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Février 2016
LA TRANSITION ENERGETIQUE
PRES DE CHEZ VOUS
Hadrien Michel Avec l’appui de Gilles Pipien
ASSOCIATION P’AIX21
POURQUOI L’ENERGIE EST AVANT TOUT UN ENJEU SOCIAL
ELEMENTS POUR LA REFLEXION ET L’ACTION
1 ASSOCIATION P’AIX 21
2 ASSOCIATION P’AIX 21
SOMMAIRE
PREFACE ....................................................................................................... 4
INTRODUCTION : LES FONDATIONS DU RAPPORT ...................................................... 6
PREMIERE PARTIE : RESPONSABILISER LE CITOYEN ................................................. 12
CHAPITRE UN : QUI EST MONSIEUR MARTIN ? ................................................................................. 12
CHAPITRE DEUX : DEMAIN, LA PRECARITE ENERGETIQUE ? .................................................................. 16
CHAPITRE TROIS : M. MARTIN SOUHAITE MESURER SA CONSOMMATION .............................................. 19
Le diagnostic de performance énergétique .................................................................................. 21
L’audit énergétique ..................................................................................................................... 22
La mesure de la consommation ................................................................................................... 23
DEUXIEME PARTIE : LE CITOYEN DEVIENT ACTEUR .................................................. 28
CHAPITRE QUATRE : M. MARTIN FAIT ISOLER SON LOGEMENT ............................................................ 28
Groupements d’artisans .............................................................................................................. 30
Les collectivités territoriales organisent ...................................................................................... 31
Vers un nouveau métier : conseiller en isolation ......................................................................... 33
CHAPITRE CINQ : M. MARTIN PRODUIT SA CHALEUR .......................................................................... 35
Chauffe-eau solaire individuel ..................................................................................................... 35
Systèmes solaires combinés ........................................................................................................ 37
Pompe à chaleur .......................................................................................................................... 39
CHAPITRE SIX : M. MARTIN PRODUIT SON ELECTRICITE ...................................................................... 41
Le choix de l’énergie .................................................................................................................... 41
Autoproduction, Autoconsommation .......................................................................................... 48
Le stockage individuel ................................................................................................................. 52
CHAPITRE SEPT : M. MARTIN SE LANCE DANS UN PROJET COLLECTIF DE PRODUCTION ............................. 54
TROISIEME PARTIE : DU CITOYEN A LA NATION, LES EFFETS MACROECONOMIQUES ........ 58
CHAPITRE HUIT : LES ACTEURS DE L’ENERGIE EN FRANCE .................................................................... 58
Les distributeurs .......................................................................................................................... 58
Les producteurs ........................................................................................................................... 60
3 ASSOCIATION P’AIX 21
La Commission de régulation de l’énergie ................................................................................... 61
CHAPITRE NEUF : LES EFFETS PERVERS DE LA CENTRALISATION ............................................................. 63
La production .............................................................................................................................. 63
Les collectivités mises à l’écart .................................................................................................... 64
Le réseau ..................................................................................................................................... 64
Résoudre la pointe par le marché ? ............................................................................................. 67
Les marchés traditionnels : gré à gré et spot ............................................................................... 70
QUATRIEME PARTIE : UN NOUVEAU CONTRAT ENERGETIQUE EN FRANCE ? .................. 72
CHAPITRE DIX : LES PROPOSITIONS DU RAPPORT ............................................................................... 72
Les 5 étapes de la transition énergétique .................................................................................... 72
La solidarité, enjeu de nos préconisations ................................................................................... 77
CHAPITRE ONZE : LE ROLE CENTRAL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ................................................. 80
CHAPITRE DOUZE : LA REVOLUTION DU STOCKAGE ? .......................................................................... 84
Avant le stockage, le lissage ........................................................................................................ 84
Les réseaux intelligents : la clef de la décentralisation................................................................. 86
Le stockage à portée de main ? ................................................................................................... 86
La solution : la gestion intégrée du stockage ............................................................................... 88
CONCLUSION : LA CONFIANCE, POINT DE DEPART D’UN NOUVEAU CONTRAT ENERGETIQUE
NATIONAL .................................................................................................... 94
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................. 97
LES AUTEURS .............................................................................................. 101
4 ASSOCIATION P’AIX 21
PREFACE
Gilles Pipien, 20 janvier 2016
A Jean-Pierre et Emmanuel1
Que peut faire le citoyen pour accompagner l’indispensable transition énergétique ? Doit-
il attendre les accords internationaux des chefs d’Etats et de gouvernements, comme celui de
Paris lors de la COP 21 ? Doit-il s’en remettre à l’opérateur national, en position de monopole
de la distribution ? Doit-il espérer que les pouvoirs publics décideront des mesures nécessaires
pour limiter la pollution de l’air des moteurs diesel, ou maitriser les déchets du nucléaire ?
Dans une société fortement dépendante des sources d’énergies, dans un contexte de
raréfaction à moyen et long termes des ressources naturels énergétiques (charbon,
hydrocarbures, uranium, etc.) et d’un accroissement des pollutions et nuisances liées à leurs
usages, le citoyen peut et doit être acteur de la transition énergétique. Si les pouvoirs publics
et les entreprises ne l’accompagnent pas, nous verrons surgir, sans contrôle, de nouveaux
acteurs invoquant l’économie partagée pour promouvoir un système prenant mieux en
compte la demande d’autonomie énergétique des citoyens.
Dans les années 1980, le ministère des PTT s’opposait à l’arrivée en France des téléphones
cellulaires, que commençaient à utiliser les pays nordiques, s’appuyant sur une technologie
naissante d’une entreprise inconnue, Nokia. Aujourd’hui, le ministère des PTT a disparu, et,
pour équiper chaque citoyen, avec de multiples applications, de grands opérateurs de
téléphonique mobile utilisent des smartphones inventés et développés outre-Atlantique et
outre-Pacifique, et nos gouvernants furent heureux de voir Nokia sauver Alcatel en le
rachetant.
Combien de temps notre modèle centralisé et rigide résistera-t-il ?
Déjà, l’économiste Jeremy Rifkin nous prône, ou plutôt, nous annonce, la déferlante de
l’économie partagée, transversale, dans le domaine de l’énergie, les citoyens s’échangeant de
l’énergie qu’ils auront produite, via des internet de l’énergie.
Mais, l’économie partagée est-elle vraiment la mort du capitalisme centralisée, ou une
résurrection d’un capitalisme tout aussi manipulateur : derrière le sympathique Blablacar, ne
voit-on pas émerger Uber ?
1 Jean-Pierre Saez, élu local engagé pour l’environnement, et Emmanuel Mannoni, jeune chef d’entreprise, inventeur de l’arbre solaire, décédés en 2014 et 2015, ont été les inspirateurs de notre réflexion.
5 ASSOCIATION P’AIX 21
Y-a-t-il une voie médiane entre un centralisme déresponsabilisant et une anarchie
« internetisée » aux mains de quelques grands groupes ?
En étudiant plus spécifiquement l’électricité, nous pensons qu’il y a nécessité, en effet, de
garder l’acquis majeur d’une solidarité technique, financière et sociale, qu’apporte et garantit
actuellement le service public d’EDF, mais en la mettant au service de citoyens et de collectifs
responsabilisés, produisant et échangeant de l’énergie.
Je remercie vivement Hadrien Michel, jeune économiste, d’avoir tenté de rassembler les
éléments pour la réflexion et l’action, pour une transition énergétique citoyenne. Il a su mettre
en évidence les différents défis techniques (comptage individuel, autoproduction et
autoconsommation, stockage de l’énergie, réseaux locaux intelligents d’échange d’énergie),
institutionnels (en particulier de solidarité et d’accompagnement) et sociaux (avec au cœur la
lutte contre la précarité énergétique).
Je remercie aussi tout le petit groupe de l’association P’Aix 21 (Provence Aix 21, réussir un
développement durable, www.paix21.org ), dont les regards croisés et les critiques nous ont
sans cesse encouragés.
6 ASSOCIATION P’AIX 21
INTRODUCTION
LES FONDATIONS DU RAPPORT
Tout le monde le sait car tout le monde l’entend partout : l’énergie sera la clef du monde
de demain. Raréfaction inéluctable du pétrole bon marché2, augmentations des coûts, lutte
pour l’accès aux ressources, indépendance énergétique, effet de serre… Autant de termes
aujourd’hui aisément compris par un grand nombre de citoyens, et dont émerge la prise de
conscience de notre vulnérabilité. Face à cela, les messages sur une nécessaire réduction de
notre consommation se multiplient et font l’objet d’un consensus de principe.
L’accord de Paris signé dans le cadre de la COP 213 en décembre 2015 marque une étape
majeure dans la prise de conscience globale de la menace du changement climatique. Lors de
cette conférence, dramatiquement appelée « de la dernière chance », l’obtention historique
(et inespérée) d’un accord entre les 195 pays membres de l’ONU pour maintenir le
réchauffement climatique sous un seuil « acceptable » est un signal positif pour l’avenir.
La compréhension des effets indésirables de notre modèle de production se fait elle aussi
plus nette. La perception du réchauffement climatique est – malheureusement – accrue par
des signes tangibles que nous percevons dans notre quotidien : arrivées précoces de saisons
chaudes, canicules prolongées, épisodes extrêmes de plus en plus fréquents, etc. Il n’y a plus
guère de doute quant à l’origine anthropique de ces dérèglements, une évidence que même
les majors du pétrole ont fini par reconnaitre.
Plus récemment médiatisé, l’impact des hydrocarbures sur notre santé fait l’objet d’une
attention grandissante de la part des autorités publiques. Les alertes à la pollution de l’air se
multiplient dans les grandes métropoles saturées de trafic routier, tandis que l’OMS a qualifié
en 2012 les moteurs diesel de « cancérogènes certains », entérinant les normes automobiles
comme une question majeure de santé publique4.
2 Indépendamment des fluctuations du marché qui peuvent, par excédent conjoncturel de l’offre sur la demande, conduire à des baisses de prix de court terme. Il faut également noter que le marché du pétrole se « normalise », avec un différentiel entre coûts (en progression constante) et recettes (volatiles) toujours plus faible. 3 Conférence Des Parties, soit le nom donné aux réunions annuelles des Nations Unies dans le cadre de leur convention sur les changements climatiques (CNUCC). Les COP accueillent les négociateurs de l’ensemble des pays de l’ONU et, pour certaines d’entre elles, leurs dirigeants. Ce fut le cas à Paris. 4 Les révélations entre fin 2015 et début 2016 sur la sous-évaluation des émissions polluantes par certains constructeurs automobiles relatives à leurs véhicules diesel, et la médiatisation croissante des pics de pollution atteints dans de nombreuses capitales (Pékin, Paris notamment), sont venues confirmer l’ampleur du désastre autour du diésel.
7 ASSOCIATION P’AIX 21
Enfin, si la question de la gestion des déchets nucléaires a depuis longtemps porté à
controverse, celle-ci a pris une tournure dramatique avec l’accident de Fukushima. Suite à
l’inondation de la centrale par un tsunami d’une ampleur inouïe, c’est un territoire de la taille
du territoire de Belfort qui est à présent, et pour des siècles, interdit d’accès à l’être humain.
Une zone plus grande encore, équivalente au Val d’Oise, est durablement contaminée et
présente des risques sérieux pour ses habitants. Des milliards de tonnes d’eau de mer ont été
contaminées et les becquerels qu’elles contiennent affecteront probablement des générations
de poissons susceptibles de se retrouver dans nos assiettes. La question de la sureté de nos
déchets nucléaires, radioactifs pendant des dizaines de millénaires pour certains d’entre eux,
prend pour les citoyens une dimension territoriale angoissante lorsque ces mêmes déchets
sont enterrés sous nos pieds ou à quelques kilomètres seulement.
De quelle consommation parlons-nous au juste ? De toutes les
consommations d’énergie : pour déplacer (énergie mécanique), chauffer (énergie
thermique) et connecter-charger (énergie électrique). Aujourd’hui en France,
l’électricité représente seulement un quart de notre consommation finale
d’énergie. Mais de nombreuses innovations technologiques permettent à présent
de nous chauffer et de nous déplacer à l’aide de l’énergie électrique : il est donc
probable que l’usage de celle-ci augmente en se substituant progressivement aux
autres sources. C’est pourquoi elle est l’objet principal de notre présente étude.
Néanmoins, quand il s’agit de traduire cela tant en applications technologiques qu’à notre
quotidien, alors le plus grand flou règne à nouveau et les questions fusent. Les énergies
renouvelables sont-elles vraiment efficaces ? Si j’installe des panneaux solaires, comment
m’éclairer la nuit? Pourquoi vouloir passer aux ENR et remettre en cause en France une
énergie nucléaire dont nous sommes les champions, qui n’émet pas de CO2, et qui nous assure
une relative indépendance ? L’urgence, n’est-ce pas de réduire notre dépendance au pétrole,
ce qui concerne surtout les industriels et les constructeurs automobiles? Et puisque nos usages
électriques sont en pleine expansion, alors pourquoi diable vouloir fermer des centrales
nucléaires ?
Ces questionnements, légitimes, nous mènent pourtant à une impasse, car ils confondent
deux notions distinctes : usage et consommation. Certes, les usages électriques augmentent et
tendent à se substituer à d’autres sources d’énergie : le convecteur électrique remplace la
chaudière, la voiture électrique pourrait remplacer la voiture diesel…
Néanmoins, l’électricité n’est pas un bien comme un autre : on la stocke très difficilement,
il faut donc la consommer immédiatement. Elle est transportée depuis les centrales de
production via un réseau centralisé de lignes à haute tension (RTE) qui gère l’équilibre offre /
demande à tout moment. Cet équilibre est indispensable : un excès d’offre entraine un risque
de surcharge du réseau, un excès de demande un risque de pointe de soutirage, les deux cas
de figure aboutissant à une panne plus ou moins généralisée du réseau.
8 ASSOCIATION P’AIX 21
Actuellement, le stockage de l’électricité est possible de trois manières :
- les bassins de retenue d’eau (STEP – stations de transfert d’énergie par pompage), remontant l’eau et relâchant celle-ci à la demande en période de pointe. Ils représentent près de 95% des capacités totales de stockage en France.
- Les cumulus domestiques qui permettent de stocker l’énergie sous forme thermique et de la restituer dans la journée (capacité de stockage de 20TWh en France).
- Les systèmes de batterie, des téléphones portables aux véhicules électriques, dont la capacité totale de stockage est encore trop faible pour être utilisée sur le réseau.
Les usagers sont quant à eux reliés à un réseau secondaire appelé réseau de distribution,
bien plus étendu (1,3 million de km en France) et dont la gestion est confiée à un seul
opérateur sur 95% du territoire, ErDF. Eparpillées sur les 5% du territoire restants, quelques
communes confient encore la gestion de leur réseau à des opérateurs locaux (appelés
« entreprises locales de distribution », ELD). .
Plus les usages augmentent, plus la gestion de ce système centralisé devient complexe. De
nouveaux câbles sont tirés pour connecter des foyers, des parcs industriels, des centres
commerciaux construits en périphérie. L’étalement urbain fait que les pertes et gaspillages
augmentent, tandis que les frais d’entretien d’un réseau toujours plus sollicité suivent une
courbe exponentielle.
L’impasse où nous conduit le raisonnement macroéconomique, par le haut, provient de ce
que l’on essaye d’équilibrer l’offre et la demande d’électricité, à toute heure du jour, chaque
jour de l’année. Pour chaque nouvel usage, on anticipe une consommation en hausse à
laquelle on doit répondre par de nouvelles capacités de production. Or l’importance
grandissante de l’électricité dans notre quotidien (multiplication des objets connectés) rend la
recherche de cet équilibre toujours plus complexe, donc plus onéreux, sans compter les pertes
sur le réseau.
Par conséquent, nous pensons que la clef de compréhension du problème
énergétique suppose de changer de paradigme. Le système tel qu’il fonctionne actuellement
n’est pas pérenne, tant économiquement que techniquement. La gestion et la maintenance du
réseau deviennent la problématique centrale des autorités publiques, au détriment de la
finalité de ce réseau, c’est-à-dire de sa capacité à fournir de l’électricité à tous et à tout
moment. Nous sommes confrontés à un phénomène de précarité technique des réseaux.
Les tensions à la hausse des prix de l’électricité sont croissantes : au coût toujours plus
élevé de l’entretien des réseaux, répercuté sur les tarifs de l’électricité, répond l’intégration
progressive de composantes jusqu’ici ignorées ou minimisées du coût de production du kWh
9 ASSOCIATION P’AIX 21
nucléaire5. Ainsi, à la précarité technique s’ajoute la précarité sociale, celle qui touche les
ménages les plus modestes. Près de 15% des ménages sont déjà concernés, alors que les
Français bénéficient traditionnellement des tarifs électriques les plus abordables d’Europe. Il
s’agit là de l’écueil majeur sur lequel le modèle actuel risque de se fracasser.
Le nouveau paradigme que nous souhaitons exposer dans cet ouvrage part du principe
qu’il faut remettre l’usage du citoyen au cœur du débat. Il fait le pari que l’équilibre
indispensable peut être atteint de manière transversale, plus efficacement et à moindre coût.
Plutôt que par les capacités de production, il peut être régulé par la maitrise de la demande.
Nous faisons le pari que si le citoyen maitrise sa production, alors il modifiera naturellement sa
manière de consommer l’électricité. En d’autres termes, chacun peut optimiser sa
consommation en fonction de l’intermittence des énergies, qui n’a plus alors à être subie par
les gestionnaires de réseau.
D’ores et déjà, la parité investissement a été atteinte. Pour chaque euro
investi dans les énergies fossiles, un euro est investi dans les énergies
renouvelables. Ce qui nous permet d’affirmer que la transition énergétique est
engagée et que rien ne pourra inverser cette tendance. Les lois votées par les
Etats, dont la France récemment, prennent acte de cette évolution et tâchent de
l’encadrer du mieux qu’elles peuvent, c’est-à-dire en essayant à la fois de fixer des
objectifs plus ou moins ambitieux (jouer sur la vitesse de cette évolution), d’inciter
à la création de filières industrielles nationales (tirer de la valeur ajoutée de cette
évolution) et de proposer des incitations financières pour faciliter les débouchés
(identifier les bénéficiaires de cette évolution).
En résumé, la question n’est pas de savoir si la transition énergétique aura
lieu, mais à quelle vitesse et au bénéfice de qui : permettra-t-elle d’une part
d’éviter le mur climatique (un monde à plus de 2°C), et favorisera-t-elle d’autre
part une meilleure répartition de la rente énergétique que le modèle énergétique
précédent, basé sur le pétrole ?
Prenons le cas d’un individu lambda, Monsieur Martin, et posons-nous en son nom les
questions suivantes :
Comment réduire efficacement et durablement ma consommation d’énergie ?
Ai-je intérêt à produire de l’électricité par mes propres moyens, et si oui dois-je la consommer ou la revendre ?
Enfin, est-ce que mon action particulière aura un effet sur l’économie française, notre indépendance énergétique, la lutte contre le réchauffement climatique?
5 La cour des Comptes soulignait dès 2012 un risque de sous-approvisionnement des fonds dédiés au démantèlement des centrales en fin de vie, une sous-évaluation des coûts de gestion des déchets, et une hausse des investissements de maintenance, notamment en raison de normes de sécurité plus strictes.
10 ASSOCIATION P’AIX 21
L’objectif de ce travail est d’identifier des leviers de transition à l’échelle des citoyens, qui
en répondant plus efficacement à leurs besoins que les plans gouvernementaux centralisés,
permettront une accélération sans précédent de la transition énergétique.
A titre d’exemple, nous pouvons établir un parallèle avec la gestion des flux de
transport : l’énergie et le transport sont tous deux des besoins essentiels dans nos
économies modernes. Leur usage est donc en constante progression. Mais leur
consommation pose problème : congestion et pollution pour le transport, gestion
du réseau et pollution pour l’énergie.
Face aux problématiques de transport engendrées par des décennies du
« tout-voiture » (congestion, pollution, impacts sanitaires et alourdissement de la
facture pétrolière), la réponse des autorités fut une politique de l’offre reposant
sur les grands travaux : (i) métro et RER au niveau local ; (ii) trains à grande vitesse
et TER au niveau national. Or ces grands projets d’infrastructures n’ont
significativement modifié ni le rapport quotidien qu’entretient le citoyen avec sa
voiture ni le trafic, engendrant de nouveaux déplacements plutôt que du transfert
modal.
A contrario, de simples applications internet disponibles sur Smartphones ont
conduit à la généralisation du covoiturage sur des trajets interurbains. Sur les
trajets intra-urbains, l’optimisation des infrastructures existantes via de légers
aménagements de voies ont permis de dégager des espaces pour bus à haut
niveau de service, trams, trams-trains, trains urbains, et vélos, et ont permis des
gains de temps rendant ces alternatives de transport plus fiables. Dans les deux
cas, on assiste alors à un véritable impact en termes de baisse et de fluidification
du trafic routier.
Avec ce parallèle, on voit bien que la transition vers un nouveau modèle de
gestion d’un service essentiel – énergie ou transport – suppose non pas d’en
modérer l’usage mais de faire évoluer ses modes de production et de
consommation. On se rend aussi compte que les leviers actionnés doivent être
aisément mis en place et à moindre coût pour être massivement disséminés.
Le rapport s’articulera en quatre grandes parties. La première partie présentera à M.
Martin l’enjeu énergétique, de manière intelligible, afin de l’aider à comprendre comment il
pourrait agir. C’est la phase d’information, indispensable pour pouvoir responsabiliser le
citoyen. La deuxième partie suivra M. Martin dans sa quête d’optimisation de sa facture
énergétique, et l’aidera à s’y retrouver dans la multitude des solutions qui lui sont proposées.
Partant du postulat qu’il existe en France près de 65 millions de personnes susceptibles de se
poser les mêmes questions que M. Martin, la troisième partie tâchera de présenter
succinctement le système électrique national et de démontrer en quoi celui-ci est en l’état
actuel impropre à une transition énergétique réussie. Enfin la quatrième et dernière partie
présentera nos propositions pour s’engager résolument et efficacement dans la transition
énergétique. Nous tâcherons d’anticiper les effets de la transition, tant sur les enjeux
quantitatifs (consommation d’énergie, part des sources d’énergies alternatives) que qualitatifs
11 ASSOCIATION P’AIX 21
(lissage des pointes, équilibre des réseaux en continu). Cette partie se penchera tout
particulièrement sur une meilleure clef de répartition des responsabilités de régulation entre
les différents échelons territoriaux.
12 ASSOCIATION P’AIX 21
PREMIERE PARTIE
RESPONSABILISER LE CITOYEN
Chapitre I
Qui est Monsieur Martin ?
L’objectif de ce travail étant de mettre le processus de transition énergétique à portée de
main, nous avons décidé de mettre en situation un individu représentatif et de le confronter à
des situations simulées. La première étape consiste donc à « définir » M. Martin.
M. Martin vit en couple avec Mme Martin, nous pouvons donc évoquer le « foyer des
Martin ». Le nombre moyen d’occupants par résidence principale en 2011 étant de 2,26
personnes (source INSEE), le choix d’un foyer composé de deux personnes semble raisonnable.
Ce foyer est une maison individuelle en zone péri-urbaine dont M. et Mme Martin sont
propriétaires, à l’instar de 57% des français et de 57% des logements en France. SI les zones
péri-urbaines n’accueillent « que » 22% des français, celles-ci sont très majoritairement
constituées de maisons individuelles, à l’inverse des centres urbains.
M. et Mme Martin sont âgés de 50 ans chacun. Si l’âge moyen et l’âge médian des français
se situent aux alentours de 40 ans, nous avons privilégié un âge plus avancé, car d’une part
peu de français de moins de vingt ans sont propriétaires de leur domicile, ce qui
mécaniquement augmente l’âge moyen des propriétaires. D’autre part, à cinquante ans on
peut raisonnablement penser que les éventuels enfants ont déjà quitté le domicile familial.
L’INSEE confirme que l’âge moyen des propriétaires français est de 52 ans.
Le foyer des Martin est chauffé par convection électrique. Encore minoritaire dans le parc
immobilier français (36%), il a été le mode de chauffage le plus massivement utilisé dans les
constructions neuves jusqu’en 2008, où il a représenté 70% des installations sur le marché du
neuf. Depuis, il est supplanté par le développement des pompes à chaleur, qui feront l’objet
d’une attention spécifique de notre part.
Quant au revenu disponible du couple (c’est-à-dire l’ensemble de ses revenus et
prestations moins l’ensemble des impôts directs – revenus, taxe d’habitation et CSG/CRDS),
nous l’avons estimé à 3.000€/mois, soit l’équivalent du revenu disponible moyen. Le revenu
13 ASSOCIATION P’AIX 21
disponible médian est plus faible (aux alentours de 2500€) mais on peut là encore estimer que
le pouvoir d’achat d’un couple de propriétaires de cinquante ans est légèrement supérieur à la
médiane des français.
L’INSEE a publié en 2006 sa dernière enquête sur les dépenses énergétiques des ménages,
regroupant les postes logements (électricité et chauffage) et les postes transport individuel
(carburant).
Tableau 1 - Les disparités d’effort énergétique en 2006
Lecture : les ménages qui utilisent l’électricité pour chauffer leur logement consacrent 4,1% de leur
budget en énergie pour l’habitat et 3,7 % en énergie pour leurs moyens de transport individuel.
Champ : ménages métropolitains.
Type de ménage, par catégorie Part des dépenses énergétiques dans le budget familial, en %
Logement Transport Ensemble
1. Milieu d’habitation
Pôle urbain de Paris 3,3 2,4 5,7
Ville-centre 4,0 3,2 7,2
Banlieue 4,6 3,8 8,5
Périurbain 5,9 4,6 10,5
Espace à dominante rurale 6,9 4,4 11,3
2. Quintile de niveau de vie
Q1 (les 20 % des ménages les plus pauvres) 6,2 3,3 9,6
Q2 5,7 3,7 9,4
Q3 5,0 4,1 9,1
Q4 4,5 3,8 8,4
Q5 (les 20% des ménages les plus aisés) 3,9 3,1 7,0
3. Âge de la personne de référence
Moins de 30 ans 3,0 3,7 6,7
De 31 à 40 ans 3,9 3,7 7,7
De 41 à 50 ans 4,2 3,9 8,1
De 51 à 60 ans 4,7 4,1 8,8
De 61 à 70 ans 6,0 3,4 9,4
Plus de 70 ans 8,1 2,0 10,2
4. Type de chauffage
Électrique 4,1 3,7 7,8
Fuel collectif 2,9 3,0 5,9
Gaz collectif 2,6 3,0 5,5
Fuel individuel 8,5 4,2 12,8
Gaz individuel 4,7 3,3 8,0
Bois 5,2 4,9 10,1
Autres 2,8 2,8 5,6
5. Type d’habitat
collectif 2,9 2,8 5,7
14 ASSOCIATION P’AIX 21
individuel 6,0 4,1 10,2
6. Nombre d’actifs dans le ménage
0 6,9 2,6 9,5
1 4,4 3,7 8,1
2 4,0 4,0 7,9
3 et plus 4,3 4,8 9,1
Ensemble 4,8 3,6 8,4
Source : INSEE, budget de la famille 2006.
On voit se dégager plusieurs grandes tendances : les dépenses d’énergie liées au logement
croissent avec l’âge, passant de moins de 3% du budget à moins de 30 ans à plus de 8% à 80
ans. En valeur absolue, la moyenne est de 1500€ et est atteinte dès 50 ans, et s’y maintient
tandis que le revenus des personnes âgées s’effrite. On remarquera que la source de chaleur
choisie pour le logement a peu d’incidence sur le budget – hormis pour le fioul qui a
considérablement augmenté jusqu’au début 2015.
Ensuite, on voit que les dépenses énergétiques sont corrélées avec la distance de la ville-
centre. Plus celle-ci est grande, plus les dépenses augmentent. On comprend aisément la
hausse des dépenses de carburant par rapport au centre-ville. Mais la hausse touche aussi, et
presque dans les mêmes proportions, les dépenses sur le logement : en effet, la surface
moyenne des logements augmente elle aussi avec la distance du centre-ville ! A cela il faut
ajouter les plus grandes déperditions d’énergie (problématique d’isolation). Ce qui confirme
que l’énergie est une question clef dans les communes péri-urbaines et rurales, soit 37% des
ménages.
Enfin, les chiffres confirment une évidence : moins les ménages sont aisés, plus leurs
dépenses énergétiques grèvent leur budget. L’effort énergétique (par rapport à l’effort moyen)
s’est accru pour les 20% les plus pauvres depuis 20 ans, tandis qu’il s’est réduit pour les 20%
les plus riches, révélant que l’écart énergétique entre riches et pauvres s’accroit.
Enfin, pourquoi s’intéresser à Monsieur et Madame Martin, plutôt qu’aux grandes
industries par exemple ? Il faut savoir qu’en France, près de la moitié (45%) des émissions de
CO2 sont issues d’usage privé (source ADEME 2013), dont 14% dédiés au logement de millions
de M et Mme Martin, soit à peu près autant que les émissions issues de l’industrie! Si l’on
prend en compte que M. et Mme Martin se déplacent (24% des émissions) pour aller à leur
lieu de travail (7% des émissions), alors on comprend mieux qu’au cœur de la lutte contre le
réchauffement planétaire se situe… le citoyen.
15 ASSOCIATION P’AIX 21
Figure 1 : Répartition sectorielle des émissions de CO2 en France
Source: ADEME, 2013
14
7
24
13
15
18
3 1 5Résidentiel
Tertiaire
Transport de voyageurs
Transport de marchandises
Industrie
Production d'énergie
Agriculture
Déchets
Usages hors combustion
16 ASSOCIATION P’AIX 21
Chapitre II
Demain, la précarité énergétique ?
