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LA TÉLÉVISION PAR CÂBLE EN FRANCE Efficacité économique et concurrence Jérome PERANI © Réseaux n° 80 CNET - 1996

La télévision par câble en France. Efficacité économique et concurrence

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Réseaux, n° 80, novembre/décembre 1996 Cet article tente d'appliquer les principes de théorie économique au cas de la télévision par câble en France. A l'aide des méthodes d'analyse sectorielle de Michael Porter, il établit un bilan des forces concurrentielles qui exercent dans l'ensemble, en 1996, une pression peu importante sur le secteur des câblo-opérateurs. Cette analyse met à jour un important dérèglement des mécanismes concurrentiels : les câblo-opérateurs sont des monopoles locaux dont les prix ne sont pas réglementés, la concurrence des autres supports multicanaux est limitée alors que celle, forte, de la télévision hertzienne semble n'exercer aucune pression sur les prix des câble-opérateurs, les autorisations exclusives d'exploitation de réseaux câblés annullent toute menace d'entrée potentielle, le pouvoir de négociation des chaînes non intégrées verticalement est faible et les abonnés subissent les comportements monopolistiques des grands opérateurs. Une meilleure efficacité et un meilleur développement du marché du câble pourraient provenir théoriquement de l'introduction d'une concurrence frontale, d'une réglementation des prix des câblo-opérateurs et du développement d'une concurrence exercée par d'autres supports de distribution multicanaux.

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LA TÉLÉVISION PAR CÂBLEEN FRANCE

Efficacité économique et concurrence

Jérome PERANI

© Réseaux n° 80 CNET - 1996

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La télévision par câble en Franceachève son deuxième septennat. Ellea franchi la barre des deux millions de

foyers raccordés en juin 1996, trois ans etdemi après le premier million de raccordés.La croissance du câble s’accélère (+ 256 %

de foyers raccordés, + 58 % de taux de péné-tration en cinq ans) mais les performance ducâble en France demeurent modestes parrapport à celles rencontrées dans les autrespays européens (par exemple, 16 millionsd’abonnés en Allemagne avec un taux depénétration de 65 % en 1995) et par rapportaux objectifs initiaux du Plan Câble. Les per-formances de l’industrie du câble et descâblo-opérateurs sont donc faibles (faibletaux de pénétration, diffusion limitée d’unpoint de vue social et géographique) sem-blent révéler une certaine inefficacité desacteurs de l’industrie du câble et ne semblentpas remplir les objectifs des pouvoirs publicset des collectivités locales.

La théorie économique fournit un cadred’analyse permettant de déceler les sourcesd’inefficacité d’un secteur.

L’efficacité est associée au modèle deconcurrence pure et parfaite. Quand lesmécanismes concurrentiels sont imparfaitset éloignent le marché du modèle deconcurrence pure et parfaite, ce marché nemaximise pas le bien-être général consti-

(1) Source : AVICA (Association des Villes Câblées), SJTI / Agence Câble (Service Juridique et Technique del’Information).(2) Un foyer TV est un foyer équipé d’au moins un poste de télévision, source : Médiamétrie.(3) Au 28/02/1991.(4) Un foyer raccordé au câble est dit « abonné » quand il reçoit plus de 15 chaînes.(5) Logements commercialisables / Prises à terme.(6) Logements commercialisables / Foyers TV.(7) Foyers raccordés / Logements commercialisables.(8) Foyers abonnés / Logements commercialisables.

Tableau 1L’évolution de la télévision par câble en France entre 1990 et 1995 (1)

31/12/1990 31/12/1995 évolution

Foyers TCV (2) 20 758 000 21 540 000 + 4 %

Prises à terme 6 912 679 (3) 8 195 888 + 19 %

Logements commercialisables 2 776 655 6 252 400 + 125 %

Foyers raccordés 522 159 1 857 830 + 256 %

Foyers abonnés (4) 356 021 1 318 356 + 270 %

Taux d’achèvement des réseaux (5) 40,17 % 76,29 % + 90 %

Taux de câblage (6) 13,37 % 29,03 % + 117 %

Taux de pénétration raccordés (7) 18,81 % 29,71 % + 58 %

Taux de pénétration abonnés (8) 12,82 % 21,09 % + 65 %

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Tableau 2Évolution du chiffre d’affaires des câblo-opérateurs entre 1990 et 1995 (12)

tué par la somme des profits des entre-prises et des surplus des consommateurs.Nous proposons donc d’appliquer ces prin-cipes de théorie économique au cas de latélévision par câble en France, à traversune étude des différents mécanismesconcurrentiels et de leurs éventuellesimperfections. (9).

Porter nous fournit une méthodologied’analyse structurelle des secteurs (10) quiidentifie 5 « forces » influant sur l’intensitéde la concurrence : la rivalité interne au sec-teur étudié, la concurrence inter-produitsgénérée par les produits de substitution, lesmenaces constituées par les entrants poten-tiels, le pouvoir de négociation des fournis-seurs et le pouvoir de négociation des clients.Nous allons tenter d’établir un bilan de cescinq forces concurrentielles qui exercent en1996 une pression plus ou moins grande surle secteur des câblo-opérateurs.

LES CABLO-OPÉRATEURS : DESMONOPOLES NON RÉGLEMENTÉS

Le développement de la télévision par

câble tant au niveau commercial qu’auniveau industriel a entraîné une importantecroissance de l’activité du secteur descâblo-opérateurs. Les structures de marchécaractérisent de manière singulière cetteindustrie. En effet, les câblo-opérateursforment un oligopole fortement concentréau niveau national tout en étant en situa-tion de monopole au niveau local sans queleurs prix soient réglementés.

Une industrie de monopoleslocaux en croissance

L’industrie des câblo-opérateurs repré-sente en 1995 un chiffre d’affaires de2,4 milliards de francs et 4 210 emplois(11). La multiplication par plus de 3 dunombre d’abonnés et de raccordés entre1990 et 1995 a bien évidemment entraînéune hausse importante du chiffre d’affairesde ce secteur, qui ne pesait que 530 mil-lions de francs en 1990.

La croissance en valeur du secteur appa-raît supérieure à la croissance en volumesur la période 1990-1995 (+ 353 % contre

(9) Cette analyse s’inscrit dans le cadre plus large d’une thèse de sciences économiques en cours visant à effec-tuer une analyse économique de la télévision par câble.(10) Cf. PORTER (1982), pp. 3-36.(11) Source : AFCO (Association Française des Câblo-Opérateurs).(12) Source : Paris II/ERMES, d’après SJTI, SPI (Syndicat des Producteurs Indépendants) et AFCO.(13) Cf. NOAM (1985), HAZLETT (1986), OWEN et GREENHALGH (1986).(14) OWEN et GREENHALGH (1986) ont calculé que la concurrence frontale de deux réseaux génère des coûtsseulement 14 % supérieurs au coût moyen d’un seul réseau en monopole.

année 1990 1991 1992 1993 1994 1995

chiffre d’affaires en MF 530 965 1 132 1 592 2 100 2 400

+ 255 %). L’économiste doit s’interrogersur cette différence et déterminer quelle estla part explicative d’une éventuelle haussedes prix. Il doit d’aut ant plus s’interrogerque les câblo-opérateurs jouissent d’uneposition de monopole local que leur confè-rent les concessions de construction etd’exploitation de réseaux câblés accordéespar les collectivités locales. Ces conces-sions sont en effet exclusives et garantis-sent au câblo-opérateur un monopole pen-

dant une durée de 20 à 30 ans. Les écono-mistes américains (13) conviennent que leséconomies d’échelle évaluées dans le casaméricain ne sont pas suffisants (14) pourconsidérer le câble comme un monopolenaturel. Devant le retard du développementdu taux de pénétration du câble, il seraitintéressant d’étudier les stratégies de prixafin de déterminer si les câblo-opérateursse comportent éventuellement comme desmonopoles et disposent d’un pouvoir de

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Câblo-opérateurs RéseauxLogements Nombre de Part de marché

commercialisables raccordés nationale

France Télécom (21) 124 1 415 592 539 453 29,04 %

Générale des Eaux (22) 33 1 894 356 511 110 27,51 %

Lyonnaise des Eaux (23) 25 2 074 032 504 599 27,16 %

EDF (24) 145 357 500 117 084 6,30 %

Réseaux municipaux (25) 35 117 984 87 134 4,69 %

RCF (26) 9 200 000 57 153 3,08 %

Bordelaise de Vidéocom. 12 30 930 27 708 0,53 %

Regicom (27) 7 8 023 3 781 0,20 %

SCGS (28) 7 8 023 3 781 0,20 %

Total 391 6 252 400 1 857 830 101,00 %

marché dans les 889 communes câblées.Ces situations du monopole local n’em-

pêchent pas les câblo-opérateurs deconnaître des pertes importantes (507 MFpour Lyonnaise des Eaux, Générale desEaux et France Télécom Câble réunis (15)).Ces pertes sont normales étant donné la jeu-nesse des réseaux câblés, commercialisésdepuis moins de 10 ans en général. Le câbleétant une industrie à très forts coûts fixesliés à la construction du réseau, en périodede démarrage, ces investissements initiauxdans l’ifnrastructure pèsent sur lescomptes. La rentabilité des réseaux ne peutpar conséquent se dégager que sur unelongue période représentée par la durée devie du réseau (20 ans). Les pertes de l’in-dustrie ont toutefois tendance à diminuer et

les réseaux les plus anciens commencent àatteindre le petit équilibre, c’est-à-dire àréaliser des bénéfices annuels (commeParis en 1996 et 7 réseaux de la CompagnieGénérale de Vidéoccommunication en1995 (16)). Le cheminement vers le petitéquilibre, que devrait connaître parexemple Lyonnaise Communications dansson ensemble en 1996, a été facilité par uneréduction des coûts de revient par abonnéde 24 % sur les réseaux Plan Câble et de14 % sur les réseaux Hors Plan Câble (17)depuis 1992.

