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La variation diatopique dans l’enseignement du français en Norvège Le français parlé hors de France en classe de VG2? Eline Skaare Amundsen Directrice de mémoire: Chantal Lyche FRA 4191 Masteroppgave i fransk, lektor- og adjunktprogrammet (60SP) ILOS, HF UNIVERSITETET I OSLO Vår 2015

La variation diatopique dans l’enseignement du français en

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Page 1: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

La variation diatopique

dans l’enseignement du français

en Norvège

Le français parlé hors de France en classe de VG2?

Eline Skaare Amundsen

Directrice de mémoire: Chantal Lyche

FRA 4191

Masteroppgave i fransk, lektor- og adjunktprogrammet (60SP)

ILOS, HF

UNIVERSITETET I OSLO

Vår 2015

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III

La variation diatopique dans

l’enseignement du français en Norvège

Le français parlé hors de France en classe de VG2?

Eline Skaare Amundsen

Directrice de mémoire: Chantal Lyche

FRA 4191 – Masteroppgave i fransk, lektor- og adjunktprogrammet (60SP)

ILOS, HF, UiO

Vår 2015

Page 4: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

IV

© Eline Skaare Amundsen

2015

La variation diatopique dans l’enseignement en Norvège : le français parlé hors de France en

classe de VG2?

Eline Skaare Amundsen

http://www.duo.uio.no/

Trykk: Reprosentralen, Universitetet i Oslo

Page 5: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

V

Remerciement

Tout d’abord, je tiens à exprimer ma sincère gratitude et reconnaissance à ma directrice de

mémoire, Chantal Lyche. Son grand engagement et soutien ainsi que ses conseils et

remarques m’ont permis de mener ce projet à bien. Tout au long du travail, elle s’est montrée

particulièrement disponible et flexible.

Je tiens également à remercier Marie-Hélène Côté pour le fichier sonore qu’elle m’a fourni

ainsi que ses commentaires, sans lesquels l’étude des manuels aurait été incomplète.

Un grand merci à Mona Elset qui a bien voulu m’accueillir dans sa classe et participer à mon

projet, et aux élèves d’Eikeli vgs qui y ont participé de bon gré. J’aimerais aussi remercier

tous les enseignants qui ont répondu à mon questionnaire.

Je veux aussi exprimer ma reconnaissance à Kari Ryan, rédactrice de Lingua Planet Fransk,

qui s’est intéressé à mon projet et m’a donné accès à ce manuel lors de mon projet. Merci

beaucoup à Hélène Celdran qui m’a fait découvrir ce manuel.

Je souhaite finir par remercier mon conjoint, ma famille et mes amis pour leur soutien et

encouragements. Heureusement que vous étiez à mes côtés.

Page 6: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

VI

Page 7: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

VII

Table des matières

1 Introduction ....................................................................................................................1

2 Le français dans tous ses états .........................................................................................5

2.1 La variation linguistique ...........................................................................................6

2.1.1 La variation refoulée aux marges de la langue ...................................................6

2.1.2 Autour de la notion de variation ........................................................................8

2.2 La variation diatopique dans l’espace francophone hors Hexagone ......................... 11

2.2.1 L’espace francophone ...................................................................................... 11

2.2.2 Diversité des situations, diversification du français .......................................... 14

2.3 En guise de conclusion : trois zones francophones à présenter linguistiquement ..... 20

3 La variation diatopique selon les directives de l’enseignement du FLE ......................... 21

3.1 L’étude d’une deuxième langue étrangère en milieu scolaire norvégien .................. 21

3.2 La variation diatopique dans le programme d’enseignement ? ................................ 24

3.2.1 Le programme des langues étrangères ............................................................. 24

3.2.2 Le programme d'anglais comme source d'inspiration ....................................... 30

3.3 La variation diatopique dans l'apprentissage des langues selon le CECR ................. 32

3.4 Les objectifs à envisager pour la sensibilisation à la variation diatopique ................ 35

4 La variation diatopique dans les manuels norvégiens de FLE ........................................ 37

4.1 Présentation générale des manuels ......................................................................... 38

4.2 Les manuels Contours et Enchanté 2 et leur présentation du monde francophone ... 40

4.2.1 Le monde francophone selon Contours ............................................................ 41

4.2.2 Le monde francophone selon Enchanté 2 ......................................................... 44

4.2.3 Synthèse de la présentation du monde francophone des manuels ..................... 54

4.3 Analyse approfondie d’un texte représentant la variété de français québécois ......... 55

4.3.2 Étude lexicale .................................................................................................. 57

4.3.3 Etude phonologique ......................................................................................... 63

4.4 Critères pour illustrer une variété donnée ................................................................ 66

5 La sensibilisation à la variation diatopique en classe de VG2 ........................................ 69

5.1 La variation diatopique comme objet d’enseignement ............................................. 69

5.1.1 Les enseignants, leurs pratiques, compétences et attitudes .............................. 69

5.1.2 La sensibilisation à la variation diatopique, quel intérêt et quel impact sur

l’apprentissage des élèves?............................................................................................ 72

Page 8: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

VIII

5.2 Comment sensibiliser les élèves à la variation diatopique du français? .................... 75

5.2.1 Réflexions critiques et didactiques sur notre intervention en classe .................. 75

5.3 Pistes didactiques et ressources pour introduire la variation diatopique en classe .... 82

5.3.1 Trois pistes didactiques ................................................................................... 82

5.3.2 Ressources pour introduire la variation diatopique ........................................... 84

5.3.3 Pour conclure .................................................................................................. 87

6 Conclusion .................................................................................................................... 89

Bibliographie ........................................................................................................................ 93

Annexes

Table des annexes

Annexe A: Vue d’ensemble des textes examinés des manuels

Annexe B: Questionnaire électroniques des enseignants

Annexe C: Une sélection des réponses du questionnaire des enseignants

Annexe D: Questionnaire des élèves

Annexe E : Une sélection des réponses du questionnaire des élèves

Annexe F: Support écrit de l’exercice

Page 9: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

1

1 Introduction

La présentation de documents authentiques, qui sert d’ancrage aux approches

actuelles de l’enseignement du FLE ne requiert-elle pas que l’on fasse écouter les

voix réelles de la francophonie aux apprenants sans toutefois – et j’insiste là-dessus –

leur demander de les imiter (Valdman, 1996, cité par Valdman, 2000, p.655).

Dans la longue histoire de l’étude des langues et ainsi dans celle de l’enseignement des

langues, la variation linguistique a été perçue comme un sujet profondément marginal, et

particulièrement en France (Laks, 2013). En revanche, dans les sciences du langage du XXIe

siècle, la variation est devenue un objet d’étude digne d’intérêt. Grâce à la constitution de

grands corpus du français parlé ces dernières décennies, on commence à mieux connaître la

réalité langagière du français, non seulement celle en France, mais aussi le français tel qu’il

est réellement utilisé dans l’espace francophone. Ces grands corpus oraux nous donnent alors

un accès direct à la grande diversité du français à travers le monde, permettant de constater

qu’il n’existe pas un français unique, mais des français, au pluriel, ou des variétés de français.

Ces nouvelles données du français dans sa diversité commencent aussi avoir une répercussion

dans le champ du FLE. Dans la littérature du FLE (voir Bertrand & Schaffner, 2010 ; Gadet,

2004, Valdman, 2000), la question de la variation est devenue un sujet d’actualité. On remet

en cause de la place absolue accordée au français dit « standard » et s’interroge sur celle à

réserver à la variation et sur sa gestion dans l’enseignement du français.

Ces questions se trouvent également au cœur de ce mémoire, mais se borneront à la variation

géographique du français parlé hors de France dans l’enseignement du FLE en Norvège. Nous

nous interrogerons sur la place le traitement de la variation géographique, aussi nommée

diatopique, du français parlé hors de France dans l’enseignement du FLE en Norvège, et plus

précisément si seul le français « standard » doit être ciblé pour le développement des

compétences orales des apprenants en Norvège, ou bien, si le français parlé dans l’espace

francophone hors Hexagone doit aussi être pris en considération. Précisons d’emblée que le

français parlé hors de France souffre d’être souvent perçu comme un thème doublement

marginal, à l’extérieur de la norme et à l’extérieur de l’Hexagonal.

Page 10: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

2

Cependant, à l’école norvégienne, c’est précisément le français parlé hors de France qui

constitue l’argument de taille pour encourager les élèves à choisir le français comme langue

étrangère.1 On met particulièrement en valeur la possibilité de communiquer avec des

locuteurs d’origines variées du monde entier, dans le cadre des études, du travail ou lors des

vacances. En d’autres termes, la pluralité des usages du français à travers le monde est utilisée

pour attirer les élèves. Il semble alors naturel que l’enseignement lui-même présente aux

élèves cette pluralité au cours de leur apprentissage du français, que l’on commence à

préparer les élèves à entrer en contact avec des francophones d’origines variées. Mais est-ce

réellement le cas? C’est ce que nous allons tenter d’examiner dans ce travail.

Nos questions de recherche sont les suivantes : dans quelle mesure la variation diatopique

est-elle traitée dans l’enseignement du français en Norvège ? Comment est-elle traitée ?

L’enseignement est-il optimal ?

Afin de mesurer la place accordée à la variation diatopique et d’évaluer l’état actuel de

l’enseignement du français à ce propos, nous avons mis l’accent sur l’étude des manuels du

FLE actuellement en usage en Norvège. Ce choix s’explique par le fait que les manuels jouent

un rôle décisif à l’école norvégienne concernant les thématiques et aspects abordés dans

l’enseignement, y compris en classe de langue (Udir, 2005). Les deux manuels qui vont faire

l’objet d’une étude sont Enchante 2 (Hønsi, Kjetland & Liautaud, 2007; 2013) et Contours

(Ankerheim & Lokøy, 2007; 2009). La sélection de ces manuels s’est imposé d’elle-même

étant donné que ce sont ces deux manuels qui abordent la thématique du monde francophone

de façon plus approfondie.

Pour les deux manuels, la thématique du monde francophone est prévue pour la deuxième

année du niveau II, en classe de VG2 au lycée, c’est-à-dire lors de la cinquième année de

l’apprentissage du français. Il s’ensuit que notre travail se borne principalement à ce niveau-

là, qui nous semble d’ailleurs opportun en ce qui concerne la variation, étant donné que les

élèves ne sont pas des débutants, mais se trouvent à un stade plus avancé de l’apprentissage.

En plus de l’étude des manuels, nous avons proposé un questionnaire aux enseignants au

lycée et nous sommes intervenue dans un lycée pour réaliser une activité portant sur la

variation diatopique en classe de français, ce qui nous a permis d’apporter d’autres éléments à

1 Il existe différents sites et brochures élaborés dans cette optique, voir par exemple

http://www.sprakvalg.no/#fransk, site proposé par Fremmedspråksenteret et leur brochure Fransk i Verden ;

http://velgfransk.no/ (élaboré par Fransklærerforeningen)

Page 11: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

3

notre sujet de recherche, notamment des propositions d’amélioration et des pister à envisager

pour le traitement de la variation diatopique en classe de français en VG2.

Dans le Chapitre 2, nous abordons le sujet de la variation diatopique du point de vue

linguistique afin de montrer que le français parlé à travers le monde est particulièrement

variable et hétérogène. La présentation de l’espace francophone va aussi nous permettre de

délimiter les zones qui devront être présentées dans l’enseignement du français.

Ceci étant posé, nous nous tournerons vers le terrain de l’enseignement. Dans le Chapitre 3,

nous examinerons les directives de l’enseignement du français en Norvège par rapport à ce

qu’elles expriment quant au traitement de la variation diatopique, en particulier en ce qui

concerne le niveau et les objectifs à viser pour ce propos. Ce chapitre nous permettra aussi de

décrire le cadre dans lequel s’inscrit ce travail.

Notre interprétation des directives sera confronté aux manuels dans le chapitre 4 lorsque nous

étudierons dans quelle mesure et comment ils traitent le français parle hors de France lors de

la thématique du monde francophone, et si ce traitement est optimal. Le chapitre 5 représente

un travail de terrain en classe de français VG2. Nous aborderons d’abord la question de la

variation diatopique du point de vue des enseignants enquêtés avant de nous tourner vers

l’aspect pratique et proprement didactique de ce mémoire, à savoir comment sensibiliser les

élèves à des variétés de français hors de France. Pour conclure, nous ferons le bilan de notre

travail dans le chapitre 6 et terminerons par quelques réflexions concernant notre sujet.

Page 12: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

4

Page 13: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

5

2 Le français dans tous ses états2

« Il n'est pas de langue que ses locuteurs ne manient sous des formes diversifiées » (Gadet,

2007, p.13). La langue française n'en est pas une exception. Comme l’attestent les grands

corpus oraux du français contemporain, il y a des formes variables du français à tous les

niveaux de l'analyse linguistique qui se manifestent de façon hétérogène selon le locuteur

francophone et la situation de communication en question. La variation constitue ainsi une

caractéristique fondamentale de la langue, notamment de la langue parlée qui est le lieu par

excellence de la variation. Il s’ensuit que, lorsque l’on vise à présenter aux élèves ce qui est

réellement le français, il est nécessaire de prendre en considération sa variabilité, sans laquelle

toute présentation sera incomplète. Tel est du moins notre point de vue et c’est pourquoi notre

sujet de mémoire porte sur la sensibilisation des élèves à un aspect de la variabilité de

français, et plus particulièrement le français parlé hors de France.

Dans ce premier chapitre, nous nous intéressons au versant linguistique du sujet de ce travail,

qui constituera la base pour aborder le versant didactique dans les chapitres suivants. Nous

commencerons par introduire la variation de manière générale. D’abord d’un point de vue

historique, où nous aborderons les principales raisons pour lesquelles la variation a été jusqu’à

relativement récemment occultée dans les descriptions des langues, celle du français en

particulier, ce qui a vraisemblablement influencé son enseignement. Nous passerons ensuite

en revue des notions liées à la variation, en mettant l’accent sur la variation diatopique, avant

de nous tourner vers la variation diatopique du français hors de France. Pour aborder cet

aspect, nous nous intéresserons surtout aux grandes zones francophones extrahexagonales, du

point de vue historique et du point de vue actuel, ce qui permettra de se rendre compte

pourquoi le français parlé hors de l’Hexagone se différencie du français de France. En guise

de conclusion, nous proposerons une suggestion des zones à représenter lors d’une

sensibilisation au français parlé hors de France.

2 Ce chapitre a tiré son titre de l’ouvrage de Cerquiglini et al.(2000) : Tu parles ?! Le français dans tous ses états

Page 14: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

6

2.1 La variation linguistique

2.1.1 La variation refoulée aux marges de la langue

Dans les sciences du langage du XXIe

siècle, le phénomène de la variation est largement

reconnu comme intrinsèque à toute langue vivante. Par conséquent, il se trouve souvent placé

au cœur même du modèle linguistique. Cependant, la variation s’est longtemps vue refoulée

aux marges de la langue. Dans cette partie, nous donnerons un bref aperçu des principales

raisons pour lesquelles la variation a été écartée dans les descriptions du français, d’abord par

le biais du français « standard » et ensuite, par les approches dominantes de la linguistique

générale du XXe siècle. Nous nous appuyons sur Laks (2013) pour montrer que l’explication

de cette absence d’intérêt pour la variation, est liée à deux types d’oppositions classiques

concernant la description des langues : l’opposition entre prescription et description et celle

entre exemplum et datum. Nous terminerons par l’approche actuellement en plein essor

permettant de saisir la variation.

Le français « standard », prescription et idéologie

Une idée particulièrement dominante et très répandue sur le français est celle d’une « langue

unifiée, immuable dans le temps, l'espace, la société, les usages, exempt de variation, de

mélanges, d'hétérogénéité » (Blanchet, 2013, p.103). Il n’y a pas de doute que cette image

d’un français homogène renvoie au français dit « standard » ou de « référence » (désormais

FR), présenté dans les ouvrages normatifs et dans la majorité des manuels du FLE comme

étant sinon « le » français, du moins la seule forme de français correcte dit le bon usage,

conséquence d’être la norme ou le modèle de langue à suivre.

Or, si cette langue que l’on enseigne est homogène et sans variation, c’est parce que sa

description est normative et se base sur la prescription, c’est-à-dire un ensemble de règles qui

dictent comment le français devrait être utilisé, souvent dans des formulations telles que «dire

X, ne pas dire Y» (Moreau, 1997). Cette phrase est l’illustration même que la variation

accompagne toujours la norme, car, en condamnant la forme Y comme faute, on admet

cependant son existence dans les usages. On voit alors comment la description normative

opère pour situer la variation en dehors de la langue « standard », un processus qui commence

par la codification de la langue.

Page 15: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

7

La codification du français, XVe-XVIII

e siècles, a été particulièrement rigide (Lodge, 1997).

Pour notre propos, il est également utile de se rappeler que le futur français de « référence »

devait se constituer majoritairement à partir de la démarche de l’exemplum, c’est-à-dire que

les grammairiens chargés de la tâche se sont appuyées sur une petite liste d’exemples,

notamment des citations des meilleurs auteurs tels que les grands classiques du XVIIe siècle,

pour en déduire les formes qu’ils jugeaient correctes, reflétant ainsi leur opinion subjective et

leur système de valeurs (Laks, 2013). En d’autres termes, le FR ne s’est pas fondé dans les

usages effectifs de parole et est par conséquent profondément problématique pour la langue

parlée. Comme le souligne Laks (2002), la norme de référence pour l’oral est:

une construction purement doxique cumulant descriptions anciennes et analyses

classiques, intuition et remarques personnelles de nombreux phonologues, notations

plus contemporaines et analyses partielles d’usages spécifiques (Laks, 2002, p.6,

nous soulignons).

Laks parle d’ici de la norme de prononciation, mais cela est aussi valable pour les autres

domaines linguistiques, le fruit de la prescription basée sur l’exemplum. On voit donc à quel

point le FR représente une forme de langue idéalisée, que personne ne parle réellement, ou

pleinement, même pas les « Parisiens cultivés dans un registre soigné » à qui il est coutume de

le circonscrire de nos jours (Lyche, 2010, p.145).

Néanmoins, la prédominance de la description normative en France et la survalorisation du

français « standard » dans sa forme écrite ont profondément marqué les esprits des Français,

mais aussi les francophones hors Hexagone et même des enseignants de FLE. De là découle la

représentation du français comme langue homogène et invariable, ce qui n’est en réalité

qu’une idéologie. Une idéologie qui pèse cependant lourd sur le locuteur qui souhaite bien

parler cette langue (Gadet, 2007). Il semble vraisemblable que cette idéologie ait ? aussi

influencé les sciences du langage en France compte tenu que la variation et la langue parlée

ont mis plus longtemps qu’ailleurs pour devenir un véritable objet d’étude (Gadet, 2003b).

Mais avant d’aborder l’approche qui prend en compte la variation, soulignons d’abord

pourquoi ce n’est pas le cas pour les deux grands courants linguistiques du XXe siècle.

La linguistique du XXe siècle: de l’exemplum au datum

À l’aube du XXe siècle, une nouvelle ère se fait jour pour la description des langues, la

linguistique moderne. À partir des idées théoriques de Saussure, cette nouvelle linguistique se

détachera de la grammaire normative, car elle se veut descriptive, démunie de tout jugement

Page 16: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

8

de valeurs. Cependant, la variation demeure toujours aux marges de la langue, puisque la

linguistique structurale tout comme la Grammaire Générative sont essentiellement des

sciences de l'exemplum, proposant des descriptions à partir d’une liste d’exemples (Laks,

2013).

Il faudra attendre les années 1960s et l'avènement de la sociolinguistique pour que la variation

et l'hétérogénéité des usages deviennent des véritables objets d'étude, dignes d'intérêt, et

placées au cœur même du modèle linguistique. Les travaux sociolinguistiques, en particulier

ceux de William Labov, vont être décisifs pour poser les fondements méthodologiques de

l’approche prenant en compte la variabilité des pratiques langagières, la description fondée

sur le datum. Cette approche empirique accorde alors la primauté aux données langagières,

recueillies lors d’enquêtes de terrain auprès des locuteurs diversifiées de la communauté en

question.3 Les données retenues forment le corpus à partir duquel le modèle linguistique sera

construit (Laks, 2013).

Dans les sciences du langage du XXIe siècle, la linguistique descriptive du datum est en plein

essor, et ce, aussi en France, rattrapant peu à peu son retard dans le domaine, notamment par

le biais des grands corpus oraux du français qui se sont constitués ces dernières décennies

(Gadet, 2013). Aujourd’hui, nous disposons alors des descriptions du français contemporain,

tel qu’il est réellement parlé dans sa diversité. Ce qui permet d’aller au-delà de la description

normative du français et de présenter aux élèves le français parlé ainsi que son caractère

intrinsèque qui est la variation.

2.1.2 Autour de la notion de variation

La variation au sens linguistique et extralinguistique

Suite aux travaux sociolinguistiques, la notion de variation devient un concept couvrant à la

fois des phénomènes linguistiques et extralinguistiques. Du point de vue linguistique, le terme

variable linguistique signifie qu’un fait de langue peut se réaliser de différentes manières.

C’est-à-dire qu’il existe dans les usages une ou plusieurs formes, nommées variantes, en plus

de la variante « standard », « permet[tant] de dire « la même chose » » (Calvet, 1993a, p.71).

Au sens linguistique, le terme variation est alors utilisé pour classer les différentes variantes

3 Ce point est important, comme le souligne la note ci-dessus, car si les données sont uniquement recueillies

auprès des locuteurs considérés comme les détenteurs du « bon usage », l’objectif sera prescriptif.

Page 17: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

9

par rapport aux domaines linguistiques. On parlera ainsi de la variation phonologique, la

variation lexicale et la variation morphosyntaxique. Ces différents domaines ne font pas

l'objet de variation au même degré et dans chaque ordre, la majorité des éléments se montrent

stables, souvent appelé « le noyau dur », contre une minorité d'éléments plus instables et

variables (Gadet, 2007). En répertoriant les différents phénomènes de variation, des zones de

variabilité se dessinent. Pour le français, la phonologie et le lexique constituent les deux

domaines dans lesquels se trouvent le plus grand nombre des faits variables (Gadet, 2003a).

À l’intérieur de ces zones variables, on peut distinguer entre deux types de variation. Pour le

premier, il s’agit des éléments de variation qui n’ont pas de signification sociale, ou dit

autrement, qui ne font référence à aucun facteur extralinguistique. Ils sont désignés sous

l’appellation de variation inhérente et sont le témoignage même de la nature profondément

instable et hétérogène de toute langue (Weinreich et al, 1968, cité par Laks, 2013). Pour le

deuxième groupe, il est question des variantes qui sont associées à des dimensions externes de

la langue, c’est-à-dire des variables extralinguistiques qui caractérisent soit le locuteur, soit la

situation de communication. Elles prennent ainsi une signification sociale, permettant de dire

quelque chose sur le locuteur ou la situation de communication en question.

Pour donner une vue d’ensemble des cinq types de variation extralinguistiques et les

dimensions auxquelles ils sont associés, nous reprenons le tableau proposé par Françoise

Gadet (2007), distinguant entre les types de variation qui se manifestent selon l'usager, dite la

variation interlocuteur, et selon l'usage, la variation intralocuteur. (p.23) :

Variation selon

l’usager

temps changement diachronie

espace géographique, régional, local,

spatial diatopie

société, communauté social diastratie

Variation selon

l’usage

styles, niveaux, registres situationnel, stylistique,

fonctionnel diaphasie

canal oral/ écrit diamésie

Tableau 1: représentation de la variation extralinguistique (Gadet, 2007, p.23, nous soulignons)

Ce qui nous préoccupe dans ce travail, ce sont les usages diversifiés du français à travers

l’espace francophone. En d’autres termes, la variation qui se manifeste entre des locuteurs

francophones d'origine différente, à savoir la variation diatopique. Précisons tout de même

qu’à l’intérieur de la variation diatopique, tous les autres types de variation extralinguistiques

Page 18: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

10

vont se superposer. Autrement dit, au sein d’une communauté francophone donnée, il y aura

de la variation interlocuteur, relative aux caractéristiques sociodémographiques des locuteurs

(âge, niveaux d’études, profession etc.) et de la variation intralocuteur, effets des facteurs liés

à la situation de communication (la formalité, l’interlocuteur, le sujet de conversation, etc.) et

du canal par lequel le message est transmis. Avant de nous tourner vers l’espace francophone,

abordant quelques aspects par rapport à la variation diatopique.

La variation diatopique

Contrairement aux autres types de variation extralinguistiques, l’étude de la diatopie, « du

grec dia-, «distinction, séparation», et topos, «lieu» » (Neveu, 2004, p.104), en matière de

langue ne date pas de la sociolinguistique. Ses origines remontent au XIXe siècle, où la

variation diatopique a fait l'objet de nombreux travaux descriptifs et forme même sa propre

discipline, la dialectologie (Durand, Laks & Lyche, 2003). Il s’ensuit qu’aujourd’hui la

variation diatopique est un objet d’étude partagé par plusieurs domaines qui se sont

mutuellement influencés, à savoir, la dialectologie, sa sous-discipline, la géographie

linguistique ainsi que la sociolinguistique (Trudgill, 1982).

En sociolinguistique, il est coutume d’utiliser le terme de variété pour désigner un ensemble

de caractéristiques langagières que l’on peut attribuer à un lieu géographiquement déterminé

(L’Hôte, 2007).4 Concernant le français parlé hors de France, ce sont précisément les traits

langagiers, ou variantes, que partagent généralement les membres d'une communauté

francophone, qui se différencient en même temps du français de « référence » et du français

parlé en France et dans les autres zones géographiques.

En employant certains traits typiques de son variété de français, le locuteur francophone

révèle ainsi son appartenance géographique, ce qui est considérée comme partie prenant de

son « identité linguistique » (Moreau, 1997, p.161). Avec une connaissance des traits typiques

de différentes variétés, il est alors possible d’identifier l’origine géographique de son

interlocuteur. Comme nous le montrerons dans le chapitre suivant, cet aspect est d’ailleurs

accordé une certaine importance dans les approches didactiques actuelles. Mais avant cela, il

est temps maintenant de faire place à une exploration de l’espace francophone hors de France

et des réalités du français dans cet espace, essentielle pour ce travail.

4 Cette notion est considéré comme plus neutre que le terme patois et généralement préférée au terme de dialecte

en français

Page 19: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

11

2.2 La variation diatopique dans l’espace

francophone hors Hexagone

Pour aborder la variation diatopique du français hors de France, il est nécessaire de porter un

regard sur l’espace vaste et éclaté dans lequel le français est en usage, nommé la

francophonie. Précisons qu’au fil du temps, les termes francophonie et francophone ont pris

plusieurs significations. Etant donné que notre perspective est linguistique, nous utilisons ces

termes dans leur sens premier, c'est-à-dire désignant « l'ensemble des personnes parlant

français » en tant que langue première (L1) ou langue seconde(L2),5 « de même que les

territoires qu'elles peuplent » (Pöll, 2001, p.19). Pour désigner de manière générale ces

espaces géopolitiques de différents ordres, nous utiliserons le terme de région ou de

communauté francophone.

Dans la littérature sur le français dans l’espace francophone, il semble y avoir un accord pour

reconnaître que le français est véritablement pratiqué hors de la métropole, dans 5 grandes

zones: l'Europe, notamment la Suisse romande et la Belgique francophone, l'Amérique du

Nord, le Québec, l'Afrique subsaharienne, l'Afrique du Nord et les quatre Départements et

Régions d'outre-mer (ci-après les DROM ou zone créolophone) (cf. Detey et al., 2010; Gadet,

2013 ; Pöll, 2001).

Nous commencerons par une présentation de l’espace francophone, puis nous donnerons une

vue d’ensemble des grandes zones francophones par le biais de deux typologies de l’espaces

francophone. Cela va nous permettre d’une part, d’aborder la diversité des situations du

français au sein de cet espace, et d’autre part, sélectionner les zones qui devraient être

présentées linguistiquement aux élèves.

2.2.1 L’espace francophone

Les francophones dans le monde

L'anglais et le français sont les seules langues qui se parlent sur les cinq continents.

Cependant, en termes de nombre de locuteurs, le monde anglophone dépasse largement la

francophonie. En ce qui concerne le dénombrement des francophones, une tâche d'ailleurs peu

aisée, les estimations sont loin d'être unanimes. Nous nous fondons ici sur les estimations de

5 Nous entendons par des locuteurs de français langue seconde, ceux ayant appris la langue durant leur scolarité

qui se déroule largement en français.

Page 20: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

12

l'Organisation internationale de la Francophonie (ci-après l'OIF), diffusées dans son rapport

de 2014. À notre connaissance, ce sont les estimations les plus récentes. Elles nous semblent

d’ailleurs plus réalistes par rapports à celles fournies par l’OIF antérieurement. Selon ce

nouveau rapport, il y a actuellement environ 212 millions de personnes dans le monde qui

«na[issent] et viv[ent] aussi en français, c’est-à-dire qu’ils font un usage quotidien de la

langue française » (Wolff et al., 2014, p.5).6 Ces personnes sont des locuteurs de français L1

ou L2 et peuvent ainsi être définis comme des francophones dans le sens que nous

l’entendons ici. 7

Les francophones n’utilisent toutefois pas le français au même degré, ni dans les mêmes

contextes et se répartissent de façon inégale entre les différents continents. Avec 54,7% des

francophones du monde, l’Afrique se place en tête du classement, suivi par l’Europe avec

36,4%, puis par l’Amérique et les îles Caraïbes, avec un taux de locuteurs beaucoup moins

important (7,6%).8 Ce rapport semble alors confirmer que l’inversion entre l’Afrique et

l’Europe en termes de proportion de francophones, commencée suite à la libération des

anciennes colonies en Afrique subsaharienne, est maintenant une réalité (Boutin, 2010). Une

réalité qui ne va sûrement que s’accentuer dans l’avenir, comme le nombre de locuteurs

francophones africains subsahariens ne cesse de s’augmenter, 15%, rien qu’en quatre ans

(Wolff et al., 2014, p.8).9

Néanmoins, si l’Europe n’est plus le continent avec le plus haut taux de francophones, elle

demeure toujours celui habitant la majorité des francophones natifs. Dans les principales

régions en Europe, on compte environ 1,5 million des francophones en Suisse (Andreassen,

Maître & Racine, 2010) et en Belgique, environ 4 millions (Pöll, 2001).10

Hors d’Europe, il

n’y a qu’au Québec où la population est majoritairement francophone et native, d’environ 6

6 Ce rapport est disponible sur le site de l’OIF : http://www.francophonie.org/-Rapports-.html. 7 Notons l’OIF comprend dans le terme de « francophone » les personnes de français langue étrangères (L3) et

compte par conséquent un total de 274 millions de francophones. 8 Loin derrière se situent le Moyen Orient avec 0,9% et l’Asie et l’Océanie avec 0,3 %. Selon nos calculs, il y

aurait donc d’environ 115, 96 millions francophones en Afrique pour 77,17 millions en Europe et 16,11 en

Amérique et aux Caraïbes. Les estimations de l’OIF sont vraisemblablement un peu exagérées. Ajoutons que le

recensement des locuteurs « réels » en Afrique est particulièrement difficile. Il ne faut donc pas prendre cette

répartition comme absolu, mais plutôt comme un aperçu. 9 Par rapport à l’estimation de l’OIF en 2010 10 Ces chiffres sont des estimations comme il n’a pas eu de recensement linguistique en Belgique depuis 1947

Page 21: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

13

millions (Eychenne & Walker, 2010). Le Québec constitue alors la deuxième région

francophone native, loin derrière la France, avec une population d’environ 66,3 millions.11

L’espace francophone, entre le centre et la périphérie

Comparé aux mondes anglophone, hispanophone et lusophone, la francophonie constitue un

cas particulier. La France demeure la seule ancienne métropole ayant conservé son poids

d’importance vis-à-vis de ces anciens territoires. Dans l’« univers hypercentralisé » qui est la

francophonie, la France se positionne au centre alors que les autres communautés hors

Hexagone occupent « une position périphérique » (Klinkenberg, dans Moreau & al., 2007,

p.3). 12

Cette position périphérique, ou subordonnée, par rapport à la France se fait particulièrement

sentir du côté de la langue, notamment dans les représentations. Comme l’ont démontré de

nombreuses enquêtes, il y a une tendance très répandue chez les francophones

extrahexagonaux, peu importe leur origine, de représenter le français parlé en France comme

la variété la plus prestigieuse, le « bon » français, au détriment de leur propre variété, qui est

évaluée de façon dévalorisante. Ils évoquent ainsi un certain sentiment d’insécurité

linguistique (cf. Francard,1993). Une telle perception est vraisemblablement en partie liée à la

survalorisation du français de « référence » et de son idéologie, transmises par l’école en

particulier (Moreau, 2008).

