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Février 2016 LA TRANSITION ENERGETIQUE PRES DE CHEZ VOUS Hadrien Michel Avec l’appui de Gilles Pipien ASSOCIATION P’AIX21 POURQUOI LENERGIE EST AVANT TOUT UN ENJEU SOCIAL ELEMENTS POUR LA REFLEXION ET LACTION

La transition énergétique près de chez vous

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Février 2016

LA TRANSITION ENERGETIQUE

PRES DE CHEZ VOUS

Hadrien Michel Avec l’appui de Gilles Pipien

ASSOCIATION P’AIX21

POURQUOI L’ENERGIE EST AVANT TOUT UN ENJEU SOCIAL

ELEMENTS POUR LA REFLEXION ET L’ACTION

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1 ASSOCIATION P’AIX 21

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2 ASSOCIATION P’AIX 21

SOMMAIRE

PREFACE ....................................................................................................... 4

INTRODUCTION : LES FONDATIONS DU RAPPORT ...................................................... 6

PREMIERE PARTIE : RESPONSABILISER LE CITOYEN ................................................. 12

CHAPITRE UN : QUI EST MONSIEUR MARTIN ? ................................................................................. 12

CHAPITRE DEUX : DEMAIN, LA PRECARITE ENERGETIQUE ? .................................................................. 16

CHAPITRE TROIS : M. MARTIN SOUHAITE MESURER SA CONSOMMATION .............................................. 19

Le diagnostic de performance énergétique .................................................................................. 21

L’audit énergétique ..................................................................................................................... 22

La mesure de la consommation ................................................................................................... 23

DEUXIEME PARTIE : LE CITOYEN DEVIENT ACTEUR .................................................. 28

CHAPITRE QUATRE : M. MARTIN FAIT ISOLER SON LOGEMENT ............................................................ 28

Groupements d’artisans .............................................................................................................. 30

Les collectivités territoriales organisent ...................................................................................... 31

Vers un nouveau métier : conseiller en isolation ......................................................................... 33

CHAPITRE CINQ : M. MARTIN PRODUIT SA CHALEUR .......................................................................... 35

Chauffe-eau solaire individuel ..................................................................................................... 35

Systèmes solaires combinés ........................................................................................................ 37

Pompe à chaleur .......................................................................................................................... 39

CHAPITRE SIX : M. MARTIN PRODUIT SON ELECTRICITE ...................................................................... 41

Le choix de l’énergie .................................................................................................................... 41

Autoproduction, Autoconsommation .......................................................................................... 48

Le stockage individuel ................................................................................................................. 52

CHAPITRE SEPT : M. MARTIN SE LANCE DANS UN PROJET COLLECTIF DE PRODUCTION ............................. 54

TROISIEME PARTIE : DU CITOYEN A LA NATION, LES EFFETS MACROECONOMIQUES ........ 58

CHAPITRE HUIT : LES ACTEURS DE L’ENERGIE EN FRANCE .................................................................... 58

Les distributeurs .......................................................................................................................... 58

Les producteurs ........................................................................................................................... 60

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3 ASSOCIATION P’AIX 21

La Commission de régulation de l’énergie ................................................................................... 61

CHAPITRE NEUF : LES EFFETS PERVERS DE LA CENTRALISATION ............................................................. 63

La production .............................................................................................................................. 63

Les collectivités mises à l’écart .................................................................................................... 64

Le réseau ..................................................................................................................................... 64

Résoudre la pointe par le marché ? ............................................................................................. 67

Les marchés traditionnels : gré à gré et spot ............................................................................... 70

QUATRIEME PARTIE : UN NOUVEAU CONTRAT ENERGETIQUE EN FRANCE ? .................. 72

CHAPITRE DIX : LES PROPOSITIONS DU RAPPORT ............................................................................... 72

Les 5 étapes de la transition énergétique .................................................................................... 72

La solidarité, enjeu de nos préconisations ................................................................................... 77

CHAPITRE ONZE : LE ROLE CENTRAL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ................................................. 80

CHAPITRE DOUZE : LA REVOLUTION DU STOCKAGE ? .......................................................................... 84

Avant le stockage, le lissage ........................................................................................................ 84

Les réseaux intelligents : la clef de la décentralisation................................................................. 86

Le stockage à portée de main ? ................................................................................................... 86

La solution : la gestion intégrée du stockage ............................................................................... 88

CONCLUSION : LA CONFIANCE, POINT DE DEPART D’UN NOUVEAU CONTRAT ENERGETIQUE

NATIONAL .................................................................................................... 94

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................. 97

LES AUTEURS .............................................................................................. 101

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4 ASSOCIATION P’AIX 21

PREFACE

Gilles Pipien, 20 janvier 2016

A Jean-Pierre et Emmanuel1

Que peut faire le citoyen pour accompagner l’indispensable transition énergétique ? Doit-

il attendre les accords internationaux des chefs d’Etats et de gouvernements, comme celui de

Paris lors de la COP 21 ? Doit-il s’en remettre à l’opérateur national, en position de monopole

de la distribution ? Doit-il espérer que les pouvoirs publics décideront des mesures nécessaires

pour limiter la pollution de l’air des moteurs diesel, ou maitriser les déchets du nucléaire ?

Dans une société fortement dépendante des sources d’énergies, dans un contexte de

raréfaction à moyen et long termes des ressources naturels énergétiques (charbon,

hydrocarbures, uranium, etc.) et d’un accroissement des pollutions et nuisances liées à leurs

usages, le citoyen peut et doit être acteur de la transition énergétique. Si les pouvoirs publics

et les entreprises ne l’accompagnent pas, nous verrons surgir, sans contrôle, de nouveaux

acteurs invoquant l’économie partagée pour promouvoir un système prenant mieux en

compte la demande d’autonomie énergétique des citoyens.

Dans les années 1980, le ministère des PTT s’opposait à l’arrivée en France des téléphones

cellulaires, que commençaient à utiliser les pays nordiques, s’appuyant sur une technologie

naissante d’une entreprise inconnue, Nokia. Aujourd’hui, le ministère des PTT a disparu, et,

pour équiper chaque citoyen, avec de multiples applications, de grands opérateurs de

téléphonique mobile utilisent des smartphones inventés et développés outre-Atlantique et

outre-Pacifique, et nos gouvernants furent heureux de voir Nokia sauver Alcatel en le

rachetant.

Combien de temps notre modèle centralisé et rigide résistera-t-il ?

Déjà, l’économiste Jeremy Rifkin nous prône, ou plutôt, nous annonce, la déferlante de

l’économie partagée, transversale, dans le domaine de l’énergie, les citoyens s’échangeant de

l’énergie qu’ils auront produite, via des internet de l’énergie.

Mais, l’économie partagée est-elle vraiment la mort du capitalisme centralisée, ou une

résurrection d’un capitalisme tout aussi manipulateur : derrière le sympathique Blablacar, ne

voit-on pas émerger Uber ?

1 Jean-Pierre Saez, élu local engagé pour l’environnement, et Emmanuel Mannoni, jeune chef d’entreprise, inventeur de l’arbre solaire, décédés en 2014 et 2015, ont été les inspirateurs de notre réflexion.

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5 ASSOCIATION P’AIX 21

Y-a-t-il une voie médiane entre un centralisme déresponsabilisant et une anarchie

« internetisée » aux mains de quelques grands groupes ?

En étudiant plus spécifiquement l’électricité, nous pensons qu’il y a nécessité, en effet, de

garder l’acquis majeur d’une solidarité technique, financière et sociale, qu’apporte et garantit

actuellement le service public d’EDF, mais en la mettant au service de citoyens et de collectifs

responsabilisés, produisant et échangeant de l’énergie.

Je remercie vivement Hadrien Michel, jeune économiste, d’avoir tenté de rassembler les

éléments pour la réflexion et l’action, pour une transition énergétique citoyenne. Il a su mettre

en évidence les différents défis techniques (comptage individuel, autoproduction et

autoconsommation, stockage de l’énergie, réseaux locaux intelligents d’échange d’énergie),

institutionnels (en particulier de solidarité et d’accompagnement) et sociaux (avec au cœur la

lutte contre la précarité énergétique).

Je remercie aussi tout le petit groupe de l’association P’Aix 21 (Provence Aix 21, réussir un

développement durable, www.paix21.org ), dont les regards croisés et les critiques nous ont

sans cesse encouragés.

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6 ASSOCIATION P’AIX 21

INTRODUCTION

LES FONDATIONS DU RAPPORT

Tout le monde le sait car tout le monde l’entend partout : l’énergie sera la clef du monde

de demain. Raréfaction inéluctable du pétrole bon marché2, augmentations des coûts, lutte

pour l’accès aux ressources, indépendance énergétique, effet de serre… Autant de termes

aujourd’hui aisément compris par un grand nombre de citoyens, et dont émerge la prise de

conscience de notre vulnérabilité. Face à cela, les messages sur une nécessaire réduction de

notre consommation se multiplient et font l’objet d’un consensus de principe.

L’accord de Paris signé dans le cadre de la COP 213 en décembre 2015 marque une étape

majeure dans la prise de conscience globale de la menace du changement climatique. Lors de

cette conférence, dramatiquement appelée « de la dernière chance », l’obtention historique

(et inespérée) d’un accord entre les 195 pays membres de l’ONU pour maintenir le

réchauffement climatique sous un seuil « acceptable » est un signal positif pour l’avenir.

La compréhension des effets indésirables de notre modèle de production se fait elle aussi

plus nette. La perception du réchauffement climatique est – malheureusement – accrue par

des signes tangibles que nous percevons dans notre quotidien : arrivées précoces de saisons

chaudes, canicules prolongées, épisodes extrêmes de plus en plus fréquents, etc. Il n’y a plus

guère de doute quant à l’origine anthropique de ces dérèglements, une évidence que même

les majors du pétrole ont fini par reconnaitre.

Plus récemment médiatisé, l’impact des hydrocarbures sur notre santé fait l’objet d’une

attention grandissante de la part des autorités publiques. Les alertes à la pollution de l’air se

multiplient dans les grandes métropoles saturées de trafic routier, tandis que l’OMS a qualifié

en 2012 les moteurs diesel de « cancérogènes certains », entérinant les normes automobiles

comme une question majeure de santé publique4.

2 Indépendamment des fluctuations du marché qui peuvent, par excédent conjoncturel de l’offre sur la demande, conduire à des baisses de prix de court terme. Il faut également noter que le marché du pétrole se « normalise », avec un différentiel entre coûts (en progression constante) et recettes (volatiles) toujours plus faible. 3 Conférence Des Parties, soit le nom donné aux réunions annuelles des Nations Unies dans le cadre de leur convention sur les changements climatiques (CNUCC). Les COP accueillent les négociateurs de l’ensemble des pays de l’ONU et, pour certaines d’entre elles, leurs dirigeants. Ce fut le cas à Paris. 4 Les révélations entre fin 2015 et début 2016 sur la sous-évaluation des émissions polluantes par certains constructeurs automobiles relatives à leurs véhicules diesel, et la médiatisation croissante des pics de pollution atteints dans de nombreuses capitales (Pékin, Paris notamment), sont venues confirmer l’ampleur du désastre autour du diésel.

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7 ASSOCIATION P’AIX 21

Enfin, si la question de la gestion des déchets nucléaires a depuis longtemps porté à

controverse, celle-ci a pris une tournure dramatique avec l’accident de Fukushima. Suite à

l’inondation de la centrale par un tsunami d’une ampleur inouïe, c’est un territoire de la taille

du territoire de Belfort qui est à présent, et pour des siècles, interdit d’accès à l’être humain.

Une zone plus grande encore, équivalente au Val d’Oise, est durablement contaminée et

présente des risques sérieux pour ses habitants. Des milliards de tonnes d’eau de mer ont été

contaminées et les becquerels qu’elles contiennent affecteront probablement des générations

de poissons susceptibles de se retrouver dans nos assiettes. La question de la sureté de nos

déchets nucléaires, radioactifs pendant des dizaines de millénaires pour certains d’entre eux,

prend pour les citoyens une dimension territoriale angoissante lorsque ces mêmes déchets

sont enterrés sous nos pieds ou à quelques kilomètres seulement.

De quelle consommation parlons-nous au juste ? De toutes les

consommations d’énergie : pour déplacer (énergie mécanique), chauffer (énergie

thermique) et connecter-charger (énergie électrique). Aujourd’hui en France,

l’électricité représente seulement un quart de notre consommation finale

d’énergie. Mais de nombreuses innovations technologiques permettent à présent

de nous chauffer et de nous déplacer à l’aide de l’énergie électrique : il est donc

probable que l’usage de celle-ci augmente en se substituant progressivement aux

autres sources. C’est pourquoi elle est l’objet principal de notre présente étude.

Néanmoins, quand il s’agit de traduire cela tant en applications technologiques qu’à notre

quotidien, alors le plus grand flou règne à nouveau et les questions fusent. Les énergies

renouvelables sont-elles vraiment efficaces ? Si j’installe des panneaux solaires, comment

m’éclairer la nuit? Pourquoi vouloir passer aux ENR et remettre en cause en France une

énergie nucléaire dont nous sommes les champions, qui n’émet pas de CO2, et qui nous assure

une relative indépendance ? L’urgence, n’est-ce pas de réduire notre dépendance au pétrole,

ce qui concerne surtout les industriels et les constructeurs automobiles? Et puisque nos usages

électriques sont en pleine expansion, alors pourquoi diable vouloir fermer des centrales

nucléaires ?

Ces questionnements, légitimes, nous mènent pourtant à une impasse, car ils confondent

deux notions distinctes : usage et consommation. Certes, les usages électriques augmentent et

tendent à se substituer à d’autres sources d’énergie : le convecteur électrique remplace la

chaudière, la voiture électrique pourrait remplacer la voiture diesel…

Néanmoins, l’électricité n’est pas un bien comme un autre : on la stocke très difficilement,

il faut donc la consommer immédiatement. Elle est transportée depuis les centrales de

production via un réseau centralisé de lignes à haute tension (RTE) qui gère l’équilibre offre /

demande à tout moment. Cet équilibre est indispensable : un excès d’offre entraine un risque

de surcharge du réseau, un excès de demande un risque de pointe de soutirage, les deux cas

de figure aboutissant à une panne plus ou moins généralisée du réseau.

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Actuellement, le stockage de l’électricité est possible de trois manières :

- les bassins de retenue d’eau (STEP – stations de transfert d’énergie par pompage), remontant l’eau et relâchant celle-ci à la demande en période de pointe. Ils représentent près de 95% des capacités totales de stockage en France.

- Les cumulus domestiques qui permettent de stocker l’énergie sous forme thermique et de la restituer dans la journée (capacité de stockage de 20TWh en France).

- Les systèmes de batterie, des téléphones portables aux véhicules électriques, dont la capacité totale de stockage est encore trop faible pour être utilisée sur le réseau.

Les usagers sont quant à eux reliés à un réseau secondaire appelé réseau de distribution,

bien plus étendu (1,3 million de km en France) et dont la gestion est confiée à un seul

opérateur sur 95% du territoire, ErDF. Eparpillées sur les 5% du territoire restants, quelques

communes confient encore la gestion de leur réseau à des opérateurs locaux (appelés

« entreprises locales de distribution », ELD). .

Plus les usages augmentent, plus la gestion de ce système centralisé devient complexe. De

nouveaux câbles sont tirés pour connecter des foyers, des parcs industriels, des centres

commerciaux construits en périphérie. L’étalement urbain fait que les pertes et gaspillages

augmentent, tandis que les frais d’entretien d’un réseau toujours plus sollicité suivent une

courbe exponentielle.

L’impasse où nous conduit le raisonnement macroéconomique, par le haut, provient de ce

que l’on essaye d’équilibrer l’offre et la demande d’électricité, à toute heure du jour, chaque

jour de l’année. Pour chaque nouvel usage, on anticipe une consommation en hausse à

laquelle on doit répondre par de nouvelles capacités de production. Or l’importance

grandissante de l’électricité dans notre quotidien (multiplication des objets connectés) rend la

recherche de cet équilibre toujours plus complexe, donc plus onéreux, sans compter les pertes

sur le réseau.

Par conséquent, nous pensons que la clef de compréhension du problème

énergétique suppose de changer de paradigme. Le système tel qu’il fonctionne actuellement

n’est pas pérenne, tant économiquement que techniquement. La gestion et la maintenance du

réseau deviennent la problématique centrale des autorités publiques, au détriment de la

finalité de ce réseau, c’est-à-dire de sa capacité à fournir de l’électricité à tous et à tout

moment. Nous sommes confrontés à un phénomène de précarité technique des réseaux.

Les tensions à la hausse des prix de l’électricité sont croissantes : au coût toujours plus

élevé de l’entretien des réseaux, répercuté sur les tarifs de l’électricité, répond l’intégration

progressive de composantes jusqu’ici ignorées ou minimisées du coût de production du kWh

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nucléaire5. Ainsi, à la précarité technique s’ajoute la précarité sociale, celle qui touche les

ménages les plus modestes. Près de 15% des ménages sont déjà concernés, alors que les

Français bénéficient traditionnellement des tarifs électriques les plus abordables d’Europe. Il

s’agit là de l’écueil majeur sur lequel le modèle actuel risque de se fracasser.

Le nouveau paradigme que nous souhaitons exposer dans cet ouvrage part du principe

qu’il faut remettre l’usage du citoyen au cœur du débat. Il fait le pari que l’équilibre

indispensable peut être atteint de manière transversale, plus efficacement et à moindre coût.

Plutôt que par les capacités de production, il peut être régulé par la maitrise de la demande.

Nous faisons le pari que si le citoyen maitrise sa production, alors il modifiera naturellement sa

manière de consommer l’électricité. En d’autres termes, chacun peut optimiser sa

consommation en fonction de l’intermittence des énergies, qui n’a plus alors à être subie par

les gestionnaires de réseau.

D’ores et déjà, la parité investissement a été atteinte. Pour chaque euro

investi dans les énergies fossiles, un euro est investi dans les énergies

renouvelables. Ce qui nous permet d’affirmer que la transition énergétique est

engagée et que rien ne pourra inverser cette tendance. Les lois votées par les

Etats, dont la France récemment, prennent acte de cette évolution et tâchent de

l’encadrer du mieux qu’elles peuvent, c’est-à-dire en essayant à la fois de fixer des

objectifs plus ou moins ambitieux (jouer sur la vitesse de cette évolution), d’inciter

à la création de filières industrielles nationales (tirer de la valeur ajoutée de cette

évolution) et de proposer des incitations financières pour faciliter les débouchés

(identifier les bénéficiaires de cette évolution).

En résumé, la question n’est pas de savoir si la transition énergétique aura

lieu, mais à quelle vitesse et au bénéfice de qui : permettra-t-elle d’une part

d’éviter le mur climatique (un monde à plus de 2°C), et favorisera-t-elle d’autre

part une meilleure répartition de la rente énergétique que le modèle énergétique

précédent, basé sur le pétrole ?

Prenons le cas d’un individu lambda, Monsieur Martin, et posons-nous en son nom les

questions suivantes :

Comment réduire efficacement et durablement ma consommation d’énergie ?

Ai-je intérêt à produire de l’électricité par mes propres moyens, et si oui dois-je la consommer ou la revendre ?

Enfin, est-ce que mon action particulière aura un effet sur l’économie française, notre indépendance énergétique, la lutte contre le réchauffement climatique?

5 La cour des Comptes soulignait dès 2012 un risque de sous-approvisionnement des fonds dédiés au démantèlement des centrales en fin de vie, une sous-évaluation des coûts de gestion des déchets, et une hausse des investissements de maintenance, notamment en raison de normes de sécurité plus strictes.

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L’objectif de ce travail est d’identifier des leviers de transition à l’échelle des citoyens, qui

en répondant plus efficacement à leurs besoins que les plans gouvernementaux centralisés,

permettront une accélération sans précédent de la transition énergétique.

A titre d’exemple, nous pouvons établir un parallèle avec la gestion des flux de

transport : l’énergie et le transport sont tous deux des besoins essentiels dans nos

économies modernes. Leur usage est donc en constante progression. Mais leur

consommation pose problème : congestion et pollution pour le transport, gestion

du réseau et pollution pour l’énergie.

Face aux problématiques de transport engendrées par des décennies du

« tout-voiture » (congestion, pollution, impacts sanitaires et alourdissement de la

facture pétrolière), la réponse des autorités fut une politique de l’offre reposant

sur les grands travaux : (i) métro et RER au niveau local ; (ii) trains à grande vitesse

et TER au niveau national. Or ces grands projets d’infrastructures n’ont

significativement modifié ni le rapport quotidien qu’entretient le citoyen avec sa

voiture ni le trafic, engendrant de nouveaux déplacements plutôt que du transfert

modal.

A contrario, de simples applications internet disponibles sur Smartphones ont

conduit à la généralisation du covoiturage sur des trajets interurbains. Sur les

trajets intra-urbains, l’optimisation des infrastructures existantes via de légers

aménagements de voies ont permis de dégager des espaces pour bus à haut

niveau de service, trams, trams-trains, trains urbains, et vélos, et ont permis des

gains de temps rendant ces alternatives de transport plus fiables. Dans les deux

cas, on assiste alors à un véritable impact en termes de baisse et de fluidification

du trafic routier.

Avec ce parallèle, on voit bien que la transition vers un nouveau modèle de

gestion d’un service essentiel – énergie ou transport – suppose non pas d’en

modérer l’usage mais de faire évoluer ses modes de production et de

consommation. On se rend aussi compte que les leviers actionnés doivent être

aisément mis en place et à moindre coût pour être massivement disséminés.

Le rapport s’articulera en quatre grandes parties. La première partie présentera à M.

Martin l’enjeu énergétique, de manière intelligible, afin de l’aider à comprendre comment il

pourrait agir. C’est la phase d’information, indispensable pour pouvoir responsabiliser le

citoyen. La deuxième partie suivra M. Martin dans sa quête d’optimisation de sa facture

énergétique, et l’aidera à s’y retrouver dans la multitude des solutions qui lui sont proposées.

Partant du postulat qu’il existe en France près de 65 millions de personnes susceptibles de se

poser les mêmes questions que M. Martin, la troisième partie tâchera de présenter

succinctement le système électrique national et de démontrer en quoi celui-ci est en l’état

actuel impropre à une transition énergétique réussie. Enfin la quatrième et dernière partie

présentera nos propositions pour s’engager résolument et efficacement dans la transition

énergétique. Nous tâcherons d’anticiper les effets de la transition, tant sur les enjeux

quantitatifs (consommation d’énergie, part des sources d’énergies alternatives) que qualitatifs

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(lissage des pointes, équilibre des réseaux en continu). Cette partie se penchera tout

particulièrement sur une meilleure clef de répartition des responsabilités de régulation entre

les différents échelons territoriaux.

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PREMIERE PARTIE

RESPONSABILISER LE CITOYEN

Chapitre I

Qui est Monsieur Martin ?

L’objectif de ce travail étant de mettre le processus de transition énergétique à portée de

main, nous avons décidé de mettre en situation un individu représentatif et de le confronter à

des situations simulées. La première étape consiste donc à « définir » M. Martin.

M. Martin vit en couple avec Mme Martin, nous pouvons donc évoquer le « foyer des

Martin ». Le nombre moyen d’occupants par résidence principale en 2011 étant de 2,26

personnes (source INSEE), le choix d’un foyer composé de deux personnes semble raisonnable.

Ce foyer est une maison individuelle en zone péri-urbaine dont M. et Mme Martin sont

propriétaires, à l’instar de 57% des français et de 57% des logements en France. SI les zones

péri-urbaines n’accueillent « que » 22% des français, celles-ci sont très majoritairement

constituées de maisons individuelles, à l’inverse des centres urbains.

M. et Mme Martin sont âgés de 50 ans chacun. Si l’âge moyen et l’âge médian des français

se situent aux alentours de 40 ans, nous avons privilégié un âge plus avancé, car d’une part

peu de français de moins de vingt ans sont propriétaires de leur domicile, ce qui

mécaniquement augmente l’âge moyen des propriétaires. D’autre part, à cinquante ans on

peut raisonnablement penser que les éventuels enfants ont déjà quitté le domicile familial.

L’INSEE confirme que l’âge moyen des propriétaires français est de 52 ans.

Le foyer des Martin est chauffé par convection électrique. Encore minoritaire dans le parc

immobilier français (36%), il a été le mode de chauffage le plus massivement utilisé dans les

constructions neuves jusqu’en 2008, où il a représenté 70% des installations sur le marché du

neuf. Depuis, il est supplanté par le développement des pompes à chaleur, qui feront l’objet

d’une attention spécifique de notre part.

Quant au revenu disponible du couple (c’est-à-dire l’ensemble de ses revenus et

prestations moins l’ensemble des impôts directs – revenus, taxe d’habitation et CSG/CRDS),

nous l’avons estimé à 3.000€/mois, soit l’équivalent du revenu disponible moyen. Le revenu

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disponible médian est plus faible (aux alentours de 2500€) mais on peut là encore estimer que

le pouvoir d’achat d’un couple de propriétaires de cinquante ans est légèrement supérieur à la

médiane des français.

L’INSEE a publié en 2006 sa dernière enquête sur les dépenses énergétiques des ménages,

regroupant les postes logements (électricité et chauffage) et les postes transport individuel

(carburant).

Tableau 1 - Les disparités d’effort énergétique en 2006

Lecture : les ménages qui utilisent l’électricité pour chauffer leur logement consacrent 4,1% de leur

budget en énergie pour l’habitat et 3,7 % en énergie pour leurs moyens de transport individuel.

Champ : ménages métropolitains.

Type de ménage, par catégorie Part des dépenses énergétiques dans le budget familial, en %

Logement Transport Ensemble

1. Milieu d’habitation

Pôle urbain de Paris 3,3 2,4 5,7

Ville-centre 4,0 3,2 7,2

Banlieue 4,6 3,8 8,5

Périurbain 5,9 4,6 10,5

Espace à dominante rurale 6,9 4,4 11,3

2. Quintile de niveau de vie

Q1 (les 20 % des ménages les plus pauvres) 6,2 3,3 9,6

Q2 5,7 3,7 9,4

Q3 5,0 4,1 9,1

Q4 4,5 3,8 8,4

Q5 (les 20% des ménages les plus aisés) 3,9 3,1 7,0

3. Âge de la personne de référence

Moins de 30 ans 3,0 3,7 6,7

De 31 à 40 ans 3,9 3,7 7,7

De 41 à 50 ans 4,2 3,9 8,1

De 51 à 60 ans 4,7 4,1 8,8

De 61 à 70 ans 6,0 3,4 9,4

Plus de 70 ans 8,1 2,0 10,2

4. Type de chauffage

Électrique 4,1 3,7 7,8

Fuel collectif 2,9 3,0 5,9

Gaz collectif 2,6 3,0 5,5

Fuel individuel 8,5 4,2 12,8

Gaz individuel 4,7 3,3 8,0

Bois 5,2 4,9 10,1

Autres 2,8 2,8 5,6

5. Type d’habitat

collectif 2,9 2,8 5,7

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individuel 6,0 4,1 10,2

6. Nombre d’actifs dans le ménage

0 6,9 2,6 9,5

1 4,4 3,7 8,1

2 4,0 4,0 7,9

3 et plus 4,3 4,8 9,1

Ensemble 4,8 3,6 8,4

Source : INSEE, budget de la famille 2006.

On voit se dégager plusieurs grandes tendances : les dépenses d’énergie liées au logement

croissent avec l’âge, passant de moins de 3% du budget à moins de 30 ans à plus de 8% à 80

ans. En valeur absolue, la moyenne est de 1500€ et est atteinte dès 50 ans, et s’y maintient

tandis que le revenus des personnes âgées s’effrite. On remarquera que la source de chaleur

choisie pour le logement a peu d’incidence sur le budget – hormis pour le fioul qui a

considérablement augmenté jusqu’au début 2015.

Ensuite, on voit que les dépenses énergétiques sont corrélées avec la distance de la ville-

centre. Plus celle-ci est grande, plus les dépenses augmentent. On comprend aisément la

hausse des dépenses de carburant par rapport au centre-ville. Mais la hausse touche aussi, et

presque dans les mêmes proportions, les dépenses sur le logement : en effet, la surface

moyenne des logements augmente elle aussi avec la distance du centre-ville ! A cela il faut

ajouter les plus grandes déperditions d’énergie (problématique d’isolation). Ce qui confirme

que l’énergie est une question clef dans les communes péri-urbaines et rurales, soit 37% des

ménages.

Enfin, les chiffres confirment une évidence : moins les ménages sont aisés, plus leurs

dépenses énergétiques grèvent leur budget. L’effort énergétique (par rapport à l’effort moyen)

s’est accru pour les 20% les plus pauvres depuis 20 ans, tandis qu’il s’est réduit pour les 20%

les plus riches, révélant que l’écart énergétique entre riches et pauvres s’accroit.

Enfin, pourquoi s’intéresser à Monsieur et Madame Martin, plutôt qu’aux grandes

industries par exemple ? Il faut savoir qu’en France, près de la moitié (45%) des émissions de

CO2 sont issues d’usage privé (source ADEME 2013), dont 14% dédiés au logement de millions

de M et Mme Martin, soit à peu près autant que les émissions issues de l’industrie! Si l’on

prend en compte que M. et Mme Martin se déplacent (24% des émissions) pour aller à leur

lieu de travail (7% des émissions), alors on comprend mieux qu’au cœur de la lutte contre le

réchauffement planétaire se situe… le citoyen.

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Figure 1 : Répartition sectorielle des émissions de CO2 en France

Source: ADEME, 2013

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15

18

3 1 5Résidentiel

Tertiaire

Transport de voyageurs

Transport de marchandises

Industrie

Production d'énergie

Agriculture

Déchets

Usages hors combustion

Page 17: La transition énergétique près de chez vous

16 ASSOCIATION P’AIX 21

Chapitre II

Demain, la précarité énergétique ?

Les conversations qui touchent à l’énergie regroupent le plus souvent de petits groupes

d’experts ou des gens sensibilisés à l’urgence climatique. Pour les autres, ces conversations

sont ardues, techniques, et totalement déconnectées de leurs préoccupations quotidiennes.

C’est assez compréhensible : le monde développé s’est électrifié à une vitesse phénoménale.

En quelques décennies, la « Fée électricité » apparue dans toute son utilité au grand public et

magnifiée par le peintre Raoul Dufy en 1937, est devenue un bien de consommation courante.

