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LA VEUVE D'ÉTIENNE MARCEL Dans un de ses derniers ouvrages, la France pendant la guerre de Cent ans . , Siméon Luce exprimait le regret qu'on ne possédiât pas de renseignements sur le sort de la veuve d > Étienne Marcel après la mort de son mari'. Un texte qu'on lira plus loin, et qui est emprunté aux archives des Quinze-Vingts, peut jeter quelque lumière sur ce point obscur de l'histoire de la bourgeoisie parisienne. On sait qu'Étienne Marcel se maria deux fois. Sa première femme, Jeanne de Dammartin, mourut en 134.4, au commencement de l'au- tomne. En effet, le 13 septembre de cette année, elle faisait son tes- tament 2 , et, le i i novembre suivant, Étienne reconnaissait à Mathilde de Dammartin, sa belle-mère, la nue propriété de 852 1. S s. 9 d., qui. représentaient la dot de Jeanne-1 et dont il restait usufruitier après la mort de cette dernière en vertu d'une donation entre vifs que s'étaient faite mutuellement les deux époux4. x. La France pendant la eierre de Cent ans. Paris, Hachette, t89o, in-i8, p. 51. Déjà, dans sa critique du livre de Perrens (Bibliothèque de VEcole des chartes, t. XXI, P. 269), S. Luce avait fait reinarqu^.r que, malgré l'af- firmation de cet auteur, rien ne prouvait que la veuve du prévôt n'cùt pas contracté de second mariage. 2. Arch. ',ai., S 88u 1 (inventaire des titres de la grande co nf rérie), fol. 41 a Item, une autre lettre du dit Chastellet, donnée l'an et le jour devant diz [22 jUilICt 13 48 ]^ P ar laquelle ledit Estienne INfarcel, comme exocuteur de feu Jehanne, sa femme, jadiz fille Ntatieut de Dammartin, a assiz à ladite confracrie xi. s. 1). de rente que ladite Jehanne avoit lessiez à ladite confrae- rie en son testament donné l'an mi] CCCXL1111, lundi, veille sainte Crois en septembre. i) 3. Pièces inédites relatives à Étienne Marcel, p. p. Siméon Luce, Bibl. de l'École des chartes, t. XX 4 P . 73, arret du Parlement (lu 23 janvier i36j (n. si.) : « Dictaque Jolianna sine liberis premortua.... iviathildis de Donino Martino, mater ipsius et dicti Gaufricli, cidem filie successcrat, bonaque hujus- modi pro parte et porcionc ipsius filic, funeralibus et omnibus aliis deduc- tio, appreciata fuerant ad summam octingentarum quinquaginta duaruin libraruin octo solidorum et novem denariorum parisiensium... et de ipsa summa, loco dictorum bonorum, tanquain in deposita et commenda, dictus Stepharlus se constituerai solum usufrucruarium, obligando, onerando et liypothecando, per litteras sub sigillo prupositure parisiensis, anno XL11111 confectas, eidem Matildi de Dampnomartino, tanquarn succedenti eidern Johanne filie sue. a La date du r i novembre est fournie Par le texte repro- duit dans la Ilote suivante. 4. La rédaction un peu embrouillée d'un arrêt du Parlement a fait jusqu'ici Document 0000005655014

La veuve d'Etienne Marcelbibnum.enc.sorbonne.fr/omeka/files/original/48b4b...LA VEUVE DÉTIENNE MARCEL Dans un de ses derniers ouvrages, la France pendant la guerre de Cent ans., Siméon

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LA VEUVE D'ÉTIENNE MARCEL

Dans un de ses derniers ouvrages, la France pendant la guerre deCent ans ., Siméon Luce exprimait le regret qu'on ne possédiât pas derenseignements sur le sort de la veuve d > Étienne Marcel après lamort de son mari'. Un texte qu'on lira plus loin, et qui est emprunté

aux archives des Quinze-Vingts, peut jeter quelque lumière sur cepoint obscur de l'histoire de la bourgeoisie parisienne.

On sait qu'Étienne Marcel se maria deux fois. Sa première femme,

Jeanne de Dammartin, mourut en 134.4, au commencement de l'au-

tomne. En effet, le 13 septembre de cette année, elle faisait son tes-tament 2, et, le i i novembre suivant, Étienne reconnaissait à Mathildede Dammartin, sa belle-mère, la nue propriété de 852 1. S s. 9 d., qui.représentaient la dot de Jeanne-1 et dont il restait usufruitier aprèsla mort de cette dernière en vertu d'une donation entre vifs que

s'étaient faite mutuellement les deux époux4.

x. La France pendant la eierre de Cent ans. Paris, Hachette, t89o, in-i8,p. 51. Déjà, dans sa critique du livre de Perrens (Bibliothèque de VEcoledes chartes, t. XXI, P. 269), S. Luce avait fait reinarqu^.r que, malgré l'af-firmation

de cet auteur, rien ne prouvait que la veuve du prévôt n'cùt pas

contracté de second mariage.

2. Arch. ',ai., S 88u 1 (inventaire des titres de la grande confrérie), fol. 41a Item, une autre lettre du dit Chastellet, donnée l'an et le jour devant diz

[22 jUilICt 1348 ]^ Par laquelle ledit Estienne INfarcel, comme exocuteur de

feu Jehanne, sa femme, jadiz fille Ntatieut de Dammartin, a assiz à laditeconfracrie xi. s. 1). de rente que ladite Jehanne avoit lessiez à ladite confrae-rie en son testament donné l'an mi] CCCXL1111, lundi, veille sainte Croisen septembre. i)

3.Pièces inédites relatives à Étienne Marcel, p. p. Siméon Luce, Bibl.de l'École des chartes, t. XX 4 P. 73, arret du Parlement (lu 23 janvier i36j(n. si.) : « Dictaque Jolianna sine liberis premortua.... iviathildis de Donino

Martino, mater ipsius et dicti Gaufricli, cidem filie successcrat, bonaque hujus-

modi pro parte et porcionc ipsius filic, funeralibus et omnibus aliis deduc-

tio, appreciata fuerant ad summam octingentarum quinquaginta duaruin

libraruin octo solidorum et novem denariorum parisiensium... et de ipsasumma, loco dictorum bonorum, tanquain in deposita et commenda, dictus

Stepharlus se

constituerai solum usufrucruarium, obligando, onerando et

liypothecando, per litteras sub sigillo prupositure parisiensis, anno XL11111

confectas, eidem Matildi de Dampnomartino, tanquarn succedenti eidern

Johanne filie sue. a La date du r i novembre est fournie Par le texte repro-

duit dans la Ilote suivante.