Cependant, cette attitude linguistique mérite d’être relativisée. Il semblerait qu’il renvoie à

une représentation abstraite, « le produit d’un imaginaire collectif », ce qui a révélé les

résultats édifiants d’une série d’études présentée dans Moreau et al. (2007, p.6). En réalité,

dès qu’il s’agit d’évaluer des usages réels, les pratiques langagières des Français ne sont pas

mieux considérées que celles de leur propre communauté. Ce n’est pas l’origine géographique

qui est le facteur déterminant pour la valorisation ou la stigmatisation d’une variété, mais le

facteur social : « les mieux considérées sont, sans contredit, celle des personnes fortement

scolarisées, celles des milieux socio-culturellement dominants, qu’ils soient de Belgique, de

11 Selon les dernières estimations d’Insée (2015): http://www.insee.fr/fr/themes/detail.asp?ref_id=bilan-

demo&reg_id=0&page=donnees-detaillees/bilan-demo/pop_age2b.htm 12 Précisons que Paris se situe au cœur du centre et la « Province » dans la périphérie dans les différents

domaines de la société (politique, linguistique, culturel etc.)

Page 22: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

14

France, du Québec [, du Sénégal] ou de Suisse » (Moreau et al., 2007, p.58).13

En d’autres

termes, comme le concluent les auteurs, malgré les idées reçues, le FR n’est pas la seule

norme du français dans la francophonie. Il y a aussi des normes locales en vigueurs dans

différentes communautés francophones.14

En outre, les variétés nationales sont souvent considérées par les locuteurs comme

l’expression linguistique de leur identité nationale et qu’ils ne souhaitent pas par conséquent

de parler comme en France (Moreau, 2008). Ces résultats fournissent ainsi un argument

supplémentaire pour reconnaître et légitimer les variétés extrahexagonales dans

l’enseignement du FLE.

Par ailleurs, nous disposons aujourd’hui des ressources nécessaires pour mieux connaître ces

variétés de français parlé hors de France : de nombreux travaux descriptifs et de grands corpus

oraux tels que le projet PFC - Phonologie du Français Contemporain, attestant la diversité

des usages du français à travers le monde francophone. Bien que cette réalité ait longtemps

été occultée par une perspective linguistique franco-centrée, « le français est bien la seule

langue au monde dont la palette de diversité se rapproche de celle de l’anglais, même si c’est

loin derrière l’anglais » (Gadet, 2011, p. 131). Nous proposerons dans la partie suivante

d’aborder des facteurs et conditions qui ont contribué à cette variabilité.

2.2.2 Diversité des situations, diversification du français

Dans cette partie, nous viserons à fournir une vue d’ensemble de la diversité des situations du

français dans les principales aires francophones extrahexagonales. Pour le faire, nous nous

appuyons sur deux classifications de l’espace francophone considérées comme

fondamentales, que Pöll (2001) présente dans son ouvrage Francophonies Périphériques.15

Nous commençons par la première typologie qui aborde l’espace francophone du point de vue

historique et classifie les régions par rapport à la manière dont le français s'y est diffusé.

Ensuite, nous nous tournerons vers la deuxième typologie qui catégorise la francophonie entre

13 Nous avons ajouté Sénégal comme les résultats de cette étude ont montré. D’ailleurs les enquétés sénégalais

tout comme ceux de Québéc favorisent la variété normé de leur propre communauté (Moreau et al. 2007, p. 59). 14 Du moins pour le Québec et le Sénégal (comme norme de cette communauté ou de cette zone). En ce qui

concerne l’Europe, les variétés belges, suisse et françaises ont généralement été hiérarchisées de même manière

selon le critère socioculturel. L’identificat il est difficile à dire par conséquent s’il existe une ou des normes de

européennes (Moreau et al. 2007, p. 59) 15 Notons que Pöll (2001) présente une troisième typologie aussi considérée comme importante, celle de

Chaudenson (1993), que nous laisserons de côté pour des raisons de place et d’intérêt.

Page 23: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

15

régions véhiculaires et régions vernaculaires, une distinction liée aux statut et domaines

d’usage que le français occupe actuellement dans les différentes zones. La dernière typologie

va également nous permettre de réfléchir les régions qui devront être présentées aux élèves

lors d’une première initiation au français parlé hors de France.

Régions de diffusion par tradition ou par expansion

La première typologique renvoie à celle de Willy Bal (1977, cité par Pöll, 2001) qui

catégorise les aires francophones par rapport à la modalité de diffusion du français. Dans cette

optique historique, deux grandes catégories de territoires francophones se dessinent : des

régions de diffusion par tradition et des régions de diffusion par expansion. Pour la première

catégorie, il s’agit des zones européennes avoisinantes à la France qui sont des anciens

territoires gallo-romains correspondant à l’aire linguistique des langues d’oïl.16

Pour la

deuxième catégorie, il s’agit des régions où le français s’est diffusé par l’expansion coloniale.

Pour les régions extrahexagonales dites traditionnelles, il s’agit de la Suisse romande et la

Communauté française de Belgique, la Wallonie.17

La présence du français commence à partir

du Xe siècle pour la Belgique et pour la Suisse, dès XIII

e (Pöll, 2001), donc très tôt dans

l’histoire du français. De ce fait, cette zone, avec la France, se nomme souvent le berceau de

la langue française. Proche historiquement et géographiquement de la France, les variétés en

Belgique et en Suisse sont également assez proches linguistiquement du français de France,

notamment du français parlé dans les régions françaises avoisinantes. Elles comportent

néanmoins certains traits qui leurs sont propres, notamment au niveau de la prononciation et

au niveau lexical (Detey & al., 2010).

Hors d’Europe, le français est présent dans différentes lieux à travers le monde pour des

raisons historiques de colonisation. Il s’agit alors des régions de diffusion par expansion. Du

fait que le français ne s’est pas implanté de la même manière partout, ces régions sont

classifiées davantage, en matière de modalités d’expansion. Parmi les quatre types

d’expansion proposés par Bal (1977, cité par Pöll, 2001, p.38), nous ne retenons que ceux

16 Pour la Suisse, on parle plutôt des dialectes franco-provençales (à part pour le canton de Jura), ayant une base

de langues d’oïl, avec des traits des langues d’oc (Pöll, 2001) 17 Bruxelles, majoritairement francophone, ne peut pas été classifiée comme un territoire par tradition au sens

strict du terme, n’étant pas une aire de langue d’oïl, ou territoire romain. Il faut néanmoins la prendre en compte

dans la région francophone belge de nos jours.

Page 24: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

16

d’importation et de superposition, permettant de distinguer entre les zones qui nous

intéressent.

L’expansion par importation signifie que le français s’est implanté par des mouvements de

population de la France, créant des zones de peuplement. Ce phénomène a été beaucoup

moins important pour le français que pour l’anglais, l’espagnol ou le portugais, notamment dû

à des conditions socio-économiques différentes.18

Ce qui a surtout marqué l’expansion du

français, en revanche, c’est la modalité de superposition, c’est-à-dire que le français s’est

imposé comme langue officielle sur un territoire peuplé. Le français s’est alors superposé sur

la ou les langues parlée(s) par la population du territoire.

Pour les régions de diffusion par superposition, il s’agit des zones francophones en Afrique,

l’Afrique subsaharienne et le Maghreb. Le processus de superposition a lieu dans ces zones au

cours de la deuxième période de colonisation, aux XIXe et XX

e siècles. Suite aux guerres et à

la conquête française, le français s’est imposé comme langue officielle, occupant la sphère

publique de la société et les fonctions prestigieuses telles que l’administration, l’économie et

l’enseignement, au détriment des langues locales qui sont restées généralement confinées à la

sphère privée.

Pour les régions francophones par importation, il s’agit avant tout de l’Amérique du Nord, en

plus de la zone créolophone, comme les Antilles et la Réunion. L’immigration à partir de la

France a néanmoins été plus importante vers l’Amérique que vers les DROM. Une autre

différence entre ces deux zones est que la colonisation par les Français dans les DROM a été

suivie par une importante importation d’esclaves africains, ce qui a débouché sur l’émergence

des créoles occupant aujourd’hui la fonction de langue première de la majorité de la

population. Autrement dit, la situation linguistique est différente de celle au Québec.

D’ailleurs, la situation du français au Québec se distingue de l’ensemble des zones

francophones, comme la seule région francophone d’importation dans laquelle la population

demeure majoritairement francophone. Puisque nous serons amenée dans le chapitre 4 à

étudier la variété de français québécois de manière plus approfondie, il semble convenir ici de

soulever quelques points historiques qui nous seront utiles pour cette étude.

18 Les conditions difficiles qui régnaient les iles Britanniques (famine etc.) ont causé des vagues massives

d’émigration, alors que la France ne connait pas de telles conditions à cette époque.

Page 25: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

17

Premièrement, la colonie de Nouvelle-France était déjà habitée par une population indigène

quand les Français sont arrivés. Puisque les Français se sont intégrés avec cette population, il

y a donc eu un contact entre des langues amérindiennes et le français.

Deuxièmement, les mouvements d’émigration à partir de la France ont eu lieu entre XVIIe et

XVIIIe siècles. Cette période est significative du point de vue linguistique d’une part parce

que la variation diatiopique était très saillante en France et d’autre part parce qu’elle précède

la Révolution Française. Suite à la Révolution, la norme de français de référence s’est vue

transformée parce que le nouveau groupe de référence était dès lors la bourgeoisie parisienne

et non plus la cour du roi. Le changement le plus connu est la réalisation de la graphie oi de

[wɛ] en [wa], comme dans le mot roi ou moi (Lyche, 2010). Autrement dit, les émigrants de

France débarquaient sur cette nouvelle terre avec à la fois leur parler régional, notamment de

la région nord-ouest, et de quelques traits de la norme de référence antérieure.

En outre, la communauté québécoise sera isolée de l’ancienne métropole suite à la conquête

anglaise des terres françaises en Amérique du Nord, ce qui va d’ailleurs renforcer l’évolution

divergente entre le français de France et celui de Québec. Elle sera en même temps entourée

par le monde anglophone (Eychenne & Walker, 2010). Comme nous le verrons dans le

chapitre 4, ces phénomènes vont laisser des traces dans le français québécois que l’on peut

classifier dans les cinq catégories historiques suivantes: les archaïsmes, les dialectalismes, les

anglicismes, les amérindianismes et les innovations (Poirier, 1995, p.35).

Par leur histoire, et particulièrement par leur modalité de diffusion de français, les régions

francophones se caractérisent actuellement par des situations linguistiques extrêmement

distinctes dont nous donnerons un aperçu dans la partie suivante.

Page 26: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

18

La situation actuelle dans les régions vernaculaires et véhiculaires

Figure 1: carte du monde francophone (source: www.world-territories.com ) 19

Cette carte ci-dessus présente les zones hors territoires françaises en termes de quatre types de

situation de français qui trouvent d’ailleurs leur place dans la première typologie sur laquelle

nous nous penchons. Élaborée par Valdman (1979;1983, cité par Pöll, 2001), ce classement

distingue les zones où le français est langue vernaculaire de celles où il occupe

essentiellement le rôle de langue véhiculaire et/ou de langue officielle. Comme nous allons le

voir, cette typologie permet de mettre en évidence non seulement le statut du français, mais

aussi certaines fonctions qu’il assume dans les deux catégories de régions.

Pour le cas de l’espace francophone, la distinction entre les termes sociolinguistiques de

langue vernaculaire et langue véhiculaire correspondent largement à celle entre langue

première et langue deuxième (Calvet, 1993b). La notion de vernaculaire désigne alors les

régions où le français est « langue première, parlée à la maison, par une communauté plus ou

moins importante » (Detey & al., 2010, p.284), tandis que la notion de véhiculaire s’applique

pour les régions où le français est langue seconde et utilisés dans différents domaines de la vie

publique (administration, éducation, médias etc.) ou remplir la fonction vernaculaires

proprement dite, c’est-à-dire assurant le rôle de langue de communication « entre locuteurs

n’ayant pas la même langue première » (Gadet, 2003a, p.93). Dans la majorité des cas, le

français jouit d’un statut de langue officielle.

19 http://www.world-territories.com/ttfr/dossiers.php?dossier=francophonie

Malgré ces défauts tels que la présentation des territoires français à part, cette carte a en partie été choisie pour sa

ressemblance avec les cartes du monde francophone utilisées par les manuels de FLE examinés.

Page 27: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

19

Comme nous l’avons vu plus haut, les trois régions francophones où le français est langue

première, et donc langue vernaculaire, pour la majorité de la population sont la Belgique

francophone (l’espace Wallonie-Bruxelles), la Suisse romande et le Québec. Le français y

occupe également le statut de langue officielle.

Pour les trois autres zones, les DROM, l’Afrique subsaharienne et le Maghreb, le français

remplit la fonction de langue véhiculaire. Pour ces francophones, le français est généralement

leur langue seconde tandis qu’une autre langue est leur langue première. On peut s’attendre à

ce que le français y soit influencé par la langue première des francophones au niveau de la

prononciation. Dans les DROM, suite à l’importation des esclaves, la plupart des locuteurs

ont le créole comme langue première et le français comme langue seconde contre une

minorité de locuteurs de français L1. La situation en Afrique subsaharienne est plus

complexe, comme c’est une zone extrêmement plurilingue. Le français est généralement

langue seconde, diffusée par l’école, mais il peut être langue première comme à Abidjan, en

Côte d’Ivoire. Au Maghreb, la langue première est essentiellement l’arabe dialectal ou le

berbère (Boutin, 2010).

Pour les deux premières zones, le français bénéficie d’un statut de langue officielle: langue

officielle unique pour les DROM et 11 pays de l’Afrique subsaharienne contre 7 où le

français est l’une des langues officielles. Il s’ensuit que le français est langue d’enseignement

et d’administration. En revanche, les pays du Maghreb n’ont pas conservé le français comme

langue officielle après la libération, mais l’ont remplacé par l’arabe classique. À l’inverse de

la situation du français des pays francophones subsahariens, il y a une tendance régressive au

Maghreb, suite à des politiques d’arabisation. Les domaines d’usage du français et le nombre

de locuteur ont alors diminué. Ce phénomène est particulièrement apparent en Algérie qui

était la colonisation africaine où le français était le mieux implanté (Gadet, 2003a).

Néanmoins, le français occupe toujours une certaine position privilégie à l’école par exemple

ou dans les médias ou comme langue de communication dans les pays maghrebins. Compte

tenu de cette présence et que le français n’est pas considérée comme une langue étrangère, ces

pays peuvent encore être considérés comme des régions francophones véhiculaires.

Page 28: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

20

2.3 En guise de conclusion : trois zones

francophones à présenter linguistiquement

Ce tour d’horizon des principales zones francophones nous a permis d’aborder à la fois les

différentes réalités d’usage du français au et des raisons historiques de ces différences. Nous

voyons donc que la francophonie se caractérise par des situations linguistiques extrêmement

variées et complexes, ce qui rend également le français parlé à travers le monde

particulièrement variable et hétérogène. La langue française existe bel et bien dans tous ses

états. Il est même la seule langue qui se rapproche de l’anglais en matière de variabilité dans

la dimension planétaire. Ce qui nous amène à la conclusion que la variation diatopique hors

de France est un objet d’enseignement digne d’intérêt.

Dans le cadre d’une première initiation au français parlé hors de France, une sélection quant

aux zones à présenter linguistiquement en classe s’impose. Il semble naturel de baser cette

sélection sur la situation du français dans la francophonie actuelle en choisissant les zones ou

les régions qui peuvent être considérées comme les plus importantes humainement et/ou

économiquement. Suite à notre exposition de l’espace francophone, nous pouvons en déduire

trois zones. Nous retenons les deux zones où se trouvent les trois régions vernaculaires : en

Europe, la Belgique et la Suisse, et en Amérique, le Québec, ainsi qu’une zone vernaculaire,

l’Afrique subsaharienne, significatif du point de vue de son poids humain actuellement en

pleine croissance.

Nous laisserons alors de côté le Maghreb et les DROM qui sont certes intéressants du point de

vue linguistique, mais, comme nous l’avons vu, ils sont moins importants que les trois autres

zones francophones. Quant aux créoles parlés dans les DROM, précisons qu’ils ne constituent

pas des variétés de français, mais des langues à part, bien qu’ils aient émergé en partie du

français (Gadet, 2003a).

Maintenant que nous avons abordé la variation diatopique du français hors de France du point

de vue linguistique, tournons-nous maintenant vers l’enseignement du français en Norvège,

en commençant par examiner les directives en vigueurs.

Page 29: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

21

3 La variation diatopique selon les

directives de l’enseignement du FLE

Dans ce présent chapitre, la question de la variation diatopique sera abordée du point de vue

des principaux documents directifs, actuellement en vigueur dans le cadre de l'apprentissage

du français en contexte scolaire norvégien. Nous étudierons ce que ces documents expriment

par rapport au traitement de la variation diatopique en classe de langue, quant aux objectifs et

compétences à viser et à quel niveau d’apprentissage elles envisagent d’aborder ce sujet.

Cette étude portera d’abord sur des documents issus du Ministère norvégien de l'Éducation, à

savoir le programme de l'enseignement des langues étrangères,20

auquel s’ajoute un guide

pour l'interprétation et l'application du programme,21

en plus du programme de l'anglais. Nous

examinerons ensuite le document établis par le Conseil de l’Europe, le Cadre européen

commun de référence pour les langues (ci-après CECR) (2001), étant donné qu’il a constitué

une grande source d’inspiration et d’influence dans l’élaboration du programme des langues

étrangères actuel (Mikaelsen, 2009). Ces différentes directives permettent ainsi d’avoir une

vue d’ensemble des objectifs de l’apprentissage d’une langue étrangère en contexte

institutionnel en Norvège. Avant d'examiner ces documents, nous proposerons d’abord de

regarder comment le français se présente comme matière de langue étrangère dans le système

d'éducation norvégien afin de pouvoir aborder le programme d'enseignement des langues

étrangères de manière générale.

3.1 L’étude d’une deuxième langue étrangère en

milieu scolaire norvégien

Dans le cadre scolaire en Norvège, le français est l’une des deuxièmes langues étrangères

proposée aux élèves au cours de leur scolarité de collège et de lycée. On parle de deuxième

langue étrangère (L3) du fait que l’anglais y occupe le statut de première langue étrangère

(L2),22

étant enseignée à tous les écoliers norvégiens à partir de la première année de l’école

20 Intitulé en norvégien Læreplan i fremmedspråk (Utdanningsdirektoratet, 2006). Téléchargable sur le site

d’Utdanningsdiretoratet (ci-après Udir.) (la Direction de l’Éducation),. : http://www.udir.no/kl06/FSP1-01/ 21 Veiledning til læreplan i fremmedspråk (Udir.):

http://www.udir.no/Lareplaner/Veiledninger-til-LK06/Veileder-fremmedsprak-cont/Undervisningsveiledning-

til-lareplan-i-Fremmedsprak/ 22 Ici, L2 est utilisé dans un autre sens que celui pour parler des francophones de français langue seconde.

Page 30: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

22

primaire. Il s'ensuit que l’anglais est distingué des autres langues étrangères dans le

Curriculum national en vigueur depuis 2006, Kunnskapsløftet (abrév. LK06), que l'on traduit

en français par la formulation suivante : « La Promotion de la Connaissance ». Dans le LK06,

nous trouvons alors un programme d’enseignement de l’anglais et un autre valable pour

l’enseignement de l’ensemble des deuxièmes langues étrangères (L3) enseignées à l’école.

Le Curriculum reflète alors la différence qui sépare l'anglais des autres langues étrangères

dans la société norvégienne, notamment en ce qui concerne sa position dominante et que son

statut s'approche de plus en plus de celui d'une langue seconde (Simensen, 2007). De plus,

l'exposition importante de l’anglais en dehors de la salle de classe, par le biais des médias

comme la télévision et Internet, contribue à un apprentissage informel de la langue pour les

Norvégiens dès leur plus jeune âge. Il n'est alors pas étonnant que LK06 vise une plus grande

compétence en anglais que dans les autres langues étrangères. Par conséquent, l'étude du FLE

en contexte scolaire norvégien ne peut pas tout à fait se comparer à celle de l'anglais.

Néanmoins, comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, du point de vue linguistique, le

français est la seule langue qui s'aligne sur l'anglais en matière de variation diatopique, du

moins dans une certaine mesure (Gadet, 2011, p.131). Il nous semble alors pertinent de jeter

un coup d'œil sur le programme de l'anglais pour voir ce qui est dit par rapport au traitement

de variétés géographiques d'anglais.

Tout d'abord, examinons le programme valable pour l'étude du FLE en commençant par une

présentation brève de l'organisation de l'apprentissage d'une langue étrangère au sein du

système éducatif norvégien. Le programme des langues étrangères de LK06 couvre l'étude

d'une L3 au deuxième cycle de l’école de base (collège) ainsi qu’à l'enseignement secondaire

(lycée). En Norvège, on commence normalement l’étude d’une deuxième langue étrangère

dès la première année au collège, en classe de huitième.23

Les collégiens norvégiens

choisissent alors librement l'une des langues étrangères proposées au sein de leur école. Le

plus souvent, il s'agit d'une option entre le français, l'allemand ou l'espagnol, mais certaines

écoles proposent aussi d'autres langues, comme le mandarin, le russe ou l'italien. En règle

générale, les élèvent suivent l'enseignement de la langue étrangère de leur choix pendant les

trois années du collège, ce qui correspond au niveau I du programme du LK06, étant un

23 L’appellation de différents niveaux de la scolarité obligatoire en Norvège (au total, dix années scolaires en

"école de base" dont sept en école primaire et trois au collège) correspond à l’année de la scolarité. Les élèves

commencent en classe de première année et terminent en classe de dixième. La huitième année est donc

équivalente à la première année du collège.

Page 31: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

23

niveau de langue débutant. Les collégiens ne souhaitant pas apprendre une L3 optent, en

contrepartie, pour un approfondissement du norvégien ou de l'anglais.

Au lycée, en filière d'enseignement général,24

l'étude d'une deuxième langue étrangère est

obligatoire en VG1 et en VG2.25

Pour les lycéens ayant déjà étudié une L3 au collège,

l'enseignement de cette langue pendant les années de VG1 et de VG2 correspond au niveau II

du programme de LK06, équivalent à un niveau de langue intermédiaire. Pour ces lycéens, il

est possible de poursuivre leur étude de cette langue en classe de VG3 au niveau III.

Toutefois, uniquement une minorité d'élèves continuent l'étude du FLE au niveau III, ce qui

est reflété par le fait que le manuel le plus récent destiné à ce niveau-là date de 1999 et que

son enseignement n'est pas proposé dans l’ensemble des lycées norvégiens.26

L'enseignement

du FLE dans le cadre scolaire norvégien se fait alors essentiellement durant les trois années

du collège, au niveau I, et les deux premières du lycée, au niveau II. C’est ce parcours

d’apprentissage du FLE que nous prenons comme point de départ dans ce mémoire. Les

élèves suivent alors un apprentissage formel du français pendant cinq années scolaires, soit un

total de 452 heures d'enseignement du FLE.27

Conformément au CECR et aux autres programmes d'enseignement de la Promotion de la

Connaissance, le programme des langues étrangères ne préconise pas de méthodes

d'enseignement en particulier, pas plus qu’il ne donne des précisions quant au contenu ou au

matériel à utiliser en classe. Il opère, en revanche, en termes d’objectifs de compétence à

maîtriser pour les élèves à la fin de l'apprentissage au niveau I, en classe de 10ème, et au

niveau II, en classe de VG2. En étudiant les objectifs des deux niveaux, on constate qu'il s'agit

le plus souvent des mêmes types de compétences, mais le degré de difficulté est plus élevé au

niveau II qu’au niveau I. Cette continuité entre les différents niveaux en termes d'objectifs de

compétences permet ainsi d’assurer la progression de l'apprentissage de langue des élèves.

Pour l'ensemble des niveaux, les objectifs de compétence se répartissent en trois domaines, à

savoir les domaines de savoir apprendre, de communication et de langue, culture et société.

Les objectifs du premier domaine visent à développer chez les élèves la capacité de gérer leur

propre apprentissage de langue et à devenir des apprenants autonomes. Il n’est alors pas

24 Studieforberedende utdanningsprogram, le programme préparatoire pour les études supérieures (notre trad.) 25 La scolarité de l'enseignement secondaire (lycée) se compose de trois années. La première année porte le nom

de VG1, la deuxième, VG2 et la dernière année, VG3. 26 Dans certains cas, les élèves ont la possibilité de suivre le niveau III dans un autre lycée. 27 Le nombre d'heures d'enseignement au niveau I au collège (8-10ème années): 227 heures. Le nombre d'heures

d'enseignement au lycée, niveau II: 225 heures ( en VG1: 113; en VG2: 112) ( cf. Læreplan i fremmedspråk,)

Page 32: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

24

étonnant que ce domaine n’aborde pas la question de la variation diatopique. En revanche, les

deux autres domaines nous semblent pertinents en ce qui concerne notre propos, que nous

proposerons d’examiner dans la partie suivante.

3.2 La variation diatopique dans le programme

d’enseignement ?

3.2.1 Le programme des langues étrangères

Après avoir soigneusement examiné le programme des langues étrangères du LK06, nous

constatons qu’aucun terme renvoyant à la variation diatopique n’y est présent. Pourtant, le

programme s’inscrit clairement dans les tendances et préoccupations internationales actuelles

de la didactique des langues étrangères dans lesquelles le traitement de la variation diatopique

semble avoir une place appropriée. Nous pensons notamment aux deux approches qui

prédominent aujourd’hui le champ de l’enseignement/apprentissage des langues, à savoir

l’approche communicative qui va de pair avec l’approche interculturelle. Le programme du

LK06 vise en effet le développement de la compétence de communication et la

compréhension interculturelle, abordées respectivement dans les domaines de communication

et de langue, culture et société. Nous proposerons de regarder en quoi ces deux domaines, en

relation avec ces approches, nous semblent appropriés pour aborder la variation diatopique, en

commençant par le domaine de communication et l’approche communicative.

La compétence à communiquer dans la langue cible constitue un objectif essentiel de

l’enseignement des langues étrangères en Norvège depuis la fin des années 80,28

l’approche communicative gagne du terrain, notamment par le biais des travaux du Conseil de

l’Europe (Simensen, 2007). Le programme du LK06 s'inscrit également dans ce courant et

vise le développement de la compétence communicative, en particulier à travers les objectifs

du domaine de communication, qui représentent d'ailleurs la majorité de l'ensemble des

objectifs.

Forgée dans les années 60 (Hymes, 1966), la notion de compétence communicative propose

une nouvelle vision de la compétence langagière en didactique des langues. Jusqu’alors, cette

compétence ne concernait qu’une composante purement linguistique, c'est-à-dire une maîtrise

28 La présence des idées communicatives dès le Mønsterplan for grunnskolen de 1987, le Curriculum pour

l’école de base (Gjørven & Johansen, 2007, p.324)

Page 33: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

25

des éléments constitutifs de la langue interne, décontextualisée, tels que la morphosyntaxe, le

lexique et la phonologie, produit d’une vision structuraliste de la langue (Cuq & Gruca,

2005). L’approche communicative, en revanche, a pour objectif de rendre les apprenants

capables à communiquer en langue étrangère dans le monde réel, ce qui requiert aussi

l’acquisition des savoir-faire autres que linguistiques. Il s’ensuit que c’est l’usage et le

fonctionnement réels de la langue qui est au centre de cette approche. En s’appuyant sur des

courants linguistiques tels que la sociolinguistique et la pragmatique, elle adopte leur vision

sociale de la langue et envisage l’usage langagier en fonction du contexte socioculturel et de

la situation de communication (Fioux & Tirvassen, 1997). Ce que l’indique la définition de la

compétence communicative ci-dessous, la désignant comme

la capacité d'un locuteur de produire et interpréter des énoncés de façons appropriées,

d'adapter son discours à la situation de communication en prenant en compte les

facteurs externes qui le conditionnent : le cadre spatio-temporel, l’identité

des participants, leur relation et leurs rôles, les actes qu’ils accomplissent, leur

adéquation aux normes sociales, etc. (Cuq, 2003, p. 48).

Comme nous l’avons vu au chapitre 2, ce sont précisément ces facteurs extralinguistiques qui

influencent les pratiques langagières et les rendent particulièrement variables et hétérogènes,

notamment en ce qui concerne la langue parlée. Il semble alors évident que l’approche

communicative reconnaît et prend en compte de la variabilité des usages

En effet, la variation linguistique se situe plus précisément au sein de la compétence

sociolinguistique, généralement considérée comme l’une des composantes de la compétence

de communication (Canale & Swain, 1980 ; CECR, 2001). Cette compétence peut se définir

comme la capacité d’un locuteur de « reconnaître et de produire le langage approprié au

contexte y compris la sensibilité aux différences de variété et de registre » (Lyster, 1994, cité

par Tyne, 2004, p.30). Ce qui nous intéresse ici, c’est la sensibilité aux différences de variété,

comprenant par définition la variation diatopique. La composante sociolinguistique dans le

modèle de la compétence communicative de Bachman (1990) comprend également cette

même capacité, « sensitivity to differences in dialect or variety» (p.95), où l’emploi du terme

dialecte renvoie de manière encore plus explicite à la variation diatopique.

De surcroît, le CECR (2001), inclut dans sa description de la compétence sociolinguistique, la

capacité de reconnaître et de faire face à des dialectes et accents de la langue cible (pp.94-

95).29

Il semble alors clair que le développement de la sensibilité à la variation diatopique, au

29 Nous reviendrons sur cet aspect du CECR plus loin

Page 34: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

26

niveau de la compréhension orale notamment, fait partie des objectifs visés dans le cadre d’un

enseignement qui se veut communicatif. Il semble également évident que cette capacité ne

peut être développée qu’à condition d’exposer les apprenants à différentes variétés de la

langue cible en classe.

Maintenant que le lien entre la compétence communicative et la variation diatopique est

établi, une question se pose. Pourquoi le programme n’aborde-t-il pas cet aspect de la

compétence sociolinguistique ? Le programme norvégien se base pourtant sur le CECR. Par

contre, il vise le développement d’un autre savoir-faire sociolinguistique, à savoir la capacité

d’ « adapter l’usage de la langue en fonction des situations de communication diverses ».30

Or, n’est-il pas aussi important pour les élèves d’être capables de comprendre et reconnaître la

variation des usages des locuteurs de la langue cible que de varier eux-mêmes leur propre

langage ? Tel est du moins notre point de vue.

À présent, examinons le programme pour voir s’il est toutefois possible de l’interpréter pour

prendre en compte la variation diatopique. Certes, le programme n’exprime pas directement

que l’enseignement doit viser à sensibiliser les élèves à la variation diatopique. Mais il semble

néanmoins plaider en faveur d’exposer les élèves à l’usage réel de la langue cible, ce qui

implique forcément de les affronter à la variation, étant donné qu’elle est partie prenante de la

réalité langagière (cf. chapitre 2). Le programme évoque cette prise en compte de la réalité

langagière dans deux objectifs du domaine de communication qui contiennent tous les deux

l’adjectif authentique, renvoyant généralement au monde réel de la langue cible, à l’usage

effectif de la langue et à des situations de communication de la vie réelle (Brown, 2007). Dans

le premier objectif en question, il s’agit de l’utilisation de documents authentiques et dans le

deuxième, il est question d’exploiter des ressources de TIC31

pour mettre les élèves en contact

avec une langue authentique (Udir., 2006).

