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La tectonique des plaques : l’histoire d’un modèle Chapitre 1 : La dérive des continents : naissance d’une idée Vous avez étudié la «dérive des continents » au collège. Cette année, il s’agit, en s’appuyant sur une démarche historique, de comprendre comment ce modèle a peu à peu été construit au cours de l’histoire des sciences et de le compléter. L’exemple de la tectonique des plaques donne l’occasion de comprendre la notion de modèle scientifique et son mode d’élaboration. Il s’agit d’une construction intellectuelle hypothétique et modifiable. Au cours du temps, la communauté scientifique l’affine et le précise en le confrontant en permanence au réel. Il a une valeur prédictive et c’est souvent l’une de ces prédictions qui conduit à la recherche d’un fait nouveau qui, suivant qu’il est ou non découvert, conduit à étayer ou modifier le modèle. La solidité du modèle est peu à peu acquise par l’accumulation d’observations en accord avec lui. Les progrès techniques accompagnent le perfectionnement du modèle tout autant que les débats et controverses. Théorie : Une théorie (du grec theorein, « contempler, observer, examiner ») est un ensemble d'explications, de notions ou d'idées sur un sujet précis, pouvant inclure des lois et des hypothèses, induites par l'accumulation de faits trouvés par l'observation ou l'expérience. Jusqu’au début du XXe siècle, les géologues attribuent au continent une position fixe et immuable : deux grandes idées gouvernaient les sciences de la Terre. Modèle de Hess - D'une part on pensait que l'intérieur de la Terre était en fusion et se refroidissait lentement. Ce refroidissement aurait donc entraîné une diminution de volume : modèle dit de « la pomme ridée », comme un fruit déshydraté. La surface terrestre est donc principalement affectée de mouvements verticaux. Les bassins océaniques sont des zones d'affaissement qui séparent des zones restées émergées, les continents - D'autre part les continents ont une position permanente au cours du temps, seuls des mouvements verticaux sont envisagés. En se refroidissant, la Terre se serait contractée comme une vieille pomme, et on aurait ainsi obtenu les chaînes de montagnes, les fossés, etc. Plusieurs géologues (Fisher, Snider-Pellegrini…) avaient relevé des observations qui soulevaient des interrogations quant aux correspondances des formes continentales. La découverte d’énormes déformations de la croûte terrestre, (Bertrant, Suess, Termier…) permettent d’interpréter les chaînes de montagnes comme un empilement d’énormes « nappes » de terrains charriés horizontalement sur de très grandes distances. De plus des correspondances sont établies sur la continuité de ces grandes déformations sur plusieurs continents. Mais quel est le moteur de tels déplacements, il doit mettre en œuvre des forces collossales… En 1912, un climatologue, Alfred Wegener (1880-1930) remet cette vision en cause : ce scientifique suggère pour la première fois un déplacement horizontal des continents à la surface de la Terre. Dans quel contexte scientifique est née l’idée de la dérive des continents ? I. La naissance de l’idée de la dérive des continents ( page 110/111) Au début du XXe siècle, A. Wegener n’est pas le premier à suggérer un déplacement horizontal des continents mais il parvient à synthétiser et à mettre en relation plusieurs observations : 1. Les tracés des côtes de l'Afrique et de l'Amérique du Sud sont complémentaires. Doc 1a page 110, 2c page 111

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La tectonique des plaques : l’histoire d’un modèle