Un secteur très concentré

Le nombre de câblo-opérateurs est assezfaible en France : 13 câblo-opérateurs

(15) Source : AFCO (Association Française des Câblo-Opérateurs).(16) Source : rapport d’activité Générale des Eaux 1995.(17) Cf. CSA (1996).(18) France télécom Câble, TDF Câble, Compagnie Générale de Vidéocommunication, Région Câble, LyonnaiseCommunications, EDF Vidéopole, Citécâble, Est Vidéocommunication, Est Vidéocommunication Haut-Rhin,Réseaux Câblés de France, Région Communication, Nord Est Câble, Société de Conception et de Gestion de Services.(19) Réseaux municipaux, sociétés d’économie mixte, Bordelaise de Vidéoccommunication.(20) D’après les données de l’AVICA au 31/12/1995.(21) France Télécom Câble + TDF Câble.(22) Compagnie Générale de Vidéocommunication + région Câble.(23) Lyonnaise Communications.(24) Vidéopole + Citécâble + Est Vidéocommunication + Est Vidéocommunication Haut-Rhin.(25) Régies municipales + sociétés d’économie mixte.(26) Réseaux Câblés de France.(27) Région Communication + Nord Est Câble.(28) Société de Conception et de Gestion de Services.

Tableau 3Les câblo-opérateurs en 1995 (20)

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multi-systèmes (18) et 36 câblo-opérateursmono-système (19) à la fin 1995. En fait, iln’existe que 7 câblo-opérateurs multi-systèmes fortement concentrés dominéspar un oligopole à trois têtes : FranceTélécom, Générale des Eaux et Lyonnaisedes Eaux. Ces trois groupes exploitent latotalité des réseaux construits dans le cadredu Plan Câble et une partie des réseauxdits « Hors Plan Câble ». Leurs réseauxreprésentent à la fin 1995 86 % deslogements commercialisables, 84 % desfoyers raccordés et 80 % des foyersabonnés au câble. EDF et Réseaux Câblésde France apparaissent comme les deuxautres opérateurs multi-systèmes disposantde plus de 1 % du marché national.

Cette très forte concentration existeégalement en valeur. Les trois grandsopérateurs ont un chiffre d’affaires cumuléde 2,02 milliards de francs répartis entre791 MF pour la Générale des Eaux, 706MF pour la Lyonnaise des Eaux et 523 MFpour France télécom (29). Ces opérateursgénèrent ainsi 85 % du chiffre d’affairesde l’industrie. Cette concentration a étéaccentuée depuis deux ans par les rachatspar EDF de Citécâble et d’Eurocâble audébut 1994 et surtout par le retrait de laCaisse des Dépôts et Consignations,troisième opérateur commercial historiquedu Plan Câble (30), qui a vendu à la fin del’année 1994 ses réseaux à FranceTélécom Câble et Lyonnaise Com-munications. Dans la suite, nousdistinguerons les « grands opérateurs » –Générale des Eaux, Lyonnaise des Eaux,France Télécom (et la Caisse des Dépôts etConsignations jusqu’en 1994) – aux autresappelés « petits opérateurs »).

Cette concentration horizontale permetaux grands opérateurs de disposer d’unpouvoir de négociation renforcé fac e auxfournisseurs de programmes qui pourobtenir un certain succès commercialdoivent absolument figurer dans les plans

de service de ceux-ci.

La faiblesse du pouvoir derégulation économique du CSAet des communes

Le monopole se traduit au niveau théo-rique par des prix plus élevés et des quantitésvendues inférieures à la situation de concur-rence pure et parfaite. Ces comportementssont dommageables pour le bien-être socialet il revient aux pouvoirs publics le soin deréglementer le monopole et les prix qu’ilpratique. Dans le cas américain, les prix descâblo-opérateurs sont soumis à une doubleréglementation exercée par les autoritéslocales et la Federal Communications Com-mission qui évalue les dommages causés auxconsommateurs par les pratiques de mono-pole des câblo-opérateurs. Ainsi, ayantconstaté que la hausse des prix du câble avaitété trois fois supérieure à l’inflation entre1986 suite à un assouplissement du contrôledes prix généré par le Cable Act de 1984, ellea imposé à l’ensemble des câblo-opérateursune baisse des prix de 17 % en 1993-1994(31) malgré les pertes comptables du secteur.

En France, les différentes autoritésadministratives auxquelles font face lescâblo-opérateurs ont très peu de pouvoirde régulation économique. Le ConseilSupérieur de l’Audiovisuel délivre, surproposition des communes, lesautorisations d’exploitation et intervientprincipalement dans le secteur en donnantou pas son accord aux modifications deplans de services. Si les contrats deconcession signés entre les communes etles câblo-opérateurs comportent un niveaude prix initial et des formules de révision,la complexité de celles-ci et la possibilitéd’un comportement opportuniste une foisque le contrat a été signé font qu’au-jourd’hui les communes ont un droit deregard minimal sur la politiquecommerciale des câblo-opérateurs. Ceux-

(29) Source : rapports d’activité 1995.(30) Vai sa filiale Communication Développement.(31) 10 % en septembre 1993, 7 % en févruer 1994.

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ci revendiquent d’ailleurs cette libertétarifaire. Le Conseil de la Concurrencedemeure le seul organisme capable desanctionner les éventuels abus de positiondominante (32).

Le secteur des câblo-opérateurs enFrance apparaît donc comme singulier auregard des situations étrangères et d’autresindustries de réseaux comme celui destélécommunications car les câblo-opérateurs apparaissent comme desmonopoles locaux non réglementés auniveau des prix (franchise monopolyderegulated).

LA CONCURRENCE DESPRODUITS DE SUBSTITUTION

La télévision par câble est un support dedistribution multi-canaux de signauxtélévisés payants. C’est donc un supportsoumis à la pression de plusieurs produitsde substitution se distinguant par uncritère technique (distribution mono-canalou multi-canaux) et un critère commercial(télévision grauite ou payante (33)). Cettepression, exercée par l’offre importante dela télévision hertzienne gratuite et ledéveloppement de la télévision hertziennepayante, est une des explications au retarddu développement du câble.

La forte concurrencede la télévision hertziennemono-canal

La télévision hertzienne demeuretoujours le média dominant en France au

sens de la distribution physique. 86 % desfoyers équipés en postes de télévisionreçoivent des signaux télévisés à partird’une antenne de réception hertzienne (cf.tableau 4). Le doublement du nombre dechaînes hertziennes au cours des années1980 (34), dans les quatre premièresannées du Plan Câble (1982-1986), etl’accroissement des volumes annuels deprogrammes diffusés par ces chaînes(17 000 heures en 1983, 52 000 heures en1988 (35)) confèrent aujourd’hui à latélévision mon-canal une positiondominante par rapport aux supports dedistribution multi-canaux.

La télévision hertzienne gratuite toujoursdominante

La domination exercée par la télévisionhertzienne au niveau de la distribution seretrouve au niveau de l’audience.L’audience des télévisions hertziennesgratuites représente en 1995 92,9 % del’audience des plus de 15 ans contre 2,8 %pour les chaines de télévisions distribuéessur des supports multi-canaux (36). Cetteécrasante domination sur le marché del’audience est cependant moins fortequand on analyse l’audience des foyers« multi-canaux ». La part d’audience desplus de 15 ans des télévisions hertziennestombe en effet à 81,5 % chez les foyersabonnés au câble ou au satellite et 80,6 %chez les foyers abonnés au seul câble (37).

La forte concurrence de la télévision hert-zienne payante

La télévision hertzienne payante est

(32) Prohibés par l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986..(33) Au sens de l’abonnement. Les télévisions gratuites du secteur public pourraient être considérées commepayantes pour les consommateurs via leur financement par la redevance. La publicité pourrait être égalementconsidérée comme un paiement indirect mixte, paartagé entre producteurs et consommateurs.(34) Annonces par François Mitterrand de la quatrième chaîne le 9 juin 1982, de la cinquième et sixième chaînesle 16 janvier 1985, première diffusion de Canal Plus le 6 juin 1984, première diffusion de la Cinq le 20 février1986, première diffusion de TV6 le 1er mars 1986. Tous ces événements liés au développement de l’offre hert-zienne ont eu lieu au cours de la naissance difficile du Plan Câble (lancé lors du Conseil des Ministres du3 novembre 1982) qui prendra fin dans sa forme originelle avec la loi du 30 septembre 1986.(35) Source : CSA.(36) Source : Médiamat-Médiamétrie.(37) Source Audicâble décembre 1995/Médiamétrie.(38) Benzoni (1993) a évalué à 10 milliards de francs la rente de monopole captée par Canal Plus entre 1986 et1992.

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aujourd’hui sous le monopole de CanalPlus (38). Canal Plus, avec ses 4 millionsd’abonnés (4 070 185 à la fin 1995 (39)),apparaît comme le produit de susbtitutionle plus immédiat aux supports payants dedistribution multi-canaux. Un foyer ayantdécidé d’entrer dans l’univers des servicespayants de télévision doit en effet arbitrerentre trois marchés distincts caractériséspar un support de distribution, un prixd’abonnement, une quantité de chaînes detélévision et le contenu de ces chaînes : latélévision hertzienne (une seule chaîne àun prix de 175 F (40)), la télévision par

câble (10 à 25 chaînes (41) pour un prixd’abonnement compris entre 75 et 175 F)et un bouquet satellite de télévisionpayante (6 chaînes pour 138 F surCanalsatellite Analogique (42), 12 chaînespour 143 F sur Canalsatellite Numérique(43)). La comparaison de la taille desdifférents marchés montre la dominationactuelle de Canal Plus (7,7 milliards defrancs de recettes d’abonnements) face aucâble (2,4 milliards de francs de chiffresd’affaires pour les câblo-opérateurs) et ausatellite (0,47 milliard de francs de chiffred’affaires pour Canalsatellite Analogique)

(39) Source : rapport d’acivité Canal Plus 1995.(40) Prix au 31/10/1996.(41) Il s’agit ici du nombre de chaînes dites «câblées », c’est-à-dire non diffusées sur un réseau hertzien national,et non de la capacité en canaux. Plusieurs chaînes peuvent se partager un même canal au cours de la journée (parexemple, Canal J et Canal Jimmy sont généralement diffusés sur un même canal, respectivement avant et après20 heures).(42) En décembre 1995.(43) En septembre 1996;(44) Source : rapport d’activité Canal Plus 1995.

