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La ville, hier, aujourd’hui, demain 2011/2012 1 Anne-Sophie Dubus CPEM Éducation musicale

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Éducation musicale

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La ville sonne ! La ville produit des sons, quand ils s’organisent ils deviennent musique. Le son de la ville est un langage chargé de sens qui s’écoute, s’analyse et se construit. Depuis des siècles, les créateurs ont puisé dans la ville leur inspiration, que ce soit au service de constructions polyphoniques savantes, de créations électroacoustiques ou de descriptions mêlant verbe et musique. La ville aux 1000 sons est un terrain éducatif passionnant, ancré dans la réalité quotidienne des enfants. Découvrir la ville est matière à projet d’école car cela permet des passerelles entre disciplines et des confrontations entre compétences différentes: historiens, géographes, urbanistes, architectes, sociologues, politiques, musiciens, photographes, écrivains.

Un peu d’histoire de la musique… Chanteurs de rue La population entretient un rapport affectif avec la chanson, mais il faut y ajouter la dimension sociale et professionnelle du chanteur de rue. Le chanteur ambulant existe depuis l’Ancien Régime. Héritier du jongleur médiéval, le « marchand de chansons » ou « crieur de chansons nouvelles » gagne sa vie à partir du XVIIe siècle, en vendant des feuilles imprimées sur lesquelles figurent les paroles qu’il interprète. Au XVIIIe siècle, les chanteurs ne peuvent s’installer qu’aux carrefours, sur les quais et les ponts. Mais les places sont chères, la rue est un enjeu de pouvoir et de concurrence. Au début du XIXe siècle, les métiers de la rue sont placés sous l’autorité directe du préfet de police et au fil des décennies les autorisations sont de plus en plus contraignantes. Sous le Second Empire le boulevard est devenu l’artère de la cité accueillant cafés-concerts et music-halls.

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Un Syndicat des chanteurs et musiciens de rue est créé en 1908. Les groupes réunissent deux ou trois musiciens (accordéon, violon, banjo, ou grosse caisse) mais souvent aussi un seul accordéoniste, un chanteur avec un porte-voix en fer blanc et parfois un baratineur pour animer la vente des « recueils de propagande ». Le chanteur de rue doit connaître le terrain, savoir trouver les bons emplacements en fonction de l’acoustique, de la météo, du jour de la semaine, de l’heure et des événements (stations de métro, sorties des usines…). A la Libération, Paris compte encore une trentaine de groupes qui font les marchés, ainsi que des rendez-vous annuels : manifestations du 1er mai (L’Internationale), du 14 Juillet (La Marseillaise). Les triomphes de l’été 1944 sont Le Chant des partisans, Ah le petit vin blanc, Le café au lait au lit, La Mer. Le déclin du métier s’amorce au début des années 50, les passants sont moins disponibles, et c’est l’avènement des moyens modernes de diffusion (disque microsillon, l’électrophone, la radio portative à transistor, la télévision. Au cours des années 60 l’essor de l’automobile rend la rue de moins en moins hospitalière et c’est le métro qui devient refuge. Bibliographies : TDC Les musiques de la ville, scéren CRDP, 2004 Francis BAUBY, Sophie ORIVEL, Martin PENET, Mémoire des guinguettes. Paris Presses de la cité, 2003 Philippe MEYER Paris la grande en vers et en chansons Edition des Arènes 2001 Chant cycle 3 : La chanson de la butte Accordéon Paris sera toujours Paris

