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La variation diatopique
dans l’enseignement du français
en Norvège
Le français parlé hors de France en classe de VG2?
Eline Skaare Amundsen
Directrice de mémoire: Chantal Lyche
FRA 4191
Masteroppgave i fransk, lektor- og adjunktprogrammet (60SP)
ILOS, HF
UNIVERSITETET I OSLO
Vår 2015
II
III
La variation diatopique dans
l’enseignement du français en Norvège
Le français parlé hors de France en classe de VG2?
Eline Skaare Amundsen
Directrice de mémoire: Chantal Lyche
FRA 4191 – Masteroppgave i fransk, lektor- og adjunktprogrammet (60SP)
ILOS, HF, UiO
Vår 2015
IV
© Eline Skaare Amundsen
2015
La variation diatopique dans l’enseignement en Norvège : le français parlé hors de France en
classe de VG2?
Eline Skaare Amundsen
http://www.duo.uio.no/
Trykk: Reprosentralen, Universitetet i Oslo
V
Remerciement
Tout d’abord, je tiens à exprimer ma sincère gratitude et reconnaissance à ma directrice de
mémoire, Chantal Lyche. Son grand engagement et soutien ainsi que ses conseils et
remarques m’ont permis de mener ce projet à bien. Tout au long du travail, elle s’est montrée
particulièrement disponible et flexible.
Je tiens également à remercier Marie-Hélène Côté pour le fichier sonore qu’elle m’a fourni
ainsi que ses commentaires, sans lesquels l’étude des manuels aurait été incomplète.
Un grand merci à Mona Elset qui a bien voulu m’accueillir dans sa classe et participer à mon
projet, et aux élèves d’Eikeli vgs qui y ont participé de bon gré. J’aimerais aussi remercier
tous les enseignants qui ont répondu à mon questionnaire.
Je veux aussi exprimer ma reconnaissance à Kari Ryan, rédactrice de Lingua Planet Fransk,
qui s’est intéressé à mon projet et m’a donné accès à ce manuel lors de mon projet. Merci
beaucoup à Hélène Celdran qui m’a fait découvrir ce manuel.
Je souhaite finir par remercier mon conjoint, ma famille et mes amis pour leur soutien et
encouragements. Heureusement que vous étiez à mes côtés.
VI
VII
Table des matières
1 Introduction ....................................................................................................................1
2 Le français dans tous ses états .........................................................................................5
2.1 La variation linguistique ...........................................................................................6
2.1.1 La variation refoulée aux marges de la langue ...................................................6
2.1.2 Autour de la notion de variation ........................................................................8
2.2 La variation diatopique dans l’espace francophone hors Hexagone ......................... 11
2.2.1 L’espace francophone ...................................................................................... 11
2.2.2 Diversité des situations, diversification du français .......................................... 14
2.3 En guise de conclusion : trois zones francophones à présenter linguistiquement ..... 20
3 La variation diatopique selon les directives de l’enseignement du FLE ......................... 21
3.1 L’étude d’une deuxième langue étrangère en milieu scolaire norvégien .................. 21
3.2 La variation diatopique dans le programme d’enseignement ? ................................ 24
3.2.1 Le programme des langues étrangères ............................................................. 24
3.2.2 Le programme d'anglais comme source d'inspiration ....................................... 30
3.3 La variation diatopique dans l'apprentissage des langues selon le CECR ................. 32
3.4 Les objectifs à envisager pour la sensibilisation à la variation diatopique ................ 35
4 La variation diatopique dans les manuels norvégiens de FLE ........................................ 37
4.1 Présentation générale des manuels ......................................................................... 38
4.2 Les manuels Contours et Enchanté 2 et leur présentation du monde francophone ... 40
4.2.1 Le monde francophone selon Contours ............................................................ 41
4.2.2 Le monde francophone selon Enchanté 2 ......................................................... 44
4.2.3 Synthèse de la présentation du monde francophone des manuels ..................... 54
4.3 Analyse approfondie d’un texte représentant la variété de français québécois ......... 55
4.3.2 Étude lexicale .................................................................................................. 57
4.3.3 Etude phonologique ......................................................................................... 63
4.4 Critères pour illustrer une variété donnée ................................................................ 66
5 La sensibilisation à la variation diatopique en classe de VG2 ........................................ 69
5.1 La variation diatopique comme objet d’enseignement ............................................. 69
5.1.1 Les enseignants, leurs pratiques, compétences et attitudes .............................. 69
5.1.2 La sensibilisation à la variation diatopique, quel intérêt et quel impact sur
l’apprentissage des élèves?............................................................................................ 72
VIII
5.2 Comment sensibiliser les élèves à la variation diatopique du français? .................... 75
5.2.1 Réflexions critiques et didactiques sur notre intervention en classe .................. 75
5.3 Pistes didactiques et ressources pour introduire la variation diatopique en classe .... 82
5.3.1 Trois pistes didactiques ................................................................................... 82
5.3.2 Ressources pour introduire la variation diatopique ........................................... 84
5.3.3 Pour conclure .................................................................................................. 87
6 Conclusion .................................................................................................................... 89
Bibliographie ........................................................................................................................ 93
Annexes
Table des annexes
Annexe A: Vue d’ensemble des textes examinés des manuels
Annexe B: Questionnaire électroniques des enseignants
Annexe C: Une sélection des réponses du questionnaire des enseignants
Annexe D: Questionnaire des élèves
Annexe E : Une sélection des réponses du questionnaire des élèves
Annexe F: Support écrit de l’exercice
1
1 Introduction
La présentation de documents authentiques, qui sert d’ancrage aux approches
actuelles de l’enseignement du FLE ne requiert-elle pas que l’on fasse écouter les
voix réelles de la francophonie aux apprenants sans toutefois – et j’insiste là-dessus –
leur demander de les imiter (Valdman, 1996, cité par Valdman, 2000, p.655).
Dans la longue histoire de l’étude des langues et ainsi dans celle de l’enseignement des
langues, la variation linguistique a été perçue comme un sujet profondément marginal, et
particulièrement en France (Laks, 2013). En revanche, dans les sciences du langage du XXIe
siècle, la variation est devenue un objet d’étude digne d’intérêt. Grâce à la constitution de
grands corpus du français parlé ces dernières décennies, on commence à mieux connaître la
réalité langagière du français, non seulement celle en France, mais aussi le français tel qu’il
est réellement utilisé dans l’espace francophone. Ces grands corpus oraux nous donnent alors
un accès direct à la grande diversité du français à travers le monde, permettant de constater
qu’il n’existe pas un français unique, mais des français, au pluriel, ou des variétés de français.
Ces nouvelles données du français dans sa diversité commencent aussi avoir une répercussion
dans le champ du FLE. Dans la littérature du FLE (voir Bertrand & Schaffner, 2010 ; Gadet,
2004, Valdman, 2000), la question de la variation est devenue un sujet d’actualité. On remet
en cause de la place absolue accordée au français dit « standard » et s’interroge sur celle à
réserver à la variation et sur sa gestion dans l’enseignement du français.
Ces questions se trouvent également au cœur de ce mémoire, mais se borneront à la variation
géographique du français parlé hors de France dans l’enseignement du FLE en Norvège. Nous
nous interrogerons sur la place le traitement de la variation géographique, aussi nommée
diatopique, du français parlé hors de France dans l’enseignement du FLE en Norvège, et plus
précisément si seul le français « standard » doit être ciblé pour le développement des
compétences orales des apprenants en Norvège, ou bien, si le français parlé dans l’espace
francophone hors Hexagone doit aussi être pris en considération. Précisons d’emblée que le
français parlé hors de France souffre d’être souvent perçu comme un thème doublement
marginal, à l’extérieur de la norme et à l’extérieur de l’Hexagonal.
2
Cependant, à l’école norvégienne, c’est précisément le français parlé hors de France qui
constitue l’argument de taille pour encourager les élèves à choisir le français comme langue
étrangère.1 On met particulièrement en valeur la possibilité de communiquer avec des
locuteurs d’origines variées du monde entier, dans le cadre des études, du travail ou lors des
vacances. En d’autres termes, la pluralité des usages du français à travers le monde est utilisée
pour attirer les élèves. Il semble alors naturel que l’enseignement lui-même présente aux
élèves cette pluralité au cours de leur apprentissage du français, que l’on commence à
préparer les élèves à entrer en contact avec des francophones d’origines variées. Mais est-ce
réellement le cas? C’est ce que nous allons tenter d’examiner dans ce travail.
Nos questions de recherche sont les suivantes : dans quelle mesure la variation diatopique
est-elle traitée dans l’enseignement du français en Norvège ? Comment est-elle traitée ?
L’enseignement est-il optimal ?
Afin de mesurer la place accordée à la variation diatopique et d’évaluer l’état actuel de
l’enseignement du français à ce propos, nous avons mis l’accent sur l’étude des manuels du
FLE actuellement en usage en Norvège. Ce choix s’explique par le fait que les manuels jouent
un rôle décisif à l’école norvégienne concernant les thématiques et aspects abordés dans
l’enseignement, y compris en classe de langue (Udir, 2005). Les deux manuels qui vont faire
l’objet d’une étude sont Enchante 2 (Hønsi, Kjetland & Liautaud, 2007; 2013) et Contours
(Ankerheim & Lokøy, 2007; 2009). La sélection de ces manuels s’est imposé d’elle-même
étant donné que ce sont ces deux manuels qui abordent la thématique du monde francophone
de façon plus approfondie.
Pour les deux manuels, la thématique du monde francophone est prévue pour la deuxième
année du niveau II, en classe de VG2 au lycée, c’est-à-dire lors de la cinquième année de
l’apprentissage du français. Il s’ensuit que notre travail se borne principalement à ce niveau-
là, qui nous semble d’ailleurs opportun en ce qui concerne la variation, étant donné que les
élèves ne sont pas des débutants, mais se trouvent à un stade plus avancé de l’apprentissage.
En plus de l’étude des manuels, nous avons proposé un questionnaire aux enseignants au
lycée et nous sommes intervenue dans un lycée pour réaliser une activité portant sur la
variation diatopique en classe de français, ce qui nous a permis d’apporter d’autres éléments à
1 Il existe différents sites et brochures élaborés dans cette optique, voir par exemple
http://www.sprakvalg.no/#fransk, site proposé par Fremmedspråksenteret et leur brochure Fransk i Verden ;
http://velgfransk.no/ (élaboré par Fransklærerforeningen)
3
notre sujet de recherche, notamment des propositions d’amélioration et des pister à envisager
pour le traitement de la variation diatopique en classe de français en VG2.
Dans le Chapitre 2, nous abordons le sujet de la variation diatopique du point de vue
linguistique afin de montrer que le français parlé à travers le monde est particulièrement
variable et hétérogène. La présentation de l’espace francophone va aussi nous permettre de
délimiter les zones qui devront être présentées dans l’enseignement du français.
Ceci étant posé, nous nous tournerons vers le terrain de l’enseignement. Dans le Chapitre 3,
nous examinerons les directives de l’enseignement du français en Norvège par rapport à ce
qu’elles expriment quant au traitement de la variation diatopique, en particulier en ce qui
concerne le niveau et les objectifs à viser pour ce propos. Ce chapitre nous permettra aussi de
décrire le cadre dans lequel s’inscrit ce travail.
Notre interprétation des directives sera confronté aux manuels dans le chapitre 4 lorsque nous
étudierons dans quelle mesure et comment ils traitent le français parle hors de France lors de
la thématique du monde francophone, et si ce traitement est optimal. Le chapitre 5 représente
un travail de terrain en classe de français VG2. Nous aborderons d’abord la question de la
variation diatopique du point de vue des enseignants enquêtés avant de nous tourner vers
l’aspect pratique et proprement didactique de ce mémoire, à savoir comment sensibiliser les
élèves à des variétés de français hors de France. Pour conclure, nous ferons le bilan de notre
travail dans le chapitre 6 et terminerons par quelques réflexions concernant notre sujet.
4
5
2 Le français dans tous ses états2
« Il n'est pas de langue que ses locuteurs ne manient sous des formes diversifiées » (Gadet,
2007, p.13). La langue française n'en est pas une exception. Comme l’attestent les grands
corpus oraux du français contemporain, il y a des formes variables du français à tous les
niveaux de l'analyse linguistique qui se manifestent de façon hétérogène selon le locuteur
francophone et la situation de communication en question. La variation constitue ainsi une
caractéristique fondamentale de la langue, notamment de la langue parlée qui est le lieu par
excellence de la variation. Il s’ensuit que, lorsque l’on vise à présenter aux élèves ce qui est
réellement le français, il est nécessaire de prendre en considération sa variabilité, sans laquelle
toute présentation sera incomplète. Tel est du moins notre point de vue et c’est pourquoi notre
sujet de mémoire porte sur la sensibilisation des élèves à un aspect de la variabilité de
français, et plus particulièrement le français parlé hors de France.
Dans ce premier chapitre, nous nous intéressons au versant linguistique du sujet de ce travail,
qui constituera la base pour aborder le versant didactique dans les chapitres suivants. Nous
commencerons par introduire la variation de manière générale. D’abord d’un point de vue
historique, où nous aborderons les principales raisons pour lesquelles la variation a été jusqu’à
relativement récemment occultée dans les descriptions des langues, celle du français en
particulier, ce qui a vraisemblablement influencé son enseignement. Nous passerons ensuite
en revue des notions liées à la variation, en mettant l’accent sur la variation diatopique, avant
de nous tourner vers la variation diatopique du français hors de France. Pour aborder cet
aspect, nous nous intéresserons surtout aux grandes zones francophones extrahexagonales, du
point de vue historique et du point de vue actuel, ce qui permettra de se rendre compte
pourquoi le français parlé hors de l’Hexagone se différencie du français de France. En guise
de conclusion, nous proposerons une suggestion des zones à représenter lors d’une
sensibilisation au français parlé hors de France.
2 Ce chapitre a tiré son titre de l’ouvrage de Cerquiglini et al.(2000) : Tu parles ?! Le français dans tous ses états
6
2.1 La variation linguistique
2.1.1 La variation refoulée aux marges de la langue
Dans les sciences du langage du XXIe
siècle, le phénomène de la variation est largement
reconnu comme intrinsèque à toute langue vivante. Par conséquent, il se trouve souvent placé
au cœur même du modèle linguistique. Cependant, la variation s’est longtemps vue refoulée
aux marges de la langue. Dans cette partie, nous donnerons un bref aperçu des principales
raisons pour lesquelles la variation a été écartée dans les descriptions du français, d’abord par
le biais du français « standard » et ensuite, par les approches dominantes de la linguistique
générale du XXe siècle. Nous nous appuyons sur Laks (2013) pour montrer que l’explication
de cette absence d’intérêt pour la variation, est liée à deux types d’oppositions classiques
concernant la description des langues : l’opposition entre prescription et description et celle
entre exemplum et datum. Nous terminerons par l’approche actuellement en plein essor
permettant de saisir la variation.
Le français « standard », prescription et idéologie
Une idée particulièrement dominante et très répandue sur le français est celle d’une « langue
unifiée, immuable dans le temps, l'espace, la société, les usages, exempt de variation, de
mélanges, d'hétérogénéité » (Blanchet, 2013, p.103). Il n’y a pas de doute que cette image
d’un français homogène renvoie au français dit « standard » ou de « référence » (désormais
FR), présenté dans les ouvrages normatifs et dans la majorité des manuels du FLE comme
étant sinon « le » français, du moins la seule forme de français correcte dit le bon usage,
conséquence d’être la norme ou le modèle de langue à suivre.
Or, si cette langue que l’on enseigne est homogène et sans variation, c’est parce que sa
description est normative et se base sur la prescription, c’est-à-dire un ensemble de règles qui
dictent comment le français devrait être utilisé, souvent dans des formulations telles que «dire
X, ne pas dire Y» (Moreau, 1997). Cette phrase est l’illustration même que la variation
accompagne toujours la norme, car, en condamnant la forme Y comme faute, on admet
cependant son existence dans les usages. On voit alors comment la description normative
opère pour situer la variation en dehors de la langue « standard », un processus qui commence
par la codification de la langue.
7
La codification du français, XVe-XVIII
e siècles, a été particulièrement rigide (Lodge, 1997).
Pour notre propos, il est également utile de se rappeler que le futur français de « référence »
devait se constituer majoritairement à partir de la démarche de l’exemplum, c’est-à-dire que
les grammairiens chargés de la tâche se sont appuyées sur une petite liste d’exemples,
notamment des citations des meilleurs auteurs tels que les grands classiques du XVIIe siècle,
pour en déduire les formes qu’ils jugeaient correctes, reflétant ainsi leur opinion subjective et
leur système de valeurs (Laks, 2013). En d’autres termes, le FR ne s’est pas fondé dans les
usages effectifs de parole et est par conséquent profondément problématique pour la langue
parlée. Comme le souligne Laks (2002), la norme de référence pour l’oral est:
une construction purement doxique cumulant descriptions anciennes et analyses
classiques, intuition et remarques personnelles de nombreux phonologues, notations
plus contemporaines et analyses partielles d’usages spécifiques (Laks, 2002, p.6,
nous soulignons).
Laks parle d’ici de la norme de prononciation, mais cela est aussi valable pour les autres
domaines linguistiques, le fruit de la prescription basée sur l’exemplum. On voit donc à quel
point le FR représente une forme de langue idéalisée, que personne ne parle réellement, ou
pleinement, même pas les « Parisiens cultivés dans un registre soigné » à qui il est coutume de
le circonscrire de nos jours (Lyche, 2010, p.145).
Néanmoins, la prédominance de la description normative en France et la survalorisation du
français « standard » dans sa forme écrite ont profondément marqué les esprits des Français,
mais aussi les francophones hors Hexagone et même des enseignants de FLE. De là découle la
représentation du français comme langue homogène et invariable, ce qui n’est en réalité
qu’une idéologie. Une idéologie qui pèse cependant lourd sur le locuteur qui souhaite bien
parler cette langue (Gadet, 2007). Il semble vraisemblable que cette idéologie ait ? aussi
influencé les sciences du langage en France compte tenu que la variation et la langue parlée
ont mis plus longtemps qu’ailleurs pour devenir un véritable objet d’étude (Gadet, 2003b).
Mais avant d’aborder l’approche qui prend en compte la variation, soulignons d’abord
pourquoi ce n’est pas le cas pour les deux grands courants linguistiques du XXe siècle.
La linguistique du XXe siècle: de l’exemplum au datum
À l’aube du XXe siècle, une nouvelle ère se fait jour pour la description des langues, la
linguistique moderne. À partir des idées théoriques de Saussure, cette nouvelle linguistique se
détachera de la grammaire normative, car elle se veut descriptive, démunie de tout jugement
8
de valeurs. Cependant, la variation demeure toujours aux marges de la langue, puisque la
linguistique structurale tout comme la Grammaire Générative sont essentiellement des
sciences de l'exemplum, proposant des descriptions à partir d’une liste d’exemples (Laks,
2013).
Il faudra attendre les années 1960s et l'avènement de la sociolinguistique pour que la variation
et l'hétérogénéité des usages deviennent des véritables objets d'étude, dignes d'intérêt, et
placées au cœur même du modèle linguistique. Les travaux sociolinguistiques, en particulier
ceux de William Labov, vont être décisifs pour poser les fondements méthodologiques de
l’approche prenant en compte la variabilité des pratiques langagières, la description fondée
sur le datum. Cette approche empirique accorde alors la primauté aux données langagières,
recueillies lors d’enquêtes de terrain auprès des locuteurs diversifiées de la communauté en
question.3 Les données retenues forment le corpus à partir duquel le modèle linguistique sera
construit (Laks, 2013).
Dans les sciences du langage du XXIe siècle, la linguistique descriptive du datum est en plein
essor, et ce, aussi en France, rattrapant peu à peu son retard dans le domaine, notamment par
le biais des grands corpus oraux du français qui se sont constitués ces dernières décennies
(Gadet, 2013). Aujourd’hui, nous disposons alors des descriptions du français contemporain,
tel qu’il est réellement parlé dans sa diversité. Ce qui permet d’aller au-delà de la description
normative du français et de présenter aux élèves le français parlé ainsi que son caractère
intrinsèque qui est la variation.
2.1.2 Autour de la notion de variation
La variation au sens linguistique et extralinguistique
Suite aux travaux sociolinguistiques, la notion de variation devient un concept couvrant à la
fois des phénomènes linguistiques et extralinguistiques. Du point de vue linguistique, le terme
variable linguistique signifie qu’un fait de langue peut se réaliser de différentes manières.
C’est-à-dire qu’il existe dans les usages une ou plusieurs formes, nommées variantes, en plus
de la variante « standard », « permet[tant] de dire « la même chose » » (Calvet, 1993a, p.71).
Au sens linguistique, le terme variation est alors utilisé pour classer les différentes variantes
3 Ce point est important, comme le souligne la note ci-dessus, car si les données sont uniquement recueillies
auprès des locuteurs considérés comme les détenteurs du « bon usage », l’objectif sera prescriptif.
9
par rapport aux domaines linguistiques. On parlera ainsi de la variation phonologique, la
variation lexicale et la variation morphosyntaxique. Ces différents domaines ne font pas
l'objet de variation au même degré et dans chaque ordre, la majorité des éléments se montrent
stables, souvent appelé « le noyau dur », contre une minorité d'éléments plus instables et
variables (Gadet, 2007). En répertoriant les différents phénomènes de variation, des zones de
variabilité se dessinent. Pour le français, la phonologie et le lexique constituent les deux
domaines dans lesquels se trouvent le plus grand nombre des faits variables (Gadet, 2003a).
À l’intérieur de ces zones variables, on peut distinguer entre deux types de variation. Pour le
premier, il s’agit des éléments de variation qui n’ont pas de signification sociale, ou dit
autrement, qui ne font référence à aucun facteur extralinguistique. Ils sont désignés sous
l’appellation de variation inhérente et sont le témoignage même de la nature profondément
instable et hétérogène de toute langue (Weinreich et al, 1968, cité par Laks, 2013). Pour le
deuxième groupe, il est question des variantes qui sont associées à des dimensions externes de
la langue, c’est-à-dire des variables extralinguistiques qui caractérisent soit le locuteur, soit la
situation de communication. Elles prennent ainsi une signification sociale, permettant de dire
quelque chose sur le locuteur ou la situation de communication en question.
Pour donner une vue d’ensemble des cinq types de variation extralinguistiques et les
dimensions auxquelles ils sont associés, nous reprenons le tableau proposé par Françoise
Gadet (2007), distinguant entre les types de variation qui se manifestent selon l'usager, dite la
variation interlocuteur, et selon l'usage, la variation intralocuteur. (p.23) :
Variation selon
l’usager
temps changement diachronie
espace géographique, régional, local,
spatial diatopie
société, communauté social diastratie
Variation selon
l’usage
styles, niveaux, registres situationnel, stylistique,
fonctionnel diaphasie
canal oral/ écrit diamésie
Tableau 1: représentation de la variation extralinguistique (Gadet, 2007, p.23, nous soulignons)
Ce qui nous préoccupe dans ce travail, ce sont les usages diversifiés du français à travers
l’espace francophone. En d’autres termes, la variation qui se manifeste entre des locuteurs
francophones d'origine différente, à savoir la variation diatopique. Précisons tout de même
qu’à l’intérieur de la variation diatopique, tous les autres types de variation extralinguistiques
10
vont se superposer. Autrement dit, au sein d’une communauté francophone donnée, il y aura
de la variation interlocuteur, relative aux caractéristiques sociodémographiques des locuteurs
(âge, niveaux d’études, profession etc.) et de la variation intralocuteur, effets des facteurs liés
à la situation de communication (la formalité, l’interlocuteur, le sujet de conversation, etc.) et
du canal par lequel le message est transmis. Avant de nous tourner vers l’espace francophone,
abordant quelques aspects par rapport à la variation diatopique.
La variation diatopique
Contrairement aux autres types de variation extralinguistiques, l’étude de la diatopie, « du
grec dia-, «distinction, séparation», et topos, «lieu» » (Neveu, 2004, p.104), en matière de
langue ne date pas de la sociolinguistique. Ses origines remontent au XIXe siècle, où la
variation diatopique a fait l'objet de nombreux travaux descriptifs et forme même sa propre
discipline, la dialectologie (Durand, Laks & Lyche, 2003). Il s’ensuit qu’aujourd’hui la
variation diatopique est un objet d’étude partagé par plusieurs domaines qui se sont
mutuellement influencés, à savoir, la dialectologie, sa sous-discipline, la géographie
linguistique ainsi que la sociolinguistique (Trudgill, 1982).
En sociolinguistique, il est coutume d’utiliser le terme de variété pour désigner un ensemble
de caractéristiques langagières que l’on peut attribuer à un lieu géographiquement déterminé
(L’Hôte, 2007).4 Concernant le français parlé hors de France, ce sont précisément les traits
langagiers, ou variantes, que partagent généralement les membres d'une communauté
francophone, qui se différencient en même temps du français de « référence » et du français
parlé en France et dans les autres zones géographiques.
En employant certains traits typiques de son variété de français, le locuteur francophone
révèle ainsi son appartenance géographique, ce qui est considérée comme partie prenant de
son « identité linguistique » (Moreau, 1997, p.161). Avec une connaissance des traits typiques
de différentes variétés, il est alors possible d’identifier l’origine géographique de son
interlocuteur. Comme nous le montrerons dans le chapitre suivant, cet aspect est d’ailleurs
accordé une certaine importance dans les approches didactiques actuelles. Mais avant cela, il
est temps maintenant de faire place à une exploration de l’espace francophone hors de France
et des réalités du français dans cet espace, essentielle pour ce travail.
4 Cette notion est considéré comme plus neutre que le terme patois et généralement préférée au terme de dialecte
en français
11
2.2 La variation diatopique dans l’espace
francophone hors Hexagone
Pour aborder la variation diatopique du français hors de France, il est nécessaire de porter un
regard sur l’espace vaste et éclaté dans lequel le français est en usage, nommé la
francophonie. Précisons qu’au fil du temps, les termes francophonie et francophone ont pris
plusieurs significations. Etant donné que notre perspective est linguistique, nous utilisons ces
termes dans leur sens premier, c'est-à-dire désignant « l'ensemble des personnes parlant
français » en tant que langue première (L1) ou langue seconde(L2),5 « de même que les
territoires qu'elles peuplent » (Pöll, 2001, p.19). Pour désigner de manière générale ces
espaces géopolitiques de différents ordres, nous utiliserons le terme de région ou de
communauté francophone.
Dans la littérature sur le français dans l’espace francophone, il semble y avoir un accord pour
reconnaître que le français est véritablement pratiqué hors de la métropole, dans 5 grandes
zones: l'Europe, notamment la Suisse romande et la Belgique francophone, l'Amérique du
Nord, le Québec, l'Afrique subsaharienne, l'Afrique du Nord et les quatre Départements et
Régions d'outre-mer (ci-après les DROM ou zone créolophone) (cf. Detey et al., 2010; Gadet,
2013 ; Pöll, 2001).
Nous commencerons par une présentation de l’espace francophone, puis nous donnerons une
vue d’ensemble des grandes zones francophones par le biais de deux typologies de l’espaces
francophone. Cela va nous permettre d’une part, d’aborder la diversité des situations du
français au sein de cet espace, et d’autre part, sélectionner les zones qui devraient être
présentées linguistiquement aux élèves.
2.2.1 L’espace francophone
Les francophones dans le monde
L'anglais et le français sont les seules langues qui se parlent sur les cinq continents.
Cependant, en termes de nombre de locuteurs, le monde anglophone dépasse largement la
francophonie. En ce qui concerne le dénombrement des francophones, une tâche d'ailleurs peu
aisée, les estimations sont loin d'être unanimes. Nous nous fondons ici sur les estimations de
5 Nous entendons par des locuteurs de français langue seconde, ceux ayant appris la langue durant leur scolarité
qui se déroule largement en français.
12
l'Organisation internationale de la Francophonie (ci-après l'OIF), diffusées dans son rapport
de 2014. À notre connaissance, ce sont les estimations les plus récentes. Elles nous semblent
d’ailleurs plus réalistes par rapports à celles fournies par l’OIF antérieurement. Selon ce
nouveau rapport, il y a actuellement environ 212 millions de personnes dans le monde qui
«na[issent] et viv[ent] aussi en français, c’est-à-dire qu’ils font un usage quotidien de la
langue française » (Wolff et al., 2014, p.5).6 Ces personnes sont des locuteurs de français L1
ou L2 et peuvent ainsi être définis comme des francophones dans le sens que nous
l’entendons ici. 7
Les francophones n’utilisent toutefois pas le français au même degré, ni dans les mêmes
contextes et se répartissent de façon inégale entre les différents continents. Avec 54,7% des
francophones du monde, l’Afrique se place en tête du classement, suivi par l’Europe avec
36,4%, puis par l’Amérique et les îles Caraïbes, avec un taux de locuteurs beaucoup moins
important (7,6%).8 Ce rapport semble alors confirmer que l’inversion entre l’Afrique et
l’Europe en termes de proportion de francophones, commencée suite à la libération des
anciennes colonies en Afrique subsaharienne, est maintenant une réalité (Boutin, 2010). Une
réalité qui ne va sûrement que s’accentuer dans l’avenir, comme le nombre de locuteurs
francophones africains subsahariens ne cesse de s’augmenter, 15%, rien qu’en quatre ans
(Wolff et al., 2014, p.8).9
Néanmoins, si l’Europe n’est plus le continent avec le plus haut taux de francophones, elle
demeure toujours celui habitant la majorité des francophones natifs. Dans les principales
régions en Europe, on compte environ 1,5 million des francophones en Suisse (Andreassen,
Maître & Racine, 2010) et en Belgique, environ 4 millions (Pöll, 2001).10
Hors d’Europe, il
n’y a qu’au Québec où la population est majoritairement francophone et native, d’environ 6
6 Ce rapport est disponible sur le site de l’OIF : http://www.francophonie.org/-Rapports-.html. 7 Notons l’OIF comprend dans le terme de « francophone » les personnes de français langue étrangères (L3) et
compte par conséquent un total de 274 millions de francophones. 8 Loin derrière se situent le Moyen Orient avec 0,9% et l’Asie et l’Océanie avec 0,3 %. Selon nos calculs, il y
aurait donc d’environ 115, 96 millions francophones en Afrique pour 77,17 millions en Europe et 16,11 en
Amérique et aux Caraïbes. Les estimations de l’OIF sont vraisemblablement un peu exagérées. Ajoutons que le
recensement des locuteurs « réels » en Afrique est particulièrement difficile. Il ne faut donc pas prendre cette
répartition comme absolu, mais plutôt comme un aperçu. 9 Par rapport à l’estimation de l’OIF en 2010 10 Ces chiffres sont des estimations comme il n’a pas eu de recensement linguistique en Belgique depuis 1947
13
millions (Eychenne & Walker, 2010). Le Québec constitue alors la deuxième région
francophone native, loin derrière la France, avec une population d’environ 66,3 millions.11
L’espace francophone, entre le centre et la périphérie
Comparé aux mondes anglophone, hispanophone et lusophone, la francophonie constitue un
cas particulier. La France demeure la seule ancienne métropole ayant conservé son poids
d’importance vis-à-vis de ces anciens territoires. Dans l’« univers hypercentralisé » qui est la
francophonie, la France se positionne au centre alors que les autres communautés hors
Hexagone occupent « une position périphérique » (Klinkenberg, dans Moreau & al., 2007,
p.3). 12
Cette position périphérique, ou subordonnée, par rapport à la France se fait particulièrement
sentir du côté de la langue, notamment dans les représentations. Comme l’ont démontré de
nombreuses enquêtes, il y a une tendance très répandue chez les francophones
extrahexagonaux, peu importe leur origine, de représenter le français parlé en France comme
la variété la plus prestigieuse, le « bon » français, au détriment de leur propre variété, qui est
évaluée de façon dévalorisante. Ils évoquent ainsi un certain sentiment d’insécurité
linguistique (cf. Francard,1993). Une telle perception est vraisemblablement en partie liée à la
survalorisation du français de « référence » et de son idéologie, transmises par l’école en
particulier (Moreau, 2008).
