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1 UNIVERSITÉ FRANÇOIS - RABELAIS DE TOURS ÉCOLE DOCTORALE : Santé, Sciences, Technologie Equipe de recherche : Laboratoire EA2114 de Psychologie des âges de la vie THÈSE présentée par : Imad SALEH soutenue le : 7 octbre 2008 pour obtenir le grade de : Docteur de l’université François - Rabelais Discipline/ Spécialité : Psychologie La trajectoire d’intégration des retraités maghrébins en région centre : Indre et Loire Rupture, changement, intégration THÈSE dirigée par : Daniel ALAPHILIPPE Professeur, université François - Rabelais RAPPORTEURS : Geneviève VINSONNEAU Maître de conférences, université Paris V René Descartes Nicolas ROUSSIAU Maître de conférences, université de Nantes JURY : Roger FONTAINE Professeur, université François Rabelais, Tours Geneviève VINSONNEAU Maître de conférences, université Paris V René Descartes Nicolas ROUSSIAU Maître de conférences, université de Nantes

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UNIVERSITÉ FRANÇOIS - RABELAIS

DE TOURS

ÉCOLE DOCTORALE : Santé, Sciences, Technologie

Equipe de recherche :

Laboratoire EA2114 de Psychologie des âges de la vi e

THÈSE présentée par :

Imad SALEH

soutenue le : 7 octbre 2008

pour obtenir le grade de : Docteur de l’université François - Rabelais

Discipline/ Spécialité : Psychologie

La trajectoire d’intégration des retraités maghrébins en région centre : Indre et Loire

Rupture, changement, intégration

THÈSE dirigée par :

Daniel ALAPHILIPPE Professeur, université François - Rabelais RAPPORTEURS :

Geneviève VINSONNEAU Maître de conférences, université Paris V René Descartes Nicolas ROUSSIAU Maître de conférences, université de Nantes

JURY : Roger FONTAINE Professeur, université François Rabelais, Tours

Geneviève VINSONNEAU Maître de conférences, université Paris V René Descartes Nicolas ROUSSIAU Maître de conférences, université de Nantes

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REMERCIEMENTS

La vie est faite, aussi, de rencontres heureuses, riches d’échanges, et fécondes. C’est ainsi que

je décris ma rencontre avec le Professeur Daniel ALAPHILIPPE.

Il m’a peut-être, sans le savoir, donné l’envie d’effectuer cette recherche. Travailler sous sa

direction est un réel plaisir, et un grand honneur. Je tiens à lui exprimer toute ma

reconnaissance, du fond du cœur. Au même moment, une personne très proche, mon épouse

Nadia, m’a aussi encouragé à mener cette recherche. Sa confiance en moi m’a aussi stimulé.

Et son indéfectible soutien, tout au long de cette recherche, m’a beaucoup aidé.

Il y a aussi deux personnes importantes dans cette affaire : Madame Odile BOIREAU et

Monsieur Rudy GUILLAUDAT, qui m’ont apporté un soutien très précieux, un soutien

logistique tout au long de ce travail, avec amitié et sans faille. Que tous les deux soient

assurés de ma reconnaissance et mon amitié.

Je remercie aussi tous les retraités immigrés qui ont bien voulu m’accorder du temps et

donner leur avis sur leur trajectoire. Et, comme ils me l’ont demandé, je tiendrai ma

promesse : faire connaître leur situation, afin qu’ils puissent avoir toute la reconnaissance

qu’ils méritent, auprès des autorités et de l’opinion. Ce n’est pas un acte de militantisme que

je ferai, mais plutôt celui de transmission de l’héritage qu’ils voulaient faire passer.

Je remercie, également, le président de la Communauté musulmane, Monsieur Salah

MRABTI, et son adjoint, Monsieur Mebarek BOUCHEKIOUA, qui m’ont facilité la tâche en

m’introduisant dans un milieu relativement difficile d’accès.

Je remercie, avec estime et respect, tous les Membres du Jury et rapporteurs qui ont bien

voulu participer à cette soutenance.

Un seul regret, c’est l’absence de mes parents, analphabètes, et qui ne sont plus de ce monde.

Ils se sont privés, pour me permettre d’accéder à la connaissance et au savoir, et à eux je dois

beaucoup.

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Cette étude de terrain réalisée auprès de 50 retraités maghrébins dans la région centre (Indre et Loire), va à l’encontre de toutes les idées reçues, et des nombreuses études faites jusqu’ à nos jours. Elle démontre que les immigrés maghrébins de la première génération, vivant en France, ont, durant un demi siècle, évolué et changé. Leur intégration dépasse, de loin, tout ce qui a déjà été dit sur cette dernière. Ils se sont, dans des conditions difficiles, adaptés. Progressivement, ils ont adopté un autre mode de vie, de nouvelles idées, un autre regard sur eux-mêmes et sur la société d’origine, comme sur la société française. Ils ont aussi, pour partie, adopté des valeurs françaises et universelles qu’ils ont transmis à leurs enfants et petits enfants. Ils ne sont plus ce qu’ils étaient auparavant. Ils ont une identité différente. Le prix de ces changements, sont les ruptures successives avec les valeurs et les idées anciennes, et l’adoption de nouvelles idées et valeurs. MOTS CLES Immigrés, maghrébins, retraités, adaptation, intégration, rupture, changement, non retour au pays d’origine, valeurs et idées nouvelles, identité. This terrain survey realized near 50 reprocessed Maghrebians in the area centers (Indre and the Loire), goes in the opposition to all the generally accepted ideas, and the many studies made until our days. It shows that the Maghrebian immigrants of the first generation, alive in France, have, during a half century, evolved/moved and changed. Their integration exceeds, by far, all that was already known as on the latter. They, under difficult conditions, adapted. Gradually, they adopted another way of life, of new ideas, another glance on themselves and the company of origin, as on the French company. They also have, to some extent, adoptee of the French and universal values which they transmitted to their children and little children. They are not any more what they were before. They have a different identity. The price of these changes, is the successive ruptures with the old values and ideas, and the adoption of new ideas and values. KEY WORDS Immigrants, Maghrebians, pensioners, adaptation, integration, rupture, change, not return to the country of origin, values and ideas new, identity.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION .................................................................................................................... 11 I - LA PROBLEMATIQUE DU NON RETOUR DES TRAVAILLEURS IMMIGRES RETRAITES DANS LEUR TRAJECTOIRE EN FRANCE .................................................. 13

1 - PROBLEMATIQUE ....................................................................................................... 13

2 - HYPOTHESES ............................................................................................................... 16

3 – LA POPULATION ........................................................................................................ 17

4 – LE CHOIX DE LA POPULATION EN INDRE ET LOIRE ........................................ 18

II - METHODOLOGIE ........................................................................................................... 19 1 - LES LIEUX DE PASSATION DU QUESTIONNAIRE ET DES ENTRETIENS ....... 19

2 - DIFFICULTES RENCONTREES .................................................................................. 19

3 – LES ENTRETIENS ........................................................................................................ 20

4 – LE QUESTIONNAIRE .................................................................................................. 20

5 – QUELQUES QUESTIONS SENSIBLES ...................................................................... 21

6 – LE PRE QUESTIONNAIRE ......................................................................................... 21

7 – L’OBJECTIF DE L’ETUDE .......................................................................................... 22

8 – OBSERVATION ............................................................................................................ 22

III - RAPIDE RAPPEL DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION ....................................... 23

1 - RAPPEL DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION MAGHREBINE EN FRANCE ... 24

2 - L’IMAGE DE L’EPOQUE SUR LES ETRANGERS ................................................... 25

3 - IMMIGRATION MAROCAINE ET TUNISIENNE ..................................................... 27

4 - LA POPULATION IMMIGREE AUJOURD’HUI ........................................................ 30

IV - APERCU : ÂGE ET VIEILLISSEMENT DES IMMIGRES EN FRANCE .................. 31 1 - POPULATION IMMIGREE MAGHREBINE EN FRANCE ....................................... 32

2 – QUELQUES CHIFFRES SUR LES RETRAITES EN FRANCE EN 2002 ................. 33

V - LES IMMIGRES DANS LA REGION CENTRE ............................................................ 34

1 - DIPLÔMES ET FORMATIONS .................................................................................... 34

2 - FORMATIONS ET DIPLÔMES .................................................................................... 35

3 - LES LIEUX DE RESIDENCE ....................................................................................... 36

4 - L’ACTIVITE DE LA POPULATION IMMIGREE ...................................................... 36

5 – APERCU DE LA POPULATION IMMIGREE ÂGEE EN REGION CENTRE : Une population immigrée qui vieillit et se féminise. ................................................................... 38

CHAPITRE - 1 ................................................................................................................... 39 Caractéristiques et profils du public ......................................................................................... 39

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I - CARACTERISTIQUES DES RETRAITES INTERROGES ............................................. 40

1 – LES NATIONALITES ................................................................................................... 40

2 – LA DATE D’ARRIVEE EN FRANCE ......................................................................... 40

3 - L’ÂGE D’ARRIVEE EN FRANCE ............................................................................... 41

3-1 - L’âge actuel ............................................................................................................. 42

4 – LE STATUT MATRIMONIAL ..................................................................................... 42

5– LE NIVEAU SCOLAIRE ............................................................................................... 43

6 – LA MAÎTRISE DE LA LANGUE FRANCAISE ET DE LA LANGUE ARABE (LANGUE MATERNELLE) Lecture, écriture, expression et compréhension orale en ce qui concerne la langue française ................................................................................................ 45

7 – LA FORMATION PROFESSIONNELLE AU PAYS D’ORIGINE ET EN FRANCE 46

8 – LE NOMBRE D’ANNEES DE VIE EN FRANCE ....................................................... 47

9 – LA NATIONALITE ACTUELLE ................................................................................. 47

10 – EN RETRAITE DEPUIS ….. ...................................................................................... 48

11 - LES LIEUX DE RESIDENCE ..................................................................................... 48

12- LES PROFESSIONS ..................................................................................................... 49

II - QUELQUES CARACTERISTIQUES SUR LA FAMILLE IMMIGREE ....................... 50 CHAPITRE - 2 ................................................................................................................... 51 Vivre en France : Adaptation, famille et retour au pays .......................................................... 51 ADAPTATION ........................................................................................................................ 52

I – ADAPTATION .................................................................................................................. 53 1 – ADAPTATION PAR NATIONALITE A L’ARRIVEE ............................................... 53

Adaptation et variables associées ..................................................................................... 54

2 - LES DIFFICULTES RENCONTREES .......................................................................... 55

DISCUSSION .................................................................................................................. 56

II - LE CHOIX DE FAIRE VENIR SA FAMILLE ................................................................ 57

1 - LE CHOIX DE FAIRE VENIR SA FAMILLE : PAR NATIONALITE ....................... 58

2 – LA SATISFACTION DU CHOIX DE FAIRE VENIR SA FAMILLE ........................ 59

la venue de la famille et les variables associées : ............................................................. 61

DISCUSSION .................................................................................................................. 63

III - LE CHOIX DE RESTER VIVRE EN FRANCE ............................................................ 65

1 – POUR LA FAMILLE ..................................................................................................... 65

le choix de rester vivre en France et variables associées: ................................................ 67

2 – LE VECU PERSONNEL et autres raisons .................................................................... 68

Vécu personnel et variables associées : ............................................................................ 70

DISCUSSION .................................................................................................................. 71

3 – LA QUALITE DE LA VIE EN FRANCE ET SE SENTIR CHEZ SOI ....................... 73

Rester pour la qualité de vie et aspects associes : ............................................................ 74

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DISCUSSION .................................................................................................................. 75

4 - POUR LES CONDITIONS DE VIE, LES LOIS ET LE SYSTEME SOCIAL ............. 76

Conditions de vie, système social et variables associées ................................................. 76

DISCUSSION .................................................................................................................. 77

IV - RESTER VIVRE EN FRANCE EST UNE CONTINUITE LOGIQUE ......................... 79

Vivre en France est une continuité logique et variables associées: .................................. 79

DISCUSSION .................................................................................................................. 81

V – LE CHOIX DU NON RETOUR AU PAYS D’ORIGINE ............................................... 83

INTRODUCTION ................................................................................................................ 83

CADRE GENERAL : Bref rappel de la politique du retour au pays d’origine ................... 84

1 - LE RETOUR VACANCES -FAMILLE sans retour définitif .................................... 86

2 – LES RETOUR DEFINITIF ........................................................................................ 87

3 – CONTRE LE RETOUR DEFINITIF ......................................................................... 87

Le non retour définitif au pays d’origine et variables associées ...................................... 87

DISCUSSION .................................................................................................................. 88

VI - LES CHANGEMENTS CHEZ LES IMMIGRES EN FRANCE, QUELLE SIGNIFICATION ? .................................................................................................................. 90

1 – CHANGEMENT DES HABITUDES OU MODES DE VIE ........................................ 90

Changement de mode de vie et variables associées ......................................................... 91

2 – VIVRE EN FRANCE A-T-IL APPORTE DES IDEES NOUVELLES ? ..................... 91

Changement d’idées et variables associées ...................................................................... 91

DISCUSSION .................................................................................................................. 91

3 – LES CHOSES QUI ONT MARQUE LES IMMIGRES EN FRANCE......................... 92

Quelques signes de changement chez les retraités .................. Erreur ! Signet non défini.

DISCUSSION .................................................................................................................. 95

CHAPITRE - 3 ................................................................................................................... 97 Naturalisation, Nationalité, Identité ......................................................................................... 97 LA NATURALISATION : Rapide rappel historique .............................................................. 98 I – LA NATURALISATION ................................................................................................. 100

1 – ACQUISITION DE LA NATIONALITE FRANCAISE ............................................ 100

2 – LA NATURALISATION CHEZ NOS SUJETS ......................................................... 102

II - POURQUOI ONT-ILS CHOISI LA NATIONALITE FRANCAISE ? ......................... 104

1 - NATURALISATION et NATIONALITE .................................................................... 105

La Naturalisation et les aspects associés ........................................................................ 105

DISCUSSION ................................................................................................................ 107

III - SATISFACTION DE CEUX QUI ONT OBTENU LA NATIONALITE FRANCAISE ................................................................................................................................................ 110

IV - COMMENT SE DEFINIR APRES LA NATURALISATION ? .................................. 111

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Se définir après la naturalisation et variables associées ................................................. 113

DISCUSSION .................................................................................................................... 115

V - ENTRE NATIONALITE ET IDENTITE ....................................................................... 117 1 – NI ETRANGER, NI FRANÇAIS, ENTRE LES DEUX ET LES DEUX A LA FOIS 118

DISCUSSION ................................................................................................................ 121

CHAPITRE - 4 ................................................................................................................. 124 Positionnement par rapport à la France et au pays d’origine ................................................. 124 POSITIONNEMENT DES RETRAITES INTERROGES PAR RAPPORT A LA FRANCE ET AU PAYS D’ORIGINE ................................................................................................... 125 I - LES VALEURS DE LA FRANCE ................................................................................... 126

DISCUSSION ................................................................................................................ 127

II – L’ATTITUDE DES RETRAITES PAR RAPPORT A LA NATURALISATION DE LEURS ENFANTS ................................................................................................................ 128

1 – ATTITUDE DES RETRAITES FACE A LA NATURALISATION DE LEURS ENFANTS .......................................................................................................................... 128

Attitude des retraités par rapport à la naturalisation de leurs enfants et variables associées ........................................................................................................................................ 130

DISCUSSION ................................................................................................................ 131

III - LE SENTIMENT DES DROITS ET DEVOIRS VIS-A-VIS DE LA FRANCE ......... 133 1 – QUE DOIT LA FRANCE A CES RETRAITES ? ...................................................... 134

Sentiment des droits et devoirs et aspects associés ........................................................ 136

2 – QUE DOIVENT LES RETRAITES A LA FRANCE ? .............................................. 136

Ce que la personne doit à la France et variables associées: ........................................... 138

3 - CE QUE LA FRANCE DOIT A LEURS ENFANTS .................................................. 138

DISCUSSION .................................................................................................................... 139

IV - ACCES A LA PROPRIETE EN FRANCE, AU PAYS D’ORIGINE : quelle signification ? ......................................................................................................................... 141

1 – ACCES A LA PROPRIETE EN FRANCE ................................................................. 141

L’accès à la propriété en France et aspects associés ...................................................... 142

DISCUSSION ................................................................................................................ 143

2 – L’ACCES A LA PROPRIETE AU PAYS D’ORIGINE : Quelle signification ? ....... 144

L’accès à la propriété au pays d’origine et variables associées ..................................... 144

DISCUSSION ................................................................................................................ 145

V - LIEU D’INHUMATION ET RAPPORT AU PAYS D’ORIGINE ................................ 149

1 - LIEU D’INHUMATION ET CULTURE : 38 réponses ............................................... 151

1-1 – RAISONS D’INHUMATION AU PAYS D’ORIGINE....................................... 151

1-2– PEU IMPORTE, ÇA DEPEND : ........................................................................... 152

Le lieu d’inhumation et variables associées ................................................................... 152

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2 - L’IMPORTANCE DE LA FAMILLE ET DE LA CULTURE DU PAYS D’ORIGINE ............................................................................................................................................ 154

3 - LE RESPECT DES MORTS C’EST SACRE .............................................................. 155

4 - LES REALISTES, MODERES ET HESITANTS........................................................ 156

DISCUSSION ................................................................................................................ 156

CHAPITRE – 5 ................................................................................................................ 158 Bilan des retraités de leur immigration .................................................................................. 158 QUEL BILAN DE L’IMMIGRATION ? .............................................................................. 159 I – A QUOI A SERVI L’IMMIGRATION SELON LES RETRAITES ............................... 160

1 - A QUOI A SERVI L’IMMIGRATION ? ..................................................................... 160

Avez-vous le sentiment que votre immigration a servi, et idées nouvelles, et variables associées ......................................................................................................................... 165

DISCUSSION ................................................................................................................ 165

II - LES PROJETS QUE LES RETRAITES ONT REALISES ............................................ 167

1 – REUSSITE DES ENFANTS, FONDER UNE FAMILLE, ACHAT OU CONSTRUCTION D’UNE MAISON, REUSSITE PROFESSIONNELLE .................... 169

2 – SATISFACTION SPIRITUELLE ET AUCUN PROJET ........................................... 169

Les projets réalisés et variables associées ...................................................................... 171

DISCUSSION ................................................................................................................ 172

III – QUELLE PROMOTION PROFESSIONNELLE POUR LES ENFANTS DES RETRAITES ? ........................................................................................................................ 175

CADRE GENERAL ........................................................................................................... 175

1 - LA PROMOTION SOCIO PROFESSIONNELLE DES ENFANTS DES RETRAITES ............................................................................................................................................ 178

2 - LA PROMOTION PROFESSIONNELLE DES ENFANTS DES RETRAITES ........ 182

2-1 – PAR RAPPORT A LA NATIONALITE D’ORIGINE DES PARENTS ............. 182

2-2 – LA PROMOTION DES ENFANTS DE RETRAITES PAR CATEGORIE « CADRE » ET « OUVRIER/EMPLOYE », SELON LA NATIONALITE ACTUELLE ........................................................................................................................................ 182

Promotion professionnelle des enfants et variables associées ....................................... 183

DISCUSSION ................................................................................................................ 184

IV – LA SATISFACTION DU MONTANT DE LA RETRAITE ....................................... 187

DISCUSSION ................................................................................................................ 188

V - REPRODUCTION DE LA TRAJECTOIRE : OUI OU NON ? ..................................... 190

Reproduction de la trajectoire, oui ou non et variables associées .................................. 191

DISCUSSION ................................................................................................................ 191

VI - MESSAGES ET CONSEILS TRANSMIS A LEURS ENFANTS : Quelle signification ? ................................................................................................................................................ 193

Messages et conseils transmis aux enfants et variables associées ................................. 194

DISCUSSION ................................................................................................................ 194

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Respect des autres, des lois, et de la société et variables associées ............................... 195

DISCUSSION ................................................................................................................ 196

Messages spécifiques, foi, religion et racines (spiritualité) et variables associées ........ 197

DISCUSSION ................................................................................................................ 197

CHAPITRE - 6 ................................................................................................................. 199 Quel bilan de leur immigration : un modèle du changement ? .............................................. 199 I - Y A-T-IL EU DES CHANGEMENTS CHEZ NOS SUJETS ? ....................................... 200

SCHEMA A – : DESCRIPTIF ET COMPARATIF DES DIFFERENCES ENTRE LA SOCIETE D’ORIGINE DES SUJETS ET LA FRANCE PAYS D’ACCUEIL ............ 201

SCHEMA B – : DESCRIPTIF DES VALEURS DES SOCIETES D’ORIGINE (ALGERIE, MAROC, TUNISIE) ET CELLES DE LA SOCIETE D’ACCUEIL (FRANCE), LES « PHASES CLES » OU IL Y A EU PASSERELLE ENTRE LES DEUX SOCIETES ......................................................................................................... 202

1 - LES SIGNES DE CHANGEMENTS : en référence au schéma 1 ............................... 203

SCHEMA – 1 : DIFFERENTES ETAPES DE CHANGEMENTS DE COMPORTEMENTS DES RETRAITES IMMIGRES DURANT LEUR VIE EN FRANCE : Processus d’adaptation ................................................................................ 205

2 - L’IMPACT DES DECISIONS ET LA RUPTURE PROGRESSIVE AVEC LES ANCIENNES VALEURS .................................................................................................. 206

3 - ETAPE DES DECISIONS DE CHOIX A FAIRE ....................................................... 206

SCHEMA – 2 : DECISIONS IMPORTANTES PRISES PAR LES RETRAITES IMMIGRES ET LEURS ENFANTS ............................................................................. 209

SCHEMA – 3 : PRINCIPAUX CHANGEMENTS DANS LE COMPORTEMENT DES RETRAITES INTERROGES ........................................................................................ 210

II - LES DIFFERENTES PHASES DE CHANGEMENTS ................................................. 211

1 - PHASE DE CHANGEMENTS ET DE RUPTURES : Processus d’acculturation ....... 211

2 – DE L’ADAPTATION AU CHANGEMENT .............................................................. 213

3 – IDENTITE, ENTRE L’ADAPTATION ET L’INTEGRATION ................................ 214

4 - CHANGEMENT, IDENTITE ET INTEGRATION .................................................... 215

5 - ASSIMILATION, INTEGRATION ............................................................................. 218

5-1 - ASSIMILATION ET INTEGRATION ................................................................. 218

CONCLUSION ...................................................................................................................... 221 TABLE DES ILLUSTRATIONS .......................................................................................... 224 BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 226

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« Comme les hommes, les plantes sont mobiles. Quand elles s’établissent quelque part, Elles développent des relations avec leur nouveau milieu, Elles le fertilisent et ajoutent à sa vérité …. » Michel BORIDON Président du Comité de Pilotage de MOSAÏC, LILLE

« Le traitement des travailleurs étrangers âgés est le révélateur, la pierre de touche, du vrai et du faux, de la façon dont nous traitons

tout ce qui est étranger en nous, et notamment, la vieillesse. Les travailleurs migrants âgés ne doivent plus demeurer les oubliés de

l’intégration »

Blandine KRIEGEL Présidente du Haut Conseil à l’Intégration

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INTRODUCTION Dans « De Raiis », AL KINDI disait « L’état d’une chose individuelle de ce monde pleinement connu, refléterait l’état total de l’harmonie comme dans un miroir, vu que chaque chose de ce monde est une image de l’harmonie universelle »1 car « ceux qui sont formés par le saint désir de la sagesse, travaillent beaucoup à la compréhension des qualités des choses cachées ».2 C’est ainsi que nous allons parcourir « cette chose » individuelle qui concerne la trajectoire individuelle des retraités immigrés, afin de voir l’image que reflétait la société française durant la deuxième moitié du 20ème siècle, au travers du regard et du bilan de ces retraités immigrés. En effet, « Il est intéressant de relever l’abondante littérature produite, depuis un demi-siècle, sur l’immigration, et d’y constater l’absence presque totale de références au problème de la vieillesse immigrée, tandis que l’on consacre des pages innombrables à la seconde génération »3 constate Abdellatif CHAOUITE, (Chargé de recherche à l’Institut de Formation des Travailleurs sociaux, Rédacteur en chef de la revue Ecarts d’Identité), dans une communication présentée à la conférence de l’association des écoles de travail social. Car « les thèmes de l’intégration des jeunes, des intégrismes, du racisme, des clandestins, accaparant le devant de la scène, ont déplacé le débat, en l’absence de recherches sur ce thème et les immigrés âgés ont été les oubliés des politiques migratoires successives »4 affirme C. WIHTOL DE WENDEN. La revue européenne des Migrations internationales affirme que : « la préoccupation des chercheurs et des politiques vers les migrants âgés est très récente … », Au regard de la production scientifique francophone sur le vieillissement de la population immigrée, il apparaît que cette problématique de recherche, a réellement émergé au début des années 90.5 Très récemment, l’historien E. TEMIME a posé la question du vieillissement des immigrés en France, alors que le vieillissement de la population en France et en Europe, figure parmi les grandes préoccupations économiques, démographiques, sociales, sanitaires, … « rien ou

1 Al KINDI, « De Raïis », éditions ALLIA, 2003, p.22, 23. Al KINDI, fut l’un des conseillers du Calife AL MUT’ASIM. En 833, et a dirigé la « Maison de la sagesse » (une sorte d’Observatoire) où furent traduits tous les ouvrages grecs traitant de l’astrologie, de la médecine, de la philosophie. AL KINDI voulut valoriser le pouvoir d’une raison forte et autonome, qui serait capable de se détacher de l’emprise de la religion. Au 9ème siècle, il fut l’un des fondateurs de la laïcité et des sciences humaines basées sur l’observation scientifique. 2 Même référence, p.11 3 Abdellatif CHAOUITE et N.ALIDRA, « Vieillissement des immigrés en France ». 4 Catherine WIHTOL DE WENDEN, Chargée de la recherche au CNRS, « La politique migratoire française des immigrés âgés, vieillir et mourir en exil », Presse Universitaire de Lyon, p.10-12. 5 R.E.M.I. 2001, volume 17, n°1

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presque rien sur les vieux immigrés »6. Ce « presque » est une nuance importante qui fait référence à l’inscription de cette question depuis les années 90, à l’exception de quelques précurseurs dans les années 80. Citons dans le domaine de la recherche, et à titre d’exemple Messieurs Omar SAMAOLI, et Abdelmalek SAYAD. Cette préoccupation surgit comme question sociale et gérontologique dans les sociétés européennes où le vieillissement démographique est l’un des phénomènes inauguraux de la construction de l’Europe, où se fait sentir comme aux années 40 et 50, le besoin de nouveaux apports démographiques migratoires. (Voir F. HERAN, « le temps des immigrés » 2008). Rémi GALLOU, affirme que « peu de données quantitatives sont disponibles sur les immigrés âgés, leurs modes de vie, leurs comportements et leurs situations sociales, économiques, ou de leur santé »7, et poursuit : « les sources statistiques sur les questions liées au vieillissement des immigrés sont rares et limitées. Or ces questions vont devenir de plus en plus importantes »8

Madame Blandine KRIEGEL, Présidente du Haut Conseil à l’Intégration (H.C.I.) affirme également que la situation sociale des travailleurs immigrés vieillissants, est devenue un réel enjeu de la politique publique, elle a émergé depuis peu. Et Madame Blandine KRIEGEL poursuit : « l’urgence est d’en savoir plus sur cette population, afin que les Pouvoirs Publics s’emparent de cette question ». 9 Nous rappelons que le Haut Conseil à l’Intégration (H.C.I.) a été crée en 1989 par Monsieur Michel ROCARD, à l’occasion d’une prise de conscience de problèmes nouveaux posés par l’intégration en France. Le H.C.I. avait pour mission de soumettre des propositions au premier ministre, sous forme de rapport annuel. Pour terminer cette introduction, nous citerons Rémi GALLOU affirmant « la nécessité de prendre en compte la réalité de la présence des immigrés âgés en France, passe par une meilleure connaissance de leur situation sociale, familiale et professionnelle associée à l’étude de leur trajectoire et de leur histoire de vie »10 C’est dans ce cadre général que s’inscrit notre recherche caractérisée par le peu de connaissances et de recherches sur le sujet du vieillissement des immigrés.

Notre recherche s’attachera, particulièrement, aux dimensions sociologiques, psychologiques et qualitatives relatives aux changements intervenus durant la trajectoire des retraités immigrés.

6 E.TEMIME, « vieillir en immigration », R.E.M.I. volume 17, n°1, 2001 7 Rémi GALLOU « le vieillissement des immigrés » C.N.A.V. 2001, p.43 8 Même référence, p.73 9 CNAV « Retraites et sociétés », n°44, 2005, p.202 10 Rémi GALLOU « Le vieillissement des immigrés » CNAV, 2001, p.73

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I - LA PROBLEMATIQUE DU NON RETOUR DES TRAVAILLEURS IMMIGRES RETRAITES DANS LEUR TRAJECTOIRE EN FRANCE

1 - PROBLEMATIQUE Au départ, les travailleurs étrangers sont venus en France pour travailler dans le but d’améliorer leur situation matérielle et financière, et ensuite, retourner dans leur pays d’origine. Cette présence, « économique » et provisoire, est devenue permanente. Rémi GALLOU, Chargé de recherche à la CNAV, s’est penché, avec l’INSEE, sur la question du passage à la retraite, en 2003. Il affirme que « seuls 6% d’immigrés de 45 à 70 ans disent souhaiter rentrer au pays et 23% vouloir pratiquer des « va-et-vient ». Paradoxalement, alors qu’est communément admise l’idée que l’immigrant est censé rentrer « chez lui ». Si les causes de non retour sont variées et entremêlées, l’une essentielle, tient au fait que « rentrer implique la suppression de nombreux droits non exportables, … »11 affirme Emmanuel JOULIN, sociologue à l’Institut Social Vauban, université catholique de Lille. Mais il cite d’autres raisons telles que le processus d’acculturation, les liens familiaux distendus, la perte de leur place au pays, la honte de revenir pauvres et malades, avec des revenus insuffisants … . Mais toutes ces causes correspondent-elles à la réalité vécue par les immigrés retraités ? Au départ, il s’agit de la présence de l’immigré comme « présence en droit provisoire. Ce dernier peut durer indéfiniment. Provisoire durable, état vécu avec « un intense sentiment de provisoire ». Présence subordonnée au travail qui donne, aux yeux de tout le monde, sans raison, justification à cette présence ».12 Abdelmalek SAYAD pose la question de la justification de la présence de l’immigré. « Comment l’expliquer ? Comment l’expliquer du fait du non retour annoncé initialement ? Et pourquoi sont-ils restés ? Pourquoi s’obstinent-ils à rester, pourquoi ne sont-ils pas rentrés au pays ? », affirme A. SAYAD ? 13 C’est au cours des années 80 que des responsables politiques, chercheurs, les médias et autres, ont découvert que le « provisoire » était devenu « permanent », et que la société française devrait en tenir compte autrement. En d’autres termes, prendre en compte toutes les dimensions de la vie pour ces personnes en majorité des hommes : formation, emploi, logement, santé, etc.…

11 Assurance maladie, minimum vieillesse se perdent dès que la personne immigrée perd sa qualité de résident 12 Abdelmalek SAYAD, « Vieillir dans l’immigration » 13 Revue Plein droit, n°39, éditorial juillet 1998

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Ainsi de nombreuses mesures ont été mises au point pour leur faciliter l’intégration, sous différentes formes. Mais durant ces années-là, il était peu ou pas du tout envisageable de prendre en compte et anticiper sur une question capitale : la vieillesse. Cette question n’était, en effet, pas considérée comme un enjeu majeur, car « dès la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’à 1974, personne ou presque ne se posait la question de la vieillesse des immigrés. Il faut dire que ce vieillissement n’était pas, alors très visible, du fait de la relative jeunesse des générations de migrants » affirme Rémi GALLOU.14 Cette situation conduit, également, à se poser d’autres questions de fond, comme A.SAYAD l’explique : « comment peut-on penser l’immigration et l’immigré dès lors que l’une et l’autre ont perdu la raison qui faisait leur existence, ce pourquoi et en vertu de quoi ils existent ? Comment peut-on penser l’immigré inactif, l’immigré vacant ? Incongruité totale. 15 Comment donc exister hors du travail, … quand on n’a d’existence, que par le travail et pour le travail. La vacance représente pour l’immigré une situation de crise » ? 16 C’est la légitimité politique, au mieux la légitimation que le travail apporte à la présence, qui se trouve radicalement mise en cause …17, l’édifice sur lequel repose l’équilibre de sa condition, s’effondre. 18 Nous rappelons, parmi les mesures prises à cette époque, celle du regroupement familial, qui permet à tout travailleur étranger de faire venir sa famille (femme et enfants), un certain nombre de travailleurs en ont bénéficié, d’autres pas. Le temps passant, ces travailleurs ont vieilli, mais durant leur parcours en France, ils ont toujours nourri l’espoir de retourner au pays avec un petit capital, et passer là-bas les jours paisibles d’une retraite méritée. Ainsi un rêve est né et a grandi durant toutes ces années 1960,1980, 1990, 2000 …, sans jamais voir le jour. Il y a ceux qui ont fait venir leur famille et ceux qui sont restés seuls. Chacun a porté cet espoir durant toute une vie. Et lorsque l’heure de la retraite a sonné, l’heure de la décision familiale est arrivée. Mais est-ce aussi facile que certains le pensaient ? Cette décision pour retourner au pays, ou rester en France fut douloureuse pour beaucoup. Il y a ceux qui ont des enfants, jeunes ou adultes, qui sont nés ou ont passé la plus grande partie de leur vie en France, qui ont suivi leur scolarité en France, qui y travaillent, y ont des repères affectifs et sociaux et n’ont, dans leur majorité, exprimé aucun désir de retourner au pays. Selon les statistiques, plus de 85%, n’ont connu que la France, et n’ont d’autres références et modèles que ceux de la France. En effet, on a assisté à de nombreux conflits entre des parents et leurs enfants sur cette question du retour. Bien souvent, ces enfants ont refusé d’« y retourner ». Certains disaient : « y retourner ! Nous ne sommes jamais partis pour y retourner », « nous n’avons jamais quitté pour y retourner ».

14 CNAV, Vieillesse des immigrés en France, juin 2001, p.37 15 A.SAYAD, « Vieillir dans l’immigration », sociologue, CNRS, EHESS, décédé en 1988, revue Migration Santé, n° 99/100, p.10 16 Même référence, p.11 17 Idem p.17 18 Idem p.11

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Bien sûr, ces conflits furent douloureux, d’autant plus que l’homme se trouve « seul » à vouloir y retourner, et y vivre définitivement. Car la femme soutenait plutôt ses enfants, et voyait beaucoup plus d’avantages à rester en France, que le contraire. Il y a ceux qui sont « seuls », sans famille, sans enfants, et se trouvent devant une décision et à la fois un « bilan » de leur vie. Ils doivent indirectement, trancher. Rester vivre en France fut enfin une décision importante et prise, parfois, à contrecœur ? Souvent, ils ont été conduits à renoncer à cet espoir, comme les précédents. - Pourquoi ont-ils renoncé au projet de retour au pays ? - Quel est le processus de renoncement, quelles en sont les conséquences ? - Y-a-t-il adaptation, comment et par quels moyens ? - Par quoi furent remplacés ce rêve et cet espoir du retour ? - Quelles sont les conséquences sur le plan personnel ? - Dans quelles conditions matérielles et psychologiques a été concrétisée ou non cette

adaptation, et à quel prix ? Ce constat conduit O.SAMAOLI à affirmer que « l’immigration a été dépouillée de son sens, de sa légitimité première (le travail), de ses motivations initiales (entre autre, le retour au pays d’origine) pour ne plus reposer au bout du compte, que sur une identité d’immigré, et notamment dans la retraite et le vieillissement peu légitime, parce que non reconnus tant en France qu’au pays d’origine ».19 Sur quelle réalité repose une telle affirmation, lorsqu’il s’agit essentiellement du retour au pays d’origine et de l’identité ? Cette thèse peut-elle être vérifiable ? - Si l’adaptation a eu lieu, comment et pourquoi a-t-elle été concrétisée et favorisée : une

« transition douce » ? - Actuellement, comment les personnes étrangères, celles qui vivent en famille, ont-elles

vécu cette période, le parcours de ce processus de renoncement, et l’adaptation ? « Trop proches de leur culture, de la façon de vivre et d’élever leurs enfants, pour être « digérés » totalement par la France, du moins par le modèle de la société française, et paradoxalement de plus en plus enracinés dans l’hexagone, pour être encore fidèlement porteurs des valeurs de sa société et des pays d’origine » affirme O. SAMAOLI.20 Ici, il s’agit de voir, et de près, durant leur trajectoire, les évolutions et changements vécus par les immigrés, afin de vérifier aussi cette thèse. Cela signifie, pour nous, de clarifier la situation à la lumière des concepts de l’intégration ou de l’assimilation. Car O. SAMAOLI n’affirme ni ne confirme cette hypothèse. Enfin, peut-on envisager l’immigration autrement que par rapport au projet initial de retour ? Se contenter d’une image aussi figée qui traverse les décennies sans aucun changement ?

19 O.SAMAOLI, directeur de l’OGMF (Observatoire Gérontologique des Migrations), revue Santé et Migration, « archéologie de la vieillesse », n° 99/100, 1999, p.34 20 Même référence p.36

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En effet, ce renoncement au projet initial , remplacé par « autre chose », par nécessité ou par conséquence du vécu précédent, représente une « rupture » totale avec ce qui a précédé cette décision.

• Cette rupture a-t-elle des conséquences, si oui, lesquelles ? sur le plan personnel, psychologique ….etc.

• Dans la vie de la personne, cette rupture implique un/des changement(s), lesquels ? • Comment ces changements ont-ils contribué à un possible équilibre, en quoi et

comment ? • Comment les éléments de ce changement se sont articulés, et ont contribué réellement

à une adaptation ? • Quel rapport existentiel avec le pays d’origine, voire sa culture ? • Quel rapport entretient-il avec la France, et quels en sont les repères possibles

permettant d’envisager sereinement une fin de vie en France, quelle en est la motivation principale ?

• Autour de quoi s’articule cette nouvelle vie, quel en est le moteur principal ? • Leur décision, choisie ou imposée par la force des choses de la vie, les conduit-elle

vers une identité différente possible ? comment celle-ci se traduit-elle au quotidien ? • Quels sont leurs regrets, leurs satisfactions dans leur vécu ? • Quel est leur bilan ? • Quels messages transmettent-ils à leurs enfants ?

Nous vous proposons de contribuer à une meilleure connaissance de l’ensemble de ces éléments afin de mieux comprendre les causes véritables, comme le décrit justement, Pierre BOURDIEU : « la véritable médecine, toujours, selon la tradition hippocratique, commence avec la connaissance des maladies invisibles …, il en est de même d’une science sociale, soucieuse de connaître et de comprendre les véritables causes du malaise ».21

2 - HYPOTHESES Dans un document publié le 12 octobre 2007, intitulé « Trajectoire et origine », l’INSEE et l’INED affirment : « les questions d’immigration et d’intégration occupent une part grandissante dans le débat public. Pour autant, la compréhension des phénomènes porte sur un déficit des connaissances des trajectoires suivies par les immigrés et leurs descendants ».22 (Souligné par nous). A travers leurs trajectoires individuelles, nous voulons savoir ce qui s’est passé d’important en saisissant quelques étapes ayant eu une influence décisive durant leur parcours. Ce qui nous permet de formuler les hypothèses suivantes :

1. Le non retour au pays et le fait de choisir de rester vivre en France, ont-ils eu des conséquences sur nos sujets ? Quelle est la nature de ces conséquences ? nous partons

21 Pierre BOURDIEU « La misère du monde », édition du Seuil, 1993, p.942, 943 22 INSEE-INED « Trajectoire et origine », revue du formateur, du 12.10.2007

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du principe que, durant ce parcours il y a eu des « choix décisifs » qui ont contribué à faciliter l’intégration de ces immigrés.

2. Ces « choix décisifs » ont-ils contribué au changement des individus, et en quoi ? Y

a-t-il eu des changements dans leurs attitudes ? si ouï, lesquelles ? Y a-t-il eu des changements dans leurs identités ?

3. Y a-t-il un lien entre les changements individuels et leurs propres identités ?

Nous voulons vérifier si un changement a eu lieu ou non et surtout quel impact a eu ce changement sur eux d’une part, et d’autre part vérifier, également si nos sujets, dans les messages transmis à leurs descendants, ont pu faire passer des idées de leur culture d’origine ou non. En d’autres termes, nous désirons aussi savoir si les immigrés, dans leur attitude, ont « reproduit » leur propre schéma auprès de leurs enfants, leur propre trajectoire ou non ? Au-delà de l’idée couramment acceptée et véhiculée, de la reproduction sociale. Pour conclure, ce que nous avons aussi cherché à saisir, c’est le bilan de l’immigration selon les immigrés eux-mêmes. Quel est leur bilan ? Sur quels éléments se basent-ils pour affirmer un bilan positif ou négatif ? Est-ce qu’une fois vérifiés, l’ensemble de nos hypothèses et le bilan global de notre étude confortent les idées déjà développées par des chercheurs, ou bien au contraire, vont-elles à l’encontre de plusieurs idées communément reçues ? En d’autres termes, nous allons nous efforcer de cerner les choses les moins connues, « les moins perceptibles » allant vers la compréhension des qualités « cachées des choses » selon AL KINDI : « celui que l’on dit le plus sage, est celui qui perçoit les choses et leurs propriétés, ce qui est le moins perceptible, d’où le fait que ceux qui sont formés par le saint désir de la sagesse travaillent beaucoup à la compréhension des qualités des choses cachées. »23

3 – LA POPULATION Nous avons choisi de travailler sur un échantillon composé essentiellement de Maghrébins (Algérie, Tunisie, Maroc). Le choix de cet échantillon peut s’expliquer de la façon suivante : C’est la migration qui : • est l’une des plus anciennes migrations en France ; • numériquement, la plus présente et la plus importante ; • a effectué un parcours relativement long, d’un demi-siècle, ou plus ; • dont la présence a marqué l’histoire française jusqu’à nos jours : son installation définitive

en France ;

23 AL KINDI, « De RAÏÏS », édition ALLIA, 2003, p.11

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• a relativement connu tout ou presque des aléas de l’exil et toute une partie des difficultés existentielles ;

• a connu une « trajectoire » spécifique compte tenu de ses origines, de son histoire, de sa culture, de ses traditions … ;

• est passée par de nombreux obstacles, pleins d’embûches, et qui a souffert le plus souvent des manques de moyens ;

Compte tenu du fait que ces personnes maîtrisent peu ou mal la langue française, maîtrisent mieux, au moins oralement, leur langue d’origine, la langue parlée le Berbère, mais surtout l’arabe, et compte tenu du fait que nous connaissons bien les deux langues parlées arabe et française, nous pensons que cette double compétence nous aidera mieux, à cerner davantage les réponses et faciliter la communication. Mais notre échantillon ne se limite pas uniquement à ce choix. Celui-ci se décline aussi sous :

• Migrants retraités vivant en famille • Ayant fait toute leur trajectoire professionnelle et familiale en France.

4 – LE CHOIX DE LA POPULATION EN INDRE ET LOIRE La population immigrée est assez présente en région centre, en ce qui concerne les régions proches, et tout particulièrement en Indre et Loire. Dans ce département, elle est concentrée dans les grands centres urbains : Tours centre, Saint Pierre des Corps, La Riche, Joué les Tours. Ces quatre communes regroupent, à elles seules, une très grande majorité, soit plus de 80% de l’ensemble des immigrés en Indre et Loire. (Voir détail p.31-35 de cet ouvrage) Mais avant d’entrer directement dans notre étude, il nous semble utile de faire un rapide rappel historique de l’histoire de l’immigration en France en mettant l’accent sur celle des maghrébins et un aperçu sur les immigrés dans la région centre.

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II - METHODOLOGIE

1 - LES LIEUX DE PASSATION DU QUESTIONNAIRE ET DES ENTRETIENS Les lieux privilégiés où nous avons pu rencontrer les retraités, ont été souvent, les marchés, en milieu urbain. Ainsi, nous avons pu aller sur les marchés de l’agglomération tourangelle à Tours :

� Marché Saint Paul au Sanitas (centre ville) � Marché de la Rabière, à Joué les Tours, quartier de la Rabière, en plein centre H.L.M. � Marché, place de la Mairie, à Saint Pierre des Corps, en plein centre ville.

Nous avions observé que, souvent les retraités venaient faire leurs courses et discuter entre eux. Avec certains, nous avons pu faire nos passations et entretiens, sur place, dans les cafés proches. Avec d’autres, nous fixions des rendez-vous, soit chez eux à domicile (quand ceux-ci nous le proposaient), ou bien sur la terrasse d’un café. On peut, toutefois indiquer que les personnes habitaient souvent ces quartiers. Pour d’autres nous sommes allés les rencontrer après avoir pris un rendez-vous, comme à Montbazon (petite ville située à 15 Kms de Tours) et à Saint Roch (bourg situé à 20 Kms de Tours), en milieu rural. Il nous est arrivé, aussi, de réaliser des entretiens à domicile, en milieu urbain, lorsque les retraités le proposaient.

2 - DIFFICULTES RENCONTREES Au départ, nous avions cru que nous allions trouver facilement des volontaires acceptant de répondre à nos questions. Une fois sur le terrain, nous nous sommes heurtés à des difficultés inattendues. Nous présentions le but de l « enquête » pour savoir si la personne acceptait de nous consacrer du temps. Mais le mot « enquête » ne sonnait pas positivement à l’oreille des retraités. Ce mot évoquait, pour eux, « enquête policière », ou enquête de renseignements dont on ne savait à quoi elle allait servir. Cela a entraîné une « méfiance » immédiate, tout particulièrement auprès des retraités algériens. Ce fait s’explique par leur vécu des années 60 en France : répression policière, poursuite des militants du F.L.N., etc.….. Ainsi, nous avons essuyé de très nombreux refus. Lors de notre entretien avec Monsieur S. M’Rabti, président de la communauté musulmane en Indre et Loire, ainsi que certains de ses

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amis, ils nous ont expliqué que le mot « enquête » pouvait les choquer voire les dissuader. Par la suite, nous avons retiré le mot « enquête », lors de notre présentation, pour le remplacer par le mot « étude ». Cependant, même après avoir modifié l’intitulé, cela ne nous a pas encore facilité la tâche, car la confiance ne s’installait pas pour autant. La deuxième démarche était de « se faire introduire »par un tiers, que les retraités connaissaient bien. Cette démarche a fonctionné relativement mieux. La troisième démarche a consisté à « faire court et bien ». Ayant 45 questions ouvertes et fermées, ce n’était pas facile, pour eux, de se concentrer durant une heure, pour répondre aux questions. Ce qui impliquait que, pour certaines questions (relativement difficiles), il fallait prendre beaucoup plus de temps pour expliquer. Cela avait l’inconvénient de devoir procéder plus vite pour les autres questions. Une difficulté s’est avérée plus importante que nous le pensions. Certaines questions n’étaient pas comprises, une grande partie des retraités étant illettrés, il nous fallait expliquer plusieurs fois les questions. C’était, entre autre, un problème de vocabulaire ou de tournures de phrases, ou le sens de la phrase elle-même. Ce problème a été plutôt propre aux personnes illettrées (la majorité). Cependant, avec les retraités sachant lire et écrire, étant scolarisés, et s’exprimant relativement bien en français, ce problème n’était pas posé. Nous avons dû, à deux reprises, faire appel à un interprète, car les sujets « Kabyles » ne comprenaient ni le français, ni l’arabe, pourtant ils vivaient en France depuis … 50 ans. Ce fut pour nous une grande surprise.

3 – LES ENTRETIENS Le type d’entretien que nous avons pratiqué, est l’entretien semi directif.

4 – LE QUESTIONNAIRE Le questionnaire collecte des informations à la fois transversales (situations du moment) et rétrospectives « trajectoire ». Il combine, également, des informations de type objectif (description des situations), subjectif (attitude, perception, jugement, représentation …), et contextuel (information sur l’environnement). Certaines de ces informations seront, en effet, complétées par des données contextuelles locales, régionales ou nationales : caractéristiques socio démographiques, économiques. Les années de recensement de l’INSEE ou de l’INED serviront à la consolidation de cette base de données contextuelle. Les questions traitent des thèmes suivants :

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• L’adaptation • Le choix de faire venir sa famille • Les changements de modes de vie et d’idées • Le choix de rester vivre en France • La naturalisation des retraités et leurs enfants • La promotion de leurs enfants • L’accès à la propriété • Le bilan des immigrés selon eux et leurs projets réalisés

Et enfin

• L’identité actuelle

5 – QUELQUES QUESTIONS SENSIBLES Les questions sensibles concernent tout particulièrement la religion, l’identité actuelle, le positionnement par rapport à la France et le pays d’origine, le lieu d’inhumation choisi par les retraités, et enfin les messages transmis par les retraités à leurs enfants. L’enjeu, ici, est de voir comment, et de quelle manière les retraités se définissent par rapport à leurs origines, notamment par rapport à la religion, voir si celle-ci est déterminante dans leurs attitudes, si elle influe sur les façons de se définir par rapport aux origines, entre autre. Comment elle peut inciter ou non à ne pas se définir comme français ou autre ? Nous savons combien il est difficile d’appréhender cette dimension de l’identité, compte tenu des débats qui ont traversé le contexte sociopolitique ces dernières décennies. Nous avons cherché à savoir si les croyances religieuses construisent des univers de référence et influencent sur les projets individuels, et quelles incidences elles ont sur la vie sociale. Nous avons cherché, également, à mieux cerner et comprendre si des transmissions ou ruptures sont importantes dans les perspectives des évolutions de la première génération de retraités maghrébins.

6 – LE PRE QUESTIONNAIRE Nous avons testé notre questionnaire durant la période de décembre 2005 à février 2006. Au départ, nous avions près de 90 questions ouvertes et fermées. Après avoir testé ce questionnaire auprès d’un échantillon d’une dizaine de retraités, nous avons, par la suite, réétudié et remanié ce questionnaire pour le ramener à 45 questions ouvertes et fermées. Nous avons réduit autant que possible nos questions. Le questionnaire, au départ, était trop long, la durée dépassait deux heures par entretien. Le nouveau questionnaire fut relativement plus court et allait à l’essentiel sur le plan qualitatif. La durée a été réduite à une heure

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d’entretien. Cette modification nous a beaucoup simplifié la passation ainsi que la durée, sans porter atteinte à la qualité de l’information recueillie.

7 – L’OBJECTIF DE L’ETUDE Nous avons enquêté auprès de 70 personnes, dont 50 questionnaires étaient exploitables. Nous avons reçu plus de 100 refus en six mois (voir difficultés rencontrées p.17). Bien que nous n’ayons que 50 questionnaires exploitables, cela ne peut nuire à la dimension qualitative de notre recherche, comme nous l’avons dit dans notre introduction. Car notre objectif principal demeure un objectif qualitatif, dans la mesure où nous chercherons à cerner les éléments indicateurs qualitatifs et significatifs allant ou non dans le sens du changement, et en quoi ces éléments ont un impact sur la vie de nos sujets. Nous chercherons à vérifier nos hypothèses déjà citées d’une part, et d’autre part nous allons vérifier, dans les faits, les indicateurs principaux des tendances allant vers l’intégration et/ou la rupture avec les idées précédentes, et enfin si ces tendances nous donnent une indication sur le changement général des attitudes allant vers une intégration possible et sur le changement identitaire.

8 – OBSERVATION Il est toutefois, important d’observer que dans la région centre et même en Indre et Loire, aucune étude quantitative et qualitative ne fut entreprise sur ce sujet. Aussi nous nous trouvons devant un terrain complètement en friche et sans références. Il fallait, comme on dit, partir presque de zéro. Si, sur le plan national, il y a eu des précurseurs (A. SAYAD, O. SAMAOLI), sur le plan régional il n’en existe malheureusement aucun.

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III - RAPIDE RAPPEL DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION En 1851, pour la première fois, un recensement fait état, dans sa publication, des étrangers vivant en France. Ils sont 380.000 (pour 35,7 millions d’habitants au total). Ce recensement présente une comptabilité des étrangers par nationalité et par département. La première nationalité est belge. Ce sont les frontaliers qui viennent travailler en France. 1885 – 1895 : C’est la première vague d’immigration, un million d’étrangers environ, qui viennent travailler en France et ne s’installent plus seulement aux frontières de leurs pays d’origine. Les italiens constituent la première nationalité installée, essentiellement dans le sud-est au début. Peu à peu, ils vont « remonter » vers d’autres régions. Ils occupaient les emplois les moins qualifiés et les moins payés. Le développement industriel est accéléré par la présence des immigrés. 1920 – 1925 : Un million de travailleurs étrangers viennent, entre 1920 et 1925, ce sont essentiellement des polonais, des hongrois, des yougoslaves … Pour la première fois, signale Hervé LE BRAS, la France a organisé un « ramassage ». Le Patronat a fait affréter des trains qui parcourent différents pays, avec à leur bord, des médecins chargés de sélectionner les « bons » travailleurs. Ces étrangers sont choisis ou accueillis pour travailler et non pour s’intégrer . Ce qui signifie que leur présence est considérée comme provisoire. H. LE BRAS indique que ces travailleurs sont intégrés aussi, par « le fait d’une politique, une volonté d’intégration et cela, notamment, par l’assouplissement progressif du code de la nationalité ». Bien entendu, le fait est à relier à l’idéologie « nataliste » de l’époque. Il ajoute, également, que cela ne s’est pas fait sans heurt, sans rejet au départ, ni sans racisme. 1936 : il y avait, en France, 2,5 millions d’étrangers. L’après guerre, et surtout les années 60, c’est la troisième vague d’immigration. Elle est constituée d’environ quatre millions de personnes. Ses caractéristiques sont différentes, ces nouveaux arrivants sont, notamment, des maghrébins qui sont les plus nombreux. Dans un premier temps, ils sont considérés et eux se considèrent comme travailleurs temporaires, puis ils s’installent (regroupement familial). Une autre vague arrivera plus tard, celle-ci viendra d’Afrique noire.

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De chaque vague d’immigrants on peut dire « qu’ils ont toujours été mal accueillis, que leur intégration a toujours été présentée comme impossible », « les polonais ne peuvent pas devenir français à cause de leur catholicisme très particulier», « qu’ils ont toujours été intégrés » 24

1 - RAPPEL DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION MAGHREBIN E EN FRANCE Si l’on s’intéresse de près à l’histoire des maghrébins dans l’histoire nationale française, les travaux et publications sur la présence maghrébine, sont rares, voire inexistants, constate Ezzedin MESTIRI, dans la revue Hommes & Migrations.25 Selon lui, les premiers ouvriers algériens, originaires de Tigzirt, et de Bougie, s’étaient installés sur la rive nord de la méditerranée en 1905. Leur nombre atteignait plusieurs centaines de personnes dans la région marseillaise, travaillant essentiellement dans les huileries, en particulier. En 1912, on estimait à 5000, le nombre d’algériens employés en France. Plus de la moitié étaient Kabyle et occupés dans l’industrie marseillaise (les savonneries et les Docks). 1500 personnes travaillaient dans les mines et les usines du nord et du Pas de Calais. A cette même époque, les premiers marocains débarquèrent. Sur cette immigration, on ne dispose que de peu de chiffres précis. En 1886, on recensait plus de 1.100.000 d’étrangers : 482.000 belges, 246 italiens, allemands, espagnols, suisses, …. Ils étaient plus ou moins dispersés dans la population et leur intégration ne se réalisait pas sans heurt. E. MESTIRI distingue trois phases en ce qui concerne, de façon significative, les algériens. Les algériens « sujets français » devaient avoir un passeport pour se rendre en France. Leurs déplacements, tant à l’intérieur qu’entre l’Algérie et la France, donnaient lieu à la délivrance de documents différents selon le cas de chaque personne, et après enquête. Le décret du 16 mai 1874 instaure un permis de voyager pour les algériens se rendant en France 26 et engagés, par la suite pour la reconstruction du pays. On peut signaler, toutefois que, entre 1907 et 1913, environ 10.000 Kabyles arrivèrent en France à l’appel d’industriels. Après 1913, le nombre de maghrébins atteignit 30.000. Durant la guerre, 132.000 maghrébins travaillaient en remplacement des français, dans les fermes et les usines d’armement.27.

24 Hervé LE BRAS, « La France, pays d’immigration », H. & Migration, n°1114, juillet-août-septembre 1988, p.10, 11 un journal de droite en 1936 cité par H. LE BRAS, p.12 25 H & Migration, n°1114, septembre 1988, p63 26 Idem, p66 27 Id, p66

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C’est dans ce contexte de l’après guerre, en 1916, que fut crée le service des travailleurs coloniaux, qui recruta le premier contingent de travailleurs tunisiens. Près de 10.000 hommes amenés en France. Dans l’impossibilité de trouver en Europe, au début comme après la guerre, « la main d’œuvre qui nous manquait, c’est tout naturellement vers nos colonies que le gouvernement se tourna. » souligne Georges MAUCO.28. Les résultats furent au-delà des espérances. Jamais l’immigration massive n’atteignit une telle ampleur : 78.556 algériens furent introduits en France, entre 1915 et 1918. 1918 – 1945 : C’est à partir du conflit mondial que va naître le mouvement migratoire algérien vers la France. On peut ajouter, également, que la situation socio économique, au Maghreb en particulier, n’était pas stable, ce qui a favorisé l’émergence de population partiellement transférable. La loi du 15 juillet 1914, accorda définitivement aux algériens, l’entière liberté de circulation. Ainsi l’émigration algérienne, a progressé, de façon significative, entre 1914 et 1936, favorisée par le patronat et les pouvoirs politiques. Entre 1914 et 1928, 471.390 algériens avaient quitté leur pays, dont 365.024 y étaient retournés, ce qui laissait supposer que 100.000 algériens restaient résider en France.29.

2 - L’IMAGE DE L’EPOQUE SUR LES ETRANGERS Un sondage, effectué en 1924 à l’échelle nationale (258 établissements métallurgiques occupant 61.139 salariés dont 47.276 étrangers), demandait aux employeurs de classer leurs ouvriers étrangers en trois groupes : les bons, les moyens, les insuffisants. Majoritairement, les maghrébins avaient l’honneur de l’insuffisance. Une autre enquête fut menée en février 1926 dans une grande usine de construction automobile de la région parisienne (17.229 ouvriers dont 5074 étrangers). Il fut demandé à tout chef de service de noter les travailleurs étrangers, par nationalité, dans les domaines aussi précis que l’aspect physique, la régularité au travail, les mentalités, la discipline. Les résultats mettaient les belges et les italiens au premier rang, les nord-africains très loin en fin de classement.30. (en annexe tableau n°01« Des goûts et des couleurs : valeur des ouvriers étrangers d’après leur nationalité ») La lecture d’un rapport comme celui du préfet de la Loire peut paraître aujourd’hui comme surréaliste « il y a entre nous et eux un fossé que rien ne comblera moralement et 28 Cité par E.MESTIRI 29 Idem p.67 30 C.MAUCO, « Valeurs des ouvriers étrangers d’après leur nationalité », in article « Des goûts et des couleurs », Revue « Plein droit », n°29-30, novembre 1995

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physiquement. La tuberculose et la syphilis ne peuvent donner rien de bon. S’ils s’adaptent, c’est dans la mesure où ils partagent des vices et non les qualités de la civilisation ».31. A quel point ce genre de témoignage, comme le précédent, nous montre combien l’image des étrangers fut négative durant cette période. Ce type de témoignage a beaucoup fleuri durant des années, mais l’histoire donnera la démonstration, comme nous le verrons dans notre étude, que ces affirmations étaient contraires au processus de l’intégration. 1946 – 1968 : La France avait grand besoin de main d’œuvre extérieure pour suppléer aux pertes humaines, et reconstruire le pays. Il sera fait appel aux algériens pour « des raisons économiques », mais à aucun moment il ne sera envisagé que les maghrébins, après avoir combattu aux côtés des français pour la liberté, puissent contribuer au renouvellement démographique de la population dont la France, à l’époque, avait cruellement besoin. Après la guerre, l’INED et le Commissariat Général au Plan, faisaient état d’un déficit de la population française se situant entre 5 et 14 millions de personnes dont 2,5 millions d’adultes. La quasi-totalité des études, à cette époque, s’accordaient à souligner l’urgence de promouvoir « une politique d’immigration intensive » souligne E. MESTIRI. 32 Le Général de Gaulle, dans son discours à l’Assemblée constitutive, le 2 mars 1945, proposait « d’introduire au cours des prochaines années, avec méthode et intelligence, de bons éléments d’immigration dans la collectivité française ». Ce label « bon élément » fut accordé aux immigrés européens (belges, italiens, espagnols) mais pas aux maghrébins ni aux autres populations de l’empire colonial. Les algériens, citoyens français pourtant, considérés comme étrangers, ne bénéficièrent d’aucun privilège, même au moment où les pouvoirs publics développaient à l’égard de l’immigration européenne en France, des mesures intégrationnistes telles que les regroupements familiaux, facilité de naturalisation, etc. …). Cependant, les entrées des travailleurs algériens :

• en 1941, étaient de l’ordre de 35.000 personnes • en 1950 ″ ″ ″ ″ 90.000 ″ ″ • en 1952 ″ ″ ″ ″ 150.000 ″ ″ • en 1955 ″ ″ ″ ″ 200.000 ″ ″

Une diminution entre 1956 et 1958, 79.000 permet, cependant, d’atteindre les 100.000 entrées par an à partir de 1961.33

31 Cité par Ralph SCHOR, « L’opinion française et les étrangers, 1919-1939 », publication de la Sorbonne, Paris 1985, repris par E.MESTIRI, H & Migration, septembre 1988, p.68 32 Idem, p70 33 Idem, p70

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3 - IMMIGRATION MAROCAINE ET TUNISIENNE Hafid MAHFOUDI affirme que « en 1909, 700 travailleurs marocains venus du Souss (sud du Maroc), travaillent dans une usine de métallurgie à Nantes ». Autour de la période 1914/1918, 20.000 marocains « travailleurs coloniaux » débarquent à Bordeaux. En 1944, le nombre de marocains se trouvant en France, s’élève à 40.000. Cette dernière évolution est liée notamment à la conjoncture économique. Le 27 juillet 1963, le Maroc et la France signent une convention dans le domaine de l’apport de main d’œuvre, correspondant au IIIème Plan (1958-1961). H. MAHFOUDI, précise que « la quasi totalité des travailleurs marocains à l’étranger sont d’origine rurale ».34 En 1915, 700 marocains résidaient en France. En 1918, 133.129 marocains sont venus pour les besoins de l’économie. Après la guerre, une grande partie de ces travailleurs « recrutés sur contrat », furent rapatriés. En 1919, il ne restait que 3.000 de ces travailleurs en France. En 1938, 13.000 marocains ont été recrutés dans le contexte de la deuxième guerre mondiale. En 1945, on en dénombrait 44.000. Puis le même phénomène de rapatriement après la guerre. Entre 1950 et 1960, l’immigration marocaine a connu une stagnation, seule l’immigration algérienne était en progression à cette époque. 35 Ce n’est qu’à partir de 1960 que l’on assiste à un développement massif « de l’immigration marocaine » vers l’Europe et en particulier vers la France. En effet, entre 1975 et 1982, la migration maghrébine (algérienne, tunisienne et marocaine) a connu une véritable progression. Entre 1975 et 1982 :

• Les algériens sont passés de 710.690 à 795.920 • Les marocains 260.025 à 431.120 • Les tunisiens 139.735 à 189.400

L’immigration tunisienne est incontestablement l’une des plus récentes. Le phénomène migratoire tunisien vers la France, a débuté en 1956 et n’a pris une certaine ampleur que depuis 1963-1964. Traditionnellement, il n’existait pas une migration tunisienne en France comparable à celle des algériens et des marocains. Toutefois, il nous faut signaler que les années 1958 à 1974, furent une période caractérisée par :

1. Une conscience que la main d’œuvre était nécessaire, permanente et structurelle comme le déclarent les auteurs du Rapport général de la Commission de main d’œuvre étrangère du IIIème Plan : « Le recours à l’immigration doit donc être envisagé, non comme un palliatif qui permettrait de résoudre certaines crises passagères, mais comme un rapport continu, indispensable aux objectifs du IIIème Plan ».

34 Hafid MAHFOUDI, H & Migration, n°1118, 1989, p.46 35 E.MISTIRI, H & Migration, p°70

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2. Un contexte politique transformé (modification de la constitution de 1958, fin de la guerre d’Algérie et signature des Accords d’Evian). Le développement de l’immigration algérienne et le début de l’immigration africaine noire.

3. Un contexte de luttes sociales où l’idée de détendre le marché du travail grâce à la

main d’œuvre, comme le dit Georges Pompidou, en 1963 « il s’agit de créer une détente sur le marché du travail et de résister à la pression sociale ».36

La déclaration du ministre des Affaires Sociales, en mars 1966, Jean Marcel JEANNENNAY, offre une source d’étonnement sans précédent « l’immigration clandestine elle-même n’est pas inutile, car si l’on s’en tenait à l’application stricte des règlements et accords internationaux, nous manquerions peut-être de main d’œuvre ».37 Cette époque était caractérisée aussi par le manque ou l’absence de contrôle des Pouvoirs Publics sur l’immigration. Ils intervenaient à posteriori pour confirmer les mouvements et les choix déjà pris par les entreprises. Le tournant apparut en juillet 1974. C’est l’arrêt du flux de main d’œuvre étrangère et l’avènement d’une politique libérale et sociale où se dessinait, en même temps, un durcissement de la politique migratoire. Ainsi, Lionel STOLERÜ tenta de substituer la main d’œuvre nationale à la main d’œuvre étrangère. En 1977 : mise en place d’une « politique du retour » ; le vote de la loi Brunet en 1980 change le mode de contrôle du séjour des étrangers. Cette période fut marquée aussi par un début de développement des actions culturelles en direction des immigrés. En 1980, on cherche à repenser les relations entre l’administration et la population immigrée. A partir de 1981, une nouvelle période s’ouvre, qui a été marquée par la restauration d’une politique migratoire régie par les lois, la régularisation des clandestins, les sanctions prises contre les employeurs, et surtout le « droit d’association » aux associations étrangères, par la loi du 9 août 1981. Cette loi a donné une impulsion considérable au mouvement associatif immigré, et surtout aux personnes issues de l’immigration, en créant des formes de participations sociales économiques, culturelles très concrètes. Mais cette période fut, également, marquée par la priorité donnée à l’égalité des droits et à l’intégration des jeunes et des familles, sans pour autant renoncer à favoriser, aussi, une politique de « réinsertion volontaire des étrangers désirant regagner leur pays d’origine ». Cette dernière partie de la politique n’a pas connu beaucoup de succès. Les années 80 et 90 ont été marquées par un débat sur l’immigration et tout particulièrement autour des thèmes : assimilation, insertion, et intégration. Madame Françoise GASPARD, Maître de conférences à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes de Sciences Sociales), nous reflète la teneur de ce débat, en écrivant :

36 Catherine WIHTOL de WENDEN, H &Migration, n°1119, février 1989, p.10 37 Même référence

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« L’insertion sociale et culturelle des quatre millions d’étrangers installés en France, est une action de longue haleine. Elle commence par l’alphabétisation, l’éducation, la formation, le logement, les services sociaux, la culture, l’intégration »… « Dans le débat qui s’engage au Parlement, les trois mots sont présents. A droite, assimilation mais surtout intégration, A gauche, insertion » (Communiqué du Conseil des Ministres, du 28 avril 1982).38 Une note, dans une circulaire du ministre Jean Pierre CHEVENEMENT, introduit un changement, le 8 octobre 1984 : « Il convient pour l’unité de la Nation, de continuer de développer la politique d’insertion, d’intégration des immigrés dans la société française ».39 « Ne vaudrait-il pas mieux fixer un objectif, dans un premier temps, l’intégration des populations immigrées, puis dans un deuxième temps, leur assimilation » déclare, à la tribune, Daniel GOULET, élu RPR, à l’occasion du débat sur le budget 1987.40 « Les étrangers, qui résident actuellement en France, y resteront. Chacun en est aujourd’hui conscient, parlons donc, maintenant d’intégration plutôt que d’insertion ». « Actuellement, l’intégration des immigrés passe par cinq questions essentielles : Le statut juridique, la formation, l’emploi, le logement, l’insertion sociale et culturelle, la participation à la vie sociale » Pour Claude EVIN, ministre de la Solidarité Nationale et des Affaires Sociales, du gouvernement ROCARD, le 22 novembre 1988, devant le Conseil d’Administration du F.A.S. (Fonds d’Action Sociale) : « Le mot intégration s’est imposé justement à la fin de 1988, au moment où était votée la loi sur le Revenu Minimum d’Insertion (RMI p.20). Le discours politique constitue une entité abstraite « l’immigré ». « Ils ne sont jamais clairement définis. Sont-ils étrangers, mais pas tous. Ils peuvent aussi être français » (p.21). Et « la France … n’a jamais eu de politique d’immigration, sauf de façon négative, en mettant en place une politique de contrôle des flux des travailleurs étrangers » (RMI p.22). Il y a eu, pourtant, une tentative, en 1945, sous l’impulsion d’Alfred SAUVY, qui estimait nécessaire la venue, en France, d’un million et demi d’étrangers. Un Haut Comité de la Population et de la Famille fut alors crée. En 1945, il tenta de formuler une politique de peuplement, comme en témoigne un projet d’instruction qui proposait que l’Etat recrute à l’étranger, en tenant compte d’un certain nombre de normes professionnelles ou sanitaires, mais également ethniques (en raison de l’assimilationabilité supposée) : 50% de nordiques, 30% de latins, 20% de slaves.