Les conversations qui touchent à l’énergie regroupent le plus souvent de petits groupes
d’experts ou des gens sensibilisés à l’urgence climatique. Pour les autres, ces conversations
sont ardues, techniques, et totalement déconnectées de leurs préoccupations quotidiennes.
C’est assez compréhensible : le monde développé s’est électrifié à une vitesse phénoménale.
En quelques décennies, la « Fée électricité » apparue dans toute son utilité au grand public et
magnifiée par le peintre Raoul Dufy en 1937, est devenue un bien de consommation courante.
Tout le monde y a accès, à peu près partout. Se fournir en électricité est aussi simple qu’ouvrir
un robinet d’eau. Les autres usages de l’énergie (se déplacer, se chauffer, cuisiner) sont aussi
évidents pour le grand public. La seule chose que l’on vous demande en contrepartie, c’est de
payer : passer en caisse pour l’essence, payer une mensualité pour le gaz et l’électricité. Cette
mensualité étant le plus souvent prélevée automatiquement sur votre compte, il est même
possible que vous n’y fassiez même pas attention.
Alors que l’usage et l’accès à l’énergie se sont généralisés, on pourrait penser que
l’abondance de ce bien fait baisser son prix. L’énergie et le coût de l’énergie seraient ne
seraient plus des enjeux mais des problèmes résolus. Il n’en est rien, évidemment, et ce pour
quatre raisons : le coût d’approvisionnement, l’entretien des réseaux, les exigences sociales et
environnementales, l’évolution des modes de vie.
En premier lieu, l’énergie est le plus souvent produite à partir de produits importés :
charbon, pétrole, gaz, uranium. De leur prix d’achat dépend le prix de vente final de l’énergie :
essence raffinée, gaz de ville, électricité… Les cours des matières premières ont tous une
caractéristique : ils sont hautement volatils. C’est pourquoi, afin de se prémunir contre cette
volatilité, de nombreux pays investissent dans des sources locales d’énergie, même si celles-ci
sont plus chères que sur les marchés internationaux. En France, c’est bien le premier choc
pétrolier qui a conduit au tournant nucléaire. Car même si l’uranium est importé, il représente
une part bien plus infime des coûts de production de l’électricité que les hydrocarbures. La
variabilité de son coût est donc moins problématique. De manière générale, les coûts
d’approvisionnement n’orientent pas nécessairement le prix de l’énergie à la hausse sur le
long terme mais peuvent engendrer des surcouts de court terme très significatifs.
Le coût d’entretien des réseaux est lui directement lié à la demande énergétique : plus
celle-ci augmente, plus les coûts d’entretien sont élevés. Tous les réseaux de transport sont
concernés : des lignes haute tension aux réseaux de gaz de ville en passant par le transport
d’hydrocarbures par camion-citerne ou par train. Mais au-delà de la gestion quantitative, c’est
bien la gestion de l’équilibre du réseau qui devient problématique avec l’électricité.
17 ASSOCIATION P’AIX 21
Les exigences qualitatives concernant l’énergie sont d’ordre social et environnemental.
L’accès à l’énergie doit être le même pour tous et au même prix : c’est la péréquation tarifaire.
Celle-ci doit être financée notamment pour pouvoir approvisionner en énergie des territoires
éloignés ou difficiles d’accès. Ce point fait relativement consensus en France. Pour les
exigences environnementales par contre, les avis divergent. Car il s’agit d’un double
mouvement visant d’une part à pénaliser les énergies polluantes (taxe sur les produits
pétroliers, devenue TICPE) et d’autre part à aider les énergies renouvelables (tarifs de rachat
bonifiés, aides à l’installation). Il est logique que certains s’estiment lésés et doutent de la
légitimité d’une telle action. En outre, les exigences environnementales apparaissent dès les
phases de conception des projets, tendant à alourdir le coût global des installations, pour être
en conformité avec la règlementation. Celle-ci peut à la fois concerner la protection des
milieux naturels concomitants, la limitation de rejets nocifs…
Enfin, l’évolution des modes de vie a une influence majeure sur les coûts de l’énergie.
Comme indiqué précédemment, l’étalement urbain sans précédent que nous vivons
actuellement a eu comme corollaire l’augmentation des dépenses d’énergie. On dépense
évidemment plus pour se déplacer, puisque l’on vit plus loin du centre-ville, de son travail, de
ses amis… Les véhicules permettant de se déplacer plus loin, on dépense plus en transport
pour ses vacances qu’auparavant. Puisque l’on vit plus en maisons individuelles, on dépense
plus pour le chauffage. Et enfin, on ne le sait pas nécessairement, mais puisque le
raccordement est une obligation légale pour les collectivités, construire notre maison en rase
campagne a coûté cher à notre collectivité, ainsi qu’aux opérateurs de transport de l’énergie
(gaz et électricité). Ce surcoût sera répercuté, sur vos impôts locaux par la collectivité, sur
votre facture de gaz et d’électricité par votre gestionnaire de transport.
Ainsi, les dépenses énergétiques tendent à augmenter malgré la généralisation des
usages, et il n’y a pas de raison pour que ce phénomène s’estompe, en l’état actuel des choses.
Ainsi on entend parler avec une insistance croissante de la précarité énergétique. Celle-ci
pourrait se définir comme la part de dépenses en énergie à partir de laquelle un foyer est
obligé de limiter ses usages : rationner l’usage de sa voiture, couper le chauffage partiellement
durant l’hiver, etc. Bref, la précarité énergétique mesure le moment où l’énergie ne devient
plus un bien de base mais un bien de luxe.
L’INSEE a déterminé un indicateur regroupant toutes les dépenses énergétiques et les
rapportant au revenu disponible du foyer. Cet indicateur a été baptisé « taux d’effort
énergétique » (TEE), et s’il dépasse 10% (c’est-à-dire que plus de 10% du revenu disponible est
dédiée aux dépenses énergétiques), alors le foyer est considéré comme étant en situation de
précarité énergétique. En France, on estime à 1 ménage sur 6 dans cette situation (14,4%)
18 ASSOCIATION P’AIX 21
Figure 2 : La précarité énergétique
Le TEE moyen est resté relativement stable sur les dernières décennies. Plusieurs facteurs
contradictoires se sont finalement neutralisés, entre par exemple le second choc pétrolier (à la
hausse) et l’amélioration des performances énergétiques des véhicules (à la baisse). Mais le
nombre de foyers en précarité énergétique a augmenté, traduisant la hausse des inégalités
dans notre société. Toutes choses égales par ailleurs, la proportion de précaires devrait encore
augmenter, dans un contexte marqué par ailleurs par la stagnation des revenus réels.
Un autre facteur devrait accélérer ce phénomène : le vieillissement de la population.
D’abord parce que l’INSEE a montré que les dépenses énergétiques tendent à augmenter avec
l’âge, surtout celles, essentielles, liées au chauffage. Mais aussi pour une raison économique
assez simple : les personnes actives ont la possibilité d’augmenter leurs revenus par la hausse
de leurs salaires, qui compense la hausse des tarifs de l ‘énergie. Leur TEE peut donc baisser
ou rester dans des limites raisonnables. Les personnes âgées sont à partir d’un certain âge des
retraités, et le montant de leur pension de retraite n’évolue plus. Si leurs revenus stagnent et
que leurs dépenses énergétiques augmentent, leur TEE augmentera mécaniquement, et de
nombreuses personnes âgées risquent ainsi de basculer dans la précarité énergétique.
Puisque la population française vieillit inexorablement, que le poids des plus de 60 ans
devrait passer de 20,4% de la population française en 2000 à 32% en 2050 (projections INSEE),
la précarité énergétique est un enjeu majeur de société.
19 ASSOCIATION P’AIX 21
Chapitre III
M. Martin souhaite mesurer sa consommation
Les usages électriques quotidiens se répartissent ainsi :
Figure 3 : les usages de l’électricité
Source : ADEME
Certains usages quotidiens peuvent être corrigés afin d’être moins énergivores, à l’aide de
ce que les communicants appellent les « éco-gestes ». Or on voit bien que les éco-gestes, qui
consistent surtout à éteindre les lumières et les appareils informatiques ou audiovisuels au lieu
de les laisser en veille, couvrent moins de 50% de nos consommations quotidiennes, et ne les
réduisent qu’à la marge, car nous continuons évidemment à solliciter ces appareils. Intéressant
donc, mais pas suffisant…
D’autant plus que si M. et Mme Martin sont au tout-électrique, comme nous l’avons
postulé dans le chapitre 1, alors il est probable que l’ensemble des usages précités ne
représente que… 25% de leur consommation électrique ! Leur cumulus électrique (20%) et
surtout leur chauffage (55%) ont pour effet de multiplier leur consommation par 4, faisant
ainsi s’envoler leur facture. (données : ADEME 2013).
20%
23%
15%
15%
13%
14%
Répartition des usages quotidiens de l'électricité
Audiovisuel
Froid
Lavage
Informatique
Eclairage
Autres
20 ASSOCIATION P’AIX 21
On le sait, le chauffage électrique, séduisant par sa simplicité, est en fait une aberration6.
Son efficacité énergétique théorique a beau être de 100% (toute l’électricité est convertie en
chaleur), ce ratio cache mal ses carences de rendement, liées à une part prépondérante de la
convection au détriment de la radiation.
Les bien mal dénommés radiateurs électriques chauffent les masses d’air à proximité, qui
vont donc monter vers le plafond d’une salle. Le chauffage électrique ne suffit alors pas à
maintenir une sensation de confort satisfaisante, notamment au niveau des pieds des
habitants. Pour maintenir une température de 20° au sol, on a donc tendance à forcer sur le
convecteur, et l’augmentation de consommation peut atteindre facilement 35% (voir
www.radiateur-electrique.org). Les pertes de chaleur dans ce cas sont appelées déperditions
spatiales.
De plus, contrairement à d’autres sources de chaleur, le chauffage électrique a tendance à
assécher l’air ambiant. L’humidité ambiante augmente la sensation de chaud, la réciproque est
vraie, il faut donc « surchauffer » pour obtenir une sensation de confort : typiquement, alors
que M. et Mme Martin se sentent à l’aise à une température réglée à 20° chez leur fille qui se
chauffe au gaz de ville, ils règlent leur propre thermostat sur 22°. Or il est calculé que pour
chaque degré supplémentaire obtenu, un foyer voit sa consommation augmenter de 7%. M. et
Mme Martin consomment donc 14% en trop par rapport à leurs véritables besoins.
Sans entrer dans une description détaillée des différents radiateurs électriques disponibles
sur le marché, on peut affirmer que ce mode de chauffage pêche par une trop forte production
de chaleur, à l’instar de celles créées par les résistances. La forte chaleur générée crée des
points de chaleur, accélère la dispersion des masses chauffées, accentue les contrastes avec
d’éventuelles parois froides. Ces conséquences réduisent la sensation de confort de l’usager,
au moins aussi importante que la température ambiante moyenne, le poussent à surchauffer
et font s’envoler les factures.
Bien sûr les chiffres donnés plus haut ne sont que des moyennes, et ils varient
grandement d’un logement à l’autre, selon la nature des équipements, la fréquence de leurs
usages, la taille du logement, des pièces à vivre, la qualité d’isolation du bâti… La première
étape pour M. et Mme Martin est donc de comprendre comment ils consomment, de façon
précise. A ce jour, deux outils sont disponibles pour les aider à y voir plus clair : le diagnostic de
performance énergétique et l’audit énergétique. Nous les présenterons en détail, en
discuterons les bienfaits, les limites… Mais surtout nous allons proposer à M. et Mme Martin
un troisième outil.
6 Le recours systématique au chauffage électrique dans le bâtiment est le fruit d’une politique visant à absorber l’excédent de production électrique nucléaire. Ce qui était pertinent à l’époque (la recherche de l’indépendance énergétique française) ne l’est plus guère à l’heure ou l’accent est mis sur les renouvelables, l’efficacité et la sobriété (les trois piliers de la politique énergétique européenne).
21 ASSOCIATION P’AIX 21
Le diagnostic de performance énergétique
Qui n’a déjà vu cette échelle de consommation d’énergie étiquetée sur les appareils
électriques ou électro-ménagers ? Elle comporte classes allant de A à G, en ordre décroissant
de performance (ordre croissant de consommation).
Le même principe est appliqué dans le bâtiment, où la performance s’exprime en
kWh/m2/an. L’objectif est de faire converger l’ensemble du parc immobilier français – environ
30 millions de logements tout de même – vers la catégorie A (de 0 à moins de 50kWh/m2 /an),
garante de l’obtention du fameux Facteur 4.
Le Facteur 4 : Le Grenelle a fixé comme l’objectif ambitieux de réduire de 80%
les émissions de CO2 de la France d’ici 2050 (par rapport à 1990). La déclinaison
de cet objectif au secteur résidentiel et tertiaire implique de diviser par 4 la
consommation intérieure des bâtiments, pour atteindre une moyenne de
50kWh/m2/an. Ce chiffre prend en compte le contenu moyen en carbone de
chaque kWh, lui-même fonction des sources d’énergie utilisées. Plus le mix français
se verdit, moins il émet de CO2, plus l’objectif de facteur 4 peut être traité avec
souplesse dans ce secteur.
Le DPE (diagnostic de performance énergétique), qui est devenu obligatoire pour toute
vente ou location de logements (Arrêté du 8 février 2012, entré en vigueur au 1er janvier 2013),
est réalisé par un expert pour une durée de validité de 10 ans. Il consiste en une modélisation
des consommations intrinsèques du logement, sur la base d’observation et d’hypothèses. On
prend ainsi en compte les données climatiques (températures, ensoleillement, vent), on
observe l’état de l’isolation, on intègre le type de chauffage, etc…
Ce diagnostic n’est donc qu’une estimation, au jugé, bien que reposant sur des hypothèses
crédibles. Il ne vous dit pas combien vous consommez réellement, ce n’est d’ailleurs pas son
objectif. Surtout, il ne prend pas en compte vos appareils, d’où notre choix du terme
« intrinsèque » : on estime a consommation de vos murs, pas ce qui s’y trouve à l’intérieur.
Le DPE vous propose des recommandations, des pistes d’amélioration d’ordre général.
Mais son utilité ne doit pas être surestimée, car les hypothèses ne cadrent pas forcément avec
les habitudes de chacun. Par exemple, l’hypothèse est que la température du foyer est en
moyenne à 19° le jour et à 16° la nuit, mais ces chiffres peuvent augmenter avec la frilosité des
habitants, qui peut augmenter avec leur âge.
A moins que M. et Mme Martin souhaitent vendre leur maison, on ne voit donc pas à quoi
pourrait leur servir le DPE dans leur cas précis. D’autant que le coût, bien que faible, n’est pas
non plus anecdotique : de 95 à 130€, selon Viadiagnostic, le réseau des professionnels du
diagnostic immobilier (www.viadiagnostic.fr).
22 ASSOCIATION P’AIX 21
Car il faut bien comprendre qu’un tel diagnostic, réalisé entre 30 et 60 minutes, ne fera
que vous confirmer ce que vous pouvez deviner : votre chauffage électrique est un gouffre et
avec lui vous ne pourrez au mieux (difficilement) obtenir qu’une classe C, l’orientation sud de
votre logement vous évite de chauffer en journée ensoleillée, il vous faudrait mieux isoler
votre toiture et changer vos fenêtres un jour… Il faut donc un outil plus ambitieux.
L’audit énergétique
Il s’agit ici pour M. et Mme Martin de faire appel à un professionnel, souvent un bureau
d’étude, pour évaluer précisément les points faibles de leur logement et évaluer
financièrement les solutions pour y remédier. L’appartenance du professionnel à un réseau
peut apporter des garanties supplémentaires. Il existe par exemple l’ATEE (Association
Technique Energie Environnement) pour les entreprises et collectivités, qui regroupe 2000
professionnels issus de différents corps de métier.
Quoi qu’il en soit, pour trouver un professionnel de confiance, il suffit aux Martin de se
diriger vers l’agence locale de l’énergie (ALE) la plus proche de chez eux… s’il y en a une. Bien
que de plus en plus nombreuses, elles sont surtout concentrées dans les grandes
agglomérations. Reste le téléphone (FLAME : fédération des agences locales de la maitrise de
l’énergie).
ALE : Impulsées par l’Union Européenne dès 1994, ces agences sont créées par
les collectivités qui en font la demande, et bénéficient d’un financement
complémentaire de l’ADEME puisqu’elles portent le dispositif « espaces info-
énergie ». Elles ont pour fonctions de (i) sensibiliser et conseiller les acteurs et
citoyens aux enjeux énergétiques ; (ii) participer aux stratégies de transition
énergétique des collectivités territoriales ; (iii) conseiller et former les
professionnels sur les solutions d’optimisation énergétique ; (iv) diffuser et enrichir
l’expertise des territoires au niveau européen et national. A ce jour, 33 ALE ont vu
le jour et sont regroupées au sein de la FLAME.
ADEME : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. L’AEME est
l’opérateur de l’Etat pour « accompagner la transition énergétique et
écologique ». Créée en …, elle regroupe des chercheurs qui réalisent notamment
des études analytiques et prospectives, des modélisations économiques, des outils
d’évaluation et de mesure. Elle conseille les collectivités et l’Etat et offre des
financements à tous les acteurs socio-économiques. Elle dispose d’antennes en
Régions.
23 ASSOCIATION P’AIX 21
M. et Mme Martin pourront ainsi obtenir un devis et une rentabilité attendue s’ils
souhaitent installer une pompe à chaleur ou des panneaux solaires. Mais ils ne sont pas plus
avancés sur les caractéristiques de leur consommation ! On leur vend – cher (entre 700 et
1500€) – un diagnostic précis, on les oriente sur des solutions rationnelles, mais on ne leur
permet toujours pas précisément de connaitre leur profil de consommation.
Néanmoins, des subventions existent, notamment de la part de l’ADEME, et l’audit peut se
justifier si M. et Mme Martin sont déjà décidés à investir : l’éventail des choix se présentant
aux Martin fait l’objet de la deuxième partie de cet ouvrage.
La mesure de la consommation
M. et Mme Martin, comme tous les français, disposent d’un compteur électrique. Mais,
pour pouvoir être relevé à tout moment par un agent du réseau de distribution (ErDF), celui-ci
est situé à l’extérieur de la propriété des Martin. Néanmoins, il est facile pour les Martin d’y
accéder, et de vérifier lorsqu’ils en ont besoin où en est leur consommation. Simplement, ils ne
le font pas. En effet, quel intérêt de relever le nombre de kWh consommés à intervalles plus
ou moins réguliers, alors que pour traduire cela en euros facturés, il faudrait intégrer les
nombreuses taxes et ajouter la part fixe de l’abonnement ? Il est plus simple de laisser le
fournisseur nous prélever sur la base d’estimations qui seront vérifiées et corrigées
périodiquement (6 mois ou un an) et donneront lieu soit à des remboursements soit à des
prélèvements complémentaires.
Arrêtons-nous un instant sur ce sujet, bien moins anodin qu’il n’y parait. Si l’opérateur
relève, c’est bien qu’il ne sait pas combien M. Martin a réellement consommé depuis son
dernier relevé – disons janvier dernier. Pour parer à toute éventualité, il lui a donc fourni de
l’électricité en se basant sur une estimation haute, soit très probablement plus que M. martin
n’en a eu besoin. Bien sûr, l’installation de M. Martin étant reliée au réseau, le surplus y est
reparti et a probablement été consommé ailleurs. Mais ce phénomène appelle plusieurs
constatations.
D’abord, le réseau est en mesure de fonctionner en deux sens, à l’instar d’une autoroute
ou du réseau internet : il peut nous fournir mais aussi acheminer le produit de notre
production si nécessaire. Ensuite, le fournisseur ne sait pas exactement notre consommation à
l’instant t, et ne peut donc effectuer un équilibrage parfait offre / demande à l’échelle
individuelle. Il tend donc à « surdimensionner » l’offre pour éviter toute panne de courant, et
compte sur l’agrégation de comportements individuels plus aisément prévisibles (appelée loi
des grands nombres en statistiques) pour équilibrer le réseau. Enfin l’accès à l’information de
consommation est libre et non confidentiel, puisqu’il suffit à M. Martin, un agent ErDF ou un
voisin curieux d’ouvrir le boitier de M. Martin pour lire le relevé. Cette information est
toutefois bien imparfaite, puisqu’elle mesure uniquement un stock, et ne dit rien sur les flux
24 ASSOCIATION P’AIX 21
(la vitesse de consommation) qui illustreraient l’évolution en réel de la consommation de M.
Martin.
On voit bien à la lumière de ces remarques que le réseau n’a pas véritablement à
s’adapter à la multitude des usages, des sources intermittentes d’énergie, ou à l’imprévu des
consommations : il le fait déjà. En fait, c’est très exactement la mission assignée aux
gestionnaires de réseau !
Néanmoins, le développement des nouvelles technologies de l’information et de la
communication permet d’opérer un saut qualitatif majeur : on peut à présent obtenir en direct
les données de consommation, et équilibrer / optimiser le réseau à haute fréquence, à l’instar
des marchés financiers… Comme sur ce marché, une parfaite disponibilité de l’information
permettrait à chaque acteur, petit ou grand, d’obtenir en temps réel un équilibre en achetant
ses besoins ou en vendant son surplus. Sur un marché comme sur l’autre, la disponibilité de
l’information est toute théorique. Dans les faits, il existe trois stratégies bien différentes
d’acquisition des données. Notons d’ores et déjà qu’aucune ne comporte de difficulté
technique propre : au contraire, il s’agit toujours d’installer les mêmes systèmes d’information.
Ce qui les différencie est le destinataire de l’information.
Stratégie 1 : Linky
La première stratégie est de confier l’installation d’un compteur intelligent à ErDF. Ce
compteur a un nom, il s’appelle Linky, et le gouvernement Ayrault (mai 2012 – mars 2014) a
approuvé sa substitution à l’ensemble des compteurs actuels (35 millions d’appareils) d’ici
2021 : une première tranche de 10 millions de Linky sont en cours de pose. Il est donc fort
probable que M. et Mme Martin n’aient pas à solliciter l’installation de Linky, puisqu’ ErDF se
charge de tout. Il est même possible que M. et Mme Martin en soient très prochainement
équipés. Pratique ? Pas vraiment. Détaillons.
D’abord le coût : il doit être « indolore » pour les consommateurs selon l’ancien premier
Ministre, il ne sera donc pas facturé au client. Sauf que le coût est extrêmement élevé (entre 6
et 10Mds € selon les estimations). Et ErDF étant une entreprise publique, ses ressources seront
financées par l’Etat, et in fine par nos impôts. Nous reviendrons plus en détail sur les relations
complexes entre gestionnaires de réseaux, opérateur historique et Etat dans le chapitre 7 (3°
partie).
Quant aux précieuses données de consommation de M. et Mme Martin, elles sont
directement collectées par le gestionnaire de réseau et transmises à votre opérateur.
Précieuses, elles le sont, puisque croisée avec les données de vos voisins, de votre commune
ou de votre intercommunalité, elles permettent d’optimiser l’équilibre du réseau par :
25 ASSOCIATION P’AIX 21
La minimisation de l’approvisionnement nécessaire auprès des producteurs (plus besoin de
solliciter d’importants surplus de kWh pour faire face aux inconnues)
La minimisation des pertes sur réseaux (le gestionnaire sollicitera prioritairement le kWh
produit par le producteur le plus proche de chez vous).
Le fournisseur gagne sur tous les tableaux en réduisant sensiblement ses coûts. Pour M.
Martin, c’est moins évident, il faudrait que son fournisseur répercute au moins partiellement la
baisse des coûts sur sa facture (nous reviendrons plus précisément sur les enjeux liés aux
compteurs et réseaux intelligents en troisième partie).
Mais surtout, et c’est là le plus ennuyeux, M. Martin n’a toujours pas un accès détaillé à
ses données ! Il a certes accès – obligatoire selon la loi – à ses données de consommation, mais
celles-ci lui sont fournies brutes, c’est-à-dire en kWh consommés sur un laps de temps. Or ce
qu’il faut à M. et Mme Martin, c’est la traduction en euros, et en temps réel de leur
consommation7. C’est ce qu’on appelle l’affichage déporté.
Dans ce cas de figure, il s’est contenté de confier à son fournisseur l’optimisation de sa
propre consommation par rapport aux besoins du réseau. Il n’a aucune idée de comment
consommer et quand, aucune piste sur des sources économies potentielles. On se charge de
tout à sa place, en échange d’une baisse hypothétique de sa consommation ou de conditions
tarifaires préférentielles (aux heures creuses par exemple). Ces conditions tarifaires
préférentielles n’auraient de surcroit pas de garantie de pérennité. En effet, les tarifs sont faits
pour être révisés : ils sont corrélés aux pointes de production, la production dépend de la
matrice énergétique française, qui elle-même évolue.
La transmission des données est un enjeu majeur, qui soulève des questions
juridiques de propriété. Pour parer à cet écueil, les compteurs Linky sont bien
équipés d’un port USB, ce qui permettrait au consommateur de récupérer ses
données avec une clef USB. Malheureusement, le port choisi pour équiper Linky est
incompatible avec les clefs disponibles dans le commerce ! On peut le regretter, et
se demander si ErDF cherche à faire payer au consommateur ses propres données
de consommation. Il faut en outre souligner qu’avec les technologies actuelles de
communication, le port USB n’est en aucun cas le moyen de transmission le plus
rapide ni le plus direct. On ne compte plus les applications pour smartphone qui
vous informent en temps réel, de la position de votre compte courant au rythme
des battements de votre cœur…
7 La loi sur la transition énergétique prévoit bien de rendre obligatoire l’affichage déporté, mais uniquement pour les ménages en situation de précarité énergétique.
26 ASSOCIATION P’AIX 21
Stratégie 2 : les prestataires de l’effacement
Il existe en France un marché de l’effacement, qui propose aux grands consommateurs de
suspendre volontairement leur consommation durant les heures de pointe moyennant une
compensation financière : nous y reviendrons en 3ème partie.
Certaines entreprises proposent depuis peu un service similaire aux particuliers : elles
installent chez vous un boitier couplé à un logiciel qui leur transmet vos données, mais pas
seulement. Certains systèmes contiennent des détecteurs de présence, permettant de savoir
lorsque vous n’êtes pas chez vous et de couper temporairement l’alimentation afin de cumuler
des kWh effacés auprès des particuliers.
Il est probable que M. Martin doive payer pour l’installation de cet équipement ou
s’acquitter d’un abonnement mensuel pour une somme modique. En échange, le prestataire
vous garantit une réduction de votre consommation (de l’ordre de 10à 20%), et de partager
avec vous les gains qu’il engendre sur le marché de l’effacement en revendant à de gros
consommateurs les certificats de kWh effacés (voir partie 3).
Approche séduisante, plus orientée vers la recherche de gains financiers, elle n’en
demeure pas moins soumise aux mêmes limites que la première stratégie décrite : à savoir
l’expropriation de fait des données de consommation de M. Martin.
Stratégie 3 : Mesurer soi-même
Boitiers et logiciels étant disponibles, pourquoi ne pas les monter soi-même ? L’intérêt
peut ne pas sauter aux yeux de prime abord, il est pourtant crucial : nous allons voir pourquoi.
Les boitiers coûtent entre 50€ pour les plus élémentaires (simple affichage en direct des
données de consommation) à une centaine d’€ environ pour les plus sophistiqués (connectés à
votre box internet, ils traitent vos données et les utilisent pour générer graphiques, tableaux,
courbes, etc. via un logiciel dédié). Surtout, certains de ces boitiers sont capables d’intégrer
des paramètres économiques, tels que le coût de l’électricité. Ils sont donc en mesure de
convertir vos données de consommation en données monétaires, pour que vous sachiez à tout
instant combien vous avez dépensé.
Ils se fixent à n’importe quel fil électrique de votre maison ou se connectent à votre box
par clef USB : simple et pratique. On peut d’ailleurs s’étonner qu’au regard d’une telle
simplicité ces boitiers ne soient disponibles que sur internet : leur vente n’est pas encore
disponible en France.
27 ASSOCIATION P’AIX 21
Les boitiers sont composés de trois éléments :
Un capteur qui se « pince » autour du câble d’alimentation générale ;
Un émetteur sans fil relié à la pince ;
Un récepteur avec écran d’affichage en kWh et en €.
On peut compléter l’installation par un wattmètre, qui en se branchant sur chaque
appareil électrique, déterminera sa consommation individuelle sur une durée déterminée.
Une fois son boitier installé, M. Martin voit s’afficher sa consommation en temps réel. Au
bout de quelques jours, une courbe de consommation lui décrira son profil-type : les moments
où il consomme le plus, le mois, et dans quelle magnitude. En éteignant puis en rallumant ses
appareils successivement, il comprendra quels sont les plus gourmands en énergie, et pourra
décider de remplacer ces appareils. Il pourra également programmer les appareils qui le
permettent (lave-linge, lave-vaisselle par exemple) à des heures creuses. Au bout de quelques
mois, M. Martin connaitra son profil en fonction des saisons, et pourra là encore identifier les
sources de gaspillage, d’économies potentielles, et agir en conséquence. Les possibilités
d’élaborer une stratégie de consommation – voire de production (voir partie 2) se clarifient.
Pour la première fois, M. Martin s’approprie la question de l’énergie, jusque-là réservée
aux ingénieurs spécialistes, et à présent aussi simple à comprendre qu’une application de
téléphone portable.
Figure 4 : Exemple d’une courbe de consommation disponible en application
Capture d’écran de l’application RTE sur la
consommation nationale quotidienne :
Pourquoi ne pas l’envisager à l’échelle d’un
foyer ?
28 ASSOCIATION P’AIX 21
DEUXIEME PARTIE
LE CITOYEN DEVIENT ACTEUR
CHAPITRE IV
M. MARTIN FAIT ISOLER SON LOGEMENT
Ainsi que nous l’avons mentionné au chapitre 1, le logement émet 14% des émissions de
CO2 françaises et 27% de la consommation énergétique nationale. A ce titre, il est un secteur
fondamental pour la transition énergétique initiée actuellement.
