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 L’association entrepreneur Pa g e 1 2 Associations et logiques de marché Page 16 Réponses associatives aux logiques de marché Page 36 V ie Associative Conférence permanent e des coordinations assoc iati ve s  Bulletin de la Conférence permanente des coordinati ons associatives N ° 12 O c t o b re 2009 L a

La Vie Associative | n°12 | Associations et logiques de marché

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Le magazine de la Conférence Permanente des Coordinations Associatives (CPCA). n°12. Octobre 2009. Associations et logiques de marché

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Lassociation entrepreneur Page 12

Associations et logiques de march Page 16

Rponses associatives aux logiques de march Page 36

La

Bulletin de la Confrence permanente des coordinations associatives N 12 Octobre 2009

VieAssociative

Confrence permanente des coordinations associatives

La Vie associative N 12 Septembre 2009

Des associations entreprenantesDirecteur de la publication : Jacques Henrard Responsable de la rdaction : Hubert Allier (vice-prsident de la CPCA en charge de l'conomie sociale, des relations contractuelles et des financements) Rdaction : Julien Adda, Virginie Ro (CPCA) Hlne Spoladore (La Pirogue) Ont particip ce numro : Emmanuel Gagnerot (CPCA), Emmanuelle Besanon (Institut Godin) Serge Cordellier a anim les groupes de discussion runis par la CPCA autour de ces questions et assur la rdaction du rapport Associations et logiques de march, CPCA, juin 2009. Illustrations : Flow Maquette : Stphane Prvt Publication dite par la CPCA : 28, place Saint-Georges 75009 Paris Tl. 01 40 36 80 10 [email protected] www.cpca.asso.fr ISSN : 1761-9149 Dpt lgal : octobre 2009 dite en 4 000 exemplaires Impression : Expressions II, Scop-Sarl 10 bis, rue Bisson 75020 Paris Publication ralise avec le soutien de de la Caisse des dpts et de la Dlgation interministrielle linnovation, lexprimentation sociale et lconomie sociale (DIIESES). Nos partenaires, le Crdit Coopratif, le Groupe Chque Djeuner, Chorum et la Maif, nous soutiennent au titre du mcnat dentreprise pour le dveloppement dun mouvement associatif organis, autonome et dintrt gnral.Vous pouvez commander ce numro par mail [email protected] ou en tlchargeant le bon de commande sur www.cpca.asso.fr. Le PDF de cette publication y est librement tlchargeable. Exemplaire papier (frais de port inclus) : 1 exemplaire : 5e 2 exemplaires : 8 e 3 exemplaires : 10 e

ditorialJacques Henrard, prsident de la CPCADepuis plus de cent ans, le monde associatif reprsente un acteur fondamental de la socit civile dans le champ de lintrt gnral, de lutilit publique, de lutilit sociale. Il est devenu un acteur-cl du dveloppement de ltat providence en reprant les besoins socitaux et en y rpondant dune faon de plus en plus professionnalise. Mieux, ce dveloppement est plbiscit par les Franais qui citent les associations en tte des organisations auxquelles ils font confiance et qui esprent encore son dveloppement conomique lavenir. Considrer la ralit de lconomie associative, cest compre n d re quelle nest pas le fruit du seul chec du march et/ou de ltat, et que lassociation na pas quune raison dtre philanthropique mais quelle sinscrit pleinement dans une conomie concurrentielle marchande et non marchande. Disons-le simplement : le projet associatif, articul selon une double dmarche politique et socitale, peut tre soutenu par une logique conomique, qui peut tre marchande mais toujours non lucrative. Il faut insister sur le fait que non lucratif nimplique aucunement la recherche dabsence de rsultats conomiques. Les associations sont entreprenantes et continuent naturellement se multiplier en crant de nouveaux projets, rpondant de nouveaux besoins, de nouvelles causes. Si elles se retrouvent en situation de concurrence forte pour laccs aux financements publics (contraints) et privs (en dveloppement relatif), elles cherchent galement profiter des avances technologiques produites par le monde conomique en matire de gestion et de dveloppement. Dans un contexte de crise de lgitimit des acteurs politiques institutionnels et des grands groupes conomiques, le mouvement associatif organis souhaite raffirmer la place et le rle des associations dans notre socit. Ce nouveau numro de La Vie associative a ainsi pour ambition de montrer, par plusieurs angles de vue issus de la diversit des coordinations et fdrations associatives, que la marchandisation des activits associatives n'est pas loption souhaite. Nous voulons croire en lopportunit de la 2e Confrence nationale de la vie associative, le 17 dcembre prochain, pour prendre toute la mesure des enjeux du dveloppement de la vie associative dans notre pays.

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Sommaire

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Contexte gnral,

par la CPCA

Associations et logiques de marchConcurrence sur les financements

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Rponses associatives aux logiques de marchGouvernance : un enjeu ?

Interview dHubert Allier, CPCA et Interview de Denis Maer, Unarec Uniopss

March et appel doffresInterview de Bernard Delanglade, CPCA

Construire lquilibre salaris / bnvoles

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PACA

Quand les activits prennent le pas Capacit dinnovations et droit sur le projet Les services la personne linitiative

Lassociation entrepreneurL association entrepreneur de lconomie sociale

Interviews croises de Sylvie Mathieu, Uriopss Lorraine, dEmmanuel Verny, UNA, de Thierry dAboville, UNADMR et de Florence Jany-Catrice, professeur Lille 1

De la coordination la mutualisation

Employeur associatif Nouveaux partenariats L enjeu du management

Les relations partenariales entre associations et entreprises, Synthse et rebonds, une enqute de la CPCA par la CPCA

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Verbatim

Des groupes de discussion ont t runis par la CPCA autour de cette thmatique au premier trimestre 2009. Y ont particip des reprsentants et responsables de diffrents rseaux. Des citations, des bribes de tmoignages ou des lments de dbat jalonnent ce numro.

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Lanalyse de la CPCA

Contexte gnralLe couple historique associations pouvoirs publics est aujourdhui mis en tension par des volutions structurelles qui interrogent nouveau la lgitimit de linitiative citoyenne porte par les associations dans le march. En clair, cest bien la question de leur implication comme agent conomique porteur de finalits autres que lunique accumulation de profit qui est pose.ltat et les associations 1 reste naturellement un enjeu dterminant pour lavenir des associations. La remise en cause de ce partenariat fondateur du contrat social vient interroger lidentit associative et ses pratiques en matire de gouvernance, de gestion des ressources humaines et des choix de modles conomiques dans un contexte confirm de contraction des financements d t a t 2.

RestructurationPour complter ces lments de contexte, nous devons distinguer deux grandes volutions aux consquences lourdes pour les modles conomiques associatifs. Premire volution, la restructuration de ltat qui modifie profondment ses missions et ses financements en cherchant dune part, des oprateurs privs de politiques publiques et, dautre part, des partenariats dits dintrt gnral pour prolonger ou anticiper voir se substituer son action publique. Cette volution saccompagne dun processus de modernisation des finances publiques dans le cadre de la Loi organique relative aux lois de finances (Lolf) et de la Rvision gnrale des politiques publiques (RGPP), coupl dune rforme des modes daction publique (dcentralisation, dconcentration, agences nationales, Code des marchs publics). Deuxime volution, la crise de lgitimit du monde entrepreneurial classique et les attentes fortes sur la responsabilit sociale des entreprises (quapportentelles la socit ? Que doivent-elles la socit ?) dmontre la ncessaire coopration entre les acteurs conomiques privs et, en particulier, ceux de lconomie sociale, coopratives, mutuelles, associations et fondations pour faire conomie . Ce contexte peut tre porteur dune meilleure implication des associations dans le partenariat public-priv non lucratif de dlivrance de services. Il peut aussi encourager une relle clarification des relations contractuelles entre ltat et les associations dune part, et des relations entre les entreprises et les associations dautre part. Il appartient au monde associatif de rpondre collectivement ces enjeux dterminants pour son avenir. 1 2

Le contrat dassociation est venu lgitimer linitiative des citoyens qui sorganisent pour rpondre des besoins. Ces initiatives prives non lucratives ont rapidement dbouch sur de la cration dactivits et donc de richesses. Cette dynamique sest dveloppe partout dans les socits modernes et a accompagn les grandes mutations (protection sociale, ducation populaire, accs la culture, dveloppement de la citoyennet, protection de lenvironnement, etc.). En 2001, la Charte des engagements rciproques a nonc un principe daction partag par les associations et ltat afin de concourir dans un but autre que le partage des bnfices la cration de richesses, quelles soient sociales, culturelles ou conomiques, afin que lconomie de march ne dgnre pas en socit de march mais puisse, au contraire, permettre laffirmation dune plus grande solidarit . Cette charte cosigne na cependant pas connu les effets escompts, ni le suivi et lvaluation parlementaire pourtant annoncs. Le partenariat renouvel entre

Rapport de Jean-Louis Langlais, juin 2008. Constate dans les dernires enqutes (Matisse, CNRS et enqute sur les besoins de financement de la CPCA).