Tout le monde y a accès, à peu près partout. Se fournir en électricité est aussi simple qu’ouvrir

un robinet d’eau. Les autres usages de l’énergie (se déplacer, se chauffer, cuisiner) sont aussi

évidents pour le grand public. La seule chose que l’on vous demande en contrepartie, c’est de

payer : passer en caisse pour l’essence, payer une mensualité pour le gaz et l’électricité. Cette

mensualité étant le plus souvent prélevée automatiquement sur votre compte, il est même

possible que vous n’y fassiez même pas attention.

Alors que l’usage et l’accès à l’énergie se sont généralisés, on pourrait penser que

l’abondance de ce bien fait baisser son prix. L’énergie et le coût de l’énergie seraient ne

seraient plus des enjeux mais des problèmes résolus. Il n’en est rien, évidemment, et ce pour

quatre raisons : le coût d’approvisionnement, l’entretien des réseaux, les exigences sociales et

environnementales, l’évolution des modes de vie.

En premier lieu, l’énergie est le plus souvent produite à partir de produits importés :

charbon, pétrole, gaz, uranium. De leur prix d’achat dépend le prix de vente final de l’énergie :

essence raffinée, gaz de ville, électricité… Les cours des matières premières ont tous une

caractéristique : ils sont hautement volatils. C’est pourquoi, afin de se prémunir contre cette

volatilité, de nombreux pays investissent dans des sources locales d’énergie, même si celles-ci

sont plus chères que sur les marchés internationaux. En France, c’est bien le premier choc

pétrolier qui a conduit au tournant nucléaire. Car même si l’uranium est importé, il représente

une part bien plus infime des coûts de production de l’électricité que les hydrocarbures. La

variabilité de son coût est donc moins problématique. De manière générale, les coûts

d’approvisionnement n’orientent pas nécessairement le prix de l’énergie à la hausse sur le

long terme mais peuvent engendrer des surcouts de court terme très significatifs.

Le coût d’entretien des réseaux est lui directement lié à la demande énergétique : plus

celle-ci augmente, plus les coûts d’entretien sont élevés. Tous les réseaux de transport sont

concernés : des lignes haute tension aux réseaux de gaz de ville en passant par le transport

d’hydrocarbures par camion-citerne ou par train. Mais au-delà de la gestion quantitative, c’est

bien la gestion de l’équilibre du réseau qui devient problématique avec l’électricité.

Page 18: La transition énergétique près de chez vous

17 ASSOCIATION P’AIX 21

Les exigences qualitatives concernant l’énergie sont d’ordre social et environnemental.

L’accès à l’énergie doit être le même pour tous et au même prix : c’est la péréquation tarifaire.

Celle-ci doit être financée notamment pour pouvoir approvisionner en énergie des territoires

éloignés ou difficiles d’accès. Ce point fait relativement consensus en France. Pour les

exigences environnementales par contre, les avis divergent. Car il s’agit d’un double

mouvement visant d’une part à pénaliser les énergies polluantes (taxe sur les produits

pétroliers, devenue TICPE) et d’autre part à aider les énergies renouvelables (tarifs de rachat

bonifiés, aides à l’installation). Il est logique que certains s’estiment lésés et doutent de la

légitimité d’une telle action. En outre, les exigences environnementales apparaissent dès les

phases de conception des projets, tendant à alourdir le coût global des installations, pour être

en conformité avec la règlementation. Celle-ci peut à la fois concerner la protection des

milieux naturels concomitants, la limitation de rejets nocifs…

Enfin, l’évolution des modes de vie a une influence majeure sur les coûts de l’énergie.

Comme indiqué précédemment, l’étalement urbain sans précédent que nous vivons

actuellement a eu comme corollaire l’augmentation des dépenses d’énergie. On dépense

évidemment plus pour se déplacer, puisque l’on vit plus loin du centre-ville, de son travail, de

ses amis… Les véhicules permettant de se déplacer plus loin, on dépense plus en transport

pour ses vacances qu’auparavant. Puisque l’on vit plus en maisons individuelles, on dépense

plus pour le chauffage. Et enfin, on ne le sait pas nécessairement, mais puisque le

raccordement est une obligation légale pour les collectivités, construire notre maison en rase

campagne a coûté cher à notre collectivité, ainsi qu’aux opérateurs de transport de l’énergie

(gaz et électricité). Ce surcoût sera répercuté, sur vos impôts locaux par la collectivité, sur

votre facture de gaz et d’électricité par votre gestionnaire de transport.

Ainsi, les dépenses énergétiques tendent à augmenter malgré la généralisation des

usages, et il n’y a pas de raison pour que ce phénomène s’estompe, en l’état actuel des choses.

Ainsi on entend parler avec une insistance croissante de la précarité énergétique. Celle-ci

pourrait se définir comme la part de dépenses en énergie à partir de laquelle un foyer est

obligé de limiter ses usages : rationner l’usage de sa voiture, couper le chauffage partiellement

durant l’hiver, etc. Bref, la précarité énergétique mesure le moment où l’énergie ne devient

plus un bien de base mais un bien de luxe.

L’INSEE a déterminé un indicateur regroupant toutes les dépenses énergétiques et les

rapportant au revenu disponible du foyer. Cet indicateur a été baptisé « taux d’effort

énergétique » (TEE), et s’il dépasse 10% (c’est-à-dire que plus de 10% du revenu disponible est

dédiée aux dépenses énergétiques), alors le foyer est considéré comme étant en situation de

précarité énergétique. En France, on estime à 1 ménage sur 6 dans cette situation (14,4%)

Page 19: La transition énergétique près de chez vous

18 ASSOCIATION P’AIX 21

Figure 2 : La précarité énergétique

Le TEE moyen est resté relativement stable sur les dernières décennies. Plusieurs facteurs

contradictoires se sont finalement neutralisés, entre par exemple le second choc pétrolier (à la

hausse) et l’amélioration des performances énergétiques des véhicules (à la baisse). Mais le

nombre de foyers en précarité énergétique a augmenté, traduisant la hausse des inégalités

dans notre société. Toutes choses égales par ailleurs, la proportion de précaires devrait encore

augmenter, dans un contexte marqué par ailleurs par la stagnation des revenus réels.

Un autre facteur devrait accélérer ce phénomène : le vieillissement de la population.

D’abord parce que l’INSEE a montré que les dépenses énergétiques tendent à augmenter avec

l’âge, surtout celles, essentielles, liées au chauffage. Mais aussi pour une raison économique

assez simple : les personnes actives ont la possibilité d’augmenter leurs revenus par la hausse

de leurs salaires, qui compense la hausse des tarifs de l ‘énergie. Leur TEE peut donc baisser

ou rester dans des limites raisonnables. Les personnes âgées sont à partir d’un certain âge des

retraités, et le montant de leur pension de retraite n’évolue plus. Si leurs revenus stagnent et

que leurs dépenses énergétiques augmentent, leur TEE augmentera mécaniquement, et de

nombreuses personnes âgées risquent ainsi de basculer dans la précarité énergétique.

Puisque la population française vieillit inexorablement, que le poids des plus de 60 ans

devrait passer de 20,4% de la population française en 2000 à 32% en 2050 (projections INSEE),

la précarité énergétique est un enjeu majeur de société.

Page 20: La transition énergétique près de chez vous

19 ASSOCIATION P’AIX 21

Chapitre III

M. Martin souhaite mesurer sa consommation

Les usages électriques quotidiens se répartissent ainsi :

Figure 3 : les usages de l’électricité

Source : ADEME

Certains usages quotidiens peuvent être corrigés afin d’être moins énergivores, à l’aide de

ce que les communicants appellent les « éco-gestes ». Or on voit bien que les éco-gestes, qui

consistent surtout à éteindre les lumières et les appareils informatiques ou audiovisuels au lieu

de les laisser en veille, couvrent moins de 50% de nos consommations quotidiennes, et ne les

réduisent qu’à la marge, car nous continuons évidemment à solliciter ces appareils. Intéressant

donc, mais pas suffisant…

D’autant plus que si M. et Mme Martin sont au tout-électrique, comme nous l’avons

postulé dans le chapitre 1, alors il est probable que l’ensemble des usages précités ne

représente que… 25% de leur consommation électrique ! Leur cumulus électrique (20%) et

surtout leur chauffage (55%) ont pour effet de multiplier leur consommation par 4, faisant

ainsi s’envoler leur facture. (données : ADEME 2013).

20%

23%

15%

15%

13%

14%

Répartition des usages quotidiens de l'électricité

Audiovisuel

Froid

Lavage

Informatique

Eclairage

Autres

Page 21: La transition énergétique près de chez vous

20 ASSOCIATION P’AIX 21

On le sait, le chauffage électrique, séduisant par sa simplicité, est en fait une aberration6.

Son efficacité énergétique théorique a beau être de 100% (toute l’électricité est convertie en

chaleur), ce ratio cache mal ses carences de rendement, liées à une part prépondérante de la

convection au détriment de la radiation.

Les bien mal dénommés radiateurs électriques chauffent les masses d’air à proximité, qui

vont donc monter vers le plafond d’une salle. Le chauffage électrique ne suffit alors pas à

maintenir une sensation de confort satisfaisante, notamment au niveau des pieds des

habitants. Pour maintenir une température de 20° au sol, on a donc tendance à forcer sur le

convecteur, et l’augmentation de consommation peut atteindre facilement 35% (voir

www.radiateur-electrique.org). Les pertes de chaleur dans ce cas sont appelées déperditions

spatiales.

De plus, contrairement à d’autres sources de chaleur, le chauffage électrique a tendance à

assécher l’air ambiant. L’humidité ambiante augmente la sensation de chaud, la réciproque est

vraie, il faut donc « surchauffer » pour obtenir une sensation de confort : typiquement, alors

que M. et Mme Martin se sentent à l’aise à une température réglée à 20° chez leur fille qui se

chauffe au gaz de ville, ils règlent leur propre thermostat sur 22°. Or il est calculé que pour

chaque degré supplémentaire obtenu, un foyer voit sa consommation augmenter de 7%. M. et

Mme Martin consomment donc 14% en trop par rapport à leurs véritables besoins.

Sans entrer dans une description détaillée des différents radiateurs électriques disponibles

sur le marché, on peut affirmer que ce mode de chauffage pêche par une trop forte production

de chaleur, à l’instar de celles créées par les résistances. La forte chaleur générée crée des

points de chaleur, accélère la dispersion des masses chauffées, accentue les contrastes avec

d’éventuelles parois froides. Ces conséquences réduisent la sensation de confort de l’usager,

au moins aussi importante que la température ambiante moyenne, le poussent à surchauffer

et font s’envoler les factures.

Bien sûr les chiffres donnés plus haut ne sont que des moyennes, et ils varient

grandement d’un logement à l’autre, selon la nature des équipements, la fréquence de leurs

usages, la taille du logement, des pièces à vivre, la qualité d’isolation du bâti… La première

étape pour M. et Mme Martin est donc de comprendre comment ils consomment, de façon

précise. A ce jour, deux outils sont disponibles pour les aider à y voir plus clair : le diagnostic de

performance énergétique et l’audit énergétique. Nous les présenterons en détail, en

discuterons les bienfaits, les limites… Mais surtout nous allons proposer à M. et Mme Martin

un troisième outil.

6 Le recours systématique au chauffage électrique dans le bâtiment est le fruit d’une politique visant à absorber l’excédent de production électrique nucléaire. Ce qui était pertinent à l’époque (la recherche de l’indépendance énergétique française) ne l’est plus guère à l’heure ou l’accent est mis sur les renouvelables, l’efficacité et la sobriété (les trois piliers de la politique énergétique européenne).

Page 22: La transition énergétique près de chez vous

21 ASSOCIATION P’AIX 21

Le diagnostic de performance énergétique

Qui n’a déjà vu cette échelle de consommation d’énergie étiquetée sur les appareils

électriques ou électro-ménagers ? Elle comporte classes allant de A à G, en ordre décroissant

de performance (ordre croissant de consommation).

Le même principe est appliqué dans le bâtiment, où la performance s’exprime en

kWh/m2/an. L’objectif est de faire converger l’ensemble du parc immobilier français – environ

30 millions de logements tout de même – vers la catégorie A (de 0 à moins de 50kWh/m2 /an),

garante de l’obtention du fameux Facteur 4.

Le Facteur 4 : Le Grenelle a fixé comme l’objectif ambitieux de réduire de 80%

les émissions de CO2 de la France d’ici 2050 (par rapport à 1990). La déclinaison

de cet objectif au secteur résidentiel et tertiaire implique de diviser par 4 la

consommation intérieure des bâtiments, pour atteindre une moyenne de

50kWh/m2/an. Ce chiffre prend en compte le contenu moyen en carbone de

chaque kWh, lui-même fonction des sources d’énergie utilisées. Plus le mix français

se verdit, moins il émet de CO2, plus l’objectif de facteur 4 peut être traité avec

souplesse dans ce secteur.

Le DPE (diagnostic de performance énergétique), qui est devenu obligatoire pour toute

vente ou location de logements (Arrêté du 8 février 2012, entré en vigueur au 1er janvier 2013),

est réalisé par un expert pour une durée de validité de 10 ans. Il consiste en une modélisation

des consommations intrinsèques du logement, sur la base d’observation et d’hypothèses. On

prend ainsi en compte les données climatiques (températures, ensoleillement, vent), on

observe l’état de l’isolation, on intègre le type de chauffage, etc…

Ce diagnostic n’est donc qu’une estimation, au jugé, bien que reposant sur des hypothèses

crédibles. Il ne vous dit pas combien vous consommez réellement, ce n’est d’ailleurs pas son

objectif. Surtout, il ne prend pas en compte vos appareils, d’où notre choix du terme

« intrinsèque » : on estime a consommation de vos murs, pas ce qui s’y trouve à l’intérieur.

Le DPE vous propose des recommandations, des pistes d’amélioration d’ordre général.

Mais son utilité ne doit pas être surestimée, car les hypothèses ne cadrent pas forcément avec

les habitudes de chacun. Par exemple, l’hypothèse est que la température du foyer est en

moyenne à 19° le jour et à 16° la nuit, mais ces chiffres peuvent augmenter avec la frilosité des

habitants, qui peut augmenter avec leur âge.

A moins que M. et Mme Martin souhaitent vendre leur maison, on ne voit donc pas à quoi

pourrait leur servir le DPE dans leur cas précis. D’autant que le coût, bien que faible, n’est pas

non plus anecdotique : de 95 à 130€, selon Viadiagnostic, le réseau des professionnels du

diagnostic immobilier (www.viadiagnostic.fr).

Page 23: La transition énergétique près de chez vous

22 ASSOCIATION P’AIX 21

Car il faut bien comprendre qu’un tel diagnostic, réalisé entre 30 et 60 minutes, ne fera

que vous confirmer ce que vous pouvez deviner : votre chauffage électrique est un gouffre et

avec lui vous ne pourrez au mieux (difficilement) obtenir qu’une classe C, l’orientation sud de

votre logement vous évite de chauffer en journée ensoleillée, il vous faudrait mieux isoler

votre toiture et changer vos fenêtres un jour… Il faut donc un outil plus ambitieux.

L’audit énergétique

Il s’agit ici pour M. et Mme Martin de faire appel à un professionnel, souvent un bureau

d’étude, pour évaluer précisément les points faibles de leur logement et évaluer

financièrement les solutions pour y remédier. L’appartenance du professionnel à un réseau

peut apporter des garanties supplémentaires. Il existe par exemple l’ATEE (Association

Technique Energie Environnement) pour les entreprises et collectivités, qui regroupe 2000

professionnels issus de différents corps de métier.

Quoi qu’il en soit, pour trouver un professionnel de confiance, il suffit aux Martin de se

diriger vers l’agence locale de l’énergie (ALE) la plus proche de chez eux… s’il y en a une. Bien

que de plus en plus nombreuses, elles sont surtout concentrées dans les grandes

agglomérations. Reste le téléphone (FLAME : fédération des agences locales de la maitrise de

l’énergie).

ALE : Impulsées par l’Union Européenne dès 1994, ces agences sont créées par

les collectivités qui en font la demande, et bénéficient d’un financement

complémentaire de l’ADEME puisqu’elles portent le dispositif « espaces info-

énergie ». Elles ont pour fonctions de (i) sensibiliser et conseiller les acteurs et

citoyens aux enjeux énergétiques ; (ii) participer aux stratégies de transition

énergétique des collectivités territoriales ; (iii) conseiller et former les

professionnels sur les solutions d’optimisation énergétique ; (iv) diffuser et enrichir

l’expertise des territoires au niveau européen et national. A ce jour, 33 ALE ont vu

le jour et sont regroupées au sein de la FLAME.

ADEME : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. L’AEME est

l’opérateur de l’Etat pour « accompagner la transition énergétique et

écologique ». Créée en …, elle regroupe des chercheurs qui réalisent notamment

des études analytiques et prospectives, des modélisations économiques, des outils

d’évaluation et de mesure. Elle conseille les collectivités et l’Etat et offre des

financements à tous les acteurs socio-économiques. Elle dispose d’antennes en

Régions.

Page 24: La transition énergétique près de chez vous

23 ASSOCIATION P’AIX 21

M. et Mme Martin pourront ainsi obtenir un devis et une rentabilité attendue s’ils

souhaitent installer une pompe à chaleur ou des panneaux solaires. Mais ils ne sont pas plus

avancés sur les caractéristiques de leur consommation ! On leur vend – cher (entre 700 et

1500€) – un diagnostic précis, on les oriente sur des solutions rationnelles, mais on ne leur

permet toujours pas précisément de connaitre leur profil de consommation.

Néanmoins, des subventions existent, notamment de la part de l’ADEME, et l’audit peut se

justifier si M. et Mme Martin sont déjà décidés à investir : l’éventail des choix se présentant

aux Martin fait l’objet de la deuxième partie de cet ouvrage.

La mesure de la consommation

M. et Mme Martin, comme tous les français, disposent d’un compteur électrique. Mais,

pour pouvoir être relevé à tout moment par un agent du réseau de distribution (ErDF), celui-ci

est situé à l’extérieur de la propriété des Martin. Néanmoins, il est facile pour les Martin d’y

accéder, et de vérifier lorsqu’ils en ont besoin où en est leur consommation. Simplement, ils ne

le font pas. En effet, quel intérêt de relever le nombre de kWh consommés à intervalles plus

ou moins réguliers, alors que pour traduire cela en euros facturés, il faudrait intégrer les

nombreuses taxes et ajouter la part fixe de l’abonnement ? Il est plus simple de laisser le

fournisseur nous prélever sur la base d’estimations qui seront vérifiées et corrigées

périodiquement (6 mois ou un an) et donneront lieu soit à des remboursements soit à des

prélèvements complémentaires.

Arrêtons-nous un instant sur ce sujet, bien moins anodin qu’il n’y parait. Si l’opérateur

relève, c’est bien qu’il ne sait pas combien M. Martin a réellement consommé depuis son

dernier relevé – disons janvier dernier. Pour parer à toute éventualité, il lui a donc fourni de

l’électricité en se basant sur une estimation haute, soit très probablement plus que M. martin

n’en a eu besoin. Bien sûr, l’installation de M. Martin étant reliée au réseau, le surplus y est

reparti et a probablement été consommé ailleurs. Mais ce phénomène appelle plusieurs

constatations.

D’abord, le réseau est en mesure de fonctionner en deux sens, à l’instar d’une autoroute

ou du réseau internet : il peut nous fournir mais aussi acheminer le produit de notre

production si nécessaire. Ensuite, le fournisseur ne sait pas exactement notre consommation à

l’instant t, et ne peut donc effectuer un équilibrage parfait offre / demande à l’échelle

individuelle. Il tend donc à « surdimensionner » l’offre pour éviter toute panne de courant, et

compte sur l’agrégation de comportements individuels plus aisément prévisibles (appelée loi

des grands nombres en statistiques) pour équilibrer le réseau. Enfin l’accès à l’information de

consommation est libre et non confidentiel, puisqu’il suffit à M. Martin, un agent ErDF ou un

voisin curieux d’ouvrir le boitier de M. Martin pour lire le relevé. Cette information est

toutefois bien imparfaite, puisqu’elle mesure uniquement un stock, et ne dit rien sur les flux

Page 25: La transition énergétique près de chez vous

24 ASSOCIATION P’AIX 21

(la vitesse de consommation) qui illustreraient l’évolution en réel de la consommation de M.

Martin.

On voit bien à la lumière de ces remarques que le réseau n’a pas véritablement à

s’adapter à la multitude des usages, des sources intermittentes d’énergie, ou à l’imprévu des

consommations : il le fait déjà. En fait, c’est très exactement la mission assignée aux

gestionnaires de réseau !

Néanmoins, le développement des nouvelles technologies de l’information et de la

communication permet d’opérer un saut qualitatif majeur : on peut à présent obtenir en direct

les données de consommation, et équilibrer / optimiser le réseau à haute fréquence, à l’instar

des marchés financiers… Comme sur ce marché, une parfaite disponibilité de l’information

permettrait à chaque acteur, petit ou grand, d’obtenir en temps réel un équilibre en achetant

ses besoins ou en vendant son surplus. Sur un marché comme sur l’autre, la disponibilité de

l’information est toute théorique. Dans les faits, il existe trois stratégies bien différentes

d’acquisition des données. Notons d’ores et déjà qu’aucune ne comporte de difficulté

technique propre : au contraire, il s’agit toujours d’installer les mêmes systèmes d’information.

Ce qui les différencie est le destinataire de l’information.

Stratégie 1 : Linky

La première stratégie est de confier l’installation d’un compteur intelligent à ErDF. Ce

compteur a un nom, il s’appelle Linky, et le gouvernement Ayrault (mai 2012 – mars 2014) a

approuvé sa substitution à l’ensemble des compteurs actuels (35 millions d’appareils) d’ici

2021 : une première tranche de 10 millions de Linky sont en cours de pose. Il est donc fort

probable que M. et Mme Martin n’aient pas à solliciter l’installation de Linky, puisqu’ ErDF se

charge de tout. Il est même possible que M. et Mme Martin en soient très prochainement

équipés. Pratique ? Pas vraiment. Détaillons.

D’abord le coût : il doit être « indolore » pour les consommateurs selon l’ancien premier

Ministre, il ne sera donc pas facturé au client. Sauf que le coût est extrêmement élevé (entre 6

et 10Mds € selon les estimations). Et ErDF étant une entreprise publique, ses ressources seront

financées par l’Etat, et in fine par nos impôts. Nous reviendrons plus en détail sur les relations

complexes entre gestionnaires de réseaux, opérateur historique et Etat dans le chapitre 7 (3°

partie).

Quant aux précieuses données de consommation de M. et Mme Martin, elles sont

directement collectées par le gestionnaire de réseau et transmises à votre opérateur.

Précieuses, elles le sont, puisque croisée avec les données de vos voisins, de votre commune

ou de votre intercommunalité, elles permettent d’optimiser l’équilibre du réseau par :

Page 26: La transition énergétique près de chez vous

25 ASSOCIATION P’AIX 21

La minimisation de l’approvisionnement nécessaire auprès des producteurs (plus besoin de

solliciter d’importants surplus de kWh pour faire face aux inconnues)

La minimisation des pertes sur réseaux (le gestionnaire sollicitera prioritairement le kWh

produit par le producteur le plus proche de chez vous).

Le fournisseur gagne sur tous les tableaux en réduisant sensiblement ses coûts. Pour M.

Martin, c’est moins évident, il faudrait que son fournisseur répercute au moins partiellement la

baisse des coûts sur sa facture (nous reviendrons plus précisément sur les enjeux liés aux

compteurs et réseaux intelligents en troisième partie).

Mais surtout, et c’est là le plus ennuyeux, M. Martin n’a toujours pas un accès détaillé à

ses données ! Il a certes accès – obligatoire selon la loi – à ses données de consommation, mais

celles-ci lui sont fournies brutes, c’est-à-dire en kWh consommés sur un laps de temps. Or ce

qu’il faut à M. et Mme Martin, c’est la traduction en euros, et en temps réel de leur

consommation7. C’est ce qu’on appelle l’affichage déporté.

Dans ce cas de figure, il s’est contenté de confier à son fournisseur l’optimisation de sa

propre consommation par rapport aux besoins du réseau. Il n’a aucune idée de comment

consommer et quand, aucune piste sur des sources économies potentielles. On se charge de

tout à sa place, en échange d’une baisse hypothétique de sa consommation ou de conditions

tarifaires préférentielles (aux heures creuses par exemple). Ces conditions tarifaires

préférentielles n’auraient de surcroit pas de garantie de pérennité. En effet, les tarifs sont faits

pour être révisés : ils sont corrélés aux pointes de production, la production dépend de la

matrice énergétique française, qui elle-même évolue.

La transmission des données est un enjeu majeur, qui soulève des questions

juridiques de propriété. Pour parer à cet écueil, les compteurs Linky sont bien

équipés d’un port USB, ce qui permettrait au consommateur de récupérer ses

données avec une clef USB. Malheureusement, le port choisi pour équiper Linky est

incompatible avec les clefs disponibles dans le commerce ! On peut le regretter, et

se demander si ErDF cherche à faire payer au consommateur ses propres données

de consommation. Il faut en outre souligner qu’avec les technologies actuelles de

communication, le port USB n’est en aucun cas le moyen de transmission le plus

rapide ni le plus direct. On ne compte plus les applications pour smartphone qui

vous informent en temps réel, de la position de votre compte courant au rythme

des battements de votre cœur…

7 La loi sur la transition énergétique prévoit bien de rendre obligatoire l’affichage déporté, mais uniquement pour les ménages en situation de précarité énergétique.

Page 27: La transition énergétique près de chez vous

26 ASSOCIATION P’AIX 21

Stratégie 2 : les prestataires de l’effacement

Il existe en France un marché de l’effacement, qui propose aux grands consommateurs de

suspendre volontairement leur consommation durant les heures de pointe moyennant une

compensation financière : nous y reviendrons en 3ème partie.

Certaines entreprises proposent depuis peu un service similaire aux particuliers : elles

installent chez vous un boitier couplé à un logiciel qui leur transmet vos données, mais pas

seulement. Certains systèmes contiennent des détecteurs de présence, permettant de savoir

lorsque vous n’êtes pas chez vous et de couper temporairement l’alimentation afin de cumuler

des kWh effacés auprès des particuliers.

Il est probable que M. Martin doive payer pour l’installation de cet équipement ou

s’acquitter d’un abonnement mensuel pour une somme modique. En échange, le prestataire

vous garantit une réduction de votre consommation (de l’ordre de 10à 20%), et de partager

avec vous les gains qu’il engendre sur le marché de l’effacement en revendant à de gros

consommateurs les certificats de kWh effacés (voir partie 3).

Approche séduisante, plus orientée vers la recherche de gains financiers, elle n’en

demeure pas moins soumise aux mêmes limites que la première stratégie décrite : à savoir

l’expropriation de fait des données de consommation de M. Martin.

Stratégie 3 : Mesurer soi-même

Boitiers et logiciels étant disponibles, pourquoi ne pas les monter soi-même ? L’intérêt

peut ne pas sauter aux yeux de prime abord, il est pourtant crucial : nous allons voir pourquoi.

Les boitiers coûtent entre 50€ pour les plus élémentaires (simple affichage en direct des

données de consommation) à une centaine d’€ environ pour les plus sophistiqués (connectés à

votre box internet, ils traitent vos données et les utilisent pour générer graphiques, tableaux,

courbes, etc. via un logiciel dédié). Surtout, certains de ces boitiers sont capables d’intégrer

des paramètres économiques, tels que le coût de l’électricité. Ils sont donc en mesure de

convertir vos données de consommation en données monétaires, pour que vous sachiez à tout

instant combien vous avez dépensé.

Ils se fixent à n’importe quel fil électrique de votre maison ou se connectent à votre box

par clef USB : simple et pratique. On peut d’ailleurs s’étonner qu’au regard d’une telle

simplicité ces boitiers ne soient disponibles que sur internet : leur vente n’est pas encore

disponible en France.

Page 28: La transition énergétique près de chez vous

27 ASSOCIATION P’AIX 21

Les boitiers sont composés de trois éléments :

Un capteur qui se « pince » autour du câble d’alimentation générale ;

Un émetteur sans fil relié à la pince ;

Un récepteur avec écran d’affichage en kWh et en €.

On peut compléter l’installation par un wattmètre, qui en se branchant sur chaque

appareil électrique, déterminera sa consommation individuelle sur une durée déterminée.

Une fois son boitier installé, M. Martin voit s’afficher sa consommation en temps réel. Au

bout de quelques jours, une courbe de consommation lui décrira son profil-type : les moments

où il consomme le plus, le mois, et dans quelle magnitude. En éteignant puis en rallumant ses

appareils successivement, il comprendra quels sont les plus gourmands en énergie, et pourra

décider de remplacer ces appareils. Il pourra également programmer les appareils qui le

permettent (lave-linge, lave-vaisselle par exemple) à des heures creuses. Au bout de quelques

mois, M. Martin connaitra son profil en fonction des saisons, et pourra là encore identifier les

sources de gaspillage, d’économies potentielles, et agir en conséquence. Les possibilités

d’élaborer une stratégie de consommation – voire de production (voir partie 2) se clarifient.

Pour la première fois, M. Martin s’approprie la question de l’énergie, jusque-là réservée

aux ingénieurs spécialistes, et à présent aussi simple à comprendre qu’une application de

téléphone portable.

Figure 4 : Exemple d’une courbe de consommation disponible en application

Capture d’écran de l’application RTE sur la

consommation nationale quotidienne :

Pourquoi ne pas l’envisager à l’échelle d’un

foyer ?

Page 29: La transition énergétique près de chez vous

28 ASSOCIATION P’AIX 21

DEUXIEME PARTIE

LE CITOYEN DEVIENT ACTEUR

CHAPITRE IV

M. MARTIN FAIT ISOLER SON LOGEMENT

Ainsi que nous l’avons mentionné au chapitre 1, le logement émet 14% des émissions de

CO2 françaises et 27% de la consommation énergétique nationale. A ce titre, il est un secteur

fondamental pour la transition énergétique initiée actuellement.

L’habitat de M. Martin, le logement individuel, est significatif pour les problèmes de

chauffage qu’il engendre. La dépense unitaire d’énergie par mètre carré est plus importante

dans les logements individuels que collectifs. C’est assez logique : les logements individuels ont

pour une surface équivalente plus de sources potentielles de déperdition de chaleur (toits,

murs). En conséquence, M. Martin paye une facture mensuelle élevée : au vu des moyennes

nationales évoquées au chapitre 1, un montant compris entre 100€ et 150€ par mois est une

estimation envisageable.

