70
La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes Par Anne-Marie Mecteau Essai sous la supervision de Pascal Schneeberger présenté dans le cadre de la Maîtrise en intervention en toxicomanie UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE Faculté de médecine et des sciences de la santé © 15 mai 2015 L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement

de la dépendance aux opioïdes (TDO)

chez les femmes enceintes

Par

Anne-Marie Mecteau

Essai sous la supervision de Pascal Schneeberger présenté dans

le cadre de la Maîtrise en intervention en toxicomanie

UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

Faculté de médecine et des sciences de la santé

© 15 mai 2015

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 2: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

i

RÉSUMÉ

Il est bien documenté que la stigmatisation des femmes enceintes toxicomanes existe

dans notre société sous forme de représentations négatives et attitudes désapprobatrices à leur

égard. Cet essai vise à cerner le processus social de la stigmatisation des femmes enceintes et

mères consommatrices et comprendre en quoi les systèmes de signification reliés à ce

phénomène s’étendent plus particulièrement aux femmes enceintes et mères en TDO. Ceci,

afin de démontrer qu’il est possible de susciter l’engagement chez ces femmes, pour lesquelles

la honte, la culpabilité et la peur d’être jugée pose un défi relationnel.

À partir d’entrevues semi-dirigées avec des mères en TDO, mon objectif est le

suivant : Cibler des pistes d’intervention gagnantes face à la stigmatisation des femmes

enceintes et mères en TDO en examinant la nature des liens entre la stigmatisation, la

perception des pratiques professionnelles qui leur sont destinées et l’engagement thérapeutique

dans le cadre de leur suivi prénatal

Afin d’agir efficacement pour contrer le potentiel subtil, mais non moins dévastateur

de la stigmatisation et, du même coup, accroître le potentiel thérapeutique de la relation

d’intervention, je propose quatre pistes d’action ou pratiques à privilégier pour bonifier l’offre

de services auprès de femmes enceintes et mères en TDO. Ces recommandations ciblent

l’intervention clinique afin de susciter l’engagement chez ces femmes pendant la période

entourant la naissance de leur enfant, mais aussi l’organisation des services et la formation,

pour soutenir le travail des intervenants qui travaillent auprès d’elles.

MOTS-CLÉS

Stigmatisation, femmes enceintes et mères, traitement de la dépendance aux opioïdes,

toxicomanie, alliance thérapeutique et/ou engagement

KEY WORDS

Stigma, pregnancy, motherhood, opioid dependency treatment, substance use, therapeutic

alliance and/or engaging

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 3: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

ii

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ET MOTS CLÉS ................................................................................................................................................... i

TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................................................................... ii

REMERCIEMENTS……………………………………………………………………………………………………………….…iv

1.INTRODUCTION……………………………………………………………………………………………………………..…….1

2. LA PROBLÉMATIQUE……..….…………………….………………………………….................. .......................................3

2.1 La dépendance aux opioïdes : l’ampleur du phénomène…………..…………………..........................3

2.2 Le contexte clinique…………………………………………….………………………………………………………6

2.3 Les enjeux……….………………………………………………………………………………………………………….7

2.4 Les obstacles………………………………………………………………………………………………......................8

2.5 L’objectif……………………………………………………………………………………………………………………9

3. MÉTHODOLOGIE… ............ ………………..……………………………..……...................................................................9

3.1 Le choix du moyen……………………………………………………………........................................................10

3.2 Déroulement des activités……………………………………….…………...……............................................10

3.3 L’analyse des résultats………………………………………………………………………………......................13

4. LES RÉSULTATS..……… ........ ………………………………………………….................................................................14

4.1 Portrait des participantes………………..…………………………………………………………………………14

4.2 Le contexte : L’écart entre la réalité et l’idéal………………………………………………......................18

4.3 La honte et la culpabilité……………………………………………………………............................................19

4.4 Croyances et perceptions…………………………………………………………………………………………..21

4.4.1 La perceptions des professionnels de la santé………………………………………………………….22

4.4.2 Le regard de l’entourage……………….……………………………………………………….........................26

4.4.3 Le père………………………………………………………………………………………………............................27

4.5 Caractéristiques appréciées des intervenants……………………………………………………..……...29

4.6 Enjeux TDO……………………...……………………………………………………………...………………………..30

5.DISCUSSION………… ......... ………………………..…………………….…………...…………………………………………38

5.1Devenir mère : un changement identitaire…………………………..……...………………………………38

5.2 La stigmatisation……………………………………………………………………................................................40

5.3 Le pouvoir de la relation……………………………………………………………............................................42

6.CONCLUSION………… .......... ……………….……………………………............................................................................44

6.1 Forces et limites de la démarche……...……………………………………………………............................44

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 4: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

iii

6.1.1 Forces……………………………………………………………………………………………………………………44

6.1.2 Limites…………………………………………………………………………………………………………………..45

6.2 Implications pour l’intervention…………………………………………………….......................................45

6.3 Recommandations…………………………………………………………………………………………………….46 6.3.1 Miser sur l’accueil………………………………………………………………..................................................47

6.3.2 La continuité des services……………………………………………………………………………………….48

6.3.3 La formation croisée axée sur les valeurs……………………………………………………...…………49

6.3.4 Le travail en réseau…………………………………………………………………………................................50

6.4 Mot de la fin…………………………………………………………………………...................................................51

7. LISTE DES RÉFÉRENCES….… .........…………….………………………………….……...............................................52

ANNEXE A / Formulaire de consentement.... ....... ..………………………………....................................................57

ANNEXE B / Grille d’entrevue…………….. ....... ………………….……………………………………………………...…60

ANNEXE C/Formulaire de données complémentaires…… ......... ………………………………………………...64

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 5: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

iv

REMERCIEMENTS

D’abord et avant tout, j’aimerais remercier toutes les personnes qui ont rendu possible la

réalisation de cet essai synthèse.

Dans un premier temps, je tiens à remercier mes précieuses collaboratrices et les femmes

enceintes et mères qui composent ma clientèle. Vous êtes au cœur de ma démarche. Si j’ai

réussi à me rendre jusqu’au bout de cette histoire, c’est que votre courage et persévérance

m’inspirent continuellement.

J’aimerais aussi remercier chaleureusement mon directeur, Pascal Schneeberger, qui a su être

là aux moments clés dans mon parcours. Ta patience, ton assurance et tes mots

d’encouragement m’ont aidée à accepter mon propre rythme de croisière, et avoir confiance

que je pouvais me rendre à la destination souhaitée.

Je tiens à souligner l’apport de mes collègues et de la direction du Centre de recherche et

d’aide pour narcomanes (CRAN), qui m’ont soutenue dans ce projet et donné les moyens

nécessaires à sa réalisation. J’aimerais également remercier mes collègues du Rond-Point, un

partenariat à l’intention des familles aux prises avec des difficultés liées à la toxicomanie, qui

rallie plusieurs des conditions gagnantes identifiées dans cet essai. Je me compte chanceuse de

faire partie de ce projet novateur.

Finalement, un gros merci à mon conjoint et ma famille. Si l’essai est un marathon, c’est votre

soutien sans relâche, qui m’a donné le deuxième et même troisième souffle dont j’avais besoin

pour me rendre à la ligne d’arrivée. Et toi, mon petit Sacha, qui est né pendant que je débutais

le processus. Ton arrivée dans ma vie n’a pas rendu facile la tâche d’écrire un essai synthèse.

Par contre, tu m’as permis de comprendre sur un autre niveau le changement identitaire dont il

est question dans l’essai, ainsi que la vulnérabilité qui nous habite en tant que mère. Grâce à

toi, ce n’est pas ma tête qui a mené ce projet, mais mon cœur.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 6: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

1

1. INTRODUCTION

Il est reconnu que la grossesse constitue une opportunité d’entreprendre des

démarches dans le but de cesser ou de diminuer leur consommation pour les femmes

consommatrices de substances psychoactives (SPA) (Bertrand et coll., 2007; Guyon et

coll., 2002; Leslie, 2011; Venne et Morrissette, 2009). Or, des études démontrent que peu

de femmes consultent d’emblée pour une toxicomanie lorsqu’elles sont enceintes (Hicks,

1997; Leslie, 2007; Poole et Greaves, 2007). D’une part, plusieurs études qualitatives

auprès de femmes enceintes toxicomanes démontrent comment le stigma social contribue

à la honte et la culpabilité qui habitent ces femmes (Boyd et Marcellus, 2007; Leslie,

2011; Radcliffe, 2011a, Poole et Urquhart, 2010). D’autre part, la prise en charge des

troubles liés à la consommation de SPA chez les femmes enceintes est complexe en

raison des comorbidités et facteurs psychosociaux et socioéconomiques qui leur sont

associés. Qui plus est, la toxicomanie des femmes enceintes confronte nos valeurs en tant

qu’individus et société. Il va sans dire que cette réalité ne laisse pas neutres non plus les

intervenants qui travaillent auprès de cette population. Compte tenu de ses conséquences

non seulement sur la santé de la future mère, mais aussi sur celle du fœtus, la

consommation de SPA en grossesse est reconnue comme un problème de santé publique

(L’espérance et Milot, 2011). Ceci en fait donc un enjeu de politique publique, duquel

émerge un sentiment de responsabilité personnel et professionnel.

Au-delà de la consommation de SPA, la maternité représente un changement

identitaire important pour toute femme, qui touche les habitudes de vie, les relations

interpersonnelles, le statut social, les attitudes et les perspectives d’avenir. Plusieurs

facteurs influencent la façon dont une femme vit la maternité : son contexte

socioéconomique, des enjeux culturels, ses relations familiales et sociales, les ressources

et soutiens auxquels elle a accès, sa perception de la parentalité et d’elle-même en tant

que mère, l’implication du père (Leslie, 2007; Venne et Morissette, 2009; Poole &

Urquhart, 2010). La naissance d’un bébé marque, en effet, une restructuration majeure

des priorités et une redéfinition de soi pour chaque parent.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 7: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

2

Ce qui est différent chez la femme enceinte qui consomme, c’est que la

modification de sa consommation occupera une bonne partie de ce changement

identitaire. Les mères qui connaissent des difficultés liées à la toxicomanie, y compris

celles qui ont diminué ou cessé leur consommation, vivent leur grossesse dans

l’incertitude et l’anxiété de se faire retirer la garde de leur enfant (Greaves et Poole, 2004;

Guyon et coll., 2002; Hicks, 1997). Cette anxiété peut mener à des comportements

d’évitement ou de refus envers les services professionnels qui leur sont offerts.

Pour les femmes en traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO), un suivi de

grossesse représente une route jalonnée de professionnels de la santé et des services

sociaux. Il va de soi qu’elles seront affectées, d’une manière ou d’une autre, par

l’influence des services de ces professionnels1. Les attitudes dégagées par les

professionnels peuvent entretenir ou éliminer les croyances attribuables au stigma social

entourant la consommation de SPA en grossesse (Radcliffe, 2011a). Plus spécifiquement,

les femmes enceintes en traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) subissent un

double stigma : le regard désapprobateur de la société à l’égard d’une femme enceinte qui

consomme et les attitudes négatives portées sur le traitement de maintien à la méthadone

(Abraham et coll., 2007; Hogan, 2003 ). La méthadone n’est pas vue par tous comme un

traitement valide et réel, il est souvent discrédité par ceux qui prônent

l’abstinence comme une forme de tricherie, un traitement qui maintient l’état de

dépendance plutôt que de guérir la dépendance (Earnshaw, Smith et Copenhaver, 2012).

Dans cet essai, je m’intéresse à l’impact de la stigmatisation sur les femmes

enceintes en TDO et leur engagement thérapeutique. Plus spécifiquement, j’explore

comment on peut moduler la relation d’aide pour contrer ces effets. En partant du postulat

que la relation est la pierre angulaire de l’intervention, je souhaite alimenter une réflexion

sur la pratique à partir des constats cliniques suivants : 1) Les femmes enceintes en TDO

s’engagent difficilement dans des relations thérapeutiques et n’ont pas toujours recours à

l’aide dont elles pourraient bénéficier. 2) La honte et la peur d’être jugée sont des thèmes

récurrents dans leurs récits.

1 Dans le contexte de l’essai, « professionnels de la santé et des services sociaux » fait référence à tout intervenant qui a un rôle médical, infirmier ou social auprès de la population cible. Les termes professionnels et intervenants sont utilisés de façon interchangeable à travers l’essai.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 8: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

3

2. LA PROBLÉMATIQUE

2.1 La dépendance aux opioïdes : L’ampleur du phénomène

L’exposition aux opioïdes dans un contexte médical est presque universelle et

n’entraîne que très exceptionnellement des problèmes d’abus ou de dépendance (Turner

et coll., 2015). Toutefois, environ 10 à 20% des consommateurs développeront un

problème sévère de dépendance et seront incapables de cesser de façon durable sans avoir

recours à de l’aide (Santé Canada, 2012). Il est difficile de chiffrer le nombre de

personnes qui ont développé une dépendance aux opioïdes. La prévalence de mésusage

d’opioïdes médicamenteux serait plus élevée au Canada qu’ailleurs sur la scène

internationale : 4,8% de la population canadienne en consommerait contre 4,3% aux

États-Unis et 3% en Australie (Santé Canada, 2012). On estime que 80 000 à 125 000

personnes sont dépendantes au Canada, dont environ 5 000 à 12 000 uniquement à

Montréal (CRAN, 2011; Fischer et coll., 2005).

De 2003 à 2008 on note une hausse globale de la consommation d’opioïdes, mais

une baisse de la consommation d’héroïne. Selon la dernière étude de Surveillance des

maladies infectieuses chez les utilisateurs de drogue par injection (SURVUDI), 32% des

utilisateurs de drogue par injection (UDI) consommeraient des opioïdes, contre 62% pour

la cocaïne. Parmi les opioïdes le plus souvent injecté, l’héroïne arrive en premier à 10%,

le Dilaudid et la Morphine en deuxième, pour 9% chaque et l’Oxycodone à 3%. Alors

que l’héroïne est l’opioïde le plus consommé à Montréal, le Dilaudid arrive en première

place en Abitibi-Témiscamingue, en Mauricie, en Montérégie, à Québec et au

Saguenay/Lac St-Jean, alors que la Morphine est le plus consommé en Outaouais et en

Estrie (Parent et coll., 2011).

Les héroïnomanes ont tendance à peu consulter le réseau de la santé pour traiter

les méfaits associés à cette consommation. Par contre, ils visitent plus souvent les

urgences que la population générale. Le taux de mortalité attribuable aux intoxications

liées aux opioïdes a augmenté de façon significative de 2000 à 2009, une tendance qui ne

semble pas s’atténuer (INSPQ, 2013). En 2008, le bureau du coroner du Québec a recensé

157 personnes décédées par intoxication aux opioïdes, que ce soit de manière

intentionnelle ou accidentelle. Ceci revient à dire que 13 personnes par mois sont

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 9: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

4

décédées de ces intoxications. Ces personnes, majoritairement des femmes, avaient de

25-44 ans et provenaient pour la plupart de la région de Montréal (56), de la Montérégie

(26) et Québec (22) (INSPQ, 2013).

Force est de constater qu’en nombre seulement, la dépendance aux opioïdes est un

phénomène qui ne touche qu’une petite portion de la population générale. L’incidence de

l’abus d’opioïdes pharmaceutiques augmente à un rythme alarmant, principalement chez

les adolescents et les jeunes adultes (Santé Canada, 2012). Le profil de l’usager et le

patron de consommation changent avec la hausse d’abus d’opioïdes pharmaceutiques. Il y

a dix ans, les personnes ayant recours à un traitement de méthadone consommaient

principalement de l’héroïne par injection. Aujourd’hui, de plus en plus de gens

demandent un traitement de substitution en lien avec une pharmacodépendance,

notamment au Dilaudid à l’Oxycontin, qu’ils consomment par voie orale, nasale ou

intraveineuse (CRAN, 2011). Cette hausse touche aussi les femmes qui sont enceintes ou

pourraient le devenir. Ce phénomène augmente le nombre de personnes dépendantes aux

opioïdes, accroît l’hétérogénéité de la clientèle et représente de nouveaux défis pour les

professionnels qui travaillent dans le réseau de la santé en termes de dépistage et

d’intervention.

Le traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO)

Le TDO « est une forme de prise en charge thérapeutique proposée à des

personnes dépendantes aux opiacés (…) basée sur une substance analogue ou identique à

la drogue normalement consommée. » (MSSS, 2006). À l’heure actuelle, deux molécules

sont utilisées dans le cadre du TDO, soit la méthadone et le suboxone

(buprénorphine/naloxone). La méthadone constitue la forme la plus utilisée de TDO. Il

s’agit d’un opioïde synthétique qui a un effet agoniste sur les récepteurs « mu » et dont la

longue demi-vie (24-36 heures) permet une administration quotidienne d’une seule dose.

Bien dosée, elle prévient les symptômes de sevrage des opioïdes et bloque ou diminue

l’effet si la personne consomme des opioïdes. Au Québec, on estime que 3 462 personnes

sont en TDO, alors que 3 263 personnes dépendantes aux opioïdes ne sont pas traitées,

principalement pour des raisons d’accessibilité au TDO (CRAN, 2011).

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 10: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

5

Les personnes en TDO semblent se distinguer des autres toxicomanes. La gravité

des comportements de consommation est plus grande, les comorbidités plus importantes

et souvent, elles ont connu plusieurs tentatives de traitement infructueux (Albright et

coll., 2011). Outre les avantages provenant des effets thérapeutiques attendus du

médicament prescrit (arrêt ou diminution de la consommation d’opioïdes, diminution

d’activités criminelles, réduction de mortalité, meilleure santé biopsychosociale), le

traitement donne accès à des services médicaux, infirmiers et psychosociaux dispensés

par des professionnels qui ont développé une expertise dans le domaine du traitement de

la dépendance (MSSS, 2006).

Les femmes enceintes dépendantes des opioïdes

Il est reconnu que le TDO contribue à réduire les comportements à risque chez les

femmes enceintes dépendantes ainsi que les complications fœtales et obstétricales,

lorsque combiné avec des soins prénataux et psychosociaux et un suivi médical. Sur le

plan médical, le traitement de méthadone est considéré la norme pour le soin des femmes

enceintes opiomanes. Il présente les avantages potentiels suivants: une utilisation plus

stable et sécuritaire des opioïdes sous surveillance médicale; des meilleurs soins

prénataux; une utilisation des ressources disponibles; une meilleure chance de mener une

grossesse à terme; moins de complications pendant l’accouchement; moins de risques de

transmission du VIH et de VHC, y compris au bébé (Albright et coll., 2011; Jones et

coll., 2008; EMCDDA, 2014).