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Interview

Il nous faut une matrice permettant de respecter lidentit et les spcificits de lassociation dans sa prsentation, son positionnement, ses ngociations et ses financements. Quelle est lorigine de la rflexion sur le thme projets associatifs et logiques de march ? Le dossier conomie sociale, financements et relations contractuelles est au cur des thmatiques de travail de la CPCA depuis sa cration. Aprs plusieurs tudes et enqutes sur lconomie et le financement des associations1, nous avons recherch une mthode de rflexion et de travail visant approfondir et formuler collectivement une matrice commune autour de lidentit associative. Pour cela, nous sommes partis dun constat partag : lensemble des coordinations de la CPCA affirme que les associations se caractrisent par un projet, une parole politique et socitale, des acteurs (femmes et hommes) dhorizons et de statuts divers, une organisation et une gouvernance propres, une gestion spcifique des ressources humaines, une mise en uvre du projet qui passe notamment, mais pas obligatoirement, par la gestion dactivits conomiques dans le cadre dun entreprendre autrement , lappartenance lconomie sociale. Pour autant, laffirmation de ces fondamentaux nest pas suffisante et nombre dinterlocuteurs du monde associatif (lus, pouvoirs publics, opinion publique, mdias, etc.), tant en France quen Europe, ne peroivent pas, pas toujours, mal ou de manire partielle et incomplte ce que les associations considrent tre leur carte didentit . Il revient donc la CPCA de mieux expliciter ce que sont les associations dans leur grande diversit pour mieux dfendre ce quelles font, comment et pourquoi. Cest pourquoi la CPCA a souhait travailler une matrice qui permette chacune des coordinations de sy retrouver quand il sagit daffirmer son appartenance lconomie sociale en mettant en avant ses propres spcificits si ncessaire. Toutes les associations ne dveloppent pas d entreprises associatives , toutes nemploient pas de salaris, toutes ne font pas appel aux dons, au mcnat, etc. Mais toutes se revendiquent associations . Comment situez-vous cette dmarche de rflexion dans lenvironnement institutionnel politique et conomique de cette fin danne 2009 ? La rflexion collective engage la CPCA sinscrit clairement dans un contexte politique : celui de la redfinition de la place et du rle des associations gestionnaires dactivits conomiques. Ce contexte est port notamment par le rapport Langlais2, par le rapport de la mission parlementaire Morange3 sur la gouvernance et le financement des associations, et par le rapport Thierry4. De fait, mettre lagenda politique la problmatique identitaire associative relative aux fonctions conomiques appelle la mobilisation du mouvement associatif organis pour afficher une position claire et offensive sur la question. Il sagit de prendre le sujet dans toute sa globalit, par exemple de reconsidrer la question du march et de la concurrence du point de vue des valeurs, pratiques et activits associatives, de reconsidrer galement le rapport ambivalent aux services publics au moment o ceux-ci ont clairement vocation tre soit libraliss , soit dlgus des organismes privs. Comment sest organis le travail la CPCA pour rflchir collectivement sur cette pineuse thmatique ? La dmarche sest voulue trs ouverte et elle ne sest limite ni aux associations gestionnaires ni tel ou tel modle de gouvernance ou dactivits. Elle a t conue comme une instruction collective selon un processus de co-construction au pas pas. Elle sest adresse lensemble des champs associatifs qui, au-del de leur diversit, partagent pour partie des proccupations et des constats communs. Il sagissait de mieux comprendre en quoi lidentit associative tend tre remise en cause la fois dans son rle dacteur politique et dans sa fonction dinnovation et de transformation sociales et de mesurer le risque de

Hubert Allier est directeur gnral de lUniopss, vice-prsident de la CPCA en charge de l'conomie sociale, des relations contractuelles et des financements

Toutes les tudes CPCA sont tlchargeables sur : http://cpca.asso.fr/ spip.php?rubrique13 2 Pour un partenariat renouvel entre ltat et les associations : http://www.cpca.as so.fr/spip.php?article1686&var_rech erche=Langlais 3 Interview CPCA de Pierre Morange : http://www.cpca.as so.fr/spip.php?article1800

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Interviewvoir les associations confines aux seuls secteurs non solvables et assignes des rles de simples prestataires. La mthode choisie a permis de mobiliser prs de 30 groupes de discussion et dorganiser un sminaire de travail entre janvier et mars 2009, impliquant prs de 130 acteurs associatifs, administrateurs et salaris militants, dont la moiti issus des rgions. Une douzaine dentretiens ont eu lieu sur la priode avec des responsables de coordinations membres de la CPCA et quelques personnes ressources. Le matriau recueilli lors des premiers entretiens a nourri un crit (constats, questionnements) qui a servi lorganisation de premiers groupes de discussion dbut 2009. Il est important de noter que ces groupes ntaient pas des commissions statutaires : ils taient composs de militants et responsables issus de toutes les familles associatives et il ne sagissait pas dlaborer des positions, mais de mettre en commun leurs expriences pour formuler collectivement des constats et interrogations. La dmarche tait donc inter-associative et non institutionnelle. Quattendez-vous de cet ambitieux projet ? Ce projet de rflexion a pour ambition d armer avec des outils et des positionnements communs les coordinations et fdrations membres de la CPCA en vue notamment de la prochaine Confrence nationale de la vie associative annonce pour le 17 dcembre 2009, mais galement dans la perspective des diffrentes chances lectorales (rgionales en 2010, cantonales et snatoriales en 2011, prsidentielles et lgislatives en 2012). Encore une fois, le travail de rflexion engag la CPCA depuis septembre 2008 est fond sur un questionnement dterminant : celui de lavenir des associations oprateurs de politiques publiques notamment, dans une priode marque par des mutations profondes convergentes : restructuration des finances publiques, rforme de laction publique, dcentralisation, europanisation des rgles en matire de financement public et de dlivrance de services sociaux. Ce contexte de mutations profondes se caractrise notamment par un recours accru la commande publique et la mise en concurrence des associations, par une banalisation de la prestation associative dans le cadre des partenariats public-priv au service de lintrt gnral. De manire diffrente selon les familles, ce contexte touche de plein fouet lconomie sociale et bouleverse son organisation. Ce contexte est propice au dveloppement de propositions de recomposition du paysage statutaire de lconomie sociale et solidaire, notamment par la remise en cause des statuts et louverture assume aux logiques de march. Il est donc urgent de souligner nouveau la ralit massive du partenariat public-priv non lucratif dans notre pays et ses spcificits au regard des objectifs mme de modernisation de laction publique : contractualisation, performance, participation, valuation, efficience, etc. Quels sont les premiers enseignements que vous retirez de ce travail de rflexion collective ? Je vous invite consulter la premire partie du rapport ralis par Serge Cordellier pour la CPCA5. Cette partie rassemble les rflexions de responsables associatifs dans toute leur diversit et met en valeur la densit de perceptions et de positionnement que nous avons, nous, acteurs associatifs, sur nous-mmes. Il apparat en effet fondamental de dire nous-mme ce que nous pensons de nous car cela montre qui nous sommes . Ce premier document issu de notre projet de rflexion collective rpond donc de manire encourageante un de nos objectifs clefs : donner des armes un mouvement associatif organis, qui voit ses perspectives davenir de plus en plus dfinies par des organisations et personnes extrieures, au moment mme o les citoyens et citoyennes raffirment leur confiance dans les associations et acteurs non lucratifs de la socit civile. La prsente publication est riche des expriences et des tmoignages des acteurs associatifs, responsables bnvoles et salaris, qui se sont engags dans cette rflexion collective. Vous retrouverez tout au long de la revue des citations issues des espaces de rflexion et de dbats organiss depuis plus de neuf mois la CPCA. Ces verbatim sont riches de sens et nous invitent poursuivre le travail.

3 Analyse du rapp o rt Thierry par le collectif SSIG : http://www.queseraitleuropesanslesassociations.org/s pip.php?article51&var_recherche=Thierry 5 Associations et logiques de march , partie 1, juin 2009 : http://www.cpca.as so.fr/spip.php?article1863

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Les associations produisent des biens et des services, emploient des salaris et, ce titre, participent de lconomie nationale. Les associations exercent des fonctions entrepreneuriales comme les autres oprateurs conomiques. Vraiment comme les autres ? La question pourrait tonner et de nombreuses associations se presseront de rpondre par laffirmative. Ce nest pas parce quelles sont des organismes sans but lucratif, quelles ne sont pas bonnes gestionnaires ou des entreprises srieuses. Po u rtant, lheure o les logiques de march commandent lensemble des secteurs de la vie conomique, y compris publics, voire associatifs, la question mrite dtre repose. Le but des associations est-il vraiment de produire comme les autres ? Peut-on vraiment exiger dtre reconnu comme un oprateur p a rt ds lors quon accepte la banalisation ? Peut-on se prvaloir dtre du tiers secteur quand les volutions sociales et conomiques rendent les frontires plus confuses ? Quest-ce que les associations, entreprises de lconomie sociale et solidaire, ont faire valoir face aux logiques de march et la concurrence ?8La Vie associative n 12 Octobre 2009

L association entrepreneur de lconomie socialeParce que les associations sont des organismes but non lucratif, on croit souvent tort quelles ne peuvent exercer dactivits commerciales, marchandes, donc lucratives. Pourtant, dans le mme temps et sous limpulsion de la lgislation europenne, les activits traditionnellement portes par les associations sont juges a priori comme devant relever de la concurrence, mme si fiscalement, les oprateurs associatifs peuvent tre exonrs pour ne pas exercer ces activits selon les conditions du march. Une situation apparemment contradictoire qui rend plus prgnant le dbat autour de la transposition de la directive europenne services dans les secteurs associatifs.bres, mais bien investis dans le dveloppement du projet.

Activits concurrentielles ?On se souvient de la polmique lance par le Medef sur la concurrence dloyale des associations vis--vis des oprateurs commerciaux dans la mesure o elles bnficient de subventions publiques et dexemptions fiscales qui leur permettent dintervenir moindre cot 2. Pour sa dfense, le secteur associatif avait avanc que primo, les entreprises ntaient pas exemptes dexonrations fiscales, voire sociales, et que des pans entiers du secteur commercial taient largement subventionns sur des fonds publics. Secundo, si les associations recevaient des subventions, ctait bien au titre de la prise en charge dune proccupation sociale dintrt gnral : rinsertion de personnes en grande difficult, maintien du lien social sur un territoire donn par des activits sociales, sportives, culturelles, etc. Les conditions mmes de lexercice de ces activits diffrent (tarification diffrencie, prise en charge de publics non solvables, de besoins non satisfaits par le march, etc.), et surtout elles se font dans le cadre dune gestion dsintresse. Si les associations revendiquent leur pleine inscription dans la sphre conomique et sociale, la concurrence dloyale est rarement avre.

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a mise en concurrence par le biais dappels doffres de services assurs par les associations rappelle quelles sont bien productrices de biens et de services. Leur valeur ajoute ne reprsente-t-elle pas plus de 4 % du PIB1 ? En complment de leurs ressources internes, les associations ont dvelopp des activits conomiques en soutien leur projet.