L’habitat de M. Martin, le logement individuel, est significatif pour les problèmes de
chauffage qu’il engendre. La dépense unitaire d’énergie par mètre carré est plus importante
dans les logements individuels que collectifs. C’est assez logique : les logements individuels ont
pour une surface équivalente plus de sources potentielles de déperdition de chaleur (toits,
murs). En conséquence, M. Martin paye une facture mensuelle élevée : au vu des moyennes
nationales évoquées au chapitre 1, un montant compris entre 100€ et 150€ par mois est une
estimation envisageable.
Donc, le couple Martin consacre entre 3 et 5% de son revenu mensuel de 3000€ à des
dépenses énergétiques au sein de son logement. C’est un montant significatif pour un couple
appartenant aux classes moyennes : pour des foyers aux revenus inférieurs, et ils sont
nombreux, la facture risque de grever plus sérieusement le pouvoir d’achat. Lorsque celle-ci
atteint une part fixée arbitrairement à 10%, il n’est pas exagéré de définir le foyer considéré
comme étant en situation de précarité énergétique. Or de nombreux foyers se situent près de
ce seuil, et la hausse répétée des tarifs du gaz et de l’électricité les rapproche dangereusement
de ce seuil fatidique, déjà franchi par 3,8 millions de foyers en France (source : ONPE –
Observatoire National de la Précarité Energétique).
Ce qui nous amène au constat suivant : en l’état actuel, la précarité énergétique risque de
devenir un enjeu social majeur à moyen terme, et la nécessité pour l’Etat d’y répondre risque
d’alourdir encore un peu plus un déficit budgétaire bien difficile à résorber.
Jusqu’à présent, le soutien à la précarité énergétique est financé par la CSPE (Contribution
sociale pour la Production d’Energie), appliquée à toute facture d’électricité, dont celle de M.
Martin. Celui-ci paye donc un supplément pour faire jouer la solidarité nationale à l’égard des
29 ASSOCIATION P’AIX 21
plus pauvres. Notons que cette CSPE finance aussi la péréquation (qui garantit un tarif égal de
l’électricité pour tous les résidents, quel que soit leur lieu d’habitation) et le soutien aux
énergies renouvelables par les tarifs de rachat.
Au fur et à mesure que le nombre de précaires énergétiques augmentera, l’Etat sera
confronté à deux choix aussi mauvais l’un que l’autre. Le premier consiste à maintenir
constante la pression fiscale pour éviter une hausse des tarifs qui ferait basculer un nombre
supplémentaire de foyers dans la précarité énergétique. Il faudrait alors rogner sur le soutien
aux énergies renouvelables ou remettre en cause la péréquation. Le second serait motivé par
le refus de sacrifier les objectifs de transition énergétique et le principe de péréquation dans
un pays de tradition égalitaire : il se résoudrait donc à augmenter la CSPE, augmentant ainsi la
précarité énergétique et générant par conséquent un cercle vicieux entre taxation, pouvoir
d’achat et précarité.
C’est pourquoi l’isolation des logements est un élément crucial de la transition
énergétique : chaque opération à l’échelle d’un foyer réduit sa consommation énergétique et
le risque qu’il bascule dans la précarité. C’est donc une priorité qu’il vaut mieux mettre en
place dès maintenant, alors que les tarifs sont encore raisonnables, plutôt que d’attendre que
la situation devienne potentiellement dramatique.
Malheureusement, tout projet d’isolation est une décision avant tout individuelle. Il existe
bien des aides des collectivités ou de l’Etat, des professionnels prêts à réaliser de tels travaux
chez M. Martin.
Il existe en France trois sources de subventions aux propriétaires pour la
rénovation énergétique. L’agence nationale de l’habitat (ANAH8) propose des
aides pour augmenter la performance énergétique des logements occupés par des
personnes précaires d’au moins 25%. Elle distingue les propriétaires occupants des
propriétaires bailleurs. Pour les premiers, elle prévoit une aide allant de 35 à 50%
du montant des travaux, plafonnés à 20.000€. Pour les seconds, l’aide est
plafonnée à 25% du montant des travaux, à condition que soit appliqué un loyer
social. Une troisième catégorie d’aides – jusqu’à 50% des travaux - vise les
copropriétés dégradées (identifiées notamment par leurs syndicats en grande
difficulté financière).
A ces aides peuvent s’ajouter des aides du Ministère de l’écologie et des
collectivités territoriales. Dénommées « aides de solidarité écologique », celles-ci
font partie de l’arsenal du programme « Habiter mieux » de l’Etat, qui peut être
volontairement soutenu par les collectivités territoriales (leur part de
cofinancement est alors laissée à leur discrétion). Ainsi, il est possible dans certains
cas de se faire subventionner à plus de 50% de la valeur des travaux.
8 Pour plus d’informations, voir le document suivant : http://www.anah.fr/fileadmin/anah/Mediatheque/Publications/Les_aides/anah_guide_des_aides_janvier_2015.pdf
30 ASSOCIATION P’AIX 21
Pourtant, les Martin n’ont pas encore entrepris de démarches en ce sens. Pourquoi ?
D’abord, parce qu’ils ne sont pas directement concernés par les programmes de soutien
actuels, qui visent exclusivement les propriétaires en situation de précarité énergétique. Mais,
à penser que le dispositif s’étende aux classes moyennes, il est encore peu probable que les
Martin en soient informés. Il y a là un problème d’interlocuteur : ce n’est pas à l’ANAH de
contacter les propriétaires mais bien l’inverse. Or peu de gens connaissent jusqu’à l’existence
de l’ANAH. Il faut donc, et c’est un point crucial sur lequel nous reviendrons, que des
structures prennent en charge de manière active le relais d’information auprès des citoyens.
Dans ces conditions, comment faire en sorte qu’enfin les Martin puissent prendre la
décision d’entreprendre des travaux de rénovation, sans crainte de se lancer dans un projet
hasardeux ? Car ils se sont bien renseignés auprès de leur chauffagiste, d’un menuisier, de son
fournisseur d’électricité : le premier leur a conseillé d’installer une pompe à chaleur en lieu et
place de leurs convecteurs, le second leur propose de faire changer les fenêtres ou d’isoler la
toiture, le dernier leur a recommandé de changer leur vieux frigo pour un nouveau à
consommation estampillée A+++…. Puis auprès de différents artisans, qui leur ont conseillé qui
de mettre de la laine de verre sous les combles, qui d’éliminer leur petit balcon pour éviter les
ponts thermiques, qui d’apposer un enduit thermocalorifique au sol de leur salon….
Pour délivrer un message cohérent et compréhensible aux Martin, trois options s’offrent à
nous.
Groupements d’artisans
L’isolation est intimement liée aux métiers du bâtiment, et son diagnostic et les solutions
proposées varient donc selon le corps de métier (la spécialité) de l’interlocuteur auquel on
s’adresse. Une solution serait donc de favoriser le regroupement de ces divers corps de métier
afin de proposer des solutions intégrées : chacun, fort de sa compétence particulière, apporte
son éclairage, ses propositions et vérifie la compatibilité ou non avec celles des autres. L’un
des artisans fait office d’interlocuteur auprès des particuliers et propose un devis unique,
élaboré en commun. Si ce devis est accepté, le groupe d’artisans travaillera de concert pour
réaliser les travaux d’isolation, et la seule facture générée pourra être éligible aux aides ou aux
ristournes fiscales mises en place par les pouvoirs publics.
Les 3 piliers pour un programme national de rénovation
Selon Olivier Sidler, patron de la société Enertech basée dans la Drôme et
grand avocat de la rénovation, le «décollage» d’un grand programme de
rénovation en France est soumis à 3 conditions:
- Rendre obligatoire la rénovation thermique.
31 ASSOCIATION P’AIX 21
- Mettre en place une offre unique de financement, aisément identifiable et
permettant à n’importe quel français de financer ses travaux.
- Former les artisans à la fois pour qu’ils se constituent et fonctionnent en
groupements de compétence, et qu’ils complètent les éléments de formation
technique (étanchéité à l’air, VMC, isolation extérieure, etc.) nécessaires à la
rénovation.
Ces derniers, pour favoriser l’émergence de ces groupements, auraient à leur disposition
un large éventail de soutiens, qu’ils soient financiers ou techniques (formations gratuites pour
créer des regroupements par exemple). Car sans leur intervention, la création ad hoc de
groupements a peu de chances d’aboutir. Et si elle aboutit, rien à ce stade ne garantit
l’efficacité de ces groupements : comment se prémunir contre la tentation de « survendre » sa
solution au détriment de celles des autres, comment assurer la cohérence effective des
mesures proposées ? Et de plus, comment font les artisans pour se regrouper sur certains
territoires où les compétences manqueraient ? Il faut donc réfléchir à l’intervention
d’organismes publics.
Les collectivités territoriales organisent
Nous l’avons vu dans le chapitre précédent, des structures territoriales existent pour
conseiller et orienter les citoyens dans leurs choix énergétiques : il s’agit des ALE ou des EIE
(espaces info énergie). Elles possèdent en général des annuaires des professionnels opérant
sur leur territoire, et peuvent donc en premier lieu orienter M. Martin vers des groupements
s’ils existent. Mais à ce jour, si ceux-ci n’existent pas, les EIE ne peuvent rien faire !
Regardons de plus près les compétences des collectivités : les communes ont la main sur
les plans locaux d’urbanisme (PLU), qui leur donnent un inventaire complet des unités
d’habitation sur leur commune. Les départements ont la main sur la gestion du parc de
logements sociaux. Quant aux régions, elles sont en charge du développement économique.
Ainsi, les régions pourraient au choix obliger, inciter ou règlementer la création de
groupements d’artisans, auxquels l’ADEME délivrerait des formations et conseils et qui
obtiendraient un agrément ou une labellisation à l’échelle régionale. Afin de conserver leur
agrément, elles pourraient être assignées par leur commune ou leur département de
résidence à un nombre minimum d’interventions à effectuer sur une période de temps
donnée. Des outils de suivi pourraient être également élaborés, soit avec l’appui des
fournisseurs d’énergie (réductions de consommation constatées) soit sous forme de
questionnaires de satisfaction auprès des clients. Tout cela pourrait être coordonné par les ALE
ou les chambres de commerce et d’industrie.
32 ASSOCIATION P’AIX 21
Le programme d’intérêt général Ardèche Verte
Dans le cadre du programme « Habiter Mieux », des communautés de
communes ardéchoises, soutenues par la région Rhône Alpes ont mis en place en
2012 un dispositif quinquennal (2013-2017) de soutien innovant aux travaux de
rénovation des logements individuels. Les EPCI mobilisent un opérateur qui a la
charge de l’accompagnement global de tout projet. Contacté par les personnes
intéressées, l’opérateur visite les logements, établit un diagnostic, ainsi qu’un
projet de travaux. Cette étape, totalement gratuite, débouche sur la constitution
d’un dossier personnalisé avec un devis correspondant. L’opérateur coordonne
pour chaque dossier la réalisation des travaux, le déblocage de toutes les aides
éligibles et la vérification des performances énergétiques obtenues. L’objectif de
100 dossiers par an a été dépassé dès 2014 (160 dossiers). La moyenne de travaux
par dossier est de 3 600 € HT, avec environ 58% d’aides. La moyenne de gain en
économie énergie est de 40%.
Parmi les avantages reconnus du dispositif, celui-ci pousse à faire le
maximum : il est plus rentable et efficace de faire en un coup une opération lourde
permettant des économies d’énergie significatives. De plus, les artisans locaux ont
commencé à se mobiliser pour se former et obtenir les certifications (RGE9,
QUALIBAT, …). Ils deviennent de fait proactifs.
L’autre volet est financier : la structure de coordination des groupements pourrait aussi
avoir la compétence de montage financier des projets. Elle identifierait l’ensemble des aides
existantes, mais pourrait aussi proposer des solutions de financement. Car les travaux
d’isolation, pour atteindre des résultats satisfaisants, sont souvent chers : 5.000 € en moyenne
(source : ADEME).
Le rôle des communes : l’exemple de Venelles (Bouches-du-Rhône)
Au sein de cette petite commune de 10.000 habitants environ, l’ancien maire
M. Jean-Pierre Saez a imaginé un dispositif d’accompagnement original. Il mettait
gracieusement à disposition des habitants une caméra thermique (qui permet de
visualiser les pertes calorifiques ainsi que les sources d’humidité dans un
logement). A l’issue de cet auto-diagnostic, les habitants étaient incités à
entreprendre des travaux de rénovation. Si ces travaux, une fois effectués,
permettaient au logement d’augmenter de classe énergétique (passant par
exemple de la classe E à la classe D), les foyers bénéficiaient alors d’une décote sur
leur taxe d’habitation. Décote acquise puisqu’elle s’applique aussi les années
suivantes.
Néanmoins, un certain nombre d’incertitudes demeurent, notamment sur l’organisation
interne de ces groupements et la désignation d’un interlocuteur unique. A ces questions les
9 Label indispensable pour les éco-prêts à taux zéro
33 ASSOCIATION P’AIX 21
organismes publics ne peuvent apporter de réponses car ce n’est pas leur métier. Ce n’est
d’ailleurs celui de personne à ce jour : pourquoi cela ne ferait-il pas l’objet d’un nouveau
métier ?
Vers un nouveau métier : conseiller en isolation
Des propositions précédentes, malgré leur pertinence supposée, se dégage l’impression
de lenteur et de complexité : regrouper un charpentier, un peintre, un maçon, un électricien,
etc. peut être long, surtout sur un territoire rural ou semi-rural. Arriver à les faire travailler
ensemble en bonne intelligence est complexe, s’assurer de la qualité du service rendu est
ardu. Il n’est donc pas garanti que des millions de propriétaires décident d’isoler leur logement
à l’instar de M. Martin et qu’ils entreprennent des travaux qui se révèleraient à la hauteur de
leurs espérances !
Dans ce genre de projets, avoir pour M. Martin un interlocuteur unique est une nécessité.
Or si cet interlocuteur fait partie de l’un des corps de métier nécessaires aux travaux, la
tentation de mettre en avant son corps de métier auprès de M. Martin est trop grande. Par
contre, s’il s’agit d’un conseiller en isolation, il est plus probable qu’il traite les solutions des
différents corps de métier en toute indépendance et objectivité.
C’est peut-être à cela que doit s’atteler la puissance publique, via l’ADEME : la formation
diplômante de ces nouveaux métiers. Le conseiller serait une sorte de maitre d’œuvre de
l’isolation. Ainsi, on maximise les chances de procéder à des travaux globaux, ambitieux en
termes de réduction de la consommation d’énergie. Rien n’empêche par ailleurs d’élargir le
champ de compétences de ces conseillers aux projets de production de chaleur et d’électricité
que nous aborderons aux chapitres suivants. En d’autres termes, il s’agirait là de créer un
métier de conseiller en « bâtiment à énergie positive ».
Ce nouveau métier ne peut être entièrement improvisé : le rôle des puissances publiques
serait de définir un cadre règlementaire suffisamment léger pour ne pas obérer son
développement et suffisamment solide pour garantir l’efficacité et la probité des conseillers.
Nous avons évoqué la formation, étape indispensable à laquelle l’ADEME pourrait participer.
Une fois cette formation passée, les lauréats seraient tenus de signer des clauses
d’indépendance par rapport à d’éventuels donneurs d’ordre, qu’ils soient aménageurs ou
porteurs de techniques de construction particulières. Enfin, l’autorité publique serait en droit
de délivrer un agrément à ces nouveaux conseillers afin qu’ils puissent exercer leur profession.
Ceci nous amène à une discussion plus large, car la plupart des mesures sur la transition
énergétique dans le bâtiment concernent les logements neufs. Or, en moyenne, sur un parc de
30 millions de logements, on compte un nombre de constructions neuves aux alentours de
300.000 par an, soit 1% à peine du parc dans son ensemble. Il faudrait donc environ un siècle
pour que l’intégralité du parc actuel soit renouvelée. L’enjeu majeur réside donc non pas dans
34 ASSOCIATION P’AIX 21
le neuf mais bien dans l’ancien. Or actuellement la réhabilitation thermique n’en est qu’à ses
balbutiements : le manque de coordination entre métiers et le prix élevé des travaux à
entreprendre freinent les propriétaires habitants. Pour les logements à la location, c’est pire :
ni le propriétaire ni le locataire n’ont intérêt à effectuer de tels travaux, puisque celui qui
prend les travaux à son compte n’est pas celui qui bénéficie des réductions de charges.
Il est donc important de se pencher sur la question du financement des travaux. Plusieurs
propositions ont émané pour mettre en place du tiers-financement : une structure avance les
frais de rénovation, puis se fait rembourser par un loyer sur une période de temps négociée
contractuellement avec le maitre d’ouvrage. Ce remboursement est permis par les économies
d’énergie réalisées grâce aux travaux. D’autres solutions innovantes pourraient être mises en
place, notre objet n’est pas de les imaginer, mais de mentionner au moins un élément devant
être pris en compte lors de leur élaboration : celui de la nécessaire participation aux frais des
locataires. Celle-ci est évidemment difficile à concevoir, le locataire n’étant lié que
temporairement à son propriétaire et que les travaux d’isolation auront une incidence sur
l’ensemble de la durée de vie du logement. Néanmoins, une participation partielle permettra
d’enclencher la transition énergétique dans les 43% de logements loués par des français non
propriétaires.
35 ASSOCIATION P’AIX 21
CHAPITRE V
M. MARTIN PRODUIT SA CHALEUR
Nous allons présenter plusieurs solutions s’offrant aux Martin pour produire leur chaleur à
partir de sources renouvelables. D’autres solutions existantes comme les planchers solaires
directs ou la géothermie individuelle ne seront pas abordées ici, car elles requièrent de gros
travaux qui se situent hors de notre postulat de base. Pour être pertinents, ces travaux doivent
généralement être entrepris lors de la construction d’un nouveau logement.
Chauffe-eau solaire individuel
La plupart des français sont familiers des ballons de stockage de l’eau chaude sanitaire,
aussi appelés cumulus. Ces cylindres vont en général de 50 litres pour les plus réduits (destinés
aux résidences étudiantes, chambres de bonne, studios…) à 500 litres pour les plus grands.
L’eau y est chauffée, soit par résistance électrique, soit par une chaudière à gaz. Nous l’avons
vu précédemment, lorsqu’elle est électrique, l’eau chaude sanitaire représente environ un
quart de notre consommation électrique, autant que notre consommation due aux appareils
électriques connectés de notre foyer. Cela vaut-il la peine de passer à un chauffe-eau solaire ?
Le chauffe-eau solaire individuel (CESI) consiste en quatre éléments indispensables :
Les capteurs, c’est-à-dire les panneaux solaires. Ceux-ci ne sont pas les mêmes que les
panneaux photovoltaïques, puisqu’ils chauffent un fluide caloporteur circulant dans un
tube situé sous les capteurs. Ce fluide, acheminé par une pompe de circulation, retourne
une fois chauffé dans le ballon de stockage.
Le ballon de stockage sert donc à stocker l’eau chaude entre 45° et 60° via le tube, en
forme de serpentin, contenant le fluide caloporteur préalablement réchauffé par l’action
des capteurs thermiques.
Les capteurs ne fonctionnant pas à tout moment de l’année, le CESI doit disposer d’un
système d’appoint de production d’eau chaude. Il s’agit le plus souvent d’une résistance
électrique, ce qui vient confirmer que ce système ne peut pas être totalement autonome.
Le régulateur, qui vise à contrôler la température de l’eau et notamment éviter les
surchauffes ou activer le système d’appoint.
36 ASSOCIATION P’AIX 21
Figure 5 : Le fonctionnement d’un CESI
L’avantage du CESI est qu’en faisant appel à une technologie simple et maitrisée, il peut
couvrir jusqu’à 65% des besoins annuels. Pour le stockage de 200 litres d’eau par jour
(suffisant pour 3 à 4 personnes), il suffira d’installer entre 4m2 et 6m2 de capteurs solaires
selon la région où l’on habite. L’inclinaison des capteurs est un facteur bien moins contraignant
que pour le photovoltaïque : on peut en fait orienter le capteur de la façon que l’on veut, de
l’horizontale à la verticale. Plus de calculs savants pour déterminer l’inclinaison et
l’emplacement optimaux. Enfin, son coût est peu élevé et peut donc être rentabilisé en
quelques années.
Néanmoins, chacun de ses éléments pose un certain nombre de problèmes que M. et
Mme Martin devront prendre en compte avant de choisir cette solution. D’abord, les capteurs
doivent être résistants : au gel, pour le fluide caloporteur, aux impacts pour le capteur lui-
même. Bien qu’ils disposent souvent d’une couche protectrice de verre de belle épaisseur, un
épisode de grêle particulièrement violent peut avoir des conséquences néfastes sur les
installations.
Le ballon de stockage ne présente pas de contrainte particulière, mais on peut noter qu’en
raison de son système interne de serpentins transportant le fluide caloporteur et chauffant
ainsi l’eau, on ne peut pas espérer recycler son vieux cumulus en le branchant à un panneau
solaire : il faut changer l’équipement en entier. Le deuxième frein provient de l’encombrement
inné de tout cumulus : il faut pouvoir le stocker, et de préférence dans un endroit ne
présentant pas de risques en cas de problème technique grave (on préfèrera la cave à la
chambre des enfants).
37 ASSOCIATION P’AIX 21
Le système d’appoint caractérise de par son existence la principale lacune du CESI : sa
fâcheuse tendance à fonctionner à plein lorsqu’on a le moins besoin de lui (en plein été), et…
inversement, sa disponibilité moindre sous des cieux gris (comme souvent en hiver) plus
propices à un bain chaud qu’une canicule estivale. D’où la nécessité d’un appoint,
généralement par résistance électrique, qui en plus de sa très forte consommation unitaire,
nécessite un délai important pour chauffer l’intégralité du volume d’eau. Il faut donc prévoir ce
temps de chauffage et programmer l’enclenchement du système d’appoint, de préférence en
heures creuses si l’on a choisi une option heures pleines / heures creuses.
Enfin, la principale contrainte liée au régulateur tient au risque de panne et donc au
besoin de maintenance, recommandé en moyenne tous les 4-5 ans, et durant laquelle le CESI
est évidemment inutilisable. A noter que la maintenance couvre aussi la vérification du fluide
caloporteur et la vérification des capteurs.
Si l’impact esthétique ne les rebute pas et qu’ils habitent le Sud de la France, les Martin
peuvent aussi installer leur ballon directement sur la toiture, en amont des capteurs.
L’avantage est qu’ainsi il n’est plus nécessaire d’équiper l’installation d’une pompe à
circulation (le fluide froid descend vers le capteur et remonte naturellement vers le ballon une
fois chauffé). On peut ainsi réduire ses coûts.
En conclusion, le chauffe-eau solaire n’est pas fait pour garantir une totale autonomie de
production de l’eau chaude sanitaire, mais en échange d’un investissement initial aux
alentours de 5.000€, M. et Mme Martin pourraient produire gratuitement la moitié, voire un
peu plus, de leur eau chaude sanitaire, réduisant ainsi leur facture annuelle d’électricité ou de
gaz de 100 à 300€. De nombreuses aides existent (crédits d’impôts, subventions de la part des
collectivités territoriales) et réduisent considérablement l’investissement initial. Mais
l’amortissement restera autour de la dizaine d’années. Plus d’informations sont disponibles
auprès de Qualisol, l’organisme de qualification du solaire thermique (http://www.qualit-
enr.org/qualisol).
Systèmes solaires combinés
Puisque nous avons abordé les effets thermiques du solaire, il est logique d’imaginer que
cette énergie puisse non seulement chauffer l’eau des Martin, mais aussi les pièces de leur
logement. Cette option existe, elle est assurée par des systèmes solaires combinés (SSC).
Combinés, ils le sont à deux niveaux : d’abord leur fonction est double, mais également leur
mode de fonctionnement.
En effet, l’eau chaude sanitaire doit être chauffée entre 45° et 60°, alors que le chauffage
ne nécessite de l’eau qu’entre 35°et 50°. Il faut donc opérer une stratification verticale dans le
ballon (c’est-à-dire le compartimenter en deux) pour résoudre le problème du différentiel de
38 ASSOCIATION P’AIX 21
température. Ainsi, les contraintes techniques, et le coût de l’installation, sont revus à la
hausse.
Le dimensionnement doit être également revu à la hausse : en effet, l’intégration du
chauffage requiert une capacité additionnelle importante, ce qui explique que les SSC aient
une capacité totale entre 500 et 2000 litres. Cela devient une installation de grande dimension,
potentiellement bien encombrante. Il faut évidemment pouvoir chauffer toute cette quantité
d’eau, donc il faut augmenter dans les mêmes proportions la surface de capteurs : par rapport
à notre exemple de 200 litres pour les Martin, il nous faudrait multiplier par 2,5 pour un ballon
de 500 litres, par 5 pour un ballon de 1.000 litres (le volume nécessaire dépendant de la taille
des pièces à chauffer et des caractéristiques thermiques du logement des Martin). Soit entre
10 et 25m2 de capteurs.
On le voit, un tel système requiert un investissement initial bien plus significatif : ballon
plus volumineux, contraintes techniques supérieures et multiplication des capteurs. Or le CCS
souffre du même handicap que le CESI : l’inadéquation entre la saison pendant laquelle il
produit le plus (l’été) et la saison pendant laquelle il est le plus sollicité (l’hiver). Ainsi, le
système d’appoint, inévitable, sera très sollicité l’hiver. Proportionnellement plus que le CESI,
car les besoins de chauffage sont presqu’inexistants en été et quotidiens / constants en hiver,
tandis que l’eau chaude sanitaire est utilisée tout au long de l’année. Le SSC n’est donc en
mesure d’assurer qu’entre 10 et 60% des besoins annuels des Martin en chauffage et en eau
chaude sanitaire.
L’inadéquation entre consommation et production a un autre effet négatif que la perte de
rendement global annuel : les risques de surchauffe. En effet pendant l’été, les capteurs sont
moins sollicités et peuvent atteindre des températures très élevées. Les constructeurs doivent
donc intégrer des systèmes supplémentaires de sécurité que nous ne détaillerons pas, mais qui
ont des conséquences sur la pertinence du SSC. En tant qu’éléments techniques
supplémentaires, ils auront tendance à complexifier l’installation et peuvent générer des
risques de panne. Leur poids et leur volume peuvent être non négligeables et doivent être pris
en compte. Enfin, ces systèmes ont un coût de production et d’installation qui se répercutent
sur le prix final que devront payer les Martin pour s’équiper d’un SSC.
En conclusion, ce système peut être pertinent sur des zones fortement ensoleillées et/ou
isolées, mais leur coût et la complexité de l’installation le rend difficilement adaptable aux
besoins de M. tout le monde. Sans compter l’appréhension du risque, pour des clients non
experts en mécanique des fluides, de faire installer une gigantesque cocotte-minute dans leur
cave ou leur garage…
39 ASSOCIATION P’AIX 21
Pompe à chaleur
C’est la star du chauffage individuel ces dernières années. Elle fonctionne de manière
schématique comme un réfrigérateur inversé : capter les calories de l’air extérieur pour
chauffer l’air intérieur. Alors évidemment la question se pose de comprendre comment de l’air
froid en hiver, avec des températures parfois négatives, peut-il alimenter un système pour
créer de l’eau chaude qui parcourrait les radiateurs de M. Martin et lui fournirait une agréable
chaleur dans sa maison.
La pompe à chaleur (PAC) fonctionne en circuit : elle capte l’air extérieur froid qui sert à
chauffer un fluide frigorigène (qui s’évapore à des températures inférieures à 0°). Ainsi sous
forme de vapeur, le fluide est dirigé vers un compresseur. En augmentant la pression, on
augmente considérablement la température d’un gaz : le fluide va donc chauffer l’eau circulant
dans les radiateurs jusqu’à 50° généralement. A la sortie du circuit, un condenseur et un
détendeur effectuent l’opération inverse : la chute de pression refroidit le fluide frigorigène
jusqu’à ce qu’il redevienne liquide, à -20°.
Figure 6 : Schéma de fonctionnement d’une pompe à chaleur
On notera donc que pour fonctionner et capter les calories de l’air extérieur, la PAC a
besoin d’un air extérieur supérieur à -20°, ce qui est la plupart du temps le cas en France, sauf
à habiter en zone de haute montagne.
L’un des avantages majeurs de la PAC est son rendement, estimé à ente 3 et 4 selon les
modèles. C’est-à-dire qu’avec une unité de puissance électrique consommée, les Martin
produisent 3 à 4 unités de puissance calorifique. C’est donc 3 à 4 fois mieux qu’un simple
convecteur électrique, ce qui explique le succès populaire des PAC, qui ont en outre bénéficié
40 ASSOCIATION P’AIX 21
de conditions très avantageuses pour leur développement (crédits d’impôts de 50%
notamment).
Il existe une grande variété de pompes à chaleur sur le marché, utilisant les calories de
l’air (aérothermie) ou du sol (géothermie), distribuant la chaleur par des circuits de fluide
frigorigène, d’eau chaude voire d’eau glycolée… Ces considérations techniques ne sont pas
primordiales, à l’inverse des nouvelles fonctionnalités proposées par les PAC dites réversibles.
Celles-ci ont un double usage, chauffant en hiver, rafraichissant l’été. Ainsi un même système
remplace avantageusement radiateurs et climatiseurs. Il est assuré généralement par des
« ventilo-convecteurs », qui comme leur nom l’indique sont équipés de ventilateurs
permettant une meilleure diffusion des calories ou de l’air frais dans les pièces.
Enfin, les Martin peuvent coupler à leur PAC un ballon d’eau chaude sanitaire, qui sera
donc chauffé par le fluide caloporteur issu de la PAC. Pour être pertinente, cette installation
doit être simultanée. En effet, le ballon d’eau chaude requérant une puissance nominale non
négligeable (de l’ordre du kW), il faut prévoir une PAC capable de fournir cet appel de
puissance supplémentaire. Si les Martin ont déjà investi dans une PAC, il est probable que le
couplage avec un ballon d’eau sera inopérant.