4. La rédaction un peu embrouillée d'un arrêt du Parlement a fait jusqu'ici

Document

0000005655014

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— 2 —

Une fille était née de ce premier mariage', mais elle dut mourir en

bas âge, car l'arrêt du Parlement du z3 janvier 1361, que nous

venons de citer, porte qu'à son décès Jeanne ne laissait pas d'enfants2.

Dans ces conditions, les intérêts de son commerce, le désir de se

constituer une famille engagèrent Étienne Marcel à chercher une

nouvelle alliance dans quelque autre maison puissante de la bour-

gcoisie.Son choix tomba sur Marguerite, fille de Pierre des Essarts, con-

scffller du roi, bourgeois de Paris. Il est fort difficile de déterminer

avec précision quel était ce Pierre des Essarts, car la bourgeoisie

parisienne compta it à cette époque plusieurs personnages de ce nom.

On peut affirmer que ce n'était point le même qu'un Pierre des

Essarts qui mourut entre 134 5 et 1357, n'ayant pour enfants qu'une

fille nommée Jeanne, mariée à Robert de Lorris, et un fils du nom

de Jean, chanoine de Paris 3 ; il paraît certain au contraire que le

prendre la date de l'obligatiO rk contractée par Étienne Marcel envers sa belle-

mère pour la date de la donation mutuelle passée par les deux époux. Cette

confusion a induit en erreur sur l'époque de la mort de Jeanne de Dani-

martin; voici la phrase qui l'a occasionnée . « ... Que summa obvenerat et

spectabat ad dictum Gaufridum ad causara restitutionis bonorum que dictus

Stephanus habuerat, receperat et tenuerat, tanquam in deposito e t commenda,

post morteni Johanne de Donno 'Ylartino, quondam sororis dicti Gaufridi et

uxoris quondain dicti stephani, virtute cette donationis mutue inter ipsos

Stcphanum et Johannein conjuges olim facte, prout per litteras sub sigillo

Castellefi Parisiensis, anno Domini millesi l-no trecentusiino quadragesimo

quarto undecima die novembris, super dicta obligatione confectas, ac etiam

per dicta arresta pienius apparere dicebat. » (Documents nouveaux sur Étienne

Marcel, p. p. S. Luce, dans les Mém. de la Soc. de l'Hist. de Paris, VI (1879),

p. 313.) En 'rapprochant ce texte de l'arrêt du Parlement publié dans le

méme article (ibid.^ p. 315) et du fragment cité dans notre note précédentex

on voit que cette date du i i novembre 1344 s'applique sans aucun doute

à l'obligation contractée par Marcel après la mort de sa femme et lion pas

à la donation que s'étaient faite les deux époux.

i. Arch. nat., Xi& 14, foi - 408, or avril 136o (n. st.) Gaufrido de

Dompno Martino... diceate quod Stephanus Nlarcelli predictusJoliannam de

Domprio Martino sororem ipsius Gaufridi duxerat in uxorem, que liabucrat

durante corum matrimonio unam filiam ci Stephano supradicte. s

,2. Voy. la note 3 de la page précédente.

3. Arch. nat,, S 1 3, no 4 (1 6 avril 1 3 5 7) Robert de Lorriz, chevalier,

seigneur d'Armeno l' ville , et honorable homme et discret M* Jehan des Emrs,

chanoine de Paris, fils de feu sire Pierre des Essars, ^adiz bourgeois de Paris,

heritiers seulz et pour le tout dudit feu sire Pierre des Essars; c'est assavoir

ledit messire Robert, à cause de M-, Jehanne, sa femme, fille jadiz dudit

sire Pierre. et ycellui NI* Jehan des Essars comme filz legitime et naturel

d , icellui feu sire Pierre...; D ces deux héritiers confirment une donation faite

au chapitre Nutre-Darne par leur père, le -z2 décembre 1345-

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— 3 —

père de Marguerite doit être identifié avec un autre Pierre des

Essarts, mort avant le 18 novembre 8349, laissant des enfants mineurs

dont Étienne Marcel était un des tuteurs; sa veuve s'appelait Jeanne 4,et l'on est en droit de reconnaître en lui un banquier du duc de Nor.mandie dont la femme portait le même nom et qui mourut dans lecourant de l'année 1349 2

. Mais il nous a été impossible d'établir s'il

ne faisait qu'un avec le Pierre des Essarts qui était argentier de Phi-

lippe VI ,3 , ou avec le financier qui fut Poursu ivi pour malversations

pendant les dernières années du règne de Philippe et dont la mémoire

ne fut réhabilitée que par le roi Jean 4 . Quoi qu'il en sait, il devait

posséder une fortune importante pour pouvoir assurer à sa fille unedot de 3,000 écus d'or 5.