En didactique du FLE, un document authentique se définit comme «tout message élaboré par

des francophones pour des francophones à des fins de communication réelle » (Cuq, 2003,

p.29), à l’opposition d’un documents fabriqué, créé à des fins pédagogiques dans lequel le

langage est souvent simplifié, voire artificiel, pour convenir au niveau des apprenants

(opt.cit., p.100). Un document authentique, en revanche, permet de confronter les élèves à une

30Au niveau II, on trouve la compétence suivante : « adapter l’usage de la langue en fonction des situations de

communication diverses » (Utdanningsdirektoratet, 2006, notre trad.) 31 TIC, abrèviation pour des technologies de l’information et de la communication (IKT en norvégien)

Page 35: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

27

langue authentique, c’est-à-dire « la langue telle qu'elle s'utilise dans des territoires où la

langue est utilisée », pour utiliser la formulation plus explicite du guide du programme (Udir.,

2006, notre trad.).

Cette formulation est également très intéressante pour notre propos. L’emploi du mot

territoire au pluriel montre que les concepteurs du guide du programme prennent en

considération le fait que les langues étrangères habituellement enseignées à l’école

norvégienne ne se limitent pas à un seul pays ou territoire, mais se parlent dans différents

pays et communautés à travers le monde.32

En soulignant que l’enseignement doit mettre en

place des activités pédagogiques dans lesquelles les élèves peuvent s’entrainer à faire face à

«la langue telle qu'elle s'utilise dans des territoires où la langue est utilisée », le guide semble

ainsi envisager la prise en compte de la réalité langagière de plusieurs communautés de la

langue cible en classe. Faire écouter aux élèves le français tel qu’il est parlé par des locuteurs

francophones d’origines variées semble ainsi être en accord avec le guide du programme.

Confronter les apprenants à différentes variétés de français hors de France ne semble pas non

plus aller à l’encontre du programme. Étant de nature très général et peu précis, le programme

laisse beaucoup de liberté ainsi que de responsabilité aux enseignants et aux auteurs de

manuel quant à l’interprétation et à l’application du programme. C’est ce qu’illustre l’objectif

de compétence sur l’utilisation de documents authentiques, visant, au niveau II, « que l'élève

soit capable de comprendre le contenu de documents authentiques écrits et oraux assez longs,

de genres divers » (Udir., 2006. Notre trad.).

Tant que l’enseignant focalise sur la compréhension orale des élèves, il n’y a rien dans le

programme qui contredit l’utilisation de documents authentiques oraux présentant le français

tel que l’on le parle dans différentes communautés francophones. Au contraire, le programme

semble plutôt souligner, à travers l’expression de genres divers, l’exploitation d’une variété

de documents authentiques. Exploiter une variété de documents authentiques oraux devait en

effet permettre d'exposer les élèves à des « voix diverses, des dialectes et des variétés

différents » (Bjørke & Grønn, 2012, p.38, notre trad.), ce qui peut comprendre différentes

variétés de français hors de France. Rappelons que c’est d'ailleurs le point de vue de Valdman

(1996) :

La présentation de documents authentiques, qui sert d’ancrage aux approches actuelles

de l’enseignement du FLE ne requiert-elle pas que l’on fasse écouter les voix réelles

32 L’allemand, le français et l’espagnol

Page 36: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

28

de la francophonie aux apprenants sans toutefois – et j’insiste là-dessus – leur

demander de les imiter (cité par Valdman 2000, p.655)

Outre que la perspective purement communicative, visant à préparer les apprenants à des

échanges potentiels avec des locuteurs francophones d’origines différentes, la présentation de

variétés de français hors de France semble également pouvoir être intégrée dans la dimension

culturelle de l’enseignement. Une langue est intimement liée aux groupes qui la parlent, à leur

société et culture, du fait que « [l]a langue est elle-même une réalité sociale qui véhicule la

culture et en est imprégnée » (Porcher, 1995, p.61). Autrement dit, langue et culture agissent

l’une sur l’autre et par conséquent, il y a des éléments culturels qui se trouvent présents dans

la langue elle-même.

En ce qui concerne la variation, elle représente un aspect culturel dans la langue que Risager

(2007) nomme la dimension identitaire (p.171). La langue joue en effet un rôle identitaire

considérable. Nous nous rappelons du chapitre 2 qu’à l’intérieur d’une même langue, c’est

notamment à travers l’usage d’une variété ou des variantes qu’un locuteur exprime

linguistiquement son appartenance à un groupe particulier, c’est-à-dire son identité

linguistique. Cette identité linguistique peut largement être rapportée à l’identité culturelle,

définie comme « un sentiment d’appartenance collective (donc, d’appartenance à un groupe) »

(Blanchet, 2007, p.22). Dans ce sens, nous pouvons ainsi envisager les différentes variétés de

français à travers le monde comme l’expression linguistique de la diversité culturelle de

l’espace francophone, plus précisément comme une manifestation de leur identité culturelle.

L’approche interculturelle, dominant actuellement l’orientation culturelle en didactique des

langues, met également l’accent sur l’aspect identitaire, au moins, du point de vue culturel :

La base [du] concept [d’interculturalité] est de permettre aux élèves de langues

vivantes d’entretenir des relations d’égal à égal avec des locuteurs des langues en

question, ainsi que de leur faire prendre conscience à la fois de leur propre identité et

de celle de leurs interlocuteurs » (Byram, Gribkova & Starkkey, 2002, p.7, nous

soulignons)

Insérée dans la compétence interculturelle, cette prise de conscience de l’identité de leurs

interlocuteurs implique d’avoir une perception nuancée, et non stéréotypée, de l’autre, ce qui

inclut, selon le CECR (2001), « la conscience de la diversité régionale et sociale» « du monde

de la langue cible » (p.82). En prenant en compte des cultures minoritaires, l’approche

interculturelle du CECR semble ainsi se fonder sur une vision hétérogène et plurielle de la

conception de culture. De plus, l’idée que langue et culture s’influencent mutuellement et ne

peuvent par conséquent être dissociées l’une de l’autre a d’ailleurs largement pris l’ampleur

Page 37: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

29

avec l’approche interculturelle, ce qui implique de traiter des aspects linguistiques et culturels

ensemble, de façon intégrée, en classe de langue (Haukås &Vold, 2012, p. 396). Il semble

ainsi que cette approche accorde une place à la variation diatopique, étant donné qu’elle est

l’expression linguistique de cette diversité géographique et qu’elle reflète l’identité culturelle

des locuteurs.

En examinant le programme des langues étrangères, nous constatons qu’il vise le

développement de la compétence interculturelle des élèves en adoptant une démarche

comparative des aspects culturels et sociétaux entre le monde cible et celui de l’élève,

exprimée dans différents objectifs du domaine de langue, culture et société. Ce titre souligne

d’ailleurs la relation qui existe entre ces trois entités.

Malgré ce titre, il n’y a néanmoins qu’un objectif de compétence qui évoque l’idée de traiter

des aspects de la langue et de la culture de façon intégrée. Il est ciblé au niveau I, visant la

capacité de l’élève de « parler de la langue et des aspects géographiques du territoire de la

langue cible en question » (Udir, 2006, notre trad.). Cet objectif vague ouvre à différentes

interprétations possibles, y compris celle d’aborder des variétés géographiques de la langue

cible, étant donné qu’elles sont le fruit de la relation entre langue et espace. Nous doutons

cependant que cette interprétation soit l’intention derrière cet objectif. Il semble plus probable

qu’il est question pour l’élève de connaître le territoire où la langue cible est parlée, du point

de vue géographique, ce que semble confirmer l’objectif similaire au niveau II, qui vise que

l’élève puisse « expliquer des aspects de la géographie et de l’histoire du territoire cible »

(opt. cit. notre trad.), dans lequel le terme langue est omis.

Cette étude du programme des langues étrangères par rapport aux approches communicative

et interculturelle nous a permis de constater que, bien que le programme s’inscrive dans ces

approches, qui, elles, prennent en considération différents types de variation, y compris la

variation diatopique, le programme lui-même n’évoque rien à ce sujet, au moins pas de façon

explicite. Néanmoins, du fait que le programme est de nature général et peu précis laisse une

grande marge d’interprétation. Puisque le programme semble vouloir confronter les élèves à

l'usage réel de la langue, il est possible de l’interpréter dans le sens de familiariser les élèves,

au niveau de réception orale, à différentes variétés de français hors de France. Regardons

maintenant si le traitement de la variation est visé dans le programme de l’anglais.

Page 38: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

30

3.2.2 Le programme d'anglais comme source d'inspiration

Contrairement au programme des langues étrangères du LK06, celui de l'anglais cite

explicitement la variation diatopique et l'intègre dans quelques objectifs de compétence. Le

traitement de la variation diatopique a alors clairement sa place comme objet d'enseignement

en classe d'anglais en Norvège, prescrite par les directives ministérielles mêmes. Ceci nous

amène à nous demander pourquoi ce n'est pas le cas pour l'enseignement des L3. Une

explication possible est liée au fait que le programme des langues étrangères est valable pour

l'ensemble des deuxièmes langues étrangères proposées dans les écoles norvégiennes. Un tel

programme doit alors viser des traits généraux langagiers que des particularités de chaque

langue. Si toutes les langues vivantes varient, elles ne font pas l'objet de la variation

diatopique au même degré. Certes, les trois langues habituellement enseignées à l'école

norvégienne (allemand, français, espagnol) se déploient toutes à travers différents pays et

varient dans l'espace, mais la langue française est cependant celle qui se rapproche le plus de

l'anglais en termes de variation diatopique à travers le monde (Gadet, 2011). Compte tenu de

ce seul fait, il semble alors possible de traiter la variation diatopique du français en classe de

FLE, au même titre ou presque, qu'en classe d'anglais.

Cependant, la différence chez les élèves norvégiens en termes de compétence en anglais par

rapport à celle en L3 nous empêche de comparer directement l'enseignement de l'anglais à

celui du FLE. Il est effectivement possible que les niveaux de langue visés en L3 ne sont pas

considérés comme suffisamment avancés pour introduire de variétés géographiques aux

apprenants. Cette question non négligeable sera abordée dans la partie suivante, portant sur le

CECR. À présent, nous nous concentrerons sur ce que le programme de l'anglais exprime par

rapport à la variation diatopique, notamment quant aux objectifs et compétences ciblés. Cela

pourrait servir de source d'inspiration pour l'intégration de variétés de français hors de France

dans l'enseignement du FLE en Norvège.

Le programme de l'anglais actuel est en fait une révision du programme du LK06, entrée en

vigueur le 1er

août 2013. Cette révision se différencie plus du programme des langues

étrangères que les versions précédentes, entre autres, par rapport aux domaines d'objectifs de

compétence. Dans le programme de l'anglais, le domaine de communication se compose

maintenant de la communication orale et de la communication écrite, et le domaine traitant

Page 39: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

31

l'aspect culturel porte le nom de culture, civilisation et littérature33

et non langue, culture et

société comme dans le programme des langues étrangères.

Les modifications les plus intéressantes pour ce mémoire sont néanmoins celles concernant la

variation diatopique, plus accentuée dans la version actuelle que dans les deux versions

précédentes du programme de l'anglais du LK06. Dans ces dernières, il n'y a qu'un seul terme

renvoyant à la variation diatopique. Il apparaît dans l'un des objectifs du domaine de culture,

civilisation et littérature, visant que « l'élève soit capable de reconnaître quelques accents

régionaux de pays anglophones » après l'apprentissage de l'anglais au collège, en classe de

10ème (udir).34

Ce qui nous confirme notre interprétation du programme des langues que le

domaine culturel est apte pour intégrer des objectifs liés à la variation diatopique.

La version actuelle, en revanche, valide notre interprétation que les variétés géographiques

peuvent faire partie du domaine de communication, au niveau de la réception orale, car les

trois termes renvoyant à la variation linguistique ou la variation diatopique se situent dans le

domaine de communication orale, liés plus précisément à la compréhension orale. Dans la

description des compétences orales, on peut lire que « Oral skills in English [...] also involve

being able to understand variations in spoken English from different parts of the world »

(Udir, 2013, nous soulignons).35

Cette idée est concrétisée dans deux objectifs. Pour le

premier, il s'agit de l'objectif «...to enable pupils to listen to and understand variations of

English from different authentic situations », visé à la fin de l'apprentissage au collège.

L'objectif au lycée précise les types de variation que les apprenants doivent écouter et

comprendre, à savoir la variation diatopique et diastratique, ou «social and geographic

variations of English from authentic situations» (opt.cit.). Ce programme met alors l'accent

que c'est le développement de la compréhension orale qui doit être visé pour le traitement de

la variation diatopique.

Cet aperçu du programme nous a permis de constater que selon le LK06, les variétés

géographiques d’anglais constituent un objet d'enseignement digne d'intérêt en classe

d'anglais en Norvège. Il a également validé notre interprétation qu’un programme s’inscrivant

dans le courant communicatif et interculturel accorde une place à la variation diatopique. Il

reste maintenant de trouver des réponses à la question du niveau d'apprentissage approprié

33 Ce domaine portait déjà ce nom dans les versions précédentes du LK06 34 Version originale (2006-2010) et deuxième version (2010-2013). Utdanningsdirektoratet. Notre trad. 35 English version : http://www.udir.no/kl06/ENG1-03/Hele/?lplang=eng

Page 40: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

32

pour introduire et sensibiliser les apprenants à des variétés géographiques. Pour le faire, nous

nous tournerons vers le document élaboré par le Conseil de l'Europe, le CECR, dans lequel les

niveaux communs de référence pour l'apprentissage des langues étrangères sont décrits.

3.3 La variation diatopique dans l'apprentissage des

langues selon le CECR

Le Cadre européen commun de référence pour les langues (2001) a joué un rôle considérable

dans l'élaboration du programme d'enseignement des langues étrangères et de celui de

l'anglais du LK06 (Ibsen, 2007). Il constitue ainsi une source importante pour interpréter le

programme des langues étrangères du LK06. Nous examinerons d'abord ce que le CECR

exprime quant au traitement de la variation diatopique dans le cadre de l’apprentissage des

langues avant de regarder à quel niveau d’apprentissage il envisage d’aborder cet aspect. Pour

finir, nous appuierons sur le rapprochement que Gulbrandsen (2009) fait entre les niveaux de

CECR et ceux du programme des langues étrangères afin de déterminer à quelle phase

d’apprentissage en contexte scolaire norvégien l’on peut commencer à sensibiliser les élèves à

des variétés de français hors de France.

Comme mentionné plus haut, le CECR (2001) prend en considération des dialectes et des

accents de la langue cible et les insère plus précisément dans la compétence sociolinguistique.

En ce qui concerne le savoir-faire lié à des dialectes et accents, il s’agit de « la capacité de

reconnaître les marques linguistiques de, par exemple : la classe sociale, l'origine

régionale, l'origine nationale, le groupe professionnel » (p.94, nous soulignons). Le terme de

marques linguistiques renvoie à la notion de variante en sociolinguistique (cf. chapitre 2).

Cette capacité implique alors de connaître la signification sociale de différentes variantes de la

langue cible, ce qui permet, selon le Cadre, d'avoir « des indices significatifs sur les

caractéristiques de l'interlocuteur » (p.95). Par rapport aux facteurs externes cités ci-dessus

(classe sociale, l’origine régionale etc.), le CECR met l’accent sur les caractéristiques liées à

l’appartenance à un groupe social ou géographique, c’est-à-dire un aspect de l’identité

culturelle de l’interlocuteur (cf. supra). Le Cadre exprime également une prise en compte de

la variation diastratique et de la variation diatopique dans le cadre d’un apprentissage d’une

langue étrangère.

Page 41: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

33

Le CECR justifie la prise en compte de la variation extralinguistique dans les termes

suivantes : « [i]l n'y a pas, en Europe, de communauté linguistique entièrement homogène.

Des régions différentes ont leurs particularités linguistiques et culturelles » (p.95). Ce fait est

bien sûr valable aussi pour les communautés hors d’Europe, comme nous l’avons vu

d’ailleurs dans le cas des communautés francophones, mais il semblerait que le CECR a un

point de vue restrictif en se bornant uniquement à l’Europe. La deuxième partie de la citation

ci-dessus montre que le Cadre accorde une place importante à la variation diatopique. Comme

il le souligne plus loin, « [a]vec le temps, les apprenants entreront en contact avec des

locuteurs d’origines variées » (p.95). Le CECR semble ainsi évoquer qu’à un moment de

l’apprentissage, l’enseignement doit viser à rendre les apprenants capables à communiquer

avec des locuteurs de la langue cible, provenant de différentes pays et régions, et à être

sensibles à leurs particularités linguistiques.

Figure 2 (Source: CECR, 2001, p.25)

La question est maintenant de savoir à quelle phase de l'apprentissage le CECR envisage

l'introduction à la variation. Le CECR opère avec six niveaux de compétence en langue

étrangère, d’A1 à C2, présentés dans la figure ci-dessus. Comme pour toutes les différentes

composantes de la compétence communicative, le CECR a établi une description de la

progression de l'acquisition de la compétence sociolinguistique en fonction de chaque niveau.

La description des différents niveaux de la compétence sociolinguistique n'est cependant pas

très détaillée.36

Pour notre propos, ce n'est qu'à partir du niveau C1 où l'on trouve un objectif

relatif à la variation diatopique. À ce niveau, « [l'apprenant] peut reconnaître un large éventail

d'expressions idiomatiques et dialectales » (p.95).

Quant au niveau approprié pour l’introduction à des variétés géographiques en classe de

langue, le CECR (2001) souligne que «[à] partir de B2, les apprenants [...] commencent à

36 Le CECR(2001) explique que « L’étalonnage de niveaux de compétence sociolinguistique s’est avéré

problématique […]. Les items qui ont pu être échelonnés avec succès se trouvent dans la grille [de correction

sociolinguistique] » (p.95)

Page 42: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

34

acquérir la capacité de faire face aux variations du discours » (p.95). L'expression variations

du discours semble renvoyer à l'ensemble des types de variation extralinguistiques (cf.

chapitre 2). En adoptant cette formulation uniquement pour la variation diatopique, on peut

dire que la capacité de faire face à des variétés géographiques est en cours d'acquisition pour

des apprenants au niveau B2. Le fait que cette capacité doit être en cours d'acquisition au

niveau B2 semble alors impliquer que les apprenants doivent être sensibilisés à de variétés

géographiques avant d'atteindre ce niveau. Dans cette optique, il semble que le CECR

envisage une introduction à la variation diatopique au niveau B1 dans le cadre

d’apprentissage de langue, afin que les apprenants puissent commencer à développer leur

capacité de faire face à ce type de variation.

La question est maintenant de savoir à quelles classes de l’apprentissage du français en

contexte scolaire norvégien correspondent les niveaux du B1 et B2 du CECR. Dans son

article intitulé « Le Cadre Européen et le programme d'enseignement des langues étrangères »

(2009, notre trad.), Gulbrandsen propose une concordance entre les niveaux de langue du

LK06 et ceux du CECR en s'appuyant sur des documents publiés par le groupe qui élaborait le

programme des langues étrangères actuel. Ces documents montrent que les niveaux du CECR

étaient intégrés dans les versions préliminaires du programme. Bien qu'il n'y ait plus de

référence directe aux niveaux du CECR dans le LK06, Gulbrandsen souligne qu'ils y sont de

manière implicite et interprète la concordance entre les niveaux du programme du LK06 et du

CECR comme l'illustre le tableau ci-dessus.

LK06- langues étrangères Ecouter Conversation Production orale

Après VG2 (niv II, 2e année) B2 B1 B1

Après VG1 (niv II, 1ère

année) B1 A2 A2

Après 10e année (niv. I,

3eannée)

A2 A2 A2

Tableau 2 (Source : Guldbrandsen, 2009, p.34, notre trad./adaptation)

Comme nous l'avons vu tout au long de cette partie, c'est la compétence orale des élèves qui

doit être visée pour la sensibilisation aux variétés géographiques. Par rapport à l’aptitude

d’écoute, le tableau de Gulbrandsen montre que le programme des langues étrangères vise une

compréhension orale qui correspond au niveau B1 à la fin de la première année du niveau II,

en VG1, et au niveau B2 à la fin de VG2. Autrement dit, les élèves norvégiens du FLE sont

censés se trouver au niveau B1 au début de l'enseignement du français en VG2 et atteindre le

niveau B2 au cours de cette année scolaire. En partant de ce tableau proposé par Gulbransen

Page 43: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

35

et de notre interprétation du CECR à propos du niveau approprié pour introduire la variation

diatopique en classe de langue, nous pouvons ainsi conclure que l'enseignement du FLE en

classe de VG2 (niveau II) semble être le moment propice pour introduire des variétés de

français extrahexagonales et commencer à développer chez les élèves leur capacité à faire

face à cette variation au niveau perceptif.

3.4 Les objectifs à envisager pour la sensibilisation

à la variation diatopique

Dans ce chapitre, nous avons étudié ce que les principaux documents directifs pour

l’enseignement du FLE en Norvège, expriment par rapport au traitement de la variation

diatopique en classe de langue. Si le programme des langues étrangères ne mentionne rien à

ce sujet de façon explicite, il envisage néanmoins de confronter les élèves à la réalité

langagière en classe, par le biais de documents authentiques, ce qui prévoit par définition de

confronter les élèves à la variation et à différentes usages. Dans cette optique, il est important

de faire écouter aux élèves différentes variétés de français hors de France. Une telle

exposition correspond d’ailleurs au courant communicatif et interculturel dans lequel le

programme s’inscrit, comme le confirme le programme de l’anglais et le CECR. En nous

appuyant sur le Cadre, nous sommes arrivée à la conclusion que la phase d’apprentissage

approprié pour commencer à sensibiliser les élèves à des variétés de français

extrahexagonales se situe en deuxième année du niveau II, donc en classe de VG2.

Avec le programme de l’anglais, ces deux documents constituent d’ailleurs une source

d’inspiration en ce qui concerne les objectifs à envisager pour la sensibilisation à la variation

diatopique. Le premier objectif est le développement de la compréhension orale, souligné par

le programme de l’anglais actuel. Le deuxième est le développement de la compétence

sociolinguistique, c’est-à-dire d’être en mesure d’identifier le locuteur à partir des variantes

qu’il utilise. Vu que ces deux objectifs correspondent à un niveau supérieur, en classe de

VG2, c’est plutôt l’émergence de ces capacités que l’on vise.

La sensibilisation à la variation diatopique peut aussi viser un dessein plus général. Il s’agit de

ce que Valdman nomme « l’éveil de la conscience linguistique » (2000, p.655). Développer

une conscience linguistique chez les élèves est d’ailleurs considérée comme importante en

didactique des langues et fait partie des compétences métacognitives implicites dans le

Page 44: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

36

domaine de savoir apprendre du programme du LK06. Quant à la conscience linguistique, il

s’agit de découvrir des traits spécifiques d’une langue particulière ainsi que des traits

généraux valables pour plusieurs ou toutes les langues (Hauge, 2012, p.89). Puisque la

variation linguistique est partie prenante de toute langue vivante, aborder la variation en

classe de langue permet ainsi de mettre en évidence ce trait général du fonctionnement

langagier.

Concernant la variation diatopique du français, elle représente une ressemblance avec les deux

autres langues que les élèves norvégiens connaissent bien, le norvégien et l'anglais. L'anglais,

on le sait, fait l’objet d’une exposition à la variation diatopique et différentes variétés

anglophones sont traitées en classe. Le norvégien, lui, ne s'étend certes pas dans le monde

comme l'anglais ou le français, mais il n'empêche qu'à l'intérieur de la frontière norvégienne,

on trouve une multitude de dialectes, et de manière générale, il y a une tolérance envers les

différents dialectes norvégiens (Røyneland, 2008). Compte tenu de la connaissance que les

élèves ont du norvégien et de l'anglais et de leur habitude d'être confronté à la variation

diatopique, on pourrait alors s'attendre à ce que les élèves en classe de VG2 soient disposés à

prendre conscience du phénomène de la variation diatopique et de la diversité du français

parlé à travers le monde.

Page 45: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

37

4 La variation diatopique dans les

manuels norvégiens de FLE

Nous avons conclu, au chapitre 3, qu'il est possible d'interpréter les différentes directives en

faveur de la présentation de variétés de français dans l'enseignement du FLE en Norvège,

notamment lors de la deuxième année de niveau II (VG2). La question essentielle sur laquelle

nous nous pencherons maintenant est celle concernant les pratiques. En d'autres termes, nous

viserons à trouver des réponses à notre question de recherche, à savoir dans quelle mesure et

comment traite-t-on des variétés de français hors de France en classe de FLE en Norvège?

De manière générale, les manuels scolaires occupent une place centrale dans le cadre de

l’enseignement à l’école norvégienne. Outre les directives, les manuels jouent alors un rôle

décisif concernant les thématiques et les aspects abordés en classe (Utdanningsdirektoratet,

2005). Les classes de langue, y compris celle de français, ne sont pas une exception, comme

l’a démontré le rapport de Speitz et Lindemann (2002). À notre connaissance, il n’y a

cependant pas de travaux de recherche sur l’usage des manuels en classe de langue en

Norvège depuis que la nouvelle réforme, LK06, est entrée en vigueur. Il n’empêche que l’on

continue de souligner la position dominante dont bénéficient les manuels dans l’enseignement

des langues étrangères (cf. Haukås & Vold, 2012 ; Lund, 2012). Nous pouvons alors déduire

que les manuels destinés à des cours de FLE en Norvège constituent toujours le support

didactique le plus répandu et le plus utilisé à travers les différentes classes de français du

pays. Puisque le but de ce présent travail est avant tout de découvrir le traitement de la

variation diatopique en classe de FLE de manière générale, et non du point de vue des

pratiques d'un enseignant particulier, il nous semble alors légitime de mettre l’accent sur

l’étude de manuels actuels dans l’enseignement du français en Norvège.

Nous nous sommes penchée sur deux manuels de FLE largement utilisés lors de la deuxième

année au niveau II du français, donc en classe de VG2. Il s'agit des manuels Contours

(Ankerheim & Lokøy, 2007; 2009) et Enchanté 2 (Hønsi, Kjetland & Liautaud, 2007; 2013),

qui comprennent deux éditions chacun. Contours et Enchanté 2 abordent tous les deux la

thématique du monde francophone. Cette thématique vise naturellement à présenter quelques

aspects de la diversité culturelle francophone aux élèves. Mais est-ce que leur présentation de

cette diversité s'accompagne d'une présentation de la diversité linguistique du français ? C’est

ce que nous allons vérifier dans ce chapitre.

Page 46: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

38

Dans un premier temps, nous proposerons un exposé général sur les manuels. Nous

examinerons, dans un deuxième temps, Contours et Enchanté 2 par rapport à leur traitement

de l'espace francophone, notamment dans leur choix des régions francophones présentées et

dans les aspects envisagés. Cette étude nous permettra d’entrer dans le vif du sujet, à savoir

dans quelle mesure et comment les manuels présentent-ils le français tel qu'il est parlé dans

les régions francophones en question? Nous terminerons ce chapitre par une analyse

approfondie, au niveau lexical et phonologique, d'un texte tiré du manuel Enchanté 2 qui

représente le français québécois. Cette analyse a pour objectif de déterminer cette

représentation d’une variété de français hors de France est satisfaisante et appropriée pour

sensibiliser les élèves à la variation diatopique du français.

4.1 Présentation générale des manuels

Les manuels sélectionnés, Contours et Enchanté 2, sont tous les deux adaptés au programme

des langues étrangères du LK06 et visent le niveau II. Enchanté 2 est conçu pour la deuxième

année du niveau II, alors que Contours couvre les deux années d’apprentissage du niveau II.

Dans le guide pédagogique de Contours, les auteurs soulignent avoir envisagé le traitement du

chapitre sur le monde francophone au début de la deuxième année du niveau II.37

En d’autres

termes, les deux manuels s’accordent alors sur la phase d’apprentissage appropriée pour

aborder la thématique de l’espace francophone.

La deuxième année du niveau II, en classe de VG2, coïncide alors avec le moment que nous

avons déduit comme étant propice pour introduire des variétés de français hors de France aux

élèves. C’est effectivement une coïncidence car la classe de VG2 n’était pas particulièrement

visée lors de notre sélection de manuels. Notre première démarche pour sélectionner les

manuels à étudier consistait à examiner le traitement de la thématique du monde francophone

de plusieurs manuels, destinés à différents niveaux et classes. Le choix de Contours et

d’Enchanté 2 s'est imposé de lui-même, puisque ce sont ces deux ouvrages qui abordent la

thématique du monde francophone de façon beaucoup plus approfondie en comparaison avec

des manuels destinés à d'autres niveaux. Grâce à cette coïncidence, nous allons pouvoir

vérifier si les auteurs de manuel partagent notre interprétation concernant la phase

d’apprentissage appropriée pour sensibiliser les élèves à la variation diatopique du français.

37Guide pédagogique de Contours nouvelle édition : http://mml.gyldendal.no/flytweb/default.ashx?folder=9402:

« Il y a certaines activités qui prennent comme point de départ que ce sujet sera traité après les vacances d’été,

donc au début de la deuxième année… » (Chapitre 7, notre trad.)

Page 47: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

39

Contours et Enchanté 2 sont constitués tous les deux de plusieurs composantes. D’abord, il y

a le manuel de l’élève, qui est organisé autour de différents thèmes culturels. Dans Contours,

un chapitre correspond à un thème tandis qu’Enchanté englobe plusieurs chapitres sous le

même thème. Par exemple, pour le thème du monde francophone, Contours traite différentes

régions francophones dans le même chapitre à la différence d’Enchanté, où le thème de la

francophonie comprend trois chapitres présentant chacun une région ou aire francophone.

Dans les deux manuels, chaque chapitre comprend des textes, de genres et longueurs divers,

auxquels s’ajoutent souvent des fichiers sonores (CD audio), des exercices portant sur les

textes et sur des aspects grammaticaux ainsi que d’autres activités orales et écrites. Contours

et Enchanté 2 s’accompagnent aussi d’un site Internet où l’on trouve la plupart des fichiers

sonores, des activités interactives de vocabulaire, de grammaire et de prononciation ainsi que

des liens vers des sites Internet relatifs à chaque chapitre. 38

On peut aussi y consulter le guide

pédagogique destiné à l’enseignant.

Notre étude portera principalement sur les textes présentés dans le manuel de l’élève

d’Contours et d’Enchanté 2. Si les textes écrits vont nous permettre d’apercevoir la variation

diatopique sur le plan lexical et morphosyntaxique, les fichiers audio, eux, sont importants

pour découvrir la présence des traits régionaux au niveau de la prononciation. Comme déjà

souligné au chapitre 2, le lexique et la phonologique sont les deux domaines de l’analyse

linguistique les plus mis en évidence dans la variation diatopique. Nous pouvons alors nous

attendre à ce que la majorité des variantes diatopiques trouvées dans les manuels relèvent de

ces deux domaines. Nous jetterons également un regard sur le guide pédagogique de

l’enseignant pour avoir une idée des objectifs visés ainsi que sur les liens Internet proposés

par les manuels pour les chapitres sur le monde francophone. Nous verrons si ces liens

donnent des possibilités aux élèves de « rencontrer une langue authentique », pour reprendre

les termes du programme du LK06, de communauté(s) francophone(s) hors de France.

38 Le site de Contours nouvelle édition (2009):

http://mml.gyldendal.no/flytweb/default.ashx?folder=10750&redirect_from_tibet=true

Le site d’Enchanté 2 (2007) : http://enchante2.cappelendamm.no/

Le site d’Enchanté 2 – version 2 (2013) : http://enchante2-versjon2.cappelendamm.no/

Page 48: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

40

4.2 Les manuels Contours et Enchanté 2 et leur

présentation du monde francophone

Dans cette partie, nous présenterons notre analyse des manuels de Contours et d’Enchanté 2

par rapport à leur traitement du monde francophone et de variétés de français hors de France.