Activits de productionOn entend par activits conomiques des activits de production, de transformation ou de distribution de biens ou de

prestations commerciales. Autant dire que la plupart des activits associatives, ds lors quelles sont tarifes, entrent dans ce cadre. Il convient toutefois de distinguer les associations pour lesquelles ces activits ne sont quaccessoires (ce qui donne dailleurs lieu exonration des impts commerciaux) et celles dans lesquelles elles sont au cur du projet (et inscrites dans les statuts) ; et dans ce cas, les rgles de la fiscalit applicables sont trs strictes et nexonrent pas forcment les acteurs associatifs. Le Conseil dtat reconnat dailleurs aux associations la possibilit de dvelopper des activits lucratives ds lors que les bnfices dgags ne sont pas redistribus entre leurs mem-

Un statut adapt ou dvoy ?La question reste entire quand les associations se positionnent sur un secteur marchand. Sabine Caron, fondatrice dArtasia 3, une boutique de vtements quitables sous forme associative, explique, dans une interview accorde La Vie associative n 12 Septembre 2009

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la CPCA : Je ne concevais pas cette activit (monter des filires de commerce quitable autour de la soie au Laos et en Thalande) comme purement commerciale et le statut associatif me semblait plus cohrent avec lobjet de fond dArtasia. Elle a donc dvelopp son activit dans un cadre purement bnvole, difficile maintenir aujourdhui. L association demande un emploi-tremplin pour sortir sa dirigeante de la prcarit. chaque statut ses dispositifs daide et ses avantages particuliers. Certaines aides sont accordes aux entreprises du secteur de la mode quil nest pas coutume daccorder des associations. La question, cest quaujourdhui les frontires des catgories tendent sestomper. Gilles Cav, prsident de la CPCA Pays de la Loire et directeur de la Ligue de lenseignement de Loire-Atlantique clarifie pourtant les termes du dbat : Je parlerais plutt dentreprise de lconomie sociale et solidaire que dentreprise associative. Car ce t e rme renvoie pour moi une drive dommageable : le recours au statut associatif comme support la cration dentreprise. L association a un objet, lemploi et les activits exerces ny sont quun moyen.

conserver sa fonction sociale, celle dacteur fondamental du dialogue civil, ainsi que son rle dans les processus p a rticipatifs pour enrichir la dmocratie reprsentative. Si on dsarrime de ces missions la fonction entrepreneuriale, on court un grand risque.

Lenjeu europen ?Les collectivits territoriales justifient le passage dappels doffres par lapplication de la lgislation europenne, renvoyant les associations leur fonction dentreprise telle que dfinie dans le cadre europen. Carole Salres de lUniopss rappelle : Est considre comme activit conomique toute activit consistant offrir des biens ou des services sur un march donn par une entreprise, indpendamment du statut juridique de cette dernire ou de son mode de financement (Arrt Pavel Pavlov, 2000). Cest donc la notion dactivit conomique qui dtermine le champ dapplication du droit communautaire [et non le statut]. Cette dfinition europenne est source de contentieux juridique du fait de la rencontre entre le droit europen des marchs publics et le droit franais de la commande publique. Une clarification simpose, que les associations appellent de leurs vux. Bernard Delanglade, de la CPCA PACA remarque toutefois : Il y a consensus gnral autour des bienfaits des marchs publics et inflation dap-

Lirruption de la concurrenceMais la question du statut particulier de lassociation entrepreneur est tout autre quand, sous le prtexte defficacit conomique et sous limpulsion de la lgislation europenne, des secteurs quelle animait traditionnellement, parfois avec le soutien des pouvoirs publics, deviennent des marchs soumis la concurrence. Ce sont ainsi des pans entiers de lducation populaire, de laction sanitaire et sociale, des loisirs et du tourisme social ou de la formation professionnelle qui sinsrent dans des logiques de march. Il nest plus question dintervention associative en faveur de la cohsion sociale, mais de services ncessairement marchands. Et aux conventionnements passs dans le cadre de lintrt gnral,

Mission socialeDes participants au sminaire organis par la CPCA sur projets associatifs et logiques de march sont plus nuancs : L association dans sa version entreprise peut tre un outil pour la reprise dactivits abandonnes ou le dveloppement de niches dactivits nouvelles. Elle est un instrument dinnovation. Ils rappellent toutefois quelques fondamentaux : lassociation, quand elle produit des services, permet laccs de tous ces services dans lintrt gnral de la socit . L association doit conserver ces spcificits mritoires : gestion dsintresse, mixit des ressources, lhumain au cur du projet, mergence des besoins, gouvernance, innovation managriale (cf. supra) Un responsable sinterroge : Que sera lassociation dans dix ans ? Quelle mne ou non des activits entrepreneuriales au plan conomique, elle doit10La Vie associative n 12 Octobre 2009

Verforce estmseulement de dispenser des batinon Notreservices, mais aussi dtre un lieu dengagement. Une administratrice dune fdration nationale dducation populaire.succdent des appels doffres et des mises en concurrence avec des oprateurs lucratifs qui voient l laboutissement dun lobbying organis depuis la fin des annes 1990 4. Si dans un premier temps les associations ont pu se battre pour le maintien des anciennes modalits contractuelles d i n t e rvention (subventions et conventions pluriannuelles dobjectifs), beaucoup parlent aujourdhui dune volution inluctable face laquelle elles doivent se positionner comme acteurs conomiques certes, mais avec une dimension sociale fondamentale. pels doffres alors mme que la directive services, tant invoque pour justifier le recours aux appels doffres, exclut un certain nombre de services de son champ dapplication.

Les services de la directive la demande du gouve rnement et pour clarifier le champ des exceptions cette directive europenne du 12 dcembre 2006, la notion de mandat d'intrt gnral et le rgime communautaire des aides publiques, Michel Thierry (inspecteur gnral des ..

.. affaires sociales) a rdig un rapport qui tente de mieux scuriser le fonctionnement et le financement public des services d'intrt conomique gnral (SIEG), notamment de ceux intervenant dans le champ social . Cette directive a pour objectif principal de dvelopper le march intrieur des s e rvices (simplification des procdures administratives et suppression des obstacles aux activits de services, libert d'tablissement des prestataires et libre circulation des services). Si son champ dapplication est trs large, elle nen exclut pas moins les services sociaux relatifs au logement social, laide l e n fance et laide aux familles et aux personnes se trouvant de manire temporaire ou permanente dans une situation de besoin, qui sont assurs par ltat, par des prestataires mandats par ltat ou par des associations caritatives reconnues comme telles par ltat . Une combinaison de domaines dactivit et de statuts des oprateurs qui, selon Michel Thierry, rend difficile sa mise en uvre.

Service dintrt conomique gnralAutre point dachoppement de la lgislation europenne, la notion de mandat dintrt gnral, issue du paquet Monti/Kroes du 28 novembre 2005, qui dfinit les conditions de compatibilit des aides publiques, sous forme de compensations de service public, avec les rgles de concurrence issues du

trait . Et lensemble des associations sont ici concernes. Le rapport Thierry souligne le dfaut d'information et de sensibilisation des collectivits territoriales et des oprateurs et de communication gouve rn ementale sur le sujet. Do les nombreuses approximations ou contresens . Michel Clzio ne dit pas autre chose quand il voque la procdure contentieuse que sa fdration (UROF) a entreprise auprs du tribunal administratif lencontre du conseil rgional du Limousin. Retour sur les faits : Actuellement, les conseils rgionaux mettent en place un s e rvice public rgional de formation (SPRF) que la plupart qualifie de service dintrt conomique gnral (SIEG). Nous ne pouvions que nous rjouir de ce premier pas vers lassouplissement, reconnat Michel Clzio, puisque les SIEG, en empchant lapplication stricte des rgles de la concurrence, permettent de sanctuariser lintervention des oprateurs et de mieux faire respecter les grands principes de lintervention publique. Sauf que le conseil rgional du Limousin sest servi de cette qualification pour favoriser les acteurs publics (Afpa, Greta, Cnam, CFPPA), les acteurs associatifs continuant dtre soumis un appel doffres. Nous avons dcid daller au contentieux car il y a confusion entre service public et intrt gnral. Pour nos associations, faire un clivage entre un service public subventionn et des acteurs privs revient rintroduire de la concurrence, et donc la soumission au

Code des marchs publics (CMP) et mconnatre le rle minent des associations dans laccompagnement des chmeurs. Deux voies de contentieux taient mobilisables : le droit national lentrave au droit la concurrence constituant une infraction au CMP ou le droit communautaire pour dire aux associations et aux lus quil y a de vraies possibilits dassouplir les rgles de contractualisation. Comme le rappelle Michel Thierry, il est temps de fixer officiellement la doctrine de l'action publique en matire de SIEG .

ou service social dintrt gnralIl se montre galement favorable une reconnaissance, au niveau europen des services sociaux dintrt gnral rejoignant en cela les reprsentants du monde associatif, runis dans le collectif SSIG 5. Toute la difficult consiste faire admettre une dfinition large de ces services sociaux et accentuer la reconnaissance des SSIG et de leurs spcificits dans le champ social . La CPCA a publi un manifeste europen qui sinscrit dans le cadre de sa campagne Que serait lEurope sans les associations ? . Elle y plaide pour la cration dune directive des services sociaux dintrt gnral (SSIG). Rappelons que la transposition de la directive services doit intervenir avant la fin dcembre 2009 et quelle se fera dans le cadre de dispositions sectorielles. La mobilisation des associations est plus que jamais ncessaire si elles veulent faire admettre quelles ne sont pas des entreprises comme les autres. ncf. La Vie associative n 9, L'conomie des associations , pp. 4 et 5. 2 Medef, March unique, acteurs pluriels, pour de nouvelles rgles du jeu, mai 2002, www.medef.fr/medias/upload/1504_FICHIE R.pdf 3 galement membre de lassociation Minga. www.minga.net/ 4 Le rapport du Medef de 2002 est trs clair sur lusage du droit communautaire pour tendre le droit de la concurrence aux services publics et sociaux. 5 www.ssig-fr.org/1

RepresExtension du domaine du marchLors du deuxime Forum europen sur les services sociaux dintrt gnral (SSIG) organis sous la prsidence franaise en octobre 2008, un fonctionnaire de la Commission europenne (DG march intrieur) reconnait que pour les prestations externes la puissance publique, la mise en concurrence est invitable. la question de savoir si lon doit forcment rserver le mme sort aux associations non lucratives, il rpond : elles doivent tre traites comme les autres entreprises. La philosophie gnrale est quune entreprise prive peut tre moins chre quune association, alors pourquoi protger ces dernires a priori ?. Difficile ensuite pour les participants dexpliquer en quoi les rponses associatives aux problmes sociaux ne relvent ni dune thorie de la concurrence pure et parfaite, ni du mieux-disant conomique