On ignore à quelle époque Marcel contracta son second mariage;

ce fut certainement avant le 2z juillet 1348, puisqu'à cette date on le

voit, en exécution du testament de son père, Simon Marcel, délivrerà la grande confrérie

Notre- Dame 40 sous de rente, dont zo sous dua conquest d'icellui Estienne et de feu Jehanne, jadiz sa fame, P àprendre sur la maison Michel d'Amiens, en la rue Saint-Martin, et

20 sous a de Peritage de Marguerite, fame à present dudit EstienneMarcel, i sur la maison Raoul Le Braconnier, rue du Templer,.

i. Arch. nat., J 151 B, n' 7 2 , i l, octobre t363 ^cf. Kervyn de Lettenhove,tables du Froissart) : c ... Lesquelles cens, rentes et possessions dessus-dites... dame Jciianne, fame feu Pierre des Essars, jadis bourgeois de Paris,

et nobles hommes messire Philippe des Essars et monsieur Robert de Lorris,

clievalicrs, Jacques de Facy, conseillier du roy nostre sire, Fstienne Marcelet Symon de Damare, tuteurs et curateurs de Jehan Martin et Marion,

meneurs d'aage, enfans dudit feu sire Pierre, vendirent e t transporterent àfeu reverend pere en Dieu messire Pierre de la Forest, pour le tempsevesque de Tournay, ut fu l'an mil CGC quarante noef, le mercredi xvtii* jourde novembre... P Nous verrons plus loin que Marguerite avait, en effet, unfrère nommé Martin.

2. Bibl. nat., Pièces orig., n- 107 2 , Mandements de Jean, duc de Nor-

mandie, des 27 janvier et 6 mars 1349 (n. si.), concernant des prêts à luifaits par son « amé et féal Pierre des Essars; a et quittance donnée, le3o septembre 1349, aux trésorici-sdu duc par Jeanne, « femme de feu Pierredes Essars, » pour soixante sous que le duc devait à son mari.

3. Arch. nat., KK6 - « Petrus de Essartis, civis parisiensis, pro mutuosibi per euin factc, regi, et eidera regi reddito per compotum thesauri adSanctum Jotiannem CCCX1,Vill, xi jan., pro xvir i c 1. p . j

4. Arch. nat., JJ8t, n , 1 99, 7 février 135z (n. st.).5. Secousse, Recueil de pièces servant de preuves aux mémoires sur les

troubles excités en France par Charles Il di t le Vauvais, p. 1 15.6. Pièces just., n- I. Cet acte, qui nous apprend que le père d'Étienne

Marcel S'appelait Simon, sa mère isabelle et un de ses oncles André, es t unenouvelle preuve de l'inexactitude de la généalogie donnée dans l'ouvrage de

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-4—La confrérie Notre-Dame et celle des Pèlerins de Saint-Jacques

étaient alors les centres où se donnait rendez-vous l'élite de la bour-

geoisie parisienne ; Étienne fut prévôt de la confrérie aux Bourgeois

en l'an 135o 1 , et dès 1 338 il faisait partie de la confrérie de Saint-

Jacques, dont les procès-verbaux d'assemblées mentionnent maintes

fois son nom 2.

Pendant dix ans, la fortune sourit à Marguerite des Essarts; Marcel

vit son influence s'accroître de jour en jour, jusqu'au moment OÙ il

fut placé à la tète du commerce parisien en obtenant la charge de

prévôt des marchands. Parmi tous les rèves qu'avait pu form^-,r la

fille de Pierre des Essarts en épousant Étienne, son imagination ne

lui avait sans doute jamais ruprésenté la puissance et la célébrité qui

devaient un jour entourer son mari. Mais ce n'était qu'un éclat pas-

sager; la trahison du prévôt des marchands, bientôt punie de mort,

allait arracher sa veuve à cette situation brillante pour la faire tomber

dans un état voisin de la misère.

Dès que la mort d'Étienne Marcel, frappé à l'instant où il se ren-

M. Perrens, puisque celle-ci assigne pour père au prévôt des marchands

Étienne Marcel, mort en i 3iq. Nous croyons que ce Siinon et cet André

sont ceux qui figurent dans un tableau généalogique de la lamille Marcel,

que permet de dresser un acte dçt 1397 (Bibl. nat., Pièces orig., vol. 1835,

dossier 424-59, n- 3) :

PIERRE MARCEL le Vieil, drapier et bourgeois de Paris.

JEHAN LRCEL. JACQUES MARCEL.SYMON LItCEL, A14DItY MARCEL.

épousa 1

Isabelle

une fille, épousa

REGNIER COQUATRIX. Étienne Alarcel,

épousa :

i , Jeanne de Dammartin,GEFFRoL dOQUATRIX,2, Varguerite des Essarts.épousa MARGUERITE

LA HA

1 UDRIX. (Les mentions ajoutées en italiques dans ce tableau

ne sont pas empruntées à l'acte de 1 397; ce n'est

qu'en vertu d'une hypothèse que nous les faisonsJEANNE ^,0QUATRIX)

figurer ici.)épousa

JEAN POCHERON,

escuier,

dit de Sainte-Croix.

i. Arch. nat., S88z', fol. 86; analyse d'un acte d'ensaisinement daté du

29 juillet i 35o.

2. Bordier, Confrérie de Saint-Jacques-aux-Pèlerins de Paris, 1877, in-8*,

p. 3 1, 33, etc.

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— 5 —

dait coupable du crime de lèse-majesté en cherchant a livrer Paris auroi de Navarre, eut fait tomber sa fortune dans le trésor royal, unefoule de solliciteurs se précipitèrent pour avoir quelque part à cetteriche aubaine. A Jean de Dormans, chancelier du dauphin, furentdonnés les biens que le prévôt possédait à Ferrières-en. Brie' ; le cha-pitre de la Sainte-Chapelle se fit assigner sur les propriétés confisquéesseize cents deniers que lui devait le régent 2 ; l'hôpiial des Quinze-Vingts obtint la maison qu'habitait Marcel rue de la Vieille-Draperieen compensation des dommages que lui avait causés la constructiondes nouvelles fortifications au travers de ses domaines 3 ; Jean de Sensse fit remettre une rente de i T 1. io s. qu'il devait à Marcel l . En mêmetemps s'élevèrent des revendications plus légitimes : Geoffroi de Dam-martin, devenu, par la mort d'Étienne Marcel, héritier des biens quiavaient appartenu ià la première femme du prévôt, réclama la dot desa sœur, pendant que Marguerite faisait valoir ses droits et ceux deses enfants, dont le nombre exact, après avoir longtemps échappéaux recherches de l'érudition moderne, semble pouvoir être fixé àsept, d'après des textes intéressants tout récemment découverts parM. Déprez,',.