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Musique et architecture (dossier de la médiathèque de Villeneuve d’Ascq, septembre 2005) Abbayes, cathédrales, palais et opéras Du chant grégorien à l’ère des cathédrales en passant par l’opéra, la musique savante occidentale a évolué en fonction des mutations architecturales qui lui permettaient d’élaborer des formes de plus en plus complexes. L’essor des villes a fait naître en Europe de grands pôles culturels symboles d’émulation et de représentation des pouvoirs. C’est dans ces villes que vont se créer les centres de formation musicale de haut niveau, des édifices novateurs et des politiques culturelles ambitieuses. Florilèges grégoriens 1 et 2, Chœur des moines de l’abbaye de Solesmes Le chant des cathédrales : Ecole Notre-Dame de Paris (1163-1245), Harmonic records Les cris de Paris : chansons de Clément Janequin et Claudin Sermisy, Harmonia Mundi L’Orfeo, Claudio Monteverdi, Decca records Les voix des cathédrales, Virgin Classics-EMI Atys Jean-Baptiste Lully, Arts Florissants, Harmonia Mundi Musiques à danser à la cour et à l’opéra, Jean-Baptiste Lully, André Campra, Marin Marais, Erato Quand la sociologie claque des doigts : urbanisme, populations et pulsations de la ville C’est également dans les rues et les faubourgs de ces villes que vont émerger les musiques urbaines. Le blues fut rural dans le Mississipi, urbain dans les grandes villes du nord. On parle du fameux « philly sound » (Philadelphie). L’industrielle Detroit hébergea un rock révolutionnaire, la Tamla Motown fut un des berceaux de la musique électronique. Il existe un rap de la côte Est Américaine, un hip-hop à Marseille, un autre dans le 93. L’Angleterre et son swinging London, le rock progressif de Canterbury. Autant de scènes, de courants musicaux, de vibrations des grandes villes.

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Anthologie de la chanson française traditionnelle : des trouvères aux grands auteurs du XIXe siècle, De la rue au cabaret, EPM The Blues : from Mississipi to Chicago (1935-1940) The Pacific Jazz Years, Chet Baker, Gerry Mulligan, Larry Bunker, Capitol Records Chocolate City, Casablanca Records Magic Motown : l’anthologie du plus grand label de musique noire, Motown La cité de la musique La ville bruisse de mille sonorités, plusieurs compositeurs ont travaillé sur l’art de ces bruits. De la musique concrète aux musiques nouvelles, la vie de la ville comme source d’inspiration voire comme matériau musical. L’urbain devient alors objet sonore et sujet musical. Mix, Pierre Henry, Philips San Francisco polyphony in « The Ligeti Project II », György Ligeti, Teldec Classic City Life, SteveReich, RCA

Cycles 1 et 2 Gens de la ville (Variations pour jouer avec sa voix, Petites voix) Gens de la ville qui ne dormez guère Gens de la ville qui ne dormez pas

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C’est à cause des rats que vous Que vous ne dormez guère C’est à cause des rats que vous Que vous ne dormez pas. Scélérats, scélérats Un jeune garçon quitte sa maison pour se rendre à son cours de piano. Est-ce son imagination ou bien entend-il réellement, parmi les bruits de la ville, le texte de la chanson « Gens de la ville » récité de toutes sortes de manières par des voix d’enfants ? Pour cette promenade dans la ville, notre attention est requise, en premier lieu, par les possibles interférences entre deux mondes sonores celui que nous avons en nous, notre chant intérieur et l’autre réel que l’on qualifie souvent de bruit et qui enveloppe les habitants des villes. Parallèlement on s’intéressera aux jeux vocaux et aux créations sonores qui peuvent naître d’une chanson en fonction de l’atmosphère qu’elle dégage. Ecouter la ville Ce sont de vrais bruits de la ville auxquels se mêlent des notes de contrebasse et les mots de la chanson qui sont proposés à l’écoute. Reconnaître ces bruits, les nommer, les caractériser, les imiter quand c’est possible, peut être la première étape d’une création sonore ayant pour cadre la ville. Au cours de l’écoute on se rendra certainement compte même avec de jeunes élèves que la simultanéité de différents sont que l’on est capable d’entendre et d’identifier en mêle temps certains sons se marient, d’autres se distinguent certaines phrases rythmiques semblent aller de pair, d’autres s’ignorent Cette prise de conscience et par rapport à l’objet qui nous occupe importante car la richesse des sons que l’on peut produire doit s’enrichir sans cesse de celle des sons que l’on sait entendre. Ecouter le texte dit