38 Françoise GASPARD, in H &Migration, n°1154, mai 1992, p.14 39 Id. p.18 40 Id. p.19

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4 - LA POPULATION IMMIGREE AUJOURD’HUI Selon les enquêtes annuelles de recensement 2004 et 2005, au cours de l’année 2004, 4,9 millions d’immigrés résident en France métropolitaine. Ils représentent 8,1% de la population. 41 Dans la population immigrée, les hommes et les femmes sont, désormais, aussi nombreux. L’immigration, à dominante féminine liée au regroupement familial, a succédé après 1974, à l’immigration de main d’œuvre à majorité masculine. Enfin, « grâce aux nouveaux arrivants », la population immigrée n’a pas vieilli, entre 1999 et 2004-2005, contrairement aux non immigrés. 42 Le niveau de formation s’est nettement élevé pour les immigrés, tout comme pour l’ensemble de la population, en particulier par rapport à 1982. Quatre fois plus d’immigrés détiennent un diplôme de l’enseignement supérieur. La hausse constante importante de la population immigrée est intervenue entre 1999 et 2004-2005. Environ 960.000 immigrés sont arrivés de près d’un quart des pays européens à 25. 1,7 millions d’immigrés sont originaires d’un pays de l’Union Européenne à 25. Les immigrés natifs du Maghreb sont au nombre de 1,5 millions en 2004-2005, soit 220.000 de plus qu’en 1999 (+17%). Ce sont des personnes originaires d’Algérie, ou du Maroc qui sont à l’origine de cette croissance. (+ 100.000 pour chaque pays). Ce phénomène représente, entre autre, un changement de paysage de l’immigration maghrébine particulièrement. En 2004, 2% des moins de 15 ans, et 7% des plus de 75 ans, sont des immigrés. Entre 30 et 59 ans, la population des immigrés atteint 11%. Deux millions d’immigrés sont de nationalité française, soit 40% des immigrés.43 En 2004-2005, comme au cours des années précédentes, l’arrivée en France de nouveaux migrants, plus diplômés que les résidents anciens, entraîne une élévation du niveau de formation de l’ensemble des immigrés.

41 Id. Même référence 42 INSEE n° 1098, août 2006 42 INSEE n°1042, septembre 2005, Catherine BORREL, Cellule Statistiques et Etudes sur l’immigration 43 INSEE, « Les immigrés en France », édition 2005, p.42

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IV - APERCU : ÂGE ET VIEILLISSEMENT DES IMMIGRES EN FRANCE En 1999, 13% des immigrés ont moins de 25 ans, contre 31% de la population métropolitaine.44 La part des adultes, parmi les immigrés, est plus élevée : les deux tiers d’entre eux, ont entre 25 et 64 ans, contre la moitié de l’ensemble des résidents. Renouvelée moins souvent que par le passé, la population immigrée a nettement vieilli entre 1990 et 1999. L’âge moyen des immigrés a augmenté de plus de 2 ans, alors que l’âge moyen de l’ensemble de la population augmentait de 1,7 an. Le nombre de jeunes, de moins de 25 ans, a beaucoup diminué (-19%) et celui des adultes, de 45 ans, a augmenté de plus de 17%. Le vieillissement est plus marqué pour les immigrés du Portugal, d’Algérie ou du Maroc. Pour ces pays, la part des personnes âgées de 65 ans a plus doublé entre 1990 et 1999.45 Ainsi les immigrés ayant de 55 à 64 ans, originaires d’Algérie, représentaient 19,87% de l’ensemble, et ceux ayant 65 ans et plus, représentaient 14,7% de l’ensemble des algériens en France. Ces proportions, pour les marocains, sont respectivement de 12,1% et de 6,4%. Ces proportions, pour les tunisiens, sont de 15,2% et de 15,9%. Plus généralement, toutes nationalités confondues, ceux ayant de 55 à 64 ans, représentaient 13,7%, de la population totale immigrée. Ceux ayant de 65 ans et plus, représentaient 17,8% de l’ensemble de la population immigrée en France.46

45 INSEE 3Les immigrés en France », édition 2005, p.42 46 Idem, p.43

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1 - POPULATION IMMIGREE MAGHREBINE EN FRANCE Selon l’INSEE, Tableau A-1 : les immigrés venant d’Algérie, représentaient 11,6% de l’ensemble des immigrés en France, en 1962 11,7% ″ ″ ″ ″ En 1968 14,3% ″ ″ ″ ″ En 1975 14,8% ″ ″ ″ ″ En 1982 13,3% ″ ″ ″ ″ En 1990 574 208, soit 13,4%

″ ″ ″ ″ En 1999

Tableau A-2 : Les marocains représentaient : 1,1% de l’ensemble des immigrés en France, En 1962 3,3% ″ ″ ″ ″ En 1968 6,6% ″ ″ ″ ″ En 1975 9,1% ″ ″ ″ ″ En 1982 11% ″ ″ ″ ″ En 1990 522 504, soit 12,1%

″ ″ ″ ″ En 1999

Tableau A-3 : Les tunisiens représentaient : 1,5% de l’ensemble des immigrés en France, En 1962 3,5% ″ ″ ″ ″ En 1968 4,7% ″ ″ ″ ″ En 1975 5% ″ ″ ″ ″ En 1982 5% ″ ″ ″ ″ En 1990 201 561, soit 4,7%

″ ″ ″ ″ En 1999

Au total, les maghrébins (Algérie, Maroc, Tunisie) comptaient 1.298,273 personnes en 1999. Selon l’INSEE,47 sur un total de 4.306,024 immigrés, toutes nationalités confondues, ils représentaient 30,15% de la population totale immigrée en France.

47 INSEE, « Les immigrés en France », édition 2005, p.49

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2 – QUELQUES CHIFFRES SUR LES RETRAITES EN FRANCE EN 2002 Selon la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV), le total des retraités en France, est de 10.246,465 personnes. Ce chiffre se décline selon le lieu de naissance, comme suit : Tableau A-4

Effectif % Europe 1.051,049 10,26% Afrique 1.010,280 9,86%

Asie 47.798 0,47% Amérique 13.354 0,13% Océanie 429 - TOTAL

(hors de France) 2.122,910 20,72%

TOTAL (France dont métropole)

7.955,804 77 ;64%

DOM TOM 167.751 1,64% Ensemble des retraités : 10.246,46548 Selon la CNAV, le total des retraités étrangers, pour l’année 2002, est de 2.122,910. Les retraités maghrébins se répartissent ainsi : Tableau A-5 :

Ensemble des retraités étrangers % Algériens 742.616 34,98% Marocains 1.235,08 5,82% Tunisiens 101.899 4,80% TOTAL49 968.023 45,6%

L’âge moyen, au départ à la retraite, des retraités nés à l’étranger est l’âge de la première attribution en 2002. Selon la CNAV, l’âge moyen au départ à la retraite selon la nationalité, est :

• 62,3 ans pour les Algériens • 62,58 ans pour les marocains • 62,24 ans pour les tunisiens

Cependant, cet âge moyen, pour la France métropolitaine, est de : 61,74 ans, en 200250.

48 CNAV, « Retraite et société », n° 44, janvier 2005, Le vieillissement des immigrés, p.209 49 Même référence, p.213 50 Même référence, p.222

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V - LES IMMIGRES DANS LA REGION CENTRE Depuis les années soixante, se sont développées d’abord, une immigration « de main d’œuvre » composée en majeure partie d’hommes seuls, puis une immigration de regroupement familial composée, pour l’essentiel, de femmes et d’enfants. Plus de 2,8 millions d’immigrés étaient dénombrés en 1962, près de 4,4 millions en 1999. Cette tendance métropolitaine, se retrouve au niveau de la région centre. En 1962, plus de 64.000 immigrés résidaient dans la région. 37 ans plus tard, ils sont plus de 121.000. Les immigrés représentaient 3,3% de la population régionale en 1962, et 5% après le recensement de 1982. Cette proportion se stabilise progressivement51. Un peu plus de 2,4 millions d’habitants résident dans la région centre en 1999, soit 4,2% de la population métropolitaine52.

1 - DIPLÔMES ET FORMATIONS Les immigrés sont des hommes jeunes et célibataires. Ils sont peu diplômés. En 1982, un peu moins de 7 sur 10 ne possèdent aucun diplôme : 2,6% sont bacheliers et un peu plus de 1% sont diplômés du supérieur53. a) Nombre d’immigrés : La région centre compte 121.200 immigrés. Ils représentent 5% de la population régionale54. Le deuxième flux migratoire important vers la région, provient des pays du Maghreb, (27,2%). b) Nationalité et naturalisation Dans la région centre, plus d’un tiers des immigrés sont français en 1999, et parmi ces immigrés, plus de la moitié sont des femmes (53,3%).55 c) Vieillissement La politique d’immigration des dernières décennies, du fait de la « maîtrise des flux », a eu pour conséquence un vieillissement de la population immigrée. Le poids des personnes âgées de 60 ans ou plus s’est accru ! 11% de la population immigrée du centre avait plus de 60 ans en 1990, contre 20,7% en 1999.56

51 INSEE, « Atlas de la population immigrée » 2005 52 Id. p.9 et 11 53 Atlas des populations immigrées, 2005, p.6 et 7 54 Id. p.9 55 Id. p.9 56 Id p.9

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d) L’acquisition de la nationalité française Dans la région centre, les immigrés choisissent moins souvent qu’ailleurs la nationalité française. La région centre occupe la 12ème place de la métropole pour le poids des immigrés ayant accédé à la nationalité française. Un tiers des immigrés de la région sont français en 1999. La moyenne nationale s’établit à 36,1%. 57 La part des naturalisés français dans la population régionale, ne cesse de s’accroître depuis 1975.58 Près de 40% des immigrés résidant dans les départements du Cher, de l’Indre et Loire et de l’Indre, sont français en 1999, une proportion plus élevée que la moyenne régionale. Les algériens sont plus de 35% à prendre la nationalité française en 1999, contre 45% chez les tunisiens et à plus de 20% chez les marocains. L’acquisition de la nationalité française nécessite en général, au moins cinq années de résidence en France. e) Répartition des immigrés dans la région centre La population totale, en Indre et Loire, est de 552171 résidents, dont 21.940 immigrés, soit 4% de la population totale.59 La part des immigrés français dans la population globale immigrée est de 38,6%, toutes populations immigrées et toutes nationalités confondues, en Indre et Loire. Cette proportion est de 41%. L’Indre, de 38,6% dans le Cher, de 32,1% dans l’Eure et Loire, de 30% dans le Loir et Cher, et enfin de 33,31% dans le Loiret.60

2 - FORMATIONS ET DIPLÔMES Les immigrés sont, proportionnellement, moins diplômés que l’ensemble de la population française. Ils sont 41,6% à avoir connu l’école primaire contre 33,4% des français. Ils sont 36,4% dans les collèges (niveau BEPC, CAP, BEP) contre 34% chez les français. En classe de seconde, première, terminale ils représentent 10,9% contre 13,8% chez les français. Pour ce qui est des études supérieures, (Facultés, IUT, …) ils représentent 12,2% contre 18,81 chez les français.61 Toutefois, les personnes ayant acquis la nationalité française, disposent d’un niveau de diplôme plus élevé que celles ayant conservé la nationalité d’origine.

• L’âge, tout comme la nationalité, sont des facteurs discriminants pour la formation.62

57 Id p.12 58 Id p.13 59 Id p.14 60 Id p.14 61 Id tableau p.19, Recensement 1999 62 Id. p.19

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• 20% des immigrés âgés, entre 15 et 39 ans ont poursuivi des études dans le Supérieur, ce rapport tombe à moins de 7% pour les immigrés de 60 ans.

• Plus du tiers des seniors (69,7%), ont arrêté leur scolarité après le primaire.

3 - LES LIEUX DE RESIDENCE Les immigrés résident dans les grandes unités urbaines de la région, pour plus de 80%. Près d’un tiers habitent dans les grands centres urbains de Tours et Orléans. Ils représentent moins de 3% de la population rurale, mais 7% de celle de l’agglomération tourangelle et orléanaise.63 La population marocaine représente un peu plus d’un quart de la population immigrée régionale. Au sein des villes, la répartition des immigrés n’est pas homogène d’un quartier à l’autre. Alors que les immigrés ne représentent que 2 à 3% de la population dans certains quartiers, ils en constituent plus du quart dans d’autres. Dans les quartiers où la part des immigrés est importante, les immigrés ont généralement gardé leur nationalité. Néanmoins, dans les quartiers qui comptent très peu d’immigrés, ces derniers ont, en majorité, acquis la nationalité française.64

4 - L’ACTIVITE DE LA POPULATION IMMIGREE Le nombre d’actifs immigrés résidant en région centre, s’élève à 68.190 (dont 33,8% ayant acquis la nationalité française) soit 6,1% de l’ensemble des actifs de la région.65 La plupart des immigrés actifs sont ouvriers ou employés. Les hommes sont surreprésentés dans le secteur de la construction et les femmes dans celui des services aux particuliers.

a) Diplômes : Jeunes adultes Les jeunes immigrés, qu’ils soient français ou étrangers, possèdent un niveau d’étude supérieur à celui de leurs parents ou grands parents. Ainsi, 20% des immigrés âgés, entre 15 et 39 ans, ont poursuivi des études dans le Supérieur. Ce rapport tombe à moins de 7% pour les immigrés de plus de 60 ans. Plus d’un tiers des seniors (69,7%) ont arrêté la scolarité après le primaire.66

63 Id p.18 64 Id. p.18 65 Id. p.19 66 Id. p.19

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Le chômage : les chômeurs immigrés constituent 12% des chômeurs, alors que les immigrés ne représentent que 6% de la population active régionale.67 Cette surreprésentation est due en partie à la situation de leur qualification, moins élevée, en moyenne. Le chômage et la nationalité : les immigrés ayant pris la nationalité française, sont moins affectés par le chômage : 12,9% des hommes immigrés et 21,2% des femmes immigrées, devenus français, sont sans emploi. Ces taux passent à 21,1% et 31,2% pour les immigrés de nationalité étrangère. 68 Les immigrés actifs, nés dans un pays de l’Union Européenne, sont beaucoup moins exposés au chômage que les autres. Le chômage frappe plus durement les immigrés nés en Asie du sud Est, et surtout les immigrés des pays du Maghreb ou de la Turquie. En effet, un tiers des immigrés actifs de l’Algérie et du Maroc, sont au chômage. Ils sont plus de 40 % pour les personnes originaires de Turquie. On peut, toutefois, signaler que les natifs d’Espagne et du Portugal sont moins exposés au chômage. La plupart des immigrés occupent des emplois d’ouvriers : c’est le cas de 51 % d’entre eux, contre seulement 31% pour l’ensemble des régionaux. Au total, près de 73% des immigrés actifs sont des ouvriers ou des employés. Les cadres immigrés représentent 6,3% de l’ensemble des actifs immigrés, contre 11% pour l’ensemble des actifs. Cependant, on peut constater que les cadres maghrébins représentent 5,7% des algériens, et 4% des marocains. La proportion des ouvriers maghrébins est de 67% chez les algériens, et de 72,4% chez les marocains (pour les hommes uniquement).69 Le type d’activité : en 1999, la population active occupée, régionale, compte plus de 53.000 travailleurs immigrés. Ainsi, les immigrés occupent 5,4% des emplois de la région. Les immigrés travaillent davantage dans l’industrie et la construction. Ce sont les espagnols, les marocains et les originaires des pays d’Asie du sud Est (Laos, Vietnam, Cambodge) qui travaillent dans l’industrie des biens intermédiaires. Les marocains vers la métallurgie, les algériens sont davantage employés dans l’industrie automobile et les transports. 70Les femmes immigrées exercent majoritairement une activité dans les secteurs de l’éducation, de la santé, et de l’action sociale.71 Les immigrés sont peu représentés dans l’administration. Leur faible présence résulte de ce que la plupart d’entre eux ont conservé leur nationalité étrangère. Ils ne peuvent donc entrer dans la Fonction Publique. Seuls les immigrés issus des vagues anciennes et ayant majoritairement choisi la nationalité française, travaillent dans ce secteur. Ils représentent 4,8% de l’ensemble des immigrés. Le logement en collectivité : dans la région, 3500, soit 2,9% de la population immigrée, vit dans une collectivité. Ces dernières, selon l’INSEE, sont des foyers de jeunes travailleurs, cités universitaires, et des maisons de retraites. 67 Id. p.21 68 Id. p.21 69 Id. p.23 70 Id. p.24 71 Id. p.24

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Le rapport de l’INSEE précise que les maisons de retraites accueillent davantage d’immigrés originaires des pays de l’Union Européenne ou des pays de l’Est.72 Cependant, Catherine BORREL et Chloé TAVAN, nous affirment que « une fraction des immigrés, 190.000, résident dans une collectivité (foyer de travailleurs, maison de retraite, centre d’hébergement, …) en 1999.73

5 – APERCU DE LA POPULATION IMMIGREE ÂGEE EN REGION CENTRE : Une population immigrée qui vieillit et se féminise. La politique d’immigration des dernières décennies, du fait de la maîtrise des flux, a eu pour conséquence, un vieillissement de la population.74 Toutefois, la composition, par âge, de la population immigrée, diffère nettement de celle de l’ensemble de la population. Elle comporte peu de jeunes (trois fois moins que la région). Leurs enfants, nés en France, ne sont pas des immigrés, par définition. Le nombre des personnes âgées de 60 ou plus, s’est accru : 11% de la population immigrée du centre avait plus de 60 ans en 1990, contre 20,7% en 1999. Parmi les seniors, les personnes de plus de 75 ans représentaient 8,4% des immigrés de métropole, contre seulement 6,5% pour la région centre.75 L’âge des immigrés varie en fonction de leur pays d’origine. Selon l’INSEE, les personnes issues des récents flux migratoires, sont plus jeunes que les immigrés issus de vagues plus anciennes. Ainsi, les immigrés venant d’Espagne et d’Italie, sont plus âgés : plus de la moitié des ressortissants de ces pays ont plus de 60 ans, moins de 5% ont moins de 20 ans. Au total, les italiens et les espagnols sont majoritaires dans la population des immigrés seniors. La proportion des immigrés algériens et marocains âgés de 60 ans et plus, sont immigrés algériens, et 7,4% de l’ensemble des immigrés sont natifs du Maroc. Cette différence vient du fait que l’immigration algérienne en France, et en région centre est plus ancienne que celle des marocains qui est plus récente.76

72 Id. p.27 73 INSEE, « Cellule statistiques et études sur l’immigration » 2004, p.109 74 INSEE « L’atlas des populations immigrées de la région centre », 2005, p.10 75 Même référence, p.11 76 INSEE, Chiffres atlas des populations immigrées de la région centre, p.11

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CHAPITRE - 1

Caractéristiques et profils du public

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I - CARACTERISTIQUES DES RETRAITES INTERROGES

1 – LES NATIONALITES Le nombre des sujets interrogés est de 50 personnes. Ils sont issus de quatre nationalités à l’arrivée :

� Français 12 � Algériens 18 � Marocains 15 � Tunisiens 5

(Voir tableau n°6 en annexe) Les « français » sont en réalité des algériens ayant la nationalité française, car à l’époque l’Algérie était française. Ce sont particulièrement des personnes arrivées en France avant 1962, c’est-à-dire avant l’indépendance de l’Algérie. A l’époque ces personnes étaient considérées, administrativement comme françaises, et certaines d’entre elles se considéraient comme telles.

2 – LA DATE D’ARRIVEE EN FRANCE

• 12 personnes, soit 24% sont arrivées avant 1959, ce sont principalement les français/algériens et les algériens.

• 26 " " " , soit 52% sont arrivées entre 1960 et 1969, ce sont principalement les algériens, les marocains et les tunisiens.

• 12 " " " , soit 24%, sont arrivées 1970 et plus, ce sont essentiellement les

marocains. (Voir tableau n°1 en annexe) On peut observer que la majorité de nos sujets sont arrivés aux années 60 en plein élan économique, dans une période qu’il est convenu d’appeler « les trente glorieuses ». Près du quart de l’échantillon est arrivé aux années 40 et 50, et l’autre quart après 1970. La région centre compte 121.200 immigrés, soit 5% de la population régionale, dont 27,2%

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proviennent du Maghreb.77 Lespopulation totale.78 Parmi les immigrés d’Algérie, ou de Tunisie résidantaprès le début des années 70provenance du Maroc est un peu plus tardvenus après 1977.79

Figure 1 : répartition des populations interrogées

3 - L’ÂGE D’ARRIVEE EN FRANCE La moyenne d’âge d’arrivée par nationalité est la suivante

• 21 ans pour les français• 25,5 ans pour les algériens• 25,07 ans pour les marocains• 21 ans pour les tunisiens

On peut observer que les françaison observe aussi que, globalement, la totalité de la population interrogée est jeunearrive en France.

• Groupe 1 14-19 ans• Groupe 2 20-25 ans • Groupe 3 26 ans et +

77 INSEE, « Atlas de la population immigrée de la région centre78 Idem p.14 79 INSEE, « Les immigrés en France

Français Algériens

0%

11,11%

66,67%

50%

33,33%38,89%

Répartition de la population interrogée par groupe d'âge actuel et par nationalité

Les immigrés, en Indre et Loire, comptent 21

Algérie, ou de Tunisie résidant en France en 1999, la moitié après le début des années 70, et un quart seulement avant 1961-1962. L’immigration en

peu plus tardive que celle des autres pays du Maghreb

répartition des populations interrogées, par groupe d’âge actuel et par nationalité

L’ÂGE D’ARRIVEE EN FRANCE

par nationalité est la suivante :

pour les français/algériens pour les algériens pour les marocains pour les tunisiens

On peut observer que les français/algériens et les tunisiens, sont les plus jeunes. Cependant, on observe aussi que, globalement, la totalité de la population interrogée est jeune

19 ans 19 sujets, soit 38% 25 ans 15 sujets, soit 30%

26 ans et + 16 sujets, soit 32%

Atlas de la population immigrée de la région centre », 2005, p.9

Les immigrés en France », édition 2005, p.46

Algériens Marocains Tunisiens

20% 20%

73,33%

80%

38,89%

6,67%

0%

Répartition de la population interrogée par groupe d'âge actuel et par nationalité

Moins de 59 ans

60 à 70 ans

71 ans et plus

41

comptent 21.940, soit 4% de la

en France en 1999, la moitié sont arrivés 1962. L’immigration en

ive que celle des autres pays du Maghreb : 50% sont

par groupe d’âge actuel et par nationalité

, sont les plus jeunes. Cependant, on observe aussi que, globalement, la totalité de la population interrogée est jeune lorsqu’elle

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3-1 - L’âge actuel L’âge moyen des retraités interrogés est de 66 ans. En effet, ceux ayant la nationalité algérienne ou française ont un âge moyen de 69 ans. Par contre les marocains et les tunisiens ont un âge moyen proche de 63 ans. Cependant, les marocains sont un âge moyen de 21 ans comme les françaisn°1) Globalement, nous avons réparti les retraités selon deux catégories

• Les moins de 65 ans • Les plus de 65 ans

En effet, les moins de 65 ans représentent65 ans représentent 28 personnes, soitn°2).

Figure 2 : répartition de la population selon le groupe d’âge actuel

4 – LE STATUT MATRIMONIAL Sur 50 sujets interrogés : 29, soit Parmi les célibataires, et par nationalités 8, soit 66,67%, étaient françaismarocains.

Moins de 65 ans

Répartition de la population selon le groupe

L’âge moyen des retraités interrogés est de 66 ans. En effet, ceux ayant la nationalité algérienne ou française ont un âge moyen de 69 ans. Par contre les marocains et les tunisiens ont un âge moyen proche de 63 ans.

Cependant, les marocains sont arrivés à l’âge moyen de 25 ans, contre les tunisiens arrivés à un âge moyen de 21 ans comme les français/algériens, mais plus tardivement.

Globalement, nous avons réparti les retraités selon deux catégories :

En effet, les moins de 65 ans représentent 22 personnes, soit 44% de l’ensemble, et les plus de 28 personnes, soit 56% de l’ensemble des sujets interrogés

répartition de la population selon le groupe d’âge actuel

LE STATUT MATRIMONIAL

: 29, soit 58 %, étaient célibataires, et 21, soit 42 %

Parmi les célibataires, et par nationalités :

nt français ; 10, soit 55,56%, étaient algériens ; 6,

Moins de 65 ans Plus de 65 ans

44%

56%

Répartition de la population selon le groupe d'âge actuel

42

L’âge moyen des retraités interrogés est de 66 ans. En effet, ceux ayant la nationalité algérienne ou française ont un âge moyen de 69 ans. Par contre les marocains et les tunisiens

contre les tunisiens arrivés à , mais plus tardivement. (Voir figure

44% de l’ensemble, et les plus de 56% de l’ensemble des sujets interrogés (voir figure

répartition de la population selon le groupe d’âge actuel

42 %, étaient mariés.

; 6, soit 40%, étaient

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4-1 – Scolarisation selon le statut matrimonial Sur 24 sujets : 18, soit 62,07%scolarisés. Sur 26 sujets : 11, soit 37,93%, étaient célibataires,mariés, non scolarisés. On peut constater que la grandl’écrasante majorité des mariés est non scolariséedessous). Parmi les mariés, par nationalitésalgériens ; 9, soit 60%, étaient marocainsd’enfants, soit 64% ; 18 avaient des enfants Ceux qui sont venus avec leurs familles ne représentent que 10%.sont 36, soit 72%, parmi lesquels un certain nombre ont fait venir leur famille quelqueannées après leur arrivée. On peut noter que la majorité des sujets sont venus seuls, qu’une infime minorité est arrivée avec leur famille. Cependant, les célibataires sont majoritaires. Quelques années plus tard, ils se sont mariés, et pour une partie,mariés en France.

Figure 3 : répartition de la population selon la scolarisation et le statut matrimonial

5– LE NIVEAU SCOLAIREGlobalement, et toutes nationalités confondues

• 17 sujets soit 34 % • 6 sujets soit 12 % • 1 sujet soit 2 % • 26 sujets soit 52 %

Célibataires

62,07%

Répartition de la population selon la scolarisation et le statut

Scolarisation selon le statut matrimonial

18, soit 62,07%, étaient célibataires scolarisés ; 6, soit 28,57%, étaient mariés

it 37,93%, étaient célibataires, non scolarisés ; 15, soit 71,43%

On peut constater que la grande majorité des célibataires est scolariséerasante majorité des mariés est non scolarisée (voir tableau n°3 en annexe

Parmi les mariés, par nationalités : 4, soit 33,33%, étaient français ; 8, soit étaient marocains ; 0, soit 0%, étaient tunisiens

18 avaient des enfants, soit 36%.

Ceux qui sont venus avec leurs familles ne représentent que 10%. Ceux qui sont venus seuls, sont 36, soit 72%, parmi lesquels un certain nombre ont fait venir leur famille quelque

On peut noter que la majorité des sujets sont venus seuls, qu’une infime minorité est arrivée avec leur famille. Cependant, les célibataires sont majoritaires. Quelques années plus tard, ils se sont mariés, et pour une partie, ils ont fait venir leur femme, et pour les autres, ils se sont

: répartition de la population selon la scolarisation et le statut matrimonial

LE NIVEAU SCOLAIRE nationalités confondues :

soit 34 % ont un niveau primaire soit 12 % ont un niveau secondaire soit 2 % a un niveau Bac + soit 52 % sont non scolarisés

Célibataires Mariés

62,07%

28,57%

37,93%

71,43%

Répartition de la population selon la scolarisation et le statut matrimonial

Scolarisés

Non scolarisés

43

6, soit 28,57%, étaient mariés

15, soit 71,43%, étaient

e majorité des célibataires est scolarisée. En revanche, en annexe et figure n° 3 ci-

soit 44,44%, étaient ; 32 n’avaient pas

Ceux qui sont venus seuls, sont 36, soit 72%, parmi lesquels un certain nombre ont fait venir leur famille quelques

On peut noter que la majorité des sujets sont venus seuls, qu’une infime minorité est arrivée avec leur famille. Cependant, les célibataires sont majoritaires. Quelques années plus tard, ils

ils ont fait venir leur femme, et pour les autres, ils se sont

: répartition de la population selon la scolarisation et le statut matrimonial

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Les non scolarisés, selon la nationalité, sont par ordre d’importance, selon la nationalité à l’arrivée : les algériens (61,11%) suivis par les tunisiens (60%), les marocains (53,33%), et enfin les français/algériens (33,33%). Les plus scolarisés, au niveau de l’école primaire, sont : les français/algériens (50%), suivis par les tunisiens (40%), les algériens (33,33%) et enfin les marocains (20%). Pour l’école secondaire, la proportion est de 20% pour les marocains, 16,67% pour les français/algériens, 5,61% pour les algériens et enfin 2,0% pour les tunisiens (voir tableau n°9 en annexe). En revanche, sur le plan de la région centre, en 1982, 7 immigrés sur 10 ne possèdent aucun diplôme. 2,6% sont bacheliers et un peu plus de 1% sont diplômés du supérieur.80 a) niveau scolaire par nationalité En ce qui concerne le niveau scolaire secondaire par nationalité, ce sont les marocains qui occupent la première place, suivis par les français/algériens et enfin les algériens. Un seul sujet, sur 50, a eu un niveau Bac et + (Voir tableau n°9 en annexe) En ce qui concerne la durée moyenne de la scolarité par nationalité, ce sont les français/algériens qui ont la durée la plus importante, suivis par les marocains, les tunisiens et enfin les algériens. Indépendamment de la nationalité, nous avons constaté que ce sont les sujets « célibataires » qui sont le plus scolarisés. Inversement, les sujets mariés sont moins scolarisés que les célibataires. En effet, les sujets scolarisés, 18 célibataires, représentent 62,07% de l’ensemble, contre 6, soit 28,57% parmi les mariés. b) - Scolarisation selon le statut matrimonial à l’arrivée Parmi les sujets interrogés, on a pu observer que les célibataires, en général, sont beaucoup plus scolarisés que les sujets mariés. Les premiers représentent plus de 62 % de l’ensemble, contre 28 % des sujets mariés. Par contre, parmi les sujets célibataires, il n’y a que 38 % de non scolarisés contre 71 % des sujets mariés non scolarisés. Nous pensons que l’âge, ainsi que l’état matrimonial à l’arrivée sont aussi des éléments importants de l’adaptation future. En effet, les personnes mariées, se sont mariées tôt et relativement plus tôt que les autres. Elles ont été moins scolarisées, voire pas du tout dans leur grande majorité. (Figure n°3 et tableau n°3 en annexe)

80 INSEE, Atlas de la population immigrée, 2005, p.6 et 7

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c)- Comparaison avec la situation en France En France, aux années 60 et 70, Christian BAUDELOT et Roger ESTABLET affirment que 62.000 jeunes garçons maîtrisent à peine la lecture et l’écriture plus de 100 ans après l’instauration de la scolarité obligatoire, alors que pour chaque inscrit, cette performance vient couronner une scolarité d’environ 10 années, de 3 ans à 16 ans !81 Christian BAUDELOT et Roger ESTABLET s’accordent à dire que la France dénombre « 2 millions d’analphabètes », comme le confirme la Une de l’hebdomadaire Libération, dans un article en 1983.82 Dans le même ouvrage, les deux auteurs ajoutent que « quelques 23 millions d’adultes américains seraient dans le même cas », selon la même source (Rapport A.NOTRIN et RISK). 83 Cela veut dire que, dans la deuxième moitié du XXème siècle, un grand nombre de pays industrialisés, des grandes puissances mondiales, avaient en leur sein, un nombre considérable de personnes illettrées. Alors, dans ce cas, que dire des pays colonisés, pauvres et sous développés !

6 – LA MAÎTRISE DE LA LANGUE FRANCAISE ET DE LA LAN GUE ARABE (LANGUE MATERNELLE) Lecture, écriture, expression et compréhension orale en ce qui concerne la langue française 16 sujets, soit 32%, savaient lire le français ; 15 sujets, soit 30%, savaient écrire le français ; 31 sujets, soit 62%, savaient parler le français (voir tableau n°4 en annexe). En ce qui concerne la langue maternelle : 20 sujets , soit 40%, savaient lire l’arabe ; 18 sujets, soit 36%, savaient écrire l’arabe ; 48 sujets, soit 96%, savaient parler l’arabe. Dans leur ensemble, les sujets interrogés, disent (62 %) qu’ils savaient parler le français. En revanche, il n’y en a que 32 % qui savaient lire, et 30 % qui savaient écrire. Cet aspect des choses nous permet de dire que la grande majorité des sujets était presque illettrée, sinon analphabète. (Voir tableau n°4 en annexe) En ce qui concerne la maîtrise de leur propre langue maternelle qu’est la langue arabe, 40 % affirment qu’ils savaient la lire, et 36 % savaient l’écrire. Ce qui signifie encore, que même dans leur langue maternelle, la majorité était illettrée, voire aussi analphabète. En revanche, 96% savaient parler et comprendre (expression orale) (voir tableau n°4 en annexe)

81 Christian BAUDELOT et Roger ESTABLET « le niveau monte » édition du Seuil, 1989, p.148 82 Même référence, p.149 83 Même référence, p.151

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Cependant, on peut affirmer que 6 sujets, soit 12 % de la population interrogée, ont fréquenté l’école coranique. Cela ne signifie pas pour autant que ces personnes ont appris à lire et à écrire dans les écoles coraniques. Car dans ces écoles on lit essentiellement le Coran et on l’apprend par cœur.

7 – LA FORMATION PROFESSIONNELLE AU PAYS D’ORIGINE ET EN FRANCE 6 sujets, soit 12 %, ont suivi une formation professionnelle au pays ; 12 sujets, soit 24%, ont suivi une formation professionnelle en France (voir tableau n°5 en annexe). Pierre BOURDIEU, dans une étude concernant la période des années 60, « Travail et travailleurs en Algérie » affirmait que « 87 % des enquêtés n’avaient aucun diplôme d’enseignement général, 98 % aucun diplôme d’enseignement technique … » 84 Cette enquête, qui date de la même époque d’arrivée de la majorité de nos sujets, surtout les français/algériens et les algériens, confirme globalement l’une des caractéristiques de la population interrogée et tout particulièrement les algériens Nous pensons que, généralement dans tous les pays du Maghreb, aux années 40,50 et 60, comme dans les pays du Moyen Orient, le taux d’analphabétisme était très élevé, dépassant 80% de la population. Ainsi l’Algérie, le Maroc, la Tunisie n’ont pas échappé à la règle générale du sous développement économique et social, dont l’analphabétisme et la quasi absence de formation professionnelle ne sont que l’une des conséquences. a) - la population interrogée par rapport à la formation professionnelle en France et au pays d’origine 1) – Formation professionnelle au pays d’origine Ceux qui ont suivi une formation professionnelle au pays d’origine, représentent 6 sujets, soit 12% de l’ensemble. (Voir tableau n°5 en annexe) 2) – La formation professionnelle en France 12 sujets, soit 24%, ont suivi une formation en France. 84 P. BOURDIEU, « Travail et travailleurs en Algérie », Mouton & Co. Paris 1963, p. 269. Cette étude concerne un échantillon de plus de 6000 personnes en milieu rural et urbain.

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8 – LE NOMBRE D’ANNEES DE VIE EN FRANCE Depuis leur arrivée en France, ce sont les français/algériens qui ont vécu le plus longtemps en France, (plus de 48 ans), suivis par les algériens (44 ans), les tunisiens (42 ans), et enfin les marocains près de 38 ans. (Voir tableau n°6 en annexe) Pour ces derniers, cela peut s’expliquer par le fait qu’ils sont arrivés relativement plus tard que les autres.

9 – LA NATIONALITE ACTUELLE 24 sujets, soit 48%, sont français/algériens ; 19 sujets, soit 38%, sont algériens ; 7 sujets, soit 14%, sont marocains ; 0 sujets, soit 0%, sont tunisiens. (Voir tableau n°7 en annexe) On constate que le pourcentage de la catégorie « français/algérien » a doublé. On est passé de 24 % de sujets français/algériens à l’arrivée, par rapport à la population totale des sujets interrogés, à 48% actuellement. Ce changement est dû à la naturalisation massive des marocains et de la quasi-totalité des tunisiens. En revanche, pour les algériens et les français/algériens, le phénomène est relativement plus complexe. De nombreux français/algériens ont repris leur nationalité d’origine, c'est-à-dire la nationalité algérienne. Peu d’algériens ont gardé la nationalité française. En effet, ce sont les évènements économiques, politiques, historiques des années 50 et 60 qui ont agi sur les attitudes et comportements des uns et des autres. En revanche, pour les algériens et les français/algériens, le phénomène est relativement plus complexe. Certains algériens se sont fait naturaliser, et d’autres français/algériens ont repris leur nationalité d’origine, c'est-à-dire la nationalité algérienne. Cependant, certains algériens, pour des raisons familiales, politiques, ont évolué au gré de l’évolution de la situation sociopolitique. Parmi eux, il y a ceux qui ont opté pour la nationalité française, au cours des années 1980 à 1990, pour des raisons diverses. Ce que nous verrons ultérieurement. Les retraités interrogés sont répartis et représentés, par rapport à la nationalité actuelle, comme suit et par rapport à l’ensemble. Les tunisiens, représentant 10 % des nationalités à l’arrivée en France des sujets interrogés, ne représentent que 0 % des sujets interrogés par rapport à leur nationalité actuelle. Ainsi on peut observer que : tous les tunisiens se sont faits naturaliser. Les marocains ayant la nationalité marocaine à l’arrivée en France, soit 30 %, représentent actuellement 14 %. Donc plus de la moitié des marocains se sont faits naturaliser.

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En conclusion, malgré la complexité de ce phénomène, pour les algériens ou les français d’origine algérienne, on peut constater que la naturalisation est l’un des signes de changement, et a touché profondément toutes les catégories de nationalités, et tout particulièrement les marocains et les tunisiens. Cela correspond à un véritable changement, non seulement administratif mais aussi un changement qui touche profondément leur vie, leur attitude, leur comportement, leur positionnement par rapport à la société d’accueil d’une part, et par rapport au pays d’origine d’autre part. Cette attitude a des imbrications dans le présent et le futur. On peut noter, cependant, qu’en région centre un tiers des immigrés sont français depuis 1999.85 Près de 40% des immigrés, dans les départements du Cher, de l’Indre et Loire, sont français en 1999. Une proportion plus élevée que la moyenne régionale.86Les algériens sont plus de 35% à prendre la nationalité contre 45% chez les tunisiens et à plus de 20% chez les marocains.

10 – EN RETRAITE DEPUIS ….. Les sujets interrogés sont à la retraite depuis au moins 1 an et au plus 12 ans. Mais cela varie selon les nationalités d’origine. La durée moyenne de retraite, selon la nationalité à l’arrivée, se répartit ainsi :

• Les français 8,58 ans • Les algériens 6,89 ans • Les marocains 2,93 ans • Les tunisiens 2,8 ans

La faible durée (voir tableau n°8 en annexe) moyenne de la retraite chez les tunisiens et les marocains, s’explique par le fait de leur plus récente immigration.

11 - LES LIEUX DE RESIDENCE En milieu urbain :

• TOURS HLM quartier du SANITAS, centre ville • LA RICHE HLM en centre ville • JOUE LES TOURS HLM, quartier de la RABIERE • SAINT PIERRE DES CORPS HLM, quartier de la RABATTERIE

Et en milieu rural :

• MONTBAZON 85 INSEE, 2005, p.13 86 Même réf. P.14

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• LUYNES

12 - LES PROFESSIONS

• Ouvrier dans l’industrie 19 Ex : Michelin à Joué les Tours

• Ouvrier dans le Bâtiment 24 • Ouvrier agricole 3 • Chef d’entreprise 3 • Militaire 1

En 1999, la population active, occupée, compte plus de 53.000 immigrés. Ces derniers occupent 5,4% des emplois dans la région87. Près de 73% des immigrés actifs sont ouvriers ou employés. Les cadres immigrés représentent 6,3% de l’ensemble des actifs immigrés. Cependant, on peut constater que les cadres maghrébins représentent 5,7% des algériens, et 4% des marocains88. Les immigrés travaillent davantage dans l’industrie et la construction89.

87 INSEE, p.23 88 INSEE, Atlas des populations immigrées, 2005, p.23 89 Idem p.24

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II - QUELQUES CARACTERISTIQUES SUR LA FAMILLE IMMIGREE Afin de mieux connaître notre échantillon sur un plan plus global, voici quelques caractéristiques données par l’INSEE. Quand les deux conjoints sont immigrés, l’endogamie reste très forte : dans 9 cas sur 10, les conjoints ont la même origine90. C’est souvent le cas des ressortissants des pays du Maghreb91. Les immigrés vivent un peu plus souvent en famille que l’ensemble de la population (80% contre 77%). La vie en famille est aussi plus fréquente pour les personnes originaires du Maroc, d’Afrique subsaharienne, ou d’Asie du sud est92. Plus de 6 personnes immigrées sur 10, sont mariées ou remariées, contre seulement 4 sur 10 pour l’ensemble des personnes résidant en France93. Près d’un million d’immigrés sont en union avec une personne non-immigrée, soit plus d’un tiers des immigrés vivant en couple.94 Plus d’un tiers des immigrés (39%) étaient en couple à leur arrivée en France et près d’un quart (27%) avaient déjà eu un enfant.95 Les personnes arrivées après l’âge de 29 ans étaient deux fois plus souvent en couple, au moment de la migration, que celles qui ont quitté leur pays, entre 18 et 24 ans (respectivement 79% et 37%). Les hommes ont, par ailleurs, plus souvent formé une famille après la migration.

90 On considère comme endogamie, un couple formé de deux personnes nées dans la même zone géographique, l’Afrique subsaharienne par exemple. Catherine BORREL et Chloé TAVAN 91 INSEE, « Cellule statistiques et études sur l’immigration », 2003-2004, p.113 92 Même réf., p.110 et 111 93 Même réf., p.111 94 Même réf. 95 C.BORREL et C. TAVAN, « la vie familiale des immigrés ». In INSEE 2003-2004, p.112

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CHAPITRE - 2

Vivre en France : Adaptation, famille et retour au pays

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ADAPTATION Nos sujets, arrivés en France dans les années 40, 50,60, et 70 ne sachant dans leur ensemble ni lire ni écrire le français, ne connaissaient la France que de nom, ne connaissaient ni l’environnement social, économique, politique ou culturel. Ils ne connaissaient ni son organisation ni son rythme de travail, … Bref, ils ignoraient tout ou presque de la France, d’autant plus que, étant des personnes, en majorité issues d’un milieu rural, ils allaient travailler en milieu urbain, et ils sont ici dans un pays inconnu d’eux, ils viennent vendre leur force de travail pour pouvoir nourrir la famille (parents, les petits frères et sœurs). Une étape importante à franchir était l’adaptation à leur nouveau monde du travail et au nouveau monde social. Comment s’est déroulée cette adaptation, pour eux ?

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I – ADAPTATION

1 – ADAPTATION PAR NATIONALITE A L’ARRIVEE Une écrasante majorité des sujets, 40 sujets, soit 80 %, affirment qu’ils se sont adaptés facilement à la vie en France, contre 10 sujets, soit 20%, qui se sont adaptés difficilement.

Les tunisiens semblent, à 100 %, s’être adaptés à leur environnement social et professionnel, suivis par les français/algériens à 91,67%, par les algériens à 77,78%, et enfmarocains à 66,67% (Voir table Ceux (20 sujets soit 40%) (voir tableau n°dans leur adaptation sont, par nationalité et par ordre d’importance, les les français/algériens, les tunisiens et ende :

• Marocains 8 sujet, soit 53,33%• Français/algériens 5 sujets, soit • Tunisiens 2 sujets, soit • Algériens 5 sujets, soit

(Voir tableau n°13 en annexe)

Difficilement

ADAPTATION PAR NATIONALITE A L’ARRIVEE

Une écrasante majorité des sujets, 40 sujets, soit 80 %, affirment qu’ils se sont adaptés facilement à la vie en France, contre 10 sujets, soit 20%, qui se sont adaptés difficilement.

Figure 4 : Adaptation

Les tunisiens semblent, à 100 %, s’être adaptés à leur environnement social et professionnel, algériens à 91,67%, par les algériens à 77,78%, et enf

oir tableau n°11 en annexe).

ujets soit 40%) (voir tableau n°12 en annexe), reconnaissent avoirdans leur adaptation sont, par nationalité et par ordre d’importance, les marocains suivis par

les tunisiens et enfin les algériens. Leurs proportions respectives sont

8 sujet, soit 53,33% 5 sujets, soit 41,67% 2 sujets, soit 40% 5 sujets, soit 27%

)

Facilement80%

Difficilement20%

Adaptation

53

Une écrasante majorité des sujets, 40 sujets, soit 80 %, affirment qu’ils se sont adaptés facilement à la vie en France, contre 10 sujets, soit 20%, qui se sont adaptés difficilement.

Les tunisiens semblent, à 100 %, s’être adaptés à leur environnement social et professionnel, algériens à 91,67%, par les algériens à 77,78%, et enfin par les

, reconnaissent avoir eu des difficultés marocains suivis par

fin les algériens. Leurs proportions respectives sont

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Figure

Adaptation et variables associées • Le statut matrimonial à l’arrivée

que les autres. Le statut matrimonial à l’arrivée a eu une influence sur l’adaptation des personnes

interrogées dans le cadre de cette étude. Nous penadaptation plus difficile que les autres. L’analyse de variance effectuée nous montre les résultats suivants : Afin de vérifier que les moyennes des scores des deux groupes soient significativement différentes, nous effectuons un test

Les deux groupes ont une moyenne significativement différente, le groupe 1 (les célibatairesMoyenne= 1,10) ayant une moyenne au score d’adaptation inférieure à celle du groupe 2 (les mariés : Moyenne = 1,33). Ceci signifie que les ont rencontré une adaptation plus difficile que les célibataires (17 sur 21, soit 80,95En effet, plus la moyenne est basse, plus cela signifie que l’adaptation à été facile. (t= 2,05ddl=48 ; p=0,046). Il y a un effet du statut matrimonisujets interrogés • La Scolarisation : les personnes scolarisées

autres Il existe une différence significative de moyenne des scores d’adaptation entre le groupe « Scolarisé » (Moyenne =1,04,) 23 sur 24, soit 95,83%, et le groupe «(Moyenne = 1,35) 17 sur 26, soi En effet, le groupe « ScolariséScolarisé ». (t= 2,85 ; ddl=48l’effet de la scolarisation sur l’adaptation. Les résultats tendent à montrer que l’arrivée en France (Moyenne = 1,28) 25 sur 35, soit 71,43%, s’est plus difficilement adapté que le groupe sachant écrire le français lors de l’arrivée en France(t=2,40 ; ddl=48 ; p=0,02), 15 sur 15, soit 100%

Français

91,67%

8,33%

Adaptation selon la nationalité à l'arrivée

Figure 5 : adaptation selon la nationalité à l’arrivée

Adaptation et variables associées

Le statut matrimonial à l’arrivée : les célibataires se sont adaptés plus facilement

à l’arrivée a eu une influence sur l’adaptation des personnes dre de cette étude. Nous pensons que les personnes marié

adaptation plus difficile que les autres. L’analyse de variance effectuée nous montre les

Afin de vérifier que les moyennes des scores des deux groupes soient significativement s, nous effectuons un test t de Student.

Les deux groupes ont une moyenne significativement différente, le groupe 1 (les célibatairesayant une moyenne au score d’adaptation inférieure à celle du groupe 2 (les

Ceci signifie que les personnes mariées à l’une adaptation plus difficile que les célibataires (17 sur 21, soit 80,95

En effet, plus la moyenne est basse, plus cela signifie que l’adaptation à été facile. (t= 2,05Il y a un effet du statut matrimonial par rapport à l’adaptation des

: les personnes scolarisées se sont adaptées plus facilement que les

Il existe une différence significative de moyenne des scores d’adaptation entre le groupe » (Moyenne =1,04,) 23 sur 24, soit 95,83%, et le groupe «

(Moyenne = 1,35) 17 sur 26, soit 65,38%.

Scolarisé » s’est adapté plus facilement que le groupe «; ddl=48 ; p=0,006). Notre hypothèse est donc confirmée par rapport à

l’effet de la scolarisation sur l’adaptation.

à montrer que le groupe ne sachant pas écrire le françaisl’arrivée en France (Moyenne = 1,28) 25 sur 35, soit 71,43%, s’est plus difficilement adapté que le groupe sachant écrire le français lors de l’arrivée en France

; p=0,02), 15 sur 15, soit 100%.

Algériens Marocains Tunisiens

77,78%

66,67%

100%

8,33%

22,22%

33,33%

0%

Adaptation selon la nationalité à l'arrivée

Facilement

Difficilement

54

: les célibataires se sont adaptés plus facilement

à l’arrivée a eu une influence sur l’adaptation des personnes que les personnes mariées ont eu une

adaptation plus difficile que les autres. L’analyse de variance effectuée nous montre les

Afin de vérifier que les moyennes des scores des deux groupes soient significativement

Les deux groupes ont une moyenne significativement différente, le groupe 1 (les célibataires : ayant une moyenne au score d’adaptation inférieure à celle du groupe 2 (les

personnes mariées à l’arrivée en France une adaptation plus difficile que les célibataires (17 sur 21, soit 80,95%).

En effet, plus la moyenne est basse, plus cela signifie que l’adaptation à été facile. (t= 2,05 ; al par rapport à l’adaptation des

se sont adaptées plus facilement que les

Il existe une différence significative de moyenne des scores d’adaptation entre le groupe » (Moyenne =1,04,) 23 sur 24, soit 95,83%, et le groupe « Non Scolarisé »

» s’est adapté plus facilement que le groupe « Non ; p=0,006). Notre hypothèse est donc confirmée par rapport à

sachant pas écrire le français lors de l’arrivée en France (Moyenne = 1,28) 25 sur 35, soit 71,43%, s’est plus difficilement adapté que le groupe sachant écrire le français lors de l’arrivée en France (Moyenne = 1)

Facilement

Difficilement

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2 - LES DIFFICULTES RENCONTREES

Le contexte socio économique, le fait d’être célibataire, et scolarisé étaient des éléments qui ont influencé favorablement l’adaptation des nouveaux arrivants. Ces derniers n’ont pas tous eu les mêmes facilités d’adaptation. Certains ont reconnu s’être adapfrançaise. Ils représentent 40 % de l’ensemble des sujets interrogés. Voici les difficultés citées par ordre d’importance

� 8 affirment avoir connu des problème de langue n’est pas

� 2 affirment avoir eu des � 6 affirment avoir eu des problèmes

lesquels. � 3 affirment avoir eu des � 1 reconnaît avoir subi des

Les difficultés rencontrées à l’arrivée en France sont citées par 40 % des sujets. Or 54 % des sujets disent ne pas avoir rencontré de difficultés à l’arrivée en France, 6 % ne répondent pas. La nationalité ne saurait-elle pas expliquer les difficultéssignificatif.

Figure 7 : difficultés

Français Algériens

41,67%

27,78%

50%

8,33%

Difficultés : répartition de la population selon la nationalité

Ne répondent

pas6%

LES DIFFICULTES RENCONTREES

Figure 6 : difficultés à l’arrivée

contexte socio économique, le fait d’être célibataire, et scolarisé étaient des éléments qui ont influencé favorablement l’adaptation des nouveaux arrivants. Ces derniers n’ont pas tous eu les mêmes facilités d’adaptation. Certains ont reconnu s’être adaptés difficilement à la vie française. Ils représentent 40 % de l’ensemble des sujets interrogés.

Voici les difficultés citées par ordre d’importance :

8 affirment avoir connu des problèmes de langue pour communiquerproblème de langue n’est pas le seul. 2 affirment avoir eu des problèmes d’ordre administratif 6 affirment avoir eu des problèmes liés au niveau de vie et de travail sans préciser

3 affirment avoir eu des problèmes pour se loger, de santé liée au travail.subi des atteintes racistes dans son travail

Les difficultés rencontrées à l’arrivée en France sont citées par 40 % des sujets. Or 54 % des sujets disent ne pas avoir rencontré de difficultés à l’arrivée en France, 6 % ne répondent pas.

elle pas expliquer les difficultés ? Ce n’est pas un élément forcément

: difficultés : répartition de la population selon la nationalité d’arrivée

Algériens Marocains Tunisiens

27,78%

53,33%

40%

61,11%

46,67%

60%

8,33% 11,11%

0% 0%

Difficultés : répartition de la population selon la nationalité d'arrivée

Oui

Non

Ne répondent pas

Oui40%

Non54%

répondent

Difficultés à l'arrivée

55

contexte socio économique, le fait d’être célibataire, et scolarisé étaient des éléments qui ont influencé favorablement l’adaptation des nouveaux arrivants. Ces derniers n’ont pas tous

tés difficilement à la vie

problèmes de langue pour communiquer. Mais le

liés au niveau de vie et de travail sans préciser

, de santé liée au travail.

Les difficultés rencontrées à l’arrivée en France sont citées par 40 % des sujets. Or 54 % des sujets disent ne pas avoir rencontré de difficultés à l’arrivée en France, 6 % ne répondent pas.

n’est pas un élément forcément

: répartition de la population selon la nationalité d’arrivée

Difficultés : répartition de la population selon la nationalité

Ne répondent pas

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DISCUSSION La majorité des sujets interrogés se sont facilement adaptés et tout particulièrement les personnes sachant écrire et celles qui étaient célibataires. Bien que certaines différences apparaissent au niveau de l’adaptation par nationalité, celles-ci ne semblent pas influencer l’adaptation de nos sujets. En revanche, ceux ne sachant pas écrire le français lors de leur arrivée en France, ont eu plus de difficultés d’adaptation. Cependant, un grand nombre, soit 40 %, des sujets interrogés reconnaissent avoir rencontré des difficultés, dont les plus importantes sont de l’ordre de la communication. Ce sont des problèmes dûs essentiellement à la non maîtrise de la langue française. D’autres problèmes d’ordre administratif et de logement également sont cités, mais liés à la maîtrise de l’écrit et à la non connaissance de l’environnement socio culturel, juridique et administratif. Bien que 80% admettent qu’ils se sont adaptés facilement, il n’empêche, néanmoins, que lorsqu’on aborde la question des difficultés rencontrées, 40% des sujets disent avoir rencontré des difficultés. Cela peut paraître contradictoire. En réalité, ils reconnaissent avoir pu s’adapter dans un premier temps, dans un second temps certains reconnaissent le fait d’avoir rencontré des difficultés, qui, par ailleurs, ont été résolues progressivement, telles que les problèmes de logement et administratifs. Cependant, les personnes célibataires et scolarisées se sont adaptées plus facilement que les autres. La nationalité a peut-être joué pour partie dans l’adaptation, car on constate que les tunisiens et les français se sont adaptés, proportionnellement, plus facilement que les autres. Ces derniers sont, par ordre d’importance proportionnelle, les algériens et les marocains. L’adaptation au monde professionnel, au rythme du travail, au mode de vie en France constitue une première étape d’un parcours relativement long. Mais l’adaptation à l’environnement social et professionnel ne s’arrête pas là. Il s’agit aussi d’un autre type d’adaptation que l’on peut appeler l’adaptation professionnelle économique. En effet, durant les périodes de crise économique, les « travailleurs immigrés face à la crise ont épargné un chômage encore plus élevé à l’économie française »96 affirme Albano CORDEIRO. Cela nous montre à quel point cette force de travail fut « docile », a pu démontrer une capacité d’adaptation personnelle et professionnelle, face à toutes les crises, et qu’elle a pu amortir certaines crises. Cette capacité d’adaptation fut une étape importante dans la vie de chaque individu, car elle a permis d’aller plus loin dans un processus plus important.

96 H. &Migration, « Usagers et centre usagers des statistiques du chômage des immigrés » n° 1204, décembre 1996, p.20

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II - LE CHOIX DE FAIRE VENIR SA FAMILLE Le choix de vivre en France définitivement a été précédé par le choix de faire venir sa famille, pour 30 sujets, soit 60%. Ainsi la grande majorité, ont fait venir leurs femmes et ne semblent pas regretter cette décision, 19 sujets, soit 26 % n’ont pas fait venir leur famille, 7 sujets, soit 14 % ne répondent pas. Leur principale motivation, pourainsi : (voir tableau n°10). A signaler que ce sont, essentiellement, les sujets mariés qleurs enfants.

Trois catégories principales de réponses qui justifiaient le fait de faire venir sa famille en France. a) - Réponses de la première catégorie

« Pour vivre ensemble » « Pour rester ensemble » « Pour vivre en famille » « On ne peut pas vivre sans famille« Je travaillais ici, c’est normal que ma famille vive avec moi« La vie en famille, c’est mieux

b) - Réponses de la deuxième catégorie

« Je ne voulais pas vivre seul« Je voulais vivre en paix »« Fini les angoisses du soir entre quatre murs« Si ma famille est là-bas et moi ici, ce n’est pas une vie

c) – Réponses de la troisième catégorie

« j’ai voulu les faire venir pour qu’ils aient « je suis satisfait d’avoir élevé mes enfants en

26%

Ne répondent pas

LE CHOIX DE FAIRE VENIR SA FAMILLE

Le choix de vivre en France définitivement a été précédé par le choix de faire venir sa famille, Ainsi la grande majorité, ont fait venir leurs femmes et ne semblent

pas regretter cette décision, 19 sujets, soit 26 % n’ont pas fait venir leur famille, 7 sujets, soit Leur principale motivation, pour la majorité des sujets, s’expr

A signaler que ce sont, essentiellement, les sujets mariés qui ont fait venir leurs épouses et

Figure 8 : Venue de la famille

Trois catégories principales de réponses qui justifiaient le fait de faire venir sa famille en

Réponses de la première catégorie « pour vivre en harmonie, ensemble, en famille

On ne peut pas vivre sans famille » Je travaillais ici, c’est normal que ma famille vive avec moi » La vie en famille, c’est mieux »

Réponses de la deuxième catégorie « pour briser la solitude »

ne voulais pas vivre seul » »

les angoisses du soir entre quatre murs » bas et moi ici, ce n’est pas une vie »

Réponses de la troisième catégorie « pour une vie meilleure »

j’ai voulu les faire venir pour qu’ils aient une meilleure vie » je suis satisfait d’avoir élevé mes enfants en France »

Oui60%

Non26%

Ne répondent pas14%

Venue de la famille

57

LE CHOIX DE FAIRE VENIR SA FAMILLE

Le choix de vivre en France définitivement a été précédé par le choix de faire venir sa famille, Ainsi la grande majorité, ont fait venir leurs femmes et ne semblent

pas regretter cette décision, 19 sujets, soit 26 % n’ont pas fait venir leur famille, 7 sujets, soit la majorité des sujets, s’exprime

ui ont fait venir leurs épouses et

Trois catégories principales de réponses qui justifiaient le fait de faire venir sa famille en

pour vivre en harmonie, ensemble, en famille »

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« je ne voulais pas laisser mes enfants seuls, nous avons vécu dans le déchirement

En effet, vivre en famille, vivre ensemble apparaît comme un élément essentiel, voire moteudans la vie en France et comme une sorte d’installation. Vivre en famille pour éviter la solitude, pour vivre en équilibre comme les autres humains. La majorité des sujets interrogés, accordent une importance capitale à vivre en famille. Ce fait capital se présente comme un fait sécurisant et équilibrant, et qui a des avantages importants tels que la sécurité, l’équilibre et surtout pour l’éducation des enfants et une vie meilleure en France.

Figure

1 - LE CHOIX DE FAIRE VENIR SA FAMILLE

Figure 10 : satisfaction de la venue de la famille, répartition selon la nationalité à l’arrivée

Français

75%

8,33%16,67%

Satisfaction de la venue de la famille : répartitio n selon la

Non 26%

je ne voulais pas laisser mes enfants seuls, nous avons vécu dans le déchirement

En effet, vivre en famille, vivre ensemble apparaît comme un élément essentiel, voire moteudans la vie en France et comme une sorte d’installation. Vivre en famille pour éviter la solitude, pour vivre en équilibre comme les autres humains.

La majorité des sujets interrogés, accordent une importance capitale à vivre en famille. Ce fait l se présente comme un fait sécurisant et équilibrant, et qui a des avantages importants

tels que la sécurité, l’équilibre et surtout pour l’éducation des enfants et une vie meilleure en

Figure 9: choix de faire venir sa famille

LE CHOIX DE FAIRE VENIR SA FAMILLE : PAR NATIONALITE

: satisfaction de la venue de la famille, répartition selon la nationalité à l’arrivée

Algériens Marocains Tunisiens

66,67%

86,67%

100%

5,55%0% 0%

16,67%

27,78%

13,33%

0%

Satisfaction de la venue de la famille : répartitio n selon la nationalité à l'arrivée

Oui

Non

Ne répondent pas

Oui60%

Ne répondent pas14%

Choix de faire venir la famille

58

je ne voulais pas laisser mes enfants seuls, nous avons vécu dans le déchirement »

En effet, vivre en famille, vivre ensemble apparaît comme un élément essentiel, voire moteur, dans la vie en France et comme une sorte d’installation. Vivre en famille pour éviter la

La majorité des sujets interrogés, accordent une importance capitale à vivre en famille. Ce fait l se présente comme un fait sécurisant et équilibrant, et qui a des avantages importants

tels que la sécurité, l’équilibre et surtout pour l’éducation des enfants et une vie meilleure en

: PAR NATIONALITE

: satisfaction de la venue de la famille, répartition selon la nationalité à l’arrivée

Satisfaction de la venue de la famille : répartitio n selon la

Ne répondent pas

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Figure Ce sont les tunisiens qui ont, tous, fait venir leur familleest de :

• 13 sujets chez les marocains• 9 sujets chez les algériens• 3 sujets chez les français

(Voir tableau n°15 en annexe)

2 – LA SATISFACTION DU CHOIX DE FAIRE VENIR SA FAMILLE La satisfaction qui découle de la venue de leur famille, pour la grande majorité, s’exprime à 78 %. 4 % ne sont pas satisfaits, et 18 % ne répondent pas. La satisfaction de la venue de la famille varie d’une nationalité à l’autre. Ainsi(Tableau n°17 en annexe)

• 5 sujets, soit 100 % des tunisiens se déclarent satisfaits• 13 sujets, soit 86 % des marocains " " • 12 sujets, soit 66 % des algériens " " • 9 sujets, soit 75 % des français

Ce sont les tunisiens qui sont le plus satisfaits de la venue de leurles marocains et les françaissatisfaits de ce choix. Toutefois,gens arrivés célibataires en France. exprimer leur avis, car ils n’étaient pas dans ce même cas de figure. 9 sujets disent qu’ils se sont mariés en France et 3 sujets sont restés seuls.

Non4%

Satisfaction de la venue de la famille

Figure 11 : satisfaction de la venue de la famille

Ce sont les tunisiens qui ont, tous, fait venir leur famille, 5 sujets soit 100 %. Ce pourcentage

chez les marocains, soit 86 % chez les algériens, soit 50 % chez les français/algériens, soit 25 %

)

LA SATISFACTION DU CHOIX DE FAIRE VENIR SA FAMILLE

La satisfaction qui découle de la venue de leur famille, pour la grande majorité, s’exprime à pas satisfaits, et 18 % ne répondent pas.

La satisfaction de la venue de la famille varie d’une nationalité à l’autre. Ainsi

100 % des tunisiens se déclarent satisfaits 86 % des marocains " " 66 % des algériens " "

75 % des français/algériens " "

Ce sont les tunisiens qui sont le plus satisfaits de la venue de leur famille en France, suivis par les marocains et les français/algériens ensuite. Cependant les algériens semble

Toutefois, ce n’est pas la vraie raison, car ce sont pour une partie des gens arrivés célibataires en France. Ils se sont mariés en France et donc, ils ne pouvaient exprimer leur avis, car ils n’étaient pas dans ce même cas de figure. 9 sujets disent qu’ils se sont mariés en France et 3 sujets sont restés seuls.

Oui78%

Ne répondent pas18%

Satisfaction de la venue de la famille

59

100 %. Ce pourcentage

LA SATISFACTION DU CHOIX DE FAIRE VENIR SA FAMILLE

La satisfaction qui découle de la venue de leur famille, pour la grande majorité, s’exprime à

La satisfaction de la venue de la famille varie d’une nationalité à l’autre. Ainsi :

famille en France, suivis par ensuite. Cependant les algériens semblent moins

ce n’est pas la vraie raison, car ce sont pour une partie des se sont mariés en France et donc, ils ne pouvaient

exprimer leur avis, car ils n’étaient pas dans ce même cas de figure. 9 sujets disent qu’ils se

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Figure 12: Choix de faire

L’éducation, la santé, le travail du marienvisager une installation à plus long terme. Estréfléchie comme une installation définitive Les éléments, en notre possession, ne montrent pas, en tout cas pour la majorité, que cela avait été réfléchi comme une stratégie. Car comme nous l’avions dit précédemment, ces travailleurs immigrés n’avaient pas une straselon deux éléments importants Le premier, est l’évolution socio économique et politique au pays d’origine. Le second est l’évolution de leur propre situation en France. Nombreux ont témoigné de leurvolonté de rester en France, car pensentpart, leurs enfants sont nés, ont grandi et travaillent ici. En revanche, la situation au pays d’origine ne semble pas, ou plus convenir à un grand nombre. Certains ont cité la corruption, d’autres la mortalité au pays d’origine, ainsi que l’avenir de ces pays : l’Algérie, le Maroc, et la Tunisie, n’est pas prometteur. Ce que nous pouvons affirmer est que l’installation de la famille en France a été un facteur déterminant qui a contribué, par la suite, à l’intégration. De plus, un certain nombre semble avoir tiré quelques enseignements de leur propre vécu, comme le dit lsatisfait, mais on n’avait pas le choix. Mes enfants ne retourneront jamais vivre en AlgérieNous avons laissé nos parents lànos enfants seuls ici. Nous avons vécu dans le Cette phrase traduit, à elle seule, ce que pensent beaucoup de retraités. Retourner au pays d’origine, semble être pour eux, une véritable rupture. Or rester en France, cela va dans le sens de la continuité. D’autant plus qu’ils ne veulen« en laissant leurs enfants seulspropres parents en quittant le pays d’origine.

Français Algériens

25%

50%50%

25%

Répartition du choix de faire venir la famille selo n la nationalité à

Choix de faire venir sa famille selon la nationalité à l’arrivée

té, le travail du mari, sont des éléments constitutifs, pour d’ores et déjà envisager une installation à plus long terme. Est-ce qu’une telle installation a été réellement

mme une installation définitive ?

Les éléments, en notre possession, ne montrent pas, en tout cas pour la majorité, que cela avait été réfléchi comme une stratégie. Car comme nous l’avions dit précédemment, ces travailleurs immigrés n’avaient pas une stratégie réelle à long terme. Ils se sont selon deux éléments importants :

est l’évolution socio économique et politique au pays d’origine.

est l’évolution de leur propre situation en France. Nombreux ont témoigné de leurvolonté de rester en France, car pensent-ils, leur situation s’est améliorée d’une part, et d’autre part, leurs enfants sont nés, ont grandi et travaillent ici.

En revanche, la situation au pays d’origine ne semble pas, ou plus convenir à un grand . Certains ont cité la corruption, d’autres la mortalité au pays d’origine, ainsi que

: l’Algérie, le Maroc, et la Tunisie, n’est pas prometteur.

Ce que nous pouvons affirmer est que l’installation de la famille en France a été un facteur déterminant qui a contribué, par la suite, à l’intégration. De plus, un certain nombre semble avoir tiré quelques enseignements de leur propre vécu, comme le dit le sujet 28satisfait, mais on n’avait pas le choix. Mes enfants ne retourneront jamais vivre en AlgérieNous avons laissé nos parents là-bas sans pouvoir y retourner. Et on ne voudrait pas laisser nos enfants seuls ici. Nous avons vécu dans le déchirement ».

Cette phrase traduit, à elle seule, ce que pensent beaucoup de retraités.

Retourner au pays d’origine, semble être pour eux, une véritable rupture. Or rester en France, cela va dans le sens de la continuité. D’autant plus qu’ils ne veulent pas commettre une erreur

en laissant leurs enfants seuls ». Cela équivaut, à la rupture, qu’ils ont propres parents en quittant le pays d’origine.