Cependant, cette attitude linguistique mérite d’être relativisée. Il semblerait qu’il renvoie à
une représentation abstraite, « le produit d’un imaginaire collectif », ce qui a révélé les
résultats édifiants d’une série d’études présentée dans Moreau et al. (2007, p.6). En réalité,
dès qu’il s’agit d’évaluer des usages réels, les pratiques langagières des Français ne sont pas
mieux considérées que celles de leur propre communauté. Ce n’est pas l’origine géographique
qui est le facteur déterminant pour la valorisation ou la stigmatisation d’une variété, mais le
facteur social : « les mieux considérées sont, sans contredit, celle des personnes fortement
scolarisées, celles des milieux socio-culturellement dominants, qu’ils soient de Belgique, de
11 Selon les dernières estimations d’Insée (2015): http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?ref_id=bilan-
demo®_id=0&page=donnees-detaillees/bilan-demo/pop_age2b.htm 12 Précisons que Paris se situe au cœur du centre et la « Province » dans la périphérie dans les différents
domaines de la société (politique, linguistique, culturel etc.)
14
France, du Québec [, du Sénégal] ou de Suisse » (Moreau et al., 2007, p.58).13
En d’autres
termes, comme le concluent les auteurs, malgré les idées reçues, le FR n’est pas la seule
norme du français dans la francophonie. Il y a aussi des normes locales en vigueurs dans
différentes communautés francophones.14
En outre, les variétés nationales sont souvent considérées par les locuteurs comme
l’expression linguistique de leur identité nationale et qu’ils ne souhaitent pas par conséquent
de parler comme en France (Moreau, 2008). Ces résultats fournissent ainsi un argument
supplémentaire pour reconnaître et légitimer les variétés extrahexagonales dans
l’enseignement du FLE.
Par ailleurs, nous disposons aujourd’hui des ressources nécessaires pour mieux connaître ces
variétés de français parlé hors de France : de nombreux travaux descriptifs et de grands corpus
oraux tels que le projet PFC - Phonologie du Français Contemporain, attestant la diversité
des usages du français à travers le monde francophone. Bien que cette réalité ait longtemps
été occultée par une perspective linguistique franco-centrée, « le français est bien la seule
langue au monde dont la palette de diversité se rapproche de celle de l’anglais, même si c’est
loin derrière l’anglais » (Gadet, 2011, p. 131). Nous proposerons dans la partie suivante
d’aborder des facteurs et conditions qui ont contribué à cette variabilité.
2.2.2 Diversité des situations, diversification du français
Dans cette partie, nous viserons à fournir une vue d’ensemble de la diversité des situations du
français dans les principales aires francophones extrahexagonales. Pour le faire, nous nous
appuyons sur deux classifications de l’espace francophone considérées comme
fondamentales, que Pöll (2001) présente dans son ouvrage Francophonies Périphériques.15
Nous commençons par la première typologie qui aborde l’espace francophone du point de vue
historique et classifie les régions par rapport à la manière dont le français s'y est diffusé.
Ensuite, nous nous tournerons vers la deuxième typologie qui catégorise la francophonie entre
13 Nous avons ajouté Sénégal comme les résultats de cette étude ont montré. D’ailleurs les enquétés sénégalais
tout comme ceux de Québéc favorisent la variété normé de leur propre communauté (Moreau et al. 2007, p. 59). 14 Du moins pour le Québec et le Sénégal (comme norme de cette communauté ou de cette zone). En ce qui
concerne l’Europe, les variétés belges, suisse et françaises ont généralement été hiérarchisées de même manière
selon le critère socioculturel. L’identificat il est difficile à dire par conséquent s’il existe une ou des normes de
européennes (Moreau et al. 2007, p. 59) 15 Notons que Pöll (2001) présente une troisième typologie aussi considérée comme importante, celle de
Chaudenson (1993), que nous laisserons de côté pour des raisons de place et d’intérêt.
15
régions véhiculaires et régions vernaculaires, une distinction liée aux statut et domaines
d’usage que le français occupe actuellement dans les différentes zones. La dernière typologie
va également nous permettre de réfléchir les régions qui devront être présentées aux élèves
lors d’une première initiation au français parlé hors de France.
Régions de diffusion par tradition ou par expansion
La première typologique renvoie à celle de Willy Bal (1977, cité par Pöll, 2001) qui
catégorise les aires francophones par rapport à la modalité de diffusion du français. Dans cette
optique historique, deux grandes catégories de territoires francophones se dessinent : des
régions de diffusion par tradition et des régions de diffusion par expansion. Pour la première
catégorie, il s’agit des zones européennes avoisinantes à la France qui sont des anciens
territoires gallo-romains correspondant à l’aire linguistique des langues d’oïl.16
Pour la
deuxième catégorie, il s’agit des régions où le français s’est diffusé par l’expansion coloniale.
Pour les régions extrahexagonales dites traditionnelles, il s’agit de la Suisse romande et la
Communauté française de Belgique, la Wallonie.17
La présence du français commence à partir
du Xe siècle pour la Belgique et pour la Suisse, dès XIII
e (Pöll, 2001), donc très tôt dans
l’histoire du français. De ce fait, cette zone, avec la France, se nomme souvent le berceau de
la langue française. Proche historiquement et géographiquement de la France, les variétés en
Belgique et en Suisse sont également assez proches linguistiquement du français de France,
notamment du français parlé dans les régions françaises avoisinantes. Elles comportent
néanmoins certains traits qui leurs sont propres, notamment au niveau de la prononciation et
au niveau lexical (Detey & al., 2010).
Hors d’Europe, le français est présent dans différentes lieux à travers le monde pour des
raisons historiques de colonisation. Il s’agit alors des régions de diffusion par expansion. Du
fait que le français ne s’est pas implanté de la même manière partout, ces régions sont
classifiées davantage, en matière de modalités d’expansion. Parmi les quatre types
d’expansion proposés par Bal (1977, cité par Pöll, 2001, p.38), nous ne retenons que ceux
16 Pour la Suisse, on parle plutôt des dialectes franco-provençales (à part pour le canton de Jura), ayant une base
de langues d’oïl, avec des traits des langues d’oc (Pöll, 2001) 17 Bruxelles, majoritairement francophone, ne peut pas été classifiée comme un territoire par tradition au sens
strict du terme, n’étant pas une aire de langue d’oïl, ou territoire romain. Il faut néanmoins la prendre en compte
dans la région francophone belge de nos jours.
16
d’importation et de superposition, permettant de distinguer entre les zones qui nous
intéressent.
L’expansion par importation signifie que le français s’est implanté par des mouvements de
population de la France, créant des zones de peuplement. Ce phénomène a été beaucoup
moins important pour le français que pour l’anglais, l’espagnol ou le portugais, notamment dû
à des conditions socio-économiques différentes.18
Ce qui a surtout marqué l’expansion du
français, en revanche, c’est la modalité de superposition, c’est-à-dire que le français s’est
imposé comme langue officielle sur un territoire peuplé. Le français s’est alors superposé sur
la ou les langues parlée(s) par la population du territoire.
Pour les régions de diffusion par superposition, il s’agit des zones francophones en Afrique,
l’Afrique subsaharienne et le Maghreb. Le processus de superposition a lieu dans ces zones au
cours de la deuxième période de colonisation, aux XIXe et XX
e siècles. Suite aux guerres et à
la conquête française, le français s’est imposé comme langue officielle, occupant la sphère
publique de la société et les fonctions prestigieuses telles que l’administration, l’économie et
l’enseignement, au détriment des langues locales qui sont restées généralement confinées à la
sphère privée.
Pour les régions francophones par importation, il s’agit avant tout de l’Amérique du Nord, en
plus de la zone créolophone, comme les Antilles et la Réunion. L’immigration à partir de la
France a néanmoins été plus importante vers l’Amérique que vers les DROM. Une autre
différence entre ces deux zones est que la colonisation par les Français dans les DROM a été
suivie par une importante importation d’esclaves africains, ce qui a débouché sur l’émergence
des créoles occupant aujourd’hui la fonction de langue première de la majorité de la
population. Autrement dit, la situation linguistique est différente de celle au Québec.
D’ailleurs, la situation du français au Québec se distingue de l’ensemble des zones
francophones, comme la seule région francophone d’importation dans laquelle la population
demeure majoritairement francophone. Puisque nous serons amenée dans le chapitre 4 à
étudier la variété de français québécois de manière plus approfondie, il semble convenir ici de
soulever quelques points historiques qui nous seront utiles pour cette étude.
18 Les conditions difficiles qui régnaient les iles Britanniques (famine etc.) ont causé des vagues massives
d’émigration, alors que la France ne connait pas de telles conditions à cette époque.
17
Premièrement, la colonie de Nouvelle-France était déjà habitée par une population indigène
quand les Français sont arrivés. Puisque les Français se sont intégrés avec cette population, il
y a donc eu un contact entre des langues amérindiennes et le français.
Deuxièmement, les mouvements d’émigration à partir de la France ont eu lieu entre XVIIe et
XVIIIe siècles. Cette période est significative du point de vue linguistique d’une part parce
que la variation diatiopique était très saillante en France et d’autre part parce qu’elle précède
la Révolution Française. Suite à la Révolution, la norme de français de référence s’est vue
transformée parce que le nouveau groupe de référence était dès lors la bourgeoisie parisienne
et non plus la cour du roi. Le changement le plus connu est la réalisation de la graphie oi de
[wɛ] en [wa], comme dans le mot roi ou moi (Lyche, 2010). Autrement dit, les émigrants de
France débarquaient sur cette nouvelle terre avec à la fois leur parler régional, notamment de
la région nord-ouest, et de quelques traits de la norme de référence antérieure.
En outre, la communauté québécoise sera isolée de l’ancienne métropole suite à la conquête
anglaise des terres françaises en Amérique du Nord, ce qui va d’ailleurs renforcer l’évolution
divergente entre le français de France et celui de Québec. Elle sera en même temps entourée
par le monde anglophone (Eychenne & Walker, 2010). Comme nous le verrons dans le
chapitre 4, ces phénomènes vont laisser des traces dans le français québécois que l’on peut
classifier dans les cinq catégories historiques suivantes: les archaïsmes, les dialectalismes, les
anglicismes, les amérindianismes et les innovations (Poirier, 1995, p.35).
Par leur histoire, et particulièrement par leur modalité de diffusion de français, les régions
francophones se caractérisent actuellement par des situations linguistiques extrêmement
distinctes dont nous donnerons un aperçu dans la partie suivante.
18
La situation actuelle dans les régions vernaculaires et véhiculaires
Figure 1: carte du monde francophone (source: www.world-territories.com ) 19
Cette carte ci-dessus présente les zones hors territoires françaises en termes de quatre types de
situation de français qui trouvent d’ailleurs leur place dans la première typologie sur laquelle
nous nous penchons. Élaborée par Valdman (1979;1983, cité par Pöll, 2001), ce classement
distingue les zones où le français est langue vernaculaire de celles où il occupe
essentiellement le rôle de langue véhiculaire et/ou de langue officielle. Comme nous allons le
voir, cette typologie permet de mettre en évidence non seulement le statut du français, mais
aussi certaines fonctions qu’il assume dans les deux catégories de régions.
Pour le cas de l’espace francophone, la distinction entre les termes sociolinguistiques de
langue vernaculaire et langue véhiculaire correspondent largement à celle entre langue
première et langue deuxième (Calvet, 1993b). La notion de vernaculaire désigne alors les
régions où le français est « langue première, parlée à la maison, par une communauté plus ou
moins importante » (Detey & al., 2010, p.284), tandis que la notion de véhiculaire s’applique
pour les régions où le français est langue seconde et utilisés dans différents domaines de la vie
publique (administration, éducation, médias etc.) ou remplir la fonction vernaculaires
proprement dite, c’est-à-dire assurant le rôle de langue de communication « entre locuteurs
n’ayant pas la même langue première » (Gadet, 2003a, p.93). Dans la majorité des cas, le
français jouit d’un statut de langue officielle.
19 http://www.world-territories.com/ttfr/dossiers.php?dossier=francophonie
Malgré ces défauts tels que la présentation des territoires français à part, cette carte a en partie été choisie pour sa
ressemblance avec les cartes du monde francophone utilisées par les manuels de FLE examinés.
19
Comme nous l’avons vu plus haut, les trois régions francophones où le français est langue
première, et donc langue vernaculaire, pour la majorité de la population sont la Belgique
francophone (l’espace Wallonie-Bruxelles), la Suisse romande et le Québec. Le français y
occupe également le statut de langue officielle.
Pour les trois autres zones, les DROM, l’Afrique subsaharienne et le Maghreb, le français
remplit la fonction de langue véhiculaire. Pour ces francophones, le français est généralement
leur langue seconde tandis qu’une autre langue est leur langue première. On peut s’attendre à
ce que le français y soit influencé par la langue première des francophones au niveau de la
prononciation. Dans les DROM, suite à l’importation des esclaves, la plupart des locuteurs
ont le créole comme langue première et le français comme langue seconde contre une
minorité de locuteurs de français L1. La situation en Afrique subsaharienne est plus
complexe, comme c’est une zone extrêmement plurilingue. Le français est généralement
langue seconde, diffusée par l’école, mais il peut être langue première comme à Abidjan, en
Côte d’Ivoire. Au Maghreb, la langue première est essentiellement l’arabe dialectal ou le
berbère (Boutin, 2010).
Pour les deux premières zones, le français bénéficie d’un statut de langue officielle: langue
officielle unique pour les DROM et 11 pays de l’Afrique subsaharienne contre 7 où le
français est l’une des langues officielles. Il s’ensuit que le français est langue d’enseignement
et d’administration. En revanche, les pays du Maghreb n’ont pas conservé le français comme
langue officielle après la libération, mais l’ont remplacé par l’arabe classique. À l’inverse de
la situation du français des pays francophones subsahariens, il y a une tendance régressive au
Maghreb, suite à des politiques d’arabisation. Les domaines d’usage du français et le nombre
de locuteur ont alors diminué. Ce phénomène est particulièrement apparent en Algérie qui
était la colonisation africaine où le français était le mieux implanté (Gadet, 2003a).
Néanmoins, le français occupe toujours une certaine position privilégie à l’école par exemple
ou dans les médias ou comme langue de communication dans les pays maghrebins. Compte
tenu de cette présence et que le français n’est pas considérée comme une langue étrangère, ces
pays peuvent encore être considérés comme des régions francophones véhiculaires.
20
2.3 En guise de conclusion : trois zones
francophones à présenter linguistiquement
Ce tour d’horizon des principales zones francophones nous a permis d’aborder à la fois les
différentes réalités d’usage du français au et des raisons historiques de ces différences. Nous
voyons donc que la francophonie se caractérise par des situations linguistiques extrêmement
variées et complexes, ce qui rend également le français parlé à travers le monde
particulièrement variable et hétérogène. La langue française existe bel et bien dans tous ses
états. Il est même la seule langue qui se rapproche de l’anglais en matière de variabilité dans
la dimension planétaire. Ce qui nous amène à la conclusion que la variation diatopique hors
de France est un objet d’enseignement digne d’intérêt.
Dans le cadre d’une première initiation au français parlé hors de France, une sélection quant
aux zones à présenter linguistiquement en classe s’impose. Il semble naturel de baser cette
sélection sur la situation du français dans la francophonie actuelle en choisissant les zones ou
les régions qui peuvent être considérées comme les plus importantes humainement et/ou
économiquement. Suite à notre exposition de l’espace francophone, nous pouvons en déduire
trois zones. Nous retenons les deux zones où se trouvent les trois régions vernaculaires : en
Europe, la Belgique et la Suisse, et en Amérique, le Québec, ainsi qu’une zone vernaculaire,
l’Afrique subsaharienne, significatif du point de vue de son poids humain actuellement en
pleine croissance.
Nous laisserons alors de côté le Maghreb et les DROM qui sont certes intéressants du point de
vue linguistique, mais, comme nous l’avons vu, ils sont moins importants que les trois autres
zones francophones. Quant aux créoles parlés dans les DROM, précisons qu’ils ne constituent
pas des variétés de français, mais des langues à part, bien qu’ils aient émergé en partie du
français (Gadet, 2003a).
Maintenant que nous avons abordé la variation diatopique du français hors de France du point
de vue linguistique, tournons-nous maintenant vers l’enseignement du français en Norvège,
en commençant par examiner les directives en vigueurs.
21
3 La variation diatopique selon les
directives de l’enseignement du FLE
Dans ce présent chapitre, la question de la variation diatopique sera abordée du point de vue
des principaux documents directifs, actuellement en vigueur dans le cadre de l'apprentissage
du français en contexte scolaire norvégien. Nous étudierons ce que ces documents expriment
par rapport au traitement de la variation diatopique en classe de langue, quant aux objectifs et
compétences à viser et à quel niveau d’apprentissage elles envisagent d’aborder ce sujet.
Cette étude portera d’abord sur des documents issus du Ministère norvégien de l'Éducation, à
savoir le programme de l'enseignement des langues étrangères,20
auquel s’ajoute un guide
pour l'interprétation et l'application du programme,21
en plus du programme de l'anglais. Nous
examinerons ensuite le document établis par le Conseil de l’Europe, le Cadre européen
commun de référence pour les langues (ci-après CECR) (2001), étant donné qu’il a constitué
une grande source d’inspiration et d’influence dans l’élaboration du programme des langues
étrangères actuel (Mikaelsen, 2009). Ces différentes directives permettent ainsi d’avoir une
vue d’ensemble des objectifs de l’apprentissage d’une langue étrangère en contexte
institutionnel en Norvège. Avant d'examiner ces documents, nous proposerons d’abord de
regarder comment le français se présente comme matière de langue étrangère dans le système
d'éducation norvégien afin de pouvoir aborder le programme d'enseignement des langues
étrangères de manière générale.
3.1 L’étude d’une deuxième langue étrangère en
milieu scolaire norvégien
Dans le cadre scolaire en Norvège, le français est l’une des deuxièmes langues étrangères
proposée aux élèves au cours de leur scolarité de collège et de lycée. On parle de deuxième
langue étrangère (L3) du fait que l’anglais y occupe le statut de première langue étrangère
(L2),22
étant enseignée à tous les écoliers norvégiens à partir de la première année de l’école
20 Intitulé en norvégien Læreplan i fremmedspråk (Utdanningsdirektoratet, 2006). Téléchargable sur le site
d’Utdanningsdiretoratet (ci-après Udir.) (la Direction de l’Éducation),. : http://www.udir.no/kl06/FSP1-01/ 21 Veiledning til læreplan i fremmedspråk (Udir.):
http://www.udir.no/Lareplaner/Veiledninger-til-LK06/Veileder-fremmedsprak-cont/Undervisningsveiledning-
til-lareplan-i-Fremmedsprak/ 22 Ici, L2 est utilisé dans un autre sens que celui pour parler des francophones de français langue seconde.
22
primaire. Il s'ensuit que l’anglais est distingué des autres langues étrangères dans le
Curriculum national en vigueur depuis 2006, Kunnskapsløftet (abrév. LK06), que l'on traduit
en français par la formulation suivante : « La Promotion de la Connaissance ». Dans le LK06,
nous trouvons alors un programme d’enseignement de l’anglais et un autre valable pour
l’enseignement de l’ensemble des deuxièmes langues étrangères (L3) enseignées à l’école.
Le Curriculum reflète alors la différence qui sépare l'anglais des autres langues étrangères
dans la société norvégienne, notamment en ce qui concerne sa position dominante et que son
statut s'approche de plus en plus de celui d'une langue seconde (Simensen, 2007). De plus,
l'exposition importante de l’anglais en dehors de la salle de classe, par le biais des médias
comme la télévision et Internet, contribue à un apprentissage informel de la langue pour les
Norvégiens dès leur plus jeune âge. Il n'est alors pas étonnant que LK06 vise une plus grande
compétence en anglais que dans les autres langues étrangères. Par conséquent, l'étude du FLE
en contexte scolaire norvégien ne peut pas tout à fait se comparer à celle de l'anglais.
Néanmoins, comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, du point de vue linguistique, le
français est la seule langue qui s'aligne sur l'anglais en matière de variation diatopique, du
moins dans une certaine mesure (Gadet, 2011, p.131). Il nous semble alors pertinent de jeter
un coup d'œil sur le programme de l'anglais pour voir ce qui est dit par rapport au traitement
de variétés géographiques d'anglais.
Tout d'abord, examinons le programme valable pour l'étude du FLE en commençant par une
présentation brève de l'organisation de l'apprentissage d'une langue étrangère au sein du
système éducatif norvégien. Le programme des langues étrangères de LK06 couvre l'étude
d'une L3 au deuxième cycle de l’école de base (collège) ainsi qu’à l'enseignement secondaire
(lycée). En Norvège, on commence normalement l’étude d’une deuxième langue étrangère
dès la première année au collège, en classe de huitième.23
Les collégiens norvégiens
choisissent alors librement l'une des langues étrangères proposées au sein de leur école. Le
plus souvent, il s'agit d'une option entre le français, l'allemand ou l'espagnol, mais certaines
écoles proposent aussi d'autres langues, comme le mandarin, le russe ou l'italien. En règle
générale, les élèvent suivent l'enseignement de la langue étrangère de leur choix pendant les
trois années du collège, ce qui correspond au niveau I du programme du LK06, étant un
23 L’appellation de différents niveaux de la scolarité obligatoire en Norvège (au total, dix années scolaires en
"école de base" dont sept en école primaire et trois au collège) correspond à l’année de la scolarité. Les élèves
commencent en classe de première année et terminent en classe de dixième. La huitième année est donc
équivalente à la première année du collège.
23
niveau de langue débutant. Les collégiens ne souhaitant pas apprendre une L3 optent, en
contrepartie, pour un approfondissement du norvégien ou de l'anglais.
Au lycée, en filière d'enseignement général,24
l'étude d'une deuxième langue étrangère est
obligatoire en VG1 et en VG2.25
Pour les lycéens ayant déjà étudié une L3 au collège,
l'enseignement de cette langue pendant les années de VG1 et de VG2 correspond au niveau II
du programme de LK06, équivalent à un niveau de langue intermédiaire. Pour ces lycéens, il
est possible de poursuivre leur étude de cette langue en classe de VG3 au niveau III.
Toutefois, uniquement une minorité d'élèves continuent l'étude du FLE au niveau III, ce qui
est reflété par le fait que le manuel le plus récent destiné à ce niveau-là date de 1999 et que
son enseignement n'est pas proposé dans l’ensemble des lycées norvégiens.26
L'enseignement
du FLE dans le cadre scolaire norvégien se fait alors essentiellement durant les trois années
du collège, au niveau I, et les deux premières du lycée, au niveau II. C’est ce parcours
d’apprentissage du FLE que nous prenons comme point de départ dans ce mémoire. Les
élèves suivent alors un apprentissage formel du français pendant cinq années scolaires, soit un
total de 452 heures d'enseignement du FLE.27
Conformément au CECR et aux autres programmes d'enseignement de la Promotion de la
Connaissance, le programme des langues étrangères ne préconise pas de méthodes
d'enseignement en particulier, pas plus qu’il ne donne des précisions quant au contenu ou au
matériel à utiliser en classe. Il opère, en revanche, en termes d’objectifs de compétence à
maîtriser pour les élèves à la fin de l'apprentissage au niveau I, en classe de 10ème, et au
niveau II, en classe de VG2. En étudiant les objectifs des deux niveaux, on constate qu'il s'agit
le plus souvent des mêmes types de compétences, mais le degré de difficulté est plus élevé au
niveau II qu’au niveau I. Cette continuité entre les différents niveaux en termes d'objectifs de
compétences permet ainsi d’assurer la progression de l'apprentissage de langue des élèves.
Pour l'ensemble des niveaux, les objectifs de compétence se répartissent en trois domaines, à
savoir les domaines de savoir apprendre, de communication et de langue, culture et société.
Les objectifs du premier domaine visent à développer chez les élèves la capacité de gérer leur
propre apprentissage de langue et à devenir des apprenants autonomes. Il n’est alors pas
24 Studieforberedende utdanningsprogram, le programme préparatoire pour les études supérieures (notre trad.) 25 La scolarité de l'enseignement secondaire (lycée) se compose de trois années. La première année porte le nom
de VG1, la deuxième, VG2 et la dernière année, VG3. 26 Dans certains cas, les élèves ont la possibilité de suivre le niveau III dans un autre lycée. 27 Le nombre d'heures d'enseignement au niveau I au collège (8-10ème années): 227 heures. Le nombre d'heures
d'enseignement au lycée, niveau II: 225 heures ( en VG1: 113; en VG2: 112) ( cf. Læreplan i fremmedspråk,)
24
étonnant que ce domaine n’aborde pas la question de la variation diatopique. En revanche, les
deux autres domaines nous semblent pertinents en ce qui concerne notre propos, que nous
proposerons d’examiner dans la partie suivante.
3.2 La variation diatopique dans le programme
d’enseignement ?
3.2.1 Le programme des langues étrangères
Après avoir soigneusement examiné le programme des langues étrangères du LK06, nous
constatons qu’aucun terme renvoyant à la variation diatopique n’y est présent. Pourtant, le
programme s’inscrit clairement dans les tendances et préoccupations internationales actuelles
de la didactique des langues étrangères dans lesquelles le traitement de la variation diatopique
semble avoir une place appropriée. Nous pensons notamment aux deux approches qui
prédominent aujourd’hui le champ de l’enseignement/apprentissage des langues, à savoir
l’approche communicative qui va de pair avec l’approche interculturelle. Le programme du
LK06 vise en effet le développement de la compétence de communication et la
compréhension interculturelle, abordées respectivement dans les domaines de communication
et de langue, culture et société. Nous proposerons de regarder en quoi ces deux domaines, en
relation avec ces approches, nous semblent appropriés pour aborder la variation diatopique, en
commençant par le domaine de communication et l’approche communicative.
La compétence à communiquer dans la langue cible constitue un objectif essentiel de
l’enseignement des langues étrangères en Norvège depuis la fin des années 80,28
où
l’approche communicative gagne du terrain, notamment par le biais des travaux du Conseil de
l’Europe (Simensen, 2007). Le programme du LK06 s'inscrit également dans ce courant et
vise le développement de la compétence communicative, en particulier à travers les objectifs
du domaine de communication, qui représentent d'ailleurs la majorité de l'ensemble des
objectifs.
Forgée dans les années 60 (Hymes, 1966), la notion de compétence communicative propose
une nouvelle vision de la compétence langagière en didactique des langues. Jusqu’alors, cette
compétence ne concernait qu’une composante purement linguistique, c'est-à-dire une maîtrise
28 La présence des idées communicatives dès le Mønsterplan for grunnskolen de 1987, le Curriculum pour
l’école de base (Gjørven & Johansen, 2007, p.324)
25
des éléments constitutifs de la langue interne, décontextualisée, tels que la morphosyntaxe, le
lexique et la phonologie, produit d’une vision structuraliste de la langue (Cuq & Gruca,
2005). L’approche communicative, en revanche, a pour objectif de rendre les apprenants
capables à communiquer en langue étrangère dans le monde réel, ce qui requiert aussi
l’acquisition des savoir-faire autres que linguistiques. Il s’ensuit que c’est l’usage et le
fonctionnement réels de la langue qui est au centre de cette approche. En s’appuyant sur des
courants linguistiques tels que la sociolinguistique et la pragmatique, elle adopte leur vision
sociale de la langue et envisage l’usage langagier en fonction du contexte socioculturel et de
la situation de communication (Fioux & Tirvassen, 1997). Ce que l’indique la définition de la
compétence communicative ci-dessous, la désignant comme
la capacité d'un locuteur de produire et interpréter des énoncés de façons appropriées,
d'adapter son discours à la situation de communication en prenant en compte les
facteurs externes qui le conditionnent : le cadre spatio-temporel, l’identité
des participants, leur relation et leurs rôles, les actes qu’ils accomplissent, leur
adéquation aux normes sociales, etc. (Cuq, 2003, p. 48).
Comme nous l’avons vu au chapitre 2, ce sont précisément ces facteurs extralinguistiques qui
influencent les pratiques langagières et les rendent particulièrement variables et hétérogènes,
notamment en ce qui concerne la langue parlée. Il semble alors évident que l’approche
communicative reconnaît et prend en compte de la variabilité des usages
En effet, la variation linguistique se situe plus précisément au sein de la compétence
sociolinguistique, généralement considérée comme l’une des composantes de la compétence
de communication (Canale & Swain, 1980 ; CECR, 2001). Cette compétence peut se définir
comme la capacité d’un locuteur de « reconnaître et de produire le langage approprié au
contexte y compris la sensibilité aux différences de variété et de registre » (Lyster, 1994, cité
par Tyne, 2004, p.30). Ce qui nous intéresse ici, c’est la sensibilité aux différences de variété,
comprenant par définition la variation diatopique. La composante sociolinguistique dans le
modèle de la compétence communicative de Bachman (1990) comprend également cette
même capacité, « sensitivity to differences in dialect or variety» (p.95), où l’emploi du terme
dialecte renvoie de manière encore plus explicite à la variation diatopique.
De surcroît, le CECR (2001), inclut dans sa description de la compétence sociolinguistique, la
capacité de reconnaître et de faire face à des dialectes et accents de la langue cible (pp.94-
95).29
Il semble alors clair que le développement de la sensibilité à la variation diatopique, au
29 Nous reviendrons sur cet aspect du CECR plus loin
26
niveau de la compréhension orale notamment, fait partie des objectifs visés dans le cadre d’un
enseignement qui se veut communicatif. Il semble également évident que cette capacité ne
peut être développée qu’à condition d’exposer les apprenants à différentes variétés de la
langue cible en classe.
Maintenant que le lien entre la compétence communicative et la variation diatopique est
établi, une question se pose. Pourquoi le programme n’aborde-t-il pas cet aspect de la
compétence sociolinguistique ? Le programme norvégien se base pourtant sur le CECR. Par
contre, il vise le développement d’un autre savoir-faire sociolinguistique, à savoir la capacité
d’ « adapter l’usage de la langue en fonction des situations de communication diverses ».30
Or, n’est-il pas aussi important pour les élèves d’être capables de comprendre et reconnaître la
variation des usages des locuteurs de la langue cible que de varier eux-mêmes leur propre
langage ? Tel est du moins notre point de vue.