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Comme un petit fil conducteur reviennent sans cesse les mots de la chanson, il faut les guetter, mais sont-ils complets ? Sont-ils dans l’ordre ? Parlés, murmurés, criés, chantés, à un ou à plusieurs, ensemble ou successivement, avec quel timbre de voix, quelle humeur, à quelle hauteur, y a-t-il un rapport entre les voix et les sons qui les entourent ? Ici aussi, il s’agit avant tout d’écouter et de mettre des mots sur les sons à partir de là on cherchera mille et une manières de dire. Approcher autrement les chansons du répertoire de la classe Chercher dans quelle atmosphère elles nous entraînent. Créer un fond sonore avec des objets, des instruments ou en enregistrant des sons de l’environnement joués par-dessus avec les mots de la chanson. Chanter la chanson « Gens de la ville ». Ce chant peut être interprété en canon, en parlé rythmé. Démarche pédagogique pour la création d’une séquence sonore : « Le train » Cette démarche permet de concilier les grands objectifs de la musique que sont l’écoute, l’exploration et l’exploitation de différentes sources de timbres (voix et corps sonores), réalisations de jeux rythmiques, codage. L’inducteur à la création peut être : une écoute, un travail rythmique, un chant. Si l’élément inducteur est un extrait d’œuvre, procéder ainsi :

1. Perception auditive, laisser venir les impressions, les sensations. L’enfant s’investit affectivement. 2. Analyse de l’extrait : ses principales composantes, caractères, timbres, hauteurs, nuances, vitesses, etc. 3. Construction d’un sonogramme : laisser aux enfants le temps de trouver un codage pour marquer les sons entendus,

sans recourt à une véritable échelle espace-temps. 4. Exploitation et maîtrise de l’écoute par l’exploration de la matière : recherche d’un travail sur les timbres avec des

corps sonores ou des instruments, travail du souffle, de la voix, y associer des paramètres de variation. 5. Enrichir son champ culturel avec d’autres écoutes.

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6. Communiquer : une restitution peut être proposée aux autres élèves de l’école. Si l’élément inducteur est le travail rythmique : Travail de cellules rythmiques à reproduire, jouer avec les espaces, les contrastes d’intensité, les variations de tempo. Si l’élément inducteur est la chanson : Apprendre la chanson, travailler la pulsation et les cellules rythmiques du chant. Jouer autour de la forme.

Cycles 2 et 3 Que de bruits dans cette rue (Polyphonie au quotidien, Scéren CRDP de Bourgogne) Objectifs : Réaliser un canon parlé à deux voix. Travailler l’intensité et les nuances Réveil corporel : Il est très tôt : le petit frère dort encore dans son berceau, c’est presque le silence… On entend sa respiration, qu’on imite : allongé sur le dos ; chacun vide l’air en soufflant par la bouche. Puis se laisse remplir d’air frais par le nez et par la bouche. De nouveau, on expire l’air chaud. On se lève lentement, on déroule le dos, on s’étire, on bâille en ouvrant largement les mâchoires. On imite la toilette : on se frotte le corps énergiquement, mais sans réveiller la maisonnée. Le petit déjeuner : on mâche les tartines, on boit, on aspire, on avale, on enlève les miettes avec la langue. C’est l’heure de partir à l’école, en murmurant on dit « Au revoir Maman ! Au revoir Papa ! » et on fait de petits baisers.