Donc, le couple Martin consacre entre 3 et 5% de son revenu mensuel de 3000€ à des

dépenses énergétiques au sein de son logement. C’est un montant significatif pour un couple

appartenant aux classes moyennes : pour des foyers aux revenus inférieurs, et ils sont

nombreux, la facture risque de grever plus sérieusement le pouvoir d’achat. Lorsque celle-ci

atteint une part fixée arbitrairement à 10%, il n’est pas exagéré de définir le foyer considéré

comme étant en situation de précarité énergétique. Or de nombreux foyers se situent près de

ce seuil, et la hausse répétée des tarifs du gaz et de l’électricité les rapproche dangereusement

de ce seuil fatidique, déjà franchi par 3,8 millions de foyers en France (source : ONPE –

Observatoire National de la Précarité Energétique).

Ce qui nous amène au constat suivant : en l’état actuel, la précarité énergétique risque de

devenir un enjeu social majeur à moyen terme, et la nécessité pour l’Etat d’y répondre risque

d’alourdir encore un peu plus un déficit budgétaire bien difficile à résorber.

Jusqu’à présent, le soutien à la précarité énergétique est financé par la CSPE (Contribution

sociale pour la Production d’Energie), appliquée à toute facture d’électricité, dont celle de M.

Martin. Celui-ci paye donc un supplément pour faire jouer la solidarité nationale à l’égard des

Page 30: La transition énergétique près de chez vous

29 ASSOCIATION P’AIX 21

plus pauvres. Notons que cette CSPE finance aussi la péréquation (qui garantit un tarif égal de

l’électricité pour tous les résidents, quel que soit leur lieu d’habitation) et le soutien aux

énergies renouvelables par les tarifs de rachat.

Au fur et à mesure que le nombre de précaires énergétiques augmentera, l’Etat sera

confronté à deux choix aussi mauvais l’un que l’autre. Le premier consiste à maintenir

constante la pression fiscale pour éviter une hausse des tarifs qui ferait basculer un nombre

supplémentaire de foyers dans la précarité énergétique. Il faudrait alors rogner sur le soutien

aux énergies renouvelables ou remettre en cause la péréquation. Le second serait motivé par

le refus de sacrifier les objectifs de transition énergétique et le principe de péréquation dans

un pays de tradition égalitaire : il se résoudrait donc à augmenter la CSPE, augmentant ainsi la

précarité énergétique et générant par conséquent un cercle vicieux entre taxation, pouvoir

d’achat et précarité.

C’est pourquoi l’isolation des logements est un élément crucial de la transition

énergétique : chaque opération à l’échelle d’un foyer réduit sa consommation énergétique et

le risque qu’il bascule dans la précarité. C’est donc une priorité qu’il vaut mieux mettre en

place dès maintenant, alors que les tarifs sont encore raisonnables, plutôt que d’attendre que

la situation devienne potentiellement dramatique.

Malheureusement, tout projet d’isolation est une décision avant tout individuelle. Il existe

bien des aides des collectivités ou de l’Etat, des professionnels prêts à réaliser de tels travaux

chez M. Martin.

Il existe en France trois sources de subventions aux propriétaires pour la

rénovation énergétique. L’agence nationale de l’habitat (ANAH8) propose des

aides pour augmenter la performance énergétique des logements occupés par des

personnes précaires d’au moins 25%. Elle distingue les propriétaires occupants des

propriétaires bailleurs. Pour les premiers, elle prévoit une aide allant de 35 à 50%

du montant des travaux, plafonnés à 20.000€. Pour les seconds, l’aide est

plafonnée à 25% du montant des travaux, à condition que soit appliqué un loyer

social. Une troisième catégorie d’aides – jusqu’à 50% des travaux - vise les

copropriétés dégradées (identifiées notamment par leurs syndicats en grande

difficulté financière).

A ces aides peuvent s’ajouter des aides du Ministère de l’écologie et des

collectivités territoriales. Dénommées « aides de solidarité écologique », celles-ci

font partie de l’arsenal du programme « Habiter mieux » de l’Etat, qui peut être

volontairement soutenu par les collectivités territoriales (leur part de

cofinancement est alors laissée à leur discrétion). Ainsi, il est possible dans certains

cas de se faire subventionner à plus de 50% de la valeur des travaux.

8 Pour plus d’informations, voir le document suivant : http://www.anah.fr/fileadmin/anah/Mediatheque/Publications/Les_aides/anah_guide_des_aides_janvier_2015.pdf

Page 31: La transition énergétique près de chez vous

30 ASSOCIATION P’AIX 21

Pourtant, les Martin n’ont pas encore entrepris de démarches en ce sens. Pourquoi ?

D’abord, parce qu’ils ne sont pas directement concernés par les programmes de soutien

actuels, qui visent exclusivement les propriétaires en situation de précarité énergétique. Mais,

à penser que le dispositif s’étende aux classes moyennes, il est encore peu probable que les

Martin en soient informés. Il y a là un problème d’interlocuteur : ce n’est pas à l’ANAH de

contacter les propriétaires mais bien l’inverse. Or peu de gens connaissent jusqu’à l’existence

de l’ANAH. Il faut donc, et c’est un point crucial sur lequel nous reviendrons, que des

structures prennent en charge de manière active le relais d’information auprès des citoyens.

Dans ces conditions, comment faire en sorte qu’enfin les Martin puissent prendre la

décision d’entreprendre des travaux de rénovation, sans crainte de se lancer dans un projet

hasardeux ? Car ils se sont bien renseignés auprès de leur chauffagiste, d’un menuisier, de son

fournisseur d’électricité : le premier leur a conseillé d’installer une pompe à chaleur en lieu et

place de leurs convecteurs, le second leur propose de faire changer les fenêtres ou d’isoler la

toiture, le dernier leur a recommandé de changer leur vieux frigo pour un nouveau à

consommation estampillée A+++…. Puis auprès de différents artisans, qui leur ont conseillé qui

de mettre de la laine de verre sous les combles, qui d’éliminer leur petit balcon pour éviter les

ponts thermiques, qui d’apposer un enduit thermocalorifique au sol de leur salon….

Pour délivrer un message cohérent et compréhensible aux Martin, trois options s’offrent à

nous.

Groupements d’artisans

L’isolation est intimement liée aux métiers du bâtiment, et son diagnostic et les solutions

proposées varient donc selon le corps de métier (la spécialité) de l’interlocuteur auquel on

s’adresse. Une solution serait donc de favoriser le regroupement de ces divers corps de métier

afin de proposer des solutions intégrées : chacun, fort de sa compétence particulière, apporte

son éclairage, ses propositions et vérifie la compatibilité ou non avec celles des autres. L’un

des artisans fait office d’interlocuteur auprès des particuliers et propose un devis unique,

élaboré en commun. Si ce devis est accepté, le groupe d’artisans travaillera de concert pour

réaliser les travaux d’isolation, et la seule facture générée pourra être éligible aux aides ou aux

ristournes fiscales mises en place par les pouvoirs publics.

Les 3 piliers pour un programme national de rénovation

Selon Olivier Sidler, patron de la société Enertech basée dans la Drôme et

grand avocat de la rénovation, le «décollage» d’un grand programme de

rénovation en France est soumis à 3 conditions:

- Rendre obligatoire la rénovation thermique.

Page 32: La transition énergétique près de chez vous

31 ASSOCIATION P’AIX 21

- Mettre en place une offre unique de financement, aisément identifiable et

permettant à n’importe quel français de financer ses travaux.

- Former les artisans à la fois pour qu’ils se constituent et fonctionnent en

groupements de compétence, et qu’ils complètent les éléments de formation

technique (étanchéité à l’air, VMC, isolation extérieure, etc.) nécessaires à la

rénovation.

Ces derniers, pour favoriser l’émergence de ces groupements, auraient à leur disposition

un large éventail de soutiens, qu’ils soient financiers ou techniques (formations gratuites pour

créer des regroupements par exemple). Car sans leur intervention, la création ad hoc de

groupements a peu de chances d’aboutir. Et si elle aboutit, rien à ce stade ne garantit

l’efficacité de ces groupements : comment se prémunir contre la tentation de « survendre » sa

solution au détriment de celles des autres, comment assurer la cohérence effective des

mesures proposées ? Et de plus, comment font les artisans pour se regrouper sur certains

territoires où les compétences manqueraient ? Il faut donc réfléchir à l’intervention

d’organismes publics.

Les collectivités territoriales organisent

Nous l’avons vu dans le chapitre précédent, des structures territoriales existent pour

conseiller et orienter les citoyens dans leurs choix énergétiques : il s’agit des ALE ou des EIE

(espaces info énergie). Elles possèdent en général des annuaires des professionnels opérant

sur leur territoire, et peuvent donc en premier lieu orienter M. Martin vers des groupements

s’ils existent. Mais à ce jour, si ceux-ci n’existent pas, les EIE ne peuvent rien faire !

Regardons de plus près les compétences des collectivités : les communes ont la main sur

les plans locaux d’urbanisme (PLU), qui leur donnent un inventaire complet des unités

d’habitation sur leur commune. Les départements ont la main sur la gestion du parc de

logements sociaux. Quant aux régions, elles sont en charge du développement économique.

Ainsi, les régions pourraient au choix obliger, inciter ou règlementer la création de

groupements d’artisans, auxquels l’ADEME délivrerait des formations et conseils et qui

obtiendraient un agrément ou une labellisation à l’échelle régionale. Afin de conserver leur

agrément, elles pourraient être assignées par leur commune ou leur département de

résidence à un nombre minimum d’interventions à effectuer sur une période de temps

donnée. Des outils de suivi pourraient être également élaborés, soit avec l’appui des

fournisseurs d’énergie (réductions de consommation constatées) soit sous forme de

questionnaires de satisfaction auprès des clients. Tout cela pourrait être coordonné par les ALE

ou les chambres de commerce et d’industrie.

Page 33: La transition énergétique près de chez vous

32 ASSOCIATION P’AIX 21

Le programme d’intérêt général Ardèche Verte

Dans le cadre du programme « Habiter Mieux », des communautés de

communes ardéchoises, soutenues par la région Rhône Alpes ont mis en place en

2012 un dispositif quinquennal (2013-2017) de soutien innovant aux travaux de

rénovation des logements individuels. Les EPCI mobilisent un opérateur qui a la

charge de l’accompagnement global de tout projet. Contacté par les personnes

intéressées, l’opérateur visite les logements, établit un diagnostic, ainsi qu’un

projet de travaux. Cette étape, totalement gratuite, débouche sur la constitution

d’un dossier personnalisé avec un devis correspondant. L’opérateur coordonne

pour chaque dossier la réalisation des travaux, le déblocage de toutes les aides

éligibles et la vérification des performances énergétiques obtenues. L’objectif de

100 dossiers par an a été dépassé dès 2014 (160 dossiers). La moyenne de travaux

par dossier est de 3 600 € HT, avec environ 58% d’aides. La moyenne de gain en

économie énergie est de 40%.

Parmi les avantages reconnus du dispositif, celui-ci pousse à faire le

maximum : il est plus rentable et efficace de faire en un coup une opération lourde

permettant des économies d’énergie significatives. De plus, les artisans locaux ont

commencé à se mobiliser pour se former et obtenir les certifications (RGE9,

QUALIBAT, …). Ils deviennent de fait proactifs.

L’autre volet est financier : la structure de coordination des groupements pourrait aussi

avoir la compétence de montage financier des projets. Elle identifierait l’ensemble des aides

existantes, mais pourrait aussi proposer des solutions de financement. Car les travaux

d’isolation, pour atteindre des résultats satisfaisants, sont souvent chers : 5.000 € en moyenne

(source : ADEME).

Le rôle des communes : l’exemple de Venelles (Bouches-du-Rhône)

Au sein de cette petite commune de 10.000 habitants environ, l’ancien maire

M. Jean-Pierre Saez a imaginé un dispositif d’accompagnement original. Il mettait

gracieusement à disposition des habitants une caméra thermique (qui permet de

visualiser les pertes calorifiques ainsi que les sources d’humidité dans un

logement). A l’issue de cet auto-diagnostic, les habitants étaient incités à

entreprendre des travaux de rénovation. Si ces travaux, une fois effectués,

permettaient au logement d’augmenter de classe énergétique (passant par

exemple de la classe E à la classe D), les foyers bénéficiaient alors d’une décote sur

leur taxe d’habitation. Décote acquise puisqu’elle s’applique aussi les années

suivantes.

Néanmoins, un certain nombre d’incertitudes demeurent, notamment sur l’organisation

interne de ces groupements et la désignation d’un interlocuteur unique. A ces questions les

9 Label indispensable pour les éco-prêts à taux zéro

Page 34: La transition énergétique près de chez vous

33 ASSOCIATION P’AIX 21

organismes publics ne peuvent apporter de réponses car ce n’est pas leur métier. Ce n’est

d’ailleurs celui de personne à ce jour : pourquoi cela ne ferait-il pas l’objet d’un nouveau

métier ?

Vers un nouveau métier : conseiller en isolation

Des propositions précédentes, malgré leur pertinence supposée, se dégage l’impression

de lenteur et de complexité : regrouper un charpentier, un peintre, un maçon, un électricien,

etc. peut être long, surtout sur un territoire rural ou semi-rural. Arriver à les faire travailler

ensemble en bonne intelligence est complexe, s’assurer de la qualité du service rendu est

ardu. Il n’est donc pas garanti que des millions de propriétaires décident d’isoler leur logement

à l’instar de M. Martin et qu’ils entreprennent des travaux qui se révèleraient à la hauteur de

leurs espérances !

Dans ce genre de projets, avoir pour M. Martin un interlocuteur unique est une nécessité.

Or si cet interlocuteur fait partie de l’un des corps de métier nécessaires aux travaux, la

tentation de mettre en avant son corps de métier auprès de M. Martin est trop grande. Par

contre, s’il s’agit d’un conseiller en isolation, il est plus probable qu’il traite les solutions des

différents corps de métier en toute indépendance et objectivité.

C’est peut-être à cela que doit s’atteler la puissance publique, via l’ADEME : la formation

diplômante de ces nouveaux métiers. Le conseiller serait une sorte de maitre d’œuvre de

l’isolation. Ainsi, on maximise les chances de procéder à des travaux globaux, ambitieux en

termes de réduction de la consommation d’énergie. Rien n’empêche par ailleurs d’élargir le

champ de compétences de ces conseillers aux projets de production de chaleur et d’électricité

que nous aborderons aux chapitres suivants. En d’autres termes, il s’agirait là de créer un

métier de conseiller en « bâtiment à énergie positive ».

Ce nouveau métier ne peut être entièrement improvisé : le rôle des puissances publiques

serait de définir un cadre règlementaire suffisamment léger pour ne pas obérer son

développement et suffisamment solide pour garantir l’efficacité et la probité des conseillers.

Nous avons évoqué la formation, étape indispensable à laquelle l’ADEME pourrait participer.

Une fois cette formation passée, les lauréats seraient tenus de signer des clauses

d’indépendance par rapport à d’éventuels donneurs d’ordre, qu’ils soient aménageurs ou

porteurs de techniques de construction particulières. Enfin, l’autorité publique serait en droit

de délivrer un agrément à ces nouveaux conseillers afin qu’ils puissent exercer leur profession.

Ceci nous amène à une discussion plus large, car la plupart des mesures sur la transition

énergétique dans le bâtiment concernent les logements neufs. Or, en moyenne, sur un parc de

30 millions de logements, on compte un nombre de constructions neuves aux alentours de

300.000 par an, soit 1% à peine du parc dans son ensemble. Il faudrait donc environ un siècle

pour que l’intégralité du parc actuel soit renouvelée. L’enjeu majeur réside donc non pas dans

Page 35: La transition énergétique près de chez vous

34 ASSOCIATION P’AIX 21

le neuf mais bien dans l’ancien. Or actuellement la réhabilitation thermique n’en est qu’à ses

balbutiements : le manque de coordination entre métiers et le prix élevé des travaux à

entreprendre freinent les propriétaires habitants. Pour les logements à la location, c’est pire :

ni le propriétaire ni le locataire n’ont intérêt à effectuer de tels travaux, puisque celui qui

prend les travaux à son compte n’est pas celui qui bénéficie des réductions de charges.

Il est donc important de se pencher sur la question du financement des travaux. Plusieurs

propositions ont émané pour mettre en place du tiers-financement : une structure avance les

frais de rénovation, puis se fait rembourser par un loyer sur une période de temps négociée

contractuellement avec le maitre d’ouvrage. Ce remboursement est permis par les économies

d’énergie réalisées grâce aux travaux. D’autres solutions innovantes pourraient être mises en

place, notre objet n’est pas de les imaginer, mais de mentionner au moins un élément devant

être pris en compte lors de leur élaboration : celui de la nécessaire participation aux frais des

locataires. Celle-ci est évidemment difficile à concevoir, le locataire n’étant lié que

temporairement à son propriétaire et que les travaux d’isolation auront une incidence sur

l’ensemble de la durée de vie du logement. Néanmoins, une participation partielle permettra

d’enclencher la transition énergétique dans les 43% de logements loués par des français non

propriétaires.

Page 36: La transition énergétique près de chez vous

35 ASSOCIATION P’AIX 21

CHAPITRE V

M. MARTIN PRODUIT SA CHALEUR

Nous allons présenter plusieurs solutions s’offrant aux Martin pour produire leur chaleur à

partir de sources renouvelables. D’autres solutions existantes comme les planchers solaires

directs ou la géothermie individuelle ne seront pas abordées ici, car elles requièrent de gros

travaux qui se situent hors de notre postulat de base. Pour être pertinents, ces travaux doivent

généralement être entrepris lors de la construction d’un nouveau logement.

Chauffe-eau solaire individuel

La plupart des français sont familiers des ballons de stockage de l’eau chaude sanitaire,

aussi appelés cumulus. Ces cylindres vont en général de 50 litres pour les plus réduits (destinés

aux résidences étudiantes, chambres de bonne, studios…) à 500 litres pour les plus grands.

L’eau y est chauffée, soit par résistance électrique, soit par une chaudière à gaz. Nous l’avons

vu précédemment, lorsqu’elle est électrique, l’eau chaude sanitaire représente environ un

quart de notre consommation électrique, autant que notre consommation due aux appareils

électriques connectés de notre foyer. Cela vaut-il la peine de passer à un chauffe-eau solaire ?

Le chauffe-eau solaire individuel (CESI) consiste en quatre éléments indispensables :

Les capteurs, c’est-à-dire les panneaux solaires. Ceux-ci ne sont pas les mêmes que les

panneaux photovoltaïques, puisqu’ils chauffent un fluide caloporteur circulant dans un

tube situé sous les capteurs. Ce fluide, acheminé par une pompe de circulation, retourne

une fois chauffé dans le ballon de stockage.

Le ballon de stockage sert donc à stocker l’eau chaude entre 45° et 60° via le tube, en

forme de serpentin, contenant le fluide caloporteur préalablement réchauffé par l’action

des capteurs thermiques.

Les capteurs ne fonctionnant pas à tout moment de l’année, le CESI doit disposer d’un

système d’appoint de production d’eau chaude. Il s’agit le plus souvent d’une résistance

électrique, ce qui vient confirmer que ce système ne peut pas être totalement autonome.

Le régulateur, qui vise à contrôler la température de l’eau et notamment éviter les

surchauffes ou activer le système d’appoint.

Page 37: La transition énergétique près de chez vous

36 ASSOCIATION P’AIX 21

Figure 5 : Le fonctionnement d’un CESI

L’avantage du CESI est qu’en faisant appel à une technologie simple et maitrisée, il peut

couvrir jusqu’à 65% des besoins annuels. Pour le stockage de 200 litres d’eau par jour

(suffisant pour 3 à 4 personnes), il suffira d’installer entre 4m2 et 6m2 de capteurs solaires

selon la région où l’on habite. L’inclinaison des capteurs est un facteur bien moins contraignant

que pour le photovoltaïque : on peut en fait orienter le capteur de la façon que l’on veut, de

l’horizontale à la verticale. Plus de calculs savants pour déterminer l’inclinaison et

l’emplacement optimaux. Enfin, son coût est peu élevé et peut donc être rentabilisé en

quelques années.

Néanmoins, chacun de ses éléments pose un certain nombre de problèmes que M. et

Mme Martin devront prendre en compte avant de choisir cette solution. D’abord, les capteurs

doivent être résistants : au gel, pour le fluide caloporteur, aux impacts pour le capteur lui-

même. Bien qu’ils disposent souvent d’une couche protectrice de verre de belle épaisseur, un

épisode de grêle particulièrement violent peut avoir des conséquences néfastes sur les

installations.

Le ballon de stockage ne présente pas de contrainte particulière, mais on peut noter qu’en

raison de son système interne de serpentins transportant le fluide caloporteur et chauffant

ainsi l’eau, on ne peut pas espérer recycler son vieux cumulus en le branchant à un panneau

solaire : il faut changer l’équipement en entier. Le deuxième frein provient de l’encombrement

inné de tout cumulus : il faut pouvoir le stocker, et de préférence dans un endroit ne

présentant pas de risques en cas de problème technique grave (on préfèrera la cave à la

chambre des enfants).

Page 38: La transition énergétique près de chez vous

37 ASSOCIATION P’AIX 21

Le système d’appoint caractérise de par son existence la principale lacune du CESI : sa

fâcheuse tendance à fonctionner à plein lorsqu’on a le moins besoin de lui (en plein été), et…

inversement, sa disponibilité moindre sous des cieux gris (comme souvent en hiver) plus

propices à un bain chaud qu’une canicule estivale. D’où la nécessité d’un appoint,

généralement par résistance électrique, qui en plus de sa très forte consommation unitaire,

nécessite un délai important pour chauffer l’intégralité du volume d’eau. Il faut donc prévoir ce

temps de chauffage et programmer l’enclenchement du système d’appoint, de préférence en

heures creuses si l’on a choisi une option heures pleines / heures creuses.

Enfin, la principale contrainte liée au régulateur tient au risque de panne et donc au

besoin de maintenance, recommandé en moyenne tous les 4-5 ans, et durant laquelle le CESI

est évidemment inutilisable. A noter que la maintenance couvre aussi la vérification du fluide

caloporteur et la vérification des capteurs.

Si l’impact esthétique ne les rebute pas et qu’ils habitent le Sud de la France, les Martin

peuvent aussi installer leur ballon directement sur la toiture, en amont des capteurs.

L’avantage est qu’ainsi il n’est plus nécessaire d’équiper l’installation d’une pompe à

circulation (le fluide froid descend vers le capteur et remonte naturellement vers le ballon une

fois chauffé). On peut ainsi réduire ses coûts.

En conclusion, le chauffe-eau solaire n’est pas fait pour garantir une totale autonomie de

production de l’eau chaude sanitaire, mais en échange d’un investissement initial aux

alentours de 5.000€, M. et Mme Martin pourraient produire gratuitement la moitié, voire un

peu plus, de leur eau chaude sanitaire, réduisant ainsi leur facture annuelle d’électricité ou de

gaz de 100 à 300€. De nombreuses aides existent (crédits d’impôts, subventions de la part des

collectivités territoriales) et réduisent considérablement l’investissement initial. Mais

l’amortissement restera autour de la dizaine d’années. Plus d’informations sont disponibles

auprès de Qualisol, l’organisme de qualification du solaire thermique (http://www.qualit-

enr.org/qualisol).

Systèmes solaires combinés

Puisque nous avons abordé les effets thermiques du solaire, il est logique d’imaginer que

cette énergie puisse non seulement chauffer l’eau des Martin, mais aussi les pièces de leur

logement. Cette option existe, elle est assurée par des systèmes solaires combinés (SSC).

Combinés, ils le sont à deux niveaux : d’abord leur fonction est double, mais également leur

mode de fonctionnement.

En effet, l’eau chaude sanitaire doit être chauffée entre 45° et 60°, alors que le chauffage

ne nécessite de l’eau qu’entre 35°et 50°. Il faut donc opérer une stratification verticale dans le

ballon (c’est-à-dire le compartimenter en deux) pour résoudre le problème du différentiel de

Page 39: La transition énergétique près de chez vous

38 ASSOCIATION P’AIX 21

température. Ainsi, les contraintes techniques, et le coût de l’installation, sont revus à la

hausse.

Le dimensionnement doit être également revu à la hausse : en effet, l’intégration du

chauffage requiert une capacité additionnelle importante, ce qui explique que les SSC aient

une capacité totale entre 500 et 2000 litres. Cela devient une installation de grande dimension,

potentiellement bien encombrante. Il faut évidemment pouvoir chauffer toute cette quantité

d’eau, donc il faut augmenter dans les mêmes proportions la surface de capteurs : par rapport

à notre exemple de 200 litres pour les Martin, il nous faudrait multiplier par 2,5 pour un ballon

de 500 litres, par 5 pour un ballon de 1.000 litres (le volume nécessaire dépendant de la taille

des pièces à chauffer et des caractéristiques thermiques du logement des Martin). Soit entre

10 et 25m2 de capteurs.

On le voit, un tel système requiert un investissement initial bien plus significatif : ballon

plus volumineux, contraintes techniques supérieures et multiplication des capteurs. Or le CCS

souffre du même handicap que le CESI : l’inadéquation entre la saison pendant laquelle il

produit le plus (l’été) et la saison pendant laquelle il est le plus sollicité (l’hiver). Ainsi, le

système d’appoint, inévitable, sera très sollicité l’hiver. Proportionnellement plus que le CESI,

car les besoins de chauffage sont presqu’inexistants en été et quotidiens / constants en hiver,

tandis que l’eau chaude sanitaire est utilisée tout au long de l’année. Le SSC n’est donc en

mesure d’assurer qu’entre 10 et 60% des besoins annuels des Martin en chauffage et en eau

chaude sanitaire.

L’inadéquation entre consommation et production a un autre effet négatif que la perte de

rendement global annuel : les risques de surchauffe. En effet pendant l’été, les capteurs sont

moins sollicités et peuvent atteindre des températures très élevées. Les constructeurs doivent

donc intégrer des systèmes supplémentaires de sécurité que nous ne détaillerons pas, mais qui

ont des conséquences sur la pertinence du SSC. En tant qu’éléments techniques

supplémentaires, ils auront tendance à complexifier l’installation et peuvent générer des

risques de panne. Leur poids et leur volume peuvent être non négligeables et doivent être pris

en compte. Enfin, ces systèmes ont un coût de production et d’installation qui se répercutent

sur le prix final que devront payer les Martin pour s’équiper d’un SSC.

En conclusion, ce système peut être pertinent sur des zones fortement ensoleillées et/ou

isolées, mais leur coût et la complexité de l’installation le rend difficilement adaptable aux

besoins de M. tout le monde. Sans compter l’appréhension du risque, pour des clients non

experts en mécanique des fluides, de faire installer une gigantesque cocotte-minute dans leur

cave ou leur garage…

Page 40: La transition énergétique près de chez vous

39 ASSOCIATION P’AIX 21

Pompe à chaleur

C’est la star du chauffage individuel ces dernières années. Elle fonctionne de manière

schématique comme un réfrigérateur inversé : capter les calories de l’air extérieur pour

chauffer l’air intérieur. Alors évidemment la question se pose de comprendre comment de l’air

froid en hiver, avec des températures parfois négatives, peut-il alimenter un système pour

créer de l’eau chaude qui parcourrait les radiateurs de M. Martin et lui fournirait une agréable

chaleur dans sa maison.

La pompe à chaleur (PAC) fonctionne en circuit : elle capte l’air extérieur froid qui sert à

chauffer un fluide frigorigène (qui s’évapore à des températures inférieures à 0°). Ainsi sous

forme de vapeur, le fluide est dirigé vers un compresseur. En augmentant la pression, on

augmente considérablement la température d’un gaz : le fluide va donc chauffer l’eau circulant

dans les radiateurs jusqu’à 50° généralement. A la sortie du circuit, un condenseur et un

détendeur effectuent l’opération inverse : la chute de pression refroidit le fluide frigorigène

jusqu’à ce qu’il redevienne liquide, à -20°.

Figure 6 : Schéma de fonctionnement d’une pompe à chaleur

On notera donc que pour fonctionner et capter les calories de l’air extérieur, la PAC a

besoin d’un air extérieur supérieur à -20°, ce qui est la plupart du temps le cas en France, sauf

à habiter en zone de haute montagne.

L’un des avantages majeurs de la PAC est son rendement, estimé à ente 3 et 4 selon les

modèles. C’est-à-dire qu’avec une unité de puissance électrique consommée, les Martin

produisent 3 à 4 unités de puissance calorifique. C’est donc 3 à 4 fois mieux qu’un simple

convecteur électrique, ce qui explique le succès populaire des PAC, qui ont en outre bénéficié

Page 41: La transition énergétique près de chez vous

40 ASSOCIATION P’AIX 21

de conditions très avantageuses pour leur développement (crédits d’impôts de 50%

notamment).

Il existe une grande variété de pompes à chaleur sur le marché, utilisant les calories de

l’air (aérothermie) ou du sol (géothermie), distribuant la chaleur par des circuits de fluide

frigorigène, d’eau chaude voire d’eau glycolée… Ces considérations techniques ne sont pas

primordiales, à l’inverse des nouvelles fonctionnalités proposées par les PAC dites réversibles.

Celles-ci ont un double usage, chauffant en hiver, rafraichissant l’été. Ainsi un même système

remplace avantageusement radiateurs et climatiseurs. Il est assuré généralement par des

« ventilo-convecteurs », qui comme leur nom l’indique sont équipés de ventilateurs

permettant une meilleure diffusion des calories ou de l’air frais dans les pièces.

Enfin, les Martin peuvent coupler à leur PAC un ballon d’eau chaude sanitaire, qui sera

donc chauffé par le fluide caloporteur issu de la PAC. Pour être pertinente, cette installation

doit être simultanée. En effet, le ballon d’eau chaude requérant une puissance nominale non

négligeable (de l’ordre du kW), il faut prévoir une PAC capable de fournir cet appel de

puissance supplémentaire. Si les Martin ont déjà investi dans une PAC, il est probable que le

couplage avec un ballon d’eau sera inopérant.

Trouver les chiffres ADEME sur le développement des PAC, les coûts moyen, de

fonctionnement, durées de vie, conditions tarifaires et subventions… Une PAC aérothermique

coûte en moyenne 11.000€. Pour des PAC géothermiques, compter entre 1800 et 4000€

supplémentaires. Pour une simple CET (chauffe-eau thermodynamique - eau chaude sanitaire),

compter entre 3000 et 4000€. Les coûts de fonctionnement d’une PAC varient entre 3 et 7€ /

m2 / an.