Figure 1Les différents marchés de télévision payante en 1995

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1990 1995

Foyers TV 20 758 000 (46) 21 540 000

Foyers multi-canaux 659 159 (46) 3 015 830

pénétration 3,18 % 14,00 %

Foyers câble 522 159 (46) 1 857 830

part de marché 79,21 % 61,6 %

Foyers satellite (45) 137 000 (46) 1 158 000

part de marché 20,79 % 38,4 %

(44). La faiblesse actuellede la concurrence des autressupports de distributionmulti-canaux

Le câble est soumis en 1996 à uneconcurrence relativement faible des autressupports de distribution multi-canaux. Lapart des foyers « multi-canaux » quireçoivent la télévision par le câble étaitencore supérieure à 60 % des 3 millions dela totalité dezs foyers « multi-canaux » à lafin 1995 (cf. tableau 4). Si cette part estcertes en décroissance avec la montée duparc de foyers équipés en antennes

(45) Source : SIMAVELEC.(46) Le CSA évaluait le aprc à 172 500 en 1990 en ayant recouipé différentes sources, cf. CSA (1994).(47) 400 000 foyers selon France Télécom, opérateur du satellite, d’après La Tribune Desfossés, 9-10 août 1996.(48) 425 000 foyers selon les enquêtes par sondage d’Astra à la fin 1995.(49) 380 000 foyers selon les enquêtes par sondage d’Eutelsat à la fin 1995.(50) 305 878 abonnés au 31/12/1995, source : rapport d’activité Canal Plus 1995.(51) 26 000 abonnés à la fin 1995, source : Écran Total, no 119, 6 mars 1996, p. 24.

Tableau 4Évolution du marché de la distribution multi-canaux

Si la télévision par satellite émerge enFrance comme le second support dedistribution multi-canaux, elle n’exercepas à notre sens une concurrence réellesur la télévision par câble avant l’arrivéedes bouquets de télévision numérique parsatellite.

La télévision par satellite en tant quesupport de distribution regroupe, en effet,deux marchés distincts. Le premier estcelui de la télévision par satellite gratuiteoù des foyers situés dans des zonesd’ombre s’équipent pour recevoir dessignaux hertziens français diffusés depuis

Télécom 2B (47) et où des foyers désirantrecevoir des programmes étrangerspointent leurs antennes sur les satellitesd’Astra (48) et d’Eutelsat (49). Le secondest celui de la télévision par satellitepayante où un foyer souscrit unabonnement à un opérateur de bouquetsatellite. Avant l’arrivée des bouquets detélévision numérique, seul Canal Pluscommercialisait un bouquet analogiquediffusé depuis Télécom 2A (50) et RTL 9,diffusée depuis Télécom 2B (51), secommercialisait elle-même.

Au-delà des quaerelles de chiffres et du

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manque de fiabilité des données fourniespar les opérateurs satellite (52), ces deuxmarchés exerçaient jusqu’en 1996 uneconcurrence très limitée sur la télévisionpar câble :

La télévision par satellite gratuite(826 122 foyers au 31/12/1995) ne fait pasl’objet d’un arbitrage avec le câble pourles foyers intéressés. En effet, dans le casde Télécom 2A, la télévision par satellitegratuite n’est qu’un moyen de capter leschaînes de télévision hertziennesnationales et est donc un substitut à latélévision hertzienne sur le marché de laréception. Dans le cas d’Astra etd’Eutelsat, les foyers reçoivent gratuite-ment des programmes étrangers (53)complètement différenciés des chaînesfrançaises diffusées sur le câble et souventnon conventionnées par le CSA. Rien nedit que les foyers désireux de recevoir deschaînes étrangères pour des raisonsd’appartenance culturelle et commu-nautaire s’abonneraient au câble si ceschaînes étaient reprises par des réseauxcâblés. La substitution entre télévision parcâble et télévision par satellite gratuitenous apparaît donc faible.

La télévision par satellite payante(331 878 foyers au 31/12/1995) semblaitexercer jusqu’en 1996 une similiconcurrence au câble. D’une part, en casde concurrence frontale dans une zonecâblée, le rapport qualité/prix du bouquetanalogique de Canal Plus n’apparaît pascompétitif avec celui du câble (seulement6 chaînes pour 138 F). D’autre part,l’hypothèse d’un manque de volonté de lapart de Canal Plus pour commercialiserson bouquet analogique dans les zonescâblées n’est pas à exclure (54). Danscette hypothèse, il aurait été rationnel dupoint de vue du groupe Générale des Eaux,actionnaire de référence avec Havas de

Canal Plus, de limiter la commercialisationdu bouquet de Canal Plus dans ses propreszones câblées où les prix d’abonnementssont les plus élevés de France (175 F fin1995) et il aurait été rationnel pourd’autres câblo-opérateurs de s’entendrepour bénéficier de cette limitation. Cettehypothétique entente entre les câblo-opérateurs et Canal Plus visant un partagegéographique des marchés semble sepréciser avec la récente publication d’undocument de Canalsatellite qui révèle que« selon des accords signés avec le câble,Canalsatellite ne peut être commercialisédans les villes et les régions câblées » etqu’il faut « obtenir une dérogation auprèsdes câblo-opérateurs » (55).

Gratuité et différenciation des servicesproposés par la télévision gratuite,mauvais rapport qualité/prix, absence deconcurrence frontale et partagegéographique pour la télévision payante, latélévision par satellite, peu développée enFrance au regard des situationseuropéennes, était un produit desubstitution au câble d’une portée trèslimitée jusqu’en 1996.

Les projets de télévision MMDS

La technologie MMDS (multichannelmultipoint distribution service) est parfoisappelée le câble sans fil. Née aux États-Unis où 800 000 foyers sont équipés en1995 (soit moins de 1 % des foyerséquipés en télévision), elle est reprise enFrance par TDF qui voit dans ce mode dediffusion, ressemblant à un faisceauhertzien exploitant les bandes de spectremicro-ondes, un moyen d’opérer dans deszones rurales où le coût de cosntructiond’un réseau câblé est prohibitif. Après uneexpérimentation en Corse (Sicso), TDF alancé en octobre 1995 le premier réseaucommercial MMDS autour de la ville de

(52) Seuls les chiffres donnés par Canal Plus pour le nomrbe d’abonnés de Canalsatellite et ceux donnés par leSIMAVELEC pour le parc d’antennes satellite semblent dignes de confiance.(53) Avant la location par Canal Plus de capacités satellite sur Astra, une seule chaîne diffusée par les satellitesAstra émettait en français.(54) « Sur une cible de 10 millions de foyers vivant en maison individuelle dans des zones non câblées, Canalsa-tellite s’est fixé comme objectif d’atteindre un taux de pénétration d’au moins 15 % », rapport d’activité CanalPlus 1994, p. 23.(55) Lettre d’Odile Biger, responsable du service consommateurs de Canalsatellite, à un lecteur du magazineTélésatellite datée du 30 juillet 1996, cf. Télésatellite no 83, octobre 1996, p. 8.

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Prades (Pyrénées-Orientales). Pour un coûtà la prise équivalent à celui d’un réseaucâblé urbain (2 500 F), 11 000 foyers àterme se verront proposer 12 chaînes pourun abonnement de 95 F par mois. Ceprojet, ainsi que d’autres (comme celui deMMDS numérique en partenariat avec leConseil Général de la Vienne), ont étéretardés paar des problèmes juridiques,notamment celui de l’attribution desfréquences par le CSA et la DGPT. LeMMDS existe donc aujourd’hui en Francemais demeure marginal.

LES ENTRANTS POTENTIELSSUR LE MARCHÉ DU CÂBLE

La loi du 30 septembre 1986 relative àla liberté de la communication a mis fin aumonopole national de France Télécom surles infrastructures des résaux câblés, maiselle n’a pas introduit la concurrence dansle secteur du câble. Elle a permis laconstruction par de nouveaux câblo-opérateurs de réseaux câblés dans deszones Hors Plan Câble. Cette entrée denouveaux acteurs dans des zones noncâblées est actuellement la seule possible.L’entrée d’un deuxième opérateur dansune ville câblée que ce soit sur un nouveauréseau ou sur le même réseau est toujoursréglementairement impossible.

L’impossibilité d’entréepotentielle au niveau localLa concession comme barrière à l’entrée

Selon l’article 34 de la loi de 1986modifiée, l’autorisation d’exploitationaccordée au câblo-opérateur surproposition de la commune au CSA n’estpas nécessairement exclusive. Cetteautorisation doit préciser « sa durée ainsique le nombre et la nature des services àdistribuer » et elle peut compter desobligations concernant la distribution deservices diffusés par voie hertzienne, ladistribution d’un nombre minimal deprogrammes propres, l’affectation d’uncanal local, la distribution d’un nombre

minimal de programmes indépendants del’exploitant et le paiement d’uneredevance à la commune. Bien quel’exclusivité ne soit pas imposée par la loi,la totalité des concessions sont accordéesde manière exclusive par les collectivitéslocales. Cette exclusivité de fait desconcessions constitue une barrière àl’entrée empêchant l’installation d’undeuxième réseau dans une zone câblée etinterdisant donc toute concurrencefrontale.

