de plus normal et de plus sain. Se doter d’un État viable qui répond à nos désirs et à nos aspirations dans le respect de chacun et dans une perspective d’ouverture et d’intégration au monde.

L’individu a souvent à choisir entre raison et émotion. Ce qui crée la force de ce pays que nous voulons, c’est qu’il réunit ces deux

Page 71: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

70

aspects. La raison, en ce sens que la République québécoise serait économiquement viable. Plusieurs études l’ont démontré. Ne serait-ce que par la force de notre PIB. Et l’émotion, puisque cette quête d’indépendance est en chacun de nous. Celui qui décide de se donner un pays le choisit au plus profond de son être et comprend son importance.

Ma génération, c’est aussi celle du Web 2.0, celle d’une acceptation complète des di≈érences et des multiples contra-dictions que peut contenir ce monde en constant changement. Ma génération, c’est celle des rêves, celle du désir de réussir, de se dépasser et de vivre dans un monde meilleur. Ma génération, c’est celle qui réalisera la souveraineté du Québec.

Page 72: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

71

L’indépendance, nationale avant toutpar Simon-Pierre Savard-Tremblay, responsable du contenu au Forum

jeunesse du Bloc Québécois

La liberté, c’est pour les êtres humains. Les forts comme les faibles, les heureux comme les tristes, les généreux comme les égoïstes, les humbles comme les fiers, les durs comme les fai-bles, les exaltés comme les dépressifs.

Qu’ils se soient appelés Duplessis, Sauvé ou Lesage, nos chefs d’État se sont tous heurtés rapidement aux barrières qu’impose à notre évolution le gouvernement central, par une habile exploita-tion des obscurités de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique.

Si nous nous regardons le nombril, il est évident que nous nous trouvons petits, faibles, sans défense. Si, par ailleurs, nous nous comparons, nous nous apercevons rapidement que nous som-mes beaucoup plus forts que nous ne l’imaginons.

— pierre bourgault

L’indépendance du Québec est un projet de longue date et la liberté est une vieille idée. Le projet de souveraineté est une question nationale avant tout. Il ne saurait en être autrement. Ce projet s’incarne profondément dans l’histoire du peuple québécois et vise à débloquer notre destin le plus noblement du monde. Notre histoire nous mène inexorablement à l’indépen-dance. Le Québec a atteint le maximum que peut lui permettre son statut politique. Il est actuellement un pays inachevé. La souveraineté sera un point d’aboutissement, mais aussi la libé-ration de l’avenir. Un survol de notre histoire s’impose.

Page 73: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

72

Les colons français bâtirent, avec l’aide précieuse des commu-nautés amérindiennes, un pays jeune et dynamique, et souhai-taient construire un nouveau monde et le transmettre à leurs descendants. L’identité de cette jeune nation était encore très fragile, dépourvue de mémoire collective de par sa nouveauté, et de ce fait dénuée de symboles et de référents nationaux. Le cours naturel de l’histoire aurait dû mener cette Nouvelle- France à se construire jusqu’à sa pleine maturité, ce qui aurait inévitablement mené à la rupture avec la métropole française. Un processus similaire à celui qui mena à l’indépendance des États-Unis, qui entretiennent aujourd’hui d’excellentes relations avec la Grande-Bretagne.

Puis, vint la Conquête en 1760, véritable tragédie qui mit fin à la formidable aventure française en Amérique. Plus encore, il s’agit du point de fracture fondamental de notre histoire, d’un détourne ment de destin. La jeune nation canadienne venait d’être annexée par un conquérant écrasant et imposant et allait désormais devoir se développer malgré et contre ses élites poli-tiques et non grâce à elles. En somme, ce fut le violent avorte-ment d’un fœtus en pleine croissance.

La suite est tragique et héroïque : coupée du Vieux Continent, notre société n’avait qu’un simple objectif, celui de survivre. Empêchant les Canadiens-français de se pencher sur des débats idéologiques naturels, la survivance était fondamentalement une réaction : par la « revanche des berceaux », par la création de multiples sections de la Société Saint-Jean-Baptiste, par la fidélité au clergé, notre peuple tentait de sauver l’essentiel : sa langue et sa religion. Son principal mythe fondateur, celui de la gloire du passé et de l’empire français d’Amérique, était sa première motivation à s’unir et à se solidariser. C’est ainsi que naquit dans la douleur une conscience nationale collective, qui permit la réunion d’un peuple encore peu organique autour d’un idéal de dépassement. La Conquête aura donc contribué, malgré la volonté de ses instigateurs, à l’union d’un peuple. Il n’a su÷t que de quelques années pour que cette courageuse population

Page 74: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

73

réussisse à obtenir la liberté civile et religieuse de même qu’un commencement de liberté politique en 1791.

En 1840, l’Acte d’Union répondait au rapport de Lord Durham, envoyé de Londres pour expliquer les révoltes des Patriotes de 1837-38, qui jugeait avec pitié que les Canadiens méritaient désormais d’être assimilés aux Britanniques, la race supérieure. Plus encore, deux changements importants survenaient par rapport au statut politique : l’union du Haut-Canada et du Bas-Canada et la mise en place du gouvernement responsable.

