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LABORATOIRE DE CRÉATION DOUTILS PÉDAGOGIQUES EN LANGUES ÉTRANGERES PASSERELLE N° 5 DIScOURS ET CONTEXTE Réseau avec le projet PNR Analyse du Discours et des Objets Signifiants Edition ANWAR EL MAARIFA MARS 2013

LABORATOIRE DE CRÉATION D OUTILS …2 EDITIONS ANWAR EL MAÂRIFA *** Dépôt légal : 2480-2013 ISSN1112-6337 Cité du 20 Août «Ex Cia» BT 100 A Bis N : 40 Mostaganem – Algérie

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LABORATOIRE DE CRÉATION D’OUTILS

PÉDAGOGIQUES EN LANGUES ÉTRANGERES

PASSERELLE

N° 5

DIScOURS ET CONTEXTE

Réseau avec le projet PNR

Analyse du Discours et des Objets Signifiants

Edition ANWAR EL MAARIFA

MARS 2013

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EDITIONS ANWAR EL MAÂRIFA

***

Dépôt légal : 2480-2013

ISSN1112-6337 Cité du 20 Août «Ex Cia»

BT 100 A Bis N°: 40 Mostaganem – Algérie Tél :045 30 71 84 / fax : 045 30 84 93 GSM : 0770 37 45 97

Email : [email protected]

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LABORATOIRE DE CRÉATION D‘OUTILS

PÉDAGOGIQUES EN LANGUES ÉTRANGERES

PASSERELLE

N° 5

Discours ET contexte

Réseau avec le projet PNR

Analyse du Discours et des Objets Signifiants

MARS 2013

Les opinions émises dans les articles publiés n‘engagent que la

responsabilité de leurs auteurs

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Comité Scientifique : Chiali Lalaoui Fatéma-Zohra, Benmoussat Boume-

diène, Driss Ablali, Dominique Maingueneau, Tabet

Aoul Zoulikha, Michel Bernard, Moussaoui Meriem,

Moulfi Leïla, Jean-François Jandillou, Khelladi Zou-

bida, Bensalah Mohamed, Belkhenchir Khadoudja,

Bary Osmane, Mehadji Rahmouna, Hamidou Nabi-

la, Hendels Ralph, Lakhdar Barka Ferida, Bey Omar

Rachida, Miri Benabdellah Imèn, Kheira Merine.

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LABORATOIRE DE RECHERCHE CREATION

D’OUTILS PEDAGOGIQUES EN LANGUES

ETRANGERES

LOAPL Université d’Oran

Faculté des Langues, des Lettres et des Arts

Directrice du Laboratoire Pr. Chiali Fatima-Zohra Objectifs du Laboratoire

Ce laboratoire se compose de chercheurs appartenant à

différentes sections de la Faculté des Langues, des Lettres,

et des Arts, plus particulièrement : Français, Anglais et Es-

pagnol. Notre collaboration s‘explique par le fait que, à partir

des axes sélectionnés, nous poursuivons le travail sur les pro-

grammes universitaires par la mise en route de manuels pour

l‘enseignement supérieur, ainsi qu‘une réflexion sur les ap-

ports des théories nouvelles.

Axes de Recherches

- Didactique des Langues Etrangères :

Français/Anglais/Espagnol),

- Linguistique appliquée, Analyse du Discours, Numérisation

- Littérature Arabe, Hispanique, Française, Anglaise

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Avant-propos

Dans ce numéro, il s‘agit de sélectionner parmi les mu-

tiples articles issus de rencontres scientifiques portant sur le

Discours et son Contexte, celles qui ont interrogé de manière

innovante la/les relations qui relie(nt) le Contexte avec ses ma-

nifestations discursives sous forme d‘images, de paratexte, de

texte, d‘espaces circonscrits…

Autant d‘objets signifiants qui deviennent des « mo-

ments » localisés d‘analyses et d‘approches croisées. Croiser

analyse du discours et contexte, dégager en particulier la pesée

du contexte sur la notion de matérialité discursive, tel est

l‘objectif de ce numéro édité par notre laboratoire. La notion

d‘analyse de discours est ici abordée de façon large, en

l‘ouvrant à la théorie des actes de langage, la sociolinguistique

des interactions, l‘ethnographie de la communication, la prag-

matique, l‘analyse conversationnelle, la praxématique, les théo-

ries de l‘énonciation, la linguistique textuelle appliquée au texte

littéraire et non littéraire.

La notion de contexte, quant à elle, est comprise comme

l‘ensemble des éléments nécessaires à l‘interprétation/ produc-

tion du discours oral ou écrit. Cette définition permet

d‘envisager le contexte dans des dimensions variées, qu‘il

s‘agisse- de façon non exclusive- du cotexte (environnement

discursif), de la situation de communication externe ‗cadre par-

ticipatif, cadre spatio-temporel et finalité(s) du discours), des

connaissances encyclopédiques, culturelles et discursives (no-

tamment la maitrise des genres de discours). Le contexte de-

vient un environnement discursif qui intéresse tout un chacun :

- Sciences du langage,

- Littérature,

- Didactique appliquée.

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Cette simple définition montre la diversité des configu-

rations pouvant être obtenues à partir du croisement de deux

notions mises en relation dans le titre : analyse du discours,

contexte ; ce que tente de signifier leur mise en pluriel. La rela-

tion entre analyse du discours et contexte mérite d‘être obser-

vée, décrite et discutée, eu égard à la variété des configurations

possibles.

Ainsi, les auteurs des articles présents dans ce numéro

Discours et Contexte ont confrontés leurs réflexions sur des

problématiques multiples :

- Comment utilise-t-on le contexte et quelle place lui réserver

dans l‘analyse du discours ?

- Le contexte, outil méthodologique ou réalité extérieure à

l‘analyse ?

- Le contexte est-il dynamique ? quelles peuvent être ses li-

mites ?

- Quel contexte choisir et quelle validité en attendre ?

- Quel est le degré de prise en charge par l‘analyste ?

- Quelle est la relation entre le contexte et

l‘interdiscours/dialogisme ?

- Quelle est la place de l‘analyste dans l‘interprétation du

contexte ?

- Le contexte est-il sujet à variation interculturelle ?

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SOMMAIRE

CHIALI F.Z

L‘imaginaire linguistique : Décrire et comprendre ................... 11

KALINA YANEVA

Importance du contexte en didactique des langues : Application

en aphasiologie. ......................................................................... 23

TABET AOUL ZOULIKHA

L‘extrême contemporain dans le paysage littéraire algérien :

Parcours d‘auteurs et de sujets. ................................................. 44

AZOUZI AMAR

Le contexte, les mots et le sens ou de la définition au discours

dictionnarique ............................................................................ 56

DR DONALD VESSAH NGOU - LABORATOIRE

MODYCO -

Le pronom nous dans la trilogie de Léonora Miano, esquisse

d‘une interprétation modulée du discours. ............................... 77

KHELLADI- HAMZA ZOUBIDA

Les proverbes de Don Quichotte dans le discours .................... 93

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BAGHADID-MAATI HALIMA

El contexto desde un punto de vista didàctico ........................ 102

MELIANI MOHAMED

حوخؿ١ش حيحه١ش حؿؼ١خص ح١خق حض ........................................ 108

BENSALAH MOHAMED

Discours filmiques, mémoires et contextes révolutionnaires :

Eléments pour un débat ........................................................... 123

HAOUAS-LAZREG KHEIRA ZOHRA

Yasmina Khadra : De la paratopie familiale à la Paratopie

créatrice ................................................................................... 149

MAHDI FATÉMA-ZOHRA

La sémiotique dans l‘œuvre dramatique Eloisa esta debajo de un

almendro .................................................................................. 160

SELKA NADJIBA

La littérature de l‘émigration comme contexte d‘émergence .. 172

HAMMOUCHE- BEY OMAR RACHIDA

L‘Espagne des années 50 et 60 à travers deux romans de Luis

Pérez Romero : La Noria et La Corriente ............................... 182

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SAHBI FAYÇAL

Réception et contexte dans le cinéma : De la sémiotique à la

sémiopragmatique ................................................................... 197

KAZDARLI KHADIDJA

Le contexte introducteur du discours raconté dans le rocher de

tanios d‘Amin Maalouf ........................................................... 212

HAOUAM LEÏLA

Communiquer analyser le rôle du contexte dans l‘interprétation

du vêtement ............................................................................. 231

HARIG-BENMOSTEFA FATIMA ZOHRA

L‘importance des savoirs socio-culturels dans la traduction et la

construction du sens : L‘actualisation de l‘emprunt lexical dans

le discours ................................................................................ 256

BELKHOUS DIHIA

Contexte historique et discours de la dénonciation dans Le

dernier été de la raison de Tahar Djaout ................................. 283

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CHIALI F.Z.

Pr.Université d’Oran

L’imaginaire linguistique : Décrire et comprendre

Résumé

Souvent au centre de conflits idéologique, culturel

et même spatial, les rapports de la langue française

avec la langue, la société, l‘individu algérien n‘ont ces-

sé d‘évoluer. Nous proposons une réflexion, non pas

sur ces rapports mais sur la représentation de la langue

française en tant que variété algérienne de par sa pré-

sence dans l‘institution officielle comme dans la cons-

truction identitaire nationale. En venant alors à se de-

mander quel rôle joue-t-elle au niveau des représenta-

tions comme des conduites langagières? Et enfin quels

rapports entretient-elle avec les différentes langues al-

gériennes?

Mots clés

Langue nationale/étrangère, représentation de la

langue/variété « français/algérien »

Ce bilan tente de décrire en l‘analysant les repré-

sentations des locuteurs algériens dans l‘univers des

imaginaires linguistiques qui les a façonnés avant,

pendant et après le régime colonial français.

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Introduction

Contrairement à une idée largement partagée, la

société algérienne n'est pas une société bilingue ou bi-

culturelle, comme le soutiennent les thèses officielles.

Le bilinguisme ou le biculturalisme officiels et par cer-

tains aspects académiques, nourrissent une occultation

dont l'objectif principal consiste à ‗‘rendre insigni-

fiant‘‘ l'existence d'autres langues minoritaires ou ré-

gionales, coexistant et pour certaines préexistant à

l'arabe conventionnel et au français.

La volonté de nier le multilinguisme ou plus pré-

cisément la multilinguité et partant la multiculturalité

de la société algérienne, c'est rendre plausible son ho-

mogénéisation linguistique par un procédé politique

dénommé arabisation.

Ceux qui connaissent l'Algérie savent qu'il existe

dans cette société une configuration linguistique qua-

dridimensionnelle, se composant fondamentalement de

L'arabe algérien, la langue de la majorité, de l'arabe

classique ou conventionnel, pour l'usage de l'officialité,

de la langue française pour l'enseignement scientifique,

le savoir et la rationalité et de la langue amazighe, plus

communément connue sous l'appellation de langue

berbère, pour l'usage naturel d'une grande partie de la

population confinée à une quasi clandestinité.

Des segments importants de la société algérienne

auxquels on reconnaît officieusement une identité eth-

nique tout en leur déniant officiellement toute identité

linguistique et plus globalement toute identité cultu-

relle. La langue amazighe ou le berbère en Algérie, il

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faut le rappeler, se compose elle-même d'une constella-

tion de parlers et de langues locales ou régionales et

donc minoritaires par rapport aux trois langues domi-

nantes en Algérie que sont l'arabe algérien, l'arabe con-

ventionnel et le français.

Ces langues régionales et minoritaires sont princi-

palement le kabyle, le chaoui, le m'zabi, le targui et

plusieurs poches linguistiques utilisant l'une ou l'autre

forme plus ou moins altérées, ou plus ou moins accli-

matées comme le tachalhit, et se situant dans diffé-

rentes régions d'Algérie du nord comme du sud (Bou-

semghoun, Ouakda, Lahmar, Boukaïs au sud-ouest ou

encore aux confins de l'Ahaggar dans l'extrême sud du

pays et qui maintiennent toutes leurs traditions linguis-

tiques dans des régions entièrement arabisées), tout en

entretenant des rapports constants avec les langues

dominantes l'arabe et le français en l'occurrence.

1. Problématique

C'est précisément cet aspect et notamment les

rapports avec la langue et la culture française qu‘il

s'agit d'explorer. Ce qui revient à reformuler, à travers

ces rapports, les questions de la place réelle de la

langue et la culture française dans la société algérienne

aujourd'hui. A se demander quel rôle joue-t-elle au ni-

veau des représentations comme des conduites langa-

gières? Et enfin quels rapports entretient-elle avec les

différentes langues algériennes?

De façon générale, le rapport des locuteurs algé-

riens à la langue française repose constamment et par-

fois bruyamment, la question de la place et de la pré-

gnance de la culture française dans la société algé-

rienne. Ce n'est donc pas tant le système linguistique

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en lui-même et le statut des locuteurs à l'intérieur de ce

système qui pose problème, mais bien l'attitude politi-

co-idéologique face à ce que la langue charrie comme

culture, qui soulève souvent de lancinantes interroga-

tions et parfois de brutales passions. En d'autres

termes, la question qui se pose est de savoir si l'accès à

une culture donnée par une société, a pour passage

obligé la maîtrise et l'usage de la langue correspon-

dante ou si l'acquisition d'une langue suffit à lui ouvrir

les portes à la culture de celle-ci. Et de se demander à

contrario, si la baisse de la présence ou de l'usage d'une

langue donnée, comme le laisse supposer "l'arabisa-

tion" officielle en Algérie pour la langue française, in-

duit une baisse de la culture qui y est afférente ?

Dans "l'anthropologie structurale", Claude Levi-

Strauss considérait "le langage, à la fois comme le fait

culturel par excellence et celui par l'intermédiaire du-

quel toutes les formes de la vie sociale s'établissent et

se perpétuent" (Levi-Strauss 1958, p.392). Si l'on con-

sidère la situation linguistique en Algérie, à la lumière

de cette observation, il devient alors difficile de savoir

où s'arrête l'inter-culturalité et où commence l'accultu-

ration. Il devient ardu de savoir comment démêler

l'écheveau de l'inter, l'intra et le transculturel dans des

situations concrètes et spécifiques d'émergence d'un

processus culturel et linguistique, lui-même en cons-

tante reconstruction. Processus qui ne saurait se réduire

à un quelconque recouvrement d'une mémoire linguis-

tique mythique, comme le laisse entendre le volonta-

risme politique, qui est à la base du réaménagement du

linguistique en Algérie par l'arabisation. La question du

rapport de la société algérienne à la langue et à la cul-

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ture française, a précisément pour avantage, de casser

la relation duale d'une langue à une autre, en explici-

tant l'enchevêtrement des cultures linguistiques, les

unes dans les autres.

2. Le renversement du cognitif par l'expressif

Au lendemain de l'indépendance politique le pay-

sage social, éducatif et culturel n'a fondamentalement

pas changé, tant sur le plan structurel que linguistique,

mais d'immenses besoins d'encadrement apparurent

dans les différents secteurs. Notamment dans l'ensei-

gnement considéré comme le lieu privilégié de repro-

duction des rapports d'acculturation. Et comme les

premières générations de l'indépendance devaient être

les premières à "re-culturer", on dédoubla l'enseigne-

ment en langue française par l'introduction massive

d'enseignement de la langue arabe, assuré notamment

par des enseignants du Moyen-Orient "coopérants eth-

niques" qui n'avaient, pour la plupart d'entre eux, reçu

aucune formation les prédestinant à ce type de fonc-

tion. Persuadés de remplir une mission de restauration

culturelle et morale, dont le point de départ et le sup-

port fondamental était la réhabilitation d'un - ou du –

Paradigme linguistique perdu.

Cette mission de restauration linguistique allait

configurer le paysage linguistique algérien en octroyant

paradoxalement à la langue française, la place durable

qu'elle occupe actuellement dans la société algérienne.

En effet, l'échec de cette entreprise de ré-

expressionalisation du système scolaire s'est en effet

révélé profitable à la consolidation sociale et culturelle

de la langue française, mais préjudiciable au système

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éducatif algérien et à travers lui, à la société toute en-

tière. Cette première expérience qui était plus une pâle

"orientalisation" qu'une véritable arabisation du sys-

tème éducatif, s'est avérée incapable de répondre à une

attente linguistique solidement ancrée dans une exi-

gence de modernité d'une part et de satisfaire une de-

mande sociale d'expression de substitution, sous forme

de remplacement de l'usage de la langue française par

l'usage d'une langue arabe algérienne évoluée, d'autre

part. L'introduction d'un "arabe" scolaire décharné,

sans ancrages dans la réalité algérienne et aux cons-

tructions syntaxiques éloignées de l'arabe algérien en a

paradoxalement, accentué l'extériorité. La langue arabe

conventionnelle va se trouver dans une situation de

double extériorité par rapport au système éducatif, où

l'on distingue jusqu'à présent "l'arabe de l'école" de

"l'arabe de la maison" et par rapport à la société et donc

des langues locales qui n'ont fourni aucun effort pour

l'intérioriser. L'échec de cette première tentative de ré-

expressionalisation fut d'autant plus patent, que le sys-

tème scolaire se transforma progressivement de lieu

d'apprentissage de contenus scolaires, en lieu d'appren-

tissage de moyens de les exprimer ou encore de lieu

d'apprentissage du savoir en lieu d'apprentissage d'une

langue, consacrant ainsi un renversement du cognitif

par l'expressif. Ce renversement est jusqu'à présent dé-

signé par l'opposition dichotomique Langue nationale

/langue étrangère. Désignation-occultation des rapports

complexes d'une société à sa parole ou plus précisé-

ment à ses paroles c'est à dire à ses langues minori-

taires et minorées.

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C'est donc durant cette période des premières an-

nées de l'indépendance, nous semble-t-il, que s'est for-

gée la sensibilité linguistique de l'Algérien. Une sensi-

bilité à mi-chemin entre un arabe algérien évolué et

enrichi par l'introduction de nombre de mots nouveaux

ou de néologismes acclimatés et une langue française

réappropriée et réadaptée à un environnement et à un

espace social en constante recomposition. Pour les lo-

cuteurs amazighophones également, s'est prolongé le

rapport avec le français et l'arabe algérien sous forme

d'échanges ininterrompus, puisque nombre de mots des

deux langues ont été intégrés dans les différents

idiomes des différentes régions (Kabylie, Aurès et

M'zab notamment). La langue arabe conventionnelle

demeurant quant à elle, circonscrite dans un espace

scolaire hybride, mais soumis aux épreuves et aux

pressions de la prégnance sociale de l'arabe algérien

conjugué au français. Prégnance sociale qui va à

contre-courant d'un volontarisme linguistique entêté,

ignorant la réalité du premier et chargeant de tous les

maux la présence du second. La destinée de la langue

française allait se trouver scellée par ou à cause des

moyens mis en œuvre pour la bannir. C'est l'arabisation

politique qui va conforter la francophonisation sociale.

En d'autres termes, la confirmation (sociale) de la

langue française s'est fondée sur les intentions (poli-

tiques) de son infirmation. L'évolution de l'usage ou

plus précisément des usages de la langue française en

Algérie va connaître les développements soumis aux

exigences contradictoires du processus de maturation

du tissu plurilinguistique encore en cours dans la socié-

té algérienne. A côté de l'arabe algérien et de la langue

amazighe, toutes variantes confondues, parlée par près

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de la moitié de la population (kabyle, chaoui, m'zabi,

targui, tachalhit), la langue française va se développer

de façon parallèle à la langue arabe officielle, puisque

les deux avaient droit de cité dans les institutions sco-

laires et administratives. Avec cependant un avantage

prononcé pour le français qui conservait son statut de

langue de communication sociale et de canaux étendus

comme les chaînes satellitaires et Internet.

3. Une langue française algérienne

La semi-officialisation récente de la langue ama-

zighe en Algérie, son introduction à la télévision et son

enseignement dans certaines écoles à titre expérimen-

tal, va contribuer à re-configurer la place des usages, et

partant des langues sur l'échiquier idiomatique en re-

configurant les statuts et en redéfinissant les rôles aussi

bien de la langue arabe algérienne que de la langue

française en usage en Algérie et bien entendu, leurs

rapports avec les langues minoritaires de souche ama-

zighe.

De ce point de vue, l'imaginaire linguistique en

actes dans la sensibilité et l'expression du locuteur al-

gérien - arabophone ou amazighophone - échappe de

façon explicite aux codes conventionnels de la langue-

norme de référence, qu'elle soit arabe ou française. Par-

tie intégrante de la sensibilité linguistique vivante, la

langue française "algérienne" n'appartient plus à la

koïné de France. Elle prend et reprend constamment

corps dans la recomposition de l'imaginaire linguis-

tique social en Algérie en en exprimant son altérité in-

térieure. Et c'est sans doute pour cela que l'Algérie ne

peut pas être classée dans le bloc ou le groupe franco-

phone au même titre que les autres pays ayant la langue

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française en partage. De même que les oppositions

usuelles telles que francophonie/arabophonie, souvent

mises en exergue pour appréhender les faits et les con-

duites langagières en Algérie, se révèlent fort réduc-

trices, pour ne pas dire frappées de caducité.

L'Algérie se caractérise, comme on le sait, par une

situation de quadrilinguité sociale: arabe conventionnel

/ français / arabe algérien / tamazight. Les frontières

entre ces différentes langues ne sont ni géographique-

ment ni linguistiquement établies. Le continuum dans

lequel la langue française prend et reprend constam-

ment place, au même titre que l'arabe algérien, les dif-

férentes variantes de tamazight et l'arabe conventionnel

redéfinit, de façon évolutive les fonctions sociales de

chaque idiome. Les rôles et les fonctions de chaque

langue, dominante ou minoritaire, dans ce continuum

s'inscrivent dans un procès dialectique qui échappe à

toute tentative de réduction. L'opposition duale par

exemple, entre l'arabe, langue d'identité et le français,

langue de modernité, est d'un degré de généralité tel,

qu'elle n'éclaire en rien la nature complexe des rapports

inter-linguistiques et encore moins le sens et la pré-

gnance symbolique de chacune des deux langues dans

les processus de construction(s) de l'identité comme de

la modernité.

La langue française participe d'un imaginaire lin-

guistique social en actes, qui mêle invariablement

usages et systèmes linguistiques dans un foisonnement

créatif qui ignore les frontières et les rigidités idioma-

tiques conventionnelles. Différant du rapport entre ara-

bisation et francophonie, la relation entre la société al-

gérienne et la langue française revêt une forme multi-

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20

complexe qui ne saurait se réduire aux catégorisations

générales. En effet, la réalité empirique indique que la

langue française occupe en Algérie une situation sans

conteste, unique au monde. Sans être la langue offi-

cielle, elle véhicule l'officialité, sans être la langue

d'enseignement, elle reste une langue de transmission

du savoir, sans être la langue d'identité, elle continue à

façonner de différentes manières et par plusieurs ca-

naux, l'imaginaire collectif. Il est de notoriété publique

que l'essentiel du travail dans les structures d'adminis-

tration et de gestion centrale ou locale, s'effectue en

langue française. Il est tout aussi évident que les

langues algériennes de l'usage, arabe ou berbère, sont

plus réceptives et plus ouvertes à la langue française à

cause de sa force de pénétration communicationnelle.

C'est pour cela que La langue arabe imposée

comme Sur-norme, escamote ainsi les réalités linguis-

tiques qui prennent et reprennent quotidiennement

corps dans les usages qui composent une multi-

expressionalité vivante. Le projet originel d'une arabi-

sation du système éducatif qui a d'emblée écarté l'arabe

de l'usage, le français et les différentes variantes de la

langue amazighe, en focalisant sur l'arabe convention-

nel scolaire, a ouvert la voie à l'écart et par la suite, à la

distance entre intelligence linguistique sociale et intel-

ligence linguistique scolaire. Ce projet de substitution

de la langue arabe à la langue française, qui se pour-

suit, sous des fortunes diverses jusqu'à présent, est

donc essentiellement un processus d'apprentissage

d'une langue extérieure à la sensibilité linguistique al-

gérienne et c'est précisément ce qui pose problème, car

il s'agit de savoir dans quelles conditions s'effectue cet

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apprentissage, dans quels types d'interactions linguis-

tiques et culturelles il s'effectue et si réellement il s'ef-

fectue, tant sur le plan éducatif que social. La question

des effets de l'inter culturalité linguistique dans le pro-

cès d'apprentissage social, soulève immanquablement

les aspects épistémologiques que cet apprentissage fait

surgir.

Si sur le plan politique l'arabisation apparaît

comme la manifestation de la volonté de substituer un

usage linguistique à un autre, sur le plan socioculturel,

il s'agit en fait de substituer à l'usage d'une langue, en

l'occurrence le français, l'apprentissage d'une autre

langue. L'apprentissage de la langue arabe convention-

nelle. Une approche de "l'arabisation" en termes d'ap-

prentissage collectif voire social, de la langue arabe nie

complètement la place et partant l'existence des

langues minoritaires dans cet apprentissage. Ce faisant,

elle nie également le rapport qu'entretiennent ces

langues à la langue et à la culture française, cultivant

par cette négation, la triple confusion dont procède gé-

néralement le traitement de la question linguistique en

Algérie : confusion entre langue française et franco-

phonie, confusion entre arabisation et algérianisation et

enfin confusion entre arabisation et islamisation ou ré-

islamisation.

Conclusion

A la lumière de cette description, il paraît signi-

fiant de contextualiser la notion de représentations dis-

cursives et de prendre en charge l‘attitude transversale

des langues en contact. Si la langue forge la culture

d‘un individu, les imaginaires linguistiques qui

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l‘habitent déterminent les perceptions de l‘implicite et

leurs manifestations sémiotiques.

Bibliographie

Blanchet Ph., Moore D. & Asselah Rahal S.

(2008), Perspective pour une didactique des langues

contextualisée, Paris, Éditions des Archives Contempo-

raines.

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D'une absence de nomination comme déni de réalité".

Cahiers de praxématique 23, pp. 2-26

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Kalina YANEVA

Université Paris Ouest/CNRS

Importance du contexte en didactique des langues :

Application en aphasiologie.

Résumé

Cette étude est consacrée à la didactique des

langues, appliquée à la réadaptation du langage de su-

jets aphasiques (troubles du langage acquis que nous

définirons). Du point de vue de la linguistique et de la

communication, nous évoquerons le rôle du contexte,

lors de l‘apprentissage d‘une langue étrangère, ré-

flexion que nous transposerons à la rééducation du lan-

gage : contexte linguistique, situationnel, familial et

affectif. Compte tenu de ce sens élargi, quel est

l‘impact du contexte sur la communication altérée des

patients aphasiques, pour lesquels il faut adapter indi-

viduellement une remédiation cognitive ? À travers

cette acception du vocable contexte et après un bref

historique de la didactique des langues et de la notion

de préceptorat, le propos est de montrer l‘existence de

liens entre acquisition/apprentissage du langage et des

langues et la situation de re-acquisition/apprentissage.

La remédiation cognitive proposée concernera la réa-

daptation phonétique, par la méthode verbo-tonale de

Guberina (1965).

Mots clés

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langage et langue, aphasie, contexte sémiologique,

didactique des langues, réadaptation du langage, mé-

thode verbo-tonale, acquisition/apprentissage.

Introduction

Quatre notions importantes retiennent d‘emblée

notre attention : le contexte, le discours, le rôle du con-

texte en didactique1 des langues et en rééducation du

langage. En effet, ce dernier occupe une place centrale

dans la relation à autrui et recouvre plusieurs disci-

plines des sciences humaines et sociales (philosophie,

psychologie, sciences de la cognition, sciences de

l‘éducation, etc.)

Rappelons brièvement trois notions essentielles en

linguistique : langage, langue et parole, définies par F.

de Saussure (1916). Il précise que cette réalité « multi-

forme et hétéroclite relève de plusieurs domaines, à la

fois physique, et psychologique et appartient au do-

maine individuel » (Saussure, 1969, p. 25).

Il considère la langue comme :

[…] celle d‘une communauté dans son contexte

social », et comme « un ensemble de conventions né-

cessaires, pour permettre l‘exercice de cette faculté

chez les individus » (Saussure, 1969, p. 25). Enfin, la

parole est perçue comme « une production individuelle,

acte volontaire. (Saussure, 1969, p. 38)

Le « sujet parlant » (Saussure, 1891) use de ce

code en y laissant les traces de sa personnalité et sa vi-

sion générale de la situation. Dans les années 1950,

Benveniste (1958, p. 259) discute la notion de langue, 1 Didactique ou « art d’enseigner » (Émile Littré, Dictionnaire de la langue

française, t. 2, p. 39).

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comprise seulement comme un instrument de commu-

nication et il considère que : « C‘est dans et par le lan-

gage que l‘homme se constitue comme sujet ».

Le Cercle de Copenhague (Togeby, 1951) tend à

restreindre l‘explication des faits de langue aux faits

linguistiques et s‘intéresse plus au contexte proposi-

tionnel qu‘au contexte situationnel, au sens élargi de

l‘expression. Ce dernier émerge de la pragmatique en

linguistique qui puise aux sources de la philosophie et

de la psychologie ; nous faisons référence ici à W.

James (Harvard, années 1880), J. Austin (1955), P.

Grice (1961), J.R. Searle (1969). La définition la plus

ancienne de la pragmatique est celle de Morris (1938),

reprise et commentée par Armengaud (1985 : 5) : « La

pragmatique est une partie de la sémiotique qui traite

du rapport entre les signes et les usagers ».

2. Contexte et discours

D‘après Le Robert : 523.

[C‘est l‘] ensemble du texte qui entoure un mot,

une phrase, un passage et qui sélectionne son sens, sa

valeur. Exemples : « Éclaircir un mot ambigu par le

contexte. » « Citation isolée de son contexte. » « Se

reporter au contexte. » « Mots remis dans leur con-

texte. »

Selon Kerbrat-Orecchioni, le contexte est :

[…] donné à l‘ouverture de l‘interaction, mais il est

construit dans et par la façon dont celle-ci se déroule et

il est redéfini sans cesse par l‘ensemble des événe-

ments conversationnels (Kerbrat-Orecchioni, 1990, p.

109)

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Il inclut le cadre : lieu, temps, finalité, rôles et objectifs

des interlocuteurs, durant l‘interaction.

2.1. Contexte en langage

Le vocable contexte est largement polysémique :

concordance ou « ensemble de circonstances dans les-

quelles s‘insère un fait », situation ou « contexte situa-

tionnel, politique, familial… », environnement de

communication ou « replacer un fait dans son contexte

». Selon Ducrot et Todorov (1972, p. 417), la notion de

contexte concerne donc la communication linguistique

à divers niveaux ; le contexte propositionnel est stric-

tement linguistique, alors que le contexte situationnel

se réfère à la langue, certes, mais aussi à l‘ensemble

des circonstances qui entourent le message proposi-

tionnel : contextes social, politique, historique, etc. Il

s‘agit là de paramètres fondamentaux de

l‘acquisition/apprentissage du langage et des langues

étrangères.

2.2. Contextualisation

La contextualisation est :

[…] l‘emploi par les locuteurs/auditeurs, des

signes verbaux et non verbaux qui relient ce qui se dit à

un moment donné et en un lieu donné à leurs connais-

sances du monde. (Gumperz, 1989, p. 9)

Elle inclut la prosodie qui, elle-même, comprend

l‘intonation, les changements de ton, les accents et les

pauses. L‘intonation englobe tous les éléments qui

jouent le rôle de signaux exprimant les sentiments et

les attitudes des interlocuteurs. Elle est essentielle pour

l‘analyse de la conversation et permet aux participants

de segmenter le flux verbal en unités de base, elle joue

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sur le choix du code (langue et niveau de langue choi-

sis) ; l‘alternance codique ou stylistique ; les variables

morphosyntaxiques et sociolinguistiques y prennent

place également.

2.3. Contexte et discours

Le contexte fait partie du discours, unité linguistique

de dimension supérieure à la phrase. C‘est :

[…] la suite des phrases émises entre deux blancs

sémantiques, deux arrêts de la communication ; le dis-

cours, c'est l'énoncé considéré du point de vue du mé-

canisme discursif qui le conditionne (Guespin, 1971, p.

10)

C‘est aussi :

[…] un énoncé caractérisable certes par des pro-

priétés textuelles, mais surtout comme un acte de dis-

cours accompli dans une situation (participants, institu-

tion, lieu, temps), ce dont rend bien compte le concept

de « conduite langagière » comme mise en œuvre d‘un

type de discours dans une situation donnée. (Adam,

1990, p. 23).

Les indices discursifs perçus par les locuteurs

« font le contexte du discours » ; ses différentes fonc-

tions sont : propositionnelle – ce que disent les mots ou

fonction locutoire et dénotative –, illocutoire ou illocu-

tionnaire – ce que l'on transmet en s‘adressant à un in-

terlocuteur (accuser, ordonner, demander, etc.) ; il

s‘agit ici du rapport social au sens large instauré entre

les locuteurs. Enfin, la fonction perlocutoire exprime le

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but visé, dont l‘idée principale est d‘agir sur l'interlocu-

teur.

La notion de discours et ses niveaux d‘incidence

étant brièvement délimités, voyons comment ils

s‘insèrent dans la didactique des langues dont nous re-

prenons quelques concepts clés.

3. Didactique des langues : brève histoire

Jusqu'en 2000 avant J.C., le sumérien, la plus an-

cienne langue écrite connue, était parlé au sud de la

Mésopotamie. L'école sumérienne de « didactique des

langues » s‘intéressait surtout à l'étude des œuvres lit-

téraires et comportait un long travail de copie, de mé-

morisation et de récitation (Germain, 1993 ; Puren,

1996).

Dans l‘Égypte Ancienne, la didactique des

langues concernait aussi la langue écrite, le Ma'at

(doctrine de la vérité et de l'ordre), déjà très éloigné de

la langue parlée. Nous rejoignons ici la définition de la

pédagogie ou « l‘art d'éduquer » (Littré, 1959, t. 5,

p. 1612-1613).

De la Renaissance au XVIIe , quatre grands

préceptorats marquent l‘histoire de la didactique des

langues : Ascham et Montaigne , au XVIe , celui de J .

Locke, au XVIIe, et Comenius qui introduira l‘image ,

en 1638. A cette époque , tout enseignement était

d'abord éducation, autrement dit pédagogie, et l'objet

d‘étude était le latin littéraire. Montaigne, élevé (sens

littéral), éduqué par des précepteurs, commença à étu-

dier le latin avant l'âge de six ans ; son précepteur al-

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lemand ignorait le français, aussi dialoguait-il unique-

ment en latin avec son élève. À la réflexion, la théorie

de Montaigne s‘avère fort proche des orientations di-

dactiques les plus actuelles :

A [= pour] cette cause, le commerce des hommes

y est merveilleusement propre, et la visite des pays

étrangers [...] pour en rapporter principalement les hu-

meurs de ces nations et leurs façons ... Je voudrais

qu'on commençast a le promener dès sa tendre enfance ,

et [...] par les nations voisines ou le langage est le plus

esloigné du nostre, et auquel, si vous ne la formez de

bon‘heure, la langue ne se peut plier. (Montaigne, Es-

sais, conforme a l 'exemplaire de Bordeaux 1580-1588,

livre I, Chap. XXIV).

Il suffit de lire cette citation pour y reconnaître les

bases d‘une didactique prenant en compte les quatre

compétences : expression orale (EO), expression écrite

(EE), compréhension orales et écrite (CO & CE) et, en

particulier, la notion de contexte élargi, grâce à la dé-

couverte des sociétés étrangères, etc.

Le contexte linguistique est considéré comme dé-

terminant pour l‘apprentissage d‘une langue dont il

nourrit fortement les options méthodologiques. Une

façon d‘apprendre serait de proscrire la langue pre-

mière des apprenants : éviter de passer par la traduction

(Besse, 1992, p. 65-66). Cependant, cette conception

reste très discutée aujourd‘hui car la langue maternelle

apporte des renseignements sur comment enseigner la

langue cible.

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L'approche communicative et interactive (Jacquet-

Andrieu, 2008/2012) est un apprentissage fondé sur le

sens et le contexte de l'énoncé dans une situation de

communication. La séance devient interactive et le

contexte de la communication est mis en relief. Les

apprenants peuvent acquérir des mots incidemment,

même si le contexte ne suffit pas toujours pour en cer-

ner le sens, et les apprenants ne repèrent pas toujours

les clés contextuelles avec succès (Morrison, 1996).

Les apprenants débutants procèdent par inférence

et s‘appuient beaucoup plus sur le contexte situation-

nel, pour comprendre et acquérir du lexique ; l‘emploi

réitéré de mots et de formes idiomatiques usuels favo-

rise la mémorisation. L‘inférence est un processus cog-

nitif naturel de la quête de compréhension, il est long à

acquérir et peut conduire à des interprétations erronées

du sens, ce qui ralentit l‘acquisition/apprentissage du

vocabulaire en L2 (Harley, Howard & Roberge, 1996).

Certains apprenants s‘appuient plus sur des stratégies

d‘inférence, d‘autres passeront plutôt par la traduction

(Huckin et Coady, 1999).

Plusieurs auteurs avancent que l‘apprentissage du

vocabulaire par listes de mots (méthodes tradition-

nelles) s‘avère plus efficace pour les Chinois que

l‘apprentissage en contexte (Qian, 1996), car ils doi-

vent d‘abord « entrer » dans les modes de formulation

et la pensée occidentale elle-même, parallèlement aux

processus d‘acquisition linguistique proprement dits

des langues indoeuropéennes, structurées différemment

des langues asiatiques. Notons que cette différence

s‘atténue aujourd‘hui car les chinois apprennent

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l‘anglais ; ils sont donc confrontés plus précocement à

ces mécanismes cognitifs.

Ces données générales, valables pour le langage et

les langues naturelles, trouvent aussi une application

dans le domaine de la pathologie, aussi allons-nous

aborder maintenant les troubles du langage acquis :

l‘aphasie.

4. Neuropsychologie de l’aphasie et remédiation

L‘aphasiologie relève de la médecine, de la neuro-

logie en particulier, des sciences de la cognition et,

plus précisément, de la neuropsychologie humaine ; le

langage et ses fonctions en sont le substrat essentiel. La

fonction de langage est attribuée à certaines zones de

l‘encéphale1 ; ses composantes fondamentales sont la

compréhension et l‘expression verbales, la lecture et

l‘écriture. L‘expression verbale s‘accompagne d‘une

gestualité co-verbale (Jacquet-Andrieu, 2012), mais

aussi d‘une autre gestualité, non consciente (Turchet,

2009). Ces modes d‘expression forment un réseau

complexe de relations anatomiques et fonctionnelles

qui couvre essentiellement, les rives de la scissure de

Sylvius (cf. infra, figure 1) et des structures sous-

jacentes ; l‘attention – précurseur de la mémoire –, la

mémoire elle-même et le système émotionnel, que nous

citons seulement ici, sont sous-jacents et indispen-

sables. Sur le plan neurologique, les zones corticales

du langage sont connues et délimitées.

1 Encéphale ou ensemble du système nerveux central comprend le cortex,

les noyaux gris centraux, le thalamus en particulier, et le système nerveux autonome ou tronc cérébral.

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4.1. Aires cérébrales de la production langagière

Figure 1 : Ensemble des principales aires corticales du langage

Source : Purves & al. Neurosciences, p. 484

Schématiquement, le faisceau arqué, figuré en

pointillés sur le schéma, est une épaisse nappe de fibres

nerveuses (substance blanche) qui relie deux aires

principales du langage : aires de Wernicke (AB 22)1 et

de Broca (AB 44 & 45)1, synergie entre compréhen-

sion et sens, pour l‘aire de Wernicke, et entre produc-

tion et structures sémantico-grammaticale, pour l‘aire

de Broca. Bien que très élémentaire, ce schéma reste

relativement exact pour notre propos. Notons aussi que

les structures limbique, thalamique et hypothalamique

jouent un rôle important dans l‘organisation du langage

et sa cognition : réseau complexe de structures dédiées

1 AB (aires de Brodmann, 1909) : cette architectonie ou cartographie des

fonctions neuronales corticales humaines a été établie, à partir de celle du singe macaque.

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à la mémoire et aux émotions, en particulier (Jacquet-

Andrieu, 2012).

Lorsque survient une lésion cérébrale, une ou plu-

sieurs des fonctions langagières peuvent être altérées

de façon plus ou moins élective, on parle alors

d‘aphasie ou perte du langage acquis.

4.2. Aphasie d’installation brutale

L‘aphasie ou perte plus ou moins massive du lan-

gage acquis, à la suite d‘une lésion cérébrale, concerne

l‘hémisphère dominant, généralement le gauche, les

berges de la scissure de Sylvius (Broca, 1861; Wer-

nicke, 1874) et d‘autres aires associées : motrices (AB

4 & 6), auditives (AB 41 & 42), lecture et écriture (AB

39 & 40, etc.) et/ou dans certaines régions sous-

corticales, en particulier le thalamus. Ces lésions peu-

vent survenir à tout âge mais plus généralement chez

l‘adulte, à la suite de pathologies vasculaires, de tu-

meurs, de traumas crâniens, généralement. Un effon-

drement des fonctions mnésiques engendre des apha-

sies dites dégénératives, l‘un des symptômes majeurs

du syndrome d‘Alzheimer.

Si l‘on s‘intéresse aux aphasiques et à la structure

linguistique de leurs productions, elles sont bien diffé-

renciées en fonction du locuteur, certes, mais en fonc-

tion aussi de la situation des lésions.Aphasique de Bro-

ca :

Marie - « 6 octobre 19 /.../ 89 /... / muette pendant

trois mois... // rien du tout //... // J‘ai continué ma réé-

ducation /.../ entre centre / j‘ai prononcé un mot /...//

oui / quatre mois //... / avant / après //... // non / c‘est

fou / c‘est fou / c‘est fou //... // Peu à peu / j‘ai progres-

sé très lentement /... / mais sûrement //... / j‘ai le sym-

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bole /... / « tortue » // [Elle montre un pendentif à son

cou.] (Jacquet-Andrieu, 2008, p. 85).

Aphasique de Wernicke :

Eh bien, à Angers, nous sommes au moins com-

bien de gens à être là, il y a quatre hauteurs, là et là

(geste de la main montrant les paliers d‘un bâtiment),

une quinzaine au moins de gens qui sont là debout, il y

a aussi beaucoup de gens qui sont là à se former des

mots se forment encore, il y a encore trois ou quatre

qui se forment des grands. (Sabouraud, 1995, p. 92)

Si l‘on compare ces deux productions, on constate

que, conscient de ce qu‘il veut dire, l‘aphasique de

Broca est en difficulté pour construire ses phrases, il a

perdu les automatismes qu‘il retrouvera partiellement

(rarement complètement), au prix de grands efforts.

L‘aphasique de Wernicke, au contraire, possède bien

ses automatismes linguistiques mais il en a perdu le

contrôle, plus ou moins. Son expression verbale peut

devenir un jargon totalement incompréhensible, surtout

au début de l‘atteinte car il est souvent inconscient de

son trouble, c‘est-à-dire, prosopagnosique.

Pour le sujet aphasique, tout se passe comme si la

langue maternelle était devenue langue étrangère, mais

de deux façons différentes. Pour les uns, elle est im-

possible à utiliser ; pour les autres, le contrôle de cette

utilisation leur échappe, à des degrés divers, et avec

cela, le sens (ou le non sens) du dit, inconsciemment

émis. L‘aphasique est une personne souffrant du

manque de ses moyens d‘expression linguistique :

Au début de mon esprit, il n‘y avait plus de mots,

j‘ai travaillé beaucoup pour les acquérir… Je réap-

prends le français comme une langue étrangère… Il

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faut recommencer beaucoup de fois pour que les mots

se placent dans le cerveau. (Contamin & al, 1968,

p. 329).

L‘aphasie est une atteinte très invalidante, on ob-

serve souvent une hémiplégie associée et la souffrance

psychologique est d‘une intensité majeure. L‘équipe

soignante se trouve face à un patient très vulnérable.

4.3. Remédiation adaptée au sujet aphasique : no-

tion de préceptorat (Jacquet-Andrieu, 2001)

La rééducation est une période longue et difficile

sur le plan psychologique et cognitif, à cause du déca-

lage entre la position d‘adulte et la réadaptation centrée

sur le « réapprendre à parler ». La gravité de l‘atteinte

dépend de l‘étendue des zones cérébrales lésées et de la

position des lésions ; la capacité de réadaptation dé-

pend aussi du patient et de son contexte de vie affective

et sociale. Pour lui, l‘objectif est de re-devenir « sujet

parlant », au sens de Ferdinand de Saussure (1891).

Pour la rééducation du langage et de la communi-

cation des sujets aphasiques, le recours à la didactique

de l‘acquisition des langues, en particulier l‘approche

communicative et interactive du français langue mater-

nelle et étrangère, est pertinente car nombre de mé-

thodes sont destinées au sujet adulte, justement. Par

ailleurs, les avancées des sciences de la cognition enri-

chissent ce paradigme sur les plans théorique et pra-

tique (Jacquet-Andrieu, 2001).

Schématiquement, nous pouvons dire que la réa-

daptation du langage, tout comme

l‘acquisition/apprentissage d‘une langue étrangère,

portent sur le sens, la grammaire et la structure pho-

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nique. Pour l‘exemple, nous proposons ici de considé-

rer la seconde articulation du langage (Martinet, 1960),

et d‘avoir recours à la méthode verbo-tonale (Guberina,

1965), centrée sur la prononciation « correcte » des

mots d‘une langue et sur la correction des déformations

(orthoépie), et de l‘adapter.

4.4. Méthode verbo-tonale (MVT) de Guberina

(1965)

Si l‘on se réfère à la définition rapportée par Re-

nard (1973) :

La MVT intègre le principe de correction phoné-

tique (orthoépie) par entourage facilitant, elle habitue

l‘apprenant aux sonorités de la langue étrangère par

une re-éducation de l‘oreille, elle accorde une impor-

tance prépondérante au rythme et à l‘intonation et elle

traite une part de la relation corps/phonation. La MVT

prend en compte le phénomène de compensation et de

coarticulation. (Renard, 1973, p. 3-5).

Elle peut être proposée en cas d‘anarthrie1, asso-

ciée à une aphasie agrammatique, à des cas de surdité

verbale, par exemple (trouble de la reconnaissance des

mots, sans surdité associée, qui engendre des difficul-

tés de compréhension du langage), à des patients at-

teints aussi d‘aphasie transcorticale sensorielle, résul-

tant d‘une lésion affectant la partie postérieure du gy-

rus supramarginalis, et épargnant la zone périsylvienne

(Geschwind et al., 1989 ; Rubens et Kertesz, 1983 ;

Alexander et al., 1989, op. cit.).

1 L'anarthrie (Pierre Marie) est un trouble de l’articulation du langage asso-

cié à l’aphasie motrice ou aphasie de Broca, elle est rarement élective.

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Dans le cas des aphasies dégénératives et, plus

précisément, de la maladie d‘Alzheimer qui engendre

un déclin progressif des facultés cognitives, l‘atteinte

de la mémoire a des répercussions importantes sur la

disponibilité verbale ; à un stade encore léger, nous

pouvons avoir recours à la MVT, pour faciliter le rap-

pel des mots indisponibles et leur prononciation, si né-

cessaire.

4.4.1. Axe tension/laxité

Dans toute langue, la correction phonétique (ou

orthoépie) se travaille à divers niveaux de

l‘articulation, selon deux axes en particulier (Guberina,

1965 ; Renard, 1979) : la tension articulatoire plus ou

moins forte du tractus vocal au cours de prononciation

(tension/laxité) et le timbre (clair/sombre), en relation

avec la hauteur (aigu/grave). D‘un point de vue phono-

logique, en français, ces deux paramètres concernent

consonnes et voyelles de la langue française, dans un

ordre précis, en fonction du mode et du point

d‘articulation, l‘ouverture et la vibration ou non des

bandes vocales : continuum allant de C+ à C et de V+

à V (de la consonne ou de la voyelle la plus tendue,

sur le plan articulatoire, à la moins tendue). Les

voyelles les plus tendues sont aussi les plus aigues.

Consonnes : continuum de l‘opposition ten-

sion/laxité :

C+ /p/, /t/, /k/, /f/, /s/, /ʃ/, /b/, /d/, /g/, /v/, /z/, /ʒ/

/m/, /n/, /ɲ/, /l/, /R/1, /j/, /ɥ/, /w/1, C–

1 Sur le plan phonologique, Il existe un phonème consonantique /R/, pour

deux actualisations en variante libre des sons [r] (dit roulé, avec battements simple ou multiples), [ʁ], continu sans friction ou grasseyé [R].

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Voyelles : continuum de l‘opposition ten-

sion/laxité

Toutes les voyelles sont laxes et voisées (vibration

des bandes vocale), avec un gradient, allant de la fer-

meture maximum (/i/), vers l‘ouverture maximum /ɑ/.

La co-articulation amène des dévoisements qui corres-

pondent à une tension articulatoire.

V+ /i/, /e/, /ε/, /ɛ/, /a/, /y/, /ø/, /ə/, /œ/, /œ/, /u/, /o/,

/ɔ/, /ɔ/, /ɑ/, /ɑ/2 V

Par exemple, une articulation initiale trop tendue,

[ʃəsɥifatige], au lieu de [ʒəsɥifatige], pour « je suis fa-

tigué », ou encore [kaRsɔ], au lieu de [gaʁsɔ], pour

« garçon ». Dans ces exemples, le but est de réduire la

tension, en ralentissant le débit et en prononçant le mot

en intonation descendante. Il est possible également

d‘ajouter une voyelle initiale qui permettra d‘éloigner

la consonne du début de la phrase « ahh… je suis fati-

gué », [// ɑ: // ʒəsɥifatige //], car plus une consonne est

proche de l‘initiale, plus elle est tendue. Ensuite, la ré-

pétition servira à fixer la forme phonique du mot, pour

réduire l‘incidence des déformations, appelées para-

phasies dans le domaine de la pathologie du langage.

Ensuite, en choisissant d‘autres mots, comportant

des caractéristiques phonologiques comparables (oppo-

sition tension/laxité), et en jouant sur la coarticulation

(influences mutuelles des sons les uns sur les autres),

nous pouvons utiliser des contextes phoniques facili-

tants et remplacer la voyelle [ə] par la voyelle [a] (plus

1 Les semi voyelles /j/, /ɥ/ & /w/ sont répertoriées parmi les consonnes car,

sur le plan fonctionnel, c’est-à-dire phonologique, ce sont des consonnes. 2 Les voyelles nasales sont bémolisées (plus graves), par rapport à l’orale

correspondante, c’est-à-dire, un peu plus sombres.