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On arrive à l’école : on salue les amis en parlant à voix normale « Bonjour » et même en l’appelant au loin mais sans crier « Ohé, ohé ! » Présentation de « Que de bruit dans cette rue » L’enseignant dit le texte en parlé-rythmé avec les nuances indiquées sur la partition. Il s’agit des bruits de la rue opposés au silence de la nuit. Nuances : un long crescendo, une partie fortissimo puis un long decrescendo pour terminer sur un pianissimo. Apprentissage : texte, rythme et nuances Travail sur les contrastes Apprendre les deux fragments opposés, le plus fort et le moins fort : Passage ff : « Que de bruit dans cette rue ». Traduire la colère, le désagrément causé par le bruit. Passage ppp : « Peu à peu, le silence ». Ne pas accentuer peu à peu. Partager la classe en deux groupes qui diront successivement chacun un fragment au signal de l’enseignant. Echanger les groupes. Travail sur le crescendo L’enseignant dit le début du texte avec une belle progression qui va de mf à ff. Travailler « tintamarre », « pétarades » et « charivari ». Réaliser un crescendo régulier et progressif en faisant sonner les consonnes des mots. Enchaîner ce long crescendo à la partie fortissimo. Travail sur le decrescendo Poursuivre l’apprentissage par les mesures de ff à ppp : « Heureusement le soir venu ». Exprimer vocalement le sentiment de soulagement sans ralentir le tempo.

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« « A mesure que l’heure avance, peu à peu vient le silence ». Seul objectif : diminuer l’intensité jusqu’au pianissimo. Autre canon : Londres flambe (London is burning) Analyse de quelques chansons de cycle 3 Le Petit Jardin, Jacques Dutronc, jacques Lanzmann Faire écouter la chanson aux élèves. En parallèle de l’apprentissage vocal, il est possible de faire une analyse littéraire du texte.

1. La première strophe de la première partie décrit le jardin et son mobilier. D’abord une odeur, il sentait bon le terroir, la ville habitée, la ville telle que les souvenirs d’enfance en transmettent la mémoire. On ne parle plus du bassin parisien, on parle de la région de l’Ile de France. Après l’odeur vient l’image, le mobilier et la végétation : une table, deux chaises, deux arbres (le pommier pour la saveur, le sapin pour le décor) . C’était au fond d’une cour à la Chaussée d’Antin.

2. Dans la première strophe de la seconde partie, on retrouve les trois premiers versets comme une senteur imprégnée dont on ne peut se défaire. Mais ce jardin est habité. Dans le sapin se tient un rouge-gorge : après la vue et l’odorat, c’est le tour de l’audition. Le chant de l’oiseau vient comme en écho de la voix humaine, dont on sait maintenant d’où provient la voix annoncée : un homme fait son jardin. Et c’est bien au fond d’une cour à la Chaussée d’Antin.

3. La première strophe de la troisième partie débute de la même manière sur les senteurs. Celle du métropolitain a disparu au bénéfice d’un autre souterrain, sans repère dans les saveurs et les odeurs, à savoir un parking. L’homme à la fleur de béton n’a pas répondu aux implorations, son projet a avancé comme son bulldozer. Deux phrases

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concluent la chanson, reprenant le premier et le dernier verset de la première strophe. Désormais, on remarque le temps du verbe, qui n’est plus le passé simple, mais l’imparfait. C’était autrefois.

Amoureux de Paname, Renaud Séchan Faire écouter la chanson de Renaud immédiatement après celle de Jacques Dutronc. Avec la chanson de Jacques Dutronc, on était dans la photo de Doisneau. Avec Renaud, on serait plutôt en compagnie des tableaux de Jean-Michel Basquiat. Il y a une volonté de prendre à rebrousse-poil tous les discours entendus sur la ville. La clé de la chanson se trouve dans la dernière strophe : la pollution n’est pas dans l’air, elle est sur vos visages blêmes. La musique en dit parfois plus long qu’on ne semble le croire. Si l’on fait abstraction des paroles et n’écouter qu’un rythme, une suite d’accords, une ligne de basse, il est intéressant de remarquer qu’Amoureux de Paname se présente comme un réplique d’une autre chanson écrites quelques années auparavant : Il est cinq heures, Paris s’éveille. A cela on peut ajouter une orchestration proche dans l’esprit : basse/guitare dans les deux et la célèbre improvisation de flûte dans Paris s’éveille et un contre-chant d’accordéon dans Amoureux de Paname. La ville inconnue, Charles Dumont, Michel Vaucaire, création Edith Piaf Faire écouter juste l’introduction, avant que le chanteur ne commence. Et demander : « A votre avis, où est-on ? » En principe, l’harmonica envahit l’écran visuel de chacun. Evidemment, quand la chanson est entendue avec les paroles, les images se modifient. La ville est grise, vieille. On est dans un autre monde. C’est une chanson triste, sans vitesse. Celui qui chante prend la voix d’un vieux.