Nous nous concentrerons sur Contours nouvelle édition de 2009, puisque c’est cette version

qui est actuellement en usage en cours de FLE et qu’elle est quasiment identique à l’édition de

2007 dans son traitement des variétés diatopiques. Nous ajouterons néanmoins un

commentaire sur un changement intéressant pour notre propos. Pour le manuel Enchanté 2, la

version de 2007 et celle de 2013 sont toutes les deux, à l’heure actuelle, encore en usage en

classe de français. De plus, il y a eu des modifications considérables pour la présentation du

monde francophone dans l’édition de 2013 par rapport à la version de 2007. Il nous semble

alors important de présenter ces deux éditions séparément. Nous commencerons par proposer

une vision d’ensemble du traitement du monde francophone par le manuel Contours avant de

nous tourner vers les deux éditions d’Enchanté 2.

Cette vue générale de chaque manuel consistera à montrer les régions et aires francophones

auxquelles les manuels prêtent attention ainsi que la manière dont ils présentent ces

différentes régions en question. Quant à ce dernier point, il s’agit entre autres de mettre à jour

les principaux aspects ou thèmes culturels et linguistiques qui prédominent dans les textes sur

les différentes régions. En ce qui concerne la dimension linguistique, nous regarderons s’ils

présentent d’une manière ou d’une autre la réalité langagière du français dans ces régions.

Nous considérons également les types de texte utilisés pour présenter les régions

francophones dans le but de réfléchir autour de la question de types de texte appropriés pour

sensibiliser les élèves à la variation diatopique.

À la fin de cette partie, nous proposerons une sorte de synthèse du traitement du monde

francophone par l’ensemble des manuels étudies en mettant l’accent sur la question de la

présentation de variétés de français hors de France. Puisque notre étude vise une description

générale de l’approche de l’espace francophone des manuels, nous n’entrerons pas dans les

détails des différents textes. Pour plus d’informations sur les textes, nous renvoyons à

Page 49: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

41

l’annexe A, dans laquelle nous proposons une description brève de l’ensemble des textes

étudiés dans chaque manuel, catégorisés en fonction de région ou aire francophone.39

4.2.1 Le monde francophone selon Contours

Dans le manuel Contours (2009), les cinq grandes aires francophones se trouvent représentées

à travers les différents textes du chapitre 7, « Le monde francophone », comme le montre

l’annexe A. Le manuel met néanmoins l’accent sur trois régions francophones, la

Guadeloupe, en particulier, en plus du Québec et du Sénégal, représentatives de trois grandes

zones francophones : les DROM ou la francophonie créolophone, l’Amérique du Nord et

l’Afrique subsaharienne. Afin d’avoir une idée des éléments de l’espace francophone

auxquels les auteurs du manuel Contours accordent une importance, nous proposons de

rassembler les principaux aspects soulevés par les textes, d’un côté, du point de vue culturel et

de l’autre, du point de vue linguistique, en commençant par le côté culturel.

L’un des aspects culturels qui domine la présentation des régions francophones, notamment

les trois régions principales, est l’histoire. Contours insiste sur leur histoire coloniale et

présente, par exemple, quelques événements, faits, dates et personnes qui ont marqué la

Guadeloupe (C4), le Québec (C12) ou l’Afrique subsaharienne (C17). Dans le guide

pédagogique,40

les auteurs expliquent qu’ils ont choisi une approche historique de l’espace

francophone car l’objectif visé est que « les élèves acquièrent des connaissances sur le monde

francophone, apprennent où l’on parle français dans le monde et pourquoi » (notre trad., nous

soulignons). À part les aspects historiques, ces textes, qui sont de nature descriptive et

factuelle, permettent également aux élèves d’acquérir des informations factuelles sur les

différentes régions, par exemple sur la population (le nombre d’habitants, l’ethnie), sur la

géographie et le climat. Les auteurs de Contours semblent ainsi avoir mis l’accent sur

l’objectif de compétence du LK06 qui vise à ce que les élèves soient capables d’« expliquer

des aspects de la géographie et de l’histoire du territoire cible » (cf. infra 3.2.1).

Le manuel aborde aussi les régions francophones selon une perspective touristique, intégrée

dans le texte factuel pour le cas du Québec (C12), dans une affiche touristique pour la

Guadeloupe (C7), dans un document fabriqué présentant un programme de séjour au Sénégal

39 Dans l’annexe A, chaque texte a été attribué une appellation que nous utiliserons pour faire référence aux

textes. Les textes du Contours commencent par un C, plus un chiffre, ceux d’Enchanté 2 (2007– version 1), EV1

et pour la version 2 d’Enchanté (2013), c’est EV2. 40 Le guide pédagogique se trouve sur le site du manuel dans Lærersider: www.gyldendal.no/contours

Page 50: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

42

(C20) et dans un dialogue intitulé « Les vacances dans un pays francophone » (C3). Ces

textes décrivent ce que l’on peut y découvrir ainsi que les visites et les activités de loisir à

faire. On présente également la cuisine créole et le plat national de la Guadeloupe, le

Colombo (C6).

En plus des textes factuels et descriptifs, les textes littéraires jouent un rôle considérable pour

représenter la culture des régions et aires francophones dans Contours. À l’exception de

l’Europe francophone, la présentation de chaque aire comprend un texte littéraire écrit par un

auteur francophone de l’aire en question. Il s’agit d’une nouvelle pour le cas de Guadeloupe

(C8) ou d’un poème pour chacune des autres aires (C13 ; C19 ; C23). Les poèmes sont des

documents authentiques, qui reprennent, en général, des idées évoquées dans les textes

factuels, tandis que l’extrait de la nouvelle de Gisèle Pineau, « La vie-carnaval », qui illustre

la Guadeloupe, notamment sa tradition de carnaval et des aspects de sa vie sociétale, est un

document didactisé, avec quelques parties du texte orignal effacées.

En examinant les liens Internet proposés sur le site du Contours, on se rend compte que la

majorité de ces pages Internet permettent d’approfondir la connaissance sur les phénomènes

culturels présentés dans le manuel de l’élève, c’est-à-dire la littérature et le tourisme ainsi que

des informations factuelles sur les régions (histoire, géographie, etc.). Seul le site Internet de

TV5 monde propose des sources orales, mais il n’y a aucune suggestion ou directive de la part

des auteurs du manuel quant à l’activité ou le document à exploiter.

Si le manuel Contours accorde une importance à plusieurs aspects culturels du monde

francophone, il n’y a cependant pratiquement rien sur la langue. Contours se limite à aborder

brièvement la situation linguistique des régions francophones en focalisant sur le statut et les

fonctions que le français occupe au sein de ces communautés, comme langue officielle et/ou

langue maternelle. La situation linguistique de l’espace francophone est présentée de manière

générale par le texte C1 et le carte du monde francophone (C2). D’autres textes évoquent ce

thème lors de la présentation d’une région particulière, par exemple dans les petits textes sur

la Suisse (C9), la Belgique (C11) et le Maghreb (C23). Le manuel mentionne aussi la

présence des langues locales.

Une langue locale est particulièrement mise en valeur dans Contours. Il s’agit du créole

guadeloupéen, qui est décrit brièvement en termes de quelques traits et d’exemples dans le

texte C5. Dans la nouvelle « la vie-carnaval », on trouve aussi deux énoncés en créole ainsi

Page 51: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

43

qu’une variante lexicale de la variété de français de Guadeloupe, chabin (la BDLP).41

Néanmoins, la lecture de la nouvelle se fait en français standard, donc il n’y a pas de traits de

cette variété au niveau de la prononciation. C’est d’ailleurs le cas pour l’ensemble des fichiers

audio qui accompagnent les différents textes.

Il est clair que Contours ne vise pas à sensibiliser les apprenants à la variation diatopique du

français hors de France. Nous avons toutefois relevé deux variantes lexicales de la variété de

français québécois (FQ ci-après), à savoir canotage et arrêt. Canotage est une dérivation du

verbe canoter provenant du nom canot, qui signifie canoë en français de référence (FR). Si le

mot canot existe en FR, bien que son usage soit rare, il ne renvoie pas au même type de

bateau (Usito).42

Canotage est donc une innovation sémantique du fait que sa signification est

différente en FR et en FQ. Dans l’édition de Contours de 2009, ce mot apparait uniquement

dans la liste du vocabulaire du texte sur le Québec (C12), traduit en norvégien par

kanopadling qui signifie « faire du canoë » en FR. C'est donc bien dans le sens du FQ que le

manuel emploie le lexème de canotage. Cependant, c’est le terme canoë qui est utilisé dans le

texte même, tandis que dans la version de 2007, il est présent à la fois dans le texte et la liste

du vocabulaire. Le fait que cette variante a été remplacée dans le texte de 2009 semble

indiquer que ce québécisme s'y est introduit par erreur dans la version de 2007. Une erreur

que les auteurs semblent avoir voulu corriger dans la nouvelle version en oubliant toutefois de

l’effacer de la liste du vocabulaire.

Le lexème arrêt figure sur une photo d'un panneau de circulation. C’est une variante lexicale

propre au FQ car en France, c’est le mot anglais stop qui est utilisé sur ces panneaux. Dans le

manuel, cette photo ainsi que quatre autres ont été choisies comme support visuel pour une

activité de l’expression écrite (C15).43

La deuxième variante québécoise n’est alors pas là par

hasard, ce qui semble être le cas pour la première. Cependant, le manuel ne propose pas de

commentaire sur l’emploi du terme arrêt. Autrement dit, si la photo avec le panneau d’arrêt

pourrait être un moyen pour introduire l’aspect variationnel du français de Québec en classe,

cela dépend totalement de l’enseignant et/ou du regard attentif et curieux des élèves.

Après cette vue générale du traitement du monde francophone de Contours, nous sommes

alors amenée à la conclusion suivante : ce manuel a pour objectif d’enseigner différents

41 Cette variante est présente dans le texte original. Le manuel propose une traduction en norvégien du terme

(« person med negroide trekk, men lys hud » p. 217), mais il ne précise pas que c’est une variante. 42 Usito: "canot" qui signifie « barque » en FR : https://www.usito.com/dictio/#canotage.ad%C2%A4 43 Cet exercice est nouveau dans Contours (2009) : il s’agit d’écrire une carte postale en s’inspirant des photos.

Page 52: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

44

aspects culturels des régions francophones, entre autres, où l’on parle français et pourquoi,

mais le côté linguistique, c’est-à-dire comment on parle français dans les différents coins du

monde est totalement ignoré. Regardons maintenant si cet aspect est souligné dans le manuel

d’Enchanté 2, en commençant par la version de 2007.

4.2.2 Le monde francophone selon Enchanté 2

Enchanté 2 (2007) – version 1

La première édition d’Enchanté 2 présente quatre régions francophones, le Canada, l’Algérie,

le Cameroun et la Guadeloupe, qui sont représentatives de quatre différentes zones

francophones. Les trois premières correspondent à trois chapitres du thème la francophonie,

tandis que le chapitre sur la Guadeloupe fait partie du thème 1, Le tour de France des régions.

Nous incluons néanmoins cette région francophone dans notre étude, étant donné que la

Guadeloupe se situe hors de l’Hexagone et que sa situation linguistique et culturelle est bien

différente de celle de la métropole. Pour donner une vue générale du traitement du monde

francophone par ce manuel, nous procédons comme avec Contours, c’est-à-dire en examinant

d’une part, le point de vue culturel et d’autre part, le point de vue linguistique. Notons que

chaque chapitre d’Enchanté s’organise de façon identique avec un texte principal, puis trois

autres textes qui apparaissent sous les rubriques de Civilisation, de Coin culturel et de Pour

aller plus loin. Ces textes abordent alors différents aspects de chaque région.

À l’exception du titre du chapitre « le Canada », les titres des autres chapitres donnent des

indications sur les sujets culturels qui sont soulignés dans la présentation de la région

francophone en question. En effet, le chapitre intitulé « L’Algérie : colonisation et

indépendance » met l’accent sur l’histoire coloniale de l’Algérie et sa société pendant et après

la colonisation, par le biais des deux textes principaux du chapitre. Le premier est un texte

factuel (EV1-11) et le deuxième, une interview avec un Algérien qui habite en Norvège (EV1-

12). En ce qui concerne le texte principal du chapitre sur le Cameroun (EV1-17), il porte sur

un aspect sociétal spécifique. Intitulé comme le chapitre, c’est-à-dire « La radio des femmes

camerounaises de Mbalmayo », ce texte évoque la condition des femmes au Cameroun à

travers l’histoire d’une Camerounaise, présentée par deux personnages du manuel sous la

forme d’un exposé scolaire.

Page 53: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

45

Le chapitre sur la Guadeloupe porte essentiellement un regard touristique sur cette île

antillaise, indiqué par le titre du chapitre : « Voyage, voyage… ». À travers deux cartes

postales (EV1-1), les élèves découvrent la Guadeloupe en tant que destination touristique

exotique, comme les endroits à visiter, les spécialités culinaires à déguster et les activités de

loisir à faire. La perspective touristique domine également le texte principal du chapitre sur le

Canada (EV1-5). Ce texte est un dialogue fabriqué, qui a lieu dans un avion à destination de

Québec, entre deux personnages d’origine française et un personnage canadien, Emma. La

Québécoise donne aux Français des conseils de tourisme (lieux, activités, plat typique) sur

cette province francophone.

Le manuel présente aussi des données factuelles sur la Guadeloupe et le Canada dans les

textes parus sous la rubrique de Civilisation. Pour la Guadeloupe (EV1-2), on parle de son

histoire coloniale et sa diversité ethnique tandis que le texte sur le Québec (EV1-8) donne des

informations sur sa géographie, sa population et la ville de Montréal. Nous trouvons

également des informations factuelles en termes de nombre d’habitants, faits historiques et

localisation géographie dans les textes d’écoute sur le Cameroun (EV1-18), sur la ville de

Québec (EV1-6) ainsi que celui sur la ville algérienne d’Oran (EV1-13).

Un autre aspect culturel auquel Enchanté 2 prête particulièrement attention est la diversité de

la musique francophone. En effet, sous la rubrique Coin culturel, chaque région ou aire est

représentée par une chanson contemporaine, interprétée à l’origine par un chanteur ou groupe

de la région en question. Par exemple, pour représenter la Guadeloupe, les auteurs ont choisi

« Vive le douanier Rousseau » de La Compagnie Créole (EV1-3) et la chanson « J’erre » de

Steve Dumas (EV1-9) pour le Canada. Cependant, les fichiers audio semblent être des

reprises des chansons. De plus, la musique traditionnelle de l’Afrique subsaharienne et celle

du Maghreb sont également au centre des textes de Civilisation (EV1-19 et EV1-14). Pour le

texte EV1-14 intitulé « La culture maghrébine en France », on met aussi l’accent sur des

spécialités culinaires du Maghreb. Nous y trouvons même une recette de couscous.

Tout comme Contours, le manuel utilise aussi des textes littéraires pour représenter la culture

d’une région francophone. Pour illustrer la Guadeloupe, les auteurs ont choisi la même

nouvelle que Contours, « la vie-carnaval », mais l’extrait est ici plus court. Le manuel

comprend aussi un extrait du roman Cette fille-là de l’auteure algérienne, Maïssa Bey (EV1-

16), ainsi trois poèmes des auteurs de l’Afrique subsaharienne (EV1-21).

Page 54: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

46

Une autre ressemblance avec Contours concerne les sites Internet proposés dans le guide

pédagogique d’Enchanté 2. Ici aussi, la grande majorité des sites web proposent des sources

écrites et permettent généralement d’approfondir les sujets culturels abordés dans les textes du

manuel, tels que l’histoire, la géographie et d’autres informations factuelles sur les régions

francophones ainsi que le tourisme, la cuisine, la musique et la littérature.

En revanche, du point de vue linguistique, la première version d’Enchanté 2 se distingue de

Contours. Contrairement à ce dernier manuel, Enchanté ne se limite pas à mentionner la

situation linguistique de différentes régions, mais aborde aussi l’aspect du français parlé hors

de France. Cependant, seul un texte du manuel Enchanté 2 (2007) propose une véritable

illustration d’un français extrahexagonal. Il s’agit du dialogue sur le Québec (EV1-5), qui

représente la variété de français québécois à travers le discours du personnage canadien.

Comme le souligne le guide pédagogique, les auteurs visent à familiariser les élèves à

quelques particularités du français québécois.44

Puisque ce texte fera l’objet d’une analyse

approfondie dans la partie 4.3, nous nous bornerons ici à une description brève de l’aspect

variationnel du texte, en soulevant des points qui nous seraient utiles ultérieurement.

Sur le plan lexical, nous avons relevé plusieurs variantes québécoises. Le personnage

québécois nommé Emma emploie quelques variantes dans son discours et donne aussi des

explications et des exemples de particularités lexicales de la variété de français québécois. Par

exemple, elle explique le phénomène de calque de l’anglais ainsi que la présence des

archaïsmes dans la variété québécoise.45

En plus des variantes lexicales dans le texte, le

manuel propose également en bas du texte, une liste de vocabulaire avec douze mots et

expressions du français canadien et leurs équivalents en français de France.46

En écoutant le fichier audio, nous enregistrons qu’Emma a un accent non-standard avec un

certain nombre de particularités au niveau de la prononciation. Il y a cependant un trait

phonologique qui est particulièrement mis en avant dans le fichier audio ainsi que dans le

texte écrit. Il s’agit de la prononciation de moi, qui figure dans deux occurrences de

l’expression de «j'adore ça, moé !» (p.77 ; p.78). Les auteurs du manuel ont souligné la

prononciation particulière de moi à l'écrit par la graphie, moé, ce qui correspond à la

44 L’un des objectifs visés par ce texte est que « [les élèves] apprennent aussi un peu sur le français canadien »

(p. 13, notre trad.). Le guide pédagogie, Lærerveiledning, se trouve en pièce-jointe sur la page du manuel

http://enchante2.cappelendamm.no/c163000/artikkel/vis.html?tid=272179&strukt_tid=163000 45 Nous reviendrons sur ces points dans la partie 4.3 46 La colonne des termes du «français canadien» est représentée par le drapeau du Canada, alors que le drapeau

tricolore signale que les termes de l’autre colonne est ceux du «français de France».

Page 55: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

47

transcription phonétique [mwɛ], en plus d’y insérer un commentaire sur ce trait de

prononciation dans la marge du texte. A croire le manuel, cette variante phonologique est le

trait emblématique par excellence de la variété québécoise. Cette forme ainsi que les autres

variantes seront examinées et présentées dans la partie 1.3. Notons que, si ce texte met

particulièrement en valeur des variantes au niveau lexical et semble vouloir initier les

apprenants aux variations de prononciation, aucune variante morphosyntaxique n’y est

présente.

À propos du chapitre sur le Canada, le guide pédagogique propose un lien vers un site

Internet, présenté sous le titre : « langue ». Malheureusement, ce site web est introuvable à

l’heure actuelle. Mais, nous pouvons néanmoins supposer que la page intitulée langue

présentait d’une manière ou d’une autre la variété de français québécois, étant donné que les

autres pages web proposées par le manuel permettent en général d’approfondir un sujet

particulier abordé par le chapitre. Le dialogue ainsi que la présence de ce lien soulignent alors

que les auteurs du manuel visent à sensibiliser les élèves au français de Québec.

En revanche, quant au traitement des autres régions francophones, il n’y a pas une telle

représentation de la réalité langagière du français. Nous avons toutefois relevés quelques traits

du français hors de France dans les autres chapitres, notamment sur le plan lexical. Par

exemple, dans le texte sur la culture maghrébine (EV1-14), il y a de nombreux termes

d’origine arabe qui appartiennent au champ lexical de la nourriture, par exemple, le couscous,

le tagine, la harira et de la musique : le cheikh et cheb.

Mais peut-on considérer ces lexèmes comme des variantes caractéristiques du français

d’Algérie et/ou de Maghreb? Cette question se pose du fait que la majorité des mots d’origine

arabe relevés se sont répandus dans la francophonie, et même bien au-delà, notamment les

noms des spécialités culinaires, comme en témoignent les dictionnaires. Selon le Petit Robert

(2013), seuls les termes de cheikh et de cheb sont considérés comme des variantes

diatopiques. La BDLP, de son côté, considère aussi des mots culinaires, par exemple, le

tagine et la harissa, comme des variantes du français d’Algérie.47

Puisque le taux élevé des

termes d’origine arabe constitue une particularité du français parlé au Maghreb et que les

termes en question renvoient à une réalité culturelle maghrébine, nous interprétons ces

lexèmes comme des variantes du français de cette aire.

47 Commentaire dans la BDLP (Algérie) : « Terme compris du plus grand nombre de francophones mais peu

utilisé » http://www.bdlp.org

Page 56: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

48

D’autres variantes, aussi chargées d’un poids culturel de la communauté francophone en

question, se trouvent dans les textes littéraires. Par exemple, le lexème youyou, relevé de

l’extrait du romain de Maïssa Bey, est une onomatopée de l’arabe dialectale désignant le « cri

[…] poussé par des femmes lors des fêtes, des enterrements, des occasions solennelles » (la

BDLP). Il y a aussi la variante chabin de l’extrait de « la vie-carnaval » qui renvoie à une

réalité culturelle de Guadeloupe. Mais, en dehors du lexique, il n’y a rien dans les textes du

manuel évoquant le français tel qu’il est parlé en Algérie, au Cameroun ou en Guadeloupe.

Quant aux fichiers audio qui accompagnent ces textes, ils relèvent tous du français de

référence, sauf un. Il s’agit du fichier sonore de l’interview intitulée « Un Algérien en

Norvège » (EV1-12). Dans le guide pédagogique, on souligne que cette interview est

authentique. Le terme authentique semble ici renvoyer au fait qu’ils ont interviewé une

personne réelle, d’origine algérienne, et non dans le sens de document authentique. Le texte

lui-même semble plutôt être de nature didactisée. Le discours du locuteur algérien donne

l’impression d’être déjà préparé, probablement préalablement écrit et lu dans le fichier audio .

Son discours est organisé de façon cohérente et manque de spontanéité et de marqueurs de

l’oralité typiques pour une interview comme des hésitations, faux départs, silences, etc. De

plus, il semble probable que le locuteur algérien sait que l’interview est faite pour des fins

pédagogique, dans le cadre de l’enseignement du français, et adapte, par conséquent, sa façon

de parler pour convenir à des apprenants du FLE.

Dans un tel texte didactisé qui, par surcroît, met l’accent sur le contenu exprimée par le

locuteur algérien, et non sur la forme, il n’est pas étonnant que nous n’ayons relevé que très

peu de traits de la variété du français d’Algérie et que ces traits apparaissent uniquement dans

le fichier audio. Nous reconnaissons cette variété surtout par l’intonation du locuteur, qui est

particulièrement marquée. Sa réalisation du /r/ dans certaines positions semble aussi être

typique pour beaucoup de locuteurs de cette variété, mais ce trait est cependant moins mis en

évidence. De manière générale, on peut alors dire que le fichier audio permet de confronter les

élèves à un accent non-standard, notamment au niveau de l’intonation. Mais sur les autres

plans linguistiques, le langage du locuteur algérien est relativement standardisé. Certes,

l’aspect variationnel du français n’est pas souligné dans ce texte, mais les auteurs du manuel

laissent néanmoins la parole à un locuteur réel de la francophonie hors de France, qui plus est,

n’a pas le français comme langue maternelle.

Page 57: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

49

Signalons un dernier point concernant les fichiers audio avant de nous tourner vers la

deuxième édition d’Enchanté 2. Seuls l’interview du locuteur algérien et le dialogue avec le

personnage québécois laissent paraître des traits diatopiques au niveau de la prononciation. Ce

que ces deux textes ont en commun, c’est qu’ils donnent la parole aux locuteurs locaux, fictifs

ou réels. De plus, ces textes mettent en scène des genres oraux (conversation et interview) et

visent, dans une certaine mesure, à représenter la langue parlée. Ce genre de textes semble

alors particulièrement approprié pour présenter la variation diatopique de différents domaines

de l’analyse linguistique dans le cadre de l’enseignement du FLE.

Enchanté 2 (2013) – version 2

Nous allons maintenant examiner la présentation du monde francophone de la nouvelle

édition d’Enchanté 2 ainsi que les modifications qui ont été effectuées par rapport à la

première édition. Cette nouvelle édition se distingue de la première version à plusieurs égards,

notamment en termes de chapitres et textes et de régions et aires francophones représentées.

Avant de nous pencher sur les changements du point de vue linguistique, nous présenterons

d’abord les modifications concernant le traitement des régions et des aspects culturels.

Tout comme la version de 2007, cette édition présente le Québec, l’Algérie et le Cameroun,

mais ici, l’Algérie et le Cameroun sont englobés dans le même chapitre : « l’Afrique

francophone », et non dans deux chapitres distincts. La fusion de ces deux chapitres se fait

particulièrement sentir au niveau des textes. Par exemple, le texte principal (EV2-8) reprend

l’histoire de la Camerounaise du EV1-17 et dresse également le portrait d’un immigrant

algérien en France. Présenté sous forme de projet scolaire, ce texte évoque les mêmes thèmes

que dans la première édition, comme la condition féminine au Cameroun, la situation

d’Algérie pendant et après la colonisation, la relation entre la France et l’Algérie, mais de

façon narrative et moins détaillée que dans la précédente. De même, nous retrouvons le thème

de la musique africaine francophone dans le texte de Civilisation (EV2-9), mais dans la

nouvelle version, la partie sur la musique du Maghreb (EV1-14) a été intégrée dans le texte

(EV1-19), présentant les aires musicales d’Afrique subsaharienne. En matière de texte

littéraire, les auteurs ont placé sous la rubrique de Coin culturel trois poèmes des auteurs de

l’Afrique subsaharienne (EV2-10) dont deux étaient déjà dans le manuel de 2007.

Quant au chapitre sur le Canada, il ressemble à celui de la version de 2007, avec quelques

modifications toutefois. Le texte factuel nommé « Le Québec » (EV2-5) a été allongé et

Page 58: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

50

légèrement restructuré. En plus des données sur le Québec (la géographie, la population) et

sur Montréal (par exemple, des lieux et activités touristiques), le texte modifié aborde aussi

des nouveaux aspects, telle que l’histoire du Québec et de Montréal. Les auteurs ont aussi

remplacé la chanson de Steven Dumas (EV1-9) par la chanson de Robert Charlebois « Je

reviendrai à Montréal » (EV2-7). En ce qui concerne le dialogue entre les deux Français et le

personnage québécois (EV1-5), le texte lui-même a seulement été légèrement modifié alors

que le fichier audio du dialogue a subi un changement significatif (cf. EV2-4).

Une autre modification importante à mentionner concerne la présentation des pays

francophones en Europe, une aire qui n’est pas traitée dans l’ancienne version. En revanche,

la nouvelle version ne présente pas la Guadeloupe, ni un autre DROM. Le texte principal du

chapitre « Voyage à travers l’Europe francophone » présente la Belgique, le Luxembourg, la

Suisse et le Monaco (EV2-1). Sous forme de blog de voyage, deux lycéens français donnent

des informations factuelles sur ces pays (villes, système politique), mais l’accent est mis sur

l’aspect touristique (lieux touristiques, spécialités culinaires, etc.). Les autres textes du

chapitre sont de nature factuelle. Le texte de Civilisation (EV2-2) porte sur trois personnages

célèbres d’Europe francophone et le texte de Coin culturel (EV2-3) présente très brièvement

l’Art nouveau, du point de vue architectural, des constructions de l’Art nouveau à Bruxelles et

deux grands architectes belges.

Pour résumer, la nouvelle version d’Enchante 2 représente quatre aires francophones :

l’Europe hors de France, l’Amérique du Nord, l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord.

Le nombre de textes a été réduit dans cette édition en effaçant la rubrique Pour aller plus loin

et en fusionnant les chapitres sur le Cameroun et l’Algérie. Il s’ensuit que le manuel de 2013,

comparé à celui de 2007, aborde certains aspects de façon moins approfondie ou pas du tout,

par exemple, la cuisine maghrébine. Sinon, du point de vue culturel, nous retrouvons

essentiellement les mêmes aspects que dans la première édition : des données factuelles sur

l’histoire, la géographie, la société des régions francophones ainsi que des aspects touristiques

et les expressions culturelles telles que la musique et la littérature. Enchanté de 2013 accorde

cependant moins d’importance à la littérature et à la musique que l’édition précédente. Seul le

chapitre sur l’Afrique comprend des textes littéraires (trois poèmes) et quant à la musique, il

n’y a qu’une chanson pour représenter une région (le Canada), en plus d’un texte factuel

décrivant la diversité de la musique africaine francophone.

Page 59: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

51

Du côté linguistique, il y a eu des modifications considérables pour notre propos. Dans

Enchanté de 2007, nous avons relevé quelques variantes lexicales du français d’Algérie, des

mots d’origine arabe ainsi qu’une variante guadeloupéenne dans l’extrait de « la vie-

carnaval ». Étant donné que les textes où l’on trouvait ces mots ont été supprimés de l’édition

de 2013 (EV1-14 ; EV1-16), les variantes n’y sont pas non plus. Quant au champ lexical de la

musique, il y a toujours la variante algérienne, cheb, en plus de toutefois deux nouveaux

lexèmes désignant des instruments d’origine africaine, à savoir le djembé et le balafon (EV2-

9), qui renvoient à la culture africaine.

En ce qui concerne le dialogue avec le personnage québécois (EV2-4), la variation lexicale du

français québécois (FQ) est toujours mise en valeur. En plus des variantes que l’on trouve

dans la version de 2007, on a également ajouté fin de semaine aux exemples des calques de

l’anglais. Dans la nouvelle édition, on met également plus en avant la variante magasiner. Ici,

elle apparaît non seulement parmi les exemples des calques, mais aussi dans l’énoncé : « Tu

sais qu’au Québec on ne dit pas « faire du shopping » mais « magasiner » ? » (p.31) ainsi que

dans la liste des termes québécois. Le lien Internet proposé dans le guide du manuel portant le

nom de « Lexique français québécois »48

souligne aussi que c’est la variation lexicale du FQ

qui est au centre des préoccupations des auteurs.

L’aspect variationnel du français, du point de vue lexical, est également évoqué dans le texte

principal du chapitre sur l’Europe francophone (EV2-1). Dans la partie sur la Belgique, une

variante lexicale belge est explicitée dans les lignes suivantes: « Dans les restaurants, les

serveurs disent « s'il vous plaît » quand ils apportent les plats » (p.13). En précisant le

contexte de la locution s'il vous plaît, les auteurs soulignent que cette expression prend un

autre sens qu’en français de référence (FR). En effet, lorsqu’un locuteur belge utilise s'il vous

plaît en présentant quelque chose, cette locution signifie «voici, voilà » en français de

Belgique (Le Petit Robert, 2013, p.1920), alors qu'en FR, c’est une formule de politesse qui

s'ajoute généralement à un ordre ou une demande. En d’autres termes, cette variante belge est

une innovation sémantique (la BDLP).49

48 Le lien renvoie à un article sur Wikipédia :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Lexique_du_fran%C3%A7ais_qu%C3%A9b%C3%A9cois . On peut noter que

Wikipédia propose un article plus général sur le français québécois présentant aussi la variation

morphosyntaxique et phonologique: http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ais_qu%C3%A9b%C3%A9cois 49 La BDLP: s'il vous plaît: http://www.bdlp.org/fiche.asp?no=3201&base=BE

Page 60: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

52

Cependant, si l’aspect variationnel est évoqué dans ce texte, il n’est pas particulièrement mis

en valeur. En effet, à part la citation du belgicisme dans le texte, cette variante n’est pas

commentée, ni traduite ou visée dans un exercice dans le manuel. Le texte ne présente pas non

plus d’autres variantes régionales du français européen, pas plus qu’il ne laisse la parole aux

locuteurs locaux. De surcroît, si le guide du manuel suggère un site web pour connaître plus

de variantes du français québécois, il ne propose cependant aucun lien Internet sur le lexique

du française en Belgique ou sur d’autres variétés de français en Europe hors de France.

