55
“Peut-on faire en sorte que les dimensions physique, sociale et numérique soient mises au service d’une ville à la fois plus attentive à chacun, et plus familière à tous?” LA FABRIQUE DES POSSIBLES f p y éditions La ville 2.0, complexe... et familière Fing #02 Fabien Eychenne

La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

  • Upload
    lethuan

  • View
    212

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

“Peut-on faire en sorte queles dimensions physique,sociale et numériquesoient mises au serviced’une ville à la fois plus attentive à chacun, et plus familière à tous?”

LA FABRIQUE DES POSSIBLES

Minérale et charnelle, historique et politique, la ville est, aujourd’hui,aussi numérique. Elle se décrit, se modélise et se pilote numériquement.Toutes ses innovations comportent une dimension numérique. Des myriades de puces équipent ses espaces, ses bâtiments, ses véhicules,ses habitants ; et notre vie quotidienne est ponctuée d’échangesnumériques. Ce mouvement exprime et accélère une transformationprofonde de notre mobilité, de nos pratiques sociales, de l’organisationde nos temps, du fonctionnement des entreprises et des acteurs publics. Ce « cahier de tendances » explore la tension entre deux transformationsmajeures dont le numérique et les réseaux sont les instruments et les catalyseurs : d’une part, la complexité liée à l’individualisation et la personnalisation, et d’autre part, les nouveaux agencements quicherchent à rendre la ville plus navigable, plus sociable, plus attentive.Peut-on rendre cette ville « augmentée » à la fois plus personnelle, plus attentive aux aspirations de chacun, mais aussi plus familière, plusaccessible et plus collective ? Cet ouvrage propose des réponses concrètes autour de trois ensembles :- Les signes qui rendent la ville plus lisible et navigable ; - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité ; - Et la carte, à la fois nouvelle interface de la mobilité urbaine et nouvelleinfrastructure des services urbains.

Créée en partenariat avec la Fing, et dirigée par Daniel Kaplan, cettecollection, La fabrique des possibles, traite des grands enjeux de société aucroisement de la prospective, de l’économie, des stratégies des entreprisesprivées et publiques, des technologies et de leurs usages, des nouveauxservices et de leurs impacts sur la vie quotidienne. Cette collection estl’outil indispensable permettant de stimuler les imaginations prospectives, et d’anticiper les profondes mutations que les ruptures technologiquesapporteront dans les prochaines années.

f pyéditions

f pyéditions

La ville 2.0,complexe...et familière

Fing #02

#02

fyp

éditi

ons

ISBN 978-2-916571-23-2 14,90 €Diffusion : Pearson Education France - Distribution : MDS

Fabien Eychenne

Créée en 2000 par une équipe d’entrepreneurs etd’experts, la Fing (Fondation internet nouvellegénération) a pour mission de repérer, stimuler etvaloriser l’innovation dans les services et lesusages du numérique.

www.fing.org | www.internetactu.net

www.fypeditions.com

La

vill

e 2

.0,

co

mp

lexe

et

fam

iliè

re�

Fabi

en E

yche

nne

Fing

Page 2: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

LA FABRIQUE DES POSSIBLES

f pyéditions

f pyéditionsFing #02

Pour une mobilité plus libre #01et plus durableISBN : 978-2-916571-22-5

La ville 2.0, complexe et familière #02ISBN : 978-2-916571-23-2

Technologies #03et prospective territoriale

ISBN : 978-2-916571-24-9

Dans la même collection :

Daniel Kaplan est délégué général de la Fing(Fondation internet nouvelle génération),depuis sa création, en 2000. Dès 2003, il estdésigné par la presse, comme l’une des « 100 personnalités qui font vraiment bougerla France ». Il est également président del’Institut européen de e-learning (EIfEL).Depuis les années 1990, il est profondémentimpliqué dans le développement de l’interneten France et dans le monde. Il a écrit oudirigé plus de 15 ouvrages et rapports publics.

Une collection dirigée par Daniel Kaplan

Villes 2.0 a le soutien de :

Alcatel Lucent

Caisse des Dépôts et Consignations

faberNovel

JCDecaux

LaSer

Orange

Région Provence-Alpes-Côte d’Azur

RATP

Villes 2.0 est un programme de la Fing en association avec le Groupe Chronos et Tactis.Mobilité, individualisation, participation, complexité, durabilité,etc. : la ville change, les technologies en sont à la fois l’instrumentet le catalyseur. Villes 2.0 explore les défis et les opportunités quiémergent de ces transformations, du point de vue des citadins, des territoires et des entreprises. www.villes2.fr

Le programme Villes 2.0

Cet ouvrage a été réalisé à partir du programme Villes 2.0 de la Fing.

Page 3: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

“Peut-on faire en sorte queles dimensions physique,sociale et numériquesoient mises au serviced’une ville à la fois plus attentive à chacun, et plus familière à tous?”

LA FABRIQUE DES POSSIBLES

f pyéditions

La ville 2.0,complexe...et familière

Fing #02

Fabien Eychenne

Page 4: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

Copyright © 2008 FYP éditionsCopyright © 2008 Fing

Édition : Florence DevesaRévision : Correcteurs en LimousinPhotogravure : IGSImprimé en France sur les presses de l’imprimerie Chirat. Diffusion : Pearson Education FranceDistribution : MDS

© 2008, FYP éditions, Limoges (France)[email protected]él. : 05 55 33 27 23www.fypeditions.com

Cet ouvrage a été réalisé à partir du programme Villes 2.0 de la Fing.www.villes2.fr

Collection : La fabrique des possiblesCréée en partenariat avec la Finget dirigée par Daniel Kaplan.www.fing.org

f pyéditions

ISBN : 978-2-916571-23-2

Le programme Villes 2.0

Villes 2.0 est un programme de la Fing en association avec le Groupe Chronos et Tactis.

Mobilité, individualisation, participation, complexité, du-rabilité, etc. : la ville change, les technologies en sont à la foisl’instrument et le catalyseur. Villes 2.0 explore les défis et lesopportunités qui émergent de ces transformations, du pointde vue des citadins, des territoires et des entreprises.

6 www.villes2.fr

Villes 2.0 a le soutien de :Alcatel LucentCaisse des Dépôts et ConsignationsfaberNovelJCDecauxLaSerOrangeRégion Provence-Alpes-Côte d’AzurRATP

Page 5: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

Introduction

Une ville à la fois plus complexe 7et plus familière

Chapitre 1

Naviguer dans la ville augmentée 111- Des outils fédérateurs pour naviguer dans la ville 14

2- Inventer une signalétique du numérique 23

Chapitre 2

2.0 : du web à la ville 311- Web 2.0 et réseaux sociaux : 33

de quoi s’agit-il ?

2- Des réseaux sociaux au « radar social » 40

3- L’espace des microcoordinations 52

4- De nouveaux lieux 56

Chapitre 3

La carte : une interface 59et une infrastructure

1- Une carte en lecture et écriture 63

2- Le pouls de la ville 72

3- La ville miroir 79

4- La carte : support de services 86

ConclusionPoursuites... 94

Sommaire

Page 6: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

7

Introduction

Une ville à la fois pluscomplexe et plus familière

Le numérique est entré dans la villeMinérale et charnelle, historique et politique, la ville est

aujourd’hui aussi numérique.À l’espace physique urbain tangible fait de béton, de

briques, d’infrastructures d’acier, de réseaux de fluides, vien-nent se superposer des couches numériques, physiques (arte-facts et réseaux) et informationnelles (données, flux, logicielset services). Le câble, le cuivre du téléphone et la fibre optique,les réseaux hertziens Wi-Fi et Wimax, les antennes GSM et3G, les satellites, les capteurs, les puces dans les objets, dansles espaces et demain dans les corps, les écrans publics, etc.,forment l’infrastructure physique qui supporte l’internet et lesréseaux mobiles. Sur cette « infostructure » vont naviguer desflux de données, d’images et de sons (y compris, bien sûr, lavoix de la conversation téléphonique).

Les opérateurs de services urbains développent des sys-tèmes d’information, des sites web, des services numériques.Les municipalités mettent en place des portails d’informations,des forums de discussions, des systèmes d’informations géo-graphiques, installent des points d’accès Wi-Fi dans les jardinspublics et les bibliothèques. Les blogueurs discutent de la ville,de ce qui s’y déroule. Sur les sites sociaux, il y discutent, yprennent rendez-vous, y organisent des événements. Les utili-sateurs de Google Maps et des sites qui s’appuient sur sescartes annotent les lieux, y ajoutent descriptions, commen-taires, photos et vidéos. Certains enrichissent les cartes numé-riques des villes, notent les restaurants, les lieux de sortie,indiquent et renseignent les événements de la ville, utilisentles réseaux sociaux pour se retrouver, partager et échanger. Descapteurs mesurent la pollution, le bruit, les flux de véhicules etde personnes et bien d’autres données. Des joueurs utilisent

Page 7: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

9Naviguer dans la ville augmentée - Chapitre 1

institutions qui doivent donner un sens collectif à cette diversitéen composant avec des acteurs, entreprises, associations et cita-dins, parfois aussi bien informés qu’elles, voire mieux.

Relation et familiaritéL’individualisation des modes de vie n’a pas pour corol-

laire un repli des individus sur eux-mêmes. Au contraire, ja-mais nous n’avons autant bougé, autant entretenu de liens etde relations. Cet individualisme a été décrit comme « relation-nel », « en réseau », parce que chaque individu invente, ex-prime et déploie son identité dans la relation aux autres. Lenumérique et les réseaux, notamment mobiles, sont l’outilrêvé de ces nouvelles formes de lien social. À l’inverse, parcontre, leur coût et leur complexité peut contribuer à installerdans l’exclusion ceux qui ne disposent pas des moyens ou descapacités de s’en servir : la « fracture numérique » épouse assezfidèlement les contours de la « fracture sociale ».

Mais, dans le même temps, l’articulation intelligente entreles couches physiques et numériques peut aussi devenir unpuissant vecteur de maîtrise individuelle et collective sur laville. Des sites sociaux produisent des fêtes, des repas de quar-tier, des systèmes de troc ou des mobilisations citoyennes. Desespaces publics numériques deviennent des nœuds de la viede certains quartiers. Des services mobiles géolocalisés aidentles visiteurs ou les handicapés à circuler dans le désordre ur-bain. De nouvelles représentations en temps réel prennent lepouls de la ville et se partagent avec les citoyens.

Naviguer, partager, transformer la villePeut-on, tout en bénéficiant des avantages de l’individua-

lisation, chercher à rendre la ville également plus familière,plus accessible, et plus collective ? Peut-on faire en sorte queles dimensions physique, sociale et numérique de la ville« plus » et « mieux », aujourd’hui, au service d’une ville « aug-mentée » plutôt que « numérique », d’une ville à la fois plusattentive à chacun, et plus familière à tous ?

8 La ville 2.0, complexe et familière

des mobiles, des coordonnées GPS, des données corporellespour faire de la ville leur théâtre d’opération.

Presque toutes les innovations dans les services et lesusages de la ville s’appuient sur le numérique et les réseaux. Levélo ou l’automobile partagée, la ville durable, la démocratieparticipative, les nouveaux dispositifs culturels, les zones d’ac-tivité, les politiques sociales, etc., ont toutes un substrat nu-mérique de plus en plus essentiel : des systèmes d’information,des canaux de communication multiples, des outils de mesureou de modélisation, des services à distance et mobiles…

Égocité et complexitéLe numérique ne tombe pas par mégarde sur la ville. Der-

rière ces mouvements s’exprime et s’accélère, une transforma-tion profonde de nos modes de vie en ville, de notre mobilité,de nos pratiques sociales et de consommation, de l’organisa-tion de notre temps privé et professionnel, du rôle et du fonc-tionnement des entreprises présentes dans la ville – mais aussides acteurs publics et des gestionnaires d’infrastructures ur-baines. Personne ne reste à l’écart de cette mutation des villesqui touche l’espace et les rythmes urbains, les liens sociaux, lesservices et les commerces, les loisirs et les transports, l’admi-nistration et la politique. On demande autre chose à la ville,et l’on y participe différemment. On attend des entreprises etdes administrations de nouvelles attitudes : personnalisation,multicanal, services composites associant plusieurs acteurspour répondre « de bout en bout » à des besoins très diversi-fiés, comme le partage des informations.

Cette ville plus personnelle, qui s’organise de plus en plusautour de chaque individu, est aussi plus complexe. Elle devientplus complexe à « naviguer » pour un citadin confronté à l’hy-perchoix et à la surinformation. Tout le monde ne dispose pasdes mêmes capacités à en exploiter les richesses et le risque estque ces richesses finissent par s’organiser en fonction de ceux quisavent les exploiter d’une manière rentable pour ceux qui les pro-duisent. Mais la ville est aussi plus complexe à piloter pour des

Page 8: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

11

Chapitre 1

Les grands réseaux de transports, de logistique ou de dis-tribution d’eau, de gaz et d’électricité se pilotent en temps réelà partir de cartes numériques. Les 120 000 arbres de Paris sonttous équipés d’une puce RFID qui permet aux bucheronsmunicipaux d’en connaître l’histoire et d’enregistrer leurspropres interventions sur chaque arbre. Des myriades de cap-teurs, du thermomètre à la caméra de surveillance, enregis-trent et analysent ce qu’il se passe dans les espaces urbains,jusqu’à déclencher automatiquement des alertes s’ils décèlentquelque chose d’inhabituel ou d’inquiétant. La quasi-totalitédes citadins circule équipé de mobiles, eux-mêmes de plus enplus souvent dotés d’appareils photos, de capacités d’échan-ger des données, de puces de géolocalisation. Leurs déplace-ments se ponctuent désormais d’échanges téléphoniques ouSMS, qui peuvent en retour modifier leurs destinations ouleurs itinéraires…

L’informatique que l’on connaît, centrée autour de l’ordi-nateur, entretenait peu de relation avec le territoire. D’unecertaine manière, elle s’y opposait : elle se moquait des fron-tières, elle représentait la sédentarité (connectée) contre la mo-bilité, l’abstrait (le virtuel) contre le concret du terrain et ducontact. En revanche, l’informatique mobile « ambiante », in-teragit avec le territoire de multiples manières.

Naviguer dans la villeaugmentée

10 La ville 2.0, complexe et familière

C’est à cette tension féconde entre, d’une part, la com-plexité liée à l’individualisation et à l’explosion des flux numé-riques et, d’autre part, les possibilités d’une recombinaisonpour rendre la ville plus navigable, plus sociable, plus atten-tive, que s’intéresse ce cahier de tendances.

La première partie s’intéresse au lien quotidien entre lescouches numériques et physiques de la ville : quelles interfacespermettent d’enrichir ce lien, quelles signalétiques rendent lesressources numériques aussi tangibles, donc accessibles, queles ressources physiques de la ville ?

La seconde partie se concentre sur les services et les pra-tiques qui s’appuient sur les « réseaux sociaux » de chacund’entre nous pour produire du lien social et l’enrichir. Ces ré-seaux ne se cantonnent pas au web : ils sont mobiles, ils se pro-jettent sur des cartes, ils produisent de la rencontre et mêmede nouveaux types de lieux urbains.

C’est aux cartes que se consacre la dernière partie. La cartedevient l’interface clé de la ville. Elle tisse entre eux les espacesphysique, relationnel et numérique. Elle nous permet de chan-ger en un clin d’œil la perspective sous laquelle nous regar-dons la ville : au ras du sol comme un piéton, de trois-quartscomme si nous circulions dans un aéronef personnel issu dela science-fiction, ou de très haut pour en avoir un point devue global. Elle fonctionne à la fois comme une représenta-tion, un outil d’analyse, un plan pour s’y repérer, un outil denavigation et un dispositif de contrôle sur lequel on « clique »pour agir sur la ville physique. Elle devient le support de dé-bats élargis sur l’avenir de la ville.

Les aperçus qui suivent ne se veulent pas exhaustifs. Ils neproposent pas de conclusions définitives. Leur but est d’intro-duire les transformations de la ville vues sous un angle original : celui de l’utilisation des technologies de la commu-nication considérées comme des leviers de changement,comme des moyens de se réapproprier la ville, chacun et en-semble.

Page 9: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

13Naviguer dans la ville augmentée - Chapitre 1

Un essai de typologie des liens entre territoires physiques et numériquesLes chercheurs britanniques Andy Crabtree et Tom Rodden (1) ont tracé une typologie des liens entre les dispositifs numériques et les espacesphysiques :6 Les « media spaces » relient les espaces physiques à travers les médiumsnumériques en cherchant à reproduire autant que possible les conditionsd’un échange en face à face. Les dispositifs de travail collaboratif ou latéléconférence en sont des incarnations courantes et les mondes virtuels,tels que Second Life, la pointe avancée.6 Les environnements de « réalité augmentée » fusionnent les mondesphysique et numérique. Des couches d’information, d’images, de vidéos,sont « ajoutées » au monde physique dès lors qu’on l’observe parl’intermédiaire d’un équipement adéquat : un téléphone mobile doté d’unappareil photo et d’un GPS, le pare-brise d’une automobile sur lequel lesystème de navigation projette des informations, plus tard des lunettes oudes lentilles de contact…6 Les environnements d’informatique « ambiante » encastrent lenumérique dans l’environnement physique. Les objets, les espaces, voire lescorps, s’équipent de puces à l’aide desquelles ils s’identifient les uns lesautres, se localisent, échangent des informations, se connectent à desservices personnalisés et contextuels…6 Enfin, les « écologies hybrides » mêlent plusieurs environnements aussibien physiques que numériques. Elles synthétisent en quelque sorte lesenvironnements précédents. Un jeu de rôle qui se déroulerait à la fois sur leweb et dans la ville, une réunion qui se tiendrait à la fois dans Second Lifeet dans différentes salles de différentes villes, un système de téléprésencedans lequel on piloterait un robot pour nous « représenter » en un lieudistant (qu’il s’agisse d’une discussion, d’une visite ou d’une interventiontechnique), relèvent de ces « écologies hybrides ».

12 La ville 2.0, complexe et familière

Une multitude de flux de données recouvre et irrigue laville. Ils traduisent et contrôlent son activité multiforme. Ils« augmentent » la ville d’informations, de services, de rela-tions, de représentations.

Pourtant, à l’inverse des échanges qui se déroulent sur lesinfrastructures physiques de la ville, ces flux et ces services nu-mériques demeurent le plus souvent invisibles. Ils n’apparais-sent qu’à ceux qui sont dotés d’un équipement spécifiquecapable de lire et de remettre en forme les fragments voulus :le mobile, l’ordinateur connecté au réseau, le terminal GPS,le capteur, etc.

En rendant plus lisibles et plus accessibles ces ressourcesnumériques et leur lien avec la ville, pourrait-on aider les ci-tadins, ou les visiteurs à mieux s’y retrouver et circuler dansla ville, à accéder à ses ressources quand et où ils en ont be-soin ?

À des niveaux différents selon les régions du monde, deuxsupports fédérateurs émergent pour simplifier l’accès à la ville.Le « passe de ville », qui prend aujourd’hui la forme d’une carteélectronique, empile les accès aux ressources physiques et nu-mériques de la ville. Mais dans certains pays asiatiques et danscertaines expérimentations européennes, c’est le téléphone mobile qui se transforme en « baguette magique », en un objet capable de « surfer » entre toutes les couches de la ville.