La fermeture des réseaux

Les schémas juridiques originels duPlan Câble ont créé une séparation entreopérateur technique et opérateurcommercial, un réseau construit et possédépar France Télécom pouvant être exploitépar une autre entreprise (56).Traditionnellement dans le câble,l’opérateur commercial et l’opérateurtechnique ne font qu’un. La dissociationexistant sur les réseaux Plan Câble entreinfrastructures et services, entre opérateurtechnique et commercial est longtempsdemeuré une spéficité française. Cettedistinction existe maintenant aux États-Unis. Le Cable Act de 1992 a institué leconcept de Video Dialtone qui permet auxcompagnies de téléphone d’offrir desservices de télévision par câble en tant quecommon carrier dans leur zone dedesserte, c’est-à-dire qu’elles transportentdes programmes pour le compte d’uncâblo-opérateur sans réseau qui assure lafacturation auprès des abonnés. LeTelecommunications Act de 1996 est alléencore plus loin en proposant le conceptd’open video system. Ce schéma permet àun câblo-opérateur d’ouvrir son réseau àd’autres opérateurs commerciaux. Sur unmême réseau sont alors commercialisésplusieurs bouquets de programmes. Enéchange de l’ouverture de son réseau et dela pression concurrentielle qu’il y subit,l’opérateur propriétaire du réseau estsoumis à une réglementation moinscontraignante (57).

(56) BADILLO (1992) dresse un historique des formes d’organisation du marché du câble en France, Charon etSimon (1989) décrivent l’enfance du Plan Câble jusqu’en 1986.(57) Cf. FCC (1996).

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Le modèle théorique d’open videosystem pourrait permettre en Francel’instauration d’une concurrence au niveaulocal. L’entrée d’autres opérateurscommerciaux sur un même réseaustimulerait la concurrence, les politiquescommerciales et marketing, augmenteraitla diversité des programmes et le choix duconsommateur et améliorerait peut-être lestaux de pénétration. Une telle ouverturen’est cependant pas à l’ordre du jour et lafermeture actuelle des réseaux interdittoute entrée au niveau local sur le réseaudéjà construit.

L’entrée de nouveauxopérateurs dans les zonesnon câblées

Si l’entrée potentielle est impossible auniveau local, l’entrée de nouveaux

opérateurs est possible au niveau national.En effet, seuls 8,2 millions de foyers sur21,5 millions seront situés à terme dansune zone câblée. De nouveaux entrantspeuvent donc conquérir les 8,3 millions defoyers (58) situés dans les petites etmoyennes villes délaissées par les troisgrands opérateurs qui n’investissent plusdans le câble, à l’excception de TDF.Depuis 1992, les grands opérateurs n’ontpas ouvert un seul réseau et leurs plans decâblage sont au point mort (2 338 prises àterme planifiées en 1994 contre 313 951pour les petits opérateurs (59)). Ce sont lespetits opérateurs qui assurent ledéveloppement industriel actuel du câbleen France.

(58) Source : CSA.(59) Cf. CSA (1995), p. 17.(60) Source : AVICA, SJTI/Agence Câble.

Figure 2Évolution du nombre de réseaux câblés entre 1987 et 1995 (60)

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Les entrants français

Les deux principaux entrants depuis laloi de 1986 sont TDF et EDF qui sedéveloppent rapidement depuis 1992. cesdeux opérateurs ont logiquement diversifiéleurs activités da ns le câble. En tant quediffuseur hertzien, opérateur de réseauxcommunautaires de réception collective etédificateur des têtes de réseau des réseauxPlan Câble, l’entrée depuis 1993 de TDFdans la câblodistribution n’est qu’unprolongement naturel de son cœur demétier. L’arrivée d’EDF, entreprise muilti-services à destination des collectivitéslocales, répond aux mêmes motivationsque celles des compagnies d’eaux au débutdu Plan Câble. Pierre Delaporte, présidentd’EDF, expliquait parfaitement lesobjectifs d’EDF : « Pourquoi EDF selance-t-il dans le câble ? Bien sûr pour nepas perdre de l’argent. Mais pas non plusdans le seul souci d’en gagner. Ce n’estpas le but de la manœuvre. L’axestratégique est de modifier en profondeur,de manière attentive, nos rapports avec lescollectivités locales. [...] Les rapports sontbons mais ils pourraient s’altérer. Nousvoulons agir en profondeur, en offrant auxcommunes d’autres services » (61). Cesdeux câblo-opérateurs se concentrent surles petites et moyennes villes de 10 000 à100 000 habitants.

Quant à France Télécom, ce n’est pas ausens propre un nouvel entrant. L’opérateurde télécommunications, détenteur desinfrastructures du Plan Câble, est devenuopérateur commercial depuis 1993 et lerachat des réseaux en fibre optiqueexploités jusque-là par la Générale desEaux. Cette arrivée dans la commer-cialisation n’est que la traduction dufonctionnement normal de l’industrie ducâble, connu partout dans le monde, oùl’opérateur technique exploite ses réseaux.

Les entrants étrangers

Les entreprises étrangères présentes enFrance se divisent en deux catégories : lesopérateurs de télécommunications et lescâblo-opérateurs. Les opérateurs detélécommunications, uniquement améri-cains, ne visent qu’à prendre desparticipations dans les câblo-opérateursfrançais (comme les 7,4 % d’US Westdans Lyonnaise Communications, les 17 %de Bell South dans Com-Dév). Cetteprésence n ‘est que symbolique car cesopérateurs de télécommunications ontpréféré consacrer leurs investissements aumarché britannique complètementdéréglementé où ils peuvent offrirsimultanément la télévision par câble et letéléphone.

Les câblo-opérateurs étrangerscomposent la troisième vague d’entréesdans le secteur du câble en France. Aprèsles opérateurs historiques du Plan Câble(1984-1986), les entrants français (1991-1993), la période 1994-1996 marquel’arrivée des câblo-opérateurs étrangersqui cherchent à se développer àl’international. L’arrêt des investissementsdes grands opérateurs et le manque actuelde couverture de la France en réseauxcâblés (30 % des foyers dans une zonecâblée) donnent des opportunités auxcâblo-opérateurs américains et européens.Ainsi, Time Warner a obtenu troisconcessions depuis janvier 1994 (62) et vaassurer le câblage du département duRhône (63), Lenfest-TCI (64) détient 29 %de EDF Vidéopole, Philips Cable (65) etUIH (66) ont fondé Médiaréseaux (67) etKPN Kabel, filiale câble de l’opérateurpublic de télécommunications hollandais,a pris le contrôle de Réseaux Câblés deFrance en janvier 1996.

(61) Le Figaro, 26/12/1991.(62) Citéréseau exploite les réseaux de Montreuil; Limoges et Brive.(63) Rhône Vision Câble, dont Time Warner détient 50 %, va câbler entre 1996 et 1999 253 000 foyers répartisdans 282 communes pour 1,1 milliard de francs.(64) Lenfest-TCI est une filiale de TCI, premier câblo-opérateur américain.(65) Philips Cable détient des participations dans le câble en Belgique, aux Pays-Bas et en Autriche.(66) UIH est une société américaine spécialisée dans la télédistribution et le MMDS à l’international (21 pays enEurope, Asie, Australie et Amérique Latine).(67) Médiaréseaux construit les réseaux de Marne-la-Vallée et de Rosny-sous-Bois.

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Le sous-développement de la couverturedes réseaux câblés permet doncactuellement l’entrée de nouveaux acteurs,principalement des câblo-opérateursétrangers qui investissent dans des réseauxconstruits dans des villes moyennes.

LES CHAÎNES CÂBLÉESEN FACE DE MONOPSONES

Au cœur de métier des câblo-opérateursqui consiste en la distribution deprogrammes de télévision, se sont rajoutésde nouveaux services (fourniture d’accèsInternet, services de radios, futurs servicestéléphoniques). Mais les fournisseurs descâblo-opérateurs demeurent principale-ment les chaînes de télévision « câblées »,c’est-à-dire les chaînes reprises par aumoins un réseau câblé et n’étant pasdiffusées nationalement sur un réseauhertzien.

L’offre actuelle de services

Le manque de chaînes de télévision des-tinées à la reprise sur le câble qui existaitjusqu’en 1990 a aujourd’hui disparu. Aumoins 25 chaînes françaises d’envergurenationale seront diffusées sur un réseaucâblé au 31 décembre 1996. Ces chaînesne sont pas les seules figurant dans lesplans de services des câblo-opérateurs etdes services autres que ceux de télévision« classique » ont vu le jour. Historique-ment, les plans de service comprennent unservice antenne (de type antenne collective(68)), un service de base (69) dont la sous-cription est obligatoire pour bénéficier deschaînes optionnelles ou des nouveaux ser-vices. Si ce découpage tend à ne plus êtreaussi strict avec les segmentations opéréespar France Télécom Câble (70), nous nous

baserons sur ce découpage historique pourprésenter l’offre de services proposés auxconsommateurs.