Les aides à l’installation d’une PAC sont nombreuses et diversifiées :

Crédit d’impôt de 30%, sans conditions de ressources (depuis 2015). Il n’est accordé que

pour un COP supérieur à 3,4 (et à 2,4 pour un CET). Le crédit d’impôt, qui s’applique à tous

travaux ou achats pour la transition énergétique, est plafonné à 16000€ pour un couple,

sur une durée de 5 ans.

TVA réduite, à 5,5% (fourniture et installation).

Un éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), pour lesquels l’éligibilité des travaux est attestée par

les professionnels et non plus par les banques. Il s’applique aux travaux d’installation en

résidence principale et son montant est limité selon l’ambition des travaux (fourchette

allant de 10.000 à 30.000€).

Ces aides sont valables pour toute action en faveur de la transition énergétique, et

pourront être appliquées indistinctement à chaque solution ou chaque bouquet de solutions

choisi.

Page 42: La transition énergétique près de chez vous

41 ASSOCIATION P’AIX 21

CHAPITRE VI

M. MARTIN PRODUIT SON ELECTRICITE

Nous l’avons vu, les usages électriques au foyer tendent à augmenter avec l’âge. C’est

logique, les personnes âgées restent en moyenne plus souvent chez elles et sollicitent don plus

leurs appareils électriques. Pour peu que leur chauffage soit électrique, alors les usages – et les

factures – explosent. Il n’est donc pas improbable que M. Martin décide de se lancer dans un

projet de production d’électricité.

Le choix de l’énergie

Il existe de nombreuses offres sur le marché destinées à réduire votre consommation, ce

qui peut entrainer une certaine confusion chez M. Martin. Mais en termes de production

électrique, il n’y a véritablement que trois possibilités techniques à l’échelle individuelle : le

photovoltaïque, le petit éolien et la micro-hydraulique.

Le photovoltaïque

L’électricité d’origine solaire a vu le jour dès les années 70 avec le développement du

solaire thermodynamique. Mais c’est bien le développement de la filière photovoltaïque qui a

permis une véritable révolution du solaire. Son potentiel de multiplication est de 10, tous les

10 ans, pendant 30 ans ! Le marché mondial en 2009 était estimé à 7Mds USD (pour

13.000MW installés), il pourrait passer à 31MdsUSD en 2015. A l’origine de cette fabuleuse

accélération, les améliorations technologiques qui ont permis de doubler le rendement de

conversion (du rayonnement solaire en électricité) en 30 ans (17-19% aujourd’hui contre 8-

10% dans les années 80).

Mais pourquoi cette énergie se prête-t-elle idéalement au cas de M. Martin ?

Tout d’abord, il s’agit de la technologie la plus facile à installer : fixer des panneaux

solaires (modules) sur une surface, les relier à un régulateur et un onduleur, et les relier au

réseau c’est en principe les seuls impératifs pour que l’installation fonctionne. Cette étape

franchie, vous n’aurez plus rien à faire pendant au moins 25 ans, soit la durée de garantie des

modules, dont on estime par ailleurs la durée de vie à 40 ans. Pas d’entretien nécessaire, pas

de réparation dans 99,9% des cas, la simplicité d’usage plaide en faveur du solaire plus que

pour toute autre ENR.

Page 43: La transition énergétique près de chez vous

42 ASSOCIATION P’AIX 21

Mais il existe une autre raison pour laquelle le solaire a trouvé sa niche chez les

particuliers : c’est une énergie par nature décentralisée car elle ne bénéfice d’aucun

rendement d’échelle. Ainsi, un générateur de 100kW est strictement équivalent à 100

générateurs d‘1kW chacun, et le coût de chacune des installations est lui aussi équivalent. Il

n’y a donc pas de force de marché poussant à la concentration des sites de production.

Enfin, l’intérêt majeur du solaire photovoltaïque consiste en son coût de production… en

chute libre. Le coût moyen pondéré serait passé d’environ 40c€/kWh en 2009 à 15c€/kWh fin

2014 pour le Sud de la France. La parité réseau avec les tarifs domestiques de l’électricité

d’origine nucléaire (15c€kWh) a donc été atteinte en 2014 dans le Sud de la France, et devrait

être atteinte dans le Nord entre 2016 et 2017. Cette chute provient à la fois de la baisse

continue des prix de vente des modules, en raison de l’augmentation exponentielle des ventes,

et de l’amélioration des rendements des cellules, due à un grand nombre d’acteurs en

compétition technologique pour gagner des parts de marché. Certains établissent le parallèle

avec la loi de Verdoorn, qui stipule que le coût d’une production baisse de 20% chaque fois

que la quantité produite double.

Les énergies conventionnelles sont-elles encore rentables ?

Nous avons vu que le coût du photovoltaïque est en chute constante. Or en

parallèle, les coûts de l’électricité nucléaire suivent une progression de type

linéaire, due à la fois au renforcement des protocoles de sécurité dans les

centrales, à la hausse des couts de maintenance et à une prise en compte

croissante des externalités du nucléaire. La première raison est peut être une

conséquence de la catastrophe de Fukushima, mais il est improbable que les

exigences du public en matière de sécurité suivent une courbe descendante. Les

coûts de maintenance sont liés à la hausse programmée de la durée de vie des

centrales, et sont par conséquent inévitables. Le seul moyen de les éviter serait le

remplacement par de nouvelles centrales plus performantes, mais outre les doutes

sur le coût réel de leur construction (cf EPR), ils ouvrent la voie aux coûts de

démantèlement. Enfin, les externalités incluent à la fois le démantèlement, dont il

a été admis que le coût avait largement été sous-évalué par l’opérateur historique,

mais aussi les dommages environnementaux, résultant de la dérivation des cours

d’eau : perte de biodiversité dans le cours d’eau historique et menaces en aval du

canal de dérivation avec le rejet d’eaux de 5 à 10° plus élevées.

Le coût de production des centrales thermiques reste très aléatoire car il

dépend principalement du cours des hydrocarbures, et au petit jeu des prédictions,

on ne peut être sûrs que d’une chose : de se tromper. Par contre la prise en compte

des externalités environnementales devrait augmenter durablement, au fur et à

mesure que les politiques de lutte contre le changement climatique se renforcent.

La décision de construire de nouvelles centrales sera donc de plus en plus

conditionnée à des prévisions de prix et de normes environnementales rendant

l’équilibre financier plus aléatoire.

Page 44: La transition énergétique près de chez vous

43 ASSOCIATION P’AIX 21

Il existe d’autres sources de production renouvelable, plus ou moins répandues dans le

paysage français. La question qui se pose est de savoir s’il existe d’autres alternatives au

photovoltaïque, et dans quelles conditions celles-ci peuvent être choisies par M. et Mme

Martin. Nous verrons au cours de cette section les avantages et inconvénients de chacune des

ENR présentées (étant entendu que d’autres ENR, au stade expérimental, ne sont pas

évoquées), et tâcherons de justifier le choix privilégié du photovoltaïque dans le cas qui nous

intéresse.

Les mini centrales hydroélectriques

Ce sont les plus anciennes sources d’énergie renouvelable de France, et elles bénéficient

d’ailleurs historiquement d’un statut à part. En effet, pas moins de 1800 équipements en

petite hydraulique existaient en France après la seconde guerre mondiale. Lors de la loi de

1946 instaurant la création d’EDF par la nationalisation des infrastructures existantes et leur

fusion en une seule entité, ces équipements dont la puissance n’excédait pas 8MW furent

exemptés par la loi de ce processus. Situés le plus souvent dans des territoires reculés ou

isolés, de montagne notamment, ils sont souvent gérés par des opérateurs publics (régies).

Aujourd’hui leur situation est bonne, dans la mesure où leur production bénéficie d’une

obligation de rachat par le réseau, à tarifs préférentiels. Et ce alors que les investissements

initiaux ont été amortis depuis longtemps, que les coûts d’exploitation sont presque

inexistants et que seuls les investissements de maintenance peuvent avoir un impact sur la

rentabilité des installations. Le risque est donc minime, les charges très faibles, et les revenus

élevés et garantis.

En plus de cette situation confortable de rente de situation, la petite hydraulique possède

des avantages techniques. En premier lieu, elle permet de produire avec une rapidité de

réponse sans égal, même par rapport au thermique, dont la mise en route peut prendre

plusieurs heures. Ici, la réponse est instantanée. Ensuite, l’eau est aisément stockable, la petite

hydraulique peut donc être, via des bassins de rétention, utilisée comme énergie d’appoint. On

peut y voir un avantage dans le couplage idéal qu’elle constituerait avec l’énergie éolienne. Sur

ce point, on dépasse la réflexion sur la petite hydraulique et on peut évoquer la dernière STEP

mise en service à Grand-Maison, dans l’Isère, sur le plus important barrage de France - d’une

capacité de 1800MW. C’est la piste privilégiée par l’opérateur historique. Ainsi, plusieurs

projets sont en cours en Savoie (Cevins), dans les Pyrénées (Orlu) ou dans le massif Central

(Redenat) : aucun ne rentre dans la catégorie de la petite hydraulique.

A ce jour 2000MW de petite hydraulique sont installés, produisant 8500GWh

par an. Depuis 2007, le contrat de vente pour la mini hydraulique est établi sur 20

ans. Il est calculé comme suit : 6,07€/kWh + prime réseau + prime hiver.

La prime réseau est comprise entre 0,5 et 2,5€/kWh, celle hiver entre 0 et

1,68€/kWh.

Page 45: La transition énergétique près de chez vous

44 ASSOCIATION P’AIX 21

Si le potentiel hydraulique en France a été largement exploité, il existe encore du potentiel

pour la petite et micro hydraulique, par exemple dans les réseaux d’eau potable (comme à

Cannes avec les centrales de Bramafon et la Trinité, ou le long du canal de Provence), sur les

chutes d’eau de montagne (remplacer des brises charge par des turbines) ou sur de petits

cours d’eau de très basses chutes (<2m). Néanmoins, il faut, outre la disponibilité de la

ressource, constituer un dossier pour autorisation administrative de la Préfecture, puis un

contrat de vente puis un dossier de financement, ce qui allonge et complexifie la réalisation

d’un tel projet. Pour ces raisons, il ne peut y avoir de développement massif de la micro

hydraulique, mais plutôt une mise en place soutenue chaque année en commençant par les

zones peu ou pas interconnectées10. Au total, selon les données collectées par l’association

Hydrauxois (www.hydrauxois.org), il existe environ 100.000 sites propices à l’installation de

moulins à eau en France, pour un potentiel de 3TWh/an. Cela représente environ 0,5% de la

production totale française en 2014 (575TWh).

Le petit éolien

Sur les façades maritimes propices à l’éolien, le vent souffle plus longtemps que le soleil

ne brille, même au bord de la Méditerranée : 3500 heures par an contre 2000 à 2500 heures

de soleil. Quant à la technique usitée, elle est aussi vieille que nombre de nos plus vieilles cités

européennes : on trouve des modèles de moulins à vent dès 700 avant J.C. en Mésopotamie.

En outre, la production unitaire est largement supérieure à celle d’une installation

photovoltaïque domestique (1KWc de PV produit en moyenne 1000KWh/an, tandis que l’une

des plus petites éoliennes du marché, la pigott 3m60 de 2kW, peut produire en moyenne

3000kWh/an). Alors comment expliquer que le petit éolien n’ait pas connu le même succès

que le photovoltaïque ?

Les premières raisons sont d’ordre physique. Une éolienne fonctionne à plein sous un

régime de vents réguliers. Or les obstacles qu’un vent rencontre, et ils sont nombreux en

milieux urbanisés (maison, immeubles, infrastructures, haies, etc.), le rendent turbulent. Pour

retrouver de la régularité, il faut monter en hauteur, jusqu’à 20 à 30 mètres. Si des règles

d’urbanisme ne vous l’interdisent pas, il faut tout de même avoir une prise au sol importante :

petits jardins pavillonnaires s’abstenir. Et n’allez surtout pas imaginer pouvoir fixer une

éolienne au mur de votre maison : actionnée par les vents plusieurs mètres au-dessus de votre

toit, elle transmettrait ses vibrations à l’ensemble du bâtiment, jusqu’aux fondations. Un peu

comme avec la corde d’une guitare, l’amplification de la vibration garantit une intensité de

bruit rapidement insupportable, et peut même fragiliser la structure même de votre maison.

L’éolien se prête donc assez mal à la vie urbaine.

Le petit éolien souffre aussi de conditions financières peu attractives. Il n’existe pas de

tarif de rachat sur le réseau, sauf si la maison de M. Martin est située dans une « zone de

développement éolien », ce qui est improbable puisque celles-ci doivent être éloignées des

milieux urbanisés (les seuils varient selon les lois). M. Martin pourrait alors négocier un tarif de

10 Sous réserve évidemment que ces ouvrages ne contreviennent ni à la loi sur l’eau de 2006 ni aux objectifs de continuité écologique (trames verte et bleue) pris par la France.

Page 46: La transition énergétique près de chez vous

45 ASSOCIATION P’AIX 21

rachat contractuel avec son fournisseur, qui lui rachètera son électricité à un prix inférieur à

celui de l’électricité qu’il lui vend…

De plus, l’investissement initial est important : au prix de l’éolienne (à partir de 10-15k€), il

faudra ajouter sensiblement la même somme pour le mât, le génie civil (dalle de béton, grue),

l’électronique et les honoraires de l’installateur. Le crédit d’impôt est certes applicable

(16.000€ pour le couple Martin) et des aides financières régionales ou communales peuvent

exister, mais s’engager dans un projet éolien reste cher.

Si malgré tout les Martin veulent se lancer, les démarches administratives sont autrement

plus complexes qu’avec le photovoltaïque11. Il ne sert à rien d’en dresser une liste exhaustive,

qui serait peut-être déjà caduque au moment où le lecteur la lira, mais il suffit de savoir qu’un

permis de construire est nécessaire, que l’installation sera soumise à des contrôles

obligatoires, et que le nombre d’interlocuteurs à solliciter est nettement, et durablement

supérieur à 1.

Face à ce faisceau de contraintes, peut-on espérer que des améliorations technologiques

facilitent le développement du petit éolien ? On évoque souvent les éoliennes à axe vertical,

certaines étant dotées de pales orientables. Les éoliennes à axe vertical fonctionnent quel que

soit le sens du vent, et les modèles récents ne requièrent pas un vent fort pour actionner les

pales. A l’heure actuelle, leur rendement est trop faible pour permettre le développement de

la filière. Certains tentent de remédier à défaut en proposant des éoliennes à voilure

tournante, orientée selon la direction et dimensionnées selon la force du vent, selon le même

principe qu’un bateau à voile. Le rendement augmente ainsi considérablement, mais une

girouette électrique est nécessaire pour commander les modifications de la voilure.

Figure 7 : Exemples d’éoliennes

11 Une solution pour le développement du petit éolien réside dans la constitution de groupements pour porter des projets collectifs de production sur un territoire. Voir chapitre VII.

A axe horizontal A axe vertical

Page 47: La transition énergétique près de chez vous

46 ASSOCIATION P’AIX 21

La cogénération

Un des freins souvent évoqués concernant l’installation de solutions écologiques est la

multiplication des sources nécessaires pour couvrir l’intégralité de nos besoins : eau chaude

sanitaire, chauffage, électricité. Sachant que toute énergie est transformable, pourquoi ne pas

combiner production de chaleur et d’électricité au sein d’un même module ? C’est le principe

de la cogénération, qui utilise un combustible commun pour produire chaleur et électricité via

un générateur et un échangeur thermique.

Les unités de cogénération fonctionnent avec l’apport d’un combustible, le plus souvent

du gaz naturel ou du fioul. Mais elles peuvent fonctionner avec du combustible d’origine

renouvelable, tel que les granulés de bois, le biogaz ou les huiles végétales. L’avantage naturel

du combustible, quel qu’il soit, est qu’il n’est pas intermittent et que seule se pose la question

de son approvisionnement.

L’enjeu principal est de déterminer le bon dimensionnement de l’installation, c’est-à-dire

le meilleur rapport entre prix et capacité de production. Ce diagramme propose une lecture

intuitive de cet enjeu.

Figure 8 : Options de couverture des besoins électriques ou thermiques par la cogénération

Source : Méziane Boudellal - « Cogénération et micro-cogénération »

On voit se dessiner plusieurs stratégies-types. Si M. Martin a peu d’argent à investir, il se

contentera de couvrir ses besoins de base, et fera appel à une source d’énergie

complémentaire lorsque ses besoins augmentent. Alors la cogénération ne couvrira qu’une

Besoin ponctuelmaximum

Puissance de l'unité decogénération

Besoin annuel moyen Besoin de base

KW

h

COUVERTURE DES BESOINS ÉLECTRIQUES / THERMIQUES DE

L'UNITÉ DE COGÉNÉRATION

Appoint

Vente éventuelle de surplus

Page 48: La transition énergétique près de chez vous

47 ASSOCIATION P’AIX 21

faible partie de ses besoins et n’aura que peu d’impact sur sa facture finale, sans compter qu’il

ne pourra pas valoriser une éventuelle production excédentaire sur le marché.

Au contraire, si M. Martin ne regarde pas à la dépense, il dimensionnera son installation

afin qu’elle puisse couvrir tous ses besoins à tout moment. Son unité sera donc

surdimensionnée la plupart du temps, il pourra éventuellement vendre son électricité

excédentaire sur le réseau, mais perdra la production de chaleur, soit un gaspillage pur et

simple.

Enfin, en déterminant un niveau entre ces deux extrêmes, M. Martin se prémunit du

gaspillage et d’un appel trop massif vers un système d’appoint externe, tout en jouant sur la

rentabilité de son installation par la vente éventuelle de surplus.

Ce schéma simple suppose l’utilisation constante de l’unité tout au long de l’année. Or un

tel usage n’a pas de sens : les courbes électriques et surtout thermiques annualisées montrent

bien que nos consommations sont très fortement dépendantes de la saison. Il est donc

absurde de faire fonctionner une unité de cogénération en plein été, lorsque les besoins

thermiques sont quasi nuls et les besoins électriques grandement diminués. L’optimisation

nécessite donc d’adapter constamment l’unité aux variations du climat pour le thermique, tout

en anticipant les délais nécessaires pour qu’elle atteigne sa pleine puissance.

Donc le principal avantage de la cogénération, sa non-intermittence, est un trompe l’œil :

se fiant à une source d’énergie constante, on se doit d’adapter sa consommation en fonction

de la capacité de l’unité. On est donc dans une démarche similaire à celle qui prévaut pour les

énergies renouvelables intermittentes.

Les principaux inconvénients de ces unités sont toutefois nombreux. D’abord, le prix est

très élevé (18000€ environ pour l’unité la plus vendue en Europe, la Dach 5kW). Ensuite, une

fois les frais fixes engagés, il faudra encore s’approvisionner en combustible, donc engager des

frais variables supplémentaires. Ces unités sont par ailleurs souvent lourdes (une centaine de

kilos au moins), ce qui rend compliqué leur fixation à une paroi, et bruyantes. Enfin leur

complémentarité chaleur / électricité convient mieux à des usages intensifs : hôtels, bureaux,

écoles, casernes de pompiers, habitat collectif…

Le GEG de Grenoble : étude de cas

Le GEG (Gaz et Electricité de Grenoble) est l’entreprise locale de distribution

de l’énergie (ELD) depuis plus d’un siècle, et fonctionne en statut de Société

d’Economie Mixte. GEG a, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir

GreenLys portant sur les réseaux électriques intelligents, développé un projet

pilote de cogénération pour un immeuble de 125 logements. Chauffage et

électricité de l'immeuble sont fournis depuis fin 2012 par une cogénération au gaz

naturel, 365 jours par an. L’optimisation heure par heure est gérée à distance par

GEG, ce qui lui vaut improprement le terme de « smart grid », puisque seul

Page 49: La transition énergétique près de chez vous

48 ASSOCIATION P’AIX 21

l’opérateur bénéficie du suivi des données. Le réseau peut en tout cas être géré de

manière décentralisée et autonome. En cas de surplus de production de chaleur

et/ou d’électricité, il n’est pas précisé ce qu’il advient de ce surplus.

De nouveaux débouchés pour ces unités semblent émerger, avec notamment :

La trigénération (qui inclut la production de froid)

La charge de véhicules électriques (avec le développement de supercondensateurs).

Autoproduction, Autoconsommation

Le développement d’unités individuelles de production n’est pas sans incidence sur le

secteur énergétique : l’équilibre réseau ne se gère pas de la même manière, et la formation

des prix doit être revue. En effet, une partie non négligeable des coûts de l’électricité sont

générés par l’acheminement de l’électricité sur les réseaux de distribution et de transport : en

France, le TURPE12 représente jusqu’à 46% d’une facture individuelle ! (source : CRE13). Des

taxes y sont prélevées, servant à leur tour à financer les investissements sur ces mêmes

réseaux. Qu’advient-il si les kWh produits proviennent progressivement d’installations

individuelles et si ces kWh sont consommés sur place ? Sur la demande du Ministère de

l’Ecologie, un groupe de travail s’est constitué (sous l’égide la DGEC14) et a rendu ses

préconisations sur le sujet en Juillet 2014.

Il faut tout d’abord distinguer ces deux notions très proches : l’autoconsommation est « le

fait de consommer tout ou partie de l’énergie que l’on produit », et l’autoproduction est « le

fait de produire tout ou partie de l’énergie que l’on consomme ». Donc l’autoconsommation

renvoie à une notion d’arbitrage, à savoir ce que M. Martin fait de l’électricité qu’il a produite :

la consomme-t-il ou la revend-il au réseau ? L’autoproduction, elle, renvoie à une notion

d’autosuffisance, à savoir dans quelle proportion l’installation de M. Martin lui permet de

subvenir à ses besoins ? C’est la combinaison de ces deux considérations qui vont déterminer

l’optimum financier du projet de M. Martin, et le dimensionnement de son installation. Mais

un troisième point devrait être mis en avant, peut-être même avant les considérations

financières (puisqu’il a une incidence sur elles) : celui de l’adaptation de son profil de

consommation à ses capacités de production.

Dans la configuration actuelle, l’autoconsommation et l’autoproduction sont

extrêmement restreintes, malgré le nombre croissant de panneaux photovoltaïques installés

sur les toitures des particuliers. La « faute » aux politiques de soutien aux énergies

renouvelables, qui ont instauré un tarif de rachat de l’électricité d’origine renouvelable,

(parfois très) supérieur au prix de vente habituel. Chaque citoyen ou producteur d’électricité

est donc incité à (i) installer des panneaux solaires ou des éoliennes, et (ii) réinjecter la totalité

12 TURPE : Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité 13 CRE : Commission de Régulation de l’Energie 14 Direction Générale de l’Energie et du Climat

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49 ASSOCIATION P’AIX 21

de sa production sur le réseau, puisque la valeur de chaque kWh produit est supérieure à celle

de chaque kWh évité.

En contrepartie de cet avantage financier, le producteur, qu’il soit une personne physique

ou morale, doit s’acquitter des taxes inhérentes à la production d’électricité. Notamment le

TURPE (tarif d’utilisation du réseau), qui comme son nom l’indique, facture l’utilisation des

réseaux de distribution, et dont le produit sert à rémunérer les gestionnaires de réseau (ErDF

et RTE en tête). Mais aussi la CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité) qui finance

les politiques relatives au caractère de bien essentiel conféré à l’électricité : la péréquation, le

tarif social, et le soutien aux énergies renouvelables. La péréquation, c’est l’équité territoriale :

où que nous habitions sur le territoire français, nous sommes soumis au même tarif. Cela

permet de faire reposer les frais de raccordement sur la nation et non sur une collectivité

particulière. Le tarif social, c’est la justice sociale, i.e. une déduction forfaitaire à laquelle ont

droit les plus démunis sur leur facture annuelle, car l’électricité est aussi un bien de première

nécessité. Les énergies renouvelables, c’est la responsabilité environnementale, c’est-à-dire

celle de l’Etat à garantir une production d’électricité la moins génératrice de gaz à effet de

serre possible.

L’intérêt pour l’autoconsommation émerge d’un constat : le coût des installations

renouvelables est en baisse continue depuis plusieurs années. C’est particulièrement vrai pour

le solaire, où la concurrence exacerbée couplée aux innovations technologiques ont réduit le

prix d’achat des panneaux solaires. Au fur et à mesure que les prix baissent, la rentabilité des

installations s’accroit naturellement : elle est donc moins dépendante des subventions (tarifs

de rachat, crédits d’impôts et autres exonérations). Si les coûts de production continuent de

suivre cette tendance à la baisse, les tarifs de rachat ne seront plus nécessaires et devraient

alors supprimés à plus ou moins brève échéance. C’est ce qu’anticipent d’ailleurs de nombreux

opérateurs sur ce marché. Ainsi, pour un particulier, s’approche le moment où il lui sera

préférable de consommer sa production que de la vendre sur le réseau. Car qui dit vente dit

soumission aux taxes et contributions, que l’on évite lorsque l’on auto-consomme. Ainsi, à

l’atteinte de la parité réseau, il y a un risque de transfert massif des individuels équipés de

panneaux solaires vers l’autoproduction, toutes choses égales par ailleurs. Et un risque que les

autres individuels, après un bref calcul économique, décident de s’équiper à leur tour et

d’autoproduire.

Si l’on ajoute la recherche constante d’un équilibre entre offre et demande sur le réseau,

et que le volume des productions décentralisées est plus difficile à prévoir que celui des

grandes unités de productions, alors l’autoconsommation et l’autoproduction sont plus

aisément vues comme des dérèglements que l’on subit que comme des opportunités à saisir.

Le cœur de la réflexion de ce groupe de travail est précisément là : comment anticiper les

effets de l’autoconsommation sur les équilibres tant physiques que financiers du secteur

électrique, déjà fortement précaires ? D’un point de vue économique, la parité réseau une fois

franchie, le développement de l’autoconsommation équivaut à (i) l’abandon du tarif de rachat

et (ii) le rétrécissement de l’assiette du TURPE et de la CSPE. Si les pertes du point (ii)

dépassent les gains du point (i), la collectivité sera déficitaire. Il faudra alors augmenter les

taxes pour retourner à l’équilibre, qui seront supportées par moins de personnes : il s’agit d’un

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50 ASSOCIATION P’AIX 21

transfert des charges de solidarité et d’équité de la part d’une minorité croissante

d’autoconsommateurs, au détriment d’une majorité décroissante de citoyens connectés au

réseau.

La proposition du groupe de travail est donc de créer une prime pour

l’autoconsommation, où l’on applique un coefficient à la quantité autoproduite et un autre à la

quantité injectée, que l’on pondère par la capacité maximale d’injection de l’installation pour

éviter les pointes d’injection préjudiciables à l’équilibre réseau.

Ainsi, la solution préconisée correspond à une planification de l’autoproduction par l’Etat,

via des signaux-prix incitatifs que l’on corrige selon que l’on est au-dessus ou en dessous des

prévisions établies. Ce qui ressemble à s’y méprendre à la logique des tarifs de rachat ! Il n’y a

donc, une fois encore, pas de place pour l’arbitrage individuel, car le citoyen est un acteur

irresponsable en puissance, et que l’objectif final est bien l’optimisation du réseau pris dans

son ensemble. En appliquant des coefficients modifiables, on réintroduit la même incertitude

de rentabilité qui prévalait avec les tarifs de rachat et qui ont conduit à brider le

développement des énergies renouvelables en France. Enfin, un point permet d’illustrer à lui

tout seul l’absurdité de tels systèmes : il est selon le groupe de travail indispensable de

comptabiliser l’énergie autoproduite, ne serait-ce que pour comptabiliser la part des ENR dans

le mix national et livrer des indicateurs indispensables au suivi des recommandations

européennes. L’objectif de la transition énergétique serait donc purement comptable ?

L’intention est certes louable dans un contexte de transition, à savoir de période

transitoire dont on doit évaluer la qualité de l’évolution. Mais elle va de pair avec les peurs

exprimées à demi-mot, à savoir que les ENR deviennent la norme et les unités centrales

l’exception, et que cela remette en cause le mode de financement global du réseau national.

Or si l’autoproduction devient la norme, alors la problématique des pointes (soutirage et

injection) à l’échelle individuelle a elle aussi vocation à s’estomper, c’est même la principale

caractéristique d’une transition énergétique réussie, c’est-à-dire prise en main par les citoyens

eux-mêmes. Le foisonnement des sources d’énergie est une source de lissage des pointes, la

maitrise de la consommation en est une autre, et, à terme, le développement des technologies

de stockage sera à même de définitivement éliminer le problème des pointes.

Réglementation pour l’autoconsommation

L’installation d’une toiture photovoltaïque sera soumise à des règles différentes selon que

son électricité produite sera revendue sur le réseau ou consommée.

Dans le premier cas, la revente permettant de bénéficier de tarifs de rachat attractifs,

l’installation sera soumise à des règles strictes – ce qui est logique pour éviter des éventuels

abus – mais confinant parfois à l’arbitraire. Sans rentrer dans les détails (une simple demande

auprès de votre ALE ou de votre fournisseur vous donnera l’intégralité des démarches), il suffit

de signaler le tarif différencié selon que votre installation sera intégrée au toit ou simplement

posée sur celui-ci. Dans le premier cas le tarif sera supérieur (25,39c€/kWh au 31 décembre

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51 ASSOCIATION P’AIX 21

2015) mais l’installation nécessite l’intervention d’un professionnel pour la dépose d‘une

partie de la toiture afin d’y intégrer les panneaux. Dans l’autre cas, le tarif est plus faible

(6,12c€/kWh au 31 décembre 2015) mais il suffit de poser l’installation sur la toiture, à un coût

plus compétitif que l’intégration. Ce n’est pourtant pas le différentiel d’investissement qui

justifie un différentiel inverse de tarif de rachat : il s’agirait de préserver l’unité architecturale

des toitures, propre à chaque région…

Cette aberration a conduit l’immense majorité des citoyens intéressés à choisir

l’intégration au bâti, car en l’état actuel la seconde option offre un tarif en-dessous des prix du

marché : acheter à 10c€ et vendre à 6c€ n’est évidemment pas un choix économique

pertinent. On a donc artificiellement favorisé une filière plus chère, qui ne permet pas de

développer des compétences spécifiques exportables (les autres pays pratiquent la

surélévation plutôt que l’intégration), et qui en outre pose des problèmes techniques sérieux,

notamment sur l’étanchéité de la nouvelle toiture composite.

Pourtant, plusieurs particuliers ont choisi l’option de la surélévation, conseillés en la

matière par le GPPEP (groupement des particuliers producteurs d’électricité photovoltaïque,

www.gppep.org). Mais leur approche est radicalement différente de celle sous-jacente aux

tarifs de rachat : l’objectif est de pouvoir consommer la totalité des kWh produits par votre

installation. Il faut donc dimensionner votre installation de manière à ce que votre pic de

production entre midi et 14h n’excède pas votre consommation moyenne à cette heure-

là (voir graphique ci-dessous).