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laxe), [ʒa] ; le principe consiste à passer par plusieurs

« prononciations modifiées » [ʒa] // [ʒa]… pour accé-

der à [ʒə] et enfin, [ʒəsɥifatige].

Dans le cas de deux consonnes proches sur le plan

articulatoire : la suite « j‘ai bu », prononcée [ʃeby], au

lieu de [ʒeby], l‘enseignant amènera l‘apprenant à relâ-

cher le tractus vocal, en utilisant des voyelles plus ou-

vertes et plus postérieures, comme [ɔ] ou [o], pour ac-

céder à [by], puis [ʒeby], en intonation descendante.

4.4.2. Axe Clair/Sombre

Bien qu‘empreinte de subjectivité, la perception

de cette distinction relève d‘une loi de la physique

acoustique : la hauteur. Sur cet axe, la première con-

sonne C+ est la plus claire, la plus aigüe aussi ; C‘est la

consonne la plus sombre, la plus grave. Pour les

voyelles V+ & V, il en est de même.

Consonnes du français :

C+ (Clair/aigu) /ɥ/ & /j/1, /t/, /d/, /n/, /ɲ/, /l/, /s/,

/z/, (mi-aigu) /k/2, /g/, /R/, (grave) /w/9, /f/, /v/, (/k/2),

/m/, /p/, /b/ (Sombre/grave) C

Voyelles du français :

V+ Clair/aigu) / i/, /e/, /ε/, /ɛ/, /a/, (mi-aigu) /y/,

/ø/, /ə/, /œ/, /œ/, (grave), /ɑ/, /ɑ/3 /ɔ/, /ɔ/, /o/, /u/

(Sombre/grave) V

1 Les semi voyelles /j/, /ɥ/ & /w/ sont répertoriées parmi les consonnes car,

sur le plan fonctionnel, c’est-à-dire phonologique, ce sont des consonnes. Par ailleurs, suivant leur environnement syllabique, les sons [ɥ] & [w] peuvent être aigus ou graves. 2 Suivant son environnement vocalique, le son [k] aura deux locus différents

(point théorique de focalisation des formants vocaliques lors de la transition voyelle/consonne), il sera donc mi-clair ou sombre. (Durand, 1953). 3 Les voyelles nasales sont bémolisées, par rapport à l’orale correspondante,

c’est-à-dire, un peu plus sombres, plus graves.

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Voici l‘exemple d‘une consonne trop sombre :

« nous avons faim », prononcé [*nuzabɔfɛ], au lieu de

[nuzavɔfɛ]. Le sujet a substitué [b], plus sombre, à la

consonne [v] ; afin d‘éclaircir le timbre de cette con-

sonne, on utilise le groupe vocalique /semi-vocalique

[aw]. La production du groupe [awɔ] est accélérée, en

fermant l‘angle du degré d‘aperture des voyelles [a],

[ɔ], [o], pour obtenir la prononciation correcte de

« nous avons » [nuzavɔ].

Pour, assombrir une voyelle trop antériorisée [e],

dans « c‘est trop peu », prononcé [*sεtrope] au lieu de

[sεtropø] ; nous utiliserons l‘intonation descendante, en

allongeant le son [o:] de la dernière syllabe, pour arri-

ver au son [ø] et obtenir la bonne prononciation [pø] du

mot « peu ». Pour l‘expression « j‘ai bu », prononcée

[*ʒebu], au lieu de [ʒeby], l‘apprenant sera amené à

éclaircir le son [u], en passant par [f], [v] ou [p], suivis

de [y] : [fy], [vy], [py], en les plaçant en sommet

d‘intonation, pour accéder à [by], puis [ʒeby].

Le principe d‘accélération s‘adresse plutôt aux

aphasiques de Wernicke dont les productions verbales

sont généralement fluides ; il est moins adapté à

l‘aphasie motrice avec anarthrie (Broca), les produc-

tions articulées étant plus difficultueuses.

D‘autres exemples d‘erreurs susceptibles d‘être corri-

gées par la méthode verbo-tonale sont des mots mal

prononcés et dont un des sons, au moins, est déformé :

[ezãpl(ə)] au lieu de [egzãpl(ə)] (Jacquet-Andrieu,

2008 : 167). Autres déformations :

Ajout : [*kliʁnik(ə)] vs [klinik(ə)], pour « clinique » ;

Omission : [*kavat(ə)] vs [kravat(ə)], pour « cravate »

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Substitution : [*tʁab(ə)] vs [kʁab(ə)], pour « crabe »

Inversion : [*faktjεʁ] vs [kaftjεʁ], pour « cafetière ».

5. Conclusion

L‘acquisition/apprentissage d‘un idiome est un

fait humain, personnel et social. Dans cet objectif, la

notion de contexte, brièvement présentée ici, tient une

place majeure. Lors de l‘analyse du discours, mais éga-

lement lors de la rééducation du langage pathologique,

le contexte est un adjuvant qui apporte des indices es-

sentiels pour la compréhension et le traitement de

l‘information. Il est primordial dans la communication

interculturelle. Dès le début de l‘enseignement d‘un

idiome, il est important de sensibiliser les apprenants à

ce rôle capital que joue le contexte − sa variété, son

sens − dans les processus de production et

d‘interprétation des énoncés, en fonction du type de

public auquel l‘enseignant est confronté.

Dans le domaine de la pathologie, les profession-

nels de santé (les orthophonistes en particulier) peuvent

se centrer plus spécifiquement sur les contextes natu-

rels de la communication (familiale, affective, ou so-

cioculturelle), lors de la rééducation de patients apha-

siques. Les bases de cette proposition de remédiation

cognitive suppose une approche très individualisée,

d‘où la notion de préceptorat, strictement adapté à

chaque patient, proposée dans ce chapitre.

La méthode verbo-tonale est essentiellement cen-

trée sur la production verbale et son orthoépie (seconde

articulation du langage) mais nos recherches concer-

nent également la première articulation (en mor-

phèmes) et le sens : structure sémantico-grammaticale.

Associée, à la courbe mélodique de l‘énoncé (hémis-

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phère droit), la MVT peut être un support de remédia-

tion orienté sur le sens apporté par la prosodie (com-

préhension) : cette dernière hypothèse, expérimentale,

nous paraît pertinente mais non vérifiée encore ; elle

fera l‘objet d‘autres travaux.

Enfin, concernant les aphasies d‘installation bru-

tale, la démarche individualisée, ou préceptorat, répond

aussi à une autre préoccupation : celle d‘une position

éthique de respect et de dignité pour des patients très

vulnérabilisés par l‘atteinte de leur essentiel moyen

d‘expression, atteinte à laquelle s‘ajoute trop souvent la

perte du travail et de la position sociale.

Bibliographie

Ducrot O. & Todorov T. (1972), Dictionnaire

encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil.

Littré, É. (1956/1958), Dictionnaire de la langue

française, 7 vol., Paris, J.J. Paubert & Gallimard-

Hachette.

Moeschler J. & Reboul A. (1994), Dictionnaire

encyclopédique de pragmatique, Paris, Le Seuil.

Rey-Debove, J. & Rey A. Ed. (2007), Le nouveau Petit

Robert de la langue française. Dictionnaire

alphabétique et analogique de la langue française,

analogique, Paris, Le Robert.

- Publications princeps

Broca P. (1861), Sur le siège de la faculté du langage

articulé avec deux observations d'aphémie (perte de

parole), Paris, Masson.

Brodmann K. (1909), Vergleichende,

Lokalisationslehre der Grosshirnrinde in ihren

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Prinzipien dargestellt auf Grund des Zellenbaues.

Leipzig, J.-A. Barth.

Wernicke C. (1874), Der aphasische Symtimencimplex

: eine psychologische Studie aufanatomischer Basis.

Breslau, Cohn & Weigert.

- Ouvrages et articles

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poétique historique et linguistique textuelle, Paris,

Nathan.

Adam J-M. (1990), Éléments de linguistique textuelle,

Liège, Mardaga.

Alajouanine, T. (1968), L’aphasie et le langage

pathologique, Paris, Baillière.

Alajouanine, T., Ombredane & Durand M. (1939),

Syndrome de désintégration phonétique dans

l’aphasie, Paris, Masson.

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Tabet Aoul Zoulikha

MCF. USTO

L’extrême contemporain dans le paysage littéraire

algérien : Parcours d’auteurs et de sujets.

Résumé

Un sujet qui s‘assimile tantôt à travers des supports

individus, tantôt à travers le morphème‟ je‟, tantôt à

travers des biographèmes illustre bien cette remise en

question du concept de l‘énonciateur compris comme

instance interne à l‘énoncé et comme locuteur/individu

produisant un « discours constituant », marque de

l‘écriture de l‘extrême contemporain. Tel est l‘objet

d‘étude ici proposé et que la BnTA, Base numérique

des Textes Algériens élaborée par des membres du la-

boratoire LOAPL, propose d‘analyser avec les moyens

technologiques contemporains.

Mots clés

Base textuelle numérique, lexicométrie, écriture de

l‘extrême contemporain, sémanalyse

Ma collaboration dans la constitution d‘une base

numérique de données des textes algériens1 outre le

fait qu‘elle m‘oblige à un long travail d‘océrisation et

1 La BnTA est une base numérique de données des textes algériens,

romanesques, journalistiques et didactiques. Base constituée à partir d’un projet PNR par les membres d’une équipe de chercheur(e)s du Laboratoire LOAPL, Laboratoire de Création d’Outils Pédagogiques en Langues Etrangères, Es-Sénia Oran, depuis Juin 2011.

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de correction m‘a permis de parcourir un large éventail

de textes romanesques algériens de ces vingt dernières

années. Un certain nombre de points communs de ces

textes fait penser aux caractéristiques d‘une tendance

d‘écriture nommée par Michel Chaillou en 1989,

l‘écriture de « L‘extrême contemporain. »

Murielle Lucie Clément parle de l‘extrême con-

temporain comme d‘un concept fluide et insaisissable1

précisant qu‘il s‘agissait d‘une production littéraire

aux frontières intangibles, recélant une complexité

chaotique d‘une situation littéraire toujours en mou-

vement. Mais le nombre de critiques2 universitaires ou

autres qui s‘y intéressent semble assez éloquent pour

qu‘on puisse imaginer qu‘une tendance d‘écriture se

profile à travers un corpus non fini.

Notre présent article s‘applique à identifier les

convergences évoquées plus haut, en tant que pratiques

transversales, principalement celles s‘articulant autour

d‘un retour du S/sujet par l‘écriture des idées, du jeu,

du « réel ». Ces pratiques s‘inscrivant dans l‘intention

d‘établir une cartographie des textes romanesques al-

gériens. Parmi les caractéristiques de l‘écriture de

l‘extrême contemporain, nous avions noté3 le retour du

1www.aventure littéraire.com/la-litterature –de-l’extreme-contemporain, le

20-01-2013 2Dominique Viart, Dominique Rabaté, Bruno Blanckeman, Barbarra

Havercroft, Pascal Riendeau, Pierre Michelucci dans Le roman français de l’extrême contemporain 3 Caractéristiques détaillées dans notre thèse de doctorat, Avril 2011,

intitulée L’écriture de l‘extrême contemporain à travers les textes de Pascal Quignard.

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réel et du sujet dans des textes fictionnels mêlés de

fragments d‘essais, de discours journalistiques et /ou

philosophique, d‘H/histoire revisitée. Un sujet qui se

livre dans des textes romanesques où autofic-

tion/autobiographie/fragment témoignage se livrent en

pratiques plurielles et hétérogènes marquées par

l‘incidence des théories linguistiques, métaphysiques

mais aussi par le phénomène médiatique et le monde

de l‘édition.

Le contemporain dans notre corpus d‘étude se ré-

vèle aussi bien dans des thématiques précises que

dans des techniques d‘écritures singulières, corpus1

constitué de sept textes contemporains (entre 2003 et

2012) :

Zone de turbulence, Abdellatif Laabi, désigné par

(ZT)

Voyage au bout du délire, Zoubeïda Mameria,

(VBD)

Fille de harki, Fatima Besnaci Lancou, (FH)

Le cartable bleu, Leïla Aslaoui,( LCB)

Y-a-t-il une vie avant la mort ?, Ahmed Zitouni,

(YVM)

La mémoire de la chair, Ahlem Mestaghanemi,

(LMC)

L‘équation africaine, Yasmina Khadra, (EA)

Michel Bernard note à propos des titres :

Le titre est un énoncé elliptique ….on pourrait

faire une étude des titres, parce que dans le titre il y a

une micro-grammaire, et une micro-grammaire énor-

mément grossie p 33 ma thèse 1 Nous entendons par corpus l’ensemble des énoncés qu’on soumet à

l’analyse.

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Relevons le clin d‘œil intertextuel : (ZT) avec le

best-seller au même titre de l‘auteur américain JJ.

Nance et le parallélisme avec le texte de Céline

Voyage au bout de la nuit.

Les titres se présentent en énoncés nominaux in-

diquant le thème des livres : ici, presque tous les titres

contiennent le trait sémique de l‘endurance, explicite-

ment ou non. Le tableau suivant permet de repérer ce

trait sémique sous ses différentes déclinaisons.

Titres Lieux Personnages Temps Objets Autres Ambigus

ZT + +

VBD + + +

FH + +

LCB +

YVM + +

LMC + + +

EA + +

Le TLF donne la définition du mot ‗endurance‘

comme étant la patience et l‘aptitude à résister avec

force et constance à une fatigue physique ou morale, à

endurer une épreuve. Or, à chacun de ces titres, nous

observons comment est instruit un sémème, qui tout

en faisant partie d‘un tout, ouvre la voie à des champs

de recherche et d‘interprétation pluriels. Reposant sur

un double niveau significatif comprenant à la fois la

lutte et la souffrance pour trouver l‘équilibre nécessaire

à l‘être. Si (ZT) s‘avèrera pour le S/sujet un espace à

cerner et à contenir, pour le narrateur de (VBD) il

s‘agira de mouvements et de recherches dans l‘espace

scriptural intervenant comme matériau du langage et

matière intrinsèque de la trame narrative. L‘absence

d‘articles définis augmente la dimension de l‘inconnu

de ces deux titres. (FH) convoque explicitement

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l‘endurance subie par une génération née hors de la

guerre mais la subissant comme héritage douloureux.

Le vocable ‗chair‘ dans (LMC) désigne probablement

l‘endurance primaire du sujet à se dire, à narrer son

vécu. (YVM) prolonge ce questionnement du sujet dé-

calé, sorti des statuts traditionnels. Ainsi donc, l‘étude

des titres peut s‘avérer révélatrice …

Nous évoquions précédemment le retour du sujet

comme marque et inscription dans l‘écriture de

l‘extrême contemporain : mais c‘est un sujet qui

n‘imite plus le réel et ne donne plus un « état civil » de

la société. Conscient de sa position décentrée dans le

monde contemporain, formant autrefois son noyau, le

discours du sujet porte l‘héritage du soupçon et du

doute sur les idéologies précédentes et les théorisations

réductrices. En soumettant notre corpus numérisé à un

logiciel de traitement informatique (Hyperbase), nous

avons obtenu le nombre d‘occurrences total du corpus

et de chaque texte. Cette opération nous permet de réa-

liser quantitativement l‘importance de la place du su-

jet : les chiffres indiquant les fréquences fortes. Ainsi,

pour un total de 551 986 occurrences (nombre de mots

du corpus), il y a 6 856 occurrence de la forme ‗je‘ et

2 662 occurrences de la forme ‗j‘ pronom personnel

avec l‘élision (environ 10%) donc d‘un nombre pro-

portionnellement élevé de cette forme. Cette forte pré-

sence confirme sa place au sujet, qui pour se dire va

jouer sur les formes génériques, les modalités, les pro-

cédés de narration et d‘écriture.

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Voyons directement dans un texte de notre corpus

le parcours d‘un sujet : pour cela nous nous proposons

de suivre, dans un événement fictionnel, le sujet qui

s‘auto-construit avec un concept « phagocyteur ». Dans

(VBD), le jeune narrateur Adam au chômage écrit des

articles de journaux sur les jeunes. C‘est à travers un

cheminement sémantique, philosophique et étymolo-

gique que le jeune Adam découvre qu‘il est lui-même

en train de devenir un futur adepte du phénomène

« harga ». Ce qu‘il pense être au départ un article de

presse sur les travers et difficultés de la jeunesse algé-

rienne finit par se dévoiler comme le parcours du « ha-

raga ». Sauf que les temps d‘écriture et de la construc-

tion du parcours se rejoignent, traçant à son insu son

propre parcours. Le texte se déroule dans un enchevê-

trement de fragments de récits, d‘écritures d‘articles,

de témoignages directs, de réflexions philosophiques et

de rixes avec les lettres d‘un mot qui dominera tout

l‘espace textuel :

…un immense H qui cherchait à me piétiner…le

piège d‘un O démesurément grand…un colossalG…un

R monumental…la pente d‘un énorme A. (VBD) p 9

Traquant Adam, ce mot finira par surgir de la chair

même du narrateur, devenant un « corps-mots :

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Les mots des jeunes leur poussent dans la chair et

s‘abreuvent de leur sang (VBD) p 26

Mais désormais le mot attaquant « HOGRA » se

joue du narrateur et se transforme en HARGA ». Si les

jeux étymologiques ne sont pas nouveaux dans les

textes romanesques, leur fonctionnement ici apparait

plus qu‘un simple divertissement ou décor. En effet,

des réalisations comme :

Ho-

gra…….harga…..harag….haraga….harig….harid….m

ahroug….hrag…hagara …fils de fella-

ga…..hogra….felga

« dé-clandestin-iser, Algé-rois, Algé-riens léguia, c‘est

l‘ennui made in Algéria, m‘légui, les mots qui cachent

des maux forment l‘espace de « fictionnalisation » où

le sujet/narrateur exprime la défaillance d‘un mode,

d‘un système. Symbolisée par l‘image du patron tyran,

la « Hogra » se transforme en Haraga, « voyageur

clandestin, en hors-la-loi, en héros tragique et en

propre ennemi creusant un redoutable réseau ». Le

nombre d‘occurrences de ces vocables (24 pour hogra,

19 pour harga) indique leur importance dans le texte,

leur transcription du dialecte algérien dans l‘alphabet

français est manifeste, c‘est ce que nomme Ambroise

Queffélec la variété mésolectale du français,

Cette variété traduit l‘attitude désinvolte du sujet

parlant algérien à l‘égard du français […] qui va lui

donner une dimension algérienne et qui tire sa subs-

tance des référents culturels et identitaires marquant

sa réalité quotidienne.1 1 Queffélec Ambroise, Le français en Algérie: lexique et dynamique des

langues, Bruxelles, De Boeck Supérieur, 2002. p 120

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Le vocable hogra, outre qu‘il est fréquemment uti-

lisé dans la presse algérienne et semble donc fonction-

ner comme un outil de communication fiable, relève ici

d‘une forme de néologisme de sens et de catégorie

grammaticale. En effet, « hogra » qui désigne habituel-

lement une notion1 est placé en position de sujet gram-

matical et sujet actif, « la hogra se mit à cogner, la

hogra qui cognait, une hogra impitoyable… » Si la

conscience linguistique du sujet admet le signifié en

puissance du vocable hogra, il semble qu‘il se produit

un phénomène d‘inversion avec le terme harga. Ainsi,

« harga » dont l‘aspect sémelfactif indique que

l‘action n‘est envisagée que faite une seule fois va petit

à petit endosser la valeur d‘un signifié de puissance.

[…] harga me tirait par les jambes…

[…] poussait vers la mer…

Je rendais justice à la jeunesse et à la harga par

devoir…

Ce terme chez Adam va recouvrir l‘ensemble des

virtualités, puis va s‘actualiser dans ses discours sous

différentes dérivations pour prendre finalement un si-

gnifié d‘effet : celui d‘exécuter le trajet fatal.

Les néologismes, paronomases, parallélismes ne

sont plus des outils formels du langage mais devien-

nent actants à part entière puisqu‘agissant sur le jeune

Adam. C‘est à travers eux que le sujet passe en revue

la situation de la société algérienne. L‘appropriation

1 Wikitionary définit le terme hogra comme : terme du français algérien

désignant l’oppression, l’exclusion, la brimade injuste, l’abus de pouvoir, l’abus d’autorité, http/Wikitionary.org/wki/hogra

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d‘un dire des autres pour exprimer un point de vue

qui correspond à celui du sujet,

Des mots rouges…des mots incompressibles, in-

compréhensibles, imprononçables, ineffables, ineffa-

çables, incontournables, incongrus, des mots qui

s‘érigent en autorité indomptable pour cogner aux

portes des palais dorés et sur les consciences avec

force. p 69 sans qu‘en aucun cas il ne puisse être pris

en charge, indique l‘embrayage paratopique multiple.

Cet embrayage élève le discours de ce que Maingue-

neau nommerait « un discours constituant »1, le dis-

cours du « je » auteur rend légitime celui du « je » per-

sonnage de récit dans sa constitution. La lettre adressée

au Président de la République semble écrite par un fu-

tur « harag » qui pour le moins ressemble étrangement

à Adam, elle représente la voix du sujet en devenir

qui va prendre appui sur la méditation, le micro-récit,

la sentence qui conduira au « harga » face aux déstruc-

turations des repères et à la déstabilisation des identi-

tés. L‘endurance d‘Adam, livré à lui-même, s‘épuise

dans la lutte contre le « monstre tyrannique » et ; dés-

tabilisé, débouté des schèmes sociaux traditionnels,

Adam n‘a d‘autres solutions que : « je pénétrais ma

réalité scripturale ». Sauf qu‘il ne s‘agit pas d‘écrire

mais bien de se perdre dans cette « réalité » à travers

une redondance formelle et thématique sous forme de

1 Maingueneau définit le discours constituant comme : un statut spécifique

à des types de discours qui prétendent à un rôle que, pour faire vite, on peut dire fondateur et que nous appelons constituants .Maingueneau D., Cossuta F., L’analyse des discours constituants, In Langages, n° 117, Mars 95, p 112-125

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fragments, fragments de vie, fragments d‘histoire,

fragments de récits.

Observant le départ du car-ferry El Djazaïr, sym-

bole d‘un ailleurs rêvé, Adam se prend à méditer sur

l‘histoire, histoire contemporaine et histoire du pays :

El Djazaïr […] un fragment de l‘actualité de

l‘Algérie […] le grand livre de l‘histoire de mon pays

[…] une histoire comprimée entre hogra et harga p 56

Méditation déviant sur une comparaison de deux

monuments emblématiques de l‘histoire :

La Défense El Aurassi

Le large boulevard menant à

la Défense

Une pente raide me mena de-

vant l‘hôtel El Aurassi

Bâtiment construit par la

France conquérante

Bâtisse, fierté de l‘Algérie in-

dépendante

Edifice attestant de la souve-

raineté

Lieu même du déclenchement

de la Révolution

Vaillamment, témérairement Majestueusement

Exposé, vulnérable, expansion Belle baie, échos retentissants

L‘évocation ironique de ces hauts lieux du figu-

ratif dans l‘histoire nationale, devenus des mythes

fonctionnant à l‘envers car emprisonnant tout rêve et

tout projet de vie :

[…] il faut avoir l‘audace aujourd‘hui d‘avoir

une baraque […] n‘ira pas planter sa bicoque met

l‘accent sur le désarroi du narrateur, les repères cons-

truisant l‘identité se délayent dans l‘obscurité d‘un

univers glauque, aux contours imprécis. L‘univers ex-

térieur agit comme un révélateur des troubles d‘Adam.

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Au début du XXIème siècle les groupes

d‘appartenance encadrent de moins en moins les indi-

vidus, qui doivent se donner une identité qui les fuit :

que ce soit sur la base de l‘ethnie, des choix sexuels, du

sport, de la confession religieuse, de l‘engagement po-

litique. Appartenances instables et multiples, mobilité

fondamentale.1

Adam, fuyant les travers de la société, va

s‘impliquer corps et âme dans la recherche de repères

qui s‘obstinent à le fuir. Contre la tyrannique « Ho-

gra », il écrit des articles corrosifs, contre le mons-

trueux « Harga » Adam lutte à l‘aide d‘un amour qu‘il

va lui-même détruire, transgressant les diktats imposés

comme aussi ses propres croyances. Ainsi, la trans-

gression devient un élément de cohésion et semble être

le seul moyen d‘exprimer le monde éclaté entourant le

sujet. Le fragment, le récit, le témoignage, la lettre ou-

verte forment ce que Lacan note « une ligne de fic-

tion »2

Le processus d‘écriture/création ne s‘inscrit plus

dans une opposition énonciateur/écrivain mais bien

comme une activité énonciative qui relie une certaine

manière de dire avec un mode de circulation des énon-

cés et un mode de type de mise en relations, une

Source au sens de Maingueneau composant « un dis-

cours constituant », marque de l‘écriture de l‘extrême

contemporain.

1 14 Maingueneau D, Le contexte littéraire, paratopie et scène d’énonciation,

Armand Colin , 2004, Paris, p 167 2 2 Lancan : tout sujet s’appréhende dans « une ligne de fiction »

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Bibliographie

Laabi Abdellatif, Zone de turbulence, 2012, La Diffé-

rence.

Aslaoui Leïla, Le cartable bleu, 2011, éditions Dali-

men.

Mosteghanemi Ahlem, La mémoire de la chair, 2002

Albin Michel.

Mameria Zoubeida, Voyage au bout du délire, 2011,

éditions Alpha.

Zitouni Ahmed, Y-a-t-il une vie avant la mort ? 2007,

La Différence.

Fatima Besnaci Lancou, Fille de harki, 2003, éditions

de l‘Atelier.

Khadra Yasmina, L’équation africaine, 2011, Julliard.

Maingueneau Dominique, Le discours littéraire : Pa-

ratopie et Scènes d’énonciation, Armand Colin, Paris,

2004

Ambroise Queffélec, Le français en Algérie: lexique et

dynamique des langues, Bruxelles, De Boeck Supé-

rieur, 2002.

Charaudeau P. & Maingueneau D. (2002), Diction-

naire d’analyse du discours, Paris, Seuil Siblot P. (1994), "L'éloquence des silences. D'une ab-

sence de nomination comme déni de réalité". Cahiers

de praxématique 23, pp. 2-26

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AZOUZI Amar

MCF, Université de Jendouba, Tunisie.

Le contexte, les mots et le sens ou de la définition au

discours dictionnarique

"Ainsi, le dictionnaire participe des discours so-

ciaux, culturels, politiques d'une époque ou d'un mi-

lieu, en synchronie avec eux. C'est ce qui fait sa per-

suasion : il est accepté comme disant le vrai du sens

parce qu'il participe de la doxa et non du discours

scientifique, parce qu'il est fait d'interdiscursivité."

(Mazière 2005 : 118)

Résumé

Le lien entre discours, contexte et dénominations

que constituent les entrées qui réfèrent à l‘Arabe et/ou

le Musulman dans les dictionnaires, peut-être perçu

comme évident pour les uns, non pertinent pour

d‘autres. S‘agissant d‘éléments extralinguistiques, le

contexte a un rôle déterminant dans la saisie du sens

aussi bien des dénominations analysées que du dis-

cours dictionnairique qui les véhicule.

Mots clés

Contexte, dénomination, discours, référence, sens

Introduction

La présence des dénominations qui réfèrent à

l‘Arabe/musulman dans la langue française coïncide

avec l‘émergence de cette même langue. Historique-

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ment, la langue française s‘est développée en parallèle

avec les rapports entre les deux mondes que sont

l‘Occident chrétien et l‘Orient musulman, rapports qui

ont évolué en dents de scie. En effet, une lecture de la

Chanson de Roland, par exemple, nous révèle que le

nombre d'occurrences du mot païens atteste que la lutte

contre les Sarrasins s'inscrit dans une logique reli-

gieuse, le combat séculaire contre le paganisme mené

par l‘occident chrétien. Le discours religieux, et par la

même socioculturel, combattait, rejetait et refusait cet

autre qu‘est l‘Arabe. L‘exclusion de l‘autre que celui-ci

constituait était à la fois sociale, intellectuelle et sur-

tout religieuse. Et cela se reproduit dans les diction-

naires de langue

Voulant interroger les dictionnaires de langue

française, nous découvrons que les stéréotypes et les

formations discursives constituent le fond des défini-

tions du mot Arabe et des mots coréférents.

Par ailleurs l‘étymologie des mots constituant le

champ de notre étude nous renvoie à des dates anté-

rieures aux premiers dictionnaires de langue française.

Il s‘agit des mots Arabe (du latin arabus), fin du XIe

siècle ; sarrasin, païen (1080), auxquels s‘ajoutent les

mots mahométan (XVIIe s.), musulman (XVIe s.),

maure (XVIIe s.) et turc (XVIIe s.).

Pourquoi les mots retenus ont-ils pris du temps

pour entrer dans une langue telle que le français ?

Comment expliquer le silence des premiers diction-

naires ? Quel rôle le contexte conflictuel a-t-il joué

dans les définitions de ces mots répertoriés par les dic-

tionnaires à travers les siècles ? Enfin par quoi

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s‘expliquent les confusions et les amalgames affectant

les dénominations et les référents ?

1. Le discours et son contexte

Le discours ne se limite pas à l‘énoncé mais ren-

voie à tous les éléments qui participent à la production

de celui-ci, en l‘occurrence celui qui le produit, son

vis-à-vis et son cadre.

Le terme discours renvoie aux manifestations

concrètes du langage, et implique donc une prise en

considération du locuteur, du référent et de la situation

de communication. (Béal 2001 : 168-169)

Cependant, il est à préciser que le contexte dans

lequel tout discours est obligatoirement produit ne

constitue pas un simple cadre pour l‘énoncé produit. Le

rapport entre le discours, tout discours, est si étroit que

la saisie du sens de celui-ci est en corrélation étroite

avec le premier.

Le discours n‘intervient pas dans un contexte,

comme si le contexte n‘était qu‘un cadre, un décor ; en

fait, il n‘y a de discours que contextualisé : on ne peut

véritablement assigner un sens à un énoncé hors con-

texte. En outre, le discours contribue à définir son con-

texte et peut le modifier en cours d‘énonciation.

(Maingueneau 2002 : 189)

Par ailleurs, le contexte défini comme "l‘enquête

sur les relations entre, d‘une part, un événement repré-

senté par un segment de discours situé, focalisé dans

l‘attention des participants à un échange, et pris en

compte dans le travail de recherche et, d‘autre part, un

domaine d‘action plus vaste." (Bonu, 2001 : 62) exige,

dans une perspective actuelle, qu‘il soit pris en compte

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dans l‘entreprise consistant à interpréter tout énoncé, la

définition du dictionnaire comprise.

Dans une perspective discursive, la saisie du sens

de l‘énoncé fait appel à des éléments extra-

linguistiques que l‘analyste ne doit aucunement occul-

ter dans son entreprise qu‘est la quête du sens.

Le contexte joue un rôle fondamental dans le

fonctionnement des énoncés, en ce qui concerne les

activités de production aussi bien que d‘interprétation

(résolution de certaines ambiguïtés, décryptage des

sous-entendus et autres valeurs indirectes, activation et

inhibition de certains traits de sens, intervention dans

les processus d‘enchaînement monologal ou dialogal).

Catherine Kerbrat Orecchioni, 2002 :135-136)

Le rapport entre la définition du dictionnaire, cet

énoncé produit dans un contexte socioculturel bien dé-

terminé, nous autorise à chercher le sens des mots-

entrées d‘un côté, en tant qu‘énoncé lexical et en tant

qu‘un discours tenu par un locuteur déterminé.

1.1. Dénominations et discours dictionnairique

Si nous partons des définitions usuelles de la no-

tion de discours telle que définie dans les références,

nous pouvons soutenir que la définition du diction-

naire, produite à un moment donné, dans un lieu don-

né, par quelqu‘un (individu ou groupe) pour un public

donné (présent ou à venir), est un discours qui de-

mande à être étudié en tant que tel. Les dictionnaires -

nous nous limitons à ceux de langue- sont en effet le

produit d‘une société et d‘une époque données. Ils

n‘échappent pas ainsi aux représentations partagées

dont ils se chargent de transmettre. Il s‘agit bel et bien

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d‘un discours dans lequel sont enregistrés les sens

mémorisés.

"Le dictionnaire de langue est le lieu

d‘enregistrement des sens communément admis par

une société à un moment donné de son histoire." (M.-

A. Paveau, 2006 : 34, note 19)

Les définitions des dénominations l‘Arabe, le ma-

hométan, le Musulman, le Maure, le sarrasin et le Turc

constituent dans les différents dictionnaires de langue

des discours produits souvent sous la prégnance de la

doxa. Il y a cependant le cas du silence du dictionnaire,

quand celui-ci ne répertorie pas tel ou tel mot. S‘agit-il,

dans ce cas, d‘un choix délibéré ?

1.2. Le silence des dictionnaires

S‘il est attesté que le premier dictionnaire de

langue française n‘était pas essentiellement français,

mais français-latin, donc un dictionnaire qui répertorie

les mots latins et leurs équivalents français et vice-

versa, cela ne nous empêche pas de penser que les dé-

nominations de l‘Arabe, ainsi que des mots coréférents,

de par leurs étymologies, devaient y figurer.

Paradoxalement le premier dictionnaire1 ne fait

état d‘aucune des dénominations relevées dans la

Chanson de Roland, par exemple. Nous ne pouvons

alors que nous interroger sur cette absence sémantique,

cette évacuation de l‘Arabe et les entrées co-

occurrentes dans le premier dictionnaire.

Au départ, il y a l‘indicible absolu, barré, refoulé,

vérité qui ne parvient au sujet sous aucune forme et qui

n‘a même pas lieu d‘être nié. L‘emprise du prédis-

1 Dictionnaire de Robert Estienne.

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cours1 est tel que l‘ennemi, tel qu‘il est, figurant dans

la conscience individuelle de chaque locuteur, ne doit

d‘aucune manière, être nomméee, désgnée. Une ma-

nière de dire son mépris de l‘autre et d‘adhérer à la re-

présentation de la doxa déjà en place. La langue répond

aux besoins de ceux qui l‘utilisent.

La dénégation est le moyen de nier l‘autre à soi-

même. La représentation n‘est plus refoulée ; elle par-

vient à la conscience, mais dite sous une forme niée, ou

celle du déni, elle est dénigrée, non acceptée pour ce

qu‘elle est et (re)produite par le sujet lui-même.

L‘autre, rejeté, nié dans le premier dictionnaire d‘une

langue qui se met en place est un déni de la réalité que

la langue est censée dire.

La prégnance du contexte religieux et social est

manifeste dans les définitions des mots figurant dans le

dictionnaire.

1.3. D'une absence de dénomination comme déni de

réalité

Nous retenons en premier lieu l‘absence de

quelques dénominations dans des dictionnaires ou dans

d‘autres, absence que nous considérons comme acte

discursif par lequel l‘autre est nié. Ne pas nommer

l‘Autre c‘est ne pas reconnaître celui-ci tel qu‘il est,

c‘est nier son existence linguistique. Nier l‘existence

de l‘autre même au niveau de la langue est le reflet

d‘un discours qui rejette et ne reconnaît pas l‘autre.

L‘autre ne doit pas figurer dans le dictionnaire bien

qu‘il soit présent dans d‘autres genres de discours, dans

la conscience, aussi bien collective qu‘individuelle.

1 Notion que nous empruntons à Marie-Anne Paveau, 2006.

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1.4. L’éloquence des silences

Si la linguistique a pour objet les observables lan-

gagiers, l‘analyse du discours nous offre la possibilité

d‘étudier, quand il le faut, l‘absence de ces mêmes ob-

servables. Il s‘agit en fait de ce que Paul Siblot appelle

le " sens par défaut"

Le linguiste […] ne saurait en effet ignorer le ré-

férent. Le principe de la praxématique postulant une

étroite relation entre praxis sociale et pratiques langa-

gières conduit à poser l'hypothèse que le décalage entre

la réalité des motifs et le masque de leur mise en dis-

cours ne peut pas ne pas entraîner de contradictions au

sein même du texte. (Siblot 1994 : 9)

Dans cette perspective nous allons nous appliquer

à montrer, en veillant à rester dans un champ d'étude

proprement linguistique, que cette absence n‘est pas

fortuite.

C‘est là que l‘appel à l‘extralinguistique, aux con-

ditions de production du discours pour élucider

l‘indicible, le non-dit et les raisons qui y président est

essentiel.

On peut cependant rechercher des indices de ces

mutismes à l'intérieur du champ d'étude propre de la

linguistique : confrontation à d'autres textes de la

même formation discursive, repérage des intertextuali-

tés ou des marques formelles de vides, d'absence dans

le texte même. (Siblot 1994 : 18)

C‘est dans un cadre socio-historique que s‘inscrit

cette volonté linguistique d‘évacuer l‘Arabe du premier

dictionnaire de langue française. Or nous savons très

bien qu‘"On pourrait multiplier les attestations relevées

dans le contexte historique pour corroborer cette ap-

proche de l'implicite." (Siblot, 1994 : 23). Les témoi-

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gnages attestant la présence de l‘Arabe d‘une manière

ou d‘une autre dans une formation discursive liée à

l‘arabo-musulman du Moyen âge ne manquent certai-

nement pas. Les dictionnaires de langue française ont

toujours recours à ce moyen pour écarter l‘autre du

champ lexicographie.

1.5. Le contexte religieux et socioculturel

C'est donc bien dans l‘indicible que le discours

dictionnairique fait fondamentalement sens. Ce sens est

à rechercher dans le contexte de l‘époque, un contexte

marqué par des conflits incessants dont les plus mar-

quants ne sont autres que les Croisades. Cela présup-

pose que "la détermination du discours (se fait) par son

extérieur" (Maldidier, 1993 : 2) et nous pouvons en-

chaîner avec Denise Maldidier et affirmer que le dis-

cours du dictionnaire est dès lors considéré " comme

lieu où se noue le rapport entre la langue et l'Histoire."

(Maldidier, 1993 : 3).

Le déni de l‘Arabe dans les premiers dictionnaires

n‘est ni un oubli ni un hasard mais une volonté des

concepteurs d‘ignorer, de faire taire, celui que la socié-

té rejette, refuse et condamne parce qu‘il est à l‘origine

de tous les maux. N'est-il pas le païen, l‘ennemi,

l‘hérétique, etc.? Le déni de l‘autre est un acte discursif

que la postérité confirmera, en continuant à ignorer,

des siècles durant, des ethnies et des minorités que la

doxa rejette d‘une manière ou d‘une autre.

Nous postulons donc que c‘est la prégnance du

contexte qui a fait que les deux versions du Diction-

naire françois-latin contenant les motz et les manieres

de parler françois tournez en latin de Robert Estienne,

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1539 et 1542, ne rendent pas compte de la réalité lin-

guistique relative à l‘Arabe et ne font pas figurer les

dénominations qui y réfèrent d‘une manière ou d‘une

autre. La seule entrée qui figure dans les deux diction-

naires est Alcoran défini comme : "vault autant a dire

comme vray loy.". Cette définition sera reprise telle

qu‘elle par des dictionnaires postérieurs même si "[…]

la nécessité d‘un nouveau dictionnaire n‘apparaîtrait

pas évidente s‘il ne devait innover sur ceux qui exis-

tent." (Nouveau Petit Robert, 2008 : Préface).

2. Définition, référent et contexte

Les définitions des dénominations faisant l‘objet

de nos investigations sont souvent marquées. Elles ré-

fèrent à l‘Arabe/musulman telle qu‘il figurait à

l‘époque des conflits qui ont opposé les deux mondes,

le chrétien et le musulman. Le référent est ainsi défini

en fonction du contexte - cadre de la définition, cadre

du discours-. La définition du dictionnaire ne peut être

comprise qu‘en fonction du référent et du contexte de

(re)production des énoncés. La définition ne porte pas

sur le sens du mot-entrée mais sur les traits définition-

nels du référent, traits que la communauté n‘acceptent

aucunement et que les dictionnaires reprennent et con-

firment. De quels traits définitionnels s‘agit-il ?

2.1. La cupidité, le brigandage et le vol

Les définitions proposées par les dictionnaires

sont essentiellement connotatives faisant établir un lien

étroit entre le contexte, le référent et la référence.

La relation qui unit une expression linguistique au

« quelque chose » qu‘elle exprime est communément

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appelée référence et le « quelque chose » son référent.

(Kleiber, 1997 : 9)

Au XVIe siècle, les péjorations (re)produites por-

tent sur la cupidité, le vol et le brigandage. Il s‘agit de

défauts étroitement liés à la conjoncture socio-

économique de l‘Occident chrétien. Le brigandage et la

cupidité sont certes condamnés aussi bien par l‘église

que par la société. Les définitions qui mettent l‘accent

sur ces propriétés attribuées à l‘Arabe plaident en fa-

veur d‘un rejet social de celui-ci. La linguistique, ici le

discours dictionnairique, s‘inscrit dans le mode de pen-

sée de la doxa. Les mêmes péjorations sont véhiculées

par tous les dictionnaires du XVIème siècle ainsi que

ceux qui leur sont postérieurs.

ARABE. Homme avide d‘argent. – Par ses ra-

pines et rançonnements, il avait amassé de grandes ri-

chesses… Et de vray, il ne se trouva jamais un tel

Arabe. (Huguet).

Un siècle plus tard, au XVIIe siècle, le diction-

naire de Gilles Ménage, Les Origines de la Langue

Françoise, qualifie l'Arabe d'avare et de larron. Le re-

cours à ces deux adjectifs fait appel à la mémoire col-

lective. La société refuse, rejette et condamne ces dé-

fauts dont elle a souffert des siècles durant. Le poids de

la doxa dans la définition du dictionnaire a son poids.

A ces défauts s'ajoute celui de la maltraitance, et sur-

tout quand il s‘agit de la maltraitance des pèlerins.

Ainsi donc, registre social et registre religieux se trou-

vent mêlés, l'objectif étant de (re)produire et faire pé-

renniser une image négative de l'autre, en l‘occurrence

l‘arabe, ainsi dénommé, dans un outil aussi pédago-

gique que le dictionnaire.

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ARABE. Arabe pour dire un exacteur avare. Je

croy que ce mot est venu des Pèlerins qui voyageoient

en la terre sainte, à cause du mauvais traitement qu‘ils

recevoient des Arabes. Les Anciens ont dit mesme un

Arabe pour dire un larron. (Gilles Ménage)

Discours socio-économique et discours religieux

se croisent pour jeter l‘anathème sur celui qui porte

atteinte aux valeurs de la communauté. Au début, une

équivalence est établie entre Arabe et exacteur avare.

Le qualificatif exacteur " celui qui extorque de l'argent"

est appuyé par l‘adjectif avare. Il s‘agit en fait de deux

défauts majeurs, condamnés aussi bien par l‘église que

par la société. Le contexte, marqué par une instabilité

permanente, des guerres incessantes, les méfaits des

commerçants et des monopoles, favorise une haine so-

ciale à l‘encontre de ceux qui en sont les instigateurs.

Les définitions des dénominations qui réfèrent à

l‘Arabe s‘inscrivent dans cet état d‘esprit.

2.2. Dénominations et péjorations

Ces défauts s‘étendent à une autre dénomination,

les Sarrasins. Ainsi, l‘idée de Kleiber se trouve-t-elle

confirmée.

Nous ne pouvons pas dire le monde tel qu‘il est en

soi, mais seulement tel qu‘il est ou paraît être pour

nous. (Kleiber, 1997 : 12)

En effet, quand le mot "sarrasin" est introduit dans

la langue, il n‘a pas le sens moderne d‘orientaux. Les

premiers dictionnaires recourent à l‘histoire et au pré-

construit idéologique pour délimiter le sens du mot

quitte à sacrifier les traits lexicographiques et séman-

tiques.

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Le Dictionnaire de Ménage présente dans un pre-

mier temps l‘étymologie latine du mot "saraceni". Par

la suite, il donne à lire différents points de vue sur

l‘origine historique et sociale des sarrasins en citant des

auteurs ecclésiastes comme Hermias Sozomène.

Paradoxalement, le dictionnaire introduit une

étymologie lexicographique, suite à une corruption dé-

rivationnelle, qui n‘a rien à voir avec le lexique, même

si le dictionnaire se base sur des auteurs antérieurs : "

le mot Saraceni vient de l‘arabe Sarik1, qui signifie un

voleur, et qui est formé du verbe Saraka, qui signifie

furari ; & que ce nom fut donné aux Sarazins à cause

des voleries et des brigandages qu‘ils excerçoient."

Là aussi, la prégnance du discours de la doxa est

manifeste, le recours au préconstruit et au prêt à penser

marquent la définition. Le dictionnaire répond à une

attente d‘un public particulier, dans un contexte parti-

culier.

Les deux traits définitionnels de l‘Arabe, déjà re-

tenus dans le dictionnaire, vol et brigandage,

s‘appliquent aussi aux Sarrasins. La définition basée

sur un faux étymon donne lieu à un point de vue idéo-

logique produit d‘un discours social rejetant l‘autre, en

l‘occurrence le sarrasin, l‘arabe ou le musulman. Peu

importe la dénomination, l‘autre est ainsi systémati-

quement refusé, rejeté. L‘anathème contre lui est lancé

et le verdict est sans appel.

1 La confusion de l’orthographe des mots Shark (Orient) et Sarik (voleur).

Ladite confusion est-elle pour autant innocente ?

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2.3. Les temps changent et les péjorations demeu-

rent

A la fin du XVIIe siècle, le dictionnaire de Fure-

tière reprend à son compte le prêt à porter discursif. Ce

sont alors les péjorations qui collent à l‘image de

l‘Arabe –avare, cruel, tyran- qui sont réitérés. Seul

l‘adjectif –tyran- apparaît, à notre connaissance, pour

la première fois.

L‘avarice, la cruauté et la tyrannie sont argumen-

tées par un énoncé dont le sujet est effacé. L‘énoncé

reprend un stéréotype que le lecteur rencontre dans

d‘autres dictionnaires. L‘usure demeure le défaut ma-

jeur de cet autre qu‘est l‘Arabe que la langue présente

toujours sous les mêmes traits. Le contexte n‘est pas

encore favorable à l‘admission de l‘autre tel qu‘il est

dans les nouveaux rapports au monde.

ARABE. Substantif masculin & féminin, Avare,

cruel, tyran. Quand on a affaire à des sergents, ce sont

des Arabes qui tirent jusqu‘au dernier sou, les Hôte-

liers de Hollande sont des Arabes, ils rançonnent leurs

hôtes. Cet usurier est un Arabe envers ses créanciers, il

ne leur relâche rien.

2.4. Le Dictionnaire de l’Académie, rupture ou con-

tinuité ?

Bien qu'il s'agisse d'un dictionnaire produit par

l'Académie, celui-ci n'échappe ni à l'emprise du déjà

dit ni au prêt à penser quand il traite des entrées

"Arabe" et des termes corrélés. Ne dérogeant pas à la

règle, il définit l'Arabe non pas comme une ethnie ou

une nation mais en recourant au caractère qui lui est

socialement attribué, la cupidité. Le discours de la doxa

est mis en valeur quand il n‘est pas le seul critère défi-

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nitionnel. La définition recourt à une représentation

répandue de l‘Arabe.

Il n'est pas mis icy comme un nom de Nation,

mais comme signifiant Un avare qui rapine sur tout,

qui exige au-delà de la Justice.

La succession de quatre adjectifs péjoratifs met

sur le marché linguistique une représentation sociale

mémorisée depuis des siècles. Outre l'usure et la cupi-

dité, les traits définitionnels de l'Arabe sont reproduits

tels qu‘ils figuraient dans les dictionnaires antérieurs.

ARABE : Usurier, avare, sordide & vilain. [En-

durci-toi le cœur, sois arabe, corsaire. Dépreaux, Satire

8.]

L‘usure fut tout au long du Moyen Âge, et même

jusqu‘au dix-septième siècle, un défaut majeur, voir un

péché que l‘église et la société condamnaient. Elle est

condamnée aussi bien par l‘église que par la société.

D‘ailleurs, le droit moderne considère l‘usure comme

un délit, le délit d‘usure. L‘Arabe, dans les diction-

naires est souvent présenté comme usurier et avare et

donc opposé aux principes et aux valeurs de la com-

munauté.

2.5. Des représentations pérennisées

Le discours dictionnaire véhiculant une représen-

tation péjorée de l‘Arabe se retrouve encore au dix-

huitième siècle. C‘est ainsi et malgré son caractère phi-

losophique, très particulier certes mais qui va dans

l‘esprit du siècle des lumières, et bien qu‘il ne s‘agisse

pas d‘un dictionnaire de langue, le Dictionnaire philo-

sophique de Voltaire va dans le même sens que les dic-

tionnaires antérieurs. Le contexte est toujours favorable

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à un discours connoté quand le référent est l‘Arabe,

pour des représentations pérennisées.

Les Arabes qui habitent les déserts ont toujours

été un peu voleurs. Ceux qui habitent les villes ont tou-

jours aimé les fables, la poésie, et l‘astronomie.

Nous voyons que Voltaire reprend telle qu‘elles

étaient des définitions et des représentations existantes.

L‘esprit critique et universel ne touchent pas aux repré-

sentations de l‘Arabe1, voire de l‘autre en général.

3. L’imbroglio des dénominations

Bien que les dénominations soient différentes,

nous constatons que le référent demeure le même qu‘ils

soient Arabe, Musulman, Maure, Sarrasin ou Turc.

Les arabes, les mahométans, les maures, les mu-

sulmans, les sarrasins, les Turcs, des dénominations

différentes pour un même référent ; des amalgames et

des confusions au service d‘un discours par lequel la

doxa rejette l‘autre, l‘ennemi.

Les dénominations de l'Arabe avec ses variantes

dénominatives, Maure et Sarrasin, sont préexistantes à

la langue française puisqu‘elles figuraient déjà dans la

langue latine. Les premiers dictionnaires ne pouvaient

donc que reprendre des catégorisations mémorisées par

la doxa et dans la littérature du Moyen âge. La pre-

mière des catégories qui convenait à l'Arabe était liée

au paganisme.