Enfin, pour tirer pleinement parti des possibilités offertespar les couches numériques urbaines, il faut aussi, notammenten mobilité, pouvoir les identifier, y accéder, savoir ce qu’ellesproposent et comment s’en servir. Pour représenter cescouches, une nouvelle forme de signalétique apparaît pour in-diquer, décrire et montrer les flux et données numériques pré-sents sur le territoire et sur les objets.

(1) Hybrid Ecologies: Understanding Cooperative Interaction in Emerging Physical-DigitalEnvironments, voir le lien : http://www.mrl.nott.ac.uk/~axc/DReSS_Outputs/PUC_2007.pdf

Page 10: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

15Naviguer dans la ville augmentée - Chapitre 1

l’argent liquide dans des boutiques, des fast-foods, des chainesde cafés et restaurants, des supermarchés, des machines devente automatique, les parcmètres, etc. Elle fait également office de système d’authentification pour rentrer dans les uni-versités ou certains bâtiments publics. Plus de 95 % de la po-pulation Hongkongaise disposerait de la carte Octopus.

Au Japon, et en particulier à Tokyo, la carte Suica permetd’accéder à toutes les compagnies de train du Grand Tokyo.Développée par Sony, la puce RFID, qui équipe la carte dé-nommée Felica, peut aujourd’hui s‘insérer directement dansun téléphone mobile. Depuis 2007, les voyages effectués sontdirectement débités sur la facture de communication.

Aujourd’hui : le téléphone mobile, interface de lecture et de navigationLongtemps dessiné comme un objet tourné vers le visage

de l’individu (la fameuse forme en coquille), le téléphone mo-bile se tourne de plus en plus vers le monde. Il l’observe et lecapte en photo et en vidéo. Il le « lit », qu’il s’agisse des pucesRFID ou, au travers de son objectif photographique, descodes-barre à deux dimensions, des filigranes contenus dansdes images publicitaires et interprétés par l’appareil commedes liens ou même des textes reconnus par un service de tra-duction distant. Il se situe et nous situe dans l’espace par l’in-termédiaire de différents dispositifs de géolocalisation. Il sefrotte (sans contact, certes, mais de très près) aux portillons,serrures, distributeurs de boisson, bornes d’embarquement –et même aux autres téléphones, au travers de multiples servicesdestinés à repérer amis, âmes sœurs et autres « étrangers fami-liers » passant dans les parages.

Le mobile transporte également mémoire (répertoire,agenda, notes, photos, musique), valeurs (porte-monnaie élec-tronique, carte de transports, billets de spectacles, etc.) et clés(il permet l’accès à des bâtiments publics, des entreprises, etdans certaines villes d’Asie, à son propre domicile).

14 La ville 2.0, complexe et familière

1- Des outils fédérateurspour naviguer dans la ville

Aujourd’hui : les cartes multiservices sans contactDans de nombreuses métropoles, les cartes « sans contact »(1)

sont en passe de devenir les clés de l’accès aux services ur-bains. La carte Navigo donne accès au métro parisien et auxtransports de banlieue. Elle permet de louer un Vélib’, maisaussi de prendre le train Thalys vers Bruxelles et Amsterdam.À Londres, la Oyster Card (2) peut être couplée à une cartebancaire et à un porte-monnaie électronique.

(1) Une carte sans contact peut être lue à une certaine distance, la connexion s’établissant sans fil.Aux puces est donc associée une antenne. Les cartes de télépéage ou de transport sont desexemples désormais connus.(2) www.tfl.gov.uk/oyster (3) www.octopuscards.com

Une carte « sans contact » OctopusSource : image Wikipédia

Une carte « sans contact » SuicaSource : image Wikipédia

Si elles prennent leur envol en Europe, les cartes urbainessans contact n’égalent pas encore les possibilités offertes parleurs cousines asiatiques. Lancée à la fin des années 1990 àHong-Kong, la carte rechargeable Octopus (3) est devenue lesystème d’accès et de paiement pour un grand nombre de services publics et privés. Octopus donne accès à toutes lescompagnies de transports collectifs. Rechargeable dans denombreuses bornes, elle peut ainsi être utilisée en substitut à

Page 11: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

17Naviguer dans la ville augmentée - Chapitre 1

1- Les puces : identifieurs, capteurs, actionneursL’informatique « omniprésente », ou « ambiante », désigne la manière dontles puces quittent les appareils spécialisés, ordinateurs ou téléphonesmobiles, pour se répandre dans les objets (des automobiles aux cartes depaiement), les espaces (les bâtiments, les commerces, la rue) et les corps (lesboîtiers des malades d’Alzheimer).Ce dispositif technique s’appuie sur trois types de composants : les puces,les réseaux et les logiciels. Les puces elles-mêmes peuvent assumer, ou associer, trois fonctions :6 Certaines, en particulier les fameuses puces RFID, ont pour uniquefonction d’identifier l’objet qui les porte. 6 Les capteurs sont des puces capables d’observer leur environnement(température, chaleur, teneur de l’air en particules, images, etc.). 6 Les actionneurs permettent d’agir à distance (allumer ou éteindre, ouvrirou fermer, déclencher une alarme ou un mécanisme, etc.). Capteurs et actionneurs peuvent être des objets autonomes, ou bienintégrés dans un équipement : réfrigérateur, téléphone, machine; etc. Dans une automobile, par exemple, ils contrôlent les airbags, mesurent lapression des pneus, ajustent le freinage, précisent la direction, estiment ladistance des autres véhicules, etc. Capteurs et actionneurs n’ontgénéralement de sens que s’ils sont en mesure de communiquer, d’une partentre eux (par exemple pour permettre à deux véhicules de se dire qu’ilsroulent trop près l’un de l’autre) et d’autre part, avec des applicationsinformatiques chargées d’extraire du sens des informations captées etd’envoyer des instructions aux puces. Ces applications peuvent être assezsimples (par exemple lorsqu’il s’agit de détecter un incendie ou uneintrusion) ou beaucoup plus complexes (par exemple les logiciels dereconnaissance de visages ou de lecture de plaques minéralogiques chargéed’analyser les images des caméras de vidéosurveillance). Dans tous les cas,elles s’appuient sur des bases de données de mesures, de captures et detraces dont la taille et la précision s’accroissent avec le temps.Pour cette raison, l’informatique ambiante deviendra rapidement un sujetde discussion dans les villes autour d’au moins deux thèmes : les risquespour la vie privée d’une part, et d’autre part, la possibilité pour d’autresacteurs, entreprises ou citoyens, d’accéder aux informations (anonymisées)pour en faire d’autres usages que ceux pour lesquels elles avaient étéprévues à l’origine.

16 La ville 2.0, complexe et familière

Bref, le mobile change de statut et devient une véritable« télécommande de la ville » intégrant un nombre croissantde dispositifs naguère indépendants les uns des autres.

Beaucoup de choses changent lorsque le mobile s’utiliseaussi bras tendu, regard et appareil dirigés vers le monde etles autres. Le geste n’est plus réflexif, mais affirmatif : donner,prendre, piloter. L’objet lui-même devra bien changer avec :on imagine un bâton de berger ou de maréchal, une baguette,un panneau, une télécommande, un couteau suisse.

Jusqu’où cette évolution ira-t-elle ? La réponse dépendd’au moins trois facteurs. En premier lieu, la volonté des uti-lisateurs de fédérer un plus ou moins grand nombre d’usagesautour d’un seul appareil avec ses conséquences en termes decomplexité d’usage mais aussi de vie privée. En second lieu, ledegré de résistance d’autres acteurs – les banques, les trans-porteurs, les institutions publiques, etc. – ainsi « aspirés » dansl’orbite des opérateurs de télécommunications et qui pour-raient bien ne pas l’entendre ainsi. Enfin, l’existence dans l’espace urbain de dispositifs capables d’être lus par les télé-phones mobiles, voire de communiquer avec eux : étiquettes,capteurs, actionneurs, etc.

Page 12: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

19Naviguer dans la ville augmentée - Chapitre 1

Demain, peut-être : un appareil pour relier toutes les puces de la villeLe projet de guide numérique de la ville de Tokyo que

propose le laboratoire uID Center (1) repose sur un prototypede téléphone/assistant personnel du futur, le Communicator.Géolocalisé, très communicant, doté d’un appareil photo,mais aussi d’un lecteur de puces RFID, l’appareil est capablede reconnaître les textes vers lesquels on le pointe, d’afficherdes vidéos ou des plans afin de délivrer des informations surdes lieux, des objets, etc.

Le Communicator est en particulier capable de dialogueravec toute une panoplie de marqueurs électroniques : les u-codes (2). Ces u-codes peuvent être des étiquettes RFID, desémetteurs à infrarouge ou encore des codes barres à deux di-mensions (QR codes). Une fois l’étiquette lue, le Communi-cator délivre les informations correspondantes, qu’elles soientstockées dans sa base de données ou disponibles à travers leréseau.

S’il se focalise au départ sur la mobilité, le tourisme et lecommerce, l’uID Center souhaite tester l’insertion de pucesdans toutes sortes d’objets : une boite de médicaments quidonnerait la posologie à suivre, un emballage alimentaire offrant une traçabilité complète de ce qu’il contient, etc.

18 La ville 2.0, complexe et familière

2- Les dispositifs d’identification des objets et des lieux

Code barre à deux dimensions (2D)

Identification par radio-fréquences(RFID)

Pour identifier « sans contact » un objet, unappareil, une carte…Une étiquette RFID se compose d’uncircuit intégré contenant un identifiant etd’une antenne miniature. L’étiquette (tag)peut être lue à une certaine distance, grâceau lecteur « sans contact ». Les tags RFIDsont d’abord destinés à remplacer lescodes-barre dans la distribution et lalogistique. Mais on les trouve égalementdans les nouveaux passeports, dansbeaucoup de cartes de transport ou detélépéage et dans des téléphones mobiles.

Pour identifier un objet, associer desinformations ou un lien à un objet (fixe ou mobile).Les codes-barre classiques sont dits à « une dimension » et ne peuvent contenirque très peu d’information. Les codes-barre2D en contiennent beaucoup plus. Une fois « scannés » par un lecteurspécialisé, ou bien par l’appareil photo d’un téléphone mobile, cette informationdevient lisible. On peut ainsi insérer uncode 2D au bas d’une brochure, d’uneaffiche ou d’un panonceau (pour envoyervers un site web mobile qui proposed’autres informations), ou sur une carte de visite (pour enregistrer les coordonnéesdans le répertoire du mobile). Une autreapplication consiste à charger un code 2Ddans le mobile qu’on affichera sur sonécran pour accéder à un spectacle ouvalider son billet de train, par exemple.

En téléchargeant une application sur son mobile (www.kaywa.com), on peut lire : « cahier de tendances –Villes 2.0 – http://www.villes2.fr »

À gauche : Image communicator - Source : ClubicÀ droite : image communicator - Source :voir communiqué de presse sur le site www.t-engine.org

(1) uID Center, pour Ubiquitous Identity (identité mobile) - www.uidcenter.org(2) u-codes : « u » pour « ubiquitaire ».

Page 13: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

21Naviguer dans la ville augmentée - Chapitre 1

type d’informations. Ces dernières pourraient venir des ré-seaux sociaux (un ami est-il proche de moi ?), ou lister les ac-tivités locales (à travers des paramètres prédéfinis par lesutilisateurs). D’autres sources d’information comme de l’in-formation touristique, des informations de sécurité, etc. don-neraient la possibilité auxutilisateurs de “googler” leur environnement physique ».

20 La ville 2.0, complexe et familière

Le Communicator est l’interface, la partie la plus specta-culaire du projet. Mais l’essentiel réside dans l’infrastructureinformationnelle que pourraient finir par constituer les u-codes. À terme, les autorités japonaises souhaitent en effetinsérer des centaines de milliers d’u-codes dans les espaces,les équipements, les véhicules afin d’enrichir l’expérience ur-baine d’informations contextualisées.

Demain, peut-être : la transparence et le tactilepour naviguer dans la villeLorsque l’on regarde les travaux prospectifs d’artistes et de

designers sur la forme et l’usage des appareils communicantsdu futur, deux caractéristiques reviennent très fréquemment:ces nouveaux objets seront transparents et tactiles.

L’objet mobile imaginé parle designer Mac Funamizu uti-lise ainsi la transparence poursuperposer des informationsau monde physique. En regar-dant un immeuble au traversd’une tablette de la taille d’unlivre de poche, on superpose àl’image les informations dispo-nibles sur le bâtiment. En surli-gnant par transparence un motdu journal du jour, on afficheimmédiatement ce que sonmoteur de recherche préféré re-père sur ce mot.

Dans leur ouvrage Urbanism 2.0 (1), les architectes Horneret Moreau s’interrogent également sur la difficulté à accéder à« la couverture numérique » recouvrant la ville. Leur concept,le « Footnet », vise à « redonner à la ville toute sa transpa-rence ». « Les utilisateurs pourraient contrôler le nombre et le

HomePage : une fenêtre sur la ville

À l’occasion d’un séminaire de travail regroupant desétudiants de plusieurs écoles, organisé par le programmeVilles 2.0, plusieurs projets mettaient en avant latransparence pour naviguer dans la ville. Le projetHomepage en est une illustration concrète.HomePage transforme sa maison, son appartement, sa fenêtre en une page d’informationsur ses goûts, ses préférences, sesimages et vidéos préférées, tout ceque l’habitant va vouloir partageravec l’extérieur. Les passants peuventrécolter avec leurs mobiles cesinformations en « scannant » la façadedu domicile. Les façades de la villedeviennent le support de contenusproduits, ou au moins sélectionnés,par leurs habitants.

(1) www.urbanism2-0.com

Concept d’objet mobile par Mac Funamizu© Marc FunamizuSource : http://petitinvention.wordpress.com

Vue d’artiste du « Google Vision » par Callum © Callum Peden

Le téléphone mobile associé au projet HomePage© Image étudiant ENSCI

Page 14: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

23Naviguer dans la ville augmentée - Chapitre 1

2- Inventer une signalétiquedu numérique

L’espace public des villes est peuplé de signes et de si-gnaux. Ces signes sont des dispositifs matériels permettantd’avertir le public d’une disposition immatérielle souhaitable(signalétique d’invitation), non souhaitable (signalétique deprotection) ou d’information (les magasins, lieux publics,etc.). La signalétique peut être considérée comme un outil decommunication et d’information.

Aujourd’hui, la signalétique urbaine prend peu en comptele numérique, qu’il s’agit de signaler des ressources (parexemple un réseau Wi-Fi ou une information associée à unlieu), de conseiller, de prescrire ou de proscrire certainsusages. Les seules exceptions sont les panneaux qui signalentqu’un espace fait l’objet d’une vidéosurveillance, ou qui limi-tent l’usage du téléphone mobile.

Or, si les services et les outils numériques font partie desressources de la ville, ceux-ci doivent être visibles, accessibleset partagés de manière intelligible entre les citadins.

Une ville déjà bavardeOn trouve dans la ville plusieurs types de signalétiques :

6 Les signes des autorités publiques : panneaux de signalisa-tion routière, direction, indication de transports publics,monuments publics, etc. ;

6 Les signes marchands et commerciaux : enseignes de ma-gasins, kiosques, restaurants, bars, etc. ;

6 Les signes liés à la publicité, l’affichage, les informationsmunicipales, etc. ;

6 Les signes liés à la surveillance : présence de caméras, dé-tecteurs de fumée, etc. ;

6 Les signes des habitants, des artistes, et de l’affichage sau-vage : stickers, affiches, tag, pochoirs, etc.

22 La ville 2.0, complexe et familière

3- Les réseaux sans filAvec ou, le plus souvent, sans fil, les objets communicants échangent des informations entre eux et/ou avec des systèmes chargés d’analyserl’information qu’ils fournissent et d’agir en conséquence. Ces réseauxfonctionnent le plus souvent sans fil sur des distances plus ou moinsgrandes. Trois technologies principales illustrent leurs caractéristiques.

Pour créer un réseau local sans fil, pour partager uneconnexion internet.Wi-Fi est la marque commerciale d’un protocole decommunication dont la caractéristique est de fonctionnercomme le principal standard des réseaux locaux, Ethernet,mais sans fil. Sa portée est de quelques mètres à quelquesdizaines, parfois centaines de mètres. En extérieur etdans les espaces publics, Wi-Fi est utilisé pour partagerune connexion internet, gratuite ou payante. Les pointsd’accès Wi-Fi sont aussi appelés « hotspots ».

Pour faire communiquer des équipements numériquesentre eux, envoyer des contenus vers un mobile, échangerdirectement entre mobiles.Bluetooth est un protocole de communication de donnéessans fil entre appareils électroniques situés assez près les uns des autres (jusqu’à quelques mètres). À l’origineconçu pour connecter entre eux les appareils d’un mêmeutilisateur (par exemple l’ordinateur et le mobile),Bluetooth s’utilise également dans l’espace public pouridentifier la présence de mobiles et leur proposer del’information (municipale, touristique, commerciale, etc.).

Pour identifier des objets ou des cartes à une distance dequelques centimètres.La communication en champ proche (Near FieldCommunication ou NFC) est une technologie d’échangesde données sans fil à faible débit, faible distance (10 cmmaximum) et faible consommation électrique. Elle est par exemple utilisée avec les puces RFID.

Wi-Fi

Bluetooth

NFC

Page 15: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

25Naviguer dans la ville augmentée - Chapitre 1

Les multiples représentations duWi-Fi public

24 La ville 2.0, complexe et familière

La signalétique publique classique est normée, elle utilisedes codes définis, utilisés et compréhensibles sur l’ensembledu territoire, voire au-delà : certains signes sont les mêmes surtoute la planète, ou presque. Les panneaux de signalisationroutière utilisent des codes couleurs cohérents, la même ty-pographie, etc. La signalétique marchande utilise des codesplus diversifiés, liés par exemple à une marque (le « M » et lejaune de McDonalds, le logo Fnac, etc.) dont l’identité doitêtre forte. Enfin l’affichage sauvage dispose de sa propre iden-tité qui se décline à quelques exemplaires disposés dans laville.

La timide émergence d’une nouvelle signalétiqueÀ cette signalétique classique vient s’ajouter, encore timi-

dement, une signalétique nouvelle représentant les infrastruc-tures d’accès aux réseaux numériques par exemple deconnexion Wi-Fi (un autocollant du système de partage deconnexion Fon ; un sticker annonçant un HotSpot, un pointd’accès public gratuit ou non ; des « craifities » tagués dans larue par les citadins ayant découverts un réseau wifi ouvert et

souhaitant le représenter et le partager).On voit également apparaître quelquescodes 2D disséminés dans la ville, oud’autres signes plus ad hoc, tels que lesflèches jaunes (1), que des citadins collentlibrement dans la ville, associant à leurcode unique une photo, une informa-tion, une impression, que l’on peut rap-peler en expédiant un SMS au numérovisible sur la flèche.

Ces représentations physiques du numérique demeurentencore peu exploitées et ne sont pas normées.

Enfin, même si certains projets prospectifs ou artistiquesen ont tracé quelques contours, la signalétique des artefactsde l’informatique omniprésente – capteurs et actionneurs, in-formations géolocalisées, automates, etc. – n’est aujourd’huipresque pas travaillée. Comment savoir que le restaurant de-vant lequel je me trouve a été commenté plus de 50 fois surtel site de partage, que le square dans lequel je me repose estle lieu des fêtes des voisins de ce quartier dont les images, lesvidéos, les billets de blogs, inondent le réseau ? Commentfaire comprendre que ce tag 2D me permet de laisser un com-mentaire sur la pièce de théâtre à laquelle je viens d’assister ?Que ce monument public est équipé d’une borne Bluetoothgrâce à laquelle je peux accéder à une information histo-rique ? Qu’ici se trouve un capteur de la qualité de l’air, là uneantenne mobile, qu’en allant de chez moi au métro je passeraidans le champ de n caméras de surveillance ?