À présent, examinons le programme pour voir s’il est toutefois possible de l’interpréter pour
prendre en compte la variation diatopique. Certes, le programme n’exprime pas directement
que l’enseignement doit viser à sensibiliser les élèves à la variation diatopique. Mais il semble
néanmoins plaider en faveur d’exposer les élèves à l’usage réel de la langue cible, ce qui
implique forcément de les affronter à la variation, étant donné qu’elle est partie prenante de la
réalité langagière (cf. chapitre 2). Le programme évoque cette prise en compte de la réalité
langagière dans deux objectifs du domaine de communication qui contiennent tous les deux
l’adjectif authentique, renvoyant généralement au monde réel de la langue cible, à l’usage
effectif de la langue et à des situations de communication de la vie réelle (Brown, 2007). Dans
le premier objectif en question, il s’agit de l’utilisation de documents authentiques et dans le
deuxième, il est question d’exploiter des ressources de TIC31
pour mettre les élèves en contact
avec une langue authentique (Udir., 2006).
En didactique du FLE, un document authentique se définit comme «tout message élaboré par
des francophones pour des francophones à des fins de communication réelle » (Cuq, 2003,
p.29), à l’opposition d’un documents fabriqué, créé à des fins pédagogiques dans lequel le
langage est souvent simplifié, voire artificiel, pour convenir au niveau des apprenants
(opt.cit., p.100). Un document authentique, en revanche, permet de confronter les élèves à une
30Au niveau II, on trouve la compétence suivante : « adapter l’usage de la langue en fonction des situations de
communication diverses » (Utdanningsdirektoratet, 2006, notre trad.) 31 TIC, abrèviation pour des technologies de l’information et de la communication (IKT en norvégien)
27
langue authentique, c’est-à-dire « la langue telle qu'elle s'utilise dans des territoires où la
langue est utilisée », pour utiliser la formulation plus explicite du guide du programme (Udir.,
2006, notre trad.).
Cette formulation est également très intéressante pour notre propos. L’emploi du mot
territoire au pluriel montre que les concepteurs du guide du programme prennent en
considération le fait que les langues étrangères habituellement enseignées à l’école
norvégienne ne se limitent pas à un seul pays ou territoire, mais se parlent dans différents
pays et communautés à travers le monde.32
En soulignant que l’enseignement doit mettre en
place des activités pédagogiques dans lesquelles les élèves peuvent s’entrainer à faire face à
«la langue telle qu'elle s'utilise dans des territoires où la langue est utilisée », le guide semble
ainsi envisager la prise en compte de la réalité langagière de plusieurs communautés de la
langue cible en classe. Faire écouter aux élèves le français tel qu’il est parlé par des locuteurs
francophones d’origines variées semble ainsi être en accord avec le guide du programme.
Confronter les apprenants à différentes variétés de français hors de France ne semble pas non
plus aller à l’encontre du programme. Étant de nature très général et peu précis, le programme
laisse beaucoup de liberté ainsi que de responsabilité aux enseignants et aux auteurs de
manuel quant à l’interprétation et à l’application du programme. C’est ce qu’illustre l’objectif
de compétence sur l’utilisation de documents authentiques, visant, au niveau II, « que l'élève
soit capable de comprendre le contenu de documents authentiques écrits et oraux assez longs,
de genres divers » (Udir., 2006. Notre trad.).
Tant que l’enseignant focalise sur la compréhension orale des élèves, il n’y a rien dans le
programme qui contredit l’utilisation de documents authentiques oraux présentant le français
tel que l’on le parle dans différentes communautés francophones. Au contraire, le programme
semble plutôt souligner, à travers l’expression de genres divers, l’exploitation d’une variété
de documents authentiques. Exploiter une variété de documents authentiques oraux devait en
effet permettre d'exposer les élèves à des « voix diverses, des dialectes et des variétés
différents » (Bjørke & Grønn, 2012, p.38, notre trad.), ce qui peut comprendre différentes
variétés de français hors de France. Rappelons que c’est d'ailleurs le point de vue de Valdman
(1996) :
La présentation de documents authentiques, qui sert d’ancrage aux approches actuelles
de l’enseignement du FLE ne requiert-elle pas que l’on fasse écouter les voix réelles
32 L’allemand, le français et l’espagnol
28
de la francophonie aux apprenants sans toutefois – et j’insiste là-dessus – leur
demander de les imiter (cité par Valdman 2000, p.655)
Outre que la perspective purement communicative, visant à préparer les apprenants à des
échanges potentiels avec des locuteurs francophones d’origines différentes, la présentation de
variétés de français hors de France semble également pouvoir être intégrée dans la dimension
culturelle de l’enseignement. Une langue est intimement liée aux groupes qui la parlent, à leur
société et culture, du fait que « [l]a langue est elle-même une réalité sociale qui véhicule la
culture et en est imprégnée » (Porcher, 1995, p.61). Autrement dit, langue et culture agissent
l’une sur l’autre et par conséquent, il y a des éléments culturels qui se trouvent présents dans
la langue elle-même.
En ce qui concerne la variation, elle représente un aspect culturel dans la langue que Risager
(2007) nomme la dimension identitaire (p.171). La langue joue en effet un rôle identitaire
considérable. Nous nous rappelons du chapitre 2 qu’à l’intérieur d’une même langue, c’est
notamment à travers l’usage d’une variété ou des variantes qu’un locuteur exprime
linguistiquement son appartenance à un groupe particulier, c’est-à-dire son identité
linguistique. Cette identité linguistique peut largement être rapportée à l’identité culturelle,
définie comme « un sentiment d’appartenance collective (donc, d’appartenance à un groupe) »
(Blanchet, 2007, p.22). Dans ce sens, nous pouvons ainsi envisager les différentes variétés de
français à travers le monde comme l’expression linguistique de la diversité culturelle de
l’espace francophone, plus précisément comme une manifestation de leur identité culturelle.
L’approche interculturelle, dominant actuellement l’orientation culturelle en didactique des
langues, met également l’accent sur l’aspect identitaire, au moins, du point de vue culturel :
La base [du] concept [d’interculturalité] est de permettre aux élèves de langues
vivantes d’entretenir des relations d’égal à égal avec des locuteurs des langues en
question, ainsi que de leur faire prendre conscience à la fois de leur propre identité et
de celle de leurs interlocuteurs » (Byram, Gribkova & Starkkey, 2002, p.7, nous
soulignons)
Insérée dans la compétence interculturelle, cette prise de conscience de l’identité de leurs
interlocuteurs implique d’avoir une perception nuancée, et non stéréotypée, de l’autre, ce qui
inclut, selon le CECR (2001), « la conscience de la diversité régionale et sociale» « du monde
de la langue cible » (p.82). En prenant en compte des cultures minoritaires, l’approche
interculturelle du CECR semble ainsi se fonder sur une vision hétérogène et plurielle de la
conception de culture. De plus, l’idée que langue et culture s’influencent mutuellement et ne
peuvent par conséquent être dissociées l’une de l’autre a d’ailleurs largement pris l’ampleur
29
avec l’approche interculturelle, ce qui implique de traiter des aspects linguistiques et culturels
ensemble, de façon intégrée, en classe de langue (Haukås &Vold, 2012, p. 396). Il semble
ainsi que cette approche accorde une place à la variation diatopique, étant donné qu’elle est
l’expression linguistique de cette diversité géographique et qu’elle reflète l’identité culturelle
des locuteurs.
En examinant le programme des langues étrangères, nous constatons qu’il vise le
développement de la compétence interculturelle des élèves en adoptant une démarche
comparative des aspects culturels et sociétaux entre le monde cible et celui de l’élève,
exprimée dans différents objectifs du domaine de langue, culture et société. Ce titre souligne
d’ailleurs la relation qui existe entre ces trois entités.
Malgré ce titre, il n’y a néanmoins qu’un objectif de compétence qui évoque l’idée de traiter
des aspects de la langue et de la culture de façon intégrée. Il est ciblé au niveau I, visant la
capacité de l’élève de « parler de la langue et des aspects géographiques du territoire de la
langue cible en question » (Udir, 2006, notre trad.). Cet objectif vague ouvre à différentes
interprétations possibles, y compris celle d’aborder des variétés géographiques de la langue
cible, étant donné qu’elles sont le fruit de la relation entre langue et espace. Nous doutons
cependant que cette interprétation soit l’intention derrière cet objectif. Il semble plus probable
qu’il est question pour l’élève de connaître le territoire où la langue cible est parlée, du point
de vue géographique, ce que semble confirmer l’objectif similaire au niveau II, qui vise que
l’élève puisse « expliquer des aspects de la géographie et de l’histoire du territoire cible »
(opt. cit. notre trad.), dans lequel le terme langue est omis.
Cette étude du programme des langues étrangères par rapport aux approches communicative
et interculturelle nous a permis de constater que, bien que le programme s’inscrive dans ces
approches, qui, elles, prennent en considération différents types de variation, y compris la
variation diatopique, le programme lui-même n’évoque rien à ce sujet, au moins pas de façon
explicite. Néanmoins, du fait que le programme est de nature général et peu précis laisse une
grande marge d’interprétation. Puisque le programme semble vouloir confronter les élèves à
l'usage réel de la langue, il est possible de l’interpréter dans le sens de familiariser les élèves,
au niveau de réception orale, à différentes variétés de français hors de France. Regardons
maintenant si le traitement de la variation est visé dans le programme de l’anglais.
30
3.2.2 Le programme d'anglais comme source d'inspiration
Contrairement au programme des langues étrangères du LK06, celui de l'anglais cite
explicitement la variation diatopique et l'intègre dans quelques objectifs de compétence. Le
traitement de la variation diatopique a alors clairement sa place comme objet d'enseignement
en classe d'anglais en Norvège, prescrite par les directives ministérielles mêmes. Ceci nous
amène à nous demander pourquoi ce n'est pas le cas pour l'enseignement des L3. Une
explication possible est liée au fait que le programme des langues étrangères est valable pour
l'ensemble des deuxièmes langues étrangères proposées dans les écoles norvégiennes. Un tel
programme doit alors viser des traits généraux langagiers que des particularités de chaque
langue. Si toutes les langues vivantes varient, elles ne font pas l'objet de la variation
diatopique au même degré. Certes, les trois langues habituellement enseignées à l'école
norvégienne (allemand, français, espagnol) se déploient toutes à travers différents pays et
varient dans l'espace, mais la langue française est cependant celle qui se rapproche le plus de
l'anglais en termes de variation diatopique à travers le monde (Gadet, 2011). Compte tenu de
ce seul fait, il semble alors possible de traiter la variation diatopique du français en classe de
FLE, au même titre ou presque, qu'en classe d'anglais.
Cependant, la différence chez les élèves norvégiens en termes de compétence en anglais par
rapport à celle en L3 nous empêche de comparer directement l'enseignement de l'anglais à
celui du FLE. Il est effectivement possible que les niveaux de langue visés en L3 ne sont pas
considérés comme suffisamment avancés pour introduire de variétés géographiques aux
apprenants. Cette question non négligeable sera abordée dans la partie suivante, portant sur le
CECR. À présent, nous nous concentrerons sur ce que le programme de l'anglais exprime par
rapport à la variation diatopique, notamment quant aux objectifs et compétences ciblés. Cela
pourrait servir de source d'inspiration pour l'intégration de variétés de français hors de France
dans l'enseignement du FLE en Norvège.
Le programme de l'anglais actuel est en fait une révision du programme du LK06, entrée en
vigueur le 1er
août 2013. Cette révision se différencie plus du programme des langues
étrangères que les versions précédentes, entre autres, par rapport aux domaines d'objectifs de
compétence. Dans le programme de l'anglais, le domaine de communication se compose
maintenant de la communication orale et de la communication écrite, et le domaine traitant
31
l'aspect culturel porte le nom de culture, civilisation et littérature33
et non langue, culture et
société comme dans le programme des langues étrangères.
Les modifications les plus intéressantes pour ce mémoire sont néanmoins celles concernant la
variation diatopique, plus accentuée dans la version actuelle que dans les deux versions
précédentes du programme de l'anglais du LK06. Dans ces dernières, il n'y a qu'un seul terme
renvoyant à la variation diatopique. Il apparaît dans l'un des objectifs du domaine de culture,
civilisation et littérature, visant que « l'élève soit capable de reconnaître quelques accents
régionaux de pays anglophones » après l'apprentissage de l'anglais au collège, en classe de
10ème (udir).34
Ce qui nous confirme notre interprétation du programme des langues que le
domaine culturel est apte pour intégrer des objectifs liés à la variation diatopique.
La version actuelle, en revanche, valide notre interprétation que les variétés géographiques
peuvent faire partie du domaine de communication, au niveau de la réception orale, car les
trois termes renvoyant à la variation linguistique ou la variation diatopique se situent dans le
domaine de communication orale, liés plus précisément à la compréhension orale. Dans la
description des compétences orales, on peut lire que « Oral skills in English [...] also involve
being able to understand variations in spoken English from different parts of the world »
(Udir, 2013, nous soulignons).35
Cette idée est concrétisée dans deux objectifs. Pour le
premier, il s'agit de l'objectif «...to enable pupils to listen to and understand variations of
English from different authentic situations », visé à la fin de l'apprentissage au collège.
L'objectif au lycée précise les types de variation que les apprenants doivent écouter et
comprendre, à savoir la variation diatopique et diastratique, ou «social and geographic
variations of English from authentic situations» (opt.cit.). Ce programme met alors l'accent
que c'est le développement de la compréhension orale qui doit être visé pour le traitement de
la variation diatopique.
Cet aperçu du programme nous a permis de constater que selon le LK06, les variétés
géographiques d’anglais constituent un objet d'enseignement digne d'intérêt en classe
d'anglais en Norvège. Il a également validé notre interprétation qu’un programme s’inscrivant
dans le courant communicatif et interculturel accorde une place à la variation diatopique. Il
reste maintenant de trouver des réponses à la question du niveau d'apprentissage approprié
33 Ce domaine portait déjà ce nom dans les versions précédentes du LK06 34 Version originale (2006-2010) et deuxième version (2010-2013). Utdanningsdirektoratet. Notre trad. 35 English version : http://www.udir.no/kl06/ENG1-03/Hele/?lplang=eng
32
pour introduire et sensibiliser les apprenants à des variétés géographiques. Pour le faire, nous
nous tournerons vers le document élaboré par le Conseil de l'Europe, le CECR, dans lequel les
niveaux communs de référence pour l'apprentissage des langues étrangères sont décrits.
3.3 La variation diatopique dans l'apprentissage des
langues selon le CECR
Le Cadre européen commun de référence pour les langues (2001) a joué un rôle considérable
dans l'élaboration du programme d'enseignement des langues étrangères et de celui de
l'anglais du LK06 (Ibsen, 2007). Il constitue ainsi une source importante pour interpréter le
programme des langues étrangères du LK06. Nous examinerons d'abord ce que le CECR
exprime quant au traitement de la variation diatopique dans le cadre de l’apprentissage des
langues avant de regarder à quel niveau d’apprentissage il envisage d’aborder cet aspect. Pour
finir, nous appuierons sur le rapprochement que Gulbrandsen (2009) fait entre les niveaux de
CECR et ceux du programme des langues étrangères afin de déterminer à quelle phase
d’apprentissage en contexte scolaire norvégien l’on peut commencer à sensibiliser les élèves à
des variétés de français hors de France.
Comme mentionné plus haut, le CECR (2001) prend en considération des dialectes et des
accents de la langue cible et les insère plus précisément dans la compétence sociolinguistique.
En ce qui concerne le savoir-faire lié à des dialectes et accents, il s’agit de « la capacité de
reconnaître les marques linguistiques de, par exemple : la classe sociale, l'origine
régionale, l'origine nationale, le groupe professionnel » (p.94, nous soulignons). Le terme de
marques linguistiques renvoie à la notion de variante en sociolinguistique (cf. chapitre 2).
Cette capacité implique alors de connaître la signification sociale de différentes variantes de la
langue cible, ce qui permet, selon le Cadre, d'avoir « des indices significatifs sur les
caractéristiques de l'interlocuteur » (p.95). Par rapport aux facteurs externes cités ci-dessus
(classe sociale, l’origine régionale etc.), le CECR met l’accent sur les caractéristiques liées à
l’appartenance à un groupe social ou géographique, c’est-à-dire un aspect de l’identité
culturelle de l’interlocuteur (cf. supra). Le Cadre exprime également une prise en compte de
la variation diastratique et de la variation diatopique dans le cadre d’un apprentissage d’une
langue étrangère.
33
Le CECR justifie la prise en compte de la variation extralinguistique dans les termes
suivantes : « [i]l n'y a pas, en Europe, de communauté linguistique entièrement homogène.
Des régions différentes ont leurs particularités linguistiques et culturelles » (p.95). Ce fait est
bien sûr valable aussi pour les communautés hors d’Europe, comme nous l’avons vu
d’ailleurs dans le cas des communautés francophones, mais il semblerait que le CECR a un
point de vue restrictif en se bornant uniquement à l’Europe. La deuxième partie de la citation
ci-dessus montre que le Cadre accorde une place importante à la variation diatopique. Comme
il le souligne plus loin, « [a]vec le temps, les apprenants entreront en contact avec des
locuteurs d’origines variées » (p.95). Le CECR semble ainsi évoquer qu’à un moment de
l’apprentissage, l’enseignement doit viser à rendre les apprenants capables à communiquer
avec des locuteurs de la langue cible, provenant de différentes pays et régions, et à être
sensibles à leurs particularités linguistiques.
Figure 2 (Source: CECR, 2001, p.25)
La question est maintenant de savoir à quelle phase de l'apprentissage le CECR envisage
l'introduction à la variation. Le CECR opère avec six niveaux de compétence en langue
étrangère, d’A1 à C2, présentés dans la figure ci-dessus. Comme pour toutes les différentes
composantes de la compétence communicative, le CECR a établi une description de la
progression de l'acquisition de la compétence sociolinguistique en fonction de chaque niveau.
La description des différents niveaux de la compétence sociolinguistique n'est cependant pas
très détaillée.36
Pour notre propos, ce n'est qu'à partir du niveau C1 où l'on trouve un objectif
relatif à la variation diatopique. À ce niveau, « [l'apprenant] peut reconnaître un large éventail
d'expressions idiomatiques et dialectales » (p.95).
Quant au niveau approprié pour l’introduction à des variétés géographiques en classe de
langue, le CECR (2001) souligne que «[à] partir de B2, les apprenants [...] commencent à
36 Le CECR(2001) explique que « L’étalonnage de niveaux de compétence sociolinguistique s’est avéré
problématique […]. Les items qui ont pu être échelonnés avec succès se trouvent dans la grille [de correction
sociolinguistique] » (p.95)
34
acquérir la capacité de faire face aux variations du discours » (p.95). L'expression variations
du discours semble renvoyer à l'ensemble des types de variation extralinguistiques (cf.
chapitre 2). En adoptant cette formulation uniquement pour la variation diatopique, on peut
dire que la capacité de faire face à des variétés géographiques est en cours d'acquisition pour
des apprenants au niveau B2. Le fait que cette capacité doit être en cours d'acquisition au
niveau B2 semble alors impliquer que les apprenants doivent être sensibilisés à de variétés
géographiques avant d'atteindre ce niveau. Dans cette optique, il semble que le CECR
envisage une introduction à la variation diatopique au niveau B1 dans le cadre
d’apprentissage de langue, afin que les apprenants puissent commencer à développer leur
capacité de faire face à ce type de variation.
La question est maintenant de savoir à quelles classes de l’apprentissage du français en
contexte scolaire norvégien correspondent les niveaux du B1 et B2 du CECR. Dans son
article intitulé « Le Cadre Européen et le programme d'enseignement des langues étrangères »
(2009, notre trad.), Gulbrandsen propose une concordance entre les niveaux de langue du
LK06 et ceux du CECR en s'appuyant sur des documents publiés par le groupe qui élaborait le
programme des langues étrangères actuel. Ces documents montrent que les niveaux du CECR
étaient intégrés dans les versions préliminaires du programme. Bien qu'il n'y ait plus de
référence directe aux niveaux du CECR dans le LK06, Gulbrandsen souligne qu'ils y sont de
manière implicite et interprète la concordance entre les niveaux du programme du LK06 et du
CECR comme l'illustre le tableau ci-dessus.
LK06- langues étrangères Ecouter Conversation Production orale
Après VG2 (niv II, 2e année) B2 B1 B1
Après VG1 (niv II, 1ère
année) B1 A2 A2
Après 10e année (niv. I,
3eannée)
A2 A2 A2
Tableau 2 (Source : Guldbrandsen, 2009, p.34, notre trad./adaptation)
Comme nous l'avons vu tout au long de cette partie, c'est la compétence orale des élèves qui
doit être visée pour la sensibilisation aux variétés géographiques. Par rapport à l’aptitude
d’écoute, le tableau de Gulbrandsen montre que le programme des langues étrangères vise une
compréhension orale qui correspond au niveau B1 à la fin de la première année du niveau II,
en VG1, et au niveau B2 à la fin de VG2. Autrement dit, les élèves norvégiens du FLE sont
censés se trouver au niveau B1 au début de l'enseignement du français en VG2 et atteindre le
niveau B2 au cours de cette année scolaire. En partant de ce tableau proposé par Gulbransen
35
et de notre interprétation du CECR à propos du niveau approprié pour introduire la variation
diatopique en classe de langue, nous pouvons ainsi conclure que l'enseignement du FLE en
classe de VG2 (niveau II) semble être le moment propice pour introduire des variétés de
français extrahexagonales et commencer à développer chez les élèves leur capacité à faire
face à cette variation au niveau perceptif.
3.4 Les objectifs à envisager pour la sensibilisation
à la variation diatopique
Dans ce chapitre, nous avons étudié ce que les principaux documents directifs pour
l’enseignement du FLE en Norvège, expriment par rapport au traitement de la variation
diatopique en classe de langue. Si le programme des langues étrangères ne mentionne rien à
ce sujet de façon explicite, il envisage néanmoins de confronter les élèves à la réalité
langagière en classe, par le biais de documents authentiques, ce qui prévoit par définition de
confronter les élèves à la variation et à différentes usages. Dans cette optique, il est important
de faire écouter aux élèves différentes variétés de français hors de France. Une telle
exposition correspond d’ailleurs au courant communicatif et interculturel dans lequel le
programme s’inscrit, comme le confirme le programme de l’anglais et le CECR. En nous
appuyant sur le Cadre, nous sommes arrivée à la conclusion que la phase d’apprentissage
approprié pour commencer à sensibiliser les élèves à des variétés de français
extrahexagonales se situe en deuxième année du niveau II, donc en classe de VG2.
Avec le programme de l’anglais, ces deux documents constituent d’ailleurs une source
d’inspiration en ce qui concerne les objectifs à envisager pour la sensibilisation à la variation
diatopique. Le premier objectif est le développement de la compréhension orale, souligné par
le programme de l’anglais actuel. Le deuxième est le développement de la compétence
sociolinguistique, c’est-à-dire d’être en mesure d’identifier le locuteur à partir des variantes
qu’il utilise. Vu que ces deux objectifs correspondent à un niveau supérieur, en classe de
VG2, c’est plutôt l’émergence de ces capacités que l’on vise.
La sensibilisation à la variation diatopique peut aussi viser un dessein plus général. Il s’agit de
ce que Valdman nomme « l’éveil de la conscience linguistique » (2000, p.655). Développer
une conscience linguistique chez les élèves est d’ailleurs considérée comme importante en
didactique des langues et fait partie des compétences métacognitives implicites dans le
36
domaine de savoir apprendre du programme du LK06. Quant à la conscience linguistique, il
s’agit de découvrir des traits spécifiques d’une langue particulière ainsi que des traits
généraux valables pour plusieurs ou toutes les langues (Hauge, 2012, p.89). Puisque la
variation linguistique est partie prenante de toute langue vivante, aborder la variation en
classe de langue permet ainsi de mettre en évidence ce trait général du fonctionnement
langagier.
Concernant la variation diatopique du français, elle représente une ressemblance avec les deux
autres langues que les élèves norvégiens connaissent bien, le norvégien et l'anglais. L'anglais,
on le sait, fait l’objet d’une exposition à la variation diatopique et différentes variétés
anglophones sont traitées en classe. Le norvégien, lui, ne s'étend certes pas dans le monde
comme l'anglais ou le français, mais il n'empêche qu'à l'intérieur de la frontière norvégienne,
on trouve une multitude de dialectes, et de manière générale, il y a une tolérance envers les
différents dialectes norvégiens (Røyneland, 2008). Compte tenu de la connaissance que les
élèves ont du norvégien et de l'anglais et de leur habitude d'être confronté à la variation
diatopique, on pourrait alors s'attendre à ce que les élèves en classe de VG2 soient disposés à
prendre conscience du phénomène de la variation diatopique et de la diversité du français
parlé à travers le monde.
37
4 La variation diatopique dans les
manuels norvégiens de FLE
Nous avons conclu, au chapitre 3, qu'il est possible d'interpréter les différentes directives en
faveur de la présentation de variétés de français dans l'enseignement du FLE en Norvège,
notamment lors de la deuxième année de niveau II (VG2). La question essentielle sur laquelle
nous nous pencherons maintenant est celle concernant les pratiques. En d'autres termes, nous
viserons à trouver des réponses à notre question de recherche, à savoir dans quelle mesure et
comment traite-t-on des variétés de français hors de France en classe de FLE en Norvège?
De manière générale, les manuels scolaires occupent une place centrale dans le cadre de
l’enseignement à l’école norvégienne. Outre les directives, les manuels jouent alors un rôle
décisif concernant les thématiques et les aspects abordés en classe (Utdanningsdirektoratet,
2005). Les classes de langue, y compris celle de français, ne sont pas une exception, comme
l’a démontré le rapport de Speitz et Lindemann (2002). À notre connaissance, il n’y a
cependant pas de travaux de recherche sur l’usage des manuels en classe de langue en
Norvège depuis que la nouvelle réforme, LK06, est entrée en vigueur. Il n’empêche que l’on
continue de souligner la position dominante dont bénéficient les manuels dans l’enseignement
des langues étrangères (cf. Haukås & Vold, 2012 ; Lund, 2012). Nous pouvons alors déduire
que les manuels destinés à des cours de FLE en Norvège constituent toujours le support
didactique le plus répandu et le plus utilisé à travers les différentes classes de français du
pays. Puisque le but de ce présent travail est avant tout de découvrir le traitement de la
variation diatopique en classe de FLE de manière générale, et non du point de vue des
pratiques d'un enseignant particulier, il nous semble alors légitime de mettre l’accent sur
l’étude de manuels actuels dans l’enseignement du français en Norvège.
Nous nous sommes penchée sur deux manuels de FLE largement utilisés lors de la deuxième
année au niveau II du français, donc en classe de VG2. Il s'agit des manuels Contours
(Ankerheim & Lokøy, 2007; 2009) et Enchanté 2 (Hønsi, Kjetland & Liautaud, 2007; 2013),
qui comprennent deux éditions chacun. Contours et Enchanté 2 abordent tous les deux la
thématique du monde francophone. Cette thématique vise naturellement à présenter quelques
aspects de la diversité culturelle francophone aux élèves. Mais est-ce que leur présentation de
cette diversité s'accompagne d'une présentation de la diversité linguistique du français ? C’est
ce que nous allons vérifier dans ce chapitre.
38
Dans un premier temps, nous proposerons un exposé général sur les manuels. Nous
examinerons, dans un deuxième temps, Contours et Enchanté 2 par rapport à leur traitement
de l'espace francophone, notamment dans leur choix des régions francophones présentées et
dans les aspects envisagés. Cette étude nous permettra d’entrer dans le vif du sujet, à savoir
dans quelle mesure et comment les manuels présentent-ils le français tel qu'il est parlé dans
les régions francophones en question? Nous terminerons ce chapitre par une analyse
approfondie, au niveau lexical et phonologique, d'un texte tiré du manuel Enchanté 2 qui
représente le français québécois. Cette analyse a pour objectif de déterminer cette
représentation d’une variété de français hors de France est satisfaisante et appropriée pour
sensibiliser les élèves à la variation diatopique du français.
4.1 Présentation générale des manuels
Les manuels sélectionnés, Contours et Enchanté 2, sont tous les deux adaptés au programme
des langues étrangères du LK06 et visent le niveau II. Enchanté 2 est conçu pour la deuxième
année du niveau II, alors que Contours couvre les deux années d’apprentissage du niveau II.
Dans le guide pédagogique de Contours, les auteurs soulignent avoir envisagé le traitement du
chapitre sur le monde francophone au début de la deuxième année du niveau II.37
En d’autres
termes, les deux manuels s’accordent alors sur la phase d’apprentissage appropriée pour
aborder la thématique de l’espace francophone.
La deuxième année du niveau II, en classe de VG2, coïncide alors avec le moment que nous
avons déduit comme étant propice pour introduire des variétés de français hors de France aux
élèves. C’est effectivement une coïncidence car la classe de VG2 n’était pas particulièrement
visée lors de notre sélection de manuels. Notre première démarche pour sélectionner les
manuels à étudier consistait à examiner le traitement de la thématique du monde francophone
de plusieurs manuels, destinés à différents niveaux et classes. Le choix de Contours et
d’Enchanté 2 s'est imposé de lui-même, puisque ce sont ces deux ouvrages qui abordent la
thématique du monde francophone de façon beaucoup plus approfondie en comparaison avec
des manuels destinés à d'autres niveaux. Grâce à cette coïncidence, nous allons pouvoir
vérifier si les auteurs de manuel partagent notre interprétation concernant la phase
d’apprentissage appropriée pour sensibiliser les élèves à la variation diatopique du français.
37Guide pédagogique de Contours nouvelle édition : http://mml.gyldendal.no/flytweb/default.ashx?folder=9402:
« Il y a certaines activités qui prennent comme point de départ que ce sujet sera traité après les vacances d’été,
donc au début de la deuxième année… » (Chapitre 7, notre trad.)
39
Contours et Enchanté 2 sont constitués tous les deux de plusieurs composantes. D’abord, il y
a le manuel de l’élève, qui est organisé autour de différents thèmes culturels. Dans Contours,
un chapitre correspond à un thème tandis qu’Enchanté englobe plusieurs chapitres sous le
même thème. Par exemple, pour le thème du monde francophone, Contours traite différentes
régions francophones dans le même chapitre à la différence d’Enchanté, où le thème de la
francophonie comprend trois chapitres présentant chacun une région ou aire francophone.
Dans les deux manuels, chaque chapitre comprend des textes, de genres et longueurs divers,
auxquels s’ajoutent souvent des fichiers sonores (CD audio), des exercices portant sur les
textes et sur des aspects grammaticaux ainsi que d’autres activités orales et écrites. Contours
et Enchanté 2 s’accompagnent aussi d’un site Internet où l’on trouve la plupart des fichiers
sonores, des activités interactives de vocabulaire, de grammaire et de prononciation ainsi que
des liens vers des sites Internet relatifs à chaque chapitre. 38
On peut aussi y consulter le guide
pédagogique destiné à l’enseignant.
Notre étude portera principalement sur les textes présentés dans le manuel de l’élève
d’Contours et d’Enchanté 2. Si les textes écrits vont nous permettre d’apercevoir la variation
diatopique sur le plan lexical et morphosyntaxique, les fichiers audio, eux, sont importants
pour découvrir la présence des traits régionaux au niveau de la prononciation. Comme déjà
souligné au chapitre 2, le lexique et la phonologique sont les deux domaines de l’analyse
linguistique les plus mis en évidence dans la variation diatopique. Nous pouvons alors nous
attendre à ce que la majorité des variantes diatopiques trouvées dans les manuels relèvent de
ces deux domaines. Nous jetterons également un regard sur le guide pédagogique de
l’enseignant pour avoir une idée des objectifs visés ainsi que sur les liens Internet proposés
par les manuels pour les chapitres sur le monde francophone. Nous verrons si ces liens
donnent des possibilités aux élèves de « rencontrer une langue authentique », pour reprendre
les termes du programme du LK06, de communauté(s) francophone(s) hors de France.