En 1867, répondant à des exigences internationales, Londres crée la Confédération canadienne. Maintenant que les Canadiens- anglais sont majoritaires, la représentation des deux peuples au Parlement fédéral est désormais proportionnelle, alors qu’elle était auparavant égale. C’est également le début de la province de Québec. Les Canadiens- français ont désormais un État qui leur permet d’exister en tant qu’entité collective, tandis que les minorités françaises disparaissent dans les autres provinces, où elles n’ont aucun rapport de force.

Contrôlant ce salutaire pouvoir exécutif, certains gouverne-ments ont choisi de céder aux diktats d’Ottawa, pendant que les Cana diens-français vivent dans un état d’arriération et d’infé-riorité économique et sociale. Se démarquant des autres premiers ministres, Honoré Mercier utilisa judicieusement ses préro ga tives pour permettre à ses concitoyens de conquérir leurs terres et leur agriculture ; mais les complices québécois d’Ottawa plani fièrent sa disparition de la vie politique en manigançant une sordide a≈aire de corruption. La lenteur d’un système de justice qui tarda à blanchir le premier ministre eut raison d’un de nos plus grands hommes d’État.

Au XXe siècle, la conscription forcée lors de la Première Guerre mondiale engendra une grave crise qui divisa durablement les deux peuples fondateurs. C’est également le début du nationa-lisme revendicateur. D’abord porté par des intellectuels et des

Page 75: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

74

historiens qui développèrent une histoire commune, des sym-boles et des héros du passé – comme Louis-Joseph Papineau ou Dollard des Ormeaux – dans le but de construire et d’alimen-ter une mémoire commune rassembleuse, il se répandit grâce à de puissants tribuns comme Henri Bourassa. Ce discours, répondant à un besoin, à une conscience tout juste endormie qui n’attendait que d’être réveillée, gagna l’ensemble de la popula-tion. Ce nationalisme, dont la naissance coïncide avec le renforce-ment du sentiment collectif et de la conscience historique chez les Canadiens-français, fut par la suite canalisé par l’Union nationale de Maurice Duplessis, qui fit de l’autonomie provinciale son cheval de bataille électoral, et parvint à créer le ministère du Revenu et à doter le Québec d’un magnifique drapeau.

Puis, dans les années 60, le nationalisme devient québécois à mesure que l’État québécois s’engage sur la voie du développe-ment économique et social, et le mouvement indépendantiste sort de la marginalité tandis que le gouvernement va dans le sens d’une reconquête québécoise, agrémentée par le discours du général de Gaulle en 1967.

C’est dans cette période que le Québec est véritablement passé dans la modernité. En 1976, le Parti Québécois des René Lévesque, Jacques Parizeau et Camille Laurin prend le pouvoir. La loi 101 du Dr Laurin reste sans aucun doute le plus bel héritage de cette époque charnière, nous ayant guéris de nombreux maux et complexes.

En 1982, Pierre Elliott Trudeau rapatrie unilatéralement la Consti-tution pour y enchâsser sa Charte des droits et libertés, faisant du multiculturalisme la religion o÷cielle du Canada. Le Québec fut exclu des négociations et n’est toujours pas signataire à ce jour.

Enfin, en 1990, l’Accord du lac Meech, une tentative du premier ministre Brian Mulroney de réintégrer le Québec dans la Constitution canadienne en lui conférant le timide statut de

Page 76: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

75

« société distincte », est rejeté par le Manitoba et Terre-Neuve, faisant échouer le processus. Sa version édulcorée, l’Accord de Charlotte town, fut également un échec un an plus tard.

Ce survol de notre histoire est essentiel pour comprendre une constante : chaque fois que le Québec a décidé de prendre en main sa destinée, il fut gagnant. Nous avons une chance extraordinaire d’avoir un État, et un État très puissant et très développé. Il serait grand temps de l’utiliser pour sortir du cadre trop étroit que nous impose le fédéralisme canadien. Par le passé, il a même contraint le pouvoir étranger, qu’il fut à Londres ou à Ottawa, de lui accorder quelques concessions, jusqu’au point maximal possible. Nous constatons également que le Canada anglais impose des limites à son gouvernement central en ce qui concerne la reconnaissance du Québec, si bien qu’Ottawa ne pourra jamais aller au-delà du domaine du symbolique, comme la reconnaissance de la nation québécoise ou le strapontin à l’UNESCO. Daniel Johnson, premier minis-tre du Québec (1966-68), disait que « le Canada sera biculturel ou ne sera pas », il semble plutôt qu’il ne pourra survivre en étant un ou l’autre. Le Canada ne peut survivre que grâce au départ du Québec, car ce dernier a définitivement obtenu le maximum de ce qu’il pouvait obtenir en tant que province, et Ottawa a donné le plus qu’il pouvait. Les limites imposées par la bureaucratie d’Ottawa sont désormais insoutenables et la sous-oxygénation va bientôt devenir de l’asphyxie pure et simple. La solution n’est pas dans les larmes ou dans les plaintes, mais dans l’action.