Algériens Marocains Tunisiens

86,66%

100%

33,33%

6,67%

0%

16,67%

6,67%0%

Répartition du choix de faire venir la famille selo n la nationalité à l'arrivée

Oui Non Ne répondent pas

60

venir sa famille selon la nationalité à l’arrivée

, sont des éléments constitutifs, pour d’ores et déjà ce qu’une telle installation a été réellement

Les éléments, en notre possession, ne montrent pas, en tout cas pour la majorité, que cela avait été réfléchi comme une stratégie. Car comme nous l’avions dit précédemment, ces

tégie réelle à long terme. Ils se sont laissé guider

est l’évolution socio économique et politique au pays d’origine.

est l’évolution de leur propre situation en France. Nombreux ont témoigné de leur ils, leur situation s’est améliorée d’une part, et d’autre

En revanche, la situation au pays d’origine ne semble pas, ou plus convenir à un grand . Certains ont cité la corruption, d’autres la mortalité au pays d’origine, ainsi que

: l’Algérie, le Maroc, et la Tunisie, n’est pas prometteur.

Ce que nous pouvons affirmer est que l’installation de la famille en France a été un facteur déterminant qui a contribué, par la suite, à l’intégration. De plus, un certain nombre semble

e sujet 28 : « je suis satisfait, mais on n’avait pas le choix. Mes enfants ne retourneront jamais vivre en Algérie,

bas sans pouvoir y retourner. Et on ne voudrait pas laisser

Retourner au pays d’origine, semble être pour eux, une véritable rupture. Or rester en France, t pas commettre une erreur

». Cela équivaut, à la rupture, qu’ils ont eue avec leurs

Ne répondent pas

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Si la majorité des sujets interrogés ont fait le choix de faire venir leur famille et s’installer en France, une partie non négligeable (18 % de l’ensemble) affirment qu’ils se sont mariés en France, certains, comme ils le disent, avec une fille du Bled, et d’autres avec des françaises. Ceux qui ont fondé leur famille en France se montrent aussi satisfaits de leur choix. Cependant, une minorité a continué à vivre en France, sans famille. En effet, le choix de faire venir sa famille en France est un choix qui a été influencé par les éléments suivants :

la venue de la famille et les variables associées : Nous avons coté la question concernant la venue de la famille de la façon suivante : si la famille n’est pas venue, nous avons coté 2, tandis que si la famille est venue, la cotation est de 1.

a) L’âge à l’arrivée : L’âge d’arrivée a un impact sur le fait que la personne ait fait venir ou non sa famille. Selon nous, plus les personnes sont arrivées jeunes, moins elles ont fait venir leur famille. L’analyse de variance effectuée nous donne les résultats suivants : Il existe un effet significatif de l’âge à l’arrivée sur la venue ou non de la famille. (ddl Effet = 2 ; MC Effet = 0,68 ; ddl Erreur = 40 ; MC Erreur = 0,19 ; F = 3,56, p = 0,04) Effectif : 8 sur 16, soit 50% Afin de pouvoir vérifier quel(s) groupe(s) d’âge influe(nt) sur le choix de faire venir la famille, nous procédons à un test t de Student.

Nous avions en effet réparti notre population suivant trois groupes d’âge à l’arrivée : - Groupe 1 : Moins de 19 ans 19 sujets - Groupe 2 : De 20 à 25 ans 15 sujets - Groupe 3 :26 ans et plus 16 sujets Nous allons donc comparer nos groupes deux à deux, afin de constater s’il existe une différence significative entre ces différents groupes, et donc appréhender plus précisément quel groupe d’âge influe sur le choix de la venue de la famille : Les résultats montrent qu’il n’existe pas de différence significative des moyennes entre le groupe 1 (Moyenne = 1,5) et le groupe 2 (Moyenne = 1,31). (t=1,03 ; ddl=27 ; p=0,31)

Aussi, nous pouvons dire qu’il n’existe pas de différence significative entre les résultats du groupe d’âge d’arrivée 2 (Moyenne = 1,31) et du groupe d’âge d’arrivée 3 (Moyenne = 1,07). (t=1,59 ; ddl=25 ; p=0,12).

Enfin, nous pouvons voir que la moyenne du groupe 1 (Moyenne = 1,5) est significativement différente de celle du groupe 3 (Moyenne = 1,07). (t= 2,79 ; ddl=28 ; p=0,009). Les résultats tendent à montrer que les plus âgés ont significativement plus fait venir leur famille que les plus jeunes. Effectif : 18 sur 27, soit 66,67%

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Il existe donc un effet de l’âge d’arrivée sur le choix de faire venir la famille en France. Nous sommes en mesure de penser que de nombreux « jeunes », n’étant pas mariés à l’arrivée, se sont mariés en France, et n’ont donc pas eu à faire venir leur famille, contrairement aux plus âgés qui avaient déjà construit leur famille au pays.

b) Le statut matrimonial à l’arrivée : Nous avons coté les résultats de la façon suivante : les gens mariés sont coté 2, tandis que les célibataires sont cotés 1. Il existe une influence significative du statut matrimonial sur le choix de faire venir la famille en France. (ddl Effet = 1 ; MC Effet=2,57 ; ddl Erreur=41 ; MC Erreur=0,16, F=16,21 ; p=0,0002). Les mariés : 17 sur 21, soit 80,95%. Les célibataires : 15 sur 29, soit 44,82% Afin de vérifier l’hypothèse selon laquelle les célibataires ont moins fait venir leur famille que les gens mariés, nous effectuons un test t de Student. Le groupe des célibataires (Moyenne=1,5) obtient des résultats significativement différents du groupe des mariés (Moyenne=1,00). (t=4,03 ; ddl=41 ; p=0,0002).

Cela signifie que le groupe des célibataires a moins fait venir sa famille en France que le groupe des mariés, qui, venus en « célibataires », n’ont pas fait venir leur famille.

c) La Nationalité à l’arrivée : Il nous a semblé important, dans cette étude, de voir s’il existait un effet de la nationalité à l’arrivée, sur différentes variables. Nous avons choisi de coter cela de la façon suivante : - Français/algériens : 1 12 sujets : 3 sur 12 ont fait venir la famille, 25% - Algériens : 2 18 sujets : 9 sur 18 ″ ″ ″ 50% - Marocains : 3 15 sujets : 13 sur 15 ″ ″ ″ 86,67% - Tunisiens : 4 5 sujets : 5 sur 5 ″ ″ ″ 100% Nous émettons ici l’hypothèse que la nationalité à l’arrivée a eu une influence sur le choix de faire venir la famille en France. En effet, nous pensons que les Français/algériens ont moins fait venir leur famille que les autres.

L’analyse de variance nous montre qu’il existe un effet de la nationalité à l’arrivée sur la venue de la famille (ddl Effet = 3 ; MC Effet=0,85 ; ddl Erreur = 39 ; MC Erreur=0,17 ; F= 5,06 ; p=0,005). Effectif :

Les résultats tendent à montrer qu’il existe un effet de la nationalité à l’arrivée sur le choix de faire venir la famille. En outre, afin de répondre à notre hypothèse opérationnelle, nous pouvons effectuer un test t de Student, et ainsi constater quelles différences existent entre les différentes nationalités à l’arrivée. Les comparaisons deux à deux nous montrent qu’il n’y a pas de différence significative entre les français (Moyenne=1,67) et les algériens (Moyenne=1,40). (t=1,25 ; ddl=22 ; p=0,22).

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Aussi, il existe une différence significative entre les français (Moyenne = 1,67) et les marocains (Moyenne=1,07) (t=3,73 ; ddl=21 ; p=0,001), 13 sujets sur 15, soit 26,66%. Les résultats montrent enfin que les français/algériens (Moyenne=1,67) ont une moyenne significativement différente des tunisiens (Moyenne=1,00) (t=2,93 ; ddl=12 ; p=0,01). Effectif 17 sur 24, soit 70,23%. Nous poursuivons notre analyse, afin de comparer, toujours deux à deux, les Algériens avec les Marocains et Tunisiens : Les résultats tendent à montrer qu’il existe une différence significative entre les algériens (Moyenne= 1,40) et les marocains (Moyenne=1,07) (t=2,16 ; ddl=27 ; p=0,04). Aussi, la comparaison entre les algériens (Moyenne = 1,40) et les tunisiens (Moyenne = 1,00) nous montre qu’il n’existe pas de différence significative. (t=1,73 ; ddl=18 ; p=0,10). Enfin, la comparaison entre les marocains (Moyenne = 1,07) et les tunisiens (Moyenne = 1) nous montre qu’il n’existe pas de différence significative (t=0,59 ; ddl=17 ; p=0,56).

DISCUSSION Le choix de Faire venir sa famille s’explique par les faits suivants : Rester ensemble, vivre en famille, rompre l’isolement et la solitude, et enfin avoir une vie meilleure et harmonieuse. La satisfaction de la venue de la famille, pour l’immense majorité, 39 sujets, soit 78 % des sujets, traduit la nécessité de vivre ensemble et de pouvoir vivre une « vie normale » en France. En effet, il est tout à fait logique que ce soit le groupe des sujets mariés qui ait accompli cette tâche et non pas le groupe des célibataires. Ce sont en effet, les plus âgés et mariés qui ont fait venir leur famille. Cependant, les moins âgés et les célibataires se sont mariés en France et ils n’ont donc pas fait venir leur famille, car ils ont trouvé leurs femmes sur place, soit des françaises ou « des filles du Bled » comme ils disent. Ce sont les personnes qui ont fait venir leur famille qui trouvent « logique » de rester vivre en France. Rester en France, pour eux, ne représente aucunement une rupture mais une continuité « logique et normale ». Et vont, dans cette même logique, ceux qui ont fait venir leur famille. Il nous semble que l’ensemble des éléments réunis nous offre une idée du « changement » intervenu au cœur même de l’immigration. En effet, travailler, s’adapter, se loger, améliorer ses conditions de vie, incite davantage à rester vivre en France, d’autant plus que les avantages en France, sont relativement plus importants pour les enfants. Cette situation a contribué à l’obtention de la nationalité française, et qu’elle a précédé ou coïncidé avec le choix de rester vivre définitivement en France. Comme nous le verrons ultérieurement, ce fut un véritable changement.

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Néanmoins, on peut aussi ajouter un élément important concernant la femme et la famille. En effet, « la femme assure la continuité intergénérationnelle … »97selon ESTABLET, et la « structure familiale de même que la solidarité des liens familiaux peut constituer un rempart efficace contre les difficultés économiques, et protéger ses membres d’un goût du désespoir ».98 On peut donc aussi ajouter que la présence familiale peut donner un « sens social » à chacun.

97 R. ESTABLET et C. BAUDELOT : « DURKHEIM et le suicide », PUF, 1984, p.104 98 Id p.104

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III - LE CHOIX DE RESTER VIVRE EN FRANCE Voici les principales raisons, par ordre d’importance, évoquées par les retraités interrogés pour « rester vivre en France » :

A- la famille 33 sujets, (46,48%) B - le vécu personnel 17 sujets, (23,94%) C - pour la qualité de vie 14 sujets, (19,72%) D - pour la santé 5 sujets, (7,04%) E - absence de famille au pays 2 sujets, (2,82%)

Certains sujets ont donné plusieurs réponses. Nous avons obtenu, au total, 71 réponses. (Voir tableau n° 19 en annexe)

1 – POUR LA FAMILLE Pour plus de 33 sujets, soit 46,48%, la première catégorie, par ordre d’importance des retraités interrogés qui ont choisi de rester vivre en France, est justifiée par des raisons familiales : rester en famille a constitué la raison principale. La famille est vécue, ici, comme l’essence même de l’existence, pour une grande partie des retraités immigrés. Beaucoup affirment avoir choisi de rester vivre en France pour la famille et les enfants.

« Pour nos enfants, ils sont nés ici, pour mon domicile et mon travail » « Je reste pour ma femme et mes enfants jusqu’au cercueil » « Les enfants ont grandi, et ils ne veulent pas rentrer au Maroc, ils ont tous la nationalité française » « Ma femme et mes enfants sont ici, j’ai trois enfants mariés et un seul est célibataire » « Mes quatre enfants sont scolarisés ici, ils ne veulent pas rentrer au Bled »

La plus belle image nous a été donnée par un algérien : « J’ai planté l’arbre qui donne ses fruits et ne peux l’abandonner » « C’était trop compliqué de rentrer au pays parce que les enfants restent ici, je voulais rester près de mes enfants »

En effet, après avoir passé la plus grande partie de leur vie en France : leur jeunesse, les naissances de leurs enfants, leur famille représentent tout pour eux. D’autant plus que leurs

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enfants, bien souvent, ne souhaitent pas retourner au pays d’origine de leurs parents. Ils sont nés en France, ils y ont grandi et fait leurs études, ils ont trouvé un emploi et ont la nationalité française. Leur pays est devenu, dans les faits, la France. Pour eux, rester en France, vivre avec leurs femmes et leurs enfants, constituait une raison valable qui « légitime » largement leur présence d’une part, et ne constitue pas, pour eux en tous les cas, une rupture avec le pays d’origine . En effet, ceux qui sont restés pour la famille, en France, sont par ordre d’importance :

• Marocains : 12/16, (75%) • Tunisiens : 5/12, (45,46%) • Algériens : 10/29, (34,48%) • Français/algériens : 6/15, (33,34%)

Si rester vivre en France pour la famille constitue la première raison, pour la majorité de nos sujets, cela ne semble pas être le cas. Pour les immigrés en Allemagne, comme nous l’affirme Hermann BRAUDENBURG, professeur à l’Ecole Supérieure Catholique de Freiburg, ainsi : « la situation familiale constitue la deuxième raison qui motive la décision de rester vivre en Allemagne » 99 Rester pour des raisons de santé semble constituer la première raison de rester vivre en Allemagne. Ce n’est pas le cas de nos sujets. Ces derniers, comme nous le verrons, évoquent la santé en dernier lieu.

Figure 13 : la famille représente le choix logique de rester vivre en France : répartition par nationalité à

l’arrivée

99 Hermann BRAUDENBURG - Vieillir à l’étranger, in Revue Migration Santé 1997, p.63

66,67%

25%

8,33%

77,78%

11,11%11,11%

100%

0% 0%

100%

0% 0%

Franç ais A lgériens M aroc ains Tunis iens

C hoix log ique de re ste r e n France : ré partition par nationalité à l'arriv é e

Oui

Non

Ne répondent pas

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le choix de rester vivre en France et variables associées:

Concernant la catégorie « Rester car ils n’ont plus de famille au pays », seulement 2 personnes ont donné une réponse allant dans ce sens. Les réponses de cette catégorie étant trop peu élevées, nous ne pourrons donc traiter ces résultats. Nous pouvons, dans un premier temps, tenter de voir quels facteurs ont influencé les réponses pour chaque catégorie. Nous commençons donc par analyser la catégorie « Rester pour la famille » Rester pour la famille : Nous avons coté les réponses allant dans ce sens par 1. Pour les autres, le score est coté 0. 1) La Naturalisation : Les résultats tendent à montrer qu’avoir pris la nationalité française n’a pas influencé le choix d’être resté vivre en France pour la famille. (ddl effet = 1 ; MC Effet=0,022 ; ddl Erreur=48 ; MC Erreur=0,23 ; F=0,09 ; p=0,76) 19 personnes naturalisées sur 28 sont restées en France pour la famille, soit 67,86%. (Naturalisées : Moyenne = 0,68 ; non naturalisées, Moyenne = 0,64) 2) La venue de la famille : Les résultats de l’analyse nous montrent qu’il existe un effet de la venue de la famille sur le choix de rester vivre en France pour celle-ci. (dll effet = 1 ; MC Effet=1,32 ; ddl Erreur = 41 ; MC Erreur=0,20 ; F=6,43 ; p=0,015). 23 sujets sur 30, soit 76,67% Le test t de Student nous montre que les personne dont la famille est venue en France (Moyenne = 0,77) ont plus fait le choix de rester vivre en France pour la famille que les personnes qui n’ont pas fait venir leur famille (Moyenne=0,38) (t=2,53 ; ddl=41 ; p=0,015). 3) Le changement de vie suite à la naturalisation : L’analyse de variance nous montre qu’il existe une influence du changement de vie induit par la naturalisation sur le choix de rester vivre en France pour la famille (ddl effet=1 ; MC Effet=0,98 ; ddl Erreur=31 ; MC Erreur=0,19 ; F= 5,10 ; p=0,03). Effectif : 14 sujets sur 16, soit 87,5%. Il existe bien un effet du changement de vie ressenti suite à la naturalisation sur le fait de rester vivre en France pour la famille. Le test t de Student nous indique que les personnes ayant ressenti un changement dans leur vie suite à la naturalisation (Moyenne= 0,875) sont plus restées vivre en France pour leur famille que les autres (Moyenne=0,53). (t=2,26 ; ddl=31 ; p=0,031). 5) Le retour au pays pendant la vie active : L’analyse de variance confirme que plus les sujets rentrent au pays d’origine, plus ils ont tendance à choisir de rester vivre en France : Moyenne groupe 1 fois/an = 0,77 ; groupe 1fois tous les 2 ans = 0,65 ; groupe « autre » (- d’1 fois tous les 2 ans). (ddl Effet=2 ; MC Effet=0,60 ; ddl Erreur=45 ; MC Erreur=0,17 ; F=3,56 ; p=0,013). Effectif : 20 sujets sur 26, soit 76,92%

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2 – LE VECU PERSONNEL et autres raisons Il arrive que, lors de leurs passages au village, les immigrés soient très critiques vis-à-vis de leur société d’origine, surtout rurale. Ils lui reprochent la corruption, l’arbitraire, le mauvais état sanitaire et social (ils ont souvent développé en France de nouvelles relations au corps et aux soins). Ils sont souvent les premiers surpris de réaliser à quel point ils ont changé.100 Les personnes interrogées, 17 sujets soit plus de 24%, nous ont donné des réponses « autres », que nous pouvons qualifier de « vécu personnel ». La raison du : pourquoi avoir choisi de rester vivre en France, dans la catégorie « Autres » touche tout particulièrement les français/algériens et les algériens (voir tableau n°19). Celle-ci ne semble pas évidente. Pourtant elle est liée au vécu personnel tel qu’il est exprimé par certains :

« Après l’indépendance de la Tunisie, mon père, français, m’a ramené en France avec toute la famille » (tunisien) » « L’Algérie, c’est pas bien, il n’y a plus de confiance » (algérien) » « Je n’ai plus de famille là-bas » (algérien) » « C’est un miracle, quand j’étais petit, je disais que j’allais vivre en France, et quand j’ai grandi, j’ai travaillé au Maroc avec un patron français. Je rêvais de venir en France. Le Maroc était sous protectorat français. Après l’indépendance, mon patron (Mr Blondet) est parti pour la France. Ensuite j’ai écrit à mon ancien patron, en France, pour lui demander s’il avait du travail pour moi. J’ai attendu et reçu la réponse pour venir travailler en France, Pourtant personne ne m’a encouragé à quitter le Maroc » (marocain) »

Pour d’autres :

« Je me sentais dépassé par l’évolution de mon pays d’origine. Je suis toujours resté immigré, eux ils ont avancé : école, habitat, médecine »

L’un des sujets affirme : « je suis resté en France pour mes parents, pour leur envoyer de l’argent ». Il est conforté par un autre disant : « là-bas, il n’y avait pas de travail c’était la misère » Donc le lien nourricier a une importance capitale. Car cette décision semble plus ancienne que récente. L’engagement moral vis-à-vis de la famille l’emporte et maintient les liens. Il y a aussi des éléments politiques, historiques comme l’affirme le sujet (16) :

100 A. SAYAD « les trois âges de l’immigration » in Actes de la recherche en sciences sociales, 1977

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« Je suis resté en France car il y avait des risques après la guerre (en Algérie). Je travaillais en France et j’avais l’habitude ».

Donc la recherche de stabilité est aussi un facteur important, un autre sujet l’affirme : « ici, c’est la paix ». Cette recherche de stabilité est conjuguée parfois avec des éléments de « réussite sociale », comme l’affirme le sujet (35): « j’ai construit une maison et créé un commerce qui marche bien ». Le plus surprenant dans ces témoignages, est le suivant :

« Je n’ai pas fait un plan dans ma tête, mes enfant ont fait des études en France. A la retraite depuis un an, je n’ai pas encore décidé de rester ou de partir »

Il est tout à fait vraisemblable que cette personne reste en France, mais le plus significatif est le début de sa phrase : « je n’ai pas fait de plan dans ma tête » cela veut dire qu’il n’avait pas planifié sa vie. La vie et ses aléas lui ont dicté sa conduite, comme bien d’autres comme lui. Il n’est pas resté en France ou parti, par un calcul stratégique, mais sa situation personnelle évoluait en fonction de l’évolution générale de la société, ici et là-bas. C’est ce qu’on peut appeler ici : « le Mektoub » (ce qui était déjà «écrit »). Nous pensons, que la réalité a dicté, souvent, la conduite de certains retraités immigrés et ils n’ont pas toujours été maîtres du choix ou de leur destinée. Ce qui confirme notre analyse, ce sont les propos du sujet (28)

« Moi je suis resté pour gagner petit, l’habitude de vie (les enfants, la famille), je me suis oublié, je n’avais pas le temps pour réfléchir »

Ce constat accablant nous invite à une réflexion encore plus approfondie. En effet, la majorité des sujets interrogés nous ont confié qu’ils ont beaucoup travaillé, de 10 à 12 heures par jour, de 50 à 60 heures par semaines, ils avaient peu de temps de repos le week-end. Ils faisaient beaucoup de trajets (aller et retour) entre leur lieu d’habitation et le lieu de travail. Cela représentait pour plusieurs d’entre eux, de 12 à 30 Kms par jour. Lorsqu’ils rentraient, ils étaient tellement fatigués qu’ils se couchaient tout de suite après le dîner. Le but principal pour lequel ils étaient venus : travailler, gagner de l’argent, en envoyer une grande partie au pays. Ils étaient complètement absorbés par « cette mission nourricière », suivie par celle de nourrir la famille et les enfants auxquels s’ajoutent les parents. C’était presque « sacré ». Le lien nourricier avec le pays d’origine, la recherche de stabilité, sans aucun calcul stratégique, renforcés avec la croyance au Mektoub, sans une réelle emprise sur leur propre destin ou parcours et sans planification, ces éléments réunis constituent l’un des facteurs déterminants permettant la compréhension de rester vivre en France, comme si le destin était « inscrit là ».

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Parmi ces éléments, la famille semble guider, en partie, leur façon de décider de vivre en France, sans un réel retour au pays d’origine. « Je reste pour ma femme et mes enfants, jusqu’au cercueil » (sujet 12).

Vécu personnel et variables associées :

a) Le groupe d’arrivée : Nous pensons que le groupe d’arrivée 1 (c’est à dire celui qui est arrivé avant 1959) est resté plus pour d’autres raisons (vécu personnel). L’analyse de variance confirme cette idée (ddl effet=3 ; MC Effet=0,68 ; ddl Erreur=46 ; MC Erreur=0,20 ; F=3,39 ; p=0,025). Effectif : 7 sujets sur 12, soit 58,33% Le test « t » de student nous montre qu’il existe une différence significative entre le groupe d’arrivée 1 (Moyenne = 0,42) et le groupe d’arrivée 3 (Moyenne = 0) (t=2,80 ; ddl=22 ; p=0,01). Ainsi, il existe une différence entre le groupe 2 (Moyenne = 0,46) et le groupe 3 (Moyenne= 0) (t=3,12 ; ddl=36 ; p=0,003).

b) La nationalité à l’arrivée : Il existe un effet de la nationalité à l’arrivée sur les réponses « Autres ». (ddl Effet=3 ; MC Effet=0,71 ; ddl Erreur=46 ; MC Erreur=0,20 ; F=3,58 ; p=0.02) Pour les algériens, 10 sur 18, soit 55,55% et pour les français/algériens, 5 sur 12, soit 41,67%. Le test t de Student nous montre clairement que les Français/algériens et Algériens sont les deux groupes ayant les plus donné de réponses « autres ». Lorsque l’on compare les résultats deux à deux, nous voyons que :

- Il n’existe pas de différence entre français/algériens (Moyenne= 0,42) et algériens

(Moyenne= 0,55) (t=0,73 ; ddl=28 ; p=0,47). Les marocains, 1 sur 15, soit 6,67%. Les tunisiens, 1 sur 5, soit 20%

- Il existe une différence entre français/algériens (Moyenne= 0,42) et marocains (Moyenne=0,067) (t=2,30 ; ddl=25 ; p=0,030)

- Il n’existe pas de différence significative entre français/algériens (Moyenne = 0,42) et tunisiens (Moyenne=0,20) (t=0,82 ; ddl15 ; p=0,43)

- Il existe une différence entre algériens (Moyenne= 0,56) et marocains (Moyenne = 0,067) (t=3,36 ; ddl=31 ; p=0,002)

- Il n’existe pas de différence significative entre algériens (Moyenne=0,56) et tunisiens (Moyenne = 0,20) (t=1,41 ; ddl=21 ; p=0,17)

- Il n’existe pas de différence significative entre Marocains (Moyenne=0,066) et tunisiens (Moyenne = 0,20) (t=0,83 ; ddl=18 ; p=0,42)

c) Savoir lire le français : Les personnes sachant lire le français (Moyenne : 0,56) sont plus restées en France pour d’autres raisons que les autres (Moyenne = 0,24). L’analyse de variance confirme cette hypothèse pour la lecture du français. (ddl effet= 1 ; MC Effet=1,16 ; ddl Erreur=48 ; MC Erreur=0,21 ; F=5,56 ; p=0,022). Effectif : 9 sur 17 sujets, soit 52,94%

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d) Le retour au pays durant la vie active : Les personnes restées vivre en France pour des raisons de vécu personnel, sont celles qui sont rentrées le moins au pays durant la vie active. (ddl effet= 2 ; MC Effet=16,58 ; ddl Erreur=48 ; MC Erreur=1,44 ; F 11,52 ; P=0,0013) Effectif : 12 sur 20, soit 60%. Groupe « 1 fois/an », Moyenne = 0,05 ; groupe « 1 fois tous les 2 ans » Moyenne = 0,15 ; groupe « + de 2 ans » Moyenne = 0,37.

e)Le logement au pays : Les personnes possédant un logement au pays (Moyenne = 0,22) sont moins restées en France pour le vécu personnel que les autres (Moyenne = 0,62). Il existe donc un effet du logement au pays sur les réponses « vécu personnel », comme le montrent les résultats de l’analyse de variance : (ddl effet=1 ; MC Effet=1,12 ;ddl Erreur=45 ; MC Erreur=0,20 ; F=5,57 ; p=0,022). Les personnes du groupe 3 et 4, sont rentrées moins que les autres (20 personnes). Il s’agit des groupes par rapport à la fréquence du retour au pays durant la vie active. Effectif : 8 sujets sur 17 ayant un logement ou non, soit 47,06%

DISCUSSION On peut penser que ce sont surtout les algériens et les français/algériens qui sont touchés par le vécu personnel, en fait ce sont les groupes d’arrivée les plus touchés. Ce sont les groupes 1 et 2 dont l’arrivée se situe avant 1959 et durant les années 60. Ceux, ayant un logement au pays, sont moins restés en France pour des raisons de vécu personnel. Cependant, ceux qui rentraient moins souvent, soit une fois tous les deux ans, sont restés pour des raisons de vécu personnel. On peut dire que ce sont les algériens et les français/algériens qui sont restés pour des raisons de vécu personnel. Ils correspondent tout à fait aux groupes d’arrivée avant 1959 et aux années 60. On peut penser que les raisons dues aux difficultés durant la guerre d’Algérie et ses conséquences ont contribué (entre autre) à ce que les personnes interrogées restent en France. Il est vrai que cette période troublée des années 50 et 60, n’a pas été facile à vivre par les sujets. D’autre part, le vécu personnel ou l’histoire personnelle de chaque sujet a été particulière. Il semble que l’adaptation progressive, la famille, le confort de vie en France, quelquefois la réussite des enfants, et la volonté de ces derniers et de leur mère, représentent un ensemble cohérent, modifiant l’attitude par rapport à un projet initial de retour au pays, et que cela favorise tout particulièrement la décision de rester vivre en France pour les retraités immigrés interrogés. Le fort « lien nourricier » avec la famille là-bas, l’attachement affectif familial et la famille initiale, et élargie, semble progressivement s’estomper au travers du temps, mais non interrompu.

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Ces liens affaiblis, comparés d’un côté à une adaptation progressive et de l’autre côté à l’investissement affectif, très fort dans la vie et l’attachement à la France, sont étroitement liés, pour expliquer les raisons de vivre définitivement en France. Ainsi, on peut comprendre que la grande majorité des sujets considèrent que le fait de décider de vivre en France est une continuité logique et non pas une rupture avec leur vécu ou leur vie dans le pays d’origine. En revanche, il n’y a que 10 % qui considèrent que le fait de rester en France ne constitue pas une continuité normale ou logique. L’explication est la suivante : « Je suis resté à cause de problèmes de santé » le sujet avait eu un accident de travail qui avait causé de sérieux problèmes au dos. Un autre sujet affirme : « depuis que je suis retraité, je suis à contrecœur en France, pour les soins de santé ». Un tunisien affirme également : « si je n’avais pas eu mon accident de travail, mon handicap, je serais déjà de retour au pays ». Un témoignage assez significatif, nous touche tout particulièrement : « quand tu rentres chez toi, au bout de 40 ans, tu sens que tu as changé ». Ce témoignage, en effet, nous conforte dans l’idée qu’il y a un réel changement qui n’est pas étranger au fait de rester vivre en France. Il y a aussi ceux qui savent lire le français, qui se démarquent des autres. Ils sont restés vivre en France pour d’autres raisons que celles du vécu personnel. Ce qui a aussi influencé les raisons du choix de rester vivre en France, pour ceux qui évoquent le vécu personnel, est dû aux allers et retours au pays d’origine, effectués régulièrement par certains, durant leur vie active. Parmi ces personnes, il y a aussi ceux qui ont un logement au pays d’origine. Ceux-là sont restés vivre en France, plus que d’autres, pour des raisons de vécu personnel. Rester en France, pour ces retraités, représente une continuité normale de leur parcours et non comme une « deuxième rupture » avec le pays d’origine. « La première rupture », selon Abdelmalek SAYAD, se produit lorsque l’immigré quitte son pays pour la première fois, et lorsqu’il reste vivre définitivement, cela représente une deuxième rupture. Ce que confirment les retraités immigrés est tout à fait le contraire de l’idée qu’Abdelmalek SAYAD a développé, il y a une vingtaine d’années. (voir réf. Retraite illégitime) Cependant, on peut aussi constater une chose importante, voire essentielle : les retraités immigrés ont quitté leur pays il y a 40 ou 50 ans, à cette époque, leur pays était encore un pays agraire (à mode de production agraire), où prédominaient les valeurs familiales (familles élargies et tribales), ce mode de production imposait une certaine façon de vivre : le respect du chef de clan, de famille, voire de la tribu. Dans un tel contexte les valeurs traditionnelles, voire religieuses prédominaient aussi (ici nous faisons une différence entre les deux valeurs car les valeurs traditionnelles datent souvent d’avant l’Islam et ont pu coexister avec la religion et inversement). Le fait de vivre en France si longtemps – 40 ans en moyenne - à l’abri des pressions des traditions, de la

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religion, et surtout de la famille élargie (oncles, cousin, grands parents etc. …) a probablement et progressivement libéré nos sujets des contraintes dues à ces facteurs très pesants, dans les conduites et les comportements. Nous pensons que, là aussi, réside un grand facteur de l’adaptation. Celle-ci se fait aussi de renoncements à certaines idées. Elle libère, également, des pressions, car décider de privilégier sa famille nucléaire sans l’avis de la communauté (famille élargie, traditions, religion..) est un fait relativement nouveau. Car au pays d’origine, encore de nos jours, toute décision familiale, même concernant sa petite famille (nucléaire), se prend collectivement avec la famille élargie, tout particulièrement dans les milieux populaires. Or, en France, nos sujets se sont trouvés seuls face à un défi : rentrer au pays d’origine ou rester. Ce dernier l’a emporté, car les femmes et les enfants, sur ce point, ont emporté une « victoire ». L’évolution de la famille a progressivement, parfois à l’insu des intéressés, mis le projet de retour au pays au second plan, voire l’a minimisé. Rester vivre en France est une décision importante, et qui n’a pas été prise à la légère. Elle signifie, ou bien elle est un signe, de changement d’attitude par rapport à la famille. Celle-ci prime avant tout. Elle détermine même la décision. Un homme qui se plie ou accepte une telle décision représente au moins un signe de changement. Le choix de faire venir sa famille et de rester vivre définitivement en France, ou vivre avec sa famille nucléaire, loin des pressions de la famille élargie et des décisions collectives ou communautaires, représente un nouveau mode de vie d’un couple, sans l’ingérence de la famille élargie, une rupture avec l’ancien mode de vie de famille et ses décisions. C’est acquérir une indépendance plus personnelle du couple et une liberté plus individuelle. Si changement il y a, celui-ci a dû se réaliser de façon progressive et sans heurt avec la famille élargie. Celle-ci étant géographiquement éloignée du pays d’origine, cela facilite le passage vers la décision individuelle et le choix autonome et indépendant. Ce changement a, également, permis d’adopter un mode de vie différent et d’adopter aussi des idées nouvelles (modernes ou proches de la modernité), et des valeurs nouvelles. Cet ensemble a produit une attitude nouvelle qui, pour certains, a progressivement contribué à préparer le terrain vers une identité différente. Maintenant, ce qui importe c’est l’intérêt de la famille « nucléaire » et les enfants, et non plus la famille élargie. C’est la première et non la seconde qui représente et incarne la continuité logique et normale de vivre en France.

3 – LA QUALITE DE LA VIE EN FRANCE ET SE SENTIR CHE Z SOI 14 réponses, soit 19,72% (voir tableau n° 20 en annexe) des sujets affirment qu’ils ont choisi de rester vivre en France pour les raisons suivantes :

« Je me sens chez moi, en Touraine » « Je suis resté pour le confort de vie »

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« Le confort de vie, ici, c’est bien pour ma famille » « Je suis resté par habitude » « Ici, je suis chez moi »

En effet, nombreux sont les témoignages allant dans le sens du choix de vivre en France pour des raisons de confort, des habitudes de vie ; vivre en France, après tant d’années semble, pour eux, au bout de 40, voire 50 ans, comme une continuité logique, d’autant plus que pour la majorité d’entre eux, les enfants sont nés en France, ou venus tout petits, ou tout jeunes. Progressivement depuis l’arrivée on évolue, on change, on investit affectivement les lieux, on s’attache à sa région et même certains s’y identifient. Il y a, en effet, une importante adaptation qui est réelle. Elle correspond aussi à un attachement familial. La famille qui s’est adaptée, les enfants nés en France, ils y ont fait des études, ils y travaillent, il y a un confort de vie assez important. Il y a aussi des habitudes de vie. Il y a un ensemble d’éléments qui concordent pour en arriver là. De plus les liens avec le pays d’origine ont été progressivement distanciés : ils n’ont plus de famille ni d’amis, pas d’attaches affectives ni amicales Ceux qui sont les plus sensibles à la qualité de vie et se sentent bien chez eux, ce sont par ordre d’importance et par nationalité : les algériens, les tunisiens ; suivis par les marocains et les français/algériens. Rester vivre en France semble comme une continuité « normale », en fait « logique », dans l’ordre des choses. En tout cas cette continuité trouve une explication plausible assez cohérente. On remarque que ceux qui déclarent n’avoir plus personne de proche au pays d’origine représentent presque 3 % de l’ensemble des sujets.

Rester pour la qualité de vie et aspects associes : 1) La famille : Les personnes restées vivre en France pour leur famille sont aussi restées pour la qualité de vie. Les résultats confirment notre hypothèse. (ddl effet=1 ; MC Effet=0,93 ; ddl Erreur=48 ; MC Erreur=0,19 ; F=4,91 ; p=0,03) Effectif : 6 sur 14 sont restés en France pour la qualité de vie et pour leur famille, soit 42,26%. 8 sur 14, soit 7,14%, sont restés uniquement pour la qualité de la vie. Rester pour la famille, Moyenne = 0,47 ; ne pas rester pour la famille Moyenne = 0,18 2) Pour la santé 5 sujets représentant plus de 7 % de l’ensemble des sujets : rester en France a été choisi pour des raisons de santé :

« Je suis resté à cause de problèmes de santé » « J’ai eu un accident de travail, je n’ai pas le choix » « Pour les soins en France, c’est mieux »

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En effet, les retraités immigrés, indépendamment de leur nationalité d’origine, sont très peu nombreux à avoir opté pour rester vivre en France à cause des problèmes de santé. S’ils représentent 7 %, ils n’évoquent pas uniquement cette raison.

« J’ai eu un accident de travail, je n’ai pas eu le choix »,

Ce qui nous conduit à dire que la raison de la santé est importante et déterminante, pour certaines personnes uniquement parmi ceux que nous avons rencontrés, qui sont une minorité. 3) Choix logique de rester vivre en France : Nous faisons l’hypothèse que plus le choix de rester vivre en France correspond à une logique (et non une rupture dans la vie de la personne), moins les personnes auront fait le choix de rester vivre en France pour la santé. Les résultats de l’analyse de variance confirment cette hypothèse (ddl effet=1 ; MC Effet=0,48 ; ddl Erreur=45 ; MC Erreur=0,088 ; F=5,44 ; p=0,02). Effectif : 5 sujets sont restés pour la santé. 2 sur 5 considèrent que c’est un choix logique, soit 40%.

Afin de vérifier en quoi les moyennes des deux groupes diffèrent, nous faisons un test t de Student : Il existe donc une différence significative des moyennes des deux groupes. En effet, les personnes, pour qui rester en France est un choix logique (Moyenne = 0,0714), ont une moyenne significativement différente de ceux pour qui vivre en France n’est pas un choix logique (Moyenne= 0,40), (t=2,33 ; dll=45 ; p=0,02). Ce résultat confirme notre hypothèse selon laquelle plus le choix de rester vivre en France est logique, moins cela est dû à la santé.

4) La satisfaction de la venue de la famille : Nous pensons que la satisfaction de la venue de la famille a un impact sur le choix de rester vivre en France pour la santé, dans le sens où plus les gens ont été satisfait de la venue de leur famille, moins ils sont restés vivre en France pour la santé. L’analyse de variance confirme cette hypothèse (dll effet=1 ; MC Effet=1,62 ; dll Erreur=39 ; MC Erreur=0,07 ; F=22,83 ; p=0,00002). Effectif : 39 sujets sont satisfaits de la venue de la famille. 36 sur 39 ne sont pas restés pour des raisons de santé, soit 92,31%. Il y a donc un effet de la satisfaction de la venue de la famille sur le choix de rester vivre en France pour la santé. Le test t de Student nous permet de voir que les personnes satisfaites de la venue de leur famille (Moyenne = 0,77) sont moins restées en France pour la santé que les autres (Moyenne=1) (t=4,77 ; ddl=39 ; p=0,00002).

DISCUSSION Ce que nous pouvons affirmer, c’est que le choix de rester vivre en France n’est pas dû à un seul et unique facteur, mais à plusieurs facteurs combinés, tels que la famille, les enfants, la santé et le décalage avec le pays d’origine.

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Rester pour la santé c’est une tendance Ceux qui sont restés en France pour la santé, sont restés malgré eux (selon eux) car ceux-là sont ceux qui n’ont pas eu de changement d’idée. S’ils avaient eu d’autres choix ou possibilités d’avoir des soins au pays, ils ne seraient pas restés. Ainsi le choix de rester en France n’est ni logique ni normal. Ceux qui évoquent le droit de rester en France pour la famille, évoquent aussi la qualité de vie et l’habitude. En effet, ceux qui rentrent au pays deux fois par an, sont plus nombreux à rester en France pour la qualité de la vie. Le fait, pour eux, de rentrer au pays deux fois par an, leur ont fait constater de grandes différences entre la vie en France et celle du pays d’origine, au niveau du système de sécurité sociale, des écoles, de la sécurité, de l’avenir des enfants etc. .. et ils ont opté en toute connaissance de cause pour rester vivre en France. Le fait de choisir de rester vivre en France ne les empêche en aucun cas d’y retourner, mais juste pour les vacances.

4 - POUR LES CONDITIONS DE VIE, LES LOIS ET LE SYSTEME SOCIAL Lorsqu’on demande aux retraités de citer ce qu’ils aiment le plus en France, 33 réponses sur 50, soit 66% mentionnent les conditions de vie et le système social. Voici leurs citations :

« La vie tranquille et la liberté » « La nature est clémente » « La paix et la tranquillité » « Les habitudes de vie » « Ce qui est bien en France, c’est la médecine et les médicaments » « Les lois et les soins » « Les soins quand on est à la retraite » « La vie est agréable » « Ici on est bien » « La beauté en France » « La mentalité » « La vie, la santé, la vie ici est plus paisible » « La France a permis la réussite des enfants » « Les aides pour les handicapés » « L’organisation »

Conditions de vie, système social et variables associées 1. Le groupe d’âge actuel Dl effet = 1 ; MC effet = 0,98 ; dl erreur = 48 ; MC erreur = 0,21 ; F = 4,61 ; P = 0,037.

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Les personnes les plus jeunes (groupe 1, Moyenne = 0,82) sont celles qui donnent le plus de réponses à ce thème que les autres (groupe 2 Moyenne = 0,53). Effectif 18 personnes sur 22, soit 81,81%) 2. Avoir des amis français Dl effet = 1 ; MC effet = 2,11 ; dl erreur = 48 ; MC erreur = 0,19 ; F = 11,15 ; P = 0,0016 Effectif : 27 sur 30, soit 90%. Les personnes interrogées ayant des amis français (Moyenne = 0,77) répondent plus que les autres (Moyenne = 0,27) à ce thème.

DISCUSSION Nos sujets ont compris que « vivre mieux », « vivre vieux » et en bonne santé, « vivre tranquille et en paix » est mieux assuré en France que dans leur pays d’origine. Vivre mieux pour eux, leur famille et leurs enfants et petits enfants, la qualité de vie est nettement supérieur. Celle-ci est liée aussi au système de soin, souvent cité par nos sujets : s’assurer aussi de l’avenir et des conditions de vie de la génération future (enfants et petits enfants) semble aussi l’emporter sur le projet initial de retour définitif au pays. Cependant, l’analyse de variance et le test de Student nous montrent que le choix ou la décision de rester vivre définitivement en France a été influencé essentiellement par les éléments suivants :

1 – Le statut matrimonial et la venue de la famille la venue de la famille et la satisfaction qui en découle, ont eu un effet significatif sur la décision de rester vivre en France.

2 – La naturalisation et changement qui a suivi Le fait d’avoir la nationalité française en soi n’a pas influencé de façon significative la décision de rester vivre en France. Cependant le groupe ayant le sentiment de changement de vie, suite à l’obtention de la nationalité française, est plus resté en France pour la famille que ceux qui n’ont pas ressenti un changement de vie suite à leur naturalisation. La naturalisation est un élément qui a beaucoup contribué à cette décision d’une part, et a donné d’autre part plus de légitimité pour y rester. En effet, l’intérêt de la famille, des enfants et leur avenir l’ont emporté sur la décision initiale de retourner au pays d’origine. De fait, pour la majorité des sujets, rester vivre en France est une continuité logique voire « normale » de ce qui a précédé.

3 – Le retour régulier au pays Le fait de retourner régulièrement au pays d’origine a eu un effet significatif sur la décision de rester vivre en France pour la qualité de vie.

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Le fait de retourner souvent, une à deux fois par an au pays d’origine, a facilité la « décision du couple » car en visitant le pays d’origine et en faisant l’état des lieux, notamment par rapport à la sécurité, la tranquillité, l’éducation, l’avenir des enfants, nos sujets ont vite fait la comparaison avec ce qu’ils vivent en France. Ce qui a contribué à leur décision de rester définitivement en France.

4 – Rester en France est une continuité logique Plus le choix de rester vivre en France est une continuité logique, moins cela est dû à des problèmes de santé. Dans « la mal vie », Tony Lainé et Daniel Karlin 101se posent la question « pourquoi ne sont-ils pas retournés dans leur famille, dans leur patrie ? » L’histoire qui les a fait venir, et même rester si longtemps, ne rend pas compte des raisons pour lesquelles tant d’entre eux ne sont plus capables de décider de repartir. Malheureusement les deux auteurs n’ont pas donné de réponses à ces questions, car nous pensons qu’ils ont vu très peu d’immigrés, à partir desquels ils ont élaboré toute une théorie sur l’aliénation et l’exploitation des ces immigrés à Marseille. Ainsi nous espérons donner, au moins, un début de réponse à ces questions.

5 – La santé Le choix de rester en France, n’est pas dû essentiellement à des problèmes de santé des sujets. Plus les sujets sont satisfaits de la venue de la famille, moins ils sont restés pour des raisons de santé. Cela suppose que la majorité des sujets interrogés n’a pas de sérieux problèmes de santé.

6 – Le vécu personnel et la nationalité à l’arrivée Le fait de savoir lire le français a influencé les réponses concernant le vécu personnel, exprimant une attitude critique, voire virulente vis-à-vis du pays d’origine. En effet, l’ensemble de ces éléments a contribué à permettre à nos sujets de « prendre » une décision essentielle et déterminante, qui s’inscrit dans une suite logique de continuité du vécu précédent. L’ensemble de ces éléments réunis, constitue aussi « un socle » fondateur du changement dans leur vision et dans leur propre attitude.

101 Tahar BEN DJELLOUN, « La mal vie » de Daniel KARLIN, Tony LAINE, Ed. Sociale, 1978, p. 11

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IV - RESTER VIVRE EN FRANCE EST UNE CONTINUITE LOGIQUE Voici comment nos sujets jugent le choix de rester vivre en France, comme un choix logique ou bien une continuité « logique », voire « normale » :

• 42 sujets sur 50, soit 84%, jugent que le choix de rester vivre en France est une logique normale.

• 5 sujets, soit 10%, ne le considèrent pas ainsi (voir tableau n° 21 en annexe). Les réponses de nos sujets semblent confirmer l’idée que vivre en France est une continuité logique. Ces réponses sont plus nuancées, voire un peu différentes lorsqu’il s’agit de la nationalité. Vivre en France « est une continuité logique », varie selon la nationalité à l’arrivée. Ainsi :

• 15 marocains soit 100% le jugent ainsi • 5 tunisiens soit 100% ″ ″ • 14 algériens soit 77,78% ″ ″ • 8 français/algériens soit 66,67% ″ ″ • 8 sujets ne répondent pas

(Voir tableau n° 22 en annexe) Les français /algériens et les algériens sentent moins que les marocains et les tunisiens, que vivre en France, constitue une suite logique.

Vivre en France est une continuité logique et variables associées: a) Rester en France pour des raisons de santé : Les personnes restées en France pour des raisons de santé (Moyenne = 1,40) ont moins le sentiment que vivre en France est une continuité logique que les autres (Moyene = 1,07). (dl effet=1 ; MC Effet=0,48 ; dl Erreur=45 ; MC Erreur=0,088 ; F=5,45 ; p=0,024) (N= 3 personnes sur 5, soit 60%) b) La venue de la famille et la satisfaction par rapport à ce choix : La venue de la famille influence le sentiment de continuité, dans le sens où les personnes ayant fait venir leur famille ont plus le sentiment que les autres ( Moyenne = 1,25), que vivre en France est une continuité logique ( Moyenne = 1,03). (dl effet=1 ; MC Effet=0,39 ; dl Erreur=39 ; MC Erreur=0,082 ; F=4,78 ; p=0,035) (N=28 personnes sur 30, soit 93,33%)

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Aussi, la satisfaction de la venue de la famillepersonnes satisfaites de ce choix ont plusest une continuité logique que les autres (Moyenne = 2)(dl effet=1 ; MC Effet=1,70 ; dl Erreur=38(N=36 personnes sur 39, soit 92,31%)

Figure

Figure 15 – Choix logique de reste en France

Non10%

Choix logique de rester en France

Français Algériens

66,67%77,78%

25%

8,33%

Choix logique de rester en France : répartition

satisfaction de la venue de la famille influence le sentiment de continuité, les es satisfaites de ce choix ont plus le sentiment (Moyenne = 1,05) que vivre en France

que les autres (Moyenne = 2). ; dl Erreur=38 ; MC Erreur=0,050 ; F=34,2 ; p=0,00001)

(N=36 personnes sur 39, soit 92,31%)

Figure 14 – Choix logique de rester en France

Choix logique de reste en France : répartition par nationalité

Oui84%

Ne répondent pas6%

Choix logique de rester en France

Algériens Marocains Tunisiens

77,78%

100% 100%

11,11%

0% 0%

11,11%0%

0%

Choix logique de rester en France : répartition par nationalité à l'arrivée

Oui

Non

Ne répondent pas

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influence le sentiment de continuité, les que vivre en France

; p=0,00001)

: répartition par nationalité

Ne répondent pas

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DISCUSSION En tout état de cause, le fait principal est que l’écrasante majorité des sujets, toutes nationalités confondues, estiment que vivre en France constitue, pour tous, une continuité logique voire normale. Ce fait mérite que l’on s’attarde un peu sur la situation. Comment et pourquoi est-on arrivé à une telle situation ? Comment peut-on expliquer le changement ? Car au départ, la majorité de nos sujets ont pensé ou cru que le retour définitif au pays d’origine était inéluctable. L’une des preuves de notre enquête, est que nos sujets, en majorité, nous ont confié qu’ils avaient fait construire ou acheté une maison au pays d’origine, dans l’espoir du retour. Mais cela ne s’est pas réalisé comme ils le pensaient. En effet, c’est en suivant la situation, depuis l’arrivée en France, aux années 50, 60, 70, et durant trois ou quatre décennies, qu’on découvre qu’il s’est passé quelque chose qui a bouleversé les données de départ. Les données en notre possession, nous permettent d’avancer les éléments suivants : L’arrivée en France et l’adaptation au nouveau mode de vie, le fait de faire venir sa famille et la satisfaction qui en découle en termes d’une vie meilleure, l’amélioration des conditions de vie, la naissance des enfants et leurs études en France, la communication avec le monde extérieur (la société), l’imprégnation progressive de ce mode de vie (à la française), et enfin l’acquisition de nouvelles valeurs, comme nous le verrons ultérieurement, l’ensemble de ces données constitue un élément déterminant, qui a contribué à la création d’une sorte d’installation en France, sans pour autant rompre avec le pays d’origine. Progressivement, il y a eu émergence et construction d’une vie différente et nouvelle. Cette construction s’est élaborée doucement, lentement, au fur et à mesure de l’évolution de la vie sociale, familiale et professionnelle. Cette construction a été, aussi, déterminée par la famille, le couple, les enfants et l’intérêt économique et social les concernant. Nous pensons que le projet initial de retour au pays a été, progressivement, remplacé ou substitué par la fondation de la famille. La famille est devenue, progressivement, le centre d’intérêt principal des sujets, la responsabilité qui leur incombe concernant les enfants particulièrement, l’ont emporté sur le projet initialement prévu. Une telle situation nous permet de penser que le projet initial était une « construction globale familiale générale » avec un intérêt qui tenait peu compte de l’individu, en temps qu’entité. Or rester vivre en France avec « sa famille » enclenchait une construction individuelle, relativement lente, qui a mûri au cours des années, contrairement au projet initial. Nous pensons, en effet, que l’intérêt individuel et familial a contribué à une décision indépendante et « libératrice » pour l’individu et sa « famille « nucléaire » allant à l’encontre de la décision familiale élargie prise au pays d’origine au départ. Pour nous, c’est là que réside l’essentiel de la clé de compréhension du phénomène « logique » de rester vivre en France, qui représente une continuité et non pas une rupture avec le pays mais plutôt une rupture avec le projet initial de retour.

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Nous considérons que le choix de rester définitivement vivre en France, est un véritable changement, majeur, dans l’immigration en général, et tout particulièrement pour nos sujets. Ce changement a été accompagné par d’autres tels que la naturalisation. En effet, le choix de rester vivre en France, définitivement, représente un choix de rupture avec le projet initial de retour, mais qui n’est pas le seul. Il a franchi une série ou une succession de changements nécessitant « une rupture » si minime soit-elle, avec ses idées précédentes. Rester vivre en France pour la qualité de vie, c’est rompre avec un mode de vie « passé » où il n’y a pas le confort moderne souhaité. Rester vivre en France pour les conditions de vie et le système social français (santé, lois, …), c’est rompre avec un ancien système où la loi est peu respectée et où l’état ne garantit pas suffisamment un mode de vie décent et un système de soin qui n’est pas à la portée de tous (voir les témoignages critiques dans le vécu personnel). Choisir de rester vivre en France, c’est choisir un système relativement « plus égalitaire », et rompre avec un système ancien où les citoyens ne sont pas suffisamment pris en compte (algériens, marocains,…) Le choix de rester en France pour la famille (et ses enfants) c’est garantir une meilleure éducation et relativement leur « réussite ». C’est aussi choisir de rompre avec les anciens systèmes, au pays d’origine, inégalitaires, c’est-à-dire beaucoup moins égalitaires qu’en France, en termes d’éducation, de santé, et de droit. L’ensemble de ces éléments réunis nous indique que rester en France est une construction logique, mais aussi une rupture avec « les systèmes anciens » et les valeurs anciennes héritées de ces mêmes systèmes.

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V – LE CHOIX DU NON RETOUR AU PAYS D’ORIGINE

INTRODUCTION La question du retour et non retour dans le pays d’origine, « n’a fait l’objet d’aucune grande enquête quantitative pouvant mettre en évidence les tenants et les aboutissants présidant à ce choix ».102 En 1977, A. SAYAD soulignait que : « l’immigré est avant tout un immigré, la suite logique de sa trajectoire est le retour »103 L’objectif des immigrés, en arrivant en France, était clairement de repartir au pays, à l’heure de la retraite, et ce, dans de meilleures conditions qu’au moment du départ. Au fil des ans, le projet a été malmené, selon A. SAYAD. L’évolution du rapport à la santé, l’adoption de nouveaux modes de vie ou la situation politique dans certains pays d’origine ont contrarié ou empêché le retour. Madame Blandine KRIEGEL explique pour partie le non retour par d’autres raisons que voici : « cette obligation de résidence constitue une inégalité de fait pour les retraités immigrés, dans la mesure où les étrangers, notamment originaires du Maghreb, sont sensiblement surreprésentés parmi les bénéficiaires du minimum vieillesse (allocation supplémentaire) ». Cette obligation de résidence peut conduire certains immigrés retraités à choisir de ne pas retourner vivre au pays d’origine, alors qu’ils le souhaiteraient.104 A la fin de son rapport, Madame Blandine KRIEGEL recommande que les textes réglementaires prévus par la loi, soient rédigés afin que les Caisses régionales harmonisent leur pratique, notamment pour l’obligation de résidence et de sa durée. La durée de résidence devrait être fixée à six mois par an, et l’obligation de résidence ne doit pas être comprise comme une obligation de résidence continue.105 Mais enfin, quelles sont les raisons de non retour selon nos sujets ?

102 Rémi GALLOU « le vieillissement des immigrés », CNAV, 2001, p.43 103 A. SAYAD « les trois âges de l’immigration » in Actes de la recherche en sciences sociales, 1977, cité in Vieillissement des immigrés, Rémi GALLOU, CNAV 2001, p.44 104Blandine KRIEGEL, « La condition sociale des travailleurs immigrés âgés », Rapport présenté au premier ministre, au nom du Haut Conseil à l’Intégration, 21 mars 2005, p.6 105 Id p.13

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CADRE GENERAL : Bref rappel de la politique du retour au pays d’origine Avant d’entrer dans le vif du sujet, il nous semble nécessaire de rappeler une dimension de la politique française en la matière. A la suite de décision prise lors du conseil des ministres du 9 décembre 1975, et de la convention conclue entre plusieurs pays et la France, des formations-retours étaient offertes à certains travailleurs étrangers. « De 1975 à 1982, ce sont seulement 1900 personnes qui ont profité de cette possibilité »106. Entre 1977 et 1988, des propositions d’aides financières (10.000 francs +5000 francs d’indemnités de déménagement), ont été proposées en contrepartie de la restitution des titres de séjour en France, et donc, l’idée d’un retour irréversible au pays. Ce dispositif a concerné 94 000 personnes, dont 64,4% d’entre elles, étaient ibériques et 17,9% maghrébines. Les gouvernements successifs, la Droite comme la Gauche, ont, chacun à sa façon, essayé différents systèmes et dispositifs pour accélérer le retour des immigrés. Ce fut l’accord France Algérie, en septembre 1980, suivi des aides au retour dans le pays d’origine, suite aux licenciements massifs dans le secteur de l’automobile en 1983. Un nouveau dispositif en 1987, avec un résultat de départ de 69 000 personnes. Les principaux bénéficiaires sont des maghrébins : 41% d’algériens principalement. En 1988, le nombre de bénéficiaires ne dépassera pas plus de 2000 personnes107. En conclusion, l’ensemble de ces dispositifs et aides au retour au pays d’origine, n’ont pas connu le succès escompté. Au départ, dans les années 50 et 60, la France avait besoin de reconstruire le pays, détruit après la guerre. Elle a fait appel à la main d’œuvre étrangère, car comme on le disait à l’époque, la France manquait de bras. Mais il y avait aussi nécessité de repeupler le pays. Ce double objectif visait, au début, après 1945, la main d’œuvre européenne. Mais celle-ci n’a pas été au rendez vous massivement, comme l’attendait le gouvernement. Aussi, le gouvernement a fait appel à une main d’œuvre étrangère non européenne. On a assisté à une arrivée importante de « français/algériens » suivie par celle du Maroc et de la Tunisie. L’Algérie était, à l’époque, un Département français. Cette immigration a commencé vers la fin des années 40 et a continué jusqu’aux années 70. C’est ce qu’il est convenu d’appeler les trente glorieuses (années 50,60 et 70). Notre échantillon de retraités, actuellement, fait partie intégrante de ceux qui sont arrivés, jeunes, aux années 50, 60, et 70. La majorité de ces jeunes, sont arrivés dans l’espoir de gagner leur vie et retourner au pays d’origine, construire une maison, fonder une famille et couler des jours heureux chez eux.

106 José INIZAN, H et Migration, février 1989, n° 1119, p.59 107 Même référence, p.61

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Mais l’histoire ne s’est pas déroulée, ainsi, pour la majorité, car il y a ceux qui étaient déjà mariés au pays d’origine. Avant de venir en France, ils avaient des enfants. Ces personnes ont fait venir leur famille au bout de quelques temps en France. Il y a ceux qui se sont mariés en France et ont fondé leur famille, et il y a aussi ceux qui se sont mariés, entre temps, au pays, et y ont laissé femme et enfants.

• Qu’en est-il du projet de retour initialement prévu ? • Pourquoi sont-ils majoritairement restés vivre définitivement en France ? • Quelle sont leur raison principale ? • Envisagent-ils encore un retour définitif ? • Quels sont les éléments significatifs qui ont influencé leur décision du non retour

définitif au pays d’origine ? Dans le quotidien, le Monde diplomatique,108 un reportage sur le retour-vacances nous relate les témoignages suivants : « Quand je suis parti, j’avais l’idée qu’à la retraite je rentrerais au Maroc. Mais maintenant que je suis à la retraite, impossible de partir, mes enfants sont encore à l’école, et quand le dernier aura quitté le foyer ?, je resterai quand même en France, car nos enfants y sont. Si je suis là-bas je penserai toujours à eux ». Ce témoignage nous paraît pertinent par rapport à la question qui concerne le retour au pays. Nous avons répertorié les réponses en 3 catégories : 1 – Ceux qui sont pour un retour-vacances et voir la famille 2 – Ceux qui sont pour un non retour définitif ultérieur, ni pour les vacances ni pour s’y installer 3 – Ceux qui n’ont pas répondu Tableau A-6 :

Effectif % Retour vacances 34 68%

Non retour définitif au pays 4 8% Ne répondent pas 12 24%

TOTAL 50 100%

108Pierre DOUSS et AUREL, « A bord du Marrakech Express », Le Monde Diplomatique, septembre 2007 p. 16,17

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1 - LE RETOUR VACANCES -FAMILLE sans retour définit if 22 sujets interrogés, soit 44 % (voir tableau n° 23 en annexe), sont pour un retour juste pour les vacances, pour voir la famille et passer les vacances. En effet, vacances et famille au pays d’origine, semblent être deux éléments très liés l’un à l’autre. Comme témoigne l’écrasante majorité des sujets :

« Je retourne juste pour passer les vacances, ma famille et mes enfants sont ici » « Pas de retour définitif, c’est pour rendre visite à ma famille » « Juste pour les vacances, pour visiter la famille » « Retourner au pays pour voir la famille, la vie est ici maintenant, pas au pays » « Toute ma famille est ici, les enfants et les petits enfants » « On y va pour les vacances uniquement » « Ma destinée à présent est là » « Je pense au retour provisoire. On n’est pas assuré là-bas, si on est malade. Ici on a les enfants, les petits enfants et on ne peut pas les quitter comme çà » « Les enfants restent là. Je fais des allers et retours pour les vacances » « Je veux y retourner pour les vacances, je fais les allers-retours »

Leur volonté de rester vivre définitivement en France est très claire. Pour eux, le seul retour au pays, c’est pour aller voir la famille et passer des vacances au pays. Passer des vacances et voir la famille semblent étroitement liés, pour les retraités interrogés dans leur écrasante majorité. Ce qui nous laisse penser que les liens avec le pays d’origine demeurent très forts. Ces liens sont exprimés, en ordre d’importance, par les marocains, les tunisiens et les algériens suivis à la fin par les français algériens. Ceux pour qui, rester en France, constitue une continuité logique, sont ceux qui sont pour un retour vacances-famille uniquement. Cet élément est déterminant, car il nous dit très clairement que le choix de rester vivre en France est le choix logique, voire définitif. Cependant, le retour définitif au pays passe au second plan, voire considéré comme désuet, ou bien n’est plus d’actualité. Car le seul retour que la grande majorité envisage est uniquement le retour vacances famille. Cette situation nous permet d’affirmer que la grande majorité des immigrés retraités vivant en France ne retournera jamais vivre définitivement au pays d’origine. Mais cela n’exclut en rien de retourner au pays pour passer des vacances et voir la famille, ce qui nous conduit à penser que, bien que la volonté de vivre définitivement en France soit très importante, elle ne nuit en rien au maintien des liens avec la famille au pays, ni au pays d’origine. En effet, ces liens restent très forts et nous verrons ultérieurement comment ces ils ont un impact sur d’autres attitudes et comportements individuels et collectifs.

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2 – LES RETOUR DEFINITIF Il n’y a que 2 sujets qui semblent être déterminés à y retourner pour vivre définitivement au pays d’origine.

3 – CONTRE LE RETOUR DEFINITIF Il y a ceux qui ont une attitude très ferme lorsqu’il s’agit d’un retour définitif : 6 sujets, soit 12% de l’ensemble (voir tableau n°23 en annexe). Ils sont très critiques vis-à-vis du pays et ne souhaitent pas du tout retourner définitivement là-bas. En voici les raisons :

« Je n’ai pas envie de vivre définitivement là-bas » « La mentalité là-bas ne me plaît pas. Maintenant j’ai une mentalité française, ce n’est pas pareil » « Si je vais vivre là-bas, je vais subir l’administration, la corruption. Si tu donnes de l’argent, tu obtiens tout » « J’ai peur là-bas, on est maltraité. L’Etat prend beaucoup, il y a les bandits, on n’est jamais tranquille » « Il n’y a pas d’entraide là-bas » « Il faut que je me sente bien avec la liberté » « Je n’ai plus personne là-bas » « On n’est pas assuré là-bas, si on est malade »

L’immoralité, l’administration, la corruption, la mauvaise considération, le manque de soin, …et l’absence ou le manque de liberté, sont des éléments qui contribuent à expliquer le comportement et l’attitude des retraités par rapport à leur pays d’origine. Mais cela est tout à fait lié à leur parcours, leur vécu en France. Au cours de ces longues années vécues en France, ces personnes ont pu découvrir et voir de près comment fonctionnait la France. Ils ont établi des comparaisons c’est-à-dire qu’ils ont réfléchi à ce qu’ils auraient à gagner ou à perdre s’ils rentraient au pays ou restaient définitivement vivre en France.

Le non retour définitif au pays d’origine et variables associées Vivre en France est une continuité logique : Vivre en France est une continuité logique qui influence le non retour définitif (Moyenne = 1,5) au pays d’origine. Le non retour au pays a été remplacé par le retour « vacances » (Moyenne = 1,06). L’analyse de variance le confirme (dl effet= 1 ; MC Effet=0,69 ; dl Erreur=35 ; MC Erreur=0,82 ; F=8,37 ; p=0,006) Effectif : 31 sur 34 personnes, soit 91,17%

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34 personnes favorables au « retour-vacances ». Nous avons, à partir des réponses qualitatives établi deux groupes de réponses : Le Groupe 1, favorable au retour-vacances concerne 34 personnes. Le Groupe 2, défavorable au retour au pays, ni pour les vacances ni pour s’y installer, concerne 4 personnes. 12 personnes ne répondent pas.

DISCUSSION Omar SAMAOLI affirmait que : « le mythe du retour relève davantage aujourd’hui d’un tisonnier idéologique exhibé à des desseins souterrains et dépassant les préoccupations des gens. En vérité, il n’est plus pour les immigrés qu’une thématique psychologique faisant fonction d’exutoire ou qu’une forme d’espérance inaccessible »109 Le choix de rester vivre définitivement en France l’a emporté sur celui du retour définitif au pays d’origine. Il y a, en effet, un retour vacances-famille qui, pour partie, a remplacé ou s’est substitué au retour définitif au pays. Le retour vacances-famille se réalise aussi en famille. La famille et le retour en vacances semblent être les substituts au retour définitif. La famille et le retour provisoire ont progressivement remplacé le projet initial du retour au pays. La famille, dans ce cas de figure, semble jouer un rôle déterminant. C’est pour la famille qu’ils sont restés en France, pour l’intérêt des enfants. C’est surtout pour une vie relativement meilleure que celle qu’ils peuvent avoir au pays d’origine. Le choix de rester vivre définitivement en France a été un choix de raison et d’attachement affectif à la France. C’est en France que les retraités se sont le mieux adaptés, ainsi que leur famille. N’est-il pas vrai que son pays est l’endroit où l’on se sent le mieux ? Nous avons démontré que le choix de rester vivre en France est une continuité logique, et a influencé une attitude pour un retour pour les vacances et non pour un retour définitif au pays d’origine. Contrairement à ce que nous pensions au départ, le choix de faire venir sa famille et la volonté de vivre avec la famille en France, n’ont pas influencé le choix de retour définitif ou non au pays d’origine au premier abord, mais cela n’est pas suffisant, car il s’agit pour nous de relier les éléments entre eux. La logique globale qui relie les éléments du chapitre précédent à celui-ci, est à nos yeux assez pertinente en ce qui concerne notre sujet, car si nous cherchons la continuité et la logique de rester en France par rapport à celle du non retour, ou du retour provisoire pour les vacances, nous pouvons formuler l’idée suivante : « si il y a un non retour au pays pour y vivre, cela est dû à ce qu’on peut appeler la continuité logique du vécu précédent ».

109 O. SAMAOLI « Trajectoire de l’immigré maghrébin âgé, vieillir et mourir en exil », PUL, p.64

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Ainsi dans le chapitre précédent, nous avons observé que le choix de rester définitivement, en France (comme nous le verrons dans le prochain chapitre) a été influencé par la venue de la famille et la satisfaction qui en découle mais aussi par la naturalisation et le changement de sa vie que celle-ci a introduit. Ces deux éléments sont essentiels pour expliquer que rester vivre en France est une continuité « logique et normale ». Nous avons observé, également, que le retour au pays durant la vie active et après celle-ci, a également influencé le choix de rester vivre en France. L’adaptation, la venue de la famille, la satisfaction qui en découle, ces éléments représentent à nos yeux une « stabilité » dûe aux efforts fournis auparavant : le travail, la famille nucléaire au détriment de la famille élargie, la naissance des enfants, leur scolarité en France et ensuite leur travail, leurs propres repères matériels et affectifs en France, leurs amis, l’environnement, etc.… Toutefois, il ne faut pas sous estimer le rôle de la femme et des enfants, qui a été aussi déterminant, comme l’affirme M. DORANGE : « en vivant en France, les femmes se sont ouvertes à une vie sociale en suivant, notamment, la scolarité de leurs enfants. Elles ne se cantonnent pas uniquement à la gestion de la maison et du quotidien. Elles ont pris d’autres habitudes, adopté d’autres comportements, elles rêvent encore d’évolution ».110 Aujourd’hui, il y a toujours négociation et concertation. Bien évidemment, les femmes et les enfants s’opposent au projet de choix de retour, pour des raisons de scolarité, de mode de vie, de relation de langue et de culture. L’ensemble de ces éléments de « stabilité » a contribué à « enraciner » les familles de façon importante et placer le retour définitif au second plan, pour aboutir à un choix de non retour définitif au pays d’origine. Lequel est remplacé par le choix de retour provisoire pour les vacances. Les éléments que nous venons d’avancer nous conduisent au fait que le choix de rester vivre en France a influencé un retour uniquement pour les vacances au détriment du retour définitif au pays d’origine. Ainsi le non retour au pays d’origine devient une continuité logique pour la majorité des sujets. Comme nous le savons, la grande majorité de nos sujets n’ont pas cessé de faire le va et vient ou l’aller et retour entre la France et le pays d’origine. Et ce depuis le début de leur immigration. Est-ce que ces allers et retours permanents sont la conséquence, faute de rentrer définitivement ? Marie Hélène LECHIEN, nous indique que : « leur façon de gérer le temps et leur pratiques, renvoie à la trajectoire passée … »111, cela nous semble pour partie, assez juste, mais insuffisant. Ainsi, « la question du devenir des immigrants âgés ne se pose pas en termes de « retour », mais plutôt en termes de mobilité 112 », affirme M.H.LECHIEN. Nous pensons, aussi que le non retour définitif peut s’expliquer par les changements que les individus et leurs familles ont vécu, et qui ont, pour partie, modifié leurs attitude. C’est ce que nous allons voir tout de suite.