La littérature spécifique au TDO chez la femme enceinte traite davantage l’aspect

médical de la chose. À titre d’exemple, les lignes directrices dans le Cadre de référence

et guide de bonnes pratiques à l’intention des professionnels qui travaille auprès de la

clientèle en TDO abordent peu la relation qui englobe les actes médicaux. (MSSS, 2006)

Or, la relation développée avec la clientèle est fondamentale à la prise en charge

périnatale (Working Group on Problematic Substance Use in Pregnancy, 2011). Une

relation de confiance permet d’aborder les enjeux réels, ce qui permet d’intervenir autour

des thèmes pertinents et d’orienter vers les ressources nécessaires. Elle donne également

un meilleur taux de fidélisation aux rendez-vous, un avantage tant sur le plan médical que

psychosocial. D’ailleurs, lorsqu’on leur demande, les femmes interviewées dans le

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 11: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

6

contexte d’une évaluation des services de Sheway, un organisme communautaire qui offre

des services aux femmes enceintes toxicomanes et précaires dans le « downtown

eastside » de Vancouver, c’est la relation développée avec leurs intervenantes qui ressort

comme l’élément le plus porteur de changement (Poole, 2000).

Étant donnée la nature médicale du TDO, les services psychosociaux ne font pas

toujours partie de l’offre de services. Plusieurs médecins qui prescrivent la méthadone

travaillent seuls; c’est-à-dire que pour le patient, le traitement consiste à prendre la

médication telle que prescrite, sans plus. Je constate que l’interdisciplinarité, bien qu’elle

soit prônée dans le Cadre de référence et guide de bonnes pratiques, ne va pas de soi

dans ce domaine (MSSS, 2006). Au Centre de recherche et d’aide aux narcomanes

(CRAN), centre de traitement spécialisé en TDO à Montréal, nous travaillons en

interdisciplinarité. Cela implique que les médecins, infirmières et intervenants

psychosociaux se consultent régulièrement pour enligner leurs interventions. Par contre,

cela ne veut pas dire que chaque personne en traitement accepte d’entreprendre un suivi

psychosocial. La dépendance aux opiacés entraîne des comportements de repli sur soi,

une hypersensibilité et l’isolement relationnel (European Monitoring Centre for Drugs

and Drug Addiction, 2014). Certaines stratégies peuvent encourager le suivi psychosocial

selon le contexte. Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas toujours évident d’insérer

l’offre de services psychosociaux dans un contexte médical.

2.2 Le contexte clinique

Les femmes enceintes ont un accès prioritaire au TDO (MSSS, 2007). Le Service

périnatalité du CRAN, né d’une entente de partenariat entre le CSSS Jeanne Mance et le

CRAN, consiste en une offre de service jumelée médicale et psychosociale. En moyenne,

vingt femmes par année sont admises. Le suivi médical, qui inclut le suivi obstétrique et

le TDO et le suivi psychosocial, qui implique un suivi individuel arrimé aux rendez-vous

médicaux, visent à stabiliser et soutenir la femme enceinte. Compte tenu de la spécificité

du service, la majorité des femmes enceintes dépendantes des opioïdes de Montréal et ses

régions limitrophes nous sont référées. Les services psychosociaux sont offerts sur une

base volontaire pendant la période périnatale et postpartum et s’ajustent selon les besoins.

Ceux-ci peuvent inclure un suivi individuel ou conjugal, de l’accompagnement dans les

démarches périnatales et de l’orientation vers les services complémentaires.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 12: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

7

Tel que précisé dans le Plan d’action Interministériel en toxicomanie, la mise en

place des services pour femmes enceintes qui consomment des substances psychoactives

nécessite la collaboration d’organismes concernés par la toxicomanie et des services

destinés aux femmes enceintes. (MSSS, 2007) Étant donné que nous formons une petite

équipe et que les besoins de notre clientèle sont complexes et variés, des ententes de

services et le travail en réseau deviennent essentiels dans notre pratique. Nous avons ainsi

développé des ententes de partenariat avec les services suivants : le Centre des

Naissances du CHUM, Logis-Phare2, le Centre de pédiatrie sociale du Centre Sud et le

Rond-point3.

2.3 Les enjeux

Au Canada, 3,8 enfants sur 1000 naissent de mères qui ont pris des opioïdes

pendant la grossesse (Finnegan, 2013). Une étude qui a eu lieu à l’hôpital St-Micheal’s de

Toronto relate l’augmentation significative de bébés présentant des symptômes de

sevrage d’opioïdes à la naissance (de 0,29 en 1992 à 4,3 sur 1000 en 2011). La hausse est

particulièrement marquée au cours des cinq dernières années, alors que 1901 enfants sont

nés avec des symptômes de sevrage néonatal. Dans la majorité des cas, les mères de ces

bébés avaient consommé des opioïdes prescrits avant et pendant la grossesse. (Turner et

coll., 2015. Il est plus difficile de trouver des chiffres précis pour le Québec. En 2010-

2011, 19 bébés ont été sevrés au Centre des naissances du CHUM (Institut canadien sur

la santé, 2012). Comme le nombre de femmes admises dans notre service a augmenté

dans les deux dernières années et qu’une hausse de prescriptions d’opioïdes est rapportée

au Québec (Canadian Centre on Substance Abuse, 2013; Santé Canada, 2012), on peut

soupçonner que les chiffres sont à la hausse à Montréal également.

La réalité du sevrage néonatal est des plus préoccupantes pour les femmes que

j’accompagne et s’additionne d’une bonne dose de culpabilité. Le sevrage néonatal

suscite également des jugements critiques de la part des professionnels de la santé

(Lavendier, Venne et Perreault, 2009). Mon expérience clinique m’amène à croire que les

2 Logis Phare est un projet d’appartements supervisés pour les familles dont au moins un des parents est en TDO. 3 Le Rond-Point est un projet de partenariat qui regroupe plusieurs services pour les familles dont au moins un des parents a une histoire récente ou passée avec la consommation de SPA.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 13: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

8

attitudes négatives que peuvent rencontrer les femmes en TDO contribuent de façon

significative à leur choix de s’engager dans leur suivi ou non. L’évitement réactionnel qui

peut avoir lieu sera davantage un enjeu si elles ont vécu des expériences négatives à

l’intérieur des services de santé et/ou de services sociaux dans le passé. (Boyd &

Marcellus, 2007; PRIMA, 2011)

Malgré que toutes les femmes avec lesquelles je travaille soient dépendantes aux

opioïdes, elles composent un groupe hétérogène. La majorité sont abstinentes des

opioïdes, mise à part la méthadone ou la buprénorphine. Certaines consomment d’autres

substances. La cocaïne, le cannabis et les benzodiazépines semblent être les plus

courantes. D’autres ne consomment aucune substance illicite depuis des années. Leur

cheminement diffère, ce qui me demande d’ajuster mes services selon la situation. Peu

importe où elles sont sur leur trajectoire, des changements d’habitude et/ou d’attitude par

rapport à la consommation ont lieu pendant la grossesse. (Guyon et coll., 2002; Venne et

Morissette, 2009; Radcliffe, 2011b). Elles peuvent passer de consommatrices abusives à

consommatrices avisées ou abstinentes. Elles peuvent également passer de l’abstinence à

un retour vers la consommation pour gérer le stress que peut générer la grossesse. Ces

changements peuvent avoir lieu d’une rencontre à l’autre ou s’étendre sur plusieurs

années. Le respect du temps et le rythme de l’intervention doivent tenir compte de ce

processus et se heurtent parfois à une perception d’urgence quant aux changements

souhaités par les clientes et/ou les intervenants.

2.4 Les obstacles

« Un traitement efficace élimine les obstacles à l’accès aux soins pour les femmes. »

(MSSS, 2007)

Si la grossesse est un moment propice au changement, qu’est-ce qui entraverait le

changement pour une femme toxicomane? Selon les femmes interviewées dans une étude

de Breaking the Cycle, un organisme qui offre des services intégrés aux femmes

enceintes et mères toxicomanes à Toronto, les perceptions négatives et le stigma

entourant la consommation dans un contexte de maternité constituent la barrière

principale entre elles et les services dont elles pourraient bénéficier (Leslie, 2007). Si tel

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 14: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

9

est le cas, on ne peut en faire abstraction dans l’intervention. Ma clientèle sera forcément

en contact avec des professionnels de la santé pendant la grossesse de par la prescription

de la méthadone. Elles auront minimalement des rencontres avec leur médecin, les

pharmaciens(ne)s, l’intervenante du CRAN et des membres de l’équipe du Centre des

naissances du CHUM, qui est doté d’un service spécialisé pour le traitement du sevrage

néonatal. C’est ainsi que s’ajoute une autre facette à l’intervention: travailler ensemble

afin que la clientèle puisse bénéficier d’interventions cohérentes et concertées. En ce

sens, la sensibilisation quant aux enjeux liés au TDO en grossesse fait aussi partie du

travail. La méconnaissance du traitement et les préjugés qui s’ensuivent peuvent

interférer à une demande d’aide et nuire à une démarche de changement (Venne et

Morissette, 2009).

2.5 L’objectif

Depuis que je suis responsable du Service périnatalité du CRAN, je me rends

compte que les attitudes sont aussi déterminantes que les connaissances précises que l’on

peut avoir dans l’intervention. En fait, les meilleures stratégies d’intervention tomberont à

plat si la personne qui les reçoit se sent critiquée, jugée, punie. Si la grossesse est une

fenêtre d’opportunité, le TDO est une porte d’entrée vers le changement pour les femmes

enceintes dépendantes aux opioïdes.

Mon objectif est le suivant : Cibler des pistes d’intervention gagnantes face à la

stigmatisation des femmes enceintes et mères en TDO en examinant la nature des liens

entre la stigmatisation, la perception des pratiques professionnelles qui leur sont destinées

et l’engagement thérapeutique dans le cadre de leur suivi prénatal.

3. LA MÉTHODOLOGIE

3.1 Le choix du moyen

L’importance du savoir expérientiel

L’entrevue individuelle semi-dirigée m’apparait un moyen efficace d’explorer les

thèmes entourant mon sujet d’étude car elle peut faire émerger les perspectives et

expériences individuelles à partir de thèmes communs, en plus de signifier l’importance

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 15: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

10

de la relation dans l’intervention (Denzin et Lincoln, 2003). Étant donné que mon sujet

traite spécifiquement des perceptions des femmes qui composent ma clientèle, j’avais

envie d’entendre ce que les vraies expertes, celles qui reçoivent les interventions, avaient

à dire sur le sujet. Dans une perspective d’amélioration des pratiques, je crois que la

perception de mes clientes m’amènera des pistes d’intervention qui seront directement

applicables à mon contexte, des pistes de réflexion qui enrichiront la qualité des

interactions. En ce sens, plusieurs études émettent l’importance de connaître la réalité des

femmes, à partir de leur point de vue et leurs croyances, plutôt que de la seule

interprétation d’observateurs externes (Greaves et Poole, 2004; Guyon et coll., 2002;

Radcliffe, 2011b).

La spécificité et sensibilité du sujet

Alors que la toxicomanie et la maternité est un sujet bien étudié et théorisé, les

écrits qui mettent en relation la stigmatisation des femmes enceintes en TDO et leur

engagement thérapeutique pendant la période entourant la naissance de leur enfant ne le

sont pas. L’entrevue individuelle semi-directive est une méthode compréhensive, qui

laisse libre cours aux choix de réponse des interviewés, permettant d’approfondir

davantage les propos. Cette méthode est plus propice au dévoilement que d’autres

méthodes, comme le groupe de discussion ou focalisé (Boutin, 2008). Le biais de

désirabilité social est diminué de par l’interaction individuelle et le contexte, plus propice

à un climat de confiance. Ceci s’avère particulièrement important lorsqu’il s’agit de

contenus qui peuvent être difficiles sur le plan affectif. Cette méthode nécessite une

écoute attentive, afin d’adapter la direction de l’entrevue en fonction de ce qui se passe, y

inclut de pouvoir reconnaître les résistances et offrir des pauses au besoin (Fortin, Côté et

Filion, 2006).

3.2 Le déroulement des activités

Dans un premier temps, une revue sommaire de la littérature a été effectuée afin

de m’aider à cibler les thèmes à développer. Celle-ci, loin d’être exhaustive, a été

suffisante pour dégager les concepts clés, préciser mon objectif et obtenir une idée

générale de l’état des connaissances sur les enjeux entourant mon objectif soit : la

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 16: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

11

stigmatisation, l’alliance thérapeutique et/ou l’engagement et les femmes enceintes et

mères en TDO. Ensuite, j’ai pu élaborer ma grille d’entrevue en unifiant des éléments de

mon expérience clinique avec ce qui est ressorti dans la littérature.

La grille d’entrevue

L’élaboration de ma grille d’entrevue est basée sur les principes de l’entretien

semi-dirigé. Ainsi, j’ai préparé une liste de questions entourant les thèmes à explorer avec

mes participantes pour m’assurer que les aspects centraux seraient abordés. Par contre, le

but n’était pas de suivre ces questions de façon séquentielle mais plutôt de suivre le cours

de l’entrevue, selon les réponses données, les préoccupations soulevées et les résistances

ressenties. Dans une perspective de construction de sens, j’ai préféré miser sur la création

d’un climat de confiance où la personne peut s’exprimer librement plutôt que de diriger

l’entrevue à partir de mes a priori (Boutin, 2008). Afin de m’assurer que les thèmes

centraux soient abordés, certaines questions se ressemblent et se recoupent. D’une part, je

voulais m’assurer de pouvoir relancer un thème s’il n’avait pas été abordé. De plus, en

formulant différemment certaines questions, les réponses obtenues ont tendance à être

plus nuancées, ce qui permet une analyse plus profonde.

Ma grille d’entrevue a été validée par mon directeur d’essai dans un premier

temps et j’en ai fait une traduction libre par la suite, afin d’accommoder une de mes

participantes, qui est bilingue mais préfère s’exprimer en anglais. J’ai validé ma

traduction libre auprès d’une collègue anglophone, qui travaille auprès d’une population

semblable. Je me suis assurée de bien connaître ma grille afin ne pas la lire et inviter au

récit.

Le recrutement et la sélection des participantes

Compte tenu du spectre concis de l’essai et d’enjeux de faisabilité, j’ai sélectionné

trois participantes, à même ma clientèle. Comme mon échantillon est petit, j’avais le

souci de faire transparaitre l’hétérogénéité de ma clientèle. J’ai donc procédé par

échantillonnage intentionnel (Coyne, 1997) et ciblé des participantes de profils différents,

qui répondaient aux critères suivants : avoir été enceinte lorsqu’en TDO et avoir reçu les

services du Service périnatalité du CRAN; vouloir participer à mon projet. Les facteurs

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 17: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

12

individuels, tels que l’âge, la langue parlée, le parcours de consommation; ainsi que des

facteurs contextuels, comme l’utilisation des services, les rapports conjugaux et les

sources de soutien ont été pris en ligne de compte. Concernant les enjeux spécifiques au

TDO, l’intensité du sevrage néonatal et la durée du séjour à l’hôpital suivant

l’accouchement ont été considérés.

Le recrutement s’est fait en personne, alors que les clientes se trouvaient déjà au

CRAN pour un rendez-vous dans le cadre de leur traitement. J’ai pris le soin d’être claire

et concise dans la présentation de mon projet, en évitant d’utiliser le jargon, en donnant

des exemples de thèmes qui seront traités et en expliquant en quoi leur participation sera

utile à mon travail et éventuellement, à la clientèle. De plus, l’emphase a été mise sur le

fait que d’accepter ou de refuser de participer ne pouvait aucunement modifier, ni

compromettre les services qu’elles reçoivent de mon organisme. Malgré avoir approché

cinq femmes, seuls trois entretiens ont eu lieu. La première, une cliente qui a été une

source d’inspiration quant au choix de mon sujet, a cordialement refusé. La deuxième a

accepté et j’ai tenté à deux reprises de lui donner rendez-vous mais elle ne s’est jamais

présentée. J’ai choisi de ne pas la relancer une fois de plus, question de respecter l’aspect

volontaire du processus et de ne pas accentuer le conflit d’intérêt potentiel. Les trois

autres ont accepté et se sont présentées au premier rendez-vous fixé.

Un dédommagement de 20,00$ a été offert pour couvrir les dépenses engendrées

par leur participation (frais de transport, de gardiennage, etc.) et le temps qu’elles ont

consacré à mon projet.

Les entrevues

Avant de commencer les entrevues, j’ai pris la peine de bien présenter le

formulaire de consentement, en prenant soin de bien le lire avec elles et spécifier que

l’anonymat sera respecté, ainsi que la confidentialité, conformément aux lois en vigueur.

J’ai également pris le temps de préciser qu’il n’y avait aucune bonne ou mauvaise

réponse et qu’elles pouvaient changer d’idée en tout temps. Mes collaboratrices ont

ensuite signé le formulaire et nous avons procédé à l’entrevue comme telle. Ma première

entrevue m’a permis de constater que la grille était suffisamment bien construite pour

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 18: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

13

guider le dialogue en fonction des thèmes principaux. Comme le déroulement des

entrevues était souple, chacune a suivi son propre cours. Par contre, compte tenu de la

nature potentiellement sensible du sujet, j’ai jugé pertinent de terminer avec la même

question pour chacune: « Vis-tu présentement des difficultés pour lesquelles tu aimerais

avoir de l’aide?».

Les entrevues ont été enregistrées, avec la permission des participantes, afin de

m’assurer d’être complètement à leur écoute et ne pas perdre le rythme de l’entretien, en

prenant des notes. Aussi, une fiche d’informations complémentaires a été élaborée pour

compléter et contextualiser les réponses des interviewées. La durée prévue de l’entrevue

était d’une heure, avec la possibilité de prendre des pauses au besoin. Dans les faits, les

entrevues ont duré environ une heure et demie, pause comprise. Pour ce qui est du lieu,

mon bureau a été privilégié deux fois, parce que c’est un endroit calme qui leur est déjà

familier et une des entrevues a eu lieu à domicile afin d’accommoder ma participante, et

son enfant de trois mois.

3.3 L’analyse des résultats

L’analyse thématique a débuté par une première écoute des entrevues et plusieurs

lectures par la suite, une fois les verbatims retranscrits. Ceci m’a permis de repérer et

regrouper les thèmes qui ont émergé dans les récits et de les mettre en relation avec les

thèmes préétablis dans la grille afin de consolider mes thèmes centraux. (Miles et

Huberman, 2003). En particulier, lire les verbatims m’a permis un certain recul sur le

matériel, ce qui a approfondi la démarche analytique et facilité le processus d’allers-

retours entre le cadre théorique et les entretiens. Les verbatims ont donc été annotés, afin

de ressortir les expériences et perceptions récurrentes et identifier des unités de sens.

Cinq thématiques principales ont été retracées dans les données, soit le contexte, la honte

et la culpabilité, les croyances et perceptions, les caractéristiques appréciées des

intervenants et les enjeux TDO. Ceux-ci ont été divisés en sous-thèmes, afin de faire

ressortir les éléments centraux des récits qui correspondent aux enjeux théoriques

identifiés—la stigmatisation, le changement identitaire, l’engagement thérapeutique—

devenus, par la suite, mes points de repères pour la discussion.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 19: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

14

4. LES RÉSULTATS

4.1 Portrait des participantes

Liliane

Liliane, 24 ans, est la plus vieille de deux sœurs. Elle habite chez ses parents avec

son fils de cinq ans et son mari, devenu le père adoptif de son fils. Elle avait dix-neuf ans

à la naissance de son fils et était monoparentale. Au moment de l’entrevue, elle est

travailleuse autonome en infographie, mais les contrats se font rares, ce qu’elle trouve

difficile. Elle envisage un retour aux études comme infirmière auxiliaire. Elle considère

que ses parents l’ont beaucoup aidée et contribuent de façon significative à l’éducation de

son fils. Par contre, elle aimerait gagner en autonomie et quitter le nid familial. Elle craint

toutefois ne pas pouvoir assumer son rôle parental sans l’implication de ses parents.