Autrement dit, bien qu’Enchanté 2 de 2013 donne un exemple d’une variante lexicale belge,

les auteurs ne mettent pas l’accent sur l’aspect variationnel du français en Europe, comme ils

le font avec la variété québécoise.

Les auteurs ont probablement choisi de présenter cette variante pour des raisons touristiques,

comme c’est un belgicisme que les touristes en Belgique sont susceptibles de rencontrer. Des

variantes de ce genre nous semblent tout à fait utiles pour des apprenants de FLE et peuvent

convenir pour une première initiation à une variété de français. Mais pour que l’aspect

linguistique du français en Belgique soit vraiment mis en évidence en classe, il ne suffit pas

de citer une seule variante lexicale. Nous pouvons toutefois imaginer qu’il y ait des

enseignants qui s’inspirent justement de cette variante pour approfondir le sujet sur le français

belge. Dans cette optique, un enseignant peut, par exemple, présenter aux élèves d’autres

belgicismes de ce genre, tels que septante et nonante et les noms de repas des Belges, qui

déjeunent le matin, dînent le midi et soupent le soir, en soulignant que ces variantes sont

partagées par d’autres communautés francophones comme la Suisse et le Canada. Ce que les

élèves acquièrent sur les français en Europe dépend alors essentiellement des enseignants.

Il y a aussi eu des changements qui affectent l’aspect variationnel du point de vue de la

prononciation. En écoutant l’ensemble des fichiers sonores du thème de monde francophone

de la présente édition, nous remarquons qu’ils ne relèvent que du français standard, tandis que

les fichiers audio de la version de 2007 confrontent les élèves au moins à une intonation

algérienne (EV1-11) et un accent non-standard pour représenter la variété québécoise (EV1-

5). L’interview avec l’Algérien a été supprimée de cette présente version, il n’est alors guère

étonnant que la voix réelle de ce locuteur algérien ait disparu aussi. Et, bien que la nouvelle

version présente aussi un Algérien, cette présentation est faite par le biais d’un texte de nature

narrative (EV2-8), raconté par un personnage français du manuel. Contrairement à

l’interview, ce type de texte ne laisse alors pas la parole à l’individu algérien.

Page 61: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

53

Les seuls textes d’Enchanté 2 de 2013 qui donnent la parole, à l’écrit, aux locuteurs locaux,

réels ou fictifs, sont les textes authentiques, la chanson de R. Charlebois (EV2-7) et les

poèmes africains (EV2-10), ainsi que le dialogue fabriqué sur le Québec (EV2-4). Le fichier

audio de la chanson présente une lecture de la chanson par une voix féminine relevant du

français standard. La récitation des poèmes des écrivains africains est également faite à

travers le français de France. Cette opposition entre le fichier sonore et le texte authentique

devient surtout frappante pour les poèmes, compte tenu de leur contenu, ce qu’illustre, par

exemple, le poème intitulé « Poème à mon frère blanc ».

Ce qui surprend le plus, c’est cependant le fichier audio qui accompagne le dialogue sur le

Québec (EV2-4). Contrairement à la version de 2007, l'accent du personnage québécois

s’aligne sur le français de référence, hormis une chose: la prononciation [mwɛ] de moi.50

Dans

une communication personnelle, la rédactrice d’Enchantée 2 de 2013, Kristin Abildsnes,

explique que la compagnie engagée pour faire les fichiers sonores du manuel n’avait plus à sa

disposition une locutrice du Québec. Abildsnes reconnaît que le mieux aurait été d’avoir une

locutrice de cette région, mais pour des raisons de temps et de coût, ils se sont contentés d’une

locutrice française (Abildsnes, communication par courrier électronique, 02.12.2014). Soit. Il

n’y a cependant aucune remarque précisant ce fait, ni dans le manuel, ni dans le guide

pédagogique ou sur la page web du manuel. En d’autres termes, les auteurs passent sous

silence que l’édition de 2013 représente la prononciation de la variété de français québécois à

travers le français standard, à l’exception de la prononciation particulière de moi. Ce trait de

prononciation est ainsi davantage souligné dans cette version que dans celle de 2007.

Pour résumer, les auteurs d’Enchanté 2 ont radicalement modifié l’aspect linguistique dans la

nouvelle édition de 2013. Si le manuel prête toujours attention au côté variationnel du

français, au moins en ce qui concerne le français québécois en plus d’une variante de la

variété belge, c’est uniquement du point de vue lexical hormis un trait phonologique. Cette

édition représente le français québécois comme du français standard qui contient toutefois un

seul trait au niveau de la prononciation et plusieurs variantes sur le plan lexical. À notre avis,

une telle représentation d’une variété de français donne une image incorrecte de la réalité des

pratiques langagières aux apprenants et par conséquent, elle ne nous semble pas appropriée, ni

satisfaisante dans l’optique de sensibiliser les élèves à la variation diatopique, ou tout

simplement, de les confronter à la réalité langagière du français.

50 Il y a toujours un commentaire sur cette prononciation dans la marge du texte (voir partie 4.3).

Page 62: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

54

4.2.3 Synthèse de la présentation du monde francophone des

manuels

Aires

francophones

Contours

(2007; 2009)

Enchanté 2

(2007)

Enchanté 2

(2013) L'Europe La Belgique et la Suisse -

La Belgique,

le Luxembourg, la Suisse,

le Monaco

Aspects culturels Faits, blagues sur les Belges - Tourisme, faits, personnages

célèbres, style artistique

Aspects

linguistique

Situation linguistique - Situation ling. Une variante

lexicale du français belge

L’Amérique du

Nord

Le Québec Le Québec

Le Québec

Aspects culturels Faits, histoire, géographie,

tourisme

Faits, histoire, géographie,

villes, tourisme, musique

Faits, histoire, géographie,

villes, tourisme, musique

Aspects

linguistiques

Situation linguistique Le français québécois

(prononciation et lexique)

Le français québécois

(lexique et un trait phon.)

Les DROM La Guadeloupe La Guadeloupe -

Aspects culturels Faits, histoire, tourisme,

cuisine, littérature

Tourisme, faits, histoire,

musique, littérature

-

Aspects

linguistiques

Le créole guadeloupéen

Une variante lexicale

Situation ling.

Une variante lexicale

-

L'Afrique du

Nord

L'Algérie, la Tunisie, le

Maroc

L’Algérie L’Algérie

Aspects culturels Histoire, littérature Histoire coloniale, société, la

musique, cuisine, littérature

histoire, immigration,

musique

Aspects

linguistiques

Situation linguistique Situation linguistique

Variation (intonation)

L'Afrique

subsaharienne

Le Sénégal Le Cameroun Le Cameroun

Aspects culturels Faits, histoire, tourisme,

littérature

La condition des femmes,

faites, histoire, musique,

littérature

condition des femmes,

musique, littérature

Aspects

linguistiques

Situation linguistique

(Langues parlées)

Tableau 3

Le Tableau 3, ci-dessus, résume le traitement de l’espace francophone par Contours et les

deux éditions d’Enchanté 2. Les aspects culturels présentés dans les deux manuels

correspondent largement au programme du LK06. Contours et Enchanté prêtent tous les deux

attention à l’histoire et la géographie des régions francophones en question et représentent la

diversité culturelle du monde francophone à travers des expressions culturelles comme la

musique et la littérature. Nous avons également vu qu’ils portent un regard touristique sur le

monde francophone et abordent aussi certaines traditions et coutumes des régions, en

particulier des spécialités culinaires.

Page 63: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

55

Or, si leur présentation du côté culturel de l’espace francophone donne l’impression d’être

relativement coordonné et organisé, il n’y a pas de véritable politique pour présenter les

différentes régions francophone d’un point de vue linguistique. Concernant la première partie

de notre question de recherche, c’est-à-dire dans quelle mesure traite-on des variétés de

français hors de France dans les manuels de FLE ?, nous avons pu constater que, de manière

générale, les manuels étudiés traitent très peu, voire pas du tout, des variétés de français

extrahexagonales. Il y a cependant une différence significative entre les manuels. Les versions

d’Enchanté 2 prêtent toutes les deux attention à la variété de français québécois. Dans ce sens,

ce manuel correspond à notre interprétation quant à la phase d’apprentissage pour commencer

à familiariser les élèves à la variation diatoptique. Contours, au contraire, ignore totalement

cet aspect de la langue. Paradoxalement, ce manuel est le seul à présenter quelques traits et

exemples du créole guadeloupéen, sûrement pour le côté exotique, mais quand bien même.

Puisque le dialogue sur le Québec (EV1-5 ; EV2-4) est l’unique exemple des manuels

proposant une véritable illustration d’une variété de français, il est alors le seul qui permet

réellement d’examiner la deuxième partie de notre question de recherche : comment les

manuels présentent-ils le français tel qu’il est parlé hors de France ? Pour l’instant, nous

n’avons répondu que partiellement à cette question en soulignant que la variété de français de

Québec est présentée à travers la variation lexicale en particulier et dans une moindre mesure,

au niveau de la prononciation, mais pas au niveau de la morphosyntaxe. Dans la partie

suivante, nous proposerons une analyse approfondie des variantes lexicales et phonologiques

relevés dans ce texte.

4.3 Analyse approfondie d’un texte représentant la

variété de français québécois

Si le manuel d’Enchanté 2 présente quatre différentes aires francophones, la seule aire qui est

réellement représentée du point de vue de la langue est l’Amérique du Nord par le biais de la

province canadienne francophone, le Québec. Le choix par les auteurs du manuel de

familiariser les élèves à la variété de français québécois peut s’expliquer par plusieurs raisons.

Comme nous l’avons vu infra (cf. 2.2), le Québec est la communauté francophone hors

d’Europe où l’on trouve le plus grand nombre de francophones natifs. Le français y occupe le

statut de seule langue officielle et remplit également des fonctions vernaculaires. De plus,

linguistiquement parlant, la variété de français parlé au Québec se distingue du français de

Page 64: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

56

référence sur plusieurs plans. Pour ces raisons, nous sommes de l’avis des auteurs d’Enchanté

2 que le français en usage au Québec est un objet d’enseignement digne d’intérêt en classe de

français en VG2.

Ce qui nous préoccupe dans cette partie, c’est la représentation que font les deux versions

d’Enchanté 2 du français parlé au Québec. Comme déjà souligné, cette variété est présentée

au travers d’un document fabriqué et d’une liste de vocabulaire. De notre point de vue, le fait

que le dialogue sur le Québec soit fabriqué ne le rend pas moins intéressant pour autant, bien

au contraire. Etant un texte didactisé, il a fait l’objet de plusieurs choix de la part des auteurs.

Parmi les nombreux faits de variation du français québécois, les auteurs ont retenu une

vingtaine de variantes lexicales et une, phonologique. En nous appuyant sur des études sur le

français de Québec, nous cherchons à savoir si les variantes et les particularités sélectionnées

peuvent être considérées comme adéquates pour représenter cette variété.

Fox (2002, p.210, notre traduction) propose trois critères qui peuvent nous guider dans

l’évaluation des variantes :

1. Les variantes doivent être parmi les plus caractéristiques et les plus fréquentes

2. Les variantes ne doivent pas être considérées comme stigmatisées

3. Les variantes doivent être faciles à comprendre

Le premier critère prend en compte ce que la sociolinguistique a démontrée, c’est-à-dire

qu’une variété diatopique fait aussi l’objet de la variation diachronique et de la variation intra-

et interlocuteur, du point de vue de la synchronie (chapitre 2). Autrement dit, ce n’est pas

parce qu’un trait est attesté qu’il est forcément typique de la variété diatopique en question.

Les variantes à mettre en évidence doivent faire partie des particularités fréquentes, partagés

par la majorité des membres de la communauté en question. Comme le souligne le deuxième

critère, épilinguistique, il faut aussi prendre en considération l’évaluation des variantes par les

locuteurs de la variété et abandonner les variantes qu’ils considèrent comme stigmatisées. Un

dernier critère à considérer est relatif au facteur d’apprentissage. Nous le prenons dans le sens

que les variantes sont facilement compréhensibles pour les apprenants, par exemple, grâce à

leurs connaissances des autres langues, notamment si l’objectif est d’illustrer avec un trait

typique de la variété par le biais de cette variante. Le paramètre d’utilité nous semble aussi

important à prendre en compte, que les variantes peuvent être considérées comme utiles pour

les apprenants de FLE, par exemple, dans l’optique d’un échange potentiel avec un locuteur

de Québec.

Page 65: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

57

Un autre point important à considérer est la question de l’authenticité : est-ce que le document

du manuel représente les pratiques langagières de la communauté québécoise de façon réelle ?

Nous avons déjà soulevé un problème à cet égard concernant le fichier audio de la deuxième

édition d’Enchanté 2. En utilisant une locutrice française pour faire la voix du personnage

québécois, le manuel donne une image faussée du français parlé au Québec. Quant au fichier

sonore de la première édition, Emma a certes un accent non-standard, mais il n’est pas

conforme à la réalité langagière du français québécois, ce qu’a pu nous confirmer Marie-

Hélène Côté, professeure canadienne de linguistique française à l’Université Laval. Sa

réaction était sans équivoque : la locutrice qui fait la voix d’Emma dans l’extrait n’est pas une

autochtone. Selon Côté, il valait mieux de rien mettre que de proposer une telle représentation

de la variété québécoise (communication par courrier électronique).

Afin de pouvoir comparer la voix d’Emma d’EV1-5 avec une locutrice québécoise réelle,

Marie-Hélène Côté a enregistré le dialogue. Cet enregistrement portera l’appellation : la

version bis d’EV1-5. Côté nous a indiqué qu’elle s’était limitée à des modifications a minima

du texte. C’est alors surtout au niveau de la prononciation que la version bis diverge de

l’extrait sonore d’Enchanté de 2007, même si nous avons trouvé aussi quelques différences

lexicales et morphosyntaxiques. Nous prendrons en compte ces écarts dans notre analyse du

dialogue, que nous aborderons d’abord du point de vue du lexique avant de nous tourner vers

l’aspect phonologique.

4.3.2 Étude lexicale

Nous avons repéré un total de vingt-deux différentes variantes lexicales dans la première

version d’Enchanté 2, dont douze sont présentées dans la liste du vocabulaire en bas du texte

et les dix autres sont intégrées dans le discours du personnage québécois. En plus de ces

vingt-deux québécismes, la deuxième édition du manuel a ajouté la variante fin de semaine et

comporte alors vingt-trois québécismes lexicaux. Comme déjà mentionné, les auteurs mettent

particulièrement l’accent sur les écarts lexicaux du français canadien par rapport au français

de France. En effet, de nombreuses études confirment que la variation lexicale est une

caractéristique très saillante du parler du français de Québec. Les auteurs d’Enchanté ont alors

eu raison de souligner cet aspect. La focalisation sur le lexique peut aussi s’expliquer par le

fait que, traditionnellement, la majorité des descriptions sur cette variété, et sur d’autres, par

ailleurs, se bornaient souvent au lexique. De plus, du point de vue didactique, la variation

Page 66: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

58

lexicale est sûrement moins compliquée à traiter en classe que la variation au niveau de la

prononciation et de la morphosyntaxe.

Les descriptions portant sur la variété de français québécois classent souvent les québécismes

en fonction de leur origine, donc selon une perspective diachronique ou historique. On

distingue généralement entre cinq catégories historiques : les archaïsmes, les dialectalismes,

les anglicismes, les amérindianismes et les innovations (cf. Poirier, 1995, p.35). Puisque le

texte d’Enchanté 2 évoque deux de ces catégories, à savoir les archaïsmes et les anglicismes,

il nous semble pertinent de présenter les variantes relevées par rapport à cette typologie

historique, en commençant par les archaïsmes.51

La présence des archaïsmes dans la variété québécoise est explicitée dans le manuel par les

termes suivants: « … on a gardé beaucoup de mots français que vous les Français n’utilisez

plus, par exemple blonde pour « petite amie » et char pour « voiture » » (2007, p.78). En effet,

en raison de la période d’implantation française au Canada et de son éloignement de la

France, le parler de français au Canada a conservé des traits du français du XVIIe-XIII

e, alors

que la norme du français de référence s’est transformée depuis la Révolution (standardisation,

cf. chapitre 2). C’est pourquoi certains traits attestés dans le français autrefois ou dans des

dialectes d'oïl se sont maintenus en français canadien, contrairement au français de référence.

Mettre en évidence le phénomène d’archaïsme en plus d’en proposer quelques exemples nous

semble alors tout à fait convenable pour familiariser les élèves à cette variété.

En même temps qu’ils soulignent un trait linguistique de la variété québécoise, les archaïsmes

permettent aussi d’aborder des aspects historiques tels que la colonisation et l’histoire de la

langue, de deux côtés de l’Atlantique. Ainsi peut-on traiter le côté culturel et le côté

linguistique de manière intégrée, conformément aux tendances didactiques actuelles, ce qui

peut également s’avérer bénéfique pour l’apprentissage des élèves. Par ailleurs, le maintien

d’archaïsmes est un trait partagé par plusieurs variétés de français, notamment celles de

Belgique et de Suisse. De surcroît, il s’agit souvent des mêmes variantes que celles présentes

en français québécois, comme les noms de repas : le déjeuner, le diner et le souper. Dans une

perspective d’utilité, de tels archaïsmes nous semblent particulièrement appropriés à être

présentés aux élèves. Regardons maintenant les archaïsmes que les auteurs d’Enchanté 2 ont

choisis.

51

Étant donné que la distinction entre les archaïsmes et les dialectalismes est parfois difficile et n'est pas très

importante pour ce travail, nous avons regroupé les deux catégories sous l’appellation des archaïsmes.

Page 67: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

59

Six variantes lexicales peuvent être classées comme des archaïsmes, ce qui correspond à un

peu plus d’un quart du total des variantes relevées. Dans la liste du vocabulaire, cinq variantes

se situent dans cette catégorie, comme asteur (à c't'heure) pour dire «maintenant»52

(Pöll,

2001, p.126), barrer la porte pour « fermer la porte à clé» (Klinkenberg, 1999, p.535) ou

tantôt pour « plus tard » (Le Petit Robert, 2010, p.2505). Cette dernière variante est également

en usage dans des variétés de Belgique et de l’Afrique subsaharienne (opt.cit.).53

Dans une

perspective communicative, il est toutefois étonnant que les auteurs ne mentionnent pas

l’expression à tantôt, souvent utilisée à la fin d’une conversation pour dire « à plus tard, à tout

à l’heure ». Quant aux deux exemples d’archaïsmes relevés dans le dialogue, seul blonde peut

être considéré comme un archaïsme proprement dit, alors que le mot char devrait plutôt être

classé parmi les anglicismes. En effet, si char dans le sens d'une voiture rurale à traction

animale est un ancien terme français, maintenant vieilli en FR, le sens en FQ qui signifie

« automobile » est le résultat d'un emprunt sémantique du mot anglais car (Pöll, 2001, p.126;

la BDLP).

Concernant l'usage de ces archaïsmes, ils paraissent tous se maintenir dans la variété

québécoise à l'exception du terme asteur, devenu archaïque en français québécois

contemporain (Meney, 2010, p.83; Usito). Ce terme est néanmoins cité dans de nombreux

ouvrages et sur des sites Internet présentant la variété québécoise. Il paraît ainsi comme un

trait emblématique du FQ. Mais le fait que cette variante est en voie de disparition soulève

des doutes sur l’opportunité de la présenter aux apprenants. À notre avis, il est important que

les variantes sélectionnées soient représentatives du français québécois contemporain.

En ce qui concerne les anglicismes, presque la moitié des variantes, c’est-à-dire onze mots et

expressions, peuvent être classées dans cette catégorie.54

Notons que nous utilisons le terme

anglicisme dans le sens de Poirier (1995), c’est-à-dire de manière neutre pour désigner les

différents types d'emprunt à l'anglais, « direct, par calque, par influence d'ordre sémantique,

connotatif, fréquentiel » (p.40). Dans le dialogue, ce sont les calques formels de l’anglais qui

sont mis en évidence : « Vous savez, [dit Emma en s’adressant aux deux Français], nous, les

Canadiens francophones, nous sommes très inventifs. Nous trouvons souvent des mots

français pour traduire les expressions anglaises » (2007, p.78). Nommées des néologismes de

52 Les synonymes en FR est celles fournies par le manuel 53 On retrouve également beaucoup de ces termes en usage en Normandie. 54 Comme déjà noté, la variante de fin de semaine apparait uniquement dans l’édition de 2013

Page 68: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

60

substitution par Pöll (2001, p.131), ces variantes en français créés pour éviter des emprunts

directs à l'anglais est une spécificité bien connue et souvent soulignée du français québécois.

Pour illustrer ce phénomène de substitution, le texte propose les cinq néologismes suivants :

planche à neige, courriel, magasiner, fin de semaine et chien-chaud, qui sont généralement

utilisés dans leur forme anglaise en France, snowboard, e-mail, faire du shopping, week-end

et hot dog. Si l'usage des quatre premières calques paraissent répandus et font même partie du

bon usage du FQ (Pöll, 2001, p.130), il ne semble pas être de même pour chien-chaud.

La BDLP précise que chien-chaud « a été souvent critiqué comme traduction boiteuse et de

mauvais goût » et qu’aujourd'hui, il est « utilisé surtout par plaisanterie »,55

confirmé dans

l’Usito, qui ajoute également que ce terme est vieilli. Autrement dit, chien-chaud n'est pas

représentatif de la variété québécoise actuelle. Devrait-il alors être présenté aux élèves ?

Certes, du point de vue didactique, le calque chien-chaud a l’avantage d’être facilement

compréhensible pour les élèves, qui le trouveront d’ailleurs sûrement amusant. Mais présenter

la variante chien-chaud sans aucune précision quant à son usage particulier nous semble

néanmoins inapproprié. Il semble aussi que Marie-Hélène Côté a jugé cette variante

inadéquate, ayant omis chien-chaud dans son enregistrement du dialogue.

Dans la liste de vocabulaire, le manuel représente également d’autres types d’anglicismes qui

caractérisent le français québécois. À titre d’exemple, citons bécyque,56

un emprunt direct de

l’anglais bicycle, le calque verbal prendre une marche, qui vient de l'anglais to take a walk, et

« bienvenu » (sic.)57

pour dire « de rien/avec plaisir ». Ce dernier est un emprunt sémantique

de l’anglais du fait que c’est le sens de l’expression you’re welcome qui est ajouté au terme

français, bienvenue. Certaines variantes, comme bicycle, appartiennent au registre familier et

font partie des anglicismes critiqués (Usito, l'OQLF). Mais, sinon, les ouvrages consultés

confirment que les anglicismes cités par le manuel sont attestées dans le français québécois,

tous sauf un, à savoir l’expression d’arrêter gazer.

Dans le manuel, arrêter gazer est traduit en FR par « prendre de l'essence ». Si le verbe gazer

est cité dans les ouvrages, nous n’avons pas retrouvé l'expression arrêter gazer. Une

recherche sur Google semble néanmoins confirmer que cette expression existe en FQ, bien

55 La BDLP: "chien chaud": http://www.bdlp.org/fiche.asp?no=400581&base=QU 56 L'orthographe bécyque n’y est pas dans les ouvrages consultés, qui eux, favorisent la graphie bicycle, bien que

d'autres soient visiblement possibles : bicyc, bécique (Armange, 2007, p. 37 ) 57 L’orthographe correcte de cette variante est bienvenue (cf. Le Petit Robert, 2011, p.252)

Page 69: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

61

que le résultat soit assez faible.58

Lors de cette recherche, nous avons aussi découvert que le

titre d'une chanson d’un chanteur de country québécois, Louis Berubé, porte le nom «j'arrête

gazer».59

Ce titre pourrait alors indiquer que cette expression connait une certaine diffusion au

Québec, au moins dans certains milieux, notamment ruraux. Mais de toute façon, il est

étonnant qu'elle fasse partie des vingt-trois québécismes du manuel, alors qu'il existe dans la

variété québécoise de nombreuses variantes répandues et fréquentes qui, plus est, sont

sûrement plus utiles pour les élèves.

Une autre expression absente de nos ouvrages est J'en ai masse pour dire « j'en ai beaucoup »

en FR, repéré dans la liste de vocabulaire. Dans l’Usito, il y a cependant l'expression en masse

(de quelque chose) pour dire «beaucoup, en grande quantité », signalée comme familière, et la

locution j'en ai en masse. Selon notre recherche sur Google, la locution j'en ai en masse a eu

presque quatre fois plus de réponses que j'en ai masse. La première expression semble ainsi

être plus courante que celle du manuel. Les auteurs du manuel ont alors soit délibérément

choisi l'expression qui semble être la moins fréquente, soit tout simplement oublié le en

devant masse. Le fait que la locution j'en ai en masse ainsi que deux autres québécismes du

manuel se trouvent sur une page web présentant quelques particularités lexicales du FQ

semble néanmoins soutenir cette dernière hypothèse. 60

Quant aux quatre dernières variantes, nous les avons classées comme des innovations

québécoises. Nous citons à titre d’exemple les termes de motoneige et de poutine, qui

renvoient tous les deux à une réalité québécoise. Le premier désigne une invention canadienne

et la dernière, poutine, une spécialité culinaire et évoque ainsi la culture canadienne. Ces

variantes ressemblent ainsi aux lexèmes que nous avons relevés pour les autres régions

francophones dans la première version d’Enchanté. Le texte ne présente cependant pas des

variantes d’origine amérindienne.

Regardons maintenant les modifications que Marie-Hélène Côté a apportées au texte original

dans sa version audio. Sur le plan lexical, certains mots et expressions que l’on trouve en

usage en France ont été remplacés par des variantes typiques pour le français québécois. Par

exemple, le terme canoë a été changé par la variante québécoise, canot. De même, au lieu des

58 «arrêter gazer»: 249 réponses; "arrête gazer": 770 réponses. Cette recherche a bien évidemment ses limites,

notamment du fait qu’elle ne prend en considération que de sources écrites, mais donne des indications. 59 "j'arrête gazer" est également le nom de l'album de Louis Berubé, sorti en 2012 60Les deux autres mots, bécyque et asteur /à c't'heure, avec la même graphie que dans le manuel

http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/avantages/expressions.html

Page 70: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

62

deux adjectifs familiers dites « jeunes » du manuel qui se trouvent dans les énoncés : « C’est

un parc d’attraction hyper marrant… » et « C’est sympa… » (p.77, nous soulignons), Côté

propose l’anglicisme le fun. Si l’usage de fun est aussi attesté en France, notamment dans un

registre familier et chez les jeunes, les deux contextes dans lesquels la variante est utilisée

semblent être spécifiques à la variété québécoise (Le Petit Robert, 2013, p. 1114). Dans le

premier énoncé, le syntagme adjectival hyper marrant est remplacé par super le fun. Fun

fonctionne alors comme un adjectif, bien qu’il conserve son article défini. Dans le deuxième,

c’est l’expression c’est bien le fun qui est employée, très courante au Québec.61

Nous pouvons

également signaler que les deux occurrences de bien sûr dans la version originale ont été

remplacées par évidemment dans la version bis. Si c’est deux synonymes existent dans le FR

et le FQ, la modification est peut-être une indication que l’adverbe évidemment est plus

courant en FQ que bien sûr.

Quant aux deux dernières variantes que nous soulevons, elles peuvent aussi bien être classées

parmi les faits de variation morphosyntaxiques du fait qu’il s’agit des éléments

grammaticaux. Mais puisqu’il s’agit des modifications sur le plan textuel, et non au niveau de

la prononciation, il nous semble approprier de les présenter ici. Pour la première modification,

il s’agit du remplacement de la conjonction de coordination et par puis, prononcée [pi], qui est

un trait typique du français québécois. Sur un total de treize et, dix ont été changés par puis,

un et a été omis et les deux autres ont été conservés. La deuxième variante n’est pas une

caractéristique uniquement de la variété québécoise, car elle existe dans d’autres variétés

régionales et même dans d’autres langues (ex. la variété belge et espagnol). Il s’agit du

renforcement par le morphème autres du pronom pluriel nous, ce qui donne nous-autres

(Eychenne & Walker, 2010, p. 258).

S’il n’y a pas de différence profonde sur le plan lexical et morphosyntaxique entre la version

bis du dialogue et celle d’EV1-5, c’est aussi parce que Marie-Hélène Côté n’a pas souhaité

apporter trop de changements sur le texte lui-même, comme déjà indiqué supra.62

Dans cette

optique, nous pouvons alors penser que les quelques modifications lexicales et

morphosyntaxiques effectivement proposées ont été jugées suffisamment importantes, voire

nécessaires, afin de rapprocher le discours du personnage québécois de la réalité langagière du

français au Québec.

61 Comme l’atteste la prononciation habituelle de cette expression, avec une contraction de bien et de le en [bɛl] 62 Une modification trop importante du dialogue aurait pu rendre la tâche de comparaison au niveau de la

prononciation compliquée.

Page 71: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

63

Les modifications du texte permettent également de mettre en évidence un point sur les

variantes que propose le dialogue du manuel. Les variantes sont généralement soulignées

comme telles d’une manière ou d’une autre, soit par Emma, soit par l’un des personnages

français, comme dans l’énoncé : « la planche à neige, qu’est-ce que c’est ? » (2007, p.78). La

version bis, en revanche, propose des variantes québécoises tout au long du dialogue, en

particulier avec puis. De plus, comme les variantes ajoutées ne sont pas explicitées dans le

texte même, cette version du dialogue permettrait d’être exploité différemment que les

versions du manuel, laissant une place aux élèves pour qu’ils fassent leurs propres

découvertes de la variété québécoise. Tournons-nous maintenant vers les faits de

prononciation des deux extraits audio.

4.3.3 Etude phonologique

Au niveau de la prononciation, les différences entre la version originale et la version bis

d’EV1-5 sont assez flagrantes, au point où l’on peut se demander s’il s’agit réellement de la

même variété. Il y a des divergences significatives en ce qui concerne l’intonation et la

phonologie entre les deux locutrices qui donnent leur voix à Emma. Nous nous bornerons à

une étude phonologique relativement brève en soulevant les faits qui nous paraissent les plus

frappants et/ou qui caractérisent le français québécois.

Commençons par le seul trait phonologique qui est souligné par les auteurs du manuel, c’est-

à-dire la prononciation particulière de moi en [mwɛ]. La réalisation de la graphie oi en [wɛ]

est un archaïsme, comme le souligne le commentaire dans la marge du dialogue : « Au

Canada, moi et toi se prononcent (mwɛ) et (twɛ). Cette prononciation correspond à la

prononciation de ces deux mots en France au XVIIème siècle, quand des Français se sont

installés au Canada » (p.77). Effectivement, la réalisation [mwɛ] s'est longtemps maintenue

dans la variété québécoise et a été considérée comme l’un de ses traits emblématiques (voir

par exemple, Klinkenberg, 1999; Meney, 2010; Pöll, 2001).

Cependant, le français québécois a beaucoup évolué ces dernières décennies, une évolution

qui a touché, entre autres, l'archaïsme phonologique en question. La réalisation en [mwɛ] est

en perte de vitesse en FQ, remplacée par celle du FR : [mwa]. En d’autres termes, ce trait a

fait l’objet d'un nivellement dialectal (Bouchard, 2007, p.84). Il se maintient toutefois chez

des locuteurs âgés et ceux de milieu rural et populaire (opt.cit.; Auger et Valdman, 1999; Pöll,

2001). Il s’ensuit que la variante [mwɛ] est devenue un marqueur sociolinguistique stigmatisé

Page 72: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

64

et n'est plus représentative du FQ actuel, ce que Côté confirme dans la version bis en

prononçant moi : [mwa]. Compte tenu de ces faits, il nous semble évident que ce trait ne

devrait pas figurer parmi les variantes présentées aux élèves.

Le plus critiquable, c’est cependant que les auteurs ont choisi de ne pas modifier cette

prononciation dans l’édition de 2013, malgré l’accent standard du fichier audio. Non

seulement ils mettent en évidence un trait stigmatisé, mais ils donnent aux apprenants une

image complétement incorrecte de la réalité langagière. Le manuel aurait plutôt dû favoriser

la présentation des traits que partagent la plupart des locuteurs québécois et éviter ceux qui

font l’objet de jugement de valeur. Afin d’illustrer ces particularités au niveau de la

prononciation de manière satisfaisante et authentique, il faudrait aussi faire appel à un

locuteur québécois natif.