Chapitre 1 : La dérive des continents : naissance d’une idée

Vous avez étudié la «dérive des continents » au collège. Cette année, il s’agit, en s’appuyant sur une démarche historique, de comprendre comment ce modèle a peu à peu été construit au cours de l’histoire des sciences et de le compléter. L’exemple de la tectonique des plaques donne l’occasion de comprendre la notion de modèle scientifique et son mode d’élaboration. Il s’agit d’une construction intellectuelle hypothétique et modifiable. Au cours du temps, la communauté scientifique l’affine et le précise en le confrontant en permanence au réel. Il a une valeur prédictive et c’est souvent l’une de ces prédictions qui conduit à la recherche d’un fait nouveau qui, suivant qu’il est ou non découvert, conduit à étayer ou modifier le modèle. La solidité du modèle est peu à peu acquise par l’accumulation d’observations en accord avec lui. Les progrès techniques accompagnent le perfectionnement du modèle tout autant que les débats et controverses. Théorie : Une théorie (du grec theorein, « contempler, observer, examiner ») est un ensemble d'explications, de notions ou d'idées sur un sujet précis, pouvant inclure des lois et des hypothèses, induites par l'accumulation de faits trouvés par l'observation ou l'expérience. Jusqu’au début du XXe siècle, les géologues attribuent au continent une position fixe et immuable : deux grandes idées gouvernaient les sciences de la Terre.

Modèle de Hess

- D'une part on pensait que l'intérieur de la Terre était en fusion et se refroidissait lentement. Ce refroidissement aurait donc entraîné une diminution de volume : modèle dit de « la pomme ridée », comme un fruit déshydraté. La surface terrestre est donc principalement affectée de mouvements verticaux. Les bassins océaniques sont des zones d'affaissement qui séparent des zones restées émergées, les continents - D'autre part les continents ont une position permanente au cours du temps, seuls des mouvements verticaux sont envisagés.

En se refroidissant, la Terre se serait contractée comme une vieille pomme, et on aurait ainsi obtenu les chaînes de montagnes, les fossés, etc. Plusieurs géologues (Fisher, Snider-Pellegrini…) avaient relevé des observations qui soulevaient des interrogations quant aux correspondances des formes continentales. La découverte d’énormes déformations de la croûte terrestre, (Bertrant, Suess, Termier…) permettent d’interpréter les chaînes de montagnes comme un empilement d’énormes « nappes » de terrains charriés horizontalement sur de très grandes distances. De plus des correspondances sont établies sur la continuité de ces grandes déformations sur plusieurs continents. Mais quel est le moteur de tels déplacements, il doit mettre en œuvre des forces collossales… En 1912, un climatologue, Alfred Wegener (1880-1930) remet cette vision en cause : ce scientifique suggère pour la première fois un déplacement horizontal des continents à la surface de la Terre. Dans quel contexte scientifique est née l’idée de la dérive des continents ?

I. La naissance de l’idée de la dérive des continents (& page 110/111) Au début du XXe siècle, A. Wegener n’est pas le premier à suggérer un déplacement horizontal des continents mais il parvient à synthétiser et à mettre en relation plusieurs observations :

1. Les tracés des côtes de l'Afrique et de l'Amérique du Sud sont complémentaires. Ø Doc 1a page 110, 2c page 111

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- hypothèse de Wegener : « C'est comme si nous devions reconstituer une page de journal déchirée, en mettant les morceaux bord à bord, puis en vérifiant si les lignes imprimées correspondent. Si oui, ont doit conclure que les morceaux étaient bien placés de cette façon à l’origine.» C’est tout à fait ce que Wegener va s’appliquer à faire en recherchant, dans différents arguments, la vérification d’une continuité entre des continents aujourd’hui séparés.

2. Des similarités entre ces deux continents

a) Des identités géologiques : Wegener montre qu’il existe une correspondance entre les boucliers sud américains et africains. Les « boucliers sont des zones géologiques constituées de roches très anciennes et peu déformées (on sait aujourd’hui qu’elles constituent les zones centrales des plaques, peu modifiées par le tectonique des plaques).

Mais aussi une continuité des déformations géologiques.