Le bien-fondé de la réclamation de Geoffroi de Dammartin étaitindiscutablc; elle fut admise tout d'abord sans difliculté 6 . Le régentne pouvait pas non plus sans inhumanité repousser la prière de la

i. S. Luce, Pièces inédites relatives à Étienne Marcel, dans la Bibi. del'École des chartes, t. XXI , P- 78-

z. Arch. nat., Xia 14, fOl. 407, arrêt du Parlement du i - avril i36o(n. st.) : s .. Super eo quod dicti thesauririus et canonici proponebantquod cum nos.., Thome Dorez, hostiario Domini nostri, ac quibusdam ser-vieritibus Castelleti Parisiensis mandaremus per nostras litteras quatinusbonis immobilibus Domino nostro ac Nobis ob forefacturant prenominatiStephani Marcelli et aliorum quorumcumque pertinentibus ac postea perti-nendis, osque ad valorern xvi c denariorurn auri ad mutonern de duobusmille mutonibus ipsis thesaurario et canonicis restantium ad solvendum,captis et positis sub manu regia ac nostra, ipsa... venderent... dictosquexvi' mutones prenominatis thesaurario et canonicis, reccptis ab ipsis litte-ris quittatoriis, solverent et tracierent. »

3. S. Luce, Pièces inédites, etc., dans la Bibi. de l'École des chartes, XXI,76 (24 novembre 1358).

4. S. Luce, Documents nouveaux sur Étienne Marcel, dans les Mêm. dela Soc. de 1'.Hist- de Paris, VI, 3 13.

5. Bulletin de la Soc. de fflist. de Paris, 1897, p. 83.6. Documents nouveaux sur Étienne Marcel, p. 3 1 1; accord d u 2 1 novembre

1359: « ,;or ce que..., après la mort duquel feu Estienne, Geflroy de Dainp-inartin, frere germain de ladicte fame, estoit demouré et est hoir seul cipour le tout d'icelle; et à sa supplication eust voulu et luy octroyé Mgr leregent..., que ycelui Geffroi teust paié de ladicte somme... »

9

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— 6 —

,veuve d'Étienne Marcel et réduire à la mendicité la fille d'un ancien

conseiller de son aïeul; il lui accorda donc soixante livres de rente à

prendre sur les biens confisqués 4 . Une décision du prévôt de Paris,

rendue en exécution de ce don, portait que le premier élément de

cette rente serait la possession de la maison d'Étienne, qui y figure-

rait pour une valeur de trente-six livres de revenu 2.

Toutes ces compétitions produisirent un résultat imprévu, qui dut

etre fort peu goûté par les solliciteurs. Le régent estima que le meil-

leur moyen de les mettre d'accord était de se réserver la totalité de

la confiscation et révoqua tous les dons qu'il avait faits".

Les Quinze-Vingts durent renoncer à entrer en possession de la

maison de la Cité, et on s'explique pourquoi cette donation éphé-

mère ne figure sur aucun registre ni dans aucune charte de leurs

archives4.Jean de Dormans, lui, parvint à faire confirmer le don qu'il avait

reçu, à la condition toutefois d'aban , donner à la veuve d'Étienne

Marcel le quart de la somme que produirait la première coupe des

bois de Ferrières, pour tenir lieu à Marguerite de% soixante livres de

rente qui lui avaient été promises^.

i. Arch. nat., Xia t4, fOl - 407 v*, arrêt du

Parlement du i- avril t36o

(n. st.) - « ... Dicta Margareta nomine quo supra in contrarium proponerite et

dicente quod nos frnemores] serviciorum per Petruin de Essartis, patrem dicte

Nlargarete, domino nostro precarissimo avo nostro, regi Philippo, fideliter

hact enus impenssorem, nolentes etiam dictam Mirgiretain ac ipsorum

Stephani et Margaretc liberos imposterurn mendicare, sexaginta libras annui

et perpetui redditus super omnibus bonis immobilibus dictorum Stephani

et Margarete nobis ab ipsis Stephani forefacturis acquisitis assignando,

contuleramus intuitu pletatis,.. D Nous avons déjà cité plusieurs fois ces

lettres, publiées par Secousse et données de nouveau par Ni. DJ'prez.

-. Ibid. : « ... Predictaquc domus occasionc dicti doni nostri pro triginta

sex libris annui et perpetui redditus fuerat ipsis Margarete et liberis assig-

nata... »

3. Ordonnances, t. IV, p. 348. Lettres de Charles, du 3o novembre 1358,

attribuant la moitié du produit des forfaitures à la rançon du roi et l'autre

moitié aux travaux du palais : a Savoir faisons que comme naguères, après

la revocation faitte par nous des dons que faicts avions à plusieurs personnes

d'aucunes forfaittures advenues à Monseigneur et à nous pour cause des tra-

hisons et rebellions faines et perpetrées par feu Fsiienne Marcel, jadis pre-

vost des marchands de Paris, et plusieurs autres de ses complices... )j Ibid.,

p. 196, note, mandement îâ Fauveau de Vadencourt d'exécuter dans le bail-

liage d'Amiens une ordonnance prescrivant que c l'en prendra et levera par

avant tous dons ou octroys fais ou ît f^iire quelconques, vingt mille deniers

d'or au mouton sur les biens meubles et heritages des forfaitures et confis-

cations... ès villes de Paris, d'Amiens et ailleurs... » (2a inai 1359).