La maternité

Liliane a vécu trois grossesses, dont deux avortements. Elle affirme que la

naissance de son fils était désirée et la grossesse, planifiée. Elle reconnait que la relation

avec le père de son fils n’était pas idéale mais avait espoir que la naissance d’un enfant

améliorerait son couple et de façon générale, sa vie. Concernant le couple, une séparation

a eu lieu à la mi-grossesse. Avec le recul, elle juge que cela était nécessaire pour changer

ses habitudes de consommation. Elle considère que son fils a donné un sens à son

existence et lui a permis d’améliorer ses conditions de vie. Liliane a participé avec

assiduité à son suivi prénatal et accepté le suivi psychosocial qui fait partie de l’offre de

service. L’accouchement eut lieu sans complications; sans symptômes de sevrage

néonatal significatifs. Elle a quitté l’hôpital avec son fils huit jours après sa naissance, ce

qui représente la période d’évaluation minimale du sevrage. Aujourd’hui, elle considère

que la maternité a changé sa vie pour le mieux.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 20: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

15

La consommation

Liliane a débuté son traitement de méthadone à l’âge de 21 ans. Elle a cessé toute

consommation pendant la grossesse, mise à part quelques rechutes sporadiques de

Dilaudid, qui était sa drogue de choix. Elle croit que ses rechutes et plus particulièrement

la culpabilité qui devenait envahissante, lui ont permis de régler son ambivalence face à

la consommation et de se positionner davantage dans le processus d’arrêt. Cela fait cinq

ans et demi qu’elle n’a pas consommé d’opioïdes, ni de crack. Elle est présentement en

sevrage progressif de la méthadone. Elle prend un verre d’alcool à l’occasion mais ne

considère pas que cela soit problématique. Ses sources de soutien se situent surtout au

niveau familial : son mari, sa soeur aînée, sa cousine, ses parents. Elle fait appel à son

équipe traitante au CRAN au besoin et participe à des meetings NA lorsque les cravings

s’accentuent.

Julie

Julie, 33 ans, est l’aînée de trois frères. Elle habite en logement avec son conjoint

et leur fille de deux mois. Elle reçoit de l’aide sociale et son conjoint vend du cannabis

comme source de revenu supplémentaire. Elle travaillait dans une ressource

communautaire au moment où elle a rechuté à l’héroïne, après bon nombre d’années

d’abstinence. C’est dans ce contexte et suite à l’annonce de sa grossesse qu’elle décide

d’entreprendre un traitement de méthadone. Les rapports avec sa famille d’origine sont

tendus et irréguliers. Elle a repris contact avec sa mère pendant sa grossesse mais n’est

pas en contact avec elle actuellement, suite à un conflit. Elle a tenté de reprendre contact

avec son père récemment mais n’a pas eu de succès, ajoutant que ce dernier a une autre

famille maintenant. Elle aimerait retourner aux études lorsque sa fille aura un an.

La maternité

Julie a eu quatre grossesses, dont trois avortements. Elle a choisi de poursuivre

cette grossesse, malgré qu’elle n’était pas planifiée, en partie, car elle ne voulait pas subir

un autre avortement. Elle rapporte beaucoup de satisfaction dans son rôle maternel mais

aimerait que sa relation de couple se stabilise car conflictuelle pour l’instant. Son

conjoint a été incarcéré durant la majorité de sa grossesse, ce qu’elle a du mal à accepter.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 21: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

16

En revanche, elle a su bien s’entourer avec les ressources disponibles. Elle a eu un

accouchement difficile et un séjour à l’hôpital d’un mois et demi, pour le traitement du

sevrage néonatal de sa fille. Elle considère que cette période lui a permis de bénéficier du

soutien des professionnels et d’apprivoiser son nouveau rôle de mère. Cela lui a aussi

permis de mettre en place de meilleures conditions pour accueillir son enfant, c’est-à-dire

de trouver un logement plus adéquat. Elle n’a pas beaucoup de soutien de son entourage

mais continue d’utiliser les services à sa disposition.

La consommation

Julie a commencé à consommer l’alcool, le cannabis et le PCP lorsqu’elle avait

douze ans. À 14 ans, elle consomme la cocaïne, surtout le crack et à l’âge de 15 ans elle

essaie l’héroïne, ce qui devient sa drogue de choix. Elle consomme l’héroïne jusqu’à 24

ans et suite à une thérapie, arrête de consommer toute substance, sauf l’alcool et le

cannabis, substances qu’elle n’a jamais jugées problématiques. Elle rechute à 29 ans alors

qu’elle travaillait comme intervenante dans une ressource communautaire et qu’elle

rencontre une ancienne connaissance de consommation. Elle consomme l’héroïne jusqu’à

33 ans, où suite à l’annonce de sa grossesse, elle choisit d’entreprendre un traitement de

méthadone. Elle maintient son abstinence de l’héroïne pendant la majorité de sa grossesse

mais la perte de son logement et des conflits conjugaux qui ont lieu vers la fin de sa

grossesse lui occasionnent un stress important. Elle consomme de l’héroïne à quelques

reprises vers la fin de sa grossesse. Actuellement, le cannabis est la seule substance

consommée et ce, de façon régulière. Elle juge que le cannabis a une fonction

thérapeutique, l’aide à stabiliser son humeur et gérer ses cravings d’héroïne.

Céline

Céline a 36 ans. Enfant unique, ses parents se sont séparés lorsqu’elle avait 6 ans.

Elle est monoparentale, est présentement en thérapie résidentielle au programme Portage

mère-enfant, avec sa fille de sept mois et demi. Elle est bénéficiaire de l’aide sociale, n’a

pas travaillé depuis environ dix ans. Elle travaillait comme éducatrice. Elle se dit proche

de son père mais n’a pas de contact avec sa mère depuis huit ans. Elle décrit son enfance

comme étant normale. Elle se rappelle avoir éprouvé des difficultés à l’école lorsqu’elle

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 22: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

17

était jeune, avait du mal à rester concentrée longtemps. Elle ajoute que sa mère

minimisait ses difficultés, lui reprochait de ne pas se forcer et lui refusait de l’aide. Elle

travaille présentement à stabiliser sa vie, se dit très motivée par son rôle de mère.

La maternité

De ses quatre grossesses, Céline a eu deux avortements et deux accouchements.

Sa première fille est née il y a cinq ans. Elle a perdu la garde de celle-ci, qui a d’abord été

placée temporairement en famille d’accueil, pour ensuite se faire adopter de façon

permanente. Céline fait part de cette situation avec beaucoup de tristesse et de regret. Sa

dernière grossesse n’était pas planifiée. À la naissance, sa fille a connu un sevrage

néonatal qui a nécessité une période d’hospitalisation d’un mois et demi. Céline a été très

présente pendant cette période malgré ses conditions de vie difficiles (consommation

active, sans domicile fixe, isolement social). Elle rapporte que le soutien qu’elle a reçu

pendant cette période lui a permis de stabiliser sa situation et croire qu’elle pouvait

devenir mère. Elle considère l’implication de la DPJ, du Centre des naissances du CHUM

et du Service périnatalité du Cran comme avoir joué un rôle important dans son processus

de changement en commençant par la décision d’entreprendre une thérapie, où elle se

retrouve depuis six mois.

La consommation

Céline est en traitement méthadone depuis environ dix ans. Sa consommation

d’héroïne s’est stabilisée rapidement mais la consommation de cocaïne a continué de lui

poser problème. Elle considère que sa relation avec cette substance est la raison pour

laquelle elle a perdu la garde de sa première fille. Après plusieurs tentatives, elle réussit à

cesser la consommation de cocaïne et maintenir son abstinence. Elle considère que la

naissance de sa deuxième fille, la peur de la perdre et le soutien professionnel qu’elle a

reçu lui ont servi de leviers thérapeutiques. Elle compte son père, ses intervenants au

Cran et à Portage, de même que les autres résidentes, comme ses sources de soutien

actuellement. Elle se dit satisfaite de son cheminement jusqu’à présent mais reconnait

qu’elle demeure fragile par rapport à la cocaïne, considère que c’est un deuil important à

faire, qui en soulève d’autres, la perte de sa première fille étant le plus difficile.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 23: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

18

4.2 Le contexte : L’écart entre la réalité et l’idéal

Pour chaque femme, la décision d’avoir un enfant est le début d’un processus de

réorganisation identitaire qui durera tout au long de sa vie; un processus qui a des

composantes cognitives, psycho-affectives et relationnelles. Interviendra aussi une

dimension sociologique, qui met de l’avant le rôle maternel, tel qu’il est défini dans notre

société (Brownstein-Evans, 2001). Devant ces dimensions devra se positionner la mère en

devenir, dans toute sa multiciplicité et sa singularité. Au-delà du désir et la décision

d’avoir un enfant, il ressort dans le récit de chacune des participantes qu’elles auraient

préféré que de meilleures conditions de vie entourent leur grossesse/maternité.

Liliane aurait aimé être dans une relation conjugale stable plutôt que de se séparer

de son conjoint pendant la grossesse; avoir plus d’autonomie financière et ne pas avoir à

dépendre de ses parents pour élever son enfant.

Céline affirme :

« […] qu’avoir un enfant, moi j’en voulais un, mais j’en voulais peut-être

pas dans…avec…en consommant, dans le fond. J’aurais voulu régler mes

problèmes avant. C’était pas volontaire, mais j’étais contente, c’est sûr »

(Céline, p.2).

Elle ajoute plus loin qu’elle aurait aimé avoir un conjoint et plus de sécurité financière.

Julie, quant à elle, fait part des changements qui ont eu lieu pendant la grossesse:

« Puis là, pendant ma grossesse, ça a changé. T’sais, il est rentré en-

dedans. Puis là, mes colocs ont commencé à faire plein de merde. J’ai eu

des nouveaux colocs. […] T’sais, tout a viré mal. Moi, j’ai perdu ma job.

Puis t’sais, je me suis retrouvée toute seule avec plus aucun moyen

monétaire. […] T’sais, ce que je voulais, puis ce qui s’est passé, c’était

deux choses différentes. Oui » (Julie, p.4).

Toutes les trois ont nommé qu’elles auraient préféré ne pas avoir à prendre de la

méthadone pendant la grossesse pour ne pas faire subir le sevrage néonatal à leur enfant.

Ces témoignages font ressortir une discordance entre l’image de soi vécue et celle

souhaitée, que peut amener l’état de grossesse. Ceci entraîne une prise de conscience des

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 24: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

19

difficultés, empreint d’un désir de changer sa vie. Ces constats peuvent mener à une

restructuration des priorités. L’espace entre la situation espérée et celle qui existe héberge

le désir du changement et l’espoir que cela soit possible, mais aussi la honte, la

culpabilité et la peur d’être jugée.

4.3 La honte et la culpabilité

Tout dépendant de là où elle est dans son cheminement, l’annonce de la grossesse

met souvent la femme devant un choix à faire par rapport à la consommation. Pour les

futures mères et à travers le regard des autres, la consommation devient un geste

culpabilisant. La relation qu’elles ont eue jusqu’ici avec la substance, pouvant aller du

plaisir à l’automédication, devient maintenant un danger pour le bébé. La honte et la

culpabilité reviennent souvent dans le récit des mères que j’ai interviewées, imprégné de

peur d’avoir fait mal à leur futur enfant et d’être vue comme une mauvaise mère. Les

mots de Julie rendent bien ces sentiments, qui ressortent souvent dans mes échanges avec

la clientèle :

« […] puis ça été une raison de rechute en plus. […] ça vraiment été dur,

t’sais. Enceinte, de vivre tout ça, là, puis de rechuter. Puis à chaque fois

que je rechutais enceinte, je me tapais beaucoup sur la tête, t’sais, par

rapport à la petite aussi. […] Elle est dans mon ventre, je lui fais vivre ça

aussi, t’sais. Puis c’est un petit être que…t’sais, elle a pris de la méthadone

en plus. Je trouve que je n’y ai pas été avec le dos de la cuillère avec elle.

Elle a commencé sa vie rough […]. Je trouve ça triste, là, tout ça » (Julie,

p.38).

Julie, Céline et Liliane ont toutes les trois exprimé craindre le regard des autres à

certains moments, particulièrement en lien avec leur rôle de mère. Leur histoire nous

permet de voir comment peut se traduire la peur d’être jugé. Différentes manifestations

des sentiments de honte et de culpabilité ressortent.

Céline, qui admet avoir évité les services pendant ses deux grossesses, exprime le

sentiment de solitude qui était à l’avant-plan de son expérience et qui s’est étendu jusque

dans ses relations familiales :

« J’avais peur de la perdre, dans le fond. […] puis j’avais pas de soutien

parce que j’avais perdu mon soutien vu que […] mes parents […] ils

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 25: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

20

étaient découragés un peu. […]. Fait que j’essayais pas de les rejoindre.

Fait que j’avais pas de soutien, j’avais rien » (Céline, p.3).

Elle nous fait part de sa perception qu’il fallait qu’elle change ses comportements, voire

arrêter de consommer, avant de pouvoir se tourner vers son entourage ou les

professionnels pour du soutien. Elle constate aujourd’hui comment la pression qu’elle se

mettait contribuait à renforcir les comportements qu’elle souhaitait changer et à s’isoler

davantage : « […] plus je m’en voulais, plus je consommais » (Céline, p.4).

Julie, pour sa part, a vécu des difficultés sur les plans social et conjugal vers la fin

de sa grossesse, ce qui a occasionné une rechute. Avec le recul, elle réalise que malgré

qu’elle s’était engagée dans son suivi, elle ne s’est pas sentie à l’aise d’aborder cette

rechute au moment où elle l’a vécue. Elle identifie la déception personnelle qu’elle

ressentait, mais aussi la peur de décevoir son équipe traitante :

« Le monde avec qui je parle […] Je les sens peut-être à l’aise de parler

avec moi de comment on se sent avec le bébé, mais tout qu’est-ce qui a

rapport à la consommation, je pense que c’est un autre step. […] est-ce

qu’ils vont l’accepter? Ou est-ce qu’ils vont me juger? » (Julie, p.51).

Liliane se rappelle des défis reliés à l’arrêt de consommation de crack et de

Dilaudid, dans un contexte où son conjoint en consommait activement. Elle voit la

culpabilité comme étant une force positive, qui a contribué à freiner sa consommation et

maintenir l’abstinence, de par son omniprésence :

« It’s actually easier not to use because I have the guilt factor. […] the last

couple times I used, I injected the Dilaudid […]. The guilt would be huge

[…] I would be injecting a panic attack » (Liliane, p. 16).

L’expérience que nous relate Liliane fait ressortir le lien qui existe entre culpabilité et

responsabilité. D’une part, la reconnaissance de sa responsabilité face à sa vie et celle de

l’enfant à venir lui a permis d’agir pour se libérer de sa culpabilité face à la

consommation. D’autre part, les conditions de vie qui englobaient cette prise de

conscience au moment où elle a eu lieu, notamment un milieu de vie retiré de la

consommation et supportant, étaient propices au changement. Notons que Liliane a

également fait le choix de laisser son conjoint par la suite, en raison des tensions créées

par la consommation.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 26: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

21

Les mots de Céline, Julie et Liliane reflètent bien ce tiraillement identitaire et la

complexité des conduites et émotions qui entrent en jeu dans cette double question à la

croisée de l’expérience parentale et la consommation. Celles-ci, comme toutes les mères,

ont des préoccupations et des espoirs. Pour chacune d’elle, l’annonce de la grossesse

marque le début d’un effort à soutenir qui leur demandera de trouver l’équilibre entre leur

identité de consommatrice et celle de future mère. La peur du jugement fera

inévitablement partie de cette transition, avec toutes ses nuances de honte et de

culpabilité.

Mon expérience clinique me permet de constater qu’il y a plusieurs facteurs qui

rendent difficile le choix à faire vis-à-vis la consommation—la chronicité du problème, le

contexte et style de vie et les sources de soutien, entre autres. Par contre, si l’on peut

aider nos mères en devenir à prendre contact avec leurs propres émotions et jugements, il

devient possible de les recadrer au profit du changement. Pour ce faire, il doit y avoir

l’espace pour accueillir la honte et la culpabilité, qui ne sont pas toujours faciles à repérer

de par le sentiment d’impuissance et l’inhibition de l’action qu’elles engendrent. Il est

possible de voir chez Céline, Julie et Liliane comment la honte s’introjecte de sorte à ce

qu’elles se jugent négativement avant même que les autres puissent le faire; comment la

culpabilité crée l’impression qu’il y a quelque chose à cacher qui, à la fois, est impossible

à nier; comment la peur du jugement devient jugement de soi : « T’sais, je me suis tout le

temps dit que je mettrais pas au monde un enfant dans la misère, puis j’ai l’impression

que je la mets au monde dans la misère » (Julie, p.10).

4.4 Croyances et perceptions

La théorie de l’identité sociale avance que c’est grandement en fonction du regard

porté sur elle par son partenaire, ses parents, les professionnels et la société que se définit

l’identité de mère et se construisent les sentiments de valeur et de confiance nécessaires

pour assumer ce rôle (Venne et Morissette, 2009). C’est dans cette perspective qu’ont été

explorées les croyances et perceptions des mères avec lesquelles je me suis entretenue.

Dans un premier temps, j’ai voulu faire ressortir leurs perceptions du regard porté sur

elles par les professionnels du réseau de la santé et des services sociaux. Ensuite, faire

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 27: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

22

émerger comment elles conçoivent le regard de leurs proches, plus particulièrement de

leurs parents et conjoints. Et ce, dans l’espoir de mieux comprendre comment ces

perceptions se traduisent dans leurs choix, comportements et relations pendant la période

entourant la naissance de leur enfant.

4.4.1 La perception des professionnels de la santé

Il est démontré qu’une personne consommatrice de drogues, les opioïdes en

particulier, utilisera davantage les services de santé en lien avec les conséquences

physiques et risques associés à la consommation (Fischer et coll., 2005). De plus, la

grossesse, de façon générale, amène à consulter des professionnels de la santé et ce, de

manière plus intensive de par les rendez-vous qui se rapprochent avec l’évolution de la

grossesse. Ensuite, vient l’accouchement, où les professionnels de la santé entourent, ou

dans le meilleur des mondes, accompagnent les mères en devenir, dans un moment de

grande vulnérabilité. Les femmes enceintes en traitement de la dépendance aux opioïdes

seront suivies de façon plus systématique pendant leur grossesse que les femmes

toxicomanes qui ne sont pas en traitement, en lien avec la prescription de méthadone.

Elles auront également un plus long séjour à l’hôpital suivant la naissance de leur enfant,

en fonction de l’évaluation et du traitement du sevrage néonatal.

Mon expérience auprès de ces femmes me permet de voir qu’il est fréquent que

l’on mette l’emphase sur les effets de la consommation sur le fœtus et les lacunes

parentales, lorsqu’on travaille avec elles. Dans Parentalité, alcool et drogues : Un défi

multidisciplinaire, les auteures partagent ce constat et identifient certaines croyances qui

peuvent en découler. En particulier, elles identifient que la perception que ces femmes

sont incapables de changer ou modifier leur vie pour rencontrer les besoins du fœtus et de

leurs enfants est courante dans les milieux d’intervention (Venne et Morissette, 2009).