L’enjeu est double : exploiter pleinement le potentiel desnouveaux dispositifs urbains mais aussi assurer la transpa-rence de leur déploiement et de leurs usages.

La signalétique de l’informatique omniprésente comporteainsi deux difficultés :6 Rendre visibles les flux, les données, les réseaux, les conte-

nus, etc. – ce qui suppose évidemment qu’on le désire ;6 Qualifier les contenus et leurs interactions possibles avec

l’utilisateur, ce que les designers appellent les « affordances ».(1) www.yellowarrow.net

Page 16: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

27Naviguer dans la ville augmentée - Chapitre 1

Le projet E-Lens du Mit :une forme « lisible » des codes 2DAprès l’Asie, les services proposants des codes barre à deux

dimensions (dans leurs différentes variantes, QR code, Flash-code, Data matrix...) pour accéder à de l’information sont endéveloppement en Europe. Collés sur des objets et des lieux,les codes 2D permettent avec un simple téléphone mobiledisposant d’un appareil photo et du logiciel adéquat, de lirel’information contenue dans le code. Il est ensuite possiblede se rendre sur une page web, d’accéder à un répondeuraudio, de récupérer une carte de visite, etc. Les codes 2D pla-cés dans la ville peuvent contenir une information contextua-lisée. Néanmoins, bien qu’ils permettent d’indiquer qu’uncontenu numérique est présent, ils ne peuvent révéler sa na-ture avant d’être « flashés » par les utilisateurs. En se dévelop-pant massivement, les tags 2D pourraient même devenir unevéritable nuisance visuelle dans l’espace public physique fini.

Plusieurs projets s’efforcent d’inventer des codes à deuxdimensions peut-être un peu moins riches en information (unlien vers un site web suffit) mais ils sont à la fois plus esthé-tiques et surtout plus explicites.

Les codes 2D du projet E-Lens du MIT, développés encollaboration avec la municipalité de Barcelone, sont ici « lisibles » en amont par l’utilisateur. Grâce à une suite de logotypes, l’usager de ces étiquettes spécifiques dispose d’unepremière information sur le contenu qu’il « cliquera ». Les ColorCodes – de la société coréenne Colorzip – poursuivent le même objectif.

26 La ville 2.0, complexe et familière

La première voie que nous explorerons, basée sur des tra-vaux de designers et d’universitaires s’intéresse à la représen-tation des objets et des flux de l’informatique omniprésentepour les matérialiser dans la ville. Cette approche se complèteavec une « signalétique embarquée » dans les appareils com-municants.

Modéliser les interactions liées aux RFIDLes théoriciens de l’informatique omniprésente, et beau-

coup d’industriels derrière eux, se proposaient de rendre l’in-formatique invisible, de la dissimuler derrière les objets et leslieux du quotidien. A rebours de cette tendance, plusieurs de-signers ont mis l’accent sur le besoin de les rendre visibles, etdonc à la fois perceptibles, utilisables et maîtrisables.

Le designer Timo Arnall (1) fait partie des précurseurs. Dé-sormais à la tête du « Touch project » de l’École d’architectureet de design d’Oslo, il interroge la présence et les usages desRFID. Comment visualiser la présence de puces RFID ?Comment indiquer les objectifs et les usages de telle puce ?Comment inviter les utilisateurs à toucher, à prendre, à ou-vrir, à fermer, à s’identifier, à télécharger ? Comment recon-cevoir un distributeur de tickets ou un terminal de paiement àl’heure des transactions invisibles et sans fil ? Comment opti-miser la localisation, la forme, le placement des lecteursRFID ? Est-il utile de représenter les modes d’interactions pos-sibles et les fonctionnalités proposées ? Le « langage graphiquede la RFID » qu’a inventé Timo Arnall ne vise donc pas seu-lement à signaler la présence d’une étiquette ou d’un lecteurRFID mais aussi à expliquer aux usagers le contenu de la puceet, le cas échéant, la façon d’interagir avec les équipements etles applications que l’on croise.

Un exemple designalétique créé parTimo Arnall.

E-lens du MITSource :mobile.mit.edu/en/elens

Un exemple de ColorCodeSource : www.colorzip.com(1) www.elasticspace.com

Page 17: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

Pour moins dépendre de la précision de la géolocalisation,les équipes de plusieurs entreprises travaillent également surdes algorithmes de reconnaissance d’image : le téléphonephotographierait ce que son possesseur voit et enverraitl’image à un serveur qui reconnaitrait automatiquement l’ob-jet ou le bâtiment. La technologie est aussi explorée pour liredes textes, par exemple des panneaux dans une langue qu’onignore, et dont on pourrait obtenir la traduction. Si quelquesentreprises proposent des applications commerciales fondéessur la reconnaissance d’images en deux dimensions (une éti-quette ou une affiche, par exemple, photographiées à peu prèsde face), d’autres, comme le Japonais Olympus, testent éga-lement des algorithmes en trois dimensions, capables de re-connaître, sur la base d’une modélisation préalable, desphotos d’un lieu quel que soit l’angle de prise de vue.

L’utilisation de la réalitéaugmentée pour se repérer etcapter les flux d’informa-tions numériques est égale-ment très présente sur lanouvelle plate-forme mobileAndroid de Google. A l’oc-casion d’un appel à projet deGoogle, l’Android develop-per Challenge, des chercheurs de l’université de Koblenz enAllemagne ont présenté un prototype d’application, Enkin(1),capable de superposer des informations en provenance deGoogleMaps directement sur une prise de vue filmée à partirdu téléphone.

29Naviguer dans la ville augmentée - Chapitre 128 La ville 2.0, complexe et familière

Une signalétique « embarquée »Et si la signalétique de l’informatique omniprésente deve-

nait « embarquée » pour s’organiser autour de chaque utilisa-teur ? Afin de tenir compte d’un espace public physiquementcontraint, tout en enrichissantet en personnalisant les indi-cations fournies aux citadins,plusieurs projets proposent dedéplacer la signalétique descontenus numériques directe-ment sur les téléphones mo-biles, les assistants personnelset peut-être demain sur les ob-jets hybrides « transparents »que nous décrivions plus haut.

De nombreux acteurs s’intéressent aux possibilités offertespar cette réalité augmentée. C’est le cas de Nokia qui, dansses laboratoires d’Helsinki, développe le projet Mobile Aug-mented Reality Applications (1).

Les chercheurs ont ajouté à un téléphone haut de gammeune puce GPS, une boussole et un accéléromètre. En utilisantles données de ces trois capteurs, le téléphone peut calculerla localisation en trois dimensions des objets ou des bâti-ments vers lequel on pointe son objectif photographique. Àpartir de ces coordonnées géographiques en trois dimensions,il va alors chercher des informations sur le lieu ou l’objet dansune base de donnée en ligne, et les affiche sur son écran. Enpointant le téléphone vers l’Empire State Building de NewYork, le n de Nokia fait ainsi apparaître le nom des entreprisesprésentes, le coût de la visite et le menu des restaurants pré-sents dans le bâtiment.

Une vue possible du projet MARA© Image MARA Nokia

Source :http://research.nokia.com/research/projects/mara/

(1) « Applications mobiles de réalité augmentée ».http://research.nokia.com/research/projects/mara/index.html

(1) www.enkin.netVoir photo ci-dessus : capture d’écran du petit film proposé.

Enkin, fenêtre sur le physiqueSource : http://www.enkin.net/

Page 18: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

30 La ville 2.0, complexe et familière

Enfin dans des travaux plus prospectifs (1),les chercheurs de l’université de Washingtonont réussi à créer une lentille de contact trufféede circuits intégrés et de diodes lumineuses,qui devrait permettre à terme d’afficher uneimage directement devant les yeux, superposéeà l’environnement réel.

Une forêt de bambous pour matérialiser les flux numériques urbainsLe projet « Forêt de données » portépar Orange Labs (2) a pour but derendre visible la présence de hot-spotsWi-Fi dans les espaces publics sous laforme de « bambous numériques » ou d’autres formes familières,plaisantes, modulables et visibles. Ces « bambous communicants »permettent à la fois de se connecter auWeb en haut-débit et d’accéder à des informations et des services locaux telsque des petites annonces. Il s’agirait d’un nouveau type de mobilier urbaindédié aux usages du web et de la téléphonie dans les espaces publics.Chaque forêt se compose d’un nombre plus ou moins grand de bambous, en fonction de la taille et des services souhaités. Le bambou se compose àson tour de segments qui s’emboitent les uns dans les autres. Ces segmentssont « actifs » : à l’aide de diodes électroluminescentes (LED), ils peuvent en quelque sorte matérialiser les interactions numériques à l’œuvre autourd’eux. Selon l’intensité du trafic, des échanges sur tel site, ou encore lavaleur de certaines données (la météo, la bourse, etc.), les segmentss’illuminent ou s’assombrissent, changent de couleur, clignotent…Les « forêts de données » seraient donc un instrument d’aménagementconvivial des espaces publics, favorisant les échanges numériques (via lesPC portables, téléphones mobiles, et autres objets communicants) et deproximité (conversations, voisinage, rencontres, initiatives collectives).

(1) http://www.internetactu.net/2008/01/24/une-lentille-de-contact-augmentee/ Voir en haut, photo d’une lentille RA. http://uwnews.washington.edu/ni/article.asp?articleID=39094(2) http://www.orange-innovation.tv/webtv/mode/detail/59/la-foret-de-donnees-le-mobilier-urbain-nouvelle-generation/lang/fr/play/1/

Lentille RASource : image issuedu site de l’universitéde Washington.

Forêt de données © Orange Labs

Page 19: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

31

Chapitre 2

Le message électronique que John a reçu ce matin sur sontéléphone mobile vient de lui épargner plusieurs heures de retard et de frustration.

La nuit dernière, une tempête a frappé la petite ville duNew Jersey, dans laquelle il vit, et un arbre est tombé en tra-vers de la voie de train qu’il emprunte tous les matins pour serendre à son travail à Manhattan. En écoutant la radio, il dé-couvre que les trains sont retardés de plusieurs heures. Durantson petit déjeuner, il allume son téléphone mobile et y lit lesalertes en provenance de Clever Commute (1), un service gra-tuit qui publie en temps réel, ligne par ligne, les messages desutilisateurs des transports en public du New Jersey. Bien avantles informations de la radio, des utilisateurs avaient déjà pu-blié des messages sur l’état de la voie de train tout en expli-quant que plusieurs lignes de bus seraient mises en place poureffectuer son trajet quotidien. Ils y indiquent même le départet les arrêts exceptionnels que les bus vont effectuer.

2.0 :du web à la ville

(1) www.clevercommute.com

Page 20: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

332.0 : du web à la ville - Chapitre 232 La ville 2.0, complexe et familière

L’autorité des transports de l’État, NJ Transit, est un peuembarrassée par le succès de Clever Commute, qui comptaitmi 2008 plus de 100 000 utilisateurs. Mais elle est bien obli-gée de reconnaître que l’information qui s’échange entre lesusagers est souvent plus précise et plus efficace que cellequ’elle délivre elle-même…

Une « fenêtre » CleverCommute sur un blog local du New Jersey (BaristaNet)Source : http://www.clevercommute.com/

1- Web 2.0 et réseaux sociaux : de quoi s’agit-il ?

En principe, le passage d’une version 1 à une version 2d’un service ou d’un logiciel est le produit d’un processus or-ganisé, longuement planifié, qui fait suite à des étapes de re-cherche, de conception, de développement, de test.

Rien de tel en ce qui concerne le web 2.0. L’expression estnée en 2004, lorsque l’éditeur américain Tim O’Reilly etquelques-uns de ses collègues ont cherché à exprimer à pos-tériori le sentiment très répandu qu’il s’était passé quelquechose de décisif sur le web. Sans évolution technique majeure,sans décision centrale, un ensemble de nouveaux outils (telsque les blogs et les fils RSS), de nouvelles plates-formes (telsque les réseaux sociaux ou les sites de partage de photos et devidéos), de nouvelles pratiques, tant du côté des fournisseursde services que des utilisateurs, ont transformé l’usage du webet la place qu’il occupe dans la vie de millions de personnes.

Clever Commute est une incarnation typique de ce quel’on nomme le « web 2.0 » : toute la valeur du service provientdes utilisateurs, de ce qu’ils partagent et publient avec lesautres. Il démontre également que les applications du web 2.0peuvent avoir des fonctions très concrètes dans une ville.

Avec le déploiement de la géolocalisation, des servicesmobiles et réseaux sociaux pensés pour la mobilité, les pra-tiques du web 2.0 débordent en effet de plus en plus nette-ment du cadre de l’internet. Les nouvelles formes decoopération, de dialogue, de rencontre, d’échange et de lienqui s’y expérimentent descendent dans la ville.

Qu’est-ce donc que ce web 2.0 ? Quels effets son dévelop-pement peut-il avoir sur la vie urbaine ? Et en quoi, en retour,la ville changera-t-elle le web ?

Du web 1.0 au web 2.0 : une représentation graphiqueSource : Frédéric Cozic, blog.aysoon.com

Page 21: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

352.0 : du web à la ville - Chapitre 2

à des amis de partager de très courts messages sur ce qu’ilsfont ou ce qu’ils ressentent à un moment donné) pour infor-mer en temps réel d’éventuels incidents sur leurs lignes.

Un web palimpsesteL’autre caractéristique du web 2.0 se situe au croisement

de la technique et des modèles d’innovation. Elle consiste àconsidérer toute information, tout logiciel, tout service à lafois comme une valeur en tant que telle et comme une briqueà partir de laquelle d’autres informations, logiciels et servicespourront se créer.

Ainsi, le contenu d’une information sera séparé de sa pré-sentation de manière à en permettre la réutilisation dans demultiples contextes. Pour les blogs et les sites d’information (ycompris ceux des grands médias), c’est le rôle du formatRSS (1) qui contient la description synthétique du contenud’un site web.

Après l’information, vient le tour des logiciels et des ser-vices en ligne, qui ouvrent des « interfaces de programma-tion » (2) auxquelles d’autres pourront faire appel pour créerleur propre service. Ainsi, il devient très facile de monter sapropre petite boutique en ligne en s’appuyant sur le catalogued’Amazon et son système de paiement. Et des sites « compo-sites », ou mashups, se créent en mariant des ressources issuesde différents autres sites. C’est le cas de petits sites locaux quivont utiliser les cartes de Google, les informations de telmédia local, les petites annonces de sites de ventes aux en-chères, celles des agences immobilières, des informations issues du site de la mairie et, pourquoi pas, des contributionsvenues des blogueurs locaux pour rassembler en un seul pointune multitude de ressources utiles aux habitants – le tout sans exiger ni compétence de programmation, ni moyens importants.

34 La ville 2.0, complexe et familière

Un web centré autour de l’individu et de la relationLe web « première manière » était d’abord un dispositif de

publication (de médias, de documents, d’information) et deservice (commercial, administratif, etc.). Le web « secondemanière » relie en plus des individus, et ceux-ci y jouent unrôle de plus en plus central.

Les utilisateurs publient par millions, au travers des blogs,des sites de partage de photos (FlickR notamment) et de vidéo(YouTube, DailyMotion sont les plus connus). Ils commen-tent les publications des autres, les livres en vente dans les li-brairies électroniques, les articles des journaux. Ils évaluentles produits ou les vendeurs des sites de vente aux enchères(eBay et PriceMinister). Ou, comme dans le cas de CleverCommute, ils partagent ce qu’ils savent de l’état des trans-ports sur leurs lignes.

Les utilisateurs s’appuient également sur le web 2.0 pourétablir ou entretenir une relation avec leur cercle d’amis, decollègues, ou avec un cercle élargi de relations qu’ils neconnaissent que sur le web. Les « sites sociaux » comme MyS-pace (plutôt destiné aux ados), Facebook (pour tous), Viadeoou Linkedin (destinés de préférence aux liens professionnels)ont pour fonction d’organiser ce lien.

Enfin, en partageant simplement des actes quotidiens,comme le fait d’enregistrer une adresse web dans ses signets,ou des gestes plus délibérés tel que le fait de contribuer à l’en-cyclopédie Wikipédia, le web 2.0 construit des espaces deconnaissance nouveaux fondés sur l’« intelligence collective »de millions d’individus.

Le web 2.0 est donc social et relationnel et s’appuie demultiples façons sur la contribution des individus, brouillantquelque peu les distinctions entre producteurs et consomma-teurs. Les abonnés de Clever Commute se substituent aux au-torités de transports du New Jersey mais, de leur côté, laSNCF francilienne ou les transports de San Francisco utili-sent le site Twitter (dont la fonction est a priori de permettre

(1) RSS, pour Really Simple Syndication (mutualisation vraiment simple).(2) Interfaces de programmation : API, pour Application Programming Interfaces.

Page 22: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

372.0 : du web à la ville - Chapitre 2

6 www.myspace.comMyspace est un site social qui met gratuitement à disposition de sesmembres enregistrés un espace de publication personnalisé permettant detenir un blog, d’entreposer ses compositions musicales, ses photos, sesvidéos... Les utilisateurs peuvent ajouter des « amis » à leur page, quipeuvent dès lors échanger des messages. En avril 2008, Myspace annonçaitplus de 230 millions de comptes ouverts.

6 www.facebook.comFacebook est également un site social dont l’audience, composée à l’origined’étudiants, est moins adolescente que celle de MySpace. La vocation deFaceBook est d’aider ses utilisateurs à partager de l’information. L’une deses caractéristiques originales consiste à faciliter l’ajout d’applicationsexternes à son espace : des milliers d’applications développées par des tiersont ainsi enrichi le service de la plate-forme.

6 www.linkedin.comLinkedin est un site social à vocation professionnelle. Ses utilisateursentrent en relation les uns avec les autres dans le but de faire des affaires,de recruter ou de se faire recruter. Depuis 2008, les cadres inscrits à l’Apec(Association pour l’emploi des cadres) peuvent aussi l’être sur Linkedinpour échanger avec d’autres cadres, partager des informations sur uneentreprise, etc.

36 La ville 2.0, complexe et familière

Quelques sites emblématiques du web 2.0

6 www.wikipedia.orgWikipédia est une encyclopédie collaborative reposant sur un espace depublication entièrement ouvert : n’importe qui peut écrire ou corriger unarticle, le nombre et la pression des autres contributeurs assure la qualité.Mi 2008, près de 90 000 auteurs avaient contribué à la version française deWikipédia qui contient plus de 600 000 articles.

6 www.youtube.com Youtube est un système communautaire de publication de vidéo en ligne.Les utilisateurs peuvent mettre leurs vidéos en ligne, les classer dans desgroupes, les commenter et se répondre par vidéos interposées.

6 www.flickr.comFlickR est un site de partage de photos. Ses utilisateurs publient des photosqu’ils rendent pour la majorité publiques. Ils commentent les photos desautres, créent des groupes thématiques et échangent des avis.