Les chaînes du service de base

On peut distinguer cinq grands types dechaînes qui ont vocation à figurer dans lesservices de base :• les chaînes thématiques françaises dontl’objectif est de rassembler des téléspecta-teurs sur un thème précis (infomation,sport, météo, musique, documentaires,séries, voyage, animaux) ou de rasemblerdes catégories précises de téléspectateurs(femmes, enfants, jeunes adultes). Ceschaînes sont financées par les redevancesdes câblo-opérateurs (71) et la publicité ;• les chaînes hertziennes distantes, appe-lées superstations aux États-Unis, qui sontau départ des chaînes locales hertzienneset qui touchent une audience nationalegrâce au câble en adoptant une program-mation généraliste. Seules Tele Monte-Carlo et RTL 9 figurent dans cette catégo-rie. La publicité intervient fortement dansleur financement.• les chaînes de télé-achat au sens largequi utilisent les temps d’antenne pour pro-mouvoir la vente de produits sur lesquelleselles se financent en partie. Ce sont soit devéritables chaînes de télé-achat (PlaisanceTélé-Achat), soit des chaînes de petitesannonces (Canal Auto, CTV) ;• les canaux locaux du câble qui sont deschaînes locales diffusées sur un seul réseaucâblé. Une quarantaine de canaux locauxexistent en 1996 (72). Leur financementest souvent partagé entre la commune et lecâblo-opérateur ;• les chaînes étrangères qu’elles soientgénéralistes comme les télévisionspubliques européennes (BBC, RAI, etc.)ou thématiques comme certaines chaînesaméricaines (CNN, MTV). Si la présence

(68) Suivant les opérateurs, le service antenne comprend les chaînes hertziennes plus une à trois chaînes. Il estfortement développé dans les immeubles d’habitation collective.(69) Le service de base peut être « étendu » par l’adjonction d’une offre derrière un décodeur Visiopass. Parexemple, à Paris, le service de base de 20 canaux est commercialisé à 152 F, le service de base étendu de34 canaux est commercialisé à 187 F (au 30/09/1996).(70) France Télécom Câble propose depuis le début 1995 différents modules optionnels regroupant les chaînesthématiques, les chaînes étrangères et les chaînes cinéma accessibles à partir d’un servcie de base à 75 F.(71) Un câblo-opérateur rémunère une chaîne présente dans le service de base en fonction du nombre d’abonnésà ce service de base. Les tarifs pratiqués en France vont de 2 à 6 F par mois et par abonné suivant la chaîne.(72) Mars 1996, source : CSA.

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de ces chaînes se justifient commerciale-ment dans les réseaux câblés situés dansdes zones frontalières, ce type de chaînes asouvent servi à occuper, jusqu’au débutdes années 90, les capacités des réseaux enattente du développement d’une offre dechaînes françaises.

Les chaînes du service de base consti-tuent la quasi-totalité de l’audience ducâble. La part d’audience des chaînescâblées représentent 19,4 % chez les plusde 15 ans et est dominée pareels chaînesthématiques (11,4 % de part d’audience(73)) et les chaînes francophones (6,2 %(74)), les chaînes étrangères demeurantmarginales (1,4 %).

Les chaînes à option

Jusqu’en 1995, seules deux chaînesregroupées au sein d’une même entitécommerciale étaient proposées en option::Ciné Cinémas et Ciné Cinéfil. Ces deuxchaînes à vocation cinématographique ontété rejointes par la chaîne musicale Muz-zik et par la chaîne de fictions Festival. Siles chaînes cinéma sont réglementairementdes chaînes à option, les deux autreschaînes peuvent viser la présence dans unservice optionnel ou dans un service debase. Les câblo-opérateurs peuvent cou-pler la vente de ces différentes chaînes(75) mais les prix pratiqués expliquent lar-gement le sous-développement des optionsen France (132 000 foyers au 31/12/1995).

Les services de paiement à la séance

Les services de paiement à la séance(pay-per-view) sont neufs et proposés par

les seuls grands opérateurs. Si le serviceMultivision de Lyonnaise Communica-tions (LC) existe depuis juin 1994, le ser-vice Kiosque de Canalsatellite Numériqueest proposé sur les réseaux de la Compa-gnie Générale de Vidéocommunication(CGV) depuis octobre 1996. Ces deux ser-vices proposent des films (au prix de 25 à38 F le film) ou des événements sportifs.la relative nouveauté, la nécessité d’undécodeur, le manque d’accès à des films enpremière diffusion à cause du système depréfinancement de la production cinémato-graphique par les télévisions hertziennes,la mainmise des télévisions hertziennes surles droits de retransmission sportive (76)expliquaient le balbutiement du marché en1995 : seulement 80 000 foyers consom-ment 25 000 films par mois distribués parMultivision (77).

Les nouveaux services

Les grands opérateurs diversifient leursactivités. A côté des services de télévision,ils proposent ou vont proposer de nou-veaux services :• des services de radio. LC proposent10 programmes audio dans un service inti-tulé Multiradio à 6 00 abonnés dotés d’unVisiopass et la CGV va reprendre les 19programmes audio proposés par Canalsa-tellite Numérique ;• des services Internet (78). LC exploitecommercialement sur le réseau du Mansdepuis le 30 septembre 1996 un serviced’accès à Internet sur le câble appelé« Cybercâble ». Cette offre, qui fait suite àl’expérimentation ayant eu lieu dans le

(73) LCI, Planète et Eurosport sont les chaînes disposant d’une couverture d’audience la plus large (respective-ment 34,1 %, 34 % et 30,8 %), source Audicâble décembre 1995/Médiamétrie. Un couverture de x % signifie quela chaîne a été regardée au moins une fois dans la semaine par x % des abonnés.(74) RTL 9 obtient une couverture de 38,9 %, source Audicâble décembre 1995/Médiamétrie.(75) Sur le réseau de Paris, 46 F pour chaque chaîne de cinéma, 20 F pour Muzzik, 66 F pour les deux chaînes decinéma, 81 F pour les trois chaînes en plus du service de base étendu à 187 F, soit un prix total cumulé de 268 Fpar mois (septembre 1996) !(76) A l’exception du tournoi de tennis de Wimbledon 1995 retransmis en exclusivité sur Multivision.(77) Source : Lyonnaise Communications.(78) Internet est utilisé comme support de promotion par les câblo-opérateurs et les chaînes câblées. la quasi-totalité des chaînes ont ouvert un site web où elles présentent leur programmation, l’AFCO (http://www.afco.fr) etPlein Câble (http://www.pleincable.fr), filiale de la Générale des Eaux et TV câble (http = //www-wcasle-fr)filiale de la lyonnaise des eaux, décrivent leurs activités de câblo-opérateur. On pourra trouver à http;//www.geocities.com/Paris/1906/these.html une compilation de toutes les ressources sur Internat consacrées aucâble en France ainsi que quelques chiffres clés réactualisés concernant la télévision par câble.

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7e arrondissement de Paris depuis la fin1995, devrait être proposée sur le réseaude Paris au cours de l’année 1997. Si l’ac-cès à Internet sur le câble propose unmeilleur débit et une meilleure qualité deservcie que l’accès en mode temporaire viale téléphone, les prix proposés (340 F parmois répartis entre 200 F d’abonnementmensuel pour un accès illimité, 95 F delocation de modem câble, 45 F de serviceantenne obligatoire pour un foyer non rac-cordé) ne permettent pas de dire si le mar-ché grand public suivra ou si d’éventuelsprofessionnels seront intéressés. La CGVexpérimente depuis août 1996 une offresimilaire auprès de 200 foyers de sonréseau de Nice dans le cadre de sa plate-forme multi-services Riviera ;• des services téléphoniques. LC et laCGV ont toujours annoncé leur intentionde faire du téléphone sur le câble. Lafuture libéralisation permet à la CGV d’en-visager dans le cadre de sa plate-formeRiviera de tester les différentes solutionstechniques (câblo-téléphonie, téléphonieen overlay (79)) afin de retenir la

meilleure solution économique. LC à l’au-tomne 1996 demeure au stade des déclara-tions d’intention (téléphonie locale sur leréseau parisien en 1998).

L’expansion de l’industriefrançaise des chaînes câblées

L’offre de chaînes de télévision câbléesfrançaises a doublé entre 1990 et 1995pour atteindre 25 à la fin de l’année 1996(80) (cf. figure 4). Cette expansion dunombre de chaînes liée à l’expansionglobale du secteur du câble a entraîné lacréation d’une industrie dont le chiffred’affaires dépassait le milliard de francs àla fin 1995. Ces 1 015 MF représententprès de 15 fois le chiffre d’affaires de1990. On trouvera en annexe la liste deschaînes existantes en 1995, leur chiffred’affaires ainsi que leur couvertue ennombre d’abonnés.

Malgré cette croissance fulgurante, leschaînes câblées représentent toujours uneforce marginale dans le paysage audiovi-

(79) C’est-à-dire que l’opérateur construit un réseau téléphonique parallèlement au réseau de télédistribution.(80) Ces 25 chaînes ne comprennent que deux des 28 chaînes d’AB Productions conventionnées par le CSA car enseptembre 1996, seules ABI sur les réseaux de FTC et Animaux sur les réseaux de LC étaient diffusées sur le câble.(81) Source : Paris II/ERMES, d’après les greffes des tribunaux de commerce. Les données azgrègent les chiffresd’affaires et les résultats nets des chaînes suivantes : Canal J, Canal Jimmy, Cina Cinéma/Ciné Cinéfil, Euronews;Eurosport France, LCI, MCM, Multivision, Paris Première, Planète, série Club, TV5.

Figure 3Les résultats financiers du secteur des chaînes câblées (81)

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suel français face au 18,756 milliards defrancs de chiffre d’affaires des chaînes hert-ziennes gratuites (82), les chaînes les plusanciennes ayant un chiffre d’affaires moyend’environ 100 MF. L’ensemble des chaînescâblées connaît encore des pertes (126 MFen 1995), mais la plus grande partie de cespertes provient du lancement de LCI (pertede 123 MF). Les chaînes les plus anciennesont réduit sérieusement leurs pertes et par-viennent à atteindre le petit équilibrecomme Eurosport France et MCM, cer-taines comme Paris Première, Planète etCanal J dégagent des bénéfices (respective-ment 32,8 et 5 MF en 1995). Malgré cespertes, les perspectives de développementet de profits sont prometteuses et les éven-tuelles valorisations sont par conséquentimportantes. Ainsi, Planète, Canal Jimmy,Ciné Cinémas et Ciné Cinéfil ont été valori-sés 1,4 milliards de francs (83) lors de la

création de Multithématiques en novembre1995 par Canal Plus, la Générale d’Images(84) et TCI (85), soit 5 fois leur chiffred’affaires cumulé 1995 (283 MF).

La forte intégration verticaledes chaînes câblées par lescablo-opérateurs

Le développement de l’offre des chaînescâblées françaises s’est accompagné d’uneforte intégration verticale de ces chaînespar les grands opérateurs. En 1995, 10des 14 chaînes françaises destinés au ser-vice de base et 13 des 18 chaînes fran-çaises reprises au total sur le câbles étaientcontrôlées par la Lyonnaise des Eaux, laGénérale des Eaux (86) et France Télé-com. On trouvera en annexe les principauxactionnaires des chaînes câblées françaisesexistantes en 1995.