La modernisation du Canada le poussant vers une centralisa-tion croissante est contraire aux aspirations du Québec. Sa Cour suprême, chargée de faire appliquer le sacro-saint multicultura-lisme et les droits individuels au détriment des droits collectifs, a littéralement charcuté les lois linguistiques protégeant le fait français au Québec. Un autre exemple fort éloquent : la sovié-tique loi C-20, véritable confiscation de la démocratie québé coise. Ottawa panique depuis le vol référendaire de 1995 et déploie

Page 77: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

76

tout l’arsenal possible. Des millions de dollars sont toujours utilisés afin d’acheter notre appartenance au Canada.

Tout cela est contre nature, tout comme l’est le multicultu-ralisme, qui fait du Canada une fédération de communautés ethniques ghettoïsées et repliées sur elles-mêmes. Plus qu’une réalité, c’est d’une idéologie de construction sociale (ou de déconstruction nationale) qu’il s’agit, et cette dernière a gagné les élites médiatiques et politiques. Or, si le nationalisme identi-taire et historique fut également théorisé par les intellectuels, il répondait à un « fond » bien réel au sein de la population. Le multi culturalisme est contraire aux volontés du peuple québé-cois, qui ne veut pas être une communauté parmi d’autres et qui ne souhaite pas que son État soit une province comme les autres. Il ne veut pas non plus d’une immigration qui, contrôlée par autre que par son gouvernement légitime, se traduise en enclaves où les nouveaux arrivants reproduisent intégralement leur mode de vie antérieur. Un fossé s’est clairement creusé entre les élites multiculturelles et le peuple, encore attaché au fait national, à sa culture, à sa langue, à son identité, à son histoire, à lui-même.

Le combat pour l’indépendance s’ancre totalement dans notre histoire : la rupture avec Ottawa n’en est pas une avec le passé, mais constitue plutôt la chute du mur qui bloque sa continua-tion logique. Il s’agit de cesser de tourner en rond, de débattre de futilités, de se livrer à des discussions sur les manières de gérer les miettes de sa dépendance, héritée d’un provincialisme de plus en plus ingérable. Une société normale devrait parler sa langue, pas parler de sa langue. Le statut de la langue française serait un fait acquis dans n’importe quel pays. Connaissez-vous des nations souveraines unilingues où la question linguistique occupe l’actualité ? L’anglais est la langue o÷cielle de la Grande-Bretagne, le français de la France, le portugais du Portugal, le néerlandais des Pays-Bas, etc.

Alors que l’Occident a opté, fort heureusement, pour le modèle de la démocratie libérale, la nation, fruit d’une histoire et d’une

Page 78: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

77

mémoire communes, reste le principal facteur de cohésion sociale, d’unité et de solidarité. Rappelons-nous que si nous sommes indépendantistes, c’est parce que nous sommes natio-nalistes avant tout. Car cette nation fut bâtie par nos ancêtres, et nous devons la léguer en héritage à nos enfants, comme nos parents l’ont fait auparavant. Et c’est en tant que pays que cette nation sera totalement accomplie. Alors que nous sentons la société québécoise politiquement fatiguée et divisée, ne serait-ce pas un projet enthousiasmant et unificateur que de construire un pays qui participera au monde et qui prendra part aux décisions qui le toucheront directement ?

Une nouvelle génération dynamique de jeunes québécois fiers et sans complexe émerge. Il s’agit de la génération de l’indépen-dance. Il ne pourrait en être autrement, et ni les lois coercitives d’Ottawa, ni sa propagande ne pourront l’empêcher.

Ce sera, comme le disait René Lévesque, le début de l’histoire normale du Québec.

Page 79: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses
Page 80: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

79

Le grand voyagepar François Croteau, maire de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie

J’ai rêvé un jour d’un grand voyage. J’espère encore de grandes réalisations. Chaque jour est l’occasion de l’expression de sa grandeur. Entre le doute et la fierté, ses pas se font avec discré-tion, mais combien marquants ! Ses pêches miraculeuses et fructueuses se font sentir du golfe aux rapides. Sources de vie, ses terres qui longent son fleuve sont le portrait linéaire abstrait que le ciel salue à son réveil. Ses forêts nous rappellent les plus grandes aventures improbables, jusqu’aux plus controversés des combats. Son climat est celui des paradoxes et des passions qui font vibrer les premières paroles du jour.

Ce voyage dont j’ai rêvé s’exprime dans les plus nombreux de ses caractères, plus que tout, sa langue qui en fait son unicité. Sa diversité en est sa distinction et le territoire en est son témoi-gnage. Au-delà de son espace, un peuple en a fait son âme. L’amour est l’expression qui définit la relation qui me lie à lui. Indissociable, sa culture s’est forgée et exprimée par ses lieux de toutes les saisons. En découlent les émotions vives de chacun de nous qui avancent pour lui donner ses couleurs. Du passé au présent, elles sont de bleu et de blanc, d’eau et de neige, appri-voisées par celles venues d’ailleurs. De tolérance et de solida-rité, son peuple avance déjà dans l’Assemblée des Nations avec la tête haute. Sa définition est l’amalgame culturel et territorial unique qui en fait son orgueil. Tout me lie à lui, tout me fait agir pour lui, tout me fait rêver de lui.