6 www.delicious.comDelicious permet de partager ses signets (les sites et les pages web que l’onmémorise pour les retrouver plus tard) et de les indexer à partir de mots-clés. À partir de cet acte simple, l’objectif est de produire un moteur derecherche « humain » dont on pourrait espérer des résultats plus pertinents(et moins nombreux) que ceux que produisent les moteurs de recherche telsque Google.

6 www.netvibes.comNetvibes est un lecteur de flux RSS en ligne qui permet de rassembler surune seule page toutes ses sources d’information et bien sûr, web 2.0 obligede partager ses sources ou sa page. Concrètement, un utilisateur de Netvibes (ou d’un service équivalent) pourrait ne plus jamais avoirbesoin de se rendre sur les sites de ses journaux favoris, l’information lui étant délivré automatiquement sur sa propre page à la manière des fils d’agences de presse.

6 L’écosystème Google Autour de son moteur de recherche, Google a développé une suite deservices bureautiques à la fois personnels et partagés : le courrierélectronique Gmail, l’agenda partagé Calendar, la suite bureautique GoogleDocuments qui permet de produire à plusieurs un même document... sansparler, bien sûr, des cartes de Google Maps à partir desquelles se sontdéveloppés des milliers de services dans le monde.

Les sites sociaux étaient dans un premier temps « globaux »,ce qui est une autre manière de dire qu’ils ne parlaient qu’An-glais. Leur usage n’était possible que sur un ordinateurconnecté. Désormais, ces sites deviennent plus locaux, voirepour certains « microlocaux », à l’échelle d’un quartier oud’un immeuble. Certains s’utilisent indifféremment sur un or-dinateur ou sur un téléphone mobile. Grâce à la géolocalisa-tion, ils se muent en un véritable « radar spatio-temporel ». Ilsproduisent alors de nouvelles formes de sociabilité urbainequi investissent à leur tour de nouveaux lieux physiques.

Page 23: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

392.0 : du web à la ville - Chapitre 2

intention préalable mais émergent progressivement deséchanges. Des blogueurs qui publiaient au départ pour unpetit cercle d’amis se prennent au jeu des commentaires,des liens croisés entre sites similaires pour, de proche enproche, s’inscrire dans une forme de communauté. Desphotographes amateurs se repèrent entre eux, échangentsur leurs productions et font émerger des groupesthématiques de plus en plus puissants.C’est également le cas des utilisateurs de Wikipédia dontles rôles changent au fur et à mesure qu’ils s’impliquentdans le fonctionnement de l’encyclopédie elle-même. Ilscommencent à corriger des articles sur lesquels ils sesentent compétents, puis à travailler sur leur propresarticles avant d’adopter de nouveaux rôles : corriger lesfautes d’orthographe, surveiller les articles contre le« vandalisme », assumer des tâches administratives, aiderles nouveaux arrivants, etc.La motivation de ces « Wikipédiens » évolue ainsi d’unintérêt individuel vers une projection collective.Wikipédia est une représentation de cette force des liensfaibles, ou des coopérations faibles : des communautés audépart très lâches, dont les membres ont peu de pointscommuns, finissent par devenir, de fait, des sourcesd’investissement très fort pour les individus et produiredes effets collectifs importants.

38 La ville 2.0, complexe et familière

Liens forts, liens faibles

Dans son article désormais célèbre « The strengh of weak ties » (1), le sociologue Mark Granovetter distinguedeux types de réseaux de liens sociaux : un réseau restreintde liens « forts » (la famille, les amis d’enfance, etc.) et un réseau généralement plus étendu de liens « faibles »(les amis d’amis, les anciens camarades de classes,d’université ou d’école, les collègues de travail, lesrencontres épisodiques, etc.). Cette étude montre aussiqu’un individu va plus bénéficier des informations venantde son réseau de liens faibles que de son réseau de liensforts : les liens forts relient des personnes assez prochessocialement tandis que les liens faibles nous relient àd’autres univers, d’autres influences.Cette grille de lecture des réseaux sociaux, qui ne se limitepas aux réseaux électroniques, a été testée avec succès surles plates-formes « relationnelles » du web. Elle faitapparaître des modes de collaboration inédits entre lesutilisateurs. Observateur engagé des phénomènes sociaux sur lesréseaux, Howard Rheingold a ainsi décrit lefonctionnement d’une des plus anciennes communautésen ligne : le Well (2). Cette communauté situéegéographiquement (la baie de San Francisco), composéede personnes assez proches socialement (éduquées, dotéd’un capital social et économique élevé), partage desintérêts communs. Les échanges sont volontaires etorganisés. Les rencontres physiques sont très fréquentes,les discussions qui s’y engagent se poursuivent dansl’espace électronique du Well. Cette communauté quidate d’avant le web construit des liens « forts ».Les plates-formes et services du web 2.0 mobilisent plussouvent, quant à elles, des coopérations faibles. Dans lesMySpace, Facebook et autres FlickR, le sentimentd’appartenance, l’action collective, ne procèdent d’aucune

(1) Sociologue américain, Mark Granovetter est l’un des principaux représentants de la sociologiedes réseaux sociaux. Sa théorie de la diffusion de l'information dans une communauté est connuesous le nom de la « force des liens faibles » (Strength of weak ties, 1973).Voir : « The Strength of Weak Cooperation : An attempt to Understand the Meaning of Web 2.0 »http://www.stanford.edu/dept/soc/people/mgranovetter/documents/granstrengthweakties.pdf (2) www.well.comCofondateur du site d’informations HotWired, animateur-pionnier de The Well, l’une des premièrescommunautés en ligne, Howard Rheingold est un analyste des répercussions sociales desnouvelles technologies. Il a publié notamment Smart mobs, publié en français sous le titre Foules Intelligentes, M21/Fyp éditions.

Page 24: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

412.0 : du web à la ville - Chapitre 2

Des sites sociaux pensés pour le local…Plusieurs réseaux se démarquent des grands réseaux géné-

ralistes en jouant la carte du local. Des services comme dis-moiou.fr, qype.fr, nomao.com, justeacote.com, pilipili.com,onvasortir.com, etc. s’appuient sur le partage « des bonnesadresses ». Bien que récents, ces nouveaux réseaux attirent deplus en plus d’utilisateurs.

40 La ville 2.0, complexe et familière

2- Des réseaux sociaux au « radar social »

D’abord globaux, sans référence explicite à un territoire,les sites sociaux tendent à se territorialiser. Ils se déclinent enplusieurs langues. Des groupes se constituent par villes. Cer-tains sites sociaux se créent même explicitement à l’échelled’une ville, d’un quartier ou même d’un immeuble. Mais c’estsans doute la combinaison de la géolocalisation et du mobilequi est en passe de transformer ces plates-formes en outils auservice du lien social et des coordinations quotidiennes dansla ville.

La territorialisation des sites sociauxLa fréquentation des sites sociaux en France ne cesse

d’augmenter. En avril 2008, d’après l’institut Comscore, plusde la moitié des internautes Français en étaient adeptes. Le ré-seau Skyblog reste le plus populaire. Il totaliserait 11 millionsde visiteurs, suivi par Facebook.com avec 3,2 millions de vi-siteurs. MySpace.com arrive en troisième position avec 3 mil-lions de visiteurs, suivi de Trombi.com (un site qui aide àretrouver ses amis anciens élèves) avec 1,3 million de visiteurs.

Ces réseaux se déclinent pour la plupart en une versionmobile, adaptée à la taille des écrans des téléphones cellu-laires, sans toutefois être pensés pour permettre réellement àleurs utilisateurs de se coordonner en mobilité. Il en va diffé-remment pour d’autres sites plus récents qui se construisenten lien avec un territoire urbain.

Que fait-on sur un site social ?Les sites sociaux permettent aux individus d’entretenir et d’élargir leurscercles de relations (famille, amis, collègues ou simples connaissances), et d’accomplir des choses en commun avec d’autres personnes. L’affichagepublic du réseau relationnel des participants sur leur fiche personnelle,voire d’autres informations d’humeur, d’agenda, etc., fait l’originalité de cessites par rapport aux pratiques sociales antérieures.En rejoignant ces plates-formes, on commence par créer son profil etconstituer une première liste « d’amis ». On y inscrira d’abord ses proches,ses collègues de travail, ses amis.Mais rapidement, on élargira leréseau à ses connaissances, puisaux connaissances desconnaissances. On surfera deprofil en profil pour créer denouveaux liens, on demandera àun contact de nous recommanderauprès de quelqu’un d’autre, onajoutera un photographe amateurà son « groupe » FlickR, etc.Les participants les plus actifspeuvent ainsi entretenir plusieurscentaines de relations, faire partiede dizaines de groupes, être« suivis » par des centaines depersonnes. Ces réseaux sont devenus les outils à partir desquels ils font desaffaires, les supports de leur activité politique, le lieu de rassemblement deleur famille éclatée, un moyen de faire connaître leur musique, etc.

Une « fenêtre » Facebook en version mobileSource : http://www.facebook.com

Page 25: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

432.0 : du web à la ville - Chapitre 2

ments de quartier avec les habitants. Avec le soutien de lamairie, Peuplade est désormais ouvert à l’ensemble de la po-pulation parisienne, et testé dans d’autres villes telles que Gre-noble. Ses utilisateurs peuvent créer un profil, indiquer leursgoûts, leurs expériences, leurs centres d’intérêts et les servicesqu’ils peuvent offrir en se localisant sur une carte. Les utilisa-teurs géographiquement proches peuvent rentrer en contactpour échanger biens et services, organiser des repas de quartierou concevoir des projets… Peuplade utilise typiquement lesréseaux de « liens faibles » afin de coordonner les utilisateurs.

42 La ville 2.0, complexe et familière

… ou même l’hyperlocalDes réseaux sociaux locaux et de voisinage essayent de

faire le lien entre les pratiques communautaires (en ligne ethors ligne) caractérisée par des liens forts, et les réseaux sociaux 2.0. C’est par exemple le cas de Peuplade qui travailleà l’échelle du quartier, mais également de Voisineo, Covilo,ou encore Ma-residence(1) qui travaillent à l’échelle du voisi-nage voire de l’immeuble. Ils ont pour ambition d’être desoutils de médiation entre les habitants.

Lancé en 2003 et testé au départ dans le 17e arrondisse-ment de Paris, le site Peuplade a pour objectif de recréer dulien social à l’échelle de l’arrondissement. L’idée de ce réseauétait dans un premier temps d’agréger des voisins qui seconnaissaient et de leur offrir un espace de discussion sur leréseau pour se coordonner, se retrouver, organiser des événe-

Qype : cityguide et réseau social à la foisLancé en France en janvier 2008, Qypeest un « cityguide » doublé d’un réseausocial local. Les utilisateurs peuventsoumettre des avis sur les services et les lieux qu’ils connaissent. Ils peuventégalement consulter des avis déjàdéposés. Construit comme un réseausocial, les utilisateurs disposent d’unepage sur laquelle ils peuvent ajouter desphotos, commenter et publier des avis,participer à des groupes thématiques etdiscuter avec les autres membres du site.Il est possible de s’abonner à un groupethématique pour recevoir des informations sur un sujet précis (par exempleles restaurants de fruits de mer dans telle ville).Pour fidéliser les utilisateurs les plus actifs, Qype les rétribue par des pointsqui leur permettent d’accéder à des grades et de recevoir des cadeaux telsque des places de cinéma.

Capture d’écran du site Qype, Source : www.qype.fr

(1) Respectivement : peuplade.fr - voisineo.com - ma-residence.fr - covilo.fr

La Ruche : la communauté virtuelle de RennesLa Ruche est un « réseau socialen ligne » porté par l’associationBug de la ville de Rennes. Baséesur un fond de carte GoogleMaps et limitée aujourd’hui auterritoire Rennais, La Ruchepermet aux utilisateurs de selocaliser puis d’indiquer leurspassions, leurs goûts, leursactualités et les services qu’ilspeuvent proposer. Une foisinscrits, ils peuvent rentrer encontact les uns avec les autres.Proche de Peuplade dans son concept, La Ruche se démarque par la placequ’elle propose aux associations. Si les utilisateurs sont représentés par desabeilles sur le fond de carte, les associations sont, elles, représentées pardes « ruches ». Elles peuvent se présenter, publier des annonces pourrechercher des bénévoles, se prêter du matériel, indiquer leurs agendas, etc.

La Ruche : la communauté virtuelle de Rennes.Source : www.laruche.org

La microcoordination mobileEnfin, les services de « microblogging » comme Jaiku.com

ou Twitter, facilement utilisables en mobilité et dont les mes-sages ne peuvent excéder une centaine de caractères, rencon-trent eux aussi une demande croissante, en particulier dans

Page 26: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

452.0 : du web à la ville - Chapitre 2

La géolocalisation pour tousLors du Mobile World Congress de février 2008, la ten-

dance la plus marquante était celle de l’intégration de mo-dules de géolocalisation dans les téléphones mobiles demoyen et de haut de gamme. D’après une étude du cabinetBerg Insight, 560 millions de téléphones mobiles devraientêtre équipés de GPS en 2012. Au Japon comme en Corée, lesconstructeurs ont l’obligation de vendre les téléphones mo-biles équipés d’une puce GPS depuis 2007.

De son côté, le cabinet ABI Research prévoit que près dela moitié des automobiles livrées en 2013 comprendront unnavigateur GPS communiquant (capable, par exemple, de re-cevoir des informations sur le trafic, ou même d’en émettre).Et certains États tels que les Pays-Bas, certaines villes commeSéoul, envisagent de rendre obligatoire l’équipement des au-tomobiles en GPS dans le but d’instaurer un système de péageurbain.

En dehors du GPS, qui n’est utilisable qu’en extérieur etqui exige un processeur et une antenne spécifiques dans lesappareils « géolocalisables », d’autres méthodes peuvent êtreemployées afin de déterminer la localisation d’un mobile(voir encadré). Elles ont l’avantage d’être utilisables en exté-rieur comme en intérieur et de ne pas nécessiter d’équipe-ment additionnel.

44 La ville 2.0, complexe et familière

des usages urbains. Les utilisateurs de ces services s’avisentmutuellement de ce qu’ils font, de leur humeur, de ce qu’ilsvoient ou ressentent dans l’instant. Ces petits messages peu-vent être vus sur un ordinateur mais aussi reçus sur un mobile(par SMS par exemple).

Très populaire dans la communauté technophile, Twitterse démocratise rapidement. Un utilisateur de Twitter peut« suivre » d’autres utilisateurs et recevoir tous leurs messages.Les utilisateurs peuvent également adresser des messages à desinterlocuteurs particuliers. Bien que ces outils de « micropu-blication » ne disposent pas (encore) de système de géolocali-sation, ils sont déjà très utilisés en mobilité. Du fait ducaractère public des échanges, les utilisateurs répondent à desdemandes d’inconnus autant qu’à celles de leur réseau social :on peut ainsi, parce qu’on a indiqué qu’on est sur la plage ouassis à un café, se faire demander par un(e) inconnu(e) ce quel’on en pense et si la destination mérite que l’on s’y rende.

Quelques usages de Twitter par des acteurs urbainsUn des pionniers de la publication de messages sur Twitter est le LosAngeles Fire Department (1). Plus de 1600 « twits » décrivent depuis leterrain la vie et les actions des pompiers de Los Angeles. Dans la région Ile de France, le réseau ferré Transilien de la SNCF (2)

propose de suivreles informationsliées au trafic deces lignes de train.

(1) twitter.com/LAFD(2) twitter.com/transilien

La « fenêtre » Twitter du Los Angeles Fire

Departement.Source : twitter.com/LAFD

Page 27: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

472.0 : du web à la ville - Chapitre 2

Réseau social et géolocalisation : le « radar social »Encore embryonnaires en Europe et aux États-Unis, les ré-

seaux sociaux mobiles pensés pour la mobilité et couplés à desdispositifs de géolocalisation deviennent de véritables « radarssociaux ». Dodgeball(1), racheté par Google en mai 2005 et accessible dans 22 villes américaines, en est un exemple. Le service permet d’envoyer des messages de localisation

46 La ville 2.0, complexe et familière

4- Les principales technologies de géolocalisation Technologie Description Degré de précision

Cell ID (Cell identity)

100 m à 3 km (en fonction de lataille de la celluleet de la densité).

Chaque antenne (station) de téléphoniemobile dispose d’une « signature »propre. Cette signature permet d’associerau mobile, qui rentre dans la zoned’émission de la station, une coordonnéegéographique approximativecorrespondant à celle de l’antenne.

Multilatérationavec différentielde temps

250 m à 350 mLe mobile envoie un signal à au moinsdeux stations des environs. La plusproche lui renvoie le signal. Le tempsécoulé entre l’émission et la réceptiondu signal permet d’approcher lalocalisation du portable.

Triangulation 100 m à 200 mLa localisation du mobile est déterminéeà partir de sa communication avec aumoins trois stations de téléphonie. Selon l’angle d’arrivée et la puissance du signal, chaque station détermine ladirection générale et la distanceapproximative du mobile. Le croisementdonne une localisation assez précise.

GPS (GlobalPositioningSystem)

5 m à 30 m,uniquement enextérieur (nécessitéde « voir » lessatellites), sauf si des « répéteurs »sont installés dansles bâtiments.

Le GPS fonctionne grâce au calcul de la distance qui sépare un récepteur GPS de plusieurs satellites géostationnaires.Les informations nécessaires au calcul de la position étant transmisesrégulièrement au récepteur, celui-ci peut,grâce à la connaissance de la distancequi le sépare des satellites, calculer de manière précise ses coordonnées.

TriangulationWi-Fi

5 m à 10 m, y compris enintérieur.Nécessite unecertaine densitéd’équipementsWi-Fi.

La triangulation fonctionne égalemententre des bornes Wi-Fi. À partir d’unecartographie manuelle des bornesinstallées, elle permet de repérer avecprécision des mobiles en latitude,longitude et altitude. Des hôpitaux y ontrecourt pour repérer leurs équipements.

Teria : la géolocalisation au centimètre prèsCréé à l’origine par l’Ordre desgéomètres-experts pour faciliter lestravaux de ses membres, mais ouvertdepuis à d’autres usages, le réseauTeria permettra de se positionner entemps réel avec une précision prochedu centimètre n’importe où et à toutmoment sur le territoire.Le réseau se compose de100 récepteurs de signaux GPS fixes(un par département). Chaquerécepteur, dont la position est connueau centimètre près, reçoit enpermanence les signaux émis par les satellites de navigation ; ceux-ci

sont transmis à un centre de traitement à Paris qui calcule les corrections àapporter au GPS par zones géographiques. Les utilisateurs dotés d’unappareil capable de communiquer avec les récepteurs de Teria pourrontconnaître instantanément leur position en latitude, en longitude et enaltitude sur tout le territoire français avec une précision d’un centimètre(voire d’un millimètre si on patiente 2 heures). Le système peut fonctionnersur des téléphones portables. Les premières applications envisagées sontprofessionnelles, mais les promoteurs du système imaginent également des usages plus larges, par exemple pour l’accompagnement des personnesdépendantes. Fondé sur le système GPS, le réseau Teria sera compatibleavec les données du réseau européen de satellites Galileo.

Teria : le récepteur des signaux GPSSource : www.reseau-teria.com

(1) www.dodgeball.com

Page 28: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

492.0 : du web à la ville - Chapitre 2

Loopt (1), lancé lors de la sortie de l’iPhone 2 d’Apple, vaplus loin. Si le service repose également sur l’usage du GPSpour géolocaliser ses amis et entrer en contact avec eux, il yajoute des propositions de lieux dans lesquels les utilisateurspourraient se retrouver. Dans l’esprit du web 2.0, ces lieuxsont eux-mêmes issus du site Yelp (2), une sorte de « pagesjaunes » communautaire des restaurants, bars et lieux de sortiede la ville, coproduite avec les utilisateurs du site.