Trouver les chiffres ADEME sur le développement des PAC, les coûts moyen, de
fonctionnement, durées de vie, conditions tarifaires et subventions… Une PAC aérothermique
coûte en moyenne 11.000€. Pour des PAC géothermiques, compter entre 1800 et 4000€
supplémentaires. Pour une simple CET (chauffe-eau thermodynamique - eau chaude sanitaire),
compter entre 3000 et 4000€. Les coûts de fonctionnement d’une PAC varient entre 3 et 7€ /
m2 / an.
Les aides à l’installation d’une PAC sont nombreuses et diversifiées :
Crédit d’impôt de 30%, sans conditions de ressources (depuis 2015). Il n’est accordé que
pour un COP supérieur à 3,4 (et à 2,4 pour un CET). Le crédit d’impôt, qui s’applique à tous
travaux ou achats pour la transition énergétique, est plafonné à 16000€ pour un couple,
sur une durée de 5 ans.
TVA réduite, à 5,5% (fourniture et installation).
Un éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), pour lesquels l’éligibilité des travaux est attestée par
les professionnels et non plus par les banques. Il s’applique aux travaux d’installation en
résidence principale et son montant est limité selon l’ambition des travaux (fourchette
allant de 10.000 à 30.000€).
Ces aides sont valables pour toute action en faveur de la transition énergétique, et
pourront être appliquées indistinctement à chaque solution ou chaque bouquet de solutions
choisi.
41 ASSOCIATION P’AIX 21
CHAPITRE VI
M. MARTIN PRODUIT SON ELECTRICITE
Nous l’avons vu, les usages électriques au foyer tendent à augmenter avec l’âge. C’est
logique, les personnes âgées restent en moyenne plus souvent chez elles et sollicitent don plus
leurs appareils électriques. Pour peu que leur chauffage soit électrique, alors les usages – et les
factures – explosent. Il n’est donc pas improbable que M. Martin décide de se lancer dans un
projet de production d’électricité.
Le choix de l’énergie
Il existe de nombreuses offres sur le marché destinées à réduire votre consommation, ce
qui peut entrainer une certaine confusion chez M. Martin. Mais en termes de production
électrique, il n’y a véritablement que trois possibilités techniques à l’échelle individuelle : le
photovoltaïque, le petit éolien et la micro-hydraulique.
Le photovoltaïque
L’électricité d’origine solaire a vu le jour dès les années 70 avec le développement du
solaire thermodynamique. Mais c’est bien le développement de la filière photovoltaïque qui a
permis une véritable révolution du solaire. Son potentiel de multiplication est de 10, tous les
10 ans, pendant 30 ans ! Le marché mondial en 2009 était estimé à 7Mds USD (pour
13.000MW installés), il pourrait passer à 31MdsUSD en 2015. A l’origine de cette fabuleuse
accélération, les améliorations technologiques qui ont permis de doubler le rendement de
conversion (du rayonnement solaire en électricité) en 30 ans (17-19% aujourd’hui contre 8-
10% dans les années 80).
Mais pourquoi cette énergie se prête-t-elle idéalement au cas de M. Martin ?
Tout d’abord, il s’agit de la technologie la plus facile à installer : fixer des panneaux
solaires (modules) sur une surface, les relier à un régulateur et un onduleur, et les relier au
réseau c’est en principe les seuls impératifs pour que l’installation fonctionne. Cette étape
franchie, vous n’aurez plus rien à faire pendant au moins 25 ans, soit la durée de garantie des
modules, dont on estime par ailleurs la durée de vie à 40 ans. Pas d’entretien nécessaire, pas
de réparation dans 99,9% des cas, la simplicité d’usage plaide en faveur du solaire plus que
pour toute autre ENR.
42 ASSOCIATION P’AIX 21
Mais il existe une autre raison pour laquelle le solaire a trouvé sa niche chez les
particuliers : c’est une énergie par nature décentralisée car elle ne bénéfice d’aucun
rendement d’échelle. Ainsi, un générateur de 100kW est strictement équivalent à 100
générateurs d‘1kW chacun, et le coût de chacune des installations est lui aussi équivalent. Il
n’y a donc pas de force de marché poussant à la concentration des sites de production.
Enfin, l’intérêt majeur du solaire photovoltaïque consiste en son coût de production… en
chute libre. Le coût moyen pondéré serait passé d’environ 40c€/kWh en 2009 à 15c€/kWh fin
2014 pour le Sud de la France. La parité réseau avec les tarifs domestiques de l’électricité
d’origine nucléaire (15c€kWh) a donc été atteinte en 2014 dans le Sud de la France, et devrait
être atteinte dans le Nord entre 2016 et 2017. Cette chute provient à la fois de la baisse
continue des prix de vente des modules, en raison de l’augmentation exponentielle des ventes,
et de l’amélioration des rendements des cellules, due à un grand nombre d’acteurs en
compétition technologique pour gagner des parts de marché. Certains établissent le parallèle
avec la loi de Verdoorn, qui stipule que le coût d’une production baisse de 20% chaque fois
que la quantité produite double.
Les énergies conventionnelles sont-elles encore rentables ?
Nous avons vu que le coût du photovoltaïque est en chute constante. Or en
parallèle, les coûts de l’électricité nucléaire suivent une progression de type
linéaire, due à la fois au renforcement des protocoles de sécurité dans les
centrales, à la hausse des couts de maintenance et à une prise en compte
croissante des externalités du nucléaire. La première raison est peut être une
conséquence de la catastrophe de Fukushima, mais il est improbable que les
exigences du public en matière de sécurité suivent une courbe descendante. Les
coûts de maintenance sont liés à la hausse programmée de la durée de vie des
centrales, et sont par conséquent inévitables. Le seul moyen de les éviter serait le
remplacement par de nouvelles centrales plus performantes, mais outre les doutes
sur le coût réel de leur construction (cf EPR), ils ouvrent la voie aux coûts de
démantèlement. Enfin, les externalités incluent à la fois le démantèlement, dont il
a été admis que le coût avait largement été sous-évalué par l’opérateur historique,
mais aussi les dommages environnementaux, résultant de la dérivation des cours
d’eau : perte de biodiversité dans le cours d’eau historique et menaces en aval du
canal de dérivation avec le rejet d’eaux de 5 à 10° plus élevées.
Le coût de production des centrales thermiques reste très aléatoire car il
dépend principalement du cours des hydrocarbures, et au petit jeu des prédictions,
on ne peut être sûrs que d’une chose : de se tromper. Par contre la prise en compte
des externalités environnementales devrait augmenter durablement, au fur et à
mesure que les politiques de lutte contre le changement climatique se renforcent.
La décision de construire de nouvelles centrales sera donc de plus en plus
conditionnée à des prévisions de prix et de normes environnementales rendant
l’équilibre financier plus aléatoire.
43 ASSOCIATION P’AIX 21
Il existe d’autres sources de production renouvelable, plus ou moins répandues dans le
paysage français. La question qui se pose est de savoir s’il existe d’autres alternatives au
photovoltaïque, et dans quelles conditions celles-ci peuvent être choisies par M. et Mme
Martin. Nous verrons au cours de cette section les avantages et inconvénients de chacune des
ENR présentées (étant entendu que d’autres ENR, au stade expérimental, ne sont pas
évoquées), et tâcherons de justifier le choix privilégié du photovoltaïque dans le cas qui nous
intéresse.
Les mini centrales hydroélectriques
Ce sont les plus anciennes sources d’énergie renouvelable de France, et elles bénéficient
d’ailleurs historiquement d’un statut à part. En effet, pas moins de 1800 équipements en
petite hydraulique existaient en France après la seconde guerre mondiale. Lors de la loi de
1946 instaurant la création d’EDF par la nationalisation des infrastructures existantes et leur
fusion en une seule entité, ces équipements dont la puissance n’excédait pas 8MW furent
exemptés par la loi de ce processus. Situés le plus souvent dans des territoires reculés ou
isolés, de montagne notamment, ils sont souvent gérés par des opérateurs publics (régies).
Aujourd’hui leur situation est bonne, dans la mesure où leur production bénéficie d’une
obligation de rachat par le réseau, à tarifs préférentiels. Et ce alors que les investissements
initiaux ont été amortis depuis longtemps, que les coûts d’exploitation sont presque
inexistants et que seuls les investissements de maintenance peuvent avoir un impact sur la
rentabilité des installations. Le risque est donc minime, les charges très faibles, et les revenus
élevés et garantis.
En plus de cette situation confortable de rente de situation, la petite hydraulique possède
des avantages techniques. En premier lieu, elle permet de produire avec une rapidité de
réponse sans égal, même par rapport au thermique, dont la mise en route peut prendre
plusieurs heures. Ici, la réponse est instantanée. Ensuite, l’eau est aisément stockable, la petite
hydraulique peut donc être, via des bassins de rétention, utilisée comme énergie d’appoint. On
peut y voir un avantage dans le couplage idéal qu’elle constituerait avec l’énergie éolienne. Sur
ce point, on dépasse la réflexion sur la petite hydraulique et on peut évoquer la dernière STEP
mise en service à Grand-Maison, dans l’Isère, sur le plus important barrage de France - d’une
capacité de 1800MW. C’est la piste privilégiée par l’opérateur historique. Ainsi, plusieurs
projets sont en cours en Savoie (Cevins), dans les Pyrénées (Orlu) ou dans le massif Central
(Redenat) : aucun ne rentre dans la catégorie de la petite hydraulique.
A ce jour 2000MW de petite hydraulique sont installés, produisant 8500GWh
par an. Depuis 2007, le contrat de vente pour la mini hydraulique est établi sur 20
ans. Il est calculé comme suit : 6,07€/kWh + prime réseau + prime hiver.
La prime réseau est comprise entre 0,5 et 2,5€/kWh, celle hiver entre 0 et
1,68€/kWh.
44 ASSOCIATION P’AIX 21
Si le potentiel hydraulique en France a été largement exploité, il existe encore du potentiel
pour la petite et micro hydraulique, par exemple dans les réseaux d’eau potable (comme à
Cannes avec les centrales de Bramafon et la Trinité, ou le long du canal de Provence), sur les
chutes d’eau de montagne (remplacer des brises charge par des turbines) ou sur de petits
cours d’eau de très basses chutes (<2m). Néanmoins, il faut, outre la disponibilité de la
ressource, constituer un dossier pour autorisation administrative de la Préfecture, puis un
contrat de vente puis un dossier de financement, ce qui allonge et complexifie la réalisation
d’un tel projet. Pour ces raisons, il ne peut y avoir de développement massif de la micro
hydraulique, mais plutôt une mise en place soutenue chaque année en commençant par les
zones peu ou pas interconnectées10. Au total, selon les données collectées par l’association
Hydrauxois (www.hydrauxois.org), il existe environ 100.000 sites propices à l’installation de
moulins à eau en France, pour un potentiel de 3TWh/an. Cela représente environ 0,5% de la
production totale française en 2014 (575TWh).
Le petit éolien
Sur les façades maritimes propices à l’éolien, le vent souffle plus longtemps que le soleil
ne brille, même au bord de la Méditerranée : 3500 heures par an contre 2000 à 2500 heures
de soleil. Quant à la technique usitée, elle est aussi vieille que nombre de nos plus vieilles cités
européennes : on trouve des modèles de moulins à vent dès 700 avant J.C. en Mésopotamie.
En outre, la production unitaire est largement supérieure à celle d’une installation
photovoltaïque domestique (1KWc de PV produit en moyenne 1000KWh/an, tandis que l’une
des plus petites éoliennes du marché, la pigott 3m60 de 2kW, peut produire en moyenne
3000kWh/an). Alors comment expliquer que le petit éolien n’ait pas connu le même succès
que le photovoltaïque ?
Les premières raisons sont d’ordre physique. Une éolienne fonctionne à plein sous un
régime de vents réguliers. Or les obstacles qu’un vent rencontre, et ils sont nombreux en
milieux urbanisés (maison, immeubles, infrastructures, haies, etc.), le rendent turbulent. Pour
retrouver de la régularité, il faut monter en hauteur, jusqu’à 20 à 30 mètres. Si des règles
d’urbanisme ne vous l’interdisent pas, il faut tout de même avoir une prise au sol importante :
petits jardins pavillonnaires s’abstenir. Et n’allez surtout pas imaginer pouvoir fixer une
éolienne au mur de votre maison : actionnée par les vents plusieurs mètres au-dessus de votre
toit, elle transmettrait ses vibrations à l’ensemble du bâtiment, jusqu’aux fondations. Un peu
comme avec la corde d’une guitare, l’amplification de la vibration garantit une intensité de
bruit rapidement insupportable, et peut même fragiliser la structure même de votre maison.
L’éolien se prête donc assez mal à la vie urbaine.
Le petit éolien souffre aussi de conditions financières peu attractives. Il n’existe pas de
tarif de rachat sur le réseau, sauf si la maison de M. Martin est située dans une « zone de
développement éolien », ce qui est improbable puisque celles-ci doivent être éloignées des
milieux urbanisés (les seuils varient selon les lois). M. Martin pourrait alors négocier un tarif de
10 Sous réserve évidemment que ces ouvrages ne contreviennent ni à la loi sur l’eau de 2006 ni aux objectifs de continuité écologique (trames verte et bleue) pris par la France.
45 ASSOCIATION P’AIX 21
rachat contractuel avec son fournisseur, qui lui rachètera son électricité à un prix inférieur à
celui de l’électricité qu’il lui vend…
De plus, l’investissement initial est important : au prix de l’éolienne (à partir de 10-15k€), il
faudra ajouter sensiblement la même somme pour le mât, le génie civil (dalle de béton, grue),
l’électronique et les honoraires de l’installateur. Le crédit d’impôt est certes applicable
(16.000€ pour le couple Martin) et des aides financières régionales ou communales peuvent
exister, mais s’engager dans un projet éolien reste cher.
Si malgré tout les Martin veulent se lancer, les démarches administratives sont autrement
plus complexes qu’avec le photovoltaïque11. Il ne sert à rien d’en dresser une liste exhaustive,
qui serait peut-être déjà caduque au moment où le lecteur la lira, mais il suffit de savoir qu’un
permis de construire est nécessaire, que l’installation sera soumise à des contrôles
obligatoires, et que le nombre d’interlocuteurs à solliciter est nettement, et durablement
supérieur à 1.
Face à ce faisceau de contraintes, peut-on espérer que des améliorations technologiques
facilitent le développement du petit éolien ? On évoque souvent les éoliennes à axe vertical,
certaines étant dotées de pales orientables. Les éoliennes à axe vertical fonctionnent quel que
soit le sens du vent, et les modèles récents ne requièrent pas un vent fort pour actionner les
pales. A l’heure actuelle, leur rendement est trop faible pour permettre le développement de
la filière. Certains tentent de remédier à défaut en proposant des éoliennes à voilure
tournante, orientée selon la direction et dimensionnées selon la force du vent, selon le même
principe qu’un bateau à voile. Le rendement augmente ainsi considérablement, mais une
girouette électrique est nécessaire pour commander les modifications de la voilure.
Figure 7 : Exemples d’éoliennes
11 Une solution pour le développement du petit éolien réside dans la constitution de groupements pour porter des projets collectifs de production sur un territoire. Voir chapitre VII.
A axe horizontal A axe vertical
46 ASSOCIATION P’AIX 21
La cogénération
Un des freins souvent évoqués concernant l’installation de solutions écologiques est la
multiplication des sources nécessaires pour couvrir l’intégralité de nos besoins : eau chaude
sanitaire, chauffage, électricité. Sachant que toute énergie est transformable, pourquoi ne pas
combiner production de chaleur et d’électricité au sein d’un même module ? C’est le principe
de la cogénération, qui utilise un combustible commun pour produire chaleur et électricité via
un générateur et un échangeur thermique.
Les unités de cogénération fonctionnent avec l’apport d’un combustible, le plus souvent
du gaz naturel ou du fioul. Mais elles peuvent fonctionner avec du combustible d’origine
renouvelable, tel que les granulés de bois, le biogaz ou les huiles végétales. L’avantage naturel
du combustible, quel qu’il soit, est qu’il n’est pas intermittent et que seule se pose la question
de son approvisionnement.
L’enjeu principal est de déterminer le bon dimensionnement de l’installation, c’est-à-dire
le meilleur rapport entre prix et capacité de production. Ce diagramme propose une lecture
intuitive de cet enjeu.
Figure 8 : Options de couverture des besoins électriques ou thermiques par la cogénération
Source : Méziane Boudellal - « Cogénération et micro-cogénération »
On voit se dessiner plusieurs stratégies-types. Si M. Martin a peu d’argent à investir, il se
contentera de couvrir ses besoins de base, et fera appel à une source d’énergie
complémentaire lorsque ses besoins augmentent. Alors la cogénération ne couvrira qu’une
Besoin ponctuelmaximum
Puissance de l'unité decogénération
Besoin annuel moyen Besoin de base
KW
h
COUVERTURE DES BESOINS ÉLECTRIQUES / THERMIQUES DE
L'UNITÉ DE COGÉNÉRATION
Appoint
Vente éventuelle de surplus
47 ASSOCIATION P’AIX 21
faible partie de ses besoins et n’aura que peu d’impact sur sa facture finale, sans compter qu’il
ne pourra pas valoriser une éventuelle production excédentaire sur le marché.
Au contraire, si M. Martin ne regarde pas à la dépense, il dimensionnera son installation
afin qu’elle puisse couvrir tous ses besoins à tout moment. Son unité sera donc
surdimensionnée la plupart du temps, il pourra éventuellement vendre son électricité
excédentaire sur le réseau, mais perdra la production de chaleur, soit un gaspillage pur et
simple.
Enfin, en déterminant un niveau entre ces deux extrêmes, M. Martin se prémunit du
gaspillage et d’un appel trop massif vers un système d’appoint externe, tout en jouant sur la
rentabilité de son installation par la vente éventuelle de surplus.
Ce schéma simple suppose l’utilisation constante de l’unité tout au long de l’année. Or un
tel usage n’a pas de sens : les courbes électriques et surtout thermiques annualisées montrent
bien que nos consommations sont très fortement dépendantes de la saison. Il est donc
absurde de faire fonctionner une unité de cogénération en plein été, lorsque les besoins
thermiques sont quasi nuls et les besoins électriques grandement diminués. L’optimisation
nécessite donc d’adapter constamment l’unité aux variations du climat pour le thermique, tout
en anticipant les délais nécessaires pour qu’elle atteigne sa pleine puissance.
Donc le principal avantage de la cogénération, sa non-intermittence, est un trompe l’œil :
se fiant à une source d’énergie constante, on se doit d’adapter sa consommation en fonction
de la capacité de l’unité. On est donc dans une démarche similaire à celle qui prévaut pour les
énergies renouvelables intermittentes.
Les principaux inconvénients de ces unités sont toutefois nombreux. D’abord, le prix est
très élevé (18000€ environ pour l’unité la plus vendue en Europe, la Dach 5kW). Ensuite, une
fois les frais fixes engagés, il faudra encore s’approvisionner en combustible, donc engager des
frais variables supplémentaires. Ces unités sont par ailleurs souvent lourdes (une centaine de
kilos au moins), ce qui rend compliqué leur fixation à une paroi, et bruyantes. Enfin leur
complémentarité chaleur / électricité convient mieux à des usages intensifs : hôtels, bureaux,
écoles, casernes de pompiers, habitat collectif…
Le GEG de Grenoble : étude de cas
Le GEG (Gaz et Electricité de Grenoble) est l’entreprise locale de distribution
de l’énergie (ELD) depuis plus d’un siècle, et fonctionne en statut de Société
d’Economie Mixte. GEG a, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir
GreenLys portant sur les réseaux électriques intelligents, développé un projet
pilote de cogénération pour un immeuble de 125 logements. Chauffage et
électricité de l'immeuble sont fournis depuis fin 2012 par une cogénération au gaz
naturel, 365 jours par an. L’optimisation heure par heure est gérée à distance par
GEG, ce qui lui vaut improprement le terme de « smart grid », puisque seul
48 ASSOCIATION P’AIX 21
l’opérateur bénéficie du suivi des données. Le réseau peut en tout cas être géré de
manière décentralisée et autonome. En cas de surplus de production de chaleur
et/ou d’électricité, il n’est pas précisé ce qu’il advient de ce surplus.
De nouveaux débouchés pour ces unités semblent émerger, avec notamment :
La trigénération (qui inclut la production de froid)
La charge de véhicules électriques (avec le développement de supercondensateurs).
Autoproduction, Autoconsommation
Le développement d’unités individuelles de production n’est pas sans incidence sur le
secteur énergétique : l’équilibre réseau ne se gère pas de la même manière, et la formation
des prix doit être revue. En effet, une partie non négligeable des coûts de l’électricité sont
générés par l’acheminement de l’électricité sur les réseaux de distribution et de transport : en
France, le TURPE12 représente jusqu’à 46% d’une facture individuelle ! (source : CRE13). Des
taxes y sont prélevées, servant à leur tour à financer les investissements sur ces mêmes
réseaux. Qu’advient-il si les kWh produits proviennent progressivement d’installations
individuelles et si ces kWh sont consommés sur place ? Sur la demande du Ministère de
l’Ecologie, un groupe de travail s’est constitué (sous l’égide la DGEC14) et a rendu ses
préconisations sur le sujet en Juillet 2014.
Il faut tout d’abord distinguer ces deux notions très proches : l’autoconsommation est « le
fait de consommer tout ou partie de l’énergie que l’on produit », et l’autoproduction est « le
fait de produire tout ou partie de l’énergie que l’on consomme ». Donc l’autoconsommation
renvoie à une notion d’arbitrage, à savoir ce que M. Martin fait de l’électricité qu’il a produite :
la consomme-t-il ou la revend-il au réseau ? L’autoproduction, elle, renvoie à une notion
d’autosuffisance, à savoir dans quelle proportion l’installation de M. Martin lui permet de
subvenir à ses besoins ? C’est la combinaison de ces deux considérations qui vont déterminer
l’optimum financier du projet de M. Martin, et le dimensionnement de son installation. Mais
un troisième point devrait être mis en avant, peut-être même avant les considérations
financières (puisqu’il a une incidence sur elles) : celui de l’adaptation de son profil de
consommation à ses capacités de production.
Dans la configuration actuelle, l’autoconsommation et l’autoproduction sont
extrêmement restreintes, malgré le nombre croissant de panneaux photovoltaïques installés
sur les toitures des particuliers. La « faute » aux politiques de soutien aux énergies
renouvelables, qui ont instauré un tarif de rachat de l’électricité d’origine renouvelable,
(parfois très) supérieur au prix de vente habituel. Chaque citoyen ou producteur d’électricité
est donc incité à (i) installer des panneaux solaires ou des éoliennes, et (ii) réinjecter la totalité
12 TURPE : Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité 13 CRE : Commission de Régulation de l’Energie 14 Direction Générale de l’Energie et du Climat
49 ASSOCIATION P’AIX 21
de sa production sur le réseau, puisque la valeur de chaque kWh produit est supérieure à celle
de chaque kWh évité.
En contrepartie de cet avantage financier, le producteur, qu’il soit une personne physique
ou morale, doit s’acquitter des taxes inhérentes à la production d’électricité. Notamment le
TURPE (tarif d’utilisation du réseau), qui comme son nom l’indique, facture l’utilisation des
réseaux de distribution, et dont le produit sert à rémunérer les gestionnaires de réseau (ErDF
et RTE en tête). Mais aussi la CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité) qui finance
les politiques relatives au caractère de bien essentiel conféré à l’électricité : la péréquation, le
tarif social, et le soutien aux énergies renouvelables. La péréquation, c’est l’équité territoriale :
où que nous habitions sur le territoire français, nous sommes soumis au même tarif. Cela
permet de faire reposer les frais de raccordement sur la nation et non sur une collectivité
particulière. Le tarif social, c’est la justice sociale, i.e. une déduction forfaitaire à laquelle ont
droit les plus démunis sur leur facture annuelle, car l’électricité est aussi un bien de première
nécessité. Les énergies renouvelables, c’est la responsabilité environnementale, c’est-à-dire
celle de l’Etat à garantir une production d’électricité la moins génératrice de gaz à effet de
serre possible.
L’intérêt pour l’autoconsommation émerge d’un constat : le coût des installations
renouvelables est en baisse continue depuis plusieurs années. C’est particulièrement vrai pour
le solaire, où la concurrence exacerbée couplée aux innovations technologiques ont réduit le
prix d’achat des panneaux solaires. Au fur et à mesure que les prix baissent, la rentabilité des
installations s’accroit naturellement : elle est donc moins dépendante des subventions (tarifs
de rachat, crédits d’impôts et autres exonérations). Si les coûts de production continuent de
suivre cette tendance à la baisse, les tarifs de rachat ne seront plus nécessaires et devraient
alors supprimés à plus ou moins brève échéance. C’est ce qu’anticipent d’ailleurs de nombreux
opérateurs sur ce marché. Ainsi, pour un particulier, s’approche le moment où il lui sera
préférable de consommer sa production que de la vendre sur le réseau. Car qui dit vente dit
soumission aux taxes et contributions, que l’on évite lorsque l’on auto-consomme. Ainsi, à
l’atteinte de la parité réseau, il y a un risque de transfert massif des individuels équipés de
panneaux solaires vers l’autoproduction, toutes choses égales par ailleurs. Et un risque que les
autres individuels, après un bref calcul économique, décident de s’équiper à leur tour et
d’autoproduire.
Si l’on ajoute la recherche constante d’un équilibre entre offre et demande sur le réseau,
et que le volume des productions décentralisées est plus difficile à prévoir que celui des
grandes unités de productions, alors l’autoconsommation et l’autoproduction sont plus
aisément vues comme des dérèglements que l’on subit que comme des opportunités à saisir.
Le cœur de la réflexion de ce groupe de travail est précisément là : comment anticiper les
effets de l’autoconsommation sur les équilibres tant physiques que financiers du secteur
électrique, déjà fortement précaires ? D’un point de vue économique, la parité réseau une fois
franchie, le développement de l’autoconsommation équivaut à (i) l’abandon du tarif de rachat
et (ii) le rétrécissement de l’assiette du TURPE et de la CSPE. Si les pertes du point (ii)
dépassent les gains du point (i), la collectivité sera déficitaire. Il faudra alors augmenter les
taxes pour retourner à l’équilibre, qui seront supportées par moins de personnes : il s’agit d’un
50 ASSOCIATION P’AIX 21
transfert des charges de solidarité et d’équité de la part d’une minorité croissante
d’autoconsommateurs, au détriment d’une majorité décroissante de citoyens connectés au
réseau.
La proposition du groupe de travail est donc de créer une prime pour
l’autoconsommation, où l’on applique un coefficient à la quantité autoproduite et un autre à la
quantité injectée, que l’on pondère par la capacité maximale d’injection de l’installation pour
éviter les pointes d’injection préjudiciables à l’équilibre réseau.
Ainsi, la solution préconisée correspond à une planification de l’autoproduction par l’Etat,
via des signaux-prix incitatifs que l’on corrige selon que l’on est au-dessus ou en dessous des
prévisions établies. Ce qui ressemble à s’y méprendre à la logique des tarifs de rachat ! Il n’y a
donc, une fois encore, pas de place pour l’arbitrage individuel, car le citoyen est un acteur
irresponsable en puissance, et que l’objectif final est bien l’optimisation du réseau pris dans
son ensemble. En appliquant des coefficients modifiables, on réintroduit la même incertitude
de rentabilité qui prévalait avec les tarifs de rachat et qui ont conduit à brider le
développement des énergies renouvelables en France. Enfin, un point permet d’illustrer à lui
tout seul l’absurdité de tels systèmes : il est selon le groupe de travail indispensable de
comptabiliser l’énergie autoproduite, ne serait-ce que pour comptabiliser la part des ENR dans
le mix national et livrer des indicateurs indispensables au suivi des recommandations
européennes. L’objectif de la transition énergétique serait donc purement comptable ?
L’intention est certes louable dans un contexte de transition, à savoir de période
transitoire dont on doit évaluer la qualité de l’évolution. Mais elle va de pair avec les peurs
exprimées à demi-mot, à savoir que les ENR deviennent la norme et les unités centrales
l’exception, et que cela remette en cause le mode de financement global du réseau national.
Or si l’autoproduction devient la norme, alors la problématique des pointes (soutirage et
injection) à l’échelle individuelle a elle aussi vocation à s’estomper, c’est même la principale
caractéristique d’une transition énergétique réussie, c’est-à-dire prise en main par les citoyens
eux-mêmes. Le foisonnement des sources d’énergie est une source de lissage des pointes, la
maitrise de la consommation en est une autre, et, à terme, le développement des technologies
de stockage sera à même de définitivement éliminer le problème des pointes.
Réglementation pour l’autoconsommation
L’installation d’une toiture photovoltaïque sera soumise à des règles différentes selon que
son électricité produite sera revendue sur le réseau ou consommée.
Dans le premier cas, la revente permettant de bénéficier de tarifs de rachat attractifs,
l’installation sera soumise à des règles strictes – ce qui est logique pour éviter des éventuels
abus – mais confinant parfois à l’arbitraire. Sans rentrer dans les détails (une simple demande
auprès de votre ALE ou de votre fournisseur vous donnera l’intégralité des démarches), il suffit
de signaler le tarif différencié selon que votre installation sera intégrée au toit ou simplement
posée sur celui-ci. Dans le premier cas le tarif sera supérieur (25,39c€/kWh au 31 décembre
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2015) mais l’installation nécessite l’intervention d’un professionnel pour la dépose d‘une
partie de la toiture afin d’y intégrer les panneaux. Dans l’autre cas, le tarif est plus faible
(6,12c€/kWh au 31 décembre 2015) mais il suffit de poser l’installation sur la toiture, à un coût
plus compétitif que l’intégration. Ce n’est pourtant pas le différentiel d’investissement qui
justifie un différentiel inverse de tarif de rachat : il s’agirait de préserver l’unité architecturale
des toitures, propre à chaque région…
Cette aberration a conduit l’immense majorité des citoyens intéressés à choisir
l’intégration au bâti, car en l’état actuel la seconde option offre un tarif en-dessous des prix du
marché : acheter à 10c€ et vendre à 6c€ n’est évidemment pas un choix économique
pertinent. On a donc artificiellement favorisé une filière plus chère, qui ne permet pas de
développer des compétences spécifiques exportables (les autres pays pratiquent la
surélévation plutôt que l’intégration), et qui en outre pose des problèmes techniques sérieux,
notamment sur l’étanchéité de la nouvelle toiture composite.