(82) Chiffre d’affaires 1994, source : CSA.(83) Avec Cinéclassics, chaîne espagnole de Canal Plus.(84) Filiale de la Compagnie Générale des Eaux détenant les participations du groupe dans les chaînes câblées.(85) Premier câblo-opérateur américain.(86) Directement ou indirectement, cf. annexe.(87) Source : Paris II / ERMES.

Figure 4L’offre de chaînes câblées et son intégration verticale entre 1985 et 1996 (87)

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Cette intégration verticale s’est affirméen 1988-1989 quand les opérateurs his-toriques du Plan Câble (Lyonnaise Communications, Compagnie Générale deVidéocommunication, CommunicationDéveloppement) ont lancé de nombreuseschaînes pour remplir leurs plans de ser-vices (88) et a été poursuivie avec l’aidefinancière et le savoir faire de Canal Plusqui est entré dans le secteur des chaînesthématiques en 1990-1991 (89). Cette inté-gration verticale était nécessaire au débutdu câble pour créer et diffuser des chaînescâblées françaises susceptibles de dévelop-per une offre de programmes attractivecommercialement pour les abonnés poten-tiels.

Depuis quatre ans, de nouvelles chaînesont vu le jour et des éditeurs indépendants,qu’ils soient diffuseurs (90) ou producteurs(91), sont entrés sur le secteur. L’année1996 marque une hausse importante dunombre de chaînes câblées françaises etune décroissance de la part des chaînesverticalement intégrées dans ce total.Cependant, l’intégration verticale du sec-teur des chaînes câblées demeure impor-tante.

Les effets de l’intégrationverticale sur les relationsavec les câblo-opérateurs

La littérature économique a développédeux approches permettant d’analyser lescauses et les effets de l’intégration verti-cale. La première dite « transac-tionnelles » voit dans l’intégration verti-cale une forme d’organisation efficace.C’est suite aux travaux de Coase (92) queles économistes ont considéré que lerecours au marché s’accompagnait de

coûts de transaction plus ou moins impor-tants. Les travaux de Williamson (93) dansles années 70 ont développé les avantagesde l’organisation interne des activités pro-ductives :

Réduction des coûts de négociation.L’internalisation du processus de contrac-tualisation entre les activités amont et avalévite des coûts de transaction liés à ladétermination du prix de transfert. L’inté-gration des chaînes par les grands opéra-teurs évite les négociations sur le montantde la rémunération des chaînes qui s’avè-rent coûteuses en terme de délais lors-qu’une des deux parties est indépendante.

Réduction des tendances opportunistes.La maximisation des profits joints permetune coordination des deux parties. Lescomportements de la chaîne et de l’opéra-teur doivent concourir à maximiser lafonction objectif du profit joint (opérateur+ chaîne). La seule tentation opportunisteréside dans le partage du profit entre lachaîne et l’opérateur lors de la détermina-tion du prix de transfert.

Avantage informationnel. La transmis-sion de l’information entre deux niveauxde productions est facilitée et le coût d’ob-tention de l’information sur l’état du mar-ché est réduit. L’intégration au sein d’unmême groupe d’un opérateur et d’unechaîne permet la communication par l’opé-rateur des études de marché sur les goûtset les attentes des abonnés en matière deprogrammes (94).Garantie de l’approvisionnement. La firmeaval en s’intégrant vers l’amont est assuréed’être approvisionnée quand la demandesera faible. L’intégration verticale deschaînes par les opérateurs lors des pre-mières années du câble a permis la consti-tution d’une offre de programmes en fran-

(88) Dont Planète et Ciné Cinémas.(89) Les premièrs chaînes des câblo-opérateurs comme Humour, Bravo, C’était Hier, Ciné Folies ont alors étéremplacées par Canal Jimmy, MCM, Ciné Cinéfil.(90) Comme TF1 avec LCI ou France Télévision avec Festival.(91) Comme AB Productions avec AB1 et Animaux.(92) Cf. COASE (1937).(93) Cf. WILLIAMSON (1975).(94) Cyrille du Pelloux, p.d.g. de Lyonnaise Communications déclare dans Ecran Total en janvier 1996 :« Lorsque M6 a voulu lancer Série Club, nous avons étroitement coopéré, en particulier, pour les études et lesremontées des abonnés ». La Lyonnaise des Eaux est l’un des deux actionnaires de référence de M63 (avec laCLT) et actionnaire principal de Lyonnaise Communications.

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çais susceptibles d’attirer les abonnements.Une deuxième approche dite « concur-

rentielle » cherche à déterminer dansquelle mesure l’intégration verticale per-met l’acquisition, le renforcement ou l’ex-ploitation d’un pouvoir de marché. Denombreux modèles théoriques ont étédéveloppés afin de voir si l’intégrationverticale augmentait ou pas le bien-êtresocial. Dans le cas simple où les secteursamont et aval sont en monopole, Spengler(95) a montré que l’intégration verticalefait baisser le prix du bien final, augmentela quantité vendue et le surplus duconsommateur. Mais l’utilisation d’autreshypothèses concernant les structures demarché (96) complexifie l’analyse.Aujourd’hui, la théorie économique nepeut dire de manière générale si l’intégra-tion verticale est bénéfique ou pas pour lebien-être social. Elle peut cependant seprononcer au cas par cas car ses effetsnégatifs sont largement connus :

Elévation d’une barrière à l’entrée.L’intégration verticale d’un secteur amontet d’un secteur aval, complète ou partielle,limite le marché final pour le fabricantd’un imput non intégré qui est obligé d’en-trer dans les deux niveaux amont et aval.Un éditeur indépendant des câblo-opéra-teurs comme AB Productions, devant lesdifficultés de négociation avec les câblo-opérateurs, doit envisager la commerciali-sation en propre de ces chaînes. Si lescontrats d’exclusivité entre les câblo-opé-rateurs et les chaînes étaient toujours envigueur en France (97), un nouveau câblo-opérateur devrait entrer aux deux niveaux,édition et distribution, pour remplir sesplans de services.

Exclusion du marché des firmes nonintégrées. L’intégration verticale peut s’ac-compagner de phénomènes d’exclusion dumarché dont la théorie économique n’a paspu encore déterminer s’ils étaient pro ouanticoncurrentiels. L’exclusion ou la for-

clusion de marché désigne « les pratiquescommerciales (y compris les fusions) quiréduisent l’accès des acheteurs à un four-nisseur (ce que l’on appellera la forclusionamont), et/ou limitent l’accès des fournis-seurs à un acheteur (forclusion aval) »(98). Dans le câble, de telles pratiquesconsistent en la discrimination de diffusion(un câblo-opérateur intégré refuse de dis-tribuer une chaîne non intégrée et fait traî-ner les négociations) et la discriminationde prix (un câblo-opérateur propose à unechaîne non intégrée une rémunération lar-gement inférieure aux prix normalementpratiqués). Cette dernière pratique a étédénoncée par le Conseil de la Concurrencequi a condamné en décembre 1991 la CGVpour abus de position dominante quandelle proposait à la chaîne TV Mondes,mort-née en 1989, une rémunération auxtrois quarts inférieure à celle que la CGVversait à ses chaînes intégrées.

Monopolisation d’un secteur. Une inté-gration complète d’un secteur par unefirme donne à celle-ci le contrôle total dusecteur intégré, amont ou aval. Les clientsfinaux ou les entreprises acheteuses d’in-puts font alors face à un comportement demonopole. Jusqu’en 1994, les trois quartsdes chaînes thématiques étaient contrôlésen commun par les opérateurs historiquesdu Plan Câble qui détenaient chacun desparticipations chaque chaîne. Cette coopé-ration en matière de participations croiséesa permis à chaque chaîne intégrée de nepas avoir de concurrents sur son thème(une seule chaîne musicale, une seulechaîne pour les enfants, etc.).

Elévation du prix du bien final. Lesfirmes amont intégrées peuvent vendre auxfirmes aval non intégrées à des prixproches du niveau de monopole quandl’intégration s’accompagne de monopoli-sation de l’amont. Les prix élevés prati-qués par certaines chaînes intégrées (6 Fpar mois par abonné) au regard des prix

(95) Cf. SPENGLER (1950).(96) De nombreuses combinaisons amont / aval ont été étudiées : monopole / oligopole, oligopole / monopole,oligopole / oligopole, concurrence monopolistique / monopole. La ou les firmes amont peuvent également dispo-ser d’un pouvoir de monopsone.(97) Les clauses d’esclusivité entre câblo-opérateurs et chaînes sont interdites par le Conseil de la Concurrencedepuis décembre 1991, décision no 91-D-51 du 19/11/91).

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proposés par les chaînes non intégrées (2 à3 F) pénalisent les opérateurs non intégrésqui sont contraints commercialement dereprendre certaines chaînes sur leursréseaux comme Canal J. On peut présumerque l’existence d’une concurrence entreplusieurs chaînes positionnées sur unmême thème diminuerait probablementleurs coûts de distribution, donc les prix,ce qui rendraient ces opérateurs non inté-grés encore plus performants au niveau destaux de pénétration.

L’effet global de l’intégration verticalesur le bien-être social dépend de l’impor-tance respective de ces effets positifs etnégatifs. Si l’intégration verticale est béné-fique pour les grands opérateurs et leschaînes intégrées en terme d’efficacité desprocessus de production, elle influe négati-vement sur les profits des chaînes et desopérateurs non intégrés, sur la diversité deprogrammes offerte à tous les consomma-teurs et sur le prix proposé aux consomma-teurs présents dans les zones câblées pardes opérateurs non intégrés. Devant lacomplexité de l’analyse, on ne peut pourl’instant dresser un bilan quantitatif.