110 Martine DORANGE, « Rupture du travail chez les migrants âgés ». Psychologue spécialiste en gérontologie, Migration Santé, 1999 n°99/100, p.73, 74 111 Marie Hélène LECHIEN in revue Plein droit (GISTI), n°39, juillet 1998, p.15 112 Idem, p.23

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VI - LES CHANGEMENTS CHEZ LES IMMIGRES EN FRANCE, QUELLE SIGNIFICATION L’immigré, selon A.SAYAD, a changé durant sa vie en en venant en France, a façonné son comportement de façon nouvelle et originale … a changé ses repères, ses notions de temps et de l’espace Nous avons déjà constaté plusieurs changements chez nos sujets. Nous avonégalement, chercher à vérifier s’il y a eu un changement dans leurs habitudes de vie et dans leurs idées. Nous allons consacrer tout le chapitre au changement Comme tout changement, celuicomme nous l’avons constaté précédemment, est représenté essentiellement par la venue de la famille. Cet élément familial fait partie intégrante, bien qu’il soit fondamental, des évènements qui se sont succédé

1 – CHANGEMENT DES HABITUDES S’installer en France avec sa famille a changé les habitudes de vie. Ainsi 27 sujetsaffirment que vivre en France a modifié leurs habitudes de vie (voir graphique tableau n°51), 18 sujets soit 36% répondent que vivre en France n’a pas changé leurs habitudes de vie. Ce sont les algériens, 12 sujets, soit 66,66%habitudes de vie. Parmi les tunisiens, 3 sujets, soit 60% affirment ce changement. Ces proportions sont de 53,33%français/algériens (4 sujets).

Figure 16 : vivre en France a

113 A.SAYAD, « les trois âges de l’immigration

Non 36%

Ne répondent pas

Vivre en France a t il changé en vous des habitudes de vie?

LES CHANGEMENTS CHEZ LES IMMIGRES EN FRANCE, QUELLE SIGNIFICATION ?

L’immigré, selon A.SAYAD, a changé durant sa vie en France. « Tout ce qu’il a rencontré, en venant en France, a façonné son comportement de façon nouvelle et originale … a changé ses repères, ses notions de temps et de l’espace »113.

Nous avons déjà constaté plusieurs changements chez nos sujets. Nous avonégalement, chercher à vérifier s’il y a eu un changement dans leurs habitudes de vie et dans leurs idées. Nous allons consacrer tout le chapitre au changement.

Comme tout changement, celui-ci est un long processus qui repose sur un socle essenticomme nous l’avons constaté précédemment, est représenté essentiellement par la venue de la famille. Cet élément familial fait partie intégrante, bien qu’il soit fondamental, des évènements qui se sont succédés durant la trajectoire familiale et individuelle.

ES HABITUDES OU MODES DE VIE

’installer en France avec sa famille a changé les habitudes de vie. Ainsi 27 sujetsaffirment que vivre en France a modifié leurs habitudes de vie (voir graphique

), 18 sujets soit 36% répondent que vivre en France n’a pas changé leurs

Ce sont les algériens, 12 sujets, soit 66,66%, qui disent avoir des changements dans les habitudes de vie. Parmi les tunisiens, 3 sujets, soit 60% affirment ce changement. Ces proportions sont de 53,33% (8 sujets) pour les marocains et de 33,33% chez les

: vivre en France a-t-il changé des habitudes de vie ?

les trois âges de l’immigration », Actes de la recherche 1997

Oui 54%Non

36%

Ne répondent pas 10%

Vivre en France a t il changé en vous des habitudes de vie?

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LES CHANGEMENTS CHEZ LES IMMIGRES EN

ce qu’il a rencontré, en venant en France, a façonné son comportement de façon nouvelle et originale … a changé

Nous avons déjà constaté plusieurs changements chez nos sujets. Nous avons voulu, également, chercher à vérifier s’il y a eu un changement dans leurs habitudes de vie et dans

ci est un long processus qui repose sur un socle essentiel, qui comme nous l’avons constaté précédemment, est représenté essentiellement par la venue de la famille. Cet élément familial fait partie intégrante, bien qu’il soit fondamental, des

dividuelle.

’installer en France avec sa famille a changé les habitudes de vie. Ainsi 27 sujets, soit 54%, affirment que vivre en France a modifié leurs habitudes de vie (voir graphique ci-dessous et

), 18 sujets soit 36% répondent que vivre en France n’a pas changé leurs

qui disent avoir des changements dans les habitudes de vie. Parmi les tunisiens, 3 sujets, soit 60% affirment ce changement. Ces

pour les marocains et de 33,33% chez les

?

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Changement de mode de vie et variables associées La scolarité a eu un effet sur nos sujets, concernant les changements des habitudes de vie. Dl effet = 1 ; MC effet = 0,91 ; dl erreur = 47 ; MC erreur = 0,23 ; F = 3,99 ; P = 0,025 Ce sont en effet, les personnes non scolarisées (Moyenne = 1,28), Effectif : 15/27, qui ont, plus que les autres (scolarisés, Effectif : 12/27, Moyenne = 1,50), senti le changement dans leurs habitudes de vie. La définition de la nationalité a eu un effet sur nos sujets Dl effet = 2 ; MC effet = 1,91 ; dl erreur = 47 ; MC erreur = 0,52 ; F = 3,70 ; P = 0,032 Ce sont les personnes se définissant comme « entre les deux » (Effectif : 14/27, Moyenne = 1,17) nationalités, c’est-à-dire ni étrangère (Effectif : 7/27, Moyenne = 1,38) ni française (Effectif : 6/27, Moyenne = 1,63), qui ont senti, plus que les autres, les changements dans leurs habitudes de vie.

2 – VIVRE EN FRANCE A-T-IL APPORTE DES IDEES NOUVEL LES ? « Est-ce que vivre en France vous a apporté des idées nouvelles ? ». 24 sujets, soit 48%, ont répondu positivement contre 20 sujets, soit 40%, qui n’ont pas donné de réponse. Ce sont d’abord les tunisiens, parmi lesquels 3 sur 5, soit 60%, disent que vivre en France leur a apporté des idées nouvelles, suivis par les marocains, 8 sur 15, 53,33%, et enfin les algériens, 9 sur 18 soit 50%. Les français/algériens occupent le dernier classement en la matière, 4 sur 12, soit 33,33%. (Voir tableau n°58-59 en annexe)

Changement d’idées et variables associées Il n’y a pas d’effet d’un élément ou de variable en particulier qui influence les réponses de nos sujets.

DISCUSSION Il y a eu deux changements importants qui ont touché la majorité de nos sujets. Le premier concerne le changement dans les habitudes de vie et le second concerne l’apport de nouvelles idées. Le fait que ce soient les personnes non scolarisées qui ont été touchées par le changement est un élément significatif dans le sens où ces personnes ne s’attendaient, probablement pas, à ce changement d’une part, et d’autre part cela montre à nos yeux, leur capacité d’adaptation au nouvel environnement, leur volonté d’avancer et de s’imprégner de ce nouveau mode de vie.

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Ces deux éléments réunis, et compte tenu du fait de la société d’origine d’où venaient nos sujets : société à mode de production agraire, et les valeurs correspondantes, représentent à nos yeux, une entrée dans la modernité, avec tout ce que cela implique comme changement d’attitude et un relatif changement dans les valeurs en général. Notre thèse s’appuie pour ce que nous venons de dire, sur le fait que des changements d’attitudes et valeurs ont eu lieu. Voici, à titre d’exemple, l’attitude de nos sujets quant au choix du non retour au pays d’origine. L’attitude très critique vis-à-vis de leur pays peut s’expliquer par rapport à ce qu’ils ont pu observer et vécu en France. L’attitude de nos sujets quant aux valeurs de la République, et enfin les messages transmis à leurs descendants ne laissent que peu de place à la culture du pays d’origine. Nous pouvons constater que l’ensemble de ces éléments réunis, incarnent ou représentent un réel changement de nos sujets dans leur système de valeurs. L’ensemble de ces positions, croyances, qui « constituent l’apport majeur du champ social au fonctionnement des individus » que Daniel ALAPHILIPPE appelle « outils cognitifs », constituent, notamment, les attitudes, les opinions, et les représentations objets de la psychologie sociale.114

3 – LES CHOSES QUI ONT MARQUE LES IMMIGRES EN FRANC E Les choses qui ont marqué nos sujets, globalement en France, tout particulièrement la dimension sociale, les conditions de vie, et enfin les valeurs de la République. Ce sont les marocains qui ont, le plus, été marqués par la dimension sociale, les conditions de vie et les valeurs de la République. Ils sont suivis, par ordre d’importance, par les algériens, les français/algériens, et les tunisiens. Si l’on prend en compte « ce qui a marqué nos sujets en France », par rapport à la nationalité actuelle, on obtient la répartition suivante :

• 18 français/31 sujets, soit 58,06%, affirment avoir été marqués par les 3 dimensions déjà citées.

• 9 algériens/31 sujets, soit 29,04%, affirment avoir été marqués par les 3 dimensions déjà citées.

• 4 marocains/31 sujets, soit 12,90%, affirment avoir été marqués par les 3 dimensions déjà citées.

(voir tableau n° 62 en annexe) On peut observer que ce sont, majoritairement, les français (parmi lesquels se trouvent ceux qui ont été naturalisés par la suite), qui ont, le plus, été marqués par les 3 dimensions en France. Ils sont suivis par les algériens, et enfin les marocains. 114 Daniel ALAPHILIPPE, R.FONTAINE, M.PERSONNE « Difficultés et réussites de la vie en établissement pour personnes âgées », édition ERES, oct.2007, p.101, 102

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Nous pensons que ceux qui étaient marqués, le plus, par les dimensions citées (dimension sociale, et les valeurs de la République), sont ceux qui avaient fait un rapprochement de la culture française et qui ont été, par la suite, naturalisés relativement plus que les autres. Ce sont ceux, également, qui en majorité, ne se sentent pas comme étrangers (voir tableau n°63 en annexe), ou se sentent français. Ils sont 16 personnes, soit 51,61%. Nous avons réparti les réponses en trois catégories que voici, par ordre d’importance : 1) La dimension sociale (aspect positif) : Elle représente les « aspects positifs » de la France, dont voici quelques exemples cités par nos sujets : système social et mode de vie. Le mode de vie, la sécurité, le travail mieux payé qu’au pays, la sécurité sociale, la santé, les congés payés, du travail pour tout le monde, la bonne mentalité, la vie moins chère, le bon accueil, le regard de la société sur les immigrés (on nous aimait car on travaillait), le système d’égalité, le meilleur confort de vie (ce qui comptait c’était les compétences professionnelles, c’était tranquille, on pouvait se promener tard la nuit). 14 sujets soit 45% ont donné une réponse à cette question. Ce qui représente une majorité de nos sujets. Nous avons obtenu un total de 31 réponses. (voir tableau n°61 en annexe) La dimension sociale, et variables associées

Retour au pays durant la vie active : Les personnes restant le moins régulièrement au pays, durant la vie active, donnent plus de réponses : Groupe 1, soit 0,33%, sur ce thème que les autres du Groupe 2, soit 0,15 Effectif groupe 1 = 1/3 ; Effectif groupe 2 = 6/26 Dl effet = 2 ; Ml effet = 0,88 ; dl erreur = 34 ; Ml erreur = 0,17 ; F = 3,93 ; P = 0,03 Parmi les choses qui ont marqué nos sujets à leur arrivée en France, sont par ordre d’importance :

1. La dimension sociale : le système social, pour 14 sujets /31, soit 45,16% 2. Les valeurs de la République : justice, droit, égalité, liberté, pour 10 sujets /31, soit

32,26% 3. Les mauvaises conditions de vie et de logement, pour 7 sujets/31, soit 22,58%

2) Conditions de vie et de travail (aspects négatifs) : 7 sujets soit 22% ont répondu à ce thème. Voici leurs réponses :

« On avait toujours le mauvais boulot » « On travaillait de 4 heure du matin jusqu’au coucher du soleil » « Absence de logement (j’ai toujours été dans un foyer à Paris) » « La solitude, la dureté de la vie » « Le manque de temps »

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« Le racisme : on me faisait sentir que je n’étais pas comme les autres. » « Aux années 60, il y avait des attaques contre les arabes » « Il était inscrit dans les cafés à Tours et à Lyon « interdit aux chiens et aux arabes », entre 1961 et 1964 »

Le tiers de nos sujets a ressenti des effets négatifs en ce qui concerne le contexte social et historique de l’époque. Ce sont en particulier, les algériens qui ont ressenti ces effets liés à la période de la guerre d’Algérie. Cependant, il faut toutefois le noter, nos sujets ont pu malgré tout signaler des aspects positifs qui concernent toute la dimension sociale du système français. 3) La troisième dimension : les valeurs de la république (aspects positifs) Nos sujets, (Effectif 10, soit 32%), ont affirmé que ce qui leur a marqué le plus en France, ce sont les valeurs suivantes : « La liberté, le droit, la justice, et l’égalité ». (voir tableau n°61 en annexe) Ce sont, en effet, les valeurs fondatrices de la République et de la France. Ce n’est pas négligeable, c’est plutôt surprenant, car dans cette attitude, qui représente des étrangers toutes nationalités confondues, il y a un phénomène intéressant qui s’exprime là. Celui-ci se résume dans le fait que la majorité de nos sujets venaient de pays ayant été colonisés, dont les citoyens n’avaient que peu de droits comme l’égalité des droits et la liberté. Il n’est pas étonnant que nos sujets soient influencés par ces valeurs et de voir que celles-ci se pratiquaient partiellement. Ils ont pu aussi constater qu’il « n’y avait pas de discrimination » ni par rapport à la nationalité, ni par rapport aux origines. Ce fut pour eux une découverte, un enchantement. Ils étaient « mieux payés qu’au pays d’origine », et leurs « droits étaient respectés ». C’est un ensemble d’éléments réunis qui a marqué nos sujets au point que le tiers semble avoir adhéré à ce système de valeurs d’une part et a fait, pour partie, le choix de rester vivre définitivement en France. C’est donc un changement, un vrai changement, radical qui a favorisé le passage d’idées anciennes, des valeurs anciennes, d’une société ancienne, vers une société nouvelle avec des valeurs qui respectent l’humain et ses droits. Ce changement, non seulement, a marqué nos sujets, mais il a aussi contribué à changer leur choix par rapport au retour au pays et aussi par rapport à leur attitude, comportement et projet vis-à-vis du pays d’origine, mais également vis-à-vis de la France. C’est un positionnement assez « radical » qui, à nos yeux, représente non seulement un changement mais une modification profonde de leurs opinions et leur façon de voir, de penser, de réfléchir, d’agir.

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DISCUSSION Les signes importants de changement que nous avons déjà observé ont contribué, profondément à modifier le comportement et les attitudes de nos sujets. Le changement du mode de vie, l’acquisition de nouvelles valeurs (valeurs de la république française), l’adhésion au système social français, représentent le signe important d’une sorte de « reconstruction sociale », selon ZNANIECKI et THOMAS, dans le sens où il y a eu, chez nos sujets, « acquisition de nouveaux modèles et de nouvelles valeurs sociales ».115 Cette phase a été précédée par une sorte de « désorganisation sociale » selon ZNANIECKI et THOMAS, car avec l’immigration individuelle et le passage de la vie rurale à la vie urbaine, des attitudes nouvelles apparaissent sous l’action combinée de nouvelles valeurs sociales et certaines attitudes préexistantes … ».116 C’est dans ce cadre que « les règles traditionnelles » ne peuvent être appliquées. Ainsi les normes anciennes sont traitées comme des vœux pieux ; elles sont « mises à mal ». 117 Ainsi, le changement de conditions est un facteur, mais pas la cause, des évènements sociaux. Il fournit les influences qui vont produire leurs effets seulement lorsqu’elles se combinent avec des attitudes préexistantes déterminées, et ne devient une cause qu’en association avec celle-ci.118 On peut affirmer que des changements ont eu lieu d’une part, et d’autre part nos sujets, dans leur ensemble, ont été réceptifs à ces changements, lesquels sont importants, voire déterminants dans la suite de leur trajectoire comme nous verrons ultérieurement. Cependant, nous voulons insister sur un aspect important relatif au changement chez nos sujets. Il concerne les étapes de changement, car à chaque étape où il y a eu un changement, il y a eu « une rupture » avec les idées et les valeurs acquises précédemment au pays d’origine. Ce type de rupture, à nos yeux, peut correspondre au concept de « désorganisation » préconisé par ZNANIECKI et THOMAS, qui119 est dû par ailleurs, à l’influence exercée par de nouvelles valeurs « nouvelles pour l’individu ». Un tel changement implique, selon ZNANIECKI et THOMAS, que les « nouvelles valeurs avec lesquelles l’individu entre en contact, ont une signification individualiste, et ceci est très précisément le caractère de la plupart des valeurs modernes ».120 Si l’on admet que les retraités ont, progressivement changé grâce à de différentes valeurs acquises et des choix volontairement effectués, on peut aussi admettre que ces changements ont touché, également, pour partie aussi, à leur « habitus » dans le sens où ces changements ont touché à « la réalité substantielle des individus, et dont la clef de voûte est la relation entre les structures objectives (celles des champs sociaux) et les structures incorporées (celles de l’habitus).121 Pierre BOURDIEU précise que : « les habitus sont des principes générateurs de

115 F.ZNANIECKI et W. THOMAS, « Fondation de la sociologie américaine ». L’HARMATTAN, 2001, p.77 116 Même référence p.215 117 Même référence p.274 118 Même référence p.215 119 Même référence, p.240 120 Id p.240 121 P. BOURDIEU, « Raisons pratiques », éditions du Seuil, 1994, p.9, 23

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pratiques distinctes et distinctives, ce que mange l’ouvrier et surtout sa manière de le manger, le sport qu’il pratique et sa manière de le pratiquer, les opinions politiques qui sont les siennes et sa manière de les exprimer … ce sont aussi des principes de classement, des principes de vision et de division, des goûts différents. Ils font des différences entre ce qui est bon et ce qui est mauvais, entre ce qui bien et ce qui est mal » … « c’est-à-dire un ensemble unitaire de choix de personnes, de biens, de pratiques ». C’est dans ce sens que nos sujets ont opéré des changements dans leur manière de voir, de faire, et pratiquer leur vie. Daniel ALAPHILIPPE confirme que notre entourage social, familial, nos groupes d’appartenances, le contexte économique contribuent à forger notre conception du réel, voire de nous-mêmes. Les modèles expérimentaux de la psychologie sociale ont confirmé ces mécanismes à travers l’étude de l’influence sociale, de la normalisation, de la catégorisation ou des stéréotypes et des rumeurs.122

122 Daniel ALAPHILIPPE, R.FONTAINE, M.PERSONNE « Difficultés et réussites de la vie en établissement », ERES 2007, p.79

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CHAPITRE - 3

Naturalisation, Nationalité, Identité

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LA NATURALISATION : Rapide rappel historique Historiquement, les deux grandes conceptions de la nationalité, droit du sol et droit du sang, correspondent à des étapes différentes de la civilisation. Au Moyen Âge, sont considérées comme étrangers, autrement dit les « aubains », les personnes nées en dehors de la Seigneurerie où elles vivent, et qui ne sont pas des sujets du Seigneur local.123. Le Jus soli prévaut dans les Seigneureries rurales, conformément à l’intérêt qu’ont les Seigneurs à revendiquer la souveraineté sur le maximum de la population. En revanche, le Jus sanguinis est retenu dans les villes dont les habitants jouissent de privilèges considérés comme héréditaires124 . Sous la monarchie, le Jus soli domine. Toute personne née sur un territoire appartenant au roi, en est le sujet, affirme P. BERNARD.125 L’introduction formelle du Jus soli dans le droit français remonte à un Arrêt du Parlement de Paris, du 23 février 1515, qui reconnaît le droit, pour un enfant d’étranger, d’hériter de son père dès lors qu’il est né et demeure en France.126 Un peu plus tard, l’autre principe du droit des étrangers, le Jus sanguinis, hérité du droit romain, est reconnu de façon autonome : l’enfant né hors de France, de parents français, peut être réputé français, s’il vient vivre en France et s’engage à ne pas quitter le royaume (Arrêt du Parlement de Paris le 7 avril 1576).127 En effet, la révolution française s’inscrit dans la continuité de cette tradition qui mêle droit du sol, droit du sang et lieu de résidence, ajoutant dans certains cas, la nécessité d’une adhésion volontaire à la république avec prestation d’un serment civique.128 Ainsi, la révolution française supprime toute ségrégation fondée sur la religion, et accepte la citoyenneté à « ceux qui sont nés en France d’un père français, ceux qui, nés en France, d’un père étranger, ont fixé leur résidence dans le royaume, ceux qui, nés dans un pays étranger d’un père français, sont venus s’établir en France, et ont prêté le serment civique, ceux qui, nés en pays étranger et descendant d’un français ou d’une française, et prêtent le serment civique » (Constitution de 1791).129 Ainsi, l’idée de citoyenneté absorbe celle de la nationalité.

123 Philippe BERNARD, « l’immigration », 1993, p.25 124 Id. p.26 125 Id. p.26 126 Id. p.26 127 Id. p.26 128 Id. p.26, souligné par nous 129 Id. p.27

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La loi de 1973, permet l’application du double « Jus soli » (Article 23 du Code de la nationalité) à l’enfant né en France, d’un parent né sur un territoire qui avait, au moment de sa naissance, le statut de colonie ou de territoire d’Outre mer, de la République française.130 C’est le cas de l’Algérie française, assimilée à la Métropole par le code de la nationalité en 1945. C’est ainsi que les enfants d’algériens nés en France après le 1er janvier 1963, date ou l’indépendance de l’Algérie produit son effet sur la nationalité, sont français dès leur naissance, comme étant nés en France, de parents nés en Algérie alors sous souveraineté française.131 Cela reste vrai, même si leurs parents ont perdu la nationalité française en optant pour la nationalité algérienne après l’indépendance. C’est le cas de certains sujets dans notre échantillon.

130 Id. p.30 131 Id. p.30

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I – LA NATURALISATION Le droit de la nationalité s’est construit au fil des siècles, parallèlement à la construction de la nation française. Ce droit a évolué en fonction des intérêts démographiques, économiques et politiques de l’Etat. A la fin de l’année 2002, le président de la République avait exprimé la volonté de voir accélérer le processus d’acquisition de la nationalité. Un plan d’action, consistant en un ensemble de mesures d’organisation, de simplification des procédures et des consignes de travail, de formation, et du contrôle de la qualité des décisions prises, a alors été mis en œuvre en juin 2003.

1 – ACQUISITION DE LA NATIONALITE FRANCAISE Le terme générique « acquisition de la nationalité française », englobe l’ensemble des modes d’obtention de la nationalité, qui découlent d’une demande par les personnes intéressées :

1. L’acquisition de la nationalité française peut être distinguée de l’« attribution » de la nationalité française à la naissance, qui se réalise automatiquement du fait, soit de la filiation, soit de la naissance en France. L’attribution de la nationalité française à la naissance, repose sur une combinaison du droit du sang (naître de parents français) et le droit du sol (être né sur le territoire français). La réforme la plus récente du droit de la nationalité a été opérée par la loi du 16 mars 1992. En matière d’acquisition, on distingue trois modes d’obtention de la nationalité française :

o L’acquisition de plein droit, en raison de la naissance et de la résidence en France. Ce principe remonte à la loi du 26 juin 1889, et repose sur l’idée que la naissance et la résidence en France constituent de puissants facteurs d’intégration et ouvrent droit à devenir français.

o Depuis le 1er septembre 1998, les jeunes étrangers, nés en France, deviennent français de plein droit, à 18 ans, s’ils y résident et y ont résidé de manière continue ou discontinue, pendant 5 années depuis l’âge de 12 ans. En outre, dès l’âge de 16 ans, ces jeunes, nés et résidant en France, peuvent anticiper l’acquisition de la nationalité française en effectuant une déclaration auprès du Tribunal d’Instance. Ils peuvent aussi la refuser. De même, les parents d’un jeune étranger né en France, peuvent demander, pour lui et avec son accord, la nationalité française, à condition qu’il ait 13 ans et qu’il réside en France depuis l’âge de 8 ans. 132

132 Rapport de la D.P.M. « Immigration et présence étrangère en France » 2003, p.87

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2. L’acquisition par déclaration, en raison du mariage avec un français, est de droit, pour

la personne qui se marie avec un(e) français(e) et qui satisfait aux conditions légales d’obtention de la nationalité française. Les conditions à remplir : être majeur, résider en France depuis 5 ans, être assimilé à la société française, et ne pas avoir été condamné. La naturalisation peut être aussi refusée. Dans les faits, 75% des demandes reçoivent une réponse positive.133

En effet, près de 145.000 étrangers ont acquis la nationalité française au cours de l’année 2003, indique le Rapport de la D.P.M. 134 L’acquisition de la nationalité par décret représente plus de la moitié de l’ensemble des acquisitions (53,3% en 2003), et se compose essentiellement de naturalisation (dans 87,3% des cas en 2003). Le rapport de la DPM précise que ces acquisitions sont le fait des jeunes d’origine étrangère nés en France, qui acquièrent la nationalité française de façon automatique à leur majorité (18 ans). En 2003, les africains constituent le gros bataillon des nouveaux français : maghrébins pour la plupart, et représentent 63,7% de l’ensemble des acquisitions. Leur nombre a sensiblement augmenté entre 2002 et 2003 affirme le rapport de la DPM.135 Entre 1995 et 2003, le nombre annuel d’étrangers devenant français a augmenté de plus de 50%, sous l’effet d’une progression d’acquisition par décret et par mariage, précise l’édition 2005 de l’INSEE : « les immigrés en France ». Selon l’INSEE, le pic de 1999 s’explique par les changements législatifs136. En effet, la loi du 16 mars 1998 a ouvert aux mineurs étrangers en France, la possibilité d’acquérir la nationalité française dès l’âge de 13 ans. En 1999, plus de 42.000 jeunes étrangers sont ainsi devenus français avant leur majorité137. Depuis 1999, la part des maghrébins a atteint la moitié des acquisitions, en particulier les marocains représentent à eux seuls 26,4% des acquisitions en 2003138. Globalement, selon l’INSEE, les immigrés restés étrangers, sont nettement plus nombreux que ceux qui sont devenus français. En 1999, 63,9% des immigrés sont étrangers139, en l’occurrence des immigrés venus d’Espagne ou d’Italie, installés en France depuis longtemps, ont majoritairement acquis la nationalité française. A l’inverse, seul un quart des immigrés venus d’Algérie ou du Maroc ont adopté la nationalité française, mais cette proportion a presque doublé depuis 1990140. Cependant, les portugais ont très majoritairement conservé leur nationalité d’origine. « La loi de 1993 confirme la double tradition et l’attribution de la nationalité française à la naissance, soit par filiation, soit par le double droit du sol. En France métropolitaine 700.000 133 Idem p.87 134 Rapport de la D.P.M., 2003, p.88 135 Idem p.88 136 INSEE « les immigrés en France, 2005, p.38 137 Idem p.38 138 Idem p.38 139 Idem p.36 140 Idem p.36

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enfants naissent ainsi français, chaque annéeconsidérations de pure gestion administrative ne l’emportent sur la valeur du principe.

2 – LA NATURALISATION CHEZ NOS SUJETS

• Obtenir et accéder à la nationalité française a• Pourquoi, parmi eux, un nombre important a

nationalité française ? • Est-ce que l’obtention de la nationalité a changé quelque chose da

celle de leurs familles et enfants C’est ce que nous allons chercher à comprendre et à expliquer. En effet, 28 sujets, soit 56 % se sont fait. (Voir tableau n°25 en annexe

Figure 17

Quelle est la nationalité à l’arrivé de ceux qu Chez les tunisiens, 5 sujets, soit 100% de tunisiensdes marocains ; chez les algériens, 6 sujets, français/algériens, 5 sujets, soit Comment peut-on expliquer cette différence par rapport à la naturaparticulièrement pour les algériens qui ont, Nous pensons au contexte historique. Si la décolonisation s’est faite de façon «Tunisie, et au Maroc, cela ne fut pas le cas pourtrès violente, elle a laissé des traces indélébiles et un «

141 Jacqueline COSTA-LASCOUX «p.48 142 Id. p.18

Avez vous songé à vous faire naturaliser?

enfants naissent ainsi français, chaque année ».141 En somme, des dispositions ouvertes si des considérations de pure gestion administrative ne l’emportent sur la valeur du principe.

LA NATURALISATION CHEZ NOS SUJETS

Obtenir et accéder à la nationalité française a-t-il un sens pour nos retraitésrmi eux, un nombre important a fait la démarche pour l’obtention de la

ce que l’obtention de la nationalité a changé quelque chose da

celle de leurs familles et enfants ?

C’est ce que nous allons chercher à comprendre et à expliquer.

En effet, 28 sujets, soit 56 % se sont fait naturaliser. Cependant, 22, soit 44 %, ne l’en annexe)

17 : Avez-vous songé à vous faire naturaliser ?

Quelle est la nationalité à l’arrivé de ceux qui l’ont fait. (Voir tableau n°25

soit 100% de tunisiens ; chez les marocains, 12 sujets, ; chez les algériens, 6 sujets, soit 33,33% des algériens

français/algériens, 5 sujets, soit 41% de français/algériens.

on expliquer cette différence par rapport à la naturant pour les algériens qui ont, moins que les autres, pris la nationalité française

Nous pensons au contexte historique. Si la décolonisation s’est faite de façon «Tunisie, et au Maroc, cela ne fut pas le cas pour l’Algérie. Celle-ci ayant été violenttrès violente, elle a laissé des traces indélébiles et un « contentieux » assez lourd.

LASCOUX « La nationalité par naissance et par choix » H et Migration, 1994 juillet,

Oui56%

Non44%

Avez vous songé à vous faire naturaliser?

102

En somme, des dispositions ouvertes si des considérations de pure gestion administrative ne l’emportent sur la valeur du principe.142

il un sens pour nos retraités ? fait la démarche pour l’obtention de la

ce que l’obtention de la nationalité a changé quelque chose dans leur vie et dans

naturaliser. Cependant, 22, soit 44 %, ne l’ont pas

en annexe)

; chez les marocains, 12 sujets, soit 80% soit 33,33% des algériens ; chez les

on expliquer cette différence par rapport à la naturalisation, tout pris la nationalité française ?

Nous pensons au contexte historique. Si la décolonisation s’est faite de façon « douce » en ci ayant été violente, voire » assez lourd.

» H et Migration, 1994 juillet,

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Les effets psychologiques de la décolonisation en Algérie ont laissé des traces sur tout un peuple, sur les individus et sur leur histoire, voire leur parcours individuel. Ces derniers ont peut-être mal vécu cette période sanglante et l’histoire, laissant des traces psychologiques très profondes même, sur la formation d’un pays, d’un état, d’un peuple, voire des individus. Nous pensons également que la propagande idéologique, de part et d’autre, a joué un rôle assez opaque sur le cours de l’histoire, laissant en cours, des traces que nous pouvons constater.

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II - POURQUOI ONT-ILS CHOISI LA NATIONALITE FRANCAISE ? La grande majorité des sujets interrogés, et tout particulièrement les marocains et les tunisiens ont opté pour la nationalité française, selon eux, pour les raisons suivantes, et par ordre d’importance :

• Avoir des droits : santé, hôpital • Raisons administratives : vie quotidienne, travail • Avoir les mêmes droits que les citoyens français : voter • Circuler et s’exprimer librement, visiter l’Europe • Raisons familiales : accès aux concours pour les enfants

Il y a une tendance opposée à celle de la majorité. Celle-ci représente des retraités ayant opté pour garder leur nationalité d’origine. Voici comment ce choix est expliqué, selon eux :

« Je n’ai pas vu l’intérêt » « Çà ne change rien » « Çà ne me dit rien » « Ce n’est pas intéressant » « Je reste algérien » « Je garde ma nationalité algérienne… »

Il y a aussi, une petite tendance de ceux qui ont regretté de ne pas avoir fait la démarche de nationalité. Ils l’expriment ainsi :

« Je regrette de ne l’avoir pas fait » « J’aurais dû le faire jeune » « Je n’ai pas vu l’intérêt » « Maintenant je suis trop vieux »

Nous avons constaté, précédemment, que le pourcentage des français a doublé. Cela peut s’expliquer par le fait de la naturalisation. Cette augmentation est due à la naturalisation importante des marocains et la quasi-totalité des tunisiens et pour partie des algériens. Concernant les étrangers et les frontières de l’appartenance nationale, Geneviève VINSONNEAU, nous affirme, à juste titre, que : « s’il échappe aux frontières de cette appartenance, l’étranger bénéficie plus de la totalisation bienfaitrice du « Nous ». La logique de la péjoration, le transforme volontiers en support de projection malfaisante ».143

143 Geneviève VINSONNEAU, « L’identité culturelle », édition Armand Colin, 2002, p.211

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En effet, nous pensons qu’un grand nombre de nos sujets ont choisi la nationalité française pour, aussi, la totalisation bienfaitrice du « Nous ». Mais on peut ajouter, également, qu’il est recommandé à l’étranger de réduire ses différences, tout au moins certaines d’entre elles, comme l’affirme G. VINSONNEAU … pour s’intégrer. Il est important aussi de penser « que l’immigré est contraint de développer des stratégies identitaires propres à assumer la réduction de la dissonance que son étrangeté fait surgir ».144

1 - NATURALISATION et NATIONALITE On peut constater que chez les algériens, il y a quelques changements. Ceux qui avaient la nationalité française avant l’indépendance, l’ont gardée après l’indépendance. Cependant, il y a aussi ceux qui avaient repris leur nationalité algérienne, et ont plusieurs années après, redemandé la nationalité française. Cela peut s’expliquer par le fait du choix de rester vivre en France avec la famille et les enfants. Obtenir la nationalité française ou la reprendre procure des avantages importants dont les retraités avaient besoin. En effet, les Algériens représentaient 18 sujets au départ, mais après la naturalisation, ils représentent 19 sujets. Leur nombre a augmenté de 1 sujet. Cela signifie que la quasi-totalité des français/algériens ayant la nationalité française, l’ont gardée.

La Naturalisation et les aspects associés a) Groupe d’arrivée : Le groupe arrivé en premier (arrivé avant 1959) est celui qui a moins pris la nationalité française que les autres groupes, arrivés ultérieurement (années 60 et 70), comme le montre l’analyse de variance (dl effet=2 ; MC Effet=0,83 ; dl Erreur=47 ; MC Erreur=0,23 ; F=3,67 ; p=0,032).

Les comparaisons des groupes deux à deux nous montrent les résultats suivant : - Le groupe 1 (Moyenne=1,75) s’est significativement moins fait naturaliser que le groupe

2 (Moyenne=1,38) (t=2,17 ; ddl=36 ; p=0,037). Effectif 3/12, soit 25% - Le groupe 1 (Moyenne=1,75) a significativement moins pris la nationalité française que le

groupe 3 (Moyenne=1,25) (t=2,70 ; ddl=22 ; p=0,012). Effectif 16/26, soit 61,54% - Il n’existe pas de différence significative entre le groupe 2 (Moyenne=1,38) et le groupe 3

(Moyenne=1,25) (t=0,80 ; ddl=36 ; p=0,43). Effectif 9/12, soit 75%

144 Même référence, p.312

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b) Formation professionnelle au pays : Il existe un effet de la formation professionnelle au pays sur la naturalisation. (dl effet=1 ; MC Effet=1,05 ; dl Erreur=48 ; MC Erreur=0,23 ; F=4,49 ; p=0,040). En effet, le groupe ayant suivi une formation professionnelle au pays (Moyenne = 1,83) a moins pris la nationalité française que les personnes n’ayant pas suivi de formation professionnelle (Moyenne = 1,38) (t=2,12 ; ddl=48 ; p=0,040). Effectif : 27/44, soit 61,36%. c) La venue de la famille : La venue de la famille a eu un impact sur la naturalisation, dans le sens où les personnes ayant fait venir leur famille, ont plus pris la nationalité française que les autres. (dl effet=1 ; MC Effet=1,10 ; dl Erreur=41 ; MC Erreur=0,22 ; F=5,05 ; p=0,03). Effectif : 22/30, soit 73,33%, ont pris la nationalité française. Le test de Student confirme ces résultats : le groupe ayant fait venir sa famille (Moyenne=1,27) s’est plus fait naturaliser que le groupe n’ayant pas fait venir sa famille (Moyenne=1,61) (t=2,25 ; ddl=41 ; p=0,03). d) Définition de la nationalité : Ceux qui se «sentent français » ont pris la nationalité française (8, 88,89%), de même que ceux qui se sentent « entre les deux », (12, 66,67%), alors que parmi ceux qui se sentent « étrangers », seuls 8, (34,78%), ont pris la nationalité française. Il existe une influence de la définition de la nationalité par rapport à la naturalisation. (dl effet=2 ; MC Effet=1,10 ; dl Erreur=47 ; MC Erreur=0,21 ; F=5,14 ; p=0 ,009) Les comparaisons des groupes deux à deux nous montrent les résultats suivants :

• Il existe une différence significative des résultats entre le groupe se sentant étranger (Moyenne=1,65) et le groupe se sentant entre les deux (Moyenne=1,33) (t=2,08 ; ddl=39 ; p=0,04).

• La comparaison entre le groupe se sentant étranger (Moyenne=1,65) et le groupe se sentant français (Moyenne=1,11) montre qu’il existe une différence significative des résultats (t=3,05 ; ddl=30 ; p=0,004).

• En revanche, il n’existe pas de différence significative entre le groupe se sentant entre les deux (Moyenne=1,33) et le groupe se sentant français (Moyenne=1,11) (t=1,23 ; ddl=25 ; p=0,23).

e) Avoir des amis Français : Le fait d’avoir des amis français a influencé la prise de nationalité française, dans le sens où les personnes ayant des amis français ont opté plus que les autres pour la nationalité française. (dl effet=1 ; MC Effet=2,01 ; dl Erreur=48 ; MC Erreur=0,21 ; F=9,40 ; p=0,003). Effectif : 26/39, soit 66,67%

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DISCUSSION Nous dressons les constats suivants. 1 - Le Groupe 1, arrivé avant 1959, majoritairement algériens et français/algériens, a moins pris la nationalité française que les autres, et il existe une différence significative entre les groupes 1et 2 arrivés entre 1961 et 1969, et le groupe 3 arrivé à partir de 1970, dans le sens où le Groupe 1 a moins été naturalisé que les autres. Force est de constater que 25% des français/algériens se sentent français, sachant que, un grand nombre d’algériens avait déjà la nationalité française (les français/algériens). Nous pensons que le Groupe 1 a pu subir des « pressions d’ordre nationaliste » dans une période très « chaude », assez complexe et perturbée, qui n’a pas aidé, suite aux « pressions de groupes » de l’époque, à prendre une véritable décision autonome. 2 - Les personnes ayant fait venir leur famille en France, ont plus facilement opté, et plus que les autres, pour l’obtention de la nationalité française. 3 – Ceux qui ne se définissent ni comme français, ni comme étranger, c’est-à-dire « entre les deux », ont significativement plus pris la nationalité française que les deux autres groupes. 4 – Ceux qui se définissent comme « étranger », ont significativement moins pris la nationalité française. 5 – Ceux ayant des « amis français », se sont plus fait naturaliser que les autres. Si les retraités interrogés, en majorité algériens et français/algériens, arrivés avant 1959, ont été les moins naturalisés, d’une part certains étaient déjà français et d’autre part cela peut s’expliquer par une période de guerre « colonialiste » relativement sanglante et par des pressions faites dans chaque groupe « ethnique » ou « nationaliste ». Une période qui a marqué l’histoire du 20ème siècle. Cette période a duré relativement longtemps, sur les années 1950 – 1960. Sachant que, même si l’indépendance a eu lieu en 1962, une sorte de guerre « larvée » et psychologique continuait encore aux années 60 et 70. Cela a dû marquer les sujets de façon à laisser des empreintes dans les comportements et l’attitude de chacun. Aussi, il n’est pas étonnant que ceux qui ont voulu se faire naturaliser, fussent majoritairement tunisiens et marocains. Cela en dit long sur le « contentieux » non encore réglé entre deux peuples et deux mémoires. Il laisse encore ses empreintes sur les individus et leur histoire. On peut en déduire que la guerre a été un élément déterminant empêchant l’intégration des algériens et des français algériens dans la société française. D’autant que celle-ci ne les acceptait pas facilement. Ce n’est pas par hasard si le quotidien Le Monde titrait, dans son numéro du mardi 4 décembre 2007, en première page : « France – Algérie : le poids des vieilles rancunes. Le premier paragraphe affirme : « placé sous le double signe du développement économique et relations économiques, et d’un passé qui ne s’efface pas, la visite de Nicolas SARKOZY en Algérie, les 3, 4 et 5 décembre, promet d’être délicate ».145

145 Le Monde, 4 décembre 2007, p.1

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Dans un entretien accordé à l’agence algérienne APS, et publié le dimanche, Nicolas SARKOZY a admis : « Bien sûr, il y a aussi l’histoire qui est là, et continue parfois de s’interposer entre nous, il ne faut pas l’ignorer, mais l’assumer. Cela demandera encore un peu de temps de part et d’autre, car il y a des blessures, des deux côtés, qui ne sont pas refermées ».146 Dans ce même numéro, Elisabeth GUIGOU, estime de son côté, qu’il doit exister une manière de dire qu’il existe un passé douloureux entre la France et l’Algérie, et que c’est à la France de « faire le premier pas ».147 En octobre 2007, en Indre et Loire, le quotidien La Nouvelle République titrait : « 17 octobre 1961, les algériens n’oublient pas ».148 En effet, la Nouvelle République indique que chaque année, la communauté algérienne commémore les victimes de répressions policières à Paris, et signale que « cet épisode dramatique de la guerre d’Algérie est resté longtemps sous silence, côté français »149 La formation professionnelle au pays d’origine est un élément important à prendre en compte. Il a, en effet, influencé la naturalisation. Ceux qui ont suivi une formation professionnelle au pays d’origine, ont été moins nombreux que les autres à se faire naturaliser. Cela nous indique, sérieusement, l’importance de la formation et son impact dans la vie sociale. Nous avons constaté que la famille avait vu l’intérêt, à moyen et long terme de cette démarche, qui peut aider, comme nous le verrons ultérieurement, à consolider l’avenir des enfants. C'est-à-dire que d’ores et déjà, l’idée de s’installer et vivre définitivement en France, était mûre. D’autre part les parents voyaient leur présence se prolonger pour s’assurer de l’avenir de leurs enfants, afin de leur assurer un meilleur avenir et sous leur protection. Nous pensons que les familles protectrices se situent « entre les deux » c’est-à-dire ni français, ni étranger, mais en mutation. Ils avaient peut-être conscience que l’avenir de leur descendance se ferait en France. Mais les familles vacillent entre les deux pays, deux cultures, voire deux choix dont le dernier a opté pour la France tout en étant eux-mêmes de deux cultures et non pas dans l’une ou dans l’autre. Ce constat est typique des périodes de mutation que la France et l’Europe ont manifesté dans les années 70 et 80. Cette situation traduit, également, un degré important de la socialisation de ces personnes au sein de la société française. Avoir des amis, communiquer avec son environnement a, certes, influencé cette décision, et permis d’aller plus loin dans le comportement et l’attitude personnelle, familiale, ainsi que celui du groupe pour mieux « s’assimiler », sans pour autant renoncer à sa culture et à son histoire d’origine. Pour nous, l’ensemble de ces décisions et d’attitudes représente un changement dans la façon de vivre, de voir et de concevoir les choses et la vie. Une façon qui prépare, réellement, l’avenir des enfants. En même temps ce changement, voulu, a, néanmoins, préparé le socle

146 Id, p.10 147 Id, p.10 148 La Nouvelle République du Centre, 22 décembre 2007 149 Ce rassemblement était organisé par l’association des Algériens de Tours

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d’une relative intégration future pour les enfants et accessoirement pour eux-mêmes, sachant que la retraite sera, peut-être, vécue en France et non pas au pays d’origine. Nous ne savons pas à quel moment est intervenue la décision de la naturalisation par rapport à celle de rester vivre définitivement en France. Nous proposons que chacune a pu influencer l’autre, car elles semblent liées. Nous pensons que les deux décisions ont été prises presque en même temps, car une fois qu’ils ont décidé de rester vivre en France, notamment par rapport à l’avenir des enfants, la nationalité et l’obtention de la naturalisation, allaient de pair. Chacune a soutenu l’autre : le fait de décider de vivre définitivement en France. Le choix de se faire naturaliser, est l’attitude d’accompagner favorablement la naturalisation de leurs enfants, et quelquefois avec des encouragements. Une attitude en rupture avec les idées « nationalistes » ou patriotiques précédentes. C’est, également, une rupture avec les idées uniformes et conformes que la nationalité d’origine peut imposer. C’est dans ce type de rupture qu’un changement se fait jour, mais nous pensons que cela n’est pas brutal mais progressif. Nous supposons que chacun avait déjà, selon ZNANIECKI, une sorte de « prédisposition » qui a facilité la démarche. La rupture avec les « idées anciennes » s’est faite au moment où la personne commençait à se démarquer par rapport aux idées traditionnelles, en adoptant des valeurs et des attitudes nouvelles. Ces dernières ont progressivement contribué à préparer psychologiquement et culturellement la personne à une identité différente de celle d’avant.

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III - SATISFACTION DE CEUX QUI ONT OBTENU LA NATIONALITE FRANCAISE La satisfaction semble avoir correspondu aux attentes de ceux qui ont obtenu la nationalité française, pour ce qui est de :

• L’obtention des droits : ils ont pu bénéficier des mêmes avantages que leurs collègues français.

• Certains ont pu améliorer leur pension de retraite. • D’autres ont pu faire reconnaître le nombre d’années travaillées en Algérie pour

leur pension de retraite. • Ceux qui disent qu’ils se sentent mieux acceptés en France, ils circulent librement,

s’expriment librement, votent. • Affirment que cela change la vie.

Bien que ceux-là semblent être satisfaits, car ils ont obtenu des avantages, il existe une infime minorité (16 sujets) qui disent que :

« Çà n’a rien changé » « Il n’y a pas d’avantages à cela » « Je ne l’ai pas fait en espérant quelque chose »

Cette minorité nous laisse un peu perplexe, car on peut se poser la question : ont-ils bénéficié des avantages que la naturalisation procure ou non ? Si non pourquoi ? Derrière ces affirmations, nous avons senti une certaine amertume chez les sujets, durant l’entretien. Ils avaient une certaine pudeur, voire une réserve qu’ils n’avaient, visiblement, pas envie d’expliquer. Nous pensons que la naturalisation des sujets a offert de nombreux avantages. Mais :

• Ont-ils fait la démarche pour l’obtention de la nationalité, uniquement pour des raisons purement matérielles ?

Ou bien :

• Ont-ils effectué cette démarche comme l’aboutissement d’un long parcours d’adaptation passant par des changements dans leurs attitudes, modes de vie, ou pour l’acquisition de nouvelles idées ?

Ou bien :

• Pour devenir français avec des valeurs françaises ? Nous pensons que le fait d’avoir la nationalité française a déterminé plusieurs choses dans la vie de nos sujets, comme nous le verrons ultérieurement.

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IV - COMMENT SE DEFINIR APRES LA NATURALISATION ? L’acquisition de la nationalité française signifie-t-elle que le sujet acquéreur s’identifie à elle et se définit comme français ? Cela ne semble pas être le cas. Nous avons eu une surprise de taille. Lorsqu’on demande aux retraités interrogés s’ils se définissent comme français, étrangers, ou « entre les deux », et/ou « les deux à la fois », la réponse est assez étonnante. En effet, dans l’ensemble : • 23 des retraités interrogés, 46 %, se définissent comme étrangers • 18 des retraités interrogés, soit 36 %, se définissent entre les deux • 8 des retraités interrogés, soit 16 %, se définissent comme français • 1 retraité interrogé, soit 2 %, se définit comme autre (voir tableau n°47 en annexe)

Et lorsque nous cherchons comment chacun se définit par rapport à la nationalité d’arrivée , nous obtenons la répartition suivante : Pour ce qui concerne les retraités français/algériens :

• 6 sur 12, soit 50 % se sentent étrangers • 2 sur 12, soit 16,67 %, se sentent entre les deux • 4 sur 12, soit 33,33 %, se sentent français

(voir tableau n°47 en annexe) En ce qui concerne les retraités algériens :

• 11 sur 12, soit 61,11 %, se sentent étrangers • 6 sur 12, soit 33,33 % se sentent entre les deux nationalités • 1 sur 12, soit 5,55 %, se sentent français

(voir aussi tableaux n°47, 48, 49 et 50 en annexe)

Figure 18 : sentiment d’appartenance pour la nationalité d’arrivée algérienne

Français :

5,55%

Entre les

deux :

33,33%

Etranger :

61,11%

Sentiment d'appartenance

pour la nationalité algérienne

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Pour les marocains, cette répartition en pourcentage est la suivante :

• 5 sur 15, soit 33,33 % se sentent étrangers • 7 sur 15, soit 46,66 % se sentent entre les deux nationalités • 3 sur 20, soit 20 % se sentent français

Figure 19 : sentiment d’appartenance pour la nationalité d’arrivée marocaine Pour les tunisiens, cette répartition, en pourcentage, s’indique ainsi :

• 1 sur 5, soit 20 % se sentent étrangers • 3 sur 5, soit 60 % se sentent entre les deux • 1 sur 5, soit 20 % se sentent français • 20 % se sentent autre

(Voir aussi tableaux n°47, 48, 49 et 50 en annexe)

Figure 20 : appartenance pour la nationalité tunisienne

Français :

20,00%

Entre les

deux :

46,66%

Etranger :

33,33%

Sentiment d'appartenance

pour la nationalité marocaine

Français :

20,00%

Entre les

deux 60,00%

Etranger :

20,00%

Sentiment d'appartenance

pour la nationalité tunisienne

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Comment expliquer le fait que la moitié des algériens « français », ayant la nationalité française à l’arrivée en France, se définisse ainsi : ils se sentent étrangers et non pas, au bout de 40 ans en moyenne, comme des français. On peut penser que, pour une majorité d’entre ces personnes, elles ont vécu douloureusement la guerre d’Algérie et ses conséquences en France, dans les années 50 – 60 et même dans les années 70. On peut penser aux périodes où régnaient les répressions policières, surveillance, maltraitance, méfiance, rejet des français vis-à-vis d’eux, etc. …. Le non deuil français et algérien de la guerre, absence de réelle réconciliation, etc.… On peut penser aussi que, durant cette période sombre de l’histoire, il fallait prendre position, se ranger du côté de l’Algérie ou du côté français. Nous pensons que les évènements politiques de cette période, ne peuvent pas tout expliquer, il y a des éléments qui ont fait leur apparition durant ces dernières années. La révolte des jeunes des banlieues, en 1984, la marche des Beurs en novembre 2005, et la période électorale présidentielle, tout particulièrement en 2007. En effet, la majorité des commentateurs politiques et des critiques ont mis en évidence l’échec de la politique d’intégration depuis 3 décennies. Le constat fut fait : cités ghettos, discrimination, injustice et inégalités, … Ces éléments réunis ont-ils contribué à modifier l’attitude de nos sujets, ou bien cette attitude s’explique-t-elle par le vécu sous le colonialisme ? Eux qui ont travaillé durement et constatent que les enfants et petits enfant ne sont pas traités avec justice et égalité, ont-ils changé d’attitude ou bien leur attitude serait-elle due à autre chose ? Contrairement à ce que nous pouvons penser, ce ne sont pas ceux qui sont arrivés le plus tôt en France pour travailler et y vivre, et malgré les évolutions positives (comme nous le verrons), qui se sentent ou se définissent comme français. En revanche, ceux qui sont arrivés beaucoup plus tardivement (année 70, majoritairement, et un peu ceux des années 60) ont opté pour un rapprochement de l’identité française (ils se sentent entre les deux pour le tiers des sujets). Si l’ensemble des retraités maghrébins ont affirmé qu’ils ont fait le choix de la nationalité française, c’est certainement une démarche intéressante, en termes d’acquis pour eux et leurs enfants, mais ont-ils vu autre chose que la dimension « utilitaire et matérielle » ? Comment peut-on avoir la nationalité française et se définir comme étranger ou algérien par exemple ?

Se définir après la naturalisation et variables associées a) Le groupe d’âge actuel : Le groupe d’âge actuel influence le sentiment d’appartenance, dans le sens où les plus âgés se sentent le plus étranger (dl effet=2 ; MC Effet=1,20 ; dl Erreur=47 ; MC Erreur=0,21 ; F=5,70 ; p=0,006) Le groupe 2 (+ de 65 ans) se sent plus étranger. Effectif : 18/29, soit 64,28% (Moyenne = 2,1) Le groupe 1 (- de 65 ans) se sent étranger. Effectif : 5/22, soit 22,72% (Moyenne = 1,43)

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b) Les retour au pays durant la vie active : Ceux qui rentraient au pays durant la vie active, Effectif : 21/29, soit 6,9%, se sentent moins français que les autres Moyenne = 2,00). Ceux qui rentraient le moins, Effectif : 7/20, soit 35%, se sentent français (Moyenne = 1,50). Moins les personnes sont rentrées au pays durant leur vie active, plus elles ont le sentiment d’être françaises. (dl effet=2 ; MC Effet=6,39 ; dl Erreur=47 ; MC Erreur=1,55 ; F=4,12 ; p=0,022) c) Vivre en France a changé des habitudes de vie : Le changement des habitudes de vie en France a une influence sur le sentiment d’identité actuelle et d’appartenance. En effet, les personnes ayant ressenti un changement dans leurs habitudes de vie (Moyenne = 1,97), se sentent plus françaises ou entre les deux que les autres (Moyenne = 1,50). (dl effet=2 ; MC Effet=0,95 ; dl erreur=42 ; MC Erreur=0,21 ; F=4,50 ; p=0,017) Effectif : 20/27, soit 74,07%, se sentent français entre les deux, et ont ressenti un changement d’habitudes de vie. d) L’adaptation : Il existe un effet de l’adaptation sur le sentiment d’identité. Les personnes s’étant le mieux adaptées, ont le sentiment d’être entre le deux nationalités (Moyenne = 1,5). (dl effet=2 ; MC Effet=0,56 ; dl erreur=47 ; MC Erreur=0,14 ; F=3,87 ; p=0,027) Effectif : 18/18, soit 100%, se sentent entre les deux nationalités et se sont adaptés facilement. Se sont adaptés le moins Moyenne = 1,53) e) Avoir des amis français : Les personnes se sentant françaises et entre les deux ont plus d’amis français (Moyenne = 1,87) que les personnes se sentant étrangères (Moyenne = 1,18). (dl effet=2 ; MC Effet=0,66 ; dl Erreur=47 ;MC Erreur=0,15; F=4,29 ; p=0,020) Effectif : 25/27, soit 92,59% se sentent français entre les deux. f) La venue de la famille : La venue de la famille influence le sentiment d’appartenance identitaire, dans le sens où les personnes n’ayant pas fait venir leur famille se sentent étrangères. (dl effet=2 ; MC Effet=0,70 ; dl Erreur=40 ; MC Erreur=0,19 ; F=3,65 ; p=0,035) Effectif : 9/23, soit 39,13% Ceux ayant fait venir la famille Moyenne = 1,87) g) La Naturalisation : Ceux qui se sont fait naturaliser se sentent plus français que les autres (Moyenne = 2). (dl effet=2 ; MC Effet=1,106860 ; dl Erreur=47 ; MC Erreur=0,21; F=5,14 ; p=0,009) Effectif : 9/23, soit 39,13%. Ceux qui ne se sont pas fait naturaliser (Moyenne = 1,36)

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h) La pratique de la religion : Les moins pratiquants se sentent entre les deux (Moyenne = 1,95). (dl Effet=2 ; MC Effet=0,63 ; dl Erreur=47 ; MC Erreur=0,172834 ; F=3,64 ; p=0,034) Effectif : 7/18, soit 38,88% Ceux qui pratiquent : 20/23, soit 86,96%, se sentant étrangers (Moyenne = 1,60), 8/9 sujets, soit 82,89%, se sentant français. On peut penser que la religion n’est pas un obstacle quant à la naturalisation et à la définition de l’identité.

DISCUSSION Religion et changement Tout d’abord, à propos de religion : « il apparaît que les religions sont toutes, par nature, hostiles aux changements » comme l’affirme BASTIDE (1970) à partir de ses observations.150 Il décrit les religions comme « un obstacle dressé contre le changement, la transformation et les mutations des mentalités, des structures du social sous tous ses aspects ».151 Nos conclusions en la matière, démontrent que ce n’est pas si mécanique, ni systématique, mais plutôt évolutif. Car il s’agit de voir dans quelles conditions se produit le changement. Le rôle des religions « En faisant partager une même vérité et un même but aux hommes, la religion les unit. Ils forment, alors, un groupe assimilable à une famille, une ethnie, un royaume …,152 l’union se réalise par l’adoption d’un même code comportemental, qui exige une loi ou une morale, elle-même fondée sur une description spécifique à la réalité et sa conception particulière du monde »153 Contrairement à ce que l’on peut penser, ce sont les plus anciens (algériens et français/algériens) qui se sentent le plus étrangers. Ceux qui, durant la vie active, rentraient souvent au pays d’origine, se sentent moins français que les autres. Or ceux qui rentraient moins souvent au pays d’origine durant la vie active, se sentent plutôt français. En effet, moins on rentre au pays d’origine durant la vie active, plus on se sent français, et inversement. De plus ceux qui ont senti un changement dans leurs habitudes de vie, se sentent plus français que les autres. Ce sont, pour partie, les habitudes de vie aussi, qui ont contribué à ce que les personnes se sentent plus proches des français que des personnes de leur pays d’origine.

150 Geneviève VINSONNEAU « L’identité culturelle », éditions Armand COLIN, 2002, p.146 151 Même référence, p.147 152 Id. p.144 153 Id. p.146

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Cependant, l’adaptation joue aussi un rôle essentiel. Ceux qui se sont adaptés le plus, ont plus le sentiment d’être « entre les deux » cultures, de même que ceux qui ont des amis français, ont le sentiment d’être français ou entre les deux. En opposition à ces derniers, ceux n’ayant pas fait venir leur famille, se sentent étrangers. Peut-on ainsi constater que la famille est un élément important dans l’intégration ainsi que dans la définition de l’identité. La naturalisation a joué, aussi, un rôle important. Ainsi, ceux qui se sont fait naturaliser, se sentent plus français que les autres.

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V - ENTRE NATIONALITE ET IDENTITE Nos sujets semblent nous dire que l’acquisition de la nationalité ne signifie pas, pour eux, l’effacement de l’identité d’origine. Mais comment et pourquoi ? Y a t il une explication ? Il existe un lien entre la naturalisation et d’autres éléments. La venue de la famille, le changement de vie et la nationalité d’avant sont des éléments qui ont influencé la décision de naturalisation. La recherche de la sécurité, de la stabilité et l’avenir des enfants ont probablement poussé les sujets à avoir un élément de protection pour leur famille assurant des avantages et sécurité tels que les droits (allocation familiale, santé, soin, éducation etc.….). Le rôle de la femme ne doit pas être sous estimé, car celle-ci a un rôle protecteur et l’une de ses fonctions est d’assurer la gestion du foyer et l’éducation de ses enfants. Il y a aussi un rôle essentiel qu’elle joue, c’est celui de perpétrer les traditions, c’est-à-dire, en d’autres termes, préserver les valeurs traditionnelles, parmi lesquelles se trouve l’identité.

Figure 21 : sentiment d’appartenance global

Par ailleurs, il existe, également, un lien important entre la définition de sa naturalisation et la langue d’origine. Le fait de parler la langue arabe a une influence sur la définition de l’identité ou de la nationalité. Les retraités, dans leur ensemble, bien qu’ils aient choisi la nationalité française, se définissant comme étrangers, peut paraître étrange et surprenant. Il y a une explication alternative : c’est le fait que la société française les traite, en partie comme des étrangers.

Français

:18%

Entre les

deux : 36%

Etranger :

46%

Sentiment d'appartenance

globale

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Cette situation, comme nous l’avions expliqué déjà, relève d’un contexte historique (situation coloniale et postcoloniale) et d’une situation due au vécu en France, durant plus de 40 ans. Un vécu où il y a eu, certes, des changements dans l’attitude et le comportement des sujets, mais ces changements n’ont pas affecté leur identité d’origine, et tout particulièrement pour les algériens. Au contraire, l’attachement à celle-ci est resté intact tout particulièrement chez les algériens. Ces changements affectent moins les marocains. On peut également penser que le fait de se sentir étranger peut être une réaction due non seulement à un lourd passif « historique », mais aussi à d’autres causes. Nos sujets ont-ils été aidés durant leur long parcours en France, dans leurs conditions de vie matérielle, sociale, psychologique, culturelle, afin de les rapprocher de la citoyenneté ? Ont-ils été réellement acceptés dans la société ? Nous pensons que les efforts fournis, sous les différents gouvernements, depuis plus de 30 ans n’ont pas réellement contribué à ce que ces personnes deviennent progressivement citoyennes. Il est fort possible que le contexte français n’a pas contribué à une évolution ou à un changement dans ce sens. C’est là que réside une partie de l’explication. Il s’ajoute à cela le lourd passif entre français et algériens, dû à la guerre d’Algérie. Une autre partie de l’explication réside dans le fait de la possibilité de vivre, pour certains, avec une identité multiple. La contradiction entre l’identité personnelle d’origine et la nationalité française ne semble pas perturber les sujets concernés. Ils vivent avec, et cela ne leur semble pas incompatible. Le fait d’avoir la nationalité française a, certes, des avantages mais il permet à nos sujets d’avoir encore plus de légitimité à vivre en France, d’autant plus que cette légitimité a été obtenue grâce au travail effectué durant plusieurs décennies. Ils ont, grâce au travail, obtenu le droit du sol. Ce dernier leur a permis, ultérieurement, d’aller plus loin. Cependant, un phénomène qui mérite que l’on s’y interroge de plus près, ce sont les retraités qui se sentent et se définissent comme « entre les deux » nationalités (cf. remarque plus haut).

1 – NI ETRANGER, NI FRANÇAIS, ENTRE LES DEUX ET LES DEUX A LA FOIS Bien que la proportion de ceux qui se sentent ou se définissent comme français, soit petite, elle prend plus de signification si l’on situe les choses différemment. Il nous semble judicieux de tenir compte d’une donnée importante qui est celle de ceux se sentant « entre les deux », et cela mérite une très grande attention. Ceux appartenant à cette catégorie, ne se sentent plus comme étrangers, et ce fait est essentiel. Ils ont la nationalité française, certes, mais ils ne se sentent pas étrangers, ils ont la nationalité française, certes, mais ils ne se sentent pas français. Ils ont franchi, dans les faits, une barrière importante psychologiquement.

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Cette attitude représente plus, à nos yeux, « un rapprochement » positif de l’identité française, que le contraire. Un tel rapprochement est significatif dans le sens où leur référence identitaire n’est plus celle de la nationalité d’origine (étrangère). Il y a, en effet, une sorte de dépassement de culture et un rapprochement de l’identité française. D’autre part, si l’on additionne la proportion de ceux se sentant français et ceux se définissant comme « entre les deux cultures », selon la nationalité, on obtient 54% de l’ensemble (voir tableau n°50 en annexe), c’est-à-dire que ceux qui ne sont plus étrangers et ne se référent pas, sur le plan identitaire au moins, à la nationalité d’origine directement, sont majoritaires, même s’ils n’affirment pas clairement et directement « une appartenance identitaire française », ou bien une référence française directe. Il n’empêche, néanmoins, qu’ils s’approchent énormément des valeurs et des repères de ce pays. C’est en cela que ce phénomène est significatif. Il est très significatif chez les tunisiens pour qui l’attitude de français ou entre les deux représente 4 sujets sur 5 (80%), contre 10 sujets sur 15 (66,67%) chez les marocains, 6 sujets sur 12 (50%) chez les français/algériens, et enfin 7 sujets sur 18 (38,86%) chez les algériens (voir tableau n°48 en annexe). Cette situation est tout à fait particulière, voire singulière, et invite à se poser des questions :

• Nos sujets ont-ils réellement bénéficié de bonnes conditions durant leur trajectoire, facilitant leur intégration ?

• Ont-ils été acceptés par la société française ? • Est-ce que leur enracinement dans la culture d’origine est aussi puissant ?

Ou bien encore :

• est-ce que cette situation est, à la rigueur « normale » ou logique dans le sens où elle fait partie d’un long processus ?

• Et compte tenu des conditions historiques pour certains, les algériens et les français/algériens en particulier, il n’était pas envisageable, à un moment donné, de se naturaliser et prendre le risque de se faire accuser de « traître » ?

Chez les retraités, par nationalité, ceux qui se définissent comme entre deux nationalités, se répartissent ainsi :

• Les français/algériens, (17 %) se définissent entre les deux nationalités • Les algériens, (33 %)) ″ ″ ″ • Les marocains, (47 %) ″ ″ ″ • Les tunisiens, (60 %) ″ ″ ″

(voir tableau n°47 en annexe) En effet, ce sont, par ordre d’importance les tunisiens qui s’approchent le plus de cette notion « Entre les deux », suivis par les marocains et par les algériens et enfin les français/algériens.

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Figure 22 : appartenance «

Nous pensons que ce n’est pas le fait du hasard si ce sont les tunisiens et les marocains qui s’approchent le plus de la notion de «qui avaient, au départ, la nationalité française. Cependant, 25% de ceux qui se sentent français sont par ordre d’importance, les français/algériens, les marocains, les tunisiens, à 20 % contre 6 % des algériens. Cela nous confirme dans l’idée que nous avons déjà expliquée concernant la colonisation, la guerre et les traces qu’elle laissait derrière elle, sfrançais/algériens ayant eu la nationalité française au départ, avant 1962, se sentent français et se définissent comme tels. Si l’on additionne ceux, se sentant nationalité à l’arrivée, pour voir quelle proportion nous pouvons obtenir de ceux rapprochant le plus de l’identité françaisenous aurons les proportions suivantes • Français/algériens se sentant français entre les deux • Algériens ″ • Marocains ″ • Tunisiens ″ (voir tableau n°48 en annexe) En effet, ce sont les tunisiens qui battent tous les records. Une écrasante majorité se définit comme entre les deux ou français, à 80 %, et sont suivis par les marocains, 66,66 %français/algériens 50 %, et enfin les algériens à 38,89nombre de tunisiens dans l’échantillon des cas particuliers.

Marocains38,88%

Appartenance "Entre les deux" selon la nationalité

: appartenance « entre les deux » selon la nationalité

pensons que ce n’est pas le fait du hasard si ce sont les tunisiens et les marocains qui s’approchent le plus de la notion de « français », et ceux qui sont les plus proches

au départ, la nationalité française.

ux qui se sentent français sont par ordre d’importance, les français/algériens, les marocains, les tunisiens, à 20 % contre 6 % des algériens. Cela nous confirme dans l’idée que nous avons déjà expliquée concernant la colonisation, la guerre et les

ssait derrière elle, sur le plan personnel et culturel. En effet, le quart des français/algériens ayant eu la nationalité française au départ, avant 1962, se sentent français et

Si l’on additionne ceux, se sentant français, et ceux se sentant « entre les deuxpour voir quelle proportion nous pouvons obtenir de ceux

rapprochant le plus de l’identité française, en tous les cas ceux ne se sentant pas étrangers, oportions suivantes :

tant français entre les deux 50 % 6 sujets/12 ″ 38,89 % 7 sujets/18 ″ 66,67 % 10 sujets/15 ″ 80 % 4 sujets/5

sont les tunisiens qui battent tous les records. Une écrasante majorité se définit comme entre les deux ou français, à 80 %, et sont suivis par les marocains, 66,66 %

, et enfin les algériens à 38,89 %. Une autre explication nombre de tunisiens dans l’échantillon des cas particuliers.