38 Le site de Contours nouvelle édition (2009):
http://mml.gyldendal.no/flytweb/default.ashx?folder=10750&redirect_from_tibet=true
Le site d’Enchanté 2 (2007) : http://enchante2.cappelendamm.no/
Le site d’Enchanté 2 – version 2 (2013) : http://enchante2-versjon2.cappelendamm.no/
40
4.2 Les manuels Contours et Enchanté 2 et leur
présentation du monde francophone
Dans cette partie, nous présenterons notre analyse des manuels de Contours et d’Enchanté 2
par rapport à leur traitement du monde francophone et de variétés de français hors de France.
Nous nous concentrerons sur Contours nouvelle édition de 2009, puisque c’est cette version
qui est actuellement en usage en cours de FLE et qu’elle est quasiment identique à l’édition de
2007 dans son traitement des variétés diatopiques. Nous ajouterons néanmoins un
commentaire sur un changement intéressant pour notre propos. Pour le manuel Enchanté 2, la
version de 2007 et celle de 2013 sont toutes les deux, à l’heure actuelle, encore en usage en
classe de français. De plus, il y a eu des modifications considérables pour la présentation du
monde francophone dans l’édition de 2013 par rapport à la version de 2007. Il nous semble
alors important de présenter ces deux éditions séparément. Nous commencerons par proposer
une vision d’ensemble du traitement du monde francophone par le manuel Contours avant de
nous tourner vers les deux éditions d’Enchanté 2.
Cette vue générale de chaque manuel consistera à montrer les régions et aires francophones
auxquelles les manuels prêtent attention ainsi que la manière dont ils présentent ces
différentes régions en question. Quant à ce dernier point, il s’agit entre autres de mettre à jour
les principaux aspects ou thèmes culturels et linguistiques qui prédominent dans les textes sur
les différentes régions. En ce qui concerne la dimension linguistique, nous regarderons s’ils
présentent d’une manière ou d’une autre la réalité langagière du français dans ces régions.
Nous considérons également les types de texte utilisés pour présenter les régions
francophones dans le but de réfléchir autour de la question de types de texte appropriés pour
sensibiliser les élèves à la variation diatopique.
À la fin de cette partie, nous proposerons une sorte de synthèse du traitement du monde
francophone par l’ensemble des manuels étudies en mettant l’accent sur la question de la
présentation de variétés de français hors de France. Puisque notre étude vise une description
générale de l’approche de l’espace francophone des manuels, nous n’entrerons pas dans les
détails des différents textes. Pour plus d’informations sur les textes, nous renvoyons à
41
l’annexe A, dans laquelle nous proposons une description brève de l’ensemble des textes
étudiés dans chaque manuel, catégorisés en fonction de région ou aire francophone.39
4.2.1 Le monde francophone selon Contours
Dans le manuel Contours (2009), les cinq grandes aires francophones se trouvent représentées
à travers les différents textes du chapitre 7, « Le monde francophone », comme le montre
l’annexe A. Le manuel met néanmoins l’accent sur trois régions francophones, la
Guadeloupe, en particulier, en plus du Québec et du Sénégal, représentatives de trois grandes
zones francophones : les DROM ou la francophonie créolophone, l’Amérique du Nord et
l’Afrique subsaharienne. Afin d’avoir une idée des éléments de l’espace francophone
auxquels les auteurs du manuel Contours accordent une importance, nous proposons de
rassembler les principaux aspects soulevés par les textes, d’un côté, du point de vue culturel et
de l’autre, du point de vue linguistique, en commençant par le côté culturel.
L’un des aspects culturels qui domine la présentation des régions francophones, notamment
les trois régions principales, est l’histoire. Contours insiste sur leur histoire coloniale et
présente, par exemple, quelques événements, faits, dates et personnes qui ont marqué la
Guadeloupe (C4), le Québec (C12) ou l’Afrique subsaharienne (C17). Dans le guide
pédagogique,40
les auteurs expliquent qu’ils ont choisi une approche historique de l’espace
francophone car l’objectif visé est que « les élèves acquièrent des connaissances sur le monde
francophone, apprennent où l’on parle français dans le monde et pourquoi » (notre trad., nous
soulignons). À part les aspects historiques, ces textes, qui sont de nature descriptive et
factuelle, permettent également aux élèves d’acquérir des informations factuelles sur les
différentes régions, par exemple sur la population (le nombre d’habitants, l’ethnie), sur la
géographie et le climat. Les auteurs de Contours semblent ainsi avoir mis l’accent sur
l’objectif de compétence du LK06 qui vise à ce que les élèves soient capables d’« expliquer
des aspects de la géographie et de l’histoire du territoire cible » (cf. infra 3.2.1).
Le manuel aborde aussi les régions francophones selon une perspective touristique, intégrée
dans le texte factuel pour le cas du Québec (C12), dans une affiche touristique pour la
Guadeloupe (C7), dans un document fabriqué présentant un programme de séjour au Sénégal
39 Dans l’annexe A, chaque texte a été attribué une appellation que nous utiliserons pour faire référence aux
textes. Les textes du Contours commencent par un C, plus un chiffre, ceux d’Enchanté 2 (2007– version 1), EV1
et pour la version 2 d’Enchanté (2013), c’est EV2. 40 Le guide pédagogique se trouve sur le site du manuel dans Lærersider: www.gyldendal.no/contours
42
(C20) et dans un dialogue intitulé « Les vacances dans un pays francophone » (C3). Ces
textes décrivent ce que l’on peut y découvrir ainsi que les visites et les activités de loisir à
faire. On présente également la cuisine créole et le plat national de la Guadeloupe, le
Colombo (C6).
En plus des textes factuels et descriptifs, les textes littéraires jouent un rôle considérable pour
représenter la culture des régions et aires francophones dans Contours. À l’exception de
l’Europe francophone, la présentation de chaque aire comprend un texte littéraire écrit par un
auteur francophone de l’aire en question. Il s’agit d’une nouvelle pour le cas de Guadeloupe
(C8) ou d’un poème pour chacune des autres aires (C13 ; C19 ; C23). Les poèmes sont des
documents authentiques, qui reprennent, en général, des idées évoquées dans les textes
factuels, tandis que l’extrait de la nouvelle de Gisèle Pineau, « La vie-carnaval », qui illustre
la Guadeloupe, notamment sa tradition de carnaval et des aspects de sa vie sociétale, est un
document didactisé, avec quelques parties du texte orignal effacées.
En examinant les liens Internet proposés sur le site du Contours, on se rend compte que la
majorité de ces pages Internet permettent d’approfondir la connaissance sur les phénomènes
culturels présentés dans le manuel de l’élève, c’est-à-dire la littérature et le tourisme ainsi que
des informations factuelles sur les régions (histoire, géographie, etc.). Seul le site Internet de
TV5 monde propose des sources orales, mais il n’y a aucune suggestion ou directive de la part
des auteurs du manuel quant à l’activité ou le document à exploiter.
Si le manuel Contours accorde une importance à plusieurs aspects culturels du monde
francophone, il n’y a cependant pratiquement rien sur la langue. Contours se limite à aborder
brièvement la situation linguistique des régions francophones en focalisant sur le statut et les
fonctions que le français occupe au sein de ces communautés, comme langue officielle et/ou
langue maternelle. La situation linguistique de l’espace francophone est présentée de manière
générale par le texte C1 et le carte du monde francophone (C2). D’autres textes évoquent ce
thème lors de la présentation d’une région particulière, par exemple dans les petits textes sur
la Suisse (C9), la Belgique (C11) et le Maghreb (C23). Le manuel mentionne aussi la
présence des langues locales.
Une langue locale est particulièrement mise en valeur dans Contours. Il s’agit du créole
guadeloupéen, qui est décrit brièvement en termes de quelques traits et d’exemples dans le
texte C5. Dans la nouvelle « la vie-carnaval », on trouve aussi deux énoncés en créole ainsi
43
qu’une variante lexicale de la variété de français de Guadeloupe, chabin (la BDLP).41
Néanmoins, la lecture de la nouvelle se fait en français standard, donc il n’y a pas de traits de
cette variété au niveau de la prononciation. C’est d’ailleurs le cas pour l’ensemble des fichiers
audio qui accompagnent les différents textes.
Il est clair que Contours ne vise pas à sensibiliser les apprenants à la variation diatopique du
français hors de France. Nous avons toutefois relevé deux variantes lexicales de la variété de
français québécois (FQ ci-après), à savoir canotage et arrêt. Canotage est une dérivation du
verbe canoter provenant du nom canot, qui signifie canoë en français de référence (FR). Si le
mot canot existe en FR, bien que son usage soit rare, il ne renvoie pas au même type de
bateau (Usito).42
Canotage est donc une innovation sémantique du fait que sa signification est
différente en FR et en FQ. Dans l’édition de Contours de 2009, ce mot apparait uniquement
dans la liste du vocabulaire du texte sur le Québec (C12), traduit en norvégien par
kanopadling qui signifie « faire du canoë » en FR. C'est donc bien dans le sens du FQ que le
manuel emploie le lexème de canotage. Cependant, c’est le terme canoë qui est utilisé dans le
texte même, tandis que dans la version de 2007, il est présent à la fois dans le texte et la liste
du vocabulaire. Le fait que cette variante a été remplacée dans le texte de 2009 semble
indiquer que ce québécisme s'y est introduit par erreur dans la version de 2007. Une erreur
que les auteurs semblent avoir voulu corriger dans la nouvelle version en oubliant toutefois de
l’effacer de la liste du vocabulaire.
Le lexème arrêt figure sur une photo d'un panneau de circulation. C’est une variante lexicale
propre au FQ car en France, c’est le mot anglais stop qui est utilisé sur ces panneaux. Dans le
manuel, cette photo ainsi que quatre autres ont été choisies comme support visuel pour une
activité de l’expression écrite (C15).43
La deuxième variante québécoise n’est alors pas là par
hasard, ce qui semble être le cas pour la première. Cependant, le manuel ne propose pas de
commentaire sur l’emploi du terme arrêt. Autrement dit, si la photo avec le panneau d’arrêt
pourrait être un moyen pour introduire l’aspect variationnel du français de Québec en classe,
cela dépend totalement de l’enseignant et/ou du regard attentif et curieux des élèves.
Après cette vue générale du traitement du monde francophone de Contours, nous sommes
alors amenée à la conclusion suivante : ce manuel a pour objectif d’enseigner différents
41 Cette variante est présente dans le texte original. Le manuel propose une traduction en norvégien du terme
(« person med negroide trekk, men lys hud » p. 217), mais il ne précise pas que c’est une variante. 42 Usito: "canot" qui signifie « barque » en FR : https://www.usito.com/dictio/#canotage.ad%C2%A4 43 Cet exercice est nouveau dans Contours (2009) : il s’agit d’écrire une carte postale en s’inspirant des photos.
44
aspects culturels des régions francophones, entre autres, où l’on parle français et pourquoi,
mais le côté linguistique, c’est-à-dire comment on parle français dans les différents coins du
monde est totalement ignoré. Regardons maintenant si cet aspect est souligné dans le manuel
d’Enchanté 2, en commençant par la version de 2007.
4.2.2 Le monde francophone selon Enchanté 2
Enchanté 2 (2007) – version 1
La première édition d’Enchanté 2 présente quatre régions francophones, le Canada, l’Algérie,
le Cameroun et la Guadeloupe, qui sont représentatives de quatre différentes zones
francophones. Les trois premières correspondent à trois chapitres du thème la francophonie,
tandis que le chapitre sur la Guadeloupe fait partie du thème 1, Le tour de France des régions.
Nous incluons néanmoins cette région francophone dans notre étude, étant donné que la
Guadeloupe se situe hors de l’Hexagone et que sa situation linguistique et culturelle est bien
différente de celle de la métropole. Pour donner une vue générale du traitement du monde
francophone par ce manuel, nous procédons comme avec Contours, c’est-à-dire en examinant
d’une part, le point de vue culturel et d’autre part, le point de vue linguistique. Notons que
chaque chapitre d’Enchanté s’organise de façon identique avec un texte principal, puis trois
autres textes qui apparaissent sous les rubriques de Civilisation, de Coin culturel et de Pour
aller plus loin. Ces textes abordent alors différents aspects de chaque région.
À l’exception du titre du chapitre « le Canada », les titres des autres chapitres donnent des
indications sur les sujets culturels qui sont soulignés dans la présentation de la région
francophone en question. En effet, le chapitre intitulé « L’Algérie : colonisation et
indépendance » met l’accent sur l’histoire coloniale de l’Algérie et sa société pendant et après
la colonisation, par le biais des deux textes principaux du chapitre. Le premier est un texte
factuel (EV1-11) et le deuxième, une interview avec un Algérien qui habite en Norvège (EV1-
12). En ce qui concerne le texte principal du chapitre sur le Cameroun (EV1-17), il porte sur
un aspect sociétal spécifique. Intitulé comme le chapitre, c’est-à-dire « La radio des femmes
camerounaises de Mbalmayo », ce texte évoque la condition des femmes au Cameroun à
travers l’histoire d’une Camerounaise, présentée par deux personnages du manuel sous la
forme d’un exposé scolaire.
45
Le chapitre sur la Guadeloupe porte essentiellement un regard touristique sur cette île
antillaise, indiqué par le titre du chapitre : « Voyage, voyage… ». À travers deux cartes
postales (EV1-1), les élèves découvrent la Guadeloupe en tant que destination touristique
exotique, comme les endroits à visiter, les spécialités culinaires à déguster et les activités de
loisir à faire. La perspective touristique domine également le texte principal du chapitre sur le
Canada (EV1-5). Ce texte est un dialogue fabriqué, qui a lieu dans un avion à destination de
Québec, entre deux personnages d’origine française et un personnage canadien, Emma. La
Québécoise donne aux Français des conseils de tourisme (lieux, activités, plat typique) sur
cette province francophone.
Le manuel présente aussi des données factuelles sur la Guadeloupe et le Canada dans les
textes parus sous la rubrique de Civilisation. Pour la Guadeloupe (EV1-2), on parle de son
histoire coloniale et sa diversité ethnique tandis que le texte sur le Québec (EV1-8) donne des
informations sur sa géographie, sa population et la ville de Montréal. Nous trouvons
également des informations factuelles en termes de nombre d’habitants, faits historiques et
localisation géographie dans les textes d’écoute sur le Cameroun (EV1-18), sur la ville de
Québec (EV1-6) ainsi que celui sur la ville algérienne d’Oran (EV1-13).
Un autre aspect culturel auquel Enchanté 2 prête particulièrement attention est la diversité de
la musique francophone. En effet, sous la rubrique Coin culturel, chaque région ou aire est
représentée par une chanson contemporaine, interprétée à l’origine par un chanteur ou groupe
de la région en question. Par exemple, pour représenter la Guadeloupe, les auteurs ont choisi
« Vive le douanier Rousseau » de La Compagnie Créole (EV1-3) et la chanson « J’erre » de
Steve Dumas (EV1-9) pour le Canada. Cependant, les fichiers audio semblent être des
reprises des chansons. De plus, la musique traditionnelle de l’Afrique subsaharienne et celle
du Maghreb sont également au centre des textes de Civilisation (EV1-19 et EV1-14). Pour le
texte EV1-14 intitulé « La culture maghrébine en France », on met aussi l’accent sur des
spécialités culinaires du Maghreb. Nous y trouvons même une recette de couscous.
Tout comme Contours, le manuel utilise aussi des textes littéraires pour représenter la culture
d’une région francophone. Pour illustrer la Guadeloupe, les auteurs ont choisi la même
nouvelle que Contours, « la vie-carnaval », mais l’extrait est ici plus court. Le manuel
comprend aussi un extrait du roman Cette fille-là de l’auteure algérienne, Maïssa Bey (EV1-
16), ainsi trois poèmes des auteurs de l’Afrique subsaharienne (EV1-21).
46
Une autre ressemblance avec Contours concerne les sites Internet proposés dans le guide
pédagogique d’Enchanté 2. Ici aussi, la grande majorité des sites web proposent des sources
écrites et permettent généralement d’approfondir les sujets culturels abordés dans les textes du
manuel, tels que l’histoire, la géographie et d’autres informations factuelles sur les régions
francophones ainsi que le tourisme, la cuisine, la musique et la littérature.
En revanche, du point de vue linguistique, la première version d’Enchanté 2 se distingue de
Contours. Contrairement à ce dernier manuel, Enchanté ne se limite pas à mentionner la
situation linguistique de différentes régions, mais aborde aussi l’aspect du français parlé hors
de France. Cependant, seul un texte du manuel Enchanté 2 (2007) propose une véritable
illustration d’un français extrahexagonal. Il s’agit du dialogue sur le Québec (EV1-5), qui
représente la variété de français québécois à travers le discours du personnage canadien.
Comme le souligne le guide pédagogique, les auteurs visent à familiariser les élèves à
quelques particularités du français québécois.44
Puisque ce texte fera l’objet d’une analyse
approfondie dans la partie 4.3, nous nous bornerons ici à une description brève de l’aspect
variationnel du texte, en soulevant des points qui nous seraient utiles ultérieurement.
Sur le plan lexical, nous avons relevé plusieurs variantes québécoises. Le personnage
québécois nommé Emma emploie quelques variantes dans son discours et donne aussi des
explications et des exemples de particularités lexicales de la variété de français québécois. Par
exemple, elle explique le phénomène de calque de l’anglais ainsi que la présence des
archaïsmes dans la variété québécoise.45
En plus des variantes lexicales dans le texte, le
manuel propose également en bas du texte, une liste de vocabulaire avec douze mots et
expressions du français canadien et leurs équivalents en français de France.46
En écoutant le fichier audio, nous enregistrons qu’Emma a un accent non-standard avec un
certain nombre de particularités au niveau de la prononciation. Il y a cependant un trait
phonologique qui est particulièrement mis en avant dans le fichier audio ainsi que dans le
texte écrit. Il s’agit de la prononciation de moi, qui figure dans deux occurrences de
l’expression de «j'adore ça, moé !» (p.77 ; p.78). Les auteurs du manuel ont souligné la
prononciation particulière de moi à l'écrit par la graphie, moé, ce qui correspond à la
44 L’un des objectifs visés par ce texte est que « [les élèves] apprennent aussi un peu sur le français canadien »
(p. 13, notre trad.). Le guide pédagogie, Lærerveiledning, se trouve en pièce-jointe sur la page du manuel
http://enchante2.cappelendamm.no/c163000/artikkel/vis.html?tid=272179&strukt_tid=163000 45 Nous reviendrons sur ces points dans la partie 4.3 46 La colonne des termes du «français canadien» est représentée par le drapeau du Canada, alors que le drapeau
tricolore signale que les termes de l’autre colonne est ceux du «français de France».
47
transcription phonétique [mwɛ], en plus d’y insérer un commentaire sur ce trait de
prononciation dans la marge du texte. A croire le manuel, cette variante phonologique est le
trait emblématique par excellence de la variété québécoise. Cette forme ainsi que les autres
variantes seront examinées et présentées dans la partie 1.3. Notons que, si ce texte met
particulièrement en valeur des variantes au niveau lexical et semble vouloir initier les
apprenants aux variations de prononciation, aucune variante morphosyntaxique n’y est
présente.
À propos du chapitre sur le Canada, le guide pédagogique propose un lien vers un site
Internet, présenté sous le titre : « langue ». Malheureusement, ce site web est introuvable à
l’heure actuelle. Mais, nous pouvons néanmoins supposer que la page intitulée langue
présentait d’une manière ou d’une autre la variété de français québécois, étant donné que les
autres pages web proposées par le manuel permettent en général d’approfondir un sujet
particulier abordé par le chapitre. Le dialogue ainsi que la présence de ce lien soulignent alors
que les auteurs du manuel visent à sensibiliser les élèves au français de Québec.
En revanche, quant au traitement des autres régions francophones, il n’y a pas une telle
représentation de la réalité langagière du français. Nous avons toutefois relevés quelques traits
du français hors de France dans les autres chapitres, notamment sur le plan lexical. Par
exemple, dans le texte sur la culture maghrébine (EV1-14), il y a de nombreux termes
d’origine arabe qui appartiennent au champ lexical de la nourriture, par exemple, le couscous,
le tagine, la harira et de la musique : le cheikh et cheb.
Mais peut-on considérer ces lexèmes comme des variantes caractéristiques du français
d’Algérie et/ou de Maghreb? Cette question se pose du fait que la majorité des mots d’origine
arabe relevés se sont répandus dans la francophonie, et même bien au-delà, notamment les
noms des spécialités culinaires, comme en témoignent les dictionnaires. Selon le Petit Robert
(2013), seuls les termes de cheikh et de cheb sont considérés comme des variantes
diatopiques. La BDLP, de son côté, considère aussi des mots culinaires, par exemple, le
tagine et la harissa, comme des variantes du français d’Algérie.47
Puisque le taux élevé des
termes d’origine arabe constitue une particularité du français parlé au Maghreb et que les
termes en question renvoient à une réalité culturelle maghrébine, nous interprétons ces
lexèmes comme des variantes du français de cette aire.
47 Commentaire dans la BDLP (Algérie) : « Terme compris du plus grand nombre de francophones mais peu
utilisé » http://www.bdlp.org
48
D’autres variantes, aussi chargées d’un poids culturel de la communauté francophone en
question, se trouvent dans les textes littéraires. Par exemple, le lexème youyou, relevé de
l’extrait du romain de Maïssa Bey, est une onomatopée de l’arabe dialectale désignant le « cri
[…] poussé par des femmes lors des fêtes, des enterrements, des occasions solennelles » (la
BDLP). Il y a aussi la variante chabin de l’extrait de « la vie-carnaval » qui renvoie à une
réalité culturelle de Guadeloupe. Mais, en dehors du lexique, il n’y a rien dans les textes du
manuel évoquant le français tel qu’il est parlé en Algérie, au Cameroun ou en Guadeloupe.
Quant aux fichiers audio qui accompagnent ces textes, ils relèvent tous du français de
référence, sauf un. Il s’agit du fichier sonore de l’interview intitulée « Un Algérien en
Norvège » (EV1-12). Dans le guide pédagogique, on souligne que cette interview est
authentique. Le terme authentique semble ici renvoyer au fait qu’ils ont interviewé une
personne réelle, d’origine algérienne, et non dans le sens de document authentique. Le texte
lui-même semble plutôt être de nature didactisée. Le discours du locuteur algérien donne
l’impression d’être déjà préparé, probablement préalablement écrit et lu dans le fichier audio .
Son discours est organisé de façon cohérente et manque de spontanéité et de marqueurs de
l’oralité typiques pour une interview comme des hésitations, faux départs, silences, etc. De
plus, il semble probable que le locuteur algérien sait que l’interview est faite pour des fins
pédagogique, dans le cadre de l’enseignement du français, et adapte, par conséquent, sa façon
de parler pour convenir à des apprenants du FLE.
Dans un tel texte didactisé qui, par surcroît, met l’accent sur le contenu exprimée par le
locuteur algérien, et non sur la forme, il n’est pas étonnant que nous n’ayons relevé que très
peu de traits de la variété du français d’Algérie et que ces traits apparaissent uniquement dans
le fichier audio. Nous reconnaissons cette variété surtout par l’intonation du locuteur, qui est
particulièrement marquée. Sa réalisation du /r/ dans certaines positions semble aussi être
typique pour beaucoup de locuteurs de cette variété, mais ce trait est cependant moins mis en
évidence. De manière générale, on peut alors dire que le fichier audio permet de confronter les
élèves à un accent non-standard, notamment au niveau de l’intonation. Mais sur les autres
plans linguistiques, le langage du locuteur algérien est relativement standardisé. Certes,
l’aspect variationnel du français n’est pas souligné dans ce texte, mais les auteurs du manuel
laissent néanmoins la parole à un locuteur réel de la francophonie hors de France, qui plus est,
n’a pas le français comme langue maternelle.
49
Signalons un dernier point concernant les fichiers audio avant de nous tourner vers la
deuxième édition d’Enchanté 2. Seuls l’interview du locuteur algérien et le dialogue avec le
personnage québécois laissent paraître des traits diatopiques au niveau de la prononciation. Ce
que ces deux textes ont en commun, c’est qu’ils donnent la parole aux locuteurs locaux, fictifs
ou réels. De plus, ces textes mettent en scène des genres oraux (conversation et interview) et
visent, dans une certaine mesure, à représenter la langue parlée. Ce genre de textes semble
alors particulièrement approprié pour présenter la variation diatopique de différents domaines
de l’analyse linguistique dans le cadre de l’enseignement du FLE.
Enchanté 2 (2013) – version 2
Nous allons maintenant examiner la présentation du monde francophone de la nouvelle
édition d’Enchanté 2 ainsi que les modifications qui ont été effectuées par rapport à la
première édition. Cette nouvelle édition se distingue de la première version à plusieurs égards,
notamment en termes de chapitres et textes et de régions et aires francophones représentées.
Avant de nous pencher sur les changements du point de vue linguistique, nous présenterons
d’abord les modifications concernant le traitement des régions et des aspects culturels.
Tout comme la version de 2007, cette édition présente le Québec, l’Algérie et le Cameroun,
mais ici, l’Algérie et le Cameroun sont englobés dans le même chapitre : « l’Afrique
francophone », et non dans deux chapitres distincts. La fusion de ces deux chapitres se fait
particulièrement sentir au niveau des textes. Par exemple, le texte principal (EV2-8) reprend
l’histoire de la Camerounaise du EV1-17 et dresse également le portrait d’un immigrant
algérien en France. Présenté sous forme de projet scolaire, ce texte évoque les mêmes thèmes
que dans la première édition, comme la condition féminine au Cameroun, la situation
d’Algérie pendant et après la colonisation, la relation entre la France et l’Algérie, mais de
façon narrative et moins détaillée que dans la précédente. De même, nous retrouvons le thème
de la musique africaine francophone dans le texte de Civilisation (EV2-9), mais dans la
nouvelle version, la partie sur la musique du Maghreb (EV1-14) a été intégrée dans le texte
(EV1-19), présentant les aires musicales d’Afrique subsaharienne. En matière de texte
littéraire, les auteurs ont placé sous la rubrique de Coin culturel trois poèmes des auteurs de
l’Afrique subsaharienne (EV2-10) dont deux étaient déjà dans le manuel de 2007.
Quant au chapitre sur le Canada, il ressemble à celui de la version de 2007, avec quelques
modifications toutefois. Le texte factuel nommé « Le Québec » (EV2-5) a été allongé et
50
légèrement restructuré. En plus des données sur le Québec (la géographie, la population) et
sur Montréal (par exemple, des lieux et activités touristiques), le texte modifié aborde aussi
des nouveaux aspects, telle que l’histoire du Québec et de Montréal. Les auteurs ont aussi
remplacé la chanson de Steven Dumas (EV1-9) par la chanson de Robert Charlebois « Je
reviendrai à Montréal » (EV2-7). En ce qui concerne le dialogue entre les deux Français et le
personnage québécois (EV1-5), le texte lui-même a seulement été légèrement modifié alors
que le fichier audio du dialogue a subi un changement significatif (cf. EV2-4).
Une autre modification importante à mentionner concerne la présentation des pays
francophones en Europe, une aire qui n’est pas traitée dans l’ancienne version. En revanche,
la nouvelle version ne présente pas la Guadeloupe, ni un autre DROM. Le texte principal du
chapitre « Voyage à travers l’Europe francophone » présente la Belgique, le Luxembourg, la
Suisse et le Monaco (EV2-1). Sous forme de blog de voyage, deux lycéens français donnent
des informations factuelles sur ces pays (villes, système politique), mais l’accent est mis sur
l’aspect touristique (lieux touristiques, spécialités culinaires, etc.). Les autres textes du
chapitre sont de nature factuelle. Le texte de Civilisation (EV2-2) porte sur trois personnages
célèbres d’Europe francophone et le texte de Coin culturel (EV2-3) présente très brièvement
l’Art nouveau, du point de vue architectural, des constructions de l’Art nouveau à Bruxelles et
deux grands architectes belges.
Pour résumer, la nouvelle version d’Enchante 2 représente quatre aires francophones :
l’Europe hors de France, l’Amérique du Nord, l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord.
Le nombre de textes a été réduit dans cette édition en effaçant la rubrique Pour aller plus loin
et en fusionnant les chapitres sur le Cameroun et l’Algérie. Il s’ensuit que le manuel de 2013,
comparé à celui de 2007, aborde certains aspects de façon moins approfondie ou pas du tout,
par exemple, la cuisine maghrébine. Sinon, du point de vue culturel, nous retrouvons
essentiellement les mêmes aspects que dans la première édition : des données factuelles sur
l’histoire, la géographie, la société des régions francophones ainsi que des aspects touristiques
et les expressions culturelles telles que la musique et la littérature. Enchanté de 2013 accorde
cependant moins d’importance à la littérature et à la musique que l’édition précédente. Seul le
chapitre sur l’Afrique comprend des textes littéraires (trois poèmes) et quant à la musique, il
n’y a qu’une chanson pour représenter une région (le Canada), en plus d’un texte factuel
décrivant la diversité de la musique africaine francophone.
51
Du côté linguistique, il y a eu des modifications considérables pour notre propos. Dans
Enchanté de 2007, nous avons relevé quelques variantes lexicales du français d’Algérie, des
mots d’origine arabe ainsi qu’une variante guadeloupéenne dans l’extrait de « la vie-
carnaval ». Étant donné que les textes où l’on trouvait ces mots ont été supprimés de l’édition
de 2013 (EV1-14 ; EV1-16), les variantes n’y sont pas non plus. Quant au champ lexical de la
musique, il y a toujours la variante algérienne, cheb, en plus de toutefois deux nouveaux
lexèmes désignant des instruments d’origine africaine, à savoir le djembé et le balafon (EV2-
9), qui renvoient à la culture africaine.
En ce qui concerne le dialogue avec le personnage québécois (EV2-4), la variation lexicale du
français québécois (FQ) est toujours mise en valeur. En plus des variantes que l’on trouve
dans la version de 2007, on a également ajouté fin de semaine aux exemples des calques de
l’anglais. Dans la nouvelle édition, on met également plus en avant la variante magasiner. Ici,
elle apparaît non seulement parmi les exemples des calques, mais aussi dans l’énoncé : « Tu
sais qu’au Québec on ne dit pas « faire du shopping » mais « magasiner » ? » (p.31) ainsi que
dans la liste des termes québécois. Le lien Internet proposé dans le guide du manuel portant le
nom de « Lexique français québécois »48
souligne aussi que c’est la variation lexicale du FQ
qui est au centre des préoccupations des auteurs.