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Employeur associatifLes associations sont souvent assimiles au bnvolat, rarement lemploi. Elles reprsentent pourtant 8 % de lemploi salari priv en France. La diversit de lemploi associatif ne doit pas faire oublier la similitude des questions qui se posent aux employeurs associatifs, en termes de gouvernance, de conduite de projets, de dveloppement et de responsabilits vis--vis de lemploi. Depuis les premires analyses de la CPCA, cette tendance la professionnalisation sest confirme avec un taux de cration demploi associatif 2,5 fois suprieur la moyenne nationale depuis le dbut des annes 2000. Elle correspond des logiques de fond de lconomie des pays dvelopps en termes de besoins en services relationnels (dmographie, lien social, insertion professionnelle, etc.).uest-ce qui rapproche une association gestionnaire qui emploie des salaris pour leurs comptences techniques, qui a mis en place (et de longue date) un service du personnel, voire une direction des ressources humaines, est soumise une rglementation trs stricte lie la nature de ces activits, et une petite association, devenue primoemployeur la faveur des emplois aids ? La loi de 1901 permet autant la gestion de structures de plusieurs milliers de salaris que des plus petites. Pour peu quelles suivent les volutions du droit du travail et assument leurs fonctions demploye u r, grce notamment la formation des dirigeants bnvoles. pour remarquer ensuite que les jeunes sont sans doute plus ouverts la mixit. Certains pointent toutefois que, dans certains domaines associatifs, il existe une zone de friction majeure entre les bnvoles et les professionnels car les syndicats ont fait passer lide dune prsomption de salariat ou considrent quil y a concurrence avec des salaris statutaires . Ce qui fait des associations des employeurs spcifiques rside, pour Andr Leclercq, dans une relation humaine diffrente. La production de lassociation est le rsultat dune quipe qui sexprime en va l e u r humaine. Sans bnvoles, lassociation ne fonctionne pas. Dautant que la responsabilit demploye u r leur revient.

Devenir employeurAndr Leclercq rappelle : Le secteur sportif est celui qui comprend le plus de bnvoles, mais il emploie plus de 100 000 q u ivalents temps plein (ETP), un mouvement de salarisation qui se poursuit aujourdhui. La p l u p a rt des associations sport ive s sont devenues employeurs la faveur des emplois-jeunes en 1997. Elles ont alors chang de braquet. Les dirigeants sont passs dun bnvolat de pnurie un bnvolat de responsabilit. Les emplois-jeunes ont t embauchs sur des postes dagents de dveloppement qui permettaient au club de mieux sadapter la demande sociale de son territoire. Ils ont induit un changement de dimension des actions de formation. Les dirigeants taient-ils prts accueillir ces salaris ? Sans doute pas ce niveau-l dautant que la professionnalisation sest acclre la fin des annes 1990, ce qui a pos deux types de problmes : matriels dabord, qui ont abouti la mise en place de groupements demployeurs et de clubs omnisports pour grer lemploi temps partiel. De fond

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Nous sommes des employeurs, pas des patrons Le credo des syndicats demployeurs associatifs dit bien la spcificit de cette fonction dans les associations. Celles-ci se caractrisent par dautres modalits de prises de dcision, par un capital humain et un fonctionnement dmocratique. Mais partagent-elles la mme culture d e m p l oye u r ? Le fonctionnement associatif, fond sur la relation bnvoles/salaris, implique une gestion des ressources humaines diffrencie. Une diffrenciation qui nest pas toujours comprise. Certains bnvoles ont pens que les salaris allaient prendre leur place , raconte Andr Leclercq, vice-prsident du Comit national olympique et sportif franais (CNOSF), dlgu sport et socit,

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ensuite, puisquil sagissait de comprendre la ncessit de lemploi et limpact quil aurait sur le club, vis-vis des bnvoles notamment. Et pour les salaris, il sagissait de comprendre que les horaires ne seraient pas ceux dune entreprise

veulent participer au dialogue civil, elles ont besoin de sengager dans une dmarche analytique pour ex p l iquer leur projet ; ce qui demande des comptences .

Dialogue socialPour les participants aux groupes de discussion de la CPCA, la question du dialogue social est galement centrale. La tension entre intrts associatifs, dans le sens du projet port par lassociation employeur, et les revendications des salaris doit tre assume , considre la responsable dune fdration nationale. Andr Leclercq reconnat que de nombreux employeurs associatifs se sont retrouvs lus aux prudhommes, qui, il est vrai, prennent mieux en compte les spcificits associatives. Mais avant ladoption de la convention collective nationale du sport (CCNS), on jouait la politique de lautruche, on sarrangeait en bricolant la convention collective de lanimation. Avec la CCNS, nous sommes devenus des employeurs part entire. Elle a particip la maturation du mouvement sportif pour quil se reconnaisse comme e m p l oye u r, avec des syndicats e m p l oyeurs [le CoSMos pour le m o u vement sportif] . Une volution rencontre dans bien dautres secteurs. On peut conclure avec Matthieu Hly, sociologue, interview par la CPCA : Il faut que les employeurs de lconomie sociale aillent plus loin en travaillant partir de leurs pratiques sur leurs diffrences avec les employeurs classiques. a veut dire quoi tre employeur autrement ? Quelles pratiques ? Quelles spcificits ? Au moment o les entreprises capitalistes communiquent de plus en plus sur leur responsabilit sociale, mettre en avant lappartenance statutaire lconomie sociale et le mode de gouvernance qui en dcoule nest plus suffisant pour se diffrencier. nPour aller plus loin : Le Livre vert CPCA-Usgeres 2007 : www.cpca.asso.fr/spip.php?article189 La Vie associative n 7 : /www.cpca.asso.fr/spip.php?article1585 Etudes et documents n 2 sur lemploi : www.cpca.asso.fr/spip.php?article246 Interview de Matthieu Hly : www.cpca.asso.fr/spip.php?article1808La Vie associative n 12 Octobre 2009

Emploi et gouvernanceComme le soulignent les participants aux groupes de discussion de la CPCA, la question de la fonction employeur doit tre examine au regard de la gouvernance. Pour Alain Boisson, de la Fdration des centres sociaux et culturels de France (FCSF), certains salaris ne reconnaissent pour seul employeur que le directeur. Si ce directeur assume les fonctions managriale, cest bien le prsident qui assume les responsabilits demployeur. Nest-ce pas lui qui ira aux prudhommes en cas de conflit avec les salaris, voire au tribunal si un des salaris est victime dune ngligence ? La relation bnvoles/professionnels est une vieille question, constate Andr Leclercq. Elle oppose les comptences de responsabilit des dirigeants lies llection celles de professionnels recruts pour leur expertise. Comment sortir de cette apparente dichotomie ? Une fois de plus, par la formation des dirigeants la fonction employe u r. Une part i c i p a n t e insiste : Nous devons ne pas fuir notre rle demployeur. Cest certes ingrat, mais cest notre rle et il faut lassumer politiquement. Enfin, les obl i gations gestionnaires (normes, rglementation, qualification) ne vont-elles pas lencontre de la militance ? Plusieurs responsables associatifs se demandent si la monte en comptences, par le biais de la professionnalisation, ne tue pas le projet associatif ? Je ne pense pas quil y ait opposition, rtorque Andr Leclercq. Au contraire, cest quand lassociation d veloppe un projet ambitieux avec des salaris quelle attire des bnvoles. Les bnvoles viennent l o les projets peuvent se dvelopper. Et un projet dynamique conduit les bnvoles prendre des responsabilits. Les bnvoles senrichissent des comptences des professionnels.

Se formerDans de telles conditions, le besoin de formation sest fait plus prgnant. Confronts cette professionnalisation, bon nombre de dirigeants se sont trouvs bien dmunis. tre employeur, cest instaurer un lien de subordination avec des salaris (qui peut dailleurs aller lencontre de principes dgalit dvelopps dans certaines structures), leur donner des missions ou des fonctions dans le dveloppement du projet, cest aussi sacquitter des charges sociales aff rentes aux salaires et des responsabilits soustendues par le salariat. Deve n i r employeur ne simprovise pas. Le CNOSF a donc mont des formations lintention des dirigeants des associations sportives. Les formations ont permis de professionnaliser le m o u ve ment associatif : les professionnels pour quils puissent rpondre efficacement aux besoins, les structures pour quelles soient en mesure daccueillir ces professionnels, les dirigeants pour quils intgrent bien leur fonction demployeur. La premire proccupation est lie la gestion du projet associatif, qui na pas pour finalit le dveloppement de lemploi , rappelle Andr Leclercq. Lemploi nest quune consquence de son dveloppement. Pour y faire face les associations ont d tayer leurs comptences techniques et impliquer les bnvoles dans cette exigence de qualification. La fdration, en lien avec les dispositifs locaux daccompagnement (DLA), aide aujourdhui les dirigeants faire face au dve l o p p e m e n t des projets, qui implique le soutien lemploi. La matrise des fonctions employeur est la condition mme du d veloppement. Si les associations

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L enjeu du managementQuest-ce qui distingue le management associatif du management dans le secteur but lucratif ? Eu gard la trs grande diversit de lemploi dans les associations, on peut tout de suite se demander si les mmes modalits de management ont cours dans lensemble des associations. Si les administrateurs bnvoles sont normalement en charge de manager les quipes, salaries comme bnvoles, larrive de directeurs, voire de directeurs des ressources humaines dans certaines associations, implique-t-elle de nouvelles formes de management ? Et au-del, le fonctionnement particulier des associations leur permet-il dinnover en la matire ?Ds lors quil y a salariat dans une association, il y a lien de subordination, fixation de tches excuter, obl i gations de lemployeur en rega r d . Mme si la hirarchie est souvent moindre dans les associations, notamment quand elles sont militantes. Mais il arrive que les intrts des salaris ne rejoignent pas ceux du projet associatif, et par consquent de lemployeur. Mais est-ce vraiment diffrent dans les entreprises but lucratif ? Bien sr, on ne saurait mettre de ct la question de lengagement sans doute plus fort, ou au moins plus militant dans les associations. Combien de dirigeants, qui se donnent corps et me dans le projet, reprochent leurs salaris de ne pas sinvestir la mme hauteur, quand ces derniers plaident pour lapplication dun temps de travail lga l ? Des situations qui peuvent dailleurs conduire les deux parties aux prudhommes comme dans les entreprises but lucratif. Et mme cette question dengagement tend sestomper tant la pression exerce par le march ou par la crainte du chsociation (dans les structures dinsertion notamment). Un responsable associatif remarque que dans les grosses structures, les pratiques quotidiennes de management et les conflits lis au travail rejoignent fortement ce qui se fait dans les grosses entreprises. Et la confusion peut encore saccrotre avec ladoption par le secteur but lucratif dinnovations managriales associatives, la prise en charge des diverses activits par des chefs de projet par exemple. Et plus encore quand il se rclame dune responsabilit sociale, une valeur au fondement du management associatif Dautres responsables associatifs, de structures plus modestes, nhsitent pas parler dune gestion de PME, voire dartisans.