Pourtant, plusieurs particuliers ont choisi l’option de la surélévation, conseillés en la
matière par le GPPEP (groupement des particuliers producteurs d’électricité photovoltaïque,
www.gppep.org). Mais leur approche est radicalement différente de celle sous-jacente aux
tarifs de rachat : l’objectif est de pouvoir consommer la totalité des kWh produits par votre
installation. Il faut donc dimensionner votre installation de manière à ce que votre pic de
production entre midi et 14h n’excède pas votre consommation moyenne à cette heure-
là (voir graphique ci-dessous).
Figure 9 : Exemple-type de courbes de consommation et de production d’un foyer
Source : GPPEP, « Guide de l’autoconsommation », mars 2015
L’intérêt d’une telle démarche est de ne pas chercher une rente économique soumise aux
variations politiques (pour information, les tarifs de rachat disparaissent les uns après les
autres, d’abord l’hydroélectrique en 2014, l’éolien étant programmé pour 2017), mais bien
plutôt une baisse garantie de notre consommation réseau. Une telle installation, bien
dimensionnée et accompagnée d’une programmation intelligente de nos appareils électriques
52 ASSOCIATION P’AIX 21
programmables (électro-ménager, moteurs de piscines, etc.), peut conduire à une réduction
nette de notre consommation réseau entre 20 et 30%.
Or dans ce cas de figure, la réglementation en vigueur est assez simple, en raison du flou
qui entoure une démarche mue par la sobriété plutôt que par le gain financier. Il suffit de
déclarer votre installation auprès du fournisseur et d’effectuer une demande préalable pour
l’installation sur toiture auprès de votre mairie. Néanmoins, vous restez tributaire du bon
vouloir de votre Mairie en matière d’énergies renouvelables, ou de l’état de vos relations avec
votre Maire…
Que se passe-t-il si malgré une programmation optimale, les kWh produits ne sont pas
intégralement consommés par votre foyer ? Actuellement ils sont réinjectés gratuitement sur
le réseau, et seront probablement consommés par votre voisin le plus proche (l’électron
empruntant toujours le chemin le plus court). C’est une sorte de solidarité par défaut, que le
GPPEP souhaiterait formaliser en demandant la comptabilisation de l’énergie non consommée
afin qu’elle soit reversée en faveur de la précarité énergétique.
Figure 10 : Exemple d’installation PV branchée sur réseau
Le stockage individuel
Le développement de solutions individuelles de stockage de l’électricité est un objectif
recherché par nombre d’entreprises parmi les plus innovantes, qui voient dans le stockage
individuel l’accélérateur de la transition énergétique à l’échelle planétaire, et donc un
formidable marché à conquérir. Les premières batteries fonctionnaient au plomb, ce qui les
rendait extrêmement lourdes et les résrvait à des usages d’urgence. Le développement des
batteries au lithium a permis des réductions considérables de poids, et a permis de
démocratiser l’usage des batteries via les technologies de communication : à l’heure actuelle,
on utilise essentiellement des batteries pour nos ordinateurs ou nos téléphones portables.
Une installation sur toute toiture disponible…
…branchée à un onduleur … ...le tout raccordé sur secteur par une simple prise !
53 ASSOCIATION P’AIX 21
Néanmoins, rapportée à la puissance générée et à la capacité de stockage, la batterie au
lithium est encore relativement lourde et limitée dans ses usages.
Cela n’a as empêché les filiales de production des batteries de connaitre ces dernières
années un véritable boom, tirées par le développement industriel (maintes fois annoncé dans
le passé) des véhicules électriques. Vélos, voitures, utilitaires et même bus électriques sont
proposés par les constructeurs automobiles historiques ou par de nouveaux constructeurs
ambitieux (Bolloré, Tesla) et envahissent peu à peu notre quotidien.
Dès les prémisses du développement de ce marché, la gestion des batteries a été une
question centrale. L’autonomie des véhicules est assez faible (en tout cas bien inférieure à
celle d’un véhicule équivalent à moteur thermique) et le temps de recharge est long, pouvant
durer plusieurs heures en recharge sur prise standard. Pour répondre à ces faiblesses qui sont
une barrière majeure pour le développement du véhicule électrique, des superchargeurs ont
été mis au point, notamment par Tesla, et sont capables de recharger la batterie d’un véhicule
en quelques minutes seulement. Judicieusement quadrillés sur un territoire donné, ces
superchargeurs remplissent les mêmes fonctions que nos traditionnelles stations-service.
Sauf que la grande majorité des déplacements se font quotidiennement sur de courtes
distances de quelques kilomètres à peine : typiquement le trajet domicile-travail. Certains se
sont alors posés cette question : que faire alors de l’énergie stockée dans la batterie de votre
véhicule lorsqu’il ne roule pas ? La réponse est que vous pouvez l’utiliser en inversant le sens
du courant : de récepteur, la batterie devient émetteur et peut servir à alimenter le réseau
électrique. C’est particulièrement pertinent lorsque votre véhicule est garé chez vous le soir.
La fin de journée et début de soirée correspondent aux pics résidentiels de consommation : si
plutôt que de solliciter le réseau on sollicite l’électricité stockée dans la batterie de son
véhicule, on réduit d’autant notre consommation. De manière agrégée, on limite ainsi le
recours à des énergies de pointe (typiquement des centrales thermiques), ce qui diminue les
coûts pour la collectivité et le gestionnaire de réseau.
Cette approche est très séduisante, et a fait l’objet de nombreuses études prospectives,
jusque dans les documents de planification des territoires (à l’instar de la région PACA). Mais
elle n’évacue pas, mais souligne au contraire les limites de la batterie individuelle. L’usage des
superchargeurs, d’une part, n’est pas neutre sur le réseau. L’appel de puissance qu’ils génèrent
est extrêmement élevé, et chaque utilisateur de véhicule électrique pouvant à tout moment
s’en servir, on peut anticiper des appels de puissance majeurs et imprévisibles sur le réseau.
Quelle production pourra instantanément répondre à de tels besoins, et comment planifier
cette production ? D’autre part, utiliser la batterie comme émetteur d’électricité peut
également perturber l’équilibre des réseaux si cette option est uniquement gérée par les
particuliers selon leurs besoins propres.
Un autre problème de taille se présente : le recyclage de ces batteries, chargées en
métaux lourds dangereux pour l’homme et pour l’environnement. Cette question est
particulièrement sensible alors que l’on annonce la commercialisation de batteries
domestiques à usage individuel (permettant de stocker l’énergie issue d’une installation
54 ASSOCIATION P’AIX 21
photovoltaïque par exemple). Comment s’assurer alors que des millions de batteries
domestiques soient correctement installées, suivies, changées à temps et proprement
récupérées pour leur traitement et recyclage ?
Face à ces interrogations légitimes, une approche collective est nécessaire. Il est
indispensable d’intégrer la gestion du réseau lorsque l’on aborde la question du stockage, et
de ne pas fonder l’ensemble des espoirs que le stockage suscite sur des seules solutions
individuelles.
CHAPITRE VII
M. MARTIN SE LANCE DANS UN PROJET COLLECTIF DE PRODUCTION
En abordant dans le chapitre précédent les possibilités de production individuelle, nous
avons commencé à entrevoir en quoi les énergies renouvelables nous obligent à reconsidérer
le secteur de l’électricité dans sa globalité. Comme le dit J. Rifkin dans son ouvrage « la
troisième révolution industrielle », la rencontre entre de nouveaux outils de communication et
de nouvelles formes d’énergie est la condition nécessaire pour l’avènement d’une nouvelle
révolution industrielle. Celle-ci aurait des conséquences économiques (structure des
entreprises, type d’emplois) mais également sociales (aménagement du territoire,
transports…). Selon Rifkin, tous les éléments convergent pour faire du « foyer » l’unité de
production, à la fois autonome et connectée, de l’avenir. Autonome car autosuffisante en
énergie, capable de produire grâce aux imprimantes 3D par exemple, ou de réaliser les tâches
assignées via le télé-travail. Connecté car capable de vendre le produit de son travail par
internet. Tout ceci aurait pour conséquence de rendre la concentration du capital actuelle, à
des niveaux record, caduque, nous passerions d’une économie verticale du pétrole à une
économie transversale des énergies renouvelables.
Mais cette vision, séduisante, structurée, théorique, se heurte à une réalité toute
humaine : l’homme s’est toujours regroupé pour unir ses forces, que ce soit pour chasser à
l’époque du paléolithique, pour se protéger des attaques de pillards dans les villes et villages
de l’Antiquité à nos jours, ou pour arriver à une organisation du travail plus efficace, avec sa
consécration formelle réalisée par Adam Smith, père de l’économie classique. Si l’on considère
cette tendance comme « naturelle » chez l’être humain, quelle forme prendrait le
regroupement au sein de cette nouvelle société pressentie par Rifkin ?
Revenons donc à M. Martin, habitant d’une zone périurbaine. Si le regroupement
présente pour lui un intérêt, il se fera avec ses voisins : l’échelle est donc celle du quartier en
zones urbaines et péri-urbaines, qui ne sont rien de plus que la version moderne du village en
zone rurale.
55 ASSOCIATION P’AIX 21
En premier lieu, quel serait l’intérêt d’une démarche collective ? Celle-ci peut viser à
pallier aux déficiences individuelles à produire de l’électricité de manière optimale. Le terrain
de M. Martin pourrait être trop ombragé par rapport à celui de son voisin, qui pour un même
investissement produirait bien plus d’énergie photovoltaïque que M. Martin. A l’inverse, la
toiture de sa voisine, qui a créé une petite terrasse de style tropézien à l’étage, n’est plus assez
grande pour produire correctement.
Le projet collectif peut aussi viser à augmenter la performance atteignable en investissant
sur le lieu du quartier le plus propice à une production d’origine renouvelable. Il peut s’agir
d’une étendue non cultivable, orientée plein sud et non ombragée pour du PV, ou du sommet
d’une hauteur voisine pour de l’éolien. Là, le choix collectif ne serait pas plus intéressant pour
certains mais pour tous les habitants.
Enfin, le projet collectif peut viser à garantir la production lorsque les productions
individuelles fléchissent. On peut imaginer un projet éolien qui assurerait la génération
d’électricité quand le vent souffle les jours et soirs d’hiver, en lieu et place des installations PV
individuelles. Ou une petite turbine installée dans le cours d’eau le plus proche. Dans ce cas de
figure, le lissage des courbes de production se fait par mutualisation des moyens de
production.
Imaginons que M. Martin et ses voisins s’accordent sur un projet suffisamment ambitieux
pour couvrir une partie significative des besoins de tous, comment doivent-ils agir pour
réaliser leur projet ? Il faut bien sûr s’assurer de la faisabilité du projet, obtenir les
autorisations nécessaires, consolider le financement, bref, des démarches difficiles pour des
citoyens non avertis. Ces étapes pourraient être assurées par des intermédiaires qui ne
manqueraient pas d’émerger si le marché se révélait porteur. Ce rôle d’intermédiaire pourrait
aussi être confié à des agences dédiées des collectivités, fonctionnant en régie ou sous le
régime de la concession.
Mais là où réside la barrière la plus insurmontable, c’est dans la législation relative au
raccordement. Car en France comme dans de nombreux autres pays, le raccordement est une
obligation individuelle, on ne peut pas la mutualiser. Il faut impérativement un boitier pour
chaque foyer, qu’il soit consommateur ou consommateur et producteur. Et les frais et les
délais de raccordement sont dissuasifs. Dans cette configuration, il est très difficile de voir
émerger des projets collectifs autres que militants, et l’on s’en remet, encore une fois, aux
subsides publics : prime au kWh, tarif de rachat préférentiel, exonération ou crédit d’impôt à
l’installation, etc.
Une solution pourrait être d’installer le point de raccordement en amont de l’ « îlot »,
c’est à dire en sortie de production. Mais alors surgit un autre problème : comment taxer le
raccordement de chaque habitant au point de raccordement ? Etant raccordés, ils sont soumis
aux mêmes taxes (CSPE et TURPE), alors que la distance de raccordement n’est que de
quelques hectomètres. Pourtant, prendre en compte la distance, c’est remettre en cause la
péréquation, ce qui est socialement difficilement acceptable.
56 ASSOCIATION P’AIX 21
Sauf si l’on raisonne en îlots et non plus en particuliers. Car ce qui est fondamental, dans la
défense de l’équité territoriale, c’est bien la péréquation jusqu’en bout de chaine, mais rien
n’empêche de terminer la chaine à l’îlot de quartier plutôt que chez M. Martin.
Le financement participatif
Une autre manière d’agir, plus simple, est de mobiliser du capital citoyen pour tout projet
d’ENR à visée locale. Des exemples existent en France, via la coopérative « Energies
partagées ». Le fonctionnement est similaire à celui de toute plateforme de crowdfunding.
Tout un chacun peut décider, plutôt que de confier la gestion de son épargne à son banquier,
de s’improviser investisseur en décidant ce qu’il ou elle veut financer. On peut ouvrir le capital
citoyen à tous ou le limiter selon des critères géographiques (réservé aux habitants de la
localité où le projet verra le jour par exemple), financiers (pas plus de x€ investis par
investisseur pour garantir l’aspect collectif du projet), etc.
Une autre option est de faire appel à du cofinancement citoyen dans le cadre d’une
société d’économie mixte. Ainsi en est-il de la commune de Puy Saint-André, dans les Hautes
Alpes (voir encadré page 80).
Les projets collectifs à vocation commerciale
Tout projet citoyen est justifiable pour assurer un apport d’énergies renouvelables à des
consommations individuelles agrégées. Mais on peut également réfléchir à du capital citoyen
mobilisé comme un investissement productif. Une sorte d’avatar énergétique des livrets A,
dont la collecte sert à financer le logement social. Ici, l’argent collecté servirait à financer la
transition énergétique.
Ce qui distinguerait ce type de projet à ceux à vocation uniquement participative, est qu’il
peut financer des implantations hors résidentiel, sur des sites industriels ou tertiaires par
exemple. Il est préférable d’éviter à priori les terrains agricoles, au risque de réduire encore un
peu plus la quantité de terres arables, déjà soumises aux terribles pressions de l’urbanisation.
En investissant les terrains dédiés aux activités économiques, on peut également changer
d’échelle : combien de modules installables sur le toit d’un parking, quelle limite à la puissance
d’une éolienne installée en bordure de raffinerie ? Ce genre de projets existe déjà, mais en
général ils sont réalisés par le propriétaire du site : gérant de centre commercial, grand groupe
industriel… Il est tout à fait envisageable de rendre obligatoire une proportion minimale de
capital citoyen, voire d’y ajouter des clauses de livraison de l’électricité générée à des tarifs
préférentiels aux actionnaires citoyens.
57 ASSOCIATION P’AIX 21
Conclusion
Pour tout projet faisant appel à du capital citoyen, il faut un outil efficace de collecte de ce
capital. On en revient à la comparaison avec le livret A : c’est un des produits d’épargne
préférés des Français, qui y reconnaissent une utilité sociale en même temps qu’une source –
parfois faible mais toujours garantie – de revenus. Par contre il n’existe aucun fléchage de
votre épargne : vous ne pouvez pas savoir quel est le logement social qui a été construit,
rénové ou subventionné par votre compte. Une institution financière publique ; la Caisse des
dépôts et Consignations, est chargée de la collecte des fonds issus des livrets A des Caisses
d’Epargne et utilise ce capital pour prêter aux offices publics de l’habitat (OPH), à des taux
préférentiels.
Or la dimension territoriale de la transition énergétique revêt une importance capitale :
les citoyens doivent pouvoir se fournir à des sources locales, visuellement identifiables et
suffisamment proches pour éviter les pertes en réseau. Dans le cas où l’on nous offrirait
d’investir du capital citoyen à des mégaprojets situés à des milliers de kilomètres de notre
résidence, alors nous ne sortirions pas de la logique actuelle. Nous nous contenterions d’un
saupoudrage car aucune collecte citoyenne ne peut mobiliser assez rapidement autant de
capital qu’une levée de fonds sur les marchés financiers.
Aujourd’hui, des plateformes de crowdfunding telles qu’Ulule et Kisskissbankbank gèrent
efficacement et de manière transparente des projets à composante citoyenne. Les outils
existent, ils sont simples d’utilisation. Dans le cas de projets d’énergies renouvelables,
quelques adaptations pourraient être nécessaires (pour garantir la proximité géographique,
déterminer le site idoine…) mais sans changer la logique fondamentale du crowdfunding. Non,
la barrière se situe principalement au niveau du raccordement de telles installations : en
d’autres termes, quel est le cheminement emprunté par l’électricité produite avant de
rejoindre le réseau ? Si cette problématique est repensée au bénéfice du citoyen, les projets
collectifs essaimeront sur tout le territoire.
58 ASSOCIATION P’AIX 21
TROISIEME PARTIE
DU CITOYEN A LA NATION, LES EFFETS
MACROECONOMIQUES
CHAPITRE VIII
LES ACTEURS DE L’ENERGIE EN FRANCE
Les distributeurs
On a tendance à croire que celui qui vous fournit votre électricité est le même que celui
qui l’a produite et acheminée via des réseaux de transport (les pylônes haute tension, qui
traversent champs et collines) et de distribution (les pylônes basse tension, qui longent nos
routes et nos chemins). C’était vrai, jusqu’à une directive européenne exigeant de séparer les
activités de monopôle naturel que sont le transport d’électricité des activités de concurrence
potentielle, que sont la production et la fourniture. En effet, on peut ouvrir une centrale
thermique pour concurrencer une centrale nucléaire, on peut en tant que fournisseur
proposer des tarifs différenciés pour viser tel ou tel cible de clientèle, mais il serait absurde de
construire deux lignes à haute tension parallèles sur un même trajet pour des raisons de
concurrence.
L’opérateur historique, EDF, a donc dû se séparer des activités de transport et de
distribution, respectivement assurées par RTE et ErDF. Celles-ci remplissent une mission de
service public et sont donc en situation de monopole, n’est-ce pas ? Eh bien non, pas tout à
fait.
Historiquement, le développement de l’électricité s’est fait à partir des ressources
hydrauliques, et de nombreux barrages ont vu le jour sur une grande partie des cours d’eau de
France. Ces structures locales par nature étaient nombreuses, souvent de petite taille, et de
capital divers (public, privé, mixte) : nous étions donc dans une configuration d’économie de
proximité.
Au sortir de la deuxième guerre mondiale, les politiques de reconstruction impulsées par
le général de Gaulle ont inclus la création d’un pôle national de l’énergie. Pour cela, il a été
59 ASSOCIATION P’AIX 21
décidé par la loi de 1946 de nationaliser l’ensemble de ces petites structures territorialisées et
de les regrouper sous une unique entité : EDF-GDF. Ses activités allaient de la production à la
fourniture, en passant par la gestion des réseaux de transport et de distribution. Réseaux de
distribution qui eux, restaient la propriété des communes qu’ils traversaient. Ces communes
n’ayant pas la compétence de gérer les réseaux elles-mêmes, confiaient donc la gestion à EDF-
GDF via un contrat de concession exclusif. Seuls quelques communes eurent le choix
d’échapper à l’obligation de monopôle, si les entreprises en charge de la distribution sur leur
territoire appartenaient aux dites communes. Ainsi, quelques 150 régies municipales
survécurent à la création d’EDF et continuent de fonctionner à ce jour, couvrant environ 5% du
territoire métropolitain. Ce sont les « entreprises locales de distribution » (ELD). Elles se
situent souvent dans des territoires isolés (zones rurales ou de montagne) ou dans des régions
administrativement particulières (l’Alsace-Lorraine).
Donc si RTE est bien un monopôle, ErDF est quant à lui en situation de quasi-monopole :
mais on peut noter que la présence de 150 acteurs sur ce marché ne lui confère pas pour
autant une caractéristique concurrentielle : chaque acteur dispose d’un territoire
« inexpugnable », donné une fois pour toutes. Chacun est donc en monopôle chez lui, les
frontières sont fixées une fois pour toutes.
Enfin, RTE et ErDF partagent une caractéristique qui peut paraitre incongrue aux yeux de
l’esprit de la Directive Européenne : toutes deux ont un statut de filiale d’EDF. Or non
seulement EDF n’est plus entièrement public (13% de son capital est détenu par des
institutionnels, et ce pourcentage pourrait varier si l’Etat décide d’une nouvelle ouverture de
capital), mais il évolue sur un marché concurrentiel. Sa relation « privilégiée » avec les
gestionnaires de réseau peut donc poser problème. Spécifiquement, quatre membres sur
douze du conseil de surveillance de RTE, et six membres sur quinze du conseil de surveillance
d’ErDF, sont issus d’EDF. Néanmoins, cette relation s’expliquant par le poids de l’histoire, il est
normal que la déconnexion prenne un certain temps. Toute la question est de savoir si le lien,
jusqu’ici progressivement dénoué, suivra la même tendance dans les années à venir, puisque
ce mouvement est de nature politique. Et subsidiairement, si l’Etat pourra non seulement
racheter le capital de ses deux filiales à EDF, mais aussi récupérer leurs dettes.
Si RTE est par nature un gestionnaire à vocation centralisée, ErDF a été originellement
créée pour être au plus près des territoires. Depuis sa création, elle dispose de directions
régionales, qui selon l’article 2 de la loi de 1946 avaient vocation à devenir des
« établissements publics régionaux de distribution ». Remise au goût du jour, l’article de cette
loi jamais abrogée permettrait donc théoriquement que ces entités soient placées sous
l’autorité des régions. L’intérêt serait alors d’avoir une véritable mission de service public
décentralisé.
60 ASSOCIATION P’AIX 21
Les producteurs
La loi de 1946 : Au sortir de la seconde guerre mondiale, l’Etat reprend en main la
reconstruction économique d’un pays dévasté. Parmi les vastes opérations de nationalisations,
celle de l’énergie est exemplaire. Près de 1800 entreprises sont nationalisées15 pour former
une nouvelle entreprise d’Etat : EDF. Toutes les compétences traditionnelles de l’électricité y
sont regroupées : production, transport, distribution, fourniture, import-export. La création
d’EDF représentera 60% des indemnisations pour nationalisation de l’Etat Français durant
l’après-guerre16.
Depuis la libéralisation du secteur, la production est ouverte à la concurrence. Mais le
poids de l’opérateur historique reste quasi-monopolistique : 90% de la production française
(dont 85% issus des centrales nucléaires). Le reste se répartit entre la Compagnie Nationale du
Rhône (3%, intégralement hydraulique, actionnaire majoritaire GEDF Suez), la SNET (2%,
centrales thermiques, détenue par l’allemand E.ON), puis d’autres acteurs de moindre
envergure tels que Direct Energie ou quelques régies localisées.
La fourniture (ou commercialisation) est elle aussi ouverte à la concurrence, et l’on
retrouve les principaux producteurs ainsi que quelques nouveaux acteurs qui se fournissent
auprès de l’opérateur historique, de petits producteurs, ou sur les marchés (voir chapitre 9).
Ces nouveaux venus visent encore des segments précis du marché (on peut citer entre autres
Edenkia, Expelia, Enercoop, Energem, ou les étrangers Vattenfall ou Enovos), en attendant que
le processus de libéralisation franchisse de nouvelles étapes, notamment la fin des tarifs
réglementés. Au 1er janvier 2016, ce sont les tarifs réglementés jaune et vert, à destination des
industriels, qui seront supprimés. La libéralisation totale, interviendrait à partir de 2017 au
mieux lorsque les tarifs particuliers réglementés (tarifs bleus) seront supprimés.
En attendant, la « libéralisation » du secteur est surtout un vœu pieux : EDF garde la main
tant sur la production que sur la commercialisation. Les tarifs réglementés stérilisent pour
l’instant tout processus d’ajustement des prix par la concurrence. Sans compter qu’outre le
parc nucléaire où il dispose d’un monopôle absolu, EDF exploite environ 80% des barrages du
pays.
Revenons à la loi de 1946 : toutes les unités de production furent nationalisées à l’époque,
et ce jusqu’à l’ouverture à la concurrence en 2007. Par conséquent, toute unité de production
construite depuis 2007 est de la propriété de l’opérateur qui l’a financée. Mais les unités
« historiques » appartiendraient, elles, à EDF. Mais là encore, il faut y regarder de plus près. En
fait, dans le cas des unités hydroélectriques, il s’agit de concessions d’Etat. Mais jusqu’à
présent, l’attribution et le renouvellement des concessions se faisaient naturellement au seul
opérateur habilité, EDF. Sauf que l’ouverture à la concurrence change la donne et oblige le
Gouvernement à se poser la question du mode de gestion de ces concessions. Sans rentrer
dans les détails, il faut comprendre l’intérêt du gisement hydraulique à l’échelle mondiale. Il
15 Didier Lenoir : « Energie, changeons de cap » 16 http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=AHE_001_0053
61 ASSOCIATION P’AIX 21
représente en France 75% des énergies renouvelables et environ 15% de la production
française. A l’échelle mondiale, il représente 16,2%17. Or la plupart des barrages sont, en raison
de leur ancienneté, déjà largement amortis. Ce qui fait de l’énergie hydraulique l’une des
sources, sinon la source de production la moins chère au monde ! Les seuls investissements
sont la maintenance et éventuellement la mise en conformité des sites à de nouvelles et plus
contraignantes normes environnementales. Les barrages ont une durée de vie variable, mais
toujours supérieure à n’importe quelle centrale nucléaire : la rente qu’ils représentent
s’étalerait sur des décennies. Et enfin, les retenues d’eau sont à ce jour la seule option de
stockage de l’électricité à grande échelle. Les barrages constituent donc pour toutes ces
raisons un point central de la transition énergétique, non pour leurs perspectives de
développement (la plupart des potentiels sont exploités au niveau mondial pour la grande
hydraulique) mais pour la solidité financière qu’ils apporteraient à des acteurs impliqués dans
cette transition.
Le projet de loi sur la transition énergétique présenté par la Ministre Mme Royal
comporte quelques innovations qui méritent d’être citées. Il prévoit d’abord la possibilité de
regrouper les concessions hydroélectriques par grandes vallées, ce qui a l’avantage de
présenter une cohésion territoriale et écologique. Il permet en outre la création de sociétés
d’économie mixte pour la gestion des concessions hydroélectriques, permettant l’implication
des collectivités territoriales.
La Commission de régulation de l’énergie
La Commission de Régulation de l’énergie (CRE) a été créée dans la perspective de la
libéralisation du secteur. Si cette structure n’est pas propre à la France en Europe, elle illustre
bien, de par son fonctionnement, les profondes contradictions du système centralisé français,
notamment le foisonnement normatif et tarifaire qui, selon nous, ne concourt pas à
l’accélération de la transition énergétique mais bien à son grippement.
Car la CRE, institution publique indépendante, intervient sur à peu près toutes les
composantes économiques du secteur : du prix du kWh nucléaire revendu par EDF à ses
compétiteurs au tarif de rétribution des gestionnaires de réseau (TURPE), en passant par la
quantification des investissements nécessaires à la maintenance du réseau et par le lancement
d’appels d’offres pour les énergies renouvelables…
Les 6 membres du Collège de direction de la CRE sont désignés par décrets : 3 par le
Président de la République, 1 par le président de l’Assemblée nationale, 1 par le président du
Sénat et 1 par le Gouvernement. Les instances locales n’y sont donc pas représentées, les
producteurs, traditionnellement, si. Il existe donc un biais de gouvernance puisque le collège
aura une connaissance approfondie des enjeux de l’offre, mais pas nécessairement de ceux de
17 AIE : « Key world energy statistics 2015 »
62 ASSOCIATION P’AIX 21
la demande. Il est donc très difficile pour la CRE de se départir d’une vision planificatrice,
basée elle-même sur la programmation pluriannuelle d’investissements d’électricité : ce
document prospectif sur plusieurs années (le dernier couvre 2016 à 2019) est co-élaboré par le
Ministère du Développement Durable et le Commissariat général à la stratégie et à la
prospective. C’est sur la base de ce document que sont fixées les grandes lignes tarifaires du
secteur, en fonction des investissements estimés nécessaires, énergie par énergie. On prévoit
donc aussi bien le nombre de nouvelles tranches nucléaires à mettre en service que la
puissance totale appelée par des appels d’offre éoliens.
Nous l’avons dit, le collège de la CRE n’est pas pensé pour représenter la demande mais
l’offre. Que se passe-t-il alors lorsque les besoins ont été mal anticipés, notamment s’ils ont
été surestimés ? De même, que se passe-t-il si les attentes de projets d’énergies renouvelables
excèdent largement les capacités prévues dans les appels d’offre, ce qui tendrait à démontrer
la rentabilité de tels projets ? Va-t-on délibérément freiner le développement des énergies
renouvelables pour rester dans la ligne directrice du Plan ? Bien sûr, des possibilités
d’adaptation existent, mais on voit bien que c’est l’intégralité du secteur qui est pensée à
l’intérieur d’un carcan : moins les choses évoluent comme prévu, et plus ce carcan devient
obsolète.