L’aspect variationnel du français, du point de vue lexical, est également évoqué dans le texte
principal du chapitre sur l’Europe francophone (EV2-1). Dans la partie sur la Belgique, une
variante lexicale belge est explicitée dans les lignes suivantes: « Dans les restaurants, les
serveurs disent « s'il vous plaît » quand ils apportent les plats » (p.13). En précisant le
contexte de la locution s'il vous plaît, les auteurs soulignent que cette expression prend un
autre sens qu’en français de référence (FR). En effet, lorsqu’un locuteur belge utilise s'il vous
plaît en présentant quelque chose, cette locution signifie «voici, voilà » en français de
Belgique (Le Petit Robert, 2013, p.1920), alors qu'en FR, c’est une formule de politesse qui
s'ajoute généralement à un ordre ou une demande. En d’autres termes, cette variante belge est
une innovation sémantique (la BDLP).49
48 Le lien renvoie à un article sur Wikipédia :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Lexique_du_fran%C3%A7ais_qu%C3%A9b%C3%A9cois . On peut noter que
Wikipédia propose un article plus général sur le français québécois présentant aussi la variation
morphosyntaxique et phonologique: http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ais_qu%C3%A9b%C3%A9cois 49 La BDLP: s'il vous plaît: http://www.bdlp.org/fiche.asp?no=3201&base=BE
52
Cependant, si l’aspect variationnel est évoqué dans ce texte, il n’est pas particulièrement mis
en valeur. En effet, à part la citation du belgicisme dans le texte, cette variante n’est pas
commentée, ni traduite ou visée dans un exercice dans le manuel. Le texte ne présente pas non
plus d’autres variantes régionales du français européen, pas plus qu’il ne laisse la parole aux
locuteurs locaux. De surcroît, si le guide du manuel suggère un site web pour connaître plus
de variantes du français québécois, il ne propose cependant aucun lien Internet sur le lexique
du française en Belgique ou sur d’autres variétés de français en Europe hors de France.
Autrement dit, bien qu’Enchanté 2 de 2013 donne un exemple d’une variante lexicale belge,
les auteurs ne mettent pas l’accent sur l’aspect variationnel du français en Europe, comme ils
le font avec la variété québécoise.
Les auteurs ont probablement choisi de présenter cette variante pour des raisons touristiques,
comme c’est un belgicisme que les touristes en Belgique sont susceptibles de rencontrer. Des
variantes de ce genre nous semblent tout à fait utiles pour des apprenants de FLE et peuvent
convenir pour une première initiation à une variété de français. Mais pour que l’aspect
linguistique du français en Belgique soit vraiment mis en évidence en classe, il ne suffit pas
de citer une seule variante lexicale. Nous pouvons toutefois imaginer qu’il y ait des
enseignants qui s’inspirent justement de cette variante pour approfondir le sujet sur le français
belge. Dans cette optique, un enseignant peut, par exemple, présenter aux élèves d’autres
belgicismes de ce genre, tels que septante et nonante et les noms de repas des Belges, qui
déjeunent le matin, dînent le midi et soupent le soir, en soulignant que ces variantes sont
partagées par d’autres communautés francophones comme la Suisse et le Canada. Ce que les
élèves acquièrent sur les français en Europe dépend alors essentiellement des enseignants.
Il y a aussi eu des changements qui affectent l’aspect variationnel du point de vue de la
prononciation. En écoutant l’ensemble des fichiers sonores du thème de monde francophone
de la présente édition, nous remarquons qu’ils ne relèvent que du français standard, tandis que
les fichiers audio de la version de 2007 confrontent les élèves au moins à une intonation
algérienne (EV1-11) et un accent non-standard pour représenter la variété québécoise (EV1-
5). L’interview avec l’Algérien a été supprimée de cette présente version, il n’est alors guère
étonnant que la voix réelle de ce locuteur algérien ait disparu aussi. Et, bien que la nouvelle
version présente aussi un Algérien, cette présentation est faite par le biais d’un texte de nature
narrative (EV2-8), raconté par un personnage français du manuel. Contrairement à
l’interview, ce type de texte ne laisse alors pas la parole à l’individu algérien.
53
Les seuls textes d’Enchanté 2 de 2013 qui donnent la parole, à l’écrit, aux locuteurs locaux,
réels ou fictifs, sont les textes authentiques, la chanson de R. Charlebois (EV2-7) et les
poèmes africains (EV2-10), ainsi que le dialogue fabriqué sur le Québec (EV2-4). Le fichier
audio de la chanson présente une lecture de la chanson par une voix féminine relevant du
français standard. La récitation des poèmes des écrivains africains est également faite à
travers le français de France. Cette opposition entre le fichier sonore et le texte authentique
devient surtout frappante pour les poèmes, compte tenu de leur contenu, ce qu’illustre, par
exemple, le poème intitulé « Poème à mon frère blanc ».
Ce qui surprend le plus, c’est cependant le fichier audio qui accompagne le dialogue sur le
Québec (EV2-4). Contrairement à la version de 2007, l'accent du personnage québécois
s’aligne sur le français de référence, hormis une chose: la prononciation [mwɛ] de moi.50
Dans
une communication personnelle, la rédactrice d’Enchantée 2 de 2013, Kristin Abildsnes,
explique que la compagnie engagée pour faire les fichiers sonores du manuel n’avait plus à sa
disposition une locutrice du Québec. Abildsnes reconnaît que le mieux aurait été d’avoir une
locutrice de cette région, mais pour des raisons de temps et de coût, ils se sont contentés d’une
locutrice française (Abildsnes, communication par courrier électronique, 02.12.2014). Soit. Il
n’y a cependant aucune remarque précisant ce fait, ni dans le manuel, ni dans le guide
pédagogique ou sur la page web du manuel. En d’autres termes, les auteurs passent sous
silence que l’édition de 2013 représente la prononciation de la variété de français québécois à
travers le français standard, à l’exception de la prononciation particulière de moi. Ce trait de
prononciation est ainsi davantage souligné dans cette version que dans celle de 2007.
Pour résumer, les auteurs d’Enchanté 2 ont radicalement modifié l’aspect linguistique dans la
nouvelle édition de 2013. Si le manuel prête toujours attention au côté variationnel du
français, au moins en ce qui concerne le français québécois en plus d’une variante de la
variété belge, c’est uniquement du point de vue lexical hormis un trait phonologique. Cette
édition représente le français québécois comme du français standard qui contient toutefois un
seul trait au niveau de la prononciation et plusieurs variantes sur le plan lexical. À notre avis,
une telle représentation d’une variété de français donne une image incorrecte de la réalité des
pratiques langagières aux apprenants et par conséquent, elle ne nous semble pas appropriée, ni
satisfaisante dans l’optique de sensibiliser les élèves à la variation diatopique, ou tout
simplement, de les confronter à la réalité langagière du français.
50 Il y a toujours un commentaire sur cette prononciation dans la marge du texte (voir partie 4.3).
54
4.2.3 Synthèse de la présentation du monde francophone des
manuels
Aires
francophones
Contours
(2007; 2009)
Enchanté 2
(2007)
Enchanté 2
(2013) L'Europe La Belgique et la Suisse -
La Belgique,
le Luxembourg, la Suisse,
le Monaco
Aspects culturels Faits, blagues sur les Belges - Tourisme, faits, personnages
célèbres, style artistique
Aspects
linguistique
Situation linguistique - Situation ling. Une variante
lexicale du français belge
L’Amérique du
Nord
Le Québec Le Québec
Le Québec
Aspects culturels Faits, histoire, géographie,
tourisme
Faits, histoire, géographie,
villes, tourisme, musique
Faits, histoire, géographie,
villes, tourisme, musique
Aspects
linguistiques
Situation linguistique Le français québécois
(prononciation et lexique)
Le français québécois
(lexique et un trait phon.)
Les DROM La Guadeloupe La Guadeloupe -
Aspects culturels Faits, histoire, tourisme,
cuisine, littérature
Tourisme, faits, histoire,
musique, littérature
-
Aspects
linguistiques
Le créole guadeloupéen
Une variante lexicale
Situation ling.
Une variante lexicale
-
L'Afrique du
Nord
L'Algérie, la Tunisie, le
Maroc
L’Algérie L’Algérie
Aspects culturels Histoire, littérature Histoire coloniale, société, la
musique, cuisine, littérature
histoire, immigration,
musique
Aspects
linguistiques
Situation linguistique Situation linguistique
Variation (intonation)
L'Afrique
subsaharienne
Le Sénégal Le Cameroun Le Cameroun
Aspects culturels Faits, histoire, tourisme,
littérature
La condition des femmes,
faites, histoire, musique,
littérature
condition des femmes,
musique, littérature
Aspects
linguistiques
Situation linguistique
(Langues parlées)
Tableau 3
Le Tableau 3, ci-dessus, résume le traitement de l’espace francophone par Contours et les
deux éditions d’Enchanté 2. Les aspects culturels présentés dans les deux manuels
correspondent largement au programme du LK06. Contours et Enchanté prêtent tous les deux
attention à l’histoire et la géographie des régions francophones en question et représentent la
diversité culturelle du monde francophone à travers des expressions culturelles comme la
musique et la littérature. Nous avons également vu qu’ils portent un regard touristique sur le
monde francophone et abordent aussi certaines traditions et coutumes des régions, en
particulier des spécialités culinaires.
55
Or, si leur présentation du côté culturel de l’espace francophone donne l’impression d’être
relativement coordonné et organisé, il n’y a pas de véritable politique pour présenter les
différentes régions francophone d’un point de vue linguistique. Concernant la première partie
de notre question de recherche, c’est-à-dire dans quelle mesure traite-on des variétés de
français hors de France dans les manuels de FLE ?, nous avons pu constater que, de manière
générale, les manuels étudiés traitent très peu, voire pas du tout, des variétés de français
extrahexagonales. Il y a cependant une différence significative entre les manuels. Les versions
d’Enchanté 2 prêtent toutes les deux attention à la variété de français québécois. Dans ce sens,
ce manuel correspond à notre interprétation quant à la phase d’apprentissage pour commencer
à familiariser les élèves à la variation diatoptique. Contours, au contraire, ignore totalement
cet aspect de la langue. Paradoxalement, ce manuel est le seul à présenter quelques traits et
exemples du créole guadeloupéen, sûrement pour le côté exotique, mais quand bien même.
Puisque le dialogue sur le Québec (EV1-5 ; EV2-4) est l’unique exemple des manuels
proposant une véritable illustration d’une variété de français, il est alors le seul qui permet
réellement d’examiner la deuxième partie de notre question de recherche : comment les
manuels présentent-ils le français tel qu’il est parlé hors de France ? Pour l’instant, nous
n’avons répondu que partiellement à cette question en soulignant que la variété de français de
Québec est présentée à travers la variation lexicale en particulier et dans une moindre mesure,
au niveau de la prononciation, mais pas au niveau de la morphosyntaxe. Dans la partie
suivante, nous proposerons une analyse approfondie des variantes lexicales et phonologiques
relevés dans ce texte.
4.3 Analyse approfondie d’un texte représentant la
variété de français québécois
Si le manuel d’Enchanté 2 présente quatre différentes aires francophones, la seule aire qui est
réellement représentée du point de vue de la langue est l’Amérique du Nord par le biais de la
province canadienne francophone, le Québec. Le choix par les auteurs du manuel de
familiariser les élèves à la variété de français québécois peut s’expliquer par plusieurs raisons.
Comme nous l’avons vu infra (cf. 2.2), le Québec est la communauté francophone hors
d’Europe où l’on trouve le plus grand nombre de francophones natifs. Le français y occupe le
statut de seule langue officielle et remplit également des fonctions vernaculaires. De plus,
linguistiquement parlant, la variété de français parlé au Québec se distingue du français de
56
référence sur plusieurs plans. Pour ces raisons, nous sommes de l’avis des auteurs d’Enchanté
2 que le français en usage au Québec est un objet d’enseignement digne d’intérêt en classe de
français en VG2.
Ce qui nous préoccupe dans cette partie, c’est la représentation que font les deux versions
d’Enchanté 2 du français parlé au Québec. Comme déjà souligné, cette variété est présentée
au travers d’un document fabriqué et d’une liste de vocabulaire. De notre point de vue, le fait
que le dialogue sur le Québec soit fabriqué ne le rend pas moins intéressant pour autant, bien
au contraire. Etant un texte didactisé, il a fait l’objet de plusieurs choix de la part des auteurs.
Parmi les nombreux faits de variation du français québécois, les auteurs ont retenu une
vingtaine de variantes lexicales et une, phonologique. En nous appuyant sur des études sur le
français de Québec, nous cherchons à savoir si les variantes et les particularités sélectionnées
peuvent être considérées comme adéquates pour représenter cette variété.
Fox (2002, p.210, notre traduction) propose trois critères qui peuvent nous guider dans
l’évaluation des variantes :
1. Les variantes doivent être parmi les plus caractéristiques et les plus fréquentes
2. Les variantes ne doivent pas être considérées comme stigmatisées
3. Les variantes doivent être faciles à comprendre
Le premier critère prend en compte ce que la sociolinguistique a démontrée, c’est-à-dire
qu’une variété diatopique fait aussi l’objet de la variation diachronique et de la variation intra-
et interlocuteur, du point de vue de la synchronie (chapitre 2). Autrement dit, ce n’est pas
parce qu’un trait est attesté qu’il est forcément typique de la variété diatopique en question.
Les variantes à mettre en évidence doivent faire partie des particularités fréquentes, partagés
par la majorité des membres de la communauté en question. Comme le souligne le deuxième
critère, épilinguistique, il faut aussi prendre en considération l’évaluation des variantes par les
locuteurs de la variété et abandonner les variantes qu’ils considèrent comme stigmatisées. Un
dernier critère à considérer est relatif au facteur d’apprentissage. Nous le prenons dans le sens
que les variantes sont facilement compréhensibles pour les apprenants, par exemple, grâce à
leurs connaissances des autres langues, notamment si l’objectif est d’illustrer avec un trait
typique de la variété par le biais de cette variante. Le paramètre d’utilité nous semble aussi
important à prendre en compte, que les variantes peuvent être considérées comme utiles pour
les apprenants de FLE, par exemple, dans l’optique d’un échange potentiel avec un locuteur
de Québec.
57
Un autre point important à considérer est la question de l’authenticité : est-ce que le document
du manuel représente les pratiques langagières de la communauté québécoise de façon réelle ?
Nous avons déjà soulevé un problème à cet égard concernant le fichier audio de la deuxième
édition d’Enchanté 2. En utilisant une locutrice française pour faire la voix du personnage
québécois, le manuel donne une image faussée du français parlé au Québec. Quant au fichier
sonore de la première édition, Emma a certes un accent non-standard, mais il n’est pas
conforme à la réalité langagière du français québécois, ce qu’a pu nous confirmer Marie-
Hélène Côté, professeure canadienne de linguistique française à l’Université Laval. Sa
réaction était sans équivoque : la locutrice qui fait la voix d’Emma dans l’extrait n’est pas une
autochtone. Selon Côté, il valait mieux de rien mettre que de proposer une telle représentation
de la variété québécoise (communication par courrier électronique).
Afin de pouvoir comparer la voix d’Emma d’EV1-5 avec une locutrice québécoise réelle,
Marie-Hélène Côté a enregistré le dialogue. Cet enregistrement portera l’appellation : la
version bis d’EV1-5. Côté nous a indiqué qu’elle s’était limitée à des modifications a minima
du texte. C’est alors surtout au niveau de la prononciation que la version bis diverge de
l’extrait sonore d’Enchanté de 2007, même si nous avons trouvé aussi quelques différences
lexicales et morphosyntaxiques. Nous prendrons en compte ces écarts dans notre analyse du
dialogue, que nous aborderons d’abord du point de vue du lexique avant de nous tourner vers
l’aspect phonologique.
4.3.2 Étude lexicale
Nous avons repéré un total de vingt-deux différentes variantes lexicales dans la première
version d’Enchanté 2, dont douze sont présentées dans la liste du vocabulaire en bas du texte
et les dix autres sont intégrées dans le discours du personnage québécois. En plus de ces
vingt-deux québécismes, la deuxième édition du manuel a ajouté la variante fin de semaine et
comporte alors vingt-trois québécismes lexicaux. Comme déjà mentionné, les auteurs mettent
particulièrement l’accent sur les écarts lexicaux du français canadien par rapport au français
de France. En effet, de nombreuses études confirment que la variation lexicale est une
caractéristique très saillante du parler du français de Québec. Les auteurs d’Enchanté ont alors
eu raison de souligner cet aspect. La focalisation sur le lexique peut aussi s’expliquer par le
fait que, traditionnellement, la majorité des descriptions sur cette variété, et sur d’autres, par
ailleurs, se bornaient souvent au lexique. De plus, du point de vue didactique, la variation
58
lexicale est sûrement moins compliquée à traiter en classe que la variation au niveau de la
prononciation et de la morphosyntaxe.
Les descriptions portant sur la variété de français québécois classent souvent les québécismes
en fonction de leur origine, donc selon une perspective diachronique ou historique. On
distingue généralement entre cinq catégories historiques : les archaïsmes, les dialectalismes,
les anglicismes, les amérindianismes et les innovations (cf. Poirier, 1995, p.35). Puisque le
texte d’Enchanté 2 évoque deux de ces catégories, à savoir les archaïsmes et les anglicismes,
il nous semble pertinent de présenter les variantes relevées par rapport à cette typologie
historique, en commençant par les archaïsmes.51
La présence des archaïsmes dans la variété québécoise est explicitée dans le manuel par les
termes suivants: « … on a gardé beaucoup de mots français que vous les Français n’utilisez
plus, par exemple blonde pour « petite amie » et char pour « voiture » » (2007, p.78). En effet,
en raison de la période d’implantation française au Canada et de son éloignement de la
France, le parler de français au Canada a conservé des traits du français du XVIIe-XIII
e, alors
que la norme du français de référence s’est transformée depuis la Révolution (standardisation,
cf. chapitre 2). C’est pourquoi certains traits attestés dans le français autrefois ou dans des
dialectes d'oïl se sont maintenus en français canadien, contrairement au français de référence.
Mettre en évidence le phénomène d’archaïsme en plus d’en proposer quelques exemples nous
semble alors tout à fait convenable pour familiariser les élèves à cette variété.
En même temps qu’ils soulignent un trait linguistique de la variété québécoise, les archaïsmes
permettent aussi d’aborder des aspects historiques tels que la colonisation et l’histoire de la
langue, de deux côtés de l’Atlantique. Ainsi peut-on traiter le côté culturel et le côté
linguistique de manière intégrée, conformément aux tendances didactiques actuelles, ce qui
peut également s’avérer bénéfique pour l’apprentissage des élèves. Par ailleurs, le maintien
d’archaïsmes est un trait partagé par plusieurs variétés de français, notamment celles de
Belgique et de Suisse. De surcroît, il s’agit souvent des mêmes variantes que celles présentes
en français québécois, comme les noms de repas : le déjeuner, le diner et le souper. Dans une
perspective d’utilité, de tels archaïsmes nous semblent particulièrement appropriés à être
présentés aux élèves. Regardons maintenant les archaïsmes que les auteurs d’Enchanté 2 ont
choisis.
51
Étant donné que la distinction entre les archaïsmes et les dialectalismes est parfois difficile et n'est pas très
importante pour ce travail, nous avons regroupé les deux catégories sous l’appellation des archaïsmes.
59
Six variantes lexicales peuvent être classées comme des archaïsmes, ce qui correspond à un
peu plus d’un quart du total des variantes relevées. Dans la liste du vocabulaire, cinq variantes
se situent dans cette catégorie, comme asteur (à c't'heure) pour dire «maintenant»52
(Pöll,
2001, p.126), barrer la porte pour « fermer la porte à clé» (Klinkenberg, 1999, p.535) ou
tantôt pour « plus tard » (Le Petit Robert, 2010, p.2505). Cette dernière variante est également
en usage dans des variétés de Belgique et de l’Afrique subsaharienne (opt.cit.).53
Dans une
perspective communicative, il est toutefois étonnant que les auteurs ne mentionnent pas
l’expression à tantôt, souvent utilisée à la fin d’une conversation pour dire « à plus tard, à tout
à l’heure ». Quant aux deux exemples d’archaïsmes relevés dans le dialogue, seul blonde peut
être considéré comme un archaïsme proprement dit, alors que le mot char devrait plutôt être
classé parmi les anglicismes. En effet, si char dans le sens d'une voiture rurale à traction
animale est un ancien terme français, maintenant vieilli en FR, le sens en FQ qui signifie
« automobile » est le résultat d'un emprunt sémantique du mot anglais car (Pöll, 2001, p.126;
la BDLP).
Concernant l'usage de ces archaïsmes, ils paraissent tous se maintenir dans la variété
québécoise à l'exception du terme asteur, devenu archaïque en français québécois
contemporain (Meney, 2010, p.83; Usito). Ce terme est néanmoins cité dans de nombreux
ouvrages et sur des sites Internet présentant la variété québécoise. Il paraît ainsi comme un
trait emblématique du FQ. Mais le fait que cette variante est en voie de disparition soulève
des doutes sur l’opportunité de la présenter aux apprenants. À notre avis, il est important que
les variantes sélectionnées soient représentatives du français québécois contemporain.
En ce qui concerne les anglicismes, presque la moitié des variantes, c’est-à-dire onze mots et
expressions, peuvent être classées dans cette catégorie.54
Notons que nous utilisons le terme
anglicisme dans le sens de Poirier (1995), c’est-à-dire de manière neutre pour désigner les
différents types d'emprunt à l'anglais, « direct, par calque, par influence d'ordre sémantique,
connotatif, fréquentiel » (p.40). Dans le dialogue, ce sont les calques formels de l’anglais qui
sont mis en évidence : « Vous savez, [dit Emma en s’adressant aux deux Français], nous, les
Canadiens francophones, nous sommes très inventifs. Nous trouvons souvent des mots
français pour traduire les expressions anglaises » (2007, p.78). Nommées des néologismes de
52 Les synonymes en FR est celles fournies par le manuel 53 On retrouve également beaucoup de ces termes en usage en Normandie. 54 Comme déjà noté, la variante de fin de semaine apparait uniquement dans l’édition de 2013
60
substitution par Pöll (2001, p.131), ces variantes en français créés pour éviter des emprunts
directs à l'anglais est une spécificité bien connue et souvent soulignée du français québécois.
Pour illustrer ce phénomène de substitution, le texte propose les cinq néologismes suivants :
planche à neige, courriel, magasiner, fin de semaine et chien-chaud, qui sont généralement
utilisés dans leur forme anglaise en France, snowboard, e-mail, faire du shopping, week-end
et hot dog. Si l'usage des quatre premières calques paraissent répandus et font même partie du
bon usage du FQ (Pöll, 2001, p.130), il ne semble pas être de même pour chien-chaud.
La BDLP précise que chien-chaud « a été souvent critiqué comme traduction boiteuse et de
mauvais goût » et qu’aujourd'hui, il est « utilisé surtout par plaisanterie »,55
confirmé dans
l’Usito, qui ajoute également que ce terme est vieilli. Autrement dit, chien-chaud n'est pas
représentatif de la variété québécoise actuelle. Devrait-il alors être présenté aux élèves ?
Certes, du point de vue didactique, le calque chien-chaud a l’avantage d’être facilement
compréhensible pour les élèves, qui le trouveront d’ailleurs sûrement amusant. Mais présenter
la variante chien-chaud sans aucune précision quant à son usage particulier nous semble
néanmoins inapproprié. Il semble aussi que Marie-Hélène Côté a jugé cette variante
inadéquate, ayant omis chien-chaud dans son enregistrement du dialogue.
Dans la liste de vocabulaire, le manuel représente également d’autres types d’anglicismes qui
caractérisent le français québécois. À titre d’exemple, citons bécyque,56
un emprunt direct de
l’anglais bicycle, le calque verbal prendre une marche, qui vient de l'anglais to take a walk, et
« bienvenu » (sic.)57
pour dire « de rien/avec plaisir ». Ce dernier est un emprunt sémantique
de l’anglais du fait que c’est le sens de l’expression you’re welcome qui est ajouté au terme
français, bienvenue. Certaines variantes, comme bicycle, appartiennent au registre familier et
font partie des anglicismes critiqués (Usito, l'OQLF). Mais, sinon, les ouvrages consultés
confirment que les anglicismes cités par le manuel sont attestées dans le français québécois,
tous sauf un, à savoir l’expression d’arrêter gazer.
Dans le manuel, arrêter gazer est traduit en FR par « prendre de l'essence ». Si le verbe gazer
est cité dans les ouvrages, nous n’avons pas retrouvé l'expression arrêter gazer. Une
recherche sur Google semble néanmoins confirmer que cette expression existe en FQ, bien
55 La BDLP: "chien chaud": http://www.bdlp.org/fiche.asp?no=400581&base=QU 56 L'orthographe bécyque n’y est pas dans les ouvrages consultés, qui eux, favorisent la graphie bicycle, bien que
d'autres soient visiblement possibles : bicyc, bécique (Armange, 2007, p. 37 ) 57 L’orthographe correcte de cette variante est bienvenue (cf. Le Petit Robert, 2011, p.252)
61
que le résultat soit assez faible.58
Lors de cette recherche, nous avons aussi découvert que le
titre d'une chanson d’un chanteur de country québécois, Louis Berubé, porte le nom «j'arrête
gazer».59
Ce titre pourrait alors indiquer que cette expression connait une certaine diffusion au
Québec, au moins dans certains milieux, notamment ruraux. Mais de toute façon, il est
étonnant qu'elle fasse partie des vingt-trois québécismes du manuel, alors qu'il existe dans la
variété québécoise de nombreuses variantes répandues et fréquentes qui, plus est, sont
sûrement plus utiles pour les élèves.
Une autre expression absente de nos ouvrages est J'en ai masse pour dire « j'en ai beaucoup »
en FR, repéré dans la liste de vocabulaire. Dans l’Usito, il y a cependant l'expression en masse
(de quelque chose) pour dire «beaucoup, en grande quantité », signalée comme familière, et la
locution j'en ai en masse. Selon notre recherche sur Google, la locution j'en ai en masse a eu
presque quatre fois plus de réponses que j'en ai masse. La première expression semble ainsi
être plus courante que celle du manuel. Les auteurs du manuel ont alors soit délibérément
choisi l'expression qui semble être la moins fréquente, soit tout simplement oublié le en
devant masse. Le fait que la locution j'en ai en masse ainsi que deux autres québécismes du
manuel se trouvent sur une page web présentant quelques particularités lexicales du FQ
semble néanmoins soutenir cette dernière hypothèse. 60
Quant aux quatre dernières variantes, nous les avons classées comme des innovations
québécoises. Nous citons à titre d’exemple les termes de motoneige et de poutine, qui
renvoient tous les deux à une réalité québécoise. Le premier désigne une invention canadienne
et la dernière, poutine, une spécialité culinaire et évoque ainsi la culture canadienne. Ces
variantes ressemblent ainsi aux lexèmes que nous avons relevés pour les autres régions
francophones dans la première version d’Enchanté. Le texte ne présente cependant pas des
variantes d’origine amérindienne.
Regardons maintenant les modifications que Marie-Hélène Côté a apportées au texte original
dans sa version audio. Sur le plan lexical, certains mots et expressions que l’on trouve en
usage en France ont été remplacés par des variantes typiques pour le français québécois. Par
exemple, le terme canoë a été changé par la variante québécoise, canot. De même, au lieu des
58 «arrêter gazer»: 249 réponses; "arrête gazer": 770 réponses. Cette recherche a bien évidemment ses limites,
notamment du fait qu’elle ne prend en considération que de sources écrites, mais donne des indications. 59 "j'arrête gazer" est également le nom de l'album de Louis Berubé, sorti en 2012 60Les deux autres mots, bécyque et asteur /à c't'heure, avec la même graphie que dans le manuel
http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/avantages/expressions.html
62
deux adjectifs familiers dites « jeunes » du manuel qui se trouvent dans les énoncés : « C’est
un parc d’attraction hyper marrant… » et « C’est sympa… » (p.77, nous soulignons), Côté
propose l’anglicisme le fun. Si l’usage de fun est aussi attesté en France, notamment dans un
registre familier et chez les jeunes, les deux contextes dans lesquels la variante est utilisée
semblent être spécifiques à la variété québécoise (Le Petit Robert, 2013, p. 1114). Dans le
premier énoncé, le syntagme adjectival hyper marrant est remplacé par super le fun. Fun
fonctionne alors comme un adjectif, bien qu’il conserve son article défini. Dans le deuxième,
c’est l’expression c’est bien le fun qui est employée, très courante au Québec.61
Nous pouvons
également signaler que les deux occurrences de bien sûr dans la version originale ont été
remplacées par évidemment dans la version bis. Si c’est deux synonymes existent dans le FR
et le FQ, la modification est peut-être une indication que l’adverbe évidemment est plus
courant en FQ que bien sûr.
Quant aux deux dernières variantes que nous soulevons, elles peuvent aussi bien être classées
parmi les faits de variation morphosyntaxiques du fait qu’il s’agit des éléments
grammaticaux. Mais puisqu’il s’agit des modifications sur le plan textuel, et non au niveau de
la prononciation, il nous semble approprier de les présenter ici. Pour la première modification,
il s’agit du remplacement de la conjonction de coordination et par puis, prononcée [pi], qui est
un trait typique du français québécois. Sur un total de treize et, dix ont été changés par puis,
un et a été omis et les deux autres ont été conservés. La deuxième variante n’est pas une
caractéristique uniquement de la variété québécoise, car elle existe dans d’autres variétés
régionales et même dans d’autres langues (ex. la variété belge et espagnol). Il s’agit du
renforcement par le morphème autres du pronom pluriel nous, ce qui donne nous-autres
(Eychenne & Walker, 2010, p. 258).
S’il n’y a pas de différence profonde sur le plan lexical et morphosyntaxique entre la version
bis du dialogue et celle d’EV1-5, c’est aussi parce que Marie-Hélène Côté n’a pas souhaité
apporter trop de changements sur le texte lui-même, comme déjà indiqué supra.62
Dans cette
optique, nous pouvons alors penser que les quelques modifications lexicales et
morphosyntaxiques effectivement proposées ont été jugées suffisamment importantes, voire
nécessaires, afin de rapprocher le discours du personnage québécois de la réalité langagière du
français au Québec.
61 Comme l’atteste la prononciation habituelle de cette expression, avec une contraction de bien et de le en [bɛl] 62 Une modification trop importante du dialogue aurait pu rendre la tâche de comparaison au niveau de la
prononciation compliquée.
63
Les modifications du texte permettent également de mettre en évidence un point sur les
variantes que propose le dialogue du manuel. Les variantes sont généralement soulignées
comme telles d’une manière ou d’une autre, soit par Emma, soit par l’un des personnages
français, comme dans l’énoncé : « la planche à neige, qu’est-ce que c’est ? » (2007, p.78). La
version bis, en revanche, propose des variantes québécoises tout au long du dialogue, en
particulier avec puis. De plus, comme les variantes ajoutées ne sont pas explicitées dans le
texte même, cette version du dialogue permettrait d’être exploité différemment que les
versions du manuel, laissant une place aux élèves pour qu’ils fassent leurs propres
découvertes de la variété québécoise. Tournons-nous maintenant vers les faits de
prononciation des deux extraits audio.
4.3.3 Etude phonologique
Au niveau de la prononciation, les différences entre la version originale et la version bis
d’EV1-5 sont assez flagrantes, au point où l’on peut se demander s’il s’agit réellement de la
même variété. Il y a des divergences significatives en ce qui concerne l’intonation et la
phonologie entre les deux locutrices qui donnent leur voix à Emma. Nous nous bornerons à
une étude phonologique relativement brève en soulevant les faits qui nous paraissent les plus
frappants et/ou qui caractérisent le français québécois.