Lien de subordination

es questions pratiques et sont issues des modles de gestion de thoriques sont depuis lentreprise prive et percutent direclongtemps rflchies dans tement lorganisation associative. le monde associatif et ont eu des rpercussions chaque association i m p o rtantes par exemple dans le son management ? domaine de la sociologie ou des thories conomiques des orga n i s a t i o n s . Aujourdhui, il apparat ncessaire de Dabord une vidence : le management reformuler la spcificit des modes des diverses ressources humaines de de gestion et de gouve rnance des lassociation ne peut tre que diffrent associations. En effet, les bailleurs selon que lassociation compte des p u blics et le public en gnral, accen- milliers de salaris ou un seul, que le tuent fortement leur demande mana- poids des bnvoles est trs fort, griale auprs des associations. quelle rserve cette fonction ses Depuis le milieu des annes 1980, administrateurs lus ou des directeurs cette demande a plac la comptabilit salaris, quelle est employeur depuis au cur de la bonne gouvernance des dizaines dannes ou quelle vient a s s o c i a t ive ; depuis le dbut des de le devenir, que les salaris sont annes 2000, elle a situe la perfor- embauchs sur leurs comptences, leur mance chiffre comme critre de engagement militant ou que leur bonne gestion. Ces volutions de fond emploi constitue lobjet social de las14La Vie associative n 12 Octobre 2009

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mage peut conduire les salaris dune entreprise outrepasser leur temps de travail. Et parfois avec plaisir et conviction. Si diffrence il y a, elle nest sans doute pas chercher ici.

Vegestion associative sur le mode de lentreprise estrbatim Laelle invitable ? En quoi la gouvernance participative favorise ou permet-elle le management ? Une directrice salarie dune association de protection de lenvironnement et dveloppement ruralmarch dans la commande publique (rglementation et appels doffres) qui nest sans doute pas sans influence sur le mangement associatif, surtout quand des exigences de comptences et de professionnalisation sont formules. Et plus encore si les administrateurs, en charge du projet politique, ont abandonn leurs prroga t ives aux directeurs. par la CPCA sur lamlioration du management associatif, tous soulignent limportance de la responsabilit des dirigeants bnvoles et la ncessaire complmentarit entre ces administrateurs et les cadres salaris, dans un fonctionnement de coconstruction . La qualit du dialogue entre ces deux acteurs est le gage du dveloppement en commun des comptences. Ce que souligne Andr Leclercq du CNOSF qui parle dun enrichissement de lengagement b n vole grce aux comptences apportes par les professionnels . Dautres voquent, au nombre des dfis du management associatif, le r e n o u vellement et la dynamisation de la gouvernance (du conseil dadministration notamment), une clarification du statut de trava i l l e u r associatif (statut de droit priv , mais missions de service public), la ncessit de concilier et de conserve r les comptences professionnelles et les fondamentaux de lassociation. Certains suggrent de repenser la stratgie de lassociation en fonction dune prvention ou dune anticipation des risques de conflit et de situations de crise, dy associer toutes les parties prenantes de lassociation, de clarifier les relations contractuelles liant les unes aux autres. Et enfin, de renforcer la communication sur les comptences globales des associations, car cest bien de toutes ces dimensions humaines quelles tirent leur valorisation.

Influence du march sur les pratiques managrialesCertains voquent dailleurs linfluence des logiques de march sur le mangement associatif. Que cette influence soit le fait de directeurs salaris venus tout droit du secteur commercial et qui tendent reproduire ce quils ont connu ailleurs, voire de dirigeants associatifs de longue date, par mimtisme comme le dit Marc Genve, charg de mission lUNAT. Il ajoute : En acceptant la rmunration mme symbolique des dirigeants, les associations reconnaissaient quil ntait pas tenable de leur demander dassumer des responsabilits sans mettre certains moyens en face, mais elles banalisaient un peu plus leur originalit. Plus globalement, on pourrait parler de la gnralisation des logiques de

Permanences et innovationsQuand on interroge les participants des groupes de discussion organiss

RepresQuand les sciences de la gestion sintressent aux innovations managriales associativesDans un article intitul Le managrialisme et les associations 1, Philippe Avare et Samuel Sponem (Groupe de recherche en conomie et gestion CNAM) rappellent comment le management a t constitu dans les annes 1920 aux tats-Unis pour les grandes entreprises. Ce modle sest diffus toutes les organisations conomiques, y compris les associations. Lenjeu pour elles est de ne pas verser dans le managrialisme , cest--dire une vision du monde partir des seules catgories de la gestion. En clair, ne pas confondre une gestion du projet avec le projet de la gestion. Les logiques purement quantitatives, comptables et techniques ne peuvent dfinir les objectifs du projet associatif ni nen mesurer la performance. Les auteurs plaident, preuves lappui, pour la coconstruction doutils de gestion adapts par les parties prenantes du projet associatif (pouvoirs publics, associations, usagers etc.). Ainsi, si les associations nont pas ou peu de culture de la mesure, pour pouvoir construire une reprsentation de la performance dans les associations, il faut donc avant tout mettre en uvre une rflexion sur les dispositifs de mesure qui doit tre plurielle, adaptative, non instrumentalise. La Gouvernance des associations, de Christian Hoarau et Jean-Louis Laville (dir.), d. Ers, 2008.1

Pour aller plus loin : La gouvernance des associations : http://www.cpca.asso.fr/spip.php?article 1844

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Au nom de lefficacit conomique, de limposition des rgles europennes, de la modernisation de ltat, les associations sont confrontes un nouveau contexte qui impacte directement leur projet et leurs activits. La tendance considrer la rgulation par les seules lois du march comme la garantie de lefficacit de lintervention publique ne peut que biaiser la relation partenariale, construite de longue date, entre pouvoirs publics et associations et sur laquelle sappuyait pourtant une large part de la cohsion sociale. Le dialogue entre partenaires cde le pas lordre induit par la commande. Doit-on passer du service rendu la collectivit la prestation de services paye par les collectivits ? Considrer les activits associatives comme autant de marchs potentiels ouvrir la concurrence commerciale ? Que peuvent faire les associations face lirruption des logiques de march et limposition de pratiques commerciales ?16La Vie associative n 12 Octobre 2009

Concurrence sur les financementsLes phnomnes de concurrence pour laccs aux financements ne sont pas nouveaux pour les associations, loin de l. Certaines concurrences interassociatives sont mmes historiques et nombre de jeunes structures se plaignent rgulirement de la position de quasi-monopole dassociations plus anciennes. Mais avec la gnralisation des logiques de march dans les secteurs associatifs et des appels doffres sur les marchs publics, le paradigme change, qui oblige les associations un nouveau positionnement et de nouvelles stratgies.Querelles de territoires ?Patrick Bonneau, prsident de la CPCA Poitou-Charentes, rappelle : La concurrence doit tre examine deux niveaux : au sens dvelopp par la Commission europenne notamment de mise en concurrence dans le cadre dun march public et dans une acception plus ancienne, en dehors des marchs publics, laquelle les associations ont toujours t confrontes : la concurrence interassociative. Les tmoignages abondent de jeunes structures locales qui se plaignent du poids des habitudes dans lattribution des subventions, les associations historiques en trustant laccs, et, linverse dassociations implantes de longue date qui voient arriver dun mauvais il de jeunes structures innovantes et dynamiques, qui jouent la concurrence sur leurs territoires. La concurrence entre associations a toujours exist, ajoute Jacques Chauvin, de la Ligue de lenseignement, mais une chelle fort modeste et souvent la marge de certaines a c t ivits. Et, jusqu' des annes rcentes, un quilibre ex i s t a i t . Pour les participants aux groupes de discussion organiss par la CPCA, la rupture de lquilibre est directement lie l volution des modes de d volution ou de dlgations des actions conduire. Une ancienne r e s p o n s a ble dune association dducation populaire dplore lors du colloque organis par la CPCA PACA : Les concurrences existent au sein des associations. Parfois, elles en o u blient mme lobjectif de transformation sociale quelles staient donn, parfois elles jouent la mfiance inter-secteur comme entre le socio-ducatif et le sanitaire et social. Un participant au groupe de discussion de la CPCA conclut : Via les appels doffres et lvolution de la commande publique, on est en effet pass de situations de partage de territoires ou dactivits selon les comptences, limplantation historique ou lexprience des uns ou des autres, des comptitions parfois sans principes, des querelles de marchs.