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Le seul texte ne suffit pas à expliciter le caractère de la chanson. La musique (dont la voix du chanteur) joue un rôle prépondérant, elle élargit les mots, la phrase, l’image décrite. La ville n’est pas déserte. La ville est une boîte à sons. La rumeur remplit l’espace. A un moment donné, on remarque que des pas ne sont plus tout à fait semblables à ceux portés par la rumeur. Le propriétaire des pas va nous confier son secret parce qu’il est seul et a besoin de parler. Beaucoup de poètes ont fait écho à cette solitude, par exemple : Je dois te dire Bien qu’il m’en coûte Que tu saches : Quand je suis seul, Je parle. Ne me demande pas Ce que je dis : Bien sûr qu’en vérité C’est le silence qui parle C’est du silence. On ne se déparle pas, Lui ou moi. Guillevic, Lettre, in « Paroi », 1971 T’as vu quelqu’un ? As-tu vu quelqu’un ? Personne Alors y’a personne

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Y’a quelqu’un ? Alors, comme ça, t’es sûr, y’a personne dans la ville ? Mais enfin puisque je te dis qu’il y a tous les copains, Tu vois bien Personne… dans la rue… en ville… Colette Magny, « A l’écoute », in « Feu et rythme » A propos de la musique de « La ville inconnue », le timbre de l’harmonica introduit ce désert lourd et hostile comme celui d’Ennio Morricone dans le film « Il était une fois dans l’ouest ». L’instrument déploie un long chant plaintif. En entendant l’entrée de la trompette, on peut se rappeler l’angoisse de celle de Miles Davis dans un autre film « Ascenseur pour l’échafaud ». Ecoute en lien : Blues on my mind, Paul Zaza Paris sera toujours Paris, création Maurice Chevalier, C. Oberfeld, A. Willemetz Nous sommes au début des années les plus tristes de notre histoire. Tous les espoirs s’étaient effondrés devant les chars allemands, et les couplets patriotiques glorifiant les troupes françaises ne faisaient plus recette. Reste qu’il fallait s’organiser et ne pas se laisser aller au découragement. On chante alors l’évocation d’un passé heureux. Le meilleur moyen d’oublier la réalité et sa cruauté, c’est le sentiment que rien ne peut détruire ce à quoi on a toujours cru. Et Paris est la ville lumière. Un peu de tendresse et de respect aussi pour une cité riche en merveilles architecturales et prodigue en réjouissances de tous genres.

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Il est bon de montrer aux enfants que la chanson peut être témoin de l’histoire telle que l’ont vécue nos grands-parents, arrière-grands-parents et qu’à ce titre elle fait partie du patrimoine.

Quelques écoutes Central Park in the Dark, Charles IVES Circonstances de création Composée en 1906, alors que Ives résidait en face du célèbre parc au cœur de Manhattan, Central Park in the Dark est une œuvre destinée à un orchestre de chambre constitué d’instruments à vent solistes, de deux pianos, deux tambours et de cordes. Elle n’a été créée à New York qu’en 1954, soit un demi-siècle plus tard. Le compositeur voulait y décrire la contemplation d’un promeneur, une nuit d’été dans Central Park, confrontée à la pollution et au tintamarre de la civilisation urbaine. L’extrait Dans l’atmosphère pâle, nocturne et mystérieuse tissée par les cordes, on perçoit quelques bruits tapageurs émanant de la cité (clubs, ragtime joué par un pianola, métro, klaxons) qui vont se faire de plus en plus assourdissant jusqu’à un paroxysme hurlant ! La nuit retrouve ensuite son calme, et les cordes reprennent leur surplace. Pacific 231, Arthur HONNEGER Circonstances de création « J’ai toujours aimé passionnément les locomotives ; pour moi, ce sont des êtres vivants et je les aime comme d’autres aiment les femmes ou les chevaux ».