4. Léon Le Grand, les Quin^e- Vingts, p. 6 1 -62.

5. S. Luce y Pièces inédites sur Étienne 31arcel, P- 78 (7 mars 1359, n. st.).

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— 7 —Ce fut là, semble-t-il, la seule épave qu'elle put recueillir de la

succession de son mari. C'est du moins ce qui ressort des débatscompliqués d'un procès où le chapitre de la Sainte-Chapelle, la veuved'Étienne Marcel, Geoffroi de Dammartin et le procureur du roifigurèrent à des titres divers. S'appuyant sur les lettres de la prévôtéde Paris. dont nous avons parlé tout à l'heure, Marguerite des Essartsavait continué à habiter la maison que son mari possédait rue de laVieil le- Draperie'. Les chanoines de la Sainte-Chapelle, voulant, deleur côté, mettre à profit les lettres de don qu'ils avaient obtenues,cherchèrent dans les biens de Marcel quelque immeuble dont la ventepût fournir les seize cents deniers qu'ils réclamaient. Ils s'arrêtèrentà cette malheureuse maison qui avait excité naguère la convoitise desQuinze-Vingts et que Marguerite s'était ensuite fait attribuer par leprévôt; leur titre de donation leur permit de faire procéder à unevente en justice qui produisit cent royaux d'or. L'acquéreur étaitMartin des Essarts. Sa sœur, incertaine de l'issue du procès quidevait inévitablement naître de cette situation embrouillée, l'avaitchargé a tout hasard d'acheter en son nom cette maison, à laquellese rattachaient tous ses souvenirs de bonheur2.

Quand les chanoines de la Sainte-Chapelle prétendirent toucher leprix d'adjudication, la veuve d'Étienne Marcel fi t opposition à la vente,et Geoffroi de Dammartin l'imira 3 . L'avocat du chapitre n'avait guèrede réponse à faire aux prétcntions de Geoffroi, mais à celle de Mar-gueriie il objecta un singulier argument. D'après lui, pour les enfantsd'un traître, la vie, sur laquelle planerait toujours le souvenir de l'in-famic de leur père, était un supplice pire que la mort; c'était inhu-

x. Arch. nat., Xh, 1 4, foi. 407 v': «... Nlanusque regia atque nostra de dictadomo amota fuerat, ac possessio ejusdem prefate Mirgarete, nornine quosupra, per prepositum paris[ensem nostro mandato tradita extiterat ante-quam donurn aliquod aut assignacio predictis thesaurario et canonicis factefuissent, prout hec in litteris nostris et dicti prepositi parisiensis super hocconfectis asserebet plenius apparere. » Cette assertion était opposée à cequ'avaient avancé les chanoines : « ... Quod... prelibata Margareta sua pro-pria et temeraria voluntate in dima domo morata fuerat contra Manuinregiain etquo nostram indebite attemptando. e

z, Arch, nat., Xla 1 4, fOl. 407 v, (plaidoirie du chapitre) - « ... Vendita-que fuerat dicte Margarete que per Martinurn de Fssartis per eandein inter-posituin emerat dictam domum pretio centurn dunariorum suri vocatorumregalium. 9

3.Ibid., fOI-408: «Dicebatinsuperprefata Margaretaquod ad dictosregalessolvendos minime tenebatur, quia ipsa, nec alius ejus mandato emerat dic-tain doinum, dictumque decretum ob premissa, ac quia C»aufridus deDompno Martino prefate vendicioni se opposucrat, pro quadam peccuniequantitaie quani de suo prenominatus Stephanus habuerat nomine ususfruc-tus, recipere nullathenus tenebatur. »

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manité que de prolonger leur existence, et une donation faite à de

telles personnes' tombait d'elle-même. On ne sait pas quel accueil

la cour aurait fait à ce plaidoyer, car une partie puissante intervint

alors au procès, devant laquelle les autres intéressés durent s'effacer.

Le procureur du roi apporta le texte de l'ordonnance, que nous avons

citée plus haut, qui permettait au roi de prélever avant toutes per-

sonnes une somme de 20,000 deniers d'or sur le produit des confis-cations 2. Le Parlement s'inclina et décida que le droit du roi primait

ceux du chapitre du la Sainte-Chapelle aussi bien que ceux de la

veuve et des enfants d'Étienne Marcel. Seule, la créance de Geoffroide Dammartin fut reconnue indépendante de la confiscation, et on

lui permit de produire les titres qu'il pouvait invoquer pour être

payé avant le Trésor. C'est ce qu'il fit avec succès, car, le 23 janvier1 36 1, un arrêt du Parlement décidait que la dot de sa sœur lui seraitrendue omni dilacione cessante3.

La situation pécuniaire de Marguerite des Essarts n'était donc rien

moins que brillante : de tous les biens de son mari et de sa propredot, elle n'avait réussi à sauver qu'une infime partie, le quart du pro-

duit de la première coupe des bois de Ferrières. Quand même les

membres de sa famille lui fussent venus en aide dans ces circonstances

difficiles, comme nous l'avons vu faire à Martin des Essarts à proposde l'adjudication de la maison de la cité, l'éducation de sept enfants

n'en était pas moins une lourde charge, à laquelle un second mariage

devait seul lui permettre de sufrire. Mais les jours de splendeur étaient

passés : pauvre, avant atteint déjà un certain âge, vieillie encore par

les épreuves et les luttes, elle ne pouvait aspirer à rencontrer un parti

bien brillant. Jean Jaquinet, tel est le personnage absolument obscur

et inconnu que fut forcée d'épouser la veuve du puissant prévôt,

i. Arch. nat., XI& 1 4, fol. 4o8 : c Dictis thesaurario et canonicis replican-

tibus ex adverso quod gracia facta dictis Margarete et liberis cis nocere non

poterat cunt esset plurimum odiosa, presertim cunt filiis talium proditorum,

quos eorurn patris semper concomitatur infainia, perpetua egestate sorden-

tibus, mors solacium et vita supplicium esse debebat, ac prorsus ab omni

nostre liberalitatis munificencia erant indigni, sicque gracia ipsis facta, im-

pediente tali parentis ipsorum macula, nuilius fuerat efficacie seu valoris. »

2. Ibid. : « Procurat^)re regio— dicente quod bona prefati Stephani de

quibus erat inter foredictos Thesaurarium et canonicos, Gaufridum ac Mar-

garetant controversia, et alia quecumque bona predicta occisione quarum-

cunque prefacturarum proventa et proveniencia, usque ad summain xx- de-

nariorum auri ad mutonem ad dictum genitorem nostrum pertinere debebant,

tradique mapz istro Garino de Moniachier pro expensa predicti Domini nos-

tri facienda, sccunduin ordinacioncm per dictum Dominum nostrun t et nos

factam, donis de dictis bonis et assignacionibus super ipsis quibuscunque

personis factis non obstantibus quibuscunque. »

3. S. Luce, Pièces inédites relatives à Etienne Afarcel, p. 75.

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— 9 —comme l'indique une pièce 4 , datée de 1363, conservée aux archivesdes Quinze-Vingts sous le n e 5459. C'est une quittance délivrée àNIargucrite, veuve d'htienne Marcel et femme de Jean Jaquinet, parun procureur en cour laie qui s'était occupé des intérêts de Maried'Amiens, filIc de Geoffroi d'Amiens et femme de Simon de Saint-Benoît 2 , dont ladiu; Marguerite avait eu la garde pendant sa mino-rité 3.