Avant l'essor de l'islam, les chrétiens avaient des

catégories établies pour l'ordre religieux : juif, païen,

hérétique. Quand ils rencontrèrent les musulmans, ils

essayèrent de faire entrer dans l'une de ces catégories,

1 Citons ici la tragédie de Voltaire : Mahomet ou le Fanatisme, (1741)

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"ignorant ou déformant" les "faits gênants" qui ne cor-

respondaient pas au schéma préétabli afin de ne pas

bouleverser ces postulats. (Tolan 2003 : 31-32).

Tel est le contexte socioculturel qui a toujours

marqué le discours dictionnairique quand il s‘agit de

définir l‘Arabe ainsi que les termes qui y réfèrent.

3.2. De quelques aberrations

Ces amalgames et ces confusions, au niveau du

lexique, au niveau des référents et des définitions cons-

tituent des aberrations que nous retrouvons dans

presque tous les dictionnaires, du Moyen âge, jusqu‘au

19ème

siècle.

Les premiers dictionnaires qui ont introduit les

mots qui référent aux Arabes recourent à des dénomi-

nations d'ordre ethnique. La catégorisation permet la

mise en place de dénominations non religieuses : "A de

rares exceptions près, les chrétiens du Moyen Age

n'employaient pas les mots "musulmans" ou "islam,

mais des vocables ethniques : "arabe", "sarrasin", "is-

maélite"". (Tolan 2003 : 33).

Avec la prise de Constantinople, l‘amalgame entre

l‘Arabe, le Musulman et le Turc a émergé. Un contexte

qui a largement contribué à confondre l‘un avec

l‘autre, à tel point que les définitions sont devenues

interchangeables.

Musulman. Nous appelons ainsi un Mahométan.

C‘est un mot turc, qui signifie un homme qui croit ce

qu‘il faut croire.

M. l‘Abbé Berault sur cette note a dit : le mot

Musulman n‘est point Turc. C‘est un mot Arabe. [...]

Au reste, ce fut Mahomet qui donna le nom de Musul-

man à ses sectateurs. (Gilles Ménage, Dictionnaire)

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La définition met en premier lieu un énoncé ayant

pour sujet un –nous- inclusif dont la valeur référentielle

est, hors contexte, difficilement identifiable ; s‘agit-il

de l‘auteur ou de la communauté linguistique ?

L‘étymologie du mot est volontairement ramenée

à la langue turque. A l‘époque, l‘empire turc était en

pleine expansion. Dans un contexte guerrier, le Turc

est l‘ennemi ; dire que le mot Musulman est d‘origine

turque s‘inscrit dans un discours qui reprend la doxa

dont il se fait l‘écho.

La réfutation de l‘origine du mot se fait par rico-

chet. En effet, le recours au discours direct introduit

par le verbe –dit- se présente comme un argument dont

la force réside dans la notoriété de la personne citée, en

l‘occurrence l‘Abbé Berault, ecclésiaste.

Les dénominations -musulman et mahométan-

sont présentées comme synonymes. Le dictionnaire

rectifie cependant une information quant à

l‘étymologie du mot musulman, mot arabe et non turc.

La domination turque de l‘Occident a créé un amal-

game entre le turc, l‘homme mais aussi la langue, et

l‘arabe.

Le nom -sectateurs- pris pour désigner les adeptes

de l‘Islam est un dérivé du mot secte " Personne qui

professe les opinions d'un philosophe, les croyances

d'une secte.". Le dictionnaire présente l‘Islam comme

une secte dont les adeptes sont des sectateurs. Le dis-

cours définitionnel est sous l‘emprise du préconstruit,

voire du prêt à penser idéologique et religieuse.

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C‘est ainsi que nous retrouvons cette définition du

mot Arabe dans un dictionnaire de la fin du dix-

neuvième siècle.

ARABE [Etymologie. Emprunté du latin arabus]

Originaire de l‘Arabie. Le peuple arabe. Les

Arabes, un Arabe, et, figuré : c‘est un Arabe, un

homme rapace. Si Arabe, corsaire, Boileau, satire 8.

(Hatzfeld & Darmesteter : Dictionnaire Général de la

langue française...)

Nous nous limitons à ces définitions et à ces dic-

tionnaires vu que la rupture avec le déjà-dit ne verra le

jour qu‘au cours de la seconde moitié du vingtième

siècle.

3.3. Vers un nouveau discours dictionnairique

Si la première moitié du vingtième siècle est mar-

quée par les nombreuses rééditions du Larousse illus-

tré, la seconde l‘est par le dictionnaire Le Robert.

La seconde moitié qui a vu l‘ère de la décolonisa-

tion et des mouvements socioculturels rejetant la sé-

grégation pour une acceptation de la différence et de

l‘altérité trouvera écho dans les différents dictionnaires

de langue. Le contexte transmis par cette nouvelle

idéologie et par une nouvelle culture influencera d‘une

manière ou d‘une autre les définitions des unités lexi-

cales qui font notre discours.

Arabe. étym. Fin xie du latin arabus ou arabs, lui-

même du grec araps. Originaire de la péninsule ara-

bique. Tribus arabes.

Musulman, ane. étym. xvie arabe mislim « fidèle,

croyant »

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Qui professe la religion de Mahomet. vx mahomé-

tan.

Qui est propre à l‘islam, relatif ou conforme à sa

loi, à ses rites ; qui appartient à la communauté isla-

mique. (Le Petit Robert 2009)

Arabes. Ensemble de populations formant une na-

tion. (Le Petit Larousse 2009)

Ces définitions dénotatives et objectives

s‘inscrivent dans le cadre d‘une nouvelle vision de la

lexicologie et de la recherche d‘une certaine objectivité

qui n‘hésite pas à reprendre les proverbes et les idées

reçues rencontrées dans des dictionnaires antérieures.

Les définitions sont des formations discursives aux-

quelles les auteurs des dictionnaires sont soumis d‘une

manière ou d‘une autre. Le contexte du discours n‘est

plus un contexte immédiat mais celui qui concerne

toute une communauté à travers son histoire et à tra-

vers ses rapports avec le monde et avec l‘autre.

Conclusion

Avec l‘avènement du vingtième siècle, même de-

puis la fin du dix-neuvième siècle, les définitions de

l‘Arabe sont devenues, à quelques exceptions près,

plus objectives, plus détaillées et plus soucieuses de

l‘opinion générale et de l‘aspect universel de la langue

française. Cependant, les phrases d‘auteurs, des élé-

ments d‘histoire que l‘Histoire a réfutés, sont encore et

toujours présents.

Nous pouvons affirmer que les définitions, plus

ou moins objectives, finissent par se stabiliser au cours

du vingtième siècle et que les nouveaux dictionnaires

n‘autorisent plus ce que le discours politique ou autre

admet.

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Cependant, encore un revirement eut lieu!

L‘avènement du vingtième et unième siècle, le 11 sep-

tembre 2001, les guerres menées contre l‘Irak et contre

l‘Afghanistan et enfin ce qui se passe dans des pays qui

ont connu ce qu‘il est convenu d‘appeler le printemps

arabe vont instaurer de nouvelles représentations qui

déboucheront sur de nouvelles dénominations.

Les définitions d‘unités lexicales comme terro-

risme / terroriste, islamisme / islamiste, djihad, etc.

donnent lieu à de nouveaux amalgames et une présence

manifeste de l‘idéologie occidentale dont les diction-

naires à venir se feront l‘écho.

Bibliographie

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Termes et concepts pour l’analyse du discours. Une

approche praxématique. Honoré Champion, Paris.

Kleiber G. (1997) : Sens, référence et existence : Que

faire de l‘extra-linguistique, Langages, n° 127, 9-37.

Maldidier D. (1993), L‘inquiétude du discours. Un tra-

jet dans l'histoire de l'analyse du discours : le travail de

Michel Pêcheux, Semen, 08, Configurations discur-

sives, 1993, [En ligne], mis en ligne le 21 août 2007.

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Consulté le 18 mars 2008.

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gination européenne du Moyen Âge, Traduit de l'an-

glais par Pierre-Emmanuelle Dauzat, Paris, Flamma-

rion.

2. Dictionnaires

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Siècle, version numérisée. Cf.

www.lexilogos.com/francais_renaissance.htm

Dictionnaire de l’Académie françoise (1694), version

électronique.

Estienne R. (1539) : Dictionnaire françois-latin, con-

tenant les mots & les manières de parler françois,

tournez en latin, version en ligne, gallica.fr.

Furetière A. (1690) : Dictionnaire Universel, version

en ligne de Champion Electronique.

Ménage G. (1694) Dictionnaire étymologique de la

langue française, version du Grand atelier de la langue

française, Version électronique.

Hatzfeld A. & Darmesteter, avec le concours de Tho-

mas, Dictionnaire Général de la langue française du

XVIIème

siècle jusqu’à nos jours, 1890-1900

Voltaire F-M. A. (1964) [1765, pour la première édi-

tion] : Dictionnaire philosophique, Paris, Flammarion.

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Dr Donald Vessah Ngou - Laboratoire MoDyCo -

Université Yaoundé

Le pronom nous dans la trilogie de Léonora Miano,

esquisse d’une interprétation modulée du discours.

Résumé

Considérant une auteure dont la position est sym-

bolique des nouvelles stratégies sur le champ littéraire

africain, l‘article propose une exemplification du par-

cours interprétatif qui intègre tant des données entou-

rant strictement le texte que des paramètres condition-

nant production et réception du roman. Pour ce faire, il

s‘appuie sur un corpus trilogique, dont les parties re-

présentent un tout à la fois unique et divisible.

Mots clés Contextualisation, corpus, paratexte, positionnement,

anagnose.

De tous les déictiques du système pronominal

français, nous est sans doute le plus complexe et le plus

exigeant en matière d‘analyse intégrale. Faisant priori-

tairement partie de ces morphèmes qui ne peuvent pas

être interprétés à l‘intérieur de la phrase (Reboul et

Moeschler, 2005 : 55), il engage toutes les dimensions

circonstancielles et peut intégrer des personnes très va-

riées, non seulement dans le contenu de la prédication,

mais aussi dans l‘intention de communication engagée,

sans forcément exiger leur présence dans le contexte

d‘énonciation.

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Dans ce sens, son analyse se doit de scruter plus

particulièrement les rapports discursifs qui lient non

seulement ses référents entre eux, mais aussi ceux-ci

avec le ou les destinataires. D‘où l‘interrogation sui-

vante : le locuteur est-il mandaté, institutionnellement

ou discursivement, pour bâtir un point de vue collectif?

Quelles situations justifient son couvert sous le pro-

nom?

Le nous s‘opposant systématiquement à un vous, à un

tu, ou à un ils, comment le pronom conçoit-il l‘identité

et l‘altérité, l‘appartenance ou la non-appartenance,

l‘inclusion ou l‘exclusion par rapport aux protagonistes

de l‘énoncé/énonciation ?

Mais avant toute chose, disons un mot sur le cor-

pus et le postulat théorique qui en légitime le choix, en

même temps qu‘il en éclairera l‘analyse.

1. Du choix du corpus au soubassement théorique.

Quelle élasticité du contexte ?

Ce n‘est un secret pour personne, l‘écrivain afri-

cain est contraint à une posture à tout le moins double,

imposée par l‘hétérogénéité de son public. Or, cette

hétérogénéité, surtout quand elle se bâtit autour de su-

jets brûlants, est d‘autant plus difficile lorsque la situa-

tion géographique de l‘écrivain n‘est pas partagée avec

celle du lecteur autochtone. Et Miano qui, vivant en

France depuis 1991, ayant fait des études supérieures

de Lettres Anglo-Américaines, d‘abord à Valen-

ciennes, puis à Nanterre, est un prototype symbolique

de cette situation.

Outre le fait qu‘elle soit en voie de se faire une

place de plus en plus imposante dans le paysage litté-

raire francophone, Miano attire l‘attention par ce

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qu‘elle suggère une réflexion profonde sur la responsa-

bilité des Noirs dans leur dénuement. Du côté des ro-

mans, nous avons opté pour ceux de la Trilogie :

L‘Intérieur de la nuit (2005), désormais I.N., Contours

du jour qui vient (2006) – C.J.V. - et Les Aubes écar-

lates (2009) – A.E. Dans cette perspective, si l‘on ad-

met avec Rastier (1998 : 106) que la contextualité de

l‘écrit va de texte à texte, et que le contexte gagnerait à

être défini comme une relation entre textes, il devient

alors légitime de considérer les romans du corpus

comme une unité discursive que le principe de rétroac-

tion, qui modifie le sens et la valeur de certaines occur-

rences déjà analysées à mesure que l‘on progresse dans

la lecture, vient éclairer.

Voilà le contexte mis en puissant rapport avec

l‘intertexte, et l‘intersémantique des occurrences analy-

sées tributaire de la macrosémantique. Cependant, par-

ler d‘intertexte n‘autorise pas une anarchie de données

relationnelles disparates. Il suffit de penser le texte en

rapport avec d‘autres textes dans une délimitation co-

hérente, le corpus. Voici ce qu‘en dit Rastier (ibid.,

108) qui, se situant d‘un point de vue philologique,

place le corpus - et non plus le texte, alors relayé à une

globalité transitoire - comme idoine horizon d‘analyse :

pour ne pas hypostasier le texte, il faut articuler la ma-

crosémantique qui le décrit à une intersémantique qui

traite des rapports entre textes.

Le texte est donc une plage pour l‘océan du cor-

pus, qui arrime l‘analyse à une connexion de faits sé-

miotiques. Résultat, à partir d'un texte, l'intertexte est

ce par quoi l'on accède par l'ensemble des références

(ou allusions) et plus généralement par l'ensemble des

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connexions opérées par la lecture et que l'on peut appe-

ler l‘anagnose (reprenant la définition de Ioannis Ka-

nellos et Théodore Thlivitis).

Par cette anagnose (ana, avant et gnôsis, connais-

sance) est mis en avant un capital de connaissances

préalables à la lecture du texte en question, et qui lui

sont liées. Fort de cette exploitation de connexions in-

tertextuelles, le sens ne consiste plus en représentations

mentales ou en description de faits et d‘effets textuels

isolés, mais se module par des parcours au sein de

textes, à condition d‘être en relation, peu ou prou, au

corpus, constitué selon une cohérence scientifique.

Quant à ce qui nous concerne, il est évident que la con-

substantialité des textes du corpus trilogique renforce

la légitimité d‘une perspective intertextuelle.

Ainsi, le contexte de chaque occurrence, pour per-

tinent qu‘il puisse être, renferme une tension qui ne

s‘estompe qu‘à la globalité de l‘œuvre, et donc à la

source commune de ses composantes : l‘écrivain, quel

que soit le nom d‘auteur pris pour chaque roman.

L‘essentiel dépend alors d‘une gestion infléchie et pro-

portionnelle des niveaux de structure (environnement

linguistique ou situationnel).

Reboul et Moeschler (2005 : 163) voient un dis-

cours comme une suite non arbitraire d‘énoncés. Au-

trement dit, le pensent en termes de composantes et

d‘ensemble(s), d'une reconnaissance locale et partielle

du problème de l'interprétation (Rastier, 1998 : 97).

D‘où la pertinence de concepts gradés, déclinés en in-

tention informative locale et intention informative glo-

bale. Or chaque intention informative locale dépend un

tant soit peu de l‘intention informative globale, collée

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aux coordonnées situationnelles de l‘auteure. De

même, l‘intention informative globale ne saurait se ré-

duire à la somme des intentions informatives locales

correspondant aux énoncés successifs du discours

segmenté dans la Trilogie. Le contexte exige de ce fait

une précompréhension basée sur une hypothèse de la

diffusion sémantique - en texte comme en paratexte.

Bien qu‘une telle approche pourrait s‘apparenter à

un procès d‘intention, posons l‘hypothèse que le nous,

particulièrement présent et ondoyant dans l‘ensemble

des textes mianoéens, serait un coup de force de

l‘Expatriée pour s‘insérer dans le groupe au nom du-

quel elle parle, mais dont elle est pourtant séparée par

la distance géographique. Il l‘aiderait même sur

n‘importe quelle plage énonciative, de l‘un ou l‘autre

côté de l‘Atlantique, à la même cohésion, mais par des

stratégies différentes. L‘on attendra de cette approche

qu‘elle montre comment les occurrences textuelles du

pronom pluriel – un contexte pouvant en éclairer un

autre – traduisent la complexité de la conjoncture de

l‘écrivain africain, voué à jouer le double-jeu de la

consolidation des liens avec ses divers publics africain

et européen.

Il importe de considérer préalablement

l‘envergure référentielle du pronom, avant d‘en envi-

sager une prospection extensive. Observons à ce titre

les exigences en matière de corrélations entre paliers de

complexité, si bien distinguées par Rastier (2004 : 10) :

les paliers microtextuel (morphème, lexie), mésotex-

tuel (de la période au chapitre), macrotextuel (texte

complet dont péritexte et paratexte), intertextuel (le

corpus).

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2. Le palier microtextuel : caractérisation du mor-

phème

Dégageons ici les propriétés intrinsèques du mor-

phème.

2.1. Le potentiel référentiel de nous

Introduit par la grammaire comme la première

personne du pluriel, nous désigne, mis à part le nous

dit de majesté ou de modestie, le locuteur plus un en-

semble de personnes. D‘où la dimension psycho-

sociale des référents du pronom, qui questionne les

traits contextuels et interrelationnels en jeu. D‘un autre

côté, il est évident qu‘il serait naïf de voir dans nous un

simple pluriel de la première personne, pace qu‘il ren-

voie à un complexe de personnes différentes.

À la suite de Guespin (1985 : 50), discernons

quatre options référentielles de la première incarnation

linguistique du plus d‘un :

- Nous1 renvoie à plusieurs locuteurs assumant

collectivement la responsabilité de l‘énoncé (texte co-

signé, collectif mandatant un représentant, etc.). Soit

Teur (destinateur) + Teur + Teur + …

- Nous2 unifie le destinateur (tantôt unique (je),

tantôt pluriel ou collectif (Nous1)) et l‘allocutaire

(unique, pluriel ou collectif). Ici sont donc associés les

participants à l‘interlocution, soit : Teur + Taire (et/ou

allocutaire).

- Nous3 unit destinateur et non-personne (singu-

lière, plurielle ou collective), soit Teur + NP.

- Enfin Nous4, dit nous de modestie, réfère au su-

jet unique.

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2.2. Nous, l’énonciation et les investissements statu-

taires des interlocuteurs

Il est évident que la question sociale du pronom

s‘enracine plus profondément dans une problématique

énonciative où un même produit énoncé émane de voix

distinctes, quoique de façons différentes. Car, à suppo-

ser que X prétende parler seulement pour Y, cela

n‘empêche de considérer X comme le sujet des paroles

prononcées (attribuées à Y), et de s‘intéresser aux mo-

tivations et mécanismes mis en jeu pour que X accom-

plisse son activité linguistique. Mais ce dédoublement

n‘affecte pas que les tenants de l‘émission du discours,

il se complexifie d‘autant plus qu‘il conditionne la ré-

ception de ce dernier. Pour mettre le plus brièvement

en valeur cet aspect et le connecter à notre propos, sui-

vons Ducrot (1980a : 29-31) - qui s‘emploie originel-

lement à contester l‘unicité du sujet parlant en insti-

tuant l‘opposition locuteur / sujet parlant. Il pose préa-

lablement qu‘interpréter un discours, c‘est y lire une

description de son énonciation. Autrement dit, le sens

d‘un énoncé est une certaine image de son énonciation.

D‘abord il s‘agit de deux personnages, ou groupes, mê-

lés à cette énonciation. De là, il faut dégager d‘une part

un auteur, que Ducrot appelle locuteur, qui adresse le

message à un allocutaire, qui ne doit pas être confondu

avec les auditeurs, c‘est-à-dire avec les personnes qui,

simplement, entendent le discours (ibid, 35). Mais at-

tention, ces deux êtres n‘ont pas de réalité empirique -

en entendant par là que leur détermination fait partie du

sens de l‘énoncé, et ne saurait s‘effectuer si on ne

comprend pas ce sens.

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Et Ducrot de définir la notion de personnages illo-

cutoires (énonciateur – source qui, visant un impact

discursif, tire les ficelles du contenu énoncé - ou desti-

nataires – objet qui est réellement visé par la conte-

nance argumentative), et qui peuvent ne pas être identi-

fiés avec le locuteur et l‘allocutaire, personnages de

l‘énonciation. Il apparaît donc que le nous engage une

double symétrie qu‘il serait intéressant de dégager à

partir et en fonction du sens de l‘énoncé.

3. Le palier mésotextuel : prospection extensive de

nous

Les distinctions de Ducrot nous poussent à amor-

cer une extension du problème de nous au pôle réceptif

de l‘acte formulé, surtout le nous2 qui englobe le des-

tinataire. Il s‘impose une révision des équivalences du

pronom, puisque dire de nous qu‘il équivaut à destina-

teur + destinataire (et ou allocutaire), c‘est s‘obliger

par le fait même à déterminer les variantes potentielles

de tu ou vous qui correspondent au récipiendaire du

message, et à déterminer quelles modalités de réception

sont activées : destinataire, auditeur/récepteur, allocu-

taire indistinctement, auditeur sans être destinataire,

allocutaire sans être destinataire, destinataire sans être

allocutaire, destinataire et auditeur sans être allocutaire,

bref tous les cas de figure seront envisagés.

Observerons strictement trois valeurs dans le cor-

pus : le nous de scission, le nous de reproche et le nous

d‘auteur.

3.1. Nous de clivage

C‘est sans doute le nous le plus représenté dans le

corpus. L‘on interroge cette valeur scissionnelle du

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pronom en prélude des analyses subséquentes, question

de situer globalement le contexte de fond des occur-

rences.

Comme déjà dit, dans les textes de la Trilogie, qui

a pour ambition déclarée d‘éveiller les consciences sur

la complexification des Africains, nous désigne grosso

modo tour à tour les villageois d‘Eku, les citoyens du

Mboasu et enfin les Africains. Dans l‘infime espace de

cet article, nous ne pouvons dégager, parmi une plé-

thore de manifestations similaires, qu‘un seul proto-

type significatif. Là, le vrai clivage a lieu entre le nous

dont l‘énonciatrice se veut solidaire et le ils qui

s‘active à les duper. Il s‘agit des richesses naturelles

[2] « auxquels d‘autres ont donné une importance

que nous ne comprenons toujours pas, que nous ne sa-

vons […] exploiter pour le bien commun. »

Elle déplore surtout qu‘ils en fixent le prix et nous

l‘acceptons parce que cela ne signifie rien pour nous.

Ils nous dupent peut-être, mais nous les laissons faire,

toujours inaptes à déceler quoi que ce soit pour nous-

mêmes […]. J‘ai les yeux ouverts sur le champ de nos

possibles. » (C.J.V., 177-178)

C‘est grâce à cette opposition que la demoiselle

contraint à la réflexion sur le lien qui unit sa race à

ceux qu‘elle englobe dans le ils. Par conséquent,

l‘argumentaire atteindra d‘autant plus son objectif qu‘il

réussira préalablement une fusion optimale des rela-

tions je / tu (/vous), sous une représentation commune

de l‘altérité par opposition au ils, les instances occiden-

tales.

Au vu de cet extrait, nous pouvons affirmer que le

morphème tend moins à déclencher une dislocation du

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type nous / vous que du genre nous / ils. De cette ma-

nière, le vous qui se trouverait en position d‘auditeur

visé aura tendance à se sentir intégré (plutôt que rejeté)

pour le bénéfice d‘une cause contre un adversaire.

C‘est sur le sentiment, partagé ou voulu tel, d‘une me-

nace extérieure que les destinataires privilégiés sont

censés éprouver la cohésion comme plus que jamais

salutaire. Voilà graduellement les destinataires pri-

maires confortés dans une garantie de bienveillance-

cette eunoia, qu‘Aristote classe parmi les principales

qualités d‘un éthos agissant - qui cimente leur con-

fiance. L‘énonciateur peut alors se permettre des ré-

primandes que les derniers recevront d‘autant moins

péniblement qu‘ils seront assurés des bases saines de

ses intentions.

3.2. Nous de réprimande

La Trilogie de Miano est littéralement dominée

par la fonction satirique du nous. L‘on ne choisira de

présenter que l‘infime échantillon ci-dessous qui, loin

de montrer un je sujet prédominant, englobe prioritai-

rement des schèmes d‘action et de pensée communs

aux Africains dans les romans. Le premier acte

d‘assaut, plus virulent, a pour objet les Africains fata-

listes ; et le second, moins palpable, galvanise par

quelque valorisation la catégorie de ceux qui font

preuve d‘audace (lorsque nous sommes audacieux…

mais nous ne sommes guère nombreux…).

[6] « Devant nous, il y a toujours un mur. Tout

nous est interdit. Le désir. Le rêve. Il n‘y a, pour nous,

que le besoin et le manque. Lorsque nous sommes au-

dacieux, il y a parfois l‘espérance, mais nous ne

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sommes guère nombreux à tenter notre chance à ce jeu

de hasard. » (A.E., 49-50)

Jusqu‘ici, nous examiné les intentions informa-

tives locales dans le texte en nous soumettant aux théo-

ries structuralistes qui prônent l‘immanence textuelle.

Il est temps pour nous de considérer l‘intention infor-

mative globale et d‘oser une transgression du pacte

narratif pour récolter le maximum de fruits qu‘engage

la présence du pronom dans le texte.

4. Le palier macrotextuel : le paratexte et le nous

d’auteur, un stratagème de positionnement

Ce fragment se penche presqu‘essentiellement sur

le paratexte, cette «zone indécise» entre le dedans et le

dehors, elle-même sans limite rigoureuse, ni vers

l‘intérieur (le texte) ni vers l‘extérieur (le discours du

monde sur le texte) (Genette, 1987 : 8).

Aussi nous revient-il de revenir brièvement sur le

pacte de la communication littéraire pour tenter

d‘établir des équivalences avec l‘approche énonciative

que nous avons dans l‘examen de nous. En d‘autres

termes, sur la scène énonciative africaine ou même

francophone, à quoi correspondraient les deux pivots

illocutoires d‘énonciateur et de destinataire, et les deux

postes énonciatifs de locuteur et d‘allocutaire ?

Pour mieux comprendre comment ces paramètres

sont mis en œuvre chez Miano, nous nous permettrons

une mise en parallèle, dans un exemple significatif,

avec une autre écrivaine, Aminata Sow Fall. Le roman

d‘où est tiré le prototype fait état d‘atrocités que les

agents de la police française feraient subir aux expa-

triés africains. Comme Miano, Sow Fall engendre une

réflexion ontologique par le traitement de sujets autour

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des relations interpersonnelles entre l‘Afrique et

l‘Occident. Soit ce paragraphe que la Sénégalaise a

choisi de brandir en quatrième de couverture de Dou-

ceurs du bercail :

[9] « Aimons notre terre ; nous l‘arroserons de

notre sueur et la creuserons de toutes nos forces, avec

courage. La lumière de notre espérance nous guidera,

nous récolterons et bâtirons. »

Elle poursuit :

Alors seulement nous pourrons [voyager] sans

être chassés comme des parias. Nos mains calleuses en

rencontreront d‘autres en de chaudes poignées de res-

pect et de dignité partagée… »

On voit bien que les tournures passives taisent un ils

sujet des procès de chasser, et propriétaires d‘autres

mains.

Si, comme l‘approuve le contenu du roman, le nous

c‘est les Africains en général, et le ils les Occidentaux,

l‘acte illocutoire de conseil ou d‘encouragement écarte

le lecteur occidental, qui est plutôt visé par l‘acte de

réprobation. Le lecteur africain serait en ce sens aussi

pris à témoin de l‘inhospitalité de la race d‘en face.

Même si le roman de Saw Fall, qui vit bel et bien à

Dakar, exhorte les Africains à rester chez eux, il le fait

d‘autant mieux qu‘il fustige les Occidentaux en présen-

tant leur mépris de la manière la plus atroce. D‘ailleurs,

la structure d‘édition continentale dans laquelle le ro-

man est paru, « Nouvelles Éditions Ivoiriennes », ne

semble pas banale.

Il n‘en va pas de même avec Miano (qui vit en

France et dont les romans sont publiés par Plon), chez

qui le nous pose des prises de position exploitées diffé-

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remment. Pour atteindre les mêmes objectifs de valori-

sation de sa race – si on se fie à ses quatrièmes de cou-

verture ou à ses interviews -, la Camerounaise procède

inversement : loin de s‘attaquer aux Blancs, elle réalise

plutôt une critique virulente des Noirs. Ses exhalaisons,

pauses introductives de chaque chapitre dans le roman

qui clôt la Trilogie, ont absolument le pronom pour

cheville ouvrière. Les actes illocutoires varient du tout

au tout, du blâme à la consolation, en passant par la

stimulation.

[10] «Nous sommes […] le gouffre. Notre ab-

sence est le cœur de ce continent. […] Nous sommes la

suffocation. […] Nous sommes le grand égarement.

Notre âme s‘est faite rancunière au fil des âges…»

(A.E., 38-39)

[12] « Nous ne savons plus la joie. Nous vou-

drions la paix, enfin. Accéder, nous aussi, à cet autre

monde où les trépassés deviennent des figures tuté-

laires. Que notre arrachement n‘ait pas été vain. Que

nos déchirures soient lues de par le monde… » (A.E.,

189-191)

L‘on pourrait reproduire à l‘envi les exemples et

argumenter bien longuement sur les valeurs du nous et

de ses renvois dans le texte de Miano, mais considé-

rons cette interview accordée au journal Le Monde (22

juillet 2006 : 27). L‘écrivaine différencie instinctive-

ment les objets illocutoires de son œuvre des person-

nages de l‘énonciation, beaucoup plus étendus, en

même temps qu‘elle trahit la fonction illocutoire

qu‘elle assigne à chaque lectorat : Les Noirs me repro-

chent d‘écorner l‘image de l‘Afrique, de révéler nos

travers, nos codes sociaux… Ils s‘y feront. Le linge

sale n‘est jamais lavé quand il reste en famille ([14]).

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Voilà le ils-Occidentaux, constant dans les romans,

muté sur la scène médiatique française en ils-Africains,

et surtout, le nous, obligé de se fragmenter en moi +

ils, le tiers exclu, cette fois-ci les Noirs. Au nous (par-

faitement vissé) contre ils catégoriquement proclamé

chez Sow Fall, se substitue chez Miano un nous (sou-

vent fragmenté) devant ils.

On a là l‘illustration de la façon dont la Camerou-

naise se place, se déplace et se replace sur les différents

champs de bataille africain et francophone. C‘est ainsi

que le nous tout seul marque la paratopie,

l‘appartenance et la non-appartenance, cette impossible

inclusion dans une topie.

Qu‘elle prenne le visage de celui qui n‘est pas à sa

place là où il est, de celui qui va de place en place sans

vouloir se fixer, de celui qui ne trouve pas de [sa]

place, la paratopie écarte d‘un groupe, d‘un lieu ou

d‘un moment. (Maingueneau, 2004 : 86)

S‘inscrivant dans un modèle polémique qui est

celui de la satire, l‘auteure ne peut assumer sans se

masquer un énoncé d‘où se dégage une forte tension

avec le reste du groupe ou avec le monde environnant.

C‘est ainsi que le nous apparaît plus encore comme un

bouclier, paire de gants portée par l‘énonciatrice pour

palper les sujets chauds de l‘ensemble du groupe et

surtout, le prendre à partie sans se voir soi-même con-

trée par quelque argument ad personam. Le nous est un

signe de la conscience que les écrivains (et, pour le cas

précis, Miano) ont de l‘importance de leur situation

problématique sur le champ, pour les autoriser à porter

certains regards sur la société. Il constitue un strata-

gème de positionnement, d‘acquisition de légitimé.

Bien plus qu‘une simple dénotation grammaticale plu-

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rielle, le nous est chez Miano une suggestion de la

constitution d‘ensembles, autour d‘un sujet égocen-

trique, signifiant plus moi comme vous, moi avec vous,

moi pour vous que simplement moi et vous.

Le surmarquage du nous, véritable signe insistant du

texte (Thurin,1997: 81) éveille la curiosité et provoque

des investigations périphériques à la constitution

d‘ensembles chez la Camerounaise.

Pour conclure. Un allocentrisme du contexte ?

In fine, le contexte touche à ce qui est actualisé ou nar-

cotisé (c‘est-à-dire « mis en veilleuse ») (Thurin, 1997

: 7), en vue d‘une exploitation à un niveau supérieur ou

ultérieur. C‘est sans doute l‘un des concepts les plus

magnétiques mais aussi les plus altruistes de

l‘interprétation de textes. Il apparaît comme un instru-

ment à ne point économiser, à condition de le penser en

termes de régime, graduel et ajusté à un ensemble de

conditions, liées surtout, en réalité, aux compétences

du lecteur. À condition aussi que, sur le plan méthodo-

logique, le sens de la relation projetée entre la dé-

marche linguistique et les données extralinguistiques

interrogées soit précisé.

Pour finir, si l‘on admet que, au fond,

l‘interprétation peut se résumer à la recontextualisation

(interpréter, c'est recontextualiser (Rastier, 1998 :

109)), il faut reconnaître que tout texte ne doit sa cons-

tante actualité, et donc sa non-péremption, à rien

d‘autre qu‘au contexte et à son ajustement.

Bibliographie

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Communications, n° 30, pp. 11-60.

Ducrot Oswald, 1984, Le dire et le dit, Paris : Minuit.

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Genette Gérard, 1987, Seuils, Paris : Le Seuil.

Guespin Louis, 1985, « Nous, la langue et

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Maingueneau Dominique, 2004, Le discours littéraire.

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Rastier François, 1998, « Le problème épistémologique

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KHELLADI- HAMZA Zoubida

Pr. Université d’Oran

Les proverbes de Don Quichotte dans le discours

Abstact

Les fonctions de proverbes de Don Quichotte

dans le discours sont reflétées et insérées dans le con-

texte par une formule introductive, ou directement dans

le discours sans aucune allusion au fait que la déclara-

tion est utilisée en dehors du contexte. Cervantès les

utilise sans que leurs états de proverbes soient montrés.

Mots clés

Don Quichotte, discours, langage, nature conver-

sationnelle, discours évaluatif

Du point de vue d'acte de discours, la grande majori-

té des proverbes fonctionne comme des actes de lan-

gage non-directs (plus d'une force illocutoire) et indi-

rects (c'est-à-dire qu‘ils sont linéaires avec une cohé-

rence sémantique dans le discours). Ils sont également

figurés lorsque le sens littéral n'est pas lié au contexte,

mais on peut déduire un sens propre de la parole en

substituant d'autres éléments fournis dans le discours.

Ces proverbes sont caractérisés par des propositions

traditionnelles fixes. Dans un dicton il ya au moins un

topique et un commentaire qui forment un élément

descriptif. Ces commentaires sont évaluatifs ou sont

des arguments d'évaluation dans un espace conversa-

tionnel. Mais avant toute chose, expliquons ce qu‘est

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un proverbe? Les espagnols disent que « es la sabiduría

del pueblo », c'est-à-dire la sagesse et le savoir du

peuple. D‘après wikipedia,

Un proverbe est une formule langagière de portée

générale contenant une morale, expression de la sa-

gesse populaire ou une vérité d‘expérience que l‘on

juge utile de rappeler. Il n‘est pas attribué à un auteur

contrairement à la citation ou l‘apophtegme. Les pro-

verbes sont souvent très anciens, à l'origine populaire

et par conséquent de transmission orale… Ils servent

généralement d‘argument d‘autorité…Les proverbes

appartiennent au patrimoine linguistique d‘un pays.1

Sonia Fournet-Perot dans son article intitulé

« Les proverbes dans ―El ingenioso hidalgo‖ don Qui-

jote de La Mancha » évoque des stéréotypes linguis-

tiques et culturels révélateurs de la complexité du mes-

sage cervantin en soulignant que le « langage stéréoty-

pique » représente généralement l‘ensemble des struc-

tures de la langue mettant en avant le savoir partager et

la connaissance du monde d‘une société linguistique.

Or, les proverbes ont de tous temps constitué la sagesse

des nations ou sagesse populaire. La matière prover-

biale représente donc, pour reprendre les mots de Henri

Meschonnic, « une tentative empirique de mettre le

monde en ordre.2

La nature conversationnelle des proverbes a été

très étudiée et mise en relief par la majorité des huma-

nistes, comme par exemple Juan de Mal Lara dans son

livre Filosofía vulgar (1958 : 18) « Philosophie vul-

1 http://fr.wikipedia.org/wiki/Proverbe

2 Cahiers de Narratologie, Numéros 17 (2009) : Stéréotype et narration

littéraire, Les proverbes dans “El ingenioso ...

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gaire », en disant que « …el refrán corre por todo el

mundo de boca en boca, según moneda que va de mano

en mano… »1

Miguel de Cervantès montre le caractère conver-

sationnel des proverbes par l‘intermédiaire de son per-

sonnage et écuyer Sancho Panza et « l‘homme à la

triste figure », Don Quichote.

Les études qui ont été faites par de nombreux

auteurs et théoriciens sur le discours des proverbes tels

que Casares: 1959, Taylor: 1962, Green : 1975, Seitel :

1981, Dundes : 1981, Arora : 1984, Norricks : 1985,

montrent que R. Abrahams a été le premier à avoir ap-

profondi le côté conversationnel des proverbes « The

complex relations of simple form » (1969).

Cet écrivain distingue entre les proverbes et les

autres genres folkloriques comme les rituels, les fables,

anecdotes, etc., pour la proximité reliant le locuteur et

le récepteur en ce qui concerne le type de discours col-

loquial utilisé dans les proverbes.

En utilisant un proverbe, le locuteur, très sou-

vent, ne fait pas attention à la phrase qu‘il vient de pro-

noncer ne sachant si elle fait partie d‘un type conven-

tionnel ou institutionnel pour la structure sociale, parce

que généralement le proverbe a été dit ou utilisé dans

une conversation spontanée avec le récepteur. Pour

Abrahams tous les membres d‘une communauté lin-

guistique utilisent une multitude de proverbes dans leur

discours.

Pour Don Quichotte cette théorie s‘avère vraie

du moment que les proverbes qu‘il emploie sortent de 1 Traduction personnelle : « …le proverbe court les rues et on le retrouve

de bouche en bouche, comme une monnaie courante.»

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sa bouche sans qu‘il fasse, parfois, attention à ce qu‘il

dit. Dans l‘œuvre de Cervantès, Sancho et Don Qui-

chotte ne sont les seuls à utiliser des proverbes, mais

un grand nombre de protagonistes le fait tout autant.

Dans ces discours, les proverbes font partie des énon-

cés autoritaires qui reflètent des situations très précises

telles qu‘ordonner ou imposer au récepteur une action à

suivre, ou bien, évaluer une situation qui a un sens di-

dactique.

Norrick (1985 : 18) a étudié l‘usage des pro-

verbes dans la conversation libre en essayant de les

classer selon deux fonctions importantes : la première

en tant que commentaire évaluatif, et la deuxième en

tant qu‘un argument évaluatif.

Les discours qui ont un caractère de commen-

taire évaluatif jugent une personne ou une situation

donnée en ayant un certain sens autoritaire et ils ont,

parfois, une indépendance syntactique. Ils sont classés

en fonction du thème de la conversation ou du discours

du locuteur. Par exemple, dans le chapitre II qui traite

de la défaite de Don Quichotte, on retrouve notre héros

triste et déprimé, on voit que Sancho Panza essaie par

tous les moyens de l‘encourager, lui disant que le plus

triste des deux c‘est lui, parce que si son maitre « dé-

pose les armes », jamais plus il ne pourra être gouver-

neur d‘une ile et avoir le titre de Comte. Pour cela Don

Quichotte lui répond :

-Calla Sancho, pues ves que mi reclusión y retira-

da no ha de pasar de un año; que luego volveré a mis

honrados ejercicios, y no me ha de faltar reino que

gane y algún condado que darte.

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-Dios lo oiga, dijo Sancho, y el pecado sea sordo,

que siempre he oído decir que más vale buena esperan-

za que ruin posesión. (II,65,pp.550-551)

Traduction: Tais-toi, Sancho, comme tu le vois

ma détention est courte et ne dépassera pas une année,

puis je reviendrai à mes exercices honorés, et je ne ra-

terai pas un royaume ni un comté que je ne te donne-

rai.

-Dieu entend, dit Sancho, et le péché est sourd, j'ai

toujours entendu dire que mieux vaut bonne espérance

que mauvaise possession.

Sancho utilise ce proverbe pour commenter

l‘attitude de son maître qui ne s‘avoue pas vaincu. En-

core plus téméraire il reprendra le chemin de la gloire

et avec lui son fidèle écuyer, qui rêve toujours d‘être

gouverneur d‘une île. Le dicton revêt donc une fonc-

tion ou un commentaire évaluatif, introduit par le

« que » énonciatif, il a la fonction d‘une citation.

Dans le langage oral la différence entre un énoncé

et un autre se trouve dans l‘intonation. Les proverbes

qui ont pour fonction d‘appuyer ou de résumer la posi-

tion du locuteur dans le discours s‘appellent « argu-

ments évaluatifs ». La majorité de ses proverbes sont

introduits dans de longs paragraphes. Par exemple dans

le chapitre X où l‘on cite les moyens utilisés pra San-

cho pour séduire Dulcinée relèvent davantage du ri-

sible que du réel.

-Yo iré y volveré presto-dijo Sancho- ; y ensanche

vuestra merced, señor mío, ese corazoncillo, que le

debe de tener agora no mayor que una avellana, y con-

sideré que se suele decir que buen corazón quebranta

mala ventura, y que donde no hay tocinos, no hay esta-

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cas; y también se dice: donde no piensa, salta la liebre.

Dígalo porque si esta noche no hallamos los palacios o

alcázares de mi señora, agora que es de día los pienso

hallar, cuando menos los piense, y hallados, déjenme a

mí con ella.

-Por cierto, Sancho-dijo don Quijote-, que

siempre traes tus refranes tan a pelo de lo que tratamos

cuanto me dé Dios mejor ventura en lo que deseo.

(III,15,pp.569-570)

Trad: - J‘irai et reviendrai vite, répondit Sancho.

Voyons seigneur de mon âme laissez gonfler un peu ce

petit cœur qui ne doit pas être maintenant plus gros

qu‘une noisette. Confirmez ce qu‘on a coutume de dire,

que « bon cœur brise mauvaise fortune », et que « où il

n‘y a pas de lard, il n‘y a pas de crochet pour le

pendre ». On dit aussi : « Où l‘on s‘y attend le moins,

saute le lièvre ». Je dis cela, parce que si, cette nuit,

nous n‘avons pas trouvé le palais ou l‘alcazar de ma

dame, maintenant qu‘il est jour, j‘espère le trouver

quand j‘y penserai le moins ; et quand je l‘aurai trouvé,

laissez-moi démêler mes flûtes avec elle.

-Assurément, Sancho, reprit don Quichotte, tu

amènes les proverbes si bien à propos sur ce que nous

traitons, que je ne dois pas demander à Dieu plus de

bonheur en ce que je désire.

On peut aussi parler de l‘insertion syntactique des

proverbes de don Quichotte. On peut les classer de la

manière suivante :

Des proverbes qui, dans un discours, ont la forme

de citation et où la personnalité du protagoniste dispa-

rait complètement. Dans ce discours, ils sont introduits

par des formules préliminaires telles que : « como dice

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el refrán… » (comme dit le proverbe), ou « como se

suele decir… » (comme on a l‘habitude de dire), ou

bien encore « como he oido decir… » (comme j‘ai en-

tendu dire). Ce genre de proverbe ne fait que solidifier

et maintenir la continuité culturelle et les traditions.

Leur rôle est d‘exalter le passé en mettant à découvert

le dilemme de chaque époque et choisir, peut-être,

entre l‘innovation et la duplication des exemples cano-

nisés, ou mieux encore, comment ces proverbes du

passé sont filtrés consciemment ou inconsciemment

par une personne.

Dans Don Quichotte ces formules préliminaires

sont divisées en formules nommées de « langage » et

qui font référence au proverbe lui-même, comme par

exemple : « como dice el refrán » (comme dit le pro-

verbe, déjà cité ci-dessus), etc. Pour ce premier cas on

a l‘exemple suivant : « es comùn proverbio, hermosa

señora, que la diligencia es madre de la buena ventu-

ra » (il y a un proverbe commun, belle dame, que la

diligence est la mère de la bonne fortune). Dans cet

exemple on constate que le récepteur reçoit un énoncé

qui n‘est pas créé par le locuteur, sinon répété et avec

un ton autoritaire en mettant l‘accent sur « es común

proverbio, il y a un proverbe commun ».

Il existe aussi une autre catégorie appelée « im-

personnel » ou anonyme, par exemple : « se suele de-

cir » (d‘habitude on dit), « ellos dicen » (ils disent) ou

encore « he oido decir » (j‘ai entendu dire). Cette der-

nière est appelée la source « identifiable », par

exemple : « como yo digo » (comme j‘ai dis), « como

ha dicho Teresa » (comme a dit Teresa), etc.

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100

Pour cette deuxième formule impersonnelle, on a

l‘exemple suivant :

Chapitre IV où Sancho Panza répond aux ques-

tions et éclaircit les doutes du bachelier Samson Car-

rasco, avec d‘autres évènements dignes d‘être sus et

racontés.

-Sancho nací, y Sancho pienso morir, pero si con

todo esto, de buenas a buenas, sin mucha solicitud y

sin mucho riesgo, me deparase el cielo alguna ínsula, u

otra cosa semejante, no soy tan necio que la desechase;

que también se dice: ―Cuando te dieron la vaquilla,

corre con la soguilla‖; y ―cuando viene el bien, mételo

en tu casa‖. (IV p.605)

Trad: -Sancho je suis né, et Sancho je pensé mou-

rir. Mais avec tout cela, si de but en blanc, sans beau-

coup de démarches et sans danger, le ciel m‘envoyait

quelque île ou tout autre chose semblable, je ne suis

pas assez niais pour la refuser ; car on dit aussi : »

Quand on te donne la génisse, jette- lui la corde au cou,

et quand le bien arrive, mets-le dans ta maison ».

Les structures impersonnelles sont employées

pour « dé-focaliser » le sujet de l‘énoncé, soit par igno-

rance du nom de la personne, soit Sancho ne veut pas

le mentionner intentionnellement.

Pour conclure, Don Quichotte de la Manche est

l‘œuvre qui exalte et utlise les proverbes pour circons-

crire une littérarité inovante. Les proverbes y reflètent

tantôt la sociologie, tantôt l‘idéologie parce qu‘ils se

basent sur les conditions sociales de leur époque. Ils

construisent aussi un discours synthétique en parlant

de la tellurique, le comique et même la didactique, pri-

vilégiant souvent le comique sur l‘idéal.

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Bibliographie

Cervantes, M. de Don Quijote de la Mancha. Edition

bilingüe espagnol-français dans les textes parallèles.

Traduction de Louis Viardot. Integrado en el sistema

Mgarci.

Cuenca-Godbert ,Marta, « Don Quichotte, un don qui-

chotte ? Déprogrammation d‘un stéréotype », Cahiers

de Narratologie [En ligne], 17 | 2009, mis en ligne le

22 décembre 2009, consulté le 04 septembre 2012.

URL : http://narratologie.revues.org/1280.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Proverbe

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BAGHADID-MAATI Halima

Université d’Oran

El contexto desde un punto de vista didàctico

Resumé:

Enseigner une langue étrangère selon l‘approche com-

municative, implique l‘usage de la communication en

classe ; disant communication on va penser directe-

ment à Jakobson et son schéma de : émetteur, récep-

teur, message, canal, code et contexte.

Pour cela, la présentation de n‘importe quel élément

linguistique en classe de langue étrangère doit être ac-

compagnée par la contextualisation de cet élément ; et

en outre, il faut croiser les trois contextes : linguistique,

situationnel, et socioculturel, pour pouvoir contextuali-

ser les situations de communication qu‘on veut travail-

ler en classe.

Mots clés :

Didactique de langue, contextes, contextualisation, mé-

thode, approche, matériel didactique.

Introducción:

La didáctica de lenguas ha vivido muchos cambios,

pasando por muchos métodos y enfoque que cambian

cada vez el proceso de enseñanza/aprendizaje de len-

guas.

Como es sabido que en cualquier clase de lengua, el

punto de partida es la fase preparatoria, o la de presen-

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tación del material didáctico o de los elementos

lingüísticos que queremos que sean asimilados por

nuestros alumnos; este punto es fundamental y es ello

que va a definir si vamos a alcanzar o no nuestros obje-

tivos preestablecidos; pues ¿cómo podremos presentar

este material en clase de manera que sea beneficioso

para los aprendices?

1. Del enfoque situacional al enfoque comunicati-

vo:

Si hacemos una pequeña comparación entre los méto-

dos, buscando una respuesta a nuestra pregunta, dedu-

cimos que en los métodos tradicionales nunca se pre-

sentaba un material en su contexto y eso no garantiza la

comprensión de lo que se enseña, hasta la aparición del

enfoque situacional que se caracteriza por el estudio de

la lengua en su contexto lingüístico y en su contexto

situacional en lo que la lengua no puede estudiarse ex-

traída de su contexto, haciendo la práctica en el aula

con ejercicios más abiertos, creando situaciones de uso

de la lengua mediante la ayuda de dibujos, elementos

extralingüísticos y materiales didácticos auténticos que

permiten que los aprendices entiendan el significado de

los nuevos elementos.

Esta variante británica del método audio lingual –el

enfoque situacional- se interesa más por la forma, o las

estructuras lingüísticas, que por el uso de la lengua; y

concibe el aprendizaje de una lengua extranjera como

un proceso de formación de hábitos lingüísticos, redu-

ciendo la práctica oral a una tarea mecánica para inte-

riorizar las estructuras gramaticales y el vocabulario.

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La crítica a este método llegó de algunos de sus segui-

dores que no obtenían los resultados esperados, porque

lo que se había aprendido en clase era muy difícil po-

der transferirlo a situaciones de comunicación real fue-

ra del aula, porque el concepto de situación o contexto

no predomina sobre las estructuras, por lo que, como lo

expresa J, Zanón (1988:48),

La relevancia del significado en el enfoque situa-

cional es, al igual que en su hermano americano, me-

ramente anecdótica1

La orientación comunicativa de la enseñanza de la len-

gua recoge del audiolingualismo/enfoque situacional y

del método audiovisual algunos principios, como por

ejemplo el concepto de situación, y para que el apren-

dizaje sea más eficaz se empieza a usar la lengua en

situaciones reales de comunicación.