Malgré que leur trajectoire individuelle diffère, chacune de mes participantes a

exprimé s’être sentie jugée et blessée par les propos d’un(e) professionnel(le) de la santé

à un moment ou un autre dans son parcours. Voici trois croyances qui ressortent dans le

récit de Julie, Liliane et Céline :

Croyance 1: la personne toxicomane ne veut pas s’aider.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 28: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

23

« J’ai fait ben des overdoses [….]. Ils étaient fâchés parce que t’sais, ils

m’avaient dit…parce que j’étais revenue deux fois dans la même journée,

là. Ils m’avaient dit […]: Ben là, moi je suis ici pour soigner du monde, là,

qui veulent…qui veulent s’en sortir. Ça je m’en souviens » (Céline, p.33).

Ici, Céline nous parle d’une période dans sa vie où ses rapports avec le réseau de

la santé tournaient uniquement autour de sa consommation de drogues. Avant même

d’être mère, elle voyait dans le regard des autres la notion que les toxicomanes sont

responsables de leur sort et méritent moins de recevoir de l’aide que d’autres personnes

dans le besoin. À plusieurs reprises, Céline fait allusion à la perte de contrôle et le

sentiment d’impuissance qui englobaient sa consommation de cocaïne. Elle affirme

qu’elle souhaitait cesser sa consommation et reprendre le contrôle de sa vie avant d’entrer

en contact avec les autres, professionnels et proches. Elle décrit comment elle évitait les

services dont elle avait besoin pendant ses grossesses, par peur de se faire juger et surtout,

par peur de se faire retirer son enfant. Elle voulait d’abord démontrer sa capacité d’agir,

malgré ce sentiment d’impuissance qui dominait. Aujourd’hui, elle prend conscience de

ceci et constate que l’attitude des soignants à d’autres moments dans sa trajectoire a eu un

impact sur ses choix et comportements pendant ses grossesses.

Croyance 2: les femmes qui ont des problèmes de consommation sont de mauvaises

mères.

Le tiraillement entre l’identité positive de mère, qui bénéficie d’une

reconnaissance sociale et l’identité négative de la consommatrice de substances, qui est

plutôt condamnée par la société, amène un aspect totalisant à chacune de ces identités, et

peu de nuances entre l’idéal et la réalité (Boyd et Marcellus, 2007). « […] Ils s’en foutent

là; t’es droguée, c’est pas bon » (Céline, p.17).

Les mots de Céline reflètent bien le jugement qui ressort des trois entrevues : une bonne

mère ne consomme pas. La croyance qui découle de cette perception est que la

consommation de substances et la parentalité sont incompatibles. Plus précisément,

Céline croit qu’elle doit cesser sa consommation avant de pouvoir demander de l’aide,

sinon on lui retirera son enfant.

Julie, pour sa part, rapporte s’abstenir d’aborder ses cravings et minimiser les

difficultés liées à la consommation pendant la grossesse. Elle partage comment la

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 29: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

24

réaction d’une professionnelle il y a quelques années l’a marquée, a ajouté un niveau de

difficulté à une expérience qui était difficile d’avance:

« […] j’étais mineure. […] ils me passaient une prise de sang, t’sais, avant

de te faire avorter […]. Puis là, la femme, elle avait commencé à me

gueuler après parce que mes bras étaient maganés. Puis elle me disait: “Ça

a tu du bon sens, être enceinte, ostie, en consommant de même!” […] Puis

tout le long qu’elle essayait de me piquer, elle disait: “Ça a tu du bon

sens?” Puis elle capotait. Puis t’sais, vraiment, t’sais, tu te sens comme

une merde. Mais déjà, en plus, je m’en allais me faire avorter » (Julie, p.

17).

Liliane nous amène plus loin dans la maternité, étant donné que son fils a déjà

cinq ans, partageant comment elle a l’impression que la pédiatre de son fils la juge. Elle

aurait préféré que celle-ci ne soit pas au courant de son traitement de méthadone, qui

expose son passé de dépendance. Elle trouve qu’elle lui pose beaucoup de questions sur

elle, plus qu’elle ne poserait à une mère « normale ».

Quant à la perception du regard des autres, le mot « normal » revient souvent dans

le récit des femmes. L’importance de se sentir normale: « […] the obstetrician that I had

was awesome. So nice, he made me feel like I was just some normal woman. […] not an

ex-user on methadone, you know? He was really nice » (Liliane, p.5); ou le fait de ne pas

se sentir normale : « mais je sentais que […] ils te jugent, mais ils veulent que tu sois

comme, mettons, une autre mère, t’sais, qui est normale » (Céline, p.20).

La crainte d’être considérée moins bonne que les autres mères engendre le

sentiment qu’elles doivent se prouver davantage; laisse moins de place à l’erreur ou

l’imperfection : « Ça va bien ? T’sais, ils viennent s’informer. […] les autres mères,

c’était plus avec moi. Moi, ils me regardaient tout le temps, voir si c’était correct, si je

faisais les affaires comme il faut » (Céline, p.17).

Croyance 3: le signalement à la DPJ est automatique lorsque la mère est en

traitement de la dépendance aux opioïdes.

Même si elle n’est pas toujours nommée comme telle, la peur de se faire retirer la

garde de l’enfant est omniprésente chez mes clientes. Julie en témoigne :

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 30: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

25

« Puis j’en ai pas eu (de signalement), comme. J’étais même été surprise

de ne pas en avoir, t’sais » (Julie, p.20).

« […] le monde dans la rue à qui je parlais me disait ça, là […] qu’il y

avait des signalements à la DPJ […] sur méthadone. Mais t’sais,

aujourd’hui, je me rends compte qu’il y a d’autres critères que ça » (Julie,

p.21).

Plus tard, elle discute de ses réticences à aborder les cravings qu’elle ressentait, faisant le

lien entre cette croyance et les craintes qui en découlent :

« J’ai peur qu’on me l’enlève. T’sais, c’est tellement l’amour de ma vie.

Puis t’sais, j’ai comme peur qu’on me dise, comme: “Tu es faible”, t’sais »

(Julie, p.45).

Céline, pour sa part, a évité les services psychosociaux pendant ses deux

grossesses. Elle nous fait part de la croyance qu’elle entretenait qu’aborder les difficultés

qu’elle vivait, notamment avec sa consommation de cocaïne, augmenterait les chances

qu’un signalement ait lieu. Un signalement a quand même eu lieu suivant la naissance de

ses deux enfants. Elle affirme qu’avoir perdu la garde de sa fille ainée a contribué à la

méfiance qu’elle avait déjà envers les professionnels de la santé et a fait en sorte qu’elle a

évité les services psychosociaux davantage pendant sa deuxième grossesse. Avec le recul,

elle croit que le fait de ne pas s’être sentie soutenue dans le contexte de ce premier

signalement/placement a particulièrement contribué à cette méfiance : « […] au lieu

d’avoir juste une TS qui est là, dans le fond, pour te dire que sûrement qu’il va être placé,

là. Il devrait y en avoir une autre, au pire, une pour l’enfant, pis une pour toi » (Céline,

p.47).

Suite à son premier accouchement, la perception que les professionnels autour

n’étaient que concernés par le bien-être du bébé et la considérait comme étant néfaste

pour lui a exacerbé les sentiments de honte et de culpabilité qu’elle vivait et l’a amenée à

sombrer davantage dans la consommation. Par contre, la période entourant son deuxième

accouchement s’est déroulée différemment. Elle exprime s’être sentie soutenue et

comprise davantage par les professionnels. Elle nous dit que la relation de confiance

qu’elle a su développer avec une intervenante l’a amenée à s’ouvrir davantage, affronter

ses craintes et entamer une démarche thérapeutique qui lui a permis de maintenir la garde

de sa fille.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 31: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

26

Les mots de Céline, Julie et Liliane nous permettent de voir comment l’intérêt des

mères consommatrices à utiliser ou non les ressources qui leur sont disponibles peut

dépendre des attitudes et discours des professionnels par rapport à leur consommation et

d’expériences négatives qu’elles ont vécues préalablement.

4.4.2 Le regard de l’entourage

Lors des entretiens, l’implication ou l’absence de l’entourage revenait souvent.

Cela soulève des questions quant à l’impact des proches sur les représentations parentales

et l’utilisation des services. Il ressort dans les études que le soutien financier et moral de

la famille est préféré aux ressources institutionnelles (Bertrand et coll., 2007 ; Hogan,

2004 ; Morissette et coll., 2009). Les femmes consommatrices seraient plus motivées à

s’engager dans leur projet de maternité quand leur famille leur renvoie un feedback

positif de leurs capacités à être une bonne mère et à modifier leur consommation. En

revanche, une réaction négative qui reflète un manque de confiance dans leurs capacités à

changer peut freiner la motivation à s’engager (Poole et Urquhart, 2010).

Pour Liliane, la proximité avec sa mère est à la fois réconfortante et confrontante.

Elle admet chercher une certaine validation de sa part, qu’elle peine à trouver :

« As for my parents, […] I would have to get it out of them, especially my mom.

And then, she’d get upset ‘cause I’d ask her: “Are you proud of me?” “Why do

you ask me that? You know I’m proud of you!” (harsh voice) Well, ok, it’s just

good to hear it, ‘cause I’m proud of me…yep» (Liliane, p. 4).

Céline partage comment ses rapports avec ses parents varient en fonction de la

consommation. Lorsqu’elle consomme, elle les évite, nous dit que, de toute façon, elle est

mise à l’écart de la famille lorsque la consommation fait partie de sa vie. Depuis qu’elle

est en thérapie, Céline a repris contact avec sa mère. Cela faisait huit ans qu’elle ne lui

avait pas parlé. Elle me fait part que sa mère considère qu’elle n’a pas réglé son problème

de consommation car elle prend encore de la méthadone. Elle précise : « Ma mère, elle

est la première à dire que les drogués, c’est de la merde » (Céline, p.34).

Ces témoignages nous permettent de voir qu’il est également possible de se sentir

stigmatisé à l’intérieur de sa propre famille. Comme le développement de l’estime de soi

implique le passage du regard des personnes significatives, en commençant par nos

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 32: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

27

parents, à la naissance d’un regard sur soi, les perceptions et croyances des proches

auront certes une influence sur la perception de soi. Ce regard affectera aussi le sentiment

d’efficacité personnelle en tant que parent et la façon d’entrer en relation avec les autres

(Morissette et coll., 2009).

Si la famille est le premier lieu d’apprentissage, il n’est pas le seul. Quoique les

modèles parentaux les plus accessibles soient généralement dans la famille ou la belle-

famille, ils peuvent également se trouver à l’extérieur de la famille d’origine. Lorsque

Liliane nous parle de la mère de son amie d’enfance, on voit comment la relation qu’elle

a développée avec celle-ci a été significative dans sa construction idéologique de la

maternité.

« […] I find that I’m strong. And I’ve learned a lot, not just because of the

pregnancy, mostly because of my experiences with drugs and everything,

[…] And, I promised myself that I would be a mother like my neighbour

across the street. […] She was a good mother. She wasn’t strict, but she

wasn’t a friend either » (Liliane, p.8).

Ceci illustre comment la conduite parentale peut aussi être modulée par les

relations entretenues à l’extérieur de la famille d’origine.

4.4.3 Le père

Des écrits indiquent que les pères considérés vulnérables sont ceux qu’on voit le

moins dans les services (Brown et coll., 2009) et qu’ils sont souvent marginalisés, ignorés

ou rendus mal à l’aise en dépit de leur désir d’avoir de l’information ou des conseils

(Hogan, 2004). En conséquence, peu d’intervenants sociaux recueilleraient de

l’information sur les pères dans les familles auprès desquelles ils travaillent. Les

partenaires des mères consommatrices auraient donc aussi des raisons d’être méfiants

envers les services, en lien avec leur perception des attitudes des professionnels avec qui

ils entrent en contact.

Dans ma pratique, les pères sont invités aux rencontres prénatales. Il m’est arrivé

à quelques reprises que le père devienne mon client principal, car la mère ne souhaitait

pas entreprendre un suivi psychosocial pendant sa grossesse. Je crois que les pères

méritent que l’on se penche sur leurs perceptions et expériences afin de mieux les

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 33: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

28

rejoindre et les accompagner dans la mise en acte de leur rôle parental. Par contre, en

raison du spectre limité de cet essai, les pères ne sont qu’abordés sous l’angle de

partenaire des mères interviewées. Si le sujet vous intéresse, je vous invite à consulter

l’essai synthèse de Julie Bouchard, qui traite de l’expérience de la paternité chez les pères

utilisateurs de drogues injectables (Bouchard, 2015). Dans la perspective que la relation

des mères avec le partenaire constitue un déterminant clé du stress anténatal (Morissette

et coll., 2009), la présence ou l’absence du père peut constituer un facteur de risque ou de

protection selon les contextes.

À la lumière de ce qui ressort des entrevues, il y a lieu de s’interroger sur l’impact

que peut avoir la précarité des relations affectives et familiales sur le développement du

rôle parental.

Quoiqu’il soit documenté que le soutien de la famille est préféré aux ressources;

mon vécu clinique, appuyé par les propos de mes participantes, m’amène à me poser les

questions suivantes : Comment peut-on accompagner les mères et familles lorsque les

représentations familiales sont difficiles, le soutien de l’entourage faible ou inexistant?

En tant que professionnels, comment peut-on offrir des services qui peuvent compléter ou

pallier à la précarité des liens avec l’entourage et contrer l’isolement relationnel qui

pourrait en résulter?

4.5 Caractéristiques appréciées des intervenants

Nous avons vu, particulièrement dans le récit de Céline et Julie, comment une

expérience négative dans le système de la santé peut être marquante et entraîner une

méfiance qui se jouera dans les futures interactions avec les professionnels. Mes trois

collaboratrices ont partagé comment le contraire est vrai aussi : un échange positif dans le

cadre d’une rencontre professionnelle peut avoir un impact bénéfique sur les relations à

venir.

Les attitudes et comportements des intervenants qui ressortent le plus souvent

dans la littérature comme étant appréciées chez les femmes enceintes et mères

toxicomanes sont les suivantes : la constance des intervenants; une attitude non-jugeante;

l’assurance de la confidentialité et la transparence quant aux rapports avec la protection

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 34: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

29

de la jeunesse; recevoir de l’information; un niveau élevé de soutien (Bertrand et coll.,

2007 ; Boyd et Marcellus, 2007 ; Guyon et coll., 2002; Greaves et Poole, 2004 ; Leslie,

2011).

Regardons ce que Julie, Liliane et Céline ont à dire à ce sujet…

La gentillesse

Le mot « gentil » et ses synonymes reviennent souvent dans leur récit. Malgré la

simplicité dégagée par ce concept, il semble représenter la caractéristique la plus

appréciée pour chacune de mes participantes. La question se pose : Est-ce que bien

intervenir auprès de cette population peut être aussi simple qu’être gentille avec elles ?

Si tel est le cas ; comment se traduit la gentillesse dans nos interventions ?

Regardons de plus près ce qu’elles entendent par être « gentil/fin/nice »…

Pour Julie, être « fin » implique un accueil chaleureux et une attitude non-

jugeante :

« Puis quand je suis arrivée avec le docteur […], j’étais super contente, là.

Oublie ça, là, j’étais au paradis. Tout le monde a été fin avec moi, même la

réceptionniste en avant. […] Tout le monde nous a super bien traités.

T’sais, il n’y a personne qui nous a fait sentir comme des mauvais

parents » (Julie, p.19).

Ses mots illustrent comment se sentir bien traité par les professionnels, au-delà d’être

agréable, peut être validant. Cette validation permet à Julie de s’ancrer davantage dans

son identité parentale.

Pour Céline—qui, rappelons-le, a évité les professionnels pendant ses deux

grossesses, a perdu la garde de sa première née et était particulièrement méfiante envers

les intervenants en lien avec de mauvaises expériences dans le passé—être fine signifie

un haut niveau de soutien et une transparence quant aux interactions avec la DPJ : « elle

était fine […] c’est elle qui a tout convaincu…même la DPJ ne savait pas c’était quoi

[…] le programme Portage Mère/enfant […]. Elle, elle connaissait tout ça. Fait que c’est

elle qui leur a tout expliqué » (Céline, p.15).

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 35: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

30

En plus d’être transparente, l’intervenante dont nous parle Céline a fait le pont

entre elle et la DPJ et a transmis de l’information concernant les services en toxicomanie

auxquels elle pouvait avoir accès. Ceci a facilité l’arrimage des pratiques d’une part ; a

amené la cliente à s’impliquer davantage dans son processus de rétablissement, d’autre

part. Non seulement ce soutien l’a aidée à se mobiliser vers le changement mais lui a

aussi permis de s’investir dans sa relation avec sa fille. Dans Facteurs-clés d’une

collaboration réussie entre les parents, le CHUM et la DPJ en contexte de toxicomanie

parentale, il ressort que l’anxiété et l’incertitude des mères consommatrices de se faire

enlever leur enfant peuvent nuire au développement du lien d’attachement fœtal et que les

parents se sentent souvent isolés et mis de côté quant à la prise de décisions concernant le

devenir du bébé (Lavergne et coll., 2009).

L’authenticité

Ce qui ressort aussi du récit de mes collaboratrices est qu’être gentil ne veut pas

dire toujours dire oui et tout endosser mais plutôt être vrai. Liliane nous partage son

impression d’une intervenante qui l’a beaucoup aidée : « […] When this woman, she

would tell me what she thought, she was blunt, but not in a bad way, and every time she

said something it always made me think » (Liliane, p. 9). Elle apprécie que celle-ci ait

été franche et directe avec elle, tout en demeurant respectueuse. Elle partage qu’elle a vite

fait confiance à cette intervenante, a senti qu’elle pouvait s’exprimer librement, sachant

qu’on lui répondrait de façon sincère.

La directivité

Chaque grossesse représente un tournant vers l’inconnu; une période où la femme

est amenée à trouver de nouveaux points de repères, se tracer un nouveau chemin qui

peut parfois paraître flou et même égarant. Des sentiments accrus de vulnérabilité se font

sentir devant ce chemin jusqu’à présent inexploré et il peut être aidant d’avoir un guide

pour nous accompagner. « Oui, je trouve que […] ils m’ont bien référée, puis … j’ai été

bien dirigée » (Julie, p.35). Le choix de mots de Julie capte comment devant l’inconnu, il

peut être sécurisant de se laisser guider par quelqu’un qui a des connaissances que nous

n’avons pas, ou un pas de recul de plus. Je constate que mes clientes n’expriment pas

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 36: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

31

toujours leurs besoins, particulièrement lorsqu’elles se trouvent devant la parentalité pour

la première fois. Il importe alors de détecter non seulement les besoins exprimés, mais

aussi, ceux qui ne le sont pas.