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Au début du XXe siècle, dans l’ère industrielle et le machinisme, Honneger fit partie de ces compositeurs qui transcrivirent en musique l’urbanisme nouveau. Appartenant à un triptyque, Pacific 231 fut imaginé et composé entre les villes de Paris, Winterhur et Zürich. C’est une œuvre qui nous entraîne dans un parcours musical à bord de la célèbre locomotive américaine à vapeur. Sergueï Prokofiev s’en inspira lors de l’écriture de sa Symphonie n°2 dite de « Fer et d’acier ». L’extrait Avec ses rythmes obstinés et mélodies rotatives, ce mouvement symphonique ferroviaire illustre ce qu’on appela le motorisme en musique. Plan général de l’œuvre : Tranquille respiration de la machine au repos – Effort du démarrage – Accroissement progressif de la vitesse – Un train de 300 tonnes lancé en pleine nuit à 120km/h – Ralenti jusqu’à l’arrêt Different trains, Steve REICH pour quatuor à cordes et bande magnétique Le compositeur : Steve Reich est est considéré comme l'un des pionniers de la musique minimaliste, courant de la musique contemporaine. L'oeuvre : Different Trains (d’une durée de 27 minutes) est une œuvre musicale pour quatuor à cordes et bande magnétique. Cette œuvre a remporté le Grammy Award de la meilleure composition de musique classique contemporaine en 1989. L’écriture musicale est ici fondée sur l’utilisation du discours parlé comme matériau musical, sur la répétition et le déphasage. Ce principe de la « mélodie du discours » sera souvent présent dans ses œuvres ultérieures. Il s’agit d’une mise en parallèle en histoire personnelle et Histoire, entre le train qu’il prenait enfant joignant les domiciles

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de ses parents divorcés et les trains de déportés: Steve Reich sous-entend que s'il avait vécu en Europe à cette époque, en tant qu'enfant juif, ce sont ces « trains bien différents » qu'il aurait probablement dû prendre. Commentaires : Pour cette pièce, le compositeur alterne, en trois mouvements, bruitages évoquant les trains (sirènes, crissements), modifications de cordes et enregistrements de témoignages familiaux et historiques des témoins de cette époque. La composition utilise en partie le concept de répétition et d'ostinato marques des œuvres de Steve Reich. Les interviews, enregistrées dans les années 1980, sont composées de ceux de la propre gouvernante de Steve Reich, Virginia Mitchell, d'un porteur de bagages de la ligne New York-Los Angeles, Lawrence Davis, et de survivants de l'holocauste. Quelques pistes : Développer des trames instrumentales, vocales ou mixtes dans lesquelles l’ostinato prend une place centrale. EX : à l’aide de tubes sonores, ou de lames sonores, créer – individuellement ou collectivement - au hasard un ostinato de quatre ou cinq sons. (dans l’échelle pentatonique par exemple : do ré fa sol la ou do ré mi sol la) Développer le collage entre musique enregistrée et musique en direct Distinguer ostinato rythmique (ex : le Boléro de M. Ravel) et ostinato mélodique (ex : début de Façades de P. Glass) Ecouter d’autres musiques fondées sur l’emploi de l’ostinato Call the cab, Matt ENDER C’est un morceau de jazz, le rythme est fortement marqué par la batterie. Plusieurs instruments se relaient pour improviser sur le thème de base : une clarinette, un piano, une guitare, la batterie, la contrebasse, etc. Chaque intervention du soliste est ponctuée par le même instrument ? Lequel ? C’est la cymbale, jouée par le batteur. Celui-ci dispose de deux types de cymbales, les cymbales sur pied qu’il frappe avec une baguette ou un balai métallique et les cymbales charleston, entrechoquées à l’aide d’un pédalier.