On peut cependant dire de manière qua-litative que cette intégration verticale aaffaiblit le pouvoir de négociation deschaînes non intégrées. Ce pouvoir denégociation est d’autant plus faible quel’absence de concurrence au niveau local,que ce soit via le même support câble ouvia un autre support de distribution multi-canaux (satellite, MMDS), fait que leschaînes ne font face qu’à un seul client. Lasituation de monopsone ds câblo-opéra-teurs renforce leur pouvoir de négociationvis-à-vis des chaînes. Les chaînes indépen-dantes nouvellement créées en 1995-1996ont des difficultés à prendre place dans lesplans de services malgré leurs tarifs deux àtrois fois moins élevés que celui deschaînes verticalement intégrées, certainesvont même jusqu’à offrir une partie de leurcapital aux câblo-opérateurs (99).

FAIBLESSE DU POUVOIR DENÉGOCIATION DES ABONNÉS

Les clients des câblo-opérateurs quesont les abonnés font face, nous l’avonsvu, à des monopoles locaux. Dans unezone ou une ville câblée, la faiblesse desproduits de substitution multi-canaux quenous avons décrite entraîne pour leconsommateur l’absence d’une offre alter-native similaire en matière de chaîne fran-çaises. Si le fort développement des pro-duits de substitution hertziens explique enpartie le retard du développement ducâble, elle semble insuffisante pourcontraindre les comportements des câblo-opérateurs qui paraissent agir comme devéritables monopoles au niveau de la qua-lité du service et des prix.

Une qualité de service inégale

La qualité du produit câble comporteplusieurs aspects : un aspect technique(qualité de la réception des signaux), unaspect subjectif (qualité des programmesdiffusés) et un aspect relationnel (qualitéde la contractualisation entre l’abonné et lecâblo-opérateur). Le câble bénéficie d’unebonne image auprès de ses abonnés (92 %d’intention de renouvellement d’abonne-ment et une satisfaction globale de 7,1 sur10 (100)), mais la qualité de chacune deces trois dimensions est diversementappréciée.

Si la qualité de réception de l’image etdu son s’avère très bonne, la qualité descontenus ds programmes diffusés est jugéemoyennement (respectivement 8,5 et 6,5sur 10 selon le baromètre de Médiamétrie).Cette qualité perçue des programmes deschaînes câblées explique la relative fai-blesse de leur audience dans les foyerscâblés (20 % de part d’audience). C’est auniveau des relations entre l’abonné etl’opérateur que la qualité s’avère trèsmauvaise. D’une part, les hausses de prix

(98) Cf. TIROLE (1988), p. 193.(99) La chaîne Voyage, présente dans le bouquet Canalsatellite Numérique, propose 49 % de son capital auxcâblo-opérateurs. Malgré cela, seuls les réseaux RCF reprennent Voyage à l’automne 1996.(100) Source : Baromètre de mesure de la satisfaction des abonnés au câble - février 1996 / Médiamétrie.

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et les modifications de plans de servicessans que l’abonné soit toujours prévenu,les frais de déconnexion payants, les délaisde raccordement effectif trop impor-tants (101) sont autant de désagrémentspour les abonnés. D’autre part, les contratsd’abonnement comprennent des clausesqui vont être examinées par la Commis-sion des clauses abusives (durée minimaled’abonnement d’un an, imposition du pré-lèvement automatique, etc.) (102).

Des prix trop élevés

La télévision par câble en France appa-raît comme la plus chère d’Europe. Larecette moyenne du service de base parraccordé s’établissait à 214 écus par an

pour l’année 1994, contre 162 auRoyaume-Uni, 78 en Allemagne et unemoyenne européenne de 95 écus (103). Lacomparaison des différents taux de péné-tration montre la forte relation existanteentre le prix et le taux de pénétration :28 % en France, 22 % au Royaume-Uni,64 % en Allemagne et 63 % pour l’en-semble de l’Union Européenne.

Cette corrélation entre prix et taux depénétration se retrouve quand on met enrelation les prix moyens du service de basedes câblo-opérateurs français avec les tauxmoyens de pénétration des raccordés(104). Le diagramme prix/pénétrationmontre la décroissance du prix avec letaux de pénétration.

(101) « La CGV se donne jusqu’à trois mois », cf. 60 millions de consommateurs, no 298, septembre 1996, p. 33.(102) « Les clauses déclinant systématiquement la responsabilité de l’opérateur dans les interruptions de serviceou la mauvaise qualité de la réception. Autres clauses parfois très sévères, celles concernant les retards de paie-ment ou la restitution du matériel (décodeur, télécommande) en fin d’abonnement. Par exemple, Lyonnaise Com-munications les factures à l’abonné s’il ne les restitue pas dans les huit jours, alors qu’elle s’octroie deux mois,après la fin de l’abonnement pour restituer le dépôt de garantie », cf. 60 millions de consommateurs, no 298, sep-tembre 1996, p. 33.(103) Source : Paris II / ERMES, d’après CIT (1995).(104) Les moyennes calculées sont des moyennes par site pondérées par le nombre de raccordés.(105) Source : base de données câble Paris II / ERMES. Cette base de données comprend les informations sur lesparcs, les abonnements et les prix pratiqués sur 439 réseaux câblés.

Figure 5Le diagramme prix / pénétration des câblo-opérateurs en 1995 (105)

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Les deux groupes d’opérateurs définislors de l’analyse de la structure du marchése distinguent par leur stratégie tarifaire etleurs performances. En 1995, à l’exceptionde TDF, les grands opérateurs pratiquentdes prix élevés supérieurs à 140 F-173 Fpour la Compagnie Générale de Vidéo-communication (CGV), 143 F pour Lyon-naise Communications (LC) et 140 F pourFrance Télécom Câble (FTC) – pour destaux de pénétration moyens par site géné-ralement compris entre 30 et 40 % de rac-cordés (respectivement 30 %, 31 % et43 %). Ils adoptent des politiques tarifairessimilaires aue les réseaux soient PlanCâble ou Hors Plan Câble : respectivement175 et 161 F pour CGV, 147 et 136 F pourLC, 140 et 139 F pour FTC. A contrario,les petits opérateurs allient des perfor-mances supérieures à 40 % de pénétrationavec des prix proches de la barrière psy-chologique des 100 F mensuels (EDF :112 F et 44 %, TDF considéré ici commeun petit opérateur : 107 F et 61 %, réseauxmunicipaux : 82 F et 83 %). Les perfor-mances des nouveaux opérateurs semblentfaibles (35 %) en comparaison des prixmoyens pratiqués (98 F), mais cet écartprovient de la jeunesse des réseaux de cesopérateurs exploités depuis quatre ans aumaximum.

Les petits opérateurs apparaissent doncplus performants que les grands opéra-teurs en matière de prix pratiqués et detaux de pénétration. Cette situation va àl’encontre des raisonnements économiquesclassiques. D’une part si une industrie àforts coûts fixes génère des économiesd’échelle, les opérateurs de grands réseauxdevraient connaître des coûts unitairesinférieurs à ceux des opérateurs de petitsréseaux ; d’autre part, les opérateurs degrande taille disposent d’un pouvoir denégociation plus fort et devraient connaîtredes coûts de programmation inférieurs àceux des opérateurs de petite taille. Au

total, les prix des grands opérateursdevraient théoriquement être inférieurs àceux des petits opérateurs. Les différencestarifaires entre petits opérateurs et grandsopérateurs traduisent donc un dysfonction-nement du marché du câble en France.

Une hausse des prix chez lesgrands opérateurs

Le prix moyen du service de base enfrancs constants est le même en 1995qu’en 1989 : 140 F 1995 (106). Mais ceprix moyen n’est pas significatif des varia-tions de prix qu’on appliqué les différentsopérateurs.

Les grands opérateurs ont augmenté lesprix de manière conséquente (107). Sur lesréseaux Hors Plan Câble, la CGV a exercéune hausse de prix de 39 % en francs cou-rants entre 1989 et 1995 alors que l’infla-tion n’était que de 15 % dans le mêmetemps ; les réseaux de la Caisse des Dépôtset Consignations ont vu leur prix croître de44 % en francs courants entre 1989 et 1994contre 13 % d’inflation. L’analyse desvariations de prix est faussée sur lesréseaux Plan Câble par l’accord de 1992entre les opérateurs commerciaux du PlanCâble et France Télécom. Cet accord pré-voit une réduction de la redevance payéepar ces opérateurs à France Télécom pourl’utilisation des infrastructures du PlanCâble, en échange, ils s’engageaient àrépercuter partiellement cette baisse auniveau des prix d’abonnement lors de lapremière année d’application des accords.Cette répercussion plus ou moins totale aentraîné une baisse en francs constants duprix moyen d’un réseau Plan Câble sur lapériode 1989-1995 (hausse de 13 % enfrancs courants). Mais la baisse du prixmoyen de 1992 est unique, chaque annéeétant caractérisée par une hausse des prixen francs constants. En ne tenant pascompte de la baisse de 1992, le prix moyen

(106) Source : Paris II / ERMES. Les hausses de prix données dans ce paragraphe ont été calculées à partir de labase de données câble Paris II / ERMES. Les taux d’inflation ont été calculés à partir des indices de prix fournispar l’OCDE.(107) Comme dans l’analyse des niveaux de prix, TDF a été considéré dans l’analtse des évolutions de prixcomme un petit opérateur, son comportement épousant celui général de ce type d’opérateur.

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sur un réseau Plan Câble s’avère suivredepuis 1989 un rythme d’augmentationégal au double de celui de l’indice des prix.

Les petits opérateurs ont dans le mêmetemps baissé ou maintenu constants leursprix. En effet, le prix moyen d’un réseauHors Plan Câble a cru moins vite que l’in-flation entre 1990 et 1995 : + 9 % contre+ 11 %. EDF par exemple a augmenté sesprix à un rythme égal à la moitié de l’infla-tion depuis 1989. Cette décroissance enfrancs constants a eu lieu malgré leshausses importantes des prix pratiqués parles réseaux de la Générale des Eaux et dela Caisses des Dépôts. Le prix moyen d’unréseau opéré par un petit opérateur a dimi-nué de 4 % en francs courants sur lapériode.