La grossesse en TDO se caractérise par des aspects médicaux précis, tels le

sevrage néonatal, ainsi que plusieurs enjeux psychosociaux. Il y a donc lieu de

transmettre des informations importantes et d’orienter vers d’autres ressources,

nécessaires et complémentaires. Ceci amène une certaine directivité dans l’intervention

qui, à mon avis, doit être faite adroitement car elle peut poser défi lorsque les besoins

perçus dépassent la demande. Cette directivité peut aussi inclure l’accompagnement

physique des personnes vers les ressources familiales qui leur seront utiles dans

l’exercice de leur parentalité. L’accompagnement vers les organismes du quartier, entre

autres, peut représenter une occasion de construire et/ou consolider un réseau social et

d’entraide et briser l’isolement, qui, trop souvent, est présent.

La valorisation

Julie, Céline et Liliane ont toutes fait mention de l’importance de ne pas se sentir

jugé et ce, à quelques reprises. Elles ont également fait ressortir la valeur de la

valorisation :

« Oui, oui. Mais elle nous a jamais jugés non plus par rapport à ça. Puis

t’sais, elle nous a dit la même affaire, là, t’sais. Elle n’arrête pas de nous,

t’sais, de nous valoriser, puis de nous dire qu’on est bon, t’sais :

“Continuez ! ” Puis t’sais, elle le sait : “C’est pas évident, ce que vous

vivez. Puis c’est pas évident d’arrêter de consommer” » (Julie, p. 46).

La valorisation contribue de façon significative à l’adaptation à la maternité et à la

consolidation des aspects identitaires liés à cette nouvelle réalité. De façon générale, le

regard social pèse particulièrement sur le parent. Ces mères en devenir subissent des

changements à plusieurs niveaux, plusieurs moins visibles que les transformations

corporelles apparentes. L’image et l’estime de soi, les perceptions et principes, la manière

dont elles se rapportent à un nouveau milieu de vie se voient souvent altérés par le

changement identitaire en cours.

Plus qu’une forme de gentillesse, la valorisation est une stratégie d’intervention

(Miller et Rose, 2009). En reconnaissant les forces, les ressources et les difficultés

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 37: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

32

qu’implique le changement, la valorisation peut susciter un sentiment d’auto-efficacité et

d’accomplissement, ou reconnaître des sentiments qui ne s’expriment pas facilement, en

lien avec la peur du jugement, tel que le décrit Julie.

La bonne proximité

« […] elle me comprenait, elle était là pour moi, elle était… elle était

vraiment gentille, elle était… t'sais, tellement gentille. Elle était

compréhensive. […] Je ne me sentais pas jugée, pas pantoute, là. Elle était

vraiment comme […] comme si c’était … mon amie! T’sais, mon amie ou

ma… ma sœur » (Céline, p.25).

Ici, Céline partage comment elle a été touchée par la compréhension de son intervenante,

qui, dans ce contexte, représente l’égalité malgré l’écart des positions qu’elles occupent.

Elle fait allusion à l’humanité commune derrière les rôles sociaux.

Les écrits abordant les dimensions relationnelles de la dyade aidé-aidant nous

ramènent souvent à la notion de la bonne distance thérapeutique. Or, les propos de Céline

font écho à une intuition qui m’habite depuis que je travaille auprès des femmes dites

vulnérables : c’est souvent en prenant contact et en m’approchant de l’humanité de l’autre

que je vois émerger la relation thérapeutique. En tant qu’intervenants, nous apprenons

comment nous distancier et nous protéger des pièges relationnels. Alors, qu’en est-il de la

bonne proximité ? Les propos de Dominique Depenne (2013) suscitent une réflexion en

ce sens. Dans son œuvre, Distance et proximité en travail social, il fait la distinction entre

proximité et promiscuité, ajoutant que la proximité n’implique pas de renoncer aux

limites professionnelles. Pour cet auteur, une « bonne proximité » est fondée sur « le

souci éthique de ne jamais s’annuler face à l’autre, ni de porter atteinte à son intégrité, à

sa dignité ou à sa singularité, mais de l’accueillir dans son étrangeté dont une part notable

nous restera, à jamais, étrangère ».

Cette réflexion, que nous n’aborderons pas en profondeur dans cet essai, est

rehaussée par les propos de Céline et m’aide à prendre conscience que dans mon travail,

je dois m’associer à ma cliente afin de l’aider. Ceci demande plus que de simplement

faire émerger un besoin et élaborer un plan d’intervention. Il s’agit de voir la personne

devant moi comme une source de savoir plutôt qu’une personne à qui enseigner, de

reconnaitre mon impuissance face à la situation, puisque je n’ai pas, à moi seule, la

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 38: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

33

compétence nécessaire pour l’aider. Il s’agit de me connecter à notre humanité commune

et de me permettre d’être bienveillante dans la relation (Depenne, 2013). On ne parle pas

de fusion, mais plutôt de l’écart nécessaire pour que chacune puisse être pleinement

acteur selon ses connaissances et capacités. Il m’apparaît que la bonne distance

positionne l’intervenante devant la cliente alors que la bonne proximité nous place côte-à-

côte : « Elle ne me jugeait pas pantoute. Elle était vraiment là, pour […] avec moi.

Vraiment » (Céline, p.25).

4.6 Enjeux TDO

Pour les femmes en TDO, le travail et l’accouchement ne composent qu’une

partie de l’expérience à l’hôpital. La naissance de leur enfant se caractérise par la crainte

et l’incertitude face au sevrage néo-natal. Pour l’évaluation du sevrage néo-natal, le

nouveau-né est hospitalisé en moyenne huit jours à l’hôpital. Si le sevrage nécessite un

traitement médical, il devra être hospitalisé de six à huit semaines (Lavendier et coll.,

2009).

Le sevrage néonatal

Entre 55% et 94% des nouveau-nés exposés in utero aux opioïdes peuvent

présenter des symptômes de sevrage (Jones, Finnegan et Kaltenbach, 2012). Les premiers

symptômes peuvent apparaître de 24-48 heures après la naissance et jusqu’à une ou deux

semaines de vie plus tard. Ces symptômes peuvent inclure l’irritabilité, des cris aigus, un

sommeil perturbé, des bâillements, des diaphorèses, l’hypothermie, des problèmes de

succion, des régurgitations, vomissements, congestion ou écoulement nasal et

éternuements (Finnegan et Kandall, 2005).

Les interventions non-pharmacologiques comme le contact peau-à-peau et la

réduction des stimuli sont utilisés pour traiter le sevrage, auquel s’ajoute le sirop de

morphine, selon l’intensité des symptômes (Abrahams et coll., 2007). Il ressort des

entrevues que le sevrage néonatal est une préoccupation majeure et une expérience

difficile. Ceci fait écho à ce qui est exprimé de la part de l’ensemble des femmes qui

composent ma clientèle. Elles se sentent coupables et responsables de l’état de leur

enfant : « Bien oui, mais c’est de ma faute aussi. Elle n’est pas malade pour rien, là. Elle

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 39: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

34

est malade parce que j’ai pris de la méthadone, là, t’sais » (Julie, p.24). Ce sentiment est

exacerbé lorsque le sirop de morphine doit être administré (Guyon et coll., 2002) :

« Je sais pas, là, mais t’sais, c’était comme si que je la shootais, là, pour

moi, là. C’est la même chose, là. Mais d’une autre manière. […] T’sais,

moi, quand je suis malade, là, je donnerais tout pour une dose, là, t’sais,

tellement que ça fait mal » (Julie, p.28).

La majorité des femmes en TDO dans la région de Montréal accoucheront au

Centre des Naissances du CHUM, à moins de complications particulières. Le CHUM

accueille des bébés nés de mères en TDO depuis le début des années 1980. En 2000, un

programme de soins dédié aux bébés nés de mères en TDO a été mis en place pour

permettre à ces familles de cohabiter suivant l’accouchement. Cette modification de la

prise en charge du bébé dans la période postnatale est née du souci de répondre mieux

aux besoins des parents et de renforcir la formation du lien d’attachement. Ainsi, lorsque

la mère obtient son congé post-partum (48h post-naissance), elle est invitée à occuper une

chambre d’accueil attenante à l’unité néonatale. Les parents et l’enfant peuvent donc

cohabiter pour la durée de la période d’hospitalisation du nouveau-né, tout en bénéficiant

du soutien du personnel infirmier, médical et psychosocial (Lavendier, Venne et

Perreault, 2009; Lecompte et coll., 2002).

Le séjour à l’hôpital

Une étude effectuée au Centre des naissances du CHUM fait ressortir les

bénéfices de la cohabitation. Ceux-ci incluent une diminution du séjour à l’hôpital (de

28,2 jours en 2004-05 à 9,6 jours en 2005-06) et une baisse de l’utilisation du sirop de

morphine; une augmentation de l’allaitement, qui est perçu par les mères comme un acte

valorisant qui diminue leur sentiment de culpabilité et augmente leur sentiment de

contribuer au mieux-être de leur enfant (Lecompte et coll., 2002). Il est également

documenté que l’allaitement et l’utilisation de compléments de lait maternel permettent

de diminuer l’intensité des symptômes de sevrage, même si la quantité de méthadone qui

se trouve dans le lait maternel est minime (Finnegan et Kandall, 2005; Jones et coll.,

2008).

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 40: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

35

Mes trois collaboratrices disent avoir apprécié cette période de cohabitation et

trouvé précieux les conseils et le soutien de l’équipe soignante du Centre des naissances,

malgré que la proximité et le manque d’intimité soient parfois difficiles à tolérer :

« Puis l’hôpital, bien, c’est dur, rester là un mois et demi, là. T’sais, on

était écoeuré. Puis on s’est poigné beaucoup. C’est dur pour le couple.

C’est dur pour tout. Puis la petite qui a mal. Puis de vivre avec tous les

groupes d’infirmières. Mais toutes les infirmières ont toutes été gentilles

avec nous » (Julie, p.30).

Julie a passé un mois et demi au Centre des naissances du CHUM et malgré que cela se

soit bien passé de façon générale, elle partage ses sentiments concernant ses rapports avec

certaines des infirmières qui soignaient son bébé. Selon elle, le niveau des connaissances

concernant les enjeux de dépendance aux opioïdes ne semblaient pas être égal parmi

celles-ci. Certaines semblaient difficilement comprendre les difficultés et exigences

associées au traitement de méthadone et manquaient parfois de sensibilité à cet égard.

Malgré ceci, Julie constate que la durée de son séjour a été bénéfique pour stabiliser sa

situation sociale et leur a offert, à elle et son conjoint, le temps requis pour se trouver un

logement adéquat :

« T’sais, […] d’avoir resté aussi longtemps à l’hôpital, comme,

finalement, comme, c’est un… c’est un bien, t’sais? Parce que je pense

que d’avoir rentré dans mon ancien appart avec la petite, je pense que ça

aurait été comme complètement débile » (Julie, p.41).

Les trois participantes ont nommé que la période suivant l’accouchement est

particulièrement difficile; où les besoins sont élevés. Liliane fait référence à « that

newborn period », expliquant qu’elle se sentait particulièrement seule et insécure face à la

réalité de sa nouvelle maternité. L’absence du père et la peur de l’inconnu ont contribué à

ce sentiment de vulnérabilité. Liliane a quitté l’hôpital huit jours après la naissance de son

fils, étant donné que les symptômes de sevrage de ce dernier étaient légers et ne

nécessitaient pas de traitement pharmacologique. Elle était contente de partir avec son fils

chez ses parents. Par contre, avec le recul, elle réalise qu’elle aurait aimé recevoir plus de

soutien pendant cette période. Et ce, particulièrement de la part d’intervenants qui l’ont

accompagnée pendant sa grossesse, avec lesquels elle avait déjà établi un lien de

confiance.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 41: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

36

Les interventions

Bien qu’au Québec, le signalement systématique des cas où la consommation de

substances est dépistée ne soit pas en vigueur dans la loi, il reste qu’un bon nombre de

nouveau-nés exposés à des substances pendant la grossesse et dont les parents suscitent

des inquiétudes en lien avec leur mode de vie font l’objet d’un signalement aux services

de la protection de la jeunesse. Par exemple, au cours des années 2007-2008, 52,6% des

enfants nés des 97 femmes consommatrices suivies au centre des naissances du CHUM

ont fait l’objet d’un signalement à la naissance (Lavendier, Venne et Perreault, 2009).

Parmi mes trois collaboratrices, seule la situation de Céline a fait l’objet d’un

signalement.

En comparant ses deux expériences de naissance, Céline trouve que le soutien

qu’elle a reçu à la naissance de sa deuxième fille a grandement contribué à l’engagement

dont elle a fait preuve. À l’inverse, suivant la naissance de sa fille ainée, elle s’est sentie

seule et mise de côté. Elle aurait aimé qu’on l’accompagne dans les difficultés qu’elle

vivait, même si elle a perdu la garde de son enfant. Elle reconnait ne pas avoir été aussi

présente qu’elle l’aurait souhaité mais continuait de croire qu’elle réussirait à faire ce que

doit pour assumer son rôle de mère. Par contre, lorsqu’elle revenait à l’hôpital, elle se

sentait jugée et incomprise :

« […] les autres, là, qui me disaient: « Ben, j’espère que tu vas être là…!

J’espère que tu ne vas pas […] ». T’sais, à place de dire: « Pourquoi t’es

pas revenue, […] parce que tu te sens pas comprise, pis t’es fatiguée, pis

t’es à bout, pis dans le fond tu voudrais être là, mais t’es plus capable, là »

(Céline, p. 22).

Par la suite, elle nous partage comment la travailleuse sociale de l’hôpital l’a

accueillie à un moment où l’impuissance commençait à prendre le dessus. Le message

qu’elle a reçu lui a permis de s’investir alors qu’elle croyait qu’il était trop tard. Selon

Céline, c’est cet accueil qui a fait la différence et qui lui a permis de cheminer vers le

changement, c’est-à-dire prendre conscience de l’ampleur de sa consommation et prendre

la décision d’entamer une thérapie mère-enfant. Concernant l’intervention de la DPJ, elle

s’est sentie davantage considérée et impliquée dans les processus de définition de la

problématique et de recherche de solutions.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 42: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

37

Le paradoxe du traitement

Lorsque j’ai demandé à Liliane ce qu’elle aurait souhaité qu’il se passe mieux

dans le contexte de son suivi prénatal, elle m’a répondu ce que j’entends de la majorité de

mes clientes. Elle aurait préféré ne pas être en traitement méthadone :

« The methadone, I wish I wasn’t on the methadone ‘cause, like I said, I

knew he would be sick when he was born and I felt so guilty that this little

innocent baby would be not feeling well and it was my fault. That’s the

only thing that really bothered me » (Liliane, p.4).

Malgré que le traitement de méthadone soit reconnu comme étant bénéfique à plusieurs

égards pour la santé de la femme enceinte et son fœtus, il est rare qu’il soit source de

fierté. La majorité de mes clientes me font part d’une certaine ambivalence face à leur

traitement, qui peut se jouer sur plusieurs sphères pendant la grossesse. J’observe, par

exemple, qu’elles souhaitent souvent diminuer leur dose de méthadone alors qu’au

contraire, on doit souvent augmenter le dosage en lien avec les changements

physiologiques de la grossesse. Cela fait donc partie de mon travail de les informer que,

selon les études, il n’y a aucune corrélation entre la dose et l’incidence du sevrage

(Abrahams et coll., 2007 ; Finnegan et Kandall, 2005). Elles se résignent alors devant ce

« mal nécessaire », qui aide à stabiliser le mode de vie associé à la consommation et

prévenir la rechute mais, du même coup, dévoile la condition de toxicomanie qu’elle soit

active ou passée, ouvrant la porte à une stigmatisation plus élevée et à l’étiquetage.

Plus spécifiquement, les préoccupations liées à l’étiquetage incluent le manque de

confidentialité ou de discrétion de la part des professionnels devant d’autres

professionnels ou membres de la famille concernant leur prise de méthadone ; des

jugements critiques de la part de certains professionnels, ainsi que des paroles agressives

ou moralisatrices en lien avec le sevrage chez le bébé (Lavergne et coll., 2009). Pour

certaines clientes, ceci est vécu comme une atteinte à la liberté de choisir ou non si elles

veulent divulguer leur consommation et suscite la peur de se faire retirer la garde de leur

enfant. De plus, elles craignent que leur bébé soit étiqueté comme étant un « bébé

méthadone » et qu’il soit traité différemment d’un « bébé normal ».

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 43: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

38

5. DISCUSSION

À cette étape de l’essai, il convient de rappeler les objectifs mentionnés lors de

l’énoncé de la problématique : Cibler des pistes d’interventions gagnantes face à la

stigmatisation des femmes enceintes et mères en TDO en examinant la nature des liens

entre la stigmatisation, la perception des pratiques professionnelles qui leur sont destinées

et l’engagement thérapeutique dans le cadre de leur suivi prénatal.

Les résultats ont été interprétés, en partie, au fur et à mesure qu’ils ont été

présentés. La discussion qui suit vise donc à approfondir les notions théoriques et

concepts qui ressortent de l’analyse des résultats, tout en permettant de répondre à

l’objectif de départ. À cet effet, trois thématiques seront abordées, soit le changement

identitaire, la stigmatisation et ses répercussions relationnelles et le pouvoir de la relation

thérapeutique.

5.1 Devenir mère : un changement identitaire

« L’identité d’une personne dépend, paradoxalement, d’autrui » (Ricoeur, 1996).

L’identité de toute femme est bouleversée avec la maternité. En effet, plusieurs

auteurs qui se sont penchés sur le sujet caractérisent cette transformation de crise

identitaire (Bernard et Eymard, 2002). Nous pouvons, sans trop de difficultés, mesurer

l’ampleur des changements apportés par l’arrivée d’un enfant dans la vie d’une femme.

Par contre, le passage de consommatrice à mère ajoute un niveau de complexité à cette

transition, ainsi qu’au travail clinique qui l’entoure. Il est donc essentiel de mieux saisir

les dimensions psychosociales en jeu, qui varient d’une trajectoire à l’autre. Ceci

contribuera à intervenir plus efficacement auprès de cette population, c’est-à-dire à

faciliter la transition de consommatrice à mère.

Souvent, la grossesse est vécue comme l’opportunité d’améliorer ses conditions

de vie et de modifier ses habitudes de consommation. Tel a été le cas pour chacune de

mes collaboratrices. L’annonce de la grossesse met les mères consommatrices devant un

premier choix à faire : poursuivre la grossesse ou subir un avortement. Plusieurs facteurs

vont influencer ce choix. Celles qui choisiront de poursuivre la grossesse donneront

ensuite un sens à l’arrivée de l’enfant. Ce sens dépendra de la façon dont elle se

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 44: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

39

représente la maternité et marquera le début du processus de changement et

parallèlement, la naissance du lien d’attachement.

Selon les observations cliniques, la naissance constitue une étape significative

dans le processus de changement identitaire—la concrétisation du rôle de mère (Venne et

Morissette, 2009). L’histoire de Céline illustre particulièrement comment la naissance de

l’enfant peut générer une urgence à s’engager, à faire tout ce qui est possible pour

assumer son rôle maternel. Ce moment, très intense sur les plans émotionnel, physique et

psychologique, génère une grande vulnérabilité que Liliane appelle avec éloquence « that

newborn period ». Ceci fait référence à la naissance de l’enfant, mais aussi à la naissance

symbolique de la mère.