Mieux-disant conomique ou social ?Les logiques de march auraient donc une influence nfaste sur les comportements associatifs. Mais la concurrence sur laccs des territoires ou des subventions reste ici laffaire

Verbatim cest de rpondre la mise La plus-value associative,en concurrence par la solidarit. Une directrice salarie dune association de lutte contre les exclusions.La Vie associative n 12 Octobre 2009

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Interview

Rien nimpose que les appels doffres ne prennent en compte que les seules contraintes techniques des bailleurs. Comment concilier Code des marchs publics et besoins spcifiques lis l'IAE ? Historiquement, les chantiers dinsertion intervenaient pour le compte de collectivits territoriales sur des activits dintrt gnral. Il y avait dialoDenis Maer, gue entre lus et associations, et donc, le plus souvent, recherche d'adquation entre la prestation dlgu technique ralise pour le compte de la collectivit gnral de et la prestation pdagogique assure pour les perlUnion sonnes. Mais quand la loi a inscrit les prestations nationale des associations des chantiers sur la seule vente de biens et de services, les structures dinsertion par lactivit corgionales nomique (SIAE) ont accept une modification qui tudes et les positionnait de fait sur le Code des marchs chantiers publics (CMP) et les appels doffres. (Unarec) Malheureusement, bon nombre de collectivits laissent leurs seuls services techniques rdiger les appels d'offres dans des termes et selon des rythmes souvent incompatibles avec le projet et les besoins pdagogiques de progression dun parcours dinsertion de qualit. Pourtant, le rapprochement des services de la collectivit et des SIAE en amont de la procdure sans pour autant contredire les rgles de la concurrence permettrait daccorder les appels doffres aux ralits de lIAE. Si certaines collectivits peuvent tre attaches au projet social de lIAE, cest labsence de connaissance des services technique qui pose problme. Pour nous, une insertion efficace passe par des projets globaux, inscrits dans des dynamiques territoriales et non dans des successions de tranches de travaux incohrents entre eux Pour autant, certaines associations sinquitent du passage en appels doffres Je ne dis pas que la crainte des associations vis-vis des appels doffres nest pas justifie, je me demande juste si on ne se trompe pas de combat : faut-il se battre pour quelles soient exclues des procdures de march public ou pour que le march accepte de prendre en compte d'autres besoins comme le lien social, le vivre ensemble, la socialisation, la citoyennet, la progression des personnes, etc. ? Nous aurions tout intrt reprer les bonnes pratiques des collectivits locales, conformes la loi mais qui intgrent ces lments comme partie intgrante des services attendus. Puisque l'innovation et la plus-value sociale des associations sont reconnues, pourquoi ne trouveraient-elles pas une place dans l'ensem18La Vie associative n 12 Octobre 2009

ble des rgles qui rgissent dsormais leurs relations avec les pouvoirs publics? Tous les services ports par les associations doivent-ils tre lobjet de march ? Rien ne peut empcher que, sur certains services, il y ait un volet marchand. Si on prend lexemple du transport de personnes ges en milieu rural, le nombre de kilomtres parcourus peut tre un critre marchand sur lequel il convient de passer un march. Mais si a devient le seul critre, c'est la plus-value sociale des associations qui disparat. En revanche, elles peuvent se battre auprs de la collectivit pour que le march soit transport et accompagnement social des personnes ges en milieu rural ; rien nimpose en effet que lappel doffres se fasse sur les seuls critres quantitatifs et conomiques Le problme tient ce qu'actuellement la plus-value sociale des associations nest pas toujours prise en compte. Il faut trouver un argumentaire pour quelle le soit et donner de lintelligence un systme qui peut et doit en avoir. Nous reprsentons une force constitue de citoyens bnvoles engags, de salaris dont les rmunrations sont moins leves que dans le priv, nous ne redistribuons pas les bnfices raliss et agissons sur les territoires au-del de la seule production dite marchande. Les lus et agents qui comprennent ces enjeux et mesurent la plus-value apporte aux quartiers ou aux zones rurales fragiles, trouvent des solutions pour que les projets associatifs ne disparaissent pas en pure perte. Il est temps de faire remonter les bonnes pratiques dont les associations et les collectivits territoriales pourront semparer. Lhybridation des ressources est-elle une solution ? Elle est aujourd'hui une ralit. Mais je suis choqu par le fait que, pour assurer une mission d'intrt gnral de long terme, les pouvoirs publics m'invitent complter mes financements reconnus insuffisants par des subventions de fondations prives qui n'inscrivent que trs rarement leur participation sur le long terme ou attendent un retour parfois trs loign du sens du projet social de l'association. Les fonds privs ne permettent pas la stabilisation des financements pourtant ncessaire laction sociale et territoriale.

dassociations et oppose des structures dont la finalit sociale ntait pas si diffrente au fond. La donne change quand la mise en concurrence oppose associations et entreprises but lucratif. Jacques Chauvin regrette ainsi : Bon nombre de collectivits territoriales systmatisent les procdures d'appels d'offres au dtriment des relations partenariales antrieures. Ceci est tout fait regrettable et mme prjudiciable. On peut en effet comprendre que le moins-disant conomique lemporte quand il sagit de refaire les peintures dun btiment public, mais on ne peut que nourrir de grandes inquitudes quand il sagit dun sjour de vacances pour les m i n e u r s ! . Nombreux sont les r e s p o n s a bles associatifs, de laide domicile lducation populaire, poser la seule question qui vaille : quelle socit veut-on pour demain ? Privilgier le prix nest-ce pas au dtriment de la cohsion sociale ? Mais si les associations peuvent alerter, cest bien aux collectivits territoriales et aux pouvoirs publics dy rpondre.

rural. Ces organisations ont dailleurs t cres pour rpondre ces demandes bien particulires pas ou peu couve rtes par les pouvoirs publ i c s . Depuis 2 ou 3 ans, des entreprises proposent ce type de services. Si les prestations sont de mme nature, elles ne s'adressent pas aux mmes publics : le niveau de tarification est particulirement lev. Et surtout, elles exploitent les nouveaux dispositifs fiscaux qui permettent aux bnficiaires de bnficier de dductions. Bien entendu, ces dispositifs ne bnficient quaux catgories sociales qui paient des impts !

petites structures locales pourvoyeuses traditionnelles du service mis en concurrence. Ghislaine Bouget, de lAmicale du nid, constate que lheure nest plus lisolement, mais la mutualisation ou de nouvelles formes de coopration qui nous renforcent . Une ancienne responsable dune association dducation populaire remarquait ainsi lors du colloque orga n i s par la CPCA PACA : La contrainte extrieure cre par les pouvo i r s publics amne de linnovation associative, les logiques de plateforme interassociative par exemple Elle

Verbatim issues du secteur mutualiste Plusieurs associationsont cr des UES, dautres associations du tourisme social ont constitu des filiales. Une filiale contrle 100 % par lassociation ne pose aucun problme. Un directeur salari dune association de tourisme social.Mme volution dans laccompagnement des enfants en difficult scolaire. Les associations ont toujours exist dans ce secteur. Les bnvoles qui sy sont investis nauraient jamais imagin que ces activits puissent un jour devenir un march. Or aujourdhui, on voit exploser le nombre dentreprises commerciales qui surfent sur la vague de langoisse des parents. L encore, ce dve l o p p e m e n t sappuie sur les dispositifs fiscaux. raconte ainsi comment un conseil gnral a demand plusieurs associations socio-ducatives et du sanitaire et social de se regrouper pour lutilisation des quipements socioducatifs et de hirarchiser les travaux de rnovation. Ce regroupement a permis une proposition coordonne que le conseil gnral a accepte. Une histoire danticipation de la t r a n s versalit interassociative produite par la dcentralisation et ce, linverse des enjeux de concurrence verticale du monde associatif. Mutualisation et concurrence Le mouvement de mutualisation sest ainsi dvelopp dans de nombreux Autre volution lie au dveloppe- secteurs ne serait-ce que pour tre ment de logiques de march dans les mieux arm dans les appels doffres. secteurs associatifs, les regr o u p e- Si coupable il y a, il est plus recherments associatifs et autres mutuali- cher derrire les collectiv i t s sations sont venus aggr aver la publiques qui imposent ce type de concurrence sur certains territoires. procdures que derrire les associaLargement soutenus par les bailleurs tions qui sorganisent pour y faire publics, au nom de la rationalisation face. des procdures de financement public (un seul interlocuteur, une seule discussion budgtaire), ces regroupements ont t meurtriers pour lesLa Vie associative n 12 Octobre 2009

Entreprises perturbatricesJacques Chauvin ajoute : Aujourdhui, llment perturbateur, cest larrive d'entreprises commerciales qui se positionnent sur des secteurs qui ntaient investis que par le secteur associatif. Or les associations uvraient dans un souci de rponse une demande sociale et absolument pas dans une logique mercantile. Et Gille Cav, prsident de la CPCA Pays de la Loire dajouter : La concurrence peut tre plus rude sur des marchs qui nentrent pas dans le cadre dappels doffres : les clubs de gym, laccompagnement social domicile, etc. Pour Jacques Chauvin, deux types d a c t ivits illustrent parfa i t e m e n t cette volution : celui de laccompagnement des personnes et celui de laide aux devoirs. Jusqu prsent, de grands rseaux associatifs se proccupaient de laccompagnement des personnes, gnralement ges ou malades, et principalement en milieu

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March et appel doffresLes associations sont de plus en plus confrontes aux appels doffres dans le cadre de lapplication du Code des marchs publics. tel point que dans certains secteurs, ce mode de contractualisation est mme devenu la norme des relations entre associations et pouvoirs publics. Pour ne pas devenir prestataires l o elles taient partenaires, les associations doivent tre force de proposition, valoriser la spcificit associative dans la rponse un appel doffres, co-construire pour se co-responsabiliser.pants aux groupes de discussion mis en place par la CPCA sur le sujet, on passe de la culture de la subvention celle de la commande publique pour reprendre les termes du rapport de Jean-Louis Langlais Pour un partenariat renouvel entre ltat et les associations. Patrick Bonneau, prsident de la CPCA Poitou-Charentes, analyse cette volution : Avec les grandes lois de dcentralisation, on a vu le dveloppement des conve n t i o n s qui constituaient un progrs pour les associations puisquelles instauraient un dialogue avec la collectivit autour dun objet, dun projet, puis sur les moyens mis en uvre, les publics viss, les rsultats attendus Associations et collectivits sont ainsi parvenues des rapports adultes, sortant du fait du prince que constituait la s u bvention un certain nive a u . Lapparition des appels doffres bouscule cet tat de fait. Quand il y a march, cest le matre douvrage qui juge de qui est le plus mme de remplir une prestation quil a fixe. Le cur mme du partenariat est touch. Car si on respecte les rgles de la concurrence, si une personne aide la rdaction des termes du march, elle ne peut y rpondre. Thoriquement, les associations ne peuvent donc pas tre concertes en amont.

rganisatrice dun sminaire interassociatif consacr l impact des l ogiques de mise en concurrence sur les associations 1, la CPCA PACA constate : Les relations entre les collectivits p u bliques et les associations sont aujourdhui marques par le passage dune logique de partenariat une logique de prestation de services par le biais de la mise en concurrence, lappel doffres, louverture de marchs publics ou encore lappel projets.