Commençons par le seul trait phonologique qui est souligné par les auteurs du manuel, c’est-
à-dire la prononciation particulière de moi en [mwɛ]. La réalisation de la graphie oi en [wɛ]
est un archaïsme, comme le souligne le commentaire dans la marge du dialogue : « Au
Canada, moi et toi se prononcent (mwɛ) et (twɛ). Cette prononciation correspond à la
prononciation de ces deux mots en France au XVIIème siècle, quand des Français se sont
installés au Canada » (p.77). Effectivement, la réalisation [mwɛ] s'est longtemps maintenue
dans la variété québécoise et a été considérée comme l’un de ses traits emblématiques (voir
par exemple, Klinkenberg, 1999; Meney, 2010; Pöll, 2001).
Cependant, le français québécois a beaucoup évolué ces dernières décennies, une évolution
qui a touché, entre autres, l'archaïsme phonologique en question. La réalisation en [mwɛ] est
en perte de vitesse en FQ, remplacée par celle du FR : [mwa]. En d’autres termes, ce trait a
fait l’objet d'un nivellement dialectal (Bouchard, 2007, p.84). Il se maintient toutefois chez
des locuteurs âgés et ceux de milieu rural et populaire (opt.cit.; Auger et Valdman, 1999; Pöll,
2001). Il s’ensuit que la variante [mwɛ] est devenue un marqueur sociolinguistique stigmatisé
64
et n'est plus représentative du FQ actuel, ce que Côté confirme dans la version bis en
prononçant moi : [mwa]. Compte tenu de ces faits, il nous semble évident que ce trait ne
devrait pas figurer parmi les variantes présentées aux élèves.
Le plus critiquable, c’est cependant que les auteurs ont choisi de ne pas modifier cette
prononciation dans l’édition de 2013, malgré l’accent standard du fichier audio. Non
seulement ils mettent en évidence un trait stigmatisé, mais ils donnent aux apprenants une
image complétement incorrecte de la réalité langagière. Le manuel aurait plutôt dû favoriser
la présentation des traits que partagent la plupart des locuteurs québécois et éviter ceux qui
font l’objet de jugement de valeur. Afin d’illustrer ces particularités au niveau de la
prononciation de manière satisfaisante et authentique, il faudrait aussi faire appel à un
locuteur québécois natif.
Examinons maintenant les fichiers audio par rapport aux traits phonologiques qui sont
considérés comme spécifiques du français québécois contemporain (cf. Côté, 2012), en
commençant par les voyelles. Le français québécois se caractérise par un inventaire vocalique
beaucoup plus riche que celui du français de référence. En FR, on distingue généralement
entre quinze voyelles contrastives (Lyche, 2010) tandis qu’en FQ, Côté (2012) défend la
présence de vingt-trois voyelles contrastives, y compris une série de voyelles hautes
relâchées, une voyelle centrale non arrondie /ɜ/, la persistance de quatre voyelles nasales, et
une diphtongaison courante, même si elle est stigmatisée.
Dans la version bis de l’extrait sonore, nous avons tiré plusieurs exemples de ces traits
vocaliques qui caractérisent le français québécois actuel. Un trait important est le relâchement
des voyelles hautes, /i, y, u/, en syllabe finale fermée (Côté, 2012). Nous avons relevé, par
exemple, le mot ville, prononcé [vɪl], pratique : [pʁatsɪk], frites : [fʁɪt], brune : [bʁʊn] et
[minʊt] dans l’expression restau-minute. Une autre spécificité, assez perceptible dans l’extrait
sonore en question, est la réalisation des voyelles nasales, notamment dans les mots comme
Saint, plein et alpin. La qualité de la voyelle nasale est ici mi-fermée, soit [ẽ], ce qui la
distingue du FR, où ces mots se réalisent avec la voyelle nasale mi-ouverte: [ɛ].
Citons aussi un exemple de diphtongaison : baleine [balɛin], et un exemple avec la voyelle
centrale non arrondie, ici allongée dans neige [nɜːʒ]. Un dernier point vocalique à noter
concerne la présence d’une voyelle postérieure arrondie /ɒ/, contrastée en FQ avec la voyelle
antérieure /a/. Souvent transcrite comme une voyelle non-arrondie /ɑ/ (cf. Pöll, 2001), Côté
65
(2012) défend la réalisation arrondie, soit /ɒ/. Mentionnons, à titre d’exemple, la réalisation
du /ɒ/ en syllabe ouverte finale dans ça, pas et Canada. Dans cette position, /ɒ/ a tendance de
se rapprocher du /ɔ/ (opt.cit.), comme l’on peut le percevoir dans la prononciation de Canada.
Contrairement à l’inventaire vocalique, le système consonantique du français québécois
correspond à celui du français de référence (Côté, 2012). Nous notons néanmoins quelques
particularités consonantiques du français québécois, qui se trouvent illustrées dans la version
bis. La particularité la plus importante à signaler, très caractéristique et répandue en FQ, est
l’assibilation des consonnes /t/ et /d/ en [ts] et [d
z], notamment devant les voyelles hautes /i/
et /y/ (Côté, 2012 ; Pöll, 2001). Nous avons tiré des exemples d’assibilation de l’extrait
sonore, comme dans pratique(r), petit, prononcé [pətsi], dit : [d
zi] et voiture : [vwat
syʁ]. Le
deuxième trait observé dans la version bis est un phénomène attesté aussi dans d’autres
variétés de français, y compris en FR, mais en FQ, ce phénomène est plus fréquent, voire
quasi-systématique (Côté, 2012 ; Pöll, 2001). Il s’agit de la simplification, en finale de mot,
de certains groupes consonantiques. Ici, il est question des groupes obstruant-liquide, en
l’occurrence du /t/ suivi du /R/, comme dans autre et notre, où le /R/ et le schwa chutent.
Enfin, dans la version bis, il y a un exemple de contraction de préposition et d’article, une
réduction qui est considérée comme un phénomène de la variété québécoise (Baronian, 2006,
Côté, 2012). L’exemple en question est relevé dans « marcher sur la neige », prononcé avec
une contraction de la préposition sur et de l’article la : [saː]. Il y a donc eu une fusion
vocalique, suite à l’élision du /R/ et du /l/.
En comparant ces exemples tirés de la version bis, avec l’extrait audio d’Enchanté 2 (2007), il
nous semble que, hormis une intonation particulière, la prononciation de ces mots se
rapproche plutôt du français de référence.63
Par exemple, nous n’avons pas enregistré de
relâchement de voyelles hautes, ni d’assibilation dans la version sonore du manuel, bien que
ces deux phénomènes soient reconnus comme intégrés à la norme du français québécois
(Bouchard, 2007). De plus, les timbres de voyelles nasales correspondent à ceux du FR, de
même que la qualité de la voyelle /A/. En d’autres termes, les traits phonologiques qui sont
considérés comme spécifiques du français québécois contemporain ne sont pas représentés
dans la version audio du manuel. Nous sommes alors amenée à la même conclusion que
Marie-Hélène Côté: la locutrice qui donne sa voix à Emma dans l’extrait audio du manuel
n’est pas une autochtone.
63 Ce qu’une comparaison avec l’extrait audio d’EV2-4 (en FR) a permis de confirmer
66
Si besoin est de renforcer encore notre conclusion, notons la prononciation particulière de
certains mots, qui ne relève ni du français de France, ni de la variété québécoise,64
mais qui
correspond plutôt à ce que l’on pourrait s’attendre d’un accent américain en français. Nous
avons enregistré des réalisations du /R/ à l’américaine, c’est-à-dire par la liquide palatale [r],
dans etcetera et char. De même, une prononciation diphtonguée à l’américaine des mots
comme faut, chaud dans chien-chaud, belle et hokey, (par exemple, [ʃoʊ] et [oʊkeɪ]), alors
que dans la version bis, ces mots sont réalisés sans diphtongaison. L’illustration que cet
extrait audio propose du FQ est alors loin d’être satisfaisante. Tout comme le fichier sonore
de la deuxième édition d’Enchanté 2, celui de la première édition donne une image incorrecte
de la prononciation des Québécois.
4.4 Critères pour illustrer une variété donnée
Le dialogue tiré d’Enchanté 2 constitue l’unique exemple des manuels étudiés proposant une
véritable illustration d’une variété de français hors de France. Notre analyse de ce texte visait
alors à déterminer si cette représentation du français québécois pouvait être considérée
comme satisfaisante et appropriée pour sensibiliser les élèves à la variation. Si l’illustration de
la variété québécoise au niveau du lexique nous semble relativement satisfaisante, hormis
quelques exceptions (ex. chien chaud, arrêter gazer), il n’en va pas de même pour la
représentation de la prononciation, qui donne une image complètement faussée et incorrecte
du français québécois actuel.
Certes, il est positif que le manuel ne se limite pas à la variation lexicale, mais souligne aussi
un fait de variation phonologique. Cependant, le seul trait qui est mis en évidence, [mwɛ],
n’est plus représentatif du FQ. Mais le pire, c’est quand même les deux fichiers sonores qui
accompagnent le dialogue, que ce soit le fichier sonore de la première édition du manuel, qui
représente le français québécois par un accent non-standard qui n’est pas celui du FQ, ou celui
de la deuxième édition, qui relève du français standard hormis la prononciation de moi. Cette
illustration déformée que donnent ces deux extraits audio ne permet alors en aucun cas de
sensibiliser les apprenants à la prononciation spécifique du FQ. Il vaut mieux donc ne
proposer aucun extrait audio, comme l’a souligné Marie-Hélène Côté. Par ailleurs, avec une
telle représentation du FQ, il semble évident que les auteurs du manuel n’ont pas fait appel à
des spécialistes ou consulté des travaux récents portant sur cette variété, ce qui parait pourtant
64 Différences à la fois avec la version bis et l’extrait audio d’EV2-4
67
indispensable pour présenter une variété de français de manière approprié et authentique. Les
auteurs d’Enchanté 2 démontre ainsi un certain manque de réflexion méthodologique quant à
la présentation d’une variété de français.
Cette analyse nous a néanmoins permis de mettre en évidence des critères qui nous semblent
essentiels pour un document utilisé pour illustrer une variété donnée de façon appropriée et
adéquate. Le document doit obligatoirement comprend un support sonore, sinon il ne
permettra pas de sensibiliser les élèves à une caractéristique saillante de la variation
diatopique, à savoir, l’accent. Deuxièmement, le document doit répond au critère de
l’authenticité. Il s’agit de représenter la variété d'une manière réaliste et authentique, sinon il
n’y aucun intérêt. Ce critère implique aussi que le locuteur dans l’extrait audio soit un
autochtone.
En ce qui concerne les variantes dans le document, elles doivent être parmi les plus
caractéristiques et les plus fréquentes de la variété contemporaine en question. Les variantes
stigmatisées sont à éviter et on privilège des variantes qui sont faciles ou utiles pour les
apprenants. Ajoutons un dernier critère concernant l’exploitation didactique d’un document
représentant une variété donnée. Pour sensibiliser les élèves au phénomène de la variation, il
est nécessaire de leur proposer des exercices portant sur l’aspect variationnel afin de leur faire
prendre conscience de la manière dont le français varie à travers l’espace.
Dans le chapitre suivant, nous proposerons quelques pistes et ressources qui peuvent
permettre de combler le manque de ressource et de traitement adéquat de la variation
diatopique par les manuels.
68
69
5 La sensibilisation à la variation
diatopique en classe de VG2
Après avoir examiné les directives officielles dans le chapitre 3, puis les manuels dans le
chapitre 4, il convient maintenant, dans ce chapitre, de tourner notre regard vers
l’enseignement du français en Norvège afin d’apporter de nouveaux éléments de réponses à
nos questions de recherche.
Nous commençons par nous intéresser aux enseignants de français en Norvège et plus
particulièrement, dans quelle mesure ils traitent la variation diatopique de français hors de
France en classe de VG2. Nous nous appuierons sur les résultats issus d’un questionnaire
électronique que nous avons proposé aux enseignants de français au lycée. Ensuite, nous nous
interrogeons sur la façon de sensibiliser les élèves en classe de VG2 à des variétés de français
hors de France. Par manque d’observations en classe, nous nous fondons sur notre propre
intervention dans une classe de français afin d’aboutir à des suggestions de pistes didactiques
et des ressources pour les enseignants qui souhaitent introduire aux élèves la variation
diatopique du français hors Hexagone.
5.1 La variation diatopique comme objet
d’enseignement
5.1.1 Les enseignants, leurs pratiques, compétences et attitudes
Bien qu’il soit limité en termes de réponses (31 enseignants dont 22 ont répondu aux 35
questions, soit un total de 804 réponses), le questionnaire mené auprès des enseignants de
français en Norvège donne néanmoins une idée des pratiques de classe ainsi que de leurs
compétences et attitudes quant à la sensibilisation à la variation diatopique en classe de
VG2.65
Une étude des réponses nous a permis de constater quelques tendances parmi les
65 Le questionnaire a conduit aux mois de mai et juin en 2014. Nous nous sommes adressée aux enseignants par
le biais de la page facebook de l’association des professeurs de Norvégien ainsi que celle d’un groupe non
officiel d’enseignants de français (groupe fermé, très actif, actuellement 352 membres). Nous avons également
utilisé nos connaissances pour faire passer le questionnaire. Les questions du questionnaire sont présentées dans
l’annexe B et une sélection des réponses, dans l’annexe C. Pour faire références aux questions, nous signalerons
par la lettre Q et le numéro de la question.
70
enseignants en ce qui concerne le traitement de la variation diatopique qui seront présentées
ci-dessous.
L’objectif principal du questionnaire était de mesurer la place consacrée par les enseignants
aux variétés de français hors Hexagone lors de la thématique du monde francophone. Les
réponses à la question 20, où nous leur avons demandé dans quelle mesure ils prêtent
attention à la façon dont le français est parlé hors de France lors de leur enseignement du
monde francophone, sont révélatrices.66
Parmi les 24 réponses, seul un enseignant affirme de
toujours prêter attention à l’aspect linguistique. Pour le reste, 4 enseignants déclarent de le
faire souvent tandis que la majorité, soit 17, ne traitent la variation diatopique
qu’occasionnellement (7), rarement (5) ou très rarement (4), voire jamais (1). Sur cette base,
nous sommes alors amenée à la conclusion que, de manière générale, les enseignants ne
considèrent pas le coté linguistique comme un aspect incontournable de la thématique du
monde francophone et prêtent par conséquent peu d’attention à des variétés extrahexagonales.
Ces résultats sont alors conformes à nos attentes. Puisque les manuels n’accordent pas ou très
peu de place au français parlé hors de France, les enseignants n’ont pas de réelle pression pour
traiter cet aspect en classe. Cette absence de pression est aussi due au programme de
l’enseignement qui ne s’exprime pas de façon explicite à ce sujet. Le traitement de la
variation diatopique dépend alors entièrement de l’enseignant, et plus précisément, de ses
connaissances ainsi que de l’intérêt qu’il porte aux variétés périphériques, de même que sa
conception de ce qu’est la langue française. Trois aspects qui peuvent largement être associés
à un seul paramètre, à savoir, la formation des enseignants.
Selon cette enquête, 80% des enseignants ayant répondu à la question 33, soit 16, affirment
qu’ils n’ont pas acquis une connaissance sur des variétés hors Hexagone lors de leur
formation.67
Autrement dit, leurs études ne leur ont pas permis de prendre pleinement
conscience que la variation est une caractéristique fondamentale de la langue française,
particulièrement saillante dans le français parlé hors de France. Le manque de familiarité avec
les variétés hors de France permet également d’expliquer pourquoi beaucoup d’enseignants
66 La question 20: « I din undervisning om den fransktalende verden, pleier du å vie oppmerksomhet til måten
fransk blir snakket i området som blir studert?». Une question à choix multiple (QCM), les 7 alternatives étaient:
Alltid (Toujours); Svært ofte (Très souvent) ; Ofte (Souvent) ; Av og til (Occasionnellement) ; Sjelden
(Rarement) ; Svært sjelden (Très rarement) ; Aldri (Jamais). 67 Q33: « Har studiene du har gjennomført i fransk gitt deg kunnskap om ulike språklige trekk ved varianter av
fransk (utenfor Frankrike)?» (Est-ce que vos études du francais vous ont donné une connaissances sur différents
traits des variétés hors de France ?) QCM: « Ja. Hva slags fag/ emne ? » (Oui, quelle matière/ cours ?) ; « Nei »
(Non)
71
privilégient d’autres aspects, culturels, historiques, géographiques, lors de la thématique du
monde francophone (Q31).68
En effet, sans une certaine connaissance dans le domaine, il peut s’avérer particulièrement
difficile d’enseigner la variation diatopique de manière appropriée. Ce qui peut d’ailleurs se
lire entre les lignes de plusieurs réponses des questions 21 et 22, où les enseignants ayant déjà
présenté des variétés en classe décrivent comment ils ont procédé.69
Certes, on observe un
certain consensus sur la nécessité de faire écouter aux élèves la ou les variété(s) en question.
Mais souvent, les fichiers audio utilisés à ce propos, comme des chansons ou le matériel tiré
du manuel d’Enchanté 2, ne permettent pas de réellement sensibiliser les élèves à la variation.
C’est aussi le cas lorsque le support choisi est le texte écrit sur le créole dans le manuel de
Contours ou quand les enseignants donnent aux élèves des traits typiques à titre d’exemples,
hors contexte et sans support sonore. Il semblerait alors que parmi les enseignants affirmant
d’aborder occasionnellement la variation diatopique en classe, il n’y a en réalité qu’une
minorité qui le font effectivement, notamment à cause des ressources proposées par les
manuels et par leur manque de connaissances.
En ce qui concerne les attitudes envers l’introduction à la variation diatopique du français en
classe de VG2, il n’est pas étonnant que ce soient les enseignants qui le font
occasionnellement ou souvent qui se montrent le plus positifs (cf. Q15 : « Selon vous, dans
quelle mesure est-il important pour les élèves d’être introduits au français tel qu’il est parlé
dans différentes zones francophones ? »).70
Néanmoins, bien que ces enseignants considèrent
une telle introduction comme très importante (7) ou assez importante (8) en soi, les
contraintes de temps, de nombreux sujets à aborder de même que le faible niveau des élèves
68 Q31 : Comment considérez-vous votre connaissances en variétés de français hors de Français pour pouvoir les
présenter dans l’enseignement? (« Hvordan vil du vurdere din kjennskap til/ kunnskap om varianter av fransk utenfor Frankrike i forhold til å presentere dette i undervisningen ?»). Sur un total de 21 réponses, la grande
majorité des enseignants (17) évaluent leurs connaissances dans le domaine comme moyennes (9), mauvaises
(7), voire très mauvaises (1) pour 4 qui considèrent d’avoir une bonne ou très bonne connaissance. 69 Q21: « Hvis du allerede har presentert geografisk variant(er) av fransk i undervisningen […] hvordan gjorde
du det ? » (Si vous avez déjà présenté une ou des variétés en classe, comment avez-vous procédé?) ; Q22 :
« «Hva slags type materiale ble brukt og hvor hentet du det fra ? » (Quel type de matériel avez-vous utilisé et
d’où l’avez-vous tiré ?). 70 Q15: traduction « libre » de la formulation en norvégien : « Hvor viktig eller uviktig synes du det er at elevene
blir introdusert for fransk slik det snakkes i forskjellige fransktalende områder i verden ?». Une question à choix
multiple (QCM), les alternatives étaient: svært viktig (très important); ganske viktig (assez important); litt viktig
(un peu important) ; ikke særlig viktig (pas très important) ; helt uviktig (pas important) ; nøytral (neutre)
72
expliquent pourquoi ils n’accordent finalement pas une grande place à ce sujet en classe
(Q16).71
Quant aux enseignants qui ne prêtent que rarement, voire pas du tout, d’attention aux variétés
diatopiques en classe, certains ont expliqué que l’idée d’aborder des variétés diatopiques en
classe de français ne leur a tout simplement pas traversé l’esprit.72
D’autres se sont montrés
plutôt sceptiques, soulignant que c’est le français standard qui les élèves sont censés
apprendre. Selon eux, les variétés diatopiques ne constituent qu’un objet d’enseignement
« secondaire » en classe de VG2. Certains rajoutent qu’ils préfèrent plutôt de présenter aux
élèves quelques expressions argotiques.73
Plusieurs enseignants estiment d’ailleurs le français
parlé hors de France comme étant trop difficile pour les élèves. Un enseignant nous a même
mis en garde contre l’enseignement de la variation diatopique, qui serait, selon lui, « une
fausse piste » (Q35).74
En nous basant sur les résultats de notre questionnaire, nous pouvons alors déduire que les
élèves en classe de VG2 ne sont généralement pas sensibilisés à la variation diatopique hors
de France, ni lors de la thématique du monde francophone, ni à un autre moment. Dans ce qui
suit, nous viserons à répondre aux principales interrogations et remarques des enseignants afin
de montrer que la variation diatopique est un objet d’enseignement important pour
l’apprentissage des élèves.
5.1.2 La sensibilisation à la variation diatopique, quel intérêt et quel
impact sur l’apprentissage des élèves?
Les justifications didactiques de notre sujet de mémoire ont été posées dans les chapitres
précédents. En revanche, nous n’avons pas encore abordé la question de l’intérêt et l’impact
que la sensibilisation à la variation diatopique peut avoir sur l’apprentissage des élèves. C’est
cette question à laquelle nous tenterons de répondre maintenant.
71 Q16 : « Begrunn kort svaret ditt » (Expliquer votre réponse) 72 Q16 : réponse d’un enseignant: « Eg har ikkje lagt vekt på å undervise i dei ulike variantane av fransk sjøl,
mest fordi eg ikkje har tenkt så langt » 73 Q16: «Vi har ikke tid til for mye av dette her. Jeg lærer dem heller bittelitt argot» 74 Dans la Q35, les enseignants pouvaient laisser un commentaire (« hvis du har kommentarer, tips eller
lignende, skriv det gjerne inn her. Jeg vil gjerne høre din mening»). Réponse de l’enseignant en question: « Å
bruke tid på språklige varianter synes jeg ville være et feilspor – og jeg er heller ikke selv kompetent i dette
utover å kjene (sic.) de mest åpenbare særtrekkene ved enkelte varianter. Jeg tenker på dette som mulig
spesialisering på universitetsnivå…»). Pour voir le commentaire dans sa totalité, voir l’annexe C.
73
Les résultats de nos recherches semblent insinuer que plusieurs enseignants ont des doutes à
ce propos. Ces doutes sont par exemple évoqués dans le propos particulièrement récurrent
dans nos recherches, celui de « c’est le français standard que les élèves sont censés
apprendre! ». Rappelons que dans ce travail, il n’a jamais été question de viser la production
ou l’imitation des variétés, ce qui ne correspondrait ni à l’identité des apprenants norvégiens,
ni au cadre dans lequel ils ont appris le français. Il s’agit uniquement d’une sensibilisation au
niveau perceptif.
Dans cette optique, un aspect à considérer, c’est l’effet, positif ou négatif, que l’exposition à
des variétés de français hors de France peut avoir sur l’acquisition de la langue cible, le
français de référence. Selon l’enseignante qui nous a invitée dans sa classe, confronter les
élèves à un input qui relève de la variation risque de confondre les élèves, notamment du
point de vue de l’appropriation de la prononciation en français. Elle évoque par là une idée
reçue courante dans l’enseignement d’une L2 (Fox, 2002). Mais est-ce réellement le cas?
D’après Detey (2009), c’est plutôt le contraire qui peut se produire. L’exposition à un input
avec un haut degré de variabilité phonétique semblerait s’avérer bénéfique pour
l’apprentissage du système phonologique du français de « référence », qui serait « plus
résistant à la variation » (Detey, 2010,p.162 ). En d’autres termes, il semble alors avoir un
effet, sinon positif, du moins pas nuisant sur la prononciation du français chez élèves.
En outre, cet auteur souligne qu’un tel input permet aussi d’« entraîner les apprenants à gérer
la diversité en perception » (opt.cit.). Si l’exposition à plusieurs variétés ont un effet positif
sur le développement de la compréhension orale de manière générale, les réponses que tire
Fox (2002) sont moins concluantes, mais soulignent cependant l’importance de faire écouter
aux élèves d’autres variétés que la version standard. D’après Fox (2002), « students will learn
to comprehend the type of language to which they are exposed. Conversely, they will exhibit
significantly less understanding of language to which they have not been introduced »
(p.209). Cette idée renvoie d’ailleurs aux paroles d’Holec (1990) pour justifier l’usage de
documents authentiques en classe de langue, à savoir : « [l’apprenant] ne peut acquérir que ce
que les supports permettent d’acquérir » (p.68). Autrement dit, si l’on veut préparer les élèves
à communiquer avec des locuteurs francophones d’origines variées, il faut alors les habituer à
entendre des variétés de français et entrainer ainsi leur capacité d’écoute.
74
Sur cette base, nous sommes alors amenée à la conclusion que l’exposition à des variétés
extrahexagonales de français semble plutôt être profitable d’une part, pour l’appropriation du
FR en ce qui concerne son système phonologique, et d’autre part, pour le développement de la
compréhension orale, du moins envers la ou les variétés avec lesquelles les élèves sont
familiarisés, et peut-être bien même pour savoir faire face à la variation de manière générale.
En plus du développement de leur capacité d’écoute, l’introduction au français parlé hors de
France peut aussi permettre de commencer à développer la compétence sociolinguistique des
élèves et d’éveiller leur conscience linguistique (cf. chapitre 3). Nous pouvons alors conclure
que la variation diatopique est un facteur important pour l’apprentissage des élèves, et mérite
alors sa place dans l’enseignement du français, en l’occurrence lors de la thématique du
monde francophone, en classe de VG2.75
Par ailleurs, le français parlé hors de France a un potentiel d’exploitation pour d’autres objets
d’enseignement-apprentissage. Citons, à titre d’exemples, que les variétés peuvent aussi servir
pour mettre en évidence l’histoire de la langue (les traits archaïques encore en usage dans des
variétés régionales) et donne « un accès à la graphie que la prononciation standard n’en donne
pas » (par exemple, les voyelles longues en français québécois) (Buscail & al., 2013). Elles
peuvent aussi être utiles pour souligner des traits communs pour l’ensemble des variétés, y
compris le français de référence. Par exemple, pour l’apprentissage des liaisons obligatoires,
les élèves peuvent observer des extraits de différentes variétés et tenter de découvrir les règles
par eux-mêmes.
Nous voyons donc à quel point la diversité du français à travers le monde peut être une
richesse pour l’enseignement du FLE. D’ailleurs, comment défendre l’absence de l’aspect
linguistique dans un cours de langue alors que c’est précisément cet aspect qui permet de
mettre en évidence aux élèves l’utilité d’avoir une compétence en français dans un contexte
international. Nous espérons d’avoir fourni des réponses et des réflexions aux enseignants
considérant le traitement de la variation diatopique dans l’enseignement comme un objet
« secondaire », privilégiant par conséquent des thèmes jugés plus importants.76
N’oublions
pas rappelons que le programme du LK06 ne préconise pas de thème obligatoire, mais
fonctionne par rapport aux compétences. Les enseignants devraient alors être libres à choisir
75 Nous considérons aussi que la variation diatopique devrait aussi être traitée ultérieurement, au niveau III et
lors des études supérieures. Il sera aussi possible d’envisager de l’aborder plus tôt et dans d’autres contextes. 76 Réponse récurrente dans le questionnaire et dans des échanges avec des enseignants. Voici un exemple : « les
thèmes abordés aux cours de français sont tellement nombreux que si ce n'est que pour connaître l'existence
d'accents différents, on ne peut pas y consacrer beaucoup de temps. » (communication personnelle).
75
les thèmes et les objets qui peuvent permettre aux apprenants d’atteindre lesdites
compétences.77
Pour faire développer les compétences liées à la sensibilisation de la variation diatopique, il
est néanmoins nécessaire que l’exposition au français hors de France soit abordable pour les
apprenants. Cet aspect ainsi que d’autres seront discutés dans la partie suivante où nous
tenterons d’apporter des réponses à la question proprement didactique de ce travail, c’est-à-
dire comment sensibiliser les élèves en VG2 à la variation diatopique du français. Nous nous
appuierons sur notre intervention en classe afin de dégager quelques pistes pour le traitement
de la variation diatopique.
5.2 Comment sensibiliser les élèves à la variation
diatopique du français?
5.2.1 Réflexions critiques et didactiques sur notre intervention en
classe
Durant notre projet de mémoire, nous avons eu l’occasion d’intervenir dans une classe de
français en VG2.78
Cette intervention nous a permis de tester une activité portant sur la
variation diatopique. Nous avons ainsi pu avoir un aperçu de la réception des élèves envers ce
genre d’activité, et plus particulièrement, envers le français parlé hors de France. Précisons
d’emblée que l’exercice que nous avons proposé s’est avéré non approprié aux élèves à ce
niveau. Cette expérience nous a néanmoins permis de réfléchir sur des aspects didactiques à
prendre en considération afin de sensibiliser les élèves au français parlé hors de France. C’est
cette réflexion critique que nous exposerons dans cette partie. Mais tout d’abord présentons
brièvement le déroulement de l’intervention et l’activité nous avons mise en place.
Présentation de l’intervention
Lors de notre première rencontre avec cette classe de français, nous avons commencé par
distribuer un questionnaire aux élèves (Annexe D). Son objectif était d’avoir un aperçu des
idées que les élèves se faisaient du français parlé hors de France et de sa variation avant même
77 Des réponses du questionnaire indiquent néanmoins qu’en réalité, les enseignants sont si libres que cela,
notamment due à des contraintes vis-à-vis des collègues et de leurs choix. 78 L’intervention a été effectué en novembre 2013 dans une classe de français à Eikeli vgs, lycée situé à Bærun,
en banlieue ouest d’Oslo.
76
d’y être confrontés en classe.79
Puis, nous avons discuté brièvement avec les élèves sur le
sujet du questionnaire avant de leur faire écouter quelques échantillons sonores des variétés
extrahexagonales. Cette activité n’était pas prévue de notre côté et était conduite à
l’improviste en nous servant des fichiers audio qui étaient prévus pour l’activité principale.80
Le cours suivant consistait à présenter aux élèves les résultats du questionnaire (annexe E),81
leur donner les consignes sur l’activité et distribuer les fichiers audio et leur support écrits.
Puis, nous avons pu observer la manière dont les groupes ont abordé l’exercice et leurs
premières réactions. Enfin, nous sommes revenue pour assister aux exposés des élèves et à la
fin, nous nous sommes entretenue avec les élèves pour entendre leurs commentaires sur cette
activité ainsi que leurs suggestions d’amélioration.82
En ce qui concerne l’activité proposée, elle visait à faire découvrir aux élèves une variété de
français hors de France. Elle était élaborée de manière à ce qu’elle ait pu être insérée dans la
séquence sur le monde francophone planifiée par l’enseignante. Ensemble, nous avons décidé
d’incorporer la variation diatopique dans le cadre d’un projet d’exposé. En petit groupe, les
élèves devaient choisir une région francophone à présenter oralement en classe. L’enseignante
leur avait fourni une liste des questions auxquelles les groupes devaient répondre lors de leur
exposé.83
Notre rôle était de proposer aux groupes un extrait sonore illustrant le français parlé
de la région francophone choisie. Les élèves devaient écouter et observer leur extrait dans le
but de relever des particularités langagières, notamment au niveau de la prononciation et du
lexique, par rapport au français utilisé dans le manuel, c’est-à-dire le français que l’on peut
qualifier de « standard ». Les résultats de leur observation devaient être intégrés dans leur
exposé.