Français11,11%

Algériens33,33%

Marocains38,88%

Tunisiens16,67%

Appartenance "Entre les deux" selon la nationalité

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» selon la nationalité

pensons que ce n’est pas le fait du hasard si ce sont les tunisiens et les marocains qui eux qui sont les plus proches sont ceux

ux qui se sentent français sont par ordre d’importance, les français/algériens, les marocains, les tunisiens, à 20 % contre 6 % des algériens. Cela nous confirme dans l’idée que nous avons déjà expliquée concernant la colonisation, la guerre et les

ur le plan personnel et culturel. En effet, le quart des français/algériens ayant eu la nationalité française au départ, avant 1962, se sentent français et

entre les deux », selon la pour voir quelle proportion nous pouvons obtenir de ceux se

, en tous les cas ceux ne se sentant pas étrangers,

6 sujets/12 7 sujets/18 10 sujets/15 4 sujets/5

sont les tunisiens qui battent tous les records. Une écrasante majorité se définit comme entre les deux ou français, à 80 %, et sont suivis par les marocains, 66,66 % et les

Une autre explication est le faible

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Figure 23 : appartenance « français » selon la nationalité d’arrivée

Cette situation nous indique plusieurs signes ou plusieurs pistes de réflexions. Est-ce que le « passif » de la guerre a empêché les sujets de mieux vivre en France ? Est-ce que cela est dû aussi au contexte purement français, ou bien au fait individuel ? Est-ce que la situation des gens issus de l’immigration et particulièrement d’origine algérienne sont « victimes » de ce lourd passif ou bien le « lourd contentieux » de l’histoire ? Nous n’avons pas de réponses sûres et sérieuses sur ces aspects qui méritent à eux seuls une enquête très approfondie. Cependant, nos questions soulèvent un sérieux problème et qui est toujours d’actualité. Mais une question essentielle demeure : l’identité multiple est-elle possible ? L’émergence d’une identité multiple peut s’expliquer, entre autre, par les éléments que nous avons mis en avant, précédemment.

DISCUSSION La question de l’identité est une question relativement complexe, tout particulièrement pour les personnes venant de pays très différents, actuellement, et par rapport à la France. Car il existe plusieurs éléments ou facteurs qui entrent en jeu et influencent la définition de l’identité : élément de la culture d’origine ainsi que du pays d’accueil (la France). Nous pensons que l’interaction entre ces éléments (culture du pays d’origine et celle du pays d’accueil), peuvent engendrer des changements importants, qui n’ont pas forcément un impact immédiat, mais plutôt progressif. Il s’agit d’une évolution ou d’un processus, relativement lent qui favorise ou non, un changement des attitudes liées à l’identité. Nous tenterons, ici, de chercher parmi les éléments en notre possession, comment la combinaison de ces éléments a permis, à certains, de s’identifier à une identité à la française, ou à une identité autre, comme celle du pays d’origine, ou celle qui se trouve entre les deux. Le degré d’imprégnation de la langue, de la culture au pays d’origine, durant une période importante de sa vie (enfance et jeunesse), est un élément important qui peut, entre autre,

Français :

44,44%

Algériens :

5,56%

Marocains :

37,50%

Tunisiens :

12,50%

Appartenance "Français" selon

la nationalité à l'arrivée

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expliquer le fait que ce soit le groupe le plus âgé qui se sente le plus étranger, car arrivé plus tôt et plus âgé. A- Ce fait lié au précédent, du retour régulier au pays, peut contribuer pour certains, à renforcer les liens avec l’identité d’origine. Il s’ajoute, également, à ces faits, celui des personnes se sentant étrangères ou entre les deux, qui souhaitent être inhumées au pays d’origine. Un autre fait qui est le socle de l’ensemble est celui de la venue de la famille, influençant le sentiment identitaire pour les personnes se sentant étrangères. B - Cependant, ceux ayant le sentiment d’être français ou entre les deux, sont influencés par plusieurs éléments, dont la langue. Ceux ne parlant pas la langue arabe, se sentent plus français que les autres. Ceux ayant ressenti un changement dans leur trajectoire de vie, se sentent français ou entre les deux. Un élément important qui se présente à nous, est celui de la pratique religieuse. Ceux qui sont moins pratiquants, se sentent « entre les deux », ni étrangers, ni français. Pour nous, c’est un fait important, car nous observons que la pratique de la religion n’est pas un obstacle quant à la définition de l’identité, ni au processus de la formation de l’identité nouvelle en France. Nous insistons sur cette dimension particulière de la religion, car « la religion musulmane est perçue comme le signe de l’inassimilabilité des maghrébins, voire comme un outil au service des puissances étrangères menaçant l’identité française » affirma P. BERNARD.154 L’idée qui se dégage de l’ensemble des données (A et B) reflète, à nos yeux, le niveau d’intégration de chaque catégorie. Nous ne disons pas que les personnes appartenant à telle ou telle catégorie, se sont ou ne se sont pas intégrées, mais plutôt, nous pensons que certains ont mieux été intégrés que d’autres, au point qu’ils ont parcouru un processus d’intégration propre à eux, et qui a contribué au fait qu’ils se sentent français. En effet, dans un cas comme dans l’autre, l’élément qui a attiré notre attention, est celui de ceux qui se sentent « entre les deux », en plus de ceux qui se définissent comme français. Ce que nous pouvons constater, c’est le changement portant sur ces deux cas : français et entre les deux. Les sujets concernés ont en effet, vécu des changements importants, sinon profonds, touchant à leur propre identité et leur façon de se définir. Ce constat est particulièrement significatif, dans la mesure où les personnes ne se sentent plus comme étrangères, car elles ne vivent pas leur présence en France comme une présence « illégitime », mais plutôt comme une continuité logique de leur parcours d’une part, et d’autre part elles ont contribué à ouvrir la voie pour la future génération : leurs enfants. L’ensemble pose la question sur l’intégration et l’appartenance, voire la différence dont le débat a occupé l’espace public aux années 80 et 90 et où entre autre, Jacques BERQUE affirmait dans le journal Libération : « malheureusement toute vérité a des effets pervers. La différence, c’est aussi l’apartheid … alors merci bien. Il vaut mieux, en définitive, que le type perde sa différence plutôt que d’être ghettoïsé ». 155 Roland LAFFITE précise que dans la tradition française, « l’autre n’a pas d’autre choix que de s’excuser dans la différence des ténèbres, ou de communier dans la mêmeté des 154 P. BERNARD, « l’immigration, Le Monde édition, 1993, p.132 155 Jacques BERQUE, Entretien Libération, 17 mai 1980, cité dans H. et Migration, p37, janvier 1991

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lumières ».156 Pour aller plus loin, la dimension de citoyenneté apparaît nettement. En effet Catherine WIHTOL DE WENDEN affirme qu’en France : « Le débat sur le nouvelle citoyenneté a été largement porté sur la scène politique par des acteurs, les « Beurs », les franco-maghrébins, les français autrement de culture musulmane, qui se trouvaient à la périphérie de l’espace politique français, et voulaient réhabiliter, dans les années 80, la participation locale, concrète, collective éventuellement, dissociée de la nationalité.157 Si l’on s’interroge, en profondeur, sur la position de ceux qui se sentent « entre les deux » en la situant non seulement par rapport aux concepts actuels de l’intégration ou de l’assimilation, mais plutôt par rapport à des « signes » d’un « futur possible » quant à l’identité, ou l’appartenance, nous pensons que cette position peut être compréhensible en dehors des concepts actuels limitant toute approche future ou en les poussant à l’extrême de leur limite. Ainsi la conception de la transhumanité future peut contenir de telles positions, comme l’exprime Jacques ATTALI : « La transhumanité est la condition de la diversité. Le transhumain aura le droit d’appartenir à plusieurs tribus à la fois, obéissant, selon les lieux où il se trouve, à diverses règles d’appartenance, à de multiples rituels de passage, à diverses formes de politesse et à de multiples codes d’hospitalité. Il devra assumer également ces appartenances multiples ».158 Jacques ATTALI ajoute qu’il pourra mêler les cultures, les fois, les doctrines, les religions, prendre à sa guise des éléments de l’un et de l’autre, sans être obligé de s’embrigader dans telle église, ou tel parti en charge de penser pour lui.159 Certes, cela semble impossible, ou ressemble à une sorte d’utopie, mais cette idée est possible (ou sera possible) dans le cadre d’une « planète sans frontières » où les hommes seront sédentaires et nomades, jouissant de droits et assumant des devoirs d’un genre nouveau : une démocratie universelle « au service d’un bien commun » de l’humanité.160

156 Roland LAFFITE, « Eloge funèbre de la différence ». H. et Migration, janvier 1991, p.38 157 Catherine WIHTOL DE WENDEN, Chargée de rédaction au CNRS, « Être citoyen en Europe », H.et Migration, n°1139, janvier 1997, p.14 158 Jacques ATTALI « L’homme nomade », Fayard, 2003, p.422 159 Même référence, p.423 160 Même référence, p.2003

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CHAPITRE - 4

Positionnement par rapport à la France et au pays d’origine

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POSITIONNEMENT DES RETRAITES INTERROGES PAR RAPPORT A LA FRANCE ET AU PAYS D’ORIGINE Ce que nous entendons par positionnement c’est : déterminer une attitude par rapport à un choix précis ou une décision prise, dans une situation précise ou circonstances particulières. Ainsi, nous allons nous intéresser au positionnement des retraités immigrés maghrébins par rapport aux points suivants :

1. Les valeurs de la France 2. la naturalisation de leurs enfants 3. Le sentiment de droits et de devoirs 4. L’accès à la propriété en France 5. Le choix du lieu d’inhumation

En effet, il y a eu des moments forts et importants durant leurs parcours où il « fallait prendre position », ou se situer par rapport à un événement ou une décision importante, qui les engageaient parfois sur le court, le moyen et le long terme. Nous chercherons au travers de quatre éléments importants à comprendre le « pourquoi » de telle ou telle attitude. L’objectif étant de mieux situer leur propre position durant leur parcours, sur des évènements, ou décision significative, voire la signification que revêt ce positionnement. En effet, face à l’ensemble de ces questions, cela peut être un élément indicatif et significatif de leur trajectoire et leur façon de voir les choses et l’avenir. Est-ce que leur positionnement traduit une réalité sociale, un changement d’attitude qui tranche par rapport aux valeurs anciennes, par rapport à eux-mêmes, par rapport à la France, et enfin par rapport au futur ?

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I - LES VALEURS DE LA FRANCE Lorsqu’on pose la question sur ce qu’ils aiment le plus en France, 16 réponses, soit 32%, répondent que ce sont les valeurs de la France. Voici leurs témoignages :

« Le droit, la liberté » « La loi et l’égalité » « Le respect d’autrui et des autorités » « La justice, la liberté, la République française, la démocratie et les droits de l’homme » « La liberté d’expression » « La vie, la paix » « « Je n’ai pas eu de discrimination … La liberté, car c’est sacré, il n’y a aucun pays au monde comme la France » « La France a su me respecter » « La tranquillité, quand on fait rien de mal, on vit tranquille » « La liberté, il n’y en a pas au Maroc » « La liberté, et la vie est toujours là »

En effet, un très grand nombre des personnes interrogées, ont affirmé que la loi, la liberté, l’égalité, la justice sont des valeurs qu’ils aiment, et auxquelles ils accordent de l’importance .Ces valeurs sont, selon eux, liées à la paix, la tranquillité et à la vie. Et on peut ajouter le respect de l’autre. Cela nous conduit à dire que ces retraités immigrés ont été progressivement sensibles aux valeurs de la France. Ils ont pu intégrer ces valeurs tout au long de leur parcours de vie sociale, et professionnelle. C’est l’un des signes de changement profond, par rapport aux valeurs qu’ils avaient auparavant (valeurs traditionnelles du pays). Chercher au départ, un emploi, un salaire, une sécurité dans la vie, bref fuir la misère, comme certains, parmi eux le disent, et avoir envie de fonder une famille, avoir des enfants, une vie tranquille, est le plus normal. Ces retraités ont pu, certes, réaliser certains de leur « rêve français ». Mais contrairement à toute attente, ils ont aussi pu apprécier la France, tout au moins certains aspects, ils ont découvert et apprécié les valeurs de la République telles que la liberté, l’égalité de tous devant la loi, la paix et enfin la justice. Ces personnes qui vivaient relativement à la marge de la société, souvent ignorées, car ils restaient tranquilles chez eux, sans problèmes, sans histoires, tout en ayant un rôle important dans l’économie, n’ont pas été indifférents ni insensibles aux valeurs françaises, bref à tout ce qui fonde la République. C’est là que demeure « l’essentiel » de cette douce et lente mutation. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

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DISCUSSION Il est certain que le tiers des sujets interrogés accordent une grande importance aux valeurs de la France. Valeurs de référence officielles et ils se reconnaissent au travers de ces valeurs. Ce sont, en réalité, des valeurs fondatrices de la France, et de son système social. Pour nous, c’est rare d’entendre les « immigrés » de la première génération prononcer des paroles aussi significatives pour eux. Ils traduisent ainsi, leur profond attachement à la République française et surtout leur enracinement en France, et leur « identité nouvelle ». Il est toutefois important de signaler que la religion n’a aucun effet positif ou négatif quant à l’adoption des valeurs de la France, valeurs de la république, que ce soit la croyance ou la pratique religieuse, ne représentent aucun obstacle ou frein à l’adhésion aux valeurs de la République. Ce fait va à l’encontre des idées reçues en France quant au rôle de l’Islam. On peut noter également un fait essentiel : croire aux valeurs fondatrices de la France et de la République, est un changement réel et profond, même s’il ne concerne que le tiers des sujets. L’entrée dans la modernité, pour nos sujets, au travers des changements de mode de vie, l’adaptation à de nouvelles valeurs, pour une bonne partie d’entre eux, le passage progressif de la famille élargie vers la famille nucléaire ne signifie pas pour autant qu’ils ont renoncé entièrement à toutes les idées anciennes, héritées auparavant, telles que : la solidarité, le respect d’autrui etc. …, nous supposons qu’ils en ont conservé un certain nombre.

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II – L’ATTITUDE DES RETRAITES PAR RAPPORT A LA NATURALISATION DE LEURS ENFANTS

1 – ATTITUDE DES RETRAITES FACE A LA NATURALISATION DE LEURS ENFANTS L’attitude des retraités, face à la naturalisation de leurs enfants, est révélatrice et significative dans le sens où, au travers de cette attitude, on voit s’exprimer la projection de l’avenir de leurs enfants en France. Dans leur attitude, voit-on une réaction fermée ou ouverte, encourageante ou décourageante ? Envisagent-ils un avenir possible en France pour leurs enfants, en tant que futurs citoyens français d’une part, et d’autre part en temps qu’individu dont le choix du père a pu lever les obstacles tels que celui de la nationalité, et faciliter leur intégration future ? Car acquérir la nationalité française, c’est avoir une chance supplémentaire pour l’emploi, par exemple. Avoir la nationalité française, c’est aussi une clé d’entrée dans la société. Comment les parents ont-ils réagi face à la naturalisation de leurs enfants ? sachant que pour la majorité d’entre eux, à l’exception des tunisiens, ils n’ont pas tous été naturalisés. Au moment de l’entretien, 12 sujets, (24% de l’ensemble) avaient déjà des enfants français. 31 sujets, (62%) étaient déjà favorables à la naturalisation de leurs enfants. (Voir tableau n° 30). En additionnant les deux catégories, on obtient 43 sujets, (86% de l’ensemble). 7 sujets n’ont pas donné de réponses (voir tableau n°30 en annexe). En effet cette tendance, de majorité importante, favorable à l’obtention de la nationalité française a une grande signification. Elle marque une grande évolution, voire un changement réel dans l’attitude de nos sujets. A titre d’exemple, lorsqu’il s’agissait de leur propre naturalisation, certains étaient réservés, voire non favorables. Parmi ceux-là, il y a un grand nombre qui sont aujourd’hui favorables à ce que leurs enfants soient naturalisés. Globalement, l’attitude favorable à l’obtention de la nationalité française, s’exprime ainsi, par nos sujets :

• Nos enfants sont tous français, je suis heureux • Ils sont nés en France • C’est bien pour eux • Je les ai encouragés • Ils ont le choix et la liberté pour le faire • Ils ont fait le bon choix • La vie dans la république est plus heureuse • Il y a le droit, la loi, la justice • Ils ont fait le choix de la liberté

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Attitude des retraités, selon leur nationalité actuelle, par rapport à la naturalisation de leurs enfants. Ici, nous allons additionner l’effectif d’attitudes favorables avec celles de ceux ayant des enfants déjà français, afin d’obtenir un effectif global pour mieux cerner le phénomène dans son ensemble.

• Sur 24 français, 20 sujets (83,33%) avaient une attitude favorable • Sur 19 algériens, 16 sujets, (84,21%) avaient une attitude favorable • Sur 7 marocains, 7 sujets, (100%) avaient une attitude favorable

Nous n’avons pas tenu compte des 7 non réponses (voir tableau n°31 en annexe). Globalement, l’écrasante majorité des sujets, a eu une position très favorable à la naturalisation de leurs enfants, y compris ceux ayant des enfants déjà français. En procédant de la même manière, et afin de mieux cerner la dynamique interne face à la naturalisation, nous allons voir l’attitude des retraités par rapport à leur nationalité d’origine. La proportion par nationalité d’origine, est :

• Pour les français, de 83,34% pour 12 sujets • Pour les algériens, de 83,33% pour 18 sujets • Pour les marocains, de 93,33% pour 15 sujets • Pour les tunisiens, de 80%, pour 5 sujets

Nous n’avons pas tenu compte des 7 non réponses (Voir tableau n°34 en annexe), On peut observer que ce sont les marocains qui ont battu le record en la matière. Que ce soit la nationalité à l’arrivée, ou la nationalité actuelle. Ils sont les premiers à occuper le devant de la scène en ce qui concerne la naturalisation de leurs enfants. Cette situation nous permet de mieux comprendre le pourquoi de l’attitude de certains français/algériens, de garder leur nationalité qu’ils avaient avant l’indépendance de l’Algérie. Ils ont su préserver « un capital symbolique » et un acquis, qui pouvait être utile pour eux comme pour leurs enfants. Attitude des retraités face à la naturalisation de leurs enfants, selon le groupe d’arrivée Groupe 1, arrivée avant 1959

• Favorables 8 sujets, soit 66,67% • Enfants déjà français 3 sujets, soit 25%

Groupe 2, arrivée entre 1960 et 1969

• Favorables 13 sujets, soit 50% • Enfants déjà français 8 sujets, soit 30,77%

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(voir tableau – 33) Groupe 3, arrivée en 1970 et plus

• Favorables 10 sujets, soit 83,34% • Enfants déjà français 1 sujet, soit 81,33%

Les non réponses représentent 7 sujets sur 50, soit 14%. (Voir tableau n°33 en annexe) Si l’on additionne les « favorables » et les « enfants déjà français » par groupe d’arrivée, on obtient les résultats suivants :

• Groupe 1 11 sujets, soit 91,67% • Groupe 2 21 sujets, soit 80,77% • Groupe 3 11 sujets, soit 91,67%

Les groupes 1 et 3 ont la même proportion quant à l’attitude favorable et ceux ayant des enfants déjà français. Ces deux groupes se démarquent nettement par rapport au groupe 2 (arrivé en 1960, 1969). Cependant, nous ne pensons pas que ce soit réellement un élément déterminant. L’attitude des retraités face à la naturalisation de leurs enfants, selon le niveau scolaire Nous allons répertorier deux catégories : le groupe des scolarisés, et le groupe des non scolarisés. 1 - Le groupe scolarisé (primaire et secondaire essentiellement). Sur 18 sujets scolarisés, 23 soit 56,25% sont favorables et ayant déjà des enfants français (voir tableau n°57 en annexe). 2 - Le groupe non scolarisé (peu ou pas scolarisé) 25 sujets sur 26, soit 96,15%, sont favorables et ayant des enfants déjà français (voir tableau n° 57 en annexe). Ne sont pas comptés les non réponses, 7 sujets, soit 14% En effet, proportionnellement, et majoritairement, ce sont les non scolarisés qui ont été plus favorables à la naturalisation de leurs enfants, et ont soutenu la naturalisation de leurs enfants.

Attitude des retraités par rapport à la naturalisation de leurs enfants et variables associées Religion Dl effet = 1 ; MC effet = 1,137 ; dl erreur = 40 ; MC erreur = 0,18 ; F = 6,12 ; P = 0,018. Effectif : 10 sur 12 enfants de retraités, soit 83,33% dont les parents sont non pratiquants et favorables à la naturalisation, ou ayant des enfants déjà naturalisés (Moyenne = 1,625). Les enfants des sujets pratiquants, ont été plus naturalisés que les autres (Moyenne = 1,20).

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DISCUSSION Il existe un changement réel dans leur attitude. On peut observer que chez les retraités, dans leur ensemble, face à la naturalisation de leurs enfants, les marocains ont exprimé majoritairement leur attitude favorable, les « français/algériens » ont le plus d’enfants qui étaient déjà français au départ. Le premier groupe arrivé avant 1959, qui s’est fait le moins naturaliser, se démarque nettement par rapport aux autres quant à l’attitude favorable à la nationalité des enfants. Il est au même niveau que celui arrivé aux années 1970. Ce groupe a beaucoup évolué par rapport à sa position de départ et ceci représente un changement important . Il concerne principalement les français/algériens et les algériens. On a pu voir aussi que la pratique religieuse influence pour partie, la naturalisation et de même que la non pratique religieuse également. Ainsi, les enfants des retraités non pratiquants se sont relativement plus naturalisés que les autres. Il est toutefois important de signaler que les pratiquants ont aussi une attitude favorable à la naturalisation de leurs enfants. Nos sujets ont compris l’importance de la naturalisation, dans le sens où elle peut davantage, favoriser leurs enfants, à moyen et à long terme, dans un sens intégrationnel. Entrée dans la vie active et sociale, car elle représente une « clé d’entrée» dans la société. Elle permet d’avoir plus d’ouverture, ex : travailler dans des établissements publics, où la nationalité française est exigée. Nos sujets ont exprimé une attitude favorable à la nationalité française, choisissant, ainsi, une valeur d’enracinement en France ouvrant plus de possibilités à leurs enfants. Tahar BEN DJELLOUN dit : « le contentieux est là dans les faits, dans les mémoires, et peu de politiques ont eu le courage de lever ce voile et d’assainir la situation. Tant que cette mémoire commune n’a pas été entendue, puis lavée et remise dans les cases de l’histoire, les malentendus persisteront entre les deux peuples. Ce sont les plus démunis, les plus modestes, immigrés ou passagers qui paient cette dette de l’insomnie des souvenirs douloureux ».161 On ne peut être plus clair, si l’écrasante majorité exprime une attitude aussi favorable, cela traduit pour nous, tout particulièrement, un grand signe de véritable changement et de choix définitif, sans détours, et sans retour pour eux et pour leurs enfants. Nos sujets, en agissant ainsi, ont peut-être dépassé le « contentieux » historique douloureux. Mais pour certains, cela ne signifie pas l’oubli de sa maison ou ses origines, ainsi certains louent la double nationalité. Nos sujets ont fait le changement dans la continuité. Ils sont pour l’accès à la nationalité tout en souhaitant que les enfants gardent des liens avec le pays et la culture d’origine : car ils ne souhaitent pas que leurs enfants fassent table rase de leur histoire ni de leurs origines. Certains parents souhaitent que leurs enfants continuent à être ce qu’ils sont, c’est-à-dire des gens de

161 Tahar BENDJELLOUN « les derniers jours de l’Algérie française, Le Monde diplomatique sept.2007, p. 2

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double nationalité, de double culture, car ils estiment, peut-être, que ceux-ci doivent être « le lien », le « pont », voire la transition entre deux peuples, deux cultures au travers de leurs enfants. Le vécu personnel est une des raisons importantes pour vivre en France également. Ils ne veulent, en tout cas, pas être une négation pure et simple dans l’histoire de l’immigration. Ils veulent « marquer » leur passage, laisser leur empreinte sur cette histoire. C’est leur façon de faire et vivre. Savent-ils consciemment ou inconsciemment qu’ils sont en train de faire la « transition » entre deux générations. Une telle transition représente un signe de changement dans le sens où nos sujets savent que leurs enfants ne retourneront pas ou jamais vivre définitivement au pays d’origine. Cette attitude n’est-elle pas aussi celle de ceux qui ont compris que le retour définitif au pays d’origine ne se fera pas, ni pour eux ni pour leurs enfants. Comprendre cela, suppose bien entendu qu’ils aient intégré l’idée que leurs enfants seront « français» et que, eux auraient peut être, à leur insu, préparé cette situation de transition et qu’il ne leur reste à faire que les encourager et être favorable comme beaucoup nous l’ont dit. On peut comprendre cette décision et le changement qu’elle implique compte tenu de la situation socio économique et politique actuellement aux pays du Maghreb : situation économique difficile, chômage, crise du logement, réveil de l’intégrisme musulman, régimes politiques contesté par un nombre de plus en plus croissant, etc.…. En effet, quelle que soit la situation en France, jeunes et moins jeunes et particulièrement nos sujets retraités, estiment que la situation est relativement moins pessimiste en France que là-bas. D’autre part, les enfants nés en France y ont déjà vécu et déjà fait le retour provisoire pour les vacances avec les parents et ont fait leur choix en ayant fait la comparaison entre les deux situations en France et le pays d’origine de leurs parents. En résumé, cette décision indique de façon significative un grand changement chez nos sujets ainsi que chez leurs enfants. Elle n’est pas dénuée de sens, elle a tout à fait le sens de la continuité logique du vécu précédent.

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III - LE SENTIMENT DES DROITS ET DEVOIRS VIS-A-VIS DE LA FRANCE Si nous cherchons à mieux approfondir la nature de la relation ou du rapport entre la France et ses citoyens d’origine immigrée, au-delà de l’appartenance ou de la nationalité, en termes de « qui doit quoi à qui », nous verrons que cela est assez complexe et nuancé à la fois. En effet, la nature de cette relation dépend de plusieurs éléments à la fois. Lorsqu’on demande aux retraités si la France leur doit quelque chose, 30 sujets (60 %) répondent positivement. 13 retraités (26 %) répondent par la négative. En revanche, 7 retraités (14 %) ne donnent pas de réponse (voir tableau n°27 en annexe). Ceux qui disent ne rien devoir à la France l’expriment ainsi : « J’ai tout donné » « J’ai travaillé toute ma vie pour reconstruire ce pays, alors il me doit beaucoup » « On a tout donné à la France, la santé et le savoir faire » « J’ai tout donné, même ma santé » « La France a été défaillante, je ne dois rien, j’ai tout donné » Ces propos se passent de commentaires certes, mais ils traduisent un sentiment d’amertume et de déception assez grand. Sur les 30 personnes, soit 60% de l’ensemble, qui pensent que la France leur doit quelque chose, il y a :

• 8 français/algériens sur 12, soit 66,67% • 10 marocains sur 15, soit 66,67% • 11 algériens sur 18, soit 61,11% • 1 tunisien sur 5, soit 20%

(Voir tableau n°27) En dehors de l’exception des tunisiens, la grande majorité des vieux immigrés maghrébins, pensent que la France leur doit quelque chose. Alors quelles sont les choses que la France doit à ces retraités ?

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Figure 24 :

1 – QUE DOIT LA FRANCE A Les choses que les retraités réclament fort, sont par ordre d’importance La retraite insuffisante :

o 14 retraités jugent que la retraite reste insuffisante. Ils demandent plus de moyens pour pouvoir vivre décemment. «certains, au cours des longues discussions que nous avons pu avoir anous ont avoué qu’ils avaient beaucoup de mal Parmi les retraités que nous avons rencontrés, nous avons pu mesurer le montant de la retraite qu’ils percevaientmaximum. Certains sont obligés de travailler au marché, en vendant de la menthe, deux à quatre fois par semaine. «pour vivre mieux, car avec la retraite actuelle, je suis malheureuxme doit une retraitejour. J’y ai perdu ma santé en faisant des ponts et des routes

Plus d’égalité :

o 8 sujets interrogés disent qu’il faut plus d’égalité. Cet élément est tout à fait complémentaire avec leretraite. Ils semblent dire qu’il n’y a pas suffisamment d’égalité et de justice ils s’estiment « lésés », ils réclament que la loi soit la même pour tous, ils semblent dire qu’il y a une différence entimmigrés. Ils mettent l’accent sur une sorte de «la loi : la France ne me donne pas mes droitsdoit donner la même somme d’argent algériens … ». Ce qui est important, c’est le sentiment de l’inéquité et de l’inégalité que partagent de nombreux retraités. Ce sentiment si fortement ancré peut aussi s’expliquer par le sentiment qu’il y a absence part de la France vis

Pensez vous que la France vous doit quelque chose?

: Pensez-vous que la France vous doit quelque chose ?

QUE DOIT LA FRANCE A CES RETRAITES ?

Les choses que les retraités réclament fort, sont par ordre d’importance :

14 retraités jugent que la retraite reste insuffisante. Ils demandent plus de moyens pour pouvoir vivre décemment. « On a tout donné et reçu trop peucertains, au cours des longues discussions que nous avons pu avoir anous ont avoué qu’ils avaient beaucoup de mal « à boucler les fins de mois

armi les retraités que nous avons rencontrés, nous avons pu mesurer le montant de la retraite qu’ils percevaient : cela va de 400 € minimum à 1200

um. Certains sont obligés de travailler au marché, en vendant de la menthe, deux à quatre fois par semaine. « La France doit nous donner plus de moyens, pour vivre mieux, car avec la retraite actuelle, je suis malheureuxme doit une retraite plus importante, car j’ai travaillé, été et hiver, 16 heures par jour. J’y ai perdu ma santé en faisant des ponts et des routes ».

8 sujets interrogés disent qu’il faut plus d’égalité. Cet élément est tout à fait complémentaire avec le précédent concernant l’insuffisance de montant de la retraite. Ils semblent dire qu’il n’y a pas suffisamment d’égalité et de justice ils

», ils réclament que la loi soit la même pour tous, ils semblent dire qu’il y a une différence entre le montant de la retraite des français et celle des immigrés. Ils mettent l’accent sur une sorte de « discrimination

: la France ne me donne pas mes droits » affirme un retraité, «doit donner la même somme d’argent à tous les retraités, français comme les

». Ce qui est important, c’est le sentiment de l’inéquité et de l’inégalité que partagent de nombreux retraités. Ce sentiment si fortement ancré peut aussi s’expliquer par le sentiment qu’il y a absence de reconnaissance de la part de la France vis-à-vis d’eux. Ce sentiment est exprimé particulièrement par les

Oui60%

Non26%

Autre8%

Ne répondent pas 6%

Pensez vous que la France vous doit quelque chose?

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14 retraités jugent que la retraite reste insuffisante. Ils demandent plus de moyens On a tout donné et reçu trop peu », disent

certains, au cours des longues discussions que nous avons pu avoir avec eux. Ils à boucler les fins de mois ».

armi les retraités que nous avons rencontrés, nous avons pu mesurer le montant à 1200 € par mois,

um. Certains sont obligés de travailler au marché, en vendant de la menthe, La France doit nous donner plus de moyens,

pour vivre mieux, car avec la retraite actuelle, je suis malheureux », « La France plus importante, car j’ai travaillé, été et hiver, 16 heures par

8 sujets interrogés disent qu’il faut plus d’égalité. Cet élément est tout à fait précédent concernant l’insuffisance de montant de la

retraite. Ils semblent dire qu’il n’y a pas suffisamment d’égalité et de justice ils », ils réclament que la loi soit la même pour tous, ils semblent

re le montant de la retraite des français et celle des ». « le problème de

» affirme un retraité, « la France à tous les retraités, français comme les

». Ce qui est important, c’est le sentiment de l’inéquité et de l’inégalité que partagent de nombreux retraités. Ce sentiment si fortement ancré

de reconnaissance de la Ce sentiment est exprimé particulièrement par les

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français/algériens, 8 sujets, soit 66,67%, par les marocains, 10 sujets, soit 66,67%, par les algériens, 11 sujets, soit 61,11%, et 1 tunisien, soit 20%. (voir tableau n°27 en annexe).

De la reconnaissance

o 4 retraités affirment que la France n’exprime pas sa reconnaissance vis-à-vis de ceux qui ont tout donné pour elle. Parmi eux, certains affirment : « la France me doit le respect, la reconnaissance de ce que j’ai fait (la guerre), je souhaite que la France reconnaisse que l’on existe, on ne demande pas de miracles ». un autre dit « j’ai fait la guerre du Vietnam, la guerre d’Indochine, j’ai eu la médaille militaire et je ne touche que 400 € par an, en temps qu’ancien combattant ». A propos de la reconnaissance nous voulons citer cette anecdote : au Japon et en Inde, le 15 avril de chaque année, à l’époque de la moisson, les gens font la procession de Bouddha, et à cette occasion, on arrose le Bouddha avec une « eau sacrée », et en même temps on arrose les anciens pour exprimer la reconnaissance vis-à-vis d’eux, et ensuite durant la fête tout le monde arrose tout le monde pour souhaiter une bonne et heureuse année. Car arroser a une signification de purification. (reportage ARTE, le 24 août 2007)

Santé, jeunes, études et travail :

o Certains sujets évoquent le fait que la France ne les a pas aidés à étudier et évoluer. D’autres disent qu’il faut s’occuper de la jeune génération pour les études et le travail. En effet, ils pensent que, s’il n’y a pas eu de reconnaissance réelle vis-à-vis d’eux, la France peut le faire en s’occupant mieux qu’elle ne le fait pour leurs enfants et petits enfants. Dans la tradition arabo musulmane, tout particulièrement au Maghreb, le respect des anciens est l’une des règles morales que la majorité applique comme partie intégrante des traditions culturelles.

o

Figure 25 : avez-vous le sentiment que la France vous doit quelque chose ? Répartition par nationalités à

l’arrivée

66,67%61,11%

66,67%

20%25%27,77%

6,67%

80%

8,33%5,56%

13,33%

0%

Français Algériens Marocains Tunisiens

Oui

Non

Autre

Avez vous le sentiment que la France vous

doit quelque chose? Répartition par

nationalité à l'arrivée

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Sentiment des droits et devoirs et aspects associés Ce que la France doit : a) Age actuel : L’âge actuel des personnes interrogées a une influence sur le fait qu’ils aient le sentiment que la France leur doit quelque chose.(dl effet=2 ; MC Effet=1,27 ; dl Erreur=0,39 ; F=3,27 ; p=0,047). Effectif : 18/27, soit 66,67% Le groupe 1(le plus âgés) (Moyenne =1,00) ont plus le sentiment que la France leur doit quelque chose que le groupe 2(Moyenne=1,62) (t=2,06 ; ddl=33 ; p=0,047) Aussi, il n’existe pas de différence significative entre le groupe 2 (Moyenne=1,62) et le groupe 3 (Moyenne = 1,25) (t=1,63 ; dl=39 ; p=0,11) b) Insatisfaction du montant de la retraite : Les personnes les plus insatisfaites du montant de leur retraite (Moyenne = 1,3) ont plus le sentiment que la France leur doit que les autres (Moyenne = 1,79) (dl effet=1 ; MC Effet=2,25 ; dl Erreur=42 ; MC Erreur=0,39 ; F=5,68 ; p=0,02). Effectif : 23/30, soit 76,66% EN RESUME, L’analyse de la variance nous montre que le groupe d’âge a une influence sur ceux ayant le sentiment que la France leur doit quelque chose. En effet, le groupe d’âge de moins de 59 ans a le sentiment que la France lui doit « des choses », en l’occurrence le groupe d’âge de 60 à 70 ans ainsi que celui de 70 ans et plus pensent moins que la France leur doit quelque chose. Cependant il y a une relation très forte entre l’insatisfaction du montant de la retraite et le sentiment que la France leur doit quelque chose. L’analyse de variance nous montre que ce sentiment d’insatisfaction a une influence sur cette attitude.

2 – QUE DOIVENT LES RETRAITES A LA FRANCE ? Inversement, nous avons posé la question aux immigrés, à savoir si eux pensent devoir quelque chose à la France :

• 5 retraités, soit 10%, ont le sentiment de devoir quelque chose à la France • 33 retraités, soit 66%, ont le sentiment de ne rien devoir à la France • 12 retraités, soit 24%, ne répondent pas

(Voir tableau n°29 en annexe) Ce sentiment de ne rien devoir à la France, est exprimé, par ordre d’importance, selon la nationalité ainsi :

• 10 français/algériens sur 12, soit 83,34%

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• 4 tunisiens sur 5 soit 80% • 13 algériens sur 18 soit 72,22% • 6 marocains sur 15 soit 40%

Pour une totalité de 33 sujets, soit 66% 1 - Reconnaissance des retraités vis-à-vis de la France

o La majorité des retraités interrogés affirment et ils précisent en quoi, comme nous venons de le voir. En revanche, il y a ceux qui expriment le contraire. Voici ce qu’ils disent : « j’ai travaillé et la France me l’a rendu, les enfants ont réussi, la santé est bonne, si tu ne fais rien pour la France, elle ne donne rien »,, « nous avons donné et nous avons reçu », « La France donne ce qu’elle veut ».

o Sept témoignages de retraités affirment encore plus fort : « la France nous a permis de nous en sortir, elle est dans mes veines. Il ne faut pas être ingrat ».(un tunisien). « mon premier pays de droit et de justice est la France » (un marocain). « je lui dois la reconnaissance, elle m’a adopté », « j’ai le sentiment d’être traité d’égal à égal, je lui dois le respect, elle m’a accueilli ». (un algérien)

Nous pensons que les parcours de ces retraités ayant exprimé de tels témoignages sont différents de ceux qui ont précédé et qui expriment des critiques très vives, des reproches profonds. Comment peut-on expliquer cela ? Il est probable que ceux qui viennent de témoigner ont relativement mieux réussi que d’autres. Ils ne semblent, en tout cas, pas reprocher à la France cette image contrastée entre deux tendances dont la première juge que la France n’a pas fait assez pour eux qui ont beaucoup donné. Ils jugent qu’il y a un manque d’égalité et de reconnaissance auxquels s’ajoute un manque de moyens financiers dû à l’insuffisance de montant de la retraite. Est-ce que ces éléments, exprimant des reproches profonds vis-à-vis de la France, pourraient expliquer aussi le fait qu’une partie des retraités se sentent toujours étrangers, bien qu’ils aient choisi la nationalité française et choisi de vivre définitivement en France.

Figure 26 : avez-vous le sentiment de devoir quelque chose

8,33% 11,11%6,67%

20%

83%

72,22%

40,00%

80%

0,00% 0,00%6,66%8%

16,67%

46,67%

0%

Français Algériens Marocains Tunisiens

Oui

Non

Autre

Ne répondent pas

Avez vous le sentiment de devoir quelque chose à la

France? Répartition par nationalité à l'arrivée

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Nous pensons que les éléments que nous venons d’expliquer aggravent davantage la situation dans le sens où ils s’ajoutent à un lourd passif qu’est la guerre d’Algérie et ses conséquences ultérieures, aussi bien pour les Algériens que pour les Français.

Ce que la personne doit à la France et variables associées: a) Les projets d’avenir : Les personnes ayant des projets sont celles qui ont plus le sentiment (Moyenne = 1,69) de devoir quelque chose à la France que les autres (Moyenne = 2) (dl effet=1 ; MC Effet=0,77 ; dl Erreur=33 ; MC Erreur=0,14 ; F=5,35 ;p=0,027). Effectif : 5/13, soit 38,46% b) Si la vie était à refaire : Les personnes qui referaient leur vie différemment (Moyenne = 1,68) si celle-ci était à refaire ont le plus le sentiment de devoir quelque chose à la France que les autres (Moyenne = 2). (dl effet=1 ; MC Effet=1,17 ; dl Erreur=34 ; MC Erreur=0,13 ; F=9,05 ; p=0,005). Effectif : 5/16, soit 31,25%

3 - CE QUE LA FRANCE DOIT A LEURS ENFANTS L’intervention de la majorité de ceux qui ont répondu à cette question s’articule autour des axes suivants, par ordre d’importance (selon les sujets) :

1. L’égalité des chances, de la loi et des droits pour tous. 2. Emploi et logement pour tous et surtout pour les jeunes, intégration de la nouvelle

génération sans discrimination. 3. Reconnaissance des enfants comme citoyens à part entière, que la France ne laisse pas

mourir leurs enfants de faim. 4. Education et droits pour tous.

Ce n’est pas un hasard si les retraités insistent sur ces points, car nous avons pu entendre parler de ces thèmes durant la campagne présidentielle en France en 2007, par les candidats, mais sans propositions réelles les concernant. Est-ce un aveu de la classe politique actuelle, que toutes les politiques précédentes, depuis trois décennies, étaient un échec ? Ce qui retient tout particulièrement notre attention, c’est ce langage de vérité d’une part, et d’autre part l’intérêt que les retraités accordent à ces thèmes, qui sont déterminants pour leurs enfants et petits enfants. C’est, quelque part, une sorte de « conscience politique » considérable.

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La citoyenneté, l’égalité des chances pour tous, l’emploi, le logement et l’éducation sont des thèmes d’actualité. Ceux qui subissent « la crise » incarnée par ces thèmes, ce sont, pour partie, les immigrés et leurs descendants. Car, eux représentent le « maillon faible » dans la chaîne sociale. Ils sont parmi les premiers à subir les défaillances du système dominant. Compte tenu des éléments développés, il semble que certains retraités immigrés ont du mal à s’identifier à la France. Le malaise existant peut, quelque part, expliquer cette difficulté à s’identifier à la France pour la majorité. L’élément qui pourrait, peut être, renverser les choses serait une pleine reconnaissance matérielle (financier) et morale. Si les retraités n’ont pu l’obtenir pour eux, ils le souhaitent pour leur descendance. Cependant la question de l’identité reste suspendue. Nous sommes, en effet, dans une situation qui semble, au premier abord, relativement paradoxale. Nous avons constaté que : 1 – la majorité a opté pour vivre en France. La famille et les enfants étant l’élément essentiel qui a influencé cette décision. La majorité avait renoncé au retour définitif au pays d’origine, pour rester en famille et rester vivre en France. 2 – Les valeurs de la France sont appréciées par un grand nombre. Ces valeurs font partie des choses qu’ils aiment en France. Ces éléments de valeurs font référence et à la citoyenneté. La majorité des retraités a demandé et obtenu la nationalité française, mais une partie parmi eux se définit comme étrangère. Ces deux raisons semblent fonder leur attitude relativement « sévère » vis-à-vis de la France.

DISCUSSION L’analyse de variance nous offre deux catégories d’attitudes vis-à-vis de la France, la première catégorie nous montre que : 1 – Le groupe d’âge actuel (les plus âgés) a le plus le sentiment que la France leur doit quelque chose. Il s’agit particulièrement des français/algériens et des algériens. 2 – Ceux qui expriment le plus d’insatisfaction du faible montant de leur retraite, ont le plus le sentiment que la France leur doit quelque chose. 3 – en seconde catégorie, ceux ayant un projet d’avenir ont plus que les autres le sentiment qu’ils doivent quelque chose à la France. 4 – Ceux qui referaient leur vie différemment ont le plus le sentiment de devoir quelque chose à la France. En effet, pour la première catégorie, ceux qui sont les plus âgés et qui sont restés travailler et vivre en France, depuis plus longtemps que les autres, ont le sentiment que la France ne leur a pas versé leur dû. Ils sont aussi comme ceux qui sont insatisfaits du faible montant de leur retraite. Ils jugent la France, par rapport à ses valeurs fondatrices telles que l’égalité, la

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justice. Ils ont réagi aussi par rapport à des valeurs communes entre les deux cultures française et maghrébine. Les valeurs concernant en premier lieu la solidarité, pour la deuxième catégorie, celle-ci nous montre que ceux ayant un projet d’avenir et ceux qui referaient leur vie autrement, ont plutôt le sentiment qu’ils doivent quelque chose à la France. Nous pensons que l’attitude des personnes de chaque catégorie peut s’expliquer par le fait que dans l’immigration, il y a « ceux qui ont réussi » et « ceux qui n’ont pas réussi ». Ceux qui ont une « bonne pension » et ceux qui ont une « faible pension ». Ceux qui vivent décemment, et ceux qui vivent avec peu de ressources. Ceux qui arrivent à construire des projets d’avenir et ceux qui n’ont pas les moyens pour. Ceux dont les enfants ont réussi dans leurs études ou dans leur profession (comme nous le verrons ultérieurement), et ceux dont les enfants n’ont pas progressé professionnellement. Nous pensons que ceux qui ont pu profiter des trente glorieuses, dans leur métier, ont progressé socialement. Ils ont pu faire une accumulation de moyens d’ouverture vers les autres (socialisation, communication, dont une accumulation de moyens financier et un début d’accumulation du « capital culturel ». Une telle accumulation a pu favoriser leur promotion et celle-ci s’est répercutée sur leurs enfants, et tout cela s’est fait dans la durée. Il semble que tous nos sujets n’ont pas pu bénéficier d’une telle accumulation. Cela peut expliquer, pour partie, l’existence de deux catégories distinctes : ceux qui ont le sentiment que la France leur doit quelque chose et ceux qui ont le sentiment de devoir quelque chose à la France. En effet, Les deux catégories traduisent une sorte d’inégalité entre les immigrés retraités. On constate que cette inégalité s’exprime sur plusieurs thèmes et plusieurs niveaux. Nous pensons que, dès le départ, les uns et les autres n’étaient pas à égalité, quant à la maîtrise de la langue qui, à l’époque, pouvait favoriser une plus rapide promotion socio professionnelle. L’âge à l’arrivée et la nationalité et la période sont des éléments qui influencent aussi l’attitude des retraités quant à l’attitude vis-à-vis de la France. Nous sommes face à deux catégories : celle qui a pu accéder au « code » et celle qui est restée « hors code » laquelle s’est refermée sur elle-même. La première s’est approchée plus que la seconde de « l’Habitus » et des français (P. Bourdieu). L’immigration maghrébine (Maroc, Algérie, Tunisie) n’est pas homogène dans ses comportements et attitudes. Bien au contraire, elle exprime une diversité allant au-delà de la nationalité et de la religion, à l’exception des algériens qui se démarquent tout au long de l’étude par rapport aux autres.

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IV - ACCES A LA PROPRIETE EN FRANCE, AU PAYS D’ORIGINE : quelle signification ? Sur le plan national français, voici quelques données concernant l’accès à la propriété des immigrés. Selon l’INSEE, en 2002, 35% des ménages immigrés sont propriétaires de leur logement, contre 57% de ménages non immigrés.162 Présents en France depuis plus longtemps, et formant plus souvent le projet d’une installation durable, les ménages immigrés dont la personne de référence a acquis la nationalité française, possèdent plus souvent leur propre logement (46% d’entre eux). Les ménages immigrés qui possèdent leur logement sont surtout d’origine européenne. Plus de la moitié des ménages originaires de l’Europe des Quinze sont propriétaires : l’ancienneté de leur installation en France et la spécialisation des immigrés d’origine italienne et portugaise, dans les activités du Bâtiment, ont favorisé un tel investissement. Plus de la moitié des ménages originaires du Maghreb, résident dans un logement du secteur social. C’est, également, le cas pour une part élevée des immigrés venus de Turquie ou d’Afrique. La moitié des ménages immigrés originaires d’Europe communautaire, vivent en maison individuelle. Les ménages venus d’Afrique et d’Asie, résident quant à eux, très majoritairement, dans des ensembles collectifs. C’est le cas de plus des trois quart des ménages venus du Maghreb.

1 – ACCES A LA PROPRIETE EN FRANCE La grande majorité des retraités interrogés sont locataires en France et vivent en milieu urbain. Les propriétaires de leur logement en France représentent 11 sujets, soit 28 %, et ceux d’un logement au pays d’origine 35 sujets, soit 73 %. En revanche ces derniers retraités sont locataires dans des HLM (voir tableau n° 26 en annexe).

162, INSEE 2005, « Les immigrés en France, » p.140

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Figure

Ceux qui ont acheté ou fait construire

« Parce que je vis en France« Les enfants sont éduqués en « Car je vis et travaille en « Pour m’installer avec ma femme et mes enfants« Au pays je n’ai plus personne« J’ai obtenu une aide

En effet, au de-là de la raisonaccédé à la propriété ne sont pas très nombreux, soit 28tous n’aient pas eu les moyens financiers pour le faire ou bien ont fait lmaison au pays, dans l’espoir d’un retour possible au pays

L’accès à la propriété en France et aspects associés a) Lecture, écriture et parler le français

France :

La lecture du français (oui, Moyenne = 1,56(dl effet=1 ; MC Effet=1,13 ; dl Erreur=0,15L’écriture du français (oui, Moyenne = 1,53(dl effet=1 ; MC Effet=1,30 ; dl Erreur=48Effectif : 7/11, soit 63,63% L’expression orale du français(dl effet=1 ; MC Effet=0,86 ; dl Erreur=48Effectif : 10/11, soit 90,9%

Oui

72,92%

22,92%

Logement au pays / Logement en France

27 : logement au pays/logement en france

Ceux qui ont acheté ou fait construire en France l’expliquent ainsi :

France » Les enfants sont éduqués en France » Car je vis et travaille en France »

er avec ma femme et mes enfants » Au pays je n’ai plus personne »

»

là de la raison très clairement exprimée, nous pouvons dire que ceux qui ont sont pas très nombreux, soit 28 %, de l’ensemble. Cela suppose que

tous n’aient pas eu les moyens financiers pour le faire ou bien ont fait le choix d’acheter une , dans l’espoir d’un retour possible au pays.

France et aspects associés

Lecture, écriture et parler le français : Trois facteurs ont influencé l’accès à la propriété en

(oui, Moyenne = 1,56 ; non, Moyenne = 1,88) ; dl Erreur=0,15 ; F=7,15 ; p=0,01). Effectif : 7/11, soit 63,63%

(oui, Moyenne = 1,53 ; non, Moyenne = 1,89) dl Erreur=48 ; MC Erreur=0,15 ; F= 8,60 ; p=0,005).

français (oui, Moyenne = 1,67 ; non, Moyenne = 1,95); dl Erreur=48 ; MC Erreur=0,16 ; F=5,34 ; p=0,02).

Non Non réponse

22,92%

4,17%

22,92%

77,08%

0%

Logement au pays / Logement en France

Logement au pays

Logement en France

142

très clairement exprimée, nous pouvons dire que ceux qui ont %, de l’ensemble. Cela suppose que

e choix d’acheter une

: Trois facteurs ont influencé l’accès à la propriété en

: 7/11, soit 63,63%

; p=0,005).

; non, Moyenne = 1,95) ; p=0,02).

Logement au pays

Logement en France

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Les résultats montrent que le fait de lire, d’écrire et de parler a eu un effet facilitateur sur l’accès à la propriété en France, b) Rester en France car plus de famille au pays : Le fait d’être resté vivre en France lorsque la personne n’avait plus de famille au pays est un élément déterminant dans l’accès à la propriété en France, dans le sens où les personnes n’ayant plus de famille au pays (Moyenne = 1) ont plus facilement fait le choix d’accéder à la propriété en France que les autres (Moyenne = 1,81). (dl effet=1 ; MC Effet=1,26 ; dl Erreur=48 ; MC Erreur=0,15 ; F=8,32 ; p=0,0058) Effectif : 9/11, soit 81,81% c) Le logement au pays : Le fait de posséder un logement au pays a eu un impact sur l’accès à la propriété en France dans le sens où les personnes propriétaires d’un logement au pays (Moyenne 1,91) ont moins accédé à la propriété en France que les autres (Moyenne = 1,53). (dl Effet=1 ; MC Effet=1,34 ; dl Erreur=46 ; MC Erreur=0,13 ; F=10,31 ; p=0,002), Effectif : 6/11, soit 54,54% Cependant, il y a 3 sujets ayant un logement en France et au pays d’origine. d) Les amis Français : Les personnes ayant des amis français (Moyenne = 1,71) ont plus facilement accédé à la propriété en France que les autres ( Moyenne = 2). (dl effet=1 ; MC Effet=0,68 ; dl Erreur=48 ; MC Erreur=0,16 ; F=4,15 ; p=0,04) Effectif : 11/11, soit 100%

DISCUSSION Le fait de savoir lire, écrire et parler, avoir la maîtrise du français n’était pas le cas de la majorité des sujets lors de leur arrivée en France. Elle a permis de faciliter l’adaptation et la promotion professionnelle et sociale. En d’autres termes, nous pensons que les personnes ont pu, grâce à la maîtrise de la langue, mieux progresser professionnellement et socialement. Ce qui a contribué à l’accès à la propriété. Le deuxième fait qui a renforcé probablement le premier, est que ces personnes n’avaient plus de membres de leur famille, comme elles l’affirment, au pays comme le montre l’analyse de variance. Cet élément a facilité l’installation en France, mais sans pour autant qu’ils renoncent à leur identité ni à leur appartenance d’origine. L’analyse de variance nous montre que ceux qui n’ont plus de famille au pays d’origine, ont acheté une maison en France.

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L’analyse de variance nous montre, également, que le fait d’« avoir des amis français » a eu une influence sur l’achat d’une maison en France. Cela traduit un certain degré de socialisation, d’ouverture et de rapprochement avec les français et la culture française. Par contre ceux, ayant peu ou pas d’amis en France, possèdent plus souvent un logement au pays.

2 – L’ACCES A LA PROPRIETE AU PAYS D’ORIGINE : Quel le signification ? Si une partie importante, 73 %, des sujets ont pu construire, ou acheter une maison au pays d’origine, c’est grâce à leur travail et leur promotion socioprofessionnelle. L’achat de leur maison au pays comme en France, est un signe de satisfaction, c’est-à-dire de réussite, pour les uns et les autres. Ceux qui ont acheté, construit ou quelquefois hérité une maison au pays avaient des éléments favorisant ou influant cette décision. En effet, plusieurs éléments ont favorisé l’accès à la propriété au pays d’origine :

L’accès à la propriété au pays d’origine et variables associées a) Le Statut matrimonial : Les personnes mariées (Moyenne = 1,10) ont plus facilement accédé à la propriété au pays que les autres (Moyenne = 1,38). dl effet=1 ; MC Effet=0,86 ; dl Erreur=46 ; MC Erreur=0,19 ; F=4,60 ; p=0,037 Effectif : 18/35, soit 51,43% b) Ecrire le français : Le fait de savoir écrire le français (Moyenne = 1,18) a facilité l’accès à la propriété au pays d’origine par rapport aux autres (Moyenne = 1,47). dl effet=1 ; MC Effet=0,84 ; dl Erreur=46 ; MC Erreur=0,19 ; F=4,45 ; p=0,040) Effectif : 8/35, soit 22,85% c) Le retour régulier au pays durant la vie active : Plus les personnes rentrent au pays régulièrement (Moyenne = 1,1), plus elles possèdent un logement au pays d’origine. Pour les autres (Moyenne = 1,52). dl effet=3 ; MC Effet=0,69 ; dl Erreur=43 ; MC Erreur=0,16 ; F=4,29 ; p=0,009 Effectif : 22/35, soit 62,86% d) Les raisons de rester en France : 4 personnes restées en France pour des raisons de vécu personnel (Moyenne = 1,5) ont moins accédé à la propriété au pays d’origine que les autres (Moyenne = 1,15)

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dl Effet=1 ; MC Effet=1,26 ; dl Erreur=46 ; MC Erreur=0,18 ; F=7,05 ; p=0,01 Effectif : 8/35, soit 22,86% Ainsi, sur 35 sujets ayant une propriété au pays, 8 sont restés en France pour « vécu personnel ». e) Venue de la famille : Les personnes qui n’ont pas fait venir leur famille (Moyenne = 1,54) ont moins accédé à la propriété dans leur pays que les autres (Moyenne = 1,07). dl effet=1 ; MC effet=1,98 ; dl erreur=40 ; MC Erreur=0,12 ; F=15,54 ; p=0,0003 Effectif : 6/35, soit 17,14% Ceux ayant fait venir leur famille et ayant accédé à la propriété au pays, sont 27 sujets sur 35, soit 77,14% f) Le lieu souhaité d’inhumation : Les personnes souhaitant être enterrées dans leur pays d’origine ont plus accédé à la propriété (Moyenne = 1,16) dans leur pays d’origine que les autres ( Moyenne = 2). dl effet=2 ; MC Effet=1,06 ; dl Erreur=43 ; MC Erreur=0,16 ; F=6,78 ; p=0,002 Effectif : 31/35, soit 88,57%

DISCUSSION a)le statut matrimonial C’est un ensemble d’éléments relativement cohérents qui a influencé l’accès à la propriété au pays d’origine. Les personnes mariées au pays d’origine et tout particulièrement « le savoir écrire » le français ont eu un effet positif sur l’accès à la propriété au pays d’origine. La venue de la famille en France, ainsi que la satisfaction qui en découle est un élément aussi important à prendre en compte. Un autre élément qui influence cette décision, est celui qui concerne le retour régulier au pays. b) le retour régulier : Le retour régulier au pays, durant la vie active, influence l’accès au logement au pays d’origine dans le sens où le retour régulier durant la période d’activité, ou bien durant les vacances, a maintenu (voire renforcé) les liens avec le pays et également avec l’identité Nous avons constaté une corrélation négative entre le fait d’avoir un logement en France et avoir un logement au pays. C’est-à-dire que s’ils ont une maison en France, ils n’en possèdent pas au pays, et inversement, lorsqu’ils possèdent une maison en France, ils n’en ont pas au pays ; cela est valable tout particulièrement pour les « français » et les Marocains. En effet, ce qui différencie les deux catégories, ce sont les éléments suivants :

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Par rapport à l’accès à la propriété au pays d’origine : • Ceux qui étaient mariés à l’arrivée en France ont plus fait le choix de faire construire

une maison au pays d’origine. Ce ne semble pas être le cas des autres. • Ceux-là même, ont effectué des retours fréquents au pays d’origine, durant et après

leur vie active en France. • Ceux-là aussi préfèrent être inhumés au pays d’origine

Par rapport à l’accès à la propriété en France. Ceux qui ont accédé à la propriété en France se distinguent des autres par les points suivants :

• Ils maîtrisent mieux l’écriture et l’expression orale • Ils n’ont plus de famille au pays d’origine, ni de logement d’ailleurs • Ils ont relativement plus d’amis français • Ils ont un vécu personnel différent de celui des autres

Quelle est la signification de l’accès à la propriété au pays d’origine par rapport à l’accès à la propriété en France ? Les deux catégories expriment deux réalités et deux attitudes différentes face à la France et le pays d’origine. Ces attitudes sont déterminées par des éléments, tels que les attaches matrimoniales, la maîtrise de la langue française ou non, avoir de la famille au pays d’origine ou non, avoir des amis français ou non, le vécu personnel au pays d’origine et l’attitude vis-à-vis de celui-ci. Ces éléments réunis font que certains des retraités désirent être inhumés au pays d’origine et d’autres en France. Ceux ayant accédé à la propriété en France, semblent avoir plus d’ouverture (amis français) et maîtriser l’écriture relativement plus que les autres. Ceux-là, ayant un vécu relativement difficile auquel s’ajoute l’absence de la famille au pays d’origine, aboutissent à un choix complètement opposé à celui des autres qui est d’être inhumé en France. En effet, il y a deux facteurs essentiels qui déterminent l’attachement, l’enracinement et l’intégration dans un pays ou non. Le premier est interne : propre à la personne, ses compétences et le degré de son ouverture à l’extérieur, voire la communication avec autrui, comme la maîtrise de l’écriture, de la lecture, et de l’expression orale. Cet élément interne conjugué avec un climat extérieur et un environnement favorable : travail, milieu professionnel et relation avec les collègues, environnement social (quartier, voisins, ville …), l’interaction de ces deux éléments font que certains créent des attaches et s’enracinent dans un pays comme la France. En l’absence de l’un des deux ou des deux à la fois, les personnes développent et renforcent leur lien identitaire et orientent leurs centres d’intérêts vers le pays d’origine. Ayant la famille (parents, cousins, oncles etc.…) au pays, ils s’investissent davantage au pays. Le retour régulier au pays est l’un des signes. Mais le signe le plus important c’est le choix de l’inhumation au pays. Ce phénomène est un peu complexe car il s’agit aussi de la satisfaction de vivre en France de se retrouver à travers elle, de se sentir chez soi, et se sentir bien.

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Aussi ont-ils le sentiment que la France leur a versé leur dû ou bien le contraire ? Ont-ils le sentiment que la France leur doit quelque chose après de longues années de labeur et de « bons et loyaux services » ? Nous pensons que ce sont les algériens qui relèvent de ce cas de figure, tout particulièrement. C’est ce que nous allons chercher à comprendre dans le chapitre suivant. Accéder à la propriété en France, a de très fortes significations, même si ce n’est pas le cas de la majorité de nos sujets. Si plus de 20% de l’ensemble ont pu accéder à la propriété en France, ce n’est pas un hasard. Comme les sujets eux-mêmes le disent « c’est un choix ». Ce choix est, en effet, déterminé par plusieurs éléments importants :

• Ces personnes ont d’abord eu les moyens financiers de le réaliser • Ces mêmes personnes ont « délibérément » fait le choix de faire construire ou acheter

une maison en France pour leurs familles et leurs enfants. Ce qui a pesé le plus est qu’ils ont senti que leurs enfants nés, éduqués, et adaptés en France, et ceux-ci ayant fait le voyage aller-retour au pays d’origine avec leurs parents, tous ou presque ont réalisé que leur vie future se fera en France. les parents ont suivi cette décision ou ont, peut-être, contribué à la concrétiser.

Nous pensons que cette catégorie de sujets « privilégiés » a pu, non seulement « réussir » sa vie socio professionnelle, mais a poursuivi sa réalisation à terme, c’est-à-dire ouvrir la possibilité à leurs enfants d’aller encore plus loin, dans l’espoir d’une plus grande réussite d’une part, d’autre part ils ont joué le rôle de « pont » entre eux, la première génération, et la culture française. Ils ont joué le rôle de « passeurs » ayant transmis un passé, un présent pour un futur meilleur. Pour nous, c’est un élément « capital » de grand changement dans l’esprit et dans les faits. Non seulement les parents ne sont plus dans le « provisoire » comme dans les années 60 70, mais dans le permanent. Leur présence, grâce à l’accès à la propriété, devient permanente, elle signe l’expression d’un choix et d’une volonté d’intégration réelle et sur le long terme. Celle-ci se concrétise par le « passage du flambeau » à la « nouvelle génération de français », comme les retraités le disent. En effet, cette passation symbolise un choix une volonté et un degré relativement important d’intégration. C’est cela qui représente, à nos yeux, un véritable changement. Rester vivre en France, pour soi, sa famille, ses enfants, est une continuité logique : passage d’une génération à une autre, tout un « héritage » symbolisé par l’accès à la propriété en France et un acquis dans la promotion sociale qui permet à une autre génération de perpétuer « une tradition » de culture de la réussite pour une nouvelle génération. Ce sont les marocains et les tunisiens qui sont les « pionniers » ou « précurseurs » dans cette situation de projection. Celle-ci nous montre en même temps une image contrastée. Dans cette situation ce sont, en particulier, les algériens qui sont les « laissés pour compte » ou des

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« naufragés » de l’intégration, ou les non acceptés ou non désirés par la société française. Cette situation peut se reproduire pour la future génération si l’on ne s’y prend pas à l’avance afin de sauver ce qui peut encore être sauvé. La révolte dans les banlieues n’est-elle pas l’un des signes de l’échec de la politique de l’intégration ? Cependant, une question se pose : qui a conscience de ce « déséquilibre social » qui, sur le moyen et le long terme, peut produire non seulement des échecs dans l’intégration républicaine, mais surtout provoquer un statu quo catastrophique en France. Ces distinctions nous permettent d’avancer une proposition de réflexion que voici : La maîtrise de l’écriture et de la compréhension orale, facilitent l’entrée en communication avec les autres et aussi, mieux comprendre son environnement socio culturel et professionnel, sachant que celui-ci est basé sur l’écrit principalement. Elle facilité également l’accès aux informations et à la promotion socio professionnelle, qui a un impact sur une insertion et l’intégration. Nous pensons que ceux qui avaient ces « compétences » ont pu mieux s’intégrer dans leur environnement social et professionnel, que les autres. Ils ont pu établir des relations amicales avec les français, ce qui ne semble pas être le cas des autres. N’avoir plus de famille au pays d’origine, facilite la création d’attaches affectives et sociales en France (les amis), ce qui renforce l’enracinement. Il s’ajoute à ces éléments, un élément de taille, c’est celui de leur vécu personnel que nous avions déjà expliqué. Ce vécu exprime une attitude critique vis-à-vis du pays d’origine dans son ensemble. Au vu de l’ensemble de ces éléments, ce n’est pas un hasard si ces personnes souhaitent être inhumées en France. Ces éléments dans leur ensemble ont contribué à enraciner ces retraités, davantage, en France qu’au pays d’origine. En l’occurrence, ceux qui ont accédé à la propriété au pays d’origine se démarquent des autres par les éléments suivants :

• Ils étaient mariés au pays avant de venir en France • Ils ont effectué des retours vacances au pays d’origine durant et après leur vie active • Ils souhaitent être inhumés au pays d’origine.

En effet, ces personnes ayant été mariées au pays d’origine, y ont encore de la famille, donc de fortes attaches familiales, ce qui traduit, entre autre, le retour régulier durant et après la vie active en France. Il semble tout à fait clair que leur inhumation sera réalisée comme elles le désirent, au pays d’origine. Il ressort que les retraités se sont moins enracinés que l’autre catégorie.

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V - LIEU D’INHUMATION ET RAPPORT AU PAYS D’ORIGINE Monsieur Omar SAMAOLI, Directeur de l’Observatoire gérontologique des migrations affirme : « la société d’accueil française est dépourvue, non pas de sensibilité devant la mort, mais de réponses adaptées prenant en compte d’autres paramètres éthiques ou culturels non courants, non familiaux au sein d’elle-même »163. La mort, pour les vieux immigrés en France, n’est pas en soi un problème important à résoudre. C’est plutôt la manière de mourir là-bas ou ici, d’être accompagné dans son identité sociale et culturelle »164. Ainsi l’intimité musulmane avec la mort se heurte, aujourd’hui, à des carences parmi lesquelles, Monsieur O. SAMAOLI cite :

1. L’accompagnement des derniers moments de la vie : accompagner la mort dans la tradition

2. La toilette mortuaire où apparaît une exigence identitaire religieuse … 165 3. Par nécessité et pour tant de raisons non maîtrisables

Selon O. SAMAOLI, les gens acceptent, aujourd’hui, d’avoir une sépulture en France. Il est important de souligner qu’un grand nombre de retraités souhaitent être enterrés au pays d’origine, car selon Fethi BENSLAMA, psychologue, « le souhait d’être rapatrié après sa mort correspond à un enjeu très important : accomplir le retour définitif vers l’origine, se réconcilier avec les siens, effacer la culpabilité liée à l’expatriement, régler la dette que l’on a par rapport à la terre natale, en donnant son corps à elle »166. Est-ce que les retraités nous confirment ces propos ? Omar SAMAOLI, affirme aussi que « leur appréhension est très grande devant les difficultés au sujet des lieux de sépulture, la précarité des concessions et des pratiques de mise en terre »167, car la réglementation en France, et entre autre les codes des communes interdit « toute mise en terre sans cercueil, or dans la tradition musulmane, l’usage d’un linceul est pratique courante »168. Est-ce que les vieux immigrés confirment également ces propos ? Il existe des Carrés musulmans en Indre et Loire :

• ESVRES SUR INDRE, depuis 1998

163 Omar SAMAOLI, revue Plein droit, n°39, juillet 1998, p.59 164 O. SAMAOLI, « Trajectoire de l’immigré maghrébin âgé, vieillir et mourir en exil », 1999, PUL, p.65 165 Idem p. 59 166 Fethi BENSALMA, psychologue, directrice de la revue Intersignes, revue Plein droit n° 39, juillet 1998, p.62 167 Idem, p.60 168 Idem p.60

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• TOURS NORD, pour les morts pour la France : sénégalais, marocains et algériens • SAINT PIERRE DES CORPS, depuis 2004 • AMBOISE, depuis 1997 • CHATEAU RENAULT, depuis1993

Le fait que le plus grand nombre des Carrés musulmans existent depuis peu de temps est dû à plusieurs raisons :

1. La première concerne le fait qu’au départ, les immigrés ne pensaient pas rester vivre, vieillir et finir leurs derniers jours en France. L’idée est que la majorité pensait être enterrée au pays.

2. La deuxième concerne le manque de place selon les autorités … ou bien leur réticence par rapport à la création de Carrés musulmans dans leur commune ?