Figure 9 : Exemple-type de courbes de consommation et de production d’un foyer

Source : GPPEP, « Guide de l’autoconsommation », mars 2015

L’intérêt d’une telle démarche est de ne pas chercher une rente économique soumise aux

variations politiques (pour information, les tarifs de rachat disparaissent les uns après les

autres, d’abord l’hydroélectrique en 2014, l’éolien étant programmé pour 2017), mais bien

plutôt une baisse garantie de notre consommation réseau. Une telle installation, bien

dimensionnée et accompagnée d’une programmation intelligente de nos appareils électriques

Page 53: La transition énergétique près de chez vous

52 ASSOCIATION P’AIX 21

programmables (électro-ménager, moteurs de piscines, etc.), peut conduire à une réduction

nette de notre consommation réseau entre 20 et 30%.

Or dans ce cas de figure, la réglementation en vigueur est assez simple, en raison du flou

qui entoure une démarche mue par la sobriété plutôt que par le gain financier. Il suffit de

déclarer votre installation auprès du fournisseur et d’effectuer une demande préalable pour

l’installation sur toiture auprès de votre mairie. Néanmoins, vous restez tributaire du bon

vouloir de votre Mairie en matière d’énergies renouvelables, ou de l’état de vos relations avec

votre Maire…

Que se passe-t-il si malgré une programmation optimale, les kWh produits ne sont pas

intégralement consommés par votre foyer ? Actuellement ils sont réinjectés gratuitement sur

le réseau, et seront probablement consommés par votre voisin le plus proche (l’électron

empruntant toujours le chemin le plus court). C’est une sorte de solidarité par défaut, que le

GPPEP souhaiterait formaliser en demandant la comptabilisation de l’énergie non consommée

afin qu’elle soit reversée en faveur de la précarité énergétique.

Figure 10 : Exemple d’installation PV branchée sur réseau

Le stockage individuel

Le développement de solutions individuelles de stockage de l’électricité est un objectif

recherché par nombre d’entreprises parmi les plus innovantes, qui voient dans le stockage

individuel l’accélérateur de la transition énergétique à l’échelle planétaire, et donc un

formidable marché à conquérir. Les premières batteries fonctionnaient au plomb, ce qui les

rendait extrêmement lourdes et les résrvait à des usages d’urgence. Le développement des

batteries au lithium a permis des réductions considérables de poids, et a permis de

démocratiser l’usage des batteries via les technologies de communication : à l’heure actuelle,

on utilise essentiellement des batteries pour nos ordinateurs ou nos téléphones portables.

Une installation sur toute toiture disponible…

…branchée à un onduleur … ...le tout raccordé sur secteur par une simple prise !

Page 54: La transition énergétique près de chez vous

53 ASSOCIATION P’AIX 21

Néanmoins, rapportée à la puissance générée et à la capacité de stockage, la batterie au

lithium est encore relativement lourde et limitée dans ses usages.

Cela n’a as empêché les filiales de production des batteries de connaitre ces dernières

années un véritable boom, tirées par le développement industriel (maintes fois annoncé dans

le passé) des véhicules électriques. Vélos, voitures, utilitaires et même bus électriques sont

proposés par les constructeurs automobiles historiques ou par de nouveaux constructeurs

ambitieux (Bolloré, Tesla) et envahissent peu à peu notre quotidien.

Dès les prémisses du développement de ce marché, la gestion des batteries a été une

question centrale. L’autonomie des véhicules est assez faible (en tout cas bien inférieure à

celle d’un véhicule équivalent à moteur thermique) et le temps de recharge est long, pouvant

durer plusieurs heures en recharge sur prise standard. Pour répondre à ces faiblesses qui sont

une barrière majeure pour le développement du véhicule électrique, des superchargeurs ont

été mis au point, notamment par Tesla, et sont capables de recharger la batterie d’un véhicule

en quelques minutes seulement. Judicieusement quadrillés sur un territoire donné, ces

superchargeurs remplissent les mêmes fonctions que nos traditionnelles stations-service.

Sauf que la grande majorité des déplacements se font quotidiennement sur de courtes

distances de quelques kilomètres à peine : typiquement le trajet domicile-travail. Certains se

sont alors posés cette question : que faire alors de l’énergie stockée dans la batterie de votre

véhicule lorsqu’il ne roule pas ? La réponse est que vous pouvez l’utiliser en inversant le sens

du courant : de récepteur, la batterie devient émetteur et peut servir à alimenter le réseau

électrique. C’est particulièrement pertinent lorsque votre véhicule est garé chez vous le soir.

La fin de journée et début de soirée correspondent aux pics résidentiels de consommation : si

plutôt que de solliciter le réseau on sollicite l’électricité stockée dans la batterie de son

véhicule, on réduit d’autant notre consommation. De manière agrégée, on limite ainsi le

recours à des énergies de pointe (typiquement des centrales thermiques), ce qui diminue les

coûts pour la collectivité et le gestionnaire de réseau.

Cette approche est très séduisante, et a fait l’objet de nombreuses études prospectives,

jusque dans les documents de planification des territoires (à l’instar de la région PACA). Mais

elle n’évacue pas, mais souligne au contraire les limites de la batterie individuelle. L’usage des

superchargeurs, d’une part, n’est pas neutre sur le réseau. L’appel de puissance qu’ils génèrent

est extrêmement élevé, et chaque utilisateur de véhicule électrique pouvant à tout moment

s’en servir, on peut anticiper des appels de puissance majeurs et imprévisibles sur le réseau.

Quelle production pourra instantanément répondre à de tels besoins, et comment planifier

cette production ? D’autre part, utiliser la batterie comme émetteur d’électricité peut

également perturber l’équilibre des réseaux si cette option est uniquement gérée par les

particuliers selon leurs besoins propres.

Un autre problème de taille se présente : le recyclage de ces batteries, chargées en

métaux lourds dangereux pour l’homme et pour l’environnement. Cette question est

particulièrement sensible alors que l’on annonce la commercialisation de batteries

domestiques à usage individuel (permettant de stocker l’énergie issue d’une installation

Page 55: La transition énergétique près de chez vous

54 ASSOCIATION P’AIX 21

photovoltaïque par exemple). Comment s’assurer alors que des millions de batteries

domestiques soient correctement installées, suivies, changées à temps et proprement

récupérées pour leur traitement et recyclage ?

Face à ces interrogations légitimes, une approche collective est nécessaire. Il est

indispensable d’intégrer la gestion du réseau lorsque l’on aborde la question du stockage, et

de ne pas fonder l’ensemble des espoirs que le stockage suscite sur des seules solutions

individuelles.

CHAPITRE VII

M. MARTIN SE LANCE DANS UN PROJET COLLECTIF DE PRODUCTION

En abordant dans le chapitre précédent les possibilités de production individuelle, nous

avons commencé à entrevoir en quoi les énergies renouvelables nous obligent à reconsidérer

le secteur de l’électricité dans sa globalité. Comme le dit J. Rifkin dans son ouvrage « la

troisième révolution industrielle », la rencontre entre de nouveaux outils de communication et

de nouvelles formes d’énergie est la condition nécessaire pour l’avènement d’une nouvelle

révolution industrielle. Celle-ci aurait des conséquences économiques (structure des

entreprises, type d’emplois) mais également sociales (aménagement du territoire,

transports…). Selon Rifkin, tous les éléments convergent pour faire du « foyer » l’unité de

production, à la fois autonome et connectée, de l’avenir. Autonome car autosuffisante en

énergie, capable de produire grâce aux imprimantes 3D par exemple, ou de réaliser les tâches

assignées via le télé-travail. Connecté car capable de vendre le produit de son travail par

internet. Tout ceci aurait pour conséquence de rendre la concentration du capital actuelle, à

des niveaux record, caduque, nous passerions d’une économie verticale du pétrole à une

économie transversale des énergies renouvelables.

Mais cette vision, séduisante, structurée, théorique, se heurte à une réalité toute

humaine : l’homme s’est toujours regroupé pour unir ses forces, que ce soit pour chasser à

l’époque du paléolithique, pour se protéger des attaques de pillards dans les villes et villages

de l’Antiquité à nos jours, ou pour arriver à une organisation du travail plus efficace, avec sa

consécration formelle réalisée par Adam Smith, père de l’économie classique. Si l’on considère

cette tendance comme « naturelle » chez l’être humain, quelle forme prendrait le

regroupement au sein de cette nouvelle société pressentie par Rifkin ?

Revenons donc à M. Martin, habitant d’une zone périurbaine. Si le regroupement

présente pour lui un intérêt, il se fera avec ses voisins : l’échelle est donc celle du quartier en

zones urbaines et péri-urbaines, qui ne sont rien de plus que la version moderne du village en

zone rurale.

Page 56: La transition énergétique près de chez vous

55 ASSOCIATION P’AIX 21

En premier lieu, quel serait l’intérêt d’une démarche collective ? Celle-ci peut viser à

pallier aux déficiences individuelles à produire de l’électricité de manière optimale. Le terrain

de M. Martin pourrait être trop ombragé par rapport à celui de son voisin, qui pour un même

investissement produirait bien plus d’énergie photovoltaïque que M. Martin. A l’inverse, la

toiture de sa voisine, qui a créé une petite terrasse de style tropézien à l’étage, n’est plus assez

grande pour produire correctement.

Le projet collectif peut aussi viser à augmenter la performance atteignable en investissant

sur le lieu du quartier le plus propice à une production d’origine renouvelable. Il peut s’agir

d’une étendue non cultivable, orientée plein sud et non ombragée pour du PV, ou du sommet

d’une hauteur voisine pour de l’éolien. Là, le choix collectif ne serait pas plus intéressant pour

certains mais pour tous les habitants.

Enfin, le projet collectif peut viser à garantir la production lorsque les productions

individuelles fléchissent. On peut imaginer un projet éolien qui assurerait la génération

d’électricité quand le vent souffle les jours et soirs d’hiver, en lieu et place des installations PV

individuelles. Ou une petite turbine installée dans le cours d’eau le plus proche. Dans ce cas de

figure, le lissage des courbes de production se fait par mutualisation des moyens de

production.

Imaginons que M. Martin et ses voisins s’accordent sur un projet suffisamment ambitieux

pour couvrir une partie significative des besoins de tous, comment doivent-ils agir pour

réaliser leur projet ? Il faut bien sûr s’assurer de la faisabilité du projet, obtenir les

autorisations nécessaires, consolider le financement, bref, des démarches difficiles pour des

citoyens non avertis. Ces étapes pourraient être assurées par des intermédiaires qui ne

manqueraient pas d’émerger si le marché se révélait porteur. Ce rôle d’intermédiaire pourrait

aussi être confié à des agences dédiées des collectivités, fonctionnant en régie ou sous le

régime de la concession.

Mais là où réside la barrière la plus insurmontable, c’est dans la législation relative au

raccordement. Car en France comme dans de nombreux autres pays, le raccordement est une

obligation individuelle, on ne peut pas la mutualiser. Il faut impérativement un boitier pour

chaque foyer, qu’il soit consommateur ou consommateur et producteur. Et les frais et les

délais de raccordement sont dissuasifs. Dans cette configuration, il est très difficile de voir

émerger des projets collectifs autres que militants, et l’on s’en remet, encore une fois, aux

subsides publics : prime au kWh, tarif de rachat préférentiel, exonération ou crédit d’impôt à

l’installation, etc.

Une solution pourrait être d’installer le point de raccordement en amont de l’ « îlot »,

c’est à dire en sortie de production. Mais alors surgit un autre problème : comment taxer le

raccordement de chaque habitant au point de raccordement ? Etant raccordés, ils sont soumis

aux mêmes taxes (CSPE et TURPE), alors que la distance de raccordement n’est que de

quelques hectomètres. Pourtant, prendre en compte la distance, c’est remettre en cause la

péréquation, ce qui est socialement difficilement acceptable.

Page 57: La transition énergétique près de chez vous

56 ASSOCIATION P’AIX 21

Sauf si l’on raisonne en îlots et non plus en particuliers. Car ce qui est fondamental, dans la

défense de l’équité territoriale, c’est bien la péréquation jusqu’en bout de chaine, mais rien

n’empêche de terminer la chaine à l’îlot de quartier plutôt que chez M. Martin.

Le financement participatif

Une autre manière d’agir, plus simple, est de mobiliser du capital citoyen pour tout projet

d’ENR à visée locale. Des exemples existent en France, via la coopérative « Energies

partagées ». Le fonctionnement est similaire à celui de toute plateforme de crowdfunding.

Tout un chacun peut décider, plutôt que de confier la gestion de son épargne à son banquier,

de s’improviser investisseur en décidant ce qu’il ou elle veut financer. On peut ouvrir le capital

citoyen à tous ou le limiter selon des critères géographiques (réservé aux habitants de la

localité où le projet verra le jour par exemple), financiers (pas plus de x€ investis par

investisseur pour garantir l’aspect collectif du projet), etc.

Une autre option est de faire appel à du cofinancement citoyen dans le cadre d’une

société d’économie mixte. Ainsi en est-il de la commune de Puy Saint-André, dans les Hautes

Alpes (voir encadré page 80).

Les projets collectifs à vocation commerciale

Tout projet citoyen est justifiable pour assurer un apport d’énergies renouvelables à des

consommations individuelles agrégées. Mais on peut également réfléchir à du capital citoyen

mobilisé comme un investissement productif. Une sorte d’avatar énergétique des livrets A,

dont la collecte sert à financer le logement social. Ici, l’argent collecté servirait à financer la

transition énergétique.

Ce qui distinguerait ce type de projet à ceux à vocation uniquement participative, est qu’il

peut financer des implantations hors résidentiel, sur des sites industriels ou tertiaires par

exemple. Il est préférable d’éviter à priori les terrains agricoles, au risque de réduire encore un

peu plus la quantité de terres arables, déjà soumises aux terribles pressions de l’urbanisation.

En investissant les terrains dédiés aux activités économiques, on peut également changer

d’échelle : combien de modules installables sur le toit d’un parking, quelle limite à la puissance

d’une éolienne installée en bordure de raffinerie ? Ce genre de projets existe déjà, mais en

général ils sont réalisés par le propriétaire du site : gérant de centre commercial, grand groupe

industriel… Il est tout à fait envisageable de rendre obligatoire une proportion minimale de

capital citoyen, voire d’y ajouter des clauses de livraison de l’électricité générée à des tarifs

préférentiels aux actionnaires citoyens.

Page 58: La transition énergétique près de chez vous

57 ASSOCIATION P’AIX 21

Conclusion

Pour tout projet faisant appel à du capital citoyen, il faut un outil efficace de collecte de ce

capital. On en revient à la comparaison avec le livret A : c’est un des produits d’épargne

préférés des Français, qui y reconnaissent une utilité sociale en même temps qu’une source –

parfois faible mais toujours garantie – de revenus. Par contre il n’existe aucun fléchage de

votre épargne : vous ne pouvez pas savoir quel est le logement social qui a été construit,

rénové ou subventionné par votre compte. Une institution financière publique ; la Caisse des

dépôts et Consignations, est chargée de la collecte des fonds issus des livrets A des Caisses

d’Epargne et utilise ce capital pour prêter aux offices publics de l’habitat (OPH), à des taux

préférentiels.

Or la dimension territoriale de la transition énergétique revêt une importance capitale :

les citoyens doivent pouvoir se fournir à des sources locales, visuellement identifiables et

suffisamment proches pour éviter les pertes en réseau. Dans le cas où l’on nous offrirait

d’investir du capital citoyen à des mégaprojets situés à des milliers de kilomètres de notre

résidence, alors nous ne sortirions pas de la logique actuelle. Nous nous contenterions d’un

saupoudrage car aucune collecte citoyenne ne peut mobiliser assez rapidement autant de

capital qu’une levée de fonds sur les marchés financiers.

Aujourd’hui, des plateformes de crowdfunding telles qu’Ulule et Kisskissbankbank gèrent

efficacement et de manière transparente des projets à composante citoyenne. Les outils

existent, ils sont simples d’utilisation. Dans le cas de projets d’énergies renouvelables,

quelques adaptations pourraient être nécessaires (pour garantir la proximité géographique,

déterminer le site idoine…) mais sans changer la logique fondamentale du crowdfunding. Non,

la barrière se situe principalement au niveau du raccordement de telles installations : en

d’autres termes, quel est le cheminement emprunté par l’électricité produite avant de

rejoindre le réseau ? Si cette problématique est repensée au bénéfice du citoyen, les projets

collectifs essaimeront sur tout le territoire.

Page 59: La transition énergétique près de chez vous

58 ASSOCIATION P’AIX 21

TROISIEME PARTIE

DU CITOYEN A LA NATION, LES EFFETS

MACROECONOMIQUES

CHAPITRE VIII

LES ACTEURS DE L’ENERGIE EN FRANCE

Les distributeurs

On a tendance à croire que celui qui vous fournit votre électricité est le même que celui

qui l’a produite et acheminée via des réseaux de transport (les pylônes haute tension, qui

traversent champs et collines) et de distribution (les pylônes basse tension, qui longent nos

routes et nos chemins). C’était vrai, jusqu’à une directive européenne exigeant de séparer les

activités de monopôle naturel que sont le transport d’électricité des activités de concurrence

potentielle, que sont la production et la fourniture. En effet, on peut ouvrir une centrale

thermique pour concurrencer une centrale nucléaire, on peut en tant que fournisseur

proposer des tarifs différenciés pour viser tel ou tel cible de clientèle, mais il serait absurde de

construire deux lignes à haute tension parallèles sur un même trajet pour des raisons de

concurrence.

L’opérateur historique, EDF, a donc dû se séparer des activités de transport et de

distribution, respectivement assurées par RTE et ErDF. Celles-ci remplissent une mission de

service public et sont donc en situation de monopole, n’est-ce pas ? Eh bien non, pas tout à

fait.

Historiquement, le développement de l’électricité s’est fait à partir des ressources

hydrauliques, et de nombreux barrages ont vu le jour sur une grande partie des cours d’eau de

France. Ces structures locales par nature étaient nombreuses, souvent de petite taille, et de

capital divers (public, privé, mixte) : nous étions donc dans une configuration d’économie de

proximité.

Au sortir de la deuxième guerre mondiale, les politiques de reconstruction impulsées par

le général de Gaulle ont inclus la création d’un pôle national de l’énergie. Pour cela, il a été

Page 60: La transition énergétique près de chez vous

59 ASSOCIATION P’AIX 21

décidé par la loi de 1946 de nationaliser l’ensemble de ces petites structures territorialisées et

de les regrouper sous une unique entité : EDF-GDF. Ses activités allaient de la production à la

fourniture, en passant par la gestion des réseaux de transport et de distribution. Réseaux de

distribution qui eux, restaient la propriété des communes qu’ils traversaient. Ces communes

n’ayant pas la compétence de gérer les réseaux elles-mêmes, confiaient donc la gestion à EDF-

GDF via un contrat de concession exclusif. Seuls quelques communes eurent le choix

d’échapper à l’obligation de monopôle, si les entreprises en charge de la distribution sur leur

territoire appartenaient aux dites communes. Ainsi, quelques 150 régies municipales

survécurent à la création d’EDF et continuent de fonctionner à ce jour, couvrant environ 5% du

territoire métropolitain. Ce sont les « entreprises locales de distribution » (ELD). Elles se

situent souvent dans des territoires isolés (zones rurales ou de montagne) ou dans des régions

administrativement particulières (l’Alsace-Lorraine).

Donc si RTE est bien un monopôle, ErDF est quant à lui en situation de quasi-monopole :

mais on peut noter que la présence de 150 acteurs sur ce marché ne lui confère pas pour

autant une caractéristique concurrentielle : chaque acteur dispose d’un territoire

« inexpugnable », donné une fois pour toutes. Chacun est donc en monopôle chez lui, les

frontières sont fixées une fois pour toutes.

Enfin, RTE et ErDF partagent une caractéristique qui peut paraitre incongrue aux yeux de

l’esprit de la Directive Européenne : toutes deux ont un statut de filiale d’EDF. Or non

seulement EDF n’est plus entièrement public (13% de son capital est détenu par des

institutionnels, et ce pourcentage pourrait varier si l’Etat décide d’une nouvelle ouverture de

capital), mais il évolue sur un marché concurrentiel. Sa relation « privilégiée » avec les

gestionnaires de réseau peut donc poser problème. Spécifiquement, quatre membres sur

douze du conseil de surveillance de RTE, et six membres sur quinze du conseil de surveillance

d’ErDF, sont issus d’EDF. Néanmoins, cette relation s’expliquant par le poids de l’histoire, il est

normal que la déconnexion prenne un certain temps. Toute la question est de savoir si le lien,

jusqu’ici progressivement dénoué, suivra la même tendance dans les années à venir, puisque

ce mouvement est de nature politique. Et subsidiairement, si l’Etat pourra non seulement

racheter le capital de ses deux filiales à EDF, mais aussi récupérer leurs dettes.

Si RTE est par nature un gestionnaire à vocation centralisée, ErDF a été originellement

créée pour être au plus près des territoires. Depuis sa création, elle dispose de directions

régionales, qui selon l’article 2 de la loi de 1946 avaient vocation à devenir des

« établissements publics régionaux de distribution ». Remise au goût du jour, l’article de cette

loi jamais abrogée permettrait donc théoriquement que ces entités soient placées sous

l’autorité des régions. L’intérêt serait alors d’avoir une véritable mission de service public

décentralisé.

Page 61: La transition énergétique près de chez vous

60 ASSOCIATION P’AIX 21

Les producteurs

La loi de 1946 : Au sortir de la seconde guerre mondiale, l’Etat reprend en main la

reconstruction économique d’un pays dévasté. Parmi les vastes opérations de nationalisations,

celle de l’énergie est exemplaire. Près de 1800 entreprises sont nationalisées15 pour former

une nouvelle entreprise d’Etat : EDF. Toutes les compétences traditionnelles de l’électricité y

sont regroupées : production, transport, distribution, fourniture, import-export. La création

d’EDF représentera 60% des indemnisations pour nationalisation de l’Etat Français durant

l’après-guerre16.

Depuis la libéralisation du secteur, la production est ouverte à la concurrence. Mais le

poids de l’opérateur historique reste quasi-monopolistique : 90% de la production française

(dont 85% issus des centrales nucléaires). Le reste se répartit entre la Compagnie Nationale du

Rhône (3%, intégralement hydraulique, actionnaire majoritaire GEDF Suez), la SNET (2%,

centrales thermiques, détenue par l’allemand E.ON), puis d’autres acteurs de moindre

envergure tels que Direct Energie ou quelques régies localisées.

La fourniture (ou commercialisation) est elle aussi ouverte à la concurrence, et l’on

retrouve les principaux producteurs ainsi que quelques nouveaux acteurs qui se fournissent

auprès de l’opérateur historique, de petits producteurs, ou sur les marchés (voir chapitre 9).

Ces nouveaux venus visent encore des segments précis du marché (on peut citer entre autres

Edenkia, Expelia, Enercoop, Energem, ou les étrangers Vattenfall ou Enovos), en attendant que

le processus de libéralisation franchisse de nouvelles étapes, notamment la fin des tarifs

réglementés. Au 1er janvier 2016, ce sont les tarifs réglementés jaune et vert, à destination des

industriels, qui seront supprimés. La libéralisation totale, interviendrait à partir de 2017 au

mieux lorsque les tarifs particuliers réglementés (tarifs bleus) seront supprimés.

En attendant, la « libéralisation » du secteur est surtout un vœu pieux : EDF garde la main

tant sur la production que sur la commercialisation. Les tarifs réglementés stérilisent pour

l’instant tout processus d’ajustement des prix par la concurrence. Sans compter qu’outre le

parc nucléaire où il dispose d’un monopôle absolu, EDF exploite environ 80% des barrages du

pays.

Revenons à la loi de 1946 : toutes les unités de production furent nationalisées à l’époque,

et ce jusqu’à l’ouverture à la concurrence en 2007. Par conséquent, toute unité de production

construite depuis 2007 est de la propriété de l’opérateur qui l’a financée. Mais les unités

« historiques » appartiendraient, elles, à EDF. Mais là encore, il faut y regarder de plus près. En

fait, dans le cas des unités hydroélectriques, il s’agit de concessions d’Etat. Mais jusqu’à

présent, l’attribution et le renouvellement des concessions se faisaient naturellement au seul

opérateur habilité, EDF. Sauf que l’ouverture à la concurrence change la donne et oblige le

Gouvernement à se poser la question du mode de gestion de ces concessions. Sans rentrer

dans les détails, il faut comprendre l’intérêt du gisement hydraulique à l’échelle mondiale. Il

15 Didier Lenoir : « Energie, changeons de cap » 16 http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=AHE_001_0053

Page 62: La transition énergétique près de chez vous

61 ASSOCIATION P’AIX 21

représente en France 75% des énergies renouvelables et environ 15% de la production

française. A l’échelle mondiale, il représente 16,2%17. Or la plupart des barrages sont, en raison

de leur ancienneté, déjà largement amortis. Ce qui fait de l’énergie hydraulique l’une des

sources, sinon la source de production la moins chère au monde ! Les seuls investissements

sont la maintenance et éventuellement la mise en conformité des sites à de nouvelles et plus

contraignantes normes environnementales. Les barrages ont une durée de vie variable, mais

toujours supérieure à n’importe quelle centrale nucléaire : la rente qu’ils représentent

s’étalerait sur des décennies. Et enfin, les retenues d’eau sont à ce jour la seule option de

stockage de l’électricité à grande échelle. Les barrages constituent donc pour toutes ces

raisons un point central de la transition énergétique, non pour leurs perspectives de

développement (la plupart des potentiels sont exploités au niveau mondial pour la grande

hydraulique) mais pour la solidité financière qu’ils apporteraient à des acteurs impliqués dans

cette transition.

Le projet de loi sur la transition énergétique présenté par la Ministre Mme Royal

comporte quelques innovations qui méritent d’être citées. Il prévoit d’abord la possibilité de

regrouper les concessions hydroélectriques par grandes vallées, ce qui a l’avantage de

présenter une cohésion territoriale et écologique. Il permet en outre la création de sociétés

d’économie mixte pour la gestion des concessions hydroélectriques, permettant l’implication

des collectivités territoriales.

La Commission de régulation de l’énergie

La Commission de Régulation de l’énergie (CRE) a été créée dans la perspective de la

libéralisation du secteur. Si cette structure n’est pas propre à la France en Europe, elle illustre

bien, de par son fonctionnement, les profondes contradictions du système centralisé français,

notamment le foisonnement normatif et tarifaire qui, selon nous, ne concourt pas à

l’accélération de la transition énergétique mais bien à son grippement.

Car la CRE, institution publique indépendante, intervient sur à peu près toutes les

composantes économiques du secteur : du prix du kWh nucléaire revendu par EDF à ses

compétiteurs au tarif de rétribution des gestionnaires de réseau (TURPE), en passant par la

quantification des investissements nécessaires à la maintenance du réseau et par le lancement

d’appels d’offres pour les énergies renouvelables…

Les 6 membres du Collège de direction de la CRE sont désignés par décrets : 3 par le

Président de la République, 1 par le président de l’Assemblée nationale, 1 par le président du

Sénat et 1 par le Gouvernement. Les instances locales n’y sont donc pas représentées, les

producteurs, traditionnellement, si. Il existe donc un biais de gouvernance puisque le collège

aura une connaissance approfondie des enjeux de l’offre, mais pas nécessairement de ceux de

17 AIE : « Key world energy statistics 2015 »

Page 63: La transition énergétique près de chez vous

62 ASSOCIATION P’AIX 21

la demande. Il est donc très difficile pour la CRE de se départir d’une vision planificatrice,

basée elle-même sur la programmation pluriannuelle d’investissements d’électricité : ce

document prospectif sur plusieurs années (le dernier couvre 2016 à 2019) est co-élaboré par le

Ministère du Développement Durable et le Commissariat général à la stratégie et à la

prospective. C’est sur la base de ce document que sont fixées les grandes lignes tarifaires du

secteur, en fonction des investissements estimés nécessaires, énergie par énergie. On prévoit

donc aussi bien le nombre de nouvelles tranches nucléaires à mettre en service que la

puissance totale appelée par des appels d’offre éoliens.

Nous l’avons dit, le collège de la CRE n’est pas pensé pour représenter la demande mais

l’offre. Que se passe-t-il alors lorsque les besoins ont été mal anticipés, notamment s’ils ont

été surestimés ? De même, que se passe-t-il si les attentes de projets d’énergies renouvelables

excèdent largement les capacités prévues dans les appels d’offre, ce qui tendrait à démontrer

la rentabilité de tels projets ? Va-t-on délibérément freiner le développement des énergies

renouvelables pour rester dans la ligne directrice du Plan ? Bien sûr, des possibilités

d’adaptation existent, mais on voit bien que c’est l’intégralité du secteur qui est pensée à

l’intérieur d’un carcan : moins les choses évoluent comme prévu, et plus ce carcan devient

obsolète.

Page 64: La transition énergétique près de chez vous

63 ASSOCIATION P’AIX 21

CHAPITRE IX

LES EFFETS PERVERS DE LA CENTRALISATION

La production

Le système de production électrique français est basé sur la publication d’un document de

prospective piloté par le Ministère en charge de l’énergie18 : la programmation pluriannuelle

de l’énergie (PPE, anciennement appelé PPI, programmation pluriannuelle des

insvestisements). Ce document, véritable réminiscence des fameux « plans quinquennaux »

des années soixante-dix, est avant tout réalisé en fonction de considérations techniques. On

raisonne en termes de potentiel de l’offre, en faisant l’hypothèse d’une hausse continue et

irréversible de la demande électrique. Ceci justifiait jusqu’ici le recours croissant à l’énergie

nucléaire, abondante et aisément prévisible, couplée au développement de lignes à haute et

très haute tension pour acheminer cette production. Les énergies renouvelables étaient vues

comme une source d’intermittence et d’imprévision, en d’autres termes comme un problème.

Avec l’irruption d’un agenda climatique européen, comportant des objectifs quantifiés en

termes de développement des énergies renouvelables, chaque pays de l’Union Européenne a

dû mettre en place des politiques de soutien. En France, on décida d’affecter une partie de la

CSPE19 au financement de ces énergies. Comment ? En offrant aux producteurs d’énergie

renouvelable des tarifs de rachat : l’opérateur historique était obligé de racheter leur

production à un tarif unitaire très supérieur au tarif général, ce qui avait pour but de

rentabiliser les installations des producteurs mentionnés.