Un jour, j’ai fait le serment que mon action et ma vie lui seraient dédiées. Un jour, je me suis lié à lui physiquement à jamais. Il est en moi, il est tout de moi, il est qui je suis et d’où je suis. Le Québec est mon lieu, sa nation est ma famille, sa langue mon expression. Il n’a d’amour plus fidèle que celui que j’ai pour

Page 81: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

80

mon pays, celui que j’ai pour ma nation. Au-delà de tout, comme mes aïeuls, au jour ultime j’aurai le regard fier, l’âme en paix et le corps droit d’avoir combattu pour lui, d’avoir résisté pendant les plus orageuses des tempêtes pour lui. C’est la raison qui accompagne ma passion. Cette raison qui me donne la force de continuer et croire en lui toujours davantage. La raison est la conscience d’être. Ma raison est celle d’être Québécois.

Page 82: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

81

LA LIBERTÉ NATIONALE :

Avec, avant et après la souverainetépar Vincent Roy, étudiant en économie et politique à l’Université Laval

Dans une démocratie, peu importe le type, toutes les idées ont des appuis et des oppositions. L’unanimité est pratiquement impossible dans les sociétés où il existe une liberté de pensée. Loin de l’atteindre, l’idée de souveraineté du Québec connaît une vive opposition qui a longtemps tenté de lui dicter un agenda référendaire forçant le mouvement à passer trop de temps sur son moyen et pas assez sur son objectif. Le Plan pour le Québec souverain dit chercher à couper avec cette tradition de l’« attentisme » pour revenir à la pédagogie entourant le projet. Sceptiques au départ, les souverainistes voient, au gré des derniers mois, de nouveaux porte-parole se rajouter à une attitude poli tique du Parti Québécois apparaissant comme en évolution, pensons seulement à l’ABCD de la souveraineté. Est-ce que le meilleur reste à venir ? Les optimistes diront oui (il en manque toujours de ceux-là !) et les pessimistes diront que l’histoire nous le dira (c’est long attendre après l’histoire).

Si décoller du moyen permet aux leaders politiques de revenir au projet face aux Québécois, ce même décollage doit permettre aux souverainistes d’aller plus loin que le projet pour parler de ses motivations. L’une d’elles, la principale, c’est cette lutte dite de libération nationale des Québécois faisant ainsi référence à cette profonde revendication de l’humanité à travers les âges : la liberté.

Ce court texte se veut donc une analyse de la relation entre la liberté des Québécois et le projet de souveraineté du Québec.

Page 83: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

82

LA LIBERTÉ AVEC LA SOUVERAINETÉ

Pourquoi avec au lieu de pendant ? Bien que ça permette de faire un jeu de mots amusant avec les piles AAA (avec, avant, après), je choisis avec parce que la souveraineté du Québec n’est pas un événement, mais un autre stade constitutionnel comme les Québécois l’ont connu en 1791 ou en 1867, par exemple.

La di≈érence la plus frappante avec tous les autres stades constitutionnels que le Québec a connus c’est que nous sortirons d’une suite de statuts étatiques imposés, par un projet démo-cratique qui donnera sur le premier État indépendant régi par un Parlement élu des Québécois. C’est là le plus important gain de liberté que la souveraineté apporte puisque les trois grands pouvoirs de l’État de droit (exécutif, législatif et judiciaire) ne seront plus partagés – à l’avantage du palier fédéral – entre Québec et Ottawa.

Au-delà de toute la législation, la souveraineté du Québec remet aux Québécois le poids de la décision collective. Comme le dit l’Oncle Ben : « Un grand pouvoir amène de grandes responsabi-lités. » Loin d’être inquiétante, cette responsabilité qu’incombe la liberté – le pouvoir – ne doit plus être vue comme une source d’incertitude pour le Québec, mais, au contraire, comme une opportunité à saisir à promouvoir la liberté par la liberté.

LA LIBERTÉ AVANT LA SOUVERAINETÉ

Le terme liberté est rarement utilisé en politique québécoise. Cela s’explique probablement parce que, dans notre imagi naire collectif, si la liberté fait défaut c’est que nous vivons dans un régime tyrannique, totalitaire qui réduit à néant toute forme de libertés individuelles (merci Hollywood ?). Ainsi, la plupart des Québécois ne se voient nullement menacés dans leurs capacités de choisir dans leur vie de tous les jours. Légèrement di≈érente, la liberté nationale, elle, est l’expression d’un choix collectivement accepté et assumé. En fait, nous parlons là d’une liberté qui est davantage porteuse, par sa nature, pour le projet indépendantiste.

Page 84: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

83

Or, aujourd’hui, nous peinons à voir les consensus ou les frustra-tions des Québécois s’assumer parce qu’entre la perception et les idées de la population et leur propre gouvernement national, il y a un monde. La crise des accommodements raisonnables, la situation du français à Montréal, les scandales potentiels dans le domaine de la construction, les idées largement appuyées au sein de la population comme le rapport d’impôt unique, la souve-raineté culturelle, l’indépendance énergétique, la décentralisa-tion des leviers économiques, la reconnaissance à l’UNESCO, pour ne citer que ceux-là, sont tous des dossiers acceptés par la population, mais refusés par notre propre gouvernement national. Il est permis de croire que ces gestes d’a÷rmation joue-raient des cordes qui, avouons-le, un gouvernement fédé raliste – porté sur le statu quo – comme celui du PLQ craint pour ses propres intérêts partisans ou idéologiques expliquant, en partie, notre di÷culté à assumer collectivement nos choix.