2. El contexto en una enseñanza comunicativa:

Para enseñar una lengua extranjera llevando a la prácti-

ca un enfoque comunicativo, lo primero que tenemos

que tener en consideración es la comunicación es clase

y si decimos comunicación, pensamos directamente en:

el emisor, el receptor, el mensaje, el canal, el código y

el contexto.

En el presente artículo, lo que más nos interesa es el

contexto que se refiere a un conjunto de circunstancias

en el que se produce el mensaje como el lugar y el

tiempo que ayudan a la comprensión del mismo. El

entorno del contexto puede ser algo que se presenció

1 Citado por MELERO ABADIA P. (2000:73).

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en el momento de ocurrir un hecho, o puede ser

simbólico como el entorno cultural o histórico.

2.1. El contexto lingüístico:

La pragmática es la disciplina encargada del estudio

del contexto lingüístico que se entiende a los factores

vinculados a la producción de un enunciado que afec-

tan la interpretación, la adecuación y el significado del

mensaje; con otras palabras y según Reyes G.(2003,

19)

En general, se entiende por contexto, en lingüística,

es el conjunto de conocimientos y creencias com-

partidos por los interlocutores de un intercambio

verbal y que son pertinentes para producir e interpre-

tar sus enunciados.

Esto quiere decir que un mensaje depende tanto de la

gramática, la sintaxis y el léxico como del contexto,

porque si no, no tendría sentido.

El contexto situacional:

Además del contexto lingüístico formado por el mate-

rial lingüístico que precede y sigue a un enunciado, los

teóricos han llevado a varias teorías sobre el contexto y

se suelen deslindar dos otros tipos de contexto: el si-

tuacional y el sociocultural. El situacional es el conjun-

to de datos accesibles a los participantes de una con-

versación que se encuentran en el contorno físico in-

mediato, por ejemplo tenemos el enunciado: Cierre la

puerta, por favor, para que este enunciado tenga senti-

do, es necesario que haya ciertos requisitos contex-

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tuales que son parte de la situación de habla: la puerta

abierta entre otras cosas.

El contexto sociocultural:

El sociocultural es la configuración de datos que pro-

ceden de condicionamientos sociales y culturales sobre

el comportamiento verbal y su adecuación a diferentes

circunstancias, por ejemplo hay regulaciones sociales

sobre cómo saludar o sobre qué tratamiento o registro

lingüístico usar en cada situación.

Los tres tipos de contexto son muy ligados, por lo que

no podemos ensenar a nuestros alumnos un elemento

lingüístico sin relacionarlo con una situación comuni-

cativa extraída de la vida real; por ejemplo si queremos

hacer una clase de presentación a alumnos princi-

piantes de español, tendremos que escoger una situa-

ción auténtica en la cual dos persona se presentan

(compañeros en clase con su profesor), hacer las for-

mas de presentación, sin olvidar la parte sociocultural,

es decir explicarles a estos alumnos el registro que se

usa entre amigos y el que se usa con una persona que

respetamos que es el profesor en esta situación. Así

hemos contextualizado la situación de ―presentación‖

para que no sea recibida por nuestros alumnos de ma-

nera aislada y separada de todos aquellos elementos

que la rodean y que influyen sobre esa acción.

A partir de todo lo anteriormente dicho, podemos in-

troducir situaciones reales de comunicación, a través de

actividades interpretativas (leer y escuchar) y expresi-

vas (hablar escribir) en la clase de lenguas, para entre-

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nar a los discentes a actuar en clase, usando la lengua

meta, mediante estas situaciones para poder desenvol-

verse en la sociedad ajena fuera del aula.

En nuestra práctica docente, podemos observar clara-

mente que la clase que da sus frutos es la clase que se

presenta con actividades de la vida real que se ilustran

con su contexto y con situaciones de la sociedad en la

que vivimos y eso llama, primero, la atención de los

alumnos y segundo, despierta su interés para saber más

y producir oralmente o por escrito todo lo que pedimos

de ellos y así podemos decir que alcanzamos en nuestra

clase todos los objetivos que fijamos de antemano, gra-

cias a la contextualización de todo lo que queremos

hacer en clase.

Bibliografía:

CEBERIO M. R. (2008), La buena comunicación, Bar-

celona, Paidós Ibérica, S.A.

MARTIN VEGAS R. A. (2009), Manual de didáctica

de la lengua y la literatura, Madrid, Editorial Síntesis

S.A.

MELERO ABADIA P. (2000). Métodos y enfoques en

la enseñanza/aprendizaje del español como lengua ex-

tranjera, Madrid, Edelsa.

REYES G. (2003), El abecé de la pragmática, Madrid,

Arco Libros, S.L.

Fuentes electrónicas:

fr.wikipedia.org/wiki/Contexte. es.wikipedia.org/wiki/Contexto. es.thefreedictionary.com/contexto

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Meliani Mohamed

MCF.Université d’Oran

الخارجية النص والسياق والمزجعيات الذاخلية

: حض كيس وز شخش، طظشى أؿحء وظفش طظظ رظ١٠ ٠ظشى كيحص طغ طرؾ ر١خ ػاللخص (ل)حألي أفم -

٠ظشى طظحص و١ش (ىال)حؼخ ػى . - حظخه حل٠ش٠ظؼذ أ ٠ؼظي ف طل١ " 1طرؾ ر١خ ػاللخص حظخه حيال١ش،

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1

،1424/2004 ش ،1.ؽ رل١، ك ؼ١ي. ى.أ: حالطـخخص حفخ١- حض غش ػ ٠ظ- .110ص- حمخس-حظ٠غ ش حوظخ ئش

2.108 ص ف، حؿغ-

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109

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ف أ ض، فؤ٠ طى حأل١ش ٠خ ط؟ : أهمية التماسك- ب

ض حظخه ػخ٠ش وز١س؛ أل ٠رؾ ر١ أؿحء أ ػخء حاال أ - وخ زك و- ح ححرؾ شى ىال حـش، أؿحء حض،

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. حرؾ ر١ أؿحء حـ حفمحص -: عالقة التماسك بالساق- ؽ

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١خل١ش حظ طز ، وخف اؽخ حىال حم١ش حف١ش طى ف حم١ش ح أض طخىخ ظخ 4. طالك ػخط ح

٠ظ رظ٠ش ح١خق ػخء حض كي، ر ػخء حغش رظفش ػخش؛ حظ حال ؼ ال ٠فخل، هخطش اح كيع حغع، أل

1

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21/100حفم، ارح١ طزل. ى : حظطز١ك حظ٠ش ر١ حظ حغش ػ ٠ظ-

3 ػ٠، ٠ث١. ى:حؿؼش حخد، طخىق ػزخ. ى: طؿش ال٠، ؿ: ح١خق حؼ حغش-

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110

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. رطف ر١ش و١ش: أدوات التماسك

حلي٠غ ػ أىحص حظخه شخثك ؽ٠، غ حظزخ٠خص احؿىس ر١ ألحي حؼخء ف كظخ طلي٠يخ ف حغخذ، اال أ ح حظزخ٠ ٠زم طل١خ، طزم حألىحص حشظوش ر١ طشى ؿخح ظ٠خ

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1

.69-68 ص- ظ- حىظذ ػخ ،1988 ش ،2.ؽ وظخ، ػ أكي.ى: حيالش ػ- 2

ح٢ىحد، حف ؼمخفش حؽ حـ ػ طظي ـش حفى ػخ أكي، ٠ل حظ١ف، حالطـخ- )82-81 ص حى٠ض ىش

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111

: 1(Conjonction)العطف - 2 رلى حؼاللش حظ طرؾ ر١ حؼطف حؼطف ػ١، حوظزض

أىحص حؼطف أ١ظخ ف طلم١ك حظخه حظ هالي ح١خق ح . طؿي ف١

Cohésion Lexicale)التماسك المعجمي - 3 ٠ؼي حألىحص حشى١ش حظ طم رش حظخه حظ، ٠م

: ف ظ خ١يح ل١ش ك ا ل١ ٠ؼي ظح ظخ حظخه (:Réitération)التكزار - 1

٠ظطذ اػخىس ػظ ؼـ هالي حالشظمخق أ حظحىف ،حؼـفمي طفض ف١ أحع :" لخي لي فظخف2أ حخ ػخخ أ حخ طمخ،

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I turned to the ascent of the

peak…….………..is perfectly easy.

The ascen The climb

The task

The thing

It . غخ٠ش........ شػض ف حظؼى ا حمش

حظؼى حظك حؼ حشء

1

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2 حؼمخف حو ،1/1991.ؽ حوطخر، لي-: حوطخد حـخ ا يه-حض خ١خص ٠ظ-

.24ص حؼر، 3

- حؼر حؼمخف حو ،1/1996.فظخف،ؽ لي. ى-:ش١ش خؿ١ش ل - حالهظالف حظشخر- .130 ص- حز١ؼخء حيح

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112

ىخ١ش طظ١ف ا، "حظؼى"الكع ف حـش طىح وش ف يالش ػ ح " حشءحؼ "، ؿخءص وظخ "حظك"حىفخ

. طك أ ح ػخ ٠مظي ر طؼخ ؽ حىخص (:Collocation)التضام - 2

: رخفؼ أ رخمس الطزخؽخ رلى حؼاللش، ؼخي ه Why does this boy wriggle all the time? Girls don

t wriggle. . خ ح حي ٠ظ ف و لض ك١ ؟ حزخص ال طظ

(: Ellipse)الحذف -3

ط١ص 1حلف ظخس غ٠ش ػخش طشظن ف١خ حغخص حإلخ١ش، رخ حغش حؼر١ش؛ أل هظخثظخ حألط١ش ط١ ا حإل٠ـخ، ١

١ش طؼز٠١ش حغع حلف طلم١ك حإل٠ـخ فلذ، رلظي٠ش، ٠ؼيي ف طو١زخ ػ حألط ا ر١ش طو١ز١ش أل فظخ أغ

. ؼض لي ٠ى هخ١خ حخث حظ طلمك حظخه غ١ أ ح

٠ـي حظم ف أخ ر١خع فظف ال حى ف١ ٠ؿ حؿش فحشى، ٠ؼي حظخثزش، ا أ ٠ظز ا ػس اػخىس رخء حـخ حض؛ ح

أػ حظخه، ه رؤ ٠ؿ حظخ ا ح١خق ح ٠ى طغ ػاللخص ػ١ش غ١ لش ر١ أؿحء حض، ػ ٠ظخه "

حض أخ رظس خ، وخ وخض أىحط حظخى١ش حشى١ش ؿىس "2.

٠ظؼق هالي ح حمي حػظخى حض ح١خق أكيخ ػ ، أ ١خق ػاللش زخشس رظف١ حكيحص حىال١ش ػ ــح٢م

فخىال ال ٠ظؤط فظ رؤ٠ش كخي حألكحي "ظ٠خص وظفش ظؼيىس، ، طى أ١ش حؼاللش ر١ حض ح١خق 3"ػ ح١خق ح ٠ؼع ف١

.ف اىخ١ش طف١ و حض ح١خق رخؿع ا أكيخ

1

.04ص كىس، ١خ ؽخ : حغ حي ف حلف ظخس ٠ظ- 2

.1/118 حفم، ارح١ طزل. ى: حظطز١ك حظ٠ش ر١ حظ حغش ػ- 3

.265 ص حؼح، لى: حؼر مخة ميش حغش ػ-

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113

(: Substitutionاإلبذال -4 ٠م1 خ ٠ؼف ف حغش حؼر١ش رخزيي، حظحرغ

لخي حشخػ ): رظ١فش حظخه حظ، ؼخي ه ف حل حؼر لخحظخه ا ف، فخشخػ ف ػظس، ػظس حشخػ، (ػظس

رخؿع ا حؼخي ح خل خ١يح ل١ش حػق ف حـش،: ك

2.لي حشظ رؼغ حىظذ، ػ رؼغ لطغ حل *

ف ز١ طمي٠ رؼغ حظػ١لخص حؼ٠ش روظص ف حإلريحي، حالث طفى١ه حـش رغ١ش طػ١ق حظخه ف١خ، فىخض

: اػخىس وظخرظخ ػ حشى ح٢ط 3رؼغ لطغ حل ( ... )لي حشظ رؼغ حىظذ، ػ * *-

Substitution par zéro حظزيحي رخظف

طؼ٠غ حفؼ فخىال حلف ؿش ظخ ٠ؼي طفح، طحشظ أ٠ؼخ، : حو ف حـش حأل رخظف ػ أ ٠ى حظمي٠

خ طز حؼاللش حظخى١ش ر١ حـظ١ هالي طىح حفؼ حو (. Substitution par zéro)حؼع رخظف

غ طط حؼ طمي خؾ حي حخ ف طل١ طو١ذ حىال، ػ حزخكؼ ريحش أخ١ذ حغش ف رؾ أؿحء حـش، رؾ حـ

رزؼؼخ، حظش ر١خ ر١ خ ٠مخرخ حيالالص حفخ١، حطزخؽ حفخ١ ف أخ أ حغش حظ، خ ٠طك ػ١ ح١ ل

ص، طف١ي حزخكغ ػ حغش رشى ػخ ـحض أ خ١خص ح. حألىد

ض ل٠خ ال ٠ظ اال حػخس حظفخػ حظخه ر١ طل١ ح اؿي حض أؿحث ؿش يالط ؿش أه، وه حػخس

ىى فؼ رخػظزخ ػظح حظفخػ ر١ حزيع طـخرخص حظم

1

. حؼطف- حؼ حفظ حظو١ي- حظفش- رؤحػ حزيي ( حؼر حل ف حؼفش حظحرغ-

2 ;Halliday et Ruqaiya Hasan ،2/199 حظطز١ك، حظ٠ش ر١ حظ حغش ػ-

Cohesion in English, p.143 3

.2/199 ص ف، حؿغ-

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114

٠م ر١ ر١ حض طحط طفخػ ف، ٠ظطذ ػ طؤػ "فؼخال ك١خ اخي ح١خق ح ٠شغ ؿءح الوخ ال ٠ـذ 1،"ف ىشش حفؼخ١ش

. خ١خص حضػزخءس ح ي ف٠ظخ ر حظخخص ل حض، ٠فظق ٠ىشف ػ هزخ٠خ حزخ حل رشى ػخ حؼ ح

حغ٠ش، و١ف١خص حطزخؽخ خث طخه حيالالص حـخخ، ش حل ػزم٠ش حظخ حغ ف حطاللخ ح فب أ ٠ـ

ظ حظ ض ليط ػ حظؼز١ حيل١ك هالي خث حظخه ح حض ػ طالك طظظ رخشى حيالش، طه حخث حظ طخػي ح

. أؿحث طحرطخ؛ ١ؼط ؼخ ظم وخ أحى حزيعخث حظخه حظ أ حوخث حث١ش حظ ػي ػ١خ طؼي

ػخء حض حغر١ ف طل١ حض حف، أل١ظخ ىخى ـيخ شخثؼش ف ئفخط، حأل ح ؿؼ خ١يح ل١ش ك ٠وظظخ خ

-ح زك و-ئفخ هخطخ

أل ى ١ رؤ حكيحص حغ٠ش طظليى رخظ ا ػاللخطخ رغ١خ حكيحص حأله؛ أل حكيس ال طظليى رخء ػ ؿخ اخ ػ

، ظ خط١ ا حـش رىخ و 2حظ١فش حظ طئى٠خ ىحه حظخ. 3ػزخس ططزؾ ؿ١غ كيحطخ ري ك١ي أ ريحص ظحرطش

ض، ظ رؼي حظطحص حظ كظض ػ ظ٠خص طل١ حض أوؼ خ ل ٠ـظر ح غ، أل ح ض ح حطـخ آه ف ىحش ح

أ حؿظحء حـ ٠ل١ " أىن ػخء حخطـظر حىش، أ حـش، .4"حغش حل١ش فظخطخ طفخ٠ك حـ حظػش حـففش أ حـيس

ض و كيى حؼ١خ٠ش ل حـش، وخ أ رح حف ٠ظـخ حل حؼفش حظ ٠ظـخ و ػخىحص حظم حظم١ي٠ش ؽق حظل١ ح

غش خ ؽ حض ال ٠وؼغ "، أػف ا ه أ طحي ال خـهيض حمحػي ؼ١خ٠ش ؼ حـش، حح٠ش ٠فض حؼزؾ، ال

1

شحص ،2005 ش ؽ،.ى ١، ك١ي:حؼ ػي حألىر حوطخد ف حظم طفخػ حض- .17 حؼد،ص حىظخد حطلخى

2.22 ص رل١، ك ؼ١ي ى.أ حالطـخخص حفخ١-حض غش ػ ٠ظ-

3 ش٠ش أىر١ش ـش حألىر حلف ـش ار٠، رش١.ى : حض ػ ا حـش خ١خص ٠ظ-

.16 ص ،2004/ 401 حؼيى حؼد، حىظخد حطلخى ػ طظي 4

- حء ىظزش ،2001 ش ،1.ؽ ػف١ف، أكي.ى-: حل حي ف ؿي٠ي حطـخ-حض ل. 40 ص ظ،-حمخس—حشق

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ػزط، اخ الهظالف حؼخ١٠ حؼخرطش ف حظظ أل ٠ؼ 1".حمي٠ ػ ػحرؾ حـش

حوظ طخه حض حـخ ىخش خش ف حيحخص حظ طيؽ ف ـخالص طل١ حض، خ١خص حض، ل حض، ػ

حض، ري١ أخ ال ىخى ـي ئفخ ف حـخالص ٠و ٠ حف١ أ أكيخ، أ حفخ١ حظ ططزؾ رخ وخظؼخك

. حظحرؾ حض رطف طظخرؼخ حـ، و ٠ئى ظ١فش طحط١ش، فب٠شى أػ١ش هظزش الطخع ف حل، ه ربػخفش فخ١ ؿي٠يس ال

طظظ رـخي حظخ حـش هخؽ ١خلخ حظحط، طظظ رف حض حطزؾ ر١خل حظحط، حح٠ش ٠ظزق حل ىخ ىخص ظ٠ش شخش طف ن حإلخ هالي ض طزؾ

. 2ر١خق طحط، ١ هالي ؿشظ١ش ػ حؼاللش ر١ ػظ حإلخى طم ؼظ حؼاللخص ح

حكيحص ىحه ػ ػاللشحظخص حأله ىحه حـش ححكيس، ض، حظل١ ٠زيأ ف اؽخ ح حؾ "ػيس ؿ حظ ٠ظشى خ ح أل

حألر١ش حظغ، أ حظحو١ذ حشىش ف ؿ أ ظح١خص ؿ١ش طحف ح ال ٠ظ اال د 3،"سطشى ظخ ؼ١خ، ر١خ ػاللخص رؾ ل

.حالـخخث حظخه : الحذف وأهميته في تلقي النص

ض فػخ (Linguistique du texte)اح وخ ػ غش حغش، فب ل حض لي طفع ػ حغش حظ ح ٠ظ فع ػ ح

خ، ه يحش ح٠خ ظؼيىس ف١، ريحش حض رطف أفؼخي حظ خث حؿؼ١ش (حإلكخش)ؼ أخ حظخه ح

(Référence) ح١خق ى حظم. طؼي ظخس حلف ف ظ ح حالطـخ حـي٠ي ١ش خش

حشى حيال، ح خ غذ فلظ طظزؼ : خث حظخه رشم١. ف١خ طزم ح حفظ

1

حؼمخف حو ،1993 ش ،1.ؽ حخى، حأل- :ظخ حفظ ر ٠ى خ ف رلغ-حض ١ؾ - .20 ص زخ- ر١ص-حؼر

2 ٠ظ - .40 ص ػف١ف، أكي-: حل حي ف ؿي٠ي حطـخ –حض ل

3.116ص رل١، ك ؼ١ي. ى.أ: حالطـخخص حفخ١ حض غش ػ-

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ا ػس طػ١ق ف حإلكخش أ١ظخ إ٠ش حيخ ص لي ىفغ ١ش أخ١ش ف طخك ه أل ؛ف طخه حض ػاللظخ رخلف

ف ظ خ١يح ل١ش ك ظظخ١ش حـ حظ طؼظزأؿحء حض، طرطخ ػاللخص، أ طرؾ رؼغ ػخط حـ، أ حؼاللش

الكمش، أ ر١ أهطى ر١ ػظ آه حى ف ؿش خرمش أ ػظ ر١ ظظخ١ش رىخخ خرمش أ الكمش، فبح طؼك ػظ رخ زم

٠ى طػ١ق 1ف ػاللش لز١ش، أخ اح طؼك رؼظ ٠لم ف رؼي٠ش،ح ه١حا ﴿: ل طؼخه لخ ربى ي ح أ خ ح حطتم ٠ ذ ل١ ﴾2 ،

كف حفؼ غ فخػ ف ؿحد حالظفخ، ٠ى فأي ه١ح، :حظمي٠ :طؼ ح٠٢ش وخ ٠ؤط

ري١ وال (خح)حالكع أ حلف فؼي حلغ ف ؿحد حالظفخ و خرمخ، ا خ حؿؼ١ش لز١ش ىي ػ١خ ١خق حىال، حلف

ف ح٠٢ش حى٠ش ٠يي ػ حظخه حيحه ر١ ؿظ حالظفخ : 3لي حشخػ- أ٠ؼخ-ؿحرخ،

وظف أ ت ح حع ين خ ػ ض ر أ خ ي خ ػ ر لل رخ ػيخ حػ، أض رخ ػين حع، ٠ى طؼ : حظمي٠

: رح حشىخ ي خ ػ ر ل حوز )+(ؿخ ـ)رخ+(زظيأ)ل = (......)

(حلفحع ين خ ػ ض ر أ ؿخ )رخ+ (زظيأ)أض=

( حوز حو)حع+(ـ

1

.13ص حوطخر، لي-: حوطخد حـخ ا يه -حض خ١خص ٠ظ- 2

.30/حل س- 3

ؿخخ أكي حأل شخػ ٠٠ي، أر حأل، ػي ر) 620/ـ.ق2 ص (حوط١ ر ل١- . حـخ١ش ف حظخى٠ي

ح ﴿ خ ح حطتم ٠ ذ ل١ لأ لخحأأ ن أ ربى ﴾ه١حا (........)

أي (خرمش) ؿؼ١ش لز١ش

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طلمك ر١ حشط٠، لي حظخه فب وخ حػق ف حشخي حإلريحي " ه يالش حو حالكك ػ حخرك حلف، أ

كذ ف خ١يح ل١ش ك، هالخ ف خ أحى 1"حظف ظظخ١ش ؿ١ش حشخػ ظم؛ أل حز١ش حى١ش ز١ض حشؼ

١ض ش١جخ ؼط، اخ ٠لظخؽ ا ١ش ش طػل طـ١ 2.كذ أ فخ ىح٠ه

﴿: أخ حؿؼ١ش حزؼي٠ش فف ل طؼخ ػ ب الثىظ ٠ظ ت للات اتزت ، فلف "الثىظ"ا للا ٠ظ ف لحءس فغ : ، حظمي3٠﴾ح

: ، ٠ى طؼ ح٠٢ش وخ ٠ؤط4حألي يالش حؼخ ػ١ ١ ػطفخ ػ١

. ؿؼ١ش حمز١ش حزؼي٠ش ي ز١ حظالن رؼغ حظػ١ق

1

.21ص حوطخر، لي-: حوطخد حـخ ا يه-حض خ١خص ٠ظ- 2

حمخى طؿش،ػزي ىح٠ه، فخ :حظيح حيال حوطخد ف حزلغ حظمظخء-ح١خق حض ٠ظ- .143 ص- حغد-حز١ؼخء حيح حشق، اف٠م١خ ،2000ؽ،ش.ى ل١،

3.56/حألكحد س-

4.3/133ؽ حوش،: حمآ ػ ف حزخ ٠ظ-

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٠ػق ح ح ؿؼ١ش حلف ح ٠ؼظ حز حخ١ش حء أوخض خرمش أ الكمش، أ اح حشظض ظظخ١ش ؿ١ش ػ كف، فالري

. ؿؼ١ش طؿ حظم ا ػؼ، ػ ف حػظخىح ػ ح١خق ـي رؼغ ح٠٢خص حمآ١ش حى٠ش طظحف ف١خ ؿؼ١ظخ لز١ش

خ ﴿:رؼي٠ش، خ ل طؼخ ٠ؼ و ؿ و ت ٠ؼ ز ٠ؼ ؿو، فلف حفؼ حفخػ يالش حخرك : حظمي1٠،﴾طى

حالكك ػ١، فخؿؼ١ش خ شظوش ر١ حمز١ش حزؼي٠ش، ظؼخ : وخ٢ط

الكع ف ح٠٢ش كف حفؼ غ فخػ، حي١ مخ فع حلف، لي طػض حؿؼ١ش ه ظم٠ش حرؾ ر١ حخرك حالكك

ححلغ ر١خ، ػ طؿ حظم ا (حفؼ فخػ)ر١ خ ٠و ف حض حمآ فخ طل١لخ، ٠ظؤط ه اال اح طط ا

هالي حىال حظ، رخػظزخ ح (حغ١ذ)طمي٠ حىال حلف . حأله١ شيح ؿخ

اح وخ حلف ٠لمك حظخه ر١ ػخط ح٠٢ش ححكيس، أ ر١ ٠لمك ػخط أوؼ آ٠ش، حػظخىح ػ حؿؼ١ش حيحه١ش، فب

حظخه ر١ أوؼ س حػظخىح ػ حؿؼ١ش حوخؿ١ش، ؼ ل ربه ﴿:طؼخ ٠ؤط الثىش أ ح طؤط١ االت أ ظ ٠ ): حظمي2٠،﴾

ربه ﴿:، ري١ ل طؼخ ف س أه(٠ؤط أ االت أ ظ ٠

1

.3/حألؼخ س- 2

.158/حألؼخ س-

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ربه﴾ ٠ؤط أ الثىش أ ح ١خق ح٠٢ش، أويط حلففيي ػ1طؤط١ .2آ٠ش س حل

رخإلػخفش ا خش ح حلف ف طخك حض طخى ا فب أى ظ١فش أه، 3حػظخىح ػ حؿؼ١ش حوخؿ١ش حالكمش،

أفخى كم١مش أ حالظمخي حإلط١خ ىخ ا آه طفش طفخص ؿ هخك حألخو حألش، للا ػ حألؿخ حظ طشغ ك١ح، أ

شت و خ طظق ػ١ حلوش حمش حظى حى حالفظخي لل زلخ طؼخ حإلط١خ ال ٠ـ ، ف4حالطظخي حخش حلخحس

أ ال ٠ى حـء اال ػ وهوخ ر١ حـؿخ ف أح، فتي ٠طزتك ال ٠ؤط . ؿ ـخ؛ أل حأل ٠ظي ٠

خحؼخط حلفش ح٠٢ش حخرمش فـس، مي طوض ٠ؼ١ ٠يفؼ ا حظؼ حظير رغ١ش ي حفـس جخ، 5(ظك هز١)حظم

طلي٠ي حؼخط غ١ حليىس، ح حؼ لخ ر حف، ح٠ى ف حظؤو١ي ػ - فؼال ػ حظخه-ططح ا أ حلف ف

طي حأل، و ليح مؼ١خ، أخ حإلط١خ فؤفخى كظ١ش لػ طـ١ي . فخى فح كظ شوض وؤ آص

ع ﴿: ل طؼخ تحص حأل ػخ ح تش ػ ؿ وؼع؛ : أ6،﴾تش ﴿:ري١ حظظ٠ق ر ف ل طؼخ ؿ رذى س غف خرمح ا

ع حأل خء ت ع ح ػخ وؼ حؼاللش ر١ حلف حؿؼ١ش 7،﴾ػ اظ، حػلش، حأل ح ٠ئوي أ١ش حلف ف طلم١ك حظخك ح

طف١ حمآ رخمآ ٠ؼي أطي حظف١، ر ٠ؼي " أػف ا ه أ8"أي حألطي

حلف ػي خ١يح ل١ش ك ٠طزؾ رؿؼ١ش ا حلف : " ىحه١ش أ هخؿ١ش، خرمش أ الكمش طػل ف لخ

أك١خخ ٠ى ... (Anaphorique)رطز١ؼظ ػاللش ؿؼ١ش خ زك 1

.33/حل س- 2

.3/114ؽ حوش،: حمآ ػ ف حزخ ٠ظ- 3

.حظلف طط١ز فك حى٠ حمآ آ ف خرمش أ الكمش حوخؿ١ش حؿؼ١ش طى- 4

.340-339ص حـؿخ، حمخ ػزي: حزالغش أح ٠ظ- 5

ف طحفخ ححؿذ حشؽ حؿؼش ٠ى حؼخف، حفخ حف حوز١ رخظم حمظى- .حزلغ ح حؼخ حفظ حؼخ حزلغ ف حف

6.133/ػح آي س-

7.21/حلي٠ي س-

8.2/179ؽ حفم، ارح١ طزل. ى-: حى١ش ح ػ ططز١م١ش ىحش- حظ حغش ػ-

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حأله١س طؼظي ػ (Exophorique)حلف ؿؼ١ظ هخؿ١ش ى . ١خق حلخي ح ٠يخ رخؼخص حظ ط ف طف١ حؼخي

، 1"١ ىخ ف حظخه- هخؽ حض-حلف حؿؼ وخؽ: حظخي٠ى طػ١ق فل ح حىال رخ

ض ػ ػخط خش ف ظ حزخكؼ١، طظؼ ٠غ طخه ح طى اخ خرمش أ الكمش، ،كذ ح حز١ ف حؿؼ١ش حيحه١ش

. حؿؼ١ش حوخؿ١ش، ٠ؼخف ا١خ ح١خق: وظيفة الحذف النصية

وظخد حؼر١ش ٠ؤط حمآ حى٠ ف حس حز١خ حؼر، ف ٠شى رآ٠خط ر١ش ظ١ش و١ش، أطف لي ظشي حألوز، ح

ر، :" ر ف ح حمخ إلخ ػ و للا ؿ وظخد للا طزظؼ ر، طم ر، ط طك رؼؼ رزؼغ، ٠شي رؼؼ ػ ط ٠

.2"، ال ٠وظف ف للا، ال ٠وخف رظخكز ػ للا رؼغ

1

،2/201 ف حؿغ- Cohesion in English,halliday and hassan,p144. 2

ىح ،19861 ش ؽ،.ى ػزي، لي حش١ن شف ؿ، للا و ػ حإلخ وال -حزالغش ؾ- . 2/17ؽ-زخ-ر١ص أخش،

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، فال لي وخ اػـخ حز١خ ىح ظؤطال حى اػـخ حىغحرش أ ٠ى حمآ حى٠ ظيح ى خ طط ا١ ػخء غش

حض، أ وخ ٠ط١ذ زؼغ أ ٠طك ػ١ ل حض، أطال ظفـ١ ح حؼ، حؼص رخؼطف حـي٠ي، كظ ٠ف١ي وؼ١س ؽخلخص

ح روظص ػي طلم١ك حظخه خ١يح ك ، ٠غ١ح خ أل خ أىخ آ٠خص (Exophoric)1رخلف حؿؼ١ش حوخؿش ؛ أل

لآ١ش لي أػزض ػى ه طخخ، كمك حلف حظخه حالطخق ر١ و للا –حإلخ ػأوؼ س، ٠لؼخ ف ح حشؤ لي

حمآ ظخ أ١ك، رخؽ ػ١ك، ال طف ػـخثز ال " -:ؿ احمآ شـ ف،ال ، حلم١مش ا حلي٠غ ػ 2"طمؼ غحثز

.طمؼ ػـخثز، ال طظ غحثز، ال طزغ ح١

ى :" أ٠ ؼغ لي خ١يح ل١ش كحطف ف ػء ح

3؟"١ ىخ ف حظخه- هخؽ حض-حلف حؿؼ وخؽطمظؼ حإلؿخرش ػ ح حئحي أرخء حغش حؼر١ش حؿع ا

إلفخىس خ؛ أل خ هف ي حظ١ش حؼر١ش، اػخىس لحءطخ حإلخخصحف أػخي ف ىحش طف١ آ حمآ حى٠، طىشف ػ

ؿى ؼ حفخ١ ف أخ ٠خ طم آ حمآ .حى٠

خ ططح ا١ ظخثؾ، ٠شى ح١ طىح ؼف١خ خخ ٠ؼي ػ١ ف ىفغ ػـش رلع خ١خص حض، وح طط٠ حظ٠خص حغ٠ش

ظ، لي زك حؼخطس أ خروخطش طه حظ طم ػ حظل١ ح ػ ؾ حف٠ ف طخي خ ا حؤش حخش ف كي٠غخأش

. ظخس حلف حخص ا حمي ا حض حمآ ظخه، ٠زغ ه؛

ؿؼ ٠ؤط ف س حز١خ، حأل ح ح١ؽ "أل وال للا ح٠ز رش ىل١مش ػ مش شس ي حؼخء ح١ أ

، ى وخ ف 4"حمآ حى٠ وخىش ححكيس ٠ف رؼؼ رؼؼخ

1

حؿؼ١ش ػ حػظخىح حظ حظخه ٠لمك ال ك ل١ش خ١يح ظ ف حلف أ أ- .ح١خق حوخؿ١ش

2.1/55ؽ ؿ، للا و ػ حإلخ وال -حزالغش ؾ -

3.2/179ؽ حفم، ارح١ طزل. ى- : حى١ش ح ػ ططز١م١ش ىحش - حظ حغش ػ-

4.388ص هطخر، لي-حض حـخ ا يه- حض خ١خص-

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طظزغ أ حمآ حى٠ طػ١ق و١ف ٠خ حلف ف طلم١ك حظخك، .وشف حألخ حظ ح ٠غ ػ١ ف ح حـخي

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BENSALAH Mohamed Université d’Oran Es-Sénia

Discours filmiques, mémoires et contextes

révolutionnaires : Eléments pour un débat

L‘objet premier de cette étude étant d‘appréhender le fonction-

nement des formes de représentations verbales, iconiques et so-

nores, nous nous proposons, de mettre en exergue le faisceau de

déterminations culturelles, artistiques et langagières qui préside

à la fabrication de tout discours iconique et sonore, et cela afin

de bien montrer que les productions artistiques peuvent être ap-

préhendées et appréciées diversement en fonction des contextes,

des périodes, des individus, des cultures, des institutions et des

moments de réception.

Certaines figures rhétoriques représentées dans les films seront

abordées, non pas seulement à travers les thématiques, mais aus-

si et surtout en fonction des traitements filmiques, des mises en

équation et des fonctions qui leur sont assignées. Sera donc mis

en veilleuse la problématique liée à la narration au profit d‘une

réflexion plus générale, portant sur les choix esthétiques, stylis-

tiques, voire idéologiques des auteurs, scénaristes et réalisateurs

qui ne mesurent pas toujours l‘impact, la force et la justesse de

leurs messages.

Débordant les aspects narratifs des récits filmiques qui mobili-

sent habituellement l‘attention des spectateurs, nous aborderons,

de manière plus exhaustive, les rapports de styles et de formes

en adéquation avec les imaginaires collectifs, les conditions so-

cio-psychiques de diffusion et de réception et les contextes so-

cioculturels des cultures impliquées.

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Quelle définition donner au concept de « discours fil-

mique » ? Une articulation est-elle possible avec le « discours

historique » ?

Champ de recherche fécond, le 7ème

art dispose d‘un langage

spécifique, c'est-à-dire d‘un ensemble organisé de signes et de

codes en rapport dialectique, qui contribuent à rendre compré-

hensibles les discours filmiques. Cet art, quintessence de

l‘ensemble des autres arts et qui couvre l‘ensemble des disci-

plines, dispose d‘une écriture, c'est-à-dire d‘un moyen

d‘inscription durable sur support chimique ou numérique. A

toutes ces séductions, s‘ajoute une vertu critique, celle de pou-

voir approcher l‘œuvre artistique en tenant compte des para-

mètres techniques et esthétiques mais aussi, du contexte

d‘énonciation, des normes de l‘énoncé et des caractéristiques

des différents locuteurs. Nous savons aujourd‘hui que tout en-

semble complexe et structuré d‘énoncés multiples, produit à

l‘aide d‘images, de sons, et de mentions écrites, peut-être consi-

déré comme un « discours ». Ce dernier, pour se réaliser, re-

quiert les potentialités du langage à partir et au travers duquel, il

se manifeste. Art de la représentation et de l‘expression, le ci-

néma s‘adresse délibérément aux sens, aux émotions et à

l‘intellect. D‘où la nécessité d‘une maitrise de ses possibilités

syntaxiques et des aspects socio-sémantiques de l‘œuvre pro-

duite. L‘approche sémiologique, qui s‘assigne comme tâche de

spécifier les signes du langage, ne négligera pas pour autant les

codes qui le régissent et qui interagissent entre eux, en

s‘appuyant sur la linguistique structurale, la psychanalyse, la

psychologie, l‘histoire, l‘ethnologie et la philosophie, entre

autres.

Comment, dans quelles conditions et dans quel contexte se cons-

truit un énoncé cinématographique ? Quelle distance ce dernier

peut-il prendre par rapport à la réalité historique du fait de son

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argumentation, de sa stylistique, de sa forme et des enchaine-

ments des plans et séquences qui interagissent entre eux ?

Comment un simple agencement de plans, filmés en divers en-

droits, arrive à provoquer des effets mystérieux qui semblent

relever de la magie ? 1. Cette référence au langage cinématogra-

phique permet de discriminer entre ce qui relève du cinéma en

tant que tel et ce qui relève d‘autres systèmes de représentations.

Née d‘un défaut de l‘œil, la persistance rétinienne, l‘illusion du

mouvement offre des possibilités insoupçonnées aux réalisateurs

talentueux préoccupés par les modes de production de sens.

Comment les images arrivent-elles à provoquer ? Comment inci-

tent-elles à des interprétations et à des significations ? L‘analyse

va nous permettre de répondre à ces questions. Compte-tenu de

leur syntaxe spécifique, les récits filmiques soulèvent moult in-

terrogations quant à leur transfert sémiotique. La reformulation

en images d‘un témoignage ou d‘un récit oral, l‘adaptation d‘un

ouvrage ou l‘écriture d‘une fiction basée ou non sur des faits

réels, n‘est guère chose aisée. Le cinéaste doit au préalable se

poser les questions relatives à la transposition des concepts d‘un

discours à l‘autre, en supposant qu‘un concept peut être transpo-

sable : comment reconstruire au cinéma un univers homogène ?

Comment élaborer les signifiants cohérents ? Comment utiliser

la diversité des matériaux expressifs utilisés pour offrir des pos-

sibilités syntaxiques et sémantiques tout à fait particulières ?

Décoder les articulations complexes entre « discours filmiques »

et « discours historiques », entre « vérité cinématographique » et

« vérité historique », revient à distinguer entre ce qui relève du

« filmique », c'est-à-dire du discours visuel et sonore que l‘on

regarde/écoute lorsqu‘on assiste à une projection et ce qui relève

du « cinématographique », c'est-à-dire de l‘institution cinéma

dans sa diversité et ses composantes. Le décodage d‘images

fixes ou animées relatives à l‘Histoire, l'analyse des mécanismes

de leur fabrication, l'étude des contextes qui président à leur

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création et les vecteurs de propagande dont elles peuvent bénéfi-

cier, contribuent grandement à la compréhension de la genèse et

de la dissémination massive d'un imaginaire fantasmatique affi-

lié au passé. Une lecture critique d‘une œuvre d‘art ne se limite

pas, loin s‘en faut, aux seuls paramètres cinématographiques :

cadrage, éclairage, grosseur de plans, mouvements d‘appareils,

effets sonores, couleurs, montage, postsynchronisation…, elle se

doit aussi de prendre en considération l‘ensemble des éléments

et objets signifiants d‘un plan ou d‘une séquence, comme les

décors, les bruits, les musiques, les personnages, les propos en-

tendus etc., sans oublier bien sur les figures d‘expressions qui

régissent d‘autres disciplines culturelles et artistiques comme le

théâtre, la photographie, la peinture, le dessin, la BD, la radio,

etc., qui relèvent tout autant du « cinématographique » que du

« fait filmique » 2.

L‘approche méthodologique d‘une structure narrative, quel que

soit son caractère, historique, politique, scientifique, religieux ou

artistique, constitue un préalable essentiel à toute analyse cri-

tique et oblige à une bonne maitrise du phénomène de la récep-

tion filmique, de la production de sens et de l‘interprétation. La

sémiologie du cinéma, ayant ses propres exigences face à

l‘écran, le spectateur ne peut se contenter de ce qu‘il voit ou

entend dans un plan ou une séquence. Il doit aussi tenir compte

de la manière dont l‘imaginaire se trouve traduit en images, des

énigmes du hors champ, provoquées par des procédés de prises

de vues ou de montage et enfin, de la réception du discours fil-

mique par le spectateur. La perception, qui ne se limite pas à une

simple lecture du sens ou à un déchiffrage des codes, s‘inscrit

dans l‘expérience consciente du sujet-spectateur actif qui se re-

connait comme regard, même s‘il n‘a pas une conscience claire

de l‘organisation fictionnelle. Il ne faut cependant pas confondre

l‘étude des « discours sur » avec l‘étude des «discours à partir »

des œuvres. Toutes deux, en rapport à l‘imaginaire et fermées

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sur elles-mêmes, ont cependant une certaine ressemblance dans

la modalité ou modalisation de l‘énoncé (subjectivité objectivi-

sée), dans le recours au présent pour signifier l‘immanence du

discours filmique et dans la syntaxe qui montre la perception du

mode d‘énonciation du film narratif. Ainsi, le discours tenu sur

le film renseigne sur la relation au film en tant que signifiant

spécifique, mettant en jeu l‘imaginaire, un savoir antérieur et un

certain nombre de présupposés et d‘attentes.

Lecture cinématographique de l’Histoire et lecture histo-

rique du film.

Plusieurs corpus d‘analyse peuvent étayer notre propos. Le

genre western, spectacle distractif et apprécié du public permet,

à travers un discours narratif quasi-institutionnalisé, de bien

comprendre la mythologie westernienne à travers la représenta-

tion de « l‘Indien » à l‘écran.

Pour masquer l‘épopée sanglante et dramatique de la conquête

de l‘Amérique et de l‘éradication totale du peuple amérindien, le

coup de génie des Américains est d‘avoir pensé à créer un

genre : le film « Cow-boy », qui met en exergue la justice,

l‘ordre et la morale, sous une forme divertissante et pleine de

suspense. Autre thème tout autant instructif : le film colonial et

les fantasmes socioculturels qu‘il a suscités. L‘observateur aver-

ti peut voir comment naissent et perdurent les clichés, les

mythes et les stéréotypes dans l‘imaginaire collectif.

Compte-tenu de la célébration de deux grands événements à

dimension planétaire (Centenaire de la Première Guerre mon-

diale et 70ème

anniversaire de la libération), nous avons préféré

focaliser notre attention sur les « discours filmiques » relatifs

aux grands conflits entre puissances européennes, célébrés avec

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faste ces dernières années. Visuellement spectaculaires, émi-

nemment moraux (puisque la démocratie triomphe du mal abso-

lu), et riches en histoires humaines, les films de guerre, genre

très prisé du grand public, ont toujours captivé l‘attention des

producteurs hollywoodiens qui les considèrent comme des

mines d‘images et des sujets en or pour l‘imaginaire. Plusieurs

grands succès populaires peuvent intégrer notre créneau

d‘analyse : « Le Jour le plus long », (The Longest Day) 1962,

réalisé par Ken Annakin et produit par Darryl Zanuck, « Au-

delà de la gloire » (The Big Red One) 1980, de Samuel Fuller,

« Frères d’armes » de Tom Hanks et Steven Spielberg, ou en-

core, « Il faut sauver le soldat Ryan » (Saving private Ryan)

1998, de Steven Spielberg. Ces productions, bien ancrées dans

les mémoires, ont acquis aujourd‘hui le statut de document his-

torique.

« Le 6 juin à l’aube » de Jean Grémillon et « La Bataille du

rail» de René Clément ont, dès 1945, évoqué le conflit mondial

mais avec des budgets très modestes. Arrivèrent plus tard, les

productions hollywoodiennes à grand spectacle. Première

grande reconstitution du débarquement allié, « Le Jour le plus

long », gigantesque superproduction réalisée il y a 52 ans, donne

l‘image d‘un assaut irrésistible, appuyé sur une machine de

guerre américaine invincible. « Au-delà de la gloire » et

« Frères d’armes », considérés comme les meilleurs films con-

sacrés au D-Day, ont célébré de manière extraordinaire la parti-

cipation des forces alliées en mettant particulièrement en relief

le courage exceptionnel des combattants, incarnés à l‘écran par

les plus grandes stars du box-office de l‘époque : John Wayne,

Robert Mitchum, Richard Burton, Tom Hanks, Sean Connery…

. Pour la plupart, les scénarii made in USA, relatifs au débar-

quement, donnent l‘impression de sortir d‘un même moule avec

pour principe directif, incruster dans les esprits l‘idée que la

mission américaine a été déterminante pour le sauvetage de

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l‘Europe de la barbarie allemande qui la menaçait. La sortie de

ces fresques historiques sur les écrans mondiaux ayant fait

l‘objet d‘une stratégie médiatique planétaire, ces films ont réussi

à inscrire dans l‘imaginaire collectif international le débarque-

ment comme étant l‘œuvre quasi-exclusive des Américains.

Leur participation est magnifiée à l‘extrême et la portée des

événements surdimensionnée. Nous savons aujourd‘hui que,

pour la plupart, ces reconstitutions filmiques sont non seulement

exagérées, mais aussi incomplètes. Non seulement les produc-

tions ne sont pas toujours dans un rapport dialectique avec les

contextes politiques, économiques et sociaux de leur émergence

mais en plus, le spectateur averti est souvent déçu du résultat.

Vrai, imaginaire et fabulation à travers le discours cinéma-

tographique

Le film de Marcel Ophuls, « Le Chagrin et la pitié », un des

plus grands documents relatifs aux pages peu glorieuses de

l‘occupation, remet les pendules à l‘heure. Ce film, qui joua un

rôle déterminant dans la déconstruction d‘un imaginaire fantas-

matique profondément ancré dans les mémoires, invite à appro-

fondir la réflexion sur les représentations qui peuvent se forger

dans les esprits et s‘inscrire dans les mémoires. « Le chagrin et

la pitié » a mis à rude épreuve le mythe d‘une France soudée

face aux envahisseurs allemands. Longtemps interdit de diffu-

sion, le documentaire montre comment, dans un pays immobile,

attentiste et opportuniste, indifférent aux minorités persécutées

et coupé en deux par les résistants et les collabos, une certaine

vision de l‘occupation et de la résistance a réussi à se mettre en

place. Contournant la critique cinématographique, l‘historien

Pierre Laborie, qui s'intéresse aux imaginaires sociaux, casse, à

son tour, les idées reçues et les représentations forgées de

longues dates, et démonte la construction du mythe « résistan-

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cialiste » dans l‘imaginaire collectif des Français. Il affirme dans

son dernier ouvrage « Le Chagrin et le venin», consacré à la

France des années 1940 : « Dans ce que la mémoire nous trans-

met, il y a plus que de l'Histoire. Rien n'est figé, et notre boîte

crânienne se prête avec plus ou moins de complaisance aux ma-

nipulations, détournements de sens et autres amnésies ». 3.

Bien avant l‘avènement du cinéma, l‘Histoire a fait l‘objet

d‘oublis, d‘exagérations et de manipulations. A l‘écran, les

événements historiques magnifiés et surdimensionnés à

l‘extrême, grâce aux possibilités techniques et esthétiques

qu‘offre le 7ème

art, nous donnent l‘impression que nous sommes

face à la réalité. Parfois un simple plan fixe ou une séquence

animée sont plus éloquents qu‘un long-métrage de 90 minutes.

Tout cinéphile a en mémoire le célèbre plan extrait du film

«Les Temps modernes », où l‘on voit un troupeau de moutons

entrant dans un abattoir, alternant avec un plan d‘une foule se

pressant à une station de métro. Un autre exemple tout aussi

significatif : dans «Le Jour le plus long », en surimpression sur

le générique, une image fixe d‘un casque ballotté par les vagues

sur une plage de Normandie. Cette image résume à elle seule

toutes les horreurs du débarquement. Notons enfin, la merveil-

leuse séquence dans « Le dictateur » où Hitler joue avec le

globe terrestre : une parfaite métaphore de la folie d‘un homme

qui se joue de l‘univers. On peut multiplier à l‘infini ces

exemples de constructions métonymiques qui sont la marque de

fabrique des grands maitres à l‘origine du véritable langage ci-

nématographique comme, Eisenstein, Fritz Lang, Hitchcock…

Revenons au plan du casque abandonné sur le sable. Le message

subliminal fonctionne parfaitement. A lui tout seul, ce plan

symbolise les affres de la guerre, le sacrifice et la souffrance

endurées par les soldats impliqués dans le débarquement allié. Il

suggère que le GI américain qui l‘a égaré a certainement perdu

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la vie. La symbolique est forte et la mise en lumière particulière

participe à la légende en laissant entendre que les libérateurs,

venus de loin, ont donné leurs vies pour libérer l‘Europe. Faut-il

pour autant limiter la portée d‘un récit à la parcelle de réalité

qu‘il prétend décrire ? Cela ne revient-il pas à sous-estimer la

nature déformante du miroir qu‘est le cinéma et à réduire à peu

de chose l‘intervention créatrice de l‘auteur ? Le recours à une

mise en syntagme inventive pour signifier métaphoriquement

une mappemonde, a permis à Charlie Chaplin de dénoncer sur le

ton de l‘humour et de l‘impertinence, les crimes nazis. Le poids

du réel angoissant (n‘oublions pas que « Le dictateur » a été

tourné en pleine guerre) n‘enlève rien à l‘œuvre lucide, artis-

tique et esthétique d‘une grande beauté. Par ce regard inventif

et curieux, Chaplin, qui campe les deux personnages principaux,

aux antipodes l‘un de l‘autre (Hitler et le barbier juif), ne

cherche pas à faire du beau même si son approche documentaire

sous forme de « récit » est d‘une grande beauté. En tant

qu‘artiste engagé, il s‘exprime tout simplement en mettant un

écran entre les événements et lui. Son cri de désespoir contribue

à la mise en lumière d‘un discours éminemment politique à tra-

vers un langage et des représentations cinématographiques spé-

cifiques - plus ou moins conditionnées par le contexte – et qui

conditionnent elles-mêmes ce contexte 4.