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Instrumentalisation ou disparition ?Quels que soient les secteurs associatifs concerns, le constat est ident i q u e : ltat ou les collectiv i t s territoriales ont tendance se transformer en donneurs dordre faisant des associations de simples prestataires de services, l o elles taient auparavant des partenaires des politiques publiques. Dans un ditorial paru dans le journal de lArdeva (Association rgionale pour le dveloppement de la vie associative)2, les auteurs dplorent

Du partenariat la prestationComme le relvent plusieurs partici20La Vie associative n 12 Octobre 2009

que le march devien[nne] lordonnateur de la relation []. La conception initiale des objectifs, lchange pralable sur la pertinence, lapport en amont des expriences et le savoir-faire des associations, leurs propres engagements et projets associatifs sont vacus. Anne Postic, directrice de lUriopss Pays de la Loire ne dit pas autre chose ; elle r e m a rque ainsi que, 60 ans aprs la cration de lUniopss, ltat souhaite nouveau tout piloter par le biais de la commande publique. La coconstruction des politiques publiques, la fonction dobservation sociale des associations, la subsidiarit, voire lintrt gnral, sont mis mal par ces nouvelles formes dorga n i s a t i o n qui aboutissent la mise en concurrence dorganismes sans but lucratif. Une situation qui risque encore de saggraver avec la loi Hpital, Sant Territoires. Car derrire la mise en place de procdures dappels doffres, cest bien la crainte dtre instrumentalis qui traverse le monde associatif : On risque dtre rduit au seul rle de gestionnaire, comme simple soustraitant de ltat qui recherche des oprateurs , remarque un participant aux groupes de discussion runis par la CPCA. Un autre parle dune volont de c o n t r l e et de tutelle des pouvoirs publics qui mconnaissent la vie associative et, plus largement, lconomie sociale et solidaire, fonde contre les excs du march et qui joue le rle de contrepouvoir dmocratique vis--vis des pouvoirs publics. Dautres encore parlent dassociations pilotes par les conseils gnraux. Or, comme le sou-

associations locales cdent le pas aux grosses entreprises dintrim et de consulting qui postulent sur les lots les plus rentables et les plus solvables. Lallotissement est une manire de rejeter les petits acteurs , r e m a rque Michel Clezio, prsident de la Fdration nationale des Unions Double peine rgionales des organismes de formation (UROF). La marchandisation Dj confrontes la crise et la systmatique des actions de formabaisse drastique des financements tion na rien arrang, ni clairci la publics, les associations sont aujour- commande et le besoin, car le bnfidhui remises en cause sur leurs ter- ciaire du march nest pas forcment rains dintervention habituels , le moins-disant conomique ni le salarme Anne-Marie Bourrouilh, mieux-disant pdagogique. Cette charge de mission la Fdration logique de mise en concurrence a franaise des maisons des jeunes et de ainsi fait disparatre les petits organisla culture (FFMJC). Le secteur des mes de formation, surtout ceux bass MJC est en effet suffisamment attractif sur des mono-activits comme lacpour le secteur marchand, mais ce sera compagnement des chmeurs par au dtriment des objectifs ducatifs. exemple , remarque un participant Animation de quartier, tourisme social, au sminaire de la CPCA PACA. accompagnement scolaire, secteur Pour diminuer le nombre de structusanitaire, social et socio-judiciaire, res, les pouvoirs publics font pression on ne compte plus les secteurs touchs sur les associations pour quelles se par ces mises en concurrence. En rassemblent , explique le directeur Poitou-Charentes, la CPCA a organis dune association de solidarit interune formation aux appels doffres, nationale. Anne Postic raconte : On raconte Patrick Bonneau, prsident de sest entendu dire quune association la CPCA rgionale. Elle a malheure u- trop petite et qui ne disposait pas de sement pour ainsi dire eu beaucoup lingnierie ncessaire pour rpondre de succs et auprs de tous les secteurs aux appels doffres, navait certaine(environnement, social, formation pro- ment pas les comptences pour fessionnelle, ducation populaire). accompagner les personnes en grande Cest un bon indicateur de la gnrali- difficult sociale, que les procdures sation de ces procdures. dappels doffres permettaient dasDans le secteur de la formation pro- sainir le march. fessionnelle, dsign parfois comme prcurseur en la matire, ds quun Parapluie ou choix politique ? march devient solvable, les acteurs lucratifs font leur apparition. Sur le champ de laccompagnement des Pour la CPCA PACA, la gnralisademandeurs demploi, les petites tion de cette mise en concurrence souvent justifie par la volont de rationaliser laction publique trave r s notamment lapplication de critres de performance est galement lexpression du droit communautaire, en particulier dans le cadre des directi Une SARL est galit avec une association sur les ves europennes sur les marchs appels doffres, mais lassociation offre autre chose, un publics . Lappel doffres est aussi une manire dimposer une baisse du cot dune prestation, ce qui nest pas plus en matire dutilit sociale. sans impact sur la spcificit associative. La CPCA PACA sinterroge : Un administrateur dune fdration nationale dassociations quel est le sens de cette culture de la commande publique qui se dveculturelles. loppe : celui du parapluie .. ligne un dirigeant dune importante fdration dducation populaire, les collectivits ont bien entendu assumer leurs missions, mais les associations ont un rle propre jouer .

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.. d p l oy par les collectiv i t s p u bliques redoutant des contentieux ou celui plus politique, induit par un n o u veau regard de ces collectivits sur les associations ? Des reprsentants dune fdration dducation populaire se demandent sil ne sagit

constitue pour une dimension partenariale caractristique de la socit franaise. De nombreux lus vous le diront : sans partenariat avec les associations, leur territoire mourrait. Que peuvent donc faire les associations ? Jouer leur fonction dalerte,

Vect destim publics, on observe une assez rbapouvoirs Dugrande ignorance de ce quest la vie dmocratique associative et de ce quest un contre-pouvoir dmocratique entre excs du march et tat, et, plus largement, de ce quest lconomie sociale et solidaire. Un administrateur dune coordination dassociations de solidarit.que dune question de rglementation. Eu gard aux approches signifi c a t ivement diffrentes dune collectivit une autre , ils affirment que cest bien lorientation de la politique publique qui est au centre des pratiques induites . Ancienne directrice de la MJC de Cannes, Anne-Marie Bourrouilh ex p l i q u e : Depuis 4 ans en effet, la ville a mis en place des marchs bons de commande pour contractualiser avec les oprateurs. Cest une question de positionnement politique face la ralit du terrain, les associations sont prises entre deux feux : disparatre ou rpondre au march. Nous avons une obl i gation de roccuper le terrain pour maintenir le projet associatif. organiser des dbats avec les lus, montrer les consquences dans certains secteurs, dmontrer la performance associative et la dimension conomique du bnvolat, voire de limplication des salaris au-del de leur temps de travail qui disparatra si les associations ne sont plus que prestataires. Gilles Cav, prsident de la CPCA Pays de la Loire (et directeur de la Ligue de lenseignement LoireAtlantique), poursuit : Nous ne pouvons que contester le dveloppement des appels doffres, mais dans une certaine schizophrnie, puisque dans le mme temps, nous nous y adaptons. Aujourdhui la Ligue de lenseignement Loire-Atlantique, deux services font de la veille sur les appels doffres et un commercial a t embauch pour suivre ces annonces. Nous ne pouvons plus nous contenter des rgles de bricolages prcdentes, nous sommes obligs de nous orga n iser. Mais il reconnat que cela ne peut suffire si les associations ve u l e n t p r s e rver leur spcificit. N o u s essayons donc de faire entendre notre d i ffrence auprs des collectivits locales. Une plaquette dinformation a notamment t distribue aux lus

pour les amener ne plus passer dappels doffres dans les secteurs o les associations ne peuvent tre de simples prestataires avec un succs mesur. Quand le march public est impos, on tente de se dpartir de la logique de lappel doffres pour faire valoir la plus-value associative (proximit territoriale, anciennet, exprience, etc.). LUniopss a ga l e m e n t p u bli une notice dinformation destination des lus pour expliquer le sens de lintervention associative et le danger vouloir marchandiser ces services. Patrick Bonneau remarq u e toutefois que les lus sont tiraills entre les acteurs de terrain et les services qui imposent et excutent les appels doffres. Les lus peuvent avoir une logique diffrente, mais, le plus souvent, les associations ne sont plus en relation quavec les services qui matrisent la technicit de la procdure.

Prserver le dialogue ou aller au contentieuxDans le secteur de la solidarit internationale, plutt prserv des logiques de march par le respect du droit linitiative des associations, le passage des outils oprationnels de financement du ministre des Affaires trangres lAgence franaise de d veloppement (AFD) et la multiplication des appels proposition au niveau europen nont pu quinquiter les associations. Jusqu prsent dans le fonctionnement de lAFD, il ne pouvait y avoir de concertation sur les appels proposition , les associations tant considrs comme de simples prestataires, une position difficile faire comprendre aux partenaires du Sud, surtout quand ces appels exigent de travailler avec des gouvernements coups de leur socit civile , explique Denis Brante, du Defap (Service protestant de mission). Coordination SUD a donc milit pour la cration de deux espaces de dialogue et concertation : lun politique et stratgique, lautre plus oprationnel et technique. Mais cela ne va pas sans mal. Il sagit pourtant de prserver le dialogue, de sortir de la seule dnonciation pour aller vers des proposi-

Organiser la rsistancePour roccuper le terrain, les rponses associatives sont diverses : de la ngociation avec les services techniques linformation des lus, de la formation des associations affilies aux procdures contentieuses. Pa t r i c k Bonneau propose d insister sur le danger que ce type de procdure22La Vie associative n 12 Octobre 2009

Conventions de partenariat dintrt gnralSe pose ici la question du mandatement avec octroi de droits spc i a u x , tel que permis par la lgislation europenne. Utilis par ltat, il nest pas autoris pour les Rgions qui pensent pourtant quil serait bien plus adapt aux prestations de formation professionnelle. Le droit exprimentation issu de la loi du 13 aot 2004 pourrait dbloquer la situation. Pourtant, certaines Rgions ont fait le choix de lapplication de la lgislation europenne. La rgion Poitou-Charentes a dsign comme services dintrt conomique gnral (SIEG) les services de formation professionnelle, ce qui lui permet de concerter lensemble des acteurs du secteur, les associations en premier lieu, pour mettre en uvre sa politique publique. Michel Thierry, inspecteur gnral des affaires sociales, dans son rapport sur la scurisation juridique des services d'intrt gnral, prfrerait crer des conventions de partenariat dintrt gnral, afin d'viter la marchandisation pure et simple. Reste enfin pose la question des services sociaux dintrt gnral (SSIG) sur lesquels lUnion europenne ne souhaite pas lgifrer quand les associations appellent de leur vux la mise en place dun tel rglement sectoriel. Un enjeu majeur de la transposition de la directive services dans le droit franais, plus encore pour les associations uvrant en faveur de lintrt gnral. n

tions , puis de faire descendre les fruits du dialogue dans les services concerns par les projets , ce qui est loin dtre ais tant le dcalage est grand entre la vision et les moyens. Les associations de solidarit internationale peuvent certes profiter de leur poids mdiatique, de la diversit de leur mode de financement ou de leurs partenariats. Quand la ngociation naboutit pas, restent les procdures contentieuses. Ce qua tent la Cimade lorsque le ministre de lImmigration a dcid que les centres de rtention devaient relever dun march public, soumis appel doffres avec allotissement. Si le Conseil dtat na pas suivi la Cimade sur le fait que la prise en c h a rge des trangers retenus perdrait en cohrence si le march tait clat en plusieurs lots, il a toutefois mis en garde sur un des termes de lappel doffres qui remplaait lassistance juridique en simple information, un recul notoire pour le droit des trangers retenus. Une disposition qui avait pouss le tribunal administratif de Paris suspendre lappel doffres.