Mon expérience clinique m’indique que les jours et semaines suivant la naissance

d’un enfant composent une période où l’identité est flottante, les changements sont

fertiles et l’accompagnement déterminant. L’étude de Guyon et coll. identifie que les six

premiers mois suivant l’accouchement correspondent à l’apprentissage de la maternité et

constituent un moment charnière au cours duquel les possibilités de changement dans les

comportements de consommation sont accrues (2002). Certaines mères cessent toute

consommation suivant la naissance mais plusieurs s’inscrivent dans un processus de

rechute, accompagnée d’une grande culpabilité. Dans le récit de Julie, on peut voir que le

malaise à aborder la consommation dans le contexte de la grossesse/maternité est

directement lié à la peur de perdre son enfant ou d’être considérée une mauvaise mère.

Ses mots traduisent bien le sentiment d’ambivalence lié au croisement identitaire en jeu.

Le désir d’être avec son enfant et d’en prendre soin peut coexister avec le goût de

continuer à consommer. Ceci nous aide à comprendre que le seul fait d’avoir un enfant ne

résout pas les difficultés liées à la consommation.

À la lumière de ce constat, il devient essentiel en tant que professionnel qui

accompagne une femme consommatrice dans le devenir mère, de prévoir un espace pour

qu’elle puisse aborder ses difficultés. Cet espace doit laisser place à la réalité du goût de

consommer qui persiste, malgré le désir profond d’être une bonne mère et reconnaître que

ces deux facettes peuvent exister chez la même personne, qu’arrêter de consommer est un

processus, dont la rechute fait partie intégrante. La rechute peut servir de moment clé

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 45: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

40

dans l’intervention et le suivi des mères. Aussi, la façon dont la rechute est considérée et

abordée par les professionnels peut aider la mère à s’ancrer davantage dans son identité

de mère. Sinon, elle peut s’ancrer davantage dans l’identité de toxicomane, niant tous les

efforts faits jusqu’à présent et augmentant son sentiment d’incompétence (Guyon et coll.,

2002; Greaves et Poole, 2004; Leslie, 2007; Venne et Morissette, 2009).

Même si les spécialistes l’évoquent, le plus souvent, au début de cette relation, la

réorganisation identitaire des mères n’est pas un processus spécifique. Il se poursuit tout

au long de la vie de la mère et de l’enfant. C’est un processus dynamique qui évolue avec

la relation parent/enfant et le regard d’autrui, qui implique plusieurs composantes et qui

superpose des notions de gains et d’apprentissage sur des notions de perte et de deuil

(Boyd et Marcellus, 2009; Morissette et Venne, 2009). Parallèlement, la toxicomanie

chemine longtemps et est affectée par l’influence que les autres exercent sur nous,

l’environnement dans lequel nous vivons et les relations que nous construisons (Simmat-

Durand, 2007).

La maternité offre la possibilité de faire dévier la trajectoire de consommation

(Guyon et coll., 2002). Réussie, elle pourra jouer un rôle positif. Si elle échoue, elle

deviendra un facteur important de rechute. Pour les professionnels de la santé et des

services sociaux, il importe de mieux comprendre les éléments qui entrent en jeu au cours

de ce passage, afin de reconnaître la complexité du phénomène et éviter de minimiser ou

entretenir des croyances qui pourraient nuire à l’émergence de l’identité de mère. Les

études auprès de femmes enceintes et mères consommatrices le démontrent : elles

dépendent des professionnels qu’elles rencontrent pour valider leur identité de mère

(Hicks, 1997; Poole et Isaac, 2001; Venne et Morissette, 2009).

5.2 La stigmatisation

« Une femme enceinte est perçue comme celle qui prend soin et protège

son enfant. Les femmes qui empoisonnent volontairement leur fœtus en

prenant des drogues sont vues comme dérogeant à leur rôle de

reproductrices et devraient par conséquent se retrouver parmi les

populations les plus stigmatisées de nos sociétés » (traduction libre,

Murphy et Rosenbaum, 1999).

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 46: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

41

Il est bien documenté que la stigmatisation sociale peut enfermer la mère

toxicomane dans sa problématique et nuire au processus de changement identitaire, en

contribuant à compromettre le développement de la relation mère/enfant (Hicks, 1997 ;

Hogan, 2003 ; Luttenbacher, 1999 ; Poole et Greaves, 2007 ; Radcliffe, 2011a). Il est

possible de voir dans les récits de Liliane, Julie et Céline comment la stigmatisation qui

est véhiculée socialement peut s’intérioriser, en passant par les sphères socio-culturelles

aux milieux d’intervention à l’entourage pour finalement s’installer à l’intérieur de soi.

Pour les femmes en TDO, la stigmatisation s’articule autour des enjeux suivants :

Le traitement de méthadone ou buprénorphine permet de stabiliser le mode de vie

associé à la consommation d’opioïdes et d’améliorer la santé de la femme et son

fœtus (Working Group on Problematic Substance Use in Pregnancy, 2011). Par

contre, il existe à l’intérieur d’un cadre médical et dévoile la condition de

dépendance aux opioïdes aux professionnels qui travailleront auprès de la

personne, ce qui peut augmenter les attitudes et comportements d’étiquetage, de

stéréotypes, préjugés et discrimination à l’endroit de cette personne (Kondrat et

Early, 2010);

Le sevrage néonatal, qui est une préoccupation majeure pour l’ensemble de la

clientèle, est empreint de honte et de culpabilité et peut ouvrir la porte aux

jugements critiques, réels ou anticipés, de certains professionnels de la santé

(Lavendier, Venne et Perreault, 2009);

La peur de perdre son enfant, en lien avec ce dévoilement et le regard des autres

sur la dépendance aux opioïdes, peut amener un évitement réactionnel et des

stratégies d’adaptation de désengagement plus prononcés, particulièrement s’il y a

eu des expériences négatives dans le système de la santé et des services sociaux

antérieurement. (Murphy et Rosenbaum, 1999; Poole et Isaac, 2001; PRIMA,

2011).

Les répercussions relationnelles

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 47: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

42

Lorsque la stigmatisation s’insinue dans les relations thérapeutiques, elle prend

l’espace qui pourrait être mis à profit de la santé mère/enfant autrement. Par exemple, le

deuil fait souvent partie des enjeux significatifs, comme nous l’avons vu dans le récit de

Céline. Trop souvent, les femmes enceintes aux prises avec une dépendance n’ont ni

l’espace, ni le lien de confiance nécessaire pour adresser les pertes qu’elles ont subies, ce

qui, en soi, peut avoir un impact relationnel important.

Non seulement les discours blâmants et attitudes désapprobatrices à l’endroit des

femmes enceintes et mères consommatrices ne permettent pas d’aborder les difficultés

réelles qu’elles vivent mais ils risquent de renforcir les comportements dénoncés

(Greaves & Poole, 2007; Guyon et coll., 2002; Radcliffe, 2011a). D’une part, l’effet

particulièrement dévastateur et pervers de la stigmatisation est que les personnes

stigmatisées évitent de demander de l’aide ou de s’engager dans un processus

thérapeutique même si elles jugent que cela pourrait leur être bénéfique (Poole et

Urquhart, 2010; Réseau juridique canadien VIH/sida et Société canadienne du sida,

1998). D’autre part, les processus de la stigmatisation sont insidieux et peuvent se faufiler

dans nos interventions sans que l’on s’en rende compte. Ce faisant, le risque est de

contribuer au désengagement plutôt qu’à l’engagement de la femme enceinte et/ou mère

en TDO, dans une relation thérapeutique.

5.3 Le pouvoir de la relation

« L’individu est un produit d’interactions sociales ; l’interaction même dicte ce qui peut

être perçu comme normal ou stigmatisé » (traduction libre, Kondrat et Early, 2010).

À la croisée de deux domaines où le volet médical prédomine—l’obstétrique et le

traitement de la dépendance aux opioïdes—il est possible de perdre de vue qu’au-delà

des connaissances, la relation qui englobe les actes médicaux est fondamentale à la prise

en charge des femmes enceintes en TDO. À travers leur récit, Julie, Céline et Liliane

rappellent ce qui est mis en évidence dans les écrits qui mettent en relation la grossesse

et/ou maternité et la toxicomanie :

Plus il y a perception de stigmatisation de la part d’une cliente, moins celle-ci

s’engagera dans un processus thérapeutique (Boyd et Marcellus, 2007; Poole et Isaac,

2001 ; Radcliffe, 2011).

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 48: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

43

Force est de constater que les populations défavorisées sont souvent les plus

stigmatisées. J’observe que les femmes enceintes et mères en TDO sont très souvent

isolées socialement. Aussi, tel que nous l’avons vu dans la situation de Julie et Céline, les

liens familiaux sont souvent précaires ou inexistants. Ceci indique que plusieurs mères

auront à exercer leur rôle maternel avec peu de soutien de leur entourage, peu de gens

pour leur refléter leur nouvelle identité. Dans ce contexte, les professionnels seront

appelés à occuper une place importante et jouer une fonction essentielle dans

l’accompagnement dans le processus de changement identitaire. En ce sens, les attitudes

et le langage entourant la consommation prennent un sens significatif car peuvent

renforcir la stigmatisation et dans certains cas, faire en sorte que la femme ne puisse

projeter l’identité de mère (Greaves & Poole, 2004; Luttenbacher, 1999). Comme la

stigmatisation a pour effet de réduire l’identité d’un individu à une seule facette

(toxicomane ou mère), contrer la stigmatisation implique travailler à ce que cet individu

puisse être reconnu dans son unité.

Les professionnels peuvent être des agents de stigmatisation ou d’antistigmatisation

(Réseau juridique canadien VIH/Sida et Société canadienne du Sida, 1998).

Plusieurs études démontrent qu’un intervenant peut être source de variance entre

le stigma et l’alliance thérapeutique. (BCCEWH, 2009; Greaves & Poole, 2004 ; Kondrat

& Early, 2010 ; Radcliffe, 2011a). Il existe plusieurs définitions de l’alliance

thérapeutique mais peu importe celle-ci, il est convenu que l’alliance établit les

paramètres relationnels de la démarche thérapeutique et devient une variable majeure, un

ingrédient actif en soi, autour de laquelle les autres variables peuvent s’organiser. Malgré

les nuances dans les différentes façons de concevoir l’alliance thérapeutique, tous les

auteurs s’entendent pour affirmer que l’attitude du thérapeute favorise la construction

d’une alliance, la condition de base dans toute démarche visant le changement (Horvath

et Bedi, 2002 ; Salimi, Haase et Kooken, 2012 ; Miller et Rose, 2009 ; Overholser, 2007).

Nous participons — comme intervenants — à définir ce qui est valorisé,

encouragé et par opposition, jugé, en s’appuyant sur nos valeurs et représentations lors de

l’élaboration et de la mise en application d’interventions, mais aussi, de façon plus

globale dans notre façon d’entrer en relation.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 49: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

44

6. CONCLUSION

6.1 Forces et limites de la démarche

6.1.1 Forces

La spécificité de mon sujet m’a permis de regarder de près un phénomène précis

et contextualisé, ce qui ajoute une crédibilité aux données recueillies (Miles et Huberman,

2003). Aussi, le sujet est pertinent et d’actualité en lien avec un phénomène qui prend de

l’ampleur dans notre société—la dépendance aux opioïdes chez les femmes enceintes ou

en âge de procréer. Quoiqu’un échantillon si petit ne permette pas de généraliser les

résultats à l’ensemble de la situation, ils sont transférables dans d’autres milieux de

pratique auprès de la population cible. De plus, mon implication directe auprès de la

clientèle me place dans la position privilégié de pouvoir mettre en application les pistes

dégagées de la démarche, contribuant ainsi à l’amélioration des pratiques.

L’entrevue semi-dirigée nécessite une bonne connaissance du sujet et des thèmes

associés (Boutin, 2008). Mon rôle actif auprès de ma population cible m’a permis

d’accéder à du matériel, auquel je n’aurais probablement pas eu accès, sans lien de

confiance préalable. Dans une approche constructiviste, il est possible de mettre la

proximité au profit de l’entretien et de l’analyse des résultats (Appleton et King, 2002).

Mon expérience clinique et le fait de connaître le parcours de mon interlocutrice m’ont

aidée à suivre et guider les entrevues, tout en demeurant sensible aux résistances. La

connaissance de la clientèle permet de mieux comprendre les difficultés que vivent ces

femmes et d’être sensible au caractère délicat du sujet, ce qui augmente la qualité des

entretiens.

6.1.2 Limites

Toutefois, mon double rôle d’intervenante et d’intervieweuse soulève l’enjeu d’un

conflit d’intérêt potentiel. Il est difficile de penser que mon regard n’intervient pas dans

l’analyse, car il est présent dans mon intérêt envers le sujet d’étude et dans mon travail

auprès de mes clientes. Il est certainement possible que les participantes aient censuré

certaines opinions ou perceptions, malgré une participation volontaire. Ce biais est non

négligeable dans l’interprétation des résultats. Qui plus est, la question de la parentalité

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 50: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

45

dans un contexte de consommation et/ou TDO demeure délicate. Malgré que l’entrevue

individuelle minimise le biais de désirabilité sociale (Denzin et Lincoln, 2003), la peur de

dévoiler des informations qui pourraient être jugées négativement ou invoquer des

conséquences doit également être considérée.

Le mode de recrutement et la sélection des participantes pourraient également

biaiser les résultats. Alors que j’avais le souci de présenter trois profils différents, j’ai

tenté de recruter deux mères, plutôt précaires socialement et pour lesquelles le regard des

autres et la présence des services de la DPJ sont des sujets sensibles. Une d’entre elles a

refusé et la deuxième a accepté mais ne s’est pas présentée aux deux rendez-vous fixés.

Ceci m’indique que les mères qui sont le plus stigmatisées ne sont peut-être pas

représentées dans mon échantillon. Du même coup, cette lacune illustre comment la

perception de la stigmatisation peut se traduire dans la relation. La difficulté de rejoindre

les femmes enceintes et mères en TDO les plus précaires doit donc être considérée dans

l’interprétation des résultats.

6.2 Implications pour l’intervention

Entre spécificité et stigmatisation…

La notion de stigmatisation s’inscrit dans un processus social complexe mettant en

relation plusieurs autres concepts, dont l’identité. Ce qui ressort des entrevues corrobore

ce qui est évoqué dans la littérature—la perception de la stigmatisation est significative et

aura un impact direct sur les conséquences qu’entrainera cette stigmatisation. Plus une

personne se perçoit comme étant stigmatisée, plus son estime personnelle sera atteinte,

moins elle bénéficiera de l’aide qui lui est offerte.

Les services offerts sont majoritairement « découpés » en groupe à risque ou

clientèle cible, ce qui s’avère nécessaire pour offrir des services qui répondent aux

besoins précis d’une population. Toutefois, cette approche peut entraîner des risques et

coûts sociaux, tel l’étiquetage de certains individus ciblés pour l’intervention, souvent les

plus vulnérables (Kondrat, 2012 ; Luttenbacher, 1999). C’est sur ce terrain délicat que se

situe l’intervention auprès de femmes enceintes et mères en TDO.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 51: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

46

Au-delà des meilleures pratiques…

Il semble y avoir consensus dans la littérature autour des meilleures pratiques

auprès de femmes enceintes et mères consommatrices de substances psychoactives. Selon

une recension des écrits de Poole et Urquhart (2010), celles-ci incluent :

l’interdisciplinarité, le travail intégré, le travail en réseau, l’intervention collaborative et

l’entretien motivationnel. Pour s’éloigner du stigma dans nos interventions, une approche

centrée sur la femme et orientée vers la réduction des méfaits a également fait ses preuves

auprès de femmes enceintes vulnérables. (Boyd & Marcellus, 2007; Poole & Urquhart,

2010, PRIMA, 2012; Working group on Problematic Substance Use in Pregnancy, 2011).

Par contre, qu’est-ce qui explique l’écart entre connaître les meilleures pratiques

et les appliquer ? Cette question est large et dépasse certainement le spectre de cet essai.

Je me questionne simplement à savoir si la stigmatisation, même si elle est amplement

reconnue, est suffisamment considérée dans l’application des meilleures pratiques

actuelles. Certains auteurs se sont également penchés sur la question. Dans l’ouvrage de

Poole et Greaves, par exemple, on remet en question l’entretien motivationnel, tout en

reconnaissant sa validité (2007). On soulève le risque de tout mettre ce qui a trait à

l’engagement dans le panier de la motivation et la responsabilité individuelle alors que

c’est une équation complexe et que le discours socio-politique et les attitudes

professionnelles ont un impact important sur le processus d’engagement. La question se

pose : Prévoyons-nous un espace pour reconnaître le stigma et interroger nos propres

attitudes dans nos interventions ?

6.3 Recommandations

À travers leur histoire, chacune de mes participantes offre une piste

d’intervention, qui me permettra, je crois, de mieux accompagner ma clientèle. Liliane

identifie cette période de grande vulnérabilité suivant la naissance de l’enfant, comme un

moment où il est particulièrement important d’être disponible et à l’écoute. Julie partage

comment le sevrage néonatal est une réalité difficile et culpabilisante, pour laquelle il est

important de demeurer sensible et présente. Céline nous rappelle que, même dans un

contexte où l’évitement ou le refus des services a lieu, il n’est jamais trop tard pour croire

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 52: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

47

au changement et créer un lien, tant en termes de relation intervenante-cliente que parent-

enfant.

Afin d’agir efficacement pour contrer le potentiel subtil, mais non moins

dévastateur de la stigmatisation et, du même coup, accroître le potentiel thérapeutique de

la relation d’intervention, je propose quatre pistes d’action ou pratiques à privilégier pour

bonifier l’offre de services auprès de femmes enceintes et mères en TDO. Ces

recommandations ciblent l’intervention clinique afin de susciter l’engagement chez ces

femmes pendant la période entourant la naissance de leur enfant, mais aussi

l’organisation des services et la formation, pour soutenir le travail des intervenants qui

travaillent auprès d’elles.

6.3.1 Miser sur l’accueil

Considérant que les résultats de cet essai et les données présentes dans la littérature

indiquent que :

• la qualité de l’accueil est déterminante pour l’intervention et la rétention de la

clientèle dans une démarche thérapeutique (Bertrand et coll., 2007 ; Hicks, 1997 ;

Kondrat, 2012 ; Leslie, 2007 ; Overholser, 2007 ; Salimi, Haase et Kooken,

2012) ;

• la relation thérapeutique, caractérisée par la collaboration intervenant/client est au

cœur du changement et celle-ci débute par l’accueil (Miller et Rose, 2009 ;

Overholser, 2007);

• lorsque les femmes rencontrent les professionnels pour la première fois, elles ont

en tête tous les autres professionnels qu’elles ont rencontrés et les expériences

négatives antérieures peuvent entraîner une méfiance envers les autres

professionnels (Laventure, 2015 ; Morissette et Venne, 2009).