Cette situation, confirme les propos de O.SAMAOLI, concernant la « rareté » des Carrés musulmans en France. En général : « rares sont encore en France, les cimetières ou même les « Carrés » concédés dans les cimetières communaux … », et poursuit-il : « nul aujourd’hui n’est en mesure de donner le volume exact, soit des rapatriements, soit des sépultures acquises en terre française »169. Parmi les recommandations de la Présidente du Haut Conseil à l’Intégration (HCI), présentées au Premier Ministre, le 21 mars 2005, figure celle-ci : « Faciliter l’exercice du culte et le choix d’être inhumé sur le sol français en créant des carrés musulmans. Nous demandons à Monsieur le Ministre de l’Intérieur de rappeler avec force aux maires, la nécessité de créer des carrés pour les différentes religions, notamment des carrés musulmans, au sein des cimetières ».170 Alors qu’en est-il pour nos sujets retraités en Indre et Loire ? Lorsqu’on demande aux retraités interrogés le choix de lieu d’inhumation, la majorité affirme qu’ils souhaitaient être enterrés au pays d’origine (voir tableau n°35 en annexe). Les réponses se répartissent ainsi :

• Inhumation au pays d’origine 39 sujets, soit 78% • ″ ″ en France 2 sujets, soit 4% • Autre 7 sujets, soit 14%

Nous savons qu’en France, dans de nombreux départements, il existe « un Carré musulman » créé exprès pour les musulmans. Malgré cela, ils préfèrent être enterrés au pays d’origine, pour les raisons suivantes :

« Etre enterré près des parents» « Là-bas on ne dérange pas les morts»

169 Idem p.60 170 Blandine KRIEGEL, « la condition sociale des travailleurs immigrés âgés », Rapport présenté au Premier Ministre au nom du HCI, p.14

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« On lit Al Fatiha (première sourate du Coran) sur la tombe« En France, il faut payer la concession en permanence, or au paseule fois» « En France si tu ne payes pas, on te déterre et on

En effet, cette croyance, profonde, n’est pas sd’origine, ses traditions et sa culture. Le retour régulichoix de l’inhumation. Le fait d’être français, la nationalité actuelle (français), n’influence en rien l’identité du départ et celle-ci reste toujours l’identité de « La période de la naissance de l’enfance, de l’d’origine semble marquer à jamais noformation de l’identité personnelle, culturelle reste déterminante pour ces sujets dans la mesure où elle influence l’identité. Mais il y a aussi un contexte historique politique et socio économique qui semble renforcer l’identité.

1 - LIEU D’INHUMATION ET CULTURE

1-1 – RAISONS D’INHUMATION AU PAYS D’ORIGINE On observe deux attitudes face à l’inhumation. Chaque attitude traduit des manières propres. Les raisons d’inhumation, au pays d’origine, évoquées par les retraités sont, par ordre d’importance, les suivantes (attitude majoritaire) pour 39 sujets, soit 78

• Pour être près de ma famille et mes parentss’occupent de rapatrier les corps. Il existe des conventions entre la France d’une part et les pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie)

On lit Al Fatiha (première sourate du Coran) sur la tombe» En France, il faut payer la concession en permanence, or au pays, on ne paye qu’une

En France si tu ne payes pas, on te déterre et on te brûle»

En effet, cette croyance, profonde, n’est pas sans lien avec l’attachement àd’origine, ses traditions et sa culture. Le retour régulier au pays semble influencer

nationalité actuelle (français), n’influence en rien l’identité du départ ci reste toujours l’identité de « référence ».

a période de la naissance de l’enfance, de l’adolescence, la première jeunesse au pays marquer à jamais nos sujets pour leur grande majorité. Cette période de la

formation de l’identité personnelle, culturelle reste déterminante pour ces sujets dans la mesure où elle influence l’identité. Mais il y a aussi un contexte historique politique et socio

qui semble renforcer l’identité.

LIEU D’INHUMATION ET CULTURE : 38 réponses

Figure 28 : lieu d’inhumation

RAISONS D’INHUMATION AU PAYS D’ORIGINE

On observe deux attitudes face à l’inhumation. Chaque attitude traduit des manières propres. Les raisons d’inhumation, au pays d’origine, évoquées par les retraités sont, par ordre d’importance, les suivantes (attitude majoritaire) pour 39 sujets, soit 78 %.

Pour être près de ma famille et mes parents, le gouvernement marocain, tunisien, s’occupent de rapatrier les corps. Il existe des conventions entre la France d’une part et les pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie)

Non réponse4% En France

4%

Au pays d'origine

78%

Autre14%

Lieux d'inhumation

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ys, on ne paye qu’une

ans lien avec l’attachement à l’identité au pays er au pays semble influencer aussi, le

nationalité actuelle (français), n’influence en rien l’identité du départ

la première jeunesse au pays s sujets pour leur grande majorité. Cette période de la

formation de l’identité personnelle, culturelle reste déterminante pour ces sujets dans la mesure où elle influence l’identité. Mais il y a aussi un contexte historique politique et socio

On observe deux attitudes face à l’inhumation. Chaque attitude traduit des manières propres. Les raisons d’inhumation, au pays d’origine, évoquées par les retraités sont, par ordre

%.

le gouvernement marocain, tunisien, s’occupent de rapatrier les corps. Il existe des conventions entre la France d’une part et

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• Le corps repose pour toujours : il n’y a pas de problème de « concession » au pays « ici, on ne respecte pas les morts, au bout d’un certain temps, on retire le corps »

1-2– PEU IMPORTE, ÇA DEPEND : L’attitude opposée à la majorité consiste dans les raisons suivantes :

« C’est le Mektoub « je ne sais pas » « Si les enfants vont au pays d’origine, sinon la France » « Ici c’est la terre de Dieu, « on doit être enterré là où on meurt », la terre est universelle » « Surtout pas là-bas » « La famille décide »

On peut observer que la grande majorité des sujets, 78 %, préfèrent être enterrés au pays d’origine. Les deux raisons principales correspondent à la première catégorie :

• Pour être près de la famille et des parents • Pour que le corps repose pour toujours

La deuxième catégorie regroupe plusieurs raisons dont l’axe principal est « peu importe », et « je ne sais pas ». Comme on peut le constater, la première raison dans cette catégorie repose sur les faits suivants : 1 - « être près des parents et de la famille » car, « c’est le pays d’origine mon pays … »

« On vient nous visiter et lire le Coran » « Là-bas, ils font des prières sur la tombe des morts »

2 – Dans cette catégorie, il y a aussi d’autres raisons, les voici :

« Au pays la concession est à vie » « Ici, on ne respecte pas les morts » « Ici, au bout d’un certain temps, si tu ne payes pas la concession, on retire le corps »

3 – « J’ai souscrit à une assurance pour rapatrier le corps «

« Le gouvernement tunisien, marocain, s’occupe du rapatriement des corps » « Il y a un accord entre la France et le pays pour rapatrier les corps »

Le lieu d’inhumation et variables associées Nous avons quatre catégories de réponses concernant le lieu d’inhumation :

• En France • Au pays d’origine • Autre • Non réponse.

Du fait des faibles proportions de personnes ayant répondu « Autre » et celles n’ayant pas donné de réponse, nous traiterons uniquement, en termes statistiques, les réponses « En France » et « Au pays d’origine ».

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a) La Nationalité à l’arrivée : La nationalité à l’arrivée influence le choix du lieu d’inhumation, dans le pays où les personnes, de nationalité autre que « française », souhaitent être inhumées dans leur pays d’origine (dl effet=3 ; MC Effet=0,13 ; dl Erreur=37 ; MC Erreur=0,040 ; F=3,31 ; p=0,03) Effectif : Algériens 14/18 soit 77,7% (Moyenne = 2,17) Français/algériens 6/12 soit 50% (Moyenne = 1,54) Marocains 14/15 soit 93,33% (Moyenne = 2,07) Tunisiens 5/5 soit 100% (Moyenne = 2,0) b) Savoir Lire, écrire et parler le français : Le fait de savoir lire influence le choix d’être enterré au pays d’origine ou non. Groupe « lecture du français », Moyenne = 1,83 ; groupe « ne sait pas lire le français » Moyenne = 2 (dl effet=1 ; MC Effet=0,24 ; dl Erreur=39 ; MC Erreur=0,04 ; F=5,52 ; p=0,024), 10 sujets sur 16, soit 62,5% veulent être enterrés au pays d’origine. Savoir écrire le français : groupe sait écrire le français Moyenne = 1,02 ; groupe ne sait pas écrire le français Moyenne = 2 (dl effet=1 ; MC Effet=0,27 ; dl Erreur=39 ; MC Erreur=0,042 ; F=6,34 ; p=0,016), 9 sujets sur 15, soit 60% désirent être inhumés au pays. Ceux qui ne savent pas lire ou écrire le français souhaitent plus être inhumés au pays d’origine que les autres. c) Parler l’arabe : Le fait de parler l’arabe influence le lieu souhaité d’inhumation, dans le pays où les personnes parlant l’arabe souhaitent, plus que les autres, être inhumées au pays d’origine. (dl effet=1 ; MC Effet=0,428 ; dl erreur=39 ; MC Erreur=0,038 ; F=11,32 ; p=0,0017) Effectif : 38 sujets sur 48, soit 79,16% inhumation au pays d’origine (Moyenne = 1,5) 1 sujet sur 2, soit 50% inhumation en France (Moyenne = 1,97) d) Les raisons de rester vivre en France : (le vécu personnel) Le fait d’être resté vivre en France pour des raisons « Vécu personnel » (Moyenne = 1,84) a une influence sur le lieu souhaité d’inhumation, les personnes restées vivre en France pour ces raisons souhaitent moins que les autres (Moyenne = 2), être inhumées au pays d’origine. (dl effet=1 ; MC effet=0,21 ; dl erreur=39 ; MC Erreur=0,043 ; F=4,84 ; p=0,033) Effectif : 18 sujets sur 52, soit 34,61% e) Le choix logique de vivre en France : Le fait que vivre en France soit un choix logique (Moyenne = 1,97) a une influence sur le lieu souhaité d’inhumation. En effet, les personnes, pour qui vivre en France est une continuité logique, souhaitent, plus que les autres (Moyenne = 1,67), être inhumées au pays d’origine (dl effet=1 ; MC Effet=0,26 ; dl Erreur=36 ; MC Erreur=0,455 ; F=5,64 ; p=0,023) Effectif : 34/47, soit 72,34% f) La venue de la famille : La venue de la famille en France influence le lieu souhaité d’inhumation, dans le sens où les personnes (Moyenne = 2) ayant fait venir leur famille souhaitent plus être inhumées au pays d’origine que les autres (Moyenne = 1,8)

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(dl effet=1 ; MC Effet=0,29 ; dl Erreur=35 ; MC Erreur=0,46 ; F=6,38 ; p=0,016) Effectif : 27 sujets sur 30, soit 90% g) La définition de la nationalité : La définition de la nationalité influence le lieu d’inhumation souhaité de la personne. En effet les personnes se sentant « étranger » et « entre les deux » souhaitent, plus que les personnes se sentant françaises, être inhumées au pays d’origine (Moyenne = 1,67) (dl effet=2 : MC Effet=0,28 ; dl Erreur=38 ; MC Erreur=0,035 ; F=8,11 ; p=0,0011) Effectif : étranger 15 sujets sur 17 soit 88,25% (Moyenne = 2) Entre les deux 20 sujets sur 22, soit 90,91% (Moyenne = 2 h) Accès à la propriété en France / Accès à la propriété au pays : L’accès à la propriété, que ce soit en France ou au pays d’origine, influe sur le lieu souhaité d’inhumation. Les personnes propriétaire de leur logement en France souhaitent, plus que les autres, être inhumées en France (dl effet=1 ; MC Effet=0,347 ; dl Erreur=39 ; MC Erreur=0,040 ; F=8,70 ; p=0,005), tandis que les personnes propriétaires d’un logement au pays souhaitent plus être inhumées au pays que les autres (dl effet=1 ; MC Effet=0,39 ; dl erreur=37 ; MC Erreur=0,040 ; F=9,80 ; p=0,003). Effectif : Propriétaire de logement au pays : inhumation au pays, 31/34 (91,17%)

Propriétaire de logement en France : inhumation en France , 2/11, (18,18%)

2 - L’IMPORTANCE DE LA FAMILLE ET DE LA CULTURE DU PAYS D’ORIGINE Vivre en famille avec sa femme d’une même culture, renforce les liens familiaux face à l’adversité, lorsqu’on est exilé d’une part, et d’autre part ces liens familiaux ont aussi comme fondement « une culture commune » qui est celle du pays d’origine. Parler la langue d’origine au foyer, la décoration de la maison avec des objets du pays, manger comme au pays, avoir les mêmes références et les mêmes codes, etc. …, ce sont des éléments qui renforcent aussi le lien avec le pays et la culture du pays. La famille est le lieu qui contribue à la reproduction et le maintien de la culture d’origine au niveau des valeurs et une certaine façon de penser, de voir, de réfléchir, d’agir, bref une façon de la « pratique sociale ». Celle-ci induit, de façon tacite ou non, un corpus de valeurs et de codes où apparaît une vision sociale imprégnée de coutumes, de traditions mêlées de religion. Le sentiment d’appartenance identitaire construit l’ensemble de ce que nous venons de dire : la famille maghrébine est un élément essentiel permettant de le préserver, voire de le renforcer dans un objectif de protection. Nous pensons que la famille véhicule un ensemble de valeurs qui protègent et qui renforcent l’attachement au pays et à l’identité culturelle, d’autant plus que cet attachement est renforcé par des visites au pays presque chaque année. Cependant, ceux qui n’ont pas de famille ou qui ne sont pas satisfaits, sont favorables à une inhumation en France. Ces derniers ne représentent que 4 % de l’ensemble.

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Cela explique le choix essentiel, pour partie, d’être enterré au pays d’origine près des parents. Mais ce n’est pas l’unique raison, il existe encore d’autres raisons liées à la culture du pays d’accueil : la France.

3 - LE RESPECT DES MORTS C’EST SACRE Dans la religion, comme dans les traditions arabo musulmanes, il y a un respect presque « absolu » des morts. Il est rarement admis de déplacer ou de déterrer les morts, sauf pour quelques exceptions. Lorsqu’il s’agit, à titre d’exemple, de changer de lieu d’inhumation des « saints » ou de personnalités religieuses ou politiques , et pour des raisons symboliquement importantes. Mais dans le cas commun, les corps ne doivent pas être déplacés. Cette tradition est respectée depuis des siècles. En effet, pour les retraités interrogés, la France, ses coutumes et ses traditions ne concordent pas ou ne s’accordent pas avec les leurs. Si au pays d’origine on a la concession à vie, en France, ce n’est pas le cas. Car en France il faut payer la concession tous les 10 ou 15 ans. Or au pays d’origine, ce n’est pas le cas. Si la concession n’est pas payée, on déplace ou on déterre le corps pour les mettre dans une fosse commune. Cette raison indispose les retraités par rapport à leurs croyances, leurs coutumes et leurs traditions socio religieuses. La personnalité du mort, dans ce cas, n’est pas respectée d’une part et d’autre part, c’est « haram » interdit dans la religion et dans les traditions. Ainsi, après toute une vie passée en France, les retraités se voient mal enterrés dans un lieu où personne n’est sûr d’y rester. Là on porte atteinte à leur « âme », « l’âme du mort » qui doit rester au « repos éternel » jusqu’ à « l’appel de dieu au jour du jugement dernier ». Autrefois, on pouvait déterrer les morts des ennemis car ces derniers ne méritaient pas de comparaître devant Dieu. Ils ne méritaient ni pitié, ni clémence ou miséricorde auprès du Tout Puissant. C’était à l’époque de l’apogée de l’empire musulman. Les ennemis ne méritaient aucune pitié. C’était ‘les non croyants », les « infidèles ». alors, nos retraités s’estiment être des non croyants et non musulmans méritant la clémence et la miséricorde de Dieu. L’identité musulmane à laquelle s’ajoute l’identité personnelle et culturelle durant l’enfance, l’adolescence et la jeunesse sont fondatrices des attitudes futures des ces personnes, et à laquelle s’ajoute aussi celle de l’identité « renforcée ». Celle de l’exil et de la souffrance subie durant tout leur parcours.

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4 - LES REALISTES, MODERES ET HESITANTS Une partie de ceux-ci représentent 14% des sujets interrogés, est relativement modérée ou réaliste, voire parfois hésitante. Car l’ensemble des sujets ne manifeste pas autant d’importance au lieu d’inhumation. Pour une partie, ils ne savent où et quand ils vont mourir, pour l’autre partie, la « terre est universelle », c’est « la terre de Dieu », d’autres pensent qu’ils doivent « être enterrés là où l’on meurt ». Les personnes de cette catégorie manifestent, en effet, une attitude plus ouverte, moins fermée que les autres. Bien que certains pensent que c’est déjà écrit « Mektoub » et d’autres laissent le choix à leur famille, dans le sens où les enfants vont les visiter. Il y a aussi, ceux, à qui se pose un problème de conscience, c’est-à-dire les hésitants, ceux qui ne savent pas leur lieu d’inhumation. Nous nous permettons de citer, un exemple : « celui d’un homme qui ne veut surtout pas être enterré là-bas, car étant enfant, il se promenait près d’un cimetière, et il a vu des chacals déterrer les morts pour les manger ». C’est, bien sûr, une exception.

DISCUSSION Pour mieux cerne le phénomène du choix de l’inhumation des immigrés au pays d’origine ou en France, nous avons tenté de relier les éléments dans une cohérence et par rapport à une tendance précise. Pour mieux comprendre ce qui a influencé chacun de ces choix : inhumation au pays d’origine et inhumation en France. A – inhumation en France D’après l’analyse de variance, les éléments qui ont influencé ce choix se traduisent ainsi :

1. Ceux qui se sentent « français » ont fait le choix d’être enterrés en France. 2. Ceux sachant lire et écrire le français ont fait le même choix 3. Ceux ayant un vécu personnel se traduisant par « attitudes critiques » vis-à-vis du

pays d’origine, ont également fait le choix de l’inhumation en France. 4. Ceux qui ont accédé à la propriété en France sont parmi ceux ayant fait le choix

d’être inhumés en France. Pour nous ces quatre éléments essentiels, constituent « l’ensemble cohérent » qui a un « sens » précis et une tendance, certes pas majoritaire, mais elle traduit une forte indication. L’ensemble de ces quatre éléments réunis nous montre que : Ces sujets ont fait le choix d’enracinement définitif en France pour eux et leurs enfants.

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B – inhumation au pays d’origine Les éléments qui ont, selon l’analyse de variance, influencé le choix d’inhumation au pays d’origine, sont :

1. Le fait de parler la langue arabe 2. Le fait de la venue de la famille 3. Le fait de se définir comme « étranger » ou « entre les deux » 4. Le fait d’avoir une propriété au pays d’origine

En effet, ces quatre éléments traduisent un fort attachement culturel par rapport au pays d’origine. Ces mêmes éléments traduisent aussi, leurs angoisses, inquiétudes, mais aussi une fidélité aux traditions, à la famille et à la culture d’origine. Ce qui est rassurant et sécurisant pour eux. Nous sommes devant deux attitudes différentes, celle que nous nommerons « attitude traditionnelle », et l’autre qualifiée de « attitude moderne », qui se différencie de la première par le choix d’inhumation en France. Si la seconde laisse une chance à leurs enfants de s’enraciner définitivement en France, la première impose aux enfants un « lien organique » avec le pays d’origine. Un lien de filiation qui exigerait que les enfants se rappellent que leurs ancêtres sont « là-bas » d’où un devoir de veiller aux morts et leur rendre visite régulièrement. Cette attitude pour nous, peut aussi traduire un positionnement, non seulement de fidélité au pays d’origine, mais surtout elle exprime, peut-être, leur mécontentement de certaines attitudes vécues de la part de certains français qui ne les ont pas acceptés. Nous sommes, également, en droit de nous poser la question suivante : le choix d’être inhumé en France exprime-t-il une réelle et définitive intégration ? Est-ce aussi la consécration de leur enracinement car se sentant français, accédant à la propriété en France ? Ceux-ci laissent peut-être davantage de repères d’enracinement en France pour leurs enfants et petits enfants ? Ainsi, « avoir une sépulture en France, et par ce geste, immensément symbolique, cette terre de France est devenue aussi, un petit peu la leur », affirme Omar SAMAOLI171

171 Omar SAMAOLI, Mourir en exil, revue Plein droit, n°39, juillet 1998, p.60

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CHAPITRE – 5

Bilan des retraités de leur immigration

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QUEL BILAN DE L’IMMIGRATION ? Pour tirer un bilan de l’immigration selon les réponses des retraités, nous avons pensé aux thèmes suivants :

1. A quoi a servi leur immigration en France ? Quel bilan en tirent –ils ?

2. Quels projets les retraités ont-ils réalisés et dont ils sont fiers

3. Quelle a été la promotion de leurs enfants dans leurs métiers ?

4. La satisfaction du montant de la retraite

5. La reproduction de la trajectoire

6. Messages et conseils transmis à leurs enfants

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I – A QUOI A SERVI L’IMMIGRATION SELON LES RETRAITES 40 sujets interrogés ont affirmé que l’immigration a servi à quelque chose, soit 80 % de l’ensemble des sujets. 9 sujets ont répondu négativement, soit 18 %, et 1 seul n’a pas répondu.Parmi ces sujets, 71,21% pensent que l’immigration a servi à la famille, la réussite des enfants, la construction ou l’achat d’une maison, et enfin améliorer les conditions de vie. 16,67% pensent que l’immigration a servi à la découverte du monde, à transmettre sa culture et à moderniser le pays d’origine. 12,12% pensent que l’immigration a servi la pas eux. (Voir tableau n° 36 en annexe

Figure 29 : avez

1 - A QUOI A SERVI L’IMMIGRATION

a) - Par nationalité à l’arrivée

• 5 sujets sur 5 soit 100 % des tunisiens • 13 sujets sur 15 soit 86,67 % des marocains • 10 sujets sur 12 soit 83,33 % des français • 12 sujets sur 18 soit 66,67 % des algériens

(Voir tableau n°37 en annexe)

Non18%

Avez vous le sentiment que votre immigration a servi e?

A QUOI A SERVI L’IMMIGRATION SELON LES

affirmé que l’immigration a servi à quelque chose, soit 80 % de l’ensemble des sujets. 9 sujets ont répondu négativement, soit 18 %, et 1 seul n’a pas répondu.Parmi ces sujets, 71,21% pensent que l’immigration a servi à la famille, la réussite des

, la construction ou l’achat d’une maison, et enfin améliorer les conditions de vie. 16,67% pensent que l’immigration a servi à la découverte du monde, à transmettre sa culture et à moderniser le pays d’origine. 12,12% pensent que l’immigration a servi la

en annexe)

: avez-vous le sentiment que votre immigration a servi

A QUOI A SERVI L’IMMIGRATION ?

Par nationalité à l’arrivée

soit 100 % des tunisiens soit 86,67 % des marocains ont répondu positivementsoit 83,33 % des français soit 66,67 % des algériens )

Oui80%

Non18%

Ne répondent pas 2%

Avez vous le sentiment que votre immigration a servi e?

160

A QUOI A SERVI L’IMMIGRATION SELON LES

affirmé que l’immigration a servi à quelque chose, soit 80 % de l’ensemble des sujets. 9 sujets ont répondu négativement, soit 18 %, et 1 seul n’a pas répondu. Parmi ces sujets, 71,21% pensent que l’immigration a servi à la famille, la réussite des

, la construction ou l’achat d’une maison, et enfin améliorer les conditions de vie. 16,67% pensent que l’immigration a servi à la découverte du monde, à transmettre sa culture et à moderniser le pays d’origine. 12,12% pensent que l’immigration a servi la France et non

vous le sentiment que votre immigration a servi ?

ont répondu positivement

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b) - par nationalité actuelle Lorsqu’on pose la même questionréponses suivantes, par nationalités actuelles

• 7 sujets sur 7 soit100 % des marocains• 20 sujets sur 24 soit 83,33 des français• 13 sujets sur 19 soit 68,42 des algé

(voir tableau n°38 en annexe)

Figure 30 : avez-vous le sentiment que votre immigration a servi Ce sont les marocains, parmi les premiersquelque chose. Ils sont suivis par les françaisde la nationalité actuelle. Les français sont restés stables sur ce sujet. Ce sont les algériens qui sont les Leur proportion par rapport à l’ensemble est de 66,67 % (nationalité actuelle).

Français

83,33%

16,67%

Avez vous le sentiment que votre immigration a servi :

Lorsqu’on pose la même question : si l’immigration a servi à quelque chose, on obtient les réponses suivantes, par nationalités actuelles :

soit100 % des marocains soit 83,33 des français ont répondu positivementsoit 68,42 des algériens

vous le sentiment que votre immigration a servi ? Répartition par nationalité actuelle

e sont les marocains, parmi les premiers, qui affirment que leur immigration a servi à quelque chose. Ils sont suivis par les français : 83,33 %, et enfin par les algériens à 68,42 % de la nationalité actuelle. Les français sont restés stables sur ce sujet.

les algériens qui sont les moins nombreux à affirmer que leur immigration a serviLeur proportion par rapport à l’ensemble est de 66,67 % (nationalité actuelle).

Algériens Marocains

68,42%

100%

16,67%26,31%

0%0%5,27%

0%

Avez vous le sentiment que votre immigration a servi : répartition par nationalité actuelle

161

si l’immigration a servi à quelque chose, on obtient les

ont répondu positivement

par nationalité actuelle

qui affirment que leur immigration a servi à : 83,33 %, et enfin par les algériens à 68,42 %

leur immigration a servi. Leur proportion par rapport à l’ensemble est de 66,67 % (nationalité actuelle).

Avez vous le sentiment que votre immigration a servi :

Oui

Non

Non réponse

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c) – par groupe d’âge à l’arrivée

Figure 31 : avez-vous le sentiment que votre immigration a servil’arrivée Ceux ayant le sentiment que l’immigration a servi à quelque chose répartissent ainsi par ordre d’importance

• Groupe 2 86,67 % • Groupe 1 84,21 %• Groupe 3 68,75 %

Ce sont les membres du groupe 2 (20/quelque chose. Ils sont suivis par le groupe 1 (41/(26 ans et +)

Groupe 1

84,21%

10,53%5,26%

Avez vous le sentiment que votre immigration a servi ? Répartition par

par groupe d’âge à l’arrivée

vous le sentiment que votre immigration a servi ? Répartition

Ceux ayant le sentiment que l’immigration a servi à quelque chose par groupe d’arrivéerépartissent ainsi par ordre d’importance : (voir tableau n°39 en annexe)

86,67 % 20 à 25 ans 13 sujets /40 % 14 à 19 ans 16 sujets/40

68,75 % 26 ans et + 11 sujets/40

t les membres du groupe 2 (20/25 ans) qui estimaient que l’immigration a servi à nt suivis par le groupe 1 (41/19 ans) 84 %, et enfin le groupe 3 à 68,75 %

Groupe 2 Groupe 3

86,67%

68,75%

13,33%

31,25%

5,26%0% 0%

Avez vous le sentiment que votre immigration a servi ? Répartition par groupe d'âge à l'arrivée

162

Répartition par groupe d’âge à

par groupe d’arrivée se

25 ans) qui estimaient que l’immigration a servi à 19 ans) 84 %, et enfin le groupe 3 à 68,75 %

Avez vous le sentiment que votre immigration a servi ? Répartition par

Oui

Non

Non Réponse

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d) – par groupe d’âge actuel

Figure 32 : avez-vous le sentiment que votre immigration a servi Ce sont les membres du groupe le plus jeune qui juge positivement que l’immigration a servi à quelque chose. Plus on avance en âge, moins le résultat est affirmatifannexe). Ce sont les tunisiens et les marocains (nationalité à l’arrivée) qui jugent, plus que les français et les algériens, que l’immigration a servi à quelque chose. En revanche, par rapport à la nationalité actuelle, ce sont les marocains, avoir un jugement positif par rapport au bilan de l’immigration, suivis par les français/algériens (dont les tunisiens font partie) et enfin les algériens. Ces nationalité à l’arrivée et la nationalité actuelle, sont dire que l’immigration a servi à quelque chose. En ce qui concerne l’âge à l’arrivée et l’âge actuel, onc'est-à-dire le groupe médian juge que l’immigration a servi à quelque chose. Mais cette position se retrouve chez les plus jeunes des retraités (vieux, que ce soit à l’âge d’arrivée et à l’âge actuel, qui sont beaucoup moins que les autres, que l’immigration a servi à quelque chose. Globalement les plus jeunes tirent un bilan positif de leur immigration. Par contre, les plus vieux (plus anciens) ont un jugement beaucoup moins positi Ce sont tout particulièrement les algériensqui sont les plus pessimistes quant au bilan de leur immigration.première catégorie pensent que l’immigration a servi, pour l’écrasantl’ensemble, à la famille, à la réussite des enfantsmaison et enfin améliorer les conditions de vie en général

Groupe 1

83,33% 81,25%

16,67%

0,00%

Avez vous le sentiment que votre immigration a serv i ? Répartition par groupe d'âge actuel

vous le sentiment que votre immigration a servi ? Répartition par groupe d’âge actuel

Ce sont les membres du groupe le plus jeune qui juge positivement que l’immigration a servi chose. Plus on avance en âge, moins le résultat est affirmatif (voir tableau n°

e sont les tunisiens et les marocains (nationalité à l’arrivée) qui jugent, plus que les français et les algériens, que l’immigration a servi à quelque chose.

En revanche, par rapport à la nationalité actuelle, ce sont les marocains, les avoir un jugement positif par rapport au bilan de l’immigration, suivis par les

(dont les tunisiens font partie) et enfin les algériens. Ces nationalité à l’arrivée et la nationalité actuelle, sont proportionnellement moins nombreuxdire que l’immigration a servi à quelque chose.

En ce qui concerne l’âge à l’arrivée et l’âge actuel, on constate que le groupe 2 (20dire le groupe médian juge que l’immigration a servi à quelque chose. Mais cette

position se retrouve chez les plus jeunes des retraités (- de 59 ans). Ce sont, en effet, les plus vieux, que ce soit à l’âge d’arrivée et à l’âge actuel, qui sont les plus pessimistes, jugeant beaucoup moins que les autres, que l’immigration a servi à quelque chose. Globalement les plus jeunes tirent un bilan positif de leur immigration. Par contre, les plus vieux (plus anciens) ont un jugement beaucoup moins positif.

Ce sont tout particulièrement les algériens, quel que soit leur âge à l’arrivée ou l’âge actuelqui sont les plus pessimistes quant au bilan de leur immigration. Les personnes de la

pensent que l’immigration a servi, pour l’écrasante majorité à 71la réussite des enfants, à la construction ou l’achat d’une

maison et enfin améliorer les conditions de vie en général.

Groupe 2 Groupe 3

81,25%75,00%

15,62%

25,00%

3,13% 0%

Avez vous le sentiment que votre immigration a serv i ? Répartition par groupe d'âge actuel

Oui

Non

Non Réponse

163

? Répartition par groupe d’âge actuel

Ce sont les membres du groupe le plus jeune qui juge positivement que l’immigration a servi (voir tableau n°40 en

e sont les tunisiens et les marocains (nationalité à l’arrivée) qui jugent, plus que les français

les plus nombreux à avoir un jugement positif par rapport au bilan de l’immigration, suivis par les

(dont les tunisiens font partie) et enfin les algériens. Ces derniers, selon la proportionnellement moins nombreux à

constate que le groupe 2 (20-25 ans), dire le groupe médian juge que l’immigration a servi à quelque chose. Mais cette

59 ans). Ce sont, en effet, les plus les plus pessimistes, jugeant

beaucoup moins que les autres, que l’immigration a servi à quelque chose. Globalement les plus jeunes tirent un bilan positif de leur immigration. Par contre, les plus vieux (plus anciens)

quel que soit leur âge à l’arrivée ou l’âge actuel, Les personnes de la

e majorité à 71,21 % de la construction ou l’achat d’une

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Les personnes de la deuxième catégorie pensent que l’immigration a servi à la découverte d’autres mondes, à transmettre sa culture, rester soi-même et moderniser le pays d’origine. Cette catégorie représente, en effet, 16,67 % de l’ensemble des sujets interrogés. Les personnes de la troisième catégorie représentent 12,12 % de l’ensemble, pensent que l’immigration a servi la France (4,54 %) et à eux n’a servi à rien (7,58 %). La famille et toujours la famille semble être l’élément essentiel, voire moteur pour l’immigration. La famille et les enfants sont l’élément déterminant qui a permis de mieux vivre et améliorer les conditions de vie. Ainsi, l’immigration a permis non seulement de fonder une famille, d’élever ses enfants, mais surtout de contribuer à leur réussite. Mais le vrai signe de réussite pour eux c’est l’achat ou la construction d’une maison, que ce soit en France ou au pays d’origine. Au delà de la famille, c’est l’apport personnel et l’apport aux autres qui semble être une partie importante de l’immigration : découverte d’autres mondes, réaliser ses rêves de jeunes, transmettre sa culture et participer à la modernisation de son pays d’origine. L’immigration n’a servi à rien selon les retraités de la dernière catégorie. C’est-à-dire qu’elle ne leur a pas servi directement mais plutôt elle a servi la France. ce sont ceux qui laissent paraître le sentiment de déception. Près d’un demi siècle de travail ne leur a servi à rien. Cela suppose qu’ils n’ont pas pu ni acheter, ni faire construire une maison, et peut être que les enfants n’ont pas réussi.

Figure 33 : avez-vous le sentiment que votre immigration a servi ?

83,33%

16,67%

0%

66,67%

27,78%

5,55%

86,67%

13,33%

0%

100%

0%0%

Français Algériens Marocains Tunisiens

Avez vous le sentiment que votre immigration a servie

Oui

Non

Ne répondent pas

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Avez-vous le sentiment que votre immigration a servi, et idées nouvelles, et variables associées L’apport d’idées nouvelles induites par la vie en France a influencé le sentiment que l’immigration de la personne a servi à quelque chose, c’est-à-dire qu »elle a été positive DL = 1 ; MC effet = 0,47 ; DL erreur = 42 ; MC erreur = 0,11 ; F = 4,22 ; Niveau P = 0,04 Effectif : 23/40, soit 57,5%. Les personnes pour qui, vivre en France a apporté des idées nouvelles (Moyenne = 1,04) ont plus le sentiment que leur immigration a servi que pour les autres (Moyenne = 1,25).

DISCUSSION Le bilan de l’immigration selon les retraités interrogés, est majoritairement, positif. En effet, ce n’est pas du tout un bilan contrasté, contrairement aux idées reçues. Si ce bilan est positif c’est que la majorité des immigrés retraités ont pu réussir à fonder une famille, à élever leurs enfants dont un nombre important a réussi dans la vie professionnelle. Ces enfants ont pu bénéficier, durant les années 70 et 80 de l’élan des trente glorieuses comme, d’ailleurs, leurs parents. Certes, ce sont les tunisiens et les marocains, venus plus tard que les français et les algériens qui ont bénéficié le plus de l’élan économique de ces années-là. Cependant, la génération qui les précédait, français et algériens, et tout particulièrement ces derniers, en ont moins bénéficié que les autres. On peut constater que les algériens ont un sentiment relativement « mitigé » par rapport à leur propre bilan. Pourquoi ? Nous sommes en droit de nous poser la question. Est-ce le sentiment que ce sont eux qui étaient le moins bien acceptés par la société ?, est-ce le lourd passif de la colonisation et la guerre d’Algérie qui a perpétué cette situation laissant les algériens dans un sentiment d’abandon ou de négligence sociale, psychologique et culturelle. On peut aussi constater que ceux, parmi les retraités ayant ressenti l’apport d’idées nouvelles, ont plus que les autres le sentiment que l’immigration a servi à quelque chose. Cependant, on constate également que ceux qui ressentent que vivre en France leur a apporté des idées nouvelles (selon le niveau scolaire), sont les sujets scolarisés, particulièrement le niveau primaire et secondaire, respectivement à 59% et 50%. Par contre, les moins scolarisés représentent 48% de l’ensemble des réponses (toutes nationalités confondues). Ce sont particulièrement, par ordre d’importance les marocains qui sont les premiers à le dire, que ce soit par rapport à la nationalité à l’arrivée ou la nationalité actuelle. Ce sont les algériens, que ne sont pas en rapport à la nationalité à l’arrivée ou actuelle, qui sont les derniers à le dire. Nous pensons que le contexte historique et politique des années 50 – 60 et 70, et tout particulièrement la guerre d’Algérie et ses conséquences n’a pas permis aux algériens une

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sérénité sociale facilitant la réceptivité d’idées nouvelles et d’autre types de changements. En l’occurrence, les marocains et les tunisiens n’ayant pas ce lourd passif avec la France, ont pu mieux s’intégrer et intégrer le changement ce qui a contribué à leur relative réussite.

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II - LES PROJETS QUE LES RETRAITES ONT REALISES Lorsqu’on pose aux retraités la question concernant les projets réalisés et dont ils sont fiers, ils citent, par ordre d’importance et que nous avons réparti selon les catégories

• Groupe A – sphère socio professionnelledes enfants, l’achat ou la construction de maison en France ou au pays d’origine, réussite dans le travail et le commerce, création d’une entreprise.

• Groupe B – satisfaction spirituaucun projet.

Figure 34 : répartition globale des réponses concernant les projets réalisés

Thème A

Répartition globale des réponses concernant les pro jets

LES PROJETS QUE LES RETRAITES ONT

Lorsqu’on pose aux retraités la question concernant les projets réalisés et dont ils sont fiers, ils citent, par ordre d’importance et que nous avons réparti selon les catégories

sphère socio professionnelle : fonder une famille, éducation et réussite des enfants, l’achat ou la construction de maison en France ou au pays d’origine, réussite dans le travail et le commerce, création d’une entreprise.

satisfaction spirituelle : aller à la Mecque, se consacrer à Dieu, ….. et

: répartition globale des réponses concernant les projets réalisés

Thème A Thème B

80,49%

19,51%

Répartition globale des réponses concernant les pro jets réalisés

167

LES PROJETS QUE LES RETRAITES ONT

Lorsqu’on pose aux retraités la question concernant les projets réalisés et dont ils sont fiers, ils citent, par ordre d’importance et que nous avons réparti selon les catégories suivantes :

: fonder une famille, éducation et réussite des enfants, l’achat ou la construction de maison en France ou au pays d’origine,

: aller à la Mecque, se consacrer à Dieu, ….. et

: répartition globale des réponses concernant les projets réalisés

Répartition globale des réponses concernant les pro jets

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Voici comment se déclinent les réponses détaillées : Tableau – A-7 • Education et réussite des enfants • Avoir fondé une famille

18 31,58 %

• L’achat ou la construction d’une maison en France ou au pays d’origine

13 22,80 % 54,38%

• Réussite dans le travail, dans le commerce, et création d’une entreprise

5 36

10,52 % 64,9%

• Satisfaction personnelle (divers) • Avoir fait le pèlerinage à la Mecque • Se consacrer à Dieu, à la prière • Avoir le choix de faire ce que l’on veut • Avoir pu retourner en Algérie

4

7,02 %

• Aucun projet 4 7,02 % • Non réponse 12 21,05 %

TOTAL 57 Nous avons obtenu 57 réponses au total. Certains sujets ont donné plus d’une réponse. En effet, les projets réalisés, dont les retraités sont fiers, peuvent être regroupés pour 57 réponses, ainsi : Tableau – A-8 Catégorie

A

64,9 %

31 concernent l’éducation des enfants, fonder une famille, achat ou construction d’une maison, soit 54,38 % 6 concernent la réussite dans le travail, le commerce, et la création d’entreprise. soit 10,52 %

Catégorie B

14,04 %

4 concernent la satisfaction personnelle : religieuse, retour au pays, soit 7,02 % 4 concernent le non projet, soit 7,32 % 12 sont sans réponse, soit 21,06 %

La première et la deuxième catégorie représentent à elles seules, 64,9 % pour les deux autres (troisième et quatrième), représentent 14,04 %, et les non réponses constituent 21,06 %. Nous allons analyser les deux catégories. Nous laisserons de côté les non réponses, ainsi pour la catégorie – A, nous obtenons 64,09 % de réponse, pour la catégorie – B (3 et 4), nous obtenons 14,04 %.

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1 – REUSSITE DES ENFANTS, FONDER UNE FAMILLE, ACHAT OU CONSTRUCTION D’UNE MAISON, REUSSITE PROFESSIONNELLE Une grande majorité des sujets, affirment être fiers d’avoir fondé une famille, réussi l’éducation de leurs enfants, avoir acheté ou construit une maison. Contrairement aux idées reçues concernant cette question des travailleurs immigrés, ces derniers estiment avoir réussi dans leur vie et sont fiers de leur réalisation. Parmi les « réalisations réussies » : la famille, la réussite de l’éducation des enfants occupent la première place, suivies par celle de la construction ou l’achat d’une maison en France ou au pays d’origine.

2 – SATISFACTION SPIRITUELLE ET AUCUN PROJET Si nous avons regroupé ces deux sous-catégories (satisfaction spirituelle et aucun projet), c’est pour les raisons suivantes : faire le voyage à la Mecque, se consacrer à Dieu, faire ce qu’on a voulu, avoir pu retourner au pays ne semble pas, à nos yeux, correspondre à un projet à réaliser à court, moyen et long terme, ayant une concrétisation matérielle et un signe de réussite ayant des conséquences ou des impacts dans la vie sociale, professionnelle, ou familiale. Ces constats nous conduisent à penser que les sujets les moins scolarisés ainsi que ceux n’ayant pas de famille en France, n’ont pas pu réaliser des projets. Nous avions déjà constaté que la famille joue un rôle important et stimulant pour la réalisation des projets, et le fait de décider de rester vivre en France pour la famille est déterminante aussi. La catégorie B et ses sujets semblent être les moins bien lotis en matière de réalisation de projets dont ils pourraient être fiers.

a) Les projets réalisés selon la nationalité à l’arrivée Nous cherchons si la nationalité a aussi eu un effet sur le projet. Ainsi, pour le thème A :

• 4 sujets, soit100% des tunisiens affirment avoir réalisé des projets • 12 sujets, soit 85,71% des marocains ″ ″ ″ • 8 sujets, soit 80% des français/algériens ″ ″ ″ • 9 sujets, soit 69,23% des algériens ″ ″ ″

(Voir tableau n°41 en annexe)

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Figure 35 : répartition des réponses concernant les projets réalisés selon la nationalité à l’arrivée Si l’on compare la réalisation de projets par rapport à la nationalité actuelle, on observe les résultats suivants :

b) Projets réalisés selon la nationalité actuelle Ce sont, en premier 6 marocains,8 algériens, (72,72%). Les tunisiens étant tous devenus français, sont dans la catégorie des français (voir tableau n°42 en annexe En effet, ce sont les marocains qnationalité actuelle. Les algériens sont ceux qui ont réalisé le moins de projets, que ce soit par rapport à la nationalité précédente (on l’a

Figure 36 : répartition des réponses concernant les projets réalisés selon la nationalité actuell

Français

80,00%

20,00%

Répartition des réponses concernant les projets réa lisés

Français

79,17%

20,83%

Répartition des réponses concernant les projets réa lisés selon la

: répartition des réponses concernant les projets réalisés selon la nationalité à l’arrivée

Si l’on compare la réalisation de projets par rapport à la nationalité actuelle, on observe les

b) Projets réalisés selon la nationalité actuelle Ce sont, en premier 6 marocains, (100%), suivis par 19 français/algériens, (

es tunisiens étant tous devenus français, sont dans la catégorie des en annexe).

En effet, ce sont les marocains qui ont le plus réalisé de projets, lorsqu’il s’agit de la nationalité actuelle. Les algériens sont ceux qui ont réalisé le moins de projets, que ce soit par rapport à la nationalité précédente (on l’a vu), ou bien par rapport à la nationalité actuelle.

: répartition des réponses concernant les projets réalisés selon la nationalité actuell

Algériens Marocains Tunisiens

69,23%

85,71%100,00%

20,00%30,77%

14,29%0,00%

Répartition des réponses concernant les projets réa lisés selon la nationalité à l'arrivée

Algériens Marocains

72,72%

100,00%

20,83%27,28%

0,00%

Répartition des réponses concernant les projets réa lisés selon la nationalité actuelle

170

: répartition des réponses concernant les projets réalisés selon la nationalité à l’arrivée

Si l’on compare la réalisation de projets par rapport à la nationalité actuelle, on observe les

s par 19 français/algériens, (79,17%), et enfin es tunisiens étant tous devenus français, sont dans la catégorie des

lorsqu’il s’agit de la nationalité actuelle. Les algériens sont ceux qui ont réalisé le moins de projets, que ce soit par

vu), ou bien par rapport à la nationalité actuelle.

: répartition des réponses concernant les projets réalisés selon la nationalité actuell

Répartition des réponses concernant les projets réa lisés

Thème A

Thème B

Répartition des réponses concernant les projets réa lisés selon la

Thème A

Thème B

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c) projets réalisés par niveaux scolairesCeux ayant un niveau scolaireréalisé des projets (voir tableau et graphique). En l’occurrence les moins scolarisés ont réalisé à 61,54 % des projets, suivis par ceux ayant fait 1 ou 2 années d’études primaires (58,82 %). (Voir tableau n°45 en annexe)

Figure 37 : répartition des réponses concernant les projets réalisés selon le niveau scolaire

On observe que plus les sujets sont scolarisés, plus ils réalisent, proportionnellement, des projets que les autres. On observe période d’arrivée. Enfin la nationalité joue aussi un rôleréalisé le plus de projet, par contre ce sont les algériens qui ont réalisé le moi

Les projets réalisés et variables associées Les projets ont été considérés sous deux aspects

• Catégorie A : Sphère socioprofessionnelle (famille, enfants, maison, travail…) • Catégorie B : Satisfaction personnelle et/ ou pas de projets.

Thème A : Sphère socioprofessionnelle. a) La nationalité actuelle : Il existe une influence de la nationalité actuelleA.

Primaire

90,90%

Répartition des réponses concernant les projets réa lisés

) projets réalisés par niveaux scolaires Ceux ayant un niveau scolaire primaire, secondaire et niveau Bac et plus, ont, à réalisé des projets (voir tableau et graphique). En l’occurrence les moins scolarisés ont réalisé

suivis par ceux ayant fait 1 ou 2 années d’études primaires (58,82 %). )

: répartition des réponses concernant les projets réalisés selon le niveau scolaire

On observe que plus les sujets sont scolarisés, plus ils réalisent, proportionnellement, des projets que les autres. On observe également que l’âge à l’arrivée a aussi un impact, surtout la

Enfin la nationalité joue aussi un rôle : ce sont les marocains qui ont proportionnellement réalisé le plus de projet, par contre ce sont les algériens qui ont réalisé le moi

et variables associées

Les projets ont été considérés sous deux aspects : : Sphère socioprofessionnelle (famille, enfants, maison, travail…) : Satisfaction personnelle et/ ou pas de projets.

: Sphère socioprofessionnelle.

nationalité actuelle sur la réalisation de projets

Primaire Secondaire Bac + Non Scolarisé

90,90%100,00% 100,00%

69,57%

9,10%0,00% 0,00%

30,43%

Répartition des réponses concernant les projets réa lisés selon le niveau scolaire

171

ont, à 90 et à 100 %, réalisé des projets (voir tableau et graphique). En l’occurrence les moins scolarisés ont réalisé

suivis par ceux ayant fait 1 ou 2 années d’études primaires (58,82 %).

: répartition des réponses concernant les projets réalisés selon le niveau scolaire

On observe que plus les sujets sont scolarisés, plus ils réalisent, proportionnellement, des également que l’âge à l’arrivée a aussi un impact, surtout la

: ce sont les marocains qui ont proportionnellement réalisé le plus de projet, par contre ce sont les algériens qui ont réalisé le moins de projets.

: Sphère socioprofessionnelle (famille, enfants, maison, travail…)

réalisation de projets de la catégorie

30,43%

Répartition des réponses concernant les projets réa lisés

Thème A

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DL effet = 2 ; MC effet = 0,88 ; DL erreur = 47 ; MC erreur = 0,20 ; F = 4,41 ; Niveau P = 0,02 Effectif : 8/33, soit 24,24% Les algériens ont moins réalisé de projets que les autres (Moyenne = 0,42), français/algériens (Moyenne = 1=0,8), marocains (Moyenne = 0,85). b) Rester en France pour la famille : Les personnes restées vivre en France pour la famille (Moyenne = 0,76), ont réalisé plus de projets que les autres (thème A) (Moyenne = 0,47). DL effet = 1 ; MC effet = 0,92 ; DL erreur = 48 ; MC erreur = 0,21 ; F = 4,30 ; Niveau P = 0,04 Effectif : 25/33, soit 75,75% c) Etre propriétaire de son logement en France : Les personnes propriétaires de leur logement en France (Moyenne = 0,90) ont réalisé plus de projets que les autres du thème A (Moyenne = 0,58) DL effet = 1 ; MC effet = 0,87 ; DL erreur = 48 ; MC erreur = 0,21 ; F = 4,06 ; Niveau P = 0,05

Thème B : Satisfaction personnelle sans projets et pas de projets : a -La scolarité : Il existe un effet de la scolarisation sur les réponses au thème B des projets réalisés. DL effet = 1 ; MC effet = 0,64 ; DL erreur = 48 ; MC erreur = 0,12 ; F = 5,10 ; Niveau P = 0,03 Sur 24 personnes scolarisées, 7 donnent une réponse au thème B, soit 29,16%. Les scolarisés (Moyenne = 0,04) donnent moins de réponses au thème B que les non scolarisés (Moyenne = 0,27)

DISCUSSION Nous avons montré que les projets réalisés par nos sujets interrogés, et dont ils sont fiers, sont étroitement liés à la famille, la réussite des enfants et la réussite professionnelle. Cependant, une minorité n’a pas pu réaliser de projets tels que nous venons de le décrire. Les membres de cette catégorie ont quelques satisfactions d’ordre religieux ou personnel. Pour la première catégorie, leur réussite est liée à un ensemble d’éléments : La scolarité est l’un des éléments importants de la réussite. En effet, ceux ayant suivi une scolarité relativement longue ont réalisé plus de projets. Et inversement, ceux ayant eu une scolarité courte ou peu élevée, ont réalisé moins de projets. La nationalité à l’arrivée, comme la nationalité actuelle, ont une importance la réussite du projet. Dans ce cas de figure, ce sont toujours les marocains qui ont réalisé le plus de projets, contrairement aux algériens ayant réalisé le moins de projets.

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L’âge d’arrivée comme l’année ou la période d’arrivée : ce sont ceux arrivés aux années 1970 qui ont réalisé le plus de projets. Il s’avère que la majorité des personnes arrivées ces années là sont les marocains. Cependant, ceux arrivés aux années 1950, majoritairement français/algériens, et algériens ont réalisé moins de projets. Une question se pose à nous : comment se fait-il que ce soient les marocains qui aient le plus réussi de projets et que ce soient les algériens qui aient le moins réalisé de projets ? Nous pensons que « la périodes historique » a probablement influencé les conditions de déroulement de vie pour chaque catégorie de nationalité. Ceux arrivés aux années 1950, étaient moins scolarisés que les autres, souvent mariés et ayant des responsabilités, avec un travail dans des conditions plus difficiles. Et autant les algériens que les français/algériens, ils ne bénéficiaient pas de bonnes conditions sociales, ni même au niveau logement, ou travail ou « image de marque » comme certains disaient, ils n’étaient pas toujours bien vus. C’étaient des conditions de méfiance générale vis-à-vis d’eux, durant les années 50 et 60. En effet, le contexte de la colonisation ou la guerre d’Algérie et ses conséquences, a eu un impact durant plusieurs décennies dans la conscience collective, tout particulièrement pour les algériens et les français/algériens. Cependant, ce ne fut pas le cas des marocains et des tunisiens, pour qui les années 1950,1960, la transition de la période coloniale et post coloniale s’étant faite de façon plus « douce » et négociée, n’a pas en l’occurrence laissé de traces aussi profondes dans la conscience collective. Ceux arrivés aux années 1970, tels que les marocains ou les tunisiens ont bénéficié d’autres conditions relativement plus favorables. Ils étaient souvent scolarisés, ayant parfois un très bon niveau d’études, bénéficiant d’une bonne image sociale, n’ayant pas comme les algériens un « lourd passif » avec la France, ils ont pu mieux profiter du Boom économique des années 1960,1970 et ainsi améliorer leurs conditions de vie, et enfin réaliser plus de projets que les autres. Une bonne partie des retraités ont réalisé des projets dont ils sont fiers, et en premier lieu ils citent : fonder une famille et la réussite des enfants. Cette satisfaction s’explique par le fait que près de la moitié des enfants de retraités ont réussi leur parcours social et professionnel. Les chiffres que nous avons déjà abordés, traduisent cette réalité. Celle-ci démontre, contrairement aux idées reçues que le « système d’intégration » a fonctionné pour nos sujets. Il n’y a rien d’étonnant à cela, car nous pensons que cette génération a bénéficié pleinement des bienfaits des trente glorieuses. Certes, tout le monde n’a pas pu en profiter de la même façon. Ce qui a influencé la réussite des enfants, sont les conditions socio économiques extérieures favorables, mais également, la scolarité de leurs parents. Parmi les parents, aussi, il y a ceux qui ont pu changer en eux de mode de vie et qui ont pu s’adapter relativement plus que les autres. Pour aller plus loin dans notre réflexion, nous pensons que le système ou le modèle français d’intégration n’est pas en panne comme certains le disent. Ce sont plutôt les conditions extérieures socio économiques qui sont en panne. L’économie, l’emploi, l’école, et tout un

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ensemble conditionné par la croissance économique. Celle-ci n’étant pas au rendez-vous, le système fonctionne mal et produit les conséquences que nous connaissons aujourd’hui. En effet, le débat actuel sur l’immigration et qui, souvent met en cause le « modèle français » est un faux débat, car le modèle français est jugé dans l’absolu et non par rapport aux éléments qui le conditionnent et l’influencent, telles que l’économie, la croissance, l’emploi et enfin la constitution qui contribuent à faire fonctionner le modèle français. Si ce « modèle » aujourd’hui, est en difficultés, c’est parce que la structure française globale est en difficulté. Une société en mutation, en recherche d’identités nouvelles, pour l’instant l’Europe n’a pas pu combler et réaliser des choses qui pourraient mobiliser les énergies et donner un nouveau souffle à notre pays, afin de se doter d’un réel projet et d’une réelle identité renouvelée. Nous pensons que les choses telles qu’elles se présentent en France, ne semblent pas donner des « signes » ou des indicateurs réels allant dans ce sens afin que la France se retrouve dans sa réalité métissée, multiculturelle, où il est possible de la reconnaître, de se reconnaître en elle pour un avenir.

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III – QUELLE PROMOTION PROFESSIONNELLE POUR LES ENFANTS DES RETRAITES ? Aux années 1990, on assiste à une mise en scène dans les Médias : radio, télévision, journaux, écrits …) de plusieurs personnalités connues et très médiatiques, d’origine maghrébine comme Z. ZIDANE, KHALED, J.DEBOUZE, etc., Ces figures sont montrées comme signe de l’intégration positive et de la réussite. Le discours journalistique s’en est emparé en opposant ces figures du « vainqueur » à celles de « délinquant » ou de « terroriste ». Pour Mathieu RIGOUSTE, les discours sur l’intégration et les images de l’intégré « assurent une fonction centrale dans l’entretien des stigmates de la différence. Leur transmission quasi héréditaire à une partie des français, que l’on désigne comme issus de l’immigration, et que l’on somme perpétuellement de « s’intégrer ».172 C’est une certaine représentation positive de l’intégration qui s’est imposée comme la manière dominante de montrer l’immigration sous un jour favorable, tout en procédant à la relégation du groupe, affirme M. RIGOUSTE. En effet : « on peut toujours, à la fois exhiber le petit nombre d’individus exemplaires qui cumulent les propriétés …, entretenir l’illusion de l’ouverture et de « l’égalité des chances », en mettant en avant tous les cas individuels possédant toutes les propriétés…. ».173 Mais en réalité, le système d’exclusion continue à exclure tout particulièrement les personnes issues des classes populaires, même ceux qui pourraient, malgré leur appartenance aux classes populaires, faire partie de la « noblesse d’état ». Cet auteur poursuit : « au lieu de s’interroger sur les mécanismes qui empêchent les enfants de l’immigration de jouir pleinement de l’égalité des droits et des chances, les élites les somment de s’intégrer ».174 C’est ainsi que M. RIGOUSTE exprimait son point de vue sur les Médias français. Au-delà de ces constats et analyses, justes ou non, l’auteur ne dit rien sur la situation réelle des jeunes issus de l’immigration.

CADRE GENERAL Selon l’INSEE, les personnes « nées en France dont les parents sont nés à l’étranger sont majoritairement issus du milieu ouvrier »175.

172 Mathieu RIGOUSTE, université Paris VIII, le Monde Diplomatique 2005, « L’immigré, mais qui a réussi … » 173 Pierre BOURDIEU, La noblesse d’état, éditions de Minuit, 1989, p.451 174 M. RIGOUSTE, Institut Maghreb-Europe, université Paris VIII, Le Monde Diplomatique 2005 175 INSEE, édition 2005, p.128

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Les enfants descendants de migrants qui ont atteint un niveau élevé dans l’échelle sociale ont, plus souvent que les autres, des origines ouvrières. Quant à la mobilité sociale, l’INSEE affirme que « à origine sociale donnée, les descendants de migrants ont un destin social semblable à celui des autres personnes nées en France. Pour eux comme pour les autres, la mobilité sociale est plus faible en haut de l’échelle sociale, en raison des changements structurels de la société. Quand ils ont un père ouvrier, ils deviennent une fois sur deux ouvriers à leur tour, quand leur père est cadre, ils atteignent ce même statut social dans deux cas sur trois ». « En 2002, plus des deux tiers des immigrés occupent des emplois d’ouvriers ou d’employés, contre un peu plus de la moitié des autres actifs ayant un emploi »176. « Les immigrés exercent plus souvent des emplois d’ouvriers non qualifiés : quand ils sont ouvriers, les immigrés occupent dans 42% des cas, des postes non qualifiés contre 34% pour les non immigrés »177 La position sociale des immigrés renvoie, en partie, à leur faible « niveau d’études » mais pas uniquement : même quand ils ont quitté le système scolaire après l’âge de 20 ans, les immigrés sont moins souvent cadres, ou dans une profession intermédiaire, que les autres (53% contre 64%). 178 Depuis 1992, les différences de catégories sociales entre les immigrés et le reste de la population, se sont réduites. Entre 1992 et 2002, la part des emplois de cadres, d’employés ou de professions intermédiaires, a progressé au détriment des employés et ouvriers. Cette transformation, qui concerne l’ensemble des actifs, s’est faite à un rythme plus soutenu pour les immigrés. La proportion de professions intermédiaires a plus augmenté chez les immigrés.179Concernant la mobilité professionnelle des enfants de parents immigrés, on peut constater que, selon l’INSEE, les enfants issus de parents nés à l’étranger « ouvrier », ont évolué plus ou moins comme les autres catégories professionnelles dont les parents sont nés en France. Ainsi, parmi les enfants ayant deux parents ouvriers nés à l’étranger,

• 48% sont devenus ouvriers • 12% ″ ″ employés • 32% ″ ″ cadres, professions intermédiaires • 8% ″ ″ indépendants

Ces proportions, pour les enfants dont les parents ouvriers sont nés en France, sont les suivants :

• 50% sont devenus ouvriers • 12% ″ ″ employés • 30% ″ ″ cadres, professions intermédiaires

176 INSEE Des immigrés en France, édition 2005, p.114 177 Idem, p.114 178 Même référence, p.114 179 Idem, p.114

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• 8% ″ ″ indépendants180 Ces proportions des enfants, pour la catégorie « employé », des parents nés à l’étranger :

• 31% sont ouvriers • 19% ″ ″ employés • 44% ″ ″ cadres, professions intermédiaires • 6% ″ ″ indépendants

Ces proportions, pour les enfants devenus cadres, dont les parents sont nés en France, sont, respectivement :

• 50% sont devenus ouvriers • 12% ″ ″ employés • 30% ″ ″ cadres, professions intermédiaires • 8% ″ ″ indépendants 181

Concernant le secteur d’activité public ou privé, Jacques LANG, Hervé LE BRAS observent que 77% des actifs immigrés sont salariés du secteur privé. Ainsi :

• Les salariés immigrés du Secteur public, représentent 12% contre 77% du Secteur privé

• Les salariés non immigrés représentent 27% contre 62% du Secteur privé

• Les salariés immigrés représentent 11% • Les salariés non immigrés représentent 11%182

J.LANG et H. LE BRAS ajoutent que le fait d’avoir un réseau familial, influence aussi la chance de trouver un emploi. Ceux qui ont le meilleur réseau de relations, et particulièrement grâce à leur famille, ont plus de chance de trouver un emploi. Or les immigrés et leurs enfants, parce qu’ils ont quitté leur milieu, ont un réseau de relations restreint … ».183 Les enfants d’immigrés qui réussissent, se dirigent plus souvent vers des professions libérales d’avocat et de médecin, que vers des métiers de cadres supérieurs, car ils peuvent, ainsi, éviter le problème des relations à l’embauche.

180 INSEE, édition 2005, p.129 ; les tableaux de l’INSEE ne donnent pas les chiffres 181 Même référence, P.129 182 Jacques LANG et Hervé LE BRAS, « L’immigration positive », éditions Odile Jacob 2006, p.84 183 Même référence, p.127, 128

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1 - LA PROMOTION SOCIO PROFESSIONNELLE DES ENFANTS DES RETRAITES Gérard NOIRIEL affirme : « ces enfants d’immigrés sont des enfants du prolétariat recrutés en masse dans les années de prospérité, de 1950 à 1970. La plupart d’entre eux sont nés en France et possèdent la nationalité française. Il sont touchés de plein fouet par les bouleversements sociaux traduits par la mondialisation du capitalisme ».184 Mais il ne donne aucun chiffre ? Ni ne précise si tous les enfants issus de l’immigration subissent le même sort. D’autre part, il affirme que les enfants d’immigrés, entre 1860 et1970 en ont bénéficié, grâce à la phase d’expansion économique. Est-ce vrai ? La conjonction économique joue un rôle essentiel. Des années 1860 aux années 1970, chaque phase d’expansion a donné raison à de nouvelles vagues d’immigration, qui ont facilité la mobilité ascendante de ceux qui s’étaient installés antérieurement dans le pays. La condition pour que cette mécanique sociale puisse fonctionner, c’est que l’Etat n’y mette pas d’entraves et que les immigrés et les descendants soient traités « à l’égal des autres habitants ».185 Au travers de ce que sont devenus les enfants des retraités, c’est-à-dire ce qu’il est convenu d’appeler « la seconde génération », nous avons voulu chercher à connaître les métiers que ceux-ci exercent actuellement. En effet, connaître le métier actuel des enfants, c’est voir si les enfants ont pu mieux réussir dans la vie sociale et professionnelle que leurs parents. Connaître le métier, c’est aussi connaître le statut social et cerner si la promotion socio professionnelle avait eu lieu. Nous avons également voulu savoir si le système de promotion, en France, avait fonctionné pour les enfants des retraités, d’une part, et d’autre part, nous avions le désir de vérifier si l’idée répandue concernant les immigrés affirmant que les « pauvres immigres resteront toujours pauvres » ou bien si le système de reproduction sociale avait laissé des traces sur ce type de cheminement. En demandant le métier exercé par leurs enfants, les retraités ont tous répondu, sauf quelques exceptions. Ces derniers semblaient être gênés ou parfois honteux, car nous l’avons appris, par la suite, certains de leurs enfants étaient en prison. Nous n’avons pas voulu insister. Cela peut aussi expliquer les non réponses. En effet, en cherchant à connaître les métiers des enfants, notre objectif était de savoir si le système de promotion socio professionnel a fonctionné, et mieux comprendre la satisfaction ou la non satisfaction de parents, de leur vécu ou réussite en France, pour mieux comprendre si l’immigration, selon eux, a servi à quelque chose.

184 Gérard NOIRIEL « Petite histoire de l’intégration à la française », Le Monde Diplomatique, janvier 2002 185 Même référence

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Figure Sachant, au départ, que la majorité des immigrés était analphabète ou illettrée, peu étaient scolarisés, et pour l’ensemble, leurs scolarité, lorsque elle a eu lieu, fut courteexceptions. Compte tenu de ces données de départ, est Le métier actuel des enfants issus de la première génération représente un élément significatif, traduisant la tendance générale de l’évolution socio professionnellen France. Nous avons répertorié les métiers exercés pprofessionnelles, comme suivants

Tableau

Ouvrier/employé

� électricien, plaquiste, vepolicier, serveur, chauffeur, maçon, secrétaire, peintre en Bât

Technicien et cadre moyen

� cadre en maintenance, éducatrice judiciaire, comptable, chef d’agence bancaire

Secteur public Fonctionnaire Education Nationale

� professeur d’école, proviseur adjoint, enseignante, professeur de français au lycée

Professions libérales � ingénieur, architecte, expert comptable, avocat(e), chimiste, ingénieur Kiné

En cours d’études Lycée, Faculté

� médecin, droi

Les enfants des « retraités immigrésentre les années 50 et 70, ont-

52,84%

10,57%

La promotion professionnelle des enfants

Figure 38 : la promotion professionnelle des enfants

au départ, que la majorité des immigrés était analphabète ou illettrée, peu étaient scolarisés, et pour l’ensemble, leurs scolarité, lorsque elle a eu lieu, fut courte

Compte tenu de ces données de départ, est-ce qu’il y a une évolution ou non, et comment

e métier actuel des enfants issus de la première génération représente un élément significatif, traduisant la tendance générale de l’évolution socio professionnelle à travers une génération

es métiers exercés par les enfants de retraités, par catégorie socio suivants :

Tableau A-9 : Position sociale des enfants

électricien, plaquiste, vendeur(se), employé SNCF, gendarme, cuisinier, policier, serveur, chauffeur, maçon, secrétaire, peintre en Bâtcadre en maintenance, éducatrice judiciaire, comptable, chef d’agence bancaire professeur d’école, proviseur adjoint, enseignante, professeur de français au lycée

ingénieur, architecte, expert comptable, avocat(e), chimiste, ingénieur Kinésithérapeute médecin, droit, histoire, lycées

retraités immigrés » ou retraités « d’origine immigrée maghrébine-ils réussi dans leur vie professionnelle ? Ont

36,58%

52,84%

10,57%

La promotion professionnelle des enfants

Cadre

Employé

Mère au foyer, étudiant

179

au départ, que la majorité des immigrés était analphabète ou illettrée, peu étaient scolarisés, et pour l’ensemble, leurs scolarité, lorsque elle a eu lieu, fut courte, sauf quelques

ce qu’il y a une évolution ou non, et comment ?

e métier actuel des enfants issus de la première génération représente un élément significatif, e à travers une génération

par catégorie socio

ndeur(se), employé SNCF, gendarme, cuisinier, policier, serveur, chauffeur, maçon, secrétaire, peintre en Bât cadre en maintenance, éducatrice judiciaire, comptable, chef d’agence

professeur d’école, proviseur adjoint, enseignante, professeur de

ingénieur, architecte, expert comptable, avocat(e), chimiste, ingénieur

d’origine immigrée maghrébine », arrivés ? Ont-ils pu franchir les

Mère au foyer, étudiant

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frontières de leur propre « groupe social », ou bien sont-ils restés dans le même « groupe social » reproduisant ainsi, le phénomène de reproduction sociale (P. BOURDIEU) ? Nous avons choisi de prendre la profession la plus élevée de trois enfants, chez chaque retraité, afin de voir s’il y a eu promotion sociale pour les enfants ou non, et quelle a été l’importance de celle-ci. En effet sur 132 enfants de retraités :

• 45 soit 36,58% sont devenus Cadres, professions intermédiaires • 65 soit 52,84% sont devenus ouvriers ou employés • 13 soit 10,57% sont mère au foyer ou lycéens ou en études universitaires

La majorité des enfants des retraités immigrés sont devenus ouvriers ou employés. Plus du tiers sont devenus Cadres, et enfin plus de 10% sont encore lycéens, étudiants ou devenus mère au foyer. Si l’on compare la profession actuelle des enfants par rapport au niveau scolaire des parents, on peut observer les choses suivantes : a) les enfants « Cadres » ayant :

• des parents non scolarisés représentent 17 personnes, soit 29% • des parents de niveau primaire représentent 16 personnes, soit 38,09% • des parents de niveau secondaire représentent 17 personnes, soit 55% • des parents de niveau Bac et + représentent 1 personne, plus de 33,33%

b) les enfants « employés et/ou ouvriers » ayant :

• des parents non scolarisés représentent 32 personnes, soit 55,17% • des parents de niveau primaire représentent 23 personnes, soit 54,76% • des parents de niveau secondaire représentent 8 personnes, soit 40% • des parents de niveau Bac + représentent 1 personne, soit + de 66,67%

c) les enfants lycéens, étudiants et mère au foyer ayant :

• des parents non scolarisés représentent 9 personnes, soit 15,51% • des parents de niveau primaire représentent 3 personnes, soit 7,14% • des parents de niveau secondaire représentent 1 personne, soit 5%

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Figure 39 : répartition des enfants des retraités par catégorie professionnelle correspondant aux métiers

exercés. En effet, on peut constater que plus du tiers des enfants des retraités sont devenus « Cadres » (Cadre moyen et supérieur). La majorité de ces enfants, soit 55% ont des parents de niveau secondaire, suivis par 38,09% d’enfants ayant des parents de niveau primaire. Cependant, près d’un tiers d’enfants ont des parents non scolarisés. Nous pensons que la promotion socio professionnelle a fonctionné tout particulièrement pour ceux ayant des parents scolarisés au-delà de l’école primaire. Mais cela n’a pas empêché que les enfants, issus de milieu familial moins scolarisé, bénéficient de l’élan et du Boom économique et social aux années 60, 70. Dans ce cas de figure, peut-on dire que le système de reproduction sociale (P. Bourdieu) a fonctionné également ? Pour une majorité des enfants, soit plus de 55% dont les parents sont non scolarisés, ils sont devenus employés ou ouvriers. Cette même proportion ou presque concerne également les enfants ayant des parents d’un niveau scolaire primaire. Mais qu’en est-il pour les enfants dont les parents ont différentes nationalités ? Y a t il une différence dans la réussite lorsqu’il s’agit de la nationalité d’origine ou de la nationalité actuelle ?