Le discours cinématographique historique s‘est toujours décliné

sous deux aspects : celui du vrai et celui de l‘imaginaire. Si les

films cités en référence mettent en exergue les unités améri-

caines en soulignant leur courage exceptionnel, cela n‘est guère

dû à un excès d‘imagination des auteurs. Des Gis courageux, il y

en a eu, pleins d‘héroïsme et prêts au sacrifice. Des milliers ont

perdu leurs vies. Mais, en se focalisant exclusivement sur les

soldats américains en tant qu‘acteurs majeurs du conflit, les ca-

méras hollywoodiennes peuvent prêter à confusion en laissant

penser que l‘engagement des Britanniques, des Canadiens et des

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Français était secondaire, voire insignifiant. Il a fallu attendre

longtemps avant que les passions ne s‘apaisent et que les faits

avérés soient reconnus 5. Ce n‘est que très récemment que jus-

tice a été rendue à l‘armée d‘Afrique et surtout à l‘Armée rouge

dont l‘engagement a été déterminant dans la destruction com-

plète du potentiel militaire allemand. Sans le sacrifice de plus

de vingt millions de Russes, la victoire sur les hordes nazies

n‘aurait pas été possible. Entre autres occultations filmiques

scandaleuses, tout aussi dommageables, en plus de la ségréga-

tion dont ont été victimes les Gis noirs américains et des soldats

recrutés en Afrique, rappelons les dégâts qualifiés de « collaté-

raux » causés par les bombardements alliés lors du débarque-

ment, qui malgré plus de 20.000 morts parmi les populations

civiles, n‘ont donné lieu à aucune monstration sur les écrans.

Aucun film n‘a abordé les affres des campagnes de Tunisie,

d‘Italie, les massacres lors du débarquement à Naples où la moi-

tié du contingent était composée de soldats « indigènes ». Le

silence a été total sur l‘autre débarquement, celui de Provence

(en août 1944) qui avait impliqué un grand nombre de soldats

africains mobilisés pour libérer la France, de Marseille jusqu‘en

Alsace 6. Aucune célébration cinématographique, aucune mé-

diatisation, aucun hommage aux combattants d‘Afrique du

Nord impliqués dans la guerre de Crimée (1850), celle de Prusse

(1870) puis la Grande Guerre de 1914 à 1918. Il a fallu attendre

2006 pour qu‘enfin Rachid Bouchareb réalise « Indigènes »,

apprenne au monde l‘histoire dramatique de ces combattants

d‘Afrique, héros inconnus, qui ont servi, bien malgré eux, de

chair à canon dans ces guerres entre puissances européennes.

Sur tous ces non-dits, sur toutes ces omissions, sur tous ces

mensonges, le cinéma a su se rendre discret. Par masochisme ?

Par ignorance ? Difficile de discerner entre le vrai, le faux, la

fabulation et le silence, en raison des pressions et des manipula-

tions à ce jour perceptibles.

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L’industrie cinématographique face aux guerres

Si, au lendemain des combats, les studios d‘Hollywood avaient

bien compris l‘intérêt qu‘ils pouvaient tirer du cinéma pour

frapper les imaginaires et alimenter les fantasmes avant de ma-

gnifier la guerre et le sang sur pellicule, l‘industrie cinématogra-

phique avait, au préalable, participé à l‘effort de guerre en usant

de subterfuges. Face aux deux millions de soldats allemands

mobilisés, les alliés qui alignaient moins de 200 000 hommes

pour envahir l‘Europe, n‘avaient aucune chance. Faute donc

d‘effectifs suffisants, il fallait tromper l‘ennemi par la ruse. Les

stratèges des combats ont alors eu recours aux possibilités

qu‘offrait le 7ème

art en matière de décors et de reconstitutions.

Ils s‘adressèrent aux professionnels du cinéma pour construire

avec du bois, de la toile et de la baudruche des centaines de

tanks et de canons fictifs. Par dizaines, des opérateurs furent

mobilisés pour simuler des trafics radio militaires intenses. Le

leurre a fonctionné tel que prévu. Les écoutes radio et les prises

de vues de reconnaissance aérienne ont fini par inquiéter Hitler

et sa Wehrmacht qui ont cru au débarquement imminent d‘une

seconde armée des forces alliées.

Réinventée à l‘écran grâce au prisme déformant des objectifs

cinématographiques et aux moyens techniques et artistiques so-

phistiqués, l‘histoire sanglante de la première puissance mon-

diale apparait avec un visage positivé, magnifié, grâce au ma-

quillage et au trucage de la réalité, omniprésents dans la plupart

des films. Les cinéastes américains n‘hésitent plus à inventer des

personnages, hors du commun évoluant dans des récits tout à

fait fantasmatiques. James Bond, prototype du héros invincible a

été conçu d‘une part, pour redorer le blason de l‘intelligence

service et d‘autre part, pour bien enraciner la légende à travers

des représentations rocambolesques. L‘Histoire en général et

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celle de la guerre en particulier, constitue pour les producteurs

en quête de spectaculaire un excellent créneau de rentabilité,

malgré les représentations partielles et partiales. Le lobby des

producteurs et des politiques use de tous les moyens pour réé-

crire l‘histoire, et la récupérer à son avantage. Nourrie par les

commémorations officielles, la légende a fini par transfigurer la

réalité des combats pour en donner une image à la fois héroïque

et édulcorée. Le 70ème

anniversaire du débarquement allié en

Normandie, temps fort du quinquennat du Président Hollande,

s‘est inscrit avec faste dans ce registre de la mémoire. A l‘instar

du Général De Gaulle qui, en 1964, a voulu magnifier le rôle de

la France libre et de la résistance durant la libération et, tout

comme Mitterrand qui, en 1984, a eu recours à la mémoire du

débarquement à des fins diplomatiques.

Excepté à travers quelques rares films, la véritable histoire des

Etats Unis a toujours été absente des écrans. Sur les crimes

commis au nom de l‘Etat, sur Hiroshima, Nagasaki, le Vietnam,

le dépeçage du Proche et du Moyen-Orient, la dislocation de

l‘Irak, de la Palestine, du Liban, de la Syrie, l‘Omerta est totale

et les tabous nombreux. L‘inconscient qui ronge les rêves

n‘incite pas encore les cinéastes américains à se positionner par

rapport aux crimes horribles qui ont jalonné leur histoire. Rares

sont les westerns dignes d‘intérêt et encore plus rares les films

qui dénoncent la ségrégation raciale aux Etats Unis. Cela dit,

chaque décennie apporte du nouveau. Porté par cette conscience

douloureuse de raconter une tragédie collective, certains comme

Spielberg, avec « La Couleur pourpre » 1985 et « Amistad »

1997, se sont permis d‘administrer des leçons d‘histoire sur une

tragédie collective, l‘esclavage. Leurs films, d‘une grande luci-

dité, permettent, à tout le moins, aux Américains d‘ouvrir le

débat sur leur passé. Avec « 12 Years A Slave » (Douze ans

d‘esclavage), le Britannique Steve McQueen revient sur ce tra-

vail sur la mémoire. Ce film, grande émotion artistique, consti-

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tue un témoignage implacable sur la mémoire et la perversion du

système esclavagiste. Mais si des cinéastes téméraires et coura-

geux émergent du néant et montrent la réalité sans fard au risque

de leur carrière et de leur fortune, pour la plupart, leurs produc-

tions achevées dans des conditions difficiles, demeurent margi-

nalisées lorsqu‘elles ne sont pas bannies des écrans.

Tout travail cinématographique portant sur l‘histoire en général,

devrait en principe souscrire à une démarche intellectuelle ra-

tionnelle, laquelle doit admettre l‘interrelation entre la création,

les créateurs, les historiens et le contexte d‘émergence des récits.

Il n‘est pas nécessaire de réduire l‘histoire du cinéma à la seule

analyse de cette interdépendance. Nous avons constaté que lors-

que le passé s‘éloigne, que les passions s‘apaisent et que la re-

cherche historique évolue, des discours filmiques se font plus

intelligents, plus lucides, plus réalistes et plus rationnels. Deux

exemples significatifs pour étayer ce propos : « Au-delà de la

gloire » ou encore « Il faut sauver le soldat Ryan ». Comme la

plupart des films réalisés durant les années 1980 et relatifs au

débarquement allié, les deux récits semblent plus respectueux

des faits historiques et donc du public. Ils mettent en exergue

l‘ultra réalisme et la place du soldat ordinaire durant les conflits.

Fuller, le réalisateur du premier film, relate son vécu et son ex-

périence personnelle du débarquement. Spielberg centre plutôt

son scénario sur le massacre effrayant des soldats en raison des

nombreux couacs de leurs chefs, en mettant en exergue

l‘expérience traumatisante du soldat ordinaire. Dans cette pro-

duction (Oscar du meilleur film), le super-héroïsme s‘estompe et

les combattants n‘apparaissent plus comme des surhommes,

mais plutôt comme des êtres humains ordinaires, doués de rai-

son et dotés de sentiments humains comme la peur, l‘espoir, la

colère, le deuil...

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France/Algérie : regards filmiques croisés

Monopole exclusif des « Européens » durant la période colo-

niale, la production cinématographique française n‘avait rien à

envier à celle d‘outre-Atlantique en matière de manipulation de

l‘Histoire, d‘occultation de faits et de travestissement de la réali-

té. Photographies, gravures et cartes postales avaient, dès

l‘occupation souligné avec la force de l‘émotion, les mythes,

les héros, les illusions, l‘exotisme, l‘aventure. Destinée priori-

tairement aux Français d‘Algérie et aux métropolitains,

l‘iconographie coloniale empruntait le discours dominant de

l‘époque, celui de la pensée unique dont l‘objectif principal con-

sistait à bien ancrer dans l‘imaginaire collectif, l‘image d‘une

société algérienne idyllique, heureuse et épanouie. Avec

l‘avènement du 7ème

art, le pouvoir colonial a très vite compris

l‘impact du cinéma par rapport aux autres moyens de propa-

gande. Plus d‘un millier de films, tous formats confondus, ont

servi de toile de fond en Afrique sub-saharienne et au Maghreb

pour glorifier la colonisation. Déclarée pays des droits de

l‘Homme, la France coloniale considérait qu‘il était de son de-

voir, dans le cadre de sa « mission civilisatrice », de « pacifier

les Indigènes » considérés comme des « sauvages, des arriérés et

des barbares » 7. L‘image fixe d‘abord et animée ensuite a donc

naturellement accompagné l‘entreprise prédatrice coloniale.

Recrutés en Métropole les cinéastes, qui se sont fait thuriféraires

de «l‘ordre» colonial, nous révèlent bien malgré eux à travers

leurs œuvres, l‘esprit d‘une époque et son idéologie dominante.

Leurs films, des mises en équation d‘un réel fantasmé, idéalisé

et même sur-réalisé, avaient pour objectif de façonner un mode,

foncièrement paternaliste, de représentation des peuples, une

réalité quasi onirique censée magnifier l‘occupation barbare 8.

Sur les écrans, aucune allusion, bien sûr, aux souffrances infli-

gées aux peuples des colonies, aux crimes de guerre et aux

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crimes contre l‘humanité, qui ont jalonné l‘Histoire de la pré-

sence française en Algérie, durant 132 années. Aucun discours

allusif aux enfumades criminelles de villages entiers, aux mas-

sacres collectifs, à la répression sauvage de Mai 1945, de dé-

cembre 1960, d‘Octobre 1961 à Paris… Même silence assour-

dissant autour des crimes liés aux essais nucléaires. Aucune film

sur les exactions et les crimes commis en Algérie, comme l‘ont

fait certains cinéastes Américains à propos de la guerre du Viêt-

Nam avec : « Voyage au bout de l’enfer », « Apocalypse now »

ou encore « Les Sentiers de la gloire » (tourné par Kubrik stan-

ley en 1958 et sorti en 1975). Excepté « Muriel » d‘Alain Res-

nais, et « Le Petit soldat » de Jean Luc Godard, qui ont fait très

succinctement référence à la guerre en Algérie, la plupart des

cinéastes se sont murés dans un profond silence. Une fois la

guerre terminée, le voile « pudique » n‘a pas été arraché. Les

cinéastes français ont-ils sous-estimé - ou, pire, ignoré – la gra-

vité de la situation 9. Il a fallu attendre le 10 juin 1999 pour que

le Sénat français reconnaisse qu‘il y a eu guerre en Algérie.

Le procès cinématographique de la colonisation reste à faire. 52

ans ont passé depuis l‘indépendance. Aucun discours filmique

nouveau sur ce passé demeuré sujet tabou. L‘actualité politique

et médiatique valide quelque part les prétentions d‘un certain

courant animé par des nostalgiques d‘un passé magnifié et enjo-

livé à souhait. Les cinéastes, tout comme d‘ailleurs l‘Etat fran-

çais, semblent avoir renoncé à reconnaitre les atrocités perpé-

trées au nom de la France des Droits de l‘homme. Les crimes

coloniaux de Saint Arnaud, Randon, Vallée, Rovigo, Duval, de

Bourmont, Bugeaud, Massu, Bigeard, Salan, Challe, Zeller, Ar-

goud, Godard, Leger, Papon… et autres tortionnaires, commis

au nom des valeurs universelles « Liberté, Egalité, Fraternité »

n‘ont pas encore été scénarisés. Ils ne le seront pas de si tôt, à

voir les glissements opérés ces dernières années en France au

sein de l‘opinion publique : Loi vantant les mérites de la coloni-

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sation(Février 2005), hommages aux tueurs de l‘OAS dans le

sud de la France, projet de musée à la gloire des tenants de

l‘Algérie française piloté par le lobby des rapatriés, activisme

encouragé par un Front national qui semble avoir le vent en

poupe…La France d‘aujourd‘hui n‘a pas su, en tant que grande

puissance colonisatrice, assumer ses responsabilités face aux

massacres commis en son nom, face à la spoliations de tout un

peuple. Aucune reconnaissance des faits et donc pas la moindre

expression d‘un remords, pas la moindre compassion envers les

victimes. Que dire alors de la repentance ?

Influence de l’historiographie de la Révolution sur la pro-

duction filmique

Comment le 7ème

art a-t-il évoqué la révolution algérienne ?

Quel rapport entretenait-il avec la révolution, la réalité sur le

terrain, la fiction, la fabulation ? Comment l‘idéologie dans un

film arrive à se laisser envelopper dans une forme empirique ?

Si on devait revisiter notre Histoire à travers le prisme du ciné-

ma, ses évocations, ses silences, ses omissions, on se rendrait

vite compte du hiatus entre les propos clairement énoncés des

responsables et la réalité projetée sur les écrans. Les premières

images algériennes, filmées et montées par des Algériens, ont

été conçues dans les maquis, en pleine lutte de libération natio-

nale. Des cinéastes courageux n‘ont pas hésité à dénoncer les

affres de la soldatesque coloniale 10. Ils étaient sur le théâtre des

opérations, aux côtés des maquisards et ont montré la guerre à

l‘état brut, sans maquillage et sans occultation aucune. Dès

l‘indépendance et pour la première fois, le peuple algérien était

fier de se découvrir à l‘écran, tel qu‘il était. Les productions

significatives qui ont vu le jour témoignaient des sacrifices con-

sentis par tout un peuple dont elles vénéraient le courage et

l‘héroïsme. Moyen de lutte et arme de combat contre

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l‘oppresseur, le cinéma algérien était perçu comme l‘un des plus

importants du tiers-monde.

Mais, dès le début des années 70, les discours cinématogra-

phiques ont commencé à changer de ton, de formes et de nature.

Tout projet de scénario dénonçant les maux sociaux était à priori

considéré comme subversif par les responsables. La censure

impitoyable a fini par rendre toute velléité de nouveaux discours

filmique obsolète. La cinématographie nationale s‘est réduite en

peau de chagrin. Une lourde chape de plomb a tétanisé la pro-

duction. Les structures cinématographiques furent démantelées

une à une. Surgirent alors de nouvelles féodalités et une corrup-

tion en masse qui va finir par réduire à néant le secteur. Mais,

malgré le chaos généralisé, certains films ont réussi à voir le

jour, souvent à l‘occasion de commémorations de dates histo-

riques, pour magnifier le combat libérateur.

Avec le recul, on peut constater que les films relatifs à la lutte de

libération nationale recèlent encore de nombreux mystères.

Combien de zones d‘ombre, de pans d‘Histoire ignorés, mal

connus ou volontairement occultés ? Nourri dans un bain poli-

tique délétère, avec des rapports confus entre ce qui relève de la

réalité historique et ce qui relève des mémoires, le discours fil-

mique a été transfiguré. L‘Histoire nationale est devenue pré-

texte à scénarios d‘aventures, de suspense ou d‘épopées édi-

fiantes. Non seulement l‘histoire n‘a pas été rapportée dans toute

sa véracité, mais en plus, les films produits n‘ont pas rendu li-

sible l‘héritage historique. Le grand désenchantement percep-

tible chez les adultes s‘est poursuivi par une ignorance totale

chez les jeunes d‘aujourd‘hui (dont 70 % n‘ont pas connu la

guerre), de la vraie histoire du pays. Les mémoires collectives

n‘ont enregistré à ce jour comme seule véritable événement du-

rant les sept années de lutte, que celle qui eut pour cadre la cas-

bah d‘Alger. « La Bataille d‘Alger », célébrée magistralement

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par le cinéma grâce au talentueux Ponte Corvo et installée au

premier rang de l‘imaginaire collectif peut faire croire que c‘est

l‘unique grande bataille de notre histoire révolutionnaire.

Le contexte change, mais l‘usine idéologique poursuit sa mis-

sion : fabriquer des rêves et des fantasmes pour continuer à ma-

nipuler des faits historiques. Partout dans le monde, des déten-

teurs du pouvoir s‘arrogent le droit d‘imposer une Histoire offi-

cielle, celle qui les arrange. Ils savent bien que le contrôle du

passé les aide à maîtriser le présent. Lorsque les mémoires qui

remodèlent les épisodes fondateurs d‘une vie se tarissent, lors-

que les archives sont mises sous séquestre et lorsque des pans

entiers du passé sont volontairement ignorés, s‘érigent alors les

murs d‘ignorance. Ce sont les institutions qui discréditent la

mémoire, alors que cette dernière est censée contribuer à

l‘écriture de l‘Histoire. En instrumentalisant la manipulation des

esprits, on rend la domination des masses plus aisée.

Algérie : émergence d’un nouvel imaginaire ?

En Algérie comme ailleurs, c‘est l‘Institution, donc l‘Etat qui

détermine la connaissance historique en décidant des pro-

grammes pédagogiques et culturels, en nommant des ensei-

gnants, en désignant des cinéastes et en filtrant toutes les pro-

ductions théâtrales et cinématographiques afin de contrer toute

velléité d‘une contre-Histoire . Tant que le discours filmique

algérien sera édicté par le pouvoir politique, l‘Histoire analy-

tique sera privilégiée. Pour l‘heure, notre Histoire se reflète

encore mal à l‘écran. Si certaines productions ont bien réussi à

mettre en évidence des faits avérés à travers des fictions drama-

tisées et partisanes à forte charge symbolique, pour l‘essentiel,

l‘histoire analytique de notre révolution, telle que portée à

l‘écran n‘est guère satisfaisante. Les polémiques et débats hou-

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leux qui ont accompagné la sortie de récentes productions

comme, « Larbi Ben Mhidi » d‘Ahmed Rachedi et « Ahmed

Zabana », de Saïd Ould khelifa, montrent bien qu‘il y a pro-

blème. Certes, aucun film ne peut à lui tout seul raconter ou dé-

crire des événements historiques de manière exhaustive. Mais

cela n‘empêche pas les interrogations sur la façon dont les ci-

néastes recréent les pages d‘Histoire et sur l‘influence du pou-

voir et de l‘historiographie de la révolution sur leur production.

L‘engouement actuel pour les images révèle l‘enjeu d‘une mé-

moire dont les historiens ne sont plus les seuls garants incontes-

tés. Ces derniers se doivent de s‘impliquer un peu plus afin de

rendre aux citoyens l‘Histoire dont l‘institution les a dépossédé

et de mettre en exergue les faits saillants en éclaircissant les

zones d‘ombre et les enjeux stratégiques et politiques. Ils sont

les seuls à pouvoir mettre fin à l‘aliénation, aux clichés, ou tout

simplement à l‘aveuglement en établissant un rapport

d‘honnêteté au passé qui aiderait à se libérer de son emprise sans

le momifier.

Chaque période apportant de l‘espoir, de nouveaux champs

d‘investigation et d‘exploitation s‘ouvrent à l‘appétit de la nou-

velle génération de cinéastes, d‘historiens et de chercheurs qui,

pour la plupart, n‘ont pas vécu les événements qu‘ils relatent à

travers leurs films. En cette veille de célébration du 60ème

anni-

versaire du déclenchement de la lutte armée qui verra naître un

certain nombre de films, il est nécessaire que les discours ciné-

matographiques à venir soient en connexion étroite avec les con-

textes socio-historiques et politiques. Un scénario de fiction re-

latif à l‘Histoire n‘est pas un simple récit. Il est discours sur le

monde et représentation d‘une époque donnée. Il importe donc

pour le cinéaste d‘avoir bien présent à l‘esprit le contexte dans

lequel s‘élabore et se construit son film afin d‘une part, de me-

surer sa distance par rapport à la réalité historique et, d‘autre

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part, d‘analyser les articulations entre les différents types de

discours et le discours idéologique englobant. Il importe enfin

de mettre en œuvre des stratégies de distanciation afin de s‘en

démarquer.

Historiens, Anthropologues, sémiologues, sociologues, cinéastes

et spécialistes de la communication devraient d‘urgence se con-

certer sur la dimension idéologique du 7ème

art et sur les disposi-

tifs d'énonciation complémentaires aux sources écrites, qui font

malheureusement l‘objet de peu d‘intérêt. Il importe d‘élargir le

champ de l‘analyse filmique à l‘historiographie. Le cinéma con-

currence efficacement l‘enseignement de l‘Histoire en jouant un

rôle de premier ordre dans la modélisation des imaginaires et la

construction des appartenances nationales. De plus en plus, il

prend place aux côtés de l‘enseignement universitaire et de la

littérature historique pour évoquer la transmission du passé.

Qu‘attendent les décideurs pour initier l‘élève au regard critique

sur un document trop souvent reçu comme argent comptant et

inscrire dans les cursus une initiation à la lecture des images,

laquelle ne doit pas relever d‘un simple apprentissage tech-

nique ? Pourquoi le système d‘enseignement tarde à prendre en

considération une formation méthodologique et une éducation

non seulement de l‘œil et de l‘oreille, mais aussi une éducation

du regard des élèves, par rapport au cinéma et à la télévision.

L‘éducation du regard et l‘éveil critique par la confrontation des

images filmiques constituent un enjeu essentiel de la mise à dis-

tance de l‘objet observé. Elle apparaît au cœur des sciences so-

ciales, et plus particulièrement d‘un projet d‘éducation civique

par le développement de l‘esprit critique.

Une telle démarche progressive permettra d‘apporter aux jeunes

un perfectionnement régulier en matière d‘attitude, car ce der-

nier peut passer du statut de spectateur passif à une position

d‘acteur dynamique grâce à cet apprentissage. Si l‘Histoire se

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reflète encore mal à l‘écran, il faut commencer par en finir avec

l‘aliénation, les clichés ou tout simplement l‘aveuglement. Les

historiens, tout comme les pédagogues et les cinéastes, peuvent

rendre à la société sa propre Histoire. Ils sont les seuls à pouvoir

établir un rapport d‘honnêteté au passé qui aiderait à se libérer

de son emprise sans le momifier.

Notes :

1. « L‘effet Koulechov », théorie universelle montrant comment

un plan tout à fait neutre, arrive à exercer une influence sur le

sens du plan qui lui succède dans le montage et sur le plan pré-

cédent (une sorte de « contamination sémantique » à double

direction). Koulechov filme le comédien Ivan Mosjoukine im-

passible, il fait suivre l‘image d‘une assiette de soupe, puis celle

d‘une femme morte dans un cercueil et enfin, celle d‘une fillette

en train de jouer. L‘expression, à l‘origine neutre de l‘acteur,

suggère alors l‘appétit, la tristesse et la tendresse.

2. Jean Cocteau dira : « le cinématographe est la circulation de

fonds de documents, de sensations, d’idées et de sentiments of-

ferts par la vie ». Pour Cohen Séat, « le Fait filmique est

l’expression de la vie du monde et de l’esprit ».

3. Olivier Wieviorka, Antony beevorHenry et Rousso abondent

dans ce sens. Ce dernier dira : « La France a été un pays occupé

qui a joué un rôle modeste au sein de la Grande Alliance, même

si avec De Gaulle, elle y a été présente ».

4. « Le Dictateur », film de Charlie Chaplin, réalisé entre 1938

et 1940, fut censuré en Espagne jusqu'en 1975. Il ne sera diffusé

en salle qu‘à partir de 1958.

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5. Le jour « J », le 6 juin 1944, l‘assaut, était confié aux Britan-

niques, qui avaient fait front seuls contre Hitler une année durant

avant le débarquement. Ces derniers ont réussi à aligner plus de

la moitié des effectifs, soit 155 000 soldats, alors que l‘Armée

d‘Afrique comptait 400 000 hommes. Eisenhower avait été dé-

signé comme le commandant en chef des cinq plages du débar-

quement alors que trois n‘étaient pas américaines.

6. Environ 175 000 maghrébins et sub-sahariens avaient été re-

crutés de force par les puissances voraces et prédatrices pour

servir de chair à canon. Le 1er

film à relater ces événements :

« Indigènes », en 2006, a enregistré un nombre d‘entrées record

dans l‘union Européenne (3 172 612). Mais ce film évite de

parler de l‘enrôlement forcé malgré les nombreuses révoltes.

Une répression féroce s‘est abattue contre ceux qui ont refusé

d‘aller se battre pour la France. Avec son second film « Hors la

Loi », qui pointe les responsabilités françaises dans les mas-

sacres collectifs de mai 1945 contre la population algérienne qui

réclamait son indépendance, le réalisateur, Rachid Bouchareb,

ne fera que 474 722s entrées 7. La mission civilisatrice fran-

çaise qui débarquait en 1832 était en fait une véritable Armada

composée de trente six Bataillons de trois escadrons répartis en

trois divisions accompagnés de 153 bâtiments de guerre, 450

navires de commerce, 215 petits bateaux arrimeront le 4 Juillet à

Sidi Fredj à leurs bords 70 450 hommes et 4008 chevaux (selon

l‘ouvrage de Djamel Kharchi : « colonisation et politique d'as-

similation en Algérie ».

8. Sur le nombre extraordinaire de films produits durant la colo-

nisation, le public n‘a plus en mémoire que quelques films

phares comme, le mythique « Le Musulman rigolo » de Georges

Méliès, 1896, «Le Bled » une vision fantasmatique de Jean Re-

noir, réalisé en 1929, et « Pépé Le Moko», une Casbah réinven-

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tée en studio à Paris par Julien Duvivier, 1937. Tous n‘avaient

qu‘un seul objectif : glorifier la colonisation.

9 Alexandre Arcady, le chantre des réalisateurs nostalgiques a

réalisé entre autres : « Le coup de Siroco » 1979, « Le Grand

carnaval » 1984, et tout récemment « Ce que le jour doit à la

nuit », œuvres qui témoignent du « bon temps de l‘Algérie fran-

çaise »

10. « L’Attaque des mines de l’Ouenza », « Les réfugiés », « Al-

gérie en flammes », 1959, « les fusils de la liberté »…, docu-

mentaires militants, exigeants et singuliers, réalisés par le col-

lectif Djamel-Eddine Chanderli, Ahmed Rachedi, René Vau-

tier… Ce dernier est aussi l‘auteur de fictions courageuses

comme « Avoir 20 ans dans les Aures »1971, « La folle de Tou-

jane » 1974. Citons également Jacques Charby auteur du mémo-

rable film sur les enfants orphelins « Une si jeune paix » 1964,

Pierre Clément, 1961Yann Le Masson, jacques Panigel « Oc-

tobre à Paris », Nicole Le Garrec, qui n‘ont pas hésité à

s‘engager dès le début des combats. D‘autres ont pris le relais

une fois l‘indépendance acquise. Bertrand Tavernier et Patrick

Rotman avec « La guerre sans nom », Bernard Fabre et Benja-

min Stora avec « Les Années algériennes », Maurice Faïvic et

Ahmed Rachedi avec « C’était la guerre », Henri Alleg auteur

de « La question » adapté à l‘écran par Laurent Heynemann

1977 et Yves Boisset, réalisateur de « Dupont La joie »1970,

« R.A.S » 1973 et « L’Autre bataille d’Alger » 2009.

Filmographie :

« L’Opium et le bâton » de Mouloud Mammeri, réalisé par Ah-

med Rachedi

« Pépé le Moko » de Jean Duvivier, 1936.

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« La Guerre d’Algérie » de Benjamin Stora et Patrick Pesnot,

1992. (série TV)

« Le Bled » de Jean Renoir, 1929.

« Les oliviers de la justice », 1962.d‘après le roman de Jean Pel-

legri, porté à l‘écran par James Blue.

« La Montagne de Baya » de Azzeddine Meddour, 1997.

« Les déracinés » de Lamine Merbah, 1976.

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Histoire du débarquement en Normandie des origines à la libé-

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équipe de recherche en socio-anthropologie de l‘histoire et de la

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Le Fait colonial au Maghreb, Ed L‘Harmatan. 2010.

Le Maghreb des années 1990 à nos jours. Emergence d’un

nouvel imaginaire et de nouvelles écritures. Notre communica-

tion : Récits romanesques, récits filmiques. Problématique des

transferts sémiotiques. Actes du colloque publié par Ed du

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kacem Recham, 1996, Paris, L‘Harmattan.

Sémantique de l’objet Et l’aventure sémiologique, Roland

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Ed. Anthropos, 1971.

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Le langage des médias : des discours éphémères ?, Härmä J.

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Nora P. (éd.) (1984, 1986, 1992) :

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La mémoire, Petit L. (2006) : Paris, PUF, « Que sais-je ? ».

Textes et discours : catégories pour l’analyse, Ali Bouacha

M. (éds) : Éditions universitaires de Dijon, 5-19.

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gueneau D. (éds) (2002) : Paris, Éditions du Seuil.

Analyse du discours politique, Courtine, J.-J. (éd) (1981) : Lan-

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Nouveau dictionnaire encyclopédique des sciences du langage,

Ducrot, Oswald et Schaeffer, Jean-Marie, 1995, Paris, Seuil.

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HAOUAS-LAZREG Kheira Zohra

MCF. ENSET d’Oran

Yasmina Khadra : De la paratopie familiale à la

Paratopie créatrice

La nouvelle théorie de Dominique Maingueneau

propose de trouver des solutions à certains problèmes

que les grilles dominantes d‘analyse des discours litté-

raires n‘ont pas réussi à déficeler. Il propose une redé-

finition des concepts de l‘énonciation, où il distingue

trois instances spécifiques de l‘énonciateur littéraire

qui les fusionne dans la figure de « l‘Auteur » :

1. La personne : c‘est-à-dire la personne physique

dotée d‘un état civil et vivant dans un milieu social

spécifique.

2. L‘écrivain : le rôle de l‘écrivain dans l‘espace

public.

3. L‘inscripteur : C‘est l‘énonciateur, celui qui

gère tous les éléments à l‘intérieur du texte

Le positionnement de l‘auteur se situe donc entre

les deux champs : le texte et le contexte, c‘est-à-dire la

société, et il n‘y a plus de différence entre le sujet bio-

graphique et le sujet d‘énonciation ; bien au contraire,

c'est le fusionnement des deux qui crée la scène

d‘énonciation.

Il définit en effet le positionnement paratopique

de l‘énonciateur « d‘un discours constituant » comme

une force qui gère la subjectivité énonciative de ce dis-

cours. Ces trois instances se croisent, se maintiennent

et se génèrent dans tout discours constituant.

L‘existence de l‘une dépend de l‘existence de l‘autre :

ainsi les registres de l‘inscripteur naissent des éventua-

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lités et des difficultés produites par les deux autres ins-

tances. L‘existence de la personne donne vie à

l‘inscripteur et à l‘écrivain. La façon d‘écrire dépend à

son tour de l‘inscripteur mais aussi de la personne.

Chaque instance dépend donc des deux autres et ne

saurait exister sans elles. Dominique Maingueneau uti-

lise pour distinguer cette force, la métaphore des an-

neaux borroméens, et la paratopie serait « le clinamen

qui la rend possible » (Mainguneau, 2004, p198). Rap-

pelons que la paratopie est « la relation paradoxale

d‘inclusion /exclusion qu‘implique le statut de locuteur

de texte relevant des discours constituants». (Maingue-

neau,2004,P137)

Le cas de Yasmina Khadra est de ce point de vue

bien particulier, puisqu‘il a commencé à écrire sous

son vrai nom, puis a choisi de se cacher derrière un

pseudonyme, et a continué à signer avec son pseudo-

nyme même après la révélation de sa vraie identité.

Nous allons donc essayer, à travers la communication

que nous proposons, d‘explorer à son propos les trois

instances : l‘inscripteur, la personne et l‘écrivain afin

de mettre à jour sa posture. Pour cela nous serons ame-

née à recourir aussi aux deux romans biographiques

qu‘il a publiés : L‘Ecrivain mais surtout L‘imposture

des mots, ainsi qu'aux différents entretiens qu‘il a ac-

cordés aux journaux et revues nationales et internatio-

nales.

Pseudonyme et paratopie

L‘œuvre de Yasmina Khadra a connu certes un

grand succès par la richesse de ses thèmes et par son

style, mais c‘est aussi par le mystère qui entourait

l‘identité de l‘auteur qui a suscité, dans un premier

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temps, le plus d‘intérêt. Mohamed Moulessehoul a

écrit sous un premier pseudonyme : l‘inspecteur Llob,

qui était le personnage central des deux romans poli-

ciers Le dingue au bistouri et La foire aux enfoirés.

En1997, à l‘occasion de la publication de la trilogie qui

va lui valoir un succès mondial, il signe ses romans

avec les deux prénoms de son épouse, Yasmina Kha-

dra. Ce pseudonyme va provoquer un séisme dans le

monde littéraire, d‘une part par la singularité qu‘il of-

frait lui même, ensuite par la violence des évènements

narrés : une femme était-elle capable de tisser des

trames narratives aussi violentes ?

La paratopie familiale

« L‘un des potentiels paratopiques les plus riches

et les plus constants est sans aucun doute la paratopie

d‘identité familiale : enfants abandonnés, orphelin, bâ-

tard. On peut même dire que c‘est une condition de

l‘identité créatrice, du moins masculine» (Maingune-

neau,2004, p137)

La parution du roman autobiographique

L‘Ecrivain coïncide avec le dévoilement de l‘identité

de l‘auteur. Yasmina Khadra y raconte l‘enfance et

l‘adolescence du petit Mohamed Moulessehoul qui,

après la répudiation de sa mère, doit déménager et as-

sister à la déchéance de sa famille, pour être finalement

confié, à l‘âge de neuf ans, à l‘école des cadets mili-

taires – une école destinée à l‘origine aux orphelins de

la guerre de libération :

« En me retournant, je vis le portail se refermer

inexorablement sur les immeubles, les voitures, les

gens et les bruits ; quelque chose me dit que le monde

extérieur qui s‘effaçait aussi sous mes yeux m‘effaçait,

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moi aussi ; qu‘une page venait d‘être arbitrairement

tournée à jamais.» (L‘écrivain, p.22).

Dès son entrée, on lui confisque son identité en lui

attribuant un numéro d‘immatriculation. C‘est son

premier pseudonyme…« On porta nos noms et pré-

noms sur un registre, on nous aligna par ordre de taille,

les petits devant, et nous numérota.

-A partir d‘aujourd‘hui, vous déclinerez votre ma-

tricule à la place de votre identité, nous enseignera un

adjudant […]

Finis les patronymes et les sobriquets. Finis les

vacheries et les chichis. Nous étions matricule 19, ma-

tricule 43, matricule 72, matricule 120, et rien de plus.

Nous avions cessé d‘exister pour nous-mêmes…Nous

étions devenus des cadets c‘est-à-dire les enfants adop-

tifs de la révolution.»(L‘Ecrivain, p.24)

Nous retrouvons dans ses écrits les traces de cette

perte d‘identité, incarnée par le personnage de Dactylo

dans Les Agneaux du seigneur, celui de Sid Ali le

poète dans A quoi rêvent les loups et le vieux juif dans

L‘Attentat :

« Dactylo est l‘écrivain de Ghachimat, personne

ne sait d‘où il vient, le village l'a découvert, à l‘endroit

qu‘il occupe aujourd‘hui »(Agneaux, p. 47)

« C‘est à la gare que j‘ai connu ton père, continua-

t-il [Sid Ali le poète]. J‘étais sans parents. SNP était

mon nom » (A quoi…, p. 96)

« Mon nom est Shalomi Hirsh, mais les Arabes

m‘appellent Zeev l‘Ermite. A cause d‘un ascète de na-

guère » (Attentat, p. 251)

Cette origine inconnue et cette arrivée brutale

nous rappellent l‘auteur du roman. Yasmina Khadra

écrit sous un pseudonyme, et il s‘est imposé dans le

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milieu intellectuel sans que personne ne sache qui il

était. De plus, à travers Dactylo et Sid Ali, il met

l‘accent sur les conditions difficiles, pendant la décen-

nie noire, des écrivains algériens que les Islamistes ont

pris comme première cible. Le juif errant, quant à lui,

témoigne de la position de l‘auteur par rapport au con-

flit du Moyen Orient notamment à travers la phrase

suivante :

« Tout Arabe est un peu juif et tout juif est un peu

un Arabe » (2005, p.225)

Donc les trois personnages jouent le rôle de

l‘inscripteur puisqu‘ils analysent les idéologies mises

en texte, mais ils incarnent aussi la figure de l‘écrivain

à travers leur fonction et finalement ils rappellent la

personne de l‘auteur à travers leurs origines inconnues.

Le rejet est un thème central dans les textes de

Yasmina Khadra : dans Les Agneaux du Seigneur,

Zane est rejeté par les villageois à cause de sa taille

inférieure à la normale, Kada Hillal parce qu'il est

l‘arrière petit fils d‘un Caid, Tej Osmane car il est le

fils de Issa la Honte, un ancien Harki. Dans A quoi rê-

vent les loups, Nafa Walid est rejeté d‘abord du monde

du cinéma, puis de celui de la bourgeoisie, puis du

groupe de Sofiane, et finalement il est rejeté à la fois

par les islamistes pour désobéissance aux ordres et par

sa propre famille et sa société à cause de son engage-

ment islamiste. Quant à Amine, il est rejeté à la fois par

sa société d‘origine parce qu‘il a été naturalisé israé-

lien, et par les Israéliens eux-mêmes après l‘attentat-

suicide commis par son épouse.

Ces rejets récurrents nous rappellent aussi la fi-

gure de l‘auteur. Il a d'abord considéré son placement

dans l‘école des cadets comme un rejet de la part de

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son père et de sa famille. Ensuite, il a été rejeté par le

cercle littéraire à ses débuts, quand il écrivait sous son

vrai nom de Mohamed Moulessehoul.

« Mais qui se souvient des huit années qu‘a mis

mon premier livre à paraître chez l‘ENAL, qui peut

imaginer le calvaire de cette interminable attente lors-

que chaque nuit je dormais avec l‘espoir de me lever le

lendemain, mon recueil de nouvelles entre les

mains ?...Longtemps je m‘étais penché sur une note de

lecture qui concluait ainsi un énième refus : "L‘auteur

de ce manuscrit est purement et simplement un sa-

dique". » (L‘Imposture des mots, p.36)

Et finalement il est rejeté par l‘armée algérienne

qui lui interdit d‘écrire et de témoigner des carnages

qu‘il a vécus durant la décennie noire :

« En été 1989, la présence d‘un écrivain dans les

rangs de l‘armée a commencé à irriter la hiérarchie. Je

n‘avais pas écrit de livre susceptible d‘être interdit,

mais j‘avais participé à un concours sans demander

d‘autorisation. Une circulaire émanant du ministère de

la défense a brutalement imposé aux écrivains mili-

taires de soumettre leurs œuvres à un comité de cen-

sure militaire. Cette circulaire ne visait que moi. Il était

impensable que j‘accepte cette mesure »

C‘est dans ce climat de tension entre exclusion et in-

clusion que les romans de Khadra ont vu le jour.

Le rejet du père

La plupart des personnages de Khadra sont ou or-

phelins ou en rapport problématique avec leur père. Le

père de Tej Osmane est qualifié de Issa la Honte : il est

la cause des malheurs de sa famille car il était Harki

pendant la révolution et les villageois, qui ne lui ont

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jamais pardonné d‘avoir travaillé dans le camp ennemi,

se sont vengés de lui et de sa famille. Le père de Nafa

Walid est une personne très dure, qui n‘a ni nom ni

prénom, il est juste qualifié de « vieux » et aucun trait

physique ne lui est attribué :

« — Sale bâtard !tu crois m‘intimider…toi mon

urine…tu n‘es rien d‘autre qu‘un morveux » (A

quoi…, p.129)

Quant au père d‘Amine, Jaffari, décédé, il est

évoqué comme un artiste désespéré mais, contraire-

ment aux autres pères, très vénéré, car c‘est grâce à lui

qu‘Amine a réussi dans sa vie :« Mon père était quel-

qu‘un de bien » (L‘Attentat…p159)

Dans son roman autobiographique, Khadra ra-

conte, de fait, la rupture a commencé entre lui et son

père lors de son entrée à l‘école des cadets :

«A partir de ce jour-là, jamais – au grand jamais –

je n‘ai réussi à dire « papa » à mon père. Non pas que

je l‘en aie jugé indigne, mais quelque chose, que je ne

m‘explique pas aujourd‘hui encore, s‘était définitive-

ment contracté dans ma gorge et empêchait le vocable

le plus chéri des enfants de sucrer mon palais. Il me

restera tel un caillot en travers de la gorge, ensuite il

retournera dans les oubliettes de mon for intérieur

avant de se désintégrer à travers mon être. Nulle part,

ni dans mes chairs ni dans mes esprits, je ne lui retrou-

verai de trace ou de place» (L‘Ecrivain, P.50)

On retrouve un vif écho dans le comportement des

fils envers leur père dans le roman. Les islamistes font

affront à leur père et imposent leur idéologie en ayant

recours même à la force.

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Dans L‘Attentat, en revanche, Amine évoque une

belle image de son père. Yasmina Khadra, contraire-

ment au choix qui fut le sien dans Les Agneaux du

Seigneur et dans A quoi rêvent les loups, lui attribue

une fonction d‘artiste. C‘est là précisément que se con-

crétise le climen de la paratopie : l‘auteur arrive enfin à

tracer les frontières entre son appartenance et son non

appartenance :

« Mon père ne voulait pas hériter de ses œillères.

La condition de paysan ne l‘emballait guère ; il voulait

être un artiste –ce qui signifie dans le glossaire ances-

tral un tire-au-flanc et un marginal…Mon père rétor-

quait, avec son calme olympien, que la vie n‘était pas

seulement sarcler, élaguer, irriguer et cueillir ; qu‘elle

était peindre, chanter et écrire aussi » (L‘Attentat,

p. 106)

À cette exception près, peut-on établir une rela-

tion entre le rejet du père et le choix d‘un pseudonyme

féminin pour écrire ? A ce propos, Maingueneau ex-

plique que le choix d‘écrire sous un pseudonyme relè-

verait souvent d‘une démarche parricide :

« L‘artiste est en effet celui qui renoncer à faire

fructifier le patronyme (le capital et la généalogie), à

être le fils de son père pour se consacrer aux mots »

(Maingueneau,2004,p178)

Le pseudonyme consisterait alors à rompre avec

son appartenance généalogique pour se déclarer fils de

son œuvre :

« [l‘artiste] prétend s‘innocenter en se conférant

une filiation d‘un autre ordre, en devenant fils de ses

œuvres. Sa légitimité, il entend ainsi la tirer non de son

patronyme mais de son pseudonyme, de ce qu‘il écrit,

et non de son inscription dans le réseau patrimonial. De

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là le lien évident pour toute mythologie de la création

entre la condition d‘artiste et la bâtardise du père »

(Maingueneau,2004,p138)

Or, toujours selon Maigueneau, le parricide expli-

cité tout au long d‘une œuvre littéraire est étroitement

lié à la femme fatale, et il nous faut donc préciser

maintenant la place qu‘occupe le personnage féminin

dans les romans de Khadra : cela nous permettra de

revenir ensuite sur la relation qui s‘établit entre le per-

sonnage et la position de l‘auteur.

Maingueneau développe une nouvelle approche

pour analyse la relation entre la femme et la figure de

l‘auteur. Il a entrepris ses recherches sur ce sujet en

1999, dans un essai intitulé Fatal fémi-

nin (Maingueneau, 1999) où il pose le postulat sui-

vant : le personnage féminin est l‘embrayeur parato-

pique par excellence, dont la fonction initiale est

d‘approuver la scénographie du discours littéraire et

d‘accepter l‘institution de l‘Auteur.

La femme, dans les romans de Khadra, est asso-

ciée à la mort, à la malédiction ; cependant, cette image

est paradoxale – autre manifestation du climen de la

paratopie – puisque l‘auteur a précisément choisi un

pseudonyme féminin pour écrire. En pactisant avec le

féminin, Yasmina Khadra accepte le fard de la femme

et l‘errance de la clandestinité : il relève l‘homme que

son récit fait déchoir, c‘est-à-dire qu'il le remet debout

et le remplace en même temps :

« En représentant l‘échec de la relation entre

l‘homme et la femme, l‘auteur prétend construire la

scène inaugurale qui le légitime. Enfant de son propre

enfant, son œuvre, il montre dans cette œuvre

l‘affrontement mortel de l‘homme et de la femme et

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prétend définir, à travers le spectacle de leur impos-

sible conjonction, une filiation d‘un type supérieur. Ce

que l‘œuvre est censée représenter, le drame de

l‘homme et de la femme, est aussi processus

d‘engendrement du créateur » (Maingueneau,2004,

p138)

L’errance

L‘errance est le trait commun des personnages de

l‘œuvre de Khadra, ils n‘ont pas de lieu fixe, ils

s‘éloignent du centre afin d‘imposer leur idéologie ;

cependant, ils y reviennent pour mourir : le retour au

centre est donc un synonyme de mort pour Yasmina

Khadra.

Or, par bien des traits, l‘auteur s‘identifie à ces

personnages : comme les jeunes villageois dans Les

Agneaux du seigneur, il a publié ses romans dans

l‘anonymat : il faisait partie de la société et n'en faisait

pas partie, en même temps. Il écrivait alors que l‘armée

le lui avait interdit, et recevait des prix alors qu‘il était

exclu du cercle littéraire. Il est donc dans une position

analogue à celle des jeunes villageois qui agissaient

dans la clandestinité.

Rejeté par le cercle littéraire et l‘armée où il exer-

çait comme officier, Yasmina Khadra fait pénétrer dans

l‘enceinte des deux institutions son propre cheval de

Troie : c'est son pseudonyme qui lui a permis de péné-

trer dans l‘enceinte interdite en gardant l‘anonymat.

Et finalement, parce qu‘il a osé toucher à des su-

jets tabous, parce qu‘il a décrit une crise aussi violente

que celle qu‘a vécue l‘Algérie, parce qu‘il a mis en

scène et légitimé en quelque sorte l‘acte d‘un kami-

kaze, il a été condamné à l‘errance, rejeté par les siens,

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accusé de plagiat et rejeté par les jurys français qui

l‘ont toujours écarté de la liste des Goncourt.

Cependant, le climen de la paratopie ne se trouve-

t-il pas dans sa fonction actuelle et institutionnelle de

directeur du Centre culturel algérien à Paris ? Ce

« centre » n‘est-il pas un lieu paratopique par excel-

lence ?

Bibliographie

Dominique Maingueneau, Féminin fatal , Paris, Des-

cartes & Cie, mai 1999.

Jean Luc Drouin, « Yasmina Khadra se démasque » ,

in Le monde du 11 janvier 2001.

Dominique, Le discours littéraire, paratopie et scène

d’énonciation, Armand Colin , 2004.

Yasmina Khadra, Les Agneaux du Seigneur, 1998, Jul-

liard (Pocket 1999), Paris .

Yasmin Khadra, À quoi rêvent les loups, 1999, Julliard

(Pocket 2000).

Yasmina Khadra, L'Écrivain, 2001, Julliard (Pocket

2003).

Yasmina Khadra, L'Imposture des mots, 2002, Julliard

(Pocket 2004).

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Mahdi Fatéma-Zohra

Université d’Oran

La sémiotique dans l’œuvre dramatique Eloisa esta

debajo de un almendro

Résumé :

Réaliser une analyse de la typologie des signes

dans le discours de l‘œuvre dramatique " Eloìsa está

debajo de un almendro " ; nous permet d‘abord de si-

gnaler que" le discours" est certes un ensemble de

phrases qui permet aux individus d‘échanger des idées

et des opinions dans des différents domaines ; mais il

n‘est pas que cela. Il est aussi un fait complexe car, il

existe plusieurs types de discours : discours politique,

scientifique, journalistique, religieux, etc.

Nous rappelons que notre analyse se base sur

l‘analyse d‘un discours de type théâtral qui est consi-

déré selon Anne Ubersfeld :

" (…) comme cet ensemble de signes (verbaux et

non verbaux) qui se produit par la présentation et dont

le producteur est pluriel (auteur, metteur en scène, pra-

ticien divers, comédiens) ". (Anne Ubersfeld,

1993 :p136).

Dans la sémiotique théâtrale, le discours drama-

tique est considéré comme la forme purement orale : "

El texto dramático es un discurso oral en sentido escri-

to (…) es un forma escrita conv ersacional qui reprsen-

talo oral ". (M.Issacharoff, citée par Patrice Pavis,

2002: p16).