Il est recommandé:

• que les intervenants qui travaillent auprès des femmes enceintes et mères en TDO

accordent une grande importance à la première rencontre, en adoptant un cadre

d’intervention favorisant la confiance et la bienveillance;

• que les intervenants demeurent sensibles aux sentiments de méfiance et de

culpabilité et leurs manifestations, de l’évitement à l’hostilité, afin de bien saisir

les préoccupations et résistances de la personne;

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 53: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

48

• que les intervenants questionnent et considèrent les barrières à l’intervention

perçues par la femme, y compris la stigmatisation, dans l’évaluation et la

planification de l’intervention;

• que les intervenants évaluent régulièrement les besoins de la cliente, ainsi que la

qualité de la relation afin que l’accueil demeure au centre du processus, tout au

long de la relation d’intervention;

• que les interventions résultent d’une co-construction des enjeux à travailler, afin

de favoriser le partage entre les désirs et préoccupations de la cliente et l’expertise

de l’intervenant quant aux enjeux spécifiques à la grossesse et le TDO, ainsi que

l’orientation vers les services complémentaires disponibles;

• que les caractéristiques qui ressortent dans les récits de mes collaboratrices

puissent être considérées dans le développement de la relation thérapeutique, soit

la gentillesse, l’authenticité, la directivité, la valorisation et la bonne proximité.

6.3.2 La continuité des services

Considérant que les résultats de cet essai et les données présentes dans la littérature

indiquent que :

• le stigma est lié à une difficulté d’entrer en relation, les contacts peuvent être

sporadiques et irréguliers lors du suivi prénatal et l’alliance thérapeutique peut

prendre du temps à se développer (Kondrat et Early, 2010; Greaves et Poole,

2004; Radcliffe, 2011a);

• la majorité des mères consomment moins pendant la grossesse, mais les

possibilités de rechutes augmentent plus on s’éloigne de l’accouchement. (Guyon

et coll., 2002);

• pendant la période qui suit l’accouchement, la plupart des services sont axés sur

l’enfant et non la mère alors qu’elle a un besoin accru de soutien psychologique et

de rassurance (Guyon et coll., 2002; Greaves & Poole, 2004, Venne et Morissette,

2009);

• les mères en TDO dont l’enfant est placé à la naissance rapportent se sentir

particulièrement isolée et mis à l’écart des interventions alors que leur besoins de

soutien sont accrus;

• la constance des intervenants est particulièrement appréciée (Leslie, 2011 ; Poole

et Urquhart, 2010);

Il est recommandé:

• que la continuité de l’offre de services de soutien soit une priorité dans

l’organisation des services;

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 54: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

49

• qu’un intervenant pivot puisse demeurer disponible après l’accouchement, sinon

de faire un transfert personnalisé avec la ressource qui prendra la relève;

• que les services de soutien puissent être maintenus auprès de la mère même s’il y

a une séparation mère-enfant à la naissance ou à d’autres moments dans le

parcours parental;

• que les services soient mises en place le plus tôt possible pendant la grossesse et

offerts dans une perspective à long terme pour que la volonté au changement et

l’amour maternel présents puissent être soutenus dans le temps et qu’un véritable

accompagnement ait lieu.

6.3.3 La formation croisée axée sur les valeurs

Considérant que les résultats de cet essai et les données présentes dans la littérature

indiquent que :

• le stigma est une barrière significative dans l’obtention des soins prénataux (Boyd

et Marcellus, 2007; Guyon et coll., 2002; Greaves et Poole, 2004; Murphy et

Rosenbaum, 1999; Radcliffe, 2011a ; Working group on Problematic Substance

Use in Pregnancy, 2011);

• les écarts dans l’intervention s’expliquent par les cultures professionnelles qui

trouvent leur ancrage dans différentes théories et conceptions de la dépendance et

son traitement (Luttenbacher, 1999) et d’une méconnaissance des enjeux et

services existants (Venne et Morissette, 2009);

• plusieurs caractéristiques et compétences sont susceptibles de favoriser le

développement et le maintien d’une alliance thérapeutique (Bertrand et coll.,

2007 ; Guyon et coll., 2002; Greaves& Poole, 2004 ; Horvath et Bedi, 2002 ;

Laventure, 2015 ; Miller et Rose, 2009 ; Overholser, 2007);

• les personnes conscientisées quant à leurs propres valeurs sont plus empathiques

et tombent moins facilement dans les préjugés et stéréotypes, ce qui favorise

davantage l’engagement thérapeutique (Luttenbacher, 1999; Miller et Rose, 2009;

Radcliffe, 2011a).

Il est recommandé:

• que les intervenants qui travaillent auprès de femmes enceintes et mères en TDO

reçoivent de la formation croisée, spécifique et continue pour les aider à mieux

comprendre les besoins socio-affectifs de la clientèle;

• que cette formation inclut des notions de la toxicomanie en général, du TDO en

particulier, de la périnatalité et de la petite enfance afin que les intervenants

puissent développer une meilleure compréhension des enjeux et services mutuels;

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 55: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

50

• que cette formation soit axée sur la conscientisation des croyances et valeurs des

professionnels concernant la consommation chez les femmes enceintes et mères,

ainsi que sur les besoins de sécurité des enfants.

6.3.4 Le travail en réseau

Considérant que les résultats de cet essai et les données présentes dans la littérature

indiquent que :

plusieurs professionnels de différentes disciplines et services seront appelés à

travailler auprès de femmes enceintes et mères en TDO pendant la période

entourant la naissance de leur enfant (Lavergne et coll., 2009; Leslie, 2011);

prendre en compte l’ensemble de la situation d’une famille demande de

nombreuses compétences rarement réunies chez une seule personne;

les services ont des mandats et missions spécifiques et il ne leur est pas

possible de répondre à tous les besoins des familles avec lesquelles ils

travaillent (Leslie, 2011);

les situations des familles sont parfois lourdes à porter pour un seul

professionnel, tant sur le plan pratique qu’affectif (Lavergne et coll., 2009);

il est établi que de solides liens de partenariat facilitent la référence et le suivi

(Bertrand et coll., 2007);

les ententes de collaboration et partenariat permettent d’échanger autour des

pratiques et de développer un langage et des valeurs communes autour

desquels peut se tisser un meilleur filet de sécurité pour la clientèle et les

intervenants (MSSS, 2007).

Il est recommandé:

que le temps et les ressources nécessaires pour développer et maintenir les

partenariats en place soient alloués et aménagés dans l’organisation des

services;

que les mécanismes de communication inter-organismes existants soient

maintenus à une fréquence régulière (comités, plans de service individualisés

etc.) et que de nouveaux mécanismes de concertation et ententes de partenariat

soient développées au besoin;

que les enjeux éthiques concernant le partage d’informations entre

intervenants et le consentement éclairé de la clientèle soient considérés et

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 56: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

51

appliqués conformément aux normes existantes, pour que la cliente demeure

au centre de l’intervention;

que des professionnels expérimentés en dépendance et périnatalité/parentalité

puissent être identifiés et disponibles pour offrir du soutien et/ou de la

supervision clinique, par le biais d’une entente de service, au besoin.

6.4 Mot de la fin

La nature et la qualité de la relation mère-enfant est un facteur décisif dans le

développement de l’enfant. (Brownstein-Evans, 2001; Leslie, 2007; Poole et Urquhart,

2010). De la même façon, la relation intervenante-cliente constitue un facteur clef dans

l’évolution de la maternité. L’essai s’est développé dans la perspective qu’aider une mère

aide son enfant. D’ailleurs, on témoigne d’un changement de paradigme dans la

littérature dans ce sens. Plutôt que de positionner la mère toxicomane et son enfant dans

des pôles opposés, on parle de plus en plus d’unifier les intérêts de mère et bébé vers une

collaboration des services leur étant destinés. Avec une meilleure compréhension du

travail et du langage de chacun, pouvons-nous arriver à travailler dans l’intérêt commun

de la mère et du bébé? Les services de toxicomanie, périnatalité et protection de l’enfance

peuvent-ils se compléter malgré leurs différences? J’ose croire que, pour encourager les

femmes à s’engager dans un processus thérapeutique, dont bénéficiera toute la famille,

cela est non seulement possible mais essentiel.

Cet essai, loin d’épuiser la question, aura permis, je l’espère, de mieux cerner le

processus social de la stigmatisation des femmes enceintes et mères consommatrices et

comprendre en quoi les systèmes de significations reliés à ce phénomène s’étendent plus

particulièrement aux femmes enceintes et mères en TDO. J’espère aussi avoir réussi à

mieux situer les zones de pratiques professionnelles où la stigmatisation peut se faufiler et

d’avoir illustré, à l’aide du récit de mes collaboratrices, comment il est possible de

susciter l’engagement chez ces femmes, pour lesquelles la honte, la culpabilité et la peur

d’être jugée pose un défi relationnel. Enfin, j’espère avoir fait la démonstration que la

stigmatisation est en soi une source de vulnérabilité et que nos attitudes, en tant

qu’intervenants, sont déterminantes dans l’accompagnement périnatal et parental, ayant

ainsi un impact direct sur la santé mère/enfant.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 57: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

52

RÉFÉRENCES

Abrahams, R., Kelly, S.A., Payne, S., Thiessen, P.N., Mackintosh, J., et Janssen, P.A. (2007).

Rooming-In compared with standard care for newborns of mothers using methadone or

heroin. Canadian Family Physician/Le médecin de famille canadien, 53 (10), 1722-1730.

Albright, B., de la Torre, L., Skipper, B., Price, S., Abbott, P., Rayburn, W. (2011) Changes in

methadone maintenance therapy during and after pregnancy. Journal of Substance Abuse

Treatment, 41, 347-353.

Appleton, J. V.et King, L. (2002). Journeying from the philosophical contemplation of

constructivism to the methodological pragmatics of health services research. Journal of

Advanced Nursing, 40, 641-648.

Bertrand, K., Allard, P., Ménard, J-M., Nadeau, L. (2007) Parents toxicomanes en

traitement : une réadaptation qui protège les enfants ? (chapitre 4, p. 69-87). Dans C.

Chamberland, S. Léveillé, et N. Trocmé (Éds), Enfants à protéger, parents à aider : des

univers à rapprocher. Québec : Presses de l’Université du Québec.

Bernard, M-R et Eymard, C. (2002) Réaménagements identitaires des mères en devenir. Le

paradigme de la complexité revisité. Université de Provence. Sciences Croisées, 2 (3).

Consulté le 10 mai, 2014, http://sciences-croisees.com/N2-3/bernard.pdf

Bouchard, J. (2015). L’expérience de paternité des UDI qui fréquentent le Site Fixe de CACTUS

Montréal. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de

Sherbrooke.

Boutin, G. (2008). L’entretien de recherche qualitatif. Québec : Presses de l’Université du

Québec.

Boyd, S., Marcellus, L. (2007). With Child : Substance Use During Pregnancy, A woman-

centered approach. Halifax: Fernwood.

Brownstein-Evans, Carol. (2001). Negotiating the meaning of motherhood—Women in Addiction

and Recovery. Journal of the Association for Research on Mothering, 3(1), 11-45.

Brown, L., Callahan, M., Strega, S., Walmsley, C. and Dominelli, L. (2009), Manufacturing ghost

fathers: the paradox of father presence and absence in child welfare. Child & Family

Social Work, 14, 25–34.

Canadian Centre on Substance Abuse (2013). Canadian Drug Summary Prescription Opioids.

Consulté le 10 avril 2015, http://www.ccsa.ca/Resource%20Library/CCSA-Canadian-

Drug-Summary-Prescription-Opioids-2013-fr.pdf

Coyne, I. T. (1997). Sampling in qualitative research. Purposeful and theoretical sampling:

Merging or clear boundaries? Journal of Advanced Nursing, 26, 623-630.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 58: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

53

Centre de recherche et d’aide pour narcomanes (CRAN). (2011) La dépendance aux opioïdes :

portrait des traitements de substitution au Québec. Consulté le 13 mars 2013,

http://www.cran.qc.ca/sites/default/files/client/Portrait.pdf

Denzin, N. K., & Lincoln, Y. S. (2003). Introduction: The discipline and practice of qualitative

research. Dans N. K. Denzin & Y. S. Lincoln (Éds.), Handbook of qualitative inquiry

(2ee éd.), (1-45). Thousand Oaks, CA: Sage.

Depenne, D. (2013). Distance et proximité en travail social : les enjeux de la relation

d’accompagnement. Issy-les-Moulineaux : ESF éd.

Earnshaw, V., Smith, L., & Copenhaver, M. (2013). Drug Addiction Stigma in the Context of

Methadone Maintenance Therapy: An Investigation into Understudied Sources of Stigma.

International Journal of Mental Health and Addiction, 11(1), 110–122.

European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction (EMCDDA). (2014). Pregnancy and

opioid use: strategies for treatment, EMCDDA Papers, Publication Office of the

European Union, Luxembourg.

Finnegan, L. (2013). Consommation de drogues licites et illicites pendant la grossesse :

Répercussions sur la santé maternelle, néonatale et infantile, série Toxicomanie au

Canada, Ottawa :Centre canadien de lutte contre les toxicomanies

Finnegan, L.P., et S.R. Kandall. (2005) Neonatal abstinence syndromes. Dans J. Aranda et S.J.

Jaffe (éds), Neonatal and pediatric pharmacology: Therapeutic principles in practice, 3e

éd., Philadelphia: Lippincott Williams & Wilkins.

Fischer, B., Rehm, J., Brissette, S., Brochu, S., Bruneau, J., El-Guebaly, N., Baliunas, D. (2005).

Illicit opioid use in Canada: Comparing social, health, and drug use characteristics of

untreated users in five cities (OPICAN study). Journal of Urban Health : Bulletin of the

New York Academy of Medicine, 82(2), 250–266.

Fortin, M., Côté, J., & Filion, F. (2006). Fondements et étapes du processus de recherche.

Montréal : Chenelière éducation.

Greaves, L. & Poole, N. Victimized or Validated? Responses to Substance-Using Pregnant

Women. (2004). Canadian Women Studies. 24(1).

Guyon, L., M. DeKoninck, P. Morissette, M. Ostoj et A. Marsh (2002). « Toxicomanie et

maternité. Un parcours difficile, de la famille d’origine à la famille recréée ». Drogues,

Santé et Société, 1(1), 1-25.

Hicks, L. (1997) Drug Addiction and Pregnant/Parenting Women: Factors Affecting Client

Engagement. Toronto: Breaking the Cycle and University of Toronto.

Hogan, D.M. (2003). Parenting Beliefs and Practices of Opiate-Addicted parents: Concealment

and Taboo. European Addiction Research, 9(3), 113-119.

Hogan, Fergus (2004). Strengthening Families through Fathers: Developing policy and practice

in relation to vulnerable fathers and their families. Family Support Agency, Dublin.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 59: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

54

Horvath, A. O., & Bedi, R. P. (2002). Psychotherapy relationships that work: Therapist

contributions and responsiveness to patients (37-69). New York, NY: Oxford University

Press.

Institut canadien d’information sur la santé. (2012). Rapport Annuel 2011-2012 de l’ICIS.

Consulté le 22 janvier 2015,

https://secure.cihi.ca/free_products/AnnualReport2012-FRweb.pdf

Institut de la santé publique du Québec. (2015). Déces attibuables à l’intoxication aux opioïdes.

Consulté le 12 mars 2015,

http://www.inspq.qc.ca/pdf/publications/1738_DecesAttribIntoxOpiodesQc_2000-2009.pdf

Jones, H. E., Martin, P. R., Heil, S. H., et al. (2008). Treatment of opioid dependent

pregnant women: Clinical and research issues. Journal of Substance Abuse Treatment,

35, 245-259.

Jones, H.E., L.P. Finnegan et K. Kaltenbach. (2012). Methadone and buprenorphine for the

management of opioid dependence in pregnancy. Current Opinion (Drugs), 72 (6),

747–757.

Kondrat, D. (2012). Do treatment processes matter more than stigma? The relative impacts of

working alliance, provider effects and self-stigma on consumers’ perceived quality of

life. Best Practices in Mental Health: An International Journal, 8(1). 85-103.

Kondrat, D & Early, T.(2010) An Exploration of the Working Alliance in Mental Health Case

Management. Social Work Research, 34(4). 201-211.

Lavergne, C. Morissette, P., Dionne, M. et Dessureault, S. Facteurs-clés d’une collaboration

réussie entre les parents, le CHUM et la DPJ en contexte de toxicomanie parentale. Dans

Morissette, P. et

Venne, M. Parentalité, alcool et drogues: un défi multidisciplinaire. (143-171).Montréal :

Éditions du CHU Sainte-Justine.

Lavendier, K-A, Venne, M., Perreault, É. (2009) La volonté d’agir au CHUM : 30 ans à l’écoute

des parents consommateurs et de leurs enfants. Dans Morissette, P. et Venne, M.

Parentalité, alcool et drogues: un défi multidisciplinaire. (125-139).Montréal : Éditions

du CHU Sainte-Justine.

Laventure, M. (2015). Engager les parents dependants dans un programme d’intervention

familiale: Un défi de taille pour les intervenants. Journée annuelle de l’Association

québécoise pour la santé mentale des nourrissons (AQSMN).

Lecompte, J., Perreault, É., Venne, M., & Lavandier, K. A. (2002). Impact de la toxicomanie

maternelle sur le développement de l’enfant et portrait des services existants au Québec.

Comité permanent de lutte à la toxicomanie.

Leslie, M., BTC Compendium Vol. 1: The Roots of Relationship (2nd edition), (2011), Toronto:

Mothercraft Press.

Leslie, M. (2007). Engaging Pregnant Women and Mothers in Services: A Relational Approach,

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 60: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

55

in Nancy Poole & Lorraine Greaves (Eds), Highs and lows: Canadian perspectives

on women and substance use. Toronto: Centre for Addiction and Mental Health

L’espérance, N. Milot, M-P. (2011). Consommation de psychotropes chez les femmes enceintes

et les parents d’enfants 0-5 ans—Portrait de la situation et outils d’intervention.

L’intervenant, 28(01), 6-10.

Luttenbacher, C. (1999) La maternité chez les femmes toxicomanes: l’impact des dimensions

normatives et de la culture professionnelle chez les professionnels de la santé. Déviance

et société. 23 (3): 313-340.

Miles, B., & Huberman, M.A. (2003). Analyse des données qualitatives. 2e édition, Bruxelles :

De Boeck.

Miller, W.R. and G.S. Rose, Toward a theory of Motivational Interviewing. American

Psychologist, 2009. 64(6), 527-537.

Ministère de la santé et des services sociaux. (2006). Cadre de référence et guide de bonnes

pratiques –pour orienter le traitement de la dépendance aux opioïdes avec une

médication de substitution. Gouvernement du Québec.

Ministère de la Santé et des Services Sociaux (2007). Unis dans l’action : Programme-

Services en dépendances (Offre de service 2007-2012). Gouvernement du Québec.

Morissette, P., Chouinard-Thompson, A., Devault, A., Rondeau, G., et Roux, M-È. (2009).

Le partenaire des consommatrices abusives de substances psychoactives : un acteur-

clé pour la sécurité et le bien-être optimal des enfants. Dans Morissette, P. et Venne,

M. Parentalité, alcool et drogues: un défi multidisciplinaire. (195-213).Montréal :

Éditions du CHU Sainte-Justine.

Murphy, S. et Rosenbaum, M. (1999) Pregnant Women on Drugs: Combating Stereotypes

and Stigma. New Jersey: Rutgers University Press.