Au premier moment, on peut se demander si la Marguerite men-tionnée dans cette quittance est bien celle qui nous occupe. En effet,par une coïncidence de noms assez bizarre, il existait à la mêmeépoque une autre veuve du nom de Marguerite, dont le mari s'étaitappelé également Étienne Marcel. Mais cet homonyme du célèbrebourgeois parisien était de Limoges, ses biens et ceux de sa femmeétaient situés dans le Midi, dans le ressort de la justice de Montpel-lier 4 ; il n'y a donc aucune raison pour que la tutelle d'une jeune filleappartenant à la bourgeoisie parisienne ait été confiée à ces étrangers.Au contraire, on sait qu'Étienne Marcel, le prévôt des marchands,était allié à la famille d'Amiens, dont sa sœur avait épousé unmembre s. Rien de plus naturel, par conséquent, que de voir sa veuveinvestie de cette tutelle.

La garde de Marie d'Amiens avait appartenu primitivement à Ysa-belle de Saint-Benoît, sa grand'mère maternelle, tandis que son oncle,

i. Pièces just., n* Il.2. Simon appartenait à une grande famille de la bourgeoisie parisienne,

il devint échevin. Arch. nit., LL 436 (Obituaire de la grande confrérie),fol - 2 V*, au 1 7 des calendes de février : « Annivcrsarium Simonis deSancta Benedicto senioris, burgensis et scabini parisiensis, qui deditconfratrie quinquaginta solidos pariensium annui redditus super quadamdomo ad Barbani Aurcam in vico Cythare, pro quo deb-ent habere sacerdotesxx s. p., tam in vigillis quam in missa in ecclesia Sancte Crucis in civitateParisiensi celebratis, et dedit supradiCtOS L S. p. redditus anno DominiM CCC LXXVIII*, xvi l die januarii, ipso vivente, et die scquenti fient vigi-lie et missa de defunctis pro Maria quondam uxore ipsius Simonis in eadenaecclesia Sancte Crucis. »

3. Le testament de Marie, daté de 1378, est conservé aux archives desQuinze-Vingts, sous le n* 545o.

4- Arch. nat., Xta 14, fol. 63, arrêt du Parlement du 2o mars 1353 in. st.):c ... Cum Petrus.%larchi de Lemovicinio peciisset execucionem fieri per judicemnostrum parvi sigilli Montispessulani in bonis quondain defuncti StephaniMarcelli et M2rgarete ejus uxoris de deccm marchis argenti... i Marguerites'opposa à cette réclamation comme avant une hypothèque primant celle dudemandeur, mais son opposition fut repoussée et la sentence du juge deMontpellier fut confirmée successivement par le sénéchal de Beaucaire etpar le Parlement.

5. S. Luce, la France pendant la guerre de Cent ans, p. 5o.

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Jean d'Amiens, en avait eu le c bail i en ce qui touchait un fief com-pris dans l'héritage paternel de Marie; ce n'est que postérieurementà 13 56 4 , date de l'arrêt du Parlement où sont puisés ces détails, quela jeune fille qui devait épouser Simon de Saint-Benoît fut placée sousla tutelle de Marguerite des Essarts.

Ce texte, qui nous montre la veuve d'Étienne Marcel remariée àJean Jaquinet, est i notre connaissance le dernier où figure sonnom. Sa vie semble s'être achevée dans le silence et l'obscurité, etles documents sont également muets sur le sort de scs enfants.

Léon LE GRAND.

PIÈCES JUSTIFICATIVES.

22 juillet 1348. Assiette faite par Étienne Marcel, comme exécuteur testa-mentaire de son père, Simon, de 40 sous de rente légués à la Grande con-frérie aux bourgeois par ledit Simon.

A tous ceus qui ces presentes lettres verront, Guillaume Gormont, cheva-lier le Roy et garde de la prevosté de Paris, salut. Savoir faisans que, pardevant Philippe du Vivier et Jehan Maugarde, clers notaires jurez establizde par le Roy nostre sire en son Chastellet de Paris, et quant aus chosescy après contenues et escriptes ou à nous rapporter et mettre en fourmepublicque commis et deputez, en adjoustant à culs joy pleine en ce cas eten greigneurs, pour ce fu personelment establi Estienne Marcel, drapier,bourgeois de Paris, executeur avecques autres du testament ou derrainevolenté de feu Symon Marcel. jadiz drapier, bourgeois de Paris et filz et hoir

i. Arch. nat., XIR 14, fol - -2 r 7 v* , 5 avril 1356. o Lite mota corarn prepositc,nostro parisiensi inter Ysabellim de Sancto Benedicto ex una parte, etJohannem de Ambianis ex altera, in casu novitatis, super co quod dictaYsabellis dicebat, tanquam gardiam habens Marie de Ambianis filie defunc-torum Gaufridi de Ambianis et Johanne dicte N'sabellis filie, se esse et fuissein possessione et saisina medietatis pro indiviso cujusdam. hospicii seumanerii situati in villa de Banbeniaco et cius pertinenciarum, fide et homa-gio Johannis Medici a quo predicta in feodo tenentur, dictumque Johannem,fratrent dicti Gaufridi, plures fructus et redditus dicti hospicii et ejus perti-nenciarurn levasse, dictam Ysabellim in dictis suis possessione et saisinaperturbando... Dicto Johanne in contrarium dicente, ut habente baillum dicteMarie, se esse et fuisse in possessionc et saisina dictorum fcudorum de qui-bus fiebat controversia et omnium aliorum que dicte Marie ejus nepti persuccessionent. dicti Gaufridi, patris dicte Marie et fratris dicti Johannisobvencrant... » Le Parlement confirma la sentence du prévôt de Paris, quiavait donné gain de cause à Jeaii d'Amiens.