63 ASSOCIATION P’AIX 21
CHAPITRE IX
LES EFFETS PERVERS DE LA CENTRALISATION
La production
Le système de production électrique français est basé sur la publication d’un document de
prospective piloté par le Ministère en charge de l’énergie18 : la programmation pluriannuelle
de l’énergie (PPE, anciennement appelé PPI, programmation pluriannuelle des
insvestisements). Ce document, véritable réminiscence des fameux « plans quinquennaux »
des années soixante-dix, est avant tout réalisé en fonction de considérations techniques. On
raisonne en termes de potentiel de l’offre, en faisant l’hypothèse d’une hausse continue et
irréversible de la demande électrique. Ceci justifiait jusqu’ici le recours croissant à l’énergie
nucléaire, abondante et aisément prévisible, couplée au développement de lignes à haute et
très haute tension pour acheminer cette production. Les énergies renouvelables étaient vues
comme une source d’intermittence et d’imprévision, en d’autres termes comme un problème.
Avec l’irruption d’un agenda climatique européen, comportant des objectifs quantifiés en
termes de développement des énergies renouvelables, chaque pays de l’Union Européenne a
dû mettre en place des politiques de soutien. En France, on décida d’affecter une partie de la
CSPE19 au financement de ces énergies. Comment ? En offrant aux producteurs d’énergie
renouvelable des tarifs de rachat : l’opérateur historique était obligé de racheter leur
production à un tarif unitaire très supérieur au tarif général, ce qui avait pour but de
rentabiliser les installations des producteurs mentionnés.
La faiblesse de ce dispositif est double. La première est son coût, très élevé puisqu’il
absorbe une part croissante des recettes de la CSPE à mesure que les ENR se développent en
France : on est ainsi passé de moins d’ 1Md€ en 2003 (date de la création de la CSPE) à plus de
4Mds€ en 201520. La seconde tient au système de révision des tarifs de rachat mis en place par
les autorités. Sa fréquence fut variable, mais avait lieu tous les semestres lors des premières
années. A une telle fréquence, il était impossible de calculer la rentabilité d’un projet
d’installation, qui met plusieurs années à se concrétiser (entre 1 et 3 ans en moyenne). Cette
« insécurité financière » doublée d’une insécurité juridique n’a pas favorisé un développement
sain du secteur, conduisant de nombreux acteurs à rechercher des effets d’aubaine. La
réponse du Gouvernement en 2010 fut radicale : la mise en place d’un moratoire sur les tarifs
de rachat pendant trois mois. De nombreuses entreprise du secteur ne s’en remirent pas et
disparurent simplement.
18 Actuellement il s’agit du Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie 19 Contribution au service public de l’électricité, payée par l’ensemble des consommateurs 20 Financement de la cogénération inclus
64 ASSOCIATION P’AIX 21
On peut expliquer par ce moratoire le retard pris par la France par rapport à d’autres pays
(Espagne, Danemark, Italie, Allemagne), et le faible nombre d’entreprises françaises dans le
secteur des ENR. Mais plus globalement, on peut regretter que les autorités n’aient pas mieux
anticipé la logique contre-productive du système des tarifs de rachat : plus ceux-ci sont élevés,
donc intéressants, plus le coût pour la collectivité est élevé. L’objectif suprême de l’Etat, qui
est celui de l’intérêt général, le pousse donc à limiter au maximum le recours à un instrument
qu’il a lui-même mis en place pour développer les énergies renouvelables !
Les collectivités mises à l’écart
Bien que propriétaires des réseaux, les communes – qui ont l’obligation de confier la
gestion du réseau à ErDF, ne sont à aucun moment sollicitées sur les projets relatifs à
l’électricité. Elles sont d’ailleurs absentes des instances de décision de la CRE. Elles n’ont en
outre pas le droit de revenir sur la gestion exclusive par ErDF, alors qu’elles pourraient se
constituer en régie. Cette règle peut se comprendre, car le réseau est considéré comme un
bien public mutualisé : à de nombreux égards (coûts, compétences, mutualisation des risques),
l’existence d’un gestionnaire unique se justifie. En Allemagne où 6 gestionnaires se partagent
le réseau, le pilotage est considéré comme complexe voire sous-optimal. Néanmoins, il est
étonnant qu’un propriétaire ne puisse avoir son mot à dire sur la gestion d’un bien qui lui
appartient. Ce qu’il est urgent de rétablir, ce n’est pas d’ouvrir une possibilité de négociation
sur les prix, mais d’intégrer plus activement les communes sur la quantification de leurs
besoins en termes de maintenance, d’extension du réseau, voire de productions locales.
Les régions ne sont pas consultées sur leurs besoins en énergie ou sur les appels d’offre
ENR : tout ceci est piloté depuis le Commissariat au Plan et la PPI (Programmation
pluriannuelle d’investissements). Lancée en 2015 par la Ministre de l’environnement Mme
Royal, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) remplacera la PPI et couvrira la
période 2106-2109. Par rapport à son imparfait prédécesseur, elle inclut dans son champ
d’action la maitrise de la demande, la diversification des sources et le stockage de l’énergie.
Autre nouveauté, les DOM seront chargées, via leurs conseils régionaux et leurs préfectures,
de mettre en place leur propre PPE. Elles auront donc la compétence de choisir leur
orientation énergétique et de lancer des appels d’offre y correspondant. Si cette compétence
est acquise aux DOM, pourquoi ne le serait-elle pas aux régions métropolitaines ?
Le réseau
Le réseau électrique, qui relie producteurs et consommateurs entre eux et équilibre
constamment l’offre et la demande, est au cœur des considérations de la transition
énergétique.
65 ASSOCIATION P’AIX 21
Il est constitué de deux réseaux : celui de transport (RTE en France) qui transporte
l’électricité en haute tension sur de grandes distances, minimisant ainsi les pertes par effet
Joule. Les « autoroutes de l’électricité », les lignes à très haute tension (400.000 et 250.000)
transportent l’électricité sur de grandes distances et assurent les connexions transfrontalières,
tandis que les lignes haute tension (entre 150.000 et 63.000 volts) assurent la répartition
régionale. En France, RTE gère 105.000km de lignes – le plus grand réseau d’Europe – pour un
total de 506TWh transités en 2013. Ce chiffre correspond à peu près à la consommation
annuelle française de 495TWh. (Sources : RTE), auquel il faut ajouter les 2% environ de pertes
sur réseau.
Le second réseau, de loin le plus étendu est celui de distribution (ErDF en France) : 1,3
million de km en France ! Via des transformateurs, on baisse la tension de l’électricité du
réseau de transport et on l’achemine vers les clients par des réseaux de moyenne et de basse
tension. Les plus faibles tensions rendent les pertes réseau comparativement plus importantes
(de l’ordre de 6% selon ErDF, soit 20TWh environ).
Le réseau est un outil indispensable d’équilibrage et de mutualisation. RTE prend en
compte les prévisions de ses clients pour le jour suivant : producteurs d’électricité, grands
consommateurs d’électricité (258 industriels et 11 compagnies ferroviaires). Selon les besoins
et les capacités de production annoncés, RTE va procéder à des ajustements sur la
consommation de ses clients : ceux-ci seront amenés à ne pas consommer d’électricité sur une
plage horaire donnée, ou de reporter cette consommation. A l’inverse, si le système est en
risque de surcapacité de production, le transporteur pourra suspendre la production de
certaines centrales, typiquement celles fonctionnant en pointe. C’est ce qu’on appelle
l’effacement. Ces arrêts et reports de consommation / production étant préjudiciables aux
acteurs de l’énergie, ils donnent lieu à des compensations : c’est le marché de l’effacement
(Source RTE). Celui-ci sera explicité plus loin dans ce rapport.
Néanmoins, plus les demandes sont diffuses, plus les tensions baissent et plus il est
difficile d’obtenir un équilibre sur les réseaux de distribution. En effet, on est confrontés à une
multitude d’acteurs dont on doit traiter les données de consommation en instantané et dont
on est incapables de prévoir exactement la consommation à venir. Pour chaque nouveau
logement construit, il faut un raccordement supplémentaire onéreux : 15.000€/km pour une
ligne aérienne, 45.000 € / km pour une ligne enterrée21, l’installation d’un point de livraison et
d’un compteur… Et c’est une donnée supplémentaire à prendre en compte pour l’équilibre du
réseau et éviter le black-out.
Au niveau du réseau de distribution, la mutualisation n’est pas assurée par un marché
(comme sur le réseau de transport) mais par un seul acteur : le distributeur. Celui-ci gère en
toute opacité les données de consommation de ses clients et procède aux équilibrages en
sollicitant plus ou moins le réseau de transport. Il s’agit donc d’une mutualisation de fait (nous
partageons un même réseau) mais à sens unique. Le développement d’une électricité produite
par les particuliers (via des panneaux solaires) réinjectée sur le réseau vient complexifier la
21 Jean-Paul Blugeon : « Produire son électricité », Collection Habitat écologique, 2008
66 ASSOCIATION P’AIX 21
mission d’équilibre du distributeur. C’est pourquoi le principal distributeur de France, ErDF,
investit massivement dans l’installation des compteurs dits intelligents « Linky », qui lui
permettront d’obtenir en temps réel les données de consommation de ses clients. De
nouveaux acteurs, flairant un prochain marché de l’effacement spécifique aux réseaux de
distribution, commencent à proposer des solutions d’effacement aux particuliers, leur confiant
des boitiers émetteurs qu’ils gèrent à distance, pouvant par exemple couper certains
ustensiles électriques (électro-ménager, chauffage) lorsque les particuliers sont absents de
leur domicile, ou désactiver leurs panneaux solaires lorsque le réseau risque la saturation. Ce
service censé réduire votre facture mensuelle est rémunéré contractuellement (abonnement).
Dans certains cas, se déconnecter du réseau et assurer son approvisionnement en quasi-
autarcie est une solution envisageable. C’est le cas pour les « zones non interconnectées »
(territoires insulaires, zones très peu densément peuplées et/ou difficiles d’accès comme les
zones de montagne).
Le « réseau » est en fait constitué d’embranchements successifs, que l’on peut regrouper
en blocs. Ces blocs correspondent en gros à des bassins de vie (quartiers, communes…).
Certains de ces blocs sont plus difficiles d’accès car ils sont situés en bout de chaine ou sont
caractérisés par un habitat diffus : les relier au réseau général y est plus difficile, plus cher.
Mais en France prévaut le principe de la péréquation tarifaire : peu importe où vous vivez,
vous êtes soumis à une égalité parfaite de tarifs : non seulement en ce qui concerne le coût du
kwh ou de l’abonnement, mais aussi en ce qui concerne le coût initial du raccordement. Nous
reviendrons sur ce point plus tard.
La gestion du réseau repose sur le concept de prévisibilité. Car toutes les sources
d’énergie ont leurs problèmes d’intermittence : la capacité de l’hydraulique dépend de la
pluviométrie, celle des centrales nucléaires dépend de la quantité d’eau disponible pour
refroidir les réacteurs… Même pour les centrales thermiques, utilisées en back-up, on doit
prendre en compte leur temps de montée en puissance.
Il s’agit donc aussi de lisser les courbes de production. Or sur une année, on constate que
solaire et éolien sont relativement complémentaires : le vent souffle majoritairement les mois
d’hiver, le solaire produit majoritairement les mois d’été.
De plus, il est économiquement absurde de raisonner sur des journées de 24h. En effet, la
nuit, la consommation nationale d’électricité se réduit très fortement, aux alentours de 20%
en hiver et de 30% en été. Mais au niveau des ménages, cette différence est bien supérieure,
avec des consommations électriques proches de 0 les nuits d’été et principalement alimentées
par le chauffage les nuits d’hiver. Les opérateurs utilisent d’ailleurs ces heures creuses pour
écouler des kWh issus de sources continues en proposant des tarifs attractifs pour les
particuliers comme pour les professionnels. On pourrait préférer la notion « d’heures utiles »
on retirant les heures entre 22h et 6h, ce qui nous ferait atteindre une somme annuelle de
5840 heures utiles. Ainsi, la couverture de ce nouveau total par le solaire serait de 50%
environ, et celle de l’éolien doit dépasser ce taux. En effet le vent souffle généralement plus de
jour que de nuit (h totales de jour vs h totales de nuit ?).
67 ASSOCIATION P’AIX 21
Résoudre la pointe par le marché ?
Chaque année, à l’approche de l’hiver, les autorités publiques se préparent à affronter le
pic de consommation français, qui augmente graduellement, rendant sa gestion toujours plus
délicate. Ce « pic » a lieu en débuts de soirée lors des épisodes de grand froid : les habitants
poussent alors le chauffage au maximum, créant un appel de consommation que les
fournisseurs ont du mal à couvrir. Ne pouvant compter uniquement sur des énergies
intermittentes, ils doivent solliciter la production « de pointe », en général assurée par les
centrales thermiques. De France ou d’ailleurs : il n’est pas rare que lors de ces pointes, la
France importe de l’électricité en provenance des centrales à charbon de l’Allemagne.
Conscients que le temps rendait ce problème toujours plus difficile à surmonter, les
autorités ont décidé en 2010 de faire appel au marché pour réguler ces pointes (loi dite NOME
de 2010). Il faut ici distinguer deux concepts importants. Pour que chaque fournisseur soit en
mesure de fournir la consommation maximale estimée de chacun de ses clients, il lui faut être
en capacité d’acquérir une quantité équivalente de KWh auprès des producteurs. Il devra
donc, à partir de l’hiver 2016-2017, détenir des certificats de capacités (en MW) correspondant
à la puissance maximale de leur portefeuille de clients.
Mais c’est bien parce que les capacités actuelles du parc sont insuffisantes que la pointe
de consommation est problématique, il faut donc un autre outil de gestion. Depuis longtemps
déjà, l’opérateur historique puis les fournisseurs concurrents opèrent des délestages
volontaires auprès de leurs clients industriels : que ceux-ci acceptent qu’on leur coupe
momentanément le courant moyennant une compensation financière. C’est le principe de
l’effacement. La loi NOME formalise ce processus en créant des « garanties d’effacement »
(exprimés en MW) qui seront remises aux industriels concernés. Ils sont strictement
équivalents aux certificats de capacité, à la différence qu’ils expriment une valeur négative. On
peut donc échanger certificats de capacité et garanties d’effacement sur un même marché,
appelé le marché de capacités.
Tout ceci est intuitivement assez séduisant : la libre confrontation de l’offre et de la
demande d’électricité fixera le prix auxquels les fournisseurs, grands industriels et producteurs
s’échangeront les certificats. Les grands consommateurs seront sensibilisés à la question de la
maitrise de leur consommation, et on freinera la course à la construction de nouveaux moyens
de production par une allocation optimale entre consommateurs.
Pourtant, ce marché appelle plusieurs commentaires. D’abord celui de la délivrance des
certificats : il est assuré par la CRE, qui adosse un coefficient de sécurité à chaque moyen de
production. Pour une centrale thermique de 10MW de puissance, on adossera par exemple un
coefficient de 0,8, au cas où des défaillances ponctuelles empêcheraient d’atteindre la pleine
puissance à temps. Le certificat émis sera donc de 8 MW. Pour l’éolien, le coefficient serait de
0,3, et le certificat émis sera de 3MW. Pour le solaire, rien du tout, on ne peut pas
légitimement compter sur le soleil les soirs d’hiver…
68 ASSOCIATION P’AIX 21
Ensuite surgit le besoin de la vérification : il est facile pour un industriel de justifier de sa
capacité d’effacement, et d’obtenir une garantie équivalente. Mais le jour j, il faut pouvoir
s’assurer que l’industriel s’est bien vu couper son alimentation électrique. De même, il faut
s’assurer que les certificats de capacité correspondent réellement à des capacités existantes et
immédiatement mobilisables. Ce rôle de vérificateur est confié au gestionnaire de réseau RTE.
Enfin, l’effacement pour les particuliers pour des raisons d’équilibrage est actuellement
strictement réglementé et limité à 3h sur une année pendant une décennie. Mais il est
possible de faire appel à un effacement volontaire de la part des particuliers. Le fournisseur ou
un prestataire externe peuvent, en agrégeant l’effacement de nombreux clients individuels,
générer des garanties qu’ils pourront échanger sur le marché. En contrepartie, ils proposent
une rétribution à leurs clients effacés, sur une base contractuelle qu’il leur appartient de
formuler. Là plus encore, le processus de vérification n’est pas évident et n’a d’ailleurs pas fait
l’objet à ce jour de recommandations claires.
Après ces commentaires, vient l’analyse des nombreuses chausse-trapes que cette
solution comporte. En premier lieu, tout le mécanisme repose non pas sur des données
observées mais anticipées. Le fournisseur calcule les demandes maximales potentielles de ses
clients, afin d’anticiper ses besoins en certificats de capacité. Le régulateur anticipe les
capacités de production par l’application de coefficients. L’industriel anticipe les périodes où il
renoncera à son processus de production. On échange donc sur un marché des anticipations,
qui peuvent être par définition erronées : sur ou sous-estimées. Or ce qui est recherché ce
n’est pas l’anticipation mais bien l’obtention d’un équilibre général du réseau.
Deuxième écueil : les anticipations reposent sur des estimations réalisées en interne, à
partir (notamment pour les fournisseurs) de données de consommation de leurs clients. Si le
régulateur a un œil sur le résultat de ces anticipations (certificats et garanties), il ne peut
contrôler leur mode de calcul. Cette asymétrie de l’information au bénéfice de l’acteur de
marché et au détriment du régulateur accroit les risques de manipulation. Des précédents
récents existent sur les marchés du carbone européen (voir encadré).
Fraudes sur le marché du carbone européen
Le marché européen du Carbone (EU ETS), en vigueur depuis 2005, consiste à
échanger des quotas carbone octroyés par les Etats membres à leurs industries les
plus polluantes. Moins polluer que prévu engendre donc un gain, équivalent à la
somme des quotas vendus sur le marché. A l’inverse, polluer plus que prévu
engendre un surcoût équivalent à la somme des quotas achetés sur le marché. Si
un acteur ne dispose pas du nombre de quotas équivalent à ses émissions
observées en fin d’année, il sera soumis à des pénalités financières.
Ce système repose sur une asymétrie d’information : les acteurs (industriels)
peuvent anticiper leurs émissions futures de CO2, pas les régulateurs (les Etats
membres). L’allocation initiale est donc soumise à controverses. De plus il faut un
processus précis et transparent de transmission des données d’émission, ce qui
requiert de fortes capacités de contrôle de la part des régulateurs.
69 ASSOCIATION P’AIX 21
Pourtant, la fraude n’est pas venue de cette asymétrie mais d’une autre,
d’une telle évidence qu’elle a été totalement négligée pendant 4 ans jusqu’en
2009, alors que la fraude atteignait les 5 milliards d’euros ! D’un pays membre à
l’autre, les quotas sont soumis ou non à la TVA. Les fraudeurs achetaient des
quotas non soumis à la TVA, et les revendaient dans des pays soumis à la TVA,
empochant à chaque transaction… le montant de la TVA.
Depuis, la règlementation a changé, et aucun quota n’est plus soumis à la
TVA. Quant au marché, le volume de ses transactions s’est effondré ainsi que le
prix du quota (de 30€ la tonne de CO2 en 2008 à 6€ fin 2014). En cause : de
mauvaises anticipations sur les émissions des industriels européens, qui se sont
avérées plus faibles que prévu.
Troisième écueil : la position dominante de l’opérateur historique en tant que producteur
et fournisseur ultra-majoritaire. A ce titre, les seuls arbitrages auxquels procèderait EDF
seraient en mesure d’orienter les prix du marché dans une direction ou dans l’autre : c’est ce
qu’on appelle une position de market maker, bien loin de la concurrence pure et parfaite. A
cela il faut ajouter que le rôle de régulateur du marché serait assuré par RTE, une filiale de ce
même market maker…
Quatrième écueil : il existe un risque que le surcoût lié aux coûts de transaction de ce
marché soit répercuté d’une manière ou d’une autre aux consommateurs, surtout si la
demande de certificats excède l’offre. Or en parallèle rien n’est prévu dans ce schéma, malgré
les déclarations de ses promoteurs, pour favoriser la maitrise de la demande au niveau
individuel. On assisterait alors une fois de plus à l’instauration d’un marché géré par quelques
grands acteurs, en situation d’oligopole, qui gèreraient la consommation de leurs clients à leur
place et le leur feraient payer.
Le consommateur n’existe donc pas. Pourtant, c’est bien en raison de son comportement
que le marché de capacités a été créé, mais il est encore exclu des solutions, car l’énergie, c’est
définitivement trop compliqué pour lui/elle.
Mais la critique la plus fondamentale saute littéralement aux yeux : elle réside dans le
nom même du marché. L’idée est bien de formaliser pour mieux mutualiser les capacités de
production. Et répondre à la pointe soit par des effacements, soit par un renforcement des
capacités. Celles-ci doivent être transmises au régulateur 4 ans à l’avance, on peut donc y
inclure les MW produits dans les futurs projets de centrales. On intègrera donc les gains
escomptés sur le marché de ces nouvelles capacités dans la décision d’investir. Tout ce
système revient donc à rentabiliser de nouveaux projets de production (centrales nucléaires,
barrages, centrales thermiques principalement) par (i) l’anticipation de gains financiers sur le
marché et (ii) la répercussion des coûts de transaction sur le consommateur. Au final, la France
aura investi dans un parc de production supplémentaire, aux frais du contribuable, qui n’aura
vocation à être utilisé que quelques jours par an. Est-on sûr de vouloir résoudre notre
problématique énergétique par ce type de solutions ?
70 ASSOCIATION P’AIX 21
Les marchés traditionnels : gré à gré et spot
Outre le marché de capacités précité, il existe actuellement deux manières pour les
opérateurs d’échanger de l’électricité : le marché de gré à gré et le marché spot.
Le premier marché est celui des grands contrats d’exclusivité, de durée variable mais le
plus souvent exprimés en années. Ils sont passés au choix entre producteurs, fournisseurs et
grands clients industriels, alors dénommés « responsables d’équilibre », via un courtier ou en
bilatéral pur. Les prix de ce marché garantissent une lisibilité de long terme aux acteurs, ce qui
explique qu’il représente environ deux tiers des transactions. Outil de réduction de la volatilité
pour les parties contractantes, ce type de contrat se fait par contre dans une relative opacité
aux yeux du régulateur. L’opacité s’explique par (i) des contrats passables à tout moment,
notamment hors horaires et jours de Bourse, (ii) la présence éventuelle d’intermédiaires
(courtiers), (iii) la diversité des échéances des contrats, tout ceci contribuant à rendre le signal-
prix moins lisible.
Le second marché est celui de la Bourse, où s’échangent des besoins quotidiens ou par
bloc horaires, échangés au jour j pour livraison le lendemain (marché spot : EPEX, basé à Paris).
On y distingue notamment les produits Peak (périodes de pointe) des off-Peak (périodes de
base). Il existe aussi un marché des produits dérivés (EEX, basé à Leipzig). Le prix de référence
est le « day-ahead », c’est-à-dire la commande du jour pour livraison le lendemain. Les
échanges et la fixation du prix se font quotidiennement sur la base d’un système d’enchères
entre 12h30 et 13h.
Enfin, la France étant un pays interconnecté à ses voisins, elle échange régulièrement avec
eux des quantités d’électricité, via des contrats qui ne sont pas nécessairement passés sur le
marché Français.
La tâche du régulateur de ces marchés est donc complexe. Ce régulateur est
naturellement RTE : puisqu’il doit gérer l’équilibre réseau à tout moment, il doit pouvoir
appliquer ce principe sur le marché de l’électricité. Il impose donc à ses responsables
d’équilibre un « périmètre d’équilibre », pour lequel ils sont responsables des écarts constatés
entre soutirage et injection, c’est-à-dire entre offre et demande. Une chambre des
compensations permet de compenser les responsables d’équilibre entre eux, qui sont en outre
fortement pénalisés par le régulateur en cas de non-respect du périmètre.
La caractéristique principale du marché de l’électricité est le nombre limité de ses
acteurs : une centaine de responsables d’équilibre sont répertoriés, parmi lesquels les
principaux producteurs (EDF, POWEO, EON, etc.) ou quelques agrégateurs de producteurs plus
confidentiels (ex : Alterna), quelques régies locales, et des intermédiaires financiers (banques).
Si l’on assume qu’une saine concurrence permettrait d’optimiser les prix du marché en évitant
les positions dominantes, alors comment faire pour augmenter le nombre des participants
71 ASSOCIATION P’AIX 21
tout en continuant de garantir l’équilibre du réseau ? Tout dépendra de l’évolution du secteur
des producteurs, aujourd’hui outrageusement dominé par EDF grâce à ses centrales
nucléaires. Dans ce cadre, le marché de l’électricité n’est qu’un outil de régulation parmi
d’autres, qui pourra accompagner la transition énergétique si et seulement celle-ci est
décidée. Dans le cas contraire, le marché continuera de fonctionner, mais au bénéfice des
sources conventionnelles d’électricité.
Actuellement le marché spot (EPEX) n’est intégré que par quatre pays : France, Allemagne,
Suisse et Autriche. Mais la standardisation en cours des modes de calcul des prix et des flux sur
les différents marchés, appelée « Couplage européen des marchés » (PCR en anglais) couvre
déjà 17 pays de l’Europe de l’Ouest et du Nord, soit 75% de la consommation européenne. Ce
processus permet de faciliter les échanges bilatéraux entre pays frontaliers pour avancer à
terme vers un marché spot unique.
Sur ce marché, il est possible d’échanger à présent d’échanger en continu sur le marché
infrajournalier, jusqu’à une heure avant la livraison. Ce marché est porté principalement par
les Allemands, dont le mix énergétique favorable aux ENR intermittentes facilite ce genre
d’échanges hautement spéculatifs. L’Allemagne encourage d’ailleurs progressivement les
producteurs d’ENR à intervenir en vente directe, sans plus passer par les tarifs de rachat. Ainsi,
leur production est négociée sur le marché, et si le prix de vente est inférieur au prix de
rentabilité, on leur verse des « primes de marché ». Ce mécanisme est obligatoire pour des
nouvelles installations de puissance supérieure à 500kW. On pourrait donc espérer grâce à ce
système un afflux de nouveaux acteurs permettant de mieux réguler les prix de l’électricité.
Mais attention à ne pas cantonner les ENR à des opérations opportunistes en calant leur
production sur les seuls créneaux horaires où les prix seraient élevés.
72 ASSOCIATION P’AIX 21
QUATRIEME PARTIE
UN NOUVEAU CONTRAT ENERGETIQUE EN
FRANCE ?
CHAPITRE X
LES PROPOSITIONS DU RAPPORT
Les 5 étapes de la transition énergétique
Responsabiliser
Le premier enjeu est bien celui de la démocratisation de l’énergie. Avec les technologies
actuellement disponibles d’information et de communication, la mesure des flux électriques,
produits ou consommés, peut se faire en instantané. Couplé à des programmes astucieux de
gestion de ces données, celle-ci peut être restituée à l’usager de manière aisément
compréhensible, via des applications intuitives. Des start-ups, des fournisseurs, des fabricants
sont déjà sur les rangs pour proposer de tels services. Mais le contenu et le partage de
l’information peuvent considérablement varier : tout dépend ce qu’on veut en faire.
La confiscation des données de consommation prévue par les compteurs intelligents de
type Linky ou par les prestataires d’effacement individualisé, est non seulement discutable
d’un point de vue juridique, elle est aussi un frein à la transition énergétique car elle empêche
le citoyen d’avoir le droit de comprendre comment il consomme, éventuellement comment il
produit, et surtout comment il pourrait améliorer son bilan énergétique. Par analogie, on
pourrait imaginer que toute voiture vendue sur le marché serait dépourvue de jauge de
carburant : seulement une fois la réserve atteinte, vous seriez informé par un quelconque
voyant qu’il vous faire le plein. Impossible alors de vérifier les performances de consommation
clamées par le constructeur, ou d’adapter sa conduite en fonction de votre quantité de
carburant restante, à moins de vous lancer dans un processus long et fastidieux d’évaluation,
en notant sur un bout de papier les kilomètres parcourus entre chaque plein. Ce cas de figure
est absurde : les jauges existent depuis des décennies, et les systèmes actuels calculent même
votre consommation en direct ! Tout aussi absurde alors de ne pouvoir obtenir sa
consommation électrique en direct alors que les outils existent, n’est-ce pas ?
73 ASSOCIATION P’AIX 21
En fait, c’est le modèle économique sous-jacent à l’utilisation des données qui doit être
clairement identifié. Si ces données sont indispensables aux gestionnaires de réseau, alors non
seulement elles seront confisquées aux citoyens, mais on verra en outre à n’en pas douter
l’apparition d’un véritable marché de la donnée, avec la création ad hoc d’intermédiaires dont
la finalité commerciale sera de vendre des données agrégées à ces mêmes gestionnaires.
Si au contraire la propriété individuelle des données est garantie dans les faits, alors le
marché se réorientera sur des logiciels offrant d’une part une gestion intuitive de ces données
à usage personnel, et permettant d’autre part d’effectuer un diagnostic précis des données
relatives à notre logement en vue de faire des choix d’optimisation : autoproduction,
adaptation de la consommation de nos appareils, remplacement des systèmes de chauffage ou
amélioration de l’isolation.
Le diagnostic est la deuxième phase de cet enjeu de responsabilisation. On vient
d’envisager un logiciel capable d’effectuer de tels diagnostics ou du moins de simples
simulations par rapport à un choix déterminé d’options précitées. Ce diagnostic en amont peut
être complété, notamment en ce qui concerne l’isolation, avec l’utilisation d’une caméra
thermique ou avec la connexion du logiciel avec des thermostats. Néanmoins, pour toute
évaluation sérieuse d’un pré-projet, qu’il envisage des travaux d’isolation ou l’installation de
panneaux photovoltaïques, l’appui de professionnels reste incontournable. Les EIE et ALE sont
censés répondre à ces attentes en mettant en relation offre et demande de services
énergétiques ; il n’est pas interdit de penser que d’autres acteurs, à l’instar des fournisseurs
d’électricité, proposent ce genre de services.