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Nous proposons d‘analyser la typologie des signes

du discours, c‘est-à-dire, les signes verbaux et non ver-

baux. En introduction nous définirons le discours en

général, avant d‘aborder le discours théâtral.

Nous nous intéresserons, ensuite, à la construction

du discours à partir des signes dans l‘œuvre dramatique

citée.

Mot clés :

Analyse – discours – signes – théâtre - comédie

Pour réaliser une analyse du discours sémiotique,

il est important d‘abord de définir ou de passer par

l‘explication de ces deux concepts : discours et sémio-

tique.

Le discours correspond à l‘énonciation dans la-

quelle se manifeste la présence de celui qui parle. Pré-

cisément, la présence du sujet, de ses sentiments et de

ses idées. Pour Jacques Fontanille (Jacques Fontanille,

2003 : p27) :

" Le discours est une énonciation en acte :

l‘instance de discours n‘est pas automate qui exerce

une capacité de langage, mais une présence humaine,

un corps sensible qui s‘exprime ".

C‘est-à-dire, que le discours c‘est une énoncia-

tion, un produit consommable par le lecteur et / ou ré-

cepteur. D‘une autre manière, le discours se considère

comme un acte de communication qui se base sur la

production de l‘énonciation de manière organisé qui se

développe de la manière suivante :

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Qui parle ?

Où ?

A qui ?

Et comment ?

On peut dire aussi que le discours est une prise de

parole qui implique la présence d‘un émetteur et d‘un

récepteur dans une situation donnée, c‘est une simple

transmission du langage dans des différente situations ;

d‘un auteur au lecteur dans le contexte de la lecture ou

d‘un acteur a un publique dans le contexte de la repré-

sentation. Todorov disait à cet effet (T.Todorov, 1981 :

p132):

" Il existe un narrateur qui relate l‘histoire et il y a

en face un lecteur qui la perçoit. A ce niveau ne sont

pas les événements qui compte mais la façon dont le

narrateur nous fait connaitre ".

Par ailleurs, le discours théâtral est considéré

comme un ensemble de messages réalisés par l‘auteur

de l‘œuvre : le dramaturge. L‘ensemble de signes lin-

guistiques (verbaux) et extralinguistiques (non ver-

baux) de la représentation structuré par le metteur en

scène, techniciens et interprètes (acteurs).

C‘est-à-dire, que le discours théâtral s‘élabore a

travers deux contextes ; dans le texte comme durant la

représentation (donc un contexte écrit et autre raconté).

Dans le monde théâtral se distinguent deux niveaux de

discours :

1.Discours verbal :

1.1.Discours de l‘auteur : le texte (accotassions)

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1.2.Discours des personnages : le dialogue

2. Discours non verbal : les gestes, les décors, les

lumières, les vêtements, etc.

Nous observons que le discours théâtral se com-

pose d‘une double énonciation, Pavis la mentionne en

disant (Patrice Pavis, 2002 : p137)

" La enunciación es asumida a dos niveles esen-

ciales: en los discursos individuales de los personajes,

y en el discurso globalizador del autor ".

En seconde partie, nous définissons la sémiotique

comme la science qui étudie tous les signes (linguis-

tique, iconique, sonores) dans tous les systèmes.

Par apport à la sémiologie théâtrale, c‘est une mé-

thode d‘analyse du texte et de la représentation. Saus-

sure afirme que la sémiologie (Ferdinand de Saussure,

2002: p 410):

" Una ciencia que estudia la vida de los signos en

el seno de la vida social…nos ensenarìa en qué con-

siste los signos, que leyes les rigen ".

Nous remarquons que la relation entre la sémio-

logie et le théâtre se base sur l‘étude des différents

signes qui existent dans le texte dramatique, parce que

généralement toute œuvre dramatique est constituée

d‘un ensemble de signes qui se présentent de manière

différente à travers le texte ou la représentation.

Nous vous proposons d‘analyser la typologie des

signes dans l‘espace communicatif ou dans le contexte

de la représentation, qui permettent aux personnages

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(acteurs) d‘échanger des idées, d‘exprimer les opinions

et les sentiments de l‘histoire dramatique.

L‘histoire est développée à partir de deux types de

signes distincts et complémentaires :

1. Signes Verbaux :

Le dialogue :

Qui est la conversation entre deux ou plusieurs

personnes, entre un «Je » et un « Tu ». Pavis-

dit (PatricePavis, 2002: p 125):

" conversación entre dos o más personajes; el dia-

logo dramático es generalmente un intercambio entre

un‘‘ yo‘‘ locutor y un ‗‘tu‘‘ auditor ".

Dans le même sens, Emile Benveniste confirme:

(E.Benveniste, 1996 : P29) :

" Il faut entendre le discours dans sa plus grande

extension: toute énonciation supposant un locuteur et

un auditeur et chez le premier l‘intention d‘influencer

l‘autre en quelques manières ".

Pour cela," le texte dialogal se présente comme

une interaction entre deux partenaires ". (Georges-Elia

Sarfati, 1997: p83)

Dans le domaine du théâtre, Pavis précise que le

dialogue se considère comme " la forme unique de dis-

cours ". (P .Pavis, 2002: p 125):

" El diálogo y el discurso son las únicas acciones

de la obra: es el acto de habla, de enunciar frases, lo

que constituye una acción performativa ".

Cependant, il existe deux types de dialogue:

1.1.1. Dialogue dramatique : (expression sonore),

c‘est la conversation au présent ; les paroles des per-

sonnages.

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Dans notre texte dramatique ce type de dialogue

se trouve dans les conversations des personnages prin-

cipaux.

" Fernando et Mariana " comme chez les person-

nages secondaires, par exemple, dans le dialogue entre

Mariana et Fernando.

Exemple: (p.89, acto I)

Fernando: ¡eres para mí una cosa tan solida y esta

tan adatada mi corazón!

Mariana: como tú…

Fernando: Reunirme contigo…tenerte al lado, mi-

rarte, es una obsesión que no me da tregua.

Mariana: A mi ocurre igual, suspiro por hablarte,

por verte y por tenerte al lado

1.1.2. Dialogue narratif : Consiste à résumer les

dialogues des interlocuteurs. Ce dernier se présente en

forme narrative. Comme dans le premier acte dans

notre œuvre (p.85, acte I)

(…En este instante el armario se abre…comienza

abrirse lentamente…Mariana lo ve y se levanta dando

grito)

2.1.Les didascalies:

Alain Courprière définit le texte théâtral comme

suit (Alain Courprière, 1991 :p7) :

" …un texte théâtral (…). Il se comporte de deux

parties distinctes, mais indissociables : le dialogue et

les didascalies. (…) la distinction du dialogue et des

didascalies touchent ainsi à la question fondamentale

en linguistique du sujet de l‘énonciation :-Dans le dia-

logue, c‘est le personnage (à jamais différent de

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l‘auteur) qui parle ;-Dans les didascalies, c‘est le dra-

maturge lui-même".

Ce concept est utilisé par Anne Ubersfeld qui dit

(A.Ubersfeld, 1978 : p26) : " La part textuelle dont

l‘auteur est sujet ".

Effectivement, les didascalies sont considérées

aussi comme un signe verbal, généralement, se trouve

entre parenthèse y contiennent, par exemple : noms et

états des personnages, indication des rentrées et des

sorties, descriptions des lieux, etc.

Le dramaturge utilise les didascalies pour faciliter

au lecteur la compréhension de l‘histoire.

Dans la sémiologie théâtrale des didascalies, on

peut distinguer deux types de didascalies.

2.1. Didascalies de l‘intention: se basent sur l‘état

physique et psychologique des personnages de

l‘œuvre.

Dans notre corpus, " Eloísa está debajo de un al-

mendro ", Poncela utilise ces dernières pour nous pré-

senter des descriptions très détaillées, par exemple, du

personnage principal Mariana car il dit (Eloísa está

debajo de un almendro, 1969: Prólogo, p36)

(… ese alguien es Marina, una muchacha de

veinte o veintidós años, elegante, viste de un traje de

noche precioso.)

Didascalies d‘action: se basent sur les actions

Réalisées par les personnages.

Exemple : (Prólogo, p.34)

(Sigue cuchicheando a través del pasil-

lo…aparecen los espectadores 1° 2° y 3° y un poco

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nerviosos, con los cigarrillos encendidos y mirando

hacia atrás.)

Il est nécessaire de signaler, que dans le contexte

de la représentation ces didascalies qui sont écrites par

le dramaturge aident l‘acteur dans la mise en scène

pour interpréter le personnage de la fiction (du texte).

Signes non verbaux :

La deuxième partie de notre analyse, c‘est les

signes non-verbaux qui sont : les gestes, les lumières,

les décors, l‘objet, le son, etc. Dans le contexte textuel,

comme dans le contexte de la représentation ces der-

niers jouent un rôle très significatif.

Parlons de la lumière ; on peut dire que ce signe

existe dès le début de l‘histoire (dans le premier acte

comme dans les deux actes) ; notre dramaturge consi-

dère la lumière comme un décorateur du texte et aussi

de la représentation.

En premier lieu, nous voyons la présence de la

lumière dans les didascalies,

(…el hallarse de nuevo (el telón) la luz empieza el

prólogo, p, 23)

Existe aussi la lumière des voitures,

Fernando: (entrando) apaga las luces del coche…

Dimas: Si señor, (se va por el tercero izquierda. Apoco

se apagan los foros que advertían del ventanal).

Nous signalons que la lumière joue un rôle très

important, Pavis confirme que (P.Pavis, 2002: p242)

" La luz interviene en el espectáculo; no simple-

mente decorativo sino que participa en la produc-

ción del espectáculo. Sus funciones dramatúrgicaso

semiológicas sin infinitas: iluminar o comentar unaac-

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ción, aislar a un actor o un elemento del escenario, fa-

cilitar la lectura de la puesta en escena, especialmente

en lo que concierne la evolución de los argumentos y

de los sentimientos ".

3.1. Les gestes: Les dramaturges utilisent ce type

de signe, qui est le geste, pour compléter ce que la pa-

role ne peut pas exprimer ou pour la complémenter. Le

geste du personnage permet de développer les actions

de l‘histoire. Artaud dit (Artaud, citée par P.Pavis,

2002: p224): " un nuevo lenguaje físico a base de si-

gno, y no de palabra ".

Car dans le contexte de la représentation, le geste

de l‘acteur est aussi important que son visage, Pour

Alexandre Astruc, exprime mieux la personnalité d‘un

individu que la parole qui a tendance a masqué.

Citons quelques exemples des gestes ;

Gestes d‘amour : entre Mariana et Fernando, les

gestes de mains.

Fernando: (abrazándola)…y mis brazos y mis be-

sos.

Edgardo:(abriendo los ojos) no duermes, no,

acércate.

Edgardo: …Tu voz que esta siempre dentro de

mi… (La coge una mano)

Gestes de joie:

Mariana: (sonriendo celestialmente a Fernando)

Clotilde: (con una sonrisita) ¿qué Fermín te gusta

el aspecto de tu nueva casa? Notre dramaturge utilise

aussi des expressions qui expriment la joie:

Clotilde (con satisfacción)

Edgardo (contento a Fermín)

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Mariana (leventarse rápidamente y reuniéndose

con él…con una alegrìa)

Gestes de tristesse:

Dans le texte, il existe plusieurs signes de la tris-

tesse ; mais le plus significatif se trouve à la fin de

l‘histoire, lorsque les deux familles Briones et Ojeda

découvrent que " Eloísa ", la mère de Mariana a été

tuée par sa belle-sœur Micaela et enterrée par son mari

Edgardo sous un amandier.

Exemple: (Acto II, pp.171, 172)

Dimas (a Edgardo) expliquausted ¿Estaba ya loca

entonces o la volvió loca el crimen?

Edgardo: lo estaba ya, lo estuvo siempre…en esa

puerta del jardìn…me alcanzo por detrás, Micaela y,

sin palabras previas y sin que me diera tiempo para evi-

tarlo…antes de amanecer, para dejarlo todo en la im-

punidad, di tierra a Eloísa debajo del almendro, donde

ella sola sentarse a bordar y donde una tarde había pin-

tado su retrato.

Le dernier signe de notre analyse c‘est le son qui

peut être réalisé à partir de la musique, hauteur de voix

ou des bruits.

Son de la radio:

Exemple: (Acto I, p.68)

(Durante unos momentos, Edgardo borda y fuma

tranquilamente; la radio instalada al lado de la cama,

toca una música de aire romántica…)

Mariana (dando un grito) AY

Le son est fondamental dans l‘organisation de

l‘histoire de l‘œuvre ; L‘expression sonore se compose

de trois parties

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Les paroles des protagonistes : les dialogues qui

apparaissent dans la mise en scène ; les voix dans

"Eoísa está debajo de un almendro " c‘est les voix des

adultes.

Le bruitage : nous retrouvons à côté des bruits des

voitures, des objets et les hurlements de Mariana et

Fernando qui se disputent.

La musique : la musique occupe une place privi-

légiée dans la représentation de l‘œuvre, la musique de

la radio, la sonnette du téléphone et de la boite musi-

cale.

En effet, notre analyse nous permet de dire que

notre dramaturge Poncela a pu présenter au lecteur /

publique une histoire dramatique avec une typologie

des signes très variés "verbaux et non verbaux", mais

surtout la présence d‘une cohérence parfaite entre ces

derniers qui aident le récepteur à comprendre l‘histoire.

A la fin, on peut dire que parler de discours sé-

miotique théâtral revient à la présence de ces deux

types de signes qu‘on a analysés; les signes verbaux :

dialogues et accotassions et signes non verbaux : lu-

mière, gestes et son.

Ensuite, pour comprendre mieux l‘histoire que

veut présenter le dramaturge; il est important de lire le

texte théâtral mais surtout être présent pendant la pré-

sentation de cette dernière. Car une œuvre dramatique

est réalisée pour être présentée devant un publique.

" Teatro. (Del lat.Teheatrum (…) Edificio o sitio

destinado a la representación de obras dramáticas o a

ortos espectáculospúblicos propios de la escena". (Real

Academia española, 1990: p.100)

Bibliographie :

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Alain Courprière. (1991), Le Théâtre, Texte, Drama-

turgie, Histoire, Paris, Ed Nathan.

Benveniste Emile. (1996), Probleme de linguistiquege-

nerale, Paris, Ed Gallimard.

Bobes Naves Maria del Carmen. (1976), La semiótica

como teoría lingüística, 2nda

edicion, Madrid, Ed Gre-

dos.

Diccionario de la Real Academia Espanol. (1990), Ma-

drid, Ed Espasa Calpe S,A.

Fontanille Jacques. (2003), Sémiotique du discours,

France, édition Romaniée.

Heblo André.(1975), Sémiologie de la représentation

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SELKA Nadjiba

Université d’Oran

La littérature de l’émigration comme contexte

d’émergence

Résumé

Aucune œuvre littéraire ne peut être appréhendée

en dehors du contexte qui l‘a vue naître, c‘est pour

cette raison que la notion de contexte revêt un caractère

important du moment qu‘elle nous permet d‘interpréter

une œuvre, car là où le discours dit, le contexte le véri-

fie. C‘est dans ce cadre que nous nous proposons

d‘approcher la littérature de l‘émigration ou littérature

« beur » en tant que contexte d‘émergence en tenant

compte de l‘historicité de ses textes et de leur réception

liées aux attentes des lecteurs et aux façons dont les

auteurs ont anticipé sur celles-ci. Cette littérature a-t-

elle soulevé des problématiques pertinentes depuis son

apparition en 1983 ? A-t-elle dynamisé des méca-

nismes d‘écriture appelant à la réflexion ? C‘est à ces

interrogations que nous tenterons de répondre en nous

appuyant sur l‘étude du roman de Mehdi Charef « Le

harki de Merièm ».

Mots-clés Contexte, littérature, émigration, émergence, recon-

naissance, créativité, critiques

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L‘écriture de l‘émigration maghrébine, appelée

communément et par raccourci pas toujours inspiré,

littérature « beur », désigne les écrits des émigrés nord-

africains de la deuxième génération, nés Français ou

ayant vécus depuis leur prime enfance en France.

Ne nous attardons pas sur sa définition puisque les

définitions abondent et ne convergent pas vers une

seule catégorisation. D‘ailleurs Charles Bonn atteste

dans ce cadre qu‘« aucune définition ne s‘avère satis-

faisante1», et la situer n‘est pas non plus des tâches

aisées.

En effet bien qu‘elle soit produite dans un espace

français et en langue française, elle puise suffisamment

dans une réflexion truffée d‘influence arabo-berbère,

de ce fait elle ne s‘identifie aucunement à la littérature

française mais elle est plutôt proche de la littérature

maghrébine. Pourtant elle n‘est ni dans la continuité ni

dans la complémentarité mais dans une forme

d‘indépendance puisqu‘elle soulève des problèmes in-

hérents uniquement à la communauté émigrée. Elle

vise cependant un public français dans la mesure où

elle rend compte de la situation des jeunes Français

d‘origine maghrébine dans la société française contem-

poraine. Un critère qui ne lui permet aucunement d‘être

adoptée par la littérature française. Elle demeure donc

jusqu‘à nos jour inclassable, ce qui ne nous empêche

pas de faire un tour d‘horizon.

Les écrivains de la littérature de l‘émigration,

dont on peut citer en exemple Mehdi Charef, Azouz

1 www.limag.ref.org/Textes/Bonn/Emig.Tunis.Gafaiti.htm.

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Begag, Akli Tdjer, Farida Belghoul se sont posés

comme les portes voix de leur communauté en évo-

quant à travers leurs œuvres les différents problèmes

relatifs à la condition sociale, économique et mémo-

rielle des leurs. Un appel, un besoin, plutôt une ur-

gence a poussé chacun d‘eux à rendre compte du vécu

difficile de cette frange de la société marginalisée.

Faisons une halte pour examiner l‘œuvre de Meh-

di Charef que nous considérons comme le précurseur

de cette littérature puisque c‘est avec la parution de son

roman en 1983 « Le Thé au harem d‘Archi Ahmed »,

que la littérature beur voit le jour. Un roman qui ren-

contra un grand succès car y sont soulevés, pour la

première fois d‘une manière crue et abrupte des ques-

tions sur le racisme, le chômage, le conflit de généra-

tion et la crise identitaire. Ce récit que Charles Bonn

considère comme texte fondateur a dénoncé

l‘intégration comme étant un leurre. Un roman qui a

boosté le schéma classique de l‘écriture en raison de

l‘absence d‘un héros central, à l‘image de la crise iden-

titaire de la communauté émigrée qui se trouve sans

repère. Un texte sur lequel se sont penché beaucoup de

critiques pour sa valeur documentaire en tant que re-

cherche d‘une identité. Il sera quelques années après

adapté au cinéma. Six ans plus tard, cet auteur, adepte

de sujets graves se penche sur un autre drame celui des

enfants de harkis. Il publie alors son deuxième roman «

Le harki de Meriem » à travers lequel il expose les dif-

ficultés que rencontre cette génération pour se réappro-

prier une identité dépourvue des clichés négatifs dont

sont taxés leurs parents. Une génération aux abois car

doublement rejetée.

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Ce roman lié à l‘histoire de la colonisation de

l‘Algérie et de ses répercussions, en aval sur la société

algérienne a rompu avec la perspective classique qui

s‘est imposé, à savoir raconter la révolution du peuple

algérien sous ses angles les plus variés. Il annonce une

vieille expérience existentielle qui a ébranlé l‘ordre

établi mais qui a été longtemps passée sous silence, car

les institutions officielles voulaient par ce mutisme tuer

et déshumaniser l‘acteur principal de cette expérience

qui a sali les mémoires, à savoir le harki.

Ce roman à thèses, inscrit le harki dans sa quête

absolue pour exister, indépendamment de la charge

historique dont il a été affublé. Le texte ne le présente

pas comme celui qui a trahi son pays, mais simplement

comme un homme qui cherche à se faire une place. A

aucun moment il n‘est question de l‘incidence de la

France, ni de la révolution dans le cheminement de

l‘existence de cet homme. Il n‘a jamais été ni pour la

France ni pour L‘Algérie.

Ce récit qui représente une alternative entre ce

que raconte l‘Histoire officielle des deux côtés de la

Méditerranée et ce qui subsiste dans l‘imaginaire so-

cial, a voulu casser les stéréotypes tenaces et mutilants

qui ont longtemps stigmatisé cette communauté. En

effet, en proposant une modification de la représenta-

tion du harki et en le faisant passer du statut de traître à

celui de victime, ce texte contribue à lever le voile sur

certains pans noirs de l‘histoire de la guerre d‘Algérie

et tend du coup à apaiser les rancœurs. Il s‘inscrit dans

une notion de modernité de l‘écriture sur le plan thé-

matique et nous révèle une nouvelle idéologie : celle

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des écrivains issus de l‘émigration qui n‘hésitent pas à

casser certains tabous et vont jusqu‘à remettre en ques-

tion l‘Histoire, tout en proposant une autre pensée du

monde. L‘image du harki que propose l‘auteur dans

son livre détruit, celle traditionnelle, héritée de la mé-

moire collective et des instances révolutionnaires. Ce

roman apporte une innovation du moment où on ob-

serve un grand investissement dans le personnage.

L‘auteur a donné à travers son récit une épaisseur hu-

maine et psychologique au harki qui a servi comme

assise d‘une construction d‘un personnage nouveau. Le

propos du roman est la réhabilitation de ce personnage,

il en découle une représentation corrigée, rénovée et

positivée. Une nouvelle définition du harki est ainsi

proposée par l‘auteur et fait de ce roman, un roman à

personnages.

Parmi les stratégies textuelles dont a usé

l‘écrivain, un mécanisme de déconstruction de l‘image

stéréotypée est perceptible dans la mesure où tous les

harkis compagnons du personnage principal et considé-

rés comme des avatars de ce dernier, finissent par mou-

rir. Une mort programmée par le narrateur, pour justi-

fier le processus de démarcation de ce harki, le survi-

vant, de ses autres compagnons. Au-delà de cette duali-

té de vie et de mort, c‘est l‘image de reconstruction qui

prend forme et qui inscrit le personnage clé dans le

moule de la rectitude, c‘est-à-dire la réhabilitation de

ces gens. Le romancier à travers ce processus de dé-

construction et de reconstruction a réussi à défigurer »

l‘image classique du harki et a donné le jour à un nou-

veau type de personnage : un personnage surnuméraire

par rapport à son monde.

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Ce roman novateur dans la mesure où il a cassé un

tabou puisque le personnage principal est un harki, a

participé à interroger l‘Histoire sur un sujet où tout n‘a

pas été dit et à la réécrire, en tenant compte du point de

vue des vaincus et des laissés pour compte. Un roman

prétexte pour faire parler l‘autre facette de l‘Histoire,

celle qui n‘a pas eu l‘occasion de donner sa version des

faits. En la remontant à travers les yeux d‘un vaincu,

Mehdi Charef a soulevé des points restés dans l‘ombre

anonyme de l‘Histoire pour réactualiser le présent. Ce

qui nous permet de dire que ce récit s‘inscrit dans une

littérature émergente puisqu‘il appelle à la réécriture de

L‘Histoire et introduit une nouvelle dimension sociale

où la société française pourra se réconcilier avec elle-

même en reconnaissant ses torts.

En effet Mehdi Charef a rendu compte du désarroi

de la communauté harki qui souffre d‘un double exil et

rejet, d‘une part, la communauté algérienne émigrée et

d‘autre part, les Français qui se sont servi d‘eux et

n‘ont pas tenu leurs promesses. Et puisque la société

du texte est l‘ombre de la société de référence, ce récit

a permis de dévoiler la relation houleuse qu‘entretient

les harkis et leur descendance avec les deux autres

communautés, une matière à penser et à méditer en vue

de débattre de ces écrivains beurs et de leurs œuvres..

De là nous pouvons dire que ce roman prête à réflexion

et qu‘il s‘inscrit dans une littérature qui émerge

puisque la teneur de son écriture insuffle au texte sa

valeur de parole dans le sens ou l‘entend Roland

Barthes :

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« L‘écriture est une fonction : elle est le rapport

entre la création et la société, elle est le langage trans-

formé par sa destination sociale, elle est la forme saisie

dans son intention humaine et liée ainsi aux grandes

crises de l‘Histoire. »1 (Michel Laronde, 1995: 30)

Ces deux premiers romans de Mehdi Charef ca-

ractérisés par une pertinence thématique et textuelle

ont ouvert le bal à une profusion de récit s‘inscrivant

dans la littérature de l‘émigration et où se sont distin-

gués beaucoup de jeunes écrivains dont le plus proli-

fique est Azouz Begag. Une littérature émergente qui a

été le sujet à de nombreux colloques dont le premier fut

tenu en France à l‘université Paris-Nord et présidé par

Charles Bonn, onze ans après sa parution, c‘est-à-dire

en 1994. S‘en sont suivis des dizaines de travaux de

recherches et de critiques des deux côtés de la Méditer-

ranée. Des chercheurs ont en même fait leur spécialité

à l‘instar de Michel Laronde, Charles Bonn, Habiba

Sebkhi et Hafid Gafaiti. Ce qui nous permet de re-

joindre la réflexion de Isaac-Célestin Tcheho et de dire

concernant les textes littéraires maghrébins et migrants

La littérature est bien un atelier de travail parce

que les textes sont des lieux de ressourcement et

d‘intense stimulation de l‘aptitude à inventer, expéri-

menter, expliquer, commenter des lois de composi-

tions. 2 (Isaac-Célestin Tcheho, 1999 : 199)

1 Michel Laronde (1995) « Stratégies rhétoriques du discours décentré. » In

Littérature des immigrations, vol. 2 Isaac-Célestin Tcheho (1999) « Les paradigmes de l’écriture dans dix

œuvres romanesques maghrébines de langue française » in Itinéraires et contacts de cultures. Volume 27. Paris, éd. L’Harmatan, p. 199

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Les textes de cette littérature ont été inclus à

l‘étude dans certains programmes de collèges et même

d‘universités, pas seulement en France, mais en Alle-

magne, en Autriche et en Suisse également. Une re-

connaissance politique qui a mis sur orbite ces écri-

vains beurs, porte-voix de leur communauté et mené

vers le chemin de la réhabilitation, ce qui leur a permis

d‘être présents sur la scène médiatique et politique

française pendant quelques années. Une reconnaissance

politique qui a valu à Azouz Begag le poste de ministre

délégué à la promotion de l‘égalité des chances sous la

présidence de Jacques Chirac.

Cette introduction de textes de l‘émigration dans

les programmes scolaires a été conséquente pour le

problème de l‘intégration et la crise identitaire, elle a

permis à l‘élève « beur » la reconnaissance de soi par «

l‘autre » c‘est-à-dire le Français de souche. C‘est

l‘occasion pour lui de se faire une place, de retrouver

une légitimité au sein de la classe, de prendre confiance

en lui-même pour une affirmation de soi, Armelle

Crouzières-Igenthron le souligne en reprenant les dires

de Begag, « Pour Begag, le roman « beur » joue un

rôle pivot à l‘école car il assume une fonction pédago-

gique essentielle. Il permet de pénétrer dans les do-

maines privilégiés et élitistes de la littérature et de

l‘écrit :

« Il assure la fonction d‘un marchepied vers une

littérature plus universelle ». (…) »1. (Hafid Gafaiti,

1 Hafid Gafaiti. « Azouz Begag ou l’écriture et l’intervention sociale. » In

Expression maghrébines, vol 1, n°2. éd du Tell, 2003, p 98. Citant Crouzières-Igenthron, Armelle (2001) « A la recherche d’une voix/voie : la Marche des ‘Beurs’ dans l’écriture», Paris. L’Harmatan

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2001 : 98) Cette présence de textes beur dans les insti-

tutions scolaires apermis de briser le mur infranchis-

sable de l‘exclusion, la mission de l‘écrivain beur, celle

de promouvoir ses revendications identitaires et cultu-

relles est réussie. Un mouvement élan est ainsi créé par

cette littérature émergente.

Plusieurs prix ont été décernés à ces écrivains, at-

testant de leur contribution dans les cercles littéraire,

sociale et même politique, Azouz Begag en est le par-

fait exemple , il reçut deux prix en 1987, le Prix du

Meilleur Roman décerné par l‘association des journa-

listes suivi par le Prix Sorcières pour le livre de jeu-

nesse ainsi que le Prix de Radio Beur en 1989. En mars

2002 un colloque international est organisé autour de

son œuvre aux Etats unis. Quant à Mehdi Charef il

remportait en 1986 le césar de la meilleure première

œuvre ainsi que le prix Jean Vigo. C‘est dire

l‘engouement et l‘intérêt portés à cette jeune littérature.

Ces distinctions ne font que confirmer

l‘émergence de cette littérature et attestent qu‘elle est

un atelier de créativité, qu‘elle existe et sa critique aus-

si. Les colloques et les critiques organisés autour con-

firment cette émergence, mais également sa vitalité et

sa puissance.

Bibliographie www.limag.ref.org/Textes/Bonn/Emig.Tunis.Gafaiti.

Michel Laronde (1995) « Stratégies rhétoriques du dis-

cours décentré. » In Littérature des immigrations,

vol.1. Un espace littéraire émergent, Paris. Ed

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L‘Harmatan.P, 30 Citant Roland Barthes, Le degré zé-

ro de l‘écriture. Paris, éd. Seuil, 1953 et 1972

Isaac-Célestin Tcheho (1999) « Les paradigmes de

l‘écriture dans dix œuvres romanesques maghrébines

de langue française » in Itinéraires et contacts de cul-

tures. Volume 27. Paris, éd. L‘Harmatan,

Hafid Gafaiti. « Azouz Begag ou l‘écriture et

l‘intervention sociale. » In Expression maghrébines,

vol 1, n°2. éd du Tell, 2003, p 98. Citant Crouzières-

Igenthron, Armelle (2001) « A la recherche d‘une

voix/voie : la Marche des ‗Beurs‘ dans l‘écriture», Pa-

ris. L‘Harmatan

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HAMMOUCHE- BEY OMAR Rachida

Université d’Oran

L’Espagne des années 50 et 60 à travers deux romans

de Luis Pérez Romero : La Noria et La Corriente

Résumé

De 1950 à 1960, l‘Espagne en proie à une grave crise

politique, économique et sociale ponctuée par des dé-

passements de toutes natures a du mal à redresser sa

situation. Les généraux Emilio Mora et Francisco

Franco sont les maîtres d‘un pays qui ploie sous le

joug de la dictature et de l‘autoritarisme. La misère, la

faim, la corruption et la terreur règnent dans toutes les

contrées espagnoles.

Luis Pérez Romero, écrivain espagnol de la post guerre

écrit à ce sujet deux romans intitulés La Noria (1952)

et La Corriente (1962) qui retracent la vie des barcelo-

nais de couche moyenne durant ces deux périodes cri-

tiques. La structure des textes est basée fondamentale-

ment sur une somme d‘êtres que configure une noria

humaine de 37 personnages dans la première œuvre et

de 40 dans la seconde. Chacun est un éco de la situa-

tion de l‘Espagne. Luis Romero nous fait traverser ces

deux périodes tout en insistant sur la bouffée

d‘oxygène salvatrice et tant espérée que le tourisme a

su renvoyer. Après les années de braise enfin l‘espoir

s‘installe avec l‘ouverture des frontières.

Durant la décennie 50, comme partout ailleurs

dans le monde, l‘Espagne peine à redresser sa situation

économique, sociale et culturelle. En ces années de

perturbations et de bouleversements, la littérature de-

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vait accomplir la fonction et la mission d‘informer le

lecteur de manière subtile des réalités tels que les jour-

naux et les revues n‘osaient aborder. Les romanciers de

l‘époque tels que Camilo José Cela, Luis Pérez Rome-

ro, Rafael Sanchez Ferlosio ont su braver la censure

par les nouvelles techniques littéraires et faire passer

des messages que seul un lecteur averti pouvait déco-

der. Les diverses censures comme instrument répres-

seur étaient les premières représailles de la dictature

imposée par le régime Franco. Tout est passé au crible

et rien n‘est laissé au hasard autant le cinéma, la radio,

la presse que la littérature. Les artistes se voient obligés

aux pires restrictions créatives. Le régime de Franco

contrôle la vie des espagnols afin d‘éviter toutes cri-

tiques défavorables au pouvoir installé par la force.

Tout se murmure mais personne n‘ose s‘exprimer. La

junte de la censure composée de femmes au foyer, de

militaires, d‘ecclésiastiques et même d‘écrivains faisait

régner dans les grandes villes, telles que Madrid et

Barcelone, le silence et la peur. La violence et la ré-

pression sont les condamnations imposées par le ré-

gime. Le pouvoir de Franco est totalitaire car il est à la

fois chef d‘Etat et chef du gouvernement.

En 1951, Luis Pérez Romero publia en exil, à

Buenos Aires La NoriA1, roman audacieux qui retrace

la vie des espagnols et précisément des barcelonais de

cette période critique. Cette œuvre primée par El Na-

1 La Noria : mot arabe qui selon le dictionnaire de La Real Academia

Española (R.A.E.) est une machine composée d’une roue horizontale tirée par des chevaux qui a pour fonction de transporter l’eau d’une partie du fleuve vers une autre. Son rôle essentiel est d’irriguer les champs.

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dal,1 l‘année même de sa parution, retrace en une unité

de temps réduite, soit 24 heures, la vie de 37 person-

nages que l‘auteur a su articuler en 37 chapitres. La

forme kaléidoscopique et ouverte est représentée par

un ensemble de micro récits évoquant la ville de Barce-

lone des années 50. Evidemment le roman fut dans un

premier temps censuré puisqu‘il dénonçait la vie des

travailleurs à l‘usine, la fabrique, l‘atelier, l‘hôpital...

La censure n‘a pas admis l‘édition de ce livre lui re-

prochant de s‘être aussi étalé sur des femmes prosti-

tuées tels que Dorita et La Trini, et d‘avoir évoqué une

maladie cachée et honteuse : la syphilis. Le comité de

lecture avance les raisons suivantes: l‘infidélité est

considérée comme immorale, inacceptable et punie par

l‘église et la société2. La phrase phare des censeurs est

Creo que su lectura puede resultar francamente perni-

ciosa para una gran mayoría de lectores3.

Le roman a eu néaumoins la possibilité d‘être édi-

té et vendu avec comme mention : Puede publicarse4

confortant les romanciers de l‘avant-garde littéraire.

Nous pensons à des auteurs comme Pio Baroja, Azorín,

Ana María Matute, Miguel Delibes etc. qui ont décidé,

après un relâchement du pouvoir, de proposer à la lec-

ture leurs œuvres écrites pendant la guerre. 1 Prix Nadal remis à Barcelone pour récompenser l’écrivain révéla au lecteur

l’importance et le mérite de cette œuvre durant les années 50. Le prix Eugenio Nadal, instituée par la revue « Destino » de Barcelone en 1944 en hommage à son fondateur est un des plus anciens de l’Espagne du XX siècle. 2 Expédient N° 528-52 du 28-01-52.

3 En traduction personnelle par : je crois que sa lecture peut résulter

franchement pernicieuse pour une grande partie des lecteurs. 4 Álamo F. F. (1966), La novela social española, conformación ideológica,

teoría y crítica, España, Servicio de la Universidad de Almería. p. 79-107. En traduction : Peut être publié.

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Quant au second roman paru en 1962, La Cor-

riente1 et qui continue l‘aventure de ces personnages

dans la même ville de Barcelone, en utilisant la même

unité de temps soit 24 heures, il ouvre d‘autres hori-

zons de la littérature : comme Tiempo de Silencio2 de

Martín Luis Santos, La Mina3 de Ferlosio Sanchez,

Cinco horas con Marío4de Miguel Delibes. C‘est le

temps de la rupture, tout en sachant que l‘Espagne est

passée par une période rude. Le critique Domenech

Ricardo déclare dans la revue Ínsula5, que 1962 inau-

gure un nouveau chemin de l‘écriture du roman6 qui

correspond en Europe et plus précisément en France à

l‘écriture du Nouveau Roman introduit par Alain

Robbe-Grillet7, considéré comme le chef de file, et Na-

thalie Sarraute8 qui propose des changements et rend la

lecture active, autorisant une réflexion approfondie sur

son existence culturelle.

Le paratexte des œuvres considéré comme un dis-

cours proposé par l‘auteur du roman est le premier

élément révélateur de la situation de l‘Espagne. Dans le

roman de La Noria, les titres choisis par l‘auteur tels 1 En traduction: Le courant.

2 Santos M. L. (1962), Tiempo de Silencio, Barcelona, Seix Barral. En

traduction: Temps de silence. 3 En traduction: La mine

4 En traduction: Cinq heures avec Mario.

5 Ínsula : Revue des Lettres et des Sciences Humaines.

6 Domenech R. (1964) Luis Martín Santos. España: Ínsula, n° 208. p. 4.

7 Alain Robbe-Grillet, né le 18 août 1922 à Brest (Finistère) et mort le

18 février 2008 à Caen (Calvados) est un romancier et cinéaste français. Considéré comme le chef de file du nouveau roman. 8 Nathalie Sarraute, née Natalia (Natacha) Tcherniak à Ivanovo, en Russie, le

18 juillet 1900, et décédée à Paris le 19 octobre 1999, est un écrivain français d'origine russe. Avec Alain Robbe-Grillet, Michel Butor ou encore Claude Simon, elle est une figure de proue du courant du nouveau roman.

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que : Madrugada galante en traduction par Aube ga-

lante fait allusion à une prostituée, Je m’en fous pas

mal, chanson d‘Edith Piaf, autre prostituée qui débuta

sa carrière dans les rues de Paris, Historia proletaria,

Histoire prolétaire, traitant des mauvaises conditions de

travail des ouvriers d‘une fabrique, tout en passant

par Excursión alcohólica, Excursion alcoolique et Nau-

frago, naufrage, dévoilent par le choix polysémique des

mots de la rudesse de l‘époque et de la mal vie.

Un vent de renouveau a soufflé dans la deuxième

œuvre. Le choix des titres, souvent avec une connota-

tion d‘intertextualité, confirme le passage vers

l‘ouverture : El diálogo, Le dialogue, Al estilo ameri-

cano, Au style américain, Compás de esperanza, Au

rythme de l‘espérance, Louis Armstrong, qui interprète

la musique du blues américain, Alborada, L‘aube est

l‘incarnation du renouveau du changement

Aussi le style de l‘auteur dans son second livre a

changé comme se sont opérées dans le pays des trans-

formations concrètes que nous évoquerons.

Dans la première œuvre le monologue intérieur

est utilisé comme discours qui manifeste la mentalité

des barcelonais des années 50. Il semble spontannée et

garde une part de réel. Ce monologue permet à

l‘écrivain d‘exprimer ses sentiments refoulés et répri-

més et constitue un des fondements de l‘œuvre ainsi

que son armature structurelle. Edouard Dujardin

(1931 : 59) le définit comme un discours sans auditeur

composé de phrases directes réduites à une syntaxe.

C‘est au lecteur de décoder le langage proposé par

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l‘auteur et d‘aller chercher des explications au-delà du

mot. Suivant (Bobes Naves 1992 : 70)

El monólogo interior narrativo es una asociación

ilógica, absurda, y con cualquier expresión incorrec-

ta gramaticalmente, que tendría su justificación en

una clave exclusivamente personal, intuitiva, nunca

discursiva…1

Toujours dans le premier roman, et grâce à cette

technique, l‘auteur nous informe du traumatisme et des

séquelles que la Guerre Civil a causées dans les esprits

des habitants de cette grande ville qu‘est Barcelone. Il

adopte le rôle de transmetteur des réalités cruelles nous

offrant un récit comme étant sa propre confession. Ces

confidences restent toujours d‘actualité et permet au

lecteur d‘aujourd‘hui d‘avoir une réflexion ouverte sur

un sujet d‘un passé récent.

Cette période de trois années atroces qu‘a vécues le

pays est devenu une unité temporelle puisque l‘on parle

d‘un avant et après-guerre. Rien ne pourra effacer les

monstruosités et les cruautés du régime franquiste.

Dans La Corriente, les souvenirs et les évènements ré-

cents sont cités par les personnages acteurs du roman :

Mi madre murió en un bombardeo2 et No le había visto

desde la Guerra Civil. 3

Dans le premier roman, l‘allusion à la Guerre ci-

vile est arborée dans le monologue et le dialogue. Gal- 1 Bobes Naves del María Carmen, En traduction personnelle: Le monologue

intérieur narratif est une association illogique, absurde et quelque soit son expression grammaticale incorrecte il trouvera une solution exclusivement personnelle, affective, intuitive et non pas discursive. 2 La Noria p. 82.

3 Ibid. p. 120.

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lardo padre en parle comme étant des souvenirs atroces

qu‘il passa en prison: Pasó dos años en la cárcel: Pri-

mero en La Vidriera de Áviles…1

Alors que Doña Leoncia aurait préféré que son

époux meure durant la guerre afin de bénéficier d‘une

pension plus intéressante. Algunas épocas ha pensado

que si su esposo hubiera muerto en acción de guerra

cobraría el doble de la pensión.2 L‘après guerre a rendu

certaines gens cruelles et insensibles à la mort jusqu‘à

même la souhaiter à leurs proches.

Dans l‘œuvre de La Corriente, le dialogue consti-

tue le support des séquences et il fait partie du discours

révélateur de la situation de l‘Espagne. Au-delà du

paratexte, et de l‘unité de temps qui est l‘après-guerre,

ce sont les personnages femmes qui jouent un rôle ré-

vélateur de la situation de l‘Espagne durant cette dé-

cennie. L‘ensemble de leur portrait forme un tableau

saisissant, celui d‘un monde en marge, où s‘imposent

les restrictions, et la précarité. Luis Romero a su à

travers un style réaliste, sensibiliser le lecteur afin de

lui montrer que la prostitution a permis à certaines

femmes de sortir de cette crise et aussi de rebondir en

une bourgeoisie naissante. L‘exemple le plus marquant

est celui de Dorita qui change radicalement de statut et

passe de prostituée à propriétaire d‘une parfumerie re-

nommée de Barcelone. Aussi, pouvons-nous citer le

cas de La Trini (ancienne prostituée) qui achète une

maison qu‘elle loue et épargne de l‘argent à la Caja de

1 La Noria p.49. En traduction personnelle : Il séjourna deux ans en prison :

Premièrement à Vidriera de Áviles 2 Idem. p.210.En traduction personnelle : Quelque fois elle pensait que si son

mari serait mort durant la guerre ; elle percevrait le double de la pension.

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ahorros1 et pour son intégration absolue dans cette so-

ciété, elle marie sa fille à un futur émigré en Alle-

magne qui est la destination privilégiée des travailleurs

espagnols des années 60. Dans le contexte social de

l‘époque, ce sont ces types de femmes que nous appel-

lerons vainqueurs de la Guerre, de leur ancienne condi-

tion de vie et aussi de la société. L‘exode rural a été

aussi un facteur qui a poussé la femme à user de ce

que l‘on appelle le plus vieux métier du monde. Pour

une catégorie d‘entre elles cela a été une solution

d‘urgence, sans ressource et dans une grande ville où il

fallait coûte que coûte s‘assurer d‘un toit et de moyens

de subsistance. L‘amour, le sexe et la misère font corps

ensemble dans cette ville où l‘interdit est un mot

d‘ordre. Dans La Noria, l‘élection de la chanson Edith

Piaf je m‘en fous pas mal n‘est pas fortuite. Le jeu

translinguistique qu‘utilise Luis Romero enrichit son

texte et c‘est aussi un regard vers une autre culture. A

ce sujet, Kristeva (1981 : 188) écrit : Le mot littéraire

devient un croisement de textes, un dialogue

d‘écritures où jouent non seulement l‘écrivain mais

aussi le personnage, le lecteur et les contextes anté-

rieurs et actuels.

L‘autre interdit, pardonné cette fois par la class-

bourgeoise barcelonaise de l‘époque, est

l‘homosexualité de Rodrigo. Ce personnage de la

classe bourgeoise, marginal qui occupe le premier cha-

pitre de La Corriente et qui meurt d‘une attaque, est

décrit à travers l‘œuvre avec tous les éloges que lui

procure son rang. Tout le monde est peiné de cette

1 Caisse d’épargne.

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mort subite, on lui organise des funérailles grandioses

dignes de son rang et de son nom sans que quiconque

ne parle ou n‘insinue sa condition de personnage aty-

pique. Ce sujet tabou reste bien caché et seul le nom

de sa famille et les remontrances du cortège font sur-

face. (Romero 1962: 60)

Sobre esta casa del centro de la ciudad, han con-

vergido flores de los cuatro puntos cardinales. Parecía

que se volcaran los huertos de la Maresma, los jardines

regados por el Llobregat, los criaderos del Besós, la

comarca entera y la Rambla. Flores blancas, rojas,

azules, violetas, amarillas, anaranjadas, marfileñas,

pintadas; flores sencillas y flores raras1.

Dans La Corriente, le grand jazzman soliste Louis

Armstrong qui s‘installe avec sa trompette et son blues

et propose aux espagnols un nouveau style de mu-

sique. Les complaintes des airs proposées font echo

avec les souffrances inoubliables qu‘a vécues le

peuple.

Dans les deux ouvrages la religion est omnipré-

sente, la peur de l‘église, du jugement dernier et de

l‘enfer sont transmises aux lecteurs par le curé. Mosén

Bruguera est le personnage qui finalise La Noria, et

bien que mort dans La Corriente, il est évoqué dans

trois chapitres comme un personnage saint, proche de

Dieu et surtout d‘une aide à toute âme cherchant un

réconfort et un soutien moral. La censure très présente

1 La Corriente: p. 60. En traduction personnelle par : Dans cette maison du

centre ville, ont convergeaient des fleurs des quatre points cardinaux. On dirait que les jardins de la Maresma se déversaient, ces jardins irriguaient par Le Llobregat et des éleveurs del Besós ; de la contrée entière et de la Rambla. Des fleurs blanches, rouges, bleues, violettes, jaunes, orangées, ivoires, peintes ; des fleurs sensibles et des fleurs rares.

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dans La Noria n‘a laissé filtrer aucune information. Il

faut attendre les années 60 pour que les espagnols dé-

couvrent la réalité de leur pays comme en témoignent

les journaux officiels tels que El Mundo, El Noticiero,

La Prensa… sont des organes de l‘Etat. Ils s‘attardent

sur les nouvelles réalisations du pays tels que : la cons-

truction de barrages, d‘usines, de fabriques,

d‘entreprises…et diffusent les informations concernant

la politique internationale tels que les évènements

d‘Afrique en mentionnant Tshombé, (anticommuniste),

les bombes à Alger, l‘O.N.U., la politique de Kennedy.

La mendicité et les cartes de rationnement font

partie des sujets évoqués par Luis Romero dans les

deux romans. C‘est la face cachée du pays que l‘auteur

révèle dans ses écrits souvent avec une pointe

d‘humour afin d‘atténuer la complexité des sentiments.

Le marché noir dû au manque de produits de

première nécessité a permis à une minorité de

s‘enrichir rapidement au détriment d‘une majorité af-

famée. Chez les parents d‘Adèle, les couverts sont

dressés sur une très belle nappe toute brodée : La carne

es muy buena y está bien guisada. La traen de la pro-

vincia de Gerona…1 Tandis que chez Mercedes, Ha

entrado en la cocina a poner a la lumbre una olla de col

con patatas2, on mange du chou bouilli. La faim est à la

porte de toutes les familles de conditions moyennes. La

misère fait que des jeunes comme le fils de Mercedes,

1 La Noria p. 60. En traduction: La viande est très bonne et bien grillée. On la

ramène de la province de Gerona. 2 La Noria : p.132. En traduction: Elle entra à la cuisine pour mettre sur le feu

une marmite de choux et de pommes de terre.

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ébéniste dans un petit atelier le jour, se métamorphose

en bandit tous les soirs. (Romero 1951: 139)

Está harto de tanta pobreza, de tanta lucha mez-

quina para mal vivir. Está harto de ver a su madre de-

sarreglada y a su padre en la taberna; está harto de ver

a su hermana fea y mal vestida para acabarlo de estro-

pear; está harto de trabajar de ayudante de un ebanista

y saberse condenado .a dejar los dedos a trozos por la

tupì y pasarse la vida respirando serrìn […]1

Les films américains de gangsters ayant comme

devise dollar et pouvoir ont énormément influencé

l‘auteur jusqu‘à lui faire reproduire les même scénari

de la vie quotidienne. Fiction et réalité fusionnent et se

confondent.

Le cinéma joue un rôle important, accesible au

peuple, il lui permet de retrouver dans l‘écran un peu

d‘amour et de légereté. Les films à grand public et à

succès retentissant tel que Sissi drainent une foule

nombreuse. Les spectateurs recherchent des moments

d‘évasion et de distraction afin d‘oublier l‘oppression

du pouvoir. Les artistes de renommée internationale

tels que: Gary Grant, Clark Gable, Robert Mitchum,

Robert Taylor, Tony Curtis, Brigitte Bardot, Belmondo

crèvent l‘écran. Et on écoute et apprécie les chanteurs à

succès tels que Paul Anka, Sacha Distel, Brassens…

1 En traduction: Il en a marre de tant de pauvreté, de tant de lutte mesquine

pour survivre. Il en a marre de voir sa mère mal habillée et son père à la taverne ; il en a marre de voir sa sœur mal vêtue; il en a marre de travailler comme apprenti chez un ébéniste et de se savoir condamner à perdre ses doigts à cause de la toupie et enfin passer sa vie à sentir la sciure de bois.

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Dans un article très intéressant, l‘économiste Juan

Velarde Fuentes affirme que La Noria est un document

témoin avec des renseignements objectifs de la situa-

tion économique du pays caractérisé par une forte in-

flation. Romero est très prudent quant au statut salarial

concernant les revenus ou les dépenses de tous ses per-

sonnages. Il évoquera par l‘intermédiaire de phrases

indirectes les gains des uns et des autres. Concernant le

chauffeur de taxi il dira: Aunque este taxista se queja y

se pasa el día refunfuñando, la vida no le va del todo

mal1. Dans une autre séquence une employée dira Su

marido gana poco jornal. No es como otros que por lo

menos cobran horas extraordinarias…2. Le fils de Mer-

cedes fatigué par ce minable boulot pense qu‘il faut

impérativement qu‘il sorte de ce trou dégouttant insi-

nuant l‘atelier d‘ébénisterie. Pepe Rovira calcule avec

parcimonie son argent. El cubierto cuesta ocho cin-

cuenta y si pides pan cobran cincuenta céntimos más.