Examinons maintenant les fichiers audio par rapport aux traits phonologiques qui sont

considérés comme spécifiques du français québécois contemporain (cf. Côté, 2012), en

commençant par les voyelles. Le français québécois se caractérise par un inventaire vocalique

beaucoup plus riche que celui du français de référence. En FR, on distingue généralement

entre quinze voyelles contrastives (Lyche, 2010) tandis qu’en FQ, Côté (2012) défend la

présence de vingt-trois voyelles contrastives, y compris une série de voyelles hautes

relâchées, une voyelle centrale non arrondie /ɜ/, la persistance de quatre voyelles nasales, et

une diphtongaison courante, même si elle est stigmatisée.

Dans la version bis de l’extrait sonore, nous avons tiré plusieurs exemples de ces traits

vocaliques qui caractérisent le français québécois actuel. Un trait important est le relâchement

des voyelles hautes, /i, y, u/, en syllabe finale fermée (Côté, 2012). Nous avons relevé, par

exemple, le mot ville, prononcé [vɪl], pratique : [pʁatsɪk], frites : [fʁɪt], brune : [bʁʊn] et

[minʊt] dans l’expression restau-minute. Une autre spécificité, assez perceptible dans l’extrait

sonore en question, est la réalisation des voyelles nasales, notamment dans les mots comme

Saint, plein et alpin. La qualité de la voyelle nasale est ici mi-fermée, soit [ẽ], ce qui la

distingue du FR, où ces mots se réalisent avec la voyelle nasale mi-ouverte: [ɛ].

Citons aussi un exemple de diphtongaison : baleine [balɛin], et un exemple avec la voyelle

centrale non arrondie, ici allongée dans neige [nɜːʒ]. Un dernier point vocalique à noter

concerne la présence d’une voyelle postérieure arrondie /ɒ/, contrastée en FQ avec la voyelle

antérieure /a/. Souvent transcrite comme une voyelle non-arrondie /ɑ/ (cf. Pöll, 2001), Côté

Page 73: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

65

(2012) défend la réalisation arrondie, soit /ɒ/. Mentionnons, à titre d’exemple, la réalisation

du /ɒ/ en syllabe ouverte finale dans ça, pas et Canada. Dans cette position, /ɒ/ a tendance de

se rapprocher du /ɔ/ (opt.cit.), comme l’on peut le percevoir dans la prononciation de Canada.

Contrairement à l’inventaire vocalique, le système consonantique du français québécois

correspond à celui du français de référence (Côté, 2012). Nous notons néanmoins quelques

particularités consonantiques du français québécois, qui se trouvent illustrées dans la version

bis. La particularité la plus importante à signaler, très caractéristique et répandue en FQ, est

l’assibilation des consonnes /t/ et /d/ en [ts] et [d

z], notamment devant les voyelles hautes /i/

et /y/ (Côté, 2012 ; Pöll, 2001). Nous avons tiré des exemples d’assibilation de l’extrait

sonore, comme dans pratique(r), petit, prononcé [pətsi], dit : [d

zi] et voiture : [vwat

syʁ]. Le

deuxième trait observé dans la version bis est un phénomène attesté aussi dans d’autres

variétés de français, y compris en FR, mais en FQ, ce phénomène est plus fréquent, voire

quasi-systématique (Côté, 2012 ; Pöll, 2001). Il s’agit de la simplification, en finale de mot,

de certains groupes consonantiques. Ici, il est question des groupes obstruant-liquide, en

l’occurrence du /t/ suivi du /R/, comme dans autre et notre, où le /R/ et le schwa chutent.

Enfin, dans la version bis, il y a un exemple de contraction de préposition et d’article, une

réduction qui est considérée comme un phénomène de la variété québécoise (Baronian, 2006,

Côté, 2012). L’exemple en question est relevé dans « marcher sur la neige », prononcé avec

une contraction de la préposition sur et de l’article la : [saː]. Il y a donc eu une fusion

vocalique, suite à l’élision du /R/ et du /l/.

En comparant ces exemples tirés de la version bis, avec l’extrait audio d’Enchanté 2 (2007), il

nous semble que, hormis une intonation particulière, la prononciation de ces mots se

rapproche plutôt du français de référence.63

Par exemple, nous n’avons pas enregistré de

relâchement de voyelles hautes, ni d’assibilation dans la version sonore du manuel, bien que

ces deux phénomènes soient reconnus comme intégrés à la norme du français québécois

(Bouchard, 2007). De plus, les timbres de voyelles nasales correspondent à ceux du FR, de

même que la qualité de la voyelle /A/. En d’autres termes, les traits phonologiques qui sont

considérés comme spécifiques du français québécois contemporain ne sont pas représentés

dans la version audio du manuel. Nous sommes alors amenée à la même conclusion que

Marie-Hélène Côté: la locutrice qui donne sa voix à Emma dans l’extrait audio du manuel

n’est pas une autochtone.

63 Ce qu’une comparaison avec l’extrait audio d’EV2-4 (en FR) a permis de confirmer

Page 74: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

66

Si besoin est de renforcer encore notre conclusion, notons la prononciation particulière de

certains mots, qui ne relève ni du français de France, ni de la variété québécoise,64

mais qui

correspond plutôt à ce que l’on pourrait s’attendre d’un accent américain en français. Nous

avons enregistré des réalisations du /R/ à l’américaine, c’est-à-dire par la liquide palatale [r],

dans etcetera et char. De même, une prononciation diphtonguée à l’américaine des mots

comme faut, chaud dans chien-chaud, belle et hokey, (par exemple, [ʃoʊ] et [oʊkeɪ]), alors

que dans la version bis, ces mots sont réalisés sans diphtongaison. L’illustration que cet

extrait audio propose du FQ est alors loin d’être satisfaisante. Tout comme le fichier sonore

de la deuxième édition d’Enchanté 2, celui de la première édition donne une image incorrecte

de la prononciation des Québécois.

4.4 Critères pour illustrer une variété donnée

Le dialogue tiré d’Enchanté 2 constitue l’unique exemple des manuels étudiés proposant une

véritable illustration d’une variété de français hors de France. Notre analyse de ce texte visait

alors à déterminer si cette représentation du français québécois pouvait être considérée

comme satisfaisante et appropriée pour sensibiliser les élèves à la variation. Si l’illustration de

la variété québécoise au niveau du lexique nous semble relativement satisfaisante, hormis

quelques exceptions (ex. chien chaud, arrêter gazer), il n’en va pas de même pour la

représentation de la prononciation, qui donne une image complètement faussée et incorrecte

du français québécois actuel.

Certes, il est positif que le manuel ne se limite pas à la variation lexicale, mais souligne aussi

un fait de variation phonologique. Cependant, le seul trait qui est mis en évidence, [mwɛ],

n’est plus représentatif du FQ. Mais le pire, c’est quand même les deux fichiers sonores qui

accompagnent le dialogue, que ce soit le fichier sonore de la première édition du manuel, qui

représente le français québécois par un accent non-standard qui n’est pas celui du FQ, ou celui

de la deuxième édition, qui relève du français standard hormis la prononciation de moi. Cette

illustration déformée que donnent ces deux extraits audio ne permet alors en aucun cas de

sensibiliser les apprenants à la prononciation spécifique du FQ. Il vaut mieux donc ne

proposer aucun extrait audio, comme l’a souligné Marie-Hélène Côté. Par ailleurs, avec une

telle représentation du FQ, il semble évident que les auteurs du manuel n’ont pas fait appel à

des spécialistes ou consulté des travaux récents portant sur cette variété, ce qui parait pourtant

64 Différences à la fois avec la version bis et l’extrait audio d’EV2-4

Page 75: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

67

indispensable pour présenter une variété de français de manière approprié et authentique. Les

auteurs d’Enchanté 2 démontre ainsi un certain manque de réflexion méthodologique quant à

la présentation d’une variété de français.

Cette analyse nous a néanmoins permis de mettre en évidence des critères qui nous semblent

essentiels pour un document utilisé pour illustrer une variété donnée de façon appropriée et

adéquate. Le document doit obligatoirement comprend un support sonore, sinon il ne

permettra pas de sensibiliser les élèves à une caractéristique saillante de la variation

diatopique, à savoir, l’accent. Deuxièmement, le document doit répond au critère de

l’authenticité. Il s’agit de représenter la variété d'une manière réaliste et authentique, sinon il

n’y aucun intérêt. Ce critère implique aussi que le locuteur dans l’extrait audio soit un

autochtone.

En ce qui concerne les variantes dans le document, elles doivent être parmi les plus

caractéristiques et les plus fréquentes de la variété contemporaine en question. Les variantes

stigmatisées sont à éviter et on privilège des variantes qui sont faciles ou utiles pour les

apprenants. Ajoutons un dernier critère concernant l’exploitation didactique d’un document

représentant une variété donnée. Pour sensibiliser les élèves au phénomène de la variation, il

est nécessaire de leur proposer des exercices portant sur l’aspect variationnel afin de leur faire

prendre conscience de la manière dont le français varie à travers l’espace.

Dans le chapitre suivant, nous proposerons quelques pistes et ressources qui peuvent

permettre de combler le manque de ressource et de traitement adéquat de la variation

diatopique par les manuels.

Page 76: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

68

Page 77: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

69

5 La sensibilisation à la variation

diatopique en classe de VG2

Après avoir examiné les directives officielles dans le chapitre 3, puis les manuels dans le

chapitre 4, il convient maintenant, dans ce chapitre, de tourner notre regard vers

l’enseignement du français en Norvège afin d’apporter de nouveaux éléments de réponses à

nos questions de recherche.

Nous commençons par nous intéresser aux enseignants de français en Norvège et plus

particulièrement, dans quelle mesure ils traitent la variation diatopique de français hors de

France en classe de VG2. Nous nous appuierons sur les résultats issus d’un questionnaire

électronique que nous avons proposé aux enseignants de français au lycée. Ensuite, nous nous

interrogeons sur la façon de sensibiliser les élèves en classe de VG2 à des variétés de français

hors de France. Par manque d’observations en classe, nous nous fondons sur notre propre

intervention dans une classe de français afin d’aboutir à des suggestions de pistes didactiques

et des ressources pour les enseignants qui souhaitent introduire aux élèves la variation

diatopique du français hors Hexagone.

5.1 La variation diatopique comme objet

d’enseignement

5.1.1 Les enseignants, leurs pratiques, compétences et attitudes

Bien qu’il soit limité en termes de réponses (31 enseignants dont 22 ont répondu aux 35

questions, soit un total de 804 réponses), le questionnaire mené auprès des enseignants de

français en Norvège donne néanmoins une idée des pratiques de classe ainsi que de leurs

compétences et attitudes quant à la sensibilisation à la variation diatopique en classe de

VG2.65

Une étude des réponses nous a permis de constater quelques tendances parmi les

65 Le questionnaire a conduit aux mois de mai et juin en 2014. Nous nous sommes adressée aux enseignants par

le biais de la page facebook de l’association des professeurs de Norvégien ainsi que celle d’un groupe non

officiel d’enseignants de français (groupe fermé, très actif, actuellement 352 membres). Nous avons également

utilisé nos connaissances pour faire passer le questionnaire. Les questions du questionnaire sont présentées dans

l’annexe B et une sélection des réponses, dans l’annexe C. Pour faire références aux questions, nous signalerons

par la lettre Q et le numéro de la question.

Page 78: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

70

enseignants en ce qui concerne le traitement de la variation diatopique qui seront présentées

ci-dessous.

L’objectif principal du questionnaire était de mesurer la place consacrée par les enseignants

aux variétés de français hors Hexagone lors de la thématique du monde francophone. Les

réponses à la question 20, où nous leur avons demandé dans quelle mesure ils prêtent

attention à la façon dont le français est parlé hors de France lors de leur enseignement du

monde francophone, sont révélatrices.66

Parmi les 24 réponses, seul un enseignant affirme de

toujours prêter attention à l’aspect linguistique. Pour le reste, 4 enseignants déclarent de le

faire souvent tandis que la majorité, soit 17, ne traitent la variation diatopique

qu’occasionnellement (7), rarement (5) ou très rarement (4), voire jamais (1). Sur cette base,

nous sommes alors amenée à la conclusion que, de manière générale, les enseignants ne

considèrent pas le coté linguistique comme un aspect incontournable de la thématique du

monde francophone et prêtent par conséquent peu d’attention à des variétés extrahexagonales.

Ces résultats sont alors conformes à nos attentes. Puisque les manuels n’accordent pas ou très

peu de place au français parlé hors de France, les enseignants n’ont pas de réelle pression pour

traiter cet aspect en classe. Cette absence de pression est aussi due au programme de

l’enseignement qui ne s’exprime pas de façon explicite à ce sujet. Le traitement de la

variation diatopique dépend alors entièrement de l’enseignant, et plus précisément, de ses

connaissances ainsi que de l’intérêt qu’il porte aux variétés périphériques, de même que sa

conception de ce qu’est la langue française. Trois aspects qui peuvent largement être associés

à un seul paramètre, à savoir, la formation des enseignants.

Selon cette enquête, 80% des enseignants ayant répondu à la question 33, soit 16, affirment

qu’ils n’ont pas acquis une connaissance sur des variétés hors Hexagone lors de leur

formation.67

Autrement dit, leurs études ne leur ont pas permis de prendre pleinement

conscience que la variation est une caractéristique fondamentale de la langue française,

particulièrement saillante dans le français parlé hors de France. Le manque de familiarité avec

les variétés hors de France permet également d’expliquer pourquoi beaucoup d’enseignants

66 La question 20: « I din undervisning om den fransktalende verden, pleier du å vie oppmerksomhet til måten

fransk blir snakket i området som blir studert?». Une question à choix multiple (QCM), les 7 alternatives étaient:

Alltid (Toujours); Svært ofte (Très souvent) ; Ofte (Souvent) ; Av og til (Occasionnellement) ; Sjelden

(Rarement) ; Svært sjelden (Très rarement) ; Aldri (Jamais). 67 Q33: « Har studiene du har gjennomført i fransk gitt deg kunnskap om ulike språklige trekk ved varianter av

fransk (utenfor Frankrike)?» (Est-ce que vos études du francais vous ont donné une connaissances sur différents

traits des variétés hors de France ?) QCM: « Ja. Hva slags fag/ emne ? » (Oui, quelle matière/ cours ?) ; « Nei »

(Non)

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71

privilégient d’autres aspects, culturels, historiques, géographiques, lors de la thématique du

monde francophone (Q31).68

En effet, sans une certaine connaissance dans le domaine, il peut s’avérer particulièrement

difficile d’enseigner la variation diatopique de manière appropriée. Ce qui peut d’ailleurs se

lire entre les lignes de plusieurs réponses des questions 21 et 22, où les enseignants ayant déjà

présenté des variétés en classe décrivent comment ils ont procédé.69

Certes, on observe un

certain consensus sur la nécessité de faire écouter aux élèves la ou les variété(s) en question.

Mais souvent, les fichiers audio utilisés à ce propos, comme des chansons ou le matériel tiré

du manuel d’Enchanté 2, ne permettent pas de réellement sensibiliser les élèves à la variation.

C’est aussi le cas lorsque le support choisi est le texte écrit sur le créole dans le manuel de

Contours ou quand les enseignants donnent aux élèves des traits typiques à titre d’exemples,

hors contexte et sans support sonore. Il semblerait alors que parmi les enseignants affirmant

d’aborder occasionnellement la variation diatopique en classe, il n’y a en réalité qu’une

minorité qui le font effectivement, notamment à cause des ressources proposées par les

manuels et par leur manque de connaissances.

En ce qui concerne les attitudes envers l’introduction à la variation diatopique du français en

classe de VG2, il n’est pas étonnant que ce soient les enseignants qui le font

occasionnellement ou souvent qui se montrent le plus positifs (cf. Q15 : « Selon vous, dans

quelle mesure est-il important pour les élèves d’être introduits au français tel qu’il est parlé

dans différentes zones francophones ? »).70

Néanmoins, bien que ces enseignants considèrent

une telle introduction comme très importante (7) ou assez importante (8) en soi, les

contraintes de temps, de nombreux sujets à aborder de même que le faible niveau des élèves

68 Q31 : Comment considérez-vous votre connaissances en variétés de français hors de Français pour pouvoir les

présenter dans l’enseignement? (« Hvordan vil du vurdere din kjennskap til/ kunnskap om varianter av fransk utenfor Frankrike i forhold til å presentere dette i undervisningen ?»). Sur un total de 21 réponses, la grande

majorité des enseignants (17) évaluent leurs connaissances dans le domaine comme moyennes (9), mauvaises

(7), voire très mauvaises (1) pour 4 qui considèrent d’avoir une bonne ou très bonne connaissance. 69 Q21: « Hvis du allerede har presentert geografisk variant(er) av fransk i undervisningen […] hvordan gjorde

du det ? » (Si vous avez déjà présenté une ou des variétés en classe, comment avez-vous procédé?) ; Q22 :

« «Hva slags type materiale ble brukt og hvor hentet du det fra ? » (Quel type de matériel avez-vous utilisé et

d’où l’avez-vous tiré ?). 70 Q15: traduction « libre » de la formulation en norvégien : « Hvor viktig eller uviktig synes du det er at elevene

blir introdusert for fransk slik det snakkes i forskjellige fransktalende områder i verden ?». Une question à choix

multiple (QCM), les alternatives étaient: svært viktig (très important); ganske viktig (assez important); litt viktig

(un peu important) ; ikke særlig viktig (pas très important) ; helt uviktig (pas important) ; nøytral (neutre)

Page 80: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

72

expliquent pourquoi ils n’accordent finalement pas une grande place à ce sujet en classe

(Q16).71

Quant aux enseignants qui ne prêtent que rarement, voire pas du tout, d’attention aux variétés

diatopiques en classe, certains ont expliqué que l’idée d’aborder des variétés diatopiques en

classe de français ne leur a tout simplement pas traversé l’esprit.72

D’autres se sont montrés

plutôt sceptiques, soulignant que c’est le français standard qui les élèves sont censés

apprendre. Selon eux, les variétés diatopiques ne constituent qu’un objet d’enseignement

« secondaire » en classe de VG2. Certains rajoutent qu’ils préfèrent plutôt de présenter aux

élèves quelques expressions argotiques.73

Plusieurs enseignants estiment d’ailleurs le français

parlé hors de France comme étant trop difficile pour les élèves. Un enseignant nous a même

mis en garde contre l’enseignement de la variation diatopique, qui serait, selon lui, « une

fausse piste » (Q35).74

En nous basant sur les résultats de notre questionnaire, nous pouvons alors déduire que les

élèves en classe de VG2 ne sont généralement pas sensibilisés à la variation diatopique hors

de France, ni lors de la thématique du monde francophone, ni à un autre moment. Dans ce qui

suit, nous viserons à répondre aux principales interrogations et remarques des enseignants afin

de montrer que la variation diatopique est un objet d’enseignement important pour

l’apprentissage des élèves.

5.1.2 La sensibilisation à la variation diatopique, quel intérêt et quel

impact sur l’apprentissage des élèves?

Les justifications didactiques de notre sujet de mémoire ont été posées dans les chapitres

précédents. En revanche, nous n’avons pas encore abordé la question de l’intérêt et l’impact

que la sensibilisation à la variation diatopique peut avoir sur l’apprentissage des élèves. C’est

cette question à laquelle nous tenterons de répondre maintenant.

71 Q16 : « Begrunn kort svaret ditt » (Expliquer votre réponse) 72 Q16 : réponse d’un enseignant: « Eg har ikkje lagt vekt på å undervise i dei ulike variantane av fransk sjøl,

mest fordi eg ikkje har tenkt så langt » 73 Q16: «Vi har ikke tid til for mye av dette her. Jeg lærer dem heller bittelitt argot» 74 Dans la Q35, les enseignants pouvaient laisser un commentaire (« hvis du har kommentarer, tips eller

lignende, skriv det gjerne inn her. Jeg vil gjerne høre din mening»). Réponse de l’enseignant en question: « Å

bruke tid på språklige varianter synes jeg ville være et feilspor – og jeg er heller ikke selv kompetent i dette

utover å kjene (sic.) de mest åpenbare særtrekkene ved enkelte varianter. Jeg tenker på dette som mulig

spesialisering på universitetsnivå…»). Pour voir le commentaire dans sa totalité, voir l’annexe C.

Page 81: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

73

Les résultats de nos recherches semblent insinuer que plusieurs enseignants ont des doutes à

ce propos. Ces doutes sont par exemple évoqués dans le propos particulièrement récurrent

dans nos recherches, celui de « c’est le français standard que les élèves sont censés

apprendre! ». Rappelons que dans ce travail, il n’a jamais été question de viser la production

ou l’imitation des variétés, ce qui ne correspondrait ni à l’identité des apprenants norvégiens,

ni au cadre dans lequel ils ont appris le français. Il s’agit uniquement d’une sensibilisation au

niveau perceptif.

Dans cette optique, un aspect à considérer, c’est l’effet, positif ou négatif, que l’exposition à

des variétés de français hors de France peut avoir sur l’acquisition de la langue cible, le

français de référence. Selon l’enseignante qui nous a invitée dans sa classe, confronter les

élèves à un input qui relève de la variation risque de confondre les élèves, notamment du

point de vue de l’appropriation de la prononciation en français. Elle évoque par là une idée

reçue courante dans l’enseignement d’une L2 (Fox, 2002). Mais est-ce réellement le cas?

D’après Detey (2009), c’est plutôt le contraire qui peut se produire. L’exposition à un input

avec un haut degré de variabilité phonétique semblerait s’avérer bénéfique pour

l’apprentissage du système phonologique du français de « référence », qui serait « plus

résistant à la variation » (Detey, 2010,p.162 ). En d’autres termes, il semble alors avoir un

effet, sinon positif, du moins pas nuisant sur la prononciation du français chez élèves.

En outre, cet auteur souligne qu’un tel input permet aussi d’« entraîner les apprenants à gérer

la diversité en perception » (opt.cit.). Si l’exposition à plusieurs variétés ont un effet positif

sur le développement de la compréhension orale de manière générale, les réponses que tire

Fox (2002) sont moins concluantes, mais soulignent cependant l’importance de faire écouter

aux élèves d’autres variétés que la version standard. D’après Fox (2002), « students will learn

to comprehend the type of language to which they are exposed. Conversely, they will exhibit

significantly less understanding of language to which they have not been introduced »

(p.209). Cette idée renvoie d’ailleurs aux paroles d’Holec (1990) pour justifier l’usage de

documents authentiques en classe de langue, à savoir : « [l’apprenant] ne peut acquérir que ce

que les supports permettent d’acquérir » (p.68). Autrement dit, si l’on veut préparer les élèves

à communiquer avec des locuteurs francophones d’origines variées, il faut alors les habituer à

entendre des variétés de français et entrainer ainsi leur capacité d’écoute.

Page 82: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

74

Sur cette base, nous sommes alors amenée à la conclusion que l’exposition à des variétés

extrahexagonales de français semble plutôt être profitable d’une part, pour l’appropriation du

FR en ce qui concerne son système phonologique, et d’autre part, pour le développement de la

compréhension orale, du moins envers la ou les variétés avec lesquelles les élèves sont

familiarisés, et peut-être bien même pour savoir faire face à la variation de manière générale.

En plus du développement de leur capacité d’écoute, l’introduction au français parlé hors de

France peut aussi permettre de commencer à développer la compétence sociolinguistique des

élèves et d’éveiller leur conscience linguistique (cf. chapitre 3). Nous pouvons alors conclure

que la variation diatopique est un facteur important pour l’apprentissage des élèves, et mérite

alors sa place dans l’enseignement du français, en l’occurrence lors de la thématique du

monde francophone, en classe de VG2.75

Par ailleurs, le français parlé hors de France a un potentiel d’exploitation pour d’autres objets

d’enseignement-apprentissage. Citons, à titre d’exemples, que les variétés peuvent aussi servir

pour mettre en évidence l’histoire de la langue (les traits archaïques encore en usage dans des

variétés régionales) et donne « un accès à la graphie que la prononciation standard n’en donne

pas » (par exemple, les voyelles longues en français québécois) (Buscail & al., 2013). Elles

peuvent aussi être utiles pour souligner des traits communs pour l’ensemble des variétés, y

compris le français de référence. Par exemple, pour l’apprentissage des liaisons obligatoires,

les élèves peuvent observer des extraits de différentes variétés et tenter de découvrir les règles

par eux-mêmes.

Nous voyons donc à quel point la diversité du français à travers le monde peut être une

richesse pour l’enseignement du FLE. D’ailleurs, comment défendre l’absence de l’aspect

linguistique dans un cours de langue alors que c’est précisément cet aspect qui permet de

mettre en évidence aux élèves l’utilité d’avoir une compétence en français dans un contexte

international. Nous espérons d’avoir fourni des réponses et des réflexions aux enseignants

considérant le traitement de la variation diatopique dans l’enseignement comme un objet

« secondaire », privilégiant par conséquent des thèmes jugés plus importants.76

N’oublions

pas rappelons que le programme du LK06 ne préconise pas de thème obligatoire, mais

fonctionne par rapport aux compétences. Les enseignants devraient alors être libres à choisir

75 Nous considérons aussi que la variation diatopique devrait aussi être traitée ultérieurement, au niveau III et

lors des études supérieures. Il sera aussi possible d’envisager de l’aborder plus tôt et dans d’autres contextes. 76 Réponse récurrente dans le questionnaire et dans des échanges avec des enseignants. Voici un exemple : « les

thèmes abordés aux cours de français sont tellement nombreux que si ce n'est que pour connaître l'existence

d'accents différents, on ne peut pas y consacrer beaucoup de temps. » (communication personnelle).

Page 83: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

75

les thèmes et les objets qui peuvent permettre aux apprenants d’atteindre lesdites

compétences.77

Pour faire développer les compétences liées à la sensibilisation de la variation diatopique, il

est néanmoins nécessaire que l’exposition au français hors de France soit abordable pour les

apprenants. Cet aspect ainsi que d’autres seront discutés dans la partie suivante où nous

tenterons d’apporter des réponses à la question proprement didactique de ce travail, c’est-à-

dire comment sensibiliser les élèves en VG2 à la variation diatopique du français. Nous nous

appuierons sur notre intervention en classe afin de dégager quelques pistes pour le traitement

de la variation diatopique.

5.2 Comment sensibiliser les élèves à la variation

diatopique du français?

5.2.1 Réflexions critiques et didactiques sur notre intervention en

classe

Durant notre projet de mémoire, nous avons eu l’occasion d’intervenir dans une classe de

français en VG2.78

Cette intervention nous a permis de tester une activité portant sur la

variation diatopique. Nous avons ainsi pu avoir un aperçu de la réception des élèves envers ce

genre d’activité, et plus particulièrement, envers le français parlé hors de France. Précisons

d’emblée que l’exercice que nous avons proposé s’est avéré non approprié aux élèves à ce

niveau. Cette expérience nous a néanmoins permis de réfléchir sur des aspects didactiques à

prendre en considération afin de sensibiliser les élèves au français parlé hors de France. C’est

cette réflexion critique que nous exposerons dans cette partie. Mais tout d’abord présentons

brièvement le déroulement de l’intervention et l’activité nous avons mise en place.

Présentation de l’intervention

Lors de notre première rencontre avec cette classe de français, nous avons commencé par

distribuer un questionnaire aux élèves (Annexe D). Son objectif était d’avoir un aperçu des

idées que les élèves se faisaient du français parlé hors de France et de sa variation avant même

77 Des réponses du questionnaire indiquent néanmoins qu’en réalité, les enseignants sont si libres que cela,

notamment due à des contraintes vis-à-vis des collègues et de leurs choix. 78 L’intervention a été effectué en novembre 2013 dans une classe de français à Eikeli vgs, lycée situé à Bærun,

en banlieue ouest d’Oslo.

Page 84: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

76

d’y être confrontés en classe.79

Puis, nous avons discuté brièvement avec les élèves sur le

sujet du questionnaire avant de leur faire écouter quelques échantillons sonores des variétés

extrahexagonales. Cette activité n’était pas prévue de notre côté et était conduite à

l’improviste en nous servant des fichiers audio qui étaient prévus pour l’activité principale.80

Le cours suivant consistait à présenter aux élèves les résultats du questionnaire (annexe E),81

leur donner les consignes sur l’activité et distribuer les fichiers audio et leur support écrits.

Puis, nous avons pu observer la manière dont les groupes ont abordé l’exercice et leurs

premières réactions. Enfin, nous sommes revenue pour assister aux exposés des élèves et à la

fin, nous nous sommes entretenue avec les élèves pour entendre leurs commentaires sur cette

activité ainsi que leurs suggestions d’amélioration.82

En ce qui concerne l’activité proposée, elle visait à faire découvrir aux élèves une variété de

français hors de France. Elle était élaborée de manière à ce qu’elle ait pu être insérée dans la

séquence sur le monde francophone planifiée par l’enseignante. Ensemble, nous avons décidé

d’incorporer la variation diatopique dans le cadre d’un projet d’exposé. En petit groupe, les

élèves devaient choisir une région francophone à présenter oralement en classe. L’enseignante

leur avait fourni une liste des questions auxquelles les groupes devaient répondre lors de leur

exposé.83

Notre rôle était de proposer aux groupes un extrait sonore illustrant le français parlé

de la région francophone choisie. Les élèves devaient écouter et observer leur extrait dans le

but de relever des particularités langagières, notamment au niveau de la prononciation et du

lexique, par rapport au français utilisé dans le manuel, c’est-à-dire le français que l’on peut

qualifier de « standard ». Les résultats de leur observation devaient être intégrés dans leur

exposé.

79 Nous avons aussi veillé à ne pas influencer les réponses des élèves. Avant le questionnaire, nous avons

présenté de façon très sommaire notre projet de mémoire sans évoquer notre focalisation sur l’aspect linguistique

du monde francophone. 80 Cette activité est due à un malentendu entre nous-même et l’enseignante concernant notre intervention.

L’enseignante avait initialement imaginé que notre intervention s’arrête après cette première fois. Mais les élèves en ont désiré autrement. Ils ont exprimé leur souhait d’étudier l’extrait qui représentait le français de la région

choisie et de le commenter dans leur exposé. L’activité que nous avions préparée a alors pu être effectuée suite à

la demande des élèves. 81 Ils étaient présentés sur un diaporama repris dans l’annexe E. L’idée était que ces résultats pouvaient leur

servir d’hypothèses à vérifier par rapport à l’extrait. Comme les extraits étaient authentiques, nous leur avons

précisé des traits typiques du français parlé. 82 Il était au départ prévu de faire un questionnaire auprès des élèves pour clôturer notre intervention, mais suite

à un changement du programme, une discussion ouverte en classe a remplacé un tel questionnaire. 83Les questions portaient essentiellement sur les aspects culturels et touristiques abordés dans Contours et

Enchanté 2 : la géographie, le tourisme, l’histoire, les personnes connues, les traditions culinaires, la situation

linguistique de la région francophone en question.

Page 85: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

77

Comme support, nous avons utilisé un matériel authentique audio. Étant donné la diversité

des régions francophones sélectionnées par les élèves,84

il était naturel de nous tourner vers le

corpus PFC, proposant des enregistrements du français parlé contemporain de diverses

communautés francophones. Les enregistrement étaient issus, soit, du DVD de l’ouvrage du

projet PFC (Detey & al., 2010), soit de sa base de données disponible sur le site :

www.projet-pfc.net.85

Parmi les quatre types d’enregistrement du protocole PFC, nous avons

opté pour la conversation guidée afin d’illustrer chaque variété par le biais d’un seul locuteur,

dans un registre plutôt neutre et surveillé, avec un débit de parole moins rapide que dans la

conversation libre. En utilisant le programme Audacity, nous avons extrait des parties brèves

des enregistrements, d’une durée entre 0.45 – 1.30 min, et fournir à chaque groupe leur extrait

à étudier en format mp3. Chaque groupe disposait aussi un document écrit avec les consignes

de l’activité, quelques informations sur le locuteur et le sujet de la conversation ainsi que la

transcription orthographique de l’extrait (voir annexe E pour un exemple).