41,12%

22,43%6,54%

13,09%

8,41%

8,41%

Répartition des enfants des

retraités selon la Catégorie

Professionnelle

Ouvriers/ Employés

Technicien, cadre

moyen

Sect

public, fonctionnaire,

enseignement

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2 - LA PROMOTION PROFESSIONNELLE DES ENFANTS DES RETRAITES

2-1 – PAR RAPPORT A LA NATIONALITE D’ORIGINE DES PA RENTS Les enfants « cadre » et « ouvrier/employé » se répartissent, selon la nationalité d’origine, ainsi : Tableau – A-10 Cadre % Ouvrier/employé % total % Français 8 53,34 % 7 46,66 % 2 15 Algériens 12 42,85 % 26 68,42 % 38 ″ Marocains 16 38,09 % 26 61,91 % 42 ″ Tunisiens 9 60 % 6 40 % 15 ″ Total 45 100 % 65 100 % 110% 40,90 59,10

2-2 – LA PROMOTION DES ENFANTS DE RETRAITES PAR CATEGORIE « CADRE » ET « OUVRIER/EMPLOYE », SELON LA NATIONAL ITE ACTUELLE Tableau – A-11 Cadre % Ouvrier employé % Total % Français 31 48,44 % 33 51,56 % 64 100 Algériens 9 30 % 21 70 % 30 ″ Marocains 5 31,25 % 11 68,75 % 16 ″ Total 45 100 % 65 100 % 10% Globalement sur 110 enfants de retraités : 45, soit 40,90% sont devenus cadre et/ou professions intermédiaires ; 65, soit 59,10% sont devenus ouvriers et/ou employés. Di l’on compare avec les pourcentages nationaux, nos chiffres concernant les ouvriers et/ou employés sont très proches. Or en ce qui concerne les cadre et/ou professions intermédiaires, notre pourcentage est nettement au dessous et il diffère de 8 points. Cela peut s’expliquer probablement par le choix de notre échantillon. Nous avons déjà constaté que, globalement, plus les parents ont un niveau scolaire élevé (secondaire), leurs enfants ont plus de chances, que les autres, de devenir cadre. Cependant les enfants, dont les parents sont non scolarisés, ont plus de chance que les autres de devenir ouvriers. Un schéma relativement similaire a déjà été démontré en France par Roger ESTABLET, Christian BAUDELOT (Ecole capitaliste en France) ainsi que Pierre BOURDIEU (La reproduction). Ces auteurs ont constaté un schéma de reproduction sociale, cependant notre étude concernant les enfants d’immigrés et leur devenir nous démontre que ces schémas, contrairement à toute attente, correspond plus ou moins à cette réalité de l’immigration. Car la réussite et la

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promotion professionnelle des enfants issus de la première génération, ont mieux réussi que l’on pouvait le penser. Leur nationalité d’origine ou leur nationalité actuelle jouent un rôle particulier. Quelle que soit la nationalité d’origine ou actuelle, on observe que ce sont les « français/algériens » qui occupent la première place dans la fonction cadre. Cependant, plus de la moitié des enfants de français/algériens, sont devenus ouvriers ou employés, lorsqu’il s’agit de la nationalité actuelle. Or dès qu’il s’agit de la nationalité d’origine des parents, ce sont les enfants d’algériens qui sont devenus majoritairement ouvriers et employés. Cette proportion, chez les mêmes algériens, atteint 70% lorsqu’il s’agit de la nationalité actuelle. Les enfants d’algériens, devenus cadre, représentent plus de 42%. Les enfants des marocains, selon la nationalité actuelle ou d’origine, restent très majoritairement ouvriers ou employés, contrairement aux tunisiens, dont les enfants sont devenus majoritairement cadre. On observe que l’effet de la nationalité française joue un rôle déterminant.

Promotion professionnelle des enfants et variables associées cadre A - Groupe d’arrivée Plus les sujets sont arrivés tôt (groupe 1, fin des années 50), plus leurs enfants sont devenus « cadre » Dl effet = 2 ; MC effet = 2,29 ; dl erreur = 22 ; MC erreur = 0,52 ; F = 4,40 ; P = 0,024 Effectif : 18/45, soit 40% (en résumé, 40% des enfants cadre, sont des enfants de personnes du groupe 1) B – Le groupe d’âge à l’arrivée Les personnes du groupe d’arrivée 2, (de 20 à 25 ans) ont plus d’enfants cadre que les autres. Dl effet = 2 ; MC erreur = 2,28 ; dl erreur = 22 ; MC erreur = 0,51 ; F = 4,40 ; P = 0,024 Effectif : 21/45, soit 46,67 Enfants employés/ouvriers A – nationalité actuelle Les marocains sont ceux qui ont le moins d’enfants employés/ouvriers : Dl effet = 1 ; MC effet = 3,04 ; dl erreur = 26 ; MC erreur = 0,30 ; F = 9,97 ; P = 0,004 Effectif : 14/65, soit 21,54% La venue de la famille Les personnes ayant fait venir sa famille en France, sont celles qui ont le plus d’enfants employés/ouvriers. Dl effet = 1 ; MC effet = 3,04 ; dl erreur = 26 ; MC erreur = 0,30 ; F = 9,97 ; P = 0,004 Effectif : 55/65, soit 84,61%

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DISCUSSION On peut observer les choses suivantes : Un ensemble d’éléments ont contribué à la promotion socio professionnelle des enfants de retraités immigrés : 1. La période d’arrivée : ceux qui, parmi les retraités, sont arrivés aux années 50, ont eu plus

d’enfants cadres. 2. Le niveau scolaire des parents : les enfants ayant des parents scolarisés (niveau

secondaire) ont eu plus de facilité dans leur parcours socio professionnel. 3. L’âge d’arrivée : les retraités arrivés à l’âge de 20 à 25 ans, ont eu plus d’enfants cadres

que les autres. 4. La nationalité actuelle : les parents retraités naturalisés français ont eu plus d’enfants

cadre que les autres. 5. Les marocains sont ceux qui ont le moins d’enfants employés/ouvriers. (par rapport à la

nationalité actuelle) 6. Les retraités ayant fait venir leur famille en France, sont ceux qui ont le moins d’enfants

cadres. Nous pensons que le système de mobilité sociale a fonctionné, presque, pour les enfants d’immigrés comme pour les autres. Les enfants de notre échantillon ont bénéficié des conséquences des « trente glorieuses » comme pour les autres « français ». ce qui signifie, à nos yeux, que la « machine » de la méritocratie avait fonctionné aussi pour eux, d’une part et d’autre part, ils n’ont pas subi le système de « reproduction sociale » au moins d’une façon partielle. C’est-à-dire que les pauvres ne sont pas restés pauvres, et les fils d’ouvriers ne sont pas tous devenus ouvriers. Nous pensons, cependant, que l’origine parfois, joue mais pas de façon déterminante, contrairement à l’idée souvent défendue. Ce que nous avons pu observer, grâce aux données dont nous disposons, va à l’encontre des idées reçues en la matière. J. LANG et H. LE BRAS affirment : « il existe une logique ethnique ineffaçable imprimant son sceau à tous les aspects de l’existence de l’immigré et de ses descendants. Faible accès à la Fonction Publique, logements exigus, et en location, chômage plus répandu, famille monoparentale, travail à temps partiel, tout est rapporté à l’origine ».186 Les enfants des retraités, presque tous d’origine ouvrière, ont bénéficié de l’ascenseur social », comme les autres enfants de français, voire même un peu plus. Cela peut s’expliquer, en plus de ce que nous avons dit précédemment, par le fait de l’investissement des parents, dans les études d’une part, ces enfants, d’autre part, ont pu bénéficier d’une période où il y avait encore, contrairement à maintenant, des possibilités de mobilité sociale dont la société avait besoin. Si l’investissement de nombreux parents a pu se faire, c’est aussi parce que le propre de l’immigration c’est la réussite sociale et professionnelle. Ce que les parents n’ont pas pu réaliser entièrement pour eux, ils l’ont fait en investissant dans l’éducation de leurs enfants et leur réussite. Certes, ce n’est pas le cas de tous, c’est le cas du tiers des enfants de retraités, mais c’est une réussite qui les rend fiers. D’ailleurs, lorsqu’on pose la question aux retraités,

186Même référence, H. LE BRAS, J. LANG, « L’immigration positive », Odile Jacob, p.85, 89

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sur le bilan de leur immigration, un grand nombre répond : « fonder une famille, réussite des enfants et l’achat d’une maison », également lorsqu’on pose la question aux retraités sur les messages et les conseils qu’ils souhaitent transmettre à leurs enfants et petits enfants, le premier conseil, le premier message, sont la réussite dans les études et le travail. La réussite d’un certain nombre d’enfants, le tiers devenu cadre, est l’un des signes du changement dans leur attitude et système de valeurs, dans le sens où la réussite des enfants traduit de façon claire, l’enracinement en France et l’intégration sociale et professionnelle, sans pour autant oublier le signe important qu’est la valeur intégrationnelle acquise par les parents et transmise aux enfants. Ce que nous venons de dire va à l’encontre de ce qu’affirme P. BERNARD : « le fait qu’une part dominante des étrangers provienne de l’ancien empire français, et soit porteuse d’un héritage de conflits et d’humiliations, n’est pas sans peser lourdement sur leur statut en France ».187 Au-delà de la dimension d’enracinement et d’intégration, le fait qu’une partie des enfants des retraités choisissent davantage de travailler dans le secteur privé plutôt que le Public, cela relève à nos yeux, de la question de la « reconnaissance des droits » dans le Public par rapport aux enfants issus de l’immigration. C. BAUDELOT et R. ESTABLET expliquent bien ce phénomène : « les étudiants d’origine populaire reçoivent, eux aussi, une préparation aux fonctions auxquelles ils se destinent. La défense du statut constitué de protections contre les aléas de la production, va de pair chez les Cadres des services publics adultes, avec une orientation politique à gauche et des formes puissantes d’organisation collectives (Syndicats, Mutuelles, Amicales) ; cela tient à l’ambigüité même des services publics.188 Ils doivent leur existence et leur développement à la reconnaissance des droits …droit à la santé, droit à l’instruction, droit à la justice »,189 Et plus loin, ils affirment : « Les Cadres de la Fonction Publique savent bien que la solidité et la consolidation de leur statut dépendent en définitive de la reconnaissance des droits populaires ».190 Est-ce que cette situation explique, ne serait-ce que pour partie, ce pourquoi les enfants d’immigrés, ces dernières années, apparaissent comme défenseurs de la « méritocratie» en France, et non comme des personnes issues de l’immigration, donc issus de classes populaires, et pas forcément défenseurs des valeurs de la Gauche ? En effet, un nouveau phénomène est apparu ces dix dernières années, qui montre des jeunes, ou moins jeunes, que les personnes issues de l’immigration, qui ont réussi et qui s’orientent vers le privé et non pas vers le public, ne se reconnaissent pas, contrairement au propos de R. ESTABLET et C. BAUDELOT, dans les valeurs de la gauche. Regardons ce qui s’est passé ces dernières années, les exemples tels que Rachida DATI et Fadela AMARA, et bien d’autres qui expriment fortement, avec fierté parfois, leur participation au gouvernement de Monsieur SARKOZY, affirmant que la Gauche n’a pas su (ou voulu) les reconnaître ?

187 Philippe BERNARD, « Le monde », coll..Poche, 1993, le monde de l’édition 1993, p.112 188 C. BAUDELOT et R. ESTABLET, « Les étudiants, l’emploi, la crise », éditions François Maspéro, 1981, p105, 106 189 Id 190 C. BAUDELOT et R. ESTABLET, « Les étudiants, l’emploi, la crise », 1981, p105,106

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Cette situation ne serait-elle pas due aux conséquences du règne de la Gauche, lorsque celle-ci avait accepté la position de la « noblesse d’état », quand elle était au pouvoir en France ? en d’autres termes l’abandon de la noblesse d’état des citoyens (Pierre BOURDIEU) des classes populaires ?191 Bien que cette deuxième génération ait pu réussir, elle a choisi à une certaine époque le secteur privé et non public, contre toute attente, et de s’investir dans le secteur privé car cette génération, probablement, sentait qu’elle était déjà exclue « des grandes écoles », et privée de « l’esprit de corps » (Bourdieu). C’est dans ce cadre où l’on peut constater « des systèmes cohérents et distinctifs de références culturelles et de valeurs éthiques ou politiques … où l’on peut observer des hexis corporelles et des tenues vestimentaires, des tours de langage, etc. » C’est aussi dans ce code où l’on peut observer également, « des pratiques de cooptation, confiées à des maîtres issus de l’institution, » … 192 Car chacune des écoles sélectionne et concentre des classes homogènes d’habitus … , elle « reconnaît les siens » au double sens du mot, repérant ce qui les distingue …, et les consacrant dans leur identité distinctive.193 Bref « des idées de noblesse, de distinction, de culture d’excellence humaine peuvent être attachées (au sein d’une même tradition culturelle, à fortiori dans des univers sociaux différentes), à des propriétés, des pratiques ou discours différents, … selon la relation de distinction dans laquelle ces entités, essentiellement relationnelles, se trouvent pratiquement insérées ».194 Cette distinction peut, entre autre, nous expliquer pourquoi ces « isolants culturels » (Bourdieu) ainsi constitués, n’ont pas permis aux jeunes de la deuxième génération à avoir accès à la ce « paradis social» (Bourdieu), ils sont pratiquement, traditionnellement exclus de cette « chance », car ils ne sont pas « semblables aux autres».195Ils ne sont pas « parfaitement ajustés à ces dispositions ». C’est ce contexte qui peut, pour partie, expliquer l’échec de la Gauche, (comme celui de la Droite), d’avoir « inséré au moins une partie de la seconde génération dans la « noblesse d’état » et que certains, de cette génération a eu recours au secteur privé et d’avoir, de plus en plus, une position « de droite ».

191 Pierre BOURDIEU, La noblesse d’état, éditions de Minuit, 1989, p.256 192 Même référence, p254 193 Même référence, p.254 194 Même référence, p.256 195 Pierre BOURDIEU, même référence, p.256, 257

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IV – LA SATISFACTION DU MONTANT DE LA RETRAITE La grande majorité des sujets En effet, 33 sujets, (66%) sont insatisfaits conttableau n°52 en annexe), cependant 3 Ce sont surtout les marocains, 6 sujets sur 7montant de leur retraite, suivis par l’ensemble (voir tableau n°53 En revanche, en ce qui concerne lad’abord, les français/algériens, 9 sujets sur 14, (qui expriment leur satisfaction. Ceux étant satisfaits du montant de la retraitfrançais 9 sur 22, soit 64,28%, suivis par les algériens, 5 suren annexe). Les marocains, quant à eux, n’expriment pas de satisfaction. Ceux ayant la nationalité française, sexprimer leur satisfaction du montant de la retraite. Està bénéficier de plus d’avantagesréussi ? Mais quels sont les éléments qui influencent la décision de satisfaction de la pension de retraite ?

Figure n° 40

Etes vous satisfait du montant de votre retraite?

LA SATISFACTION DU MONTANT DE LA

La grande majorité des sujets interrogés, affirme son insatisfaction du montant de la retsont insatisfaits contre 14 sujets, (28%) qui s

), cependant 3 sujets, (6%) n’ont pas répondu.

, 6 sujets sur 7, (85,71%), qui expriment leur mécontentement du montant de leur retraite, suivis par 14 algériens (73,69%), et enfin par 13 français

en annexe).

En revanche, en ce qui concerne la satisfaction du montant de la retraite, ce sont, tout /algériens, 9 sujets sur 14, (64,28%), contre 5 algériens sur 14, (

qui expriment leur satisfaction. (Voir tableau n°53 en annexe).

Ceux étant satisfaits du montant de la retraite, par nationalité actuelle, sont d’abord les français 9 sur 22, soit 64,28%, suivis par les algériens, 5 sur 9, soit 35,72% (voir tableau n°

). Les marocains, quant à eux, n’expriment pas de satisfaction.

Ceux ayant la nationalité française, semblent être proportionnellement plus nombreuxexprimer leur satisfaction du montant de la retraite. Est-ce que le fait d’être français contribue à bénéficier de plus d’avantages ? Ont-ils bénéficié de plus de facilités

ls sont les éléments qui influencent la décision de satisfaction de la pension de

Figure n° 40 : êtes-vous satisfait du montant de votre retraite ?

28%

66%

6%

Etes vous satisfait du montant de votre retraite?

Oui

Non

Non réponse

187

LA SATISFACTION DU MONTANT DE LA

interrogés, affirme son insatisfaction du montant de la retraite. qui sont satisfaits (voir

qui expriment leur mécontentement du , et enfin par 13 français (54,16%) de

du montant de la retraite, ce sont, tout contre 5 algériens sur 14, (35,72%),

e, par nationalité actuelle, sont d’abord les 9, soit 35,72% (voir tableau n°53

portionnellement plus nombreux à ce que le fait d’être français contribue

bénéficié de plus de facilités ? Ont-ils mieux

ls sont les éléments qui influencent la décision de satisfaction de la pension de

?

Oui

Non

Non réponse

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188

Satisfaction du montant de la retraite et variables associées 1 - Devoirs de la France Les personnes ayant le sentiment que la France (Moyenne = 1,82) leur doit quelque chose, ce sont celles qui sont les moins satisfaites du montant de leur retraite. Les autres (Moyenne = 1,46). Dl effet = 1 ; MC effet = 1,38 ; dl erreur = 38 ; MC erreur = 0,184 ; F = 7,45 ; P = 0,0095 Effectif : 23 sur 30 sujets, soit 76,66%

2 - Avoir des amis français Ceux ayant des amis français (Moyenne = 1,62) sont plus satisfaits du montant de leur retraite que les autres (Moyenne = 2). Dl effet = 1 ; MC effet = 1,127 ; dl erreur = 45 ; MC erreur = 0,19 ; F = 5,83 ; P = 0,02 Effectif : 23 sujets sur 37, soit 62,16%.

DISCUSSION Pour mieux comprendre la non satisfaction des retraités, nous avons constaté que les deux tiers des sujets interrogés touchent une pension allant de 400 à 850 € maximum. (Un tiers seulement perçoit une pension de retraite allant de 1200 à 1800 €). Cette situation explique parfois, que certains retraités que nous avons interrogés, marocains et algériens vendent du persil, de la menthe sur les marchés afin « d’arrondir leurs fins de mois » difficiles. En effet, cette situation est due à plusieurs facteurs : Ils ne peuvent prétendre à une pension à taux plein, et en voici les raisons :

1. La faiblesse des salaires perçus. 2. L’insuffisance de périodes de travail déclarées. 3. Le déroulement de carrière, des emplois précaires, maladie, chômage, avec des

salaires de référence peu élevés. 4. La difficulté à rassembler les justificatifs de travail. 196

On peut ajouter, également, que la loi prévoit un palliatif à l’absence ou l’insuffisance des pensions de retraite, le « Minimum vieillesse » mais « elle ne les incite pas à prolonger leur séjour … les Caisses ont, jusqu’à une date récente, réservé cette prestation aux seuls français, aux communautaires, aux réfugiés et aux apatrides. 197

196 Adeline TOULLIER Docteur en droit, et Véronique BAUDET, juriste, « Vivement la retraite », Revue « Plein droit », n°39, juillet 1998, p.52 197 Même référence p 52

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Pourtant des textes internationaux, que la France a ratifiés, élargissent le cercle des bénéficiaires (Convention européenne des droits de l’homme, accord CEE/Algérie, Maroc, Tunisie, convention) Certes, nous affirme A.TOULLIER, la loi Chevènement a supprimé la condition de nationalité qui subordonne l’accès à ces prestations. 198 Les étrangers en situation régulières bénéficient du minimum vieillesse et de l’allocation Handicapé. Cependant, d’autres inégalités demeurent, telles que l’accès aux différents services Dans le chapitre concernant les droits et les devoirs, on avait observé que ce sont les plus âgés qui ont le sentiment que la France leur doit quelque chose, et que ce sentiment est lié au fait de l’insatisfaction du montant de la pension de retraite. Ce sont, en effet, les personnes venues avant les années 50, dans la première vague de l’immigration maghrébine. Ce sont majoritairement les algériens et les français/algériens. Ces personnes ont connu la période la plus difficile que la France avait vécu : problèmes de logement et salaires relativement bas. Ils n’ont pas bénéficié de bonnes conditions come ceux, arrivés aux années 60 et 70. Il s’ajoute à ces éléments, le fait que les algériens avaient été moins acceptés par la société française, comme nous l’avions dit dans les précédents chapitres, que les marocains et les tunisiens. Pour aller plus loin encore, nous supposons que tous n’ont pas été à la même enseigne. Il y a ceux qui ont pu, progressivement s’intégrer, intégrer certaines valeurs françaises et qui ont, par ailleurs, été naturalisés. Ils ont pu trouver un réseau d’amis français. Les personnes de cette catégorie semblent mieux vivre leur retraite que les autres (seconde catégorie). Ces derniers, en effet, ont cumulé plusieurs handicaps : illettrés, durant une période relativement difficile, moins acceptés, par la société, etc… l’ensemble de tous ces éléments nous conduit à penser que les satisfaits de leur pension de retraité sont relativement, mieux intégrés que les autres. L’insatisfaction ou la satisfaction pouvant traduire, entre autre, un certain degré d’intégration dans la société. Car nous pensons que lorsque, plus la société offre de reconnaissance à ses citoyens en général, et plus particulièrement à ceux d’origine immigrée, plus ces derniers se reconnaissant en elle, et exprime leur reconnaissance. Nous constatons que malheureusement, ce n’est pas le cas. Ainsi on peut encore mieux comprendre la déclaration de Madame Blandine KRIEGEL, Présidente du HCI, lorsqu’elle affirme : « Je vous avouerai que le HCI s’inquiète tout particulièrement de leur situation : elles aussi vieillissent, et n’auront à l’heure de la retraite que très peu de moyens de subsistance. L’urgence est d’en savoir plus sur cette population. Le HCI plaidera pour leur donner plus de « visibilité » afin que les Pouvoirs publics s’emparent de cette question »199

198 Même référence, p.53 199 Blandine KRIEGEL, Présidente du HCI, Revue Retraites et sociétés « le vieillissement des immigrés », CNAV 2005, n°44, p.204

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V - REPRODUCTION DE LA TRAJECTOIRENON ? Il nous a semblé intéressant de vérifier si même parcours qu’eux. La raison principale de cette interrogation consiste dans le fait de savoir si nos sujets ont des ambitions pour leur descendance d’une part, et d’autre part de savoir si, ils voient plutôt leurs enfants «évolutif ou non ? L’écrasante majorité de nos sujets, 37 sur 50, soit 74%, ne désirent pas que leurs enfants fassent la même chose, ou le même parcours qu’eux. En revanche, 9 sujets surépondent positivement, c’estparcours qu’eux (voir tableau n°55

Figure 41 : Souhaitez

Lorsqu’il s’agit de répartir les réponses par nationalités, on obtient les résultats suivantsCe sont les français en grande majoripas que leurs enfants fassent le même parcours qu’eux Cette proportion est de 52,63tableau n°56 en annexe) Ce sont particulièrement les algériens, 7 sujets sur enfants fassent le même parcours qu’eu0% pour les marocains (voir tableau n°56

Souhaitez vous que vos enfants fassent le

REPRODUCTION DE LA TRAJECTOIRE

Il nous a semblé intéressant de vérifier si nos sujets souhaitent que leurs enfants fassent le même parcours qu’eux. La raison principale de cette interrogation consiste dans le fait de savoir si nos sujets ont des ambitions pour leur descendance d’une part, et d’autre part de

plutôt leurs enfants « faire mieux » qu’eux, c’est-à

’écrasante majorité de nos sujets, 37 sur 50, soit 74%, ne désirent pas que leurs enfants fassent la même chose, ou le même parcours qu’eux. En revanche, 9 sujets surépondent positivement, c’est-à-dire, qu’ils souhaitent que leurs enfants aient le même

rcours qu’eux (voir tableau n°55 en annexe).

Souhaitez-vous que vos enfants fassent le même parcours que vous

de répartir les réponses par nationalités, on obtient les résultats suivantsles français en grande majorité, 21 sujets sur 37, soit 87,5%%, qui ne souhaitent

pas que leurs enfants fassent le même parcours qu’eux.

52,63% pour les algériens et de 87,71% pour les marocains

Ce sont particulièrement les algériens, 7 sujets sur 19, soit 736,84%, qui souhaitent que leurs enfants fassent le même parcours qu’eux. Cette proportion est de 8,33% pour les français et de

(voir tableau n°56 en annexe).

18%

74%

8%

Souhaitez vous que vos enfants fassent le même parcours que vous?

Oui

Non

Non réponse

190

REPRODUCTION DE LA TRAJECTOIRE : OUI OU

nos sujets souhaitent que leurs enfants fassent le même parcours qu’eux. La raison principale de cette interrogation consiste dans le fait de savoir si nos sujets ont des ambitions pour leur descendance d’une part, et d’autre part de

à-dire dans un sens

’écrasante majorité de nos sujets, 37 sur 50, soit 74%, ne désirent pas que leurs enfants fassent la même chose, ou le même parcours qu’eux. En revanche, 9 sujets sur 50, soit 18%,

dire, qu’ils souhaitent que leurs enfants aient le même

vous que vos enfants fassent le même parcours que vous ?

de répartir les réponses par nationalités, on obtient les résultats suivants : %, qui ne souhaitent

% pour les marocains (voir

%, qui souhaitent que leurs pour les français et de

Non réponse

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Reproduction de la trajectoire, oui ou non et variables associées 1 - La nationalité actuelle semble influencer les réponses de nos sujets. Ce sont les algériens qui souhaitent, plus que les autres, que leurs enfants fassent comme eux, 7 sur 19 soit 36,84%. Ont-ils moins d’ambition pour leurs enfants que les autres ou bien ont-ils, selon Bourdieu, moins d’« ambition rêveuse », c’est-à-dire, sont-ils plutôt dans un réalisme fataliste ou dans la résignation de « si Dieu le veut » ?, ou bien ils sont relativement satisfaits de leur parcours ? Dl effet = 2 ; Mc effet = 0,6477 ; dl erreur = 43 ; Mc erreur = 0,1382 ; F = 4,68 ; P = 0,014 2 - Les personnes qui feraient leur vie autrement si celle-ci était à refaire, sont celles qui souhaitent que leurs enfants ne fassent pas leur parcours comme eux. Dl effet = 1 ; Mc effet = 1,03 ; dl erreur = 40 ; Mc erreur = 0,15 ; F =6,82 ; P = 0,012 Effectif : 19 sujets sur 21, soit 90,47%.

DISCUSSION Si l’écrasante majorité des sujets, (74%), ne souhaitent pas que leurs enfants fassent le même parcours qu’eux, ce n’est pas sans raison. En effet, ce sont ces mêmes sujets qui affirment vouloir que leurs enfants fassent « mieux qu’eux ». Nous savons, au travers de leur discours d’une part, et au travers de nombreux écrits sur l’immigration en général, que ces retraités, lorsqu’ils étaient jeunes, ont beaucoup souffert de leurs conditions de travail, ainsi que dans leurs conditions de vie. Il s’ajoute à cela la souffrance de l’exil exprimée par eux et par d’autres tels qu’A. SAYAD, ou O. SAMAOLI. Ce fut, généralement, un parcours, pour la majorité, assez difficile et douloureux, qu’ils souhaitent éviter à leurs enfants. En même temps on peut penser, également, que le propre de l’immigration au départ, c’est la réussite, donc il semble logique que nos sujets désirent que leurs enfants fassent mieux qu’eux, à savoir, réussir dans leur vie, que ce soit dans les études ou le travail et surtout.dans les deux à la fois. Le rapport de l’INSEE de 2005, concernant « les immigrés en France », 200 indique que « les familles immigrées attendent beaucoup de l’école »201. Les deux tiers d’entre elles souhaitent que leurs enfants poursuivent leurs études au moins jusqu’à 20 ans, contre un peu plus de la moitié pour les familles non immigrées.

200 INSEE 2005 « Les immigrés en France », p.100 201 Idem, p.100

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Ce haut niveau d’aspiration scolaire se distingue fortement des ouvriers non immigrés dont ils sont pourtant très proches par certains côtés. 202 C’est parmi les familles originaires d’Algérie et d’Europe (hors Portugal) que le souhait d’études longues est le plus prononcé. Ces familles sont aussi parmi celles qui croient le plus à l’utilité professionnelle des diplômes de l’enseignement supérieur. 203 Ce sont toutes ces raisons qui expliquent et traduisent la volonté de nos sujets, que leurs enfants ne reproduisent pas leur propre parcours. 204 Ce qui explique, pour partie, leur grande attente de l’école. Cette situation nous renvoie vers l’ambition de nos sujets pour leurs enfants. Ce n’est pas de l’ambition « rêveuse » (Bourdieu), mais une ambition que nos sujets pensent, à raison, réaliste, compte tenu des résultats que leurs enfants ont obtenu quant à leur promotion socio professionnelle. C’est une question « d’aspiration » et de perception de l’utilité professionnelle des études supérieures exprimées par nos sujets.

202 Idem p.100 203 Idem p.100 204 Idem p.101 L’ensemble des tableaux sont basées sur des tableaux statistiques

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VI - MESSAGES ET CONSEILS TRANSMIS A LEURS ENFANTS : Quelle signification Toute société transmet des valeurs, des messages. Ces valeurs et ces messages varient selon l’époque ou la période historique que vit cette société. De même que tout groupe social transmet des valeurs propres à lui au sein d’une même société. Quelquefois,messages jouent un rôle déterminant ou non, et cela dépend des circonstances socio économiques, politiques et surtout de la puissance des messages et de la façon dont ils sont ou non relayés. En tout état de cause, ces valeurs peuvent ê Il nous paraît important de signaler que le message le plus répandu, chez nos sujets, est celui de la réussite dans les études et le travailleur immigration : la réussite da Les messages et conseils que transmettent nos sujets à leurs enfants, sont en général importants dans le sens où ces messages et conseils véhiculent des idées et des valeurs correspondantes, et reliées à une certaine culture imprégnée. messages ont une signification.

Figure n° 42 : Quel(s) message souhaitez Une analyse de contenu fait apparaître trois catégories de réponses

Thème A : Messages d’ordre26 réponses sur 58, soit 44,83%économies, acheter une maison, penser à demain.

43,10

12

Quel(s) message souhaitez vous transmettre à vos

MESSAGES ET CONSEILS TRANSMIS A LEURS : Quelle signification ?

Toute société transmet des valeurs, des messages. Ces valeurs et ces messages varient selon l’époque ou la période historique que vit cette société. De même que tout groupe social transmet des valeurs propres à lui au sein d’une même société. Quelquefois,messages jouent un rôle déterminant ou non, et cela dépend des circonstances socio économiques, politiques et surtout de la puissance des messages et de la façon dont ils sont ou non relayés. En tout état de cause, ces valeurs peuvent être formatrices et mobilisatrices.

Il nous paraît important de signaler que le message le plus répandu, chez nos sujets, est celui réussite dans les études et le travail. Ce message fait partie du fondement même de

: la réussite dans le travail.

Les messages et conseils que transmettent nos sujets à leurs enfants, sont en général importants dans le sens où ces messages et conseils véhiculent des idées et des valeurs

, et reliées à une certaine culture imprégnée. C’est dans ce sens que les messages ont une signification.

: Quel(s) message souhaitez-vous transmettre à vos enfants et petits enfants

Une analyse de contenu fait apparaître trois catégories de réponses :

Messages d’ordre socio économique , soit 44,83% : Réussite dans les études et le travail, faire des

économies, acheter une maison, penser à demain.

44,83%

10%

12,07%

Quel(s) message souhaitez vous transmettre à vos enfants et petits enfants?

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MESSAGES ET CONSEILS TRANSMIS A LEURS

Toute société transmet des valeurs, des messages. Ces valeurs et ces messages varient selon l’époque ou la période historique que vit cette société. De même que tout groupe social transmet des valeurs propres à lui au sein d’une même société. Quelquefois, ces valeurs ou ces messages jouent un rôle déterminant ou non, et cela dépend des circonstances socio économiques, politiques et surtout de la puissance des messages et de la façon dont ils sont ou

tre formatrices et mobilisatrices.

Il nous paraît important de signaler que le message le plus répandu, chez nos sujets, est celui . Ce message fait partie du fondement même de

Les messages et conseils que transmettent nos sujets à leurs enfants, sont en général importants dans le sens où ces messages et conseils véhiculent des idées et des valeurs

C’est dans ce sens que les

vous transmettre à vos enfants et petits enfants ?

: Réussite dans les études et le travail, faire des

Thème A

Thème B

Thème C

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Thème B : Message social 25 réponses sur 58, soit 43,10% : Respect des autres et de la loi, de la société « ne pas faire de bêtise », honnêteté et solidarité. Thème C : Message culturel 7 réponses sur 58, soit 12,07% : garder la foi, la religion, ne pas oublier ses origines. (Voir tableau n° 57 en annexe)

Thème A : Message socio économique : réussite dans les études et le travail Si ces vœux, conseils ou messages sont transmis aux enfants et petits enfants, ont-ils une signification ? Tout d’abord, voici quelques exemples de leurs propos :

« La réussite dans le travail, faire des économies, penser à demain » « Le message est passé, ils ont fait des études » « Respecter la loi et travailler » « L’école est importante, la réussite passe par les études » « Il faut compter sur le travail » « Faites de que j’ai fait pour vous, à vos enfants. Tout donner pour les études » « Etre honnête, travailleur et sérieux »

Messages et conseils transmis aux enfants et variables associées Les personnes souhaitant que leurs enfants fassent un parcours différent (Moyenne = 0,57) d’eux, donnent plus de réponses du thème A que les autres (0,11). (dl effet=1 ; MC Effet=1,51 ; dl Erreur=44 ; MC Erreur=0,27 ; F=6,66 ; p=0,013). Effectif 21 sujets sur 37, soit 56,76%.

DISCUSSION Nous pensons que ces conseils et messages transmis traduisent une « volonté », un désir d’une part de s’enraciner davantage dans la société, sachant que la réussite dans les études est une étape importante pour réussir dans le travail, et d’autre part cela peut aussi traduire leur propre inquiétude quant à l’avenir. Réussir individuellement, c’est se mouvoir et promouvoir ses capacités, représente, également, une projection « incertaine » dans l’avenir, mais une projection signifie aussi une capacité à mieux se préparer à un avenir « incertain », car la France, aujourd’hui vit dans l’incertitude quant à son avenir. Cette situation nous montre, également, que la première génération ne souhaite pas du tout que ses enfants effectuent le même parcours social et professionnel. La majorité des sujets interrogés, nous ont affirmé que « eux ne souhaitent pas du tout que leurs enfants fassent comme eux », mais plutôt mieux. Les valeurs mises en avant par la majeure partie de nos sujets, sont en effet, des valeurs « normatives » correspondant à des « valeurs dominantes » actuelles. Ces valeurs sont des valeurs que prône la société actuelle et ce depuis trois décennies :

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La réussite individuelle, dans les études et le travail, nous rappelle encore des propos de Nicolas SARKOZY et Ségolène ROYAL, candidats à la présidence de la République, qui voulait « réhabiliter le travail » et la « méritocratie ». Nos sujets ont-ils été influencés durant leur trajectoire, par les valeurs sociales normatives et dominantes dans la société française, depuis plus de trois décennies ?. Exprimer ces valeurs de cette façon, en les mettant en avant, cela signifie, entre autre, que nos sujets ont aussi intégré ces valeurs, ils prennent à leur compte, en les reproduisant, sous forme de message ou conseil à transmettre à leurs enfants et leurs petits enfants. Thème B : Respect des autres, des lois et de la Société 25, soit plus de 43% des réponses de nos sujets correspondent à cette volonté : respect des autres, respect des lois, respect de la société. Voici en quelques exemples comment nos sujets expriment cette volonté :

« Etre bien dans la société, respecter les gens et les voisins, respecter la loi » « Respecter les gens dans ce monde, être solidaire » « Il faut respecter les autres pour être respecté » « Le respect d’autrui » « Le message est déjà passé : les études et le respect des autres » « Qu’ils soient tranquilles, qu’ils ne fassent pas de bêtises « « Ne pas fréquenter les gens mauvais » « L’honnêteté et le respect sont la clé » « Qu’ils soient solidaires » « L’honnêteté et le respect de la France »

Les réponses « respect des autres, des lois et de la société » distinguent les sous groupes suivants

Respect des autres, des lois, et de la société et variables associées

a)Le groupe d’arrivée. Les personnes arrivées dans les années 70 et plus jeunes (Moyenne = 0,75) (c’est à dire faisant partie du groupe 3) donnent plus de réponses au thème B que les autres groupes (Moyenne = 0,275). (dl effet=2 ; MC Effet=1,05 ; dl Erreur=47 ; MC Erreur=0,21 ; F=4,92 ; p=0,011) Effectif : 9 sujets sur 12, soit 75%

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b)La nationalité actuelle : Les personnes de nationalité actuelle marocaine donnent plus de réponses (Moyenne = 1) au thème B que les autres nationalités (Moyenne = 0,32). (dl effet=2 ; MC Effet=1,41 ; dl Erreur=47 ; MC Erreur=0,20 ; F=7,25 ; p=0,001) Effectif : 7 sujets sur 7, soit 100%

c)La nationalité à l’arrivée : Les tunisiens (Moyenne = 0,6) et marocains (Moyenne = 0,73) donnent moins de réponses au thème B que les autres personnes (Moyenne = 0,235). (dl effet=3 ; MC Effet=0,89 ; dl Erreur=46 ; MC Erreur=0,21 ; F=4,38 ; p=0,009) 14 sujets sur 25, soit 56%

d) Souhaitez vous que vos enfants fassent le même parcours que vous ? Les personnes souhaitant que leurs enfants ne fassent pas le même parcours qu’eux (Moyenne = 0,00), donnent plus de réponses au thème B que les autres (Moyenne 0,54). (dl effet=1 ; MC Effet=2,11 ; dl Erreur=44 ; MC Erreur=0,21 ; F=10,13 ; p=0,0027) Effectif : 9 sujets souhaitent que leurs enfants fassent leur parcours différemment. Sur ces 9 personnes, aucun n’a donné de réponse au Thème B

DISCUSSION La solidarité et le respect des autres, de la loi, de la société et l’honnêteté sont souvent formulés par nos sujets. Ce sont des « valeurs communes », propres à « toute société ». Des valeurs citoyennes que nos sujets préconisent. Des valeurs vers lesquelles tendent toutes les sociétés qui désirent vivre en harmonie. Faire passer des messages et des valeurs comme ce que nous venons de voir, traduit le souci de nos sujets de voir leurs enfants dans un monde de paix et d’harmonie, être honnête et solidaire avec ce monde. Nous pensons que nos sujets ont pu, durant leur trajectoire, « intégrer » progressivement, au travers de leur propre vécu, pratique et quotidien, des valeurs simples, fortes et nécessaires à tout citoyen. Ils ont en effet, transmis des valeurs « françaises », voire « universelles » à leurs enfants, sans pour autant oublier leur identité, ou renoncer à celle-ci. Ce qui signifie, pour nous, que nos sujets ont été intégrés, et surtout, ont reproduit à leur tour ce type de valeurs auxquelles ils ont cru. Des valeurs adaptatives, intégratives et normatives à la fois. Ces éléments, importants, nous renvoient à la trajectoire de nos sujets, qui fut difficile, et un parcours avec de nombreux obstacles dans leur travail, qui fut souvent pénible. Ils ne veulent pas, dans leur majorité, que leurs enfants passent par le même parcours. Ils souhaitent que ceux-ci fassent mieux que, eux, n’ont pu le faire. Car si la vie était à refaire, souvent, ils répondent qu’ils auraient fait des études.

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D’autre part, les sujets arrivés aux années 70, voire plus tard, sont relativement plus jeunes que d’autres (arrivés aux années 50 ou 60), ils ont accordé moins de place dans leur messages, à des valeurs sociales et civiques, et ce sont tout particulièrement les marocains. Est-ce que la durée ou la période y sont pour quelque chose, dans les réponses ? Thème C : Ces réponses s’expriment à travers des formulations telles que :

« Penser à la foi, la religion » « Ne pas oublier leur appartenance arabe et maghrébine » « Garder leur religion » « Garder la culture d’origine, sans tourner le dos à la culture française. La religion, « pilier principal », ainsi ils s’en sortiront »

Messages spécifiques, foi, religion et racines (spiritualité) et variables associées Les personnes dont les enfants sont déjà français (Moyenne = 0,33) ont plus donné de réponse au thème C que les autres (Moyenne = 0,064). (Dl effet=1 ; MC Effet=0,62 ; dl Erreur=41 ; MC Erreur=0,11 ; F=5,65 ; p=0,022) Effectif : 8 sur 12 sujets, soit 66,67%

DISCUSSION Ici, il s’agit d’un corpus de valeurs d’appartenance religieuse, identitaire et culturelle qu’une minorité de retraités souhaitent valoriser et favoriser pour leurs enfants, dans leurs messages et conseils. Un seul sujet précise « qu’il faut garder la culture d’origine, sans tourner le dos à la culture française ». C’est-à-dire qu’il n’exclut pas l’harmonie possible entre les deux cultures, ni la compatibilité entre les religions avec la culture française. C’est une position « ouverte ». Mais cela ne signifie pas que les autres pensent l’opposé. En effet, ce thème ne semble pas du tout être majoritaire, car il est exprimé par une infime minorité, parmi nos sujets, qui par ailleurs, accordent une place prépondérante à la religion dans leur message. Cependant, cette attitude préconisant la dimension religieuse, ne doit pas occulter celle de la majorité qui a exprimé une attitude « laïque » dans leur message à leurs enfants. Cela nous conduit à penser que la majorité de nos sujets ont intégré des valeurs importantes, mises en avant dans les thèmes A et B, comme nous l’avons constaté. Un élément, révélé par notre analyse de variance, nous montre que les sujets ayant déjà des enfants français, ont donné plus de réponses au thème C. Cet élément traduit-il la crainte de nos sujets, que leurs enfants perdent leur identité d’origine ? Ou bien leur incertitude quant à l’identité future des enfants ou petits enfants ?

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Transmettre des valeurs de réussite dans les études et dans le travail, va de pair avec celles du respect des autres, des lois et de la société. C’est un ensemble qui traduit une réelle volonté de s’enraciner de façon définitive dans le pays, et s’accrocher à ces valeurs « normatives » et dominantes, c’est en même temps faire corps avec son temps, avec la société et s’assurer, du moins, d’une véritable intégration voire peut-être une assimilation à moyen ou long terme. Ces valeurs l’emportent, comme nous l’avons constaté précédemment, sur les « valeurs du pays d’origine ». Celles-ci sont exprimées, de façon tout à fait secondaire par une infime minorité, telles que la religion, la foi ou les racines. Ces dernières ne semblent pas occuper une place importante dans les préoccupations, ni être comme essentielles, ni comme priorité. Selon Nadia BENJELLOUN-OLIVIER, « l’Islam est évoqué par une certaine fraction de la population française comme un frein décisif empêchant l’intégration à terme de la communauté maghrébine immigrée ». 205 Le mouvement islamiste des années 80 et 90, et jusqu’à nos jours, n’a pu exercer qu’une influence très limitée sur les immigrés maghrébins. Face aux différentes mutations sociales, économiques, et politiques durant cette période, nos sujets ont conservé une attitude « rationnelle et pragmatique », plutôt que religieuse. On peut dire aussi, que durant cette période de « mutation » c’est l’ensemble du groupe familial qui réagit à l’incertitude sociale en se raccrochant à des valeurs qui ont un pouvoir d’enracinement et reconnues institutionnellement. En effet, l’attitude générale de nos sujets, exprimée dans les A et B, traduit un réel changement. Ce changement a une signification importante ; celle-ci va dans le sens de rupture avec les anciennes valeurs traditionnelles pour affirmer un enracinement définitif en France en adoptant des valeurs typiquement françaises voire au-delà. Il y a eu des changements importants mais ils n’ont pas touché tous les sujets de la même façon et n’ont pas eu le même impact sur tout le monde. Il y a donc une différence entre les sujets, concernant le changement d’attitude sur chacun. Certains ont évolué et accompagné l’évolution de la société (modernisation). D’autres sont restés imperméables au changement (traditions). Nous allons retracer la tendance allant dans le sens de l’intégration en suivant les étapes importantes et voir en quoi elles ont permis un changement identitaire.

205 Nadia BENJELLOUN-OLIVIER, « Les immigrés maghrébins et l’Islam en France », H & Migration, novembre 1986, p.43

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CHAPITRE - 6

Quel bilan de leur immigration : un modèle du changement ?

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I - Y A-T-IL EU DES CHANGEMENTS CHEZ NOS SUJETS ? Les données dont nous disposons nous permettent de répondre positivement à cette question mais en quoi a consisté ce changement ? Pour y répondre, nous allons d’abord dresser un schéma (A) descriptif et comparatif des différences importantes entre la société d’origine (le Maghreb) et la société d’accueil (la France). Nous avons établi ce schéma à partir des idées développées par Maxime RODINSON (Capitalisme et Monde musulman), Samir AMIN (l’accumulation du capital à l’échelle mondiale), Pierre BOURDIEU « Travail et travailleurs en Algérie », auxquelles s’ajoute notre connaissance de ces pays. En effet, il nous semble impossible, sauf situation exceptionnelle, que des individus ayant vécu dans une société donnée, durant 5 à 20 ans au moins, ne soient pas imprégnés des valeurs de celle-ci depuis l’enfance jusqu’à la tendre jeunesse comme c’est le cas de la majorité de nos sujets dans leur pays d’origine. De même, il nous semble aussi impossible, également, qu’un individu ou des individus qui quittent leur société d’origine et immigrant, vivant dans une société différente, ne soient pas, au bout de 40 ans de vie et plus, imprégnés de celle-ci, et adoptent un certain nombre de valeurs au fur et à mesure de son évolution et c’est aussi le cas de nos sujets. Car nous partons du principe que l’interaction entre la société et l’individu est presque permanente. Cette interaction permet aux individus, de modifier progressivement des attitudes et des comportements, tout au long de leur parcours favorisant ainsi, un processus d’acculturation, d’adaptation et une possible intégration. Nos sujets ont évolué à travers différentes étapes de leur parcours. Nous avons répertorié ces étapes durant lesquelles nous avons observé des signes de changements importants dans les attitudes et les valeurs. En effet, selon W.I. THOMAS, et F. ZNANIECKI, « la cause d’un phénomène social ou individuel, n’est jamais seulement un autre phénomène social ou individuel, mais toujours la combinaison d’un phénomène social et d’un phénomène individuel, ou plus exactement, la cause d’une valeur ou d’une attitude, n’est jamais une attitude ou une valeur, mais toujours la combinaison d’une attitude et d’une valeur »206 Voici un schéma de ces étapes de changement de leur comportement ou attitudes durant leur parcours en France, en mettant l’accent sur les étapes où les passerelles ont pu être possibles dans le passage des valeurs et attitudes de la société d’origine vers la société d’accueil (la France)

206 W. THOMAS, et F. ZNANIECKI « Fondation de la sociologie américaine », édition L’HARMATTAN 2000, p.77

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SCHEMA A – : DESCRIPTIF ET COMPARATIF DES DIFFERENCES ENTRE LA SOCIETE D’ORIGINE DES SUJETS ET LA FRANCE PAYS D’AC CUEIL

SOCIETE D’ORIGINE EN FRANCE

1. Société à mode de production agraire, semi féodale figée, et semi capitaliste colonisée : valeurs nationalistes

2. Absence de liberté, société du non droit

3. Analphabétisme dominant

4. Valeurs traditionnelles et religieuses

dominantes

5. Libertés très limitées : pas de libertés individuelles

6. Identité individuelle non reconnue ,

soumission aux valeurs religieuses et traditionnelles

7. Comportements et attitudes contrôlés par le

pouvoir et la communauté

8. Règles strictes : pression et contrôle

9. Choix de décisions « communautaire et sous contrôle »

10. Domination de la famille élargie, peu

d’autonomie

11. Identité modelée et contrôlée : rôle de l’individu limité

12. Possibilité d’évolution et de promotion très

réduite

13. Mode de consommation limité

14. Consommation sans lien avec la modernité, (absence de valeurs modernes)

1. Société capitaliste démocratique et ouverte

2. Société de droit et de liberté

3. Accès à l’instruction

4. Valeurs modernes, Etat laïc

5. Grande marge de liberté : liberté individuelle

6. Identité individuelle reconnue : importance de l’individu

7. Comportements et attitudes faisant appel à la

responsabilité individuelle

8. Règles de droits et absence de pressions traditionnelles ou religieuses

9. Choix et décision individuels et libres ; libre

choix des individus

10. Famille nucléaire : autonomie, liberté du couple

11. Identité libre, rôle de l’individu reconnu

12. Possibilité d’évolution et de promotion ouverte

13. Mode de consommation large

14. Consommation liée à la modernité européenne

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SCHEMA B – DESCRIPTIF DES VALEURS DES SOCIETES D’ORIGINE (ALGERIE, MAROC, TUNISIE) ET CELLES DE LA SOCIETE D’ACCUEIL (FRANCE), LES « PHASES CLES » OU IL Y A E U PASSERELLE ENTRE LES DEUX SOCIETES

SOCIETE D’ORIGINE

EN FRANCE : PASSAGES/PASSERELLES

EN FRANCE

1. Société semi féodale figée, et semi capitaliste,

colonisée, valeurs nationalistes et patriotiques

2. Absence de liberté, société du non droit

3. Analphabétisme dominant

4. Valeurs traditionnelles et religieuses dominantes

5. Libertés très limitées : pas de libertés individuelles. Choix individuel limité

6. Identité individuelle non reconnue , soumission

aux valeurs religieuses et traditionnelles

7. Comportements et attitudes contrôlées

8. Choix de décisions « communautaire et sous contrôle »

9. Domination de la famille élargie, peu

d’autonomie

10. Possibilité d’évolution et de promotion très réduite

11. Identité modelée et contrôlée : rôle de l’individu

limité

Amélioration des conditions de vie. Choix de naturalisation par les sujets de leurs enfants Acquisition ou adoption de nouvelles valeurs : la liberté, le droit Formation professionnelle, communication avec le monde, et conscientisation Adhésion à des valeurs nouvelles. (républicaines) : liberté, justice, égalité Choix du non retour, naturalisation Début de la construction de la famille nucléaire hors pression Libre choix pour leurs enfants (naturalisation et vivre en France) Choix de rester en France. Choix du couple et des enfants Autonomie. Décision du couple accès à la propriété. Famille nucléaire Identité française et entre les deux Promotion professionnelle des enfants

1. Société capitaliste démocratique et ouverte.

Valeurs multidimensionnelles

2. Société de droit et de liberté

3. Accès à l’instruction

4. Valeurs modernes, état laïc. Message : études et réussite

5. Grande marge de liberté : liberté individuelle

6. Identité individuelle reconnue : importance de l’individu

7. Comportements et attitudes responsables

8. Règles de droits et absence de pressions traditionnelles ou religieuses

9. Choix et décision individuels et libres ; libre

choix des individus

10. Famille nucléaire : autonomie, liberté du couple

11. Possibilité d’évolution et de promotion ouverte

12. Identité libre, rôle de l’individu reconnu

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1 - LES SIGNES DE CHANGEMENTS : en référence au schéma 1 La tendance générale de l’évolution de la situation des immigrés en France, s’est traduite par de nombreux signes de changements. Le passage entre le séjour provisoire au début de l’immigration, vers l’installation progressive et ensuite définitive, s’est concrétisée par le fait de faire venir sa famille : sa femme, ses enfants. L’installation définitive n’est pas une décision prise au début de l’immigration. Elle s’est progressivement imposée, suite à la naissance des enfants et de leurs études en France. Cette évolution s’est traduite aussi par des changements de mode de vie, l’acquisition de nouvelles valeurs et l’accès à la modernité. (mode de consommation, mode de vie, achat de voiture, …) L’un des retraités marocains nous affirme que, s’il était resté au Maroc, il n’aurait probablement pas changé ses conditions de vie pour sa famille, et ses enfants n’auraient pas eu les mêmes chances dans leurs études. Ainsi l’évolution des conditions matérielles a contribué au choix de rester vivre en France. Le choix de rester vivre en France, s’est imposé de façon « naturelle » comme une suite logique selon nos retraités. Ils ne considèrent pas ce choix comme une rupture avec le pays, car le va et vient depuis la vie active jusqu’à maintenant a continué. Il n’y a donc pas rupture, mais une continuité normale et logique, selon eux. Le choix de rester vivre en France définitivement a consacré le fait de l’installation définitive en France qui est un signe fort de changement notable. Ce changement s’est vu confirmé par un autre dans la mesure où il y a eu, dans les années 80 et 90, une naturalisation massive des parents et de leurs enfants. Ce changement s’est traduit par une attitude globalement favorable pour les parents et les enfants. Ensuite la promotion socioprofessionnelle des enfants ou leur enracinement en France, à travers le travail et leurs réseaux, ont contribué à renforcer l’installation définitive. Pour certains retraités, leur succès est d’avoir eu accès à la propriété en France. Ils ont même encouragé leurs enfants à faire de même. Si l’on regarde de près le bilan des retraités, de leur immigration, une majorité des personnes affirme qu’il est positif, car ils ont pu réaliser des projets matérialisés, entre autre, par l’achat d’une maison en France ou au pays d’origine. Mais leur projet réalisé mis en avant, c’est d’avoir fondé une famille et la réussite de leurs enfants. L’ensemble de ces changements ont-ils contribué à une réelle intégration, une assimilation ? Ont-ils contribué à modifier leur identité ou leur mode d’identification ? Pour nous, c’est une question très complexe, car ces personnes viennent d’une société « fermée » (M. RODINSON : « Islam et capitalisme »), « l’homme unidimensionnel» (H. MARCUS - L’homme unidimensionnel), marquées par une très forte identité nationale, voire « nationaliste » (J. BERQUE), et marquées, également, par des valeurs religieuses et traditionnelles. Ces personnes sont nées, ont vécu leur enfance, et leur première jeunesse dans le Maghreb. Elles ont été marquées profondément par ces valeurs.

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Le passage des « valeurs communautaires », valeurs de soumission de l’individu à la communauté, vers des « valeurs individuelles », a été un parcours, une étape déterminante dans leur vie en France. Durant ce parcours, se sont opérés des changements importants tels que le passage de la famille « élargie » vers la famille « nucléaire » sur le plan des décisions. C’est dans un passage comme celui-ci que se traduit aussi le changement au niveau de la « liberté individuelle ». Ce passage « libérateur » des valeurs anciennes, ne fut pas brutal. Cette évolution fut progressive. C’est l’interaction permanente avec la société d’accueil (la France) qui a favorisé ce passage, au travail de l’adoption des nouvelles « valeurs individuelles ». Cette situation démontre, également, que nos sujets ont changé et cela a touché leur système cognitif, au sens que Daniel ALAPHILIPPE le dit : « même si nos systèmes cognitifs sont plus ou moins ouverts au changement, ils sont, cependant, capables d’évolution. On peut remettre en cause sa façon de penser sous l’effet de l’information ou de l’acquisition de connaissances nouvelles, en outre, ces systèmes sont multiples ».207 Comme nos sujets le disent, ils ont appris, en France, le sens de la liberté, de l’égalité, du droit et de la justice. Ce n’est pas un hasard, car comme certains le disaient : « ces valeurs n’existaient pas chez nous ». En effet, tout en adoptant progressivement des valeurs nouvelles, ils se détachaient des valeurs de la culture d’origine. C’est un processus relativement long, qui ne s’opère que progressivement dans le temps, mais sans renoncer ou rompre avec la culture d’origine. Il s’opère plutôt par de petites ruptures avec les valeurs anciennes. Mais qu’en est-il au niveau de l’identité ? Les changements opérés, que nous avons constatés, ont-ils eu un impact sur l’identité ? Comment se définir après avoir vécu tant de changements qui ont touché à l’identité ? C’est ce que nous allons aborder dans les prochaines pages

207 Daniel ALAPHILIPPE, R. FONTAINE, M. PERSONNE « Difficultés et réussites de la vie en établissement pour personnes âgées », éditions ERES, octobre 2007, p.105, 107

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SCHEMA – 1 - DIFFERENTES ETAPES DE CHANGEMENTS DE COMPORTEMENTS DES RETRAITES IMMIGRES DURANT LEUR VIE EN FRANCE : Processus d’adaptation

Travail Adaptation

Faire venir sa

famille Ou

Se marier en France

Naissance des

enfants

Ecole, études, travail

Changement de

mode de vie

Idées nouvelles

Le choix de

rester vivre en France

Une continuité logique

Naturalisation

massive des parents et des

enfants

Installation provisoire

Statut étranger

Début de

l’installation

Amélioration de l’installation et

de sa vie

Premiers signes de changements

1er changement

Confirmation de l’installation

définitive

2ème changement

Attitude face à la naturalisation

des enfants

3ème changement Identité nationale étapes préparatoires étapes décisives : légitimité

Promotion socio professionnelle

des enfants

Accès à la propriété

Bilan de

l’immigration

Projets réalisés et Identité culturelle

Identité nouvelle Français

Entre les deux

« différente »

Installation définitive renforcée

Enracinement définitif

Satisfaction générale Bilan positif

Vers l’identité française

4ème changement

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Les étapes importantes se résument dans les points suivants : 1. Adaptation au départ : sujets étranger, présence provisoire : identité de la société d’origine

2. Faire venir sa famille

Naissance des enfants. Passage de l’installation provisoire à une installation définitive Ecole, études

Changement de vie et Acquisition de nouvelles idées 1er changement

3. Le choix de rester vivre définitivement en France confirmation de l’installation définitive 4. Naturalisation massive des parents et des enfants 2ème changement 5. Promotion professionnelle des enfants et 6. Accès à la propriété 7. Bilan positif et projets réalisés Cheminement vers une nouvelle identité 8. Identité nouvelle : mi français, mi étranger, 3ème changement

Ou français Nous avons pu observer également que ce schéma nous montre que, durant leur parcours, il y a des moments importants de décision importante. Ce sont des décisions qui « traduisent » des changements de comportement : voir ci-après le schéma concerné.

2 - L’IMPACT DES DECISIONS ET LA RUPTURE PROGRESSIV E AVEC LES ANCIENNES VALEURS Durant leur parcours, nos sujets ont été amenés à prendre des décisions importantes allant à l’encontre des valeurs anciennes du pays d’origine et exprimant l’adoption de nouvelles valeurs. Nous allons rechercher certaines de ces décisions.

3 - ETAPE DES DECISIONS DE CHOIX A FAIRE

La première décision (voir schéma 1) : Rester vivre en France Consiste dans le fait de choisir de rester vivre en France et renoncer au projet initial de retour définitif au pays d’origine. Cette décision a été prise en couple et avec l’implication des enfants. Ainsi, le retour au pays d’origine devient, en quelque sorte, un « retour-vacances » pour voir la famille, et l’occasion de passer des vacances.

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Cette décision ne fut pas facile. Il en a résulté, quelquefois, des conflits entre le père et sa femme d’une part, et entre le père et les enfants d’autre part. le père se trouve « seul » à défendre l’idée du retour face à son épouse et ses enfants. Dans le cadre de notre travail (professionnel) où nous avions en charge la formation professionnelle des migrants, nous avons connu durant les années 90, un certain nombre d’immigrés qui nous faisaient part de cette situation de conflit.

La deuxième décision (voir schéma 2) : La naturalisation Consiste dans le fait de la naturalisation des parents et celle des enfants. Nous l’avons constaté dans les chapitres consacrés à ce phénomène. Certes, cette naturalisation a permis d’acquérir de nombreux avantages pour les parents (liberté de déplacements, de voyages, d’accès à plus d’avantages concernant la pension de retraite). C’est une décision déterminante dans le sens où elle implique directement le choix définitif de rester vivre en France et de s’enraciner davantage pour les retraités et leur famille. Mais elle traduit un pas supplémentaire dans le détachement des valeurs de la culture d’origine et l’adoption de nouvelles valeurs et attitudes dans la société d’accueil.

La troisième décision : L’accès à la propriété Consiste dans le fait d’accéder à la propriété par la majorité des sujets : accès à la propriété au pays d’origine pour le retour attendu par certains, mais pour d’autres l’accès à la propriété en France renforçant, ainsi, l’enracinement définitif. Pour ceux qui avaient acheté une maison au pays d’origine, ce fut une décision difficile dans le sens où ils ont été conduits à renoncer au retour définitif et se contenter seulement du retour vacances. C’est le retour-vacances qui a contribué, en faisant la comparaison des deux pays, à prendre la décision de rester vivre en France.

La quatrième décision : Les messages et conseils des parents, intégration de nouvelles valeurs Celle-ci se résume dans le fait de « consécration » de l’installation définitive et de l’adoption de nouvelles valeurs. Par cette décision, les parents ont compris et intégré que leur avenir ainsi que celui des enfants sera en France, et non au pays d’origine. Ils ont intégré cette décision dans le sens où leur « rôle de parents » consistera désormais à établir des « passerelles » vers la société d’accueil, produire des messages et conseils par rapport à cette société, tels que l’étude, le travail, le respect de la société et des individus pour vivre en harmonie avec tout le monde. Ces décisions, à nos yeux, impliquent aussi non seulement un détachement certain par rapport aux valeurs du pays d’origine, mais, surtout, une certaine « rupture » avec ces mêmes valeurs, et d’autre part elles impliquent, également, l’adoption et l’intégration de nouvelles valeurs qui les guident et les stimulent dans l’intérêt de leur famille et de leurs enfants.

Développement des décisions individuelles et personnelles Cela ne va pas sans une évolution sur l’identité personnelle comme nous le verrons plus tard. L’ensemble de ces décisions, et pour chacune d’ailleurs, représente un changement. Dans chaque changement, il y a un signe d’évolution de l’identité individuelle des immigrés.

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En effet, le choix du non retour et celui de rester vivre en France, fut une décision de couple en dehors de toute tutelle familiale ou contrôle communautaire. Ensuite il y a eu la naturalisation des sujets ainsi que celle de leurs enfants. Aussi bien pour l’un que pour l’autre, ce fut une décision individuelle et parfois familiale. L’achat d’une maison en France ou la construction d’une maison au pays, qui n’a pas impliqué, comme prévu au départ, un retour définitif au pays, toutes les deux ont été des décisions du couple et aussi des décisions individuelles. Ce sont en effet, quatre exemples qui illustrent la liberté et l’autonomie de la décision individuelle ou celle du couple et enfin la décision individuelle de leurs enfants. Dans ces quatre importantes décisions, il est nécessaire de noter que les sujets ont assumé une liberté acquise grâce à leur indépendance financière d’une part et d’autre part grâce à des valeurs acquises en France durant leur vie. Les principaux changements dans les différentes décisions essentielles impliquent aussi un changement de comportement. Préserver sa famille et ses acquis lorsque le choix définitif de rester vivre en France devient une continuité logique qui a ensuite permis l’accès à la nationalité française. Cette dernière avait induit une attitude nouvelle de changement de vie et un sentiment de plus de liberté comme l’affirment un grand nombre de sujets. Devenir « citoyen français » a impliqué une adoption de nouvelles valeurs telles que celle de la liberté, le droit, la justice, …. « Valeurs presque étrangères » pour le pays d’origine. Les valeurs républicaines ont été volontairement adoptées par nos sujets. Ces derniers ont souvent jugé la société française en fonction des valeurs du pays d’accueil, c’est-à-dire, la France. Nous pensons, également, que l’identité même d’une grande partie de nos sujets, a été profondément modifiée. Si une partie non négligeable de nos sujets se définit comme française, une autre encore plus importante se définit comme « entre les deux », c’est-à-dire qu’ils ne se considèrent plus comme étrangers, ni comme français. Cela signifie qu’ils ont fait la moitié du chemin vers une autre identité, qui est celle de la France. Les sujets de cette catégorie se sentent, de plus en plus proches de la France, que de leur pays d’origine, de ses valeurs et de sa culture. Nous proposons l’expression « les deux nationalités à la fois ». Ce processus a été variable selon les individus, et plus ou moins long en fonction de leur âge à l’arrivée, la nationalité, leur niveau d’instruction, les capacités personnelles à s’adapter aux nouvelles idées et valeurs. Mais aussi, selon le degré d’évolution et d’acceptation de la société où ils ont vécu. L’intégration de nouvelles valeurs au pays d’accueil (la France), signifie en même temps l’affaiblissement de l’influence des règles sociales, ou valeurs sociales d’usage comme l’affirment THOMAS et ZNANIECKI dans leur concept de « désorganisation sociale »208 qui engendre un processus de « réorganisation sociale » et renforce « l’introduction de nouveaux modes de comportement allant vers une sorte de reconstitution sociale »209

208 W.I. THOMAS et F.ZNANIECKI, « Fondation de la sociologie américaine », année 2000, éditions l’HARMATTAN, p.210 209 Même référence, p.211

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SCHEMA – 2- DECISIONS IMPORTANTES PRISES PAR LES RETRAITES IMMIGRES ET LEURS ENFANTS Au pays d’origine en France

Choix collectif famille élargie

Liberté individuelle

limitée

Le choix du non retour Le choix de rester vivre en France. Une continuité logique Retour vacances

Naturalisation

massive

Des parents des enfants

Achat de maison en France ou au pays d’origine

Ou

Retour vacances

uniquement

Installation définitive

Rôle de passerelle

des parents

Messages et conseils transmis

aux enfants Rupture avec le projet initial Rupture De retour

Choix de l’intérêt

général

Pas de choix individuel

Décision en couple

participation des

enfants

« Décision individuelle »

Décision du couple

Le rôle des enfants

Parents/enfants liberté acquise indépendance

totale Choix individuel

Et liberté Rupture avec le mode Rupture avec les valeurs Communautaire et patriotiques et nationalistes Décision

Parcours de changement dans la continuité et la rupture progressive avec les anciennes valeurs

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SCHEMA – 3 - PRINCIPAUX CHANGEMENTS DANS LE COMPORT EMENT DES RETRAITES INTERROGES Au départ : 1 2 3

Sujets résidentiels provisoires

Statut étranger

���� Décision

Le choix du non retour définitif

Rester vivre en France est une continuité logique

Naturalisation des parents et des enfants

Un tournant décisif

Identité nouvelle

Identité actuelle : la citoyenneté « français et

entre les deux »

Rupture : Confirmation de l’installation définitive

Adaptation à

des nouvelles valeurs

Renforcement des nouvelles valeurs

émergence de nouvelles attitudes : « le libre choix »

1 2 3

Renoncement définitif au

retour

Valeurs républicaines : Droits, liberté, justice

Début

d’une nouvelle appartenance : sujet citoyen

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II - LES DIFFERENTES PHASES DE CHANGEMENTS Le temps de l’immigration est souvent plus long que le temps vécu au pays d’origine. Les transformations qui se sont produites dans le pays d’origine, n’ont pas été vécues au jour le jour par l’immigré. Cela cause d’autant plus de ruptures que le temps dont il se souvient est le temps ancien, celui de son enfance, de sa jeunesse.210 Certes, les immigrés n’ont pas vécu les changements intervenus au pays d’origine, durant leur présence au pays d’accueil, mais ils ont vécu d’autres transformations, là où ils ont vécu matériellement, géographiquement, socialement. Ce sont les marques des transformations vécues en France, qui ont progressivement causé les ruptures avec le pays d’origine : des changements de mode de vie impliquant l’accès à la modernité, des changements d’idées et de perception de la société, la naturalisation comme conséquence de l’installation définitive en France. Mais qu’en est-il précisément pour nos sujets ?