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C’est la cymbale sur pied qui est ici utilisée. Pistes pédagogiques : La batterie de jazz, étudier la batterie de jazz et les divers instruments qui la composent (toms, cymbales, grosse caisse, cloche, triangle, etc.) Chanteur ou batteur, se répartir les rôles : chanteur ou percussionniste. Matt Ender est un compositeur, clarinettiste et saxophoniste américain. Il est né en 1953 à Richmond, en Virginie. Un Américain à Paris, Georges GERSHWIN Circonstances de création : En 1928, Gershwin vint en Europe pour rencontrer les compositeurs qu’il admirait. Enchanté par son séjour à Paris, il composa ce poème symphonique adapté au cinéma dans les années 50 comme comédie musicale. Il y présente les impressions d’un Américain visitant Paris. Tandis qu’il se promène dans la ville, il prête attention aux bruits des rues et s’imprègne d’ambiance parisienne. La particularité de cet extrait est l’utilisation d’instruments tels que le célesta et le saxophone. Le plus remarquable est l’intrusion de klaxons qui s’intègrent dans le rythme. Dans cette oeuvre qui dure de 17 à 19 mn, l’écoute des 2 premières minutes suffit à donner du sens à ce poème symphonique : le contraste dans les nuances et les timbres. Analyse de l’extrait : - Identifier un thème : Ecouter l’exposition du thème (calme, clair) *10’’+ L’identifier dans l’extrait : 4 apparitions. - Identifier et reconnaître des timbres : Dans la 2ème partie *de 28’’ à 1’11’’+ : Identifier et reconnaître le timbre de la caisse claire ; du xylophone ; tube résonant 2 tons ou wood-block ; l’intervention des klaxons. On pourra ordonner les interventions à l’aide d’un musicogramme . - Mettre en évidence les changements de tempo : Se déplacer sur la pulsation - Repérer les changements d’intensité : Dans la seconde partie *après 1’11’’+, coder les différentes nuances sur le

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musicogramme. Ces changements pourront être exprimés par le corps au préalable. Toutes les nuances sont présentes : ---------------piano ( p ) - mezzo-forte (mf ) - forte ( f ) - crescendo (<) - decrescendo (>)---------------- Les cris de Paris, Clément JANEQUIN Exemple de questions à poser aux enfants : En quelle langue est chantée cette œuvre ? Que décrit-elle ? Nous entendons : cris de Paris, petit pigeon, beaux épinards, allumette, navets, appétit nouveau, c’est moy, belle oseille, choux. C’est du vieux français. Il s’agit de marchands qui attirent les clients dans un marché à Paris, à la fin du Moyen-âge. Quelles sont les voix ? C’est un chœur mixte (voix d’hommes et voix de femmes), il y a quatre voix, c’est un quatuor vocal. Comment sont employées les voix ? Le texte est souvent incompréhensible. Parfois les chanteurs prononcent les mêmes mots en même temps, parfois les mots sont décalés, parfois une même syllabe est chantée sur plusieurs notes. C’est un chant polyphonique. Comment est traduite l’ambiance du marché ? Les chanteurs évoquent les interpellations que l’on peut entendre sur un marché. Les marchands crient plus fort les uns que les autres afin de se faire entendre. Le compositeur utilise des nuances. A la Renaissance, la musique est souvent vocale. Le compositeur ne cherche pas forcément à ce que le texte soit compris. Solitude transit, Luc FERRARI Première écoute « A quoi vous fait penser cette pièce musicale ? » « Dans quel lieu peut avoir été effectuée cette prise de sons ? » hall de gare, (gare de l’Est à Paris), aéroport... « Comment vous semble être construit ce morceau » ? « Peut-on parler de morceau de musique ? »