La faiblesse de ce dispositif est double. La première est son coût, très élevé puisqu’il

absorbe une part croissante des recettes de la CSPE à mesure que les ENR se développent en

France : on est ainsi passé de moins d’ 1Md€ en 2003 (date de la création de la CSPE) à plus de

4Mds€ en 201520. La seconde tient au système de révision des tarifs de rachat mis en place par

les autorités. Sa fréquence fut variable, mais avait lieu tous les semestres lors des premières

années. A une telle fréquence, il était impossible de calculer la rentabilité d’un projet

d’installation, qui met plusieurs années à se concrétiser (entre 1 et 3 ans en moyenne). Cette

« insécurité financière » doublée d’une insécurité juridique n’a pas favorisé un développement

sain du secteur, conduisant de nombreux acteurs à rechercher des effets d’aubaine. La

réponse du Gouvernement en 2010 fut radicale : la mise en place d’un moratoire sur les tarifs

de rachat pendant trois mois. De nombreuses entreprise du secteur ne s’en remirent pas et

disparurent simplement.

18 Actuellement il s’agit du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie 19 Contribution au service public de l’électricité, payée par l’ensemble des consommateurs 20 Financement de la cogénération inclus

Page 65: La transition énergétique près de chez vous

64 ASSOCIATION P’AIX 21

On peut expliquer par ce moratoire le retard pris par la France par rapport à d’autres pays

(Espagne, Danemark, Italie, Allemagne), et le faible nombre d’entreprises françaises dans le

secteur des ENR. Mais plus globalement, on peut regretter que les autorités n’aient pas mieux

anticipé la logique contre-productive du système des tarifs de rachat : plus ceux-ci sont élevés,

donc intéressants, plus le coût pour la collectivité est élevé. L’objectif suprême de l’Etat, qui

est celui de l’intérêt général, le pousse donc à limiter au maximum le recours à un instrument

qu’il a lui-même mis en place pour développer les énergies renouvelables !

Les collectivités mises à l’écart

Bien que propriétaires des réseaux, les communes – qui ont l’obligation de confier la

gestion du réseau à ErDF, ne sont à aucun moment sollicitées sur les projets relatifs à

l’électricité. Elles sont d’ailleurs absentes des instances de décision de la CRE. Elles n’ont en

outre pas le droit de revenir sur la gestion exclusive par ErDF, alors qu’elles pourraient se

constituer en régie. Cette règle peut se comprendre, car le réseau est considéré comme un

bien public mutualisé : à de nombreux égards (coûts, compétences, mutualisation des risques),

l’existence d’un gestionnaire unique se justifie. En Allemagne où 6 gestionnaires se partagent

le réseau, le pilotage est considéré comme complexe voire sous-optimal. Néanmoins, il est

étonnant qu’un propriétaire ne puisse avoir son mot à dire sur la gestion d’un bien qui lui

appartient. Ce qu’il est urgent de rétablir, ce n’est pas d’ouvrir une possibilité de négociation

sur les prix, mais d’intégrer plus activement les communes sur la quantification de leurs

besoins en termes de maintenance, d’extension du réseau, voire de productions locales.

Les régions ne sont pas consultées sur leurs besoins en énergie ou sur les appels d’offre

ENR : tout ceci est piloté depuis le Commissariat au Plan et la PPI (Programmation

pluriannuelle d’investissements). Lancée en 2015 par la Ministre de l’environnement Mme

Royal, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) remplacera la PPI et couvrira la

période 2106-2109. Par rapport à son imparfait prédécesseur, elle inclut dans son champ

d’action la maitrise de la demande, la diversification des sources et le stockage de l’énergie.

Autre nouveauté, les DOM seront chargées, via leurs conseils régionaux et leurs préfectures,

de mettre en place leur propre PPE. Elles auront donc la compétence de choisir leur

orientation énergétique et de lancer des appels d’offre y correspondant. Si cette compétence

est acquise aux DOM, pourquoi ne le serait-elle pas aux régions métropolitaines ?

Le réseau

Le réseau électrique, qui relie producteurs et consommateurs entre eux et équilibre

constamment l’offre et la demande, est au cœur des considérations de la transition

énergétique.

Page 66: La transition énergétique près de chez vous

65 ASSOCIATION P’AIX 21

Il est constitué de deux réseaux : celui de transport (RTE en France) qui transporte

l’électricité en haute tension sur de grandes distances, minimisant ainsi les pertes par effet

Joule. Les « autoroutes de l’électricité », les lignes à très haute tension (400.000 et 250.000)

transportent l’électricité sur de grandes distances et assurent les connexions transfrontalières,

tandis que les lignes haute tension (entre 150.000 et 63.000 volts) assurent la répartition

régionale. En France, RTE gère 105.000km de lignes – le plus grand réseau d’Europe – pour un

total de 506TWh transités en 2013. Ce chiffre correspond à peu près à la consommation

annuelle française de 495TWh. (Sources : RTE), auquel il faut ajouter les 2% environ de pertes

sur réseau.

Le second réseau, de loin le plus étendu est celui de distribution (ErDF en France) : 1,3

million de km en France ! Via des transformateurs, on baisse la tension de l’électricité du

réseau de transport et on l’achemine vers les clients par des réseaux de moyenne et de basse

tension. Les plus faibles tensions rendent les pertes réseau comparativement plus importantes

(de l’ordre de 6% selon ErDF, soit 20TWh environ).

Le réseau est un outil indispensable d’équilibrage et de mutualisation. RTE prend en

compte les prévisions de ses clients pour le jour suivant : producteurs d’électricité, grands

consommateurs d’électricité (258 industriels et 11 compagnies ferroviaires). Selon les besoins

et les capacités de production annoncés, RTE va procéder à des ajustements sur la

consommation de ses clients : ceux-ci seront amenés à ne pas consommer d’électricité sur une

plage horaire donnée, ou de reporter cette consommation. A l’inverse, si le système est en

risque de surcapacité de production, le transporteur pourra suspendre la production de

certaines centrales, typiquement celles fonctionnant en pointe. C’est ce qu’on appelle

l’effacement. Ces arrêts et reports de consommation / production étant préjudiciables aux

acteurs de l’énergie, ils donnent lieu à des compensations : c’est le marché de l’effacement

(Source RTE). Celui-ci sera explicité plus loin dans ce rapport.

Néanmoins, plus les demandes sont diffuses, plus les tensions baissent et plus il est

difficile d’obtenir un équilibre sur les réseaux de distribution. En effet, on est confrontés à une

multitude d’acteurs dont on doit traiter les données de consommation en instantané et dont

on est incapables de prévoir exactement la consommation à venir. Pour chaque nouveau

logement construit, il faut un raccordement supplémentaire onéreux : 15.000€/km pour une

ligne aérienne, 45.000 € / km pour une ligne enterrée21, l’installation d’un point de livraison et

d’un compteur… Et c’est une donnée supplémentaire à prendre en compte pour l’équilibre du

réseau et éviter le black-out.

Au niveau du réseau de distribution, la mutualisation n’est pas assurée par un marché

(comme sur le réseau de transport) mais par un seul acteur : le distributeur. Celui-ci gère en

toute opacité les données de consommation de ses clients et procède aux équilibrages en

sollicitant plus ou moins le réseau de transport. Il s’agit donc d’une mutualisation de fait (nous

partageons un même réseau) mais à sens unique. Le développement d’une électricité produite

par les particuliers (via des panneaux solaires) réinjectée sur le réseau vient complexifier la

21 Jean-Paul Blugeon : « Produire son électricité », Collection Habitat écologique, 2008

Page 67: La transition énergétique près de chez vous

66 ASSOCIATION P’AIX 21

mission d’équilibre du distributeur. C’est pourquoi le principal distributeur de France, ErDF,

investit massivement dans l’installation des compteurs dits intelligents « Linky », qui lui

permettront d’obtenir en temps réel les données de consommation de ses clients. De

nouveaux acteurs, flairant un prochain marché de l’effacement spécifique aux réseaux de

distribution, commencent à proposer des solutions d’effacement aux particuliers, leur confiant

des boitiers émetteurs qu’ils gèrent à distance, pouvant par exemple couper certains

ustensiles électriques (électro-ménager, chauffage) lorsque les particuliers sont absents de

leur domicile, ou désactiver leurs panneaux solaires lorsque le réseau risque la saturation. Ce

service censé réduire votre facture mensuelle est rémunéré contractuellement (abonnement).

Dans certains cas, se déconnecter du réseau et assurer son approvisionnement en quasi-

autarcie est une solution envisageable. C’est le cas pour les « zones non interconnectées »

(territoires insulaires, zones très peu densément peuplées et/ou difficiles d’accès comme les

zones de montagne).

Le « réseau » est en fait constitué d’embranchements successifs, que l’on peut regrouper

en blocs. Ces blocs correspondent en gros à des bassins de vie (quartiers, communes…).

Certains de ces blocs sont plus difficiles d’accès car ils sont situés en bout de chaine ou sont

caractérisés par un habitat diffus : les relier au réseau général y est plus difficile, plus cher.

Mais en France prévaut le principe de la péréquation tarifaire : peu importe où vous vivez,

vous êtes soumis à une égalité parfaite de tarifs : non seulement en ce qui concerne le coût du

kwh ou de l’abonnement, mais aussi en ce qui concerne le coût initial du raccordement. Nous

reviendrons sur ce point plus tard.

La gestion du réseau repose sur le concept de prévisibilité. Car toutes les sources

d’énergie ont leurs problèmes d’intermittence : la capacité de l’hydraulique dépend de la

pluviométrie, celle des centrales nucléaires dépend de la quantité d’eau disponible pour

refroidir les réacteurs… Même pour les centrales thermiques, utilisées en back-up, on doit

prendre en compte leur temps de montée en puissance.

Il s’agit donc aussi de lisser les courbes de production. Or sur une année, on constate que

solaire et éolien sont relativement complémentaires : le vent souffle majoritairement les mois

d’hiver, le solaire produit majoritairement les mois d’été.

De plus, il est économiquement absurde de raisonner sur des journées de 24h. En effet, la

nuit, la consommation nationale d’électricité se réduit très fortement, aux alentours de 20%

en hiver et de 30% en été. Mais au niveau des ménages, cette différence est bien supérieure,

avec des consommations électriques proches de 0 les nuits d’été et principalement alimentées

par le chauffage les nuits d’hiver. Les opérateurs utilisent d’ailleurs ces heures creuses pour

écouler des kWh issus de sources continues en proposant des tarifs attractifs pour les

particuliers comme pour les professionnels. On pourrait préférer la notion « d’heures utiles »

on retirant les heures entre 22h et 6h, ce qui nous ferait atteindre une somme annuelle de

5840 heures utiles. Ainsi, la couverture de ce nouveau total par le solaire serait de 50%

environ, et celle de l’éolien doit dépasser ce taux. En effet le vent souffle généralement plus de

jour que de nuit (h totales de jour vs h totales de nuit ?).

Page 68: La transition énergétique près de chez vous

67 ASSOCIATION P’AIX 21

Résoudre la pointe par le marché ?

Chaque année, à l’approche de l’hiver, les autorités publiques se préparent à affronter le

pic de consommation français, qui augmente graduellement, rendant sa gestion toujours plus

délicate. Ce « pic » a lieu en débuts de soirée lors des épisodes de grand froid : les habitants

poussent alors le chauffage au maximum, créant un appel de consommation que les

fournisseurs ont du mal à couvrir. Ne pouvant compter uniquement sur des énergies

intermittentes, ils doivent solliciter la production « de pointe », en général assurée par les

centrales thermiques. De France ou d’ailleurs : il n’est pas rare que lors de ces pointes, la

France importe de l’électricité en provenance des centrales à charbon de l’Allemagne.

Conscients que le temps rendait ce problème toujours plus difficile à surmonter, les

autorités ont décidé en 2010 de faire appel au marché pour réguler ces pointes (loi dite NOME

de 2010). Il faut ici distinguer deux concepts importants. Pour que chaque fournisseur soit en

mesure de fournir la consommation maximale estimée de chacun de ses clients, il lui faut être

en capacité d’acquérir une quantité équivalente de KWh auprès des producteurs. Il devra

donc, à partir de l’hiver 2016-2017, détenir des certificats de capacités (en MW) correspondant

à la puissance maximale de leur portefeuille de clients.

Mais c’est bien parce que les capacités actuelles du parc sont insuffisantes que la pointe

de consommation est problématique, il faut donc un autre outil de gestion. Depuis longtemps

déjà, l’opérateur historique puis les fournisseurs concurrents opèrent des délestages

volontaires auprès de leurs clients industriels : que ceux-ci acceptent qu’on leur coupe

momentanément le courant moyennant une compensation financière. C’est le principe de

l’effacement. La loi NOME formalise ce processus en créant des « garanties d’effacement »

(exprimés en MW) qui seront remises aux industriels concernés. Ils sont strictement

équivalents aux certificats de capacité, à la différence qu’ils expriment une valeur négative. On

peut donc échanger certificats de capacité et garanties d’effacement sur un même marché,

appelé le marché de capacités.

Tout ceci est intuitivement assez séduisant : la libre confrontation de l’offre et de la

demande d’électricité fixera le prix auxquels les fournisseurs, grands industriels et producteurs

s’échangeront les certificats. Les grands consommateurs seront sensibilisés à la question de la

maitrise de leur consommation, et on freinera la course à la construction de nouveaux moyens

de production par une allocation optimale entre consommateurs.

Pourtant, ce marché appelle plusieurs commentaires. D’abord celui de la délivrance des

certificats : il est assuré par la CRE, qui adosse un coefficient de sécurité à chaque moyen de

production. Pour une centrale thermique de 10MW de puissance, on adossera par exemple un

coefficient de 0,8, au cas où des défaillances ponctuelles empêcheraient d’atteindre la pleine

puissance à temps. Le certificat émis sera donc de 8 MW. Pour l’éolien, le coefficient serait de

0,3, et le certificat émis sera de 3MW. Pour le solaire, rien du tout, on ne peut pas

légitimement compter sur le soleil les soirs d’hiver…

Page 69: La transition énergétique près de chez vous

68 ASSOCIATION P’AIX 21

Ensuite surgit le besoin de la vérification : il est facile pour un industriel de justifier de sa

capacité d’effacement, et d’obtenir une garantie équivalente. Mais le jour j, il faut pouvoir

s’assurer que l’industriel s’est bien vu couper son alimentation électrique. De même, il faut

s’assurer que les certificats de capacité correspondent réellement à des capacités existantes et

immédiatement mobilisables. Ce rôle de vérificateur est confié au gestionnaire de réseau RTE.

Enfin, l’effacement pour les particuliers pour des raisons d’équilibrage est actuellement

strictement réglementé et limité à 3h sur une année pendant une décennie. Mais il est

possible de faire appel à un effacement volontaire de la part des particuliers. Le fournisseur ou

un prestataire externe peuvent, en agrégeant l’effacement de nombreux clients individuels,

générer des garanties qu’ils pourront échanger sur le marché. En contrepartie, ils proposent

une rétribution à leurs clients effacés, sur une base contractuelle qu’il leur appartient de

formuler. Là plus encore, le processus de vérification n’est pas évident et n’a d’ailleurs pas fait

l’objet à ce jour de recommandations claires.

Après ces commentaires, vient l’analyse des nombreuses chausse-trapes que cette

solution comporte. En premier lieu, tout le mécanisme repose non pas sur des données

observées mais anticipées. Le fournisseur calcule les demandes maximales potentielles de ses

clients, afin d’anticiper ses besoins en certificats de capacité. Le régulateur anticipe les

capacités de production par l’application de coefficients. L’industriel anticipe les périodes où il

renoncera à son processus de production. On échange donc sur un marché des anticipations,

qui peuvent être par définition erronées : sur ou sous-estimées. Or ce qui est recherché ce

n’est pas l’anticipation mais bien l’obtention d’un équilibre général du réseau.

Deuxième écueil : les anticipations reposent sur des estimations réalisées en interne, à

partir (notamment pour les fournisseurs) de données de consommation de leurs clients. Si le

régulateur a un œil sur le résultat de ces anticipations (certificats et garanties), il ne peut

contrôler leur mode de calcul. Cette asymétrie de l’information au bénéfice de l’acteur de

marché et au détriment du régulateur accroit les risques de manipulation. Des précédents

récents existent sur les marchés du carbone européen (voir encadré).

Fraudes sur le marché du carbone européen

Le marché européen du Carbone (EU ETS), en vigueur depuis 2005, consiste à

échanger des quotas carbone octroyés par les Etats membres à leurs industries les

plus polluantes. Moins polluer que prévu engendre donc un gain, équivalent à la

somme des quotas vendus sur le marché. A l’inverse, polluer plus que prévu

engendre un surcoût équivalent à la somme des quotas achetés sur le marché. Si

un acteur ne dispose pas du nombre de quotas équivalent à ses émissions

observées en fin d’année, il sera soumis à des pénalités financières.

Ce système repose sur une asymétrie d’information : les acteurs (industriels)

peuvent anticiper leurs émissions futures de CO2, pas les régulateurs (les Etats

membres). L’allocation initiale est donc soumise à controverses. De plus il faut un

processus précis et transparent de transmission des données d’émission, ce qui

requiert de fortes capacités de contrôle de la part des régulateurs.

Page 70: La transition énergétique près de chez vous

69 ASSOCIATION P’AIX 21

Pourtant, la fraude n’est pas venue de cette asymétrie mais d’une autre,

d’une telle évidence qu’elle a été totalement négligée pendant 4 ans jusqu’en

2009, alors que la fraude atteignait les 5 milliards d’euros ! D’un pays membre à

l’autre, les quotas sont soumis ou non à la TVA. Les fraudeurs achetaient des

quotas non soumis à la TVA, et les revendaient dans des pays soumis à la TVA,

empochant à chaque transaction… le montant de la TVA.

Depuis, la règlementation a changé, et aucun quota n’est plus soumis à la

TVA. Quant au marché, le volume de ses transactions s’est effondré ainsi que le

prix du quota (de 30€ la tonne de CO2 en 2008 à 6€ fin 2014). En cause : de

mauvaises anticipations sur les émissions des industriels européens, qui se sont

avérées plus faibles que prévu.

Troisième écueil : la position dominante de l’opérateur historique en tant que producteur

et fournisseur ultra-majoritaire. A ce titre, les seuls arbitrages auxquels procèderait EDF

seraient en mesure d’orienter les prix du marché dans une direction ou dans l’autre : c’est ce

qu’on appelle une position de market maker, bien loin de la concurrence pure et parfaite. A

cela il faut ajouter que le rôle de régulateur du marché serait assuré par RTE, une filiale de ce

même market maker…

Quatrième écueil : il existe un risque que le surcoût lié aux coûts de transaction de ce

marché soit répercuté d’une manière ou d’une autre aux consommateurs, surtout si la

demande de certificats excède l’offre. Or en parallèle rien n’est prévu dans ce schéma, malgré

les déclarations de ses promoteurs, pour favoriser la maitrise de la demande au niveau

individuel. On assisterait alors une fois de plus à l’instauration d’un marché géré par quelques

grands acteurs, en situation d’oligopole, qui gèreraient la consommation de leurs clients à leur

place et le leur feraient payer.

Le consommateur n’existe donc pas. Pourtant, c’est bien en raison de son comportement

que le marché de capacités a été créé, mais il est encore exclu des solutions, car l’énergie, c’est

définitivement trop compliqué pour lui/elle.

Mais la critique la plus fondamentale saute littéralement aux yeux : elle réside dans le

nom même du marché. L’idée est bien de formaliser pour mieux mutualiser les capacités de

production. Et répondre à la pointe soit par des effacements, soit par un renforcement des

capacités. Celles-ci doivent être transmises au régulateur 4 ans à l’avance, on peut donc y

inclure les MW produits dans les futurs projets de centrales. On intègrera donc les gains

escomptés sur le marché de ces nouvelles capacités dans la décision d’investir. Tout ce

système revient donc à rentabiliser de nouveaux projets de production (centrales nucléaires,

barrages, centrales thermiques principalement) par (i) l’anticipation de gains financiers sur le

marché et (ii) la répercussion des coûts de transaction sur le consommateur. Au final, la France

aura investi dans un parc de production supplémentaire, aux frais du contribuable, qui n’aura

vocation à être utilisé que quelques jours par an. Est-on sûr de vouloir résoudre notre

problématique énergétique par ce type de solutions ?

Page 71: La transition énergétique près de chez vous

70 ASSOCIATION P’AIX 21

Les marchés traditionnels : gré à gré et spot

Outre le marché de capacités précité, il existe actuellement deux manières pour les

opérateurs d’échanger de l’électricité : le marché de gré à gré et le marché spot.

Le premier marché est celui des grands contrats d’exclusivité, de durée variable mais le

plus souvent exprimés en années. Ils sont passés au choix entre producteurs, fournisseurs et

grands clients industriels, alors dénommés « responsables d’équilibre », via un courtier ou en

bilatéral pur. Les prix de ce marché garantissent une lisibilité de long terme aux acteurs, ce qui

explique qu’il représente environ deux tiers des transactions. Outil de réduction de la volatilité

pour les parties contractantes, ce type de contrat se fait par contre dans une relative opacité

aux yeux du régulateur. L’opacité s’explique par (i) des contrats passables à tout moment,

notamment hors horaires et jours de Bourse, (ii) la présence éventuelle d’intermédiaires

(courtiers), (iii) la diversité des échéances des contrats, tout ceci contribuant à rendre le signal-

prix moins lisible.

Le second marché est celui de la Bourse, où s’échangent des besoins quotidiens ou par

bloc horaires, échangés au jour j pour livraison le lendemain (marché spot : EPEX, basé à Paris).

On y distingue notamment les produits Peak (périodes de pointe) des off-Peak (périodes de

base). Il existe aussi un marché des produits dérivés (EEX, basé à Leipzig). Le prix de référence

est le « day-ahead », c’est-à-dire la commande du jour pour livraison le lendemain. Les

échanges et la fixation du prix se font quotidiennement sur la base d’un système d’enchères

entre 12h30 et 13h.

Enfin, la France étant un pays interconnecté à ses voisins, elle échange régulièrement avec

eux des quantités d’électricité, via des contrats qui ne sont pas nécessairement passés sur le

marché Français.

La tâche du régulateur de ces marchés est donc complexe. Ce régulateur est

naturellement RTE : puisqu’il doit gérer l’équilibre réseau à tout moment, il doit pouvoir

appliquer ce principe sur le marché de l’électricité. Il impose donc à ses responsables

d’équilibre un « périmètre d’équilibre », pour lequel ils sont responsables des écarts constatés

entre soutirage et injection, c’est-à-dire entre offre et demande. Une chambre des

compensations permet de compenser les responsables d’équilibre entre eux, qui sont en outre

fortement pénalisés par le régulateur en cas de non-respect du périmètre.

La caractéristique principale du marché de l’électricité est le nombre limité de ses

acteurs : une centaine de responsables d’équilibre sont répertoriés, parmi lesquels les

principaux producteurs (EDF, POWEO, EON, etc.) ou quelques agrégateurs de producteurs plus

confidentiels (ex : Alterna), quelques régies locales, et des intermédiaires financiers (banques).

Si l’on assume qu’une saine concurrence permettrait d’optimiser les prix du marché en évitant

les positions dominantes, alors comment faire pour augmenter le nombre des participants

Page 72: La transition énergétique près de chez vous

71 ASSOCIATION P’AIX 21

tout en continuant de garantir l’équilibre du réseau ? Tout dépendra de l’évolution du secteur

des producteurs, aujourd’hui outrageusement dominé par EDF grâce à ses centrales

nucléaires. Dans ce cadre, le marché de l’électricité n’est qu’un outil de régulation parmi

d’autres, qui pourra accompagner la transition énergétique si et seulement celle-ci est

décidée. Dans le cas contraire, le marché continuera de fonctionner, mais au bénéfice des

sources conventionnelles d’électricité.

Actuellement le marché spot (EPEX) n’est intégré que par quatre pays : France, Allemagne,

Suisse et Autriche. Mais la standardisation en cours des modes de calcul des prix et des flux sur

les différents marchés, appelée « Couplage européen des marchés » (PCR en anglais) couvre

déjà 17 pays de l’Europe de l’Ouest et du Nord, soit 75% de la consommation européenne. Ce

processus permet de faciliter les échanges bilatéraux entre pays frontaliers pour avancer à

terme vers un marché spot unique.

Sur ce marché, il est possible d’échanger à présent d’échanger en continu sur le marché

infrajournalier, jusqu’à une heure avant la livraison. Ce marché est porté principalement par

les Allemands, dont le mix énergétique favorable aux ENR intermittentes facilite ce genre

d’échanges hautement spéculatifs. L’Allemagne encourage d’ailleurs progressivement les

producteurs d’ENR à intervenir en vente directe, sans plus passer par les tarifs de rachat. Ainsi,

leur production est négociée sur le marché, et si le prix de vente est inférieur au prix de

rentabilité, on leur verse des « primes de marché ». Ce mécanisme est obligatoire pour des

nouvelles installations de puissance supérieure à 500kW. On pourrait donc espérer grâce à ce

système un afflux de nouveaux acteurs permettant de mieux réguler les prix de l’électricité.

Mais attention à ne pas cantonner les ENR à des opérations opportunistes en calant leur

production sur les seuls créneaux horaires où les prix seraient élevés.

Page 73: La transition énergétique près de chez vous

72 ASSOCIATION P’AIX 21

QUATRIEME PARTIE

UN NOUVEAU CONTRAT ENERGETIQUE EN

FRANCE ?

CHAPITRE X

LES PROPOSITIONS DU RAPPORT

Les 5 étapes de la transition énergétique

Responsabiliser

Le premier enjeu est bien celui de la démocratisation de l’énergie. Avec les technologies

actuellement disponibles d’information et de communication, la mesure des flux électriques,

produits ou consommés, peut se faire en instantané. Couplé à des programmes astucieux de

gestion de ces données, celle-ci peut être restituée à l’usager de manière aisément

compréhensible, via des applications intuitives. Des start-ups, des fournisseurs, des fabricants

sont déjà sur les rangs pour proposer de tels services. Mais le contenu et le partage de

l’information peuvent considérablement varier : tout dépend ce qu’on veut en faire.

La confiscation des données de consommation prévue par les compteurs intelligents de

type Linky ou par les prestataires d’effacement individualisé, est non seulement discutable

d’un point de vue juridique, elle est aussi un frein à la transition énergétique car elle empêche

le citoyen d’avoir le droit de comprendre comment il consomme, éventuellement comment il

produit, et surtout comment il pourrait améliorer son bilan énergétique. Par analogie, on

pourrait imaginer que toute voiture vendue sur le marché serait dépourvue de jauge de

carburant : seulement une fois la réserve atteinte, vous seriez informé par un quelconque

voyant qu’il vous faire le plein. Impossible alors de vérifier les performances de consommation

clamées par le constructeur, ou d’adapter sa conduite en fonction de votre quantité de

carburant restante, à moins de vous lancer dans un processus long et fastidieux d’évaluation,

en notant sur un bout de papier les kilomètres parcourus entre chaque plein. Ce cas de figure

est absurde : les jauges existent depuis des décennies, et les systèmes actuels calculent même

votre consommation en direct ! Tout aussi absurde alors de ne pouvoir obtenir sa

consommation électrique en direct alors que les outils existent, n’est-ce pas ?

Page 74: La transition énergétique près de chez vous

73 ASSOCIATION P’AIX 21

En fait, c’est le modèle économique sous-jacent à l’utilisation des données qui doit être

clairement identifié. Si ces données sont indispensables aux gestionnaires de réseau, alors non

seulement elles seront confisquées aux citoyens, mais on verra en outre à n’en pas douter

l’apparition d’un véritable marché de la donnée, avec la création ad hoc d’intermédiaires dont

la finalité commerciale sera de vendre des données agrégées à ces mêmes gestionnaires.

Si au contraire la propriété individuelle des données est garantie dans les faits, alors le

marché se réorientera sur des logiciels offrant d’une part une gestion intuitive de ces données

à usage personnel, et permettant d’autre part d’effectuer un diagnostic précis des données

relatives à notre logement en vue de faire des choix d’optimisation : autoproduction,

adaptation de la consommation de nos appareils, remplacement des systèmes de chauffage ou

amélioration de l’isolation.

Le diagnostic est la deuxième phase de cet enjeu de responsabilisation. On vient

d’envisager un logiciel capable d’effectuer de tels diagnostics ou du moins de simples

simulations par rapport à un choix déterminé d’options précitées. Ce diagnostic en amont peut

être complété, notamment en ce qui concerne l’isolation, avec l’utilisation d’une caméra

thermique ou avec la connexion du logiciel avec des thermostats. Néanmoins, pour toute

évaluation sérieuse d’un pré-projet, qu’il envisage des travaux d’isolation ou l’installation de

panneaux photovoltaïques, l’appui de professionnels reste incontournable. Les EIE et ALE sont

censés répondre à ces attentes en mettant en relation offre et demande de services

énergétiques ; il n’est pas interdit de penser que d’autres acteurs, à l’instar des fournisseurs

d’électricité, proposent ce genre de services.

Economiser

Avant toute chose, c’est bien à cet objectif que la mesure et le diagnostic doivent

répondre. Nous avons vécu une période d’abondance durant laquelle l’énergie était

massivement disponible et bon marché. Cette époque est révolue, et elle nous a laissé en

guise d’héritage un lourd fardeau : la maintenance. Que ce soit pour les unités gigantesques de

production ou pour l’entretien des réseaux de transport et de distribution, les coûts de

maintenance explosent et alourdiront durablement nos factures. Il est donc indispensable,

aussi bien pour le climat que pour notre portefeuille, que nous engagions des mesures

ambitieuses de baisse des consommations.

L’isolation des bâtiments procède de cette logique, nonobstant la ressource énergétique

utilisée. Elle est la plus grande source de gaspillage énergétique pour les particuliers. Mais

dans ce domaine, on souffre d’approches en silo, amenant les professionnels à privilégier un

produit ou une technique en particulier, en raison (i) de ses caractéristiques techniques

intrinsèques, et (ii) de son coût. Mais on fait encore trop souvent des interactions des

matériaux entre eux, avec le climat, ou le mode de chauffage choisi. De même, entre une

approche de moindre coût qui visera les kWh les plus faciles à éliminer, et une approche

globale qui permettrait en théorie de réduire la consommation thermique à son minimum

physique mais à des coûts incontrôlables, le choix se fera en fonction de nos capacités

financières mais aussi selon les habitudes des professionnels sollicités. Ces deux points

Page 75: La transition énergétique près de chez vous

74 ASSOCIATION P’AIX 21

conduisent à mettre en lumière les insuffisances actuelles de la sensibilisation envers le grand

public, et les carences des dispositifs publics d’incitation à l’isolation.