L’utilisation de ces outils induit un changement de para-digme dans la localisation. Dans l’usage habituel du plan, on« se localise », on cherche à déterminer où l’on se trouve surune carte d’ensemble de la ville. C’est l’image des cartes detransports affichées dans les métros ou les abribus, où le pas-sage répétitif de doigts pour montrer la station précise où l’onse trouve abime le support. Avec la géolocalisation embar-quée sur un appareil mobile, on passe à une navigation danslaquelle la ville, ses services, ses habitants, se déploient autourde soi. On n’utilise plus une carte pour savoir où l’on setrouve, on demande à la carte d’indiquer où les ressources dela ville se situent par rapport à nous.

48 La ville 2.0, complexe et familière

(check-in) depuis son téléphone mobile, pour indiquer le lieuoù l’on se trouve. Le message sera envoyé à tous les membresde son réseau mais également, si l’option est sélectionnée aussibien chez l’émetteur que le récepteur et aux amis de ses amis.

Le service est capable de traduire le nom d’un lieu réper-torié (bar, restaurant, bâtiment public, etc.) en une adresse. Ilsuffit d’envoyer un message contenant le nom du lieu pré-cédé d’un @ (at : « chez »). Grâce à ces systèmes, on va savoiren temps réel où se trouvent nos amis.

Dodgeball, comme de nombreux autres services actuels,ne géolocalise pas automatiquement les personnes. Ce sontles usagers qui vont déclarer qu’ils se trouvent à tel endroit,qu’ils vont se rendre dans tel lieu et avec qui.

La startup Ulocate auleitmotiv évocateur « ThePower of Where » (la puis-sance du « où ») utilise en re-vanche le GPS pour localiserles utilisateurs sur une carte.Son service Buddy Beaconpermet de présenter sa géolo-calisation à sa liste d’amistout en indiquant ce quel’on est en train de faire.

Buddy Beacon : géolocaliser ses amisSource : www.ulocate.com

Dodgeball réseausocial et SMS

Source :www.dodgeball.com

(1) www.loopt.com (2) www.yelp.com

Bliin : réseau social et GPSBliin est un des premiers réseauxsociaux mobiles à reposer surl’utilisation exclusive du GPS. Les utilisateurs de Bliin peuventêtre suivis en temps réel parleurs amis. Ils peuvent publierdes photos, des vidéos et destextes à propos des lieux qu’ilsparcourent ou dans lesquels ilss’arrêtent. Les contenus « géo-étiquetés » sont publiés en temps réel sur unecarte Google Maps. La géolocalisation n’est pas obligatoirement publique,l’utilisateur peut choisir d’en réserver la connaissance à ses amis, aux amisde ses amis, ou de la rendre entièrement publique.

Réseau social et GPSSource : bliin.com

Page 29: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

512.0 : du web à la ville - Chapitre 2

Fire Eagle utilise deux systèmes alternatifs pour géolocali-ser ses utilisateurs : un système déclaratif, où chaque utilisa-teur spécifie lui-même sa localisation (ce qui lui permetévidemment de mentir), et un système automatique fondé surle service propriétaire de Yahoo!, Zonetag (1). Dédié à l’origineau géo-étiquetage des photos postées dans FlickR, Zonetag estune application qui s’installe sur le téléphone mobile et utilisela localisation dont celui-ci dispose, qu’il s’agisse du GPS ouà défaut, du Cell-Id (voir tableau précedent). Le logiciel com-munique alors les coordonnées du mobile toutes les minutesà Fire Eagle.

Fire Eagle se présente donc comme un intermédiaire deprotection de la vie privée de ses utilisateurs. Ceux-ci peuventd’ailleurs, quand bon leur semble, se rendre invisibles y com-pris à la plate-forme, ou encore effacer toutes les données quecelle-ci a enregistrées.

50 La ville 2.0, complexe et familière

Des outils pour maîtriser sa visibilitéSi l’utilisation de la géolocalisation rend de nombreux ser-

vices, publier sa localisation précise en temps réel sur unecarte pose bien évidemment des questions en matière de vieprivée. Tous les services présentés proposent de choisir quinous allons autoriser à voir notre localisation. Dans les ré-seaux sociaux mobiles, par défaut, seuls nos proches peuventnous voir. On peut choisir ensuite d’élargir le cercle, de « ban-nir » certaines personnes ou encore de se rendre invisiblequand on le souhaite.

Mais la plate-forme Fire Eagle du portail Yahoo! afficheune plus grande ambition. Fire Eagle se présente en effetcomme un « tiers de confiance » de la géolocalisation. Il vas’intercaler entre l’utilisateur et les services utilisant la géolo-calisation.

Une fois connecté dans son espace privé, l’utilisateur deFire Eagle va pouvoir y inscrire des applications et, pour cha-cune d’elles, spécifier le degré de précision de l’informationde géolocalisation qu’il souhaite publier : les coordonnéesprécises, le code postal, la ville, le pays... ou rien du tout. Àpartir de ce moment, les services concernés obtiendront leursinformations de géolocalisation de Fire Eagle et non de l’uti-lisateur en direct.

Maîtriser sa visibilité. Source : www.fireeagle.com

(1) zonetag.research.yahoo.com (2) www.wikinear.com (3) www.geonames.org

Wikinear : mélanger géolocalisation et encyclopédieWikinear (2) est un service composite (mashup, en jargon web 2.0) simplequi présente les cinq lieux d’intérêts de Wikipédia les plus proches del’endroit où l’on se trouve. Il se base sur les entrées Wikipedia, la base de donnée ouverte de localisation Geonames (3), une carte google maps, et utilise la plate-forme Fire Eagle pour la localisation.

Les « pages »wikipédia proposéespar Wikinear.Capture d'écran à partir de l’adressede la Cantine, au 151 rueMontmartre, Paris.Source :www.wikinear.com

Page 30: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

532.0 : du web à la ville - Chapitre 2

l’espace urbain. La chercheuse japonaise Mizuko Ito (1) décritcette nouvelle forme de rencontre : « auparavant, on décidaitdu lieu et du moment et l’on convergeait vers ce lieu au mo-ment prévu. Aujourd’hui, les adolescents s’accordent plutôtsur une plage horaire et un quartier, puis échangent entre 5 et15 messages qui convergent progressivement vers une heureet un endroit, en une sorte de danse coordonnée au cœur dela jungle urbaine. »

Les réseaux sociaux mobiles et la géolocalisation font ce-pendant passer ces pratiques à un niveau supérieur. Les utili-sateurs de ces services ne s’accordent même plus sur une plagehoraire, ils repèrent leurs amis sur leur « radar social » et déci-dent de rentrer en contact ou de se retrouver au gré de leursenvies.

La publication de sa géolocalisation est un prétexte, unpoint de départ pour démarrer une conversation. Lorsquel’on dit « je suis à tel endroit », on indique aussi que l’on estdisponible pour entrer dans une relation et ouvert à fairequelque chose en groupe. Pour le sociologue Dominique Car-don, d’Orange Labs (2), « cette forme de coordination, touted’opportunité, de dernière minute et d’imprévu ajusté entemps réel, lie le territoire au réseau social d’une manière quin’est pas sans rappeler les formes de « coopérations faibles »dans le monde des réseaux sociaux. Dans les réseaux sociaux,la planification de la coopération est distribuée sur le réseaud’amis qui offre un ensemble d’opportunités pour réaliser desactions communes. Dans les réseaux sociaux mobiles, la lo-calisation sur un plan public et partagé dessine un tissu d’op-portunités pour produire des rencontres sans avoir à lescalculer. »

52 La ville 2.0, complexe et familière

3- L’espace des microcoordinations

Si les pratiques et les impacts des réseaux sociaux sur leweb commencent à être étudiés par les chercheurs, leursusages en mobilité demeurent aujourd’hui mal connus. Plu-sieurs chercheurs travaillent néanmoins sur le sujet et leurspremières analyses sont riches d’enseignements.

Lee Humphreys, du département des Arts de la communi-cation de l’université du Wisconsin, propose ainsi une étudedu réseau social Dodgeball (1). Plusieurs points montrent queles usages des réseaux sociaux en mobilité modifient le rap-port que les utilisateurs entretiennent avec l’espace urbain.

La coordinationLa majorité des messages envoyés entre les utilisateurs du

service remplissent une fonction de coordination. Les indivi-dus vont dire à leur réseau où ils sont et où ils vont, ce qu’ilsfont et avec qui ils se trouvent.

Ces petits messages fonctionnent comme un substitut àla planification. Les utilisateurs s’en servent pour se retrouverau gré de leurs déplacements dans la ville. La planificationpréalable, souvent dévoreuse de temps, est remplacée, notam-ment dans des contextes festifs, par la localisation et la coor-dination en temps et en lieux réels. En se déplaçant dans unquartier, les utilisateurs peuvent, suivant leurs envies rencon-trer des personnes proches de leur localisation. Ces rencontresopportunistes permettent d’éviter les engagements préalables.

Ces formes de coordination n’ont certes pas attendu lesréseaux sociaux mobiles. Les téléphones mobiles ont déjàtransformé la manière dont s’organisent les rencontres dans

(1) « Mobile Social Networks and Social Practice: A Case Study of Dodgeball », Journal ofComputer-Mediated Communication, 2007 - http://jcmc.indiana.edu/vol13/issue1/humphreys.html

(1) « La rencontre augmentée », Mobilités.net, Fing/LGDJ, 2004.(2) « Les sciences sociales et le web 2.0 », Internet Actu, 2008 - www.internetactu.net/2008/02/18/

Page 31: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

552.0 : du web à la ville - Chapitre 2

dront leur chemin. Plutôt poétique et spontané dans les pre-miers temps, le phénomène des flashmobs s’est depuis bana-lisé et transformé en événement médiatique.

De son côté, le réseau Peuplade a permis d’organiser dessoirées insolites, par exemple un dîner dans le métro Parisien.Les « Peupladiens » se coordonnent sur le réseau et se retrou-vent pour un moment partagé dans un lieu imprévu.

54 La ville 2.0, complexe et familière

La sérendipité décupléeLa « sérendipité » décrit le phénomène qui consiste à trou-

ver quelque chose d’intéressant de façon imprévue en cher-chant autre chose, voire rien de particulier. Si le cœur de sonréseau est généralement constitué de « liens forts », il s’étendrapidement aux amis des amis. Cette sociabilité issue de l’uti-lisation des sites sociaux mobiles permet d’élargir le cercle desproches « à une nébuleuse urbaine de liens opportuns », desgens croisés dans d’autres lieux et réseaux que les siens, maisavec qui on va rester en contact grâce au service.

Se réapproprier la villeL’usage des réseaux sociaux mobiles impacte également la

vision et la pratique collective de la ville. Grâce à ces infor-mations « géo-sociales », des lieux dans la ville vont être(re)découverts par des citadins et des visiteurs. Ceux-ci se dé-placent dans la ville en fonction des informations qu’ils re-çoivent à propos des lieux, des évènements et des actions desautres utilisateurs. S’ils apprennent qu’un ami se trouve à telendroit, ils peuvent l’y rejoindre et, ce faisant, ils contribuentà rendre le lieu plus attractif pour d’autres membres de leursréseaux respectifs. Cette information agit comme un cataly-seur. Les réseaux sociaux mobiles contribuent ainsi à une ex-périence collective de la mobilité dans l’espace public.

Ces formes de coordination peuvent atteindre des échellesimportantes. Les informations sur les fêtes ou les rave partiessont données aux participants au dernier moment puis l’in-formation circule et les personnes se retrouvent à l’endroit in-diqué. Le phénomène des flashmobs (foules éclairs) participeégalement de ces coordinations. La flashmob est un événe-ment éphémère, coordonné, via le réseau et qui se dérouledans l’espace public. À l’heure dite, les quelques dizaines oucentaines de participants vont tous ensemble se mettre à dan-ser (Londres) se figer sur place (Grand Central Station à NewYork) faire une grande bataille de polochons (San Francisco),etc. Quelques moments plus tard, ils s’arrêteront et repren-

Bataille de polochons dans les rues de San FranciscoSource : www.flickr.com/photos/loupiote/© Tristan Savatier

Page 32: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

572.0 : du web à la ville - Chapitre 2

nous croisons régulièrement dans la ville, que nous neconnaissons pas, avec qui ne nous parlerons peut-être jamais,mais qui contribuent au sentiment de familiarité et de sécuritéque nous éprouvons quand nous les croisons quelque part.

Les « néo-Bedouins » d’Amérique, ces travailleurs indépen-dants, activistes, entrepreneurs de San Fransisco, de New Yorkou de Montréal, généralement actifs dans les services numé-riques, sont les premiers à avoir consciemment mis en œuvreles idées de Ray Oldenburg. Vivant d’une manière mobile, dé-couragés par les embouteillages, ils ont cherché des lieux ac-cueillants (et connectés) pour se poser, travailler, organiserleurs réunions. La chaine de cafés Starbucks a, la première, re-péré et exploité ce besoin en faisant de ses cafés des espacesconfortables pour passer, discuter, se réunir ou au contraire,lire ou travailler un moment au calme. Dans la continuité decette démarche, StarBucks a été l’une des premières chaines àoffrir à ses clients un accès internet sans fil.

56 La ville 2.0, complexe et familière

4- De nouveaux lieux

Ces microcoordinations se polarisent aussi dans de nou-veaux lieux qui pourraient devenir les points cardinaux d’unenouvelle forme de sociabilité urbaine.

En 1989, dans un ouvrage intitulé The Great Good Place (1),le sociologue américain Ray Oldenburg s’intéressait à la nais-sance de nouveaux lieux urbains intermédiaires entre le do-micile et le travail et adaptés à un style de vie urbainindividualisé et mobile : les « tiers lieux » (third places). Ceslieux ne sont pas des « espaces publics » au sens classique, telsque les parcs, places ou gares. Ce sont, au contraire, le plussouvent des espaces privés qui deviennent en quelque sortepublics « par destination », en favorisant l’éclosion de liens etles coordinations : des cafés, des lieux associatifs, des salonsde coiffure, des superettes, etc.

Pour Oldenburg, ces « troisièmes lieux » sont une des cléspour entretenir la sociabilité urbaine. Le tiers lieu est un lieuneutre dans lequel les relations hiérarchiques de travail sontabolies et les réseaux se relient les uns aux autres. Les amis oc-casionnels, les habitants d’un quartier, les professionnels d’unsecteur, les membres d’un réseau, etc., s’y retrouvent et enfont le noyau de leur communauté. Parmi les utilisateurs ré-guliers, la conversation est le centre des activités et l’humeurest détendue. Les rencontres informelles et familières dans ceslieux n’ont pas à être planifiées entre les individus, les per-sonnes s’y croisent et s’y retrouvent.

Outre leur rôle de point focal pour des communautésconstituées, ces lieux produisent aussi une forme de familia-rité « faible » avec ceux que les Anglo-saxons appellent les « fa-miliar strangers » (les étrangers familiers), ces personnes que

(1) The Great Good Place: Cafes, Coffee Shops, Community Centers, Beauty Parlors, GeneralStores, Bars, Hangouts and How They Get You Through the Day, Paragon House, 1989.Né en 1932, Ray Oldenburg est sociologue, professeur émérite au département de sociologie et d’anthropologie à l’université de l’Ouest Pensacola, Floride.

Des « néo-Bédouins » sur leur lieu de travail© Phographie extraite du journal San Fransisco Gate. Source : www.sfgate.com

Points focaux de nombreux réseaux personnels ou profes-sionnels, les tiers lieux deviennent aussi des espaces de ren-contre où se tissent des liens inattendus, où se dessinent depossibles partenariats. Ces lieux se connaissent entre eux, ilsse connectent pour relier leurs communautés respectives. Petità petit, la fonction de ces lieux se formalise, se profession-nalise, voire se segmente : il y a les espaces communautairessouvent délibérément bruts et anarchiques (les squats et« friches » en sont les symboles) ; les cafés, bars et lounges

Page 33: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

58 La ville 2.0, complexe et familière

connectés, accueillants et soumis à la mode, les co-workingspaces plutôt destinés aux travailleurs nomades et aux entre-preneurs en devenir qui cherchent un coin de bureau pourquelque temps dans un lieu propice aux échanges…

Les réseaux sociaux, fixes et mobiles contribuent au succèsde ces lieux en y favorisant les rencontres. Il est d’ailleurs in-téressant de constater que c’est dans les communautés d’uti-lisateurs intensifs, voire de professionnels et d’activistes du« virtuel », que ce besoin de lieux physiques s’est matérialiséen premier et qu’il se concrétise à l’aide d’outils numériqueset mobiles.

La Cantine : un « tiers lieu » à Paris ? La Cantine est le premier espace de travail collaboratif en réseau (co-working space) créé à Paris, relié à d’autres structures en France et à l’étranger (San Francisco, Barcelone, Montréal, Sao Paulo…). Cet espace très facilement reconfigurable a été conçu dans le but defavoriser les rencontres, les échanges et les coopérations, dans un espritd’ouverture et de croisement des réseaux. On peut y venir prendre un café,se réunir à deux ou à vingt, y louer un coin de table pour travailler unematinée ou un mois, organiser une soirée ou une grande manifestation.L’espace décloisonné fait en sorte que ces différentes activités cohabitent,trouvent un modus vivendi et plus encore, imaginent des connexionspossibles. La cantine a pour but de faire se croiser des mondes quitravaillent dans des lieux éclatés afin de mutualiser les moyens et lescompétences entre développeurs, entrepreneurs, usagers, artistes,chercheurs et étudiants. Ouverte fin janvier 2008, elle a immédiatementattiré un public très large et divers. Plus de 500 événements de toutesnatures s’y sont déroulés en moins d’un semestre.D’autres Cantinessont endéveloppement àParis et dans lesrégions françaises.

Photographie d’uneambiance de travail par Nonek© Noneck

Page 34: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

59

Chapitre 3

Ce matin, Jean-Louis doit se rendre depuis son domicile,à Montreuil, jusqu’à la place de la Bastille pour un rendez-vous de travail, puis trouver un restaurant pour inviter soncollègue à déjeuner.

Avant de partir, il allume sonordinateur afin de planifier samatinée. Soucieux de sa santé, ilse rend tout d’abord sur le sitede la « montre verte », un projetde cartographie de la pollutionurbaine à une échelle très fine.Le site lui indique que son trajet

est aujourd’hui vert, la qualité de l’air dans cette partie de laville est correcte. Jean-Louis décide de prendre un Vélib’. Il serend sur le site Un Vélo Vite(1). En entrant son adresse etl’adresse d’arrivée, le service lui propose sur une carte les sta-tions les plus proches de chez lui disposant de vélos libres,ainsi que le trajet pour se rendre à la station Vélib’ la plusproche de son rendez-vous.

Le site Qype lui propose ensuite quatre restaurants àmoins de 300 mètres du lieu de la réunion. Son choix se porte

La carte : uneinterface et uneinfrastructure

(1) www.unvelovite.com

Un restaurant noté par les internautes dansDisMoiOu. Source : www.dismoiou.fr

Page 35: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

61La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

milliers d’autres éditeurs de services de toutes tailles et toutesorigines, et les utilisateurs eux-mêmes. Ces derniers sont eneffet appelés à inscrire eux-mêmes des informations sur lescartes, que ce soit pour localiser leurs photos ou le lieu de ren-dez-vous qu’ils proposent à leurs amis, pour présenter un res-taurant et en commenter la qualité ou, comme dans certainsprojets coopératifs (community mapping), pour participer à laconstruction des fonds de cartes eux-mêmes.