En fait, dès le moment où l’on se penche sur les motivations de la souveraineté, on cherche immanquablement à faire grandir la liberté des Québécois par tous les moyens. Ce qu’on définit comme le avant de la souveraineté, ce qui doit mettre la table à l’indépendance ne doit donc pas être sombre et stagnant, une espèce de Grande Noirceur d’où émanerait la souveraineté. Cet espace, un gouvernement souverainiste devra l’occuper en donnant de la crédibilité aux projets collectifs des Québécois, à leur liberté nationale. Bref, comme disait René Lévesque, montrer qu’« on est capable ».

LA LIBERTÉ APRèS LA SOUVERAINETÉ

Si la souveraineté donne tous les pouvoirs d’un État indépendant à notre Assemblée nationale, encore faut-il que ce Parlement représente aussi fidèlement que possible la volonté populaire et soit en mesure d’être l’outil de changement que l’on attend d’un Québec libre.

Ainsi, comme le gouvernement péquiste de 1994 le voulait – la logique voudrait que cela fasse toujours partie de la stratégie

Page 85: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

84

postréférendaire – l’assemblée constituante du nouvel État souve rain devra envisager sans complexe les nouvelles possibi-lités de régimes auxquels les Québécois pourront être soumis. Le chapitre VIII du dernier livre de Jacques Parizeau20 est parti-culièrement intéressant à ce sujet, mais je tiens quand même à souligner l’importance du mode de scrutin dans ces débats qui s’ouvrent à nous ou qu’on choisit de reporter pour des raisons stratégiques. Le mode de scrutin actuel uninominal à un tour a provoqué, provoque et peut provoquer une telle distorsion entre la volonté populaire et la représentation politique puisqu’un parti peut, théoriquement, prendre le pouvoir de façon majori-taire avec moins de voix que celles obtenues par le parti d’oppo-sition o÷cielle. « Faire grandir la liberté des Québécois » passe donc nécessairement, dans le cadre d’un pays indépendant, par un régime où le citoyen est davantage responsable des prises de décisions politiques21.

L’autre importante question servant à faire avancer la liberté des Québécois après, mais aussi avant l’indépendance du Québec est cette éternelle relation entre l’économie et la société. Si, dans une société de droit, les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont les principales forces avouées en présence, il ne faut pas négliger l’influence du pouvoir économique. Nos entreprises – de tous types – sont sources de création de richesse comme de misère, de développement et de protection de l’environne-ment comme de saccages irréparables, d’exploitation comme de fierté. En d’autres mots, notre économie, dans toute sa variété, définit le visage de notre société.

Le but de ce texte n’est pas de faire le procès du libéralisme ou de l’interventionnisme québécois, mais de ne pas oublier que si nous sommes souverainistes pour la liberté, cette cause ne meurt pas après un référendum. Quelle sera notre relation avec la spéculation boursière, la fiscalité et les finances publiques,

20   PARIZEAU, Jacques. La souveraineté du Québec. Hier, aujourd’hui et demain, Les éditions Michel Brûlé, 2009, 254 pages.

21   On pourrait également inclure la question de la déconcentration des pouvoirs dans le nouvel État.

Page 86: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

85

l’exploitation de nos richesses naturelles, notre éducation nationale, notre développement durable ? Toutes ces questions ne trouveront évidemment pas immédiatement de réponses. Comme souverainistes, comme amants de la liberté, il nous appartient cependant de les analyser avec la lunette appropriée.

La perspective de la responsabilité collective, de la liberté, doit être au cœur de la nouvelle société que nous bâtissons déjà et que l’on peut souhaiter plus durable et démocratique que ce que le cadre canadien ne nous a jamais permis.

Page 87: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses
Page 88: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

87

MONDIALISATION ET SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC :

Antagonismes irréconciliables ?par Alexandre Maltais, étudiant en relations internationales et en droit

international à l’UQAM

Dans le débat souveraineté-fédéralisme, les partisans du statu quo avancent parfois que la souveraineté du Québec est un idéal dépassé dans le contexte de mondialisation. Ils mettent en contradiction la mondialisation et la souveraineté étatique. Dans un environnement international où les acteurs non étatiques (orga nisations internationales non gouvernementales, entre-prises multinationales, etc.) prennent une place grandissante, souvent au détriment des pays souverains, pourquoi le Québec voudrait-il devenir indépendant ? En fait, loin d’être en oppo-sition avec la mondialisation, la souveraineté du Québec est aujourd’hui plus nécessaire que jamais.

Choisir entre la souveraineté du Québec et le fédéralisme cana-dien revient à faire le choix entre devenir un acteur international actif impliqué dans les grandes organisations internationales ou demeurer un spectateur incapable de se faire entendre lors des négociations internationales qui ont une incidence directe sur la vie des citoyens québécois. Se contenter du provincialisme veut dire renoncer à participer pleinement à la vie internationale. Car pour prendre part au concert des nations, encore faut-il que le Québec ait minimalement une voix, ce qui ne sera jamais possible dans le cadre de la fédération canadienne.