Plus économe, la gestion de sa propre consommation est un élément facile à mettre en

œuvre, une fois le point 1 de nos recommandations (responsabiliser) garanti. En effet, si nous

disposons d’instruments de mesure disponibles sur application mobile / PC, et d’appareils

électriques programmables (lave-linges, lave-vaisselle, fours, mais aussi box, téléviseurs… tous

les appareils ont pour vocation à devenir programmables s’ils ne le sont déjà), alors il devient

possible de gérer intelligemment nos consommations en fonction de nos contraintes : tarifs

différenciés, abonnements, production individuelle…

Autoproduire

L’autoproduction découle presque naturellement du dernier point : la meilleure gestion

de sa consommation justifie la production individuelle et réciproquement. Grâce à

l’optimisation de gestion, nous pouvons avoir la garantie que nous pourrons consommer

chaque kwh ou presque que nous produisons, diminuant d’autant le nombre de kWh achetés à

notre fournisseur. Et plus nous autoproduisons, plus il devient intéressant de programmer nos

appareils électriques afin de faire correspondre notre courbe de consommation à notre pic de

production.

En l’absence de capacités de stockage économiquement pertinentes, l’autoproduction n’a

pour d’autre but que de substituer une part de ses achats sur le réseau, à l’instar d’un jardin

potager permettant de réduire la facture globale de nos courses. Dans la configuration

actuelle, l’autoproduction ne bénéficie d’aucune aide, la revente totale au réseau étant

privilégiée. Un peu comme si vous aviez l’obligation de revendre les légumes de votre jardin

potager au supermarché du coin, à un prix non négociable. Une fois vos légumes vendus, vous

devrez les racheter au même supermarché ! Ne serait-il pas préférable de consommer vos

légumes et d’acheter auprès de votre supermarché ce qu’il vous manque ?

Si le stockage devenait, grâce au progrès technique, une option viable et adaptable au

particulier, alors l’autoproduction serait amenée à changer d’échelle. En attendant que cette

hypothèse se concrétise, mieux vaut s’y préparer en développant l’autoproduction, ce qui aura

également pour effet de commencer à modifier notre approche de la gestion des réseaux.

Un exemple de tarification progressive en Tunisie

Les tarifs de l’électricité en Tunisie sont largement subventionnés à hauteur de

3à à 40% de la facture, et l’opérateur national (producteur, distributeur et

transporteur), la STEG est structurellement déficitaire. Pour pallier à une perte

nette sur chaque kwh, la STEG a donc mis en place un système de tarification

progressive, accompagné d’un rehaussement des tarifs inévitable (7% par an en

moyenne !). Ainsi les tunisiens sont encouragés à adopter des comportements

sobres en électricité.

Page 76: La transition énergétique près de chez vous

75 ASSOCIATION P’AIX 21

Mais ils sont également encouragés à produire de l’énergie solaire, via le

programme PROSOL. L’ANME (ADEME Tunisienne) subventionne les installations

photovoltaïques résidentielles à hauteur de 30% du coût (1 450 DT/Kw installé,

plafonnement à 15 000 DT – Compter environ 2DT par €). Chaque installation est

complétée d’un compteur bidirectionnel et la comptabilité de la production et de

la consommation de la résidence sont exprimées en kW. Le surplus de production

(en journée) est réinjecté sur le réseau. Exprimé en kWh, il est retranché des

surplus de kWh consommés en soirée. La conversion des kWh en Dinars ne se fait

que sur la différence obtenue, facilitant les calculs financiers.

En 5 ans d’existence, PROSOL a permis l’installation de près de 20MW de

puissance. Rien qu’en 2014, environ 6000 installations ont été réalisées. Un

marché s’est développé avec la présence de 4 fabricants nationaux et de 180

installateurs homologués.

La prochaine étape de ce programme est l’ouverture de subventions sur des

projets de moyenne tension, c’est-à-dire de dimension semi-industrielle.

Approches collectives locales

Nous l’avons démontré dans notre rapport, en l’absence de stockage, l’optimisation dans

le secteur de l’énergie passe par la mutualisation. Celle-ci peut s’effectuer à trois niveaux :

Mutualisation des connaissances. Il s’agit de développer des outils d’aide à la décision

accessibles aux citoyens à l’échelle locale. Les EIE / ALE existent mais ne sont pas encore

suffisamment maillées en France. D’autres outils doivent pouvoir être développés. Nous

venons d’évoquer plus haut le développement d’applications sur mobiles : là encore, elles

peuvent servir à relier les citoyens entre eux, et planifier des réunions ou formations

collectives auxquelles chaque utilisateur pourrait être convié. Car pour la compréhension des

enjeux énergétiques, la relation directe, humaine, permettant d’évoquer toutes sortes de cas

particuliers, est probablement plus efficace que des e-formations. La question du suivi se

posera dans les deux cas de figure.

Mutualisation des réseaux. Cela semble paradoxal, puisqu’aujourd’hui nous disposons

d’un gestionnaire de réseau mutualisé à l’extrême, c’est-à-dire à l’échelle nationale voire

européenne concernant le transport. On n’a donc pas à priori la possibilité de mutualiser

davantage. Sauf qu’en réalité, la mutualisation devrait fonctionner à deux niveaux : celui du

gestionnaire et celui des propriétaires. Le premier doit s’assurer que chaque unité de son

réseau est à l’équilibre. Les seconds, c’est-à-dire les communes, devraient être considérées

comme les unités de réseau plutôt que les particuliers. Avec la gestion des unités de réseau

présentes sur son territoire, la commune est en mesure, non pas d’assurer l’équilibrage, mais

d’estimer les besoins réels en termes de production, de maintenance et d’extension éventuelle

des réseaux. L’électricité fait alors pleinement partie des compétences lui sont attribuées, et

Page 77: La transition énergétique près de chez vous

76 ASSOCIATION P’AIX 21

pour lesquelles elle est redevable auprès de ses administrés. De son côté, le gestionnaire n’a

plus à gérer l’équilibre de manière inutilement fine, il se contente d’équilibrer le réseau par

blocs successifs.

Mutualisation de la production. Mobiliser le capital citoyen est un élément fondamental

pour obtenir le consentement populaire au développement des énergies renouvelables de

proximité. Nous avons vu également que le foisonnement à l’échelle locale permettrait à

chacun d’atteindre des taux d’autoconsommation plus élevés, réduisant d’autant sa facture.

Un axe encore plus prometteur est le projet collectif dans le secteur tertiaire (hors transport).

Celui-ci représente 9,2% de la consommation énergétique française (chiffres CGDD),

constituée d’électricité aux 2/3. Or les horaires de travail dans le secteur tertiaire sont

fortement corrélés avec la courbe de production photovoltaïque puisqu’une majorité travaille

de jour. En développant des projets à capital citoyen, on assure non seulement une économie

d’énergie par autoconsommation à l’entreprise porteuse du projet, mais on offre aussi une

source de revenu locale pour les citoyens investisseurs.

Evolution des rôles et des métiers

La transition énergétique, par les changements profonds qu’elle engendrera, marque un

nouveau processus de destruction créatrice. Elle est appelée à redéfinir les rôles des acteurs, à

créer de nouveaux métiers tandis que certaines fonctions seront amenées à disparaitre. Quels

seront ces changements, à terme, cela ne fait guère de doute. Mais c’est dans l’intervalle qui

nous sépare de l’accomplissement de cette transition que des mouvements contraires peuvent

survenir. Ceux-ci seront largement tributaires des orientations des politiques publiques en

termes de règlementation. Nous proposons donc quelques éléments que ces futures

législations devraient prendre en compte.

D’abord, grâce à la décentralisation des moyens de production, les producteurs

traditionnels seront de moins en moins sollicités pour de la base, progressivement assurée par

l’autoconsommation. Ils auront donc pour mission principale de garantir des moyens de

production aisément mobilisables pour de la pointe. L’intégration européenne du marché de

l’électricité permettra aux opérateurs de se fournir à l’étranger si besoin est. L’objectif de

production fait donc progressivement la place à la notion d’accompagnement des demandes.

Dans le bâtiment, l’ensemble des corps de métiers sera amené à prendre en compte

l’efficacité énergétique comme objectif primordial, au même titre que la robustesse,

l’étanchéité le confort. EN raison de la complexité de relier entre eux électricité, chauffage,

choix des matériaux, aménagement intérieur… la fonction des bureaux d’étude techniques est

amenée à se développer même à l’échelle de projets individuels. La maitrise d’œuvre

deviendra centrale, et elle aura la responsabilité de l’atteinte des objectifs d’efficacité

énergétique fixés pour le neuf comme pour l’ancien. Il est donc probable que la coordination

des métiers artisanaux du bâtiment oblige ces derniers à se restructurer, passant du statut

d’indépendants à celui de prestataires intégrés à des structures de « rénovation ».

Page 78: La transition énergétique près de chez vous

77 ASSOCIATION P’AIX 21

La création d’un nouveau métier : le gestionnaire d’énergie

Avec l’apparition de nouvelles centrales intermittentes (solaire, éolien) et de

nouvelles capacités de stockage (batteries, technologies de compression, etc.), un

nouveau métier est d’ores et déjà en train de voir le jour : celui de gestionnaire

d’énergie. Son rôle est d’optimiser la gestion des flux à l’échelle d’une unité de

production ou d’un quartier. Ce métier fait déjà l’objet d’une formation de la part

de l’université d’Aix Marseille (Licence professionnelle MEER – Maitrise de

l’énergie et énergies renouvelables). Il est également le cœur de l’offre d’EDF Store

& forecast (filiale d’EDF), qui a développé un logiciel de gestion de l’énergie et gère

notamment la production de la centrale PV « TOUCAN » de 5MWc en Guyane

(opérateur EDF EN). Ce type de montages, initialement conçus pour les zones non

interconnectées (ZNI) pourrait être applicable en cas de progrès significatifs dans

les technologies de stockage.

Les collectivités territoriales ne pourront plus simplement déléguer la question

énergétique à des opérateurs étatiques alors que l’énergie se décentralise. Sans

nécessairement récupérer la gestion directe de leurs réseaux via la création de régies, les

communes devront pouvoir négocier avec leur délégataire des objectifs de production

renouvelable ou des règles de raccordement spécifiques à l’échelle de quartiers. La production

renouvelable peut être favorisée par des normes judicieuses sur le bâtiment (tel que lier le

taux d’imposition local à l’installation de panneaux photovoltaïques). La possibilité de création

de SEM doit pouvoir être rétablie, au moins à l’échelle des intercommunalités.

Enfin, et c’est le plus important, toute démarche collective pourra être initiée par les

citoyens eux-mêmes, même si elle ensuite prise en main par la collectivité, le fournisseur ou un

autre opérateur privé par la suite.

La solidarité, enjeu de nos préconisations

Trop souvent, les grands débats qui agitent le monde de l’énergie sont circonscris à des

choix technologiques, et font fi de la dimension sociale de l’énergie, en tant que bien de

première nécessité. Or si nous sommes à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle, celle-ci

aura entre autres conséquences le chamboulement de l’organisation sociale de l’économie.

Aux structures pyramidales et intégrées issues de l’économie du charbon puis du pétrole

succèderait ce que J. Rifkin appelle « le pouvoir latéral », c’est-à-dire une économie

décentralisée, où chaque foyer devient un acteur économique échangeant biens (via Internet)

et services énergétiques (via le réseau) avec le reste du monde. Si nous ne mettons pas en

place de nouveaux outils de solidarité, cette organisation pourrait se révéler aussi, voire plus

inégalitaire que les précédentes. L’avantage initial que constituent un capital pour investir

dans des énergies renouvelables, un vaste terrain pour accueillir les installations, un climat

Page 79: La transition énergétique près de chez vous

78 ASSOCIATION P’AIX 21

favorable à la production, irait en s’accumulant au fil du temps, laissant de côté celles et ceux

qui ne bénéficient pas de telles conditions.

Il nous parait indispensable de répondre aux impératifs tant techniques que sociaux de la

solidarité. La solidarité technique, c’est le réseau, qui est un outil national de garantie et doit

être maintenu comme tel. Les investissements nécessaires à son entretien doivent donc rester

du domaine public, ce qui n’est pas incompatible avec une gestion communale de certains

réseaux de distribution. Le financement de ces investissements peut être assuré soit par des

taxes locales, soit par les revenus qu’engendre une société locale de distribution, soit par une

dotation spécifique de l’Etat (éventuellement modulable selon le niveau de richesse de la

commune considérée).

La solidarité sociale, c’est celle qui combat la précarité énergétique. C’est pourquoi il faut

donner un rôle actif aux acteurs sociaux afin qu’ils puissent conseiller, orienter, et soutenir les

ménages en situation de précarité énergétique vers des solutions sobres et innovantes. On

peut envisager que les bailleurs sociaux se voient confier une mission de rénovation

progressive de leur parc de logements. De plus, de par la taille de leur parc, ils seraient en

mesure de tester en conditions du réel des solutions de réseaux intelligents couplés à des

unités de production et de stockage à l’échelle de quartiers. Ce serait une approche plus

dynamique que celle consistant à délivrer des chèques énergie aux foyers les plus défavorisés.

Ces deux approches devraient fonctionner sur des budgets parallèles : les chèques énergie,

réservés aux situations d’urgence, cessent d’être émis au fur et à mesure que les travaux de

rénovation et d’autoproduction sont réalisés.

Il est important de bien cibler notre population, et cette cible doit être les ménages les

plus concernés par les dépenses énergétiques. C’est pourquoi la plus grande attention doit

être également portée aux habitants des zones rurales et péri-urbaines. Sur ces zones, la

précarité énergétique peut être grande, pas nécessairement en raison d’une grande pauvreté,

mais surtout en l’absence de moyens financiers pour couvrir les coûts de capital des

installations. Cette absence s’explique par de faibles taux d’épargne ou par un accès plus

difficile au crédit bancaire. Plutôt que de chercher des instruments de soutien aux frais

mensuels (gratuité de kWh par exemple), il nous semble plus judicieux de faire porter la

solidarité de la collectivité sur l’investissement initial. On peut penser à des subventions sur

des installations en autoconsommation, délivrées par exemple par l’ADEME.

Pour soutenir les projets collectifs, les contraintes techniques et administratives sont

beaucoup plus lourdes, du choix du site au raccordement au réseau en passant par les divers

permis et autorisations. C’est pourquoi, pour assurer un intérêt des collectivités, il est

primordial de leur confier une gestion intéressée de l’électricité. En d’autres termes, leur

donner la possibilité de reprendre la gestion des réseaux dont elles ont la propriété, et les

inciter à intervenir en tant que producteurs, c’est-à-dire en mutualistes des petits producteurs

individuels. On peut penser à un système de SEM ou de coopérative.

Un autre axe important est celui de la communication. Beaucoup de projets se sont

focalisés sur la recherche d’un revenu complémentaire. C’est la logique qui a sous-tendu à la

Page 80: La transition énergétique près de chez vous

79 ASSOCIATION P’AIX 21

revente au réseau de la totalité de la production d’unités autonomes. L’autre choix est celui de

la sortie pure et simple du réseau. Il existe pourtant une troisième voie médiane, qui est de

consommer ce que l’on produit, intégralement, et de revendre le surplus éventuel, à l’instar de

notre métaphore potagère. Ainsi, la recherche n’est plus de maximiser notre production mais

de maximiser la part de notre production que l’on consomme. Ce faisant, on réduit notre

exposition à la variabilité des prix de l’énergie.

Seule cette vision permettra progressivement aux ménages de (i) comprendre l’énergie et

ses enjeux, (ii) adapter ses comportements de consommation plutôt que de « laisser couler le

robinet » en permanence, et in fine (iii) moins solliciter le réseau, permettant d’obtenir

paradoxalement une gestion plus aisée de celui-ci et de moins faire appel à des lourdes

infrastructures de production. Ainsi on sécurise le réseau en le décentralisant : le fameux

problème du black-out est résolu.

Un autre axe est la nécessité d’être souple et de ne pas privilégier un type de solutions

mais de proposer une direction. Grâce à l’autoconsommation, chacun peut élaborer des

stratégies qui dépendent à la fois de ses capacités financières, des caractéristiques de son

logement et de son profil de consommation. Il s’agit bien de « décloisonner » la gestion de

l’énergie, qui n’est pas plus difficile à comprendre que les applications d’un téléphone

portable. En offrant la possibilité aux utilisateurs de comprendre et de gérer leur

consommation en direct, on leur permet de modifier en profondeur leurs habitudes de

consommation, et de s’équiper d’appareils moins gourmands, donc d’adopter un

comportement durable. C’est bien l’objectif suprême du développement durable.

Le Puy Saint André

Objectif : proposer à tous les territoires disposant d’ELD de transformer celles-

ci en SEM pour augmenter leur production et la revendre à des fournisseurs

agréés. Ainsi si une ELD produit plus que les besoins sur son territoire, elle peut

disposer d’une source de revenus supplémentaires en fournissant des communes

voisines. Elle peut aussi faire rentrer ces dernières au capital de la SEM dans la

perspective d’une plus grande intégration territoriale (intercommunalités, etc.).

A l’origine du projet en 2011, la Mairie du Puy Saint André, petit village niché

dans la vallée de Briançon (Hautes Alpes), s’engage dans un projet de productions

ENR en profitant des généreux tarifs de rachat pour le solaire notamment. Des

panneaux sont posés sur les bâtiments publics et les habitants du village sont

sollicités pour installer du photovoltaïque sur leurs propres toitures. A l’heure

actuelle, près de 300Kwc de puissance sont installés, ce qui correspond à la

demande de 150 foyers, soit près de l’ensemble du village (470 habitants). Le

capital est réparti entre la Mairie (51,5%), 31 familles actionnaires (9,1%), le fonds

d’investissement solidaire « Energie Partagée (5 ,3%), et l’entreprise locale de

distribution du Briançonnais ESDB (34,1%). Pour étendre le projet, un nouvel appel

à souscription visant à doubler le capital, pour un montant de 100.000€, est prévu.

Page 81: La transition énergétique près de chez vous

80 ASSOCIATION P’AIX 21

CHAPITRE XI

LE ROLE CENTRAL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES

L’histoire du développement énergétique au XXème siècle, en France comme ailleurs, a

été marquée par son formidable développement, la multiplication des moyens de production,

des usages. Elle s’est accompagnée d’un mouvement de concentration sans précédent. Dès le

début du siècle précédent, la constitution de majors pétrolières oblige le Gouvernement

Américain à promulguer les premières lois « anti-trust » de l’histoire, ce qui n’empêchera pas

ces majors de jouer un rôle prépondérant dans l’histoire économique et diplomatique de leur

pays. A l’heure actuelle, les 5 principales majors sont Exxon, Shell, BP, Chevron, Total. Leur

chiffre d’affaires cumulé représente peu ou prou l’équivalent de 75% du PIB Français.

Après la seconde guerre mondiale en France, le secteur de l’électricité a été nationalisé, à

l’instar de ce qui se passait dans d’autres pays (Italie notamment), mais le mouvement de

concentration, qu’il soit privé ou public, a été général en Occident. On a vu apparaitre des

opérateurs énergéticiens intégrés, c’est-à-dire maitrisant l’ensemble de la chaine de valeur :

production, transport, distribution, fourniture. Aujourd’hui on assiste à l’émergence de

« majors » de l’électricité, d’origine principalement européenne (EDF, Engie, ENEL, EON…)

américaine (GE) ou asiatique (Datang, Tepco, Kepo, Huaneng).

Ces majors sont en général issues de monopôles nationaux. Elles disposent donc d’une

implantation territoriale forte, encore assez peu soumise à concurrence. A titre d’exemple,

depuis la libéralisation du secteur en France, on estime que les concurrents d’EDF n’ont

grignoté que 8% des clients à eux tous.

Néanmoins, la plupart des opérateurs se détachent progressivement de leur lien initial

envers un territoire. D’une part par l’ouverture à la concurrence sur les terres historiques des

monopoles d’Etat d’autre part car cela fait de nombreuses années qu’elles s’internationalisent

via la création ou le rachat de filiales à l’étranger, ou par des prises de capital au sein d’autres

opérateurs. En fait, cette déconnexion s’est faite en deux étapes. La première a été de passer

pour les opérateurs de passer de l’échelle territoriale à celle de la nation. La seconde est le

passage à l’échelle internationale, initiée dans les années 80 durant la vague de libéralisation

massive qui a conduit à la globalisation.

Cette évolution s’explique assez bien par les caractéristiques physiques de la production

d’électricité de l’époque : concentrée dans un faible nombre d’unités de production,

alimentées par un combustible le plus souvent importé. Le développement des

interconnexions entre pays relève de cette logique également, puisque celles-ci permettent à

un pays voisin de bénéficier d’une source abondante et continue d’énergie chez un pays

Page 82: La transition énergétique près de chez vous

81 ASSOCIATION P’AIX 21

fortement équipé. C’est le cas notamment des voisins immédiats de la France qui bénéficient

du flux formidable de production nucléaire qu’ils peuvent ponctuellement solliciter.

Or nous l’avons vu, la matrice énergétique change. Partout dans le monde et

particulièrement en Europe, les installations d’électricité à base de renouvelables se

multiplient, à un rythme plus élevé qu’escompté. Certes, celles –ci ont bénéficié de politiques

incitatives volontaristes. Certes, le système dépend encore très largement de ces unités

centralisées mentionnées ci-dessus. Mais la tendance est indéniable, et les urgences

climatiques nous conduiront à nous orienter chaque jour un peu plus dans cette direction, à

moins d’assumer pleinement notre incapacité à atténuer le réchauffement climatique et les

conséquences qui en découlent.

Pour accompagner ce changement, l’organisation d’un marché constitué de grandes

multinationales intégrées est-elle la forme optimale ? L’équité territoriale sera-elle respectée ?

La précarité énergétique sera-t-elle combattue ? L’énergie sera-t-elle considérée comme un

bien commun ? Il est évident qu’en l’absence d’une régulation publique efficace, la réponse à

ces questions risque de pencher vers le non.

Les directives de l’Union Européenne ont eu pour effet de séparer les activités

monopolistiques (transport et distribution) des activités à vocation concurrentielle (production

et fourniture). Il est donc improbable que les Etats, garants des premières, puissent de façon

pérenne être acteurs et régulateurs des secondes. A moins que le cadre actuel n’évolue

encore.

Car dans le cas d’un développement massif des ENR, notamment du photovoltaïque sur

toitures, le producteur est un particulier, l’unité de production la plus faible d’un marché. Pour

que ces productions soient correctement gérées, il faut un acteur capable d’agréger des

milliers de producteurs individuels sur un territoire. Par «gérer » il faut entendre non

seulement fourniture mais aussi distribution. L’intermittence de ces énergies tend à effacer la

frontière entre distribution et fourniture.

Or il se trouve que les communes conservent, héritage historique, la propriété des réseaux

de distribution, qu’ils n’ont le droit de mettre en concession qu’auprès d’un seul opérateur :

ErDF. Pourtant, la commune est le territoire idéal pour expérimenter la décentralisation de

l’énergie.

Il faut ici saluer l’orientation prise par la loi de transition énergétique qui structure les

territoires volontaires en un réseau de TEPOS (territoires à énergie positive). Ce réseau de

collectivités, notamment rurales, met en lumière les initiatives visant à l’autonomie, la

solidarité des territoires avec un objectif bas carbone. Il s’inspire d’exemples ayant eu lieu par

exemple en Suisse ou en Autriche, où certaines communes ont déjà atteint ou sont sur le point

d’atteindre un taux moyen d’autosuffisance de 100% (ex/ Gusing en Autriche). Cette

autonomie n’est donc pas une autarcie : les communes sont connectées et peuvent alimenter

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82 ASSOCIATION P’AIX 21

ou solliciter le réseau selon le degré d’adéquation entre leurs besoins et leur production. A

l’heure actuelle 15 TEPOS se sont engagés en France.

Exemple TEPOS Landes. La communauté de communes de la Haute Lande, qui regroupe 7

communes pour 6.000 habitants, s’est engagée sur des objectifs à 2020 de (i) réduire ses

consommations énergétiques de 30%, (ii) d’utiliser 30% de renouvelables. Pour 2050 ? Ces

taux sont portés à 50%. L’intérêt majeur de ce projet est qu’il se propose de financer le surcoût

lié au passage des bâtiments vers des bâtiments à énergie positive, en les équipant

notamment de panneaux solaires hybrides (thermique ET photovoltaïque) destinés à

l’autoconsommation des habitants. Le projet propose aussi la mise en place d’un guichet

unique sur tout le territoire pour les projets de rénovation.

S’engager sur une démarche TEPOS nécessite un état des lieux préalables, permis par un

outil de planification : les PCET (Plan climat énergie territorial).

Ces incitations se font sur financement public : mise en place d’une structure dédiée,

financement de personnel et de mesures incitatives. Si le secteur public soutient cette

démarche, il n’est pas interdit de plaider pour qu’il en bénéficie aussi à terme. Nous abordons

à présent une des principales recommandations de ce rapport : la récupération de la gestion

des réseaux par les collectivités territoriales.

La libéralisation (unbundling) du secteur de l’électricité, imposée par la Commission

Européenne, n’est pas intrinsèquement mauvaise. Un nouveau schéma s’imposait pour

répondre à un marché intégré comme celui de l’Europe. Mais son esprit ne correspond pas à la

réalité de l’énergie électrique, qui est devenue un bien commun. Depuis les travaux du prix

Nobel Amartya Sen, nous savons que la gestion optimale des biens communs ne peut être

confiée ni aux seuls opérateurs privés, ni à une entité étatique déconnectée des territoires. Il

est indispensable de convier les citoyens à la gestion des biens communs. En France, qui mieux

que les collectivités locales répond à ce souci de représentation territoriale ?

En autorisant à nouveau les collectivités territoriales à développer des ELD sur leur

territoire, on les autorise à gérer un bien commun comme certaines le font déjà librement

avec l’eau (passage en régie). Les smart grids représentent un formidable outil de pilotage à

disposition des collectivités. Ils gomment les difficultés techniques inhérentes à la gestion d’un

réseau à l’aide d’instruments de mesure numériques. La recherche de compétences en est

facilitée : il est plus facile de rechercher des profils de gestionnaires informatiques que

d’ingénieurs électriques.

Les collectivités passent un contrat moral avec leurs administrés : celui de diminuer leur

facture électrique autant que possible. Elles encouragent alors tout citoyen à devenir

producteur et à injecter sur le réseau. Elles sont encouragées à le faire à moindre coût et à

minimiser les coûts de raccordement au réseau. Cela peut avoir pour effet de contribuer à

freiner l’étalement urbain, dont les impacts sur la biodiversité se révèlent chaque jour plus

néfastes (sur la longue liste des catastrophes à venir, l’extinction massive de la biodiversité est

Page 84: La transition énergétique près de chez vous

83 ASSOCIATION P’AIX 21

sans doute la prochaine après le réchauffement climatique). La bonne gestion électrique

deviendrait alors un élément d’appréciation de la qualité globale de l’action publique

territoriale, ainsi qu’un argument programmatique majeur lors des campagnes d’élections.

Ceci aurait pour conséquence une accélération sans précédent de la transition énergétique.

Page 85: La transition énergétique près de chez vous

84 ASSOCIATION P’AIX 21

CHAPITRE XII

LA REVOLUTION DU STOCKAGE ?

Les récentes déclarations du patron de Tesla, Elon Musk, ont fait vibrer la communauté

internationale : Tesla serait en mesure, à très court terme, de proposer des unités individuelles

de stockage électrique pour environ 5.000$. Couplée à un système de production locale (des

panneaux photovoltaïques sur le toit d’une maison), cette innovation a le potentiel d’éliminer

l’intégralité des coûts énergétiques d’un foyer. Il suffirait de dimensionner l’installation de

façon à ce que la totalité des besoins (véhicule électrique, chauffage, éclairage, etc.) soient

couverts par la capacité de stockage de la batterie. L’avènement du stockage individuel

annonce-t-il la fin des besoins de mutualisation, nous permettra-t-il d’être, tout un chacun,

totalement autonomes ?

Avant le stockage, le lissage

On pointe souvent l’intermittence des énergies renouvelables pour dénoncer leur manque

de fiabilité par rapport aux énergies conventionnelles. Or le système tel qu’il est géré

aujourd’hui est déjà confronté à l’intermittence. Les cours d’eau n’ont pas le même débit selon

les saisons, et l’été est en général une époque où l’eau manque dans les fleuves. Les barrages

au fil de l’eau produisent alors moins qu’au printemps ou qu’en automne. Cette eau plus rare

est aussi plus chaude : elle est alors moins efficace à refroidir les réacteurs nucléaires qui

bordent nos fleuves. Les centrales nucléaires tendent donc elles aussi à tourner au ralenti en

été. On fait alors appel à de l’énergie d’origine fossile, mais les centrales thermiques

nécessitent un temps assez long pour atteindre une température suffisante pour offrir leur

plein potentiel de production.

Toutes ces données sont prises en compte et modélisées du côté de l’offre. On ajoute

comme donnée la capacité de stockage de l’énergie que représentent les barrages, qui

autorise une gestion plus souple de l’offre. Côté demande, les citoyens comme les entreprises

ne consomment pas uniformément à toute heure du jour et de la nuit : la consommation est

aussi intermittente. On procède également à des modélisations des comportements de

l’ensemble des agents socio-économiques pour prévoir au mieux la demande et procéder à

des ajustements d’offre si nécessaire.

La véritable différence avec les nouvelles énergies renouvelables (solaire et éolien) est la

durée bien plus courte de leur cycle d’intermittence : 24h pour le solaire, de quelques heures à

quelques jours pour l’éolien, qui est de plus aléatoire par nature et bien plus difficile à prévoir

Page 86: La transition énergétique près de chez vous

85 ASSOCIATION P’AIX 21

sur un territoire spécifique. Parallèlement, les jours de pluie impliquent évidemment l’arrêt de

la production photovoltaïque, un simple nuage qui passe réduit sensiblement la production.

Sauf que ces arguments tout à fait valables à petite échelle et sur une courte période de

temps, perdent de leur force à l’échelle d’un pays (et encore plus à l’échelle européenne,

puisque nos réseaux sont interconnectés avec ceux de nos voisins) et sur des durées annuelles.