En dehors des milliers de sites, dont le fonctionnementmême se fonde sur des cartes, il devient également facile,voire immédiat, d’insérer une carte personnalisée dans un ar-ticle de blog, ou dans la barre de navigation d’un site, parexemple pour indiquer où se trouvent les bureaux d’une en-treprise, d’où viennent les visiteurs du site, où se trouve l’au-teur, etc. C’est ainsi qu’on trouve désormais en ligne desmillions de cartes dynamiques, interactives et enrichies demille manières.

L’explosion des usages des cartes a ainsi préparé, et accom-pagne désormais, l’utilisation des techniques de géolocalisa-tion et de production de données elles-mêmes géolocalisées.Mais, en chemin, ce mouvement aura aussi transformé laplace et l’usage de la carte.

Le désarroi paradoxal des géographesLes géographes pourraient se réjouir du fait que le monde

du numérique et des réseaux retisse aussi rapidement, par l’in-termédiaire de la carte, son lien avec le territoire physique.Mais on sent également chez eux une certaine, et compréhen-sible, inquiétude.

Les géographes ont depuis longtemps appris à tirer partidu numérique. Leurs outils sont numériques depuis long-temps. Les systèmes d’information géographiques (SIG), uti-lisés par les collectivités territoriales, les services de la sécuritécivile, les architectes, urbanistes et planificateurs de l’espacesont devenus des outils indispensables de connaissance, deplanification et d’aide à la décision.

60 La ville 2.0, complexe et familière

sur un établissement auquel 23 utilisateurs de Qype ont dé-cerné une note moyenne de 8 sur 10.

Comme il prévoit d’arriver en avance, il se connecte enfinsur le « wiki cartographique » DisMoiOu(1) pour rapidements’informer des ressources intéressantes à proximité de sa destina-tion. La carte affiche une multitude de points. Par chance, iltrouve dans une rue adjacente un magasin spécialisé dans la plon-gée sous-marine, sa passion, dont les utilisateurs de DisMoiOuvantent l’excellente librairie. Il s’y arrêtera en passant.

Tous les services décrits ci-dessus ont un point commun :ils se basent sur des cartes. Plus qu’hier, les cartes, désormaisinteractives, cliquables, communautaires et évolutives, de-viennent des clés d’accès à la ville. Elles sont le support d’unnombre croissant d’informations, de services, de contenus.Elles deviennent en fait une infrastructure de la ville, aumême titre que la voirie, les bâtiments et les réseaux de com-munication.

Des cartes partout et… par tousEn très peu d’années, la carte est en effet devenue un sup-

port majeur de création de services numériques, d’abord surle web, désormais sur les mobiles, en passant bien sûr par lessystèmes de navigation installés dans les véhicules. En ligne,on fait tout, ou presque, sur une carte : on se repère, s’orienteet se guide, bien sûr ; on y localise toutes sortes de ressourcesprésentes sur un territoire ; on y attache des informations, desphotographies, des vidéos, des petites annonces ; on y retraceses itinéraires et les commente ; on y décrit les dégâts d’unetempête ; on discute de l’organisation du quartier ; on y orga-nise des jeux urbains, etc. Mais surtout, depuis le lancementen 2005 de Google Maps, ce « on » désigne à la fois Google (2)

– qui propose son propre service de calcul d’itinéraires –, des

(1) http://dismoiou.fr(2) Google Maps a naturellement des concurrents, en particulier Yahoo! et Microsoft (Live SearchMaps), ou encore, en France, le Géoportail de l’Institut géographique national. Mais son avancesur les autres services demeure considérable.

Page 36: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

63La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

1- Une carte en lecture et écriture

La carte, produite et consultable par tousGrâce aux outils géographiques issus du web 2.0, il est

devenu très simple de produire ses propres cartes et de lesrendre consultables par tous sur le réseau.

6 Faites-la vous-même

62 La ville 2.0, complexe et familière

La « cartographie 2.0 » n’a donc pas eu besoin d’une rup-ture technologique au contraire, les outils sur lesquels elles’appuie sont souvent beaucoup plus frustes que ceux des pro-fessionnels. Les changements qu’elle introduit se situentailleurs, à trois niveaux :

D’une part, la différence entre « carte » (outil de connais-sance et de décision qui s’intéresse au territoire) et « plan »(outil de repérage et de navigation qui s’intéresse aux lieux etaux itinéraires) tend à s’estomper. Les cartes du web sont sou-vent utilisées comme des plans, mais quand on y ajoute laphoto d’un lieu, quand on la regarde à une échelle assez pe-tite, c’est bien le territoire que l’on voit et c’est sur lui qu’onintervient.

D’autre part, la carte devient cliquable et actionnable, nonplus par un technicien spécialisé au sein du centre de contrôledu réseau de distribution d’eau, mais par tout un chacun. Leseffets du clic sur une carte ne sont plus les mêmes, mais ilsdemeurent incontestables : un téléphone sonne, deux per-sonnes convergent pour se retrouver, un rassemblement seforme, une information s’affiche sur un écran public, un vé-hicule partagé s’apprête à accueillir un conducteur…

Enfin, les individus s’habituent à écrire sur la carte et sur-tout, à ce que leurs annotations deviennent pérennes et vi-sibles par d’autres. Les professionnels ne sont plus les seuls àproduire les cartes, ils sont submergés par une marée d’ama-teurs et plus encore, de touristes, de commentateurs occasion-nels, de photographes du dimanche, de militants…

Les cartes et les plans classiques ne disparaissent pas. Maisd’autres catégories de cartes apparaissent et avec elles d’autresacteurs, d’autres usages et d’autres interactions. Et le fait quedes millions de personnes prennent l’habitude d’interagiravec des cartes, au point d’y contribuer, change nécessaire-ment le paysage. Il ouvre la voie à l’émergence de nouveauxservices urbains. Et il modifie, dans des proportions encoremal connues, la manière dont les citadins interagissent avecleur ville.

Le service Click2Map (1), basé sur les fonds de carte Google Maps (2), permet par exemple de produire soi-mêmedes cartes numériques. En quelques clics, il est possible d’ajou-ter à un fond de carte des marqueurs géolocalisés auxquels onpeut attacher du texte, des images, des vidéos. La carte qui enrésulte peut ensuite être exportée sur un site web grâce à l’ajoutd’un petit bout de code. L’Agence régionale des technologies etde la société de l’information de la région Île-de-France (Artesi)utilise ce service pour cartographier tous les espaces publics

La carte des espaces publics numériques (EPNs) en Île-de-France.Source : http://generator.click2map.com

(1) click2map.com(2) Eux-mêmes achetés par Google à divers fournisseurs tels que Tele Atlas.

Page 37: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

65La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

6 La carte comme outil d’interaction et de participation

Si ces nouveaux outils permettent de créer des cartes sim-plement, certains permettent également de les partager avecd’autres utilisateurs.

« Décrivons le monde entier » : c’est le slogan de Wikima-pia (2), un projet lancé par les russes, Alexandre Koriakine etEvgeniy Saveliev, qui proposent aux utilisateurs de situer etde décrire un lieu ou un bout de territoire. Sur les fonds (decartes, mais aussi de photos satellites) issus de Google, onpeut y représenter les arrondissements de Marseille, un bâti-ment, un axe routier, son propre domicile. La description

peut comprendre un texte, desphotos et des liens vers d’autrespages web. Ceux qui la consul-tent peuvent la commenter ou,lorsque ce n’est pas fait, la tra-duire. En revanche, ils n’ont pasla possibilité de la modifier. Fin2008, Wikimapia revendiquaitprès de 9 millions de contribu-tions, c’est-à-dire de lieux décrits.

64 La ville 2.0, complexe et familière

numériques de son territoire. Un simple fichier issu d’un ta-bleur suffit : le service reconnaît les adresses postales, les trans-forme en coordonnées géographiques et les « projette » surune carte interactive. Chaque point représentant un espacepublic est cliquable et révèle alors ses coordonnées physiqueset numériques (site web par exemple).

Maplib (1) permet également de créer des cartes cliquables.En revanche, s’il utilise les cartes de Google comme supportdes cartes géographiques habituelles, il permet aussi de créeret de transformer n’importe quelle image en carte, à laquelleon ajoutera ensuite des marqueurs, des descripteurs de zones,des icones de tailles et de formes différentes. Un auteur a parexemple publié la carte de la Terre du Milieu, où se déroulele roman Le Seigneur des anneaux, afin d’y situer les principalesbatailles, les événements marquants, l’itinéraire des princi-paux protagonistes, etc. De leur côté, les bibliothécaires del’université de Québec pensent utiliser le système avec lesplans des rayons pour indiquer où se trouvent les collections,les types d’ouvrages, etc.

(1) www.wikimapia.org(2) www.marseilleforum.com(3) Un wiki est un site dont tout utilisateur peut écrire et modifier le contenu. Le wiki le plus connu est Wikipédia.

Carte des batailles du roman de TolkienSource : http://www.maplib.net

(1) maplib.net

À l’origine un site de discussion et d’échange destiné auxmarseillais, Marseille Forum(2) évolue également vers unesorte de « wiki cartographique »( 3). Ses utilisateurs sont appelésà signaler et décrire des lieux de la ville. Les lecteurs peuventà leur tour enrichir ou corriger les informations insérées pard’autres utilisateurs. La carte se nourrit au fur et à mesure descontributions des utilisateurs.

La Cantine dans Wikimapia.Source : wikimapia.org

Page 38: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

67La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

Chaque carte personnelle forme ainsi une sorte de calquesuperposé sur un fond de carte commun qui peut ensuite sesuperposer à d’autres « cartes-calques » produites par d’autrespersonnes. Si ces autres cartes sont modifiées, la carte super-posée le sera aussi. Le service « Mes cartes » devient ainsi unvéritable moteur de recherche d’information géographiquesur lequel les cartes ne sont plus isolées, mais participent lesunes des autres.

Vers une néo-géographie ?La géomatique, qui regroupe l’ensemble des outils et mé-

thodes informatiques permettant de représenter, d’analyser etd’intégrer des données géographiques, subit ainsi une révolu-tion dont l’ampleur et la signification continuent d’être dé-battus.

L’initiative des grands acteurs du web, qui ont proposé àpartir du début des années 2000 des systèmes simples de pro-duction et d’exploitation de cartes numériques interactives, arencontré une réponse enthousiaste, tant du public que demilliers de producteurs de sites web et de services mobiles.Elle coïncide avec la démocratisation des puces GPS. Et cesdeux mouvements produisent, à leur tour, une multiplicationdes données géolocalisées, qui ajoutent de la valeur aux carteset aux services localisés.

Hier réservée aux professionnels et aux experts, par l’in-termédiaire des systèmes d’information géographiques (SIG)lourds et coûteux, la géomatique s’ouvre aux amateurs, voirese transforme en un phénomène de masse. À l’image du pas-sage du web 1.0 au web 2.0, cette géomatique nouvelle per-met, en particulier au plus grand nombre, de publier,compléter, annoter, combiner des cartes numériques, et d’enimaginer des usages inédits.

Pour certains, il s’agit d’une transformation profonde, aupoint que l’on parle parfois de « néo-géographie ». Là où lagéomatique traditionnelle recherche la précision, la rigueur etla lisibilité au travers d’une approche très formalisée portée

66 La ville 2.0, complexe et familière

Ces « cartes wiki », qui permettent à tous de participer etde révéler les ressources du territoire et de la ville, sont enplein essor. Le service DisMoiOu se présente ainsi comme unnouveau guide urbain géolocalisé et fondé sur les contribu-tions de ses utilisateurs. Ceux-ci peuvent indiquer et décriren’importe quel « lieu » de la ville, du bon restaurant à la sallede sport, en passant par son banc public préféré pour lire.Chaque entrée peut également être notée et commentée parles autres utilisateurs. Les entrées sont classées par théma-tiques, mais on peut également les retrouver d’autres ma-nières : en cherchant autour d’un endroit précis, en indiquantses goûts pour recevoir des propositions, en enregistrant seslistes de lieux favoris ou à tester…

6 « Agréger » les cartes numériquesLa fonction « Mes cartes », proposée par Google Maps,

permet à un individu de créer ses propres cartes, mais ausside la partager avec ses amis, voire au-delà. Si l’option corres-pondante a été retenue, les visiteurs de cette carte pourront àleur tour l’annoter et la compléter. Les thématiques abordéesdans ces espaces cartographiques sont très variables : lesmeilleurs restaurants de la ville, les lieux les plus propicespour pratiquer le kitesurf, le shopping à Bordeaux, les ba-tailles de l’Histoire de France, les blogs locaux des correspon-dants du journal Le Monde, etc.

Le quartier du vieux portdans Marseille Forum.Source :www.marseilleforum.com

Page 39: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

69La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

Dans la « cartographie 2.0 », il n’y a pas de légende, ou trèsrarement. La plupart des guides urbains et des services de« bonnes adresses » sur le web représentent toutes les res-sources qu’ils décrivent de la même manière, par une punaise,une « sucette » ou tout autre pointeur – mais rien ne permetde savoir ce qui est décrit avant de cliquer sur le pointeur.Certains sites, tels que JusteACoté (1), proposent différentssymboles pour représenter les ressources de la carte, mais sanslégende apparente. Une fourchette va désigner des lieux pourse restaurer, un stéthoscope les professions médicales, un foot-balleur les lieux dédiés au sport, etc. On suppose implicite-ment que les symboles parlent d’eux-mêmes, ce qui n’est vraique dans un nombre limité de cas et pour un nombre limitéde personnes : il n’y a rien de plus culturel qu’un symbole...

68 La ville 2.0, complexe et familière

par des professionnels, la néo-géographie reposerait presquesur le contraire. L’abondance de données en compenseraitl’imprécision ou la disparité. La simplicité et l’ouverture desoutils, qui permet de multiplier les représentations et les ap-plications, ferait émerger à posteriori des connaissances et despistes d’action qu’une approche analytique ne saurait pasvoir. Et l’intervention des utilisateurs à tous les niveaux favo-riserait l’appropriation démocratique des questions territo-riales, dans un dialogue renouvelé avec les experts et lesdécideurs.

6 Des objectifs différentsMais la cartographie et la « cartographie 2.0 » ne poursui-

vent en réalité pas le même but. La cartographie classique,dont sont issus les SIG, cherche à produire de l’analyse spa-tiale ; la cartographie 2.0 se consacre d’abord à organiser l’in-formation d’une manière différente, en la plaçant sur un fondde carte pour décrire le territoire et situer ses ressources. S’illui arrive de produire de l’analyse, c’est souvent à posteriori,comme un sous-produit.

Pour construire une carte, la cartographie classique s’ap-puie sur une méthodologie, des règles et des normes, un lan-gage dont il faut connaître l’alphabet (les signes) et lagrammaire (les règles de la cartographie, notamment la pro-portionnalité et la hiérarchisation). La cartographie 2.0, deson côté, est produite et utilisée par des individus qui ne maî-trisent et ne partagent presque aucun de ces codes. C’est sa ri-chesse, source de diversité et d’innovation, c’est aussi – pourl’instant du moins – sa limite.

6 Légendes et mots-clésLa légende est un élément nécessaire à la compréhension

des phénomènes analysés et au repérage des lieux décrits parune carte. Un espace réservé décrit tous les signes représentés :des points, des lignes, des dégradés de couleurs, des icônes.(Voir illustration page de droite).

Un exemple de légendecartographique.http://www.mgm.fr

Les « sucettes »du serviceDisMoiOuSource :www.dismoiou.fr

(1) www.justeacote.com

Page 40: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

71La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

l’importance relative à donner aux informations représentées,de la manière de décrire les différences. Par exemple, au tra-vers d’une représentation proportionnelle des informations.Dans ce cas, la taille du point de couleur représentant une villesera proportionnel au nombre de ses habitants, et celle de laflèche indiquant les mouvements migratoires au nombre demigrants. Cette hiérarchie est « dessinée » dans la légende, maiségalement dans les symboles représentés, les hachures, les cou-leurs, les surfaces, les tailles de caractère.

70 La ville 2.0, complexe et familière

On notera aussi que l’immense majorité des services àbase de cartes ne connaît que des points (et à la rigueur desaxes, lorsqu’ils proposent des recherches d’itinéraires), etpresque jamais des surfaces, qui sont indispensables à beau-coup de cartes traditionnelles. Des moyens simples de repré-senter et décrire des surfaces sont cependant en traind’émerger sur le web.

S’ils ne disposent pas de légende, les services cartogra-phiques utilisent en revanche des mots clés insérés par les uti-lisateurs, ainsi que des catégories prédéfinies afin de classerl’information. L’utilisation de ces sites passe alors par le choixpréalable d’une ou plusieurs clé(s) d’entrée : une adresse, untype de lieu… Mais si le nombre de réponses est grand, ou sil’échelle retenue est trop petite, l’utilisateur verra s’afficherune multitude de marqueurs géographiques indifférenciés quine se révèleront à lui que lorsqu’il cliquera dessus. Ce quisemble faire l’attrait d’une localisation dynamique des res-sources du territoire à travers une entrée cartographique : « jeme place à une certaine adresse, et autour de moi apparaissenttoutes les ressources possibles, cafés, restaurants, médecins,etc., visibles d’un seul coup d’œil », apparaît ici très peu clair.

L’affinement des critères de recherche, ou encore leur croi-sement, permet de produire des cartes cette fois beaucoup pluspertinentes : « uniquement les restaurants chinois bien côtés ;les bons coiffeurs et les bons parfumeurs ». Encore faut-il queles descripteurs soient suffisamment précis et cohérents, quele vocabulaire de l’utilisateur soit cohérent avec les mots deceux qui ont entré les informations, et que l’utilisateur sacheaussi précisément ce qu’il désire – alors qu’un plan doit aussipermettre de ne pas savoir a priori ce que l’on cherche.

6 Hiérarchisation et recommandationsDans la construction d’une carte classique, la hiérarchie

des informations publiées est essentielle. Il s’agit d’abord dechoisir ce qui n’apparaîtra pas sur la carte, parce qu’hors sujet,ou peu significatif au regard de son objet. Ensuite, décider de

Dans une cartographie 2.0, où un très grand nombre depersonnes participe à la création de la carte, il n’y a pas de réelchoix de hiérarchie dans les lieux présentés et ceux-ci appa-raissent tous à la même échelle. Un café a la même impor-tance qu’un établissement de soin dentaire, une antenneWi-Fi qu’un musée. L’absence de hiérarchisation est à priorien partie contournée par les recommandations laissées par lesdifférents contributeurs : notations, commentaires, liens, etc.La hiérarchie émerge donc à posteriori, à partir des actions desinternautes, et se révèle plutôt par l’usage de filtres (les restau-rants les mieux classés, les plus beaux sites touristiques, lesboutiques de mode les plus commentées).

Les recommandations dans QypeSource : www.qype.fr

Page 41: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

73La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

dans un environnement urbain, elle peut aussi, une fois agré-gée (et anonymisée), permettre de saisir en continu le « poulsde la ville » : où sont, où vont les gens, les véhicules, les mar-chandises, et quels itinéraires suivent-ils dans la journée ?Comment fonctionnent les infrastructures ? Quels espaces,quels lieux d’accueil, quels services sont saturés ou aucontraire, sous-utilisés à un instant donné ? Où rencontre-t-on, à différents moments, le plus ou le moins de problèmesde pollution ou de sécurité ?...