Tant au niveau de la qualité de servicequ’au niveau des prix, les câblo-opérateurssemblent adopter des comportements enrapport avec leur situation de monopole.Ce constat est particulièrement vrai pourles grands opérateurs dont les faibles per-formances quantitatives sont corréléesavec des prix très élevés en augmentationconstante. Le pouvoir consumériste étantpeu développé en France, les abonnéssemblent démunis de tout pouvoir de négo-ciation face à ces comportements monopo-listiques.

CONCLUSION

L’application des principes de théorieéconomique au cas de la télévision parcâble en France, à travers une analysestructurelle du secteur des câblo-opéra-teurs, suivant la méthodologie de Porter,met à jour un important dérèglement desmécanismes concurrentiels en 1996 :

La concurrence interne au secteur estinexistante. Chaque câblo-opérateur est ensituation de monopole local. Les grandsopérateurs, constituant un oligopole domi-nant dans un secteur très concentré, parais-sent adopter des comportements monopo-listiques en pratiquant des prix élevés et enrestreignant les quantités vendues.

La concurrence inter-produits estinégale suivant le type de produits de sub-stitution. La télévision hertzienne mono-

canal gratuite et payante exerce une pres-sion de substitution très importante alorsque la télévision multi-canaux gratuite etpayante est un produit de substitutiond’une portée très limitée en 1996.

La menace constituée par les entrantspotentiels est nulle au niveau local carl’entrée est impossible au niveau d’unezone câblée. L’exclusivité et la longévitédes concessions garantissent aux câblo-opérateurs des monopoles durables. Elleest par contre possible au niveau des zonesnon câblées. L’absence de barrière à l’en-trée réglementaire permet à des acteursétrangers de pénétrer le marché.

Le pouvoir de négociation des fournis-seurs est faible. D’une part, le CSA et lescommunes disposent d’un faible pouvoir derégulation économique. D’autre part, leschaînes sont soient intégrées verticalementpar les grands opérateurs, soient en positionde faiblesse dans leurs négociation avec cesmêmes opérateurs, soient en position defaiblesse dans leur négociation avec cesmêmes opérateurs en situation de monop-sone et dotés d’un fort pouvoir de négocia-tion que leur procure leur grande taille.

Le pouvoir de négociation des abonnésest faible. Ils font face à des monopolesdont les prix ne sont pas réglementés et quiprofitent de cette liberté tarifaire pourimposer des prix élevés et des hausses deprix conséquentes dans le cas des grandsOpérateurs. Les relations contractuellesentre l’abonné et l’opérateur apparaissentdifficiles.

La possibilité de substitution que repré-sente la télévision hertzienne demeure laseule force contraignante pour les câblo-opérateurs. Elle peut expliquer le manqued’arbitrage en faveur du câble de la partdes foyers, mais ne semble pas contraindreles prix pratiqués par les câblo-opérateurs.

Ces dérèglements concurrentiels pourraitconstituer, à notre sens, une raison majeuredu retard du développement du câble enFrance, les prix élevés et les hausses de prixdes grands opérateurs ne permettant pas ledéveloppement d’un marché de masse. Lespistes théoriques d’amélioration de l’effica-cité globale des câblo-opérateurs apparais-sent au nombre de trois :

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Introduction d’une concurrence interne.La concurrence permet théoriquement unetarification plus abordable pour le consom-mateur. Si l’entrée d’un deuxième câblo-opérateur semble exclue en France, l’ou-verture des réseaux, rendue techniquementpossible par l’abondance de fréquencesgénérée par l’introduction de la compres-sion numérique sur les réseaux (108),apparaît comme une solution théoriquepossible.

Réglementation des comportements descâblo-opérateurs. Selon la théorie écono-mique, les hausses de prix des grands opé-rateurs, et éventuellement le mauvaisdéroulement de certaines relations verti-cales entre chaînes et câblo-opérateurs,devraient être soumis à l’analyse d’uneautorité capable d’exercer une réglemen-tation économique des comportements de monopole. La situation de monopolenon réglementé des câblo-opérateurs français ne semble pas justifiée économi-quement.

Introduction d’une concurrence externed’un support multi-canaux. La concur-rence des produits de substitution est uneautre solution théorique pour exercer unepression sur les prix du câble. C’est à court

terme la piste qui a eu le plus de chance dese concrétiser grâce au développement dela télévision payante par satellite. Les lan-cements de Canalsatellite Numérique parCanal Plus, de TPS par les chaînes hert-ziennes, Lyonnaise des Eaux et FranceTélécom, d’ABSAT par AB Productionspréfigurent une concurrence pour le câblequi devrait s’exercer en terme de prix et deservices offerts.

Par conséquent, il nous semble possibleque la télévision par câble soit en Franceun marché efficace et performant en termede diffusion si les dérèglements provoquéspar les situations de monopole et demonopsone des câblo-opérateurs et parl’intégration verticale des chaînes par lesgrands opérateurs sont combattus par laréglementation ou par le jeu normal de laconcurrence. Les incitations concurren-tielles et réglementaires nous apparaissentcomme un moyen utile pour contraindrecertains opérateurs à passer d’une stratégiede narrownet (« limiter la pénétration pourfaire croître [...] la recette par abonné »(109)) à une stratégie de broadnet(« rechercher une pénétration élevée pourfaire décroître [...] le coût » (110) parabonné) favorable au bien-être général.

(108) 8 chaînes par canal.(109) Cf. Gille (1995), p. 65.(110) Cf. Gille (1995), p. 65.

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ANNEXELES CHAINES CÂBLÉES AU 31/12/1995

(111) Par ordre décroissant du nombre de raccordés.(112) Au 31/03/1996, source : Base câble Concerto Média.(113) Source : CSA, Guide du Câble et du Satellite 1996.(114) Via Générale d’Images.(115) Via Com-Dév Images, filiale de la Caisse des Dépôts et Consignation.(116) Via Générale Occidentale.(117) Via Générale d’Images.(118) Via Com-Dév Images.(119) Via Multithématiques.(120) Via Multithématiques.(121) Via Com-Dév Images.(122) Via Multithématiques.(123) Via Multithématiques.(124) Via Générale d’Images.(125) Vai France Télécom Multimédia.(126) Via M6.(127) Via Multithématiques.(128) Via Multithématiques.(129) Via Com-Dév Images.(130) Via France Télécom Multimédia.(131) Via France Télécom Multimédia.(132) Via France Télécom Multimédia.

Chiffre Nombre deDate de Câblo-opérateurs Autres actionnaires

Chaînes (111) d’affaires raccordés encréation actionnaires (113) i m p o r t a n t s

1995 en MF milliers (112)

Eurosport France 158 1 409 02/88 CGV (114) TFI - C+

TV 5 66 1 406 01/90 télévisionspubliques

RTL 9 174 1 369 CLT

Canal J 100 1 312 01/86 LC C+ - CDC (115)

Euronews 82 1 285 01/93 Alcatel (116)

MCM 85 1 263 07/90 CGV (117) – LC C+ - NRJ - CDC (118)

Planète 79 1 197 09/88 CGV (119) - LC C+ (120) - CDC (121)

Paris Première 80 1 109 12/86 LC C+

Canal Jimmy 71 1 047 01/91 CGV (122) - LC C+ (123)

Tele Monte-Carlo 100 1 030 CGV (124) C+

LCI 136 1 006 06/94 TF1

TV Guide 15 732 01/91 LC - FT C (125) AFP - Hachette

Série Club 18 504 03/93 LC (126) M6

Ciné CinémasCiné Cinéfil 133 265 12/88 CGV (127) - LC C+ (128) - CDC (129)

Multivision 6 250 06/94 LC - FTC (130) CLT - TF1

Plaisance n.d. < 200 11/94 FTC (131) PlaisanceTélé-achat Productions

La Chaîne Météo n.d. < 200 06/95 FTC (132) Pelmorex

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satellite, on peut raisonnablement estimerque la concurrence des autres supports dedistribution est relativement faible avantl’arrivée des bouquets de télévisionnumérique par satellite (CanalsatelliteNumérique, TPS, ABSAT).

La télévision par sdatellite en émergence

La télévision par satellite estactuellement en pleine croissance. Demoins de 200 000 foyers équipés pour laréception directe en 1990, la France estpassé à plus de 1 million de foyers équipésen 1995.

naise des Eaux, Générale des Eaux etFrance Télécom Câble réunis (15)). Cespertes sont normales étant donné la jeu-nesse des réseaux câblés, commercialisésdepuis moins de 10 ans en général. Le câbleétant une industrie à très forts coûts fixesliés à la construction du réseau, en périodede démarrage, ces investissements initiauxdans l’ifnrastructure pèsent sur lescomptes. La rentabilité des réseaux ne peutpar conséquent se dégager que sur unelongue période représentée par la durée devie du réseau(20 ans). Les pertes de l’industrie ont toute-fois tendance à diminuer et les réseaux lesplus anciens commencent à atteindre lepetit équilibre, c’est-à-dire à réaliser desbénéfices annuels (comme Paris en 1996 et7 réseaux de la Compagnie Générale deVidéoccommunication en 1995 (16)). Lecheminement vers le petit équilibre, quedevrait connaître par exemple LyonnaiseCommunications dans son ensemble en1996, a été facilité par une réduction descoûts de revient par abonné de 24 % sur lesréseaux Plan Câble et de 14 % sur lesréseaux Hors Plan Câble (17) depuis 1992.

Un secteur très concentré

Le nombre de câblo-opérateurs est assezfaible en France : 13 câblo-opérateursmulti-systèmes (18) et 36 câblo-opérateursmono-système (19) à la fin 1995. En fait, il