79 Nous avons aussi veillé à ne pas influencer les réponses des élèves. Avant le questionnaire, nous avons
présenté de façon très sommaire notre projet de mémoire sans évoquer notre focalisation sur l’aspect linguistique
du monde francophone. 80 Cette activité est due à un malentendu entre nous-même et l’enseignante concernant notre intervention.
L’enseignante avait initialement imaginé que notre intervention s’arrête après cette première fois. Mais les élèves en ont désiré autrement. Ils ont exprimé leur souhait d’étudier l’extrait qui représentait le français de la région
choisie et de le commenter dans leur exposé. L’activité que nous avions préparée a alors pu être effectuée suite à
la demande des élèves. 81 Ils étaient présentés sur un diaporama repris dans l’annexe E. L’idée était que ces résultats pouvaient leur
servir d’hypothèses à vérifier par rapport à l’extrait. Comme les extraits étaient authentiques, nous leur avons
précisé des traits typiques du français parlé. 82 Il était au départ prévu de faire un questionnaire auprès des élèves pour clôturer notre intervention, mais suite
à un changement du programme, une discussion ouverte en classe a remplacé un tel questionnaire. 83Les questions portaient essentiellement sur les aspects culturels et touristiques abordés dans Contours et
Enchanté 2 : la géographie, le tourisme, l’histoire, les personnes connues, les traditions culinaires, la situation
linguistique de la région francophone en question.
77
Comme support, nous avons utilisé un matériel authentique audio. Étant donné la diversité
des régions francophones sélectionnées par les élèves,84
il était naturel de nous tourner vers le
corpus PFC, proposant des enregistrements du français parlé contemporain de diverses
communautés francophones. Les enregistrement étaient issus, soit, du DVD de l’ouvrage du
projet PFC (Detey & al., 2010), soit de sa base de données disponible sur le site :
www.projet-pfc.net.85
Parmi les quatre types d’enregistrement du protocole PFC, nous avons
opté pour la conversation guidée afin d’illustrer chaque variété par le biais d’un seul locuteur,
dans un registre plutôt neutre et surveillé, avec un débit de parole moins rapide que dans la
conversation libre. En utilisant le programme Audacity, nous avons extrait des parties brèves
des enregistrements, d’une durée entre 0.45 – 1.30 min, et fournir à chaque groupe leur extrait
à étudier en format mp3. Chaque groupe disposait aussi un document écrit avec les consignes
de l’activité, quelques informations sur le locuteur et le sujet de la conversation ainsi que la
transcription orthographique de l’extrait (voir annexe E pour un exemple).
Cette intervention nous a permis de constater deux choses importantes pour notre propos.
Notre premier constat a été mis en évidence par les résultats du questionnaire des élèves. De
manière générale, les données recueillies sont édifiantes et témoignent d’une conscience
linguistique déjà éveillée chez les élèves, du phénomène de la variation diatopique (annexe
D).86
Plusieurs élèvent disent explicitement se servir de leurs connaissances du norvégien et
de l’anglais pour se faire une idée de la manière dont le français varie géographiquement à
travers le monde. Cela confirme alors notre hypothèse avancée à la fin du chapitre 3, que les
élèves norvégiens en classe de VG2 sont ouvert à la variation diatopique et disposés à prendre
conscience du phénomène de la variation diatopique et de la diversité du français parlé à
travers le monde.
Sur cette base, la deuxième année du niveau II semble effectivement être un moment
approprié pour introduire la variation diatopique. Cette introduction semble également
importante du fait que certains élèves ont une représentation dévalorisante des variétés
84 13 différentes régions ont été sélectionnées, représentant les grandes zones francophones : l’Europe (le
Monaco et la Belgique), Amérique du Nord (le Canada) ; Les zones créolophones (Les Antilles: la Martinique, la
Guadeloupe, le Haïti) ;(Amérique du Sud : La Guyane française) ; (Les îles d’Océan Indien : le Madagascar et
l’Ile Maurice) ; Le Maghreb (L’Algérie, la Tunisie et le Maroc) ; L’Afrique sub-saharienne (le Mali). 85 Nous avons utilisé le moteur de recherche: locuteurs PFC, en entrant le pays et la région francophone. 86 Contrairement aux idées reçues de l’enseignante, les élèvent avaient déjà une idée de la manière dont le
français varie dans l’espace avant même que ce sujet soit abordé en classe.
78
extrahexagonales par rapport au français de France.87
Traiter ces parlers en classe permet de
les reconnaître et de les légitimer, ce qui peut engendrer une modification de la perception
chez les élèves de ce qu’est le français.
Cependant, force est de constater que l’activité que nous avons élaborée n’a pas réellement
permis aux élèves de se rendre compte de la variation diatopique du français. Comme l’ont
confirmé les élèves lors de la discussion finale, ce travail de repérage des variantes s’est avéré
trop compliqué. Certes, quelques groupes ont fait des observations intéressantes,88
mais, de
manière générale, les élèves ont eu des difficultés à percevoir et à relever des différences
présentes dans les extraits, en termes de lexique et de prononciation, par rapport au français de
référence. Dans la partie suivante, nous proposerons une évaluation dans laquelle nous tentons
de diagnostiquer les difficultés de l’activité, dans le but de dégager des aspects didactiques à
prendre en considération pour la mise en œuvre d’un exercice visant la prise de conscience de
la diversité du français chez les élèves.
L’évaluation de l’exercice : les manques et les améliorations à envisager
Plusieurs paramètres ont vraisemblablement contribué à rendre l’exercice inapte dans le cadre
d’une première sensibilisation à la variation diatopique. D’abord, si l’activité s’est avéré trop
difficile pour les élèves, c’est sûrement parce qu’ils n’avaient pas le niveau de français requis.
Effectivement, pour pouvoir repérer des différences langagières dans le discours d’un locuteur
par rapport au français de référence (FR), cela demande déjà une bonne connaissance de ce
dernier, du point de vue du lexique, du système phonologique et de la prosodie. Compte tenu
de l’exposition limitée au français, il n’est pas étonnant que les élèves en VG2 n’aient pas
encore acquis une telle connaissance. La transcription écrite de l’extrait avait pourtant été
mise en place dans le but de rendre l’exercice plus abordable et de ne pas tester en même
temps leur compréhension orale.
Pour que les élèves puissent découvrir des différences entre la variété en question et le
français de référence, il est important qu’ils disposent des supports permettant une telle
comparaison. L’idéal sera de leur fournir l’extrait en version du FR, en plus de la version de
la variété en question, comme l’a suggéré un élève. Grâce à la transcription écrite des deux
versions, les variantes lexicales seront facilement repérables. Ils pourront aussi pouvoir se
87 La prononciation et la grammaire sont par exemple jugées comme étant moins bonnes par rapport au FR:
« ikke like bra uttale » « dårligere grammatisk » (Annexe D) 88 Par exemple, un élève a comparé la prononciation du mot porte en français guadeloupéen, (le /R/)
79
faire une idée des différences des faits variables de prononciation. Si l’on ne va pas exiger une
description phonologique des variantes à ce niveau, on peut néanmoins encourager les élèves
à décrire les différences qu’ils entendent avec leurs propres mots
Un autre facteur de difficulté concerne la langue à utiliser pour décrire des phénomènes
langagiers, la métalangue. Lors de notre intervention, un élève a demandé à l’enseignante s’ils
pouvaient commenter l’extrait en norvégien, mais l’enseignante a préféré qu’ils utilisent le
français, étant donné que l’exposé était une évaluation de l’expression orale. L’usage du
français comme métalangue permet alors en partie d’expliquer pourquoi les commentaires des
élèves étaient de nature très générale et vague. Compte tenu d’une métalangue limitée en
français, les élèves doivent être autorisés d’utiliser le norvégien pour commenter des faits de
variation, ce qui leur permettra d’exprimer librement leurs observations sans la barrière de la
langue étrangère
Des élèves ont également exprimé leurs difficultés pour savoir comment aborder l’exercice.
Même si le manque des consignes suffisamment claires y est certainement pour quelque
chose, nous pensons que c’est aussi dû au fait que cet exercice était à la fois nouveau et
inhabituel pour eux, et qui plus est, portait sur la variation. Il n’était alors pas optimal que les
élèves effectuent cet exercice en petits groupes car ils avaient besoin de l’assistance de
l’enseignant pour leur guider dans ce travail. Avant d’entamer en autonomie un tel exercice en
autonomie, il serait mieux qu’un travail similaire soit abordé collectivement en classe.
On peut d’ailleurs se demander l’utilité d’intégrer un tel exercice dans le cadre d’un exposé
oral. Même si plusieurs élèves ont trouvé intéressant de pouvoir entendre le français parlé de
la région francophone choisie, ceux qui assistaient aux exposés, en revanche, ont
généralement manifesté peu d’intérêt pour la présentation des autres variétés.
Nous voyons maintenant à quel point l’exercice que nous avons proposé était ambitieux et
trop développé pour une première initiation à la variation diatopique, et par conséquent,
inabordable pour les élèves. Un dernier paramètre important à soulever, qui a certainement
rendu l’exercice encore plus difficile, est lié à la nature du support utilisé pour cet exercice.
Cet aspect nous semble essentiel pour notre propos, c’est pourquoi nous accordons une place
ici pour le discuter.
80
La nature du document pour sensibiliser les élèves à la variation diatopique
Si nous avons opté pour un matériel audio authentique comme support de l’exercice, c’est
aussi parce nous ne disposions pas de ressources pédagogiques illustrant le français parlé de
l’ensemble des régions francophones choisies par les élèves. Cette expérience nous a
néanmoins permis de réfléchir sur la nature du document à utiliser pour ce propos d’une
première initiation à la variation diatopique : Le support doit-il être authentique ou
pédagogique ? Audio ou audiovisuel ?
Le critère de l’authenticité a été présenté dans le chapitre 4 pour un document visant à illustrer
une variété donnée. Ce qui peut effectivement laisser penser qu’il implique l’usage d’un
document authentique. D’ailleurs, si nous revenons au chapitre 3, nous constatons que le
programme de l’anglais exige l’utilisation de matériel authentique pour des variétés d’anglais.
Mais cette exigence est-elle appropriée pour les apprenants de français en classe de VG2 ?
À notre avis, il est important d'être plus souple que le programme de l’anglais quant à
l'utilisation de documents authentiques. Bien que l’objectif ultime soit que les élèves
comprennent et sachent faire face à la variation diatopique dans le monde réel, il ne faut
néanmoins pas oublier que les élèves norvégiens ont, en règle générale, une compréhension
orale beaucoup moins élevée en français qu’en anglais.
En ce qui concerne la mise en évidence de quelques particularités d’une variété donnée, la
nature authentique du document peut en effet obstruer la perception des apprenants.
Effectivement, les élèves trouvaient que leur locuteur parlait trop vite ou n’articulait pas assez
ses mots. Dans l’optique d’illustrer une variété et faire découvrir aux élèves quelques
caractéristiques typiques, il nous semble alors plus approprié d’utiliser un document
pédagogique, qui est précisément créé dans le but de familiariser les apprenants avec cette
variété, mais qui est simplifié et adaptés en termes de débit, d’articulation et de spécificités de
la langue parlée. Bien évidemment, à condition qu’il réponde aux critères dans la partie 4.4.
Du côté de l’enseignant, il peut également s’avérer problématique de trouver un document
authentique approprié pour représenter une variété diatopique aux élèves. Tel est du moins
notre point de vue suite à la recherche d’extraits sonores illustrant 13 différentes variétés de
français dans la base de données du PFC. L’ensemble des conversations guidées des régions
en question ont été parcourues. Si les différents enregistrements examinés mettaient en valeur
des points intéressants, il était souvent compliqué de trouver des extraits brefs, avec une
81
bonne qualité sonore, contenant des caractéristiques typiques et facilement repérables pour les
élèves, tandis qu’un support pédagogique aurait permis de mettre en évidence, de façon
intelligible, différentes variantes d’une variété dans un et même document.
En outre, il semble tout à fait approprié de commencer par un input issu d’un support
pédagogique du point de vue de la compréhension orale. Un accent non-familier est
susceptible de créer des problèmes de compréhension. De même, un document authentique de
la langue parlé, comportant des phénomènes linguistiques et extra-linguistiques (bruit de fond
etc.), peut obstruer la compréhension. En d’autres termes, si, en plus de l’accent, le document
est de nature authentique, il risque d’être totalement incompréhensible pour les élèves. Or,
selon l’hypothèse de l’input de Krashen (1982, cité par Brown, 2007), il est essentiel
d’exposer les apprenants à un input compréhensible afin d’assurer la progression de leur
compréhension orale. Cet input compréhensible se situe à un niveau au-dessus de leur
capacité d’écoute actuelle, c’est-à-dire dans la zone proximale de développement des
apprenants, pour utiliser la notion de Vygotsky.
En suivant cette logique pour le développement de la capacité de compréhension envers une
variété donnée, il faut d’abord familiariser les apprenants avec cette variété par le biais d’un
input pédagogique compréhensible, adapté et simplifié sur d’autres plans linguistiques et
extralinguistiques, avant de les exposer à la variété par des documents authentiques. Ce qui
correspond d’ailleurs au parcours d’étude envisagé par les concepteurs du projet PFC-
Enseignement du français (ci-après PFC-EF):
1) Apprentissage du français standard de France
– support pédagogique audiovisuel, niveau A1-A2. Modules de TUFS.
2) Sensibilisation à la variation pédagogique : versions méridionale, suisse et
québécoise
– support pédagogique audiovisuel, niveau A2-B1. Modules de TUFS.
3) Apprentissage de la variation authentique : français de l’espace francophone
– support non-pédagogique audio, niveau B1-C2. Matériel PFC. (Source : www.projet-pfc.net)
89
Ce parcours suggère également d’utiliser des supports audiovisuels, en l’occurrence, les
modules de TUFS (cf. infra), pour sensibiliser les élèves à trois variétés de français
diatopiques, dont deux extrahexagonales, avant de les confronter à la diversité du français
parlé à travers le monde, par le biais du corpus PFC. Autrement dit, il sous-entend que la
89 http://www.projet-pfc.net/ressources-didactiques/ressourcescompl.html ; Parcours élaboré dans le cadre du
partenariat entre le projet PFC et TUFS.
82
variation diatopique doit être introduite de manière progressive en matière de support et de
variété. Réduire le nombre de variétés à présenter aux élèves est aussi notre point de vue (cf.
chapitre 2).
Quant à la question de support audio versus audiovisuel, le dernier peut en effet faciliter la
compréhension orale des élèves en leur apportant des images au contexte et à ce qui est dit.
Suggéré d’ailleurs par un élève, l’usage d’un support audiovisuel pour familiariser les élèves
avec une variété diatopique semble alors bénéfique lorsque la compréhension orale est visée.
Il est néanmoins important d’avoir à l’esprit qu’un support audiovisuel « peut aussi détourner
l’attention portée à la perception sonore vers la perception visuelle » (Courtillon, 2003 p.54).
Alors, si l’on veut que les élèves soient attentifs non pas à ce qui est dit, mais à la manière
dont c’est dit, il vaut mieux de ne se servir que de la version sonore.
Dans un premier temps, nous pensons alors qu’il est important que le support utilisé pour
illustrer une variété donnée soit pédagogique, et de préférence, audiovisuel. Il doit néanmoins
répondre aux critères exposés dans le chapitre 4. Le support visuel peut être utilisé lorsque la
compréhension générale est visée, mais quand l’on veut attirer l’attention des élèves sur
l’aspect variationnel, une transcription écrite remplace le support visuel.
Les différents points et réflexions concernant notre intervention seront pris en considération
dans la dernière partie de ce chapitre, où nous suggérons des pistes didactiques ainsi que des
ressources qui peuvent être envisagées dans le cadre d’une initiation à la variation diatopique
en classe de VG2.
5.3 Pistes didactiques et ressources pour introduire
la variation diatopique en classe
5.3.1 Trois pistes didactiques
Nous proposons ici trois pistes didactiques qui visent à introduire les élèves en classe de VG2
à la variation diatopique du français hors France. Elles ont toutes les trois été effectuées lors
notre intervention en classe, mais se présentent ici sous une autre forme. L’objectif sur lequel
nous mettons l’accent est l’éveil de la conscience linguistique chez élèves liée au phénomène
de la variation, et plus précisément, au français parlé dans l’espace francophone. Mais les
deux autres objectifs n’y seront pas ignorés pour autant.
83
La première piste s’inspire du questionnaire mené auprès des élèves. Afin d’introduire la
variation diatopique du français et d’éveiller la conscience linguistique des élèves, il nous
semble important de commencer tout d’abord par faire appel à leurs connaissances des autres
langues, et particulièrement l’anglais et le norvégien. Au lieu de demander aux élèves un
travail écrit (répondre au questionnaire), cette activité peut plutôt prendre la forme d’une
discussion en classe où l’enseignant demande aux élèves de se faire une idée de la manière
dont le français varie à travers le monde francophone. Dès le départ, le trait général de la
variation est mis en avant et prépare ainsi les élèves à l’exposition de la diversité du français
parlé dans le monde.
En ce qui concerne la deuxième piste, il s’agit de donner aux élèves un bref aperçu sonore de
cette diversité pour qu’ils commencent à se faire une idée de la façon dont le français varie à
travers le monde, notamment au niveau de la prononciation. Cette idée était suggérée par
l’enseignant, mais puisque les fichiers audio n’étaient pas prévus à cet effet, l’exercice n’a pas
apporté grand chose aux élèves. Pour que les élèves puissent prendre consciences de cette
diversité, les fichiers audio doivent permettent une comparaison aisée et abordable entre
différentes variétés. Par rapport à notre intervention, nous réduisons aussi le champ des
variétés hors hexagone en visant seules les trois zones francophones les plus importantes :
l’Europe, (la Suisse et/ou la Belgique), le Québec et l’Afrique subsahrienne (cf. chapitre 2).
Pour familiariser les élèves avec le français parlé dans ces trois zones, il est aussi possible
d’envisage une troisième piste didactique permettant d’illustrer ces variétés. En nous
appuyant sur les réflexions concernant l’activité que nous avons élaborée, une telle illustration
devrait se faire par le biais d’un support audio-visuel pédagogique. Afin de permettre aux
élèves de se faire une idée concrète comment ces variétés se différencient par rapport au
français de référence, aux niveaux du lexique et de la prononciation, cela nécessite néanmoins
de disposer des supports permettant une comparaison aisée avec le FR. Le but d’un tel
exercice sera leur faire prendre conscience du phénomène de la variation diatopique, qu’il
existe différentes formes en français permettant de dire « la même chose », mais que leur
usage va varier selon le locuteur francophone en question. Précisons qu’il ne s’agit pas d’une
étude des variantes lexicales et phonologiques, mais plutôt une prise de conscience de leur
existence. Examinons maintenant des supports qui peuvent être exploités dans le cadre de ces
pistes didactiques.
84
5.3.2 Ressources pour introduire la variation diatopique
Lingua Planet Fransk
Même en Norvège, il existe un manuel qui s’ouvre à la variation diatopique bien plus
qu’Enchanté 2 et Contours, à savoir, le manuel numérique Lingua Planet Fransk (2010).
Mais pour l’instant, il est très peu utilisé dans l’enseignement du français (Kari Ryan,
rédactrice, communication personnelle), ce qui explique pourquoi nous ne l’avons pas pris en
compte dans notre étude des manuels. Pour traiter la variation diatopique,90
ce manuel illustre
d’abord la variété de français québécois (FQ) par une vidéo pédagogique. Certes, cette vidéo
correspond à nos critères, mais fait avant tout découvrir aux élèves quelques variantes
lexicales du FQ. Or, ce que nous cherchons, ce sont des supports permettant de comparer avec
le FR.
Figure 3: Exercice intitulé « Le français dans toutes ses formes » (partie 5A sur le français québécois).
Ce manuel vise également à familiariser les élèves avec quelques variantes lexicales
québécoises, suisses et belges et leurs équivalents en FR, présentées sous forme d’exercice
écrit, sans support sonore, et hors contexte (voir figure 3). Cet exercice est certes intéressant,
et nous félicitons d’ailleurs les auteurs du manuel d’avoir ouvert le champ aux variétés
européennes, mais à notre avis, il est trop avancé pour les élèves. À ce niveau, ce qu’il faut
viser, c’est la prise de conscience de la variation, et non l’acquisition d’une connaissance
passive des variantes lexicales. D’ailleurs, il ne permet pas de montrer comment ces trois
variétés se différencient l’une de l’autre. Nous ne considérons alors pas ce matériel approprié
à être exploité dans le cadre de nos trois pistes didactiques. Tournons-nous alors vers une
autre ressource.
90 Traitée dans la partie intitulée « Le monde en France, le français dans le monde » prévue pour le niveau II,
deuxième année.
85
Les modules de TUFS
Figure 4: Le site de TUFS Language Modules pour le français
Sur le site de Language Modules de TUFS,91
nous trouvons des supports permettant de mieux
illustrer la variété québécoise et la variété suisse dans le cadre d’une première initiation. Les
quatre modules de conversation proposent chacun 40 dialogues, en support pédagogique
audiovisuel avec transcription, présentant les mêmes fonctions linguistiques (saluer,
remercier, etc.), mais exprimés dans trois variétés diatopiques, le français québécois, le
français suisse et le français méridional, et en français « standard ».92
Ces supports permettent
alors d’illustrer aux élèves comment le français est parlé au Québec et en Suisse, de façon
comparative, à la fois avec le FR, mais aussi entre elles. 93
Les élèves peuvent ainsi prendre
conscient qu’il existe en français différentes accents et différentes manières d’exprimer « la
même chose ». L’utilisation des modules de TUFS ne requiert pas que les enseignants soient
déjà familiers avec la variété suisse ou québécoise, comme il y a des notes qui expliquent les
variantes figurant dans les dialogues.
Ces supports semblent donc appropriés et peuvent être exploités à des fins didactiques.
Cependant, ils ne permettent pas d’illustrer le français parlé en Afrique subsaharienne. Si le
matériel du corpus PFC utilisé lors de notre intervention n’était pas appropriés pour introduire
la variation diatopique, nous trouvons néanmoins des ressources disponibles sur le site du
projet PFC qui semblent convenir à ce propos.
91 http://www.coelang.tufs.ac.jp/mt/fr/index_en.html 92 Pour plus de détails, consulter, par exemple, Detey, Racine et Kawaguchi (2011). 93 Pour comparer les différentes variétés, suivre ce lien :
http://www.coelang.tufs.ac.jp/mt/fr/index_comparison.html
86
Le site du projet PFC
Dans le volet Enseignement sur le site du projet PFC, nous trouvons une rubrique intitulée Le
français illustré. Cette rubrique offre un aperçu sonore de la diversité du français à travers le
monde, par le biais d’une carte du monde interactive. En cliquant sur les points bleus sur la
carte, on peut écouter des extraits brefs de différentes variétés. Cette carte existe en deux
versions illustrant deux types de paroles, une, en conversation et l’autre, en lecture de texte.
Compte tenu de notre expérience en classe, la version en lecture de texte nous semble le plus
appropriée pour les élèves en VG2.
Figure 5: Carte interactive du projet PFC
Cette carte présente la même phrase lue par des locuteurs francophones d’origines variées
dont quatre de l’Afrique subsaharienne. Elle permet ainsi d’illustrer le français parlé dans
cette zone en termes de prononciation, en mettant en évidence certains traits typiques traits
comme la prononciation du /R/. Des traits qui seront davantage mise en avant en comparant
avec les autres variétés (Québec, Belgique, Suisse) et le français hexagonal septentrional.
À notre avis, cette carte se prête parfaitement à la réalisation en classe de la deuxième piste
didactique, c’est-à-dire donner un premier aperçu sonore aux élèves à la diversité du français
à travers le monde. Un tel support n’exige pas de la part des enseignants de pouvoir décrire
phonétiquement les différentes variantes qui y figurent, car il s’agit avant tout de montrer
qu’au niveau de la prononciation, le français varie. On peut néanmoins laisser les élèves
s’exprimer, en norvégien, sur les différences qu’ils entendent. Pour faciliter une telle écoute
attentive, il nous semble important qu’ils aient la phrase lue sur un support écrit.
87
5.3.3 Pour conclure
Les modules de TUFS et le site du projet PFC fournissent alors des supports qui peuvent être
exploités à des fins didactiques, et particulièrement dans le cadre de nos trois pistes. Ils ont
l’avantage d’être disponibles sur le web et abordables, nous semble-t-il, à la fois pour les
élèves et les enseignants, aussi ceux non formés au français parlé hors de France.
Pour introduire les élèves à la variation diatopique, nous suggérons de commencer par la
discussion ouverte. La carte interactive du projet PFC peut servir comme support visuel.
L’enseignant peut par exemple pointer le doigt sur un des points bleus en demandant aux
élèves comment ils imaginent le français parlé là-bas, en visant principalement les trois zones
principales. En utilisant la carte ainsi, on peut éveiller la curiosité des élèves et leur donner
envie de découvrir les différentes variétés hors de France.
Cela permet aussi d’introduire la deuxième activité où les élèves vont écouter la même phrase
lu par des locuteurs francophones de Belgique, de Suisse, de Québec, de France septentrional
et de l’Afrique subsaharienne. Une attention particulière sera prêtée au français de cette
dernière zone, étant donné qu’il ne sera pas illustré ultérieurement, comme ce sera le cas pour
le français du Québec et de Suisse. Ces deux variétés seront illustrées par les supports audio-
visuels de TUFS et comparés avec la version « standard ».
La méthodologie de TUFS est celle qui nous semble la meilleure pour traiter la variation
diatopique en classe, c’est-à-dire illustrer des variétés de français, y compris le standard, dans
les mêmes situations de communication présentés au travers des fichiers audio-visuel avec
transcription.94
À notre avis, cette approche peut permettre aux élèves de prendre conscience
que le français varie à travers le monde tout en leur faisant écouter « les voix réelles de la
francophonie » (Valdman, 2000, p.655).
94 Les dialogues peuvent être présentés selon 4 modes d’utilisation. En choisissant le mode 2, on peut écouter le
dialogue sans le support visuel avec/sans transcription.
88
89
6 Conclusion
L’objectif de ce mémoire était de nous pencher sur le français tel qu’il varie dans l’espace
francophone hors de France hexagonale et son traitement dans l’enseignement du français en
Norvège. Nous nous sommes posée les questions suivantes: dans quelle mesure la variation
diatopique est-elle traitée dans l’enseignement du français en Norvège ? Comment est-elle
traitée ? L’enseignement est-il optimal ?
Avant d’apporter des réponses à ces questions, nous avons d’abord posé les bases des
justifications didactiques pour sensibiliser les élèves au français hors de France dans les
premiers chapitres. Dans l’introduction, nous avons souligné que la francophonie et en
particulier, la possibilité de communiquer avec des locuteurs francophones du monde entier,
sont utilisées comme un argument de poids pour promouvoir le français comme langue
étrangère à l’école norvégienne. Dans cette logique, on aurait pu s’attendre à ce que
l’enseignement vise à développer chez les élèves une capacité de faire face au français parlé
hors de France. Ce qui est d’autant plus important, étant donné que les usages du français
dans les différentes régions francophones extrahexagonales sont très variables et hétérogènes
et se différencient ainsi du français de France, comme nous l’avons vu dans le chapitre 2.
En outre, dans le chapitre 3, nous avons montré que la prise en compte de la variation
diatopique correspond aux recommandations du CECR (2001) et aux courants didactiques
actuels, et qu’il est également possible d’interpréter le programme du LK06 dans ce sens-là,
bien qu’il le mentionne pas de façon explicite. Rappelons que la variation est partie prenant de
toute langue, la prise en compte de la réalité langagière en classe de langue préconisée par le
programme prévoit, par définition, de confronter les élèves à la variation. En nous appuyant
sur le CECR, nous avons déduit que la deuxième année en classe de VG2 est la phase
d’apprentissage propice pour introduire la variation diatopique.
Sur cette base, nous nous sommes tournée vers l’étude des manuels dans le chapitre 4. Bien
que les deux versions de Contours et d’Enchanté 2 abordent la thématique du monde
francophone lors de la deuxième année du niveau II, leur traitement de la variation diatopique
est fragmentaire. En effet, c’est l’aspect culturel qui est mis en valeur, et si l’on aborde
l’aspect linguistique, c’est pour montrer aux élèves pourquoi et où on parle français, mais on
passe sous silence la question de comment. Parmi l’ensemble des textes examinés, seul le
dialogue sur le Québec dans Enchanté 2 propose une véritable illustration d’une variété hors
90
de France. Mais suite à une étude approfondie du texte et du fichier sonore, nous avons
découvert que ce texte, notamment dans sa forme sonore, donne une image complétement
faussée de la variété québécoise.
Cette étude nous a permis de constater que le français hors de France est très peu, voire pas du
tout, abordé par ces manuels, et quand il l’est, c’est de façon inadéquate, ce qui témoigne d’un
manque de réflexion ou d’importance accordée à ce sujet. Autrement dit, le traitement de
variétés diatopiques par les manuels d’Enchanté 2 et de Contours est clairement insuffisant et
non optimal. Comme nous l’avons vu au chapitre 5, cela se fait également sentir du côté des
pratiques des enseignants, qui accordent généralement peu de place et d’importance au
français parlé hors de France.
Autrement dit, en dépit du fait que la promotion du français dans l’école norvégienne met en
évidence la pluralité des usages du français à travers le monde, l’enseignement ne suit pas
cette ligne et ne prépare pas les élèves à interagir avec des locuteurs francophones hors de
France. Notre conclusion est alors qu’il y a un manque considérable à combler dans
l’enseignement du français en Norvège afin que les élèves puissent être sensibilisés à la
variation diatopique du français hors de France.
Notre contribution pour tenter de combler ce manque était de suggérer à la fin du chapitre 5,
une ouverture modeste, mais raisonnée à la variation diatopique de français hors de France en
classe de français en VG2. Nous avons proposé trois pistes didactiques ainsi que des
ressources qui peuvent être exploités à ces fins. Elles ont été élaborées dans le but de pouvoir
être utilisées par les enseignants qui ne reçoivent pas de formation dans ce domaine, mais qui
souhaitent introduire aux élèves le français hors de France, en l’occurrence le français du
Québec, de la Suisse et de l’Afrique subsaharienne. Rappelons que l’objectif visé, c’est de
faire prendre conscience aux élèves que le français ne se parle pas de la même manière
partout et les entrainer à gérer cette diversité au niveau perceptif.
Néanmoins, afin que la variation diatopique du français soit véritablement mise à l’ordre du
jour dans l’enseignement du français en Norvège, la pression doit venir des manuels et/ou des
directives officielles. Nous espérons que dans un premier temps les auteurs des manuels vont
commences à s’ouvrir au français hors de France. Le manuel de Lingua Planet Fransk
pourrait être un premier pas dans cette direction.
91
Mais pour que ce changement puisse véritablement se réaliser, cela nécessite de la part des
auteurs de manuel et des enseignants de renoncer à la vision monolithique de la langue
française pour adopter une vision globale du français, envisagé comme l’ensemble des
variétés de français, tel qu’il est parlé à l’intérieur de la France tout comme dans les
communautés francophones à travers le monde. En d’autres termes, il s’agit de concevoir la
variation comme une caractéristique fondamentale de la langue, et non comme quelque chose
d’anodin. Dans cette optique, l’enseignement du français ne pourrait plus se limiter à
présenter aux élèves seul un usage normé et standardisé du français de France, mais doit aussi
les familiariser avec différents types de variation, y compris des variétés de français hors de
France, afin de leur montrer que le français existe dans tous ses états.