Une fois mises en perspective de manière collective et gé-néralement représentées sur un fond cartographique, ces don-nées individuelles permettent de décrypter les dynamiquesurbaines d’une manière totalement nouvelle, et éventuelle-ment en temps réel. Pour le chercheur Fabien Girardin(1), « cesinformations augmentent la perception de l’espace de la villepar ses habitants et façonnent leur prise de décision, commeun bulletin météo suggère notre habillement ».

72 La ville 2.0, complexe et familière

2- Le pouls de la ville

L’évolution des technologies permet désormais de doterun grand nombre d’objets de circuits intégrés capables d’ob-server, de mesurer, de communiquer et d’agir. Ces identifieurs(puces RFID par exemple), capteurs et actionneurs se rencon-trent déjà dans (ou sur) un nombre croissant de machines,d’appareils électriques, de véhicules, d’emballages, d’objetsquotidiens, d’équipements, d’espaces publics... Nos automo-biles, nos téléphones mobiles, nos cartes de transport ou de fi-délité, nos moyens de paiement produisent sans cesse des« traces » électroniques. Une myriade de capteurs urbainscomptabilisent les flux de voitures et de vélo en libre service,suivent les flottes de camionnettes ou de bus, mesurent laqualité de l’air ou le bruit, détectent les embouteillages, sur-veillent le fonctionnement des réseaux d’eau et d’électricité,régulent l’accès aux transports publics ou aux immeubles debureaux, surveillent les espaces publics.

Cette omniprésence d’objets capables de capter, de traiter,de communiquer de l’information et de se géolocaliser faitpartie de ce que l’on désigne par « intelligence ambiante ». LaCommission européenne la décrit de la manière suivante :« Les individus seront entourés d’interfaces faciles d’utilisa-tion, enfouies dans toutes sortes d’objets, et par un environ-nement quotidien capable de les reconnaître et de leurrépondre de manière fluide, voire invisible. » On parle égale-ment « d’informatique omniprésente » ou « ubiquitaire ».

Une nouvelle perspective urbaineLa masse considérable de données que produisent ces ob-

jets et ces espaces, devenus communicants, peut représenterune menace pour la vie privée, voire pour les libertés. Mais

(1) Fabien Girardin est doctorant de l’université Pompeu Fabra à Barcelone (Espagne). Il est également affilié au Senseable City Lab au MIT (Massachusetts Institute of Technology).Il s’intéresse à l’intégration des technologies et de l’intelligence ambiante dans nos environnementsurbains et étudie les traces numériques que « sèment » les gens dans le monde physique.

Le pouls de la villeimage Rome Real Time, issue du site information aestheticsSource : http://infosthetics.com

Page 42: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

75La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

De son côté, Fabien Girardin (1) a travaillé sur le taux d’oc-cupation des stations Bicing, le système de vélo en libre ser-vice de la ville de Barcelone. Les données collectées sontreprésentées par des parallélépipèdes qui changent de taille etde couleur en fonction du nombre de vélos disponibles àchaque station. Les flux représentent bien les différents tempsde vie des Barcelonais. Durant la semaine, les stations péri-phériques se vident le matin au profit des stations du centreville abritant les lieux de travail. Cette tendance s’inverse lesoir. Mais le week-end, les stations proches des plages se rem-plissent rapidement. Si ces tendances sont connues, une re-présentation graphique permet aux utilisateurs de mieuxcomprendre le système, de prévoir, voire même de réfléchirautrement à leur mode de vie.

74 La ville 2.0, complexe et familière

Regarde la ville vivreAux frontières de l’art, du design et des sciences sociales,

le projet Real Time Rome(1) du MIT (États-Unis) a exploitéles données issues des communications mobiles ainsi que lesdéplacements des bus et des taxis de la ville de Rome. Les re-présentations qui en sont issues composent un portrait saisis-sant et inédit de la ville : où se trouvent les habitants à uninstant donné ? Quels événements les incitent-ils à s’appeler ?Les taxis et les bus desservent-ils les espaces les plus densé-ment peuplés ? Le système de transport public répond t-il àla demande ? Comment les gens se déplacent-ils dans la ville ?Les représentations issues du projet ont ainsi donné lieu à desanalyses de la part des acteurs professionnels de la ville, maiségalement à une exposition publique. Et celle-ci a permis deprendre conscience de la puissance de telles représentationspour susciter l’échange et faire émerger, à l’échelle des ci-toyens, des discussions nouvelles sur le fonctionnement etl’avenir d’une ville ou d’un quartier.

Dans le projet Cascade on Wheels (2), les étudiants du Me-dialab Prado de Madrid ont visualisé la circulation automo-bile. Grâce à des capteurs disséminés dans les rues, ils ont pumesurer le passage des taxis, des voitures, des bus et des ca-mions dans la ville. La représentation en trois dimensions deces flux sur une carte aide à en mesurer la concentration.

(1) http://senseable.mit.edu/realtimerome(2) http://trsp.net/cow/

Représentation graphiquede la circulation dans laville de Madrid.Image issue du siteCascade on Wheels.Source :http://trsp.net/cow/

(1) liftlab.com/think/fabien(2) www.citysense.com

De la représentation au serviceSi la majorité des projets de représentation des flux, des

traces et empreintes numériques de la ville se focalise encoresur la représentation globale des phénomènes qu’ils obser-vent, une startup américaine, Sense Networks – issue deséquipes de recherche du MIT –, en a déjà extrait un service àvocation commerciale.

Disponible uniquement à San Francisco, CitySense (1)

s’adresse aux noctambules pour les aider à choisir où ils passe-

Le taux d'occupation des sations « Bicing » en temps réel.Image Bicing Real Time,issue du site de fabien Girardin.Source :liftlab.com/think/fabien

Page 43: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

77La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

Deux défis à releverDeux défis majeurs devront toutefois être relevés pour que

de telles applications puissent émerger à grande échelle et ap-porter des bénéfices tangibles aux citadins.

D’une part, les masses considérables de données localiséesque produit la ville demeurent difficilement accessibles. Laplupart d’entre elles sont produites par des applications in-ternes aux entreprises et opérateurs destinées à la productionet à la gestion, qui n’ont jamais été prévues pour communi-quer avec l’extérieur. Il n’existe pas de répertoire de donnéesurbaines. Leurs producteurs s’en réservent par ailleurs jalouse-ment l’accès. D’une part, ils les considèrent, parfois à justetitre, comme un actif stratégique qui leur permet de mieuxfaire leur métier, tout en empêchant d’autres acteurs d’empié-ter sur leur territoire. D’autre part, la délivrance de ces donnéespeut nécessiter un certain nombre d’opérations qu’il faudraque quelqu’un finance : conversion de formats informatiques,« nettoyage » d’informations susceptibles de permettre l’iden-tification d’individus, mise en place de serveurs puissants pourque les informations fournies soient réellement fiables et récentes, sécurisation des systèmes et des données, etc.

Pourtant, il ne fait guère de doute qu’une plus grande mu-tualisation de ces informations libérerait un formidable po-tentiel d’innovation publique, entrepreneuriale et citoyenne,tout en donnant aux citadins une autre manière de voir, en-semble, leur ville vivre. L’utilité sociale rejoint l’utilité écono-mique ainsi que les enjeux de bonne gestion urbaine.

Le second défi est lié au respect de la vie privée. Les don-nées que nous semons au fil de nos pérégrinations urbainespourraient constituer une source de connaissance sur la vie dechaque citadin, d’une précision et d’une exhaustivité sans pré-cédent. La garantie que ces données ne seront pas croisées àl’insu de chaque individu, sauf après des procédures non réver-sibles d’anonymisation, et qu’elles seront également effacéesdans des délais courts, constituera vraisemblablement une exi-gence sans laquelle ces applications ne pourront pas émerger.

76 La ville 2.0, complexe et familière

ront leur soirée. À partir d’un petit logiciel chargé sur un télé-phone mobile, CitySense repère les concentrations inhabi-tuelles de gens en croisant des informations provenant destéléphones mobiles équipés de bornes Wi-Fi et même de taxiséquipés de GPS. En traitant en temps réel toutes ces informa-tions géolocalisées, CitySense identifie les « points chauds »de la ville. Le service croise ensuite cette information aveccelle d’agendas culturels en ligne pour permettre à ceux quiutilisent son application de trouver et rejoindre l’événementoù tout le monde se presse. Les « points chauds » s’affichenten temps réel sur un fond cartographique.

Les ingénieurs de Sense Networks travaillent à améliorerleur modèle en essayant de définir plusieurs types de « tribus »aux comportements différents pour pouvoir mieux répondreà la question « où sont les gens qui me ressemblent ? »… His-toire d’éviter d’envoyer dans un bar de footballeurs quel-qu’un qui n’aime pas les sports d’équipe. CitySense devraitégalement apprendre à connaître ses utilisateurs en analysantleurs déplacements pour leur faire des propositions qui cor-respondent à leurs goûts : ainsi, si vous avez l’habitude de fré-quenter certains lieux, votre « carte d’activité personnalisée »pourrait surveiller ces lieux - ou des lieux similaires - pourvous avertir en cas de pic d’activité.

Où sont les noctambules ?Image issue du site CitySenseSource : www.citysense.com

Page 44: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

79La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

3- La ville miroir

Dans une courte nouvelle intitulée De la rigueur de lascience, l’écrivain fictif Suarez Miranda, derrière lequel se ca-chait en réalité Jorge Luis Borges, contait l’histoire d’un em-pire où « l´art de la cartographie fut poussé à une telleperfection que la Carte d´une seule Province occupait touteune ville et la Carte de l´Empire toute une Province. Avec letemps, ces Cartes Démesurées cessèrent de donner satisfac-tion et les Collèges de Cartographes levèrent une Carte del´Empire, qui avait le format de l´Empire et qui coïncidaitavec lui, point par point. Moins passionnées pour l’étude dela cartographie, les générations suivantes réfléchirent que cetteCarte Dilatée était inutile et, non sans impiété, elle l´aban-donnèrent à l´inclémence du soleil et des hivers. Dans les dé-serts de l’ouest, subsistent des ruines très abimées de la Carte.Des animaux et des mendiants les habitent. Dans tout le pays,il n´y a plus d´autre trace des disciplines géographiques. »(1)

Cette nouvelle est devenue une référence classique chezles cartographes. Elle rappelle que toute carte est une modé-lisation et donc, par définition, une abstraction et une sim-plification de la réalité. Une carte sans choix, sans « angle » etsans réduction d’échelle ne présenterait aucun intérêt.

Pourtant, ce projet semble bien en passe de se réaliser. Lesimages satellites et aériennes, les modélisations en deux ettrois dimensions, les photos de ville au ras du sol, les carteset les plans, finissent par reconstituer une véritable ville « mi-roir », sans véritable souci d’échelle ni de sélection, qui tendà se superposer aussi finement que possible à la ville physiqueet sociale.

78 La ville 2.0, complexe et familière

Un bâtiment qui prend son propre poulsAfin de représenter la vie qui se déroule au sein d’un bâtiment, le département d’art numérique et de technologie de l‘université dePlymouth (1) en Grande-Bretagne teste ce qu’il appelle un « systèmed’exploitation architectural ». L’Arch-OS (2) capture et analyse les flux dedonnées produits par les ordinateurs, comme par les systèmes de gestion de l’énergie et de l’éclairage, ainsi que les flux de personnes, les conditionsenvironnementales, le bruit ambiant, etc. Différents dispositifs installésdans l’immeuble lui-même en proposent alors des représentationspartagées. L’Université de Curtin (3) utilise ainsi l’Arch-OS pour son nouveau département de recherche sur les nanotechnologies. Le plafond du bâtiment est équipé de grands panneaux lumineux quiretranscrivent le traitement des informations collectées par le système. Le rendu ne remplit pas seulement une fonction esthétique : il doit, d’aprèsles concepteurs, favoriser les échanges entre les occupants du bâtiment.

(1) www.i-dat.org(2) www.arch-os.com(3) www.i-500.org

Une image d’artiste du rendu de l’Arc-OSImage de l’OS Arch-OS issue du site i-500.

(1) Extrait de L’Auteur et autres textes (El Hacedor. Antologia personal, 1960) de Jose LouisBorges, nouvelles traduites de l’espagnol par Roger Caillois, rééditées aux éditions Gallimard,Coll. L’imaginaire, 1982.

Page 45: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

81La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

6 Se déplacer dans ma ville devant mon ordinateurLa photo satellite permet en quelque sorte de voler assez

haut au-dessus de la ville. Mais notre perspective quotidiennesur la ville est plutôt horizontale que verticale. Un nombrecroissant de sites cherche à restituer aussi cette perspective.

Le site de l’annuaire Pages Jaunes a été le premier, dès 1999,à rendre accessible la photo des façades des bâtiments situésle long des rues des grandes villes françaises. En cherchant uneadresse, on peut voir l’image liée à cette recherche, puis se déplacer virtuellement dans la rue. Chaque façade dispose deplusieurs angles de vue.

80 La ville 2.0, complexe et familière

Les générations suivantes riront-elles à leur tour de ces ten-tatives absurdes ? Ou bien s’agit-il d’une autre forme de carte,d’une carte qui n’aurait plus pour fonction de représenter leterritoire, mais de l’augmenter ?

6 Des images aériennes et satellites accessibles à tousSi Google (1) a été le premier à se lancer dans la course aux

photographies satellites, il a été rapidement rejoint par lesdeux autres grands acteurs du réseau : Yahoo ! (2) et Microsoft (3).Complétant la couverture du territoire par l’ajout de photo-graphies de plus en plus précises, les services se distinguenten autorisant des niveaux de zooms (donc de précision) et desservices différents qui peuvent d’ailleurs varier selon les lieux :très précis sur les grandes métropoles, beaucoup moins sur leszones rurales, surtout en dehors des États-Unis et de quelquespays occidentaux. Certains acteurs, comme l’IGN et son sitede cartographie en ligne Géoportail (4), affichent des photosaériennes évidemment plus précises que les photos satel-lites (5).

Deux exemples de localisation sur des photos satellites

(1) http://maps.google.fr(2) http://fr.maps.yahoo.com(3) http://maps.live.com(4) www.geoportail.fr(5) C’est du moins ce que le site affirme. Dans la pratique, les images des grandes villes de Franceapparaissent plutôt moins précises sur le Géoportail que chez ses concurrents.

Google Maps Microsoft Live

Mais c’est Google, avec sonservice Street View (vue de larue), qui essaye le plus de se rap-procher d’une navigation à rasdu bitume. Une flotte d’auto-mobiles Google équipées d’ap-pareils photos à 360° sillonne lesgrandes villes des États-Unis etdes pays occidentaux afin deconstituer des plans photogra-

Une perspective horizontale de la ville. http://photos.pagesjaunes.fr

Le « google car » dans les rues de Paris Source : http://www.flickr.com - © dH flickr

Page 46: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

83La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

À partir des mêmes technologies, celles de la start-up fran-çaise Archividéo, les Pages Jaunes testent à leur tour un an-nuaire professionnel organisé autour d’un modèle de la villeen trois dimensions. L’objectif est d’aller jusqu’à pouvoirpousser la porte d’un commerçant et d’entrer virtuellementdans sa boutique, voire d’y faire des achats ou d’y obtenir uncoupon de réduction.

Google, avec son application Google Earth (2), proposeégalement aux collectivités de modéliser leur ville en 3D. Siles grandes villes nord-américaines sont généralement repré-sentées dans leur globalité, en 2008 les villes Françaises doi-vent se contenter de quelques bâtiments, à l’exception deMontbéliard qui a été entièrement modélisée. Google pro-pose également aux cartographes et dessinateurs amateurs lelogiciel Sketchup, un outil gratuit et relativement simple quipermet de modéliser les bâtiments. Les modèles réalisés peu-vent être publiés et partagés dans une « banque de données3D » puis affichés dans Google Earth.

82 La ville 2.0, complexe et familière

6 De la carte au modèleDans un premier temps réservée aux géomaticiens profes-

sionnels, et à quelques usages précis, la modélisation du ter-ritoire en trois dimensions (3D) devient accessible au public.De très nombreux projets dans le monde, et particulièrementen France, s’orientent vers la mise à disposition de modèles3D complets de territoires urbains.

phiques des villes au ras du sol. Pour entrer dans Street View,on sélectionne un point de départ sur une carte, puis on na-vigue dans l’une des directions proposées par des flèches ensuperposition sur les photos. La navigation à hauteur de vuese superpose à la carte que l’on peut toujours retrouver. Lesaxes de directions matérialisés sur les photographies rendentl’immersion étonnante.

Le service Street View de Google. Source : www.google.com

La ville de Rennes a été la première à se lancer dans unecartographie 3D complète de son territoire dès 2003. Le service Citévisions(1) permet de naviguer dans la ville en trois dimensions,comme si on la survolait dans un petit avion. On peut y cher-cher une adresse précise et y localiser plus de 1 300 organismes.Certains bâtiments sont ouverts à une « visite », elle-même entrois dimensions, complétée d’informations historiques.

(1) www.citevisions.rennes.fr(2) http://earth.google.fr

Construction de modèle 3D.Image 3D terradata.Source : http://capdigital.com

La cathédrale Notre Dame modéliséedans Google Earth.Image 3D de Notre Dame.Source : http://sketchup.google.com

Page 47: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

85La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

Expérimenté à l’origine sur Paris, le projet de recherche TerraData de Thalès, associé à plusieurs PME et laboratoiresde recherche ainsi qu’au pôle de compétitivité Cap Digital, apour ambition de numériser de manière très fine les territoireset leurs ressources. Le projet porte autant sur les techniques denumérisation 3D, qu’il s’agit de rendre plus efficaces et moinscoûteuses, que sur les formes de valorisation multimédia desinformations, avec des perspectives pour le développement denouveaux services d’information contextuels et géolocaliséspour les secteurs du tourisme, de la culture, les systèmes d’admi-nistration en ligne ou les applications nomades.

84 La ville 2.0, complexe et familière

Rennes Citévision

Montbéliard dans Google Earth

New York dans Virtual Earth

© Google Earth

© Virtual Earth

Source : http://www.citevisions.rennes.fr © Image Rennes Citévision

Page 48: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

87La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

Pour utiliser la brique de service produite par un tiers, ona recours à une interface de programmation, ou API (Applica-tion Programming Interface). Une API décrit la manière d’entrer en communication avec un service informatisé, lesinformations qu’il attend pour fonctionner et les informa-tions qu’il renvoie quand il a terminé sa tâche.

La majorité des services du web 2.0 offre aux développeursdes API « ouvertes », c’est-à-dire utilisables, sans avoir ànégocier de gré à gré un contrat complexe et coûteux. Et l’onconstate que les API les plus utilisées sont celles des servicescartographiques, en particulier celle de Google Maps.

Selon le site ProgrammableWeb(1), en août 2008, plus de lamoitié des mashups du web se fondait sur les API cartogra-phiques de Google, Microsoft et Yahoo!.

86 La ville 2.0, complexe et familière

4- La carte :support de services

La reine des mashupsLe succès du web 2.0 repose, d’une part, sur l’intervention

des utilisateurs au cœur même des services et d’autre part, surun abaissement considérable de la « barrière » que doit fran-chir le candidat innovateur avant de pouvoir lancer une nou-velle application.