Overholser, J. (2007). The Central Role of the Therapeutic Alliance: A Simulated Interview

with Carl Rogers. Journal of Contemporary Psychotherapy. 37. 71-78.

Parent R, Alary M, Morissette C, Roy É, Leclerc P, Blouin K. (2011). Surveillance des

maladie infectieuses chez les utilisateurs de drogue par injection. Épidémiologie du

VIH de 2003 à 2009. Québec: Institut national de santé publique du Québec.

Consulté le 8 mai 2013,

www.inspq.qc.ca/pdf/publications/1308_Surv-MalInfecUDI_VIH1995-

2009VHC2003-

2009.pdf

Poole, N., Evaluation Report of the Sheway Project for High Risk Pregnant and Parenting

Women. (2000). Vancouver: British Columbia Centre of Excellence for Women’s

Health.

Poole, N. and B. Isaac, Apprehensions: Barriers to Treatment for Substance Using Mothers.

2001, Vancouver: BC Centre of Excellence for Women’s Health.

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 61: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

56

Poole, N., & Greaves, L. (2007). Highs & Lows : Canadian Perspectives on Women and

Substance Use. Toronto: CAMH Publications.

Poole, N., & Urquhart, C. (2010). Mothering and Substance Use: Approaches to Prevention,

Harm Reduction and Treatment, Gendering the National Framework Series (Vol. 3).

Vancouver, BC: British Columbia Centre of Excellence for Women’s Health.

Pregnancy Related Issues in the Management of Addictions (PRIMA). Approaches to Care.

Consulté le 18 février, 2012, www.addictionoregnancy.ca/approach

Radcliffe, P., (2011a). Substance-misusing women: Stigma in the maternity setting. British

Journal of Midwifery, 19(8), 497-506.

Radcliffe, P. (2011b) Motherhood, pregnancy and the negotiation of identity: The moral

career of drug treatment. Social science & Medicine, 72. 984-981.

Réseau juridique canadien VIH/sida et Société canadienne du sida. (1998). Diversité,

stigmatisation, discrimination et vulnérabilité : un document de travail préparé par de

Bruyn, Theodore. Consulté le 8 novembre 2012,

http://www.aidslaw.ca/publications/interfaces/downloadFile.php?ref=47

Ricoeur, P. (1996). Les paradoxes de l’identité. L’information psychiatrique, 3, 201-206.

Santé Canada. (2012) Enquête de surveillance canadienne de la consommation d’alcool et de

drogues (ESCCAD), Ottawa : gouvernement du Canada.

Simmat-Durand, Laurence. (2007). La mère toxicomane et le placement de l’enfant : des

temps inconciliables. Drogues, santé et société, 6(2), 11-45.

Turner, S., Gomes, T., Camacho, X., Yao, Z., Guttmann, A. Mamdani, M., Juurlink, D. et Dhalla,

I.(2015). Neonatal opioid withdrawal and antenatal opioid prescribing. CMAJ

OPEN,3(1), p.56-61.

Venne, M. et Morissette, P. Ce difficile passage de toxicomane à mère : quelques éléments de

compréhension. Dans Morissette, P. et Venne, M. Parentalité, alcool et drogues: un défi

multidisciplinaire. (49-66).Montréal : Éditions du CHU Sainte-Justine.

Working group on Problematic Substance Use in Pregnancy. (2011). SOGC Clinical Practice

Guidelines: Substance Use in Pregnancy. Consulté le 10 juin, 2014,

http://sogc.org/guidelines/substance-use-in-pregnancy/

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 62: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

57

ANNEXE A

FORMULAIRE D’INFORMATION ET DE CONSENTEMENT

A. INTRODUCTION

Dans le cadre de notre formation de maîtrise professionnelle en intervention en toxicomanie

(MIT) à l’Université de Sherbrooke, nous demandons votre collaboration pour réaliser un

essai synthèse.

Titre de l’essai : La stigmatisation: un effet indésirable du traitement de la dépendance aux

opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes

Objectif de l’essai :

Mieux comprendre la réalité des femmes enceintes en traitement de substitution afin

d’améliorer les services qui leurs sont offerts. Plus précisément, de comprendre comment la

stigmatisation des femmes enceintes en traitement méthadone affecte leur engagement

thérapeutique. Et, comment on peut intervenir pour minimiser cette stigmatisation.

Cet essai synthèse sera mené par Anne-Marie Mecteau, étudiante à la MIT de l’Université de

Sherbrooke et sera encadré par Pascal Schneeberger, directeur.

Leurs coordonnées sont les suivantes:

Anne-Marie Mecteau, Intervenante psychosociale, CRAN: 514.527.6939 poste 228;

Pascal Schneeberger, Coordonnateur académique, Université de Sherbrooke: 450.463.1835,

poste 61678.

Cet essai est mené dans le cadre des fonctions professionnelles de son auteure à titre de

Responsable du Service Périnatalité du CRAN.

Mme Pierrette Savard, Conseillère à la qualité des services,a accepté que cet essai synthèse se

réalise au CRAN.

B. DESCRIPTION DE VOTRE IMPLICATION

Vous serez invitée à participer à une entrevue individuelle d’environ une heure où l’on vous

demandera de répondre à des questions concernant votre expérience au sein du système de la

santé et des services sociaux, pendant la période entourant la naissance de votre

enfant.L’entrevue sera enregistrée et menée par Anne-Marie Mecteau dans les locaux du

Cran.

C. RISQUES ET BÉNÉFICES

Certains sujets de conversation (ou certaines questions) pourraient vous rendre inconfortable,

mais vous êtes complètement libre de refuser de répondre à une question ou d’arrêter la

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 63: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

58

conversation lorsque vous n’êtes pas à l’aise. En tout temps, vous pouvez quitter les lieux ou

arrêter l’entretien. Lors de la fin de la rencontre, au besoin, nous pourrons vous remettre les

coordonnées de différentes ressources qui pourraient vous aider. Vous pouvez aussi aborder

votre inconfort avec votre intervenant(e) au CRAN.

Sachez que, d’accepter ou de refuser de participer à l’entrevue n’entraînera aucun effet

sur les services que vous recevez au CRAN. Ce qui ressort au cours de l’entrevue ne pourra

non plus affecter votre traitement.

Le but de l’exercice est simplement de mieux comprendre pour mieux vous aider. Votre

participation pourrait nous permettre d’offrir des services mieux adaptés aux femmes

enceintes et aux mères en traitement de substitution.

D. CONFIDENTIALITÉ

Tous les renseignements colligés dans le cadre de votre implication dans cet essai synthèse

seront traités de façon strictement confidentielle. Votre nom et tout renseignement permettant

de vous identifier ne seront mentionnés dans aucun document. Les renseignements recueillis

seront enregistrés mais ne pourront être utilisés et entendus que par le directeur d’essai,

l’étudiante et la personne qui transcrira le contenu de l’entrevue pour une meilleure analyse

de vos propos. Les enregistrements audio seront détruits dans les six mois suivant le dépôt de

l’essai synthèse.

À noter que la confidentialité sera assurée conformément aux lois et règlements en vigueur.

Advenant que la vie ou la sécurité d’une personne soit en danger de façon imminente ou

encore que la sécurité d’un enfant soit compromise, un bris de confidentialité pourrait

s’avérer nécessaire.

E. COMPENSATION

Une compensation de 20$ sera allouée en reconnaissance du temps que vous investissez dans

ce projet et des frais que cela pourra vous occasionner (déplacement, gardiennage).

F. PERSONNES-RESSOURCES

Pour toute question, commentaire ou préoccupation concernant votre participation à cet essai

synthèse, vous pouvez contacter l’étudiante ou le directeur d’essai (voir coordonnées ci-

dessus). Si, pour une quelconque raison, vous ne désirez pas en discuter avec ces personnes

ou si vous désirez porter plainte quant à vos droits à titre de participante à cet essai synthèse,

vous pouvez contacter :

Lise Roy, directrice des Programmes d’études en toxicomanie

Tél. : 450 463-1835, poste 61795 ou 1 888 463-1835

[email protected]

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 64: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

59

G. CONSENTEMENT

Par la présente, je reconnais:

avoir lu le présent formulaire d’information et de consentement. Je reconnais qu’on a

répondu à toutes mes questions, qu’on m’a laissé le temps voulu pour prendre une

décision et qu’on m’a offert une copie du présent formulaire.

avoir compris que ma participation à cet essai synthèse est volontaire et que je peux me

retirer de l’essai à tout moment sans aucune conséquence; et qu’advenant mon refus de

participer ou le retrait de ma participation à cet essai, il n’y aura aucun impact sur les

services que je reçois au CRAN.

accepter que les résultats obtenus dans le cadre de cet essai synthèse soient rendus

publics, conformément aux exigences du programme de maîtrise de l’Université de

Sherbrooke.

consentir à participer à cet essai synthèse, tel que décrit dans le présent formulaire de

consentement.

________________________________ _______________________________ _____ Nom de la participante signature de la participante date

________________________________ _______________________________ _____ Nom de la personne obtenant le consentement signature de la personne obtenant le consentement date

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 65: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

60

ANNEXE B

Grille d’entrevue/Thèmes principaux

Grossesse/maternité

1) Quelle a été ta réaction quand tu as appris que tu étais enceinte?

2) Peux-tu me parler un peu de ton contexte de vie quand tu as appris la nouvelle?

3) Comment s’est déroulée ta grossesse? Qu’est-ce que tu as aimé/pas aimé? Y a t’il des

aspects qui n’ont pas été comme tu l’aurais souhaité?

4) Crois-tu que le regard des autres a changé une fois que les gens apprenaient que tu étais

enceinte (famille, amis, professionnels de la santé…)? De quelle façon?

5) As-tu l’impression d’avoir été traité différemment du fait que tu sois en traitement

méthadone?

6) Lorsque tu as appris que tu étais enceinte, quelles étaient tes craintes ou préoccupations

en lien avec la consommation d’opiacés et/ou le traitement de méthadone? Comment se

compare la réalité de ce que tu as vécu à ces craintes et préoccupations?

7) Crois-tu que ta perception de toi-même a changé depuis que tu es devenue mère? Qu’est-

ce qui a changé dans ta vie?

L’expérience dans le système de la santé

1) As-tu vécu des expériences difficiles à l’intérieur du système de la santé et/ou des

services sociaux dans ta vie? Comment dirais-tu que ces expériences ont affecté ton

parcours lors de ton suivi prénatal?

2) Comment décrirais-tu ton expérience dans le réseau de la santé et des services sociaux

lors de ta grossesse? Y a t’il des aspects qui auraient pu se passer mieux? Lesquels?

3) Comment se sont passés ton accouchement et le séjour à l’hôpital? Y a t’il des aspects

que tu aurais souhaité se passent différemment?

4) Avec le recul, qu’est-ce qui t’as le plus aidé? …qu’est-ce qui t’as nuit?

5) Est-ce qu’il y a eu des échanges ou événements qui ont fait que tu as eu envie ou a choisi

d’éviter les professionnels de la santé pendant ta grossesse ou la période entourant la

naissance de ton enfant?

6) As-tu déjà eu à cacher le fait que tu es en traitement méthadone? Pourquoi croyais-tu que

cela était nécessaire?

7) As-tu bénéficier de services de soutien psychosocial pendant ta grossesse? …après

l’accouchement? Qu’est-ce qui t’as amené à demander ou accepter l’aide offerte? Ou au

contraire, à ne pas demander ou accepter de soutien de la part des professionnels?

La perception du regard des autres

1) Est-ce que cela t’es déjà arrivé de t’inquiéter que les autres te jugeraient de façon

discriminatoire en sachant que tu es en traitement de substitution? Comment cette

préoccupation t’a t’elle affecté pendant ta grossesse?

2) T’es-tu retrouvé dans une situation où des gens ont tenu des propos négatifs ou

discriminatoires à ton égard pendant ta grossesse et/ou la période entourant la naissance

de ton enfant…depuis que tu es mère?

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 66: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

61

3) As-tu déjà aperçu des propos offensifs et/ou discriminatoire dans les medias populaires

(télé, films, journaux) au sujet des femmes enceintes et mères en traitement de

substitution?

4) Est-ce que cela t’es déjà arrivé d’éviter de parler de tes difficultés ou demander de l’aide

par peur de te faire juger?

5) Crois-tu déjà avoir été traité différemment une fois que l’on a été mis au courant que tu

consommes ou a déjà consommé des opiacés?

6) Crois-tu déjà avoir obtenu un traitement favorable en lien avec le traitement de

substitution?

7) Avant d’être enceinte, as-tu entendu parler de situations vécues par des femmes enceintes

et mères en traitement de substitution? Qu’as-tu entendu dire?

8) As-tu déjà aperçu des propos offensifs et/ou discriminatoire dans les medias populaires

(télé, films, journaux) au sujet des femmes enceintes et mères en traitement de

substitution?

9) Crois-tu que la perception des autres affectent ton estime personnelle? Si oui, comment?

Sources de soutien

1) Est-ce que parmi les professionnels que tu as rencontré pendant ta grossesse, certains ont

pu être une source de soutien pour toi? Et après la naissance de ton enfant?

2) Est-ce qu’il y a des difficultés pour lesquelles tu aurais aimé obtenir de l’aide pendant la

période entourant la naissance de ton enfant, mais que tu n’as pas osé aborder avec les

professionnels autour de toi? Peux-tu m’en donner un exemple?

3) Avec le recul, comment aurait-on pu mieux t’accompagner pendant cette période?

4) Quelles formes de soutien aurais-tu apprécier que tu n’as pas reçu?

5) Y avait-il des moments où tu aurais souhaité recevoir de l’aide mais n’a pas osé le

demander? Qu’est-ce qui aurait pu faire en sorte que tu choisisses de demander l’aide

dont tu avais de besoin?

6) De façon générale, qu’as-tu tendance à faire lorsque tu vis des difficultés dans la vie?

Comment est-ce que ta façon de gérer tes difficultés a t’elle changé depuis que tu es

devenue mère?

7) Te sens-tu à l’aise de demander de l’aide lorsque tu vis des difficultés liées à la

parentalité?...liées à la consommation?

8) Si tu avais à vivre une autre grossesse pendant que tu es en traitement méthadone, en quoi

consisterait le suivi idéal pour toi (médical, psychosocial ou autre)?

9) Étant donné que le but de cette entrevue est de nous aider à mieux vous aider, qu’est-ce

doivent améliorer ou changer les professionnels de la santé qui travaillent auprès des

femmes enceintes/mères en traitement de substitution afin d’offrir des services mieux

adaptés, plus sensibles à leur réalité?

10) Vis-tu présentement des difficultés pour lesquelles tu aimerais recevoir de l’aide?

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 67: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

62

Questionnaire : English version

Pregnancy/maternity

1) How did you react when you first found out you were pregnant? (for every pregnancy if

more than one)

2) How would you describe your pregnancy? What did you like/not like? Is there anything

you wish could’ve happened differently?

3) Do you feel people’s perception of you changed while you were pregnant (family/friends,

strangers, health care professionals)? If so, how?

4) Do you feel you were treated differently during your pregnancy because of your

methadone treatment?

5) When you found out you were pregnant, what were your concerns and/or fears around

pursuing the pregnancy and giving birth while on methadone treatment? How did your

actual experience compare to what you anticipated?

6) How has your own perception changed about yourself since becoming a mom? How has

your life changed?

Experience in the health and social service system

1) How was your experience in the health system during your pregnancy? What, if anything,

do you wish would’ve been different?

2) How was your experience in the health system during the birth and post-partum period?

What, if anything, do you wish could’ve been different?

3) Looking back on the experience of becoming a mom, what did you find the most helpful

in terms of the services offered and the people offering them? What did you find the most

harmful?

4) Prior to this last pregnancy, had you experienced any difficulties within the health

system? (access to care, bad treatment); within the social service system?

5) Did you feel, at any point, like you wanted to avoid health care and/or social service

providers? If so, was there a particular interaction or event that contributed to this?

6) Did you ever feel like it was best to not mention or hide the fact that you were a

methadone patient during your pregnancy?; as a mother? Why do you think it was

necessary to do so?

7) How do you feel your past experiences with health and social service providers affect

your current or future experiences?

8) Did you engage in any kind of counseling or therapy during your pregnancy or after the

birth of your child? Why did you choose to do so; why did you choose not to do so?

The perception of others

1) Have you ever been worried about how other people view substitution treatment for

pregnant women? How has this affected your own pregnancy?

2) Have you ever encountered any kind of judgmental treatment or discrimination during

your pregnancy, birth and as a mother? Can you give me an example?

3) Have you ever avoided asking for help or talking about your difficulties with a service

provider for fear of being judged?

4) Do you believe you were treated differently in a health care or social service setting with

regard to past or current opioid or other substance use?

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 68: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

63

5) Have you ever received preferential/positive treatment in a health care or social service

setting due to being in substitution treatment?

6) Before or during your pregnancy, what had you heard of other women’s experiences in

similar circumstances (pregnant and methadone treatment)? How did these stories

contribute to your own perception?

7) Have you ever been in a situation where you overheard people (professionals or other)

speaking in negative and /or discriminatory terms about substitution treatment and

pregnancy or parenting?

8) Have you ever come across negative or discriminatory portrayals of mothers and opiate

dependency and/or methadone treatment in the media (news, papers, tv/radio)?

9) How do you feel other peoples’ perceptions affect your own?

Sources of support

1) Were any of the health and social service providers you met during your pregnancy a

source of support for you? Since being a mom?

2) What did you find especially helpful?

3) At any point, did you experience difficulties you would’ve liked to receive help for, but

didn’t feel comfortable asking the providers around you? Can you give me an example?

What could’ve made you feel more comfortable in asking for the help you needed?

4) Looking back, how could you have been better assisted/supported during your pregnancy?

As a mom?

5) What kind of support would you have liked to receive that wasn’t available to you?

6) In general, how to you cope with your stress and difficulties? How have your ways of

dealing with your problems changed since becoming a mom?

7) Do you feel comfortable asking for help with parenting problems when you need

it?...with substance use difficulties?

8) If you were to become pregnant again, what would be your wish list in terms of your

pre/postnatal care provision?

9) Given that the goal of this interview is to help us offer better, more sensitive care to

pregnant women and mothers in methadone treatment; what do you feel needs to improve

for women to receive the services they need?

10) Are you currently experiencing any difficulties you could use help with?

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 69: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

64

ANNEXE C

Données complémentaires au questionnaire

Âge de la participante:

Nombres de grossesses:

Nombre d’enfants (à charge/placés):

Âge des enfants:

Sources de revenue:

Parcours de la consommation:

Traitements de toxicomanie antérieurs et actuels:

Situation actuelle (logement, situation conjugale, liens familiaux, etc.)

Sources de soutien:

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke

Page 70: La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la … · 2015-09-09 · La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez

65

L'essai synthèse demeure un exercice académique. Le lecteur doit mettre les résultats en contexte avec l’ensemble de la documentation clinique et scientifique disponible et il demeure responsable de leur utilisation. Pour citer cet essai: Mecteau, A-M. (2015). La stigmatisation : Un effet indésirable du traitement de la dépendance aux opioïdes (TDO) chez les femmes enceintes. Essai synthèse inédit, Maîtrise en intervention en toxicomanie. Université de Sherbrooke