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- II -

d'icelui feu Symon, si comme les diz notaires le virent plus à plein estrecontenu en unes lettres de testament ou derreniere voienté sur ce faites,aparanz estre seellées du seel de la court l'officiai de Paris, lesquelles le ditEstienne monstra aus diz notaires jurez et lesquelles se commencent ainsi :« Universis prese*ntes litteras inspecturis officialis curie Parisiensis salutemin Domino. Noveri g is quod coram Radulpho Godoci et Garnoto de Viconovo, clericis nostris dicte curie juratis notariis quibus ad hoc tenore pre-senciurn committimus vices nostras, personaliter constitutus Symon Marcelli,draparius, civis parisiensis, infirmus corpore, sanus timen mente, ut primafacie apparebat, considerans quod presentis vite conditio statuin habet ins-tabilem, et quod ca que visibilern habent essenciam tendunt visibiliter adnon esse, ideoque volens, quamdiu ratio mentem, regit et in menbris cor-poris viget quies, diem sue peregrinationis extreme disposicione testamen-taria prevenire, suum ipsuni testamenturn seu suarn ultimam voluntaternde bonis et rebus a Deo sibi collatis condidit in hunc modum, et cetera; iet ainsi se fenissent ; « Ad quorum relationem et in testimonium. premisso-rum sigillum Parisiensis curie presentibus duximus apponendum. Datum.anno Domini M, trecentesimo tricesimo secundo, die mercurii post Remi-niscere, die scilicet tercia mensis marcii. » Esquelles lettres (le testament,entre les autres choses estoient contenues les clauses qui s'ensuient, dont lesdeux sont teles : « Item voluit ut executores sui taro in luminari et pallioseu parmis quarn in aliis omnibus funeralibus et obsequiis sui faciant etordinent ad eoruin plenariarn voluntatem, quos quidern executores suos adhoc et ad omnia premissa constituit et fecit videlicet Ysabellim, uxorem,Andream Marcelli, fratrem, Stephanurn Marcelli, filium, et Petrum dictumBourdon nepotem, et cetera. Item legavit Magne Confratrie Beate MarieParisiensis quadraginta solides parisiensium annui redditus, non tamenamortizatos, ut pro se dicti loci confratres anniversarium dicti testatorisde vigiliis atque missa singulis annis perpetue celebrari faciant et alia ficrique pro dece(n)dentibus confratribus assueta sunt ibidem, et cetera. i LequelEstienne Marcel, executeur et hoir du dit feu Symon Marcel, desirant acom.plir et enterriner la volenté et ordenance du devant dit feu Symon, son perc,à tout son povoir, de son bon gré et de sa bonne volenté, ou nom de laditeexecution, les quarante soulz parisis de crois de cenz ou rente annuel et per-petuel lessiez à la ditte Grant confrarie Nostre Dame de Paris bailla, deli-vra, assist et assigna à touziours desorendroit par devant les diz notairesjurez à ycelle confrarie, pour ycelle confrarie et pour ceux qui de elle ontet auront cause, à avoir, prendre, lever, gagier et recevoir yceux quarantesoulz de rente annuel et perpetuel ou croiz de cenz par celui ou ceus quid'icelle confrarie ont et auront cause, en et sur les lieux qui s'ensuient .c'est assivoir vint soulz parisis de la somme de quarante soulz prins tantostaprès quatre livres parisis du conquest: d'icelui Estienne et de feu Jehanne,jadiz sa femme, priz et cuz egalment aus quatre termes en l'an à Paris acous-tumez sur la maison Michel d'Amiens, seant en la rue Saint Martin, et surtoutes ses appartenances et appendances en la censive Saint Ladre, tenantd'une part à Gille de la Ruchette par amont, et d'autre part à Morise d'Es-pernon et Raoul liernon, et sur la maison Raoul Le Braconnier, qui luPierre Marie, seant en la rue du Temple, tenant d'une part à autre maisondudit Raoul par devers le carreffour du Temple et d'autre part faisant le

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coing de la rue du Plastre, aboutissant par derrieres au dit Raoul, en la

censive de l'ospital, vint sous parisis prins tantost après fons de terre, Vceux

vint soulz de l'critage de Marguerite, fame à prescrit du dit Estienne Marcel,

egalment aus diz quatre termes à Paris, si comme ycelui executeur disoit.

Et sur les quiex lieux dessus divisez le dit Estienne, avant ceste presente

assignation, avoit et prenoit paisiblement par an aus diz termes par la

maniere dessus ditte yceux quarante soulz d'annuel rente. Et par laquele

assignation et assicte et à cause d'icelle le devant dit Estienne, comme exe-

cutcur dessus dit et ou nom de la ditie exccution, dès maintenant à touziours

mais cessa, transporta et du tout en tout delaissa à la ditte confrarie pour

ycelle confrarie et pour ceux qui de elle ont et auront cause toute saisine,

possession, propricté, toutes les actions reeles, personneles, mixtes, directes,

teues, expresses et toutes autres raisons quelconques, que il, tant comme

executeur par vertu dudit testament, comme en son nom et ou nom de Mar-

guerite, sa fame, pour laquele il se fist fort quant à ce ou autrement, par

raison du dit conquest ou en quelque autremaniere, avoitetpovoit reclainer,

demander ou avoir ès quarante soulz dessus diz et pour raison d'iceux en et

sur les dittes maisons sus les queles il sont prins et euz, et envers quel-

conques personneset leurs biens pour raison d'iceux; et d'iceux quarante soulz

parisis de rente annuel se dessaisit le dit Estienne, exceuteur ès noms que

dessus, ès mains des diz notaires jurez, comme en la

nostre comme souvraine

pour le Roy nostre Sire, en requerant ius diz notaires qu'il un vousisent saisir

la ditte confrarie, les quiex à sa requeste en saisirent la ditte confrarie, pour