Cette intervention nous a permis de constater deux choses importantes pour notre propos.

Notre premier constat a été mis en évidence par les résultats du questionnaire des élèves. De

manière générale, les données recueillies sont édifiantes et témoignent d’une conscience

linguistique déjà éveillée chez les élèves, du phénomène de la variation diatopique (annexe

D).86

Plusieurs élèvent disent explicitement se servir de leurs connaissances du norvégien et

de l’anglais pour se faire une idée de la manière dont le français varie géographiquement à

travers le monde. Cela confirme alors notre hypothèse avancée à la fin du chapitre 3, que les

élèves norvégiens en classe de VG2 sont ouvert à la variation diatopique et disposés à prendre

conscience du phénomène de la variation diatopique et de la diversité du français parlé à

travers le monde.

Sur cette base, la deuxième année du niveau II semble effectivement être un moment

approprié pour introduire la variation diatopique. Cette introduction semble également

importante du fait que certains élèves ont une représentation dévalorisante des variétés

84 13 différentes régions ont été sélectionnées, représentant les grandes zones francophones : l’Europe (le

Monaco et la Belgique), Amérique du Nord (le Canada) ; Les zones créolophones (Les Antilles: la Martinique, la

Guadeloupe, le Haïti) ;(Amérique du Sud : La Guyane française) ; (Les îles d’Océan Indien : le Madagascar et

l’Ile Maurice) ; Le Maghreb (L’Algérie, la Tunisie et le Maroc) ; L’Afrique sub-saharienne (le Mali). 85 Nous avons utilisé le moteur de recherche: locuteurs PFC, en entrant le pays et la région francophone. 86 Contrairement aux idées reçues de l’enseignante, les élèvent avaient déjà une idée de la manière dont le

français varie dans l’espace avant même que ce sujet soit abordé en classe.

Page 86: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

78

extrahexagonales par rapport au français de France.87

Traiter ces parlers en classe permet de

les reconnaître et de les légitimer, ce qui peut engendrer une modification de la perception

chez les élèves de ce qu’est le français.

Cependant, force est de constater que l’activité que nous avons élaborée n’a pas réellement

permis aux élèves de se rendre compte de la variation diatopique du français. Comme l’ont

confirmé les élèves lors de la discussion finale, ce travail de repérage des variantes s’est avéré

trop compliqué. Certes, quelques groupes ont fait des observations intéressantes,88

mais, de

manière générale, les élèves ont eu des difficultés à percevoir et à relever des différences

présentes dans les extraits, en termes de lexique et de prononciation, par rapport au français de

référence. Dans la partie suivante, nous proposerons une évaluation dans laquelle nous tentons

de diagnostiquer les difficultés de l’activité, dans le but de dégager des aspects didactiques à

prendre en considération pour la mise en œuvre d’un exercice visant la prise de conscience de

la diversité du français chez les élèves.

L’évaluation de l’exercice : les manques et les améliorations à envisager

Plusieurs paramètres ont vraisemblablement contribué à rendre l’exercice inapte dans le cadre

d’une première sensibilisation à la variation diatopique. D’abord, si l’activité s’est avéré trop

difficile pour les élèves, c’est sûrement parce qu’ils n’avaient pas le niveau de français requis.

Effectivement, pour pouvoir repérer des différences langagières dans le discours d’un locuteur

par rapport au français de référence (FR), cela demande déjà une bonne connaissance de ce

dernier, du point de vue du lexique, du système phonologique et de la prosodie. Compte tenu

de l’exposition limitée au français, il n’est pas étonnant que les élèves en VG2 n’aient pas

encore acquis une telle connaissance. La transcription écrite de l’extrait avait pourtant été

mise en place dans le but de rendre l’exercice plus abordable et de ne pas tester en même

temps leur compréhension orale.

Pour que les élèves puissent découvrir des différences entre la variété en question et le

français de référence, il est important qu’ils disposent des supports permettant une telle

comparaison. L’idéal sera de leur fournir l’extrait en version du FR, en plus de la version de

la variété en question, comme l’a suggéré un élève. Grâce à la transcription écrite des deux

versions, les variantes lexicales seront facilement repérables. Ils pourront aussi pouvoir se

87 La prononciation et la grammaire sont par exemple jugées comme étant moins bonnes par rapport au FR:

« ikke like bra uttale » « dårligere grammatisk » (Annexe D) 88 Par exemple, un élève a comparé la prononciation du mot porte en français guadeloupéen, (le /R/)

Page 87: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

79

faire une idée des différences des faits variables de prononciation. Si l’on ne va pas exiger une

description phonologique des variantes à ce niveau, on peut néanmoins encourager les élèves

à décrire les différences qu’ils entendent avec leurs propres mots

Un autre facteur de difficulté concerne la langue à utiliser pour décrire des phénomènes

langagiers, la métalangue. Lors de notre intervention, un élève a demandé à l’enseignante s’ils

pouvaient commenter l’extrait en norvégien, mais l’enseignante a préféré qu’ils utilisent le

français, étant donné que l’exposé était une évaluation de l’expression orale. L’usage du

français comme métalangue permet alors en partie d’expliquer pourquoi les commentaires des

élèves étaient de nature très générale et vague. Compte tenu d’une métalangue limitée en

français, les élèves doivent être autorisés d’utiliser le norvégien pour commenter des faits de

variation, ce qui leur permettra d’exprimer librement leurs observations sans la barrière de la

langue étrangère

Des élèves ont également exprimé leurs difficultés pour savoir comment aborder l’exercice.

Même si le manque des consignes suffisamment claires y est certainement pour quelque

chose, nous pensons que c’est aussi dû au fait que cet exercice était à la fois nouveau et

inhabituel pour eux, et qui plus est, portait sur la variation. Il n’était alors pas optimal que les

élèves effectuent cet exercice en petits groupes car ils avaient besoin de l’assistance de

l’enseignant pour leur guider dans ce travail. Avant d’entamer en autonomie un tel exercice en

autonomie, il serait mieux qu’un travail similaire soit abordé collectivement en classe.

On peut d’ailleurs se demander l’utilité d’intégrer un tel exercice dans le cadre d’un exposé

oral. Même si plusieurs élèves ont trouvé intéressant de pouvoir entendre le français parlé de

la région francophone choisie, ceux qui assistaient aux exposés, en revanche, ont

généralement manifesté peu d’intérêt pour la présentation des autres variétés.

Nous voyons maintenant à quel point l’exercice que nous avons proposé était ambitieux et

trop développé pour une première initiation à la variation diatopique, et par conséquent,

inabordable pour les élèves. Un dernier paramètre important à soulever, qui a certainement

rendu l’exercice encore plus difficile, est lié à la nature du support utilisé pour cet exercice.

Cet aspect nous semble essentiel pour notre propos, c’est pourquoi nous accordons une place

ici pour le discuter.

Page 88: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

80

La nature du document pour sensibiliser les élèves à la variation diatopique

Si nous avons opté pour un matériel audio authentique comme support de l’exercice, c’est

aussi parce nous ne disposions pas de ressources pédagogiques illustrant le français parlé de

l’ensemble des régions francophones choisies par les élèves. Cette expérience nous a

néanmoins permis de réfléchir sur la nature du document à utiliser pour ce propos d’une

première initiation à la variation diatopique : Le support doit-il être authentique ou

pédagogique ? Audio ou audiovisuel ?

Le critère de l’authenticité a été présenté dans le chapitre 4 pour un document visant à illustrer

une variété donnée. Ce qui peut effectivement laisser penser qu’il implique l’usage d’un

document authentique. D’ailleurs, si nous revenons au chapitre 3, nous constatons que le

programme de l’anglais exige l’utilisation de matériel authentique pour des variétés d’anglais.

Mais cette exigence est-elle appropriée pour les apprenants de français en classe de VG2 ?

À notre avis, il est important d'être plus souple que le programme de l’anglais quant à

l'utilisation de documents authentiques. Bien que l’objectif ultime soit que les élèves

comprennent et sachent faire face à la variation diatopique dans le monde réel, il ne faut

néanmoins pas oublier que les élèves norvégiens ont, en règle générale, une compréhension

orale beaucoup moins élevée en français qu’en anglais.

En ce qui concerne la mise en évidence de quelques particularités d’une variété donnée, la

nature authentique du document peut en effet obstruer la perception des apprenants.

Effectivement, les élèves trouvaient que leur locuteur parlait trop vite ou n’articulait pas assez

ses mots. Dans l’optique d’illustrer une variété et faire découvrir aux élèves quelques

caractéristiques typiques, il nous semble alors plus approprié d’utiliser un document

pédagogique, qui est précisément créé dans le but de familiariser les apprenants avec cette

variété, mais qui est simplifié et adaptés en termes de débit, d’articulation et de spécificités de

la langue parlée. Bien évidemment, à condition qu’il réponde aux critères dans la partie 4.4.

Du côté de l’enseignant, il peut également s’avérer problématique de trouver un document

authentique approprié pour représenter une variété diatopique aux élèves. Tel est du moins

notre point de vue suite à la recherche d’extraits sonores illustrant 13 différentes variétés de

français dans la base de données du PFC. L’ensemble des conversations guidées des régions

en question ont été parcourues. Si les différents enregistrements examinés mettaient en valeur

des points intéressants, il était souvent compliqué de trouver des extraits brefs, avec une

Page 89: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

81

bonne qualité sonore, contenant des caractéristiques typiques et facilement repérables pour les

élèves, tandis qu’un support pédagogique aurait permis de mettre en évidence, de façon

intelligible, différentes variantes d’une variété dans un et même document.

En outre, il semble tout à fait approprié de commencer par un input issu d’un support

pédagogique du point de vue de la compréhension orale. Un accent non-familier est

susceptible de créer des problèmes de compréhension. De même, un document authentique de

la langue parlé, comportant des phénomènes linguistiques et extra-linguistiques (bruit de fond

etc.), peut obstruer la compréhension. En d’autres termes, si, en plus de l’accent, le document

est de nature authentique, il risque d’être totalement incompréhensible pour les élèves. Or,

selon l’hypothèse de l’input de Krashen (1982, cité par Brown, 2007), il est essentiel

d’exposer les apprenants à un input compréhensible afin d’assurer la progression de leur

compréhension orale. Cet input compréhensible se situe à un niveau au-dessus de leur

capacité d’écoute actuelle, c’est-à-dire dans la zone proximale de développement des

apprenants, pour utiliser la notion de Vygotsky.

En suivant cette logique pour le développement de la capacité de compréhension envers une

variété donnée, il faut d’abord familiariser les apprenants avec cette variété par le biais d’un

input pédagogique compréhensible, adapté et simplifié sur d’autres plans linguistiques et

extralinguistiques, avant de les exposer à la variété par des documents authentiques. Ce qui

correspond d’ailleurs au parcours d’étude envisagé par les concepteurs du projet PFC-

Enseignement du français (ci-après PFC-EF):

1) Apprentissage du français standard de France

– support pédagogique audiovisuel, niveau A1-A2. Modules de TUFS.

2) Sensibilisation à la variation pédagogique : versions méridionale, suisse et

québécoise

– support pédagogique audiovisuel, niveau A2-B1. Modules de TUFS.

3) Apprentissage de la variation authentique : français de l’espace francophone

– support non-pédagogique audio, niveau B1-C2. Matériel PFC. (Source : www.projet-pfc.net)

89

Ce parcours suggère également d’utiliser des supports audiovisuels, en l’occurrence, les

modules de TUFS (cf. infra), pour sensibiliser les élèves à trois variétés de français

diatopiques, dont deux extrahexagonales, avant de les confronter à la diversité du français

parlé à travers le monde, par le biais du corpus PFC. Autrement dit, il sous-entend que la

89 http://www.projet-pfc.net/ressources-didactiques/ressourcescompl.html ; Parcours élaboré dans le cadre du

partenariat entre le projet PFC et TUFS.

Page 90: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

82

variation diatopique doit être introduite de manière progressive en matière de support et de

variété. Réduire le nombre de variétés à présenter aux élèves est aussi notre point de vue (cf.

chapitre 2).

Quant à la question de support audio versus audiovisuel, le dernier peut en effet faciliter la

compréhension orale des élèves en leur apportant des images au contexte et à ce qui est dit.

Suggéré d’ailleurs par un élève, l’usage d’un support audiovisuel pour familiariser les élèves

avec une variété diatopique semble alors bénéfique lorsque la compréhension orale est visée.

Il est néanmoins important d’avoir à l’esprit qu’un support audiovisuel « peut aussi détourner

l’attention portée à la perception sonore vers la perception visuelle » (Courtillon, 2003 p.54).

Alors, si l’on veut que les élèves soient attentifs non pas à ce qui est dit, mais à la manière

dont c’est dit, il vaut mieux de ne se servir que de la version sonore.

Dans un premier temps, nous pensons alors qu’il est important que le support utilisé pour

illustrer une variété donnée soit pédagogique, et de préférence, audiovisuel. Il doit néanmoins

répondre aux critères exposés dans le chapitre 4. Le support visuel peut être utilisé lorsque la

compréhension générale est visée, mais quand l’on veut attirer l’attention des élèves sur

l’aspect variationnel, une transcription écrite remplace le support visuel.

Les différents points et réflexions concernant notre intervention seront pris en considération

dans la dernière partie de ce chapitre, où nous suggérons des pistes didactiques ainsi que des

ressources qui peuvent être envisagées dans le cadre d’une initiation à la variation diatopique

en classe de VG2.

5.3 Pistes didactiques et ressources pour introduire

la variation diatopique en classe

5.3.1 Trois pistes didactiques

Nous proposons ici trois pistes didactiques qui visent à introduire les élèves en classe de VG2

à la variation diatopique du français hors France. Elles ont toutes les trois été effectuées lors

notre intervention en classe, mais se présentent ici sous une autre forme. L’objectif sur lequel

nous mettons l’accent est l’éveil de la conscience linguistique chez élèves liée au phénomène

de la variation, et plus précisément, au français parlé dans l’espace francophone. Mais les

deux autres objectifs n’y seront pas ignorés pour autant.

Page 91: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

83

La première piste s’inspire du questionnaire mené auprès des élèves. Afin d’introduire la

variation diatopique du français et d’éveiller la conscience linguistique des élèves, il nous

semble important de commencer tout d’abord par faire appel à leurs connaissances des autres

langues, et particulièrement l’anglais et le norvégien. Au lieu de demander aux élèves un

travail écrit (répondre au questionnaire), cette activité peut plutôt prendre la forme d’une

discussion en classe où l’enseignant demande aux élèves de se faire une idée de la manière

dont le français varie à travers le monde francophone. Dès le départ, le trait général de la

variation est mis en avant et prépare ainsi les élèves à l’exposition de la diversité du français

parlé dans le monde.

En ce qui concerne la deuxième piste, il s’agit de donner aux élèves un bref aperçu sonore de

cette diversité pour qu’ils commencent à se faire une idée de la façon dont le français varie à

travers le monde, notamment au niveau de la prononciation. Cette idée était suggérée par

l’enseignant, mais puisque les fichiers audio n’étaient pas prévus à cet effet, l’exercice n’a pas

apporté grand chose aux élèves. Pour que les élèves puissent prendre consciences de cette

diversité, les fichiers audio doivent permettent une comparaison aisée et abordable entre

différentes variétés. Par rapport à notre intervention, nous réduisons aussi le champ des

variétés hors hexagone en visant seules les trois zones francophones les plus importantes :

l’Europe, (la Suisse et/ou la Belgique), le Québec et l’Afrique subsahrienne (cf. chapitre 2).

Pour familiariser les élèves avec le français parlé dans ces trois zones, il est aussi possible

d’envisage une troisième piste didactique permettant d’illustrer ces variétés. En nous

appuyant sur les réflexions concernant l’activité que nous avons élaborée, une telle illustration

devrait se faire par le biais d’un support audio-visuel pédagogique. Afin de permettre aux

élèves de se faire une idée concrète comment ces variétés se différencient par rapport au

français de référence, aux niveaux du lexique et de la prononciation, cela nécessite néanmoins

de disposer des supports permettant une comparaison aisée avec le FR. Le but d’un tel

exercice sera leur faire prendre conscience du phénomène de la variation diatopique, qu’il

existe différentes formes en français permettant de dire « la même chose », mais que leur

usage va varier selon le locuteur francophone en question. Précisons qu’il ne s’agit pas d’une

étude des variantes lexicales et phonologiques, mais plutôt une prise de conscience de leur

existence. Examinons maintenant des supports qui peuvent être exploités dans le cadre de ces

pistes didactiques.

Page 92: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

84

5.3.2 Ressources pour introduire la variation diatopique

Lingua Planet Fransk

Même en Norvège, il existe un manuel qui s’ouvre à la variation diatopique bien plus

qu’Enchanté 2 et Contours, à savoir, le manuel numérique Lingua Planet Fransk (2010).

Mais pour l’instant, il est très peu utilisé dans l’enseignement du français (Kari Ryan,

rédactrice, communication personnelle), ce qui explique pourquoi nous ne l’avons pas pris en

compte dans notre étude des manuels. Pour traiter la variation diatopique,90

ce manuel illustre

d’abord la variété de français québécois (FQ) par une vidéo pédagogique. Certes, cette vidéo

correspond à nos critères, mais fait avant tout découvrir aux élèves quelques variantes

lexicales du FQ. Or, ce que nous cherchons, ce sont des supports permettant de comparer avec

le FR.

Figure 3: Exercice intitulé « Le français dans toutes ses formes » (partie 5A sur le français québécois).

Ce manuel vise également à familiariser les élèves avec quelques variantes lexicales

québécoises, suisses et belges et leurs équivalents en FR, présentées sous forme d’exercice

écrit, sans support sonore, et hors contexte (voir figure 3). Cet exercice est certes intéressant,

et nous félicitons d’ailleurs les auteurs du manuel d’avoir ouvert le champ aux variétés

européennes, mais à notre avis, il est trop avancé pour les élèves. À ce niveau, ce qu’il faut

viser, c’est la prise de conscience de la variation, et non l’acquisition d’une connaissance

passive des variantes lexicales. D’ailleurs, il ne permet pas de montrer comment ces trois

variétés se différencient l’une de l’autre. Nous ne considérons alors pas ce matériel approprié

à être exploité dans le cadre de nos trois pistes didactiques. Tournons-nous alors vers une

autre ressource.

90 Traitée dans la partie intitulée « Le monde en France, le français dans le monde » prévue pour le niveau II,

deuxième année.

Page 93: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

85

Les modules de TUFS

Figure 4: Le site de TUFS Language Modules pour le français

Sur le site de Language Modules de TUFS,91

nous trouvons des supports permettant de mieux

illustrer la variété québécoise et la variété suisse dans le cadre d’une première initiation. Les

quatre modules de conversation proposent chacun 40 dialogues, en support pédagogique

audiovisuel avec transcription, présentant les mêmes fonctions linguistiques (saluer,

remercier, etc.), mais exprimés dans trois variétés diatopiques, le français québécois, le

français suisse et le français méridional, et en français « standard ».92

Ces supports permettent

alors d’illustrer aux élèves comment le français est parlé au Québec et en Suisse, de façon

comparative, à la fois avec le FR, mais aussi entre elles. 93

Les élèves peuvent ainsi prendre

conscient qu’il existe en français différentes accents et différentes manières d’exprimer « la

même chose ». L’utilisation des modules de TUFS ne requiert pas que les enseignants soient

déjà familiers avec la variété suisse ou québécoise, comme il y a des notes qui expliquent les

variantes figurant dans les dialogues.

Ces supports semblent donc appropriés et peuvent être exploités à des fins didactiques.

Cependant, ils ne permettent pas d’illustrer le français parlé en Afrique subsaharienne. Si le

matériel du corpus PFC utilisé lors de notre intervention n’était pas appropriés pour introduire

la variation diatopique, nous trouvons néanmoins des ressources disponibles sur le site du

projet PFC qui semblent convenir à ce propos.

91 http://www.coelang.tufs.ac.jp/mt/fr/index_en.html 92 Pour plus de détails, consulter, par exemple, Detey, Racine et Kawaguchi (2011). 93 Pour comparer les différentes variétés, suivre ce lien :

http://www.coelang.tufs.ac.jp/mt/fr/index_comparison.html

Page 94: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

86

Le site du projet PFC

Dans le volet Enseignement sur le site du projet PFC, nous trouvons une rubrique intitulée Le

français illustré. Cette rubrique offre un aperçu sonore de la diversité du français à travers le

monde, par le biais d’une carte du monde interactive. En cliquant sur les points bleus sur la

carte, on peut écouter des extraits brefs de différentes variétés. Cette carte existe en deux

versions illustrant deux types de paroles, une, en conversation et l’autre, en lecture de texte.

Compte tenu de notre expérience en classe, la version en lecture de texte nous semble le plus

appropriée pour les élèves en VG2.

Figure 5: Carte interactive du projet PFC

Cette carte présente la même phrase lue par des locuteurs francophones d’origines variées

dont quatre de l’Afrique subsaharienne. Elle permet ainsi d’illustrer le français parlé dans

cette zone en termes de prononciation, en mettant en évidence certains traits typiques traits

comme la prononciation du /R/. Des traits qui seront davantage mise en avant en comparant

avec les autres variétés (Québec, Belgique, Suisse) et le français hexagonal septentrional.

À notre avis, cette carte se prête parfaitement à la réalisation en classe de la deuxième piste

didactique, c’est-à-dire donner un premier aperçu sonore aux élèves à la diversité du français

à travers le monde. Un tel support n’exige pas de la part des enseignants de pouvoir décrire

phonétiquement les différentes variantes qui y figurent, car il s’agit avant tout de montrer

qu’au niveau de la prononciation, le français varie. On peut néanmoins laisser les élèves

s’exprimer, en norvégien, sur les différences qu’ils entendent. Pour faciliter une telle écoute

attentive, il nous semble important qu’ils aient la phrase lue sur un support écrit.

Page 95: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

87

5.3.3 Pour conclure

Les modules de TUFS et le site du projet PFC fournissent alors des supports qui peuvent être

exploités à des fins didactiques, et particulièrement dans le cadre de nos trois pistes. Ils ont

l’avantage d’être disponibles sur le web et abordables, nous semble-t-il, à la fois pour les

élèves et les enseignants, aussi ceux non formés au français parlé hors de France.

Pour introduire les élèves à la variation diatopique, nous suggérons de commencer par la

discussion ouverte. La carte interactive du projet PFC peut servir comme support visuel.

L’enseignant peut par exemple pointer le doigt sur un des points bleus en demandant aux

élèves comment ils imaginent le français parlé là-bas, en visant principalement les trois zones

principales. En utilisant la carte ainsi, on peut éveiller la curiosité des élèves et leur donner

envie de découvrir les différentes variétés hors de France.

Cela permet aussi d’introduire la deuxième activité où les élèves vont écouter la même phrase

lu par des locuteurs francophones de Belgique, de Suisse, de Québec, de France septentrional

et de l’Afrique subsaharienne. Une attention particulière sera prêtée au français de cette

dernière zone, étant donné qu’il ne sera pas illustré ultérieurement, comme ce sera le cas pour

le français du Québec et de Suisse. Ces deux variétés seront illustrées par les supports audio-

visuels de TUFS et comparés avec la version « standard ».

La méthodologie de TUFS est celle qui nous semble la meilleure pour traiter la variation

diatopique en classe, c’est-à-dire illustrer des variétés de français, y compris le standard, dans

les mêmes situations de communication présentés au travers des fichiers audio-visuel avec

transcription.94

À notre avis, cette approche peut permettre aux élèves de prendre conscience

que le français varie à travers le monde tout en leur faisant écouter « les voix réelles de la

francophonie » (Valdman, 2000, p.655).

94 Les dialogues peuvent être présentés selon 4 modes d’utilisation. En choisissant le mode 2, on peut écouter le

dialogue sans le support visuel avec/sans transcription.

Page 96: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

88

Page 97: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

89

6 Conclusion

L’objectif de ce mémoire était de nous pencher sur le français tel qu’il varie dans l’espace

francophone hors de France hexagonale et son traitement dans l’enseignement du français en

Norvège. Nous nous sommes posée les questions suivantes: dans quelle mesure la variation

diatopique est-elle traitée dans l’enseignement du français en Norvège ? Comment est-elle

traitée ? L’enseignement est-il optimal ?

Avant d’apporter des réponses à ces questions, nous avons d’abord posé les bases des

justifications didactiques pour sensibiliser les élèves au français hors de France dans les

premiers chapitres. Dans l’introduction, nous avons souligné que la francophonie et en

particulier, la possibilité de communiquer avec des locuteurs francophones du monde entier,

sont utilisées comme un argument de poids pour promouvoir le français comme langue

étrangère à l’école norvégienne. Dans cette logique, on aurait pu s’attendre à ce que

l’enseignement vise à développer chez les élèves une capacité de faire face au français parlé

hors de France. Ce qui est d’autant plus important, étant donné que les usages du français

dans les différentes régions francophones extrahexagonales sont très variables et hétérogènes

et se différencient ainsi du français de France, comme nous l’avons vu dans le chapitre 2.

En outre, dans le chapitre 3, nous avons montré que la prise en compte de la variation

diatopique correspond aux recommandations du CECR (2001) et aux courants didactiques

actuels, et qu’il est également possible d’interpréter le programme du LK06 dans ce sens-là,

bien qu’il le mentionne pas de façon explicite. Rappelons que la variation est partie prenant de

toute langue, la prise en compte de la réalité langagière en classe de langue préconisée par le

programme prévoit, par définition, de confronter les élèves à la variation. En nous appuyant

sur le CECR, nous avons déduit que la deuxième année en classe de VG2 est la phase

d’apprentissage propice pour introduire la variation diatopique.

Sur cette base, nous nous sommes tournée vers l’étude des manuels dans le chapitre 4. Bien

que les deux versions de Contours et d’Enchanté 2 abordent la thématique du monde

francophone lors de la deuxième année du niveau II, leur traitement de la variation diatopique

est fragmentaire. En effet, c’est l’aspect culturel qui est mis en valeur, et si l’on aborde

l’aspect linguistique, c’est pour montrer aux élèves pourquoi et où on parle français, mais on

passe sous silence la question de comment. Parmi l’ensemble des textes examinés, seul le

dialogue sur le Québec dans Enchanté 2 propose une véritable illustration d’une variété hors

Page 98: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

90

de France. Mais suite à une étude approfondie du texte et du fichier sonore, nous avons

découvert que ce texte, notamment dans sa forme sonore, donne une image complétement

faussée de la variété québécoise.

Cette étude nous a permis de constater que le français hors de France est très peu, voire pas du

tout, abordé par ces manuels, et quand il l’est, c’est de façon inadéquate, ce qui témoigne d’un

manque de réflexion ou d’importance accordée à ce sujet. Autrement dit, le traitement de

variétés diatopiques par les manuels d’Enchanté 2 et de Contours est clairement insuffisant et

non optimal. Comme nous l’avons vu au chapitre 5, cela se fait également sentir du côté des

pratiques des enseignants, qui accordent généralement peu de place et d’importance au

français parlé hors de France.

Autrement dit, en dépit du fait que la promotion du français dans l’école norvégienne met en

évidence la pluralité des usages du français à travers le monde, l’enseignement ne suit pas

cette ligne et ne prépare pas les élèves à interagir avec des locuteurs francophones hors de

France. Notre conclusion est alors qu’il y a un manque considérable à combler dans

l’enseignement du français en Norvège afin que les élèves puissent être sensibilisés à la

variation diatopique du français hors de France.

Notre contribution pour tenter de combler ce manque était de suggérer à la fin du chapitre 5,

une ouverture modeste, mais raisonnée à la variation diatopique de français hors de France en

classe de français en VG2. Nous avons proposé trois pistes didactiques ainsi que des

ressources qui peuvent être exploités à ces fins. Elles ont été élaborées dans le but de pouvoir

être utilisées par les enseignants qui ne reçoivent pas de formation dans ce domaine, mais qui

souhaitent introduire aux élèves le français hors de France, en l’occurrence le français du

Québec, de la Suisse et de l’Afrique subsaharienne. Rappelons que l’objectif visé, c’est de

faire prendre conscience aux élèves que le français ne se parle pas de la même manière

partout et les entrainer à gérer cette diversité au niveau perceptif.

Néanmoins, afin que la variation diatopique du français soit véritablement mise à l’ordre du

jour dans l’enseignement du français en Norvège, la pression doit venir des manuels et/ou des

directives officielles. Nous espérons que dans un premier temps les auteurs des manuels vont

commences à s’ouvrir au français hors de France. Le manuel de Lingua Planet Fransk

pourrait être un premier pas dans cette direction.

Page 99: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

91

Mais pour que ce changement puisse véritablement se réaliser, cela nécessite de la part des

auteurs de manuel et des enseignants de renoncer à la vision monolithique de la langue

française pour adopter une vision globale du français, envisagé comme l’ensemble des

variétés de français, tel qu’il est parlé à l’intérieur de la France tout comme dans les

communautés francophones à travers le monde. En d’autres termes, il s’agit de concevoir la

variation comme une caractéristique fondamentale de la langue, et non comme quelque chose

d’anodin. Dans cette optique, l’enseignement du français ne pourrait plus se limiter à

présenter aux élèves seul un usage normé et standardisé du français de France, mais doit aussi

les familiariser avec différents types de variation, y compris des variétés de français hors de

France, afin de leur montrer que le français existe dans tous ses états.

Page 100: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

92

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Pöll, B. (2001) Francophonie périphériques. Histoire, statut et profil des principales variétés

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Udir (2006). Læreplan i fremmedspråk. Kunnskapsløftet

Udir (2006). Læreplan i engelsk. Kunnskapsløftet

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Communication dans un congrès

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mise en relief(s): aspects linguistiques, didactiques et institutionnels, Université de

Perpignan (France), juin 2013.

Page 106: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

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Manuels étudiés et ressources pédagogiques

Casoli, J. Celdran, H. Davies, H., Hjulstad, C. Salvesen, C. Olaisen, F., Skofteland, Ø. &

Uvsløkk, G. (2010) Lingua Planet Fransk. Digital Elevressurs. Oslo, Aschehoug.

Hønsi, H., Kjetland, C.M. & Liautaud, S. (2007) Enchanté 2, Fransk II Vg2. Oslo, Cappelen

Hønsi, H., Kjetland, C.M. & Liautaud, S. (2013) Enchanté 2, Fransk II Vg2. Oslo, Cappelen

Lokøy, G.& Ankerheim, B. (2007) Contours, Fransk II Vg1 + Vg2, Oslo, Gyldendal

Undervisning

Lokøy, G.& Ankerheim, B. (2009) Contours nouvelle édition, Fransk II Vg1 + Vg2, Oslo,

Gyldendal Undervisning

Language Modules de TUFS : http://www.coelang.tufs.ac.jp/mt/fr/index_en.html

Dictionnaires et sites pour l’étude lexicale consultées:

BDLP = Base de données lexicographiques panfrancophone. En ligne: http://www.bdlp.org/

Le Petit Robert (2013) Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française,

nouvelle édition millésime 2013, Paris, Le Robert

Le Petit Robert (2011) Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française,

nouvelle édition du Grand Format, 2011, Paris, Le Robert

OQLF = OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE. Le grand dictionnaire

terminologique. En ligne: http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/index.aspx

Usito = Dictionnaire Usito: Parce que le français ne s’arrête jamais, CAJOLET-

LAGANIÈRE, Hélène, Pierre MARTEL et Chantal-Édith. Disponible uniquement en

ligne, Sherbrooke, Édition Delisme, [En ligne], 2013, www.usito.com/dictio

http://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/avantages/expressions.html

Pages web consultés (voir notes dans le texte) :

http://www.insee.fr/

http://www.francophonie.org

http://www.fremmedspraksenteret.no

http://www.projet-pfc.net

http://www.world-territories.com

http://www.udir.no

Page 107: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Annexe A:

Vue d'ensemble des textes examines des

manuels  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Page 108: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Contours nouvelle édition - Chapitre 7 «Le monde francophone» pp.196-226

Appellation 

Texte/ Exercice  page  genre  Description du texte  Présence de la variation diatopique  

C1  « Bonjour ! Je suis Anouk… » (texte écrit + audio) 

196  lettre  Parle du monde francophone de manière générale, cite où l’on parle français et explique brièvement pourquoi (l’histoire coloniale française) ; mentionne la situation linguistique de ces pays (le statut/ fonction du français) 

Non 

C2  « Les DROM‐COM –qu’est‐ce que c’est ? » (texte écrit +audio et carte du monde francophone) 

198  factuel  Enumère les DROM et des COM et explique leur différent statut politique vis‐à‐ vis de la France. Carte catégorisant les différents pays/ régions par rapport aux divers statuts du français  

Non 

C3  « Les vacances dans un pays francophone » (texte écrit et audio) 

199  Dia‐logue 

Quatre personnages du manuel parlent de leurs vacances dans une région francophone. Le texte cite quelques régions et donne des informations touristiques de ce que l’on peut faire dans ces régions en question. 