El se lleva al mediodía su ración, pues tiene la cartilla

de racionamiento3. Tandis que le mari d‘Hortense au-

rait désiré avoir un garçon mais es un gasto muy

grande….si tuviera un hijo no podría hacer esos ahor-

ros que se ha dicho4. Pour devoir joindre les deux bouts

la plupart d‘entre eux font des heures supplémentaires.

Le père Gallardo travaille jusqu‘à seize heures par jour

1 La Noria p. 19. En traduction: Bien que le chauffeur de taxi passe son temps

à se plaindre, il gagne bien sa vie. 2 Idem p. 131. Son mari a un salaire très bas. Ce n’est pas comme certains

qui font des heures supplémentaires… 3 Idem p. 174. Le couvert coûte 85 et si tu commandes le pain tu paieras 50

centimes de plus. Il préfère prendre à midi sa ration car il possède une carte de rationnement. 4 Idem p. 206. C’est une dépense en plus. S’il aurait un fils, il ne pourrait pas

faire les économies souhaitées.

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et il lui arrive même de faire hasta dos turnos1. Toutes

ces gens sont en quête d‘une amélioration de leur con-

dition de vie parfois au détriment de leur santé ou par

le banditisme comme le montre le cas du fils de Mer-

cedes.

Ces deux œuvres restent des témoignages directs

de l‘Espagne d‘après guerre. Du style réaliste des deux

romans, il en découle beaucoup d‘humilité et de pu-

deur que l‘auteur a su mettre en évidence par une série

de métaphores, d‘intertextualité et un incessant retour

émotionnel vers la guerre civile. Le monologue de la

première œuvre ainsi que le dialogue de la seconde

constituent les charpentes des deux romans. Du temps

du silence nous passons à l‘ouverture de l‘Espagne

vers les pays occidentaux tel que la France,

l‘Allemagne et aussi vers l‘Amérique évoqué grâce à la

musique noire et au swing. Aussi pour paraphraser Ro-

land Barthes dans le degré zéro de l‘écriture,

(Barthes 1953 : 16-17)

La langue n‘a été qu‘un horizon humain, elle est

bien moins un fond qu‘une limite extrême ; elle est le

lieu géométrique de tout ce qu‘il ne peut se dire. Elle

est au deçà de la Littérature.

Et enfin pour conclure, l‘écriture des deux textes

nous a révélé et dévoilé ce que fut l‘Espagne durant

cette décennie considéré crucial pour le pays.

1 La Noria p. 49 En traduction par : deux rotations.

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Sahbi Fayçal

Réception et contexte dans le cinéma : De la

sémiotique à la sémiopragmatique

Abstract La sémio-pragmatique du film de cinéma, déve-

loppée essentiellement dans les travaux de Roger Odin,

est d‘une certaine manière la retombée des re-

marques de Christian

Metz sur la manière dont le film naît par le regard

du spectateur. Elle emprunte à la sémiologie ses con-

cepts et ses méthodes, considère la relation du film

avec son spectateur, et l‘institution où il est présenté.

Au moment où les approches sémiotiques tex-

tuelles du cinéma ne s‘intéressent qu‘au contenu mani-

feste des films, et restent presque toujours à la surface

du texte, négligeant ainsi un autre élément du proces-

sus de communication du film, la réception du film ou

le moment de l‘appropriation du film par son specta-

teur, l‘approche sémio-pragmatique, elle, se propose de

combler ses lacunes, en élargissant le champ d‘étude

vers le contexte.

Mots-clés : Sémiopragmatique – Cinéma – Contexte

– film – Interprétation

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1. La sémiotique : une science de la communica-

tion (signifiante) Si la sémiotique a été traditionnellement considé-

rée comme une « province » des sciences du langage,

dans ce papier nous nous proposons de défendre une

autre thèse : Et si la sémiotique était une science de

la communication ? La sémiotique qui serait la

science qui touche à un aspect de la communication,

celui de la signification. En effet, à défaut d‘avoir une

seule science de communication, on en a plusieurs. La

sémiologie en serait une, selon cette thèse.

1.1. Interdisciplinarité des sc. de la communication.

Après avoir trouvé un objet d‘étude, il restait de

s‘entendre sur une méthodologie à ce domaine de re-

cherche qu‘est la communication. Venus de différents

territoires de connaissances (de la sociologie à la lin-

guistique, en passant par les mathématiques et la psy-

chologie etc.), les premiers chercheurs en communica-

tion ne se sont pas préoccupés de la question de la mé-

thodologie, étant donné que chacun avait la sienne,

celle de sa discipline d‘origine.

De plus, « la spécificité des problématiques per-

mettant d‘interpréter les évolutions complexes de la

communication impose de recourir à une pluralité de

méthodes généralement utilisées par des disciplines

que le découpage scientifique institué à soigneusement

distinguées.»1

1 MIEGE B. (2004), L’information-communication, objet de connaissance,

Bruxelles, de Boeck.

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L‘interdisciplinarité s‘est imposée à la majorité

des chercheurs en communication comme la perspec-

tive qui permet de relier des méthodologies provenant

de disciplines différentes et de les faire agir, autour

d‘axes de recherches spécifiés.1

Au carrefour de plusieurs pôles de connaissance,

où sciences sociales, cognitives ou encore sciences

du langage, la discipline de la communication est

passée par plusieurs étapes. A chaque tournant de son

histoire, la communication semblait être dominée par

une tendance venue des « sciences- pôles » qui la com-

posent. C‘est ainsi, avec le tournant linguistique des

années soixante, que la sémiotique a trouvé son chemin

vers les sciences de la communication. Il est générale-

ment admis que les littéraires ont nourri le courant sé-

miotique de la discipline de la communication. Litté-

raires ce n‘est qu‘une acceptation paresseuse et incon-

grue de ce qu‘on devrait appeler plutôt « linguistiques

». Les années soixante du siècle dernier a été fortement

marquées par le courant structuraliste, qui a donné à la

linguistique une deuxième pulsion. C‘est grâce à des

précurseurs de la linguistique structurale comme Ro-

land Barthes, A-J Greimas, et un peu moins Umberto

Eco et Roman Jakobson que la sémiotique s‘est établie

comme une science de la communication.

D‘ailleurs, c‘est Jakobson qui affirme, le premier

et de manière très explicite, la sémiotique en tant que

1 Ibid, P. 225.

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science de la communication. Il a proposé un modèle

intégrant sous la forme d‘une imbrication de domaines.

« La sémiotique, comme étude de la communica-

tion de toutes les sortes de messages, est le cercle con-

centrique le plus petit qui entoure la linguistique, dont

le domaine de recherche se limite à la communication

des messages verbaux. Le cercle concentrique suivant,

plus large, est une science intégrée de la commu-

nication qui embrasse l‘anthropologie sociale, la

sociologie et l‘économie »1

1.2. Sciences de communication : Du signal au sens

Si Jakobson estime que la sémiotique a ample-

ment sa place parmi les sciences de la communication,

au point qu‘elle soit au centre d‘un projet « d‘une »

science de la communication, cette position est loin

d‘être sans fondements. La communication est avant

tout une activité symbolique, scène permanente des

signes. Décrire et comprendre cette « scène » privilège

le sens au sein de la communication. Justement, cela

est exactement tâche de la sémiotique.

Cette place prépondérante de la sémiotique fait

qu‘il est de plus en plus difficile de discerner avec pré-

cision les frontières des deux disciplines ; où s‘arrête

l‘une ? Et où est-ce que l‘autre commence ?

L‘évolution historique de l‘une et de l‘autre a rendu

cette interaction encore plus plausible.2

1Jackobson R. (1963). Essais de linguistique générale. Editions Minuit.

2 Lire à ce propos : BOUTAUD J.J (2004), « Sémiotique et communication, un

malentendu qui a bien tourné» in Hermès, 8, 2004, p. 96-102.

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Cela se manifeste en sémiotique par son « ouver-

ture pragmatique ». La théorie pragmatique développée

par Pierce ne s‘intéresse pas uniquement au signe en

lui-même et pour lui-même, comme c‘est le cas pour la

théorie saussurienne, elle porte une attention particu-

lière au contexte culturel tout au long du processus de

la signification, dans sa production mais aussi dans sa

réception. C‘est pour dire que cette théorie apporte plus

de « dynamisme » à l‘idée du signe.

Dans le sens inverse, la sémiotique a rendu pos-

sible un passage du paradigme du signal à celui de la

signification. L‘approche sémiotique consolide

l‘analyse en communication en lui donnant des outils

d‘analyse sur la forme et le sens des messages et de

leur environnement. Elle permet d‘avoir accès à la vé-

ritable signification qui est cachée et qui échappe par-

fois aux intentions conscientes des acteurs de la com-

munication. On est passé, grâce à la sémiotique, d‘une

simple vision mécaniste de la communication, qu‘on a

résumée à son seul aspect de transmission

d‘information, d‘un émetteur à un récepteur à une vi-

sion plus large et complète, où la signification devient

un enjeu important du processus de la communication.

La culture comme champ d‘interaction entre la

communication et la sémiotique

Umberto Eco fut probablement l‘un des premiers

qui ont fait explicitement le rapprochement entre la

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sémiotique et la communication. Il est très utile, à notre

sens, de voir sa définition de la sémiotique. Dans un

livre majeur « la structure absente » parmi une longue

liste d‘œuvres consacrées à la sémiotique, l‘auteur nous

propose d‘abord une définition, et ensuite deux hypo-

thèses. La définition est celle de la sémiotique qui est

pour l‘auteur l‘étude « des processus culturels (c'est-à-

dire ceux où interviennent des agents humains qui en-

trent en contacts sur la base de conventions

sociales) comme processus de communication »1

(Eco 1972 : 24). Il est clair donc que pour Umberto

Eco, Le champ de recherche de la sémiotique est en

premier lieu la culture. Par culture, il entend dire, «

tous les phénomènes culturels ». Pour cela, Eco avance

deux hypothèses : « a) La culture doit être étudiée en

tant que phénomène de communication. b) Tous les

aspects d‘une culture peuvent être étudiés comme con-

tenus de la communication.» 2 (Eco 1972 : 25) Si la

première hypothèse fait de la sémiotique une théorie

générale de la culture, au même niveau que

l‘anthropologie, la seconde semble, par le verbe pou-

voir atténuer un peu l‘affirmation et

« l‘autorité » du verbe devoir dans la première

hypothèse. L‘étude de la culture en tant que phéno-

mène culturel ne veut pas dire que la culture n‘est que

communication, mais elle pourrait être mieux comprise

si on l‘envisage avec un regard communicationnel.

Si l‘on se réfère à une définition des plus rudi-

mentaires mais des plus essentielles également, la cul-

ture serait la somme des valeurs, idées, attitudes, sym-

boles significatifs, créés par l‘homme pour modeler le

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comportement humain, qui se transmet de génération

en génération, et donne les bases de la communication

sociale1.

La signification est une donnée importante dans la

culture, au même titre que la communication. Par op-

position au « naturel », le « culturel » a une significa-

tion, il a un sens et il se communique. Le sens qui est

traditionnellement le champ d‘étude de la sémantique1.

Et justement, pour Eco, le phénomène culturel est une

unité sémantique où l‘on peut voir chaque phénomène

culturel comme un signifié qui se communique. On

peut tenter une énième acceptation de la culture comme

une signification et sa communication. Il serait justifié

alors, de dire que la culture est le champ premier de la

sémiotique.

C‘est pour dire à quel point la sémiotique a rendu

possible une approche culturelle de la communication

dans un sens, et un rapprochement entre processus de

communication et phénomène culturel dans le sens in-

verse. Cette interaction entre la communication et la

culture, où la sémiotique s‘établit comme l‘approche

indispensable pour la comprendre et l‘analyser forme

la pierre angulaire de ce qu‘nous avons appelé La

communication signifiante. Cette communication si-

gnifiante se manifeste à chaque fois où un phénomène

culturel et un processus communicationnel se juxtapo-

sent pour ne former qu‘un seul objet d‘étude. Le ciné-

- 1 Eco ( 1972) U. La structure absente : introduction à la recherche sémio-

tique, trad . Par U . Esposito-torrigiani, Paris, Mercure de France.Ibid., P. 25 ENGEL, KOLLAT, BLACKWELL (1977).

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ma, du fait qu‘il est l‘un et l‘autre à la fois, est un

exemple adéquat de cette communication signifiante.

2. De la sémiotique à la sémio-pragmatique.

Au cours de notre étude du processus communica-

tionnel du cinéma, dans le cadre du mémoire de magis-

tère, nous avions adopté en premier temps l‘approche

sémiotique pour aborder cette étude, nous avons cons-

taté, par la suite, qu‘employée dans sa forme la plus

rigoureuse, cette approche ne s‘intéresserait qu‘au con-

tenu manifeste du film, envisageant le film comme un

système fermé de signification, indépendamment du

créateur et du spectateur. Or, Toute étude d‘un proces-

sus de communication doit examiner non seulement le

média, mais aussi les autres éléments du processus.

C‘est pour pallier cette difficulté que nous avons tenté

« d‘adapter » l‘approche sémiotique en élargissant son

champ d‘action du texte (qu‘est le film) vers le con-

texte (éléments relatifs à la création et à la réception).

C‘est ainsi que nous nous sommes aperçu que nous fai-

sons de la sémio- pragmatique, comme monsieur Jour-

dain faisait de la prose, c'est-à-dire sans le savoir.

• Le projet sémio-pragmatique de Roger Odin

La sémio-pragmatique du film de cinéma, déve-

loppée essentiellement dans les travaux de Roger Odin,

est d‘une certaine manière « la retombée des remarques

de Christian Metz sur la manière dont le film naît par le

regard du spectateur». Elle emprunte à la sémiologie

ses concepts et ses méthodes, elle considère la relation

du film avec son spectateur, et l‘institution où il est

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présenté. Non seulement, la sémio-pragmatique se

donne comme mission de « comprendre com-

ment le film est compris »1 (Metz 1971 : 56) par

l‘analyse du signe au cinéma, tel qu‘il est le cas dans le

projet sémiotique de Metz, mais aussi de comprendre

la relation affective qu‘entretient le spectateur avec le

film. Pour ce faire, elle fait intervenir la pragmatique.

La pragmatique qui se définit dans la linguistique par

l‘étude des situations relationnelles comme produc-

trices de sens et de signification. Elle envisage le pro-

cessus de communication au cinéma, comme étant la

relation entre un destinateur et un destinataire dans le

but de transmettre une signification. La signification

peut être dans ce cas soit intentionnelle, c'est-à-dire

émise par l‘énonciateur ; soit elle nait au cours du pro-

cessus, notamment dans le rapport film-spectateur

où la lecture du film est le résultat d‘une contrainte

culturelle ou contextuelle.

Nous pouvons dire que l‘approche sémio-

pragmatique du cinéma ne s‘impose pas comme une

alternative à la sémiotique, elle ouvre plutôt le champ

de l‘analyse sémiotique du film -essentiellement tex-

tuelle- à des problématiques plus contextuelles. Au

moment où les approches sémiotiques textuelles du

cinéma ne s‘intéressent qu‘au contenu manifeste des

films, et restent presque toujours à la surface du texte,

négligeant ainsi d‘autres éléments du processus de

1 1 KERMABON J. (1988), « Qu’est-ce que la sémio-pragmatiques ? »,

Cinémaction, 47, Les théories du cinéma aujourd’hui, Cerf, Corlet, P.52. 2 Metz C. (1971), Langage et cinéma, Paris, Larousse.

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communication du film : l‘énonciation et surtout la ré-

ception du film ou le moment de l‘appropriation du

film par son spectateur, l‘approche sémio-pragmatique

se propose de combler ces lacunes, en élargissant le

champ d‘étude vers le contexte.

Pour énoncer les choses autrement, et plus claire-

ment, nous pouvons dire que le projet sémio-

pragmatique d‘Odin reprend la même problématique

que de répondre Christian Metz s‘est proposée de

répondre dans les années soixante, en

l‘occurrence : « Comment le film produit-il du sens ?

», seulement Odin, contrairement à Metz, a déplacé la

question sur un autre front : Il délaisse la position saus-

surienne de Metz, pour qui le sens est dans le texte

d‘une façon intrinsèque, pour en adopter une autre. La

production du sens dans le cinéma, selon la théorie

d‘Odin, incombe autant au film qu‘au spectateur. Ain-

si, la problématique metzienne devient avec Odin :

Comment le (spectateur du) film produit- il du sens ?

On essaie donc d‘apporter des éléments de réponse à

cette problématique à l‘aide de la sémio- pragmatique.

Une approche dont l‘objectif

« […] est de fournir un cadre théorique permettant

de s‘interroger sur la façon dont se construisent les

textes et sur les effets de cette construction. On part de

l‘hypothèse qu‘il est possible de décrire tout travail de

production textuelle par la combinaison d‘un nombre

limité de modes de production de sens et d‘affects qui

conduisent chacun à un type d‘expérience spécifique et

dont l‘ensemble forme notre compétence communica-

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tive : modes spectatularisant documentarisant, fabuli-

sant, artistiques, privés, etc. »

Pour ce faire, l‘approche sémio-pragmatique

(d‘Odin) se base essentiellement sur deux notions afin

d‘interroger « la façon dont se construisent les textes et

sur les effets de cette construction » : L‘institution et la

fictionnalisation.

L’institution

On sait que la relation du spectateur au film re-

pose sur une part de subjectivité, notamment dans la

production du sens et de la signification où le specta-

teur y intervient avec sa culture, son idéologie, ses pré-

dispositions psychologiques etc. Cependant, la produc-

tion de sens est aussi régie par des contraintes externes

: la connaissance de la langue, le degré d‘assimilation

des codes culturels et cinématographiques, mais surtout

des institutions.

Par institution, Odin n‘entend pas des lieux phy-

siques, mais « des sortes de dispositions qui condition-

nent l‘état du spectateur »1 La notion d‘institution dans

la sémio-pragmatique d‘Odin peut être définie- ap-

proximativement certes-parce qu‘on appelle commu-

nément les types du film (fiction, thriller, comédie ro-

mantique, etc.) dont chacun entraine un type de lecture

approprié. Nous ne regardons pas un film narratif de la

même façon que lorsque nous regardons un film expé-

rimental, à chaque fois, l‘attention requise est diffé-

rente.

Par exemple, « L‘institution du cinéma dominant

produit un actant spectateur isolé, immobile, muet,

avec un positionnement psychologique intermédiaire

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entre la veille, la rêverie et le rêve et disposé à produire

cette construction totalisante et imaginaire ; la diégèse

»2 (Kermabon 1988 : 53) . Toutefois, il ne faut pas

croire que cette institution pèse sur le spectateur seu-

lement, elle influe également le dispositif de création

du film (l‘énonciateur), elle l‘oblige à suggérer, dans

son œuvre, un mode de lecture plutôt qu‘un autre ; le

spectateur de son coté, va soit adopter ce mode de lec-

ture et s‘y tenir, soit le confronter à la structure du film

qu‘il perçoit - et cela dès le début du film- et tenter

d‘en produire le sien.

Fictionnalisation

La deuxième notion « odinienne » sur laquelle

s‘appuie l‘analyse sémio-pragmatique du film est celle

du processus de fictionnalisation. Ce processus qu‘on

peut décrire comme l‘espace de communication le plus

utilisé dans le cinéma. Un espace où s‘entrecroisent et

se succèdent les éléments du processus de communica-

tion au cinéma. La fictionnalisation se fait essentielle-

ment à l‘aide de trois processus indépendants dont cha-

cun s‘associe à une relation entre deux éléments du

processus de communication.

Le premier de ces processus est préalable à la fic-

tion : la diègétisation (de diégèse). Il concerne la rela-

tion entre le film et son spectateur. C‘est la façon dont

le spectateur se construit un monde diégétique en rup-

ture avec la réalité en dehors du cadre. Il consiste

à « effacer » le support, c'est-à-dire l‘écran, de « figu-

rativiser » et trouver un référent concret pour enfin être

« absorbé » par la fiction. La diégètisation est certai-

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nement responsable de cet effet de la magie du cinéma.

Elle régit le rapport entre le film et son spectateur.

Quant au deuxième processus, il intéresse plutôt

la relation entre l‘énonciateur et l‘œuvre filmique.

C‘est celui de la narrativisation. Tout d‘abord, Odin

distingue entre narrateur et narrativiseur ou « monstra-

teur ». Le premier est celui qui est responsable des ma-

cro-récits (le récit), le deuxième est responsable des

micro-récits que sont les plans. S‘il distingue entre les

deux, c‘est qu‘il se peut que le narrateur ne soit pas

forcément le narrativiseur. Le narrateur établit un para-

digme des forces, met en syntagmes conformément aux

phases attendues du récit (Voir : schéma narratif de

Greimas), alors que la narrativiseur gère les succes-

sions et les transformations l‘intérieur du plan. Odin

distingue aussi, à ce propos, entre trois instances énon-

ciatives dans le film : un narrateur, qu‘on trouve par-

fois dans la personne de l‘auteur du film (ou scénariste)

; un narrativiseur, dont les tâches sont souvent assurées

par le metteur en scène (ou par extension le réalisateur)

; il existe enfin une troisième instance

énonciative : le responsable du discours. Il ne faut

comprendre, par cette distinction, que ces tâches sont

tenues par trois personnes différentes. La notion

d‘instance est immatérielle, il se peut que les trois ins-

tances s‘assimilent chez une seule personne. C‘est le

cas notamment du cinéma d‘auteur, où

l‘auteur/énonciateur du film est responsable à la fois de

la narration, de la narrativité, et du discours.

Le troisième processus « odinien » est celui de la

mise en phase. Ce processus gère la relation affective

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entre le film et son spectateur dans le cadre de

l‘institution, il permet une homogénéisation des diffé-

rents éléments du film avec le spectateur. Odin dé-

crit ce processus comme étant le « processus qui

me conduit à vibrer au rythme de ce que le film me

donne à voir et à entendre. La mise en phase est une

modalité de la participation affective du spectateur au

film. »2 (Odin 2000 : 38)

Par des opérations psychologiques telles que

l‘identification, ce processus produit une relation film-

spectateur homologue aux relations qui se manifestent

dans la diégèse. Il se peut aussi, qu‘on soit confronté

au cas contraire, en l‘occurrence le déphasage, il est

ressenti généralement dans un certain cas de décalage

dans le langage cinématographique ou son emploi dans

le film. Il se peut que ce déphasage soit volontaire et

soit même considéré comme des marques de style.

Nous pouvons citer à titre exemple le travail Woody

Allen dans La rose pourpre du Caire (1986) où il casse

les lois de la diégèse et l‘effet de l‘histoire pour

s‘adresser directement aux spectateurs, un procédé ins-

piré du théâtre brechtien et des techniques de distancia-

tion.

Limites de la sémio-pragmatique et la nécessi-

té d‘un travail d‘adaptation

L‘approche sémio-pragmatique du film, dont la

visée, nous semble-t-il, est d‘étudier le processus de

communication du film dans sa continuité, est concer-

née, davantage que toutes les autres approches, par ce

travail d‘adaptation. Cela est dû au moins à trois rai-

sons :

Les travaux sémio-pragmatiques sur le film sont

récents dans un champ de recherche quasiment inex-

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ploité, et par conséquent ils sont encore insuffisants

pour qu‘ils s‘établissent comme cadre théorique des

analyses sémio- pragmatiques du film ; l‘approche sé-

mio-pragmatique est caractérisée par un aspect inter-

disciplinaire, elle puise ses méthodes, ses outils de re-

cherche et ses concepts opératoires des champs d‘étude

voisins en sciences sociales ; et enfin, la sémio-

pragmatique, telle qu‘elle est présentée par Roger

Odin, semble, du moins sur un plan théorique, une ap-

proche partielle dont la portée est extrêmement précise,

alors que dans les faits, elle s‘avère bien plus générale

de ce qu‘elle est en théorie. On peut dire qu‘à force

d‘aspirer à être pragmatique, la théorie de Roger Odin

s‘éloigne pas à pas de la sémiotique. Or, nous enten-

dons par sémio-pragmatique, l‘approche sémiotique

qui étudie le processus de communication signifiante

dans sa continuité.

A cet égard, nous estimons que la sémio-

pragmatique doit envisager le processus de communi-

cation du cinéma comme étant la relation entre un des-

tinateur et un destinataire dans le but de transmettre

une signification ; elle ouvrirait le champ de l‘analyse

sémiotique du film vers des problématiques communi-

cationnelles et contextuelles. C‘est ainsi qu‘elle doit

mettre son objet d‘étude au centre d‘un appareil mé-

thodologique, où différentes, mais complémentaires,

visions et approches se conjuguent et s‘entrecroisent

pour l‘aborder. Un retour à des approches textuelles,

iconique, psychologique, etc. qui complèteraient le

projet sémio- pragmatique d‘Odin, s‘impose afin de

parer à ces limites.

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Kazdarli Khadidja

Université de Relizane

Le contexte introducteur du discours raconté dans le

rocher de tanios d’Amin Maalouf

Mots clefs : Contexte - Discours – Fonction- Enoncia-

tion – Fonctionnement - Hybridité

Résumé :

Savoir le contexte introducteur du discours narrativisé

dans Le Rocher de Tanios d‘Amine MAALOUF, est

une façon de voir comment est représentée la parole

d‘autrui dans une situation donnée. GERARD Genette

a introduit le concept de « discours narrativisé », ou «

le discours raconté », qui est en fait un discours réduit

et distant, qui ne permet pas de donner des informa-

tions assez claires et complètes sur le contenu des

énoncés présents dans Le Rocher de Tanios. A priori,

démontrer le fonctionnement de ce discours par rapport

aux formes hybrides d‘énonciation nous pose un pro-

blème sérieux quant à la répartition des énoncés puis-

qu‘ils s‘inscrivent dans une double situation

d‘énonciation, ce qui se répercute sur l‘interprétation

du discours émis. Certes, MAALOUF a pris le parti de

développer les degrés intermédiaires, recourant à des

formes hybrides comme le discours rapporté et la po-

lyphonie qui assurent la continuité de la narration, ren-

forcée par l‘omniprésence des séquences où sont im-

pliquées d‘autres voix collectives des différents per-

sonnages de l‘histoire. De plus, nous allons voir la plu-

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ralité des niveaux de narration développée sur les deux

modes, embrayée et non embrayée, à partir desquelles

sont constituées des strates énonciatives mettant en

scène plusieurs narrateurs qui font jouer ensemble des

points de vue hétérogènes en produisant des énoncés

hybrides suivant des contextes différents. C‘est ainsi

que le discours narrativisé prend place et se répand

dans notre corpus afin de « freiner » le discours des

différents personnages en présentant uniquement un

sorte de résumé de l‘événement ou de l‘acte accompli.

Dans le Rocher de Tanios , les événements de témoi-

gnage se présentent sous forme de propos rapportés par

une multiplicité de voix des personnages qui agissent à

l‘intérieur du roman et qui procèdent à un travail de

polyphonie remarquable, traversé par différentes

formes du discours en style : direct, indirect et indirect

libre, voire même le discours raconté ou narrativisé

comme l‘avait déjà appelé Genette pour qualifier ce

type de discours qui consiste en des paroles entière-

ment transformées en narration et que nous avons con-

sidéré comme étant un procédé générateur d‘une cer-

taine vision esthétique dans le roman en question, vu

que les événements relatés dépendent tous d‘un con-

texte introducteur de ce discours. Or ce contexte

semble être difficile à être cerné au début de chaque

fait raconté. Ce dernier ne s‘agence pas de manière

chronologique : il se trouve marqué par des ruptures et

des coupures énonciatives puis, il surgit ultérieurement

dans le récit, ce qui nous fait perdre l‘idée directrice en

ce qui concerne la trame narrative. Notons aussi que

l‘intrigue est quelque peu complexe et le schéma narra-

tif ne saurait rendre compte de tous ces éléments. C‘est

ce qui explique l‘intérêt que nous portons à l‘étude du

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discours raconté qui s‘intègre au récit au même titre

que l‘action suivant un contexte introducteur, un cons-

tituant fondamental.

Se pose alors pour nous la question de la représentati-

vité de ce procédé, le mode de fonctionnement et la

signification qui en découle. Le contexte est-il une réa-

lité extérieure à l‘analyse de ce discours où demeure-t-

il un outil méthodologique pour mieux interpréter les

événements racontés dans Le Rocher de Tanios ?1

1. La présentation du discours raconté dans le ré-

cit2:

Le discours raconté est une autre forme du discours

rapporté. Ce dernier, même s‘il est développé, ne cons-

titue pas le seul mode de référence. Il y a d‘autres ma-

nières d‘intégrer la parole d‘autrui dans son énoncé.

GERARD Genette a introduit le concept de « discours

narrativisé »3, ou raconté, qui concerne le discours du

personnage dans le récit et ne consiste pas précisément

en un discours rapporté. « La parole d‘autrui est plutôt

traitée comme un événement parmi d‘autres ». Le nar-

rateur nous donne une simple présentation d‘un som-

maire du contenu de l‘acte rapporté car le discours rap-

porté, présent dans Le Rocher de Tanios, se poursuit

au-delà du parcours narratif. Certes, la présence du nar-

rateur y est constante mais, il n‘arrive tout de même

pas à contrôler les différentes voix qui agissent à

1Manque la référence !

2GENETTE Gérard. Figures III. Edition Du Seuil, 1972. p.190

3 Genette, opus cité, p.191

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l‘intérieur du roman ; seul, le discours raconté semble «

freiner » le discours des différents personnages en pré-

sentant uniquement un sorte de résumé de l‘événement

ou de l‘acte accompli. Pour mieux saisir le fonction-

nement de ce discours dans notre corpus d‘étude et son

contexte introducteur, nous allons rappeler l‘histoire du

Rocher de Tanios qui remonte aux années mille huit

cent trente lorsque les communautés chrétiennes et mu-

sulmanes cohabitaient en bonne intelligence. Gébrayel,

le vieux du village et le double personnage du narra-

teur, se charge de présenter le cadre de l‘action, nous

communiquant l‘arrivée de Tanios au monde et des

événements qui lui ont succédé. Dans les exemples qui

suivent, nous allons voir que ce narrateur dont la pré-

sence est forte dans le roman nous rapporte non seule-

ment les dires des gens mais il nous donne des détails

très significatifs sur les faits rapportés ainsi que les

gens qui y ont participé. Donc, ce roman s‘ouvre sur un

espace englobant des rochers portant des noms

étranges et parmi lesquels, le rocher de Tanios, rocher

maléfique, seul élément naturel portant un nom

d‘homme et que le narrateur par crainte et méfiance n‘a

jamais abordé. Il nous conte le fabuleux destin d‘un

jeune homme prénommé Tanios qui, déjà à la nais-

sance, était différent des autres puisque il est né de

l‘union illégitime d‘un cheikh du village avec une

femme du même lieu prénommée Lamia.

1. Les actes langagiers du discours raconté :

De par son inscription patente dans la trame roma-

nesque, le discours narrativisé renferme un ensemble

d‘actes langagiers de type variés qui permettent aux

différents actants de décliner leur identité: acte locu-

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toire, où le personnage de Tanios est là pour prendre la

parole, pour s‘affirmer socialement et politiquement ;

car en grandissant, cet enfant bâtard puis rebelle, de-

vient le déclencheur de conflits familiaux, claniques,

régionaux mettant en jeu toute la complexité du Liban

de l‘époque, qui voit s‘affronter sur son sol les sei-

gneurs et les émirs locaux, les multiples religions et

confessions héritées de toutes les confluences de son

Histoire, l‘empire ottoman déclinant et l‘Egypte de

Mehemet Ali et de son bras droit le Français converti

Joseph Sève, alias Soliman Pacha, et, par ces derniers

interposés, les puissances occidentales et coloniales

rivales.

Le deuxième acte langagier se résume en acte illocu-

toire du moment que Tanios, en apprenant la réalité

amère, commence à changer d‘attitude envers les siens

et, en parlant, il marque son intention d‘accomplir

quelque chose (menace, injure, promesse). Garçon in-

telligent, doué pour les études, il décide d‘aller à

l‘école anglaise jugée par les siens comme étant héré-

tique.

2. Le contexte : environnement discursif :

Son existence au monde va déclencher une suite

d‘événements qui vont profondément transformer le

village de Kfaryabda, un village dans la montagne li-

banaise. En effet, une suite de conflits politico-

religieux auxquels il est mêlé de façon plus ou moins

directe, va enflammer la Montagne : il faut dire que

l'Empire ottoman et l'Egypte se disputent le territoire et

que la France et l‘Angleterre tirent les ficelles en ar-

rière-plan.

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Révolté contre son père et contre le système féodal

qu‘impose le Cheikh (son père biologique), il se lie à

des forces étrangères. Les Anglais tentent d‘assurer

leur hégémonie sur la contrée en la cultivant de

l‘intérieur : ils ouvrent des écoles dans le pays. Par un

concours de circonstances, Tanios aura la chance de

suivre les cours du révérend Stolton. Je dis bien « la

chance », parce que ce dernier lui apprend moins la

culture occidentale que la tolérance et l‘ouverture sur le

monde. Ce professeur anglais deviendra son père spiri-

tuel. Bien entendu le roman se prête à l‘interprétation

et à certains rapprochements. L‘auteur lui-même a ac-

cepté le jeu : « C'est vrai que c'est l'histoire d'un per-

sonnage, Tanios, qui se sent de plus en plus étranger au

milieu des siens, qui n'arrive pas à accepter la montée

de la violence, qui refuse d'entrer dans la logique de la

vengeance, qui ne veut même pas se venger de ceux

qui ont tué son père, et qui peu à peu se sent en

quelque sorte poussé vers la sortie. Il y a là une para-

bole, une évocation de ceux qui, comme Amin Maa-

louf, ont refusé cette guerre, ont refusé d'avoir du sang

sur les mains, ont refusé de prendre part à un conflit où

il fallait tuer, et qui ont préféré partir.

Acte perlocutoire, où par la parole, nous assistons à

l‘accomplissement d‘une autre action qui participera au

déroulement de l‘histoire lorsque le meurtre du pa-

triarche sera commis par son père. Il est alors obligé de

s‘exiler à Chypre avec lui pour ne pas le laisser tomber.

En fin de parcours, notons que ce voyage romanesque

où se mêlent l‘histoire et la légende, la révolte et la

quête identitaire, aboutit inévitablement à la disparition

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étrange de Tanios sur un rocher mystérieux redouté par

tout le monde.

3. Le contexte politique :

Pour Tanios, le moyen de s‘affranchir, de comprendre

sa condition, passe par le biais de l‘école. Cette der-

nière fonctionne comme un opérateur de transforma-

tion et de libération. Le savoir qu‘elle dispense assure

le passage de l‘instance de la dénégation à l‘instance de

l‘affirmation. Aller à l‘école signifie pour notre héros

une quête, celle d‘un nouveau statut. Par son acte, le

fils de Lamia change son rapport d‘exclusion avec le

monde en rapport d‘inclusion. Par cet acte, il fait

preuve de révolte opérant ainsi une évolution (bizarre

comme phrase). Les exemples suivants nous servent

d‘illustration :

« [….], à présent, il le comprenait parfaitement, il sa-

vait pourquoi le patriarche réagissait ainsi. Il compre-

nait aussi l‘attitude du cheikh et celle des villageois. Et

il la partageait. Ne serait-ce que pour une raison :

L‘école. A ses yeux, c‘était ce qui comptait plus que

tout. Il étudiait avec acharnement, avec rage, il aspirait

comme une éponge sèche chaque bribe de savoir, il ne

voulait rien voir d‘autre que cette passerelle entre lui,

Tanios, et le reste de l‘univers. Pour cette raison, il se

retrouverait du côté des villageois, du côté du cheikh,

contre tous les ennemis du village, contre l‘émir, contre

le patriarche….Il épousait toutes les causes présentes et

passées. […..] . Il désirait bien, quant à lui, abolir les

privilèges féodaux du cheikh, et il n‘avait certainement

pas envie de se retrouver quinze ans plus tard, en train

d‘aider Raad à se déchausser…Mais dans l‘épreuve de

force qui se déroulait, il savait parfaitement de quel

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côté il se trouvait, et quels vœux il voulait voir exau-

cés.» p.p 108.109

« Cette école était tout son espoir pour l‘avenir, toute

sa joie, il ne vivait que pour elle. C‘est l‘école du pas-

teur qui l‘avait réconcilié avec sa famille, avec le châ-

teau, avec le village, avec lui-même, avec sa naissance.

» p.123

A travers ces exemples, nous remarquons que ce n‘est

pas une guerre de conquête que mène Tanios, mais un

combat pour la renaissance des peuples d‘Orient, no-

tamment le peuple libanais contemporain, à l‘identité

déchirée, écartelée entre l‘Orient et l‘Occident. Pour ce

personnage, l‘école anglaise est un lieu

d‘affranchissement et de liberté même si elle est jugée

par les siens comme étant hérétique.

« On lui rappela que pour cette population en grande

majorité catholique, l‘Anglais était avant tout un héré-

tique. »p.106

« Je parle de l‘école anglaise, foyer d‘hérésie et de dé-

pravation. Tous les matins, tu vas dans la maison du

Satan, et tu ne le sais pas. »p.115

« Retirer Tanios de l‘école du curé, son beau frère,

pour l‘envoyer chez cet anglais, et encourir les foudres

de l‘église, il ne le ferait pas de gaieté de cœur. » p.101

Donc, cette école, même si elle soutient une hérésie,

c'est-à-dire une doctrine d‘origine chrétienne contraire

à la foi catholique, condamnée par l‘église et jugée

aberrante par rapport aux idées et conceptions déjà ad-

mises, elle demeure pour Tanios, le symbole de mo-

dernisation, d‘ordre et de dignité. Cette école lui a aus-

si permis de s‘affirmer socialement, de sortir de

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l‘espace clos dans lequel il a vécu. Cet espace repré-

senté par le village qui est en fait, à l‘image d‘un pays

au destin tragique, cherchant sa stabilité entre les aspi-

rations orientales et occidentales, d‘où le recours au

changement immédiat au lieu de rester enfoui dans

l‘absurdité des conflits identitaire et religieux.

3.1Le contexte historique :

A priori, le narrateur fait appel au discours narrativisé

qui consiste en un discours réduit et distant qui ne

permet pas de donner des informations complètes sur

le contenu des énoncés, comme c‘est le cas de

l‘exemple suivant :

« Il l‘installa donc à sa place d‘honneur, lui proposa du

café et du confiseries, lui parla du passé, de son conflit

avec le cheikh, évoquant le harcèlement que ce dernier

avait fait subir à son épouse, sa malheureuse épouse

qui était morte depuis, dans la fleur de son âge, peu

après la naissance de leur unique fille Asma, que Rou-

koz fit venir pour la lui présenter, et que Tanios serra

contre lui comme les grandes personnes embrassent les

enfants. » p. 81

Cette phrase est formulée par le narrateur du roman.

Les paroles de Roukoz adressées à Tanios ne sont pas

restituées littéralement, pas plus qu‘elles ne sont trans-

posées. Il n‘y a pas de reproduction, ni de reformula-

tion, mais simplement une information sur la teneur

des propos tenus.

De plus, le discours narrativisé ou raconté, est l‘état le

plus distant, le plus réducteur et qui laisse parfois le

lecteur perplexe devant les faits rapportés sans qu‘il ait

des anticipations sur le contexte introducteur. (Trop de

répétitions)

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« Et quand, devant elle, on parlait de lui, ce qui arrivait

à toute heure de la journée, les paroles avaient une

autre résonance dans sa tête ; certaines l‘irritaient,

d‘autres la réjouissaient ou l‘inquiétaient, aucune ne la

laissait indifférente ; elle avait cessé de prendre les ra-

gots pour ce qu‘ils étaient, une manière de tromper

l‘ennui. Et, elle n‘avait plus jamais envie d‘apporter

son propre grain de sel. » p.33

Dans cet exemple, on nous montre une simple présen-

tation d‘un sommaire du contenu de l‘acte rapporté. Le

narrateur fait recours à ce type de discours car, le dis-

cours rapporté se poursuit au-delà du parcours narratif

que l‘on avait imaginé au départ. Certes, la présence du

narrateur y est très constante mais il n‘arrive tout de

même pas à contrôler les différentes voix qui agissent à

l‘intérieur du roman ; seul, le discours narrativisé

semble « freiner » le discours des différents person-

nages en présentant uniquement un sorte de résumé de

l‘événement ou de l‘acte accompli. (Répétition !)

Par ailleurs, lors de notre analyse, nous avons remarqué

que l‘énoncé pourrait être encore plus bref et plus

proche de l‘événement pur. L‘énoncé pourrait être ré-

duit en une phrase simple mais qui en dit long :

« [….]. Je ne mangerai plus de pain. »p.125

« Tanios va se tuer ! »p.171

« Bayyé ! Restons ensemble toi et moi. Cette fois, tu as

choisi d‘être de mon côté et je ne te laisserai plus re-

partir chez le cheikh ! » p.174

Si nous consultons des ouvrages de l‘Histoire, nous

devons affirmer l‘exactitude du contexte historique dé-

crit par l‘auteur et ajouter quelques mots sur l‘émir li-

banais qui figure ensuite comme un des personnages

du récit : « l‘émir n‘hésitera pas [...] à s‘allier à Mo-

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hammed Ali, pacha d‘Égypte, qui conquiert la Syrie, la

Palestine et le Liban. Craignant la colère du pacha de

Saint-Jean-d‘Acre, puis celle du pacha de Damas,

l‘émir dut s‘exiler deux fois, en 1799 puis en 1822-

1823. Un débarquement de troupes anglo-turques en

1840 l‘obligea à un exil définitif le 13 octobre de cette

année-là1. »( Corm 2005 : 77-78). Et dans notre récit

romanesque, c‘est justement Tanios qui est choisi par

des représentants des puissances, ayant dans cette an-

née 1840 leurs flottes devant les portes de Beyrouth,

pour leur faire l‘interprète auprès de l‘émir et c‘est

alors de la bouche de ce garçon de dix-neuf ans que

l‘émir apprend d‘être obligé à s‘exiler.

En revanche, les paroles prononcées relèvent des pen-

sées des personnages. Ainsi, le récit du débat intérieur

qui mène à ces décisions prises dans les exemples cités

ci- dessus, se développe très longuement de ce qu‘on

peut considérer comme un récit de pensées ou discours

intérieur narrativisé. Lorsque Tanios déclare à ses pa-

rents sa première décision de ne plus manger de pain,

quand il lui a été interdit d‘aller à l‘école catholique, et

sa deuxième décision de se faire tuer s‘il n‘arrive pas à

épouser Asma, il n‘y a pas entre l‘énoncé présent dans

le texte et la phrase censément prononcée par le héros,

d‘autre différence que celle qui tienne de l‘oral à

l‘écrit. Autrement dit, le narrateur ne raconte pas la

phrase du héros, on a peine à dire qu‘il l‘imite : il la

recopie. Ceci nous ramène à dire que le discours racon-

té est traité comme un événement parmi d‘autres et as-

sumé comme tel par le narrateur lui-même et, ce qui

1 Georges Corm, Le Liban contemporain. Histoire et société, Paris, La

Découverte 2005 (Edition actualisée), pp. 77-78.

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était dans l‘original paroles, gestes, attitudes et état

d‘âme devient un acte. Ainsi, les pensées et les senti-

ments ne sont rien d‘autres que des discours, sauf lors-

que le narrateur entreprend de les réduire en événe-

ments et de les raconter comme tels. Encore faudrait-il

ajouter que l‘importance accordée au discours narrati-

visé de la page 142 jusqu'à 143 suggère que l‘auteur ne

s‘intéresse pas tant au contenu du discours théologique

qu‘il escamote et passe sous silence, qu‘aux interac-

tions verbales. L‘exemple suivant en témoigne :

« A les entendre, ce n‘était pas une guerre de conquête

qu‘il menaient mais un combat pour la renaissance des

peuples d‘orient. Ils parlaient de modernisation,

d‘équité, d‘ordre et de dignité.

Le garçon fut aussi impressionné quand le comman-

dant promit de mettre fin à toute discrimination entre

communautés religieuses et d‘abolir tous les privilèges.

A ce point du discours, Roukoz leva sa coupe à la santé

des officiers, à la victoire de leur maître. [….], de plu-

mer la moustache du cheikh en guise de contribution à

l‘abolition des privilèges.

Tanios n‘eut aucun scrupule à boire une rasade d‘arak

en imaginant la scène, il aurait volontiers ajouté la bar-

biche de Raad. » p.143

A l‘instar de l‘exemple donné, le romancier fait porter

l‘attention du lecteur davantage sur les réactions du

personnage de Tanios, « il aurait volontiers ajouté la

barbiche de Raad », « de plumer la moustache du

cheikh » que sur le discours lui-même qu‘il ne rapporte

pas. On note à cet effet une proposition subordonnée

temporelle « quand » qui établit un rapport de simulta-

néité avec « le garçon fut aussi impressionné », et qui

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trahit l‘intolérance de Tanios et de Roukoz qui réagis-

sent avec ironie sans attendre la totalité du discours.

Ainsi, le soldat qui venait de faire un long discours

reste moqué des deux personnages en question sans

comprendre à quoi rimait leur réaction moqueuse. Aus-

si, les différences sur le fond du discours théologique

sont occultées par Maalouf, et, seule demeure la réac-

tion négative des auditeurs. La parole de l‘officier

tourne à vide, ne valant finalement même plus la peine

d‘être restituée sous la forme du discours direct ou in-

direct.

Enfin, le contexte introducteur du discours raconté est

une stratégie narrative qui aide à ancrer la fiction dans

la réalité. En plus, cela permet de souligner certains

phénomènes intemporels, ici par exemple la position

problématique d‘un petit pays enserré par des puis-

sances ou les difficultés de la cohabitation de plusieurs

communautés religieuses. En outre, le recours au dis-

cours raconté comme un simple sommaire, semble ap-

porter la solution au romancier de mettre fin aux diffé-

rentes interventions des personnages qui rentrent dans

un jeu pris dans une structure dialogique qui se traduit

au niveau de l‘écriture par une polyphonie de voix,

voire une « cacophonie1 » pour reprendre l‘expression

de Jean Yve TADIER. ( Tadier 1990 :17). Cette « ca-

cophonie » qui n‘est pas mal ressentie puisqu‘elle

n‘entrave pas le mouvement linéaire du récit, permet-

tant ainsi au romancier de combiner d‘une manière

spécifique la voix du narrateur et celle de ses person-

nages. Ensuite, nous avons montré que le narrateur pa- 1 Jean Yves, TADIER, De la polyphonie à la cacophonie, Paris, Belfond. p. 17

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raissait comme un « chercheur » de la vérité, il se sou-

ciait de l‘objectivité, il faisait des justifications et des

vérifications des choses racontées pour provoquer le

sentiment d‘authenticité.

Nous avons révélé quels moyens Amin Maalouf utilise

pour convaincre le lecteur que son histoire est véri-

dique. Maintenant, nous nous demandons pourquoi il

fait un tel effort. Une solution se propose : il a opté

pour un roman « hyperréaliste » parce qu‘on vit dans

l‘époque « hyper soupçonneuse ». Il avait besoin

d‘apaiser la raison critique et le scepticisme de

l‘homme moderne pour pouvoir transmettre son mes-

sage sur l‘Orient et sur sa propre identité. Car dans la

disparition de Tanios nous voyons un parallèle avec le

départ de Maalouf du Liban.

C‘est ainsi qu‘Amine MAALOUF ressuscite le passé

du Liban déchiré par la guerre civile, tentant de conci-

lier vérité et représentation. Par la mise en scène du

passé, l‘auteur prend un autre acte d‘énonciation à par-

tir duquel les personnages et les événements histo-

riques sont, non seulement mêlés à la fiction, mais

jouent un rôle essentiel dans le déroulement du récit.

Ce dernier se trouve envahi par différentes formes de

discours auxquelles l‘auteur fait recours afin de nous

éclairer sur la réalité des choses et inscrit sa propre fic-

tion dans le patrimoine culturel, ancestral en interpel-

lant la légende populaire qui s‘associe au récit my-

thique et fabuleux qu‘est Le Rocher de Tanios.

Au personnage premier, s‘ajoute un second, qui s‘en

adjoint un troisième. Les trois sont dominés par le ro-

mancier, organisateur du texte qui est offert à la lec-

ture. En identifiant les diverses voix, et en observant la

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manière dont ces dernières sont mises en scène, nous

pourrions identifier le statut social des sujets

d‘énonciation

4. Le contexte révélateur du statut social des sujets

d’énonciation :

Dans ce roman, la première instance narratrice de base

qui était concrétisée par le personnage du grand-père

avait légué la parole à des instances projetées basées

sur la voix de quatre narrateurs principaux : Gébrayel

(le narrateur témoin), le moine Elias (un habitant du

village de Kfaryabda), le pasteur Stolton (fondateur

d‘une école anglaise) et enfin Nader (un sage muletier).

Ces narrateurs détiennent dans Le Rocher de Tanios

des fonctions différentes.

Il est à noter que chaque narrateur est doté d‘une fonc-

tion différente de l‘autre. D‘autant plus que plusieurs

voix sont mises en scène, mais ces différentes voix

n‘agissent pas de la même manière. Il y a des narra-

teurs qui effacent les traces de leur inscription, rappor-

tant les événements sur le mode de la narration non

embrayée, tout en restant des témoins invisibles des

faits narrés, tandis que d‘autres ne quittent pas la sur-

face du récit, préférant porter des jugement de valeur,

dire la réalité des choses telle qu‘elle se présentent et

commencent à narrer sur le mode embrayé.

D‘un abord peut-être difficile, notre roman obéit à un

principe de construction complexe que nous pouvons

difficilement mettre en évidence : il y a délégation pro-

gressive de la voix dominante, celle du narrateur- té-

moin, puisque l‘évocation successive de chaque per-

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sonnage ou groupe de personnages entraîne une réfé-

rence à ses propos, soit sous la forme de citations clai-

rement présentées comme telles, soit de façon impli-

cite. Aussi convient-il dans un premier temps

d‘observer dans le détail le fonctionnement dialogique

du texte, ainsi que les formes citationnelles. Gébrayel,

à qui la parole était cédée vieux ( ?) se charge de nous

raconter l‘histoire de Tanios, sa venue au monde, des

événements qui ? ont succédés. Dans les exemples qui

suivent, nous allons voir que ce narrateur dont la pré-

sence est forte dans le roman nous rapporte non seule-

ment les dires des gens mais il nous donne des détails

très significatifs sur les faits rapportés ainsi que les

gens qui y ont participé.