Bien sûr, le Québec entretient déjà des relations extérieures, c’est d’ailleurs un des États non souverains les plus présents sur la scène internationale. Le fondement juridique de cette action internationale du Québec se résume essentiellement en

Page 89: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

88

un discours que Paul Gérin-Lajoie, alors ministre de l’Éducation dans le gouvernement Lesage, a prononcé en 1965. Cette doc-trine propose que les compétences internes des provinces aient un prolongement externe ; en pratique, elle permet au Québec de signer des ententes internationales en matière de santé et d’éducation, par exemple. Tous les gouvernements qui ont suivi le gouvernement Lesage se sont appuyés sur cette interpréta-tion de la Constitution canadienne dans la poursuite de leurs objectifs et ambitions sur la scène internationale. Il s’agit là encore aujourd’hui d’un rare consensus entre les partis poli-tiques à l’Assemblée nationale.

Cependant, il y a plusieurs limites à l’application de la doctrine Gérin-Lajoie. Tout d’abord, il faut savoir que malgré l’existence de ce consensus au Québec à propos de l’application et la perti-nence de la doctrine Gérin-Lajoie, jamais le gouvernement fédé-ral, qu’il soit conservateur ou libéral, n’a accepté de reconnaître sa validité. Il en résulte que plus souvent qu’autrement, lorsque le Québec a eu des ambitions internationales, Ottawa s’y est farouchement opposé, que ce soit dans la négociation d’une entente en matière d’éducation avec la France, ou plus récem-ment, lorsque le Québec a voulu participer à la conférence de Copenhague. Il paraît évident que tant et aussi longtemps que le Québec demeurera une province canadienne, il ne disposera que de l’espace que le gouvernement fédéral veut bien lui accorder.

Au mieux, le Québec pourra influencer la position canadienne, au pire il sera complètement marginalisé. On parle souvent des « coûts de l’indépendance », mais plus rarement des « coûts du fédéralisme canadien ». La question est légitime : combien ce silence, cette impossibilité à se faire entendre sur la scène inter-nationale, coûte-t-il aux Québécois ?

L’exemple le plus éclairant qui me vient à l’esprit est la saga qui a précédé le sommet de Copenhague. Le premier débat a porté sur le choix de la cible de réduction de GES du Canada dans les négociations entourant le sommet de Copenhague. Pour le

Page 90: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

89

Québec, le gouvernement fédéral se devait de prendre 1990 comme année de référence car autrement, tous les e≈orts québé cois des 20 dernières années seraient e≈acés d’un coup de crayon. Bien que le Québec ait eu quelques alliés du côté du Canada anglais, il semble que les groupes d’intérêts liés aux compagnies pétrolières et les provinces de l’Ouest aient eu plus de poids puisque la cible de réduction de GES du Canada a été fixée à 20 % par rapport à 2006. Les Québécois se trouvent à être les grands perdants de cette décision. Mais parce que celle- ci était prévisible, il y a eu aussi le débat sur la présence du Québec à Copenhague. La protection de l’environnement étant une responsabilité partagée, selon la doctrine Gérin-Lajoie, le Québec aurait dû avoir son mot à dire. À ce sujet, le ministre de l’Environnement du gouvernement Harper, Jim Prentice, a été d’une limpidité stupéfiante : « Le Canada parlera d’une seule voix à la conférence internationale de Copenhague. »

Nous nous retrouvons donc dans une situation où le représen-tant des Québécois, le premier ministre du Canada, doit protéger des intérêts contraires, québécois et canadiens. Le résultat est qu’il négocie en ayant en tête les intérêts de la majorité cana-dienne. Ce serait impossible qu’une telle aberration se produise si le Québec était un pays souverain.

Il faut briser l’idée que le Québec à l’intérieur de la fédération canadienne a plus de poids sur la scène internationale qu’il n’en aurait s’il était souverain. Si le Québec n’accède pas à sa pleine souveraineté, il sera de plus en plus marginalisé et la minorité québécoise aura de moins en moins d’influence sur les positions internationales du Canada, ne serait-ce que par son importance démographique décroissante.

Maintenant, imaginez ce que pourrait accomplir un Québec indé-pendant. Que dirait le représentant du Québec aux Nations Unies lors de débats sur le réchau≈ement climatique ? Gageons qu’il tiendrait un discours fort di≈érent de celui du Canada. Quels seraient les objectifs internationaux d’un Québec souverain ?

Page 91: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

90

À quelles missions de paix participerait-on ? Quels traités interna-tionaux signerait-on ? Personnellement, je crois que la di≈érence fondamentale serait que ces positions seraient fondées sur des décisions prises par des Québécois et non pas imposées par la majorité canadienne.

Rien n’empêche qu’un Québec indépendant ne fasse front commun avec le Canada lorsque leurs intérêts convergent, mais lorsque ceux-ci di≈èrent, il me semble logique que leurs positions respectives aillent dans des directions opposées. Une évidence qui est malheureusement incompatible avec les règles du fédéralisme canadien.