Economiser
Avant toute chose, c’est bien à cet objectif que la mesure et le diagnostic doivent
répondre. Nous avons vécu une période d’abondance durant laquelle l’énergie était
massivement disponible et bon marché. Cette époque est révolue, et elle nous a laissé en
guise d’héritage un lourd fardeau : la maintenance. Que ce soit pour les unités gigantesques de
production ou pour l’entretien des réseaux de transport et de distribution, les coûts de
maintenance explosent et alourdiront durablement nos factures. Il est donc indispensable,
aussi bien pour le climat que pour notre portefeuille, que nous engagions des mesures
ambitieuses de baisse des consommations.
L’isolation des bâtiments procède de cette logique, nonobstant la ressource énergétique
utilisée. Elle est la plus grande source de gaspillage énergétique pour les particuliers. Mais
dans ce domaine, on souffre d’approches en silo, amenant les professionnels à privilégier un
produit ou une technique en particulier, en raison (i) de ses caractéristiques techniques
intrinsèques, et (ii) de son coût. Mais on fait encore trop souvent des interactions des
matériaux entre eux, avec le climat, ou le mode de chauffage choisi. De même, entre une
approche de moindre coût qui visera les kWh les plus faciles à éliminer, et une approche
globale qui permettrait en théorie de réduire la consommation thermique à son minimum
physique mais à des coûts incontrôlables, le choix se fera en fonction de nos capacités
financières mais aussi selon les habitudes des professionnels sollicités. Ces deux points
74 ASSOCIATION P’AIX 21
conduisent à mettre en lumière les insuffisances actuelles de la sensibilisation envers le grand
public, et les carences des dispositifs publics d’incitation à l’isolation.
Plus économe, la gestion de sa propre consommation est un élément facile à mettre en
œuvre, une fois le point 1 de nos recommandations (responsabiliser) garanti. En effet, si nous
disposons d’instruments de mesure disponibles sur application mobile / PC, et d’appareils
électriques programmables (lave-linges, lave-vaisselle, fours, mais aussi box, téléviseurs… tous
les appareils ont pour vocation à devenir programmables s’ils ne le sont déjà), alors il devient
possible de gérer intelligemment nos consommations en fonction de nos contraintes : tarifs
différenciés, abonnements, production individuelle…
Autoproduire
L’autoproduction découle presque naturellement du dernier point : la meilleure gestion
de sa consommation justifie la production individuelle et réciproquement. Grâce à
l’optimisation de gestion, nous pouvons avoir la garantie que nous pourrons consommer
chaque kwh ou presque que nous produisons, diminuant d’autant le nombre de kWh achetés à
notre fournisseur. Et plus nous autoproduisons, plus il devient intéressant de programmer nos
appareils électriques afin de faire correspondre notre courbe de consommation à notre pic de
production.
En l’absence de capacités de stockage économiquement pertinentes, l’autoproduction n’a
pour d’autre but que de substituer une part de ses achats sur le réseau, à l’instar d’un jardin
potager permettant de réduire la facture globale de nos courses. Dans la configuration
actuelle, l’autoproduction ne bénéficie d’aucune aide, la revente totale au réseau étant
privilégiée. Un peu comme si vous aviez l’obligation de revendre les légumes de votre jardin
potager au supermarché du coin, à un prix non négociable. Une fois vos légumes vendus, vous
devrez les racheter au même supermarché ! Ne serait-il pas préférable de consommer vos
légumes et d’acheter auprès de votre supermarché ce qu’il vous manque ?
Si le stockage devenait, grâce au progrès technique, une option viable et adaptable au
particulier, alors l’autoproduction serait amenée à changer d’échelle. En attendant que cette
hypothèse se concrétise, mieux vaut s’y préparer en développant l’autoproduction, ce qui aura
également pour effet de commencer à modifier notre approche de la gestion des réseaux.
Un exemple de tarification progressive en Tunisie
Les tarifs de l’électricité en Tunisie sont largement subventionnés à hauteur de
3à à 40% de la facture, et l’opérateur national (producteur, distributeur et
transporteur), la STEG est structurellement déficitaire. Pour pallier à une perte
nette sur chaque kwh, la STEG a donc mis en place un système de tarification
progressive, accompagné d’un rehaussement des tarifs inévitable (7% par an en
moyenne !). Ainsi les tunisiens sont encouragés à adopter des comportements
sobres en électricité.
75 ASSOCIATION P’AIX 21
Mais ils sont également encouragés à produire de l’énergie solaire, via le
programme PROSOL. L’ANME (ADEME Tunisienne) subventionne les installations
photovoltaïques résidentielles à hauteur de 30% du coût (1 450 DT/Kw installé,
plafonnement à 15 000 DT – Compter environ 2DT par €). Chaque installation est
complétée d’un compteur bidirectionnel et la comptabilité de la production et de
la consommation de la résidence sont exprimées en kW. Le surplus de production
(en journée) est réinjecté sur le réseau. Exprimé en kWh, il est retranché des
surplus de kWh consommés en soirée. La conversion des kWh en Dinars ne se fait
que sur la différence obtenue, facilitant les calculs financiers.
En 5 ans d’existence, PROSOL a permis l’installation de près de 20MW de
puissance. Rien qu’en 2014, environ 6000 installations ont été réalisées. Un
marché s’est développé avec la présence de 4 fabricants nationaux et de 180
installateurs homologués.
La prochaine étape de ce programme est l’ouverture de subventions sur des
projets de moyenne tension, c’est-à-dire de dimension semi-industrielle.
Approches collectives locales
Nous l’avons démontré dans notre rapport, en l’absence de stockage, l’optimisation dans
le secteur de l’énergie passe par la mutualisation. Celle-ci peut s’effectuer à trois niveaux :
Mutualisation des connaissances. Il s’agit de développer des outils d’aide à la décision
accessibles aux citoyens à l’échelle locale. Les EIE / ALE existent mais ne sont pas encore
suffisamment maillées en France. D’autres outils doivent pouvoir être développés. Nous
venons d’évoquer plus haut le développement d’applications sur mobiles : là encore, elles
peuvent servir à relier les citoyens entre eux, et planifier des réunions ou formations
collectives auxquelles chaque utilisateur pourrait être convié. Car pour la compréhension des
enjeux énergétiques, la relation directe, humaine, permettant d’évoquer toutes sortes de cas
particuliers, est probablement plus efficace que des e-formations. La question du suivi se
posera dans les deux cas de figure.
Mutualisation des réseaux. Cela semble paradoxal, puisqu’aujourd’hui nous disposons
d’un gestionnaire de réseau mutualisé à l’extrême, c’est-à-dire à l’échelle nationale voire
européenne concernant le transport. On n’a donc pas à priori la possibilité de mutualiser
davantage. Sauf qu’en réalité, la mutualisation devrait fonctionner à deux niveaux : celui du
gestionnaire et celui des propriétaires. Le premier doit s’assurer que chaque unité de son
réseau est à l’équilibre. Les seconds, c’est-à-dire les communes, devraient être considérées
comme les unités de réseau plutôt que les particuliers. Avec la gestion des unités de réseau
présentes sur son territoire, la commune est en mesure, non pas d’assurer l’équilibrage, mais
d’estimer les besoins réels en termes de production, de maintenance et d’extension éventuelle
des réseaux. L’électricité fait alors pleinement partie des compétences lui sont attribuées, et
76 ASSOCIATION P’AIX 21
pour lesquelles elle est redevable auprès de ses administrés. De son côté, le gestionnaire n’a
plus à gérer l’équilibre de manière inutilement fine, il se contente d’équilibrer le réseau par
blocs successifs.
Mutualisation de la production. Mobiliser le capital citoyen est un élément fondamental
pour obtenir le consentement populaire au développement des énergies renouvelables de
proximité. Nous avons vu également que le foisonnement à l’échelle locale permettrait à
chacun d’atteindre des taux d’autoconsommation plus élevés, réduisant d’autant sa facture.
Un axe encore plus prometteur est le projet collectif dans le secteur tertiaire (hors transport).
Celui-ci représente 9,2% de la consommation énergétique française (chiffres CGDD),
constituée d’électricité aux 2/3. Or les horaires de travail dans le secteur tertiaire sont
fortement corrélés avec la courbe de production photovoltaïque puisqu’une majorité travaille
de jour. En développant des projets à capital citoyen, on assure non seulement une économie
d’énergie par autoconsommation à l’entreprise porteuse du projet, mais on offre aussi une
source de revenu locale pour les citoyens investisseurs.
Evolution des rôles et des métiers
La transition énergétique, par les changements profonds qu’elle engendrera, marque un
nouveau processus de destruction créatrice. Elle est appelée à redéfinir les rôles des acteurs, à
créer de nouveaux métiers tandis que certaines fonctions seront amenées à disparaitre. Quels
seront ces changements, à terme, cela ne fait guère de doute. Mais c’est dans l’intervalle qui
nous sépare de l’accomplissement de cette transition que des mouvements contraires peuvent
survenir. Ceux-ci seront largement tributaires des orientations des politiques publiques en
termes de règlementation. Nous proposons donc quelques éléments que ces futures
législations devraient prendre en compte.
D’abord, grâce à la décentralisation des moyens de production, les producteurs
traditionnels seront de moins en moins sollicités pour de la base, progressivement assurée par
l’autoconsommation. Ils auront donc pour mission principale de garantir des moyens de
production aisément mobilisables pour de la pointe. L’intégration européenne du marché de
l’électricité permettra aux opérateurs de se fournir à l’étranger si besoin est. L’objectif de
production fait donc progressivement la place à la notion d’accompagnement des demandes.
Dans le bâtiment, l’ensemble des corps de métiers sera amené à prendre en compte
l’efficacité énergétique comme objectif primordial, au même titre que la robustesse,
l’étanchéité le confort. EN raison de la complexité de relier entre eux électricité, chauffage,
choix des matériaux, aménagement intérieur… la fonction des bureaux d’étude techniques est
amenée à se développer même à l’échelle de projets individuels. La maitrise d’œuvre
deviendra centrale, et elle aura la responsabilité de l’atteinte des objectifs d’efficacité
énergétique fixés pour le neuf comme pour l’ancien. Il est donc probable que la coordination
des métiers artisanaux du bâtiment oblige ces derniers à se restructurer, passant du statut
d’indépendants à celui de prestataires intégrés à des structures de « rénovation ».
77 ASSOCIATION P’AIX 21
La création d’un nouveau métier : le gestionnaire d’énergie
Avec l’apparition de nouvelles centrales intermittentes (solaire, éolien) et de
nouvelles capacités de stockage (batteries, technologies de compression, etc.), un
nouveau métier est d’ores et déjà en train de voir le jour : celui de gestionnaire
d’énergie. Son rôle est d’optimiser la gestion des flux à l’échelle d’une unité de
production ou d’un quartier. Ce métier fait déjà l’objet d’une formation de la part
de l’université d’Aix Marseille (Licence professionnelle MEER – Maitrise de
l’énergie et énergies renouvelables). Il est également le cœur de l’offre d’EDF Store
& forecast (filiale d’EDF), qui a développé un logiciel de gestion de l’énergie et gère
notamment la production de la centrale PV « TOUCAN » de 5MWc en Guyane
(opérateur EDF EN). Ce type de montages, initialement conçus pour les zones non
interconnectées (ZNI) pourrait être applicable en cas de progrès significatifs dans
les technologies de stockage.
Les collectivités territoriales ne pourront plus simplement déléguer la question
énergétique à des opérateurs étatiques alors que l’énergie se décentralise. Sans
nécessairement récupérer la gestion directe de leurs réseaux via la création de régies, les
communes devront pouvoir négocier avec leur délégataire des objectifs de production
renouvelable ou des règles de raccordement spécifiques à l’échelle de quartiers. La production
renouvelable peut être favorisée par des normes judicieuses sur le bâtiment (tel que lier le
taux d’imposition local à l’installation de panneaux photovoltaïques). La possibilité de création
de SEM doit pouvoir être rétablie, au moins à l’échelle des intercommunalités.
Enfin, et c’est le plus important, toute démarche collective pourra être initiée par les
citoyens eux-mêmes, même si elle ensuite prise en main par la collectivité, le fournisseur ou un
autre opérateur privé par la suite.
La solidarité, enjeu de nos préconisations
Trop souvent, les grands débats qui agitent le monde de l’énergie sont circonscris à des
choix technologiques, et font fi de la dimension sociale de l’énergie, en tant que bien de
première nécessité. Or si nous sommes à l’aube d’une nouvelle révolution industrielle, celle-ci
aura entre autres conséquences le chamboulement de l’organisation sociale de l’économie.
Aux structures pyramidales et intégrées issues de l’économie du charbon puis du pétrole
succèderait ce que J. Rifkin appelle « le pouvoir latéral », c’est-à-dire une économie
décentralisée, où chaque foyer devient un acteur économique échangeant biens (via Internet)
et services énergétiques (via le réseau) avec le reste du monde. Si nous ne mettons pas en
place de nouveaux outils de solidarité, cette organisation pourrait se révéler aussi, voire plus
inégalitaire que les précédentes. L’avantage initial que constituent un capital pour investir
dans des énergies renouvelables, un vaste terrain pour accueillir les installations, un climat
78 ASSOCIATION P’AIX 21
favorable à la production, irait en s’accumulant au fil du temps, laissant de côté celles et ceux
qui ne bénéficient pas de telles conditions.
Il nous parait indispensable de répondre aux impératifs tant techniques que sociaux de la
solidarité. La solidarité technique, c’est le réseau, qui est un outil national de garantie et doit
être maintenu comme tel. Les investissements nécessaires à son entretien doivent donc rester
du domaine public, ce qui n’est pas incompatible avec une gestion communale de certains
réseaux de distribution. Le financement de ces investissements peut être assuré soit par des
taxes locales, soit par les revenus qu’engendre une société locale de distribution, soit par une
dotation spécifique de l’Etat (éventuellement modulable selon le niveau de richesse de la
commune considérée).
La solidarité sociale, c’est celle qui combat la précarité énergétique. C’est pourquoi il faut
donner un rôle actif aux acteurs sociaux afin qu’ils puissent conseiller, orienter, et soutenir les
ménages en situation de précarité énergétique vers des solutions sobres et innovantes. On
peut envisager que les bailleurs sociaux se voient confier une mission de rénovation
progressive de leur parc de logements. De plus, de par la taille de leur parc, ils seraient en
mesure de tester en conditions du réel des solutions de réseaux intelligents couplés à des
unités de production et de stockage à l’échelle de quartiers. Ce serait une approche plus
dynamique que celle consistant à délivrer des chèques énergie aux foyers les plus défavorisés.
Ces deux approches devraient fonctionner sur des budgets parallèles : les chèques énergie,
réservés aux situations d’urgence, cessent d’être émis au fur et à mesure que les travaux de
rénovation et d’autoproduction sont réalisés.
Il est important de bien cibler notre population, et cette cible doit être les ménages les
plus concernés par les dépenses énergétiques. C’est pourquoi la plus grande attention doit
être également portée aux habitants des zones rurales et péri-urbaines. Sur ces zones, la
précarité énergétique peut être grande, pas nécessairement en raison d’une grande pauvreté,
mais surtout en l’absence de moyens financiers pour couvrir les coûts de capital des
installations. Cette absence s’explique par de faibles taux d’épargne ou par un accès plus
difficile au crédit bancaire. Plutôt que de chercher des instruments de soutien aux frais
mensuels (gratuité de kWh par exemple), il nous semble plus judicieux de faire porter la
solidarité de la collectivité sur l’investissement initial. On peut penser à des subventions sur
des installations en autoconsommation, délivrées par exemple par l’ADEME.
Pour soutenir les projets collectifs, les contraintes techniques et administratives sont
beaucoup plus lourdes, du choix du site au raccordement au réseau en passant par les divers
permis et autorisations. C’est pourquoi, pour assurer un intérêt des collectivités, il est
primordial de leur confier une gestion intéressée de l’électricité. En d’autres termes, leur
donner la possibilité de reprendre la gestion des réseaux dont elles ont la propriété, et les
inciter à intervenir en tant que producteurs, c’est-à-dire en mutualistes des petits producteurs
individuels. On peut penser à un système de SEM ou de coopérative.
Un autre axe important est celui de la communication. Beaucoup de projets se sont
focalisés sur la recherche d’un revenu complémentaire. C’est la logique qui a sous-tendu à la
79 ASSOCIATION P’AIX 21
revente au réseau de la totalité de la production d’unités autonomes. L’autre choix est celui de
la sortie pure et simple du réseau. Il existe pourtant une troisième voie médiane, qui est de
consommer ce que l’on produit, intégralement, et de revendre le surplus éventuel, à l’instar de
notre métaphore potagère. Ainsi, la recherche n’est plus de maximiser notre production mais
de maximiser la part de notre production que l’on consomme. Ce faisant, on réduit notre
exposition à la variabilité des prix de l’énergie.
Seule cette vision permettra progressivement aux ménages de (i) comprendre l’énergie et
ses enjeux, (ii) adapter ses comportements de consommation plutôt que de « laisser couler le
robinet » en permanence, et in fine (iii) moins solliciter le réseau, permettant d’obtenir
paradoxalement une gestion plus aisée de celui-ci et de moins faire appel à des lourdes
infrastructures de production. Ainsi on sécurise le réseau en le décentralisant : le fameux
problème du black-out est résolu.
Un autre axe est la nécessité d’être souple et de ne pas privilégier un type de solutions
mais de proposer une direction. Grâce à l’autoconsommation, chacun peut élaborer des
stratégies qui dépendent à la fois de ses capacités financières, des caractéristiques de son
logement et de son profil de consommation. Il s’agit bien de « décloisonner » la gestion de
l’énergie, qui n’est pas plus difficile à comprendre que les applications d’un téléphone
portable. En offrant la possibilité aux utilisateurs de comprendre et de gérer leur
consommation en direct, on leur permet de modifier en profondeur leurs habitudes de
consommation, et de s’équiper d’appareils moins gourmands, donc d’adopter un
comportement durable. C’est bien l’objectif suprême du développement durable.
Le Puy Saint André
Objectif : proposer à tous les territoires disposant d’ELD de transformer celles-
ci en SEM pour augmenter leur production et la revendre à des fournisseurs
agréés. Ainsi si une ELD produit plus que les besoins sur son territoire, elle peut
disposer d’une source de revenus supplémentaires en fournissant des communes
voisines. Elle peut aussi faire rentrer ces dernières au capital de la SEM dans la
perspective d’une plus grande intégration territoriale (intercommunalités, etc.).
A l’origine du projet en 2011, la Mairie du Puy Saint André, petit village niché
dans la vallée de Briançon (Hautes Alpes), s’engage dans un projet de productions
ENR en profitant des généreux tarifs de rachat pour le solaire notamment. Des
panneaux sont posés sur les bâtiments publics et les habitants du village sont
sollicités pour installer du photovoltaïque sur leurs propres toitures. A l’heure
actuelle, près de 300Kwc de puissance sont installés, ce qui correspond à la
demande de 150 foyers, soit près de l’ensemble du village (470 habitants). Le
capital est réparti entre la Mairie (51,5%), 31 familles actionnaires (9,1%), le fonds
d’investissement solidaire « Energie Partagée (5 ,3%), et l’entreprise locale de
distribution du Briançonnais ESDB (34,1%). Pour étendre le projet, un nouvel appel
à souscription visant à doubler le capital, pour un montant de 100.000€, est prévu.
80 ASSOCIATION P’AIX 21
CHAPITRE XI
LE ROLE CENTRAL DES COLLECTIVITES TERRITORIALES
L’histoire du développement énergétique au XXème siècle, en France comme ailleurs, a
été marquée par son formidable développement, la multiplication des moyens de production,
des usages. Elle s’est accompagnée d’un mouvement de concentration sans précédent. Dès le
début du siècle précédent, la constitution de majors pétrolières oblige le Gouvernement
Américain à promulguer les premières lois « anti-trust » de l’histoire, ce qui n’empêchera pas
ces majors de jouer un rôle prépondérant dans l’histoire économique et diplomatique de leur
pays. A l’heure actuelle, les 5 principales majors sont Exxon, Shell, BP, Chevron, Total. Leur
chiffre d’affaires cumulé représente peu ou prou l’équivalent de 75% du PIB Français.
Après la seconde guerre mondiale en France, le secteur de l’électricité a été nationalisé, à
l’instar de ce qui se passait dans d’autres pays (Italie notamment), mais le mouvement de
concentration, qu’il soit privé ou public, a été général en Occident. On a vu apparaitre des
opérateurs énergéticiens intégrés, c’est-à-dire maitrisant l’ensemble de la chaine de valeur :
production, transport, distribution, fourniture. Aujourd’hui on assiste à l’émergence de
« majors » de l’électricité, d’origine principalement européenne (EDF, Engie, ENEL, EON…)
américaine (GE) ou asiatique (Datang, Tepco, Kepo, Huaneng).
Ces majors sont en général issues de monopôles nationaux. Elles disposent donc d’une
implantation territoriale forte, encore assez peu soumise à concurrence. A titre d’exemple,
depuis la libéralisation du secteur en France, on estime que les concurrents d’EDF n’ont
grignoté que 8% des clients à eux tous.
Néanmoins, la plupart des opérateurs se détachent progressivement de leur lien initial
envers un territoire. D’une part par l’ouverture à la concurrence sur les terres historiques des
monopoles d’Etat d’autre part car cela fait de nombreuses années qu’elles s’internationalisent
via la création ou le rachat de filiales à l’étranger, ou par des prises de capital au sein d’autres
opérateurs. En fait, cette déconnexion s’est faite en deux étapes. La première a été de passer
pour les opérateurs de passer de l’échelle territoriale à celle de la nation. La seconde est le
passage à l’échelle internationale, initiée dans les années 80 durant la vague de libéralisation
massive qui a conduit à la globalisation.
Cette évolution s’explique assez bien par les caractéristiques physiques de la production
d’électricité de l’époque : concentrée dans un faible nombre d’unités de production,
alimentées par un combustible le plus souvent importé. Le développement des
interconnexions entre pays relève de cette logique également, puisque celles-ci permettent à
un pays voisin de bénéficier d’une source abondante et continue d’énergie chez un pays
81 ASSOCIATION P’AIX 21
fortement équipé. C’est le cas notamment des voisins immédiats de la France qui bénéficient
du flux formidable de production nucléaire qu’ils peuvent ponctuellement solliciter.
Or nous l’avons vu, la matrice énergétique change. Partout dans le monde et
particulièrement en Europe, les installations d’électricité à base de renouvelables se
multiplient, à un rythme plus élevé qu’escompté. Certes, celles –ci ont bénéficié de politiques
incitatives volontaristes. Certes, le système dépend encore très largement de ces unités
centralisées mentionnées ci-dessus. Mais la tendance est indéniable, et les urgences
climatiques nous conduiront à nous orienter chaque jour un peu plus dans cette direction, à
moins d’assumer pleinement notre incapacité à atténuer le réchauffement climatique et les
conséquences qui en découlent.
Pour accompagner ce changement, l’organisation d’un marché constitué de grandes
multinationales intégrées est-elle la forme optimale ? L’équité territoriale sera-elle respectée ?
La précarité énergétique sera-t-elle combattue ? L’énergie sera-t-elle considérée comme un
bien commun ? Il est évident qu’en l’absence d’une régulation publique efficace, la réponse à
ces questions risque de pencher vers le non.
Les directives de l’Union Européenne ont eu pour effet de séparer les activités
monopolistiques (transport et distribution) des activités à vocation concurrentielle (production
et fourniture). Il est donc improbable que les Etats, garants des premières, puissent de façon
pérenne être acteurs et régulateurs des secondes. A moins que le cadre actuel n’évolue
encore.
Car dans le cas d’un développement massif des ENR, notamment du photovoltaïque sur
toitures, le producteur est un particulier, l’unité de production la plus faible d’un marché. Pour
que ces productions soient correctement gérées, il faut un acteur capable d’agréger des
milliers de producteurs individuels sur un territoire. Par «gérer » il faut entendre non
seulement fourniture mais aussi distribution. L’intermittence de ces énergies tend à effacer la
frontière entre distribution et fourniture.
Or il se trouve que les communes conservent, héritage historique, la propriété des réseaux
de distribution, qu’ils n’ont le droit de mettre en concession qu’auprès d’un seul opérateur :
ErDF. Pourtant, la commune est le territoire idéal pour expérimenter la décentralisation de
l’énergie.
Il faut ici saluer l’orientation prise par la loi de transition énergétique qui structure les
territoires volontaires en un réseau de TEPOS (territoires à énergie positive). Ce réseau de
collectivités, notamment rurales, met en lumière les initiatives visant à l’autonomie, la
solidarité des territoires avec un objectif bas carbone. Il s’inspire d’exemples ayant eu lieu par
exemple en Suisse ou en Autriche, où certaines communes ont déjà atteint ou sont sur le point
d’atteindre un taux moyen d’autosuffisance de 100% (ex/ Gusing en Autriche). Cette
autonomie n’est donc pas une autarcie : les communes sont connectées et peuvent alimenter
82 ASSOCIATION P’AIX 21
ou solliciter le réseau selon le degré d’adéquation entre leurs besoins et leur production. A
l’heure actuelle 15 TEPOS se sont engagés en France.
Exemple TEPOS Landes. La communauté de communes de la Haute Lande, qui regroupe 7
communes pour 6.000 habitants, s’est engagée sur des objectifs à 2020 de (i) réduire ses
consommations énergétiques de 30%, (ii) d’utiliser 30% de renouvelables. Pour 2050 ? Ces
taux sont portés à 50%. L’intérêt majeur de ce projet est qu’il se propose de financer le surcoût
lié au passage des bâtiments vers des bâtiments à énergie positive, en les équipant
notamment de panneaux solaires hybrides (thermique ET photovoltaïque) destinés à
l’autoconsommation des habitants. Le projet propose aussi la mise en place d’un guichet
unique sur tout le territoire pour les projets de rénovation.
S’engager sur une démarche TEPOS nécessite un état des lieux préalables, permis par un
outil de planification : les PCET (Plan climat énergie territorial).
Ces incitations se font sur financement public : mise en place d’une structure dédiée,
financement de personnel et de mesures incitatives. Si le secteur public soutient cette
démarche, il n’est pas interdit de plaider pour qu’il en bénéficie aussi à terme. Nous abordons
à présent une des principales recommandations de ce rapport : la récupération de la gestion
des réseaux par les collectivités territoriales.
La libéralisation (unbundling) du secteur de l’électricité, imposée par la Commission
Européenne, n’est pas intrinsèquement mauvaise. Un nouveau schéma s’imposait pour
répondre à un marché intégré comme celui de l’Europe. Mais son esprit ne correspond pas à la
réalité de l’énergie électrique, qui est devenue un bien commun. Depuis les travaux du prix
Nobel Amartya Sen, nous savons que la gestion optimale des biens communs ne peut être
confiée ni aux seuls opérateurs privés, ni à une entité étatique déconnectée des territoires. Il
est indispensable de convier les citoyens à la gestion des biens communs. En France, qui mieux
que les collectivités locales répond à ce souci de représentation territoriale ?
En autorisant à nouveau les collectivités territoriales à développer des ELD sur leur
territoire, on les autorise à gérer un bien commun comme certaines le font déjà librement
avec l’eau (passage en régie). Les smart grids représentent un formidable outil de pilotage à
disposition des collectivités. Ils gomment les difficultés techniques inhérentes à la gestion d’un
réseau à l’aide d’instruments de mesure numériques. La recherche de compétences en est
facilitée : il est plus facile de rechercher des profils de gestionnaires informatiques que
d’ingénieurs électriques.
Les collectivités passent un contrat moral avec leurs administrés : celui de diminuer leur
facture électrique autant que possible. Elles encouragent alors tout citoyen à devenir
producteur et à injecter sur le réseau. Elles sont encouragées à le faire à moindre coût et à
minimiser les coûts de raccordement au réseau. Cela peut avoir pour effet de contribuer à
freiner l’étalement urbain, dont les impacts sur la biodiversité se révèlent chaque jour plus
néfastes (sur la longue liste des catastrophes à venir, l’extinction massive de la biodiversité est
83 ASSOCIATION P’AIX 21
sans doute la prochaine après le réchauffement climatique). La bonne gestion électrique
deviendrait alors un élément d’appréciation de la qualité globale de l’action publique
territoriale, ainsi qu’un argument programmatique majeur lors des campagnes d’élections.
Ceci aurait pour conséquence une accélération sans précédent de la transition énergétique.
84 ASSOCIATION P’AIX 21
CHAPITRE XII
LA REVOLUTION DU STOCKAGE ?
Les récentes déclarations du patron de Tesla, Elon Musk, ont fait vibrer la communauté
internationale : Tesla serait en mesure, à très court terme, de proposer des unités individuelles
de stockage électrique pour environ 5.000$. Couplée à un système de production locale (des
panneaux photovoltaïques sur le toit d’une maison), cette innovation a le potentiel d’éliminer
l’intégralité des coûts énergétiques d’un foyer. Il suffirait de dimensionner l’installation de
façon à ce que la totalité des besoins (véhicule électrique, chauffage, éclairage, etc.) soient
couverts par la capacité de stockage de la batterie. L’avènement du stockage individuel
annonce-t-il la fin des besoins de mutualisation, nous permettra-t-il d’être, tout un chacun,
totalement autonomes ?
Avant le stockage, le lissage
On pointe souvent l’intermittence des énergies renouvelables pour dénoncer leur manque
de fiabilité par rapport aux énergies conventionnelles. Or le système tel qu’il est géré
aujourd’hui est déjà confronté à l’intermittence. Les cours d’eau n’ont pas le même débit selon
les saisons, et l’été est en général une époque où l’eau manque dans les fleuves. Les barrages
au fil de l’eau produisent alors moins qu’au printemps ou qu’en automne. Cette eau plus rare
est aussi plus chaude : elle est alors moins efficace à refroidir les réacteurs nucléaires qui
bordent nos fleuves. Les centrales nucléaires tendent donc elles aussi à tourner au ralenti en
été. On fait alors appel à de l’énergie d’origine fossile, mais les centrales thermiques
nécessitent un temps assez long pour atteindre une température suffisante pour offrir leur
plein potentiel de production.