Commençons par l’échelle des temps. Une année non bissextile compte 8760 heures. On a

calculé pour la France que la durée d’ensoleillement est d’environ 2500 heures (un peu moins

au Nord, un peu plus au Sud). On peut donc théoriquement bénéficier de l’énergie

photovoltaïque pendant 28% du temps, ce qui nous laisserait 72% de notre temps condamnés

à la panne électrique si nous dépendions uniquement de cette source. Mais la comparaison a

peu de pertinence, car sur une année, il y a beaucoup d’heures où nous ne consommons que

peu ou pas d’électricité : au moins 6 heures par jour. Si l’on annualise ces 6 heures, on obtient

2190 heures que l’on retranche de 8760, obtenant ainsi 6570 d’heures « énergivores ». Dans

ce cas de figure, le solaire couvre alors 38% des heures énergivores. On vient de gagner 10%

pour les particuliers. Mais pour les entreprises non industrielles, la proportion est

potentiellement bien plus importante : celles-ci sont ouvertes principalement en heures de

jour, et fermées les fins de semaine. Ici la courbe de production photovoltaïque couvrirait :

Horaires de travail : 12h / par jour pendant 365-104 (week-ends)= 264 jours, soit

3132 heures.

Heures de soleil : 2500 *5(jours ouvrables)/7(jours par semaine)= 1786 heures

1786/3132= 57% !

Le nombre moyen d’heures de vent exploitables en France est d’environ 3500 heures par

an selon Negawatt. On notera que le potentiel éolien est plus élevé en hiver qu’en été, créant

ainsi une complémentarité intéressante avec le solaire. La combinaison des deux reste à

calculer précisément mais on peut espérer obtenir une couverture potentielle par les

nouvelles énergies renouvelables de plus de 50%.

L’échelle du pays permet aussi de lisser les productions. Ainsi, pour l’éolien, la répartition

n’est pas uniforme sur le territoire. On distingue deux grandes régions éoliennes : la grande

façade Nord Atlantique-Manche, incluant la Bretagne, la Normandie et le Nord, et le bassin du

golfe du Lion entre Provence et contreforts Pyrénéens, incluant le couloir rhodanien. Ces deux

zones connaissent des régimes de vent propres et qui ne sont pas corrélés entre eux. En clair,

si certains jours le vent souffle au Nord et au Sud, d’autres il ne souffle qu’au Nord ou qu’au

Sud. L’amplitude horaire de production éolienne tend donc à augmenter si l’on dissémine

suffisamment de lieux de production dans des sites éloignés les uns des autres. Le même

phénomène s’applique au solaire.

Il est probable que ces deux énergies renouvelables ne pourront jamais assurer une

énergie minimale, dite « de base » à l’ensemble du territoire à chaque heure de l’année. Mais

Page 87: La transition énergétique près de chez vous

86 ASSOCIATION P’AIX 21

là n’est pas vraiment la question. Pour les citoyens, il est indispensable de prévoir en quoi leur

consommation et la production de renouvelables est compatible, et jusqu’à quel point.

Les réseaux intelligents : la clef de la décentralisation

Une des grandes incompréhensions concernant les « smart grids » concerne leur échelle.

Pour les fournisseurs, il s’agit de collecteurs d’informations postés chez chacun d’entre nous.

Dans ce cas, l’horizon du smart grid, c’est le réseau de distribution auquel il se superposera

parfaitement.

Pour la commune, le smart grid est un potentiel formidable de gestion à l’échelle du

territoire : la commune, le quartier, voir l’immeuble collectif… Dans ce cas de figure, l’horizon

du smart grid c’est la compréhension des besoins de ses administrés pour mieux y répondre.

Des projets de smart grids pilotes ont émergé. Depuis 2009, l’ADEME a lancé le

programme MILLENER, déployé en Corse, en Guadeloupe et à la Réunion. Il vise à rendre le

citoyen actif par des boitiers de suivi de la production. Il autorise EDF à opérer du délestage si

nécessaire chez les particuliers (qui peuvent le refuser en appuyant sur un simple bouton)… Ce

projet fait reposer l’équilibrage du réseau sur le fournisseur / producteur historique, EDF.

Si l’autoproduction se développe, ce type de projets pilotes risque fort d’être dépassé :

toute collectivité pourra alors effectuer une gestion fine des flux d’électricité via la collecte des

données agrégées de consommation de ses membres. Ici il faut comprendre collectivité au

sens large : cela peut être une commune, un département, ou même un quartier ou une

copropriété.

Le stockage à portée de main ?

C’est la grande attente qui fait rêver les producteurs d’énergies renouvelables. Avec des

solutions économiquement viables de stockage de l’électricité, chaque consommateur a la

possibilité de devenir producteur autonome, et le système centralisé perd sa raison d’être.

Selon Pierre Odru, ingénieur principal de recherche à l’IFP (Le stockage de l’énergie,

Editions Dunod, 2010), il existe schématiquement trois types de stockage d’électricité :

Celui que l’on peut transporter – le stockage embarqué

Celui disponible à partir d’un site propre – le stockage stationnaire

Celui qui convertit chaleur en électricité et réciproquement – le stockage de chaleur.

Page 88: La transition énergétique près de chez vous

87 ASSOCIATION P’AIX 21

Sous la première catégorie on trouvera les batteries des véhicules électriques ou de tout

appareil électronique, mais aussi les supercondensateurs et les volants d’inertie. Les

applications sont plutôt à l’échelle individuelle : ce stockage assure une distribution

d’électricité ponctuelle et pour des usages privés plutôt qu’industriels. De nombreux projets

voient le jour, fruit de coopérations scientifiques, souvent transfrontalières en Europe. Les

Allemands, très à la pointe dans ce domaine, ont par exemple sorti le prototype Sol-ion et sol-

ion+, par le partenariat entre Bosch, Saft, des énergéticiens (UWG, Stadwerke Mainz Netze)

des centres de recherches du Bade Wurtemberg (ZSW), d’Aix la Chapelle, et de Farunhofer

IWES. Mais les coûts sont encore prohibitifs, même pour les technologies maitrisées telles que

les batteries au lithium. Les batteries au plomb sont économiques et non dangereuses puisque

recyclées à 100% (et à euro positif). Mais leur poids et leurs performances ne se prêtent pas à

un usage individuel.

La seconde catégorie regroupe les retenues d’eau (barrages et STEP), le stockage par air

comprimé ou par production d’hydrogène. Leur application répond clairement à des besoins

industriels et peut fournir de l’électricité sur plusieurs jours (STEP) et répondre à toute

demande de soutirage (power to gaz). On peut inclure dans cette catégorie les centrales

« power to gaz », bien qu’elles correspondent aussi à la définition de la troisième catégorie

(stockage de chaleur). Le développement de centrales « power-to-gas » n’en était qu’à ses

balbutiements, mais la première centrale de production industrielle vient de voir le jour en

Allemagne. De quoi s’agit-il ? Ce sont des centrales branchées sur génération éolienne, qui

utilisent le surplus de cette production pour alimenter une centrale hybride à hydrogène.

L’hydrogène ainsi généré est envoyé avec du biogaz en centrale de cogénération permettant

de produire de l’électricité et de la chaleur. Ce projet de catalyseur alcalin de McPhy Energy à

Prenzlau en Allemagne, « Alcaline 2.0 », fonctionne depuis novembre 2014, a une puissance de

0,5MW et a produit et réinjecté sur le réseau plus de 100MWh à ce jour. On assiste donc aux

premiers développements industriels du stockage d’électricité par la technologie hydrogène

(Source : Emmanuel Mannoni).

La troisième catégorie, le stockage par chaleur, est à la fois la forme la plus ancienne de

stockage et celle présentant les potentiels les plus importants : 50 % de l’énergie en Europe

servant au chauffage, loin devant l’industrie ou les transports, on imagine le potentiel en

termes de réductions des émissions de CO2 et de maitrise de la demande en énergie. Les

types de stockage sont soit de court terme, heure ou journées (cumulus, conductivité des

matériaux de construction à chaleur sensible, solaire thermodynamique de type CSP) soit

saisonniers (stockage géologique). De nombreux sauts technologiques sont à attendre pour

rendre ces technologies économiquement viables, d’où la nécessité de soutenir la recherche

au niveau européen.

Page 89: La transition énergétique près de chez vous

88 ASSOCIATION P’AIX 21

La solution : la gestion intégrée du stockage

Pour voir les exemples les plus probants de gestion intégrée du stockage, il faut aller de

l’autre côté de l’Atlantique. Le programme ARRA (American Recovery and Reinvestment Act)

initié par l’administration Obama en 2009 a investi 5Mds USD dans le stockage d’un réseau de

distribution qui souffre de vieillissement avancé et dont la maintenance risque de couter

horriblement cher. Pour cela, plutôt investir dans un stockage distribué (via barrages à 95%

mais aussi batteries, stockage thermique et air comprimé). Les efforts de recherche sont

immenses, la Californie est en pointe (lire Le journal du PV hors-série n°11, 2014).

Dans la perspective de la mise en concurrence des concessions hydrauliques sur le

territoire français, des arbitrages sont en cours entre une ouverture totale à la concurrence,

l’obligation de constituer des SEM, ou le passage de la concession à l’autorisation

d’exploitation. Cette question est essentielle car elle redessinera le paysage énergétique

national dans un sens ou dans l’autre : qui profitera de la rente hydraulique, et surtout qu’en

feront les bénéficiaires ? Les bénéficiaires peuvent être (i) l’opérateur historique, (ii) les

producteurs/ fournisseurs concurrents, ou (iii) les collectivités via des montages SEM. Notons

que sur chacune de ces options, du capital citoyen peut être sollicité pour cofinancer les

projets de reprise. La seconde partie de la question est intéressante, car si d’une part la vente

de l’électricité hydraulique est soumise à certains impératifs (précipitations saisonnières,

utilisation en pointe pour pallier aux déséquilibres du réseau, etc…), elle peut d’autre part être

utilisée selon des stratégies bien divergentes. Etant à la fois rapidement mobilisable et

rapidement interrompue, par de simples systèmes de vannes, elle constitue une énergie

d’appoint de moindre coût. Ou de bénéfice maximum si elle est vendue lors de pointes de

soutirage à des prix donc très élevés sur le marché de capacités ou le marché spot (de jour à

jour). Mais si son objet est de répondre aux besoins précis des citoyens-consommateurs, alors

elle devient une réponse crédible à l’intermittence des autres sources d’énergie renouvelables.

On peut alors considérer que l’électricité hydraulique prenne le relais en début et fin de

journée (avant et après la génération solaire), puis en soirée/nuit. On peut aussi imaginer une

complémentarité encore plus grande avec l’éolien, qui lorsqu’il fonctionne à pleine puissance,

générerait de l’électricité pour les besoins quotidiens mais aussi pour remplir des retenues

d’eau via des turbines réversibles pompage-turbinage).

On voit bien là que le potentiel de « lissage » des pics en combinant harmonieusement des

sources d’énergie renouvelables est non seulement supérieur à celui du marché de capacités, il

est surtout plus simple, moins technocratique, et va dans l’intérêt du citoyen. Mais il faut là

encore renoncer à l’idée d’une rentabilité de marché maximale en tout point du jour, pour

privilégier une stratégie de couverture optimale des besoins.

En 2015, un fait intéressant a été révélé par la presse en France : l’ADEME avait

commandé un rapport prospectif sur une France 100% renouvelable à l’horizon 2030. Ce

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89 ASSOCIATION P’AIX 21

rapport, jamais publié, fut finalement déterré par la presse et eut un impact médiatique

probablement supérieur à celui qu’il aurait pu avoir si sa publication avait été autorisée22.

Analyse du rapport de l’ADEME 100% renouvelables 2030

Le rapport piloté par l’ADEME simule une France fournie à 100% par un mix de

15 énergies renouvelables à l’horizon 2050. Il en tire les conséquences sur les

parties production et transport et sur le coût global pour les citoyens. La

distribution et la fourniture ne sont pas abordées.

La première donnée est celle des gisements, par énergie et par région. Le total

atteint environ 700GW de puissance installée, avec une nette prédominance du

photovoltaïque sur toitures (364 GW), soit plus de la moitié du gisement. L’éolien

terrestre n’est pas en reste avec un potentiel de 174 GW. A elles deux, les filières

éolienne et solaire concentrent 652 GW soit 93% du total. Viennent ensuite les

filières hydrauliques (6,1%, 43 GW). Le reliquat est composé de technologies

diverses (Géothermie, biomasse, incinérateurs…).

Trois régions se distinguent avec un potentiel supérieur à 60 GW : l’Aquitaine,

la Bretagne, et Rhône-Alpes. Si les deux premières sont soutenues par un fort

potentiel éolien, c’est le potentiel solaire et hydraulique qui assure à Rhône Alpes

sa troisième place. Viennent ensuite Pays de la Loire et Midi-Pyrénées (plus de

50GW) et PACA (46GW). On voit bien qu’outre les caractéristiques naturelles, ce

qui détermine le classement des régions, c’est bien leur taille et leur densité de

population : plus celles-ci sont élevées, plus le potentiel solaire est important.

Ainsi, le Nord pas de calais a un gisement supérieur à celui du Limousin (27 GW

contre 20 GW) malgré un ensoleillement et un potentiel éolien relatifs plus faibles.

A partir de ces gisements on peut déterminer un productible maximal

théorique, c’est-à-dire qui prend en compte l’intermittence de chaque énergie.

Celui-ci serait de 1.268 TWh, soit près de… trois fois la demande annuelle actuelle

(422 TWh) ! Néanmoins, cette même intermittence fait que l’adéquation heure par

heure entre production et demande n’est pas nécessairement garantie. L’étude

montre qu’elle le sera par le stockage de l’énergie.

Les prévisions de coût (LCOE – méthode du coût moyen actualisé) intègrent les

coûts de raccordement. En 2050, ce sont la géothermie (5,7c€/KWh), le

photovoltaïque au sol (6c€/KWh) et l’éolien terrestre (6,5c€/KWh) qui sont les plus

compétitifs. Les technologies actuellement au stade prototypique telles que les

hydroliennes et houlomoteurs seraient à 11c€, à comparer avec le coût actuel du

PV en toiture entre 12 et 14c€ selon la région. On voit donc que la méthode révèle

une baisse très significative des coûts de production (learning-by-doing) et

probablement une hausse continue des rendements en raison d’une forte

émulation concurrentielle.

22 Le rapport a depuis été publiée par l’ADEME, et les graphiques sont visibles sur le site www.mixenr.ademe.fr

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90 ASSOCIATION P’AIX 21

Si l’on établit un classement des LCOE au niveau régional, c’est dans les

régions les plus au sud que ces coûts sont les plus faibles : PACA, Languedoc

Roussillon et Midi-Pyrénées. Des coûts sont également évalués pour les

installations de stockage, les STEP. Le coût serait de 8,2c€ pour les 7 premiers GW

installés, puis passerait à 15c€ pour les suivants (potentiel total estimé de 9,2GW).

L’étude détermine trois types de stockage :

Le stockage dit de court-terme (6h de durée de décharge), généré par les batteries ou des

technologies par air comprimé, intégrées aux unités de production mêmes ;

Le stockage hebdomadaire assuré par les STEP (retenues d’eau), avec une durée de

décharge de 32h – ce stockage peut aussi servir en infra-journalier.

Figures 11 & 12 : Profils de stockage journalier et hebdomadaire

Page 92: La transition énergétique près de chez vous

91 ASSOCIATION P’AIX 21

Le stockage inter-saisonnier assuré par la conversion du surplus électrique en gaz

méthane (processus de méthanation) ; stockable, celui-ci peut être utilisé en période

de pointe pour produire de l’électricité.

Figure 13 : Profil annuel de stockage par méthanation

La Méthanation

C’EST un processus qui permet de convertir les gaz carboniques et l’hydrogène

en méthane et en eau. Au niveau industriel, dénommé filière « power to gaz »,

l’électricité surnuméraire sert à produire de l’hydrogène, qui par l’adjonction de

CO2 fabrique du méthane. Ce méthane peut ensuite être stocké ou renvoyé dans

les réseaux de gaz naturel existants, où il sera brûlé pour être converti à nouveau

en énergie électrique : c’est la filière « gaz to power ».

Ce sont ces trois filières qui permettent, en lissant les pointes et les creux de production,

de rendre cohérent l’ensemble du modèle. Et qui permettent de rendre opérationnelle la

compatibilité « naturelle » entre soleil et vent, comme le montre le graphique ci-dessous. Car

si le pic solaire est évidemment en été, le pic éolien est lui réparti sur les mois d’hiver

(novembre à janvier). C’est peut-être là le principal apport de ce rapport : celui de démontrer

que l’intermittence des ENR n’est pas, loin de là, un problème irrésoluble.

Page 93: La transition énergétique près de chez vous

92 ASSOCIATION P’AIX 21

Figure 14 : Profils annuels de la production solaire et éolienne

Et si ces trois options se révèlent insuffisantes, il existe encore un quatrième outil

supplémentaire de régulation : l’effacement/report. Nous avons vu les caractéristiques de

l’effacement, pour lequel il existe un marché imminent. Quant au report, il se réfère au

chauffage et aux véhicules électriques. Si une heure de chauffage en collectif est effacée, elle

sera reportée à 50% à l’heure d’après, 25% à la suivante et 25% à la suivante. Pour les

véhicules électriques (estimé à 10,7 millions d’unités dans le modèle), ils sont chargés via des

bornes de recharge pour moitié pendant la journée de travail et pour moitié pendant la nuit.

Ici, le modèle ne se départit pas d’une vision centralisée où le gestionnaire de réseau est

en mesure de piloter la charge/consommation de millions d’unités simultanément. Et ce grâce

à l’obtention instantanée des données de consommation des particuliers qu’il obtient grâce

aux fameux compteurs intelligents… Néanmoins, si cette option nous parait sous-optimale, il

n’empêche qu’elle est faisable, alors même que les charges de véhicules électriques

provoquent des appels de charge sur le réseau extrêmement élevées.

Le résultat, c’est que pour une configuration particulière testée par le modèle, on a le

schéma suivant :

Figure 15 : Equilibrage de l’offre et de la demande d’électricité renouvelable par le stockage

Page 94: La transition énergétique près de chez vous

93 ASSOCIATION P’AIX 21

A gauche la puissance ENR sollicitable à toute heure, comprise entre 20 et 120GW. La

puissance moyenne est aux alentours de 65GW (ligne pointillée) et correspond au niveau

moyen de la « pointe de demande non pilotée ». Pour toute production supérieure, les

capacités de stockage sont remplies (histogramme « flexibilité à la hausse »), et seront

sollicitées lors de productions inférieures (« flexibilité à la baisse »). On voit bien que la

complémentarité d’un système combinant diversité des sources de production et des

capacités de stockage joue à plein. Le risque de black-out est presque totalement éradiqué,

sachant que le potentiel ENR est trois fois supérieur à celui requis. Bien sûr la demande

électrique pourrait croitre mais pas dans ces proportions, étant données les politiques de

maitrise de la demande en énergie mises progressivement en place.

En conclusion, le stockage est à n’en pas douter la nouvelle frontière énergétique. Il s’agit

indubitablement d’une rupture technologique majeure, amenée à modifier la structure même

du secteur qui l’a engendrée. Mais au même titre que les modes de production actuelles, les

différentes options connues à ce jour répondent à des contraintes de temps particulières. En

production on parle de pointe, demi-pointe, base. En stockage on parlera d’infra-journalier,

d’infra-hebdomadaire et d’inter-saisonnier (plus l’effacement, qui est du stockage

« financier »). C’est pour cette raison qu’il nous semble illusoire de croire à la vision de foyers

parfaitement autonomes grâce à leurs panneaux solaires, leurs véhicules électriques et leurs

batteries complémentaires. Une grande partie du stockage relève également du bien commun

et a vocation à être gérée par le réseau et la commune.

Page 95: La transition énergétique près de chez vous

94 ASSOCIATION P’AIX 21

CONCLUSION :

LA CONFIANCE, POINT DE DEPART D’UN

NOUVEAU CONTRAT ENERGETIQUE NATIONAL

Pour que la transition énergétique ne soit plus un vœu pieu ou l’apanage de quelques

majors caractérisées par une extrême concentration du capital, il faut impérativement

impliquer l’ensemble des composantes de nos sociétés. A ce jour, cette implication est surtout

pensée en actions de dissémination : conférences, tables rondes, communications officielles. Il

est temps de passer à une étape supérieure. Nous distinguons trois catégories d’acteurs à

mobiliser : les autorités publiques, les professionnels et les citoyens.

Les autorités publiques, et au premier rang l’Etat, ont à charge de construire et de garantir

un cadre national ouvert : aux innovations, aux capitaux, aux initiatives citoyennes. Ce cadre

reposerait sur des principes soit qui existent déjà et doivent être maintenus, soit qui n’existent

pas encore et doivent apparaitre.

En premier lieu, il leur appartient de garantir la mutualisation de l’énergie. Celle-ci existe

déjà à travers trois principes : la péréquation, le réseau, la lutte contre la précarité

énergétique. Certes, la péréquation, véritable outil d’équité territoriale, coûte cher,

notamment en zones non interconnectées, c’est-à-dire dans les DOM, les zones insulaires et

de montagne. Son financement dépendant d’une taxe prélevée sur chaque kWh transitant par

le réseau, elle est donc fortement corrélée à l’utilisation de ce réseau. Il faut donc préserver

ce bien commun, continuer à utiliser le réseau mais lui affecter d’autres tâches (telles que le

stockage) et repenser la clef de répartition des taxes (CSPE) qu’il collecte. Enfin, la précarité

énergétique commence à être prise en compte avec la création d’un remboursement annuel

de 100€ environ (appelée Tarif social de l’énergie). Ce ne sera probablement pas suffisant à

l’avenir et cette mesure devra être renforcée par des actions en amont.

Dans la seconde catégorie l’Etat et les collectivités doivent aider à la responsabilisation

individuelle, en commençant par permettre aux citoyens de mesurer dès aujourd’hui leur

consommation et dès demain leur production d’électricité. La promotion du seul compteur

Linky est en contradiction avec la multitude de solutions sur le point d’envahir le marché :

plateformes en ligne, boitiers reliés aux box internet, etc. Ces technologies sont simples

d’utilisation, souvent abordables, et résolument démocratiques. Elles sont aussi un pré-requis

indispensable à l’autoconsommation ou à l’isolation car elles font prendre conscience à leurs

utilisateurs que leur situation actuelle peut être améliorée.

Page 96: La transition énergétique près de chez vous

95 ASSOCIATION P’AIX 21

En troisième lieu doit apparaitre l’encouragement des initiatives citoyennes : ce sont eux

qui, en multipliant les projets collectifs ou en passant à l’autoconsommation, permettront de

réaliser la transition énergétique, plus vite que par n’importe quel autre canal. Il faut donc

créer un cadre normatif souple (statut spécifique d’association d’autoproducteurs) et

éventuellement l’accompagner d’aides financières à l’installation pour que ces initiatives

voient le jour et se multiplient. Actuellement le développement annoncé de

l’autoconsommation semble paniquer les autorités ; ce serait une erreur car avec l’évolution

des coûts des ENR, notamment du photovoltaïque, ce phénomène est inéluctable. Il est donc

préférable d’en appuyer l’émergence pour ne pas se laisser déborder. Tous les échelons

publics, de la commune à l’Etat, pourront intervenir pour soutenir ces initiatives : financement,

animation de réseaux de professionnels, mise à disposition de formations dédiées ou

d’espaces de consultation.

Enfin, la puissance publique doit réorienter l’essentiel de ses crédits recherche dans le

secteur de l’énergie vers le stockage d’une part et les réseaux locaux que sont les smart grids

d’autre part. Notre conviction est que les évolutions actuelles des différentes sources

d’électricité révèlent une certaine vérité : perte de compétitivité du nucléaire et du thermique,

maturité et gains de compétitivité des renouvelables. L’enjeu des prochaines décennies sera

plutôt celui de l’organisation du réseau plutôt que sur la diversification du bouquet

énergétique en faveur du renouvelable, déjà en marche et inéluctable.

Les professionnels devront être intégrés à la transition énergétique à deux titres. Les

entreprises et artisans pourront se regrouper autour de la transition énergétique en tant

qu’objectif fédérateur. De ce regroupement ad hoc naitra naturellement un nouveau métier de

conseiller/ maitre d’œuvre énergie, qui pourra intervenir dans le bâtiment, le tertiaire et

l’industrie. Par extension, si l’engouement populaire pour des solutions collectives de

production se vérifie, l’activité de porteur de projets collectifs verra également le jour. Aux

autorités publiques d’anticiper cet essor et de prévoir des formations diplômantes, des

agréments pour réguler ces professions à venir.

De l’autre côté, les donneurs d’ordre potentiels de la transition énergétique seront

mobilisés sur cette question, ne serait-ce que parce qu’ils seront sollicités par les entreprises et

artisans susmentionnés. Ces donneurs d'ordre peuvent être des organismes d’HLM ou des

gestionnaires de copropriétés. Face à la montée en régime de la transition et à la

multiplication de propositions commerciales, ils auront à élaborer des objectifs précis en

termes de performance énergétique des bâtiments dont ils ont la gestion. Aux ALE d’être leurs

interlocuteurs privilégiés.

Enfin, au cœur de la transition, nous l’avons dit et répété, se situe le citoyen. Rien de

satisfaisant ne se fera sans lui : il doit donc être la cible d’une vaste opération de «

simplification » de l’énergie (nous pourrions utiliser le terme « démystification »). Tout doit

concourir à lui faire prendre conscience que des solutions à portée de main existent, qu’elles

sont rentables et socialement désirables.

Page 97: La transition énergétique près de chez vous

96 ASSOCIATION P’AIX 21

Ensuite viendra le temps de l’action, celle des investissements dans l’isolation ou la

production d’électricité. Des aides à l’investissement peuvent être proposées, en prenant en

compte que ces investissements sont élevés mais le plus souvent réalisés en une fois, et que

les horizons de rentabilité doivent être suffisamment courts pour que les citoyens identifient le

rendement de leur investissement. L’investissement citoyen doit pouvoir être mutualisé, et

éventuellement soutenu par une garantie des autorités publiques, locales ou nationales.

C’est prenant en compte l’ensemble de ces catégories d’acteurs que nous pourrons enfin

lancer cette transition énergétique à l’échelle de notre pays, et pourquoi pas la transmettre à

l’échelle européenne.

Page 98: La transition énergétique près de chez vous

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Page 101: La transition énergétique près de chez vous

100 ASSOCIATION P’AIX 21

OFAEnR (Office franco-allemand pour les énergies renouvelables): « L’efficacité énergétique,

levier de la transition énergétique allemande », 2014.

OFAEnR : « Ordonnance relative à l’introduction d’appels d’offres pour le soutien financier aux

installations photovoltaïques au sol ainsi qu’à la modification d’autres ordonnances relatives

au soutien des énergies renouvelables », Audrey Matthieu, Mémo, Février 2015.

OFAEnR: « Vente direte des énergies renouvelables sur la Bourse Européenne de l’Electricité »,

Patrick Adigbli, EPEX SPOT Note de Synthèse, Février 2015.

OMS (Organisation mondiale de la santé) : « Statistiques sanitaires mondiales 2014 »

OMS : « Global estimates of burden of disease for the year 2004 »

OMS - CIRC (Centre international de la recherche sur le cancer) : « Outdoor Air Pollution - IARC

Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans », Volume 109, 2015

ORECA (Observatoire régional de l’énergie, du climat et de l’air): « Atlas des énergies en

Région Provence Alpes Côte d’Azur », 2012

Programme PREBAT ADEME-PUCA de réduction de la précarité énergétique : « Analyse

sociotechnique comparée des dispositifs de réduction des situations de précarité énergétique

et construction de stratégies d’intervention ciblées », Mars 2010

Négawatt : « Manifeste Négawatt », Actes Sud, 2012

Rifkin, Jeremy: « La troisième révolution industrielle », Les liens qui libèrent, 2012

RTE : « Rapport d’activité et de développement durable 2014 »

UE, DG ENER : « Monitoring progress towards the Energy Union objectives - Concept and first

analysis of key indicators », Novembre 2015

Vernier, Jacques: « Les énergies renouvelables », collection Que sais-je (éditions PUF), 2012

Page 102: La transition énergétique près de chez vous

101 ASSOCIATION P’AIX 21

LES AUTEURS

Hadrien MICHEL est économiste de l’environnement, spécialisé dans le conseil aux

autorités publiques et collectivités territoriales pour la mise en place de stratégies de

transition énergétique. Cette expertise est renforcée par une longue expérience en matière de

coopération au développement, particulièrement en Méditerranée : Maroc, Tunisie, Egypte,

Liban, Jordanie. Il fut ainsi consultant auprès de la Banque mondiale pour la région

Méditerranéenne (2011-2015).

Gilles PIPIEN est ingénieur général des Ponts, des Eaux et Forêts, inspecteur général de

l’environnement et du développement durable auprès du ministère de l’Ecologie, du

Développement Durable et de l’Energie. Il fut récemment conseiller environnement et

développement durable en Méditerranée à la Banque Mondiale (2004-2012), et ancien

directeur de cabinet de la ministre de l’Ecologie et du Développement Durable (2002-2003).

Gilles Pipien est également le Président de l’association P’Aix 21, Provence Aix 21, réussir un

développement durable.

P’Aix 21, réussir un développement durable.

Association créée en 2008, par quelques citoyens, habitants de Provence, ayant conscience de l’urgence de faire évoluer nos comportements et d’accompagner l’évolution des politiques publiques, afin de préparer un avenir vivable à nos enfants, petits-enfants, avec une énergie rare, des ressources à préserver, un cadre de vie à ménager. Un avenir dans une économie prospère, respectant notre environnement, notre santé, assurant le partage et la culture.

Dans nos villes, dans nos régions, nous constatons les pollutions, les atteintes à la santé,

les difficultés de transport qui gênent le développement économique et donc les emplois, la

destruction des espaces naturels, le recul de l’agriculture et sa dépendance de pesticides qui

tuent nos rivières ... Nous nous positionnons comme des experts locaux du développement

durable.

Cette association a pour but d’assurer en Provence, la promotion de politiques de

développement durable. Dans ce but, elle prend toute initiative utile comme l’échange de

savoirs et compétences, la diffusion d’information, notamment via des publications ou via

internet, l’organisation de réunions d’information/sensibilisation, de séminaires d’échanges ou

de conférences/débats, etc.

Elle peut intervenir sur des missions de conseil et d’expertise.

Elle est totalement indépendante, en particulier de toute idéologie, religion, parti

politique, entreprise ou lobby économique, ou de toute personnalité.

Voir : http://www.paix21.org/