Page 92: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

91

MANIFESTE POUR LA SURVIE DE LA NATION QUÉBÉCOISE

L’avenir de la langue française au Québecpar Jean-François Veilleux, étudiant en philosophie et en histoire du Québec

à l’UQTR

Dans le contexte actuel de la mondialisation marchande et du métissage des di≈érentes cultures qui peuplent notre planète, les mouvements nationalistes prennent davantage de place surtout depuis un siècle, et les critiques de ces mouvements deviennent très sévères envers ceux qui voudraient « diviser davantage le monde contemporain ».

Depuis la venue des Filles du roi, envoyées il y a plus de trois siècles par Louis XIV, la langue française a évolué et elle conti-nue constamment de se ra÷ner. Le français constitue l’une des facettes les plus fondamentales de l’unité de notre identité collective. Claude Poirier, un des initiateurs du Trésor de la langue française au Québec, a bien illustré les multiples liens entre « lexicographie » et « conscience identitaire ». Le français est la langue de chez nous, la langue de nos artistes. Celle-ci se développe continuellement et fait place à une spécification québécoise qui se démarque du français parlé par les Belges, les Haïtiens, les Sénégalais et les Suisses romands, etc. Mais si on veut sauvegarder notre belle langue française en Amérique du Nord, l’indépendance est la seule garante de cette liberté.

Nous sommes un peuple avec une langue unique, un dérivé du vieux français européen. Des exemples ? Nous sommes le seul peuple sur la Terre à utiliser le su÷xe « eux » dans le langage populaire. À ce sujet, on évoque souvent des « ostineux », des « pouceux », des « téteux », etc. Mais la grande particularité de la langue québécoise courante, c’est encore l’utilisation du su÷xe

Page 93: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

92

« oune ». En e≈et, nous sommes les seuls à parler couramment de « minoune », de « moumoune », de « poupoune », etc. Sans oublier certaines figures québécoises populaires, réelles ou fictives, comme le personnage de Ti-Coune (Le temps d’une paix), les humoristes burlesques comme La Poune (Rose Ouellette) et Ti-Zoune (Olivier Guimond, père).22

Le caractère du vocabulaire québécois est unique avec l’apport des nombreuses liaisons du joual. Quelques exemples : « T’as-tu fini ? », « Y va’r’venir ! », « Yé tu encore là ? », « ’Fas-là ? », « Ardonne-moi z’en ! », « Hey toé ! », « Ch’pu capable ! », « Check ben ça man ! », etc.

Donc, l’élément moteur fondateur et principal de la souverai-neté, c’est la préservation de notre langue. La souveraineté est un « tremplin pour réaliser une société plus juste ». Véritable-ment, elle n’est pas un but en soi, elle est un moyen pour nous d’accéder au plein contrôle de nos pouvoirs culturels, écono-miques, politiques, sociaux, religieux et, bien sûr, assurer notre présence sur la scène internationale. De plus, étant donné le contexte politique de la présence et de la proximité de nos puissants voisins, les anglicismes font désormais partie inté-grante de notre vocabulaire. En ce sens, c’est aussi ce qui fait de moi un individu appartenant à une nation di≈érente de la nation française européenne. Somme toute, la langue, écrite comme parlée, est un outil nécessaire à la compréhension de tous les habitants de cette sphère nationale et identitaire qu’est le Québec.

Alain Rey, linguiste et sémiologue, précise aussi que « la langue était d’abord un vecteur de rapprochement entre les hommes et les peuples ».23 C’est aussi le symbole par excellence de notre attachement commun à un système de valeurs telles que la démocratie, la liberté, la tolérance religieuse, la fraternité et l’égalité des chances.

22  Merci à Richard Doiron, Grand-Sault, Nouveau-Brunswick23 La Presse, 6 avril 2008.

Page 94: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

93

En tant que Québécois, les premiers et derniers représentants de la langue française en Amérique du Nord, avec nos frères Acadiens, il faut revenir au pourquoi de la souveraineté. Nous sommes les dignes ambassadeurs responsables de la conserva-tion de cette langue. En d’autres mots, les Québécois sont les seuls responsables de la survie des Québécois. La relation entre une nation et sa langue, son histoire, sa culture et ses valeurs est intimement liée à son destin comme le futur est intimement lié à son passé. Nous devons donc persister à promouvoir le français auprès des immigrants et des nouvelles communautés ethniques qui s’installent ici, sans oublier la jeune génération dont le fran-çais écrit est sou≈rant.

Selon Victor-Lévy Beaulieu, il y a 40 % d’analphabétisme au Québec.24 Plus précisément, les statistiques font peur : « La popu lation de langue française est passée sous 50 % à Montréal et 30 % des francophones ne travaillent pas dans leur langue. De plus, un enfant francophone sur deux ne sait pas bien écrire ».25

Le démographe Marc Termote est l’auteur de l’une des fameuses études cachées par l’O÷ce québécois de la langue française. Selon ses prévisions, la part du groupe francophone selon la langue d’usage à la maison diminuera tout au long de la période de prévision (2006-2051). À la fin de cette période, la proportion de francophones serait de 42,3 % dans l’île de Montréal et de 72,3 % dans l’ensemble du Québec. Les données de Statistique Canada en 2006 montrent que la proportion de citoyens de langue maternelle française est déjà tombée sous la barre des 80 % dans l’ensemble du Québec et sous le seuil de 50 % sur l’île de Montréal.26

Si nous voulons accéder à une postérité solidement établie, l’aspect linguistique de la nation canadienne-française doit

24  Cf. La Presse, 2 mars 2008.25  Pierre Foglia, La Presse, 8 mars 2008.26   Marc Termote est directeur du CIED (Centre interuniversitaire d’études démographiques) et 

professeur retraité de l’Institut national de la recherche scientifique. Cf. Urbanisation, Culture et Société, mars 2008.