Toutes ces données sont prises en compte et modélisées du côté de l’offre. On ajoute
comme donnée la capacité de stockage de l’énergie que représentent les barrages, qui
autorise une gestion plus souple de l’offre. Côté demande, les citoyens comme les entreprises
ne consomment pas uniformément à toute heure du jour et de la nuit : la consommation est
aussi intermittente. On procède également à des modélisations des comportements de
l’ensemble des agents socio-économiques pour prévoir au mieux la demande et procéder à
des ajustements d’offre si nécessaire.
La véritable différence avec les nouvelles énergies renouvelables (solaire et éolien) est la
durée bien plus courte de leur cycle d’intermittence : 24h pour le solaire, de quelques heures à
quelques jours pour l’éolien, qui est de plus aléatoire par nature et bien plus difficile à prévoir
85 ASSOCIATION P’AIX 21
sur un territoire spécifique. Parallèlement, les jours de pluie impliquent évidemment l’arrêt de
la production photovoltaïque, un simple nuage qui passe réduit sensiblement la production.
Sauf que ces arguments tout à fait valables à petite échelle et sur une courte période de
temps, perdent de leur force à l’échelle d’un pays (et encore plus à l’échelle européenne,
puisque nos réseaux sont interconnectés avec ceux de nos voisins) et sur des durées annuelles.
Commençons par l’échelle des temps. Une année non bissextile compte 8760 heures. On a
calculé pour la France que la durée d’ensoleillement est d’environ 2500 heures (un peu moins
au Nord, un peu plus au Sud). On peut donc théoriquement bénéficier de l’énergie
photovoltaïque pendant 28% du temps, ce qui nous laisserait 72% de notre temps condamnés
à la panne électrique si nous dépendions uniquement de cette source. Mais la comparaison a
peu de pertinence, car sur une année, il y a beaucoup d’heures où nous ne consommons que
peu ou pas d’électricité : au moins 6 heures par jour. Si l’on annualise ces 6 heures, on obtient
2190 heures que l’on retranche de 8760, obtenant ainsi 6570 d’heures « énergivores ». Dans
ce cas de figure, le solaire couvre alors 38% des heures énergivores. On vient de gagner 10%
pour les particuliers. Mais pour les entreprises non industrielles, la proportion est
potentiellement bien plus importante : celles-ci sont ouvertes principalement en heures de
jour, et fermées les fins de semaine. Ici la courbe de production photovoltaïque couvrirait :
Horaires de travail : 12h / par jour pendant 365-104 (week-ends)= 264 jours, soit
3132 heures.
Heures de soleil : 2500 *5(jours ouvrables)/7(jours par semaine)= 1786 heures
1786/3132= 57% !
Le nombre moyen d’heures de vent exploitables en France est d’environ 3500 heures par
an selon Negawatt. On notera que le potentiel éolien est plus élevé en hiver qu’en été, créant
ainsi une complémentarité intéressante avec le solaire. La combinaison des deux reste à
calculer précisément mais on peut espérer obtenir une couverture potentielle par les
nouvelles énergies renouvelables de plus de 50%.
L’échelle du pays permet aussi de lisser les productions. Ainsi, pour l’éolien, la répartition
n’est pas uniforme sur le territoire. On distingue deux grandes régions éoliennes : la grande
façade Nord Atlantique-Manche, incluant la Bretagne, la Normandie et le Nord, et le bassin du
golfe du Lion entre Provence et contreforts Pyrénéens, incluant le couloir rhodanien. Ces deux
zones connaissent des régimes de vent propres et qui ne sont pas corrélés entre eux. En clair,
si certains jours le vent souffle au Nord et au Sud, d’autres il ne souffle qu’au Nord ou qu’au
Sud. L’amplitude horaire de production éolienne tend donc à augmenter si l’on dissémine
suffisamment de lieux de production dans des sites éloignés les uns des autres. Le même
phénomène s’applique au solaire.
Il est probable que ces deux énergies renouvelables ne pourront jamais assurer une
énergie minimale, dite « de base » à l’ensemble du territoire à chaque heure de l’année. Mais
86 ASSOCIATION P’AIX 21
là n’est pas vraiment la question. Pour les citoyens, il est indispensable de prévoir en quoi leur
consommation et la production de renouvelables est compatible, et jusqu’à quel point.
Les réseaux intelligents : la clef de la décentralisation
Une des grandes incompréhensions concernant les « smart grids » concerne leur échelle.
Pour les fournisseurs, il s’agit de collecteurs d’informations postés chez chacun d’entre nous.
Dans ce cas, l’horizon du smart grid, c’est le réseau de distribution auquel il se superposera
parfaitement.
Pour la commune, le smart grid est un potentiel formidable de gestion à l’échelle du
territoire : la commune, le quartier, voir l’immeuble collectif… Dans ce cas de figure, l’horizon
du smart grid c’est la compréhension des besoins de ses administrés pour mieux y répondre.
Des projets de smart grids pilotes ont émergé. Depuis 2009, l’ADEME a lancé le
programme MILLENER, déployé en Corse, en Guadeloupe et à la Réunion. Il vise à rendre le
citoyen actif par des boitiers de suivi de la production. Il autorise EDF à opérer du délestage si
nécessaire chez les particuliers (qui peuvent le refuser en appuyant sur un simple bouton)… Ce
projet fait reposer l’équilibrage du réseau sur le fournisseur / producteur historique, EDF.
Si l’autoproduction se développe, ce type de projets pilotes risque fort d’être dépassé :
toute collectivité pourra alors effectuer une gestion fine des flux d’électricité via la collecte des
données agrégées de consommation de ses membres. Ici il faut comprendre collectivité au
sens large : cela peut être une commune, un département, ou même un quartier ou une
copropriété.
Le stockage à portée de main ?
C’est la grande attente qui fait rêver les producteurs d’énergies renouvelables. Avec des
solutions économiquement viables de stockage de l’électricité, chaque consommateur a la
possibilité de devenir producteur autonome, et le système centralisé perd sa raison d’être.
Selon Pierre Odru, ingénieur principal de recherche à l’IFP (Le stockage de l’énergie,
Editions Dunod, 2010), il existe schématiquement trois types de stockage d’électricité :
Celui que l’on peut transporter – le stockage embarqué
Celui disponible à partir d’un site propre – le stockage stationnaire
Celui qui convertit chaleur en électricité et réciproquement – le stockage de chaleur.
87 ASSOCIATION P’AIX 21
Sous la première catégorie on trouvera les batteries des véhicules électriques ou de tout
appareil électronique, mais aussi les supercondensateurs et les volants d’inertie. Les
applications sont plutôt à l’échelle individuelle : ce stockage assure une distribution
d’électricité ponctuelle et pour des usages privés plutôt qu’industriels. De nombreux projets
voient le jour, fruit de coopérations scientifiques, souvent transfrontalières en Europe. Les
Allemands, très à la pointe dans ce domaine, ont par exemple sorti le prototype Sol-ion et sol-
ion+, par le partenariat entre Bosch, Saft, des énergéticiens (UWG, Stadwerke Mainz Netze)
des centres de recherches du Bade Wurtemberg (ZSW), d’Aix la Chapelle, et de Farunhofer
IWES. Mais les coûts sont encore prohibitifs, même pour les technologies maitrisées telles que
les batteries au lithium. Les batteries au plomb sont économiques et non dangereuses puisque
recyclées à 100% (et à euro positif). Mais leur poids et leurs performances ne se prêtent pas à
un usage individuel.
La seconde catégorie regroupe les retenues d’eau (barrages et STEP), le stockage par air
comprimé ou par production d’hydrogène. Leur application répond clairement à des besoins
industriels et peut fournir de l’électricité sur plusieurs jours (STEP) et répondre à toute
demande de soutirage (power to gaz). On peut inclure dans cette catégorie les centrales
« power to gaz », bien qu’elles correspondent aussi à la définition de la troisième catégorie
(stockage de chaleur). Le développement de centrales « power-to-gas » n’en était qu’à ses
balbutiements, mais la première centrale de production industrielle vient de voir le jour en
Allemagne. De quoi s’agit-il ? Ce sont des centrales branchées sur génération éolienne, qui
utilisent le surplus de cette production pour alimenter une centrale hybride à hydrogène.
L’hydrogène ainsi généré est envoyé avec du biogaz en centrale de cogénération permettant
de produire de l’électricité et de la chaleur. Ce projet de catalyseur alcalin de McPhy Energy à
Prenzlau en Allemagne, « Alcaline 2.0 », fonctionne depuis novembre 2014, a une puissance de
0,5MW et a produit et réinjecté sur le réseau plus de 100MWh à ce jour. On assiste donc aux
premiers développements industriels du stockage d’électricité par la technologie hydrogène
(Source : Emmanuel Mannoni).
La troisième catégorie, le stockage par chaleur, est à la fois la forme la plus ancienne de
stockage et celle présentant les potentiels les plus importants : 50 % de l’énergie en Europe
servant au chauffage, loin devant l’industrie ou les transports, on imagine le potentiel en
termes de réductions des émissions de CO2 et de maitrise de la demande en énergie. Les
types de stockage sont soit de court terme, heure ou journées (cumulus, conductivité des
matériaux de construction à chaleur sensible, solaire thermodynamique de type CSP) soit
saisonniers (stockage géologique). De nombreux sauts technologiques sont à attendre pour
rendre ces technologies économiquement viables, d’où la nécessité de soutenir la recherche
au niveau européen.
88 ASSOCIATION P’AIX 21
La solution : la gestion intégrée du stockage
Pour voir les exemples les plus probants de gestion intégrée du stockage, il faut aller de
l’autre côté de l’Atlantique. Le programme ARRA (American Recovery and Reinvestment Act)
initié par l’administration Obama en 2009 a investi 5Mds USD dans le stockage d’un réseau de
distribution qui souffre de vieillissement avancé et dont la maintenance risque de couter
horriblement cher. Pour cela, plutôt investir dans un stockage distribué (via barrages à 95%
mais aussi batteries, stockage thermique et air comprimé). Les efforts de recherche sont
immenses, la Californie est en pointe (lire Le journal du PV hors-série n°11, 2014).
Dans la perspective de la mise en concurrence des concessions hydrauliques sur le
territoire français, des arbitrages sont en cours entre une ouverture totale à la concurrence,
l’obligation de constituer des SEM, ou le passage de la concession à l’autorisation
d’exploitation. Cette question est essentielle car elle redessinera le paysage énergétique
national dans un sens ou dans l’autre : qui profitera de la rente hydraulique, et surtout qu’en
feront les bénéficiaires ? Les bénéficiaires peuvent être (i) l’opérateur historique, (ii) les
producteurs/ fournisseurs concurrents, ou (iii) les collectivités via des montages SEM. Notons
que sur chacune de ces options, du capital citoyen peut être sollicité pour cofinancer les
projets de reprise. La seconde partie de la question est intéressante, car si d’une part la vente
de l’électricité hydraulique est soumise à certains impératifs (précipitations saisonnières,
utilisation en pointe pour pallier aux déséquilibres du réseau, etc…), elle peut d’autre part être
utilisée selon des stratégies bien divergentes. Etant à la fois rapidement mobilisable et
rapidement interrompue, par de simples systèmes de vannes, elle constitue une énergie
d’appoint de moindre coût. Ou de bénéfice maximum si elle est vendue lors de pointes de
soutirage à des prix donc très élevés sur le marché de capacités ou le marché spot (de jour à
jour). Mais si son objet est de répondre aux besoins précis des citoyens-consommateurs, alors
elle devient une réponse crédible à l’intermittence des autres sources d’énergie renouvelables.
On peut alors considérer que l’électricité hydraulique prenne le relais en début et fin de
journée (avant et après la génération solaire), puis en soirée/nuit. On peut aussi imaginer une
complémentarité encore plus grande avec l’éolien, qui lorsqu’il fonctionne à pleine puissance,
générerait de l’électricité pour les besoins quotidiens mais aussi pour remplir des retenues
d’eau via des turbines réversibles pompage-turbinage).
On voit bien là que le potentiel de « lissage » des pics en combinant harmonieusement des
sources d’énergie renouvelables est non seulement supérieur à celui du marché de capacités, il
est surtout plus simple, moins technocratique, et va dans l’intérêt du citoyen. Mais il faut là
encore renoncer à l’idée d’une rentabilité de marché maximale en tout point du jour, pour
privilégier une stratégie de couverture optimale des besoins.
En 2015, un fait intéressant a été révélé par la presse en France : l’ADEME avait
commandé un rapport prospectif sur une France 100% renouvelable à l’horizon 2030. Ce
89 ASSOCIATION P’AIX 21
rapport, jamais publié, fut finalement déterré par la presse et eut un impact médiatique
probablement supérieur à celui qu’il aurait pu avoir si sa publication avait été autorisée22.
Analyse du rapport de l’ADEME 100% renouvelables 2030
Le rapport piloté par l’ADEME simule une France fournie à 100% par un mix de
15 énergies renouvelables à l’horizon 2050. Il en tire les conséquences sur les
parties production et transport et sur le coût global pour les citoyens. La
distribution et la fourniture ne sont pas abordées.
La première donnée est celle des gisements, par énergie et par région. Le total
atteint environ 700GW de puissance installée, avec une nette prédominance du
photovoltaïque sur toitures (364 GW), soit plus de la moitié du gisement. L’éolien
terrestre n’est pas en reste avec un potentiel de 174 GW. A elles deux, les filières
éolienne et solaire concentrent 652 GW soit 93% du total. Viennent ensuite les
filières hydrauliques (6,1%, 43 GW). Le reliquat est composé de technologies
diverses (Géothermie, biomasse, incinérateurs…).
Trois régions se distinguent avec un potentiel supérieur à 60 GW : l’Aquitaine,
la Bretagne, et Rhône-Alpes. Si les deux premières sont soutenues par un fort
potentiel éolien, c’est le potentiel solaire et hydraulique qui assure à Rhône Alpes
sa troisième place. Viennent ensuite Pays de la Loire et Midi-Pyrénées (plus de
50GW) et PACA (46GW). On voit bien qu’outre les caractéristiques naturelles, ce
qui détermine le classement des régions, c’est bien leur taille et leur densité de
population : plus celles-ci sont élevées, plus le potentiel solaire est important.
Ainsi, le Nord pas de calais a un gisement supérieur à celui du Limousin (27 GW
contre 20 GW) malgré un ensoleillement et un potentiel éolien relatifs plus faibles.
A partir de ces gisements on peut déterminer un productible maximal
théorique, c’est-à-dire qui prend en compte l’intermittence de chaque énergie.
Celui-ci serait de 1.268 TWh, soit près de… trois fois la demande annuelle actuelle
(422 TWh) ! Néanmoins, cette même intermittence fait que l’adéquation heure par
heure entre production et demande n’est pas nécessairement garantie. L’étude
montre qu’elle le sera par le stockage de l’énergie.
Les prévisions de coût (LCOE – méthode du coût moyen actualisé) intègrent les
coûts de raccordement. En 2050, ce sont la géothermie (5,7c€/KWh), le
photovoltaïque au sol (6c€/KWh) et l’éolien terrestre (6,5c€/KWh) qui sont les plus
compétitifs. Les technologies actuellement au stade prototypique telles que les
hydroliennes et houlomoteurs seraient à 11c€, à comparer avec le coût actuel du
PV en toiture entre 12 et 14c€ selon la région. On voit donc que la méthode révèle
une baisse très significative des coûts de production (learning-by-doing) et
probablement une hausse continue des rendements en raison d’une forte
émulation concurrentielle.
22 Le rapport a depuis été publiée par l’ADEME, et les graphiques sont visibles sur le site www.mixenr.ademe.fr
90 ASSOCIATION P’AIX 21
Si l’on établit un classement des LCOE au niveau régional, c’est dans les
régions les plus au sud que ces coûts sont les plus faibles : PACA, Languedoc
Roussillon et Midi-Pyrénées. Des coûts sont également évalués pour les
installations de stockage, les STEP. Le coût serait de 8,2c€ pour les 7 premiers GW
installés, puis passerait à 15c€ pour les suivants (potentiel total estimé de 9,2GW).
L’étude détermine trois types de stockage :
Le stockage dit de court-terme (6h de durée de décharge), généré par les batteries ou des
technologies par air comprimé, intégrées aux unités de production mêmes ;
Le stockage hebdomadaire assuré par les STEP (retenues d’eau), avec une durée de
décharge de 32h – ce stockage peut aussi servir en infra-journalier.
Figures 11 & 12 : Profils de stockage journalier et hebdomadaire
91 ASSOCIATION P’AIX 21
Le stockage inter-saisonnier assuré par la conversion du surplus électrique en gaz
méthane (processus de méthanation) ; stockable, celui-ci peut être utilisé en période
de pointe pour produire de l’électricité.
Figure 13 : Profil annuel de stockage par méthanation
La Méthanation
C’EST un processus qui permet de convertir les gaz carboniques et l’hydrogène
en méthane et en eau. Au niveau industriel, dénommé filière « power to gaz »,
l’électricité surnuméraire sert à produire de l’hydrogène, qui par l’adjonction de
CO2 fabrique du méthane. Ce méthane peut ensuite être stocké ou renvoyé dans
les réseaux de gaz naturel existants, où il sera brûlé pour être converti à nouveau
en énergie électrique : c’est la filière « gaz to power ».
Ce sont ces trois filières qui permettent, en lissant les pointes et les creux de production,
de rendre cohérent l’ensemble du modèle. Et qui permettent de rendre opérationnelle la
compatibilité « naturelle » entre soleil et vent, comme le montre le graphique ci-dessous. Car
si le pic solaire est évidemment en été, le pic éolien est lui réparti sur les mois d’hiver
(novembre à janvier). C’est peut-être là le principal apport de ce rapport : celui de démontrer
que l’intermittence des ENR n’est pas, loin de là, un problème irrésoluble.
92 ASSOCIATION P’AIX 21
Figure 14 : Profils annuels de la production solaire et éolienne
Et si ces trois options se révèlent insuffisantes, il existe encore un quatrième outil
supplémentaire de régulation : l’effacement/report. Nous avons vu les caractéristiques de
l’effacement, pour lequel il existe un marché imminent. Quant au report, il se réfère au
chauffage et aux véhicules électriques. Si une heure de chauffage en collectif est effacée, elle
sera reportée à 50% à l’heure d’après, 25% à la suivante et 25% à la suivante. Pour les
véhicules électriques (estimé à 10,7 millions d’unités dans le modèle), ils sont chargés via des
bornes de recharge pour moitié pendant la journée de travail et pour moitié pendant la nuit.
Ici, le modèle ne se départit pas d’une vision centralisée où le gestionnaire de réseau est
en mesure de piloter la charge/consommation de millions d’unités simultanément. Et ce grâce
à l’obtention instantanée des données de consommation des particuliers qu’il obtient grâce
aux fameux compteurs intelligents… Néanmoins, si cette option nous parait sous-optimale, il
n’empêche qu’elle est faisable, alors même que les charges de véhicules électriques
provoquent des appels de charge sur le réseau extrêmement élevées.
Le résultat, c’est que pour une configuration particulière testée par le modèle, on a le
schéma suivant :
Figure 15 : Equilibrage de l’offre et de la demande d’électricité renouvelable par le stockage
93 ASSOCIATION P’AIX 21
A gauche la puissance ENR sollicitable à toute heure, comprise entre 20 et 120GW. La
puissance moyenne est aux alentours de 65GW (ligne pointillée) et correspond au niveau
moyen de la « pointe de demande non pilotée ». Pour toute production supérieure, les
capacités de stockage sont remplies (histogramme « flexibilité à la hausse »), et seront
sollicitées lors de productions inférieures (« flexibilité à la baisse »). On voit bien que la
complémentarité d’un système combinant diversité des sources de production et des
capacités de stockage joue à plein. Le risque de black-out est presque totalement éradiqué,
sachant que le potentiel ENR est trois fois supérieur à celui requis. Bien sûr la demande
électrique pourrait croitre mais pas dans ces proportions, étant données les politiques de
maitrise de la demande en énergie mises progressivement en place.
En conclusion, le stockage est à n’en pas douter la nouvelle frontière énergétique. Il s’agit
indubitablement d’une rupture technologique majeure, amenée à modifier la structure même
du secteur qui l’a engendrée. Mais au même titre que les modes de production actuelles, les
différentes options connues à ce jour répondent à des contraintes de temps particulières. En
production on parle de pointe, demi-pointe, base. En stockage on parlera d’infra-journalier,
d’infra-hebdomadaire et d’inter-saisonnier (plus l’effacement, qui est du stockage
« financier »). C’est pour cette raison qu’il nous semble illusoire de croire à la vision de foyers
parfaitement autonomes grâce à leurs panneaux solaires, leurs véhicules électriques et leurs
batteries complémentaires. Une grande partie du stockage relève également du bien commun
et a vocation à être gérée par le réseau et la commune.
94 ASSOCIATION P’AIX 21
CONCLUSION :
LA CONFIANCE, POINT DE DEPART D’UN
NOUVEAU CONTRAT ENERGETIQUE NATIONAL
Pour que la transition énergétique ne soit plus un vœu pieu ou l’apanage de quelques
majors caractérisées par une extrême concentration du capital, il faut impérativement
impliquer l’ensemble des composantes de nos sociétés. A ce jour, cette implication est surtout
pensée en actions de dissémination : conférences, tables rondes, communications officielles. Il
est temps de passer à une étape supérieure. Nous distinguons trois catégories d’acteurs à
mobiliser : les autorités publiques, les professionnels et les citoyens.
Les autorités publiques, et au premier rang l’Etat, ont à charge de construire et de garantir
un cadre national ouvert : aux innovations, aux capitaux, aux initiatives citoyennes. Ce cadre
reposerait sur des principes soit qui existent déjà et doivent être maintenus, soit qui n’existent
pas encore et doivent apparaitre.
En premier lieu, il leur appartient de garantir la mutualisation de l’énergie. Celle-ci existe
déjà à travers trois principes : la péréquation, le réseau, la lutte contre la précarité
énergétique. Certes, la péréquation, véritable outil d’équité territoriale, coûte cher,
notamment en zones non interconnectées, c’est-à-dire dans les DOM, les zones insulaires et
de montagne. Son financement dépendant d’une taxe prélevée sur chaque kWh transitant par
le réseau, elle est donc fortement corrélée à l’utilisation de ce réseau. Il faut donc préserver
ce bien commun, continuer à utiliser le réseau mais lui affecter d’autres tâches (telles que le
stockage) et repenser la clef de répartition des taxes (CSPE) qu’il collecte. Enfin, la précarité
énergétique commence à être prise en compte avec la création d’un remboursement annuel
de 100€ environ (appelée Tarif social de l’énergie). Ce ne sera probablement pas suffisant à
l’avenir et cette mesure devra être renforcée par des actions en amont.
Dans la seconde catégorie l’Etat et les collectivités doivent aider à la responsabilisation
individuelle, en commençant par permettre aux citoyens de mesurer dès aujourd’hui leur
consommation et dès demain leur production d’électricité. La promotion du seul compteur
Linky est en contradiction avec la multitude de solutions sur le point d’envahir le marché :
plateformes en ligne, boitiers reliés aux box internet, etc. Ces technologies sont simples
d’utilisation, souvent abordables, et résolument démocratiques. Elles sont aussi un pré-requis
indispensable à l’autoconsommation ou à l’isolation car elles font prendre conscience à leurs
utilisateurs que leur situation actuelle peut être améliorée.
95 ASSOCIATION P’AIX 21
En troisième lieu doit apparaitre l’encouragement des initiatives citoyennes : ce sont eux
qui, en multipliant les projets collectifs ou en passant à l’autoconsommation, permettront de
réaliser la transition énergétique, plus vite que par n’importe quel autre canal. Il faut donc
créer un cadre normatif souple (statut spécifique d’association d’autoproducteurs) et
éventuellement l’accompagner d’aides financières à l’installation pour que ces initiatives
voient le jour et se multiplient. Actuellement le développement annoncé de
l’autoconsommation semble paniquer les autorités ; ce serait une erreur car avec l’évolution
des coûts des ENR, notamment du photovoltaïque, ce phénomène est inéluctable. Il est donc
préférable d’en appuyer l’émergence pour ne pas se laisser déborder. Tous les échelons
publics, de la commune à l’Etat, pourront intervenir pour soutenir ces initiatives : financement,
animation de réseaux de professionnels, mise à disposition de formations dédiées ou
d’espaces de consultation.
Enfin, la puissance publique doit réorienter l’essentiel de ses crédits recherche dans le
secteur de l’énergie vers le stockage d’une part et les réseaux locaux que sont les smart grids
d’autre part. Notre conviction est que les évolutions actuelles des différentes sources
d’électricité révèlent une certaine vérité : perte de compétitivité du nucléaire et du thermique,
maturité et gains de compétitivité des renouvelables. L’enjeu des prochaines décennies sera
plutôt celui de l’organisation du réseau plutôt que sur la diversification du bouquet
énergétique en faveur du renouvelable, déjà en marche et inéluctable.
Les professionnels devront être intégrés à la transition énergétique à deux titres. Les
entreprises et artisans pourront se regrouper autour de la transition énergétique en tant
qu’objectif fédérateur. De ce regroupement ad hoc naitra naturellement un nouveau métier de
conseiller/ maitre d’œuvre énergie, qui pourra intervenir dans le bâtiment, le tertiaire et
l’industrie. Par extension, si l’engouement populaire pour des solutions collectives de
production se vérifie, l’activité de porteur de projets collectifs verra également le jour. Aux
autorités publiques d’anticiper cet essor et de prévoir des formations diplômantes, des
agréments pour réguler ces professions à venir.
De l’autre côté, les donneurs d’ordre potentiels de la transition énergétique seront
mobilisés sur cette question, ne serait-ce que parce qu’ils seront sollicités par les entreprises et
artisans susmentionnés. Ces donneurs d'ordre peuvent être des organismes d’HLM ou des
gestionnaires de copropriétés. Face à la montée en régime de la transition et à la
multiplication de propositions commerciales, ils auront à élaborer des objectifs précis en
termes de performance énergétique des bâtiments dont ils ont la gestion. Aux ALE d’être leurs
interlocuteurs privilégiés.
Enfin, au cœur de la transition, nous l’avons dit et répété, se situe le citoyen. Rien de
satisfaisant ne se fera sans lui : il doit donc être la cible d’une vaste opération de «
simplification » de l’énergie (nous pourrions utiliser le terme « démystification »). Tout doit
concourir à lui faire prendre conscience que des solutions à portée de main existent, qu’elles
sont rentables et socialement désirables.
96 ASSOCIATION P’AIX 21
Ensuite viendra le temps de l’action, celle des investissements dans l’isolation ou la
production d’électricité. Des aides à l’investissement peuvent être proposées, en prenant en
compte que ces investissements sont élevés mais le plus souvent réalisés en une fois, et que
les horizons de rentabilité doivent être suffisamment courts pour que les citoyens identifient le
rendement de leur investissement. L’investissement citoyen doit pouvoir être mutualisé, et
éventuellement soutenu par une garantie des autorités publiques, locales ou nationales.
C’est prenant en compte l’ensemble de ces catégories d’acteurs que nous pourrons enfin
lancer cette transition énergétique à l’échelle de notre pays, et pourquoi pas la transmettre à
l’échelle européenne.
97 ASSOCIATION P’AIX 21
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LES AUTEURS
Hadrien MICHEL est économiste de l’environnement, spécialisé dans le conseil aux
autorités publiques et collectivités territoriales pour la mise en place de stratégies de
transition énergétique. Cette expertise est renforcée par une longue expérience en matière de
coopération au développement, particulièrement en Méditerranée : Maroc, Tunisie, Egypte,
Liban, Jordanie. Il fut ainsi consultant auprès de la Banque mondiale pour la région
Méditerranéenne (2011-2015).
Gilles PIPIEN est ingénieur général des Ponts, des Eaux et Forêts, inspecteur général de
l’environnement et du développement durable auprès du ministère de l’Ecologie, du
Développement Durable et de l’Energie. Il fut récemment conseiller environnement et
développement durable en Méditerranée à la Banque Mondiale (2004-2012), et ancien
directeur de cabinet de la ministre de l’Ecologie et du Développement Durable (2002-2003).
Gilles Pipien est également le Président de l’association P’Aix 21, Provence Aix 21, réussir un
développement durable.
P’Aix 21, réussir un développement durable.
Association créée en 2008, par quelques citoyens, habitants de Provence, ayant conscience de l’urgence de faire évoluer nos comportements et d’accompagner l’évolution des politiques publiques, afin de préparer un avenir vivable à nos enfants, petits-enfants, avec une énergie rare, des ressources à préserver, un cadre de vie à ménager. Un avenir dans une économie prospère, respectant notre environnement, notre santé, assurant le partage et la culture.
Dans nos villes, dans nos régions, nous constatons les pollutions, les atteintes à la santé,
les difficultés de transport qui gênent le développement économique et donc les emplois, la
destruction des espaces naturels, le recul de l’agriculture et sa dépendance de pesticides qui
tuent nos rivières ... Nous nous positionnons comme des experts locaux du développement
durable.
Cette association a pour but d’assurer en Provence, la promotion de politiques de
développement durable. Dans ce but, elle prend toute initiative utile comme l’échange de
savoirs et compétences, la diffusion d’information, notamment via des publications ou via
internet, l’organisation de réunions d’information/sensibilisation, de séminaires d’échanges ou
de conférences/débats, etc.
Elle peut intervenir sur des missions de conseil et d’expertise.
Elle est totalement indépendante, en particulier de toute idéologie, religion, parti
politique, entreprise ou lobby économique, ou de toute personnalité.
Voir : http://www.paix21.org/