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On apporte des sensations d’écoute : éléments d’ambiance , éléments réalistes ( pas, voix, portes, rires…), des sons travaillés. Deuxième écoute : Prendre des notes succinctes (sous forme de mots, signes, etc.…) et relatives à ce que l’on pense reconnaître. Synthèse collective Discussions, confrontation des idées : Sons enregistrés en un lieu de passage, de transit. On entend des bruits de pas, des souffles, des annonces sonores, des cris, des crissements, des bruits de moteurs, de klaxons, des portes qui claquent, des rires, des paroles inaudibles, une sirène. Sons fabriqués au synthétiseur, et constituant une trame. On a une impression de transparence, de profondeur, d’écho, d’espace et en même temps, on perçoit un foisonnement de sons, traduisant une foule. Troisième écoute : Entrer le plus possible dans le matériau sonore. Puis les enfants émettent des idées, des propositions. « Comment est construit le morceau ? » : Il y a une trame, une sorte de tissu, résultante d’un amalgame de sons différents et permanents: les pas – les souffles – les annonces sonores, qui constituent une impression de vide, une profondeur, l’espace ambiant ; et des sons travaillés. Cette trame est dense, puis transparente, jusqu’à disparaître. Autres extraits possibles : Locomotive, LES TAMBOURS DU BRONX Take the « A » train, Duke ELLINGTON La sorcière du placard à balais, Marcel LANDOWSKI

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Liste de chants

Cycles 1 et 2 :

La Ville aux enfants, Les Fabulettes 4, Anne Sylvestre L’autobus Les cloches de Notre-Dame (canon) Au marché, Henri Dès L’horloge de la gare, Raymond Fau, Jean Debruyne Bonjour Monsieur le charcutier, Raymond Fau Au feu les pompiers La maison en chocolat, Erika et Philippe Pascal J’ai une maison, Anne Sylvestre Les tortues à moteur A Strasbourg sur la place, traditionnel alsacien

Chansons traditionnelles : A Paris J’ai des pommes à vendre C’est pas vrai Les p’tites locos Gens de la ville La totomobile Je frappe au numéro un Dans ma maison il y a Roulez, roulez La voilà la ville (chanson traditionnelle bretonne)

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Cycle 3 :

London’s burning (canon) Gens de la ville (en canon) Les amoureux des bancs publics, Georges Brassens Accordéon, Serge Gainsbourg Syracuse, Henri Salvador Il est cinq heures, Paris s’éveille, Jacques Dutronc La complainte de la butte, Renoir, Van Parys Coin de rue, Charles Trénet Mambo Rio, Coquetel en ville Ma rue, Alain Schneider Juliette et Potiron, Coquetel en ville Que de bruit dans cette rue (parlé rythmé) A quoi ressemble ta maison, G. Pauget, B. Vignal Quand le bâtiment va, tout va, Maurice Chevalier La complainte de l’heure de pointe, A Paris en vélo, Joe Dassin Amsterdam, Jacques Brel Barcelone, Juliette Bruxelles, Jacques Brel Bruxelles, Bénabar Il y avait une ville, Claude Nougaro J’ai rêvé New York, Yves Simon Je reviendrai à Montréal, Robert Charlebois

La ville, hier, aujourd’hui, demain 2011/2012

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Je vous écris du fond de ma ville, Julien Clerc La ville d’autrefois, Louis Chedid La ville que j’ai tant aimée, Tri Yann Manhattan Kaboul, Renaud Né quelque part, Maxime Le Forestier Le poinçonneur des lilas, Serge Gainsbourg Que c’est triste Venise, Charles Aznavour Sous le ciel de Paris, Edith Piaf Toulouse, Claude Nougaro Ville de lumière, Gold La maison près de la fontaine, Nino Ferrer La ville inconnue, Serge Hureau