Wegener imagine que ces continents étaient en fait réunis et se sont morcelés puis ont dérivé jusqu’à leur position actuelle. b) Des identités dans des traces fossiles de glaciation (Doc 2b page 111) La présence des indices de glaciation, les déformations des paysages, l’érosion caractéristique des roches permettent à Wegener d’identifier la présence de grands systèmes glaciaires au sud de l’Amérique du Sud de l’Afrique, en Inde, en Australie. La détermination du sens d’écoulement des glaces confirme l’hypothèse précédente et permet de reconstituer un super continent : La Pangée qu’il peut désormais dater de l’aire secondaire : ± 250 MA

c) Des indices paléontologiques. (Doc 2a page 111)

Antonio Snider-Pellegrini, géographe français (1802-1885) avait proposé une première reconstitution de la Pangée avant le modèle d’Alfred Wegener. Il avait trouvé des plantes fossiles datant du Carbonifère identiques de part et d’autre de l’Atlantique mais il pensait que le déluge biblique était la cause de la séparation des continents !

En  pointillés  :  les  déformations  géologiques  

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Des fossiles datés de 240 à 260 Ma : Mesaurus : petit reptile d’eau douce Cynognathus : reptile prédateur terrestre Lystrosaurus : reptile terrestre Glossopteris : plante terrestre sont retrouvés sur les différents continents actuels, cet argument confirme le modèle de Pangée établi précédamment. Les détracteurs de W. évoqueront l’existence de « ponts continentaux » permettant la migration de ces animaux, mais alors on retrouverait ces fossiles en Asie et en Europe !

Ces arguments conduisent A. Wegener à confirmer que des continents, aujourd'hui séparés par des océans, étaient jadis regroupés en un super continent la Pangée, qui s'est fracturé, individualisant des blocs continentaux ayant dérivés jusqu'à leur position actuelle : c'est la théorie de la dérive des continents.

3. La répartition bimodale des altitudes Ø Doc 1b page 110 : Hess exploite déjà cette remarque

Il existe donc 2 « couches » distinctes : les continents et les « sols » sous océaniques. La croûte n’est pas homogène mais constituée de 2 matériaux différents de densités différentes. De plus, la répartition bimodale des altitudes observée sur le globe est en accord avec son modèle qui prévoit le déplacement horizontal de blocs continentaux (formé de Sial) flottant sur une couche plus dense (le Sima) qui constitue le fond des océans.

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Bilan :

Modèle fixiste Modèle mobiliste (Wegener)

Sial : de Si (pour silice) et Al (pour aluminium) : les constituants principaux des continents (roches silicatées de faible densité) Sima : de Si (pour silice) et Ma (pour magnésium) : les constituants principaux (avec le fer) du manteau (roches ferro- magnésiennes de forte densité)

« Si nous prenons comme base la théorie des translations, nous répondons à toutes les exigences justifiées, tant à celles de la loi des anciennes liaisons continentales qu'à celles de la permanence. Nous n'avons qu'à énoncer ces lois comme il suit : Ponts continentaux ? Oui, non pas grâce à des continents intermédiaires affaissés, mais à des socles continentaux jadis contigus. Permanence ? Oui, pas de chaque continent ou océan pris individuellement, mais permanence de la surface océanique totale et de la surface continentale totales prises en bloc »

(Alfred Wegener, La genèse des continents et des océans, 1928)

Ø Doc 3 page 111 : Malgré des arguments concordants provenant de divers domaines

scientifiques (paléontologie, paléoclimatologie, géologie...) la théorie de Wegener se heurte aux modèles fixistes de l'époque. De plus, Wegener éprouve des difficultés pour trouver le « moteur » des mouvements des continents.

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Holmes, un géologue écossais, propose en 1928 une solution possible. Selon lui, le manteau terrestre serait animé de courants de convection très lents, ayant pour origine la chaleur libérée par la désintégration des éléments radioactifs. Ces courants seraient à l'origine des déplacements horizontaux des continents en surface. Mais ces suppositions impliquent une certaine fluidité du manteau... Or les apports de la sismologie indiquent un modèle de Terre entièrement solide… En 1924 Harold Jeffreys, géophysicien anglais, s'oppose fortement aux idées de Wegener. Selon lui « la Terre est aussi rigide que l’acier. Comment les continents pourraient-ils se déplacer au sein d'un milieu solide ! ». Il fait aussi remarquer que les forces des marées évoquées par Wegener sont des dizaines de milliers de milliards de fois trop faibles pour déplacer les continents.