Non  

                    La Guadeloupe 

C4  « La Guadeloupe, entre l’Océan Atlantique et la Mer Caraïbe » (texte écrit + audio) 

202  factuel  Situe la Guadeloupe géographiquement, situation démographique (hétérogène), trace brièvement l’histoire coloniale de la Guadeloupe, du début à la décolonisation.  

Non 

C5  « Le créole » (uniquement texte écrit) 

204  factuel  Présente le créole, langue  qui coexiste avec le français en Guadeloupe, son émergence et ses caractéristiques, donne des exemples de quelques traits     

Non, MAIS présente le créole  

C6  « La cuisine créole » (uniquement texte écrit) 

205  texte factuel 

Présente quelques caractéristiques avec la cuisine créole et le plat national, le Colombo 

Non 

C7  « Bienvenue à l’Ile de Marie‐Galante » 

206  Affiche touri‐stique 

Présente différents activités touristiques (visite, repas etc) à faire sur l’Ile de Marie‐Galante 

Non 

C8  « La vie‐carnaval » De Gisèle Pineau  

217‐222 

Litté‐raire 

Une nouvelle d’une auteure guadeloupéenne. Hormis quelques phrases et paragraphes effacés, le texte est dans sa forme originale 

Une variante : « chabin,(‐e) » et quelques énoncés en créole 

                  L’Europe francophone hors de France :« D’autres pays francophones » 

C9  Petit texte d’écoute sur la Suisse  

  207 

factuel  Information factuelles sur la Suisse (nombre d’habitants, langues 

non 

Page 109: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

officielles etc) 

C10  des blagues belges (texte écrit) 

  Blague  Quatre blagues françaises sur les Belges  

non 

C11  Petite note « Est‐ce que tu sais que…la Belgique » (texte écrit) 

  Factuel  Aborde la situation linguistique complexe de la Belgique 

non 

                  Le Québec 

C12  « Québec » (texte écrit+ audio) 

208  factuel  Présente la situation linguistique du Canada et la province francophone du Québec (histoire : la colonisation française ; aspects touristiques : ses richesses naturelles et les activités à faire ; actuel : les Québécois et leur volonté d’indépendance   

Non, Mais présence d’un mot de la variété québécoise, canotage1 

C13  Le Canada (texte écrit) 

209  Litté‐raire 

Poème d’un célèbre poète et écrivain québécois, Octave Crémazie. Texte authentique. 

Non 

C14  Petite note « Est‐ce que tu sais que… 

210  factuel  Sur la Transat Québec/ Saint‐Malo (course de voile) 

Non  

C15  Photo utilisée dans un exercice pour écrire une carte postale 

210  visuel  Photo d’un panneau de circulation sur lequel il est marqué « arrêt »  

Oui « arrêt » (photo) 

 

C16  Exercice d’écoute 272 (les nombres) Cet exercice  vise de tester la compréhension orale, notamment des chiffes 

211  factuel  Présentation de cinq régions francophones (nombre d’habitants, dates importantes, langue(s) officielle(s)) faite par des personnes soi‐disant de la région en question, mais aucun trait de ces variétés.   

Non 

                 L’Afrique francophone 

C17  « Afrique » (écrit + audio) 

212  factuel  Sur l’exploitation coloniale des Européens, la traite négrière (histoire) 

Non 

C18  « L’Occupation »  213  commentaire 

Texte tiré du journal Le Nouvel Observateur (2002), écrit par l’auteur ivoirien Ahmadou Kourouma sur le colonialisme  

Non  

C19  « Afrique »  213  Litté‐raire 

Poème de l’écrivain sénégalais francophone David Diop 

Non 

C20  « Le Sénégal »   

214  

   

Programme du séjour d’un personnage du manuel, la journaliste Yvette ( touristique) ;  

 Non 

                                                            1 Le mot canotage apparaît dans le texte dans la version de Contours de 2007, mais dans la version de 2009, le mot canoë a remplacé canotage dans le texte, mais canotage est toujours dans la liste du vocabulaire du texte (p.208) 2 Exercice d’écoute 27 : http://mml.gyldendal.no/flytweb/default.ashx?folder=9728&redirect_from_tibet=true

Page 110: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

C21  « fiche d’information : Sénégal » 

215    Informations factuelles sur le Sénégal (un  peu sur la situation linguistique) 

Non 

                   Le Maghreb 

C22  « Alphabétisation »  223  Litté‐raire 

Poème d’un écrivain algérien Rachid Boudjedra 

Non 

C23  Petit note « Est‐ce que tu sais que » 

223  factuel  Sur la situation linguistique au Maghreb (le statut du français), leur décolonisations (histoire) 

Non  

 

Page 111: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Enchanté 2 (2007) – Version 1 (E‐V1) 

Appellation 

Texte/ Exercice  page  genre  Description du texte  Présence de la variation diatopique 

 Guadeloupe – dans chapitre 3 « Voyage, voyage » dans le thème 1 : Le tour de France des régions  

EV1‐1  « Voyage, Voyage.. » Le texte principal du chapitre (texte écrit + audio) 

53  Narra‐tive  

Benjamin raconte ses vacances en Guadéloupe (activités de loisir, visites etc) dans deux cartes postales, la première à ses grands‐parents, la deuxième à un ami 

Non 

EV1‐2  « Les Départements d’Outre‐Mer – Les Dom » dans la rubrique Civilisation (texte écrit + audio) 

66  factuel Présente les quatre DOM, l’accent sur l’histoire (coloniale), autres aspects qui sont typiques pour chacun des DOM : produits d’exportation, langues parlées… 

Non 

EV1‐ 3  « Vive le douanier Rousseau » dans la rubrique Coin culturel (écrit + audio) 

68‐69 

Chan‐son 

Chanson du groupe La Compagnie Créole (texte authentique, mais l’enregistrement ne l’est pas) 

Non 3 

EV1‐4   « La vie‐carnaval » de Gisèle Pineau dans la rubrique Pour aller plus loin (texte écrit) 

70‐71 

Litté‐raire 

Extrait d’une nouvelle d’une auteure guadeloupéenne  (la même nouvelle que dans Contours, mais ici, l’extrait est plus court ) 

Une variante :  chabin,(e) 

Thème 2 – La francophonie 

                 Le Canada (chapitre 4) 

EV1‐5  « Le Canada »  Le texte principal du chapitre (texte écrit + audio) + une liste de vocabulaire entre le francais de Canada et francais de France 

76‐78 

Dia‐logue 

Conversation entre Benjamin et sa sœur et une fille québécoise, Emma, dans un vol en direction de Canada. Emma parle du Québec, des activités et visites à faire, et quelques particularités du français québécois  

Oui, Plusieurs variantes lexicales et phono‐logique 

EV1‐6  Texte d’écoute sur la ville de Québec (audio) 

80  factuel Présente des faits sur Québec (géographie, histoire, population, etc.)  

non 

EV1‐7  « Respectez la forêt » (texte écrit) 

85  consignes 

Texte (authentique) tiré du guide de voyage Ulysse Le Québec 1999‐2000 sur les consignes à suivre lorsque l’on est dans la nature 

non 

EV1‐8  « Le Québec » dans la rubrique Civilisation (texte écrit+ audio) 

89  factuel Décrit la géographie du Québec, les ressources naturelles, informations sur la population, sur Montréal (aspect touristique) 

Non  

                                                            3 Le fichier audio laisse néanmoins percevoir quelques traits de la variété de francais guadeloupéen, marquée par le créole

Page 112: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

EV1‐9  « J’erre » de Steve Dumas sous la rubrique Coin culturel (texte écrit + audio) 

91  Chan‐son 

Chanson d’un chanteur québécois (sur Montréal). Texte authentique, mais l’enregistrement est une reprise 

Non  

EV1‐10  

« Le Cirque du Soleil » Sous la rubrique Pour aller plus loin (texte écrit) 

93  article  Extrait d’un article paru dans le magazine français Match du monde  présentant une interview avec Guy Laliberté (fondateur et directeur du Cirque du Soleil) 

Non 

               Chapitre 5 : L’Algérie : colonisation et indépendance 

EV1‐11 

« L’Algérie : colonisation et indépendance » (texte écrit et audio) 

97  factuel Sur l’histoire coloniale de l’Algérie, la décolonisation, la situation actuelle de l’Algérie et la relation entre la France et l’Algérie 

Non 

EV1‐12 

« Un Algérien en Norvège» (texte écrit et audio) 

98‐99 

Inter‐view 

Une interview avec un Algérien, « Mohammed », qui habite en Norvège.  L’interview est « authentique ».4 Parle de son histoire d’immigration, les langues parlées en Algérie, son attitude/ses sentiments envers les Français, la guerre d’Algérie  

Non, dans le texte écrit Oui, quelques traits dans le fichier audio (la pronon‐ciation) 

EV1‐13 

Texte d’écoute sur Amina (audio) 

100  factuel Amina présente sa ville d’origine, Oran. Informations factuelles 

Non 

EV1‐14 

« La culture maghrébine en France » sous la rubrique Civilisation (écrit + audio) 

108‐109 

factuel Sur la cuisine maghrébine (nomme des spécialités culinaires : plats marocains, la merguez, la harissa) Liste de vocabulaire de spécialités maghrébines avec explication en français ; recette du couscous) Sur la musique maghrébine : le raï)   

Des mots d’origine arabe (raï, cheich, darbouka, noms culinaires) 

EV1‐15 

« Aicha »  Sous la rubrique Coin culturel (écrit + audio) 

111  Chan‐son 

Paroles de la chanson chantée par Khaled, écrite par J.J.Goldman (texte originale, mais l’enregistrement est une reprise) 

Non 

EV1‐16 

« Cette fille‐là » de Maïssa Bey, sous la rubrique Pour aller plus loin (écrit) 

113  Litté‐raire 

Extrait du roman d’une écrivaine algérienne. Présences des mots d’origine arabe qui sont utilisés dans le français d’Algérie (se trouvent aussi dans le dictionnaire Larousse) Ils apparaissent aussi dans la marge du texte avec sa traduction en norvégien :  gourbi5, henné, khôl, burnous, youyou.    

Oui, variantes lexicales venues de l’arabe 

                                                            4 Selon le guide pédagogique. 5 Ce mot est le seul où c’est marqué «mot arabe»

Page 113: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

                Chapitre 6 : La radio des femmes camerounaises de Mbalmayo 

EV1‐17 

« La radio des femmes camerounaises de Mbalmayo » (texte écrit et audio) 

116‐ 117 

Didactique 

Texte présenté sous forme d’un exposé scolaire fait par deux personnages du manuel sur « la condition des femmes au Cameroun ». Présentation d’une femme camerounaise, Josephine, et son histoire par les deux personnages   

Non  

EV1‐18 

Texte d’écoute sur le Cameroun  (audio + texte à trous) 

118  factuel Texte présente des renseignements sur le Cameroun (hist., géographie, situation linguistique) 

Non 

EV1‐19 

« La musique africaine francophone » sous la rubrique Civilisation 

128‐129 

factuel Présente des aires musicales africaines : le Sahel, la zone Mandingue, le golf de Guinée ; et des artistes africaines francophones (Angélique Kidjo, Youssou N’Dour, Ismaël Lo et Wagëblë) 

Non  

EV1‐20 

« Y’en a marre » ‐ Tiken Jah Fakoly avec Yannis Odua Dans Coin culturel 

130‐131 

Chan‐son  

Chantée un chanteur de reggae de la Côte d’Ivoire 

Non  

EV1‐ 21 

« Poèmes africains » Dans Pour aller plus loin 

132‐133 

Litté‐raire 

Trois poèmes des auteurs camerounais : « Ils m’ont dit » de Sengat‐Kuo, « Je suis venu chercher du travail » de Bebey ; « L’oiseau en liberté » M’bafou‐Zeteberg 

Non 

               Autre 

EV1‐22 

Carte du monde francophone  sur la troisième page de couverture  (à la fin de l’ouvrage) 

image  Présentant le monde francophone par rapport aux divers statut et fonctions du français   

 

 

   

Page 114: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Enchanté 2 (2013) – Version 2 (EV2) – Thème 1 : Le monde francophone

Appellation 

Texte/ Exercice  page  genre  Description du texte  Présence de la variation diatopique 

 Chapitre 1 : « Voyage à travers l’Europe francophone »  (Belgique, Suisse, Luxembourg, Monaco) 

EV2‐1   « Voyage à travers l’Europe francophone »  (texte écrit + audio) 

13‐14 

Blog  (de‐scrip‐tive/ narra‐tive) 

Le texte sous forme de blog de voyage des deux personnages du manuel. Présentation des pays et villes: la Belgique (Bruxelles), le Luxembourg (Luxembourg), Suisse (Genève) et Monaco ; donne des informations générales sur ces lieux, mais l'accent est mis sur l’aspect touristique (ils racontent ce qu’ils font pendant leur voyage : les visites, les sites touristiques, les spécialités culinaires etc.).  

Oui, une variante du français belge « s’il vous plaît » 

EV2‐2  « Trois francophones célèbre» dans la rubrique Civilisation (texte écrit + audio) 

27  factuel Présente Henri Dunant, Jacques Brel et Hergé (Georges Rémi), pourquoi ils sont connus, leur carrière etc. 

Non 

EV2‐ 3  « Bruxelles et l’Art nouveau » dans la rubrique Coin culturel 

28  factuel Présentation brève du mouvement artistique de l’Art nouveau et la présence de ce style à Bruxelles  

Non 6 

                 Chapitre 2 : Le Canada  (Amérique du Nord) 

EV2‐4  « Le Canada »7  (texte écrit + audio) + une liste de vocabulaire entre le français de Canada et français de France  

31‐32 

Dia‐logue 

Conversation entre Benjamin et sa sœur et une fille québécoise, Emma, dans un vol en direction de Canada. Emma parle du Québec, des activités et visites à faire, et quelques particularités du français québécois  

Oui, Plusieurs variantes lexicales et une phonologique (moé)8 

EV2‐5  « Le Québec » dans la rubrique Civilisation (texte écrit) (similaire du texte EV1‐7, mais plus longue) 

42‐43 

factuel Décrit la géographie du Québec, les ressources naturelles, informations sur la population, histoire du Québec, aspect politique,  partie sur Montréal (histoire, architecture, activités culturelles) 

Non  

EV2‐6  Trois Québécois  43  factuel Trois petits textes sur J.‐A.  Non  

                                                            6 Le fichier audio laisse néanmoins percevoir quelques traits de la variété de francais guadeloupéen, marquée par le créole 7 Même texte que dans Enchanté 2 (2007) – EV1-5- avec quelques modifications dans le texte écrit, la modification la plus importante concerne le fichier audio : le personnage canadienne parle maintenant avec un accent « standard », à part la prononciation de moi (moé) 8 Voir étude du texte (chapitre 4) et Annexe

Page 115: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

célèbres  Bombardier, G. Laliberté, C.Dion (lieu de naissance, profession) 

EV2‐7  « Je reviendrais à Montréal» de Robert Charlebois sous la rubrique Coin culturel 

91  Chan‐son 

Chanson d’un chanteur québécois (sur Montréal). Texte authentique 

Non  

               Chapitre 3 : L’Afrique francophone (Algérie et Cameroun) 

EV2‐8  « L’Afrique francophone » (texte écrit + audio) 

47‐48 

Descriptive/ narrative 

Texte dressant le portrait de deux francophones (un d’Algérie et une de Cameroun : Josephine d’EV1‐15), présenté par le biais d’un personnage du manuel, Karim, un français d’origine algérienne, sous forme d’un projet scolaire.  Un peu d’histoire sur l’Algérie (colonisation, relation entre la France / Algérie, mais aussi l’histoire biographique d’un immigrant venu en France). L’histoire personnelle d’une femme camerounaise (condition féminine au Caméroun) 

 

EV2‐9  « La musique africaine francophone » sous la rubrique Civilisation   (reprendre une partie du texte EV1‐12 et EV1‐16) 

56‐57 

factuel Présente des aires musicales africaines : le Maghreb (le raï), le Sahel, la zone Mandingue, le golf de Guinée. Description de différentes traditions musicales, styles, instruments et nomme des artistes connus pour ce type de musique 

mot d’origine arabe (raï), le balafon, djembé 

EV2‐ 10 

« Poèmes africains » Dans Coin culturel 

58‐59 

Litté‐raire 

Trois poèmes des auteurs camerounais : « Poème à mon frère blanc » de Senghor ; « Ils m’ont dit » de Sengat‐Kuo, « Je suis venu chercher du travail » de Bebey  

Non 

 

Page 116: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Annexe B:

Questionnaire électroniques enseignants  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Page 117: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Undervisning om den fransktalende verden (VG2, nivå 2)

Side 1Kjære lærer som underviser eller har undervist i fransk på VG2, nivå 2,Denne spørreundersøkelsen dreier seg om undervisningstemaet "den fransktalende verden", med særlig fokus på det språkligeaspektet. Resultatene fra undersøkelsen vil inngå i min masteroppgave i fransk ved Universitetet i Oslo. Undersøkelsen er anonym.Tusen takk for at du tar deg tid til å svare på undersøkelsen min.Med vennlig hilsen,Eline Amundsen

Side 2Kryss av den påstanden som passer deg

Jeg underviser i fransk på VG2, nivå II

Jeg har tidligere undervist i fransk på VG2, nivå II

Hvor mange år har du undervist i fransk?

i år

Hvor mange år har du undervist i fransk på VG2, nivå 2?

i år

Hvilken lærebok bruker du / har du brukt ?

Hvis du har brukt flere, kryss av den boka og utgaven du vil ta utgangspunkt i denne undersøkelsen

Enchanté 2, utgave fra 2007

Enchanté 2, utgave fra 2013

Contours, utgave fra 2007

Contours, utgave fra 2009

Side 3Hvilken universitetsgrad eller hvor mange studiepoeng har du i fransk?

Kryss av den påstanden som passer deg

Jeg er norsk eller fra et annet ikke-fransktalende land

Jeg er fra Frankrike

Jeg er fra et annet fransktalende land enn Frankrike eller fra en DROM-COM: Hvilket?

Fransken du bruker i klasserommet kan beskrives som ...

en type fransk som er tilnærmet fransk standard (Frankrike)

en geografisk variant av fransk, innenfor eller utenfor Frankrike. Hvilken? Forklar kort hvorfor

Page 118: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Side 4Hvor viktig eller uviktig synes du det er å presentere andre fransktalende land og regioner enn Frankrike iundervisningen?

svært viktig viktig nøytral mindre viktig ikke viktig

Hvor interessant eller uinteressant synes elevene at temaet om fransktalende regioner/land er?

svært interessant interessant nøytral lite interessant uinteressant vet ikke

Hva ser du på som formålet med undervisningstemaet "le monde francophone" ?

Omtrent hvor mange undervisningstimer går til dette temaet ?

Presiser helst lengden på en undervisningstime

Side 5Hvordan jobber dere som regel med dette temaet i undervisningen?

Kort om elevaktiviteter, undervisningsmateriale o.l. Mer spesifikke spørsmål kommer nedenfor

Hva slags undervisningsmateriale fra læreverket bruker dere som regel i arbeidet med "le monde francophone" ?

Med læreverk menes lærebok og tilhørende ressurser: lydfiler, hjemmeside med oppgaver, linker

Bruker du andre ressurser/materiale enn læreverket i forbindelse med undervisningen av dette temaet?

Nei

Ja. Hva slags materiale og til hvilket formål?

Page 119: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Side 6Hvor viktig eller uviktig synes du det er at elevene blir introdusert for fransk slik det snakkes i forskjellige fransktalendeområder i verden?

Heretter kalt "(geografiske) varianter av fransk". I denne undersøkelsen interesserer vi oss kun for varianter av fransk utenfor Frankrike, men inkluderer lesDROM- COM

svært viktig ganske viktig litt viktig ikke særlig viktig helt uviktig nøytral

Begrunn kort svaret ditt

Synes du VG2 (nivå 2) er et passende nivå for å introdusere geografiske varianter av fransk?

Ja

Nei, ingen nivå eller trinn på skolen er passende

Nei, nivå III/ VG3 er et mer passende nivå

Nei, man bør introdusere dette på et tidligere nivå. På hvilket trinn/nivå?

Side 7Hvor enig eller uenig er du i at læreverket gir mulighet til å presentere geografiske varianter av fransk ?

helt enig delvis enig nøytral delvis uenig uenig

Synes du læreverket burde vie mer eller mindre plass til presentasjon av varianter av fransk?

mye mer mer like mye mindre mye mindre nøytral / vet ikke

Side 8I din undervisning om den fransktalende verden, pleier du å vie oppmerksomhet til måten fransk blir snakket i områdetsom blir studert ?

Hvis du krysser av "aldri", hopp over resten av spørsmålene på denne siden

Alltid Svært ofte Ofte Av og til Sjelden Svært sjelden Aldri

Hvis du allerede har presentert geografisk variant(er) av fransk i undervisningen, ønsker jeg å vite mer om hvordan dugjorde eller pleier å gjøre dette.Fra hvilket fransktalende område var varianten(e) du presenterte? Gi gjerne en kort begrunnelse for valget. Hvilke kommentarer om varianten(e) ga du til elevene?

Page 120: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Hva slags type materiale ble brukt og hvor hentet du det fra?Hvordan jobbet dere med dokumentet? Hva var målet med undervisningen?

Presiser om undervisningsmateriale var en skriftlig tekst, lydfil, sang, video etc og om det var et autentisk eller tilpasset dokument

Hvordan ble undervisningen mottatt av elevene?

Side 9Hvis du 'sjelden', 'svært sjelden' eller 'aldri' presenterer en variant av fransk i undervisningen om den fransktalendeverden på VG2, ønsker jeg å vite mer om grunnen(e) til dette

Flere svaralternativer er mulig

ikke viktig for utvikling av elevenes ferdigheter/kunnskaper i fransk

for vanskelig for elevene

ikke nevnt i læreplanen

mangel på adekvate ressurser

har selv lite kjennskap til geografiske varianter av fransk

har selv liten interesse for geografiske varianter av fransk

annet:

Side 10Utenom tema om den fransktalende verden, bruker du undervisningsmateriale som viser varianter av fransk (utenforFrankrike) i andre sammenhenger?

svært ofte ofte av og til sjelden svært sjelden aldri

Hvis dette hender, hva slags materiale bruker du og i hvilken sammenheng?

Page 121: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Hvis man skulle presentere en variant eller varianter av fransk i undervisningen på VG2, Hvilke ferdigheter/kunnskaper bør man fokusere på ?Hva bør være målet for elevene?

Side 11Hvor ofte opplever du at elever uttrykker interesse /nygjerrighet for hvordan de snakker i fransktalende land / regionerutenfor Frankrike?

svært ofte ofte av og til sjelden svært sjelden aldri

Hvis du allerede har opplevd dette, hva gikk elevenes spørsmål/ kommentarer ut på?

Hvis elevene har hørt en eller flere geografiske varianter av fransk i eller utenfor franskundervisningen, hvilkekommentarer har elevene gitt om egen lytteforståelse av varianten(e)?

Side 12Hvordan vil du vurdere din kjennskap til /kunnskap om varianter av fransk utenfor Frankrike i forhold til å presenteredette i undervisningen?

svært god god middels dårlig svært dårlig vet ikke/ ingen mening

Hvis det er en eller flere geografiske varianter du kjenner godt til,

Hvilke(n)?

Hvordan kjenner du til denne/disse?

Har studiene du har gjennomført i fransk gitt deg kunnskap om ulike språklig trekk ved varianter av fransk (utenforFrankrike)?

Nei

Ja. Hva slags fag/emne?

Page 122: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Hvor nødvending eller unødvendig er det for fransklærere å ha hatt fag/studieemne(r) som omhandler dette for å kunnepresentere det i undervisningen?

svært nødvendig nødvendig lite nødvendig unødvendig nøytral

Side 13Hvis du har kommentarer, tips eller lignende, skriv det gjerne inn her. Jeg vil gjerne høre din mening.

Kommentarer og spørsmål kan også sendes direkte til meg på mail. Hvis du ønsker å vite om resultatene fra undersøkelsen eller tror det vil være mulighet formeg til å besøke klassen din til høsten (jf.brev), vil jeg gjerne høre fra deg. Kontakt meg på mail: [email protected].

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Page 123: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Annexe C:

Une sélection des réponses du questionnaire

des enseignants  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Page 124: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Participants : 31 Participants ayant répondu à la totalité des questions : 22

Réponses totales : 804

Accès à la totalité des réponses : https://www.onlineundersokelse.com/s/7072eaf

Page 125: La variation diatopique dans l’enseignement du français en
Page 126: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Annexe D:

Questionnaire des élèves  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Page 127: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Spørreskjema På en skala fra 1-10 (hvor 10 er svært godt), hvordan vil du vurdere dine ferdigheter i fransk? Generelt: ____I muntlig forståelse (lytte):___ I muntlig produksjon (snakke):____

I skriftlig forståelse (lese)::___ I skriftlig produksjon (skrive): ____

1. a) På en skala fra 1-6, i hvilken grad tror du fransk utenfor Frankrike er likt fransk snakket i Frankrike?

Velg bare ETT alternativ og sett kryss ved det alternativet du mener stemmer.:

□ 1 : ikke likt i det hele tatt

□ 2: veldig lite likt

□ 3: litt likt

□ 4: ganske likt

□ 5: veldig likt

□ 6: helt likt

Hvis du ikke har krysset av svaralternativ nr.6, svar på spørsmål b:

b) hva tror du er annerledes med fransken snakket utenfor Frankrike? 2. a) Har du allerede vært i et annet fransktalende land enn Frankrike?

JA / Nei b) Hvis ja, nevn landet/landene hvor du har vært:

c) Noe du lot merke til ved fransken snakket der?

3. Hvilket land skal du presentere? ________________________

4. På en skala fra 1-6, i hvilken grad tror du fransken snakket der er lik fransk snakket i Frankrike? Velg bare ETT alternativ og sett kryss ved det alternativet du mener stemmer.:

□ 1 : ikke likt i det hele tatt

□ 2: veldig lite likt

□ 3: litt likt

□ 4: ganske likt

□ 5: veldig likt

□ 6: helt likt

Page 128: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Annexe E:

Une sélection des réponses du questionnaire

des élèves  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Page 129: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

L E S V A R I É T É S D E F R A N Ç A I S D A N S L E M O N D E F R A N C O P H O N E

Les resultats du questionnaire

På en skala fra 1-6, i hvilken grad tror du fransk utenfor Frankrike er likt fransk snakket i Frankrike?

0

5

10

15

20

25

1: ikkelikt i dethele tatt

2: veldiglite likt

3: litt likt 4: ganskelikt

5: veldiglikt

6: heltlikt

Totalt 23 elever deltok

Antall elever

Page 130: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

V O I C I V O S R É P O N S E S

Spm 1b) Hva tror du er annerledes med fransken snakket utenfor Frankrike?

Fransken blir påvirket av andre språk(l’influence des autres langues sur le français )

- innslag av andre språk

- Innslag av andre språk fra land som er nærmere

- uttale og språket kan være påvirket av andre språk som snakkes i landet

- Jeg tror det har blitt blandet med det opprinnelige språket i landet

- Det er som engelsk og amerikansk, lik base, men snakkemåte og annet er ulikt

- Dialekter

- Hvorfor er fransken annerledes? På grunn av avstand mellom fransktalende land

Page 131: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Ord og uttrykk les mots et les expressions (le lexique)

- Enkelte ord, noen ord her og der,

- noen ord og uttrykk er annerledes, forskjellige, forandret,

- fransken har fått låneord

- flere fremmedord fra egen kultur

Uttale (la prononciation)

- Annerledes uttale (6 stk)

- Ikke like bra uttale

- uttalen av endelsene

- samme ord, men uttales forskjellig

- Tonefallet blir annerledes

Page 132: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Grammatikk (la grammaire)

- grammatikken er annerledes

- dårligere grammatisk

- enkelte skriftlige regler blir annerledes,

- ordsetting,

- setningsoppbygning

Page 133: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Annexe F:

Support écrit de l'exercise  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Page 134: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Si vous avez des questions, vous pouvez me contacter par mail 

Ladecouverted'uneautrevarietedufrançaisGroupedepresentation:Mali

Exercice: Ecoutez l'extrait (autant de fois que vous souhaitez) et répondez aux questions suivantes: Donnez vos impressions du français du locuteur MAB:

Sur un échelle de 1 à 5 trouvez-vous que le français du locuteur est différent du français que vous entendez en classe ( Enchantée II, des films) ?

□ 1 : pas du tout différent = identique (ikke ulik i det hele tatt = helt lik)

□ 2: un peu différent (litt ulik)

□ 3: assez différent (ganske ulik)

□ 4: très différent (veldig ulik)

□ 5: complètement différent (helt ulik)

- Selon vous , qu'est-ce qui est différent? Trouvez des exemples dans l'extrait pour

illustrer ces différences.

Présentez vos réponses en classe lors de la présentation.

- Trouvez- vous que cet extrait est difficile à comprendre? Pourquoi? Locuteur interviewé: MAB(MAABH1) 1

- habite à Bamako, Mali - 24 ans - Langue maternelle: songhai (L1), tamasheq (langue du grand-père), bambara (un peu);

francais

                                                            

1 Extrait tiré de la base de donnés du projet PFC : accès à l’enregistrement entier : http://www.projet-pfc.net/base/hyperaudio/index.php?folder=maabh1&type=g  

Page 135: La variation diatopique dans l’enseignement du français en

Si vous avez des questions, vous pouvez me contacter par mail 

Sujet de conversation: Les langues parlées par le grand père et par MAB (MAB a été élevé par son grand père.)

Transcriptiondelaconversation:E1: Donc vous, quand vous étiez, votre grand-père, qu'est-ce qu'il parlait comme langue,

alors?

MAB: Il parle la langue tamasheq.

E1: Oui.

E1: tamasheq, c'est ça?

MAB: Oui, la langue tamasheq.

E1: Oui, et

MAB: c’est une langue de la région de Gao, du nord

E1: Mhm.

E1: Et le, donc votre grand-père vous parlait simplement tamasheq quoi?

MAB: Non, il ne parle pas tamasheq, (il) comprend songhaï.

Sinon, mais j’entends tamasheq, mais je ne peux pas m’exprimer comme

Je ne peux pas m’exprimer comme en langue euh français comme ca

Je peux m'exprimer un peu en tamasheq, mais, mais pas, pas tellement, quoi.

Je ne comprends pas bien la langue tam/ mais j'entends tout ce qu'on me dit.

Sinon lui, il me parle tamasheq, mais c'est moi qui, qui n'essaye pas de parler.

Sinon, j'entends ce qu'on m'a dit, mais je ne compr/, mais je ne peux pas parler très

bien.

E1: Donc, qu'est-ce que vous, vous parliez alors, avec votre grand-père?

MAB: On parle songhaï.

E1: Songhaï, oui.

E1: Donc lui, il parlait tamasheq et vous, vous parliez songhaï?

E1: Aha.