92
93
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Lokøy, G.& Ankerheim, B. (2007) Contours, Fransk II Vg1 + Vg2, Oslo, Gyldendal
Undervisning
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Gyldendal Undervisning
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nouvelle édition du Grand Format, 2011, Paris, Le Robert
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terminologique. En ligne: http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/index.aspx
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LAGANIÈRE, Hélène, Pierre MARTEL et Chantal-Édith. Disponible uniquement en
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http://www.fremmedspraksenteret.no
http://www.projet-pfc.net
http://www.world-territories.com
http://www.udir.no
Annexe A:
Vue d'ensemble des textes examines des
manuels
Contours nouvelle édition - Chapitre 7 «Le monde francophone» pp.196-226
Appellation
Texte/ Exercice page genre Description du texte Présence de la variation diatopique
C1 « Bonjour ! Je suis Anouk… » (texte écrit + audio)
196 lettre Parle du monde francophone de manière générale, cite où l’on parle français et explique brièvement pourquoi (l’histoire coloniale française) ; mentionne la situation linguistique de ces pays (le statut/ fonction du français)
Non
C2 « Les DROM‐COM –qu’est‐ce que c’est ? » (texte écrit +audio et carte du monde francophone)
198 factuel Enumère les DROM et des COM et explique leur différent statut politique vis‐à‐ vis de la France. Carte catégorisant les différents pays/ régions par rapport aux divers statuts du français
Non
C3 « Les vacances dans un pays francophone » (texte écrit et audio)
199 Dia‐logue
Quatre personnages du manuel parlent de leurs vacances dans une région francophone. Le texte cite quelques régions et donne des informations touristiques de ce que l’on peut faire dans ces régions en question.
Non
La Guadeloupe
C4 « La Guadeloupe, entre l’Océan Atlantique et la Mer Caraïbe » (texte écrit + audio)
202 factuel Situe la Guadeloupe géographiquement, situation démographique (hétérogène), trace brièvement l’histoire coloniale de la Guadeloupe, du début à la décolonisation.
Non
C5 « Le créole » (uniquement texte écrit)
204 factuel Présente le créole, langue qui coexiste avec le français en Guadeloupe, son émergence et ses caractéristiques, donne des exemples de quelques traits
Non, MAIS présente le créole
C6 « La cuisine créole » (uniquement texte écrit)
205 texte factuel
Présente quelques caractéristiques avec la cuisine créole et le plat national, le Colombo
Non
C7 « Bienvenue à l’Ile de Marie‐Galante »
206 Affiche touri‐stique
Présente différents activités touristiques (visite, repas etc) à faire sur l’Ile de Marie‐Galante
Non
C8 « La vie‐carnaval » De Gisèle Pineau
217‐222
Litté‐raire
Une nouvelle d’une auteure guadeloupéenne. Hormis quelques phrases et paragraphes effacés, le texte est dans sa forme originale
Une variante : « chabin,(‐e) » et quelques énoncés en créole
L’Europe francophone hors de France :« D’autres pays francophones »
C9 Petit texte d’écoute sur la Suisse
207
factuel Information factuelles sur la Suisse (nombre d’habitants, langues
non
officielles etc)
C10 des blagues belges (texte écrit)
Blague Quatre blagues françaises sur les Belges
non
C11 Petite note « Est‐ce que tu sais que…la Belgique » (texte écrit)
Factuel Aborde la situation linguistique complexe de la Belgique
non
Le Québec
C12 « Québec » (texte écrit+ audio)
208 factuel Présente la situation linguistique du Canada et la province francophone du Québec (histoire : la colonisation française ; aspects touristiques : ses richesses naturelles et les activités à faire ; actuel : les Québécois et leur volonté d’indépendance
Non, Mais présence d’un mot de la variété québécoise, canotage1
C13 Le Canada (texte écrit)
209 Litté‐raire
Poème d’un célèbre poète et écrivain québécois, Octave Crémazie. Texte authentique.
Non
C14 Petite note « Est‐ce que tu sais que…
210 factuel Sur la Transat Québec/ Saint‐Malo (course de voile)
Non
C15 Photo utilisée dans un exercice pour écrire une carte postale
210 visuel Photo d’un panneau de circulation sur lequel il est marqué « arrêt »
Oui « arrêt » (photo)
C16 Exercice d’écoute 272 (les nombres) Cet exercice vise de tester la compréhension orale, notamment des chiffes
211 factuel Présentation de cinq régions francophones (nombre d’habitants, dates importantes, langue(s) officielle(s)) faite par des personnes soi‐disant de la région en question, mais aucun trait de ces variétés.
Non
L’Afrique francophone
C17 « Afrique » (écrit + audio)
212 factuel Sur l’exploitation coloniale des Européens, la traite négrière (histoire)
Non
C18 « L’Occupation » 213 commentaire
Texte tiré du journal Le Nouvel Observateur (2002), écrit par l’auteur ivoirien Ahmadou Kourouma sur le colonialisme
Non
C19 « Afrique » 213 Litté‐raire
Poème de l’écrivain sénégalais francophone David Diop
Non
C20 « Le Sénégal »
214
Programme du séjour d’un personnage du manuel, la journaliste Yvette ( touristique) ;
Non
1 Le mot canotage apparaît dans le texte dans la version de Contours de 2007, mais dans la version de 2009, le mot canoë a remplacé canotage dans le texte, mais canotage est toujours dans la liste du vocabulaire du texte (p.208) 2 Exercice d’écoute 27 : http://mml.gyldendal.no/flytweb/default.ashx?folder=9728&redirect_from_tibet=true
C21 « fiche d’information : Sénégal »
215 Informations factuelles sur le Sénégal (un peu sur la situation linguistique)
Non
Le Maghreb
C22 « Alphabétisation » 223 Litté‐raire
Poème d’un écrivain algérien Rachid Boudjedra
Non
C23 Petit note « Est‐ce que tu sais que »
223 factuel Sur la situation linguistique au Maghreb (le statut du français), leur décolonisations (histoire)
Non
Enchanté 2 (2007) – Version 1 (E‐V1)
Appellation
Texte/ Exercice page genre Description du texte Présence de la variation diatopique
Guadeloupe – dans chapitre 3 « Voyage, voyage » dans le thème 1 : Le tour de France des régions
EV1‐1 « Voyage, Voyage.. » Le texte principal du chapitre (texte écrit + audio)
53 Narra‐tive
Benjamin raconte ses vacances en Guadéloupe (activités de loisir, visites etc) dans deux cartes postales, la première à ses grands‐parents, la deuxième à un ami
Non
EV1‐2 « Les Départements d’Outre‐Mer – Les Dom » dans la rubrique Civilisation (texte écrit + audio)
66 factuel Présente les quatre DOM, l’accent sur l’histoire (coloniale), autres aspects qui sont typiques pour chacun des DOM : produits d’exportation, langues parlées…
Non
EV1‐ 3 « Vive le douanier Rousseau » dans la rubrique Coin culturel (écrit + audio)
68‐69
Chan‐son
Chanson du groupe La Compagnie Créole (texte authentique, mais l’enregistrement ne l’est pas)
Non 3
EV1‐4 « La vie‐carnaval » de Gisèle Pineau dans la rubrique Pour aller plus loin (texte écrit)
70‐71
Litté‐raire
Extrait d’une nouvelle d’une auteure guadeloupéenne (la même nouvelle que dans Contours, mais ici, l’extrait est plus court )
Une variante : chabin,(e)
Thème 2 – La francophonie
Le Canada (chapitre 4)
EV1‐5 « Le Canada » Le texte principal du chapitre (texte écrit + audio) + une liste de vocabulaire entre le francais de Canada et francais de France
76‐78
Dia‐logue
Conversation entre Benjamin et sa sœur et une fille québécoise, Emma, dans un vol en direction de Canada. Emma parle du Québec, des activités et visites à faire, et quelques particularités du français québécois
Oui, Plusieurs variantes lexicales et phono‐logique
EV1‐6 Texte d’écoute sur la ville de Québec (audio)
80 factuel Présente des faits sur Québec (géographie, histoire, population, etc.)
non
EV1‐7 « Respectez la forêt » (texte écrit)
85 consignes
Texte (authentique) tiré du guide de voyage Ulysse Le Québec 1999‐2000 sur les consignes à suivre lorsque l’on est dans la nature
non
EV1‐8 « Le Québec » dans la rubrique Civilisation (texte écrit+ audio)
89 factuel Décrit la géographie du Québec, les ressources naturelles, informations sur la population, sur Montréal (aspect touristique)
Non
3 Le fichier audio laisse néanmoins percevoir quelques traits de la variété de francais guadeloupéen, marquée par le créole
EV1‐9 « J’erre » de Steve Dumas sous la rubrique Coin culturel (texte écrit + audio)
91 Chan‐son
Chanson d’un chanteur québécois (sur Montréal). Texte authentique, mais l’enregistrement est une reprise
Non
EV1‐10
« Le Cirque du Soleil » Sous la rubrique Pour aller plus loin (texte écrit)
93 article Extrait d’un article paru dans le magazine français Match du monde présentant une interview avec Guy Laliberté (fondateur et directeur du Cirque du Soleil)
Non
Chapitre 5 : L’Algérie : colonisation et indépendance
EV1‐11
« L’Algérie : colonisation et indépendance » (texte écrit et audio)
97 factuel Sur l’histoire coloniale de l’Algérie, la décolonisation, la situation actuelle de l’Algérie et la relation entre la France et l’Algérie
Non
EV1‐12
« Un Algérien en Norvège» (texte écrit et audio)
98‐99
Inter‐view
Une interview avec un Algérien, « Mohammed », qui habite en Norvège. L’interview est « authentique ».4 Parle de son histoire d’immigration, les langues parlées en Algérie, son attitude/ses sentiments envers les Français, la guerre d’Algérie
Non, dans le texte écrit Oui, quelques traits dans le fichier audio (la pronon‐ciation)
EV1‐13
Texte d’écoute sur Amina (audio)
100 factuel Amina présente sa ville d’origine, Oran. Informations factuelles
Non
EV1‐14
« La culture maghrébine en France » sous la rubrique Civilisation (écrit + audio)
108‐109
factuel Sur la cuisine maghrébine (nomme des spécialités culinaires : plats marocains, la merguez, la harissa) Liste de vocabulaire de spécialités maghrébines avec explication en français ; recette du couscous) Sur la musique maghrébine : le raï)
Des mots d’origine arabe (raï, cheich, darbouka, noms culinaires)
EV1‐15
« Aicha » Sous la rubrique Coin culturel (écrit + audio)
111 Chan‐son
Paroles de la chanson chantée par Khaled, écrite par J.J.Goldman (texte originale, mais l’enregistrement est une reprise)
Non
EV1‐16
« Cette fille‐là » de Maïssa Bey, sous la rubrique Pour aller plus loin (écrit)
113 Litté‐raire
Extrait du roman d’une écrivaine algérienne. Présences des mots d’origine arabe qui sont utilisés dans le français d’Algérie (se trouvent aussi dans le dictionnaire Larousse) Ils apparaissent aussi dans la marge du texte avec sa traduction en norvégien : gourbi5, henné, khôl, burnous, youyou.
Oui, variantes lexicales venues de l’arabe
4 Selon le guide pédagogique. 5 Ce mot est le seul où c’est marqué «mot arabe»
Chapitre 6 : La radio des femmes camerounaises de Mbalmayo
EV1‐17
« La radio des femmes camerounaises de Mbalmayo » (texte écrit et audio)
116‐ 117
Didactique
Texte présenté sous forme d’un exposé scolaire fait par deux personnages du manuel sur « la condition des femmes au Cameroun ». Présentation d’une femme camerounaise, Josephine, et son histoire par les deux personnages
Non
EV1‐18
Texte d’écoute sur le Cameroun (audio + texte à trous)
118 factuel Texte présente des renseignements sur le Cameroun (hist., géographie, situation linguistique)
Non
EV1‐19
« La musique africaine francophone » sous la rubrique Civilisation
128‐129
factuel Présente des aires musicales africaines : le Sahel, la zone Mandingue, le golf de Guinée ; et des artistes africaines francophones (Angélique Kidjo, Youssou N’Dour, Ismaël Lo et Wagëblë)
Non
EV1‐20
« Y’en a marre » ‐ Tiken Jah Fakoly avec Yannis Odua Dans Coin culturel
130‐131
Chan‐son
Chantée un chanteur de reggae de la Côte d’Ivoire
Non
EV1‐ 21
« Poèmes africains » Dans Pour aller plus loin
132‐133
Litté‐raire
Trois poèmes des auteurs camerounais : « Ils m’ont dit » de Sengat‐Kuo, « Je suis venu chercher du travail » de Bebey ; « L’oiseau en liberté » M’bafou‐Zeteberg
Non
Autre
EV1‐22
Carte du monde francophone sur la troisième page de couverture (à la fin de l’ouvrage)
image Présentant le monde francophone par rapport aux divers statut et fonctions du français
Enchanté 2 (2013) – Version 2 (EV2) – Thème 1 : Le monde francophone
Appellation
Texte/ Exercice page genre Description du texte Présence de la variation diatopique
Chapitre 1 : « Voyage à travers l’Europe francophone » (Belgique, Suisse, Luxembourg, Monaco)
EV2‐1 « Voyage à travers l’Europe francophone » (texte écrit + audio)
13‐14
Blog (de‐scrip‐tive/ narra‐tive)
Le texte sous forme de blog de voyage des deux personnages du manuel. Présentation des pays et villes: la Belgique (Bruxelles), le Luxembourg (Luxembourg), Suisse (Genève) et Monaco ; donne des informations générales sur ces lieux, mais l'accent est mis sur l’aspect touristique (ils racontent ce qu’ils font pendant leur voyage : les visites, les sites touristiques, les spécialités culinaires etc.).
Oui, une variante du français belge « s’il vous plaît »
EV2‐2 « Trois francophones célèbre» dans la rubrique Civilisation (texte écrit + audio)
27 factuel Présente Henri Dunant, Jacques Brel et Hergé (Georges Rémi), pourquoi ils sont connus, leur carrière etc.
Non
EV2‐ 3 « Bruxelles et l’Art nouveau » dans la rubrique Coin culturel
28 factuel Présentation brève du mouvement artistique de l’Art nouveau et la présence de ce style à Bruxelles
Non 6
Chapitre 2 : Le Canada (Amérique du Nord)
EV2‐4 « Le Canada »7 (texte écrit + audio) + une liste de vocabulaire entre le français de Canada et français de France
31‐32
Dia‐logue
Conversation entre Benjamin et sa sœur et une fille québécoise, Emma, dans un vol en direction de Canada. Emma parle du Québec, des activités et visites à faire, et quelques particularités du français québécois
Oui, Plusieurs variantes lexicales et une phonologique (moé)8
EV2‐5 « Le Québec » dans la rubrique Civilisation (texte écrit) (similaire du texte EV1‐7, mais plus longue)
42‐43
factuel Décrit la géographie du Québec, les ressources naturelles, informations sur la population, histoire du Québec, aspect politique, partie sur Montréal (histoire, architecture, activités culturelles)
Non
EV2‐6 Trois Québécois 43 factuel Trois petits textes sur J.‐A. Non
6 Le fichier audio laisse néanmoins percevoir quelques traits de la variété de francais guadeloupéen, marquée par le créole 7 Même texte que dans Enchanté 2 (2007) – EV1-5- avec quelques modifications dans le texte écrit, la modification la plus importante concerne le fichier audio : le personnage canadienne parle maintenant avec un accent « standard », à part la prononciation de moi (moé) 8 Voir étude du texte (chapitre 4) et Annexe
célèbres Bombardier, G. Laliberté, C.Dion (lieu de naissance, profession)
EV2‐7 « Je reviendrais à Montréal» de Robert Charlebois sous la rubrique Coin culturel
91 Chan‐son
Chanson d’un chanteur québécois (sur Montréal). Texte authentique
Non
Chapitre 3 : L’Afrique francophone (Algérie et Cameroun)
EV2‐8 « L’Afrique francophone » (texte écrit + audio)
47‐48
Descriptive/ narrative
Texte dressant le portrait de deux francophones (un d’Algérie et une de Cameroun : Josephine d’EV1‐15), présenté par le biais d’un personnage du manuel, Karim, un français d’origine algérienne, sous forme d’un projet scolaire. Un peu d’histoire sur l’Algérie (colonisation, relation entre la France / Algérie, mais aussi l’histoire biographique d’un immigrant venu en France). L’histoire personnelle d’une femme camerounaise (condition féminine au Caméroun)
EV2‐9 « La musique africaine francophone » sous la rubrique Civilisation (reprendre une partie du texte EV1‐12 et EV1‐16)
56‐57
factuel Présente des aires musicales africaines : le Maghreb (le raï), le Sahel, la zone Mandingue, le golf de Guinée. Description de différentes traditions musicales, styles, instruments et nomme des artistes connus pour ce type de musique
mot d’origine arabe (raï), le balafon, djembé
EV2‐ 10
« Poèmes africains » Dans Coin culturel
58‐59
Litté‐raire
Trois poèmes des auteurs camerounais : « Poème à mon frère blanc » de Senghor ; « Ils m’ont dit » de Sengat‐Kuo, « Je suis venu chercher du travail » de Bebey
Non
Annexe B:
Questionnaire électroniques enseignants
Undervisning om den fransktalende verden (VG2, nivå 2)
Side 1Kjære lærer som underviser eller har undervist i fransk på VG2, nivå 2,Denne spørreundersøkelsen dreier seg om undervisningstemaet "den fransktalende verden", med særlig fokus på det språkligeaspektet. Resultatene fra undersøkelsen vil inngå i min masteroppgave i fransk ved Universitetet i Oslo. Undersøkelsen er anonym.Tusen takk for at du tar deg tid til å svare på undersøkelsen min.Med vennlig hilsen,Eline Amundsen
Side 2Kryss av den påstanden som passer deg
Jeg underviser i fransk på VG2, nivå II
Jeg har tidligere undervist i fransk på VG2, nivå II
Hvor mange år har du undervist i fransk?
i år
Hvor mange år har du undervist i fransk på VG2, nivå 2?
i år
Hvilken lærebok bruker du / har du brukt ?
Hvis du har brukt flere, kryss av den boka og utgaven du vil ta utgangspunkt i denne undersøkelsen
Enchanté 2, utgave fra 2007
Enchanté 2, utgave fra 2013
Contours, utgave fra 2007
Contours, utgave fra 2009
Side 3Hvilken universitetsgrad eller hvor mange studiepoeng har du i fransk?
Kryss av den påstanden som passer deg
Jeg er norsk eller fra et annet ikke-fransktalende land
Jeg er fra Frankrike
Jeg er fra et annet fransktalende land enn Frankrike eller fra en DROM-COM: Hvilket?
Fransken du bruker i klasserommet kan beskrives som ...
en type fransk som er tilnærmet fransk standard (Frankrike)
en geografisk variant av fransk, innenfor eller utenfor Frankrike. Hvilken? Forklar kort hvorfor
Side 4Hvor viktig eller uviktig synes du det er å presentere andre fransktalende land og regioner enn Frankrike iundervisningen?
svært viktig viktig nøytral mindre viktig ikke viktig
Hvor interessant eller uinteressant synes elevene at temaet om fransktalende regioner/land er?
svært interessant interessant nøytral lite interessant uinteressant vet ikke
Hva ser du på som formålet med undervisningstemaet "le monde francophone" ?
Omtrent hvor mange undervisningstimer går til dette temaet ?
Presiser helst lengden på en undervisningstime
Side 5Hvordan jobber dere som regel med dette temaet i undervisningen?
Kort om elevaktiviteter, undervisningsmateriale o.l. Mer spesifikke spørsmål kommer nedenfor
Hva slags undervisningsmateriale fra læreverket bruker dere som regel i arbeidet med "le monde francophone" ?
Med læreverk menes lærebok og tilhørende ressurser: lydfiler, hjemmeside med oppgaver, linker
Bruker du andre ressurser/materiale enn læreverket i forbindelse med undervisningen av dette temaet?
Nei
Ja. Hva slags materiale og til hvilket formål?
Side 6Hvor viktig eller uviktig synes du det er at elevene blir introdusert for fransk slik det snakkes i forskjellige fransktalendeområder i verden?
Heretter kalt "(geografiske) varianter av fransk". I denne undersøkelsen interesserer vi oss kun for varianter av fransk utenfor Frankrike, men inkluderer lesDROM- COM
svært viktig ganske viktig litt viktig ikke særlig viktig helt uviktig nøytral
Begrunn kort svaret ditt
Synes du VG2 (nivå 2) er et passende nivå for å introdusere geografiske varianter av fransk?
Ja
Nei, ingen nivå eller trinn på skolen er passende
Nei, nivå III/ VG3 er et mer passende nivå
Nei, man bør introdusere dette på et tidligere nivå. På hvilket trinn/nivå?
Side 7Hvor enig eller uenig er du i at læreverket gir mulighet til å presentere geografiske varianter av fransk ?
helt enig delvis enig nøytral delvis uenig uenig
Synes du læreverket burde vie mer eller mindre plass til presentasjon av varianter av fransk?
mye mer mer like mye mindre mye mindre nøytral / vet ikke
Side 8I din undervisning om den fransktalende verden, pleier du å vie oppmerksomhet til måten fransk blir snakket i områdetsom blir studert ?
Hvis du krysser av "aldri", hopp over resten av spørsmålene på denne siden
Alltid Svært ofte Ofte Av og til Sjelden Svært sjelden Aldri
Hvis du allerede har presentert geografisk variant(er) av fransk i undervisningen, ønsker jeg å vite mer om hvordan dugjorde eller pleier å gjøre dette.Fra hvilket fransktalende område var varianten(e) du presenterte? Gi gjerne en kort begrunnelse for valget. Hvilke kommentarer om varianten(e) ga du til elevene?
Hva slags type materiale ble brukt og hvor hentet du det fra?Hvordan jobbet dere med dokumentet? Hva var målet med undervisningen?
Presiser om undervisningsmateriale var en skriftlig tekst, lydfil, sang, video etc og om det var et autentisk eller tilpasset dokument
Hvordan ble undervisningen mottatt av elevene?
Side 9Hvis du 'sjelden', 'svært sjelden' eller 'aldri' presenterer en variant av fransk i undervisningen om den fransktalendeverden på VG2, ønsker jeg å vite mer om grunnen(e) til dette
Flere svaralternativer er mulig
ikke viktig for utvikling av elevenes ferdigheter/kunnskaper i fransk
for vanskelig for elevene
ikke nevnt i læreplanen
mangel på adekvate ressurser
har selv lite kjennskap til geografiske varianter av fransk
har selv liten interesse for geografiske varianter av fransk
annet:
Side 10Utenom tema om den fransktalende verden, bruker du undervisningsmateriale som viser varianter av fransk (utenforFrankrike) i andre sammenhenger?
svært ofte ofte av og til sjelden svært sjelden aldri
Hvis dette hender, hva slags materiale bruker du og i hvilken sammenheng?
Hvis man skulle presentere en variant eller varianter av fransk i undervisningen på VG2, Hvilke ferdigheter/kunnskaper bør man fokusere på ?Hva bør være målet for elevene?
Side 11Hvor ofte opplever du at elever uttrykker interesse /nygjerrighet for hvordan de snakker i fransktalende land / regionerutenfor Frankrike?
svært ofte ofte av og til sjelden svært sjelden aldri
Hvis du allerede har opplevd dette, hva gikk elevenes spørsmål/ kommentarer ut på?
Hvis elevene har hørt en eller flere geografiske varianter av fransk i eller utenfor franskundervisningen, hvilkekommentarer har elevene gitt om egen lytteforståelse av varianten(e)?
Side 12Hvordan vil du vurdere din kjennskap til /kunnskap om varianter av fransk utenfor Frankrike i forhold til å presenteredette i undervisningen?
svært god god middels dårlig svært dårlig vet ikke/ ingen mening
Hvis det er en eller flere geografiske varianter du kjenner godt til,
Hvilke(n)?
Hvordan kjenner du til denne/disse?
Har studiene du har gjennomført i fransk gitt deg kunnskap om ulike språklig trekk ved varianter av fransk (utenforFrankrike)?
Nei
Ja. Hva slags fag/emne?
Hvor nødvending eller unødvendig er det for fransklærere å ha hatt fag/studieemne(r) som omhandler dette for å kunnepresentere det i undervisningen?
svært nødvendig nødvendig lite nødvendig unødvendig nøytral
Side 13Hvis du har kommentarer, tips eller lignende, skriv det gjerne inn her. Jeg vil gjerne høre din mening.
Kommentarer og spørsmål kan også sendes direkte til meg på mail. Hvis du ønsker å vite om resultatene fra undersøkelsen eller tror det vil være mulighet formeg til å besøke klassen din til høsten (jf.brev), vil jeg gjerne høre fra deg. Kontakt meg på mail: [email protected].
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Annexe C:
Une sélection des réponses du questionnaire
des enseignants
Participants : 31 Participants ayant répondu à la totalité des questions : 22
Réponses totales : 804
Accès à la totalité des réponses : https://www.onlineundersokelse.com/s/7072eaf
Annexe D:
Questionnaire des élèves
Spørreskjema På en skala fra 1-10 (hvor 10 er svært godt), hvordan vil du vurdere dine ferdigheter i fransk? Generelt: ____I muntlig forståelse (lytte):___ I muntlig produksjon (snakke):____
I skriftlig forståelse (lese)::___ I skriftlig produksjon (skrive): ____
1. a) På en skala fra 1-6, i hvilken grad tror du fransk utenfor Frankrike er likt fransk snakket i Frankrike?
Velg bare ETT alternativ og sett kryss ved det alternativet du mener stemmer.:
□ 1 : ikke likt i det hele tatt
□ 2: veldig lite likt
□ 3: litt likt
□ 4: ganske likt
□ 5: veldig likt
□ 6: helt likt
Hvis du ikke har krysset av svaralternativ nr.6, svar på spørsmål b:
b) hva tror du er annerledes med fransken snakket utenfor Frankrike? 2. a) Har du allerede vært i et annet fransktalende land enn Frankrike?
JA / Nei b) Hvis ja, nevn landet/landene hvor du har vært:
c) Noe du lot merke til ved fransken snakket der?
3. Hvilket land skal du presentere? ________________________
4. På en skala fra 1-6, i hvilken grad tror du fransken snakket der er lik fransk snakket i Frankrike? Velg bare ETT alternativ og sett kryss ved det alternativet du mener stemmer.:
□ 1 : ikke likt i det hele tatt
□ 2: veldig lite likt
□ 3: litt likt
□ 4: ganske likt
□ 5: veldig likt
□ 6: helt likt
Annexe E:
Une sélection des réponses du questionnaire
des élèves
L E S V A R I É T É S D E F R A N Ç A I S D A N S L E M O N D E F R A N C O P H O N E
Les resultats du questionnaire
På en skala fra 1-6, i hvilken grad tror du fransk utenfor Frankrike er likt fransk snakket i Frankrike?
0
5
10
15
20
25
1: ikkelikt i dethele tatt
2: veldiglite likt
3: litt likt 4: ganskelikt
5: veldiglikt
6: heltlikt
Totalt 23 elever deltok
Antall elever
V O I C I V O S R É P O N S E S
Spm 1b) Hva tror du er annerledes med fransken snakket utenfor Frankrike?
Fransken blir påvirket av andre språk(l’influence des autres langues sur le français )
- innslag av andre språk
- Innslag av andre språk fra land som er nærmere
- uttale og språket kan være påvirket av andre språk som snakkes i landet
- Jeg tror det har blitt blandet med det opprinnelige språket i landet
- Det er som engelsk og amerikansk, lik base, men snakkemåte og annet er ulikt
- Dialekter
- Hvorfor er fransken annerledes? På grunn av avstand mellom fransktalende land
Ord og uttrykk les mots et les expressions (le lexique)
- Enkelte ord, noen ord her og der,
- noen ord og uttrykk er annerledes, forskjellige, forandret,
- fransken har fått låneord
- flere fremmedord fra egen kultur
Uttale (la prononciation)
- Annerledes uttale (6 stk)
- Ikke like bra uttale
- uttalen av endelsene
- samme ord, men uttales forskjellig
- Tonefallet blir annerledes
Grammatikk (la grammaire)
- grammatikken er annerledes
- dårligere grammatisk
- enkelte skriftlige regler blir annerledes,
- ordsetting,
- setningsoppbygning
Annexe F:
Support écrit de l'exercise
Si vous avez des questions, vous pouvez me contacter par mail
Ladecouverted'uneautrevarietedufrançaisGroupedepresentation:Mali
Exercice: Ecoutez l'extrait (autant de fois que vous souhaitez) et répondez aux questions suivantes: Donnez vos impressions du français du locuteur MAB:
Sur un échelle de 1 à 5 trouvez-vous que le français du locuteur est différent du français que vous entendez en classe ( Enchantée II, des films) ?
□ 1 : pas du tout différent = identique (ikke ulik i det hele tatt = helt lik)
□ 2: un peu différent (litt ulik)
□ 3: assez différent (ganske ulik)
□ 4: très différent (veldig ulik)
□ 5: complètement différent (helt ulik)
- Selon vous , qu'est-ce qui est différent? Trouvez des exemples dans l'extrait pour
illustrer ces différences.
Présentez vos réponses en classe lors de la présentation.
- Trouvez- vous que cet extrait est difficile à comprendre? Pourquoi? Locuteur interviewé: MAB(MAABH1) 1
- habite à Bamako, Mali - 24 ans - Langue maternelle: songhai (L1), tamasheq (langue du grand-père), bambara (un peu);
francais
1 Extrait tiré de la base de donnés du projet PFC : accès à l’enregistrement entier : http://www.projet-pfc.net/base/hyperaudio/index.php?folder=maabh1&type=g
Si vous avez des questions, vous pouvez me contacter par mail
Sujet de conversation: Les langues parlées par le grand père et par MAB (MAB a été élevé par son grand père.)
Transcriptiondelaconversation:E1: Donc vous, quand vous étiez, votre grand-père, qu'est-ce qu'il parlait comme langue,
alors?
MAB: Il parle la langue tamasheq.
E1: Oui.
E1: tamasheq, c'est ça?
MAB: Oui, la langue tamasheq.
E1: Oui, et
MAB: c’est une langue de la région de Gao, du nord
E1: Mhm.
E1: Et le, donc votre grand-père vous parlait simplement tamasheq quoi?
MAB: Non, il ne parle pas tamasheq, (il) comprend songhaï.
Sinon, mais j’entends tamasheq, mais je ne peux pas m’exprimer comme
Je ne peux pas m’exprimer comme en langue euh français comme ca
Je peux m'exprimer un peu en tamasheq, mais, mais pas, pas tellement, quoi.
Je ne comprends pas bien la langue tam/ mais j'entends tout ce qu'on me dit.
Sinon lui, il me parle tamasheq, mais c'est moi qui, qui n'essaye pas de parler.
Sinon, j'entends ce qu'on m'a dit, mais je ne compr/, mais je ne peux pas parler très
bien.
E1: Donc, qu'est-ce que vous, vous parliez alors, avec votre grand-père?
MAB: On parle songhaï.
E1: Songhaï, oui.
E1: Donc lui, il parlait tamasheq et vous, vous parliez songhaï?
E1: Aha.