LEurope une voie de sortie ?Michel Clzio envisage une autre voie de rsistance : La formation

professionnelle a t un des premiers secteurs tre soumis au Code des marchs publics (CMP), ds 2003, avec des applications diff r e n t e s selon les rgions. lpoque, nous tions dj intervenus pour dire que la formation des chmeurs participait de la politique de cohsion sociale et que le CMP ne pouvait pas sappliquer. Nous avons chou. Le champ de la formation professionnelle a ensuite t caractris d conomique . Nous nous sommes donc orients vers la seule porte de sortie qui pouvait assouplir la commande publique : le droit communautaire. Dans un appel doffres, il ne peut pas y avoir de critres discriminants sur la connaissance du maillage local, lancrage territorial, lexpertise des soumissionnaires, des critres pourtant essentiels pour la mise en uvre de politiques publiques efficaces. Le CMP est inappropri. Nous mettons donc en avant les services dintrt conomique gnral (SIEG) qui, en empchant lapplication stricte des rgles de la concurrence, permettent de sanctuariser lintervention des oprateurs et de mieux faire respecter les grands principes de lintervention p u bl i q u e : la non-discrimination, lgalit de traitement

Impact des logiques de mise en concurrence sur les associations : partenaires ou dsormais prestataires ? , sminaire inter-associatif organis par la CPCA PACA le 26 mars 2009. 2 Edito : Associations dducation populaire collectivits locales. Des relations en dbat dans lespace public , Lduc pop en le-de-France, le journal de lArdeva, n3, mai 2009.1

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Interview

Il faut organiser la rsistance et dmontrer que lappel doffres nest pas forcment ncessaire. Pourquoi avoir organis un sminaire sur les associations face aux logiques de march1 ? Dans le secteur sanitaire et social, la question de la commande publique est relativement nouvelle. Aprs la mise en place du nouveau Code des marBernard chs publics (2006), nous avons cherch mobiliDelanglade, ser pour que les collectivits territoriales recourent prsident de autant que possible aux procdures adaptes de la CPCA PACA larticle 30. lpoque, nous navons pas t entendus, certaines associations ne voyant pas ce qui pouvait poser problme. Moyennant quoi, elles sentredchiraient pour accder au march sans mettre en place de stratgie commune qui les aurait protges de lirruption du secteur commercial. Aujourdhui encore, certaines voient dans lappel doffres un avantage notoire : celui de ne pas avoir chercher de financements complmentaires, obligatoires dans le cadre du conventionnement. Mais elles oublient que le passage au march, cest la disparition de ce qui caractrise lintervention associative : linitiative et linnovation sociale. Et quid du bnvolat dans une logique de prestation ? Si les associations se lancent dans le march, questce qui justifie encore une fiscalit spcifique ? Ce 1 Impact des serait une erreur stratgique de basculer dans le logiques de tout march.mise en concurrence sur les associations : partenaires ou dsormais prestataires ? , sminaire interassociatif organis par la CPCA PACA le 26 mars2009.

dencadrer strictement les activits dans le sens souhait par la matrise des finances publiques tout en permettant que les associations restent bien partenaires ? On attend beaucoup des conclusions du rapport Thierry, reprises par le gouve rnement en prvision de la Confrence nationale de la vie associative, qui pourraient servir de base lgale au conventionnement de partenariat dintrt gnral. Mconnaissance ou stratgie pour carter les associations ? Je prfre reconnatre aux collectivits le bnfice de lignorance que de parler dune stratgie antiassociative dlibre. Mais un retour de bton des marchs contests pourrait ralentir le mouvement. Le recours contentieux de la Cimade montre que cela est possible. Il faut dmontrer que le march public nest pas scurisant, il faut jouer la pdagogie surtout avec la transposition de la directive services qui ne rend pas obligatoire le passage par les marchs publics. Il faut que les associations rsistent, quelles soient en capacit juridique dinterpeller les collectivits locales quand elles jugent la procdure abusive. Elles doivent comprendre que leur survie individuelle ne dpend que dune stratgie collective. Si elles sen tiennent un rle de gestionnaire et quelle nexercent plus leur spcificit associative, elles seront considres comme des prestataires comme les autres. Nous avons un ennemi commun : le march. Il est sans doute plus intelligent de construire des alliances, quitte se partager les lots dun appel doffres. Le conseil gnral suivra si leur proposition apporte une rponse coordonne sur le territoire. Ce faisant, est-ce quelles nacceptent pas implicitement ce passage au march public ? Il faut dabord organiser la rsistance et dmontrer que, dans de nombreux cas, un appel doffres nest pas ncessaire et que les arguments politique, juridique et europen ne sont pas recevables. Ensuite que les associations fassent du contentieux ds lors quelles estiment que les critres du march sont insuffisants2. Pour lheure, cette procdure constitue le seul frein lemballement du march. Enfin, si un march est pass sans contestation possible, il faut organiser collectivement la concertation pour y rpondre. Et les fdrations et coordinations ont une vraie lgitimit faire valoir pour organiser cette concertation interassociative.

Mais peut-on viter ce basculement quand les collectivits privilgient ces procdures ?

Les pratiques sont contradictoires. Bercy parle de march dans le cas des mesures de placement extrieur des dtenus. Mais interrog par lAssociation des dpartements de France sur les mesures daccompagnement social mises en place par la rforme des tutelles, le ministre affi rme que ce type dactivits ne peut relever du march, que les acteurs susceptibles de les mettre en uvre ne sont pas des oprateurs ordinaires, que la directive 2 LUniopss doit services du 12 dcembre 2006 exclut ces activipublier un ts de son champ dapplication Idem pour lacguide la rentre pour les compagnement social des bnficiaires du RMI. Le problme tient la mconnaissance juridique de accompagner certains conseils gnraux qui affi rment que la dans cette directive services rend obligatoire cette procdmarche dure pour toutes les politiques publiques. Il y a contentieuse. consensus autour de lappel doffres au nom de la 3 transparence, du moindre cot Brigitte avocate Clavagnier3 prouve pourtant le contraire ou de la spcialise en protection lgard du dlit de favoritisme Estdroit des ce quune convention bien faite ne permet pas associations.La Vie associative n 12 Octobre 2009

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Quand les activits prennent le pas sur le projetLa gnralisation des appels doffres ou dappels projet cibls pose deux questions : que reste-t-il du projet associatif quand lassociation ne vit plus que de commandes publiques dont elle a perdu linitiative ? Et comment prserver ce projet associatif quand les ressources humaines de lassociation sont tout entires consacres la gestion de cette contractualisation ? Bon nombre dassociations, gnralement gestionnaires, soulignent le caractre chronophage de procdures dappels doffres et des procdures administratives lies la contractualisation qui ne laissent que peu de place la rflexion sur le projet. Quand les activits prennent le pas sur le projet associatif, ny a-t-il pas un risque de banalisation de lassociation ?Les participants aux groupes de discussion orga n iss par la CPCA relevaient tous que les associations sont des entits plurielles aux identits entremles . Elles combinent une dimension politique, affirme dans leur objet social et dans leur fonction dalerte vis--vis des p o u voirs publics, une fonction de gestionnaire de services ou dquipements, demployeur de salaris et de b n voles, et un rle de laboratoire dexprimentations sociales.

L

Identits pluriellesOr, dans un contexte dinstrumentalisation par le biais des marchs publics, ces activits plurielles sont mises mal, les donneurs dordre ne voyant dans les associations que des oprateurs gestionnaires et/ou employeurs. Il nest plus question pour lassociation dinitier un projet qui a pour finalit laccomplissement de leur objet social, mais de prendre en charge un service dont les modalits et les objectifs auront t fixs par dautres. Bien sr, il est encore courant que lobjet politique de lassociation et les attentes des bailleurs publics se confondent dans la prise en charge de lintrt gnral, mais dans des cas toujours plus nombreux, les associations doivent forcer le projet associatif pour entrer dans le cadre format de la commande publique. Et cest l que rside le danger La question est alors de savoir comment faire valoir ses diffrentes identits face aux tendances lourdes ..La Vie associative n 12 Octobre 2009

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.. de linstrumentalisation, comment faire merger linnovation dans des pratiques imposes, comment faire admettre des modes dorga n i s ation qui garantissent le maintien dune identit plurielle.

pas de leur instru m e n t a l i s a t i o n , quitte abandonner toute vellit de projet autonome ? De nombreux tmoignages abondent en ce sens.

La pression de lactivitMais au-del de la tentation, la pression de lexcution du service fait que certaines associations nont plus le temps de rinterroger le projet. Une directrice dun ensemblier dinsertion Dijon tmoigne : On nous pousse vers toujours plus de commercialisation, vers des fi n a n c ements privs, on nous demande de faire mieux que le monde conomique traditionnel avec des personnes qui nont que 30 % des capacits dun salari ordinaire et certains

La tentation du marchDans un contexte de dsengagement de ltat et de diminution des aides p u bliques, certaines associations voient dans les appels doffres une opportunit de financement. Bernard Delanglade, prsident de la CPCA PACA (cf. p. 28) voque ainsi le cas dassociations qui y vo