ycelle et ceux qui de elle auront cause, par le bail et tradicion de ces prescrites

lettres et autrement, en tant comme faire le povoient. Promettant le dit

Estienne Marcel, tant en son propre et privé nom comme ou nom que des-

sus, par sa foy pour ce baillée corporclment ès mains des diz notaires jurez

et par son serement fait aux sains euvangiles de Dieu que contre ceste pre-

sente assiete et assignation, ne contre aucune des choses contenues en ces

lettres, ne vendra ou venir fera par aucune voie de droit ou de fait, ne par

quelque malice ou cautele, par lui ne par autres, jarnès à nul jour, en cou-

vert ou en appert, ainçoiz les quarante soulz parisis de rente dessus diz

ainsi assis et assignez garantir@, delivrera et deffiendra, aus idespens] de lui

et de la ditte exccution (le quelconques empeschemenz à la ditte confrarie

et ^ ceux qui de elle ont et auront cause, envers touz et contre touz, en juge-

ment et hors, toutes foiz que mestier sera, et à rendre et poier touz couz,

dommages, mises et despenz qui euz et soustenuz y seroient par deffaut de

sa garantie ou autrement. Et quant à ce il obliga touz les biens de laditte

execution et les siens biens propres et de ses hers, meubles et non meubles

presenz et -à venir, à justicier, vendre et exploittier par nous et par noz suc-

cesseurs, prevoz de Paris et par toutes autres justices souz qui jurisdiction

(sic) il seront et pourront cstre trouvez pour ces lettres selon leur teneur

enteriner et acmplir. Après ce vint et fu prescrite par devant les diz notaires

jurez la ditte Marguerite, fa= du dit Estienne Marcel, à la quele ycelui

Estienne donna et octroya par devant les diz jurez comme par devant nous

povoir et auttorité. Quant aux choses cy dedcnz contenues, laquelle de l'aut-

torité et congié i elle donnez par le (lit Estienne, son mary, comme dit est,

de son bon gré, sanz force et de sa certaine science, l'assicte et l'assignation

et toutes les choses contenues en ces prescntes lettres voult, loa, grea, ratif-

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fia et approuva, et renunca expressement par son serement à tout ce que, àcause de heritage, de douaire ou autrement, par quelque voie ou raison quece soit, elle puist dores en avant demander ou reclamer ès quarante soulzparisis de croiz de cenz ou rente dessus diz, assignez et baillez par le ditEstienne, comme dit est, à la ditte confrarie et au prouffit d'icelle et de ceuxqui de la ditte confrarie auront cause, et tout le droit, action et raison quel-conques que celle y avoit ou povoit avoir-, elle quitta à touz jours à ladite con-frarie et à ceux qui de elle ont et auront cause, et promist par son dit serementet par sa foy pour ce baillée ès mains des diz jurez et sur l'obligation de touzses biens à non venir, ne faire venir, par elle ne par autres, jamés à nu[ jourou temps à venir contre ce que dit est. Renunçanz en ce fait yceux Estienneet Marguerite, sa fame, par leurs diz scremenz et foy à toutes exceptions demal, de fraude, lesion et erreur, à touz privileges donnez et à donner, à toutaide de droit escript et non escript, à touz us, coustumes et establissemenzde lieux, de villes, de temps et de pais; laditte Marguerite, au benefice dusenatconsuit Velleyan et à l'epistre du Diviadrian, et à touz autres droiz,faiz et introduiz en faveur des fames, et generalment à toutes autres chosesqui de droit et de fait aidier et valoir leur pourroient à venir ou opposercontre la teneur de ces lettres ou le fait contenu en elles et au droit disantgeneral renunciation non valoir. En tesmoing de ce, nous, à la relacion desdiz clers notaires jurez, avons mis à ces lettres le scel de la prevosté de Paris,l'an de grace mi] CCC quarante huit, le mardi vint deux jours de julet.

Signé - J. MAUGARDE.

(Arch. nat., L 596, n* z3.) Ph. Du Viviim.

il.

8 juillet 1363. Quittance donnée par Étienne Renart, pr?cureur en cour laie,à Jean Jaquinet et à sa femme, Marguerite, veuve d'Etienne Marcel, pourles soins donnés aux affaires de Marie d'Amiens, dont ladite Margueriteavait eu la garde pendant sa minorité.

Estienne Renart, procureur en court laye, quitte bonnement à touz joursJehan Jaquinet et Marguerite, sa faine, par avant fame de feu EstienneMircel, et ycelle Marguerite, comme nagueres ayant la garde de Maried'Amiens, fille jadis de feu Gieffroy d'Amiens et fame à present de Symoil(le Saint Bunoist, drapier, bourgeois de Paris, les diz Symon et Marie, etleurs Iloirs, etc., de touLes demandes, debtes, accions, contractz, convenances,procez, plaidoiurs, receptes, mises, obligi-cions, etc., especialment de tout leprocez que ledit Estienne Renart a demené pour ycelle Marie contre JehanRichart, et touz les despenz et missions qu'il pourroit demander au dessusnommez à cause du dit procez et autrement, et de toutes autres chosesgencralment de tout le temps passé, etc., pour et parmi douze livres parisisqu'il en a eu et receu dudit Symon, promettant et obligeant, etc., voulant,etc. Fait l'an mil CGC LXIII, le samedi viii* jour de juillet.

(Arch, des Quinze-Vingts, n* 5459.)

Nogent-le-Rotrou, imprimerie DAUPELEY-Gouve"EuR.

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Extrait du Bulletin de la Société de l'Histoire de Pariset de Ille-de-France, t. XXIV (1897)-