Cet abaissement s’obtient notamment de trois manières :� En utilisant des standards communs et simples d’utili-

sation pour décrire et partager les informations (RSS pour lesinformations textuelles et multimédias, KML pour les don-nées géographiques…) ;

� En mettant à disposition des plates-formes à partir des-quelles il est plus aisé d’obtenir les informations de base, decréer et de faire tourner des applications, et même de faireconnaître son service. Les grands portails qui jouent ce rôlesont Google, Yahoo! et Amazon, avec leurs programmes dé-diés aux sites qui leur sont extérieurs ; et Facebook, en ac-cueillant les « apps » externes ;

� Et enfin, en permettant aux développeurs de s’appuyersur des modules logiciels préexistants plutôt que de devoir réinventer par eux-mêmes ce que d’autres, plus puissants,avaient déjà réalisé.

Ce dernier point est à l’origine de ce que l’on nomme les« mashups », ou applications composites, qui se créent paragrégation, non seulement d’informations, mais aussi d’élé-ments de services venus de différents endroits : des fonds decarte d’un côté, des informations de l’autre, des petites an-nonces venues d’une troisième source, un système de paie-ment d’une quatrième.

(1) www.programmableweb.com(2) www.housingmaps.com

Les API carographiquesles plus utiliséesSource : programmableweb.com

L’immobilier en pionnierUn des premiers mashups de l’histoire du web 2.0 est un

mashup cartographique. HousingMaps (2) projette les an-nonces de vente et de location d’appartements issues du sitecommunautaire de petites annonces Craigslist sur un fondcartographique venu de Google Maps. Le programme quicombine ces deux services tient en quelques lignes, mais le ré-sultat – une liste de biens à vendre et à louer localisés sur lacarte – apporte un vrai plus par rapport à la fastidieuse lectured’une liste d’annonces. (Voir un exemple page suivante).

Page 49: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

89La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

Les mashups de la mobilitéLes services des vélos en libre service, comme Vélib’ à

Paris ou Velo’v à Lyon, ont stimulé l’inventivité des créateursde services composites. Le site Un Vélo Vite (1) indique la loca-lisation et la disponibilité des stations Vélib’ sur les cartes deGoogle Maps. On peut également, d’un simple clic, afficherun itinéraire entre deux stations. Le site Paris à Vélo (2), plusépuré, dispose lui aussi de services similaires, mais proposeégalement la possibilité de programmer un e-mail d’alerte pourconnaître la disponibilité des vélos, par exemple en semaine, àl’heure où l’on quitte le domicile pour aller au travail.

88 La ville 2.0, complexe et familière

La majorité des sites web immobilier disposent aujour-d’hui d’une entrée cartographique. Zillow(1) est un site d’in-termédiation entre les individus et les professionnels del’immobilier, qui se propose de mettre à disposition des ache-teurs et des vendeurs individuels des outils équivalents à ceuxdes professionnels. Son système cartographique permet de sé-lectionner très simplement, quartier par quartier, les biens sus-ceptibles d’intéresser l’acheteur : gamme de prix, nombre depièces, année de construction, mais aussi, par exemple, duréede présence du bien sur le marché. Les vendeurs peuvent éga-lement comparer le prix qu’ils espèrent demander avec le prixmoyen de biens comparables à proximité. Des cartes permet-tent de voir d’un seul coup d’œil le prix des habitations parquartiers : le cœur de Manhattan sera rouge, tandis que destaches bleues apparaissent dans les quartiers les plus défavori-sés, une partie de Brooklyn et le nord du Bronx.

Acheter son appartement à San FranciscoSource : http://www.housingmaps.com

(1) www.zillow.com

Où se trouve le quartier le moins cher de New York ?Source : www.zillow.com

(1) www.unvelovite.com(2) www.parisavelo.net

Ces applications se décli-nent également en mobilité.Par exemple, Molib est un petit programme à télécharger qui permet de trouver automati-quement les stations Velib’proches de l’endroit où l’on setrouve, de vérifier la disponibi-lité de vélos (ou de places librespour rendre son Velib’) et de sefaire guider jusqu’à la stationchoisie.

Trouver un Vélib’ libreSource :www.parisavelo.net

Trouver un Vélib’ libre... en mobilité.Image Molib

Page 50: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

90 La ville 2.0, complexe et familière

Google lui-même utilise ses différents services de cartogra-phies pour créer ses propres services urbains. Plusieurs compa-gnies de taxis nord-américaines, qui ont équipé leur flotte devéhicules de GPS, participent au service de localisation entemps réel des taxis. Google Ride Finder (1). L’utilisateur du ser-vice qui souhaite commander un taxi peut ainsi voir en tempsréel où se trouve le taxi libre le plus proche de lui et prendrecontact directement avec la compagnie qui l’emploie.

91La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

lisation de Google Transit tranche avec bien des concurrentset le fait que le service soit proposé par Google, plutôt que parles autorités organisatrices des transports ou les transporteurseux-mêmes, est une indication de la manière dont la puissanceet la souplesse des outils du web 2.0 peut aussi redéfinir cer-tains équilibres traditionnels entre les acteurs de la ville.

(1) labs.google.com/ridefinder(1) google.com/transit

Google Transit (2), aujourd’hui accessible dans plusieursgrandes villes du monde dont Bordeaux et Maubeuge enFrance, est un service d’information multimodal sur les trans-ports. Grâce à des accords signés avec les opérateurs de trans-port, Google propose à ses utilisateurs d’effectuer des trajetsen utilisant les différents systèmes de transport collectif d’uneville. Le service indique également les horaires de chaque cor-respondance et les temps d’attente. Il décrit enfin le trajet à ef-fectuer pour atteindre la station de départ, ainsi que pour serendre à sa destination depuis la station d’arrivée. D’autres ser-vices d’information multimodaux existent depuis longtempsdans plusieurs villes du monde et de France. La facilité d’uti-

Les taxis de Los Angeleslocalisés en temps réel.Source :labs.google.com/ridefinder

Pour se rendre au Zoo de San FranciscoSource : www.google.com/transit

Des croisements inattendus pour lire autrement sa villeLes API des services cartographiques sont également utili-

sées pour produire et rendre accessible des formes inédites (ougénéralement réservées aux professionnels) de représentationdes données de la ville. Les données de la population, de l’ac-tivité économique, de l’éducation, de la délinquance, destransports, de l’environnement, etc., trouvent une nouvellevie sur des cartes inédites produites avec, ou par, les citadins.

Lorsqu’on observe les manières dont ces données sont ex-ploitées et partagées publiquement sur des fonds cartogra-phiques, on constate que les applications focalisées sur unseul type d’information remplissent souvent une fonction unpeu militante, tandis que les dispositifs qui croisent un grandnombre de données poursuivent plutôt des objectifs en termesde connaissance et d’appropriation « citoyennes ».

Page 51: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

93La carte : une interface et une infrastructure - Chapitre 3

6 Prendre la main sur les capteurs urbainsDisponible uniquement dans la ville de New York, le site

proposé par la jeune entreprise Alkemis(1) associe sur une mêmecarte un lien vers les webcams ouvertes de la ville, dont le fluxs’affiche en temps réel en surimpression, l’état du trafic automo-bile, les images géolocalisées de FlickR, le plan du métro, etc.

92 La ville 2.0, complexe et familière

6 Des usages ponctuels plutôt militants, voire miliciensDans les pays anglo-saxons, le crimemapping, ou cartogra-

phie de la délinquance, a ainsi donné naissance à une florai-son de sites. Sur certains, on peut observer graphiquement lafréquence des crimes et délits en se focalisant, si l’on veut, surles meurtres, les crimes sexuels, les cambriolages, etc. D’autressites situent sur la carte le nom, parfois la photo, et l’adressedu domicile de délinquants sexuels libérés mais encore soussurveillance… Autre tendance très américaine, la cartographiede l’usage des fonds publics ou du financement des cam-pagnes électorales.

6 La ville sous tous ses « profils »Des chercheurs de l’University College de Londres ont

compilé les données du dernier recensement, ainsi que des ré-sultats d’enquêtes portant sur l’utilisation des technologiespar la population, les statistiques de santé publiées par les hô-pitaux de la ville, et bien d’autres informations encore, et pro-posent aux utilisateurs de les croiser à leur guise sur un mêmefond de carte. London Profiler (1) donne à voir, par exemple, larépartition des Français dans la ville de Londres par quartier,le niveau d’éducation, le nombre de diabétiques, le niveaud’accessibilité des transports en commun, etc.

(1) londonprofiler.org

Les Français à Londres. Source : www.londonprofiler.org

La carte des« capteurs » urbainsà New York.Source :local.alkemis.com

SensorMap, un service pour accéder aux productions

des « capteurs »Source :

http://atom.research.microsoft.com/sensormap/

(1) http://local.alkemis.com

Poussant encore plus loin le « retournement » de la sur-veillance et sa mise en visibilité au travers des cartes, le siteSensorMap, expérimenté par Microsoft Research, localise lescapteurs urbains (caméras de surveillance, compteurs de tra-fic, etc.) et permet d’accéder à leur production.

Ainsi, la carte se retourne-t-elle en quelque sorte sur elle-même : censée représenter le territoire, elle en devient aussi uneinterface de contrôle, de visualisation, de navigation. La voilàqui restitue à son tour les mesures et les images qui aident à laproduire. La carte n’est pas le territoire, dit-on avec raison. Maisdans le tissage de plus en plus dense entre les espaces, les pra-tiques physiques et numériques, elle en fait désormais partie.

Page 52: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

94 La ville 2.0, complexe et familière 95Conclusion

Comment poursuivre ?Nous caressons donc l’espoir qu’au terme de ce parcours, de nombreux

lecteurs auront à cœur d’essayer certains des services mentionnés, d’en dé-couvrir d’autres – et pourquoi pas de nous les signaler (1) – et mieux encore,d’imaginer la manière de faire du neuf dans leur ville, leur quartier. Ne nouscachons pas, cependant, que cela nécessitera un changement de posture dela part des acteurs urbains.

Du côté des institutions, il s’agit de se penser comme des facilitateursplutôt que des planificateurs. De rendre la ville plus intelligible, navigable,sociable mais aussi plus ouverte à l’initiative et aux contributions de tous,non pas de manière occasionnelle, lors de quelques forums participatifs,mais par construction.

Du côté des acteurs des services urbains, qu’ils soient publics ou privés,il faudra apprendre à partager ses informations, ses infrastructures, ses usa-gers ou clients. Pas par bonté d’âme, mais pour rendre possible la créationde valeur qui en résultera et qui est aujourd’hui bloquée dans la plupart des cas par un fonctionnement en « silos ».

Les technologues, enfin, devront cesser de promouvoir leurs outilscomme des dispositifs centrés sur le contrôle, la surveillance, l’automatisa-tion, l’externalisation. Ces fonctions-là sont nécessaires dans bien des cas,mais elles optimisent, elles ne transforment rien. Et surtout, lorsque rien nevient contraindre les technologies à l’ouverture et la fantaisie, elles peuventdevenir des facteurs d’aliénation, l’exact inverse de l’« autorisation » dont ilétait question plus haut.

Pour poursuivre, donc, testez par vous-mêmes, bricolez, discutez-en avecd’autres, intéressez-vous à ce que des entrepreneurs, des activistes, des ama-teurs, des étudiants, des artistes pourraient imaginer. Allez les trouver là oùils se rassemblent ou aidez-les à le faire. Recommencez à tester car d’autresidées ont germé depuis la première fois. Essayez des choses simples et amé-liorez-les. N’attendez pas qu’un prototype soit parfait, au contraire, aidezles utilisateurs et les autres acteurs de votre environnement à l’améliorer.La ville peut être à la fois complexe et familière. Il n’y a contradiction quesi l’on n’admet pas que plusieurs réponses valables puissent être donnéesen même temps aux mêmes questions, par plusieurs acteurs. La familiaritévient parfois de la simplicité ; mais elle peut aussi venir du sentiment quechacun aura de pouvoir, avec l’aide des autres, conquérir la complexité in-hérente à la ville qui bouge.

(1) Sur le site www.villes2.fr

Poursuites...Nous nous proposons de ne pas vraiment conclure ce voyage dans la

ville augmentée. Parce qu’il avait pour vocation d’explorer des pistes et desoulever des questions, plutôt que de proposer une vision globale et cohé-rente. Parce que son ambition est de donner au lecteur l’envie d’entreprendreson propre voyage, à sa manière, à partir de sa propre réalité urbaine.

Autorité et motilitéSi l’on voulait néanmoins proposer quelques prolongements, on pour-

rait les organiser autour de deux mots : autorité et motilité. L’individualisa-tion des modes de vie et le développement des pratiques sociales, trèshorizontales des réseaux, ont beaucoup à voir avec la « crise de l’autorité »que les institutions politiques ressentent au premier chef. Mais la philo-sophe Myriam Revault d’Allonnes(1) souligne à juste titre que les mots « au-torité » et « auteur » ont la même source. Dans un monde incertain où ni latradition, ni l’institution, ni l’idée d’un futur prédéterminé connu dequelques décideurs, n’ont plus de légitimité, l’autorité est ce qui permet àchacun de devenir « auteur », de soi-même, mais aussi d’une part de la réa-lité collective présente et à venir. Les usages des technologies que nous dé-crivons dans cet ouvrage relèvent de cette vision. Elles ne servent pas, ou pasprincipalement, à optimiser, automatiser, externaliser – mais à voir autre-ment la ville, à la rendre plus aisément appropriable et habitable. Elles per-mettent à chacun d’espérer inventer « sa » ville, et, dans une certaine mesure,de la produire. Et parce que l’espace numérique, sans être illimité, est moinscontraint que l’espace physique, il autorise la cohabitation d’un plus grandnombre de pratiques, de signes et d’expérimentations.

Considérons donc ici le numérique comme une manière de s’autoriserà penser autrement la ville. Le rôle des institutions étant de transmettrecette autorisation aux citadins eux-mêmes, de leur mettre en mains des res-sources et des outils pour participer à cette réinvention et d’y contribueravec eux. Les ressources et les outils, que nous avons explorés lors de cetouvrage, ont pour caractéristiques communes de rendre mobile, d’aider àdéplacer les choses, les personnes et les frontières, de créer du lien. Ils neprescrivent pas un avenir précis, ils ne contiennent pas en eux telle ou telleorganisation, mais ils développent la motilité de la ville et de ses habitants,c’est-à-dire leur capacité à bouger, à décider, à agir.

(1) Le pouvoir des commencements. Essai sur l’autorité, Le Seuil, 2006.

Page 53: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

Achevé d’imprimer en novembre 2008Imprimé en France sur les presses de l’imprimerie Chirat

Dépôt légal : novembre 2008ISBN : 978-2-916571-22-5

Couverture imprimée sur Cyclus Offset 350 g. Le papier Cyclus est certifié par les labels Blaue Engel,

Nordic Ecolabel et Ecolabel européen.

Page 54: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

“Peut-on faire en sorte queles dimensions physique,sociale et numériquesoient mises au serviced’une ville à la fois plus attentive à chacun, et plus familière à tous?”

LA FABRIQUE DES POSSIBLES

Minérale et charnelle, historique et politique, la ville est, aujourd’hui,aussi numérique. Elle se décrit, se modélise et se pilote numériquement.Toutes ses innovations comportent une dimension numérique. Des myriades de puces équipent ses espaces, ses bâtiments, ses véhicules,ses habitants ; et notre vie quotidienne est ponctuée d’échangesnumériques. Ce mouvement exprime et accélère une transformationprofonde de notre mobilité, de nos pratiques sociales, de l’organisationde nos temps, du fonctionnement des entreprises et des acteurs publics. Ce « cahier de tendances » explore la tension entre deux transformationsmajeures dont le numérique et les réseaux sont les instruments et les catalyseurs : d’une part, la complexité liée à l’individualisation et la personnalisation, et d’autre part, les nouveaux agencements quicherchent à rendre la ville plus navigable, plus sociable, plus attentive.Peut-on rendre cette ville « augmentée » à la fois plus personnelle, plus attentive aux aspirations de chacun, mais aussi plus familière, plusaccessible et plus collective ? Cet ouvrage propose des réponses concrètes autour de trois ensembles :- Les signes qui rendent la ville plus lisible et navigable ; - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité ; - Et la carte, à la fois nouvelle interface de la mobilité urbaine et nouvelleinfrastructure des services urbains.

Créée en partenariat avec la Fing, et dirigée par Daniel Kaplan, cettecollection, La fabrique des possibles, traite des grands enjeux de société aucroisement de la prospective, de l’économie, des stratégies des entreprisesprivées et publiques, des technologies et de leurs usages, des nouveauxservices et de leurs impacts sur la vie quotidienne. Cette collection estl’outil indispensable permettant de stimuler les imaginations prospectives, et d’anticiper les profondes mutations que les ruptures technologiquesapporteront dans les prochaines années.

f pyéditions

f pyéditions

La ville 2.0,complexe...et familière

Fing #02

#02

fyp

éditi

ons

ISBN 978-2-916571-23-2 14,90 €Diffusion : Pearson Education France - Distribution : MDS

Fabien Eychenne

Créée en 2000 par une équipe d’entrepreneurs etd’experts, la Fing (Fondation internet nouvellegénération) a pour mission de repérer, stimuler etvaloriser l’innovation dans les services et lesusages du numérique.

www.fing.org | www.internetactu.net

www.fypeditions.com

La

vill

e 2

.0,

co

mp

lexe

et

fam

iliè

re�

Fabi

en E

yche

nne

Fing

Page 55: La ville 2.0, La ville 2.0, complexe et familièredoc.openfing.org/FING/LAFING/PUBLICATIONS/La ville_2.0_complexe.pdf · - Les réseaux sociaux et les nouvelles formes de sociabilité

LA FABRIQUE DES POSSIBLES

f pyéditions

f pyéditionsFing #02

Pour une mobilité plus libre #01et plus durableISBN : 978-2-916571-22-5

La ville 2.0, complexe et familière #02ISBN : 978-2-916571-23-2

Technologies #03et prospective territoriale

ISBN : 978-2-916571-24-9

Dans la même collection :

Daniel Kaplan est délégué général de la Fing(Fondation internet nouvelle génération),depuis sa création, en 2000. Dès 2003, il estdésigné par la presse, comme l’une des « 100 personnalités qui font vraiment bougerla France ». Il est également président del’Institut européen de e-learning (EIfEL).Depuis les années 1990, il est profondémentimpliqué dans le développement de l’interneten France et dans le monde. Il a écrit oudirigé plus de 15 ouvrages et rapports publics.

Une collection dirigée par Daniel Kaplan

Villes 2.0 a le soutien de :

Alcatel Lucent

Caisse des Dépôts et Consignations

faberNovel

JCDecaux

LaSer

Orange

Région Provence-Alpes-Côte d’Azur

RATP

Villes 2.0 est un programme de la Fing en association avec le Groupe Chronos et Tactis.Mobilité, individualisation, participation, complexité, durabilité,etc. : la ville change, les technologies en sont à la fois l’instrumentet le catalyseur. Villes 2.0 explore les défis et les opportunités quiémergent de ces transformations, du point de vue des citadins, des territoires et des entreprises. www.villes2.fr

Le programme Villes 2.0

Cet ouvrage a été réalisé à partir du programme Villes 2.0 de la Fing.