Page 95: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

94

être la base primordiale de notre peuple. André Pratte estimait encore récemment que : « pour le Québec ancien, l’anglais est resté la langue du conquérant plutôt que l’outil permettant aux Québécois de conquérir le monde » et a÷rmait qu’il ne fallait pas nécessairement modifier ou renforcer la loi 101, mais plutôt miser « sur notre volonté collective et individuelle de parler et d’écrire un français de qualité ».27 Abondant dans le même sens, Ségolène Royal, lors de sa visite au Québec, précisait que : « Tenir à sa langue, ce n’est pas s’opposer aux autres, c’est se respecter soi-même et, sachant ce que l’on veut pour soi, le vouloir pour les autres ».28

Quant à Michel Lepage, il déclarait qu’un gouvernement du Parti Québécois devrait revenir à la loi 101 originale pour que le réseau collégial devienne couvert par cette même loi et que le « pro-cessus d’anglicisation du Québec » soit e÷cacement freiné. C’est notre responsabilité, car nous sommes « le foyer national du seul peuple francophone en Amérique » et que « l’indépendance c’est l’outil [nécessaire] qui permet aux peuples de vivre, de s’épa-nouir et de prospérer dans leur langue et dans leur culture ». Mistral disait : « Qui tient la langue tient la clé qui, des chaînes, délivre un pays ».

En cette récente occasion historique du 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec par Samuel de Champlain, il faut souligner l’importance de notre fierté nationale à promouvoir et à garder vivante notre langue. Marthe Bibesco, une écrivaine roumaine d’expression française, a÷rmait avec poésie et fierté qu’« avec l’anglais on va au bout du monde, avec le français on va au fond des choses ».29 Par contre, il faut se rappeler que la langue n’est qu’un outil pour a÷rmer notre identité. Notre « langue maternelle vraie », avec toutes ses caractéristiques particulières, c’est davantage le québécois que le français.

27 La Presse, 15 février 2008.28 La Presse, 20 septembre 2007.29   Par ailleurs, je tiens à féliciter tous nos artistes talentueux, tant du domaine littéraire, ou musical 

que cinématographique, qui savent démontrer notre immense potentiel créatif et innovateur en tant que peuple francophone unique. Vive le Québec et la langue française libres !

Page 96: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

95

Malgré tout, certains disent qu’on va finir par disparaître comme identité distincte d’une manière ou d’une autre. Étant membres du seul peuple francophone en Amérique – et grâce à notre résistance culturelle de plusieurs siècles – il est de notre devoir de transporter à travers le temps les délices d’une langue de plus en plus maganée ! Le Québec est un pays ouvert sur le monde qui possède plus de richesses naturelles que plusieurs dizaines d’autres pays mis ensemble. Je pourrais facilement discourir sur les bienfaits d’une indépendance totale pour pouvoir, enfin, nous gérer nous-mêmes, mais l’espace me manque ici. Sachez seulement que, comme disait Falardeau, celui qui gagne, c’est celui qui ne se tanne pas et qui reste debout le dernier... NOUS VAINCRONS !

Le langage c’est une collectivité virtuelle, c’est une communauté politique. Quelqu’un qui n’est pas maître de son langage, n’est absolument pas maître de son destin. — batlam (loco locass)

L’art est un témoignage.— biz (loco locass)

On va toujours trop loin pour les gens qui ne vont nulle part.— pierre falardeau

Pour commenter ce texte : [email protected]

Page 97: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

L’intérieur de ce livre est imprimé sur un papier fait au Québec et certifié ÉcoLogomc. Ce papier contient 100 % de fibres recyclées postconsommation, en plus d’être blanchi sans chlore et  fabriqué sans acide, à partir de biogaz récupérés.

Page 98: La Souveraineté nouvelle génération · génération Y perçoit encore la pertinence et la nécessité du projet souverainiste, en le réactualisant au gré de son vécu et de ses

Trente ans après le référendum de 1980 et 15 ans après celui de 1995, le mouvement souverainiste est toujours bien vivant au Québec et la réalisation de la souveraineté demeure une quête de plus en plus endossée par la jeune génération. Dans la foulée des René Lévesque, Pierre Vadeboncœur, Jacques Parizeau et Lucien Bouchard, des jeunes québécoises et québécois désirent à leur tour prendre le flambeau et porter ce projet qui leur tient à cœur, un projet réaliste, actuel, concret et ouvert sur le monde.

Ce recueil de textes donne la parole à 20 jeunes québécoises et québécois qui présentent leurs réflexions sur la souveraineté. Découvrez un univers unique et rafraîchissant dans lequel la nouvelle génération annonce ses couleurs.

RECUEIL DE TEXTES

LA S

OU

VER

AIN

ETÉ

: NO

UV

ELLE

GÉN

ÉRAT

ION

Foru

m je

unes

se d

u B

loc

Qué

béco

is