1 - PHASE DE CHANGEMENTS ET DE RUPTURES : Processus d’acculturation Nous pensons que, souvent les changements impliquent une rupture dans une situation géographiquement, historiquement donnée, par rapport à des idées précédemment reçues. Ces changements, pour qu’ils soient réellement acceptés, doivent, au moins, poursuivre des intérêts collectifs ou individuels, permettant ainsi, une adhésion collective et individuelle, et faire avancer ou modifier une situation, une attitude ou un comportement individuel ou collectif. La collectivité ou les individus, adhèrent à ces changements s’ils s’assurent que cela leur présente une avancée, une consolidation dans leur situation matérielle, préservant ainsi, intérêts, équilibre et avenir de l’individu ou de la collectivité. Ainsi, nous pensons que les migrants âgés, durant leur parcours, ont été amenés à modifier certaines de leurs idées, de leurs attitudes, face à différentes situations dans leur propre intérêt, ainsi que ceux de leurs enfants et leurs familles. Ils ont donc pu évoluer et changer d’attitude en fonction de différentes situations qui parfois, imposaient un changement, exigeaient une certaine prise de position telle que celle de la naturalisation de leurs enfants. C’est là qu’ils ont montré, en réalité, une capacité d’évolution et d’adaptation.

210 Rémi GALLOU, « Le vieillissement des immigrés », CNAV 2001, p.44

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En effet, l’ensemble de ces changements a toujours des conséquences sur l’identité qu’elle soit collective ou individuelle. L’ensemble de ces changements implique une modification de l’identité. Les changements ont été réalisés par nos sujets dans la continuité du vécu précédent, c’est-à-dire dans la continuité depuis l’arrivée en France. Ce changement a été réalisé à travers des étapes de ruptures successives, par rapport aux idées acquises précédemment. Nous tenons à souligner que ces changements et ruptures n’ont pas été forcément réalisés par tous les sujets mais par un nombre important de nos sujets, nous permettant de tracer « la tendance générale » de leur évolution. Cette évolution allait dans une direction précise, conduisait vers une nouvelle identité, différente de celle du départ. Nous pensons que là où il y a changement, il y a en aussi rupture. ETAPE DES RUPTURES

a) Première rupture, premier changement : Vivre en France devient une continuité logique Il y a changement lorsque les sujets, majoritairement, affirment que rester vivre définitivement en France est une continuité logique. C’est là qu’il y a rupture. Celle-ci consiste dans le fait de rompre avec le projet initial de retour définitif au pays d’origine

b) Deuxième rupture, deuxième changement : Acquisition de nouvelles valeurs, changement de mode de vie L’ouverture au monde extérieur social ou professionnel, l’interaction des sujets et la société française, a pour effet, entre autre, une ouverture, une réflexion, un plus grande conscientisation. L’ensemble de ces éléments a contribué à une acquisition progressive de nouvelles valeurs. A titre d’exemple : la liberté, la justice, l’égalité, les droits de l’homme (cité par nos sujets), l’adaptation et l’intégration de ces valeurs sont un changement important et constituent une rupture avec les valeurs anciennes et précédentes.

c) Troisième rupture, troisième changement : La naturalisation Lorsqu’il s’agissait de la naturalisation de nos sujets retraités, nous avions constaté qu’une majorité des sujets, tout particulièrement les marocains et les tunisiens avaient été naturalisés. Or chez les algériens, ce phénomène a été plus modéré, car ils étaient réticents ou réservés. Pour leurs enfants, ils ont adopté une autre attitude. Ils les ont encouragé et favorisé la

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naturalisation ou l’accès à la naturalisation de ceux-ci. Ont-ils compris que la « nationalité française » était une « clé » d’entrée ? Ce changement d’attitude représente une rupture avec la précédente idée, réservée ou réticente, concernant la nationalité française. C’est là aussi que réside le 3ème changement d’attitude chez nos sujets.

d) Quatrième changement : Français et « entre les deux » Au départ, dans leur majorité, nos sujets étaient, ou se sentaient étrangers, ayant un statut d’étranger en France. Aujourd’hui, nos sujets se définissent dans leur majorité, soit comme « français » et « entre les deux ». Le fait de ne plus se définir et se sentir comme étranger, est relativement nouveau, et constitue un changement aboutissant inévitablement vers une autre identité française et « entre les deux ». Cette dernière identité, qui peut paraître comme ambiguë, ou bien peu claire, ou pas suffisamment identifiée, constitue un cheminement important et va vers une identité nouvelle, qui prend ses racines en France. Ces personnes peuvent prétendre à une identité multiple. En effet, ces sujets se rapprochent beaucoup de l’identité française, s’identifie pour partie à elle, mais il est possible qu’ils ne peuvent pas aller plus loin de crainte, peut-être, de perdre leur identité d’origine à laquelle ils sont toujours très attachés.

2 – DE L’ADAPTATION AU CHANGEMENT Ce lent processus de changement, alterné par des ruptures progressives par rapport aux idées « anciennes » ou « idées reçues », signifie que nos sujets sont avant tout des êtres humains qui ont pu, progressivement, s’adapter à de nouveaux modes de vie. Durant ce processus d’adaptation et de changement, ils ont également, renoncé à des choses telles que le projet initial de retour au pays, renoncé également à des positions « nationalistes » en ce qui concerne les algériens par exemple, et s’ouvrir à d’autres valeurs possibles, dans leur intérêt propre, celui de leurs enfants et da leur famille. Nous pensons que ce processus s’approche de celui de l’acculturation dans le sens où nos sujets sont entrés en contact avec une nouvelle société (la France), différente par rapport à celle d’origine, et qu’ils ont pu assimiler pour partie, et ceci est important, de la culture et des valeurs de la société d’accueil. En effet, les quatre étapes (ruptures) que nous venons d’aborder correspondent relativement au concept de la « désorganisation » et de la « réorganisation » par rapport aux changements identitaires provoqués par la migration. La désorganisation est la résultante d’un changement

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qui est un stade provisoire, qui précède la réorganisation (W.THOMAS et F.ZNANIECKI, 1925) 211 Nous sommes, dans les faits, dans des périodes qui sont porteuses de l’évolution vers la société d’accueil. C’est là que se « concoctent les mutations qui permettent l’acculturation ». Car c’est dans « la période de réorganisation dans le pays d’accueil que se passe le métissage actif qui exige la construction d’une nouvelle identité » 212 Ce phénomène est décrit par W.THOMAS et F.ZNANIECKI, comme un processus positif. Cette réorganisation, selon les auteurs que nous venons de citer (école de Chicago), est la base de l’assimilation. Cette dernière serait une démarche individuelle, un processus psychologique, par lequel les immigrés peuvent s’émanciper de leur communauté d’origine, affirme aussi Anne Marie GAILLARD. 213

3 – IDENTITE, ENTRE L’ADAPTATION ET L’INTEGRATION Rémi GALLOU affirme : « progressivement l’immigration a été dépouillée de sa légitimité première (le travail) et de ses motivations initiales (le retour). Elle repose, désormais, essentiellement, sur une identité d’immigré, tant dans le pays d’accueil que dans le pays d’origine ».214 Il y a certes, le « là-bas », mais il y a aussi le « ici ». Certains sont attachés à la France, et cet aspect des choses est souvent ignoré.215 Nous allons constater que cette affirmation ne correspond pas à nos résultats et conclusions. Les différents changements que nous avons constatés précédemment ont agi sur l’attitude, le comportement voire sur l’identité des sujets. Mais comment situer ces changements dans le cadre plus global touchant à l’intégration, ou à l’assimilation. Comment pouvons-nous situer ces changements dans les différentes notions ou concepts qui, par ailleurs, ont beaucoup évolué depuis les années 80 et 90 ? De quelles notions relèvent ces changements que nous avons déjà répertoriés, de l’intégration ou de l’assimilation ? Selon Universalis, « le concept d’adaptation sociale va de pair avec celui d’intégration sociale ». L’adaptation insiste sur les changements chez l’individu, qui sont la condition de l’intégration, et c’est le cas de nos sujets.

211 Anne Marie GAILLARD, « Assimilation, insertion, intégration, adaptation », H. & Migration, 1997, p.120 212 Idem 213 Même référence, p.121 214 Rémi GALLOU, Le vieillissement des immigrés, CNAV 2001, p.38-41 215 Id.

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THOMAS et ZNANIECKI, ont observé l’éclatement de la famille traditionnelle polonaise en Allemagne et en Europe, puis en Amérique. « au cours de ce processus d’intégration, l’individu n’est plus fondu au sein de la famille élargie, il prend de l’importance pour lui-même et la famille se rétrécit, tendant à se rapprocher de la conception de la famille moderne contemporaine », note Alain COULON216 De nombreuses études en psychologie sociale ont porté sur ce phénomène d’adaptation. Il semble s’en dégager la théorie suivante : « Pour être accepté, l’individu doit partager, jusqu’à un certain point, les valeurs, opinions, et attitudes du groupe ». Cependant, « il faut que les opinions et les attitudes du groupe ne viennent pas contredire les opinions et attitudes auxquelles l’individu tient, parce qu’elles lui permettent de confirmer son appartenance à d’autres groupes »217. Il nous semble que ce concept correspond relativement à notre recherche ainsi qu’à nos résultats. Car nous avons cerné, durant notre étude, certains mécanismes que nos sujets ont pu connaître durant leur trajectoire d’adaptation. Le Haut Conseil à l’Intégration (HCI) a défini l’intégration non seulement comme une sorte de voie moyenne entre l’assimilation et l’insertion, mais comme un processus spécifique : « par ce processus, il s’agit de susciter la participation active à la société nationale, par des éléments variés et différents, tout en acceptant la subsistance des spécificités culturelles. Sociales et morales, en tenant pour vrai que l’ensemble s’enrichit de cette variété, de cette complexité. Sans nier les différences, en sachant les prendre en compte sans les exalter, c’est sur les ressemblances et les convergences, qu’une politique d’intégration met l’accent, à la fois dans l’égalité des droits et des obligations, de rendre solidaires les différentes composantes ethniques et culturelles de notre société, et de donner à chacun, quelle que soit son origine, la possibilité de vivre dans cette société dont il a accepté les règles et dont il devient un élément constituant ».218 C’est dans cette définition de l’intégration que nous nous retrouvons et qui corrrespond encore plus à nos résultats.

4 - CHANGEMENT, IDENTITE ET INTEGRATION Nous avons constaté un certain nombre de changements importants, qui ont marqué la trajectoire, ainsi que ceux touchant à l’identité. Nous avons donc à faire à deux dimensions interdépendantes : celle de l’adaptation et celle de l’intégration. Cette dernière, selon Abdelmalek SAYAD, consiste en « un processus dont on

216 Alain COULON école de Chicago, PUF, 4ème édition, 1992, p.28 217 UNIVERSALIS 218 HCI, « Pour un modèle français d’intégration », La Documentation Française 1991, cité in Immigration, Le Monde 1993, p.116-117

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ne peut parler qu’après coup, pour dire qu’il a réussi ou qu’il ait échoué ».219 Et il ajoute : « le discours sur l’intégration, qui est nécessairement un discours sur l’identité … ». 220 Nos sujets ayant atteint la fin de leur parcours et ont vécu des changements qui ont touché à leur identité, nous pensons que ces « concepts » ou « notions » touchant à l’adaptation et à l’intégration correspondent, plus ou moins relativement, à plusieurs de nos conclusions en la matière. Cependant, nos conclusions aboutissent à une correspondance et interaction avec le concept d’adaptation d’abord, et ensuite elle se corpore avec celui de l’intégration. C’est pour ces raisons que nous situons l’aboutissement de notre étude aux confins de ces deux concepts essentiellement. Nous pensons que l’étude que nous avons menée, si modeste soit-elle, ne démontre pas que nos sujets ont été assimilés dans leur majorité. En effet, ils se sont adaptés et ont pu s’intégrer économiquement, professionnellement, socialement et culturellement, tout en préservant leur identité d’origine comme une référence, mais pas comme référence ou repère unique, bien au contraire. Ils ont abouti durant leur longue trajectoire, à avoir une « identité multiple ». Celle-ci se résume comme une identité à plusieurs références et repère à la fois. Une identité « plus large ». Ils ne se sont pas effacés, ou dissous sur le plan de l’identité culturelle, mais celle d’origine a pu progressivement intégrer d’autres références, d’autres repères et enfin d’autres valeurs. Ils ne sont plus ce qu’ils étaient, c’est-à-dire ils ne sont plus étrangers ni français entièrement, ils sont « entre les deux » comme ils disent eux-mêmes. Cette situation confirme l’idée de SAMAOLI, selon laquelle « pendant longtemps, aussi, l’immigration avait rarement de prise sur la personnalité des immigrés, leurs conduites, leurs comportements, et leurs consommations, bref sur leurs façons d’être au quotidien ». Néanmoins, la sédentarisation des gens n’était souvent que de circonstance, pour ne pas dire de façade. Alors que dans l’intimité, étaient réinventées, actualisées régulièrement les habitudes d’être, de consommer, et de vivre tout court . 221 Leur identité actuelle, c’est l’œuvre de plusieurs décennies de vie en France. Une œuvre, probablement non encore achevée. Ils n’ont peut-être pas pu ou voulu aller plus loin. Nous pensons qu’ils ont refusé d’effacer leur histoire et identité d’origine. Mais leur œuvre véritable, c’est d’avoir établi des passerelles possibles entre leurs enfants et la société française, en jouant le rôle de facilitateur sans entraver la volonté de leurs enfants d’aller plus loin qu’eux dans l’intégration et souhaitent que leurs enfants gardent des traces de leur culture d’origine. En effet, parmi les conseils ou messages qu’ils ont voulu transmettre à leurs enfants, ce sont : la réussite dans les études et le travail, la solidarité, le respect des autres et la loi, sans oublier l’identité d’origine. Nous avons entendu répéter ces messages forts durant leurs entretiens. En conclusion, nos sujets ont fait de leur mieux pour s’adapter, s’intégrer en intégrant un grand nombre de valeurs de la société d’accueil qu’est la France. Etant à l’origine d’une autre

219 Abdelmalek SAYAD, H & Migration, n°1182, décembre 1994, p.8 220 Idem, p.19 221, Omar SAMAOLI, Directeur de l’OGMF (Observatoire Gérontologique des Migrations Françaises) Revue Santé et Migration, p.34-35

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culture, d’une autre identité culturelle, et d’une autre histoire, ils sont allés le plus loin possible dans leur intégration, sans jamais renoncer à leur histoire et leur identité personnelle. Nous pensons que cette « première génération » n’a pu aller plus loin compte tenu de leur situation personnelle, leur histoire et leur culture, mais en aucun cas, nous n’avons pu observer qu’ils ont empêché leurs enfants de s’assimiler. Ce qui compte le plus pour eux, essentiellement, c’est de garder les traces de leurs origines, et ne pas les effacer, car c’est, comme ils disent eux-mêmes, la Mémoire, on « ne crache pas sur ses origines, ni sur ses racines », bien au contraire, il faut en être « fier ». en un mot, nos sujets ont été intégrés mais pas dissous dans la société. Cependant, on peut toutefois, ajouter qu’ils ont été les propres acteurs de leur intégration dans des contextes difficiles où les aléas politiques ainsi que les différentes lois qui n’étaient pas toujours favorables à l’intégration ces trois dernières décennies. Juliette MINCE dit « la France aussi est un pays complexe qui rejette et récupère, exclut en même temps qu’elle intègre ». 222 Ainsi, notre étude, à très modeste échelle, a pu éclairer, ne serait-ce qu’une partie du sujet, car il faut mentionner qu’en région centre, à notre connaissance, il n’y a pas eu d’étude réalisée sur les retraités immigrés, à ce jour. Tout particulièrement la dimension de la dynamique des individus et de la transformation durant leur trajectoire. Comme nous l’avions dit au début de notre recherche, il y a un manque cruel en la matière. Si notre étude peut avoir une petite prétention, ce serait celle-ci :« Avoir produit une connaissance dans ce domaine, et défriché un terrain encore vierge dans la région centre, et en particulier en Indre et Loire ». Les quatre étapes (ruptures) que nous venons d’aborder, correspondent relativement au concept de « désorganisation et de réorganisation » par rapport aux changements d’identité identitaires provoqués par la migration. La désorganisation est la résultante d’un changement qui est un stade provisoire, et qui précède la réorganisation (W.THOMAS et F.ZNANIECKI, 1925). 223 Nous sommes, dans les faits, dans des périodes qui sont porteuses de l’évolution vers la société d’accueil. C’est là que « se concoctent les mutations qui permettent l’acculturation ».224 Car c’est « dans la période de « réorganisation » dans le pays d’accueil que se passe le métissage actif qui exige la construction d’une nouvelle identité » 225 Cette réorganisation, selon les auteurs que nous venons de citer, est la base de l’assimilation. Cette dernière serait une démarche individuelle, « un processus psychologique, par lequel les personnes peuvent s’émanciper de leur communauté d’origine », affirme aussi Anne Marie GAILLARD. 226

222 Juliette MINCE, « Les générations suivantes », in H& Migration, 1119, février 1989, p.69 223 Anne Marie GAILLARD, « Assimilation, insertion, intégration, adaptation », in H & Migration, septembre-octobre 1997, p.120 224 Idem, p.120 225 Idem, p.120 226 Idem, p 121

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Elle nous indique, également, que l’assimilation (selon l’école de Chicago), n’impliquerait pas de renonciation à des particularités ethniques ou religieuses, car ce qui importe, était alors, que les immigrants deviennent de « bons citoyens ». Il faut, toutefois, noter que la religion n’a pas été un obstacle à l’intégration, dans le sens où la « ferveur de la croyance dans l’affirmation religieuse traduit la foi des fidèles. Son partage, au sein d’une même communauté, permet à la fois de définir les frontières de celle-ci, les critères, d’appartenance qui s’y rapportent et les conduites qu’il est bien ou non d’adopter, eu égard à une perspective d’inclusion/exclusion »..227 Par contre, l’assimilation, affirme Anne Marie GAILLARD, correspondait très bien à la volonté politique française post coloniale, d’accepter des immigrants, à condition qu’ils se coulent complètement dans la matrice culturelle.228

5 - ASSIMILATION, INTEGRATION « Sous l’effet de l’immigration, un groupe social, d’abord organisé, - commence par se désorganiser - puis se réorganise ensuite, sans pour autant être totalement assimilé au groupe social d’accueil »

W.THOMAS et F.ZNANIECKI229

5-1 - ASSIMILATION ET INTEGRATION En France, le sens de l’évolution des termes comprenant le vocabulaire de l’adaptation des migrants dans leur pays d’accueil, fut très différent des acceptations américaines des mêmes termes. Tout aussi liés à l’histoire, ils furent plutôt porteurs d’une idéologie, que le résultat d’une réflexion scientifique (en tenant celle-ci pour indépendante du contexte idéologique) comme l’affirme A. COULON. Ainsi, le terme d’assimilation employé entre les deux guerres s’appliquait à la tentation de « francisation » des populations autochtones (par le biais de l’école, de l’armé, et d’autres institutions nationales). Assimilation, intégration ne sont pas des mots nouveaux dans le vocabulaire français « ils sont profondément liés à l’histoire de la colonisation et notamment à celle de l’Algérie française ». 230 Selon CAMILIERI et COHEN, la perception française de ce terme implique, contrairement à la perception américaine, la perte totale des caractéristiques sociales et ethniques qui

227 Geneviève VINSONNEAU, L’identité culturelle, édition Armand COLIN, 2002, p.146 228 Idem, p.124 229 A. COULON Ecole de Chicago, PUF, 4ème édition, 1992, p.28 230 C.CAMILIERI, M.COHEN, « le choc des cultures : concept et enjeux pratiques de l’interculturel », l’Harmattan, 1989, p.30

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rattachent un individu à sa culture d’origine : « le sujet ne se reconnaît plus comme adhérant à son ancien système culturel, ni come affilié au groupe défini par ce système ».231 THOMAS et ZNANIECKI ont observé l’éclatement de la famille traditionnelle polonaise en Allemagne et en Europe, puis en Amérique. « Au cours de ce processus d’intégration, l’individu n’est plus fondu au sein de la famille élargie, il prend de l’importance pour lui-même, et la famille se rétrécit, tendant à se rapprocher de la conception de la famille moderne contemporaine » 232 note Alain COULON. Ce changement culturel, selon TRHOMAS et ZNANIECKI, « est la marque d’une forme supérieure d’individualisation, qui va préfigurer de la capacité d’assimilation de l’individu à la société américaine »233. Nous avons constaté que durant le parcours des immigrés, il y a eu des changements importants (voir schéma n° 1), parmi lesquels figure le passage de la famille élargie vers celle de la famille nucléaire, ainsi que le passage de la décision collective et communautaire vers celle de la décision du couple et des enfants. Ces deux étapes marquent certainement l’individualisation dont parlent THOMAS et ZNANIECKI. Cette individualisation est arrivée au terme d’un long cheminement. Selon ces auteurs, elle marque la capacité d’assimilation de l’individu à la société. Ici, on peut constater le déclin des règles et normes sociales de la culture communautaire d’origine. C’es ce qu’appellent THOMAS et ZNANIECKI, « la désorganisation sociale ». Celle-ci se manifeste par un affaiblissement des valeurs collectives et par un accroissement et une valorisation des pratiques individuelles. 234 Selon THOMAS et ZNANIECKI, on peut trouver ce phénomène dans toutes les sociétés mais qui va s’amplifier lorsqu’une société connaît des changements rapides, économiques et industriels notamment. Car le « désir de succès se substitue à celui de la reconnaissance sociale »..235 Tout cela, entre autre, nous explique l’attitude, le désir de nos retraités d’encourager leurs enfants à prendre la nationalité française d’une part, et d’autre part leurs messages et conseils passés auprès de leurs enfants, insistant sur l’importance de la réussite dans les études et le travail. Donc, le désir de succès des sujets l’emporte sur la reconnaissance sociale de la communauté d’origine. C’est dans cette étape-là que « la réorganisation » se traduit pour eux, là où il y a une réorganisation d’attitude qui se poursuit. Cette attitude va, certes, à l’encontre des idées traditionnelles, car pour nos sujets, il ne s’agit, cependant, pas d’un retour en arrière, mais d’une conduite qui va leur permettre de s’adapter à leur nouvel univers.236

231 Idem, p.30 232 Alain COULON, l’école de Chicago, PUF, 4èm édition, 2004, p.28 233 Idem p.28 234 W.THOMAS et F.ZNANIECKI, école de Chicago, A.COULON, PUF, coll. Sue sais-je, 1992, 4ème édition 235 Idem, p.29 236 Idem, p.30

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Ainsi dans les messages et conseils passés à leurs enfants, la religion, la foi, l’origine, etc. n’occupent à peine que 12% des réponses. Alors que ce qui leur semble l’essentiel, ce sont les études et le travail, le respect des lois, qui l’emportent pour l’écrasante majorité. C’est là que résident le changement, l’adaptation, la rupture et l’intégration par rapport à la société d’accueil. C’est aussi là que réside le concept de désorganisation (rupture) et la réorganisation (projection dans l’avenir) chez nos sujets. C’est ce processus qui exige de « se défaire des liens anciens pour en créer de nouveaux, dans la mesure où l’adaptation n’est pas un simple mimétisme, mais plutôt un métissage actif qui exige une nouvelle identité ». 237 La notion d’assimilation, selon PARK (1914), une fois dans un processus d’assimilation, « les liens anciens sont défaits par ce même processus ». Les individus participent activement au fonctionnement de la société tout en conservant leurs particularités. 238 Nos sujets ont réalisé presque la totalité du parcours d’assimilation selon le concept de l’école de Chicago. La majorité de nos sujets, selon les concepts d’assimilation américains, ont été assimilés mais selon le concept français, ils ont été intégrés. Cette situation nous renvoie au concept d’intégration de Emile DURKHEIM, qui pensait que la société face aux différences individuelles, n’a pas une seule manière d’intégrer, mais deux ou bien les nier en imposant à chacun un uniforme, ou bien les exploiter en utilisant, à des fins sociales, sous formes d’aptitudes les particularités individuelles. La première forme d’intégration aboutit à la « solidarité mécanique », la seconde à la « solidarité organique ».239 Dans la première, l’individu finit par oublier son existence propre, dans la seconde, la société fait de « la différence socialement valorisée, la condition de sa propre unité ». La première (solidarité mécanique) n’est possible que dans la mesure où la personnalité individuelle est absorbée dans la personnalité collective. La seconde n’est possible que si chacun a une sphère d’action qui lui est propre, et par conséquent une personnalité. C’est ce qu’affirment R. ESTABLET et C. BAUDELOT, en disant que c’est « la diversité qualitatives des formes de ce besoin social qui prévaut ».240 Nous pensons que c’est cette forme d’intégration et ce besoin social qui tiennent compte des diversités (quelles que soient leur nature), qui permettent une meilleure harmonisation de la société où chacun peut se sentir (malgré sa différence) reconnu comme membre à part entière. C’est malheureusement ce que la société française et la république n’ont pas pu ou pas su faire durant plus d’un demi-siècle.

237 Idem, p.33 238 Idem, p.40 239 E. DURKHEIM, R. ESTABLET, C. BAUDELOT, « Le suicide », PUF 1984, p.112 240 Id. p.112

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CONCLUSION Conclure un travail comme celui-ci, conclure une problématique encore en friche, ne peut être qu’une conclusion d’attente ou provisoire. « On observe de plus en plus que, ni la retraite, ni la vieillesse ni encore une identité sociale dans l’immigration n’ont abouti à la fin conventionnellement attendue ou escomptée, de la présence des ces anciens travailleurs en France, c’est-à-dire leur retour massif dans leur pays d’origine »241.C’est compter sans le poids des années et leurs effets sur les individus, sans l’enracinement de ces derniers, sans les habitudes prises par les un et les autres au sein même de l’immigration. « Les travailleurs immigrés ont tous été profondément pénétrés par la vie en France » affirme O. SAMAOLI. 242 Ces propos ont été confirmés par notre enquête, et non par l’auteur lui-même. Nous partageons cette conclusion qui, par ailleurs, confirme pour partie celle de A. SAYAD : « non seulement il n’y aura probablement pas de retours massifs, mais l’immigration elle-même s’est installée définitivement dans un provisoire permanent ».243 Seulement, l’immigration s’est installée de façon permanente, et non pas dans un provisoire permanent, car depuis 1975, la société a beaucoup évolué, et les immigrés ont changé aussi. Malgré cela, « nous avons encore besoin de mieux cerner les conduites et les comportements des uns et des autres, les besoins et les aspirations des personnes, de saisir les identités individuelles, collectives, remodelées par l’immigration et les années passées en France ».244 En effet, l’évolution de l’immigration est due à plusieurs éléments : le contexte français, « la prédisposition des immigrés à l’évolution » (THOMAS et ZNANIECKI), à la perte de contrôle de plus en plus manifeste de la communauté d’origine sur les immigrés « Celle-ci n’avait plus aucune emprise sur leur destin » (O.SAMAOLI).245 Cependant, les immigrés ont acquis une nouvelle légitimité : la famille, les enfants, la nationalité française, au détriment de la « légitimité première » qui, par ailleurs, est dûe au travail (O.SAMAOLI, et A.SAYAD). Cette nouvelle légitimité repose sur la famille, l’intégration, la retraite bien méritée, la nouvelle identité, et non pas sur une « identité d’immigré » non légitime et non légitimée, selon A. SAYAD, et O.SAMAOLI. « il faut convenir que cette immigration a été dépouillée de son sens, de sa légitimité première, de ses motivations initiales, pour ne plus reposer que sur une identité d’immigré, non légitime tant en France que dans le pays d’origine ».246

241 O. SAMAOLI, « Considérations gérontologiques autour de l’immigration en France ». In « Gérontologie et société », n° 91, décembre 1999 242 Même référence 243 A. SAYAD « El ghorba, le mécanisme de reproduction », Actes de la Recherche n°2, p.50, 66, mars 1975 244 O. SAMAOLI, « Considérations gérontologiques autour de l’immigration en France ». In « Gérontologie et société », n° 91, décembre 1999, p.81 245 O. SAMAOLI, « Considérations gérontologiques autour de l’immigration en France » p.83, 85 246 Même référence, p.84

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Pour mieux comprendre et expliquer le vécu, la trajectoire des vieux immigrés maghrébins, nous avons cherché où résident les éléments de leur évolution. Celle-ci fut essentiellement déterminée par des choix et des décisions multiples, importants durant leur parcours : choix de faire venir leur famille, rester vivre en France, le choix de la naturalisation, etc. Nous avons aussi, constaté que leur évolution a, plus ou moins, suivi celle de la société française : changement de mode de vie, changement d’idées, leur entrée dans la modernité, leur positionnement vis-à-vis de leur société d’origine comme de celle du pays d’accueil. Leur religion ne fut jamais un obstacle réel à leur évolution et changement de mode de vie, des choix et décisions. L’intégration ne se décrète pas. Elle nécessite du temps, elle ne peut être mesurée que sur la durée. Car elle nécessite des conditions de prédisposition chez l’individu (satisfaction) et des conditions objectives dans l’environnement social et professionnel entre autre. C’est dans ces conditions que nos sujets, pour un grand nombre, ont pu faire des choix, pour avancer, tout en faisant des ruptures lentes et progressives, qui ont permis de véritables changements y compris dans leur propre identité. Cependant, si l’intégration a eu lieu, pour un bon nombre, ce ne fut pas le cas de tous. Ainsi, certains ont pu franchir le « cap » de l’intégration et d’autres sont restés imperméables au changement. Ils font un bilan négatif de leur immigration. Certes, ceux-là ne sont pas majoritaires, mais malgré tout, ils nous permettent d’entrevoir les raisons diverses qui ont empêché leur propre évolution, telles que l’origine et l’histoire nationale (le cas des algériens). Nous avons pu cerner, aussi, que la vie des immigrés n’était pas une accumulation accidentelle d’évènements isolés, et indépendants, mais plutôt comme les éléments d’un ensemble, cohérents, liés les uns aux autres, qui se conditionnent nécessairement et réciproquement dans une combinaison complexe soumise à un processus non moins complexe. Les éléments subjectifs internes à chaque immigré ont été favorablement positif à ce processus, aboutissant à un changement essentiel dans leur mode de vie, leurs choix et enfin leur identité personnelle.car, comme le dit O.SAMAOLI, à juste titre, « l’absence de référence, souvent, de connaissance de l’identité profonde des immigrés dans leur diversité, rendent parfois malaisés, sinon impossible des actes de soins, des démarches de communication, des entreprises de soutien ou d’accompagnement, malgré la bienveillance et la réelle générosité des acteurs ». Nous pensons que notre travail peut contribuer ainsi, à une meilleure connaissance des retraités immigrés, mais aussi à une meilleure communication avec eux, au-delà des questions des actes de soin.247 L’évènement d’un tel changement a eu, aussi, pour résultat des ruptures successives avec les idées acquises précédemment, et l’acquisition de nouvelles idées, de nouvelles valeurs, voire une identité différente de celle qu’ils avaient à leur arrivée en France. Cet ensemble complexe explique, au moins pour partie, l’évolution et le changement qu’ont vécu les immigrés, que les chercheurs n’ont pas, à nos yeux, pu cerner et comprendre, qui peut expliquer les raisons profondes de leur non retour au pays et surtout les raisons pour lesquelles ils sont restés en France et, par ailleurs, incitent leurs enfants à s’enraciner davantage. 247 O.SAMAOLI « Considérations gérontologiques autour de l’immigration », Gérontologie et société, n°91, décembre 1999, p.88

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Nous avons pu cerner les changements qu’ont vécu les vieux immigrés maghrébins, d’en mesurer l’ampleur et de les situer dans leur contexte historique. Ces changements sont liés à une série de transformations sociales survenues en France aux années 60, 70 et 80, qui ont marqué la « mentalité » des français et aussi des immigrés ainsi que leur cadre de pensée, c’est-à-dire la structure interne de la personne dont nous avons pu constater non seulement le recul des idées héritées de l’ancien système et le peu de place que celles-ci occupent actuellement en tant que valeur essentielle, telle que la religion. En effet, leur attitude et comportement ont été modifiés en profondeur et de façon très individuelle. Ils ont acquis « une autre façon » de vivre et de penser la vie. A titre d’exemple, si la religion qui autrefois occupait toutes les sphères de la vie sociale, aujourd’hui, chez ces personnes, elle occupe une sphère isolée par rapport aux autres actes existants du quotidien. Elle ne régit plus les gestes de la vie existante. Compte tenu des changements profonds qu’ont pu vivre ces personnes, ces immigrés ne sont plus des immigrés. L’appellation « immigré » est, à nos yeux, dépassée et ne correspond plus à ce qu’ils sont devenus aujourd’hui. Nous proposons d’appeler ces personnes « des citoyens français » d’origine immigrée. Pour confirmer cette étude, ultérieurement, il s’agirait de la reproduire sur un échantillon beaucoup plus important numériquement, afin de confirmer le modèle de changement que nous avons proposé au dernier chapitre. D’autre part, une autre étude pourrait la compléter en ce qui concerne les jeunes issus de la première génération(nouveaux jeunes français), pour s’assurer de leur façon de se définir et de voir de près s’ils s’enracinent définitivement en France, et choisir d’être inhumés dans notre pays (ce serait l’un des exemples qui donnerait un sens profond, non seulement à l’identité mais aussi un réel enracinement futur en France. Cette situation confirme l’idée que la vie est une des démonstrations que toute réalité est mouvement. Comme le dit IBN KHALDOUN, dans les « Prolégomènes », « la vie ne peut être qu’évolution, la négation du développement vital est la négation de la vie ».248

248 YVES LACOSTE, « IBN KHALDOUN », édition La Découverte, 1985, p. 203 et 204. IBN KHALDOUN est l’auteur, au XIV siècle, d’une œuvre monumentale (14 volumes), où il fait une analyse scientifique des conditions économiques, sociales, et politiques de l’Afrique du nord médiévale.

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure 1 : répartition des populations interrogées, par groupe d’âge actuel et par nationalité 41

Figure 2 : répartition de la population selon le groupe d’âge actuel ........................................ 42 Figure 3 : répartition de la population selon la scolarisation et le statut matrimonial ............. 43

Figure 4 : Adaptation ................................................................................................................ 53

Figure 5 : adaptation selon la nationalité à l’arrivée ................................................................ 54 Figure 6 : difficultés à l’arrivée ................................................................................................ 55

Figure 7 : difficultés : répartition de la population selon la nationalité d’arrivée .................... 55

Figure 8 : Venue de la famille .................................................................................................. 57

Figure 9: choix de faire venir sa famille .................................................................................. 58 Figure 10 : satisfaction de la venue de la famille, répartition selon la nationalité à l’arrivée .. 58

Figure 11 : satisfaction de la venue de la famille ..................................................................... 59 Figure 12: Choix de faire venir sa famille selon la nationalité à l’arrivée ............................... 60 Figure 13 : la famille représente le choix logique de rester vivre en France : répartition par nationalités à l’arrivée .............................................................................................................. 66

Figure 14 – Choix logique de rester en France ........................................................................ 80 Figure 15 – Choix logique de reste en France : répartition par nationalité .............................. 80

Figure 16 : vivre en France a-t-il changé des habitudes de vie ? ............................................. 90 Figure 17 : Avez-vous songé à vous faire naturaliser ? ......................................................... 102 Figure 18 : sentiment d’appartenance pour la nationalité d’arrivée algérienne ..................... 111

Figure 19 : sentiment d’appartenance pour la nationalité d’arrivée marocaine ..................... 112

Figure 20 : appartenance pour la nationalité tunisienne ......................................................... 112 Figure 21 : sentiment d’appartenance global ......................................................................... 117 Figure 22 : appartenance « entre les deux » selon la nationalité ............................................ 120 Figure 23 : appartenance « français » selon la nationalité d’arrivée ...................................... 121 Figure 24 : Pensez-vous que la France vous doit quelque chose ? ........................................ 134 Figure 25 : Avez-vous le sentiment que la France vous doit quelque chose ?répartition par nationalité …………………………………………………………………………………..134 Figure 26 : Avez-vous le sentiment de devoir quelque chose à la France ? ………………..136 Figure 27 : Logement au pays/logement en France ………………………………………..141 Figure 28 : Lieu d’inhumation …………………………………………………………….150 Figure 29 : Avez-vous le sentiment que votre immigration a servi ? ……………………..159 Figure 30 : Avez-vous le sentiment que votre immigration a servi ? Répartition par nationalité actuelle ……………………………………………………………………………………...160 Figure 31 : Avez-vous le sentiment que votre immigration a servi ? Répartition par groupe d’âge à l’arrivée …………………………………………………………………………….161 Figure 32 : Avez-vous le sentiment que votre immigration a servi ? Répartition par groupe d’âge actuel …………………………………………………………………………………162 Figure 33 : Avez-vous le sentiment que votre immigration a servi ? ……………………..163 Figure 34 : répartition globale des réponses concernant les projets réalisés ………………166

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Figure 35 : répartition des réponses concernant les projets réalisés selon la nationalité à l’arrivée ……………………………………………………………………………………..169 Figure 36 : répartition des réponses concernant les projets réalisés selon la nationalité actuelle ………………………………………………………………………………………………169 Figure 37 : répartition des réponses concernant les projets réalisés selon le niveau scolaire ………………………………………………………………………………………………170 Figure 38 : La promotion professionnelle des enfants …………………………………….178 Figure 39 : répartition des enfants des retraités, par catégorie professionnelle correspondant aux métiers exercés …………………………………………………………………………180 Figure 40 : êtes-vous satisfait du montant de votre retraite ? ……………………………..186 Figure 41 : Souhaitez-vous que vos enfants fassent le même parcours que vous ? ………..189 Figure 42 : Quel(s) message(s) souhaitez-vous transmettre à vos enfants et petits enfants ? ……………………………………………………………………………………………….192

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231

UNIVERSITÉ FRANÇOIS - RABELAIS

DE TOURS

ÉCOLE DOCTORALE : Santé, Sciences, Technologie

Equipe de recherche :

Laboratoire EA2114 de Psychologie des âges de la vi e

THÈSE présentée par :

Imad SALEH

soutenue le : 7 octbre 2008

pour obtenir le grade de : Docteur de l’université François - Rabelais

Discipline/ Spécialité : Psychologie

La trajectoire d’intégration des retraités maghrébins en région centre : Indre et Loire

Rupture, changement, intégration ANNEXE

THÈSE dirigée par : Daniel ALAPHILIPPE Professeur, université François - Rabelais

RAPPORTEURS :

Geneviève VINSONNEAU Maître de conférences, université Paris V René Descartes Nicolas ROUSSIAU Maître de conférences, université de Nantes

JURY : Roger FONTAINE Professeur, université François Rabelais, Tours

Geneviève VINSONNEAU Maître de conférences, université Paris V René Descartes Nicolas ROUSSIAU Maître de conférences, université de Nantes

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1. Tableau « Des goûts et des couleurs » par G.MAUCO

2. Tableaux

3. Questionnaire

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TABLEAUX Tableau n°1 : Répartition des retraités interrogés selon la nationalité et l’année d’arrivée.

Avant 1959 1960-1969 1970 et plus

Effectif % Effectif % Effectif %

Français 6 50 5 19,23 1 8,33

Algériens 5 41,67 12 46,15 1 8,33

Marocains 1 8,33 4 15,38 10 83,33

Tunisiens 0 0 5 19,23 0 0

TOTAL 12 24% 26 52% 12 24%

Tableau n°2 : Répartition par groupe d’âge et par nationalité d’arrivée :

Effectif %

Moins de 59 ans 6 12

60 à 70 ans 32 64

71 ans et plus 12 24

Tableau n°3 : Scolarisation selon le statut marital :

Célibataire Mariés Effectif % Effectif %

Scolarisés 18 62,07 6 28,57 Non scolarisés 11 37,93 15 71,43

TOTAL 29 100% 21 %

Tableau n°4 : Langue française et langue maternelle

Langue française Langue arabe

OUI % OUI % Lecture 16 32% Lecture 20 40% Ecriture 15 30% Ecriture 18 36%

Expression orale 31 62% Expression orale 48 96%

Tableau n°5 : Formation professionnelle au pays, en France et cours alpha.

Effectif % pop Effectif % pop Oui 6 12% 12 24% Non 44 88% 38 76%

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Tableau - 6 : la nationalité à l'arrivée en France, le nombre d’années de vie en France et l’âge moyen actuel.

Française 12 48,17 ans

Algérienne 18 44 ans Marocaine 15 37,8 ans Tunisienne 5 42 ans

TOTAL 50 43,10 ans

Tableau n°7 : Répartition des retraités interrogés selon la nationalité actuelle.

Effectif % Français 24 48 Algériens 19 38 Marocains 7 14 Tunisiens 0 0% TOTAL 50 100%

Tableau n°8 : Durée moyenne de retraite par nationalité d’arrivée

Français 8,58 Algériens 6,89 Marocains 2,93 Tunisiens 2,8

Tableau n°9 : Répartition du niveau scolaire selon la nationalité à l’arrivée

Primaire Secondaire Bac + Non scolarisés Effectif % Effectif % Effectif % Effectif % Total Français 6 50,00% 2 16 ;67% 0 0,00% 4 33,33% 12 Algériens 6 33,33% 1 5,56% 0 0n00% 11 61,11% 18 Marocains 3 20,00% 3 20,00% 1 6,66% 8 53,33% 15 Tunisiens 2 40,00% 0 0,00% 0 0,00% 3 60,00% 5 Total 17 34,00% 6 12,00% 1 2,00% 26 52,00% 50

Tableau n°10 : Choix de faire venir sa famille

Effectif %

Oui 30 60 Non 13 26

Ne répondent pas 7 14 TOTAL 50 100

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Tableau n°11 : Répartition de l’adaptation selon la nationalité à l’arrivée :

Facilement TOTAL Effectif %

Français 11 91,67 12 Algériens 14 77,78 18 Marocains 10 66,67 15 Tunisiens 5 100 5 TOTAL 40 80 50

Tableau n°12 : Difficultés à l’arrivée :

Effectif % Oui 20 40 Non 27 54

Ne répondent pas 3 6 TOTAL 50 100

Tableau n°13 : Difficultés : répartition selon la nationalité d’arrivée

Oui Non Ne répondent pas TOTAL Effectif % Effectif % Effectif %

Français 5 41,67 6 50 1 8,33 12 Algériens 5 27,78 11 61,11 2 11,11 18 Marocains 8 53,33 7 46,67 0 0 15 Tunisiens 2 40 3 60 0 0 5 TOTAL 20 40 27 54 3 6 50

Tableau n°14 : Venue de la famille

Effectif %

Oui 30 60

Non 13 26

Ne répondent pas 7 14

TOTAL 50 100

Tableau n°15- : Venue de la famille, répartition par nationalité :

Oui Non Ne répondent pas TOTAL

Effectif % Effectif % Effectif %

Français 3 25 6 50 3 25 12

Algériens 9 50 6 33,33 3 16,67 18

Marocains 13 86,66 1 6,67 1 6,67 15

Tunisiens 5 100 0 0 0 0 5

TOTAL 30 60 13 26 7 14 50

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Tableau n°16 : Satisfaction de la venue de la famille :

Effectif % Oui 39 78 Non 2 4

Ne répondent pas 9 18 TOTAL 50 100

Tableau n°17 : Satisfaction de la venue de la famille

Oui Non Ne répondent pas Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL

Français 9 75 1 8,33 2 16,67 12 Algériens 12 66,67 1 5,55 5 27,78 18 Marocains 13 86,67 0 0 2 13,33 15 Tunisiens 5 100 0 0 0 0 5 TOTAL 39 78 2 4 9 18 50

Tableau n°18 : choix de faire venir sa famille

Oui Non Ne répondent pas

Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL

Français 3 25 6 50 3 25 12

Algériens 9 50 6 33,33 3 16,67 18

Marocains 13 86,66 1 6,67 1 6,67 15

Tunisiens 5 100 0 0 0 0 5

TOTAL 30 60 12 26 7 14 50

Tableau n°19 : Pourquoi avoir choisi de rester vivre en France ? »

Effectif % Pour la famille 33 46,48

Absence de famille au pays 2 2,82 Pour la qualité de vie 14 19,72

Pour la santé 5 7,04 Pour d'autres raisons 17 23,94

TOTAL 71 100

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Tableau n°20 : Les motifs de rester vivre en France : répartition par nationalité à l’arrivée :

Pour la famille Absence de famille pays

Pour la qualité de vie

Pour la santé Autres raisons

Effectif % Effectif % Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL réponses

%

Français 6 40 0 0 2 13,33 2 13,33 5 33,34 15 100

Algériens 10 34,48 0 0 8 27,59 1 3,45 10 34,48 29 100

Marocains 12 75 0 0 2 12,5 1 6,25 1 6,25 16 100

Tunisiens 5 45,46 2 18,18 2 18,18 1 9,09 1 9,09 11 100

TOTAL 33 46,48 2 2,82 14 19,72 5 7,04 17 23,94 71 100

Tableau n°21 : Le choix de rester vivre en France vous semble t ‘il être logique ?

Effectif % Oui 42 84 Non 5 10

Ne répondent pas 3 6 TOTAL 50 100

Tableau n°22 : Choix logique de rester vivre en France : répartition par nationalité :

Oui Non Ne répondent pas TOTAL

Effectif % Effectif % Effectif %

Français 8 66,67 3 25 1 8,33 12

Algériens 14 77,78 2 11,11 2 11,11 18

Marocains 15 100 0 0 0 0 15

Tunisiens 5 100 0 0 5 0 5

TOTAL 42 84 10 10 8 6 50

Tableau n°23 : Retour définitif Non définitif au pays

Effectif % Pour les vacances 22 44

Contre un retour définitif 6 12 Favorables à un retour définitif 3 6

Ne savent pas 8 16 Ne répondent pas 11 22

TOTAL 50 100

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Tableau n°24 : Retour définitif Non définitif au pays : répartition par nationalité à l’arrivée :

Pour les vacances

Contre un retour définitif

Favorables à un retour définitif

Ne savent pas Ne répondent pas

Effectif % Effectif % Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL Français 3 25 2 16,67 1 8,33 2 16,67 4 33,33 12 Algériens 7 38,89 3 16,67 1 5,55 3 16,67 4 22,22 18 Marocains 9 60 1 6,67 0 0 3 20 2 13,33 15 Tunisiens 3 60 0 0 1 20 0 0 1 20 5 TOTAL 22 44 6 12 3 6 8 16 11 22 50

Tableau – 25 : Avez-vous pensé à vous faire naturaliser, selon la nationalité à l’arrivée ?

Oui Non Effectif % Effectif % TOTAL

Français 5 41,67 7 58,33 12 Algériens 6 33,33 12 66,67 18 Marocains 12 80 3 20 15 Tunisiens 5 100 0 0 5 TOTAL 28 56 22 44 50

Tableau – 26 : Logement au pays / Logement en France

Logement au pays Logement en France Effectif % Effectif %

Non Réponse 2 4,17 0 0 Oui 35 72,92 11 22,92 Non 11 22,92 37 77,08

Tableau n°27 : Avez-vous le sentiment que la France vous doit quelque chose : répartition par nationalité à l’arrivée

Oui Non Autre Ne répondent pas Effectif % Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL

Français 8 66,67 3 25 1 8,33 0 0 12 Algériens 11 61,11 5 27,77 1 5,56 1 5,56 18 Marocains 10 66,67 1 6,67 2 13,33 2 13,33 15 Tunisiens 1 20 4 80 0 0 0 0 5 TOTAL 30 60 26 4 8 3 6 50

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Tableau n°28 : Avez vous le sentiment de devoir quelque chose à la France?

Effectif % Oui 5 10 Non 33 66 Autre 1 2 Ne répondent pas 11 22 TOTAL 50 100 Tableau n°29 : Avez-vous le sentiment de devoir quelque chose à la France, selon la nationalité à l’arrivée?

Oui Non Autre Ne répondent pas Effectif % Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL

Français 1 8,33 10 83,34 0 0 1 8,33 12 Algériens 2 11,11 13 72,22 0 0 3 16,67 18 Marocains 1 6,67 6 40 1 6,66 7 46,67 15 Tunisiens 1 20 4 80 0 0 0 0 5 TOTAL 5 10 33 66 1 2 11 22 50

Tableau n°30 : Répartition de la population selon l'attitude face à la naturalisation des enfants

Effectif % Favorables 31 62

Déjà Français 12 24 Non Réponse 7 14

TOTAL 50 100 Tableau – 31 : Attitude des retraités face à la naturalisation de leurs enfants : Répartition des réponses selon la nationalité actuelle

Favorables Déjà français Non réponse Effectif % Effectif % Effectif % Total

Français 13 54,17 7 29,17 4 16,67 24 Algériens 12 63,16 4 21,05 3 15,79 19 Marocains 6 85,71 1 14,29 0 0 7

Total 31 62 12 24 7 14 50

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Tableau n°32 : Attitude des retraités face à la naturalisation de leurs enfants : Répartition des réponses par groupe d’âge actuel

Favorables Déjà français Non Réponse Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL

Groupe 1 5 83,33% 0 0% 1 16,67% 6 Groupe 2 18 56,25% 10 31,25% 4 12,50% 32 Groupe 3 8 66,66% 2 16,67% 2 16,67% 12 TOTAL 31 62% 12 24% 7 14 50 Tableau n°33 : Répartition des réponses des sujets interrogés concernant la naturalisation de leurs enfants, selon le groupe d’arrivée

Favorable Déjà Français Non Réponse Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL

Groupe 1 8 66,67% 3 25% 1 8,33% 12 Groupe 2 13 50% 8 30,77% 5 19,23% 26 Groupe 3 10 83,34% 1 8,33% 1 8,33% 12 TOTAL 31 62% 12 24% 7 14% 50

Tableau n°34 : Répartition des réponses des sujets interrogés concernant la naturalisation de leurs enfants, selon la nationalité d’arrivée

Favorables Déjà français Non réponse Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL

Français 5 41,67% 5 41,67% 2 16,66% 12 Algériens 12 66,66% 3 16,67% 3 16,67% 18 Marocains 12 80% 2 13,33% 1 6,67% 15 Tunisiens 2 40% 2 40% 1 20% 5 TOTAL 31 62% 12 24% 7 14% 50

Tableau n°35 : Lieux d’inhumation

Effectif % Non réponse 2 4 En France 2 4

Au pays d'origine 39 78 Autre 7 14

Tableau n°36 : Avez-vous le sentiment que votre immigration a servi

Effectif % Oui 40 80 Non 9 18

Ne répondent pas 1 2 TOTAL 50 100

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Tableau n°37 : Avez-vous le sentiment que votre immigration a servi

Oui Non Ne répondent pas Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL

Français 10 83,33 2 16,67 0 0 12 Algériens 12 66,67 5 27,78 1 5,55 18 Marocains 13 86,67 2 13,33 0 0 15 Tunisiens 5 100 0 0 0 0 5 TOTAL 40 80 9 18 1 2 50 Tableau n°38 : Avez vous le sentiment que votre immigration a servie?

Oui Non Non Réponse Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL

Français 20 83,33% 4 16,67% 0 0% 24 Algériens 13 68,42% 5 26,31% 1 5,27% 19 Marocains 7 100% 0 0% 0 0% 7 TOTAL 40 80% 9 18% 1 2% 50 Tableau n°39 : Avez-vous le sentiment que votre immigration a servi ? Répartition par groupe d'âge à l'arrivée

Oui Non Non Réponse Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL

Groupe 1 16 84,21% 2 10,53% 1 5,26% 19 Groupe 2 13 86,67% 2 13,33% 0 0% 15 Groupe 3 11 68,75% 5 31,25% 0 0% 16 TOTAL 40 80% 9 18% 1 2% 50

Tableau n°40 : Avez vous le sentiment que votre immigration a servie? : Répartition par groupe d'âge actuel

Oui Non Non Réponse Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL

Groupe 1 5 83,33% 1 16,67% 0 0,00% 6 Groupe 2 26 81,25% 5 15,62% 1 3,13% 32 Groupe 3 9 75,00% 3 25,00% 0 0% 12 TOTAL 40 80% 9 18% 1 2% 50

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Tableau n°41 : Répartition des réponses concernant les projets réalisés selon la nationalité à l'arrivée Thème A Thème B

Effectif % Effectif % TOTAL Français 8 80,00% 2 20,00% 10 Algériens 9 69,23% 4 30,77% 13 Marocains 12 85,71% 2 14,29% 14 Tunisiens 4 100,00% 0 0,00% 4 TOTAL 33 80,49% 8 19,51% 41 Tableau n°42 : Répartition des réponses concernant les projets réalisés selon la nationalité actuelle

Thème A Thème B Effectif % Effectif % TOTAL

Français 19 79,17% 5 20,83% 24 Algériens 8 72,72% 3 27,28% 11 Marocains 6 100,00% 0 0,00% 6 TOTAL 33 80,49% 8 19,51% 41 Tableau –n°43 : Répartition des réponses concernant les projets réalisés selon le groupe d'âge à l'arrivée

Thème A Thème B Effectif % Effectif % TOTAL

Groupe 1 6 75,00% 2 25,00% 8 Groupe 2 18 85,71% 3 14,29% 21 Groupe 3 9 75,00% 3 25,00% 12 TOTAL 33 80,49% 8 19,51% 41 Tableau n°44 : Répartition des réponses concernant les projets réalisés selon le groupe d'âge actuel

Thème A Thème B Effectif % Effectif % TOTAL

Groupe 1 5 83,33% 1 16,67% 6 Groupe 2 22 81,48% 5 18,52% 27 Groupe 3 6 75,00% 2 25,00% 8 TOTAL 33 80,49% 8 19,51% 41

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Tableau n°45 : Répartition des réponses concernant les projets réalisés selon le niveau scolaire Thème A Thème B

Effectif % Effectif % TOTAL Primaire 10 90,90% 1 9,10% 11 Secondaire 6 100,00% 0 0,00% 6 Bac + 1 100,00% 0 0,00% 1 Non Scolarisé 16 69,57% 7 30,43% 23 TOTAL 33 80,41% 8 19,51% 41 Tableau n°46 : Scolarisation selon le statut matrimonial

Célibataire Mariés Effectif % Effectif %

Scolarisés 18 62,07 6 28,57 Non scolarisés 11 37,93 15 71,43

Tableau n°47 : Définition de l’identité selon la nationalité à l’arrivée Français Entre les deux Etrangers Total Français 4 (33,33%) 2 (16,67%) 6 (50%) 12 Algériens 1 (5,56%) 6 (33,33%) 11 (61,11%) 18 Marocains 3 (20%) 7 (46,67%) 5 (33,33%) 15 Tunisiens 1 (20%) 3 (60%) 1 (20%) 5 Total 9 18 23 50 18% 36% 46% 100% Tableau n°48 : Définition de l’identité selon la nationalité à l’arrivée Français + Entre les deux Etrangers Total Français 6 (50%) 6 (50%) 12 Algériens 7 (38,89%) 11 (61,11%) 18 Marocains 10 (66,67%) 5 (33,33%) 15 Tunisiens 4 (80%) 1 (20%) 5 Total 27 23 50 54% 46% 100%

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Tableau n°49 : Définition de l’identité selon la nationalité actuelle Français Entre les deux Etrangers Total Français 6 (25%) 9 (37,5%) 9 (37,5%) 24 (100%) Algériens 2 (10,53%) 6 (31,58%) 11 (57,89%) 19 (100%) Marocains 1 (14,28%) 3 (42,85%) 3 (42,86) 7 (100%) Total 9 (18%) 18 (36%) 23 (46%) 50 (100%) Tableau n°50 : Définition de l’identité selon la nationalité actuelle Français + Entre les deux Etrangers Total Français 15 9 24 Algériens 8 11 19 Marocains 4 3 7 Total 27 23 50 54% 46% 100% Tableau n°51 : Vivre en France a t'il changé des habitudes de vie ?

Effectif %

Oui 27 54 Non 18 36

Ne répondent pas 5 10 TOTAL 50 100

Tableau n°51 bis : Répartition des réponses "Changement de vie" selon la nationalité à l'arrivée

Oui Non Ne répondent pas Effectif % Effectif % Effectif % TOTAL

Français 4 33,33 7 58,33 1 8,34 12 Algériens 12 66,66% 3 16,66 3 16,66 18 Marocains 8 53,33 6 40 1 6,67 15 Tunisiens 3 60 2 40 0 0 5 TOTAL 27 54 18 36 5 10 50

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Tableau n°52: Etes vous satisfait du montant de votre retraite ? :

Effectif % Oui 14 28% Non 33 66% Non réponse 3 6% TOTAL 50 100% Tableau n°53 : Etes vous satisfait du montant de votre retraite ? Répartition selon la nationalité actuelle

Oui Non Non réponse Total Français 9 (64,28%) 13 (39,40%) 2 (66,67%) 24 Algériens 5 (35,72%) 14(42,42%) 0 12 Marocains 0 6 (18,18%) 1(33,33%) 7 TOTAL 14(100%) 33 (100%) 3 (100%) 50

Tableau n°54 : Etes vous satisfait du montant de votre retraite? Répartition par nationalité actuelle

Oui Non Non réponse TOTAL Français 9 (37,5%) 13 (54,16%) 2 (8,34%) 24 (100%) Algériens 5 (26,32%) 14 (73,69%) 0 19 (100%) Marocains 0 6 (85,71%) 1 (14,29%) 7 (100%)

Total 14 33 3 50 28% 66% 6% 100%

Tableau n°55 : Souhaitez-vous que vos enfants fassent le même parcours que vous ?

Effectif % Oui 9 18% Non 37 74%

Non réponse 4 8% TOTAL 50 100%

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Tableau n° 56 : Souhaitez-vous que vos enfants fassent le même parcours que vous ? : Répartition selon la nationalité actuelle

Oui Non Non réponse TOTAL Français 2 (8,33%) 21(87,5%) 1 (4,17%) 24 (100%) Algériens 7(36,84%) 10 (52,63%) 2 (10,53%) 19 (100%) Marocains 0 6 (85,71%) 1 (14,29%) 7 (100%)

Tableau n° 57 : Quels messages pour les enfants :

Effectif % Thème A 26 44,83% Thème B 25 43,10% Thème C 7 12,07% TOTAL 58 100%

Tableau n°58 : Vivre en France vous a-t-il apporté des idées nouvelles

Effectif % Oui 24 48 Non 20 40 Ne répondent pas 6 12 TOTAL 50 100 Tableau n°59 : Vivre en France à t'il apporté des idées nouvelles? Répartition par nationalité à l'arrivée

Oui Non Ne répondent pas TOTAL % Effectif % Effectif % Effectif %

Français 4 36,5% 7 63,5% 1 12 Algériens 9 64,29% 5 35,71% 4 18 Marocains 8 57,15% 6 42,85% 1 15 Tunisiens 3 60 2 40% 0 5 TOTAL 24 54,54% 20 40% 6 44 100%

(Nous n’avons pas tenu compte des non réponses dans ces pourcentages)

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Tableau n°60 : Répartition des réponses concernant l’attitude face à la naturalisation des enfants selon le niveau scolaire

Favorables Déjà français Ne répondent pas TOTAL Effectif % Effectif % Effectif %

Primaire 9 52,94% 3 17,64% 5 29,42 17 Secondaire 3 50% 2 33,33% 1 16,67% 6

Bac + 1 100% 0 0% 0 0% 1 Non scolarisé 18 69,23% 7 26,92% 1 3,85% 26

Total 31 62% 12 24% 7 14% 50 Tableau n°61 : Les choses qui ont marqués le plus nos sujets à leur arrivée en France selon la nationalité à l’arrivée

Dimension

sociale

% Condition

de vie

%

Valeurs de la

République

%

Total /100%

%

Français 4 57,15% 0 3 42,85% 7 22,58% Algériens 4 44,44% 4 44,45% 1 11,11% 9 29,03% Marocains 4 36,36% 2 18,18% 5 45,45% 11 35,48% Tunisiens 2 50% 1 25% 1 25% 4 12,91% TOTAL 14 7 10 31 100%

Tableau n°62 : Les choses qui ont marqués le plus nos sujets à leur arrivée en France selon la nationalité actuelle

Dimension

sociale Condition de

vie Valeurs de la République

Total %

Français 6 4 8 18 58,06% Algériens 6 2 1 9 29,04% Marocains 2 1 1 4 12,90% TOTAL 14 7 10 31 100%

Tableau n°63 : Les choses qui ont marqués le plus nos sujets à leur arrivée en France selon leur sentiment d’appartenance

Dimension

sociale Condition de

vie Valeurs de la République

Total %

Etranger 4 2 4 10 32,26% Entre les 2 8 3 4 15 48,38% 67,74% Français 2 2 2 6 19,36% TOTAL 14 7 10 31

% 45,16 22,58 32,26

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QUESTIONNAIRE D’ENQUÊTE

1) Depuis combien de temps vivez-vous en France (l’ année de votre arrivée) ? * * 2) Quel âge aviez-vous ? * 3) Nationalité Actuelle : Précédente : 4) Etiez-vous célibataire Oui � non � Marié Oui � non � Si oui, aviez-vous des enfants Oui � non � Combien ? * * 5) Etiez-vous venu

• Seul � • Avec votre famille � • Avec des amis �

6) Au pays d’origine avez-vous été à l’école ? Oui � non � Primaire � Secondaire � Université � Combien d’années ? * * Saviez-vous lire, écrire et parler le Français Oui � non � écrit : Oui � non � parlé : Oui � non � L’Arabe Oui � non � écrit : Oui � non � parlé : Oui � non � Autre Oui � non � écrit : Oui � non � parlé : Oui � non � 7) Aviez-vous suivi une formation professionnelle a vant de venir en France ? Oui � non � Si oui, laquelle ? durée : * 8) Avez-vous suivi une formation professionnelle en France ? Oui � non �

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Si oui laquelle ? * * * Autre : cours d’alphabétisation Oui � non � Combien de temps ? Sinon, pourquoi ? * * * * * * 9) Quelles sont les choses qui vous ont marqué le p lus en France après votre arrivée ? et quel effet cela a eu sur vous ? * * * * * * 10) Durant les vacances rentriez-vous au pays ?

• Chaque année � • Deux fois par an � • Une fois tous les 2 ans � • Autre

Et actuellement ?

• Chaque année � • Deux fois par an � • Une fois tous les 2 ans � • Autre �

11) Le week-end, comment passiez-vous votre temps ?

• Sport � • Café � • Cinéma � • Autre �

12) Est-ce que vivre en France, a changé en vous ?

• Des habitudes de vie Oui � non � si oui, et comment ? • Des idées nouvelles Oui � non � si oui lesquelles • Autres

* * * * 13) Qu’est-ce qui n’a pas changé en vous ? * *

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* * * 14) Pensez-vous vous être adapté à la vie en France ?

• Facilement � • Difficilement � • Pas du tout � • Autre �

15) Avez-vous rencontré des difficultés ? Si oui, lesquelles ? * * * * * 16) Pourquoi avez-vous choisi de rester vivre en Fr ance ? * * * * * * 17) Qu’est-ce que vous aimez le plus en France ? * * * * * * 18 Le fait de décider de vivre en France vous sembl e t-il logique ?

• Comme une continuité : normale Oui � non � • Une coupure avec ce que vous aviez vécu avant Oui � non �

19) Pourquoi avez-vous pensé faire venir votre fami lle en France ? depuis quand ? Oui � non � Pourquoi ? * * * * * 20) Etes-vous satisfait de ce choix ? Oui � non � Expliquez * *

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* * * * 21) Depuis combien de temps êtes-vous à la retraite ? * * * * * 22) Depuis que vous êtes à la retraite : Avez-vous des projets pour l’avenir Oui � non � Si oui, lesquels ? * * * * * 23) Quels sont les projets que vous avez réalisés e t dont vous êtes fier ? * * * * * * 24) Depuis que vous êtes à la retraite, comment s’o rganise votre semaine ? (Le matin, l’après-midi, le soir, les week-ends …) * * * * 25) Voyez-vous vos enfants ? Oui � non � très souvent Oui � non � Souvent Oui � non � De temps en temps Oui � non � Rarement Oui � non � Travaillent-ils Oui � non � autre � Quel métier font-ils ? Ont-ils fait des études Oui � non � autre � Lesquelles, Jusqu’à quel niveau ? primaire � collège � lycée � autre �

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* * 26) Quels conseils ou quels messages importants vou s avez fait passer à vos enfants et vos petits enfants ? * * * * * 27) Aimeriez-vous qu’ils fassent comme vous et pour quoi ? Oui � non � 28) Depuis que vous êtes à la retraite, pensez-vous toujours au retour au pays ? Oui � non � Si oui, comment ? Retour provisoire, visiter la famille, les amis ….ou bien rentrer définitivement et vous installer au pays ? * * * * * * Sinon pourquoi ? * * * * * 29) Depuis que vous vivez en France, pouvez-vous di re quelles sont les choses que vous auriez aimé faire et qui n’ont pas été réalisé es ? * * * * * * * 30) Avez-vous pensé vous faire naturaliser ? Oui � non �

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Si oui, pourquoi, et quand ? * * * * * * Sinon pourquoi ? * * * * * * 31) Est-ce que cela a changé quelque chose en vous et dans votre vie ? Oui � non � * * * * * * 32) si vos enfants ou vos petits enfants souhaitaie nt se faire naturaliser, que leur diriez-vous ? S’ils l’ont fait qu’en pensez-vous ? * * * * * * 33) Avez-vous le sentiment que la France vous doit quelque chose ? Oui � non � Si oui en quoi ? * * * * * * Et inversement ? Est-ce que vous avez le sentiment que vous devez quelque chose à la France ? * * * * *

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* 34) Comment vous définissez-vous ?

• Etranger (nationalité) � • Français � • Entre les deux � • Autre �

35) Qu’aimeriez-vous que la France fasse pour vous, ou pour vos enfants ? * * * * * * * * * * 36) Pratiquez-vous votre religion ? Oui � non � Si oui, où ? * Sinon, pourquoi ? * * * * * * 37) En cas de décès, quel choix feriez-vous pour vo tre inhumation ? En France oui � non � pourquoi ? * * * * * Au pays d’origine oui � non � pourquoi ? * * * * * * 38) Vous laisseriez votre famille choisir ? Oui � non � pourquoi ? Autre �

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39) Etes-vous propriétaire de votre logement Oui � non� Si oui, depuis combien de temps ? * Et pourquoi avez-vous voulu acheter ? * * * * * * Sinon, pourquoi ? * * * * * * 40) Si vous n’êtes pas propriétaire de votre logeme nt, possédez-vous un logement au pays ? Oui � non� Si oui depuis combien de temps, et pourquoi l’avez-vous acheté ou fait construire ? * * * * * * 41) Si votre vie était à refaire, auriez-vous fait autrement ? Oui � non � Si oui, comment ? * * * * * * * 42) Est-ce que vous avez le sentiment que votre imm igration a servi à quelque chose ? Oui � non� Si oui, en quoi ? * * *

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* * * * Sinon expliquez * * * 43) Êtes-vous satisfait du montant de votre retrait e ? Oui � non� Sinon, pourquoi ? * * * * 44) Avez-vous des amis français ? Oui ���� non ���� Les voyez-vous souvent � Très peu � Rarement � De temps en temps � 45) Participez-vous à une association ? Culturelle � Sportive � Précisez. * * Depuis combien de temps * * Sinon pourquoi ? * *

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Cette étude de terrain réalisée auprès de 50 retraités maghrébins dans la région centre (Indre et Loire), va à l’encontre de toutes les idées reçues, et des nombreuses études faites jusqu’ à nos jours. Elle démontre que les immigrés maghrébins de la première génération, vivant en France, ont, durant un demi siècle, évolué et changé. Leur intégration dépasse, de loin, tout ce qui a déjà été dit sur cette dernière. Ils se sont, dans des conditions difficiles, adaptés. Progressivement, ils ont adopté un autre mode de vie, de nouvelles idées, un autre regard sur eux-mêmes et sur la société d’origine, comme sur la société française. Ils ont aussi, pour partie, adopté des valeurs françaises et universelles qu’ils ont transmis à leurs enfants et petits enfants. Ils ne sont plus ce qu’ils étaient auparavant. Ils ont une identité différente. Le prix de ces changements, sont les ruptures successives avec les valeurs et les idées anciennes, et l’adoption de nouvelles idées et valeurs. MOTS CLES Immigrés, maghrébins, retraités, adaptation, intégration, rupture, changement, non retour au pays d’origine, valeurs et idées nouvelles, identité. This terrain survey realized near 50 reprocessed Maghrebians in the area centers (Indre and the Loire), goes in the opposition to all the generally accepted ideas, and the many studies made until our days. It shows that the Maghrebian immigrants of the first generation, alive in France, have, during a half century, evolved/moved and changed. Their integration exceeds, by far, all that was already known as on the latter. They, under difficult conditions, adapted. Gradually, they adopted another way of life, of new ideas, another glance on themselves and the company of origin, as on the French company. They also have, to some extent, adoptee of the French and universal values which they transmitted to their children and little children. They are not any more what they were before. They have a different identity. The price of these changes, is the successive ruptures with the old values and ideas, and the adoption of new ideas and values. KEY WORDS Immigrants, Maghrebians, pensioners, adaptation, integration, rupture, change, not return to the country of origin, values and ideas new, identity.