« Si les explications que je viens de fournir sem-

blent nécessaires aujourd’hui, les villageois de

l’époque n’en auraient pas eu besoin. Pas un seul

parmi eux n’aurait jugé anodin que le cheikh pût

donner à l’enfant de Lamia le prénom le plus

prestigieux de sa propre lignée. Gérios croyait

déjà entendre l’immense ricanement qui allait se-

couer Kfaryabda ! Où donc pourrait-il cacher sa

honte ? En se levant de table pour aller voir

l’enfant, il n’avait rien d’un père heureux et fier,

sa moustache paraissait défaite, c’est à peine s’il

put marcher droit jusqu’à la chambre où Lamia

somnolait.»p.49

« L’endroit où se tenait l’enfant de Lamia quand

cet incident a eu lieu, je pourrais le désigner avec

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exactitude. Les lieux ont peu changé. La grand-

place a gardé le même aspect et la même appella-

tion, « Blata », qui veut dire « dalle ». On ne se

donne pas rendez-vous « sur la place », mais «sur

la dalle» p.71

Les propos de Gébrayel se constituent en paroles indi-

cibles, suscitant l‘investissement du lecteur. Les ex-

pressions, « n‘aurait jugé anodin », « l‘immense rica-

nement », « rien d‘un père fier », « moustache défaite

», laisse déjà entendre que Tanios est un enfant illégi-

time, mais sans que le narrateur témoin ne le dise ou-

vertement. Aussi, en parlant, il dit de Gérios:

« Il était, comme on dit au village de ceux qui ne

rient pas en présence d’un pain chaud. ». Du

coup, on le jugeait sournois et hautain. On lui

manifestait de l’hostilité même. [….]. « Il ne sait

faire ni le bien ni le mal », se contentait-on de

dire avec une parfaite mauvaise foi. » p. 27

« Lamia avait seize ans, et lorsqu’elle pleurait,

deux fossettes se creusaient au milieu de ses joues

comme pour recueillir ses larmes.[….]. «Et plus

belle encore ! La plus belle des femmes ! Gra-

cieuse de la nuque aux chevilles. Ses mains

longues et fines, ses cheveux si noirs qui tom-

baient lisses jusqu’au milieu du dos, ses grand

yeux maternels et sa voix affectueuse. Sa peau

était rosâtre et si douce que tous les hommes rê-

vaient de la frôler ne fût-ce que du revers des

doigts. Sa robe s’ouvrait jusqu’aux marches du

crucifix, et plus loin encore. Les femmes de ce

temps là se dévoilaient sans le moindre soupçon

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d’indécence, et Lamia laissait paraître une face

entière de chaque sein. Sur ces collines- là

j’aurais posé ma tête chaque nuit….. » p. 36

Dans ces exemples, le narrateur rapporte d‘abord au

discours direct les propos des gens concernant le per-

sonnage de Gérios à savoir que l‘ensemble du fragment

est assumé par le narrateur témoin. Les deux autres

exemples cités se présentent comme la suite d‘un récit

à l‘imparfait, assumé toujours par ce narrateur qui va

gommer progressivement les limites entre énoncia-

teurs. Le narrateur inscrit ses évaluations dans le récit

par sa manière de se référer à un personnage. Autant de

désignations qui impliquent un jugement de valeur du

narrateur sur son personnage alors même que l‘énoncé

relève du récit. Ainsi, les expressions « mauvaise foi »,

« sournois », « hautain », « et plus belle encore ! La

plus belle des femmes ! », « Yeux maternels », impli-

quent les sentiments du narrateur- témoin envers ces

personnages. Les désignations concernant Lamia, im-

pliquent une relation affective à valeur subjective.

Enfin, au cours de cette analyse nous avons remarqué

des séquences au discours raconté qui, lui dépend de

l‘instance narrative, et permet au narrateur de manipu-

ler à sa guise l‘énoncé linguistique, de par l‘emploi des

modalisateurs pour en faire un commentaire beaucoup

plus didactique. A cela, s‘ajoute la fonction poétique

qui donne une forme esthétique à l‘œuvre où le lecteur

se trouve entraîné dans un labyrinthe où les deux ins-

tances qui relèvent du discours citant et du discours

cité se trouvent confondues, de par l‘emploi du dis-

cours polyphonique, ce qui nous oblige à rester collés

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au texte faisant toujours appel à la fonction référen-

tielle qui nous renseigne sur le moment du discours qui

a été tenu et dans quelles circonstances il a eu lieu.

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230

HAOUAM Leïla

Laboratooire L.O.A.P.L.

Communiquer analyser le rôle du contexte dans

l’interprétation du vêtement

Au-delà de sa fonction de « couvrir », le vêtement,

ou l‘accessoire est porteur d‘une idée, d‘un message,

tout comme un texte littéraire ou un discours orale et

ou écrit. Le vêtement et l‘accessoire (bijou ou maquil-

lage) fonctionnant comme une langue non verbale par

signes basés sur la signification capable de communi-

quer et d‘exprimer des idées et de transmettre des in-

formations sur leur porteur d‘une façon intentionnelle

ou non et peuvent aussi changer de sens selon le con-

texte spatio-temporel.

1.1. Le vêtement et ses fonctions communicatives à

travers l‘espace et le temps : Depuis toujours les

premières impressions évoquées entre les hu-

mains sont celles traduites par le code de

l’apparence, celui du vêtement et celui de l’habit,

sans établir un contact oral ou mimo-gestuel.

Le vêtement a plusieurs fonctions : la première et la

principale est de protéger le corps et de dissimuler ses

parties intimes, la seconde est celle de manifester la

distinction entre les individus révélant à la même occa-

sion l‘identité d‘un groupe ou l‘appartenance idéolo-

gique, exprimant également la valeur esthétique d‘une

culture.

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231

Le vêtement est aussi un indicateur très significatif

pour situer les niveaux de classes ou de cultures, il est

aussi une première image parlant de nous à notre envi-

ronnement social au quotidien. Et peut aller même plus

loin ; relatant le passé et l‘histoire d‘un peuple à travers

un rapport de ressemblance entre les costumes (coupe,

couleur…) de deux peuples distincts mis en relation

par des circonstances historiques ou pour des raisons

commerciales entre autre.

Bref il est un REVELATEUR.

Roland Barthes dit sur le vêtement dans (système de

la mode éditions du Seuil, Paris, 1967) :

« Un vêtement peut signifier parce qu’il est :

1) Nommé : C’est l’assertion d’espèce. (L‘identité le

groupe)

2) Porté : C’est l’assertion d’existence.

3) Vrais (ou faux) : C’est l’artifice.

4) Accentué : C’est la marque. (L‘empreinte, la trace)

Ces quatre variantes ont ceci de commun, qu’elles font

l’identité du vêtement ou son sens même. »

Nous allons analyser l‘aptitude communicative du

vêtement réel porté au quotidien et de l‘accessoire al-

gérien et leurs évolutions en tant que signe à travers les

contextes spatio-temporels.

Comment fonctionne le processus communicatif

du vêtement ou d’un objet pour produire une in-

formation?

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2.1 Le processus d’identification et de signification :

D‘après les études les réalisées sur le signe Réalisé

grâce au système de signification Saussurien :

a. Le signifiant : C‘est l‘aspect sensible du signe,

celui qui tombe sous les sens.

b. Le signifié : C‘est la représentation mentale

qu‘un individu se fait du référent au contact du

signifiant.

c. La signification : C‘est le lien logique permanent

unissant le signifiant et le signifié, elle est une

sorte de champ sémantique produit par le signe

dans l‘esprit. Il existe deux types de signification

une dénotative et une autre connotative, conven-

tionnée par des règles sociales ou par habitude

(d‘usage), dont le caractère essentielle est

d‘exister, de désigner ou de signifier quelque

chose d‘abstrait ou de concret. Dans le cas du

vêtement ou une de ses pièces, il communique

par signification d‘une origine, d‘une catégorie

sociale ou un métier.

a. La connotation : Se manifeste à travers la

texture ou la couleur par exemple le velours

SENS = SIGNIFIANT + SI-

GNIFIE

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233

rouge désigne et indique la classe royale si-

gnifiant ainsi la richesse du personnage.

b. La dénotation : Se manifeste dans la totalité

du costume elle peut désigner un métier

comme l‘uniforme ou une origine.

3.1 Tableau N° 1 : Le système de signification

U. Eco rejoint l‘idée de R. Barthes que tout objet a

deux fonctions une principale celle de l‘usage et une

deuxième celle de la signification et de la communica-

tion.

R.BARTHES développe cette idée qu‘il appelle " la

fonction-signe " dans (l‘aventure sémiologique, Édi-

tions du Seuil, Paris, Octobre 1985, D.L. Février 1991

N° 12 570-2 (12214), Photo Adossant © sygma collec-

tion : point essais) où il explique que cette fonction-

signe, témoignant d‘un double mouvement du sens de

l‘objet artificiel comme systèmes sémiologiques de-

mandant une analyse basée sur deux dimensions : Une

analyse en tant qu‘objet utile ou outil destiné à un

usage précis "la fonction primaire" et une analyse en

tant que moyen remplissant une autre fonction (com-

municative) "la fonction seconde" ou "La fonction

La signification

Le signifiant Le signifié

Le vêtement Le sens social

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234

mixte" que la société attribue aux objets tel que le vê-

tement.

Donc dans ce cas il sera situé dans un contexte

social par l’interprète.

Umberto Eco classe des signes "les signes mixtes ou

les signes à double fonction" en deux catégories ces

signes sémiologiques d‘origine utilitaire et fonction-

nelle en : Classe Naturelles et classe Artificielles :

Dans les signes artificiels, il dégage trois fonctions

(fonction primaire, fonction seconde et fonction mixte).

Quant à C.S. Pierce explique que le processus de si-

gnification et de communication est un phénomène

cognitif : le signe représente quelque chose qu‘il

évoque à titre de substitut dans un contexte culturel

donné, cette représentation n‘est d‘autre qu‘une "cons-

truction mentale" le résultat d‘une activité psychique,

pour lui le signe n‘est pas l‘objet car l‘élément

d‘expression du signe lui-même (son, couleur, ou

forme) conçu comme une représentation matériel. Mais

dans sa théorie pragmatique qu‘il élabore -une des trois

principes généraux après le principe générale et le

principe triadique- sur les quels reposent la théorie sé-

miotique Peircienne. Dans le principe pragmatique C.

S. Peirce prend en considération le contexte de produc-

tion et de réception des signes et définit le signe par

son action sur l'interprète. Donc Hors pays ou contexte

le vêtement ou l‘ornement perd son sens significatif

d‘origine et devient un indice ou un signe identificateur

d‘origine.

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3.1 Exemples 1 :

Nous avons choisi quelques pièces significatives

dans différent contexte du vêtement du bijou et du

maquillage algérien parmi d’autres que nous avons

étudiés :

3.1.1 La coiffe algérienne pour les femmes et les

hommes :

La coiffe algérienne pour les femmes et les

hommes

a. Le signe de la coiffe dans la culture arabe et al-

gérienne : Elle est un signe de type dénotatif car

elle peut indiquer l‘origine, l‘âge ou la classe de

son porteur. Dans la culture Arabe elle est un signe

de sagesse et de responsabilité ainsi que de distinc-

tion au sain de la société et à l‘intérieur de la fa-

mille.

Figure 1 Figure 2

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b. Les fonctions de la coiffe dans la culture arabe

et algérienne : La fonction première des coiffes en

générale est de protéger la tête. Mais sa multiplici-

té et sa variété en model ainsi que le contexte pour

le quel ou dans le quel elle est portée lui attribue

une deuxième fonction celle de la distinction et du

repérage tel que des origines (béret du Français,

chéchia et le chèche de l‘Arabe, le chapeau melon

de l‘Anglais, le turban de l‘Indien…etc.), des

classes sociales (la casquette de l‘ouvrier, le cha-

peau du bourgeois), idéologique religieux ( le voile

«Islamique » (femme), la calotte de

l‘Israélite…etc) et des fonctions professionnel

(casque du pompier, couronne du roi, toque du cui-

sinier…), on pourrait dire qu‘il s‘agit d‘un langage

des coiffes portant des significations communi-

quant un message et une information.

Elle communique le sens de la sagesse et de la res-

ponsabilité et apporte à son porteur le respect et la

dignité qu‘il mérite par autrui.

Tableau N° 2 : Significations de la coiffe arabe

Significations de la coiffe arabe et ligérienne

Signifiant Signifié

La coiffe Sagesse, responsabilité, distinction

sociale et familial.

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TaTableau N° 3 :

Classification de Umberto Eco

Classe Fonction 1 Fonction 2

Un signe artificiel,

explicite et signifi-

catif à émission

consciente et inten-

tionnel par

l’homme.

Protéger

La

tête

Distinction so-

ciale. Apporte à

respect et la di-

gnité qu’il mé-

rite par autrui.

Voici différents contextes et situation où le sens du

signe de la coiffe change :

A. La coiffe algérienne pour homme :

Situation 1 : Le turban dans sa fonction identifi-

catrice d’origine : Pour les régions rurales, voir

un homme en chèche ou en turban mérite des

gestes de respect par son entourage mais hors ce

contexte spatiale l’effet magique de ce turban

disparait son porteur ne perçoit plus ces gestes

de respect aux quel il s’ai habité, nous retrou-

vons alors deux interprétations du turban déno-

tés à travers deux points de vue différents : celui

de la gente citadine ne voyant que la seconde

fonction du chèche qu’il modifie :

l’identification. Et celui du bédouin voyant les

deux fonctions (fonction1 et fonction2) de sa

coiffure en action.

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La coiffe algérienne pour home

Tableau N° 5: Calcification et fonctions du TURBAN

ou du CHECHE selon son contexte spatial

Le TURBAN ou le CHECHE

Point

de vue

Classe Fonction

1 d’usage

Fonction 2

significative

Signe

mixte

Point

de vue

du ci-

tadin

Signe

artifi-

ciel

Commu-

nique

l‘identificati

on

du bédouin.

Point

de vue

du bé-

douin

Protec-

tion de la

tête et du

visage

contre

les coups

de soleil,

cache

nez

contre

Informe sur

l‘origine de

son porteur

(arabe, no-

made ou bé-

douin, indou

ou autre…)

dans le cas

de classe,

distinction

F1+ F2

Protec-

tion et

Distinc-

tion so-

ciale et

d‘origine.

Figures 3

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les vents

de sable,

filtrer

l‘eau des

impure-

tés, rai-

son pour

laquelle

sa cou-

leur est

blanche.

des classes,

des âges, et

tribales ainsi

que régio-

nale.

Situation 2 : Le signe du chèche ou le turban dans sa

fonction de distinction d‘âge, dans les régions bé-

douines, le turban est porté à l‘adolescence pour sensi-

biliser le jeune à la responsabilité et à son nouveau sta-

tut familiale lui dictant certaines responsabilités et

conduites aux quelles il doit se tenir, le turban de

l‘adolescent porte également un message à autrui signi-

fiant que ce jeune est devenu "un homme". Dans ce cas

nous retrouvons juste la deuxième fonction du signe du

turban celle d‘une distinction d‘âge, d‘identifier et

d‘informer.

Le chèche ou le turban dans sa fonction de dis-

tinction d’âge

Figure 6

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Situation 3 : Le signe du turban chez les Touarègues

Dans ce contexte la coiffe ne change pas seulement de

signification mais change de nom aussi le turban est dit

Tagoulmoust, se divise en deux celle pour les hommes

adulte et celle pour les jeunes. Chez certaines tribus

touareg, l‘homme ne se couvre pas la tête vieux ou

jeune soit-il, sauf s‘il a la teigne (maladie capillaire) ou

qu‘il soit chauve, ces deux cas sont tenues de se cou-

vrir entièrement la tête. Donc la coiffe dans ce cas

fonctionne comme un indice d‘état de santé. Selon la

classification d‘U. Eco le turban Touarègue appartient

à la deuxième classe des signes les signes artificiels

significatifs, explicitant un message intentionnel par le

porteur communicant ainsi qu‘il est chauve ou tei-

gneux. La coiffe dans ce cas remplit la fonction se-

conde car sont port est pour but d‘informer un état de

santé. « Dans certains cas, la fonction seconde prévaut

ainsi au point d’atténuer ou d’éliminer entièrement la

fonction primaire » Eco.

Pour d‘autres tribus, la principale fonction de ce voile

de tête dit "Tagoulmoust" constitue la pièce maîtresse

du vêtement de l‘homme targui portant un sens honori-

fique, « Le voile de front et de bouche et le pantalon

sont les vêtements distinctifs de l’homme (…) ; ôter son

voile de tête et de bouche, jeter son voile (…), ôter son

Figure 7

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pantalon sont des expressions qui signifient être dés-

honoré.» Charles de Foucauld. Devant une personne

âgée, un jeune homme ne découvre jamais son visage

par respect, une fente d‘où brillent deux yeux et intro-

duit le verre de thé sous le voile sans découvrir sa

bouche. Ce le voile protège des muqueuses du vent,

mais plus encore, soustrait les orifices faciaux aux as-

sauts des génies dangereux.

Le signe du turban chez les Touarègues

Donc il est honteux pour l‘homme Touareg de se dé-

voiler en public, le voile de tête pour le targui est un

Figure 8

Figure 9

Figure 10

Figure 11

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signe d‘honneur. Dans la classification d‘U. Eco la

coiffe Touareg fonctionne comme un objet significatif

pour l‘unique fonction qui est celle d‘indiquer que son

porteur et une personne honorable :

Tableau N° 6 : Le signe turban touareg dit Tagoul-

moust

Le signe du turban touareg dit Tagoulmoust

Signifiant Signifié

Tagoulmoust Un signe d’honneur

Le turban Targui est riche en couleurs (rouge, jaune,

vert, blanc, noir…) et texture aussi dont deux couleurs

à signification spéciale : le turban blanc est porté pour

communiquer et exiger le respect, dans un jour particu-

lier. Le chèche indigo en lin souvent avec un tissage

complexe. Ce chèche est porté les jours de fête et les

jours de froid car il est plus chaud que le chèche en co-

ton. Sa teinture souvent à base d‘indigo dit (NILA) en

Arabe tend à déteindre sur la peau, donnant au Targui

le surnom « d’homme bleu ».

En langue tamasheq, selon les tribus, il prend aussi

parfois le nom de Tagoulmoust ou de litham. Les

jeunes mettent sur leur tête une sorte de coussinet

nommé "atenkerir" dont une autre dénomination est

"tadabânat" dont la fonction est d‘assurer une bonne

position au voile de tête. Les hommes âgés ne mettent

pas ce coussinet (une récente mode est venue de l‘Ayr).

Parmi les jeunes, il y en a qui se tressent les cheveux,

d‘autres les portent en crête. Les personnes âgées ont

parfois les cheveux en crête. Mais la plupart se rasent

complètement la tête.

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Situation 4 : Le tarbouche : ajouté au mode vestimen-

taire algérien le tarbouche sort de son cadre ordinaire

turc à travers trois contextes différents et devient une

pièce significative ; un signe de type sociale et même

historique et un accessoire féminin.

Le Tarbouche Turc, hérité des Turcs est devenu la

deuxième coiffe masculine à porter seul ou avec le

turban (coiffe d’origine).

A l‘époque turque la coiffe masculine algérienne

s‘attribue le tarbouche comme coiffe officielle de la

souche sociale noble et des jeunes intellectuels (étu-

diants, journalistes, musiciens et hommes de culture…)

Le tarbouche porté en Algérie époque coloniale

française

Figure 12 Figure 13 Figure 14

Figure 15 Figure 16

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244

et celle des hommes de la haute classe algérienne ayant

des relations d‘affaires avec les Turcs comme les

grands commerçants.

Certains hommes conservateurs ont mixaient les

deux coiffes (turban et tarbouch) en les portant en

même temps le tarbouche servait de support pour le

turban tout en restant apparent au milieu.

De nos jour les deux coiffes existent encore portées

en solo ou séparément, bien sûre les coiffes ont gardés

leurs statut significatifs de l‘époque mais le temps a

ajouté une autre touche significative et particulière au

tarbouche : devenu signe de type historique après qu‘il

fut un signe sociale dénotant l‘influence coloniale et

culturel turc pendant une période antérieure, ce pendant

le tarbouche n‘est plus une pièce vestimentaire identi-

ficatrice d‘origine, mais il est un indice informant sur

une influence turc dû à une époque coloniale donnée.

Il est rarement vue porter par les hommes ou les

jeunes, mais par contre on peu le trouvé porté comme

accessoire complétant une tenue féminine festive

comme le prestigieux Caraco devenu un vêtement oc-

casionnel porté lors des fêtes et des grandes occasions

après qu‘il fut un habit porté au quotidien.

A. La coiffe algérienne pour femmes:

Situation 5 : Les femmes ont toujours couvèrent la tête

: un simple voile ou un foulard pour les jeunes filles,

une coiffe composite pour les grandes dames de la fa-

mille, belles mères ou femmes âgées. Ces coiffes sont

significatives distinctives aussi bien à l‘extérieure qu‘à

l‘intérieure de la demeure, rehaussée de bijoux et

même parfumé. Les coiffes féminines sont plus variées

que celles des hommes et se distinguent selon les ré-

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245

gions. Dans un contexte occasionnel les coiffes chan-

gent de formes et devienne plus tôt codées : Le turban

est porté de différentes façons connotant et traduisant

des coquetteries personnelles, nous retrouvons ici le

rôle communicatif intentionnel du vêtement traduisant

et explicitant les intentions de son porteur à son entou-

rage "fonction seconde" « l’objet c’est quelque chose,

une définition qui ne nous apprend rien à moins que

nous essayons de voire quelles sont "les connotations.

" » ( R.Barthes "l‘aventure sémiologique". 1985)

Le turban est placé droit légèrement incliné à

gauche au dessus des oreilles au sommet de la tête,

les deux extrémités sont ornées de galons roses ou

verts qui semblent former deux fleurs.

La coiffe algérienne pour femme

Figure 17 Figure 18

Figure 19

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Exemple 2 : Le Burnous

1. Le Burnous :

1.2. Le Burnous entre hier et aujourd’hui : Le

Burnous une importante pièce de vêtement mas-

culine nord africaine connotant plusieurs signifi-

cations de qualités nobles comme le courage, la

chevalerie et la bravoure, de la générosité et de

l‘hospitalité une qualité reconnue pour les gens

du sud et des régions bédouines. Sa variation en

couleurs communique plusieurs informations sur

son propriétaire selon le contexte le situant ainsi

socialement, professionnellement (spahis ou dey

figure 23), occasionnellement ou révélant ses

état d‘âme (deuil, fête, mariage 20, 21, 22)

Dans le contexte social le Burnous est présent

comme le dictent les coutumes et les traditions des

grandes occasions comme les mariages. En Algérie, le

marié porte le Burnous blanc ou marron hérité de son

père dans ce cas de figure le Burnous est un signe de

type traditionnel affichant une tradition signifiant

Figure 21 Figure 22

Figure 23

Figure20

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247

l‘inauguration ou l‘ouverture d‘un nouveau foyer. A

Alger la mariée sort du dessous du bras de son père

portant le burnous, ce geste est un signe de type psy-

chologique (affectif) bénissant la sortie de la fille du

foyer parentale vers le nouveau foyer celui du mari, qui

la recevra sous l‘aile de son Burnous pour entrer dans

leur nouvelle demeure.

Aujourd‘hui dans les mariages algériens le costume

traditionnel est confronté au costume occidentale la

robe blanche ainsi que le costume classique occidentale

sont surmontés du Burnous blanc ou marron (héritage

familial de père en fils). Le Burnous porté par le marié

comme signe symbolisant d‘ouverture d‘un nouveau

foyer.

Avant l‘Independence en Kabylie le burnous avait

un sens opposé il était porté par les femmes de fa-

milles maraboutiques ne sortant que revêtues d‘un bur-

nous couvrant leurs visages d‘un foulard de soie noire

lors des voyages, mais les femmes de bonne familles

elle s‘enveloppe dans un "ahayek" (haïk) de laine ou de

soie blanche.

Chez les Berbères Marocains où le père de la mariée

invite sa fille a marché sur le pan de sa cape comme

signe de Bénédiction (Burnous dit Azenar) jusqu‘à sa

monture.

Jusqu‘à aujourd‘hui au 21ème

siècle. Entre les années

1955 et 2000, après son part par des femmes pendant la

résistance se faisant passées pour des hommes lors de

leurs trajets nocturne. Ainsi le Burnous se fait une

place dans la garde robe féminine, servant de cape pour

soirée, d‘une coupe plus ou moins large fait de velours

ou de soie généralement de couleur blanche garnit de

broderie de la même technique que le caraco Algérois

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248

"Soutadj" et "Medjboud" à files d‘or ou d‘argent. Il

constitue alors une pièce du vêtement féminin Algérien

et spécialement pour le costume Kabyle.

Mais hors pays le Burnous n‘est pas vue comme tel

mis à part son porteur, mais comme un indice ou un

signe identificateur d‘origine Arabe ou nord africaine.

Selon la théorie pragmatique de Pierce prenant en con-

sidération le contexte de production ainsi que la récep-

tion des signes définissant le signe par son action sur

l‘interprète.

Exemple 3 : l‘ornement le bijou et le maquillage

a. Le bijou : Un objet est voulu et demander par

tous, porté par les femmes et les hommes reines

et rois à travers les siècles, confectionné en or ou

en argent, en corail ou en pierre précieuses. Se le

procuré ou l‘offrir à nos aimés il fait toujours

plaisir. Toute société a sa marque de bijoux qui

la distingue et l‘identifie par rapport à d‘autres.

Le burnous aujourd’hui pour homme et

pour femme

Figure 24 Figure 25

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249

L‘histoire du bijou révèle qu‘il fut conçu depuis

l‘existence de l‘humanité porté comme une parure, un

talisman, un symbole ésotérique et mystérieux et même

un remède contre des maladies dont on ignorait

l‘origine.

Que pourrait-il dire entre les contextes spatio-

temporels ? ou que devient sa valeur entre les diffé-

rents contextes spatio-temporels ?

Les parures Arabe et celle connues au Maghreb ont

leur côté mystérieux :

El-Khoumsa ou la main de Fatma : Portée souvent pour sa fonction bénéfique comme

porte bonheur ou talisman pour protéger contre les ef-

fets du mauvais œil ou "El-ayin" -dans le dialecte Al-

gérien- provoqués par les envieux et les jaloux.

Que devient-elle en dehors du Maghreb et au-

jourd’hui ?

Hors son contexte arabo musulman et maghrébin la

khoumsa s‘approprie une interprétation différente,

ignorant son utilité dans son pays d‘origine les étran-

gers comme les occidentaux la voient comme un indice

Figures 26

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250

identificateur d‘origine maghrébine ou religieuse (mu-

sulman). Mais la mode et la vague de la mondialisation

et le tourisme ont fait que ce pendentif talisman de-

vienne un bijou pour enjoliver ou un souvenir apporté

d‘un pays du Maghreb pour décore leurs demeures ou

pour l‘offrir.

b. Le maquillage :

1.1. Le tatouage entre le bonheur et la douleur :

Le tatouage est le plus antique des maquil-

lages que l‘homme a créé. Pour la population Afri-

caine par exemple, le tatouage a trois fonctions

principales et primaires : protection contre les es-

prits maléfiques un "anti-esprit", remède contre les

maladies épidémiques fatales "antidote" et moyen

prophylactique et protecteur.

Mais que devient-il en dehors de ces contextes ?

Dans les pays occidentaux le tatouage est très repen-

du entre les jeunes adolescents qui l‘utilisent pour dis-

tinguer des groupe croyants à des idées mythique

comme les gotiques.

Mais dans les pays arabo-musulmans le tatouage in-

délébile est interdit par la religion, mais il est évoqué

dans certaines tribus berbères ; pour les femmes ber-

bères il fut une devise d‘une jouissance enthousiaste

dont elles détiennent le secret depuis la nuit des temps,

son mystère loge dans l‘esthétique et dans le sens de

chaque trait, cercle, point ou autre, le tatouage peut

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même traduire l‘histoire personnel ou indiquer son ori-

gine tribale, comme nous pouvons le constater a travers

ces exemples proposés :

Sur le front : Le tatouage rapproche les sourcils, les

allonges et donne au regard une profondeur dissi-

mulant ainsi les imperfections du visage.

Du menton au cou : Dissimule les rides.

Sur toute la face : Il fait office d’un masque érotique.

1.2 Le tatouage l’affichage de la beauté et du bon-

heur :

Aux Aurès : "L’oucham" représente un grand sym-

bole de la beauté pour la femme des Aurès et même

plus car il représente en premier lieu une puissance

magique. La femme Chaouia se tatoue le visage, front,

joue, menton, bras, poigner, mollets.

Il est dit que lors des préparatifs du mariage, le

futur époux demande à la jeune fille d’accepter en

son honneur un tatouage sur l’une des parties de

son corps, comme vœux d’amour.

Le tatouage est pratiqué sur la personne dès le jeune

âge pour les filles vers 6 et 7 ans avec des divers motifs

dont les plus importants sont : Les lignes brisées, le

losange ou la croix ; tatoués entre les deux yeux sont

des singes protecteurs, le triangle symbole de féminité,

le tronc du palmier symbole de richesse, le peigne à

carder, tatoué sur le bras d‘une tisseuse assure

l‘habiliter, la représentation animale et insecte : papil-

lon, mouche, scorpion, sont des signes protecteur,

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contre les maladies, les mauvais œil et la magie noire,

autres représentations : Soleil, l‘œil, le croissant, le col-

lier.

a- L’affichage de la douleur : Un moyen pour afficher

de la douleur une fonction significative s‘ajoute à

celle de l‘esthétique, et devient un moyen d‘écriture

biographique ou autobiographique à travers le quel

toute une vie d‘un peuple ou d‘une personne est af-

fichée, ce moyen douloureux fait surgir une souf-

france et un état d‘âme intérieur, subies dans un

passé lointain ou proche marqué par l‘injustice est

exposer, exprimant le refus de l‘autre, dans sa bru-

talité et inhumanité ainsi que dans sa force destruc-

trice signé par le tatouage. Cet acte d‘extériorisation

de la douleur, par le tatouage, est à la fois une pu-

blication et une expression du drame vécu, un exor-

cisme du mal supporté et le signe confus du conti-

nuum de la résistance exprimée sur la peau à l‘aide

de l‘aiguille. Pendant la colonisation Française et

bien avant jusqu‘à la résistance de la conquête ara-

bo-musulmane.

Figures 27

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Le tatouage fut une échappatoire pour les femmes

berbères connaissant la souffrance de la torture. De ce

fait il devint subitement le symbole de la souffrance et

de la résistance du peuple opprimé et asservit,

n‘oublions pas que nous avons souligné l‘influence co-

loniale et frontalière, en voici deux exemples pour il-

lustrer la mutation de la fonction et de la signification

du tatouage :

Le tatouage du menton d‘une oreille à l‘autre : La

restitution du visage de cette manière, évoque et fait

référence à la barbe de l’époux disparu. L‘image des menottes traçait sur ses poignets : Réfé-

rent et traduisent l’emprisonnement humiliant pour

l’époux de celle portant ces marques de tatouage. Les anneaux au niveau des chevilles : Evoquent les

lourdes chaînes que traînaient en marchant à petits

pas, leurs maris capturés.

Le tatouage des joues : fais penser aux lamentes des

femmes en deuil de leur maris victimes de la guerre,

cet acte est dit dans le berbère Marocain "Agzdur"

signifiant d’après le dictionnaire du "parler du Ma-

roc central" de Taïfi Miloud : « fait de se lacérer les

joues en se lamentant, signe de deuil chez les femmes.

»

Conclusion : Le contexte spatio-temporel donne vie au

vêtement ainsi qu‘à tout ornement, leurs fonctions si-

gnificatives changent et naissent, on peut avoir d‘objets

n‘ayant pas de sens ni de valeurs, s‘appropriant avec le

temps et l‘espace des significations et des valeurs.

Que vat faire le contexte spatio-temporel avec ces objet

vat-il leurs faire perdre leurs sens et leurs valeurs qu‘ils

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254

ont aujourd‘hui ou leur donné de nouvelles valeurs

significatives ?

Bibliographie :

Roland Barthes Système de la mode éditions du

Seuil, Paris, 1967

Roland Barthes l‘aventure sémiologique, Éditions

du Seuil, Paris, Octobre 1985, D.L. Février 1991 N°

12 570-2 (12214), Photo Adossant © sygma collec-

tion : point essais)

R.Barthes "l‘aventure sémiologique". 1985

http://www.signosemio.com

1- U. Eco "LE PROCESSUS SÉMIOTIQUE ET

LA CLASSIFICATION DES SIGNES".

2- "La sémiotique de Pierce"

FERDINAND DE SAUSSURE Cours de linguis-

tique générale,, Éditions TALANTIKIT Bejaïa,

2002 N° D.L. 1836 -2002.

Sémantique de l’objet, Roland BARTHES, confé-

rence prononcée en septembre 1964 dans le cadre

d‘un colloque sur «L‘art et la culture dans la civili-

sation contemporaine» dans L’aventure sémiolo-

gique, Paris, Seuil, 1985, p. 251-259.

Mémoire de Magistère intitulé « L‘expression ves-

timentaire à travers le costume Algérien. » Melle

Leïla HAOUAM sous la direction et la codirection

de Mme Fatima Zohra Chiali-LALLAOUI et la Co-

direction de : Louis Panier université Lumière

Lyon2.

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255

HARIG-BENMOSTEFA Fatima Zohra

Université d’Oran

L’importance des savoirs socio-culturels dans la

traduction et la construction du sens : L’actualisation

de l’emprunt lexical dans le discours

Résumé

L‘emprunt dans son principe, l‗introduction d‗un terme

étranger dans un système linguistique, n‗est pas un acte

de création linguistique ; il consiste à se servir d‗un

signifiant étranger déjà existant en référence à un signi-

fié lui-même étranger. Cette translation serait pour cer-

tains un acte de paresse linguistique ; mais on a vu que

le processus d‗intégration de l‗élément étranger susci-

tait des formes linguistiques nouvelles morpho-

syntaxiques ou sémantiques. Par un autre aspect,

l‗emprunt peut être générateur de création linguistique

; à partir du moment où le vocabulaire étranger est pré-

dominant dans un secteur du lexique, il peut se pro-

duire un processus de rejet. Il est alors nécessaire de

faire appel aux possibilités de création offertes par le

système lexical de la langue emprunteuse pour substi-

tuer un terme national au terme étranger.

Nous nous proposons d‘examiner, dans cette article un

mode particulier de la construction de la référence,.

L‗intérêt se porte plus particulièrement sur les em-

prunts à une autre langue. Ce sont des mots dont

l‗utilisation engage fortement la responsabilité du locu-

teur. Ils risquent de trop révéler, de dépasser l‗intention

de ce dernier et de créer un effet paradoxale .

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Mots clés

Emprunt, emprunt lexical, realia, praxèmatique, déno-

mination, équivalence, catégorisation, recomposition

sémantique, hyperonyme / hyponyme, nomination, ac-

tualisation, procédés de la nomination, traduction, ex-

tralinguistique. Emprunt fait du français à l‘arabe : Le

cas de «caïd »

Introduction

Notre réflexion vise la manière dont le sens se

transforme lorsque l‘emprunt passe d‗une aire linguis-

tique à l‗autre. L‗étude relève de la sémantique, plus

précisément de la sémantique discursive. Nous cher-

chons à vérifier si les constats faits à « casbah » sont

applicables à « caïd » auquel les mêmes propositions

théoriques pourraient être tirées. Pour cela, on prendra

en considération les contextes historiques, sociaux, cul-

turels qui ont motivé l‗emprunt et on étudiera les moti-

vations de la reconstruction sémantique qui accom-

pagne généralement le mot emprunté.

1.1. Le sens premier du mot « caïd »

1.1.1. Eléments d’étymologie

Les deux plus anciens dictionnaires auxquels

nous avons pu avoir accès. Pour la langue arabe «

Mouhit al mouhit » un des dictionnaires qui donnent

l‗étymologie la plus ancienne des mots arabes1. Pour ce

qui concerne le mot « caïd », on trouve la définition

suivante :

1 Les dictionnaires arabes ne donnent que le sens et l’étymologie des mots

d’origine arabe.

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1- Le nom Alcaoud (conduite) est le contraire de

alsaouk (poussée), on conduit l‗animal par devant et on

le pousse par derrière, donc « conduire » c‗est toujours

par devant et « pousser » par derrière.

On dit : j‘ai conduit l‘animal dans le sens, je l‗ai

tiré derrière moi.

2-Alcaoud (conduite) c‗est le cheval aussi, on dit

cheval caoud, dans le sens : cheval conduit par quel-

qu‗un, et en général, les chevaux sont confiés à un «

caïd » qui est le singulier du pluriel « cada » ou «

caoud ».

3-Al micouad : c‗est le collier qu‗on met à

l‗entour du cou du chien ou des animaux en général

pour les tirer.

4- On appelle aussi caïd celui qui conduit

l‗armée.

5- Alcaïd « le caïd » des chameaux : c‗est le

chameau qui marche à la tête du troupeau, qui marche

devant les autres chameaux et qu‗on doit suivre.

6-Le caïd de la montagne : c‗est son sommet.

Alors que dans le dictionnaire français « Le tré-

sor de la langue française » :

« CAïD, subs. Masc.

– [En Afrique du Nord] Notable qui cumule des

fonctions administratives, judiciaires, financière ; chef

de tribu(s) (cf. Fromentin, Un été dans le Sahara, 1857,

p. 15).

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258

_ p. ext.

1. Arg. Chef

a). [Dans une bande de jeunes, dans un mil. Spéc.]

Se prendre pour un caïd. [Le] Petit caïd de l‘équipe, un

mouflet à casquette torpédo (A.Simonin, Touchez pas

au grisbi, p.231). Les caïds du milieu (L‘oeuvre, 3 sept.

1945, p. 58).

b). Personnage important de la société. Synon.

Fam. Et pop. Point, huile. Son premier client fut un

gros caïd de la S .N.S.F. à qui elle fil les lignes de la

main (J. PERRET, Bâtons dans les roues, 1903, p. 171

ds ROB. Suppl.).

2. pop .ou fam. Homme qui s‗impose avec dureté.

Faire son caïd. Il [Blaise] marchait d‘un pas brutal de

vainqueur (…). Un conquistador en vérité, un caïd, un

malabar (A. Arnoux, Pour solde de tout compte, 1958,

p. 271).

En emploie d‘adj. Attribut. Avec Tata la danseuse

ou Gisou les gambilles, il [Sylvestre] était brutal, caïd,

pareil à un jeune loup (P. VIALAR, Clara et les mé-

chants, 1958, p. 185)

Prononc. Et Orth. :[kaïd]. Ds Ac. 1878 et 1932.

Etymol. Et Hist. 1. ca 1210 auquaise « chef militaire,

haut fonctionnaire musulman »(HEERBERT LE DUC

DE DAMMARTIN, Floque de candie, éd. O. Schultz-

Gora ds Gesellschaft für rom. Lit., Bd 21, Dresden,

1909, vers 6884-6885), forme isolée; ca 1310 caïte

(Aimé de mont Cassin, Storia dei Normanni di Amato

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259

di Mont volgarizzata in antico francesse, éd. V. de Bar-

tholomaeis, Rome, Fonti per la storia d‗Italia, 1935, p.

238) ; 1964 caïd (traité d‘Alger de 1694, publié par M.

de Mas Latrie ds les Mél. his., Paris, 1877, t. 2, p.697

ds Fr. mod., t.17, p.132) ; a) 1903 « personnage impor-

tant » (J. PERRET, loc, cit.) ; b) 1935 « mauvais gar-

çon, chef de bande »(A.Simonin, J. Bazin, Voilà taxi

!p.219). Empr. A l‗ar. Qã‘id « chef, commandant »,

part. actif subst. Qãda « conduire, gouverner » (Lok.,

n°1006) ; le type a.fr. auquaise, par l‗intermédiaire de

l‗a. esp. Alcaid « commandant d‗une forteresse » (1076

ds CR.), alcayaz « id. » (ca 1140, ibid.), est de même

orig. Avec agglutination de l‗art. Arabe. Fréq. Abs. Lit-

tér. : 44 ».

En langue arabe, le mot « caïd » est le sujet du

verbe « conduire ». Alors que dans la langue française

il n‗y a aucun rapprochement sémantique possible

entre les deux termes. Qâda « conduire, gouverner »

donne « caïd » « président, chef » alors que en langue

française : « Conduire » donne « conducteur ».

La plupart des dérivations du verbe qâda concer-

nent une relation de domination entre les humains et

les animaux :

1- Alcaoud (conduite) c‗est le cheval aussi, on dit

cheval caoud, dans le sens : cheval conduit par quel-

qu‗un, et en général, les chevaux sont confiés à un «

caïd » qui est le singulier du pluriel « cada » ou «

caoud ».

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260

2- Al micouad : c‗est le collier qu‗on met au tour

du cou du chien ou des animaux en général pour les

tirer.

Un dictionnaire récent de langue arabe, « Al

Mounjed al wasit », livre d‗autres informations :

« caoud » ou « cada » : une tête responsable de

gouverner et de conduire, quelqu‗un à qui on a confié

le contrôle d‗un groupe et qui doit s‗occuper de lui.// «

saca » qui veut dire « il a conduit » ex : il a conduit un

avion.// tazahara, cada mouzahra, qui veut dire « il a

présidé », ex : il a présidé une manifestation.// cada un

aveugle, qui veut dire « a conduit un aveugle » : il l‗a

tenu par la main pour l‗aider à traverser la route.//cada

un troupeau, veut dire « a conduit un troupeau ». « il a

» : « à » « mener », « accompagner », « mener », « di-

riger », « se laisser conduire par quelqu‗un ». « Caïd »

: le pluriel de cada ou caoud ou cadate : « président », «

chef », « celui qui conduit » : un caïd politique.// un

officier qui bénéfice d‗un pouvoir militaire, celui qui

dicte et qui impose les ordres dans une zone militaire

ou dans une armée : « caïd d‗une caserne ». // Un grand

chef militaire, celui qui conduit une armée militaire :

ex : Alexandre est un caïd célèbre. // Le pluriel est cada

: celui qui conduit une caravane « un caïd d‗une cara-

vane »// celui qui conduit un orchestre « un caïd d‗un

orchestre ». // Le président d‗un bateau « un caïd d‗un

bateau » ou un « capitaine ». // « Les caïds des pensées

» les intellectuels. « micouad » : les animaux sont con-

duits par un cordon ou un lacet : « al micouad (la

laisse) d‗un chien ». // un appareil pour conduire une

machine ou un moteur : « micouad (le moteur d‗une

voiture » « moteur d‗une avion ».

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261

Le sémantisme évolue. Une nouvelle défini-

tion du verbe « conduire » marginalise l‗usage qui ser-

vait essentiellement à décrire la relation « humain-

animal » et la déplace en relation plutôt « humain-

humain », dans le rapport entre un « chef » ou « un

président » et son groupe. Le terme prend en charge le

rapport des humains aux machines (voitures, avions,

caravane) qui remplacent les animaux comme moyen

de transport. Le mot conserve sa signification militaire

et le « caïd » n‗est pas uniquement un chef civil ou de

tribu mais, un chef militaire. En somme, le verbe «

conduire » en arabe se rapproche de la définition des

dictionnaires français comme Le Petit Robert (2003).

1.1.2. « Caïd » dans l’islam

Il est nécessaire de voir comment le Coran use du

mot, étant donné qu‗il est une référence incontournable

et fortement consultée par les linguistes arabes pour

vérifier la fonction et le sens des termes de leur langue.

La langue du Coran est, pour les linguistes arabes la

norme par excellence et certains savants arabes allaient

jusqu‗à considérer cette langue comme la langue par-

faite. On s‗est appuyé dans cette recherche sur

l‗Encyclopédie islamique. Elle livre 170 (occurrences)

du mot « caïd ». Il s‗agit souvent des textes décrivant

des événements ou des combats qui se sont déroulés à

l‗époque du prophète. Parfois, il s‗agit d‗exégèses qui

expliquent la vision de l‗islam et qui couvre le sens du

mot « caïd ».

Le premier article choisi pour cette analyse est un

article intitulé : « Les principes du Coran et sa vision

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262

de la vie »1 qui parle de la nécessité de soutenir les per-

sécutés. Dans ce but, l‗islam a crée une association di-

rigée par le prophète Mohamed. Cette association hu-

maine de la lutte contre les tyrans a pour chef, « caïd »

le prophète Mohamed qui la dirigeait et veillait sur la

justice. C‗est le premier exemple de « caïd » en islam.

Dans le même article, nous trouvons un autre

exemple qui parle d‗un principe qui s‗appelle « al-

choura » qui veut dire « l‗importance de la prise en

considération de l‗opinion des autres de la part du chef,

« caïd ». On y parle d‗un combat célèbre sous la con-

duite du prophète « caïd » du combat. Ce jour là le

prophète voulait donner les trois quarts des biens de la

ville aux « caïds » militaires de l‗armée adverse pour

éviter le combat; mais les amis du prophète (les caïds

militaires de son armée) avaient une opinion différente,

le prophète « caïd » a préféré écouter les autres et a

renoncé à sa propre opinion.

Le messager de Dieu qui est le prophète, le caïd et

le chef, ne voulait pas monopoliser le dernier mot, au

contraire, il a consulté ses amis qui ont préféré de ne

pas donner les fruits de la ville, le prophète les a écou-

tés et il a pris leurs opinions avec beaucoup de considé-

rations.

Donc, à travers la vie du prophète, le principe de «

alchoura » s‗incarne dans l‗islam : c‗est le fait pour le «

caïd » de renoncer à sa propre conviction pour respec-

ter l‗opinion de la majorité. Les historiens racontent

que la modestie est un caractère qui spécifiait le pro-

phète qui est venu pour faire régner la paix et la sécuri- 1 Encyclopédie générale de l’islam « société et civilisation islamiques »

V.4.1971 , Ed Cambridge University Press.

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263

té .Remarquons que le poste du « caïd » est militaire

avec des tâches spirituelles.

Dans le coran le mot « caïd » devient parfois sy-

nonyme de « imam », autrement dit un président reli-

gieux.

Un article « la planification politique dans La bio-

graphie Nabawiyah »1 parle du début de la révélation

de la religion musulmane pour expliquer comment le

prophète s‗est battu contre les habitants de sa ville na-

tale (Kouraïche)2 pour y imposer l‗Islam. Il a décidé de

l‗organiser sur la nouvelle base « caïdat » : « La plani-

fication pour instaurer une nouvelle caïdat » : les pro-

blèmes et l‘opposition que le prophète a rencontrés

l‘ont poussé à planifier un projet dans le but d‘instaurer

un autre caïdat, de sorte que si un jour sa mission ren-

contre un vrai danger, il pourra changer de ville pour y

établir une nouvelle caïdat, avec de nouveaux alliés.

Cette idée occupait les pensées du prophète le « caïd »

de l‘époque ».

Le « caïdat » est un centre d‗organisation et de

planification, une base militaire et de soutien pour le

prophète où se trouvent ses alliés. « Durant cette

époque l'appel islamique prend un nouveau départ, et le

prophète, en tant que premier « caïd » gouverne la so-

ciété en matière de lois, de direction politique,

d‘argent, d‘économie et d‘armée ».

La signification du mot « caïdat » a aujourd‗hui

changé pour désigner une organisation terroriste qui

prépare des terroristes suicidaires. Là aussi il faudrait

1 Abdelatif Zayed et Mohamoud chite Khattabi « Leçons militaires de la

biographie prophétique » An-Nacher , Beyrouth, 1990, p.118-135. 2 Une tribu.

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264

examiner les circonstances qui ont fait que le mot «

caïdat » a pris cette acception, rechercher la raison pour

laquelle les terroristes ont choisi cette dénomination

pour dénommer leur organisation. Est-ce pour se justi-

fier et poser leurs actes criminels comme une mission

sacrée.

1.1.3. L’utilisation actuelle de Caïd

Selon les dictionnaires « Caïd » a été utilisé dans

sa langue d‗origine pour désigner celui qui dirige des

animaux ou celui à qui est confiée la conduite des ar-

mées, autrement dit un chef militaire. Puis l‗utilisation

du mot a évolué avec le temps pour désigner « un pré-

sident » ou « un conducteur de machine ». Nous allons

maintenant voir comment le terme est actuellement uti-

lisé dans la presse arabe dont les extraits suivants

trouvés après une recherche sur google.fr :

1. Condoléances à l‘occasion de la disparition du

« caïd » de l‘organisation de libération palestinienne :

Yasser ARAFAT

Les amis, de l‗équipe exécutoire de l‗organisation

de libération palestinienne, La direction nationale de

l‗unité des communistes syriens présente leurs sincères

condoléances pour la disparition du « caïd » Monsieur

Yasser ARAFAT, de l‗organisation de libération pales-

tinienne.

2. Discours du « caïd » Hafez al Assad à

l‘occasion de l‘inauguration de la bibliothèque Al-

Assad

La culture est le besoin le plus élevé de

l‗humanité, les autres sont ordinaires et limités. Alors

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que le besoin de culture est illimité. C‗est la raison

pour laquelle nous accordons une grande importance à

ce domaine. Pendant quatorze ans, nous avons bâti de

nombreux centres de culture tels les musées, les écoles,

les instituts, les universités et plus généralement tout ce

qui touche d‗une façon ou d‗une autre à la culture.

(Googl. Fr).

3. Le « caïd » de l‘armée de l‘air saoudienne né-

gocie la coopération militaire avec l‘Egypte

Le « caïd » de l‗armée de l‗air saoudienne, sa ma-

jesté le général « Abd al rahman ben fahd faïsal », a

dialogué hier avec le « caïd » général des forces ar-

mées, le ministre de défense et de la production guer-

rière égyptienne le général « Housen tantawi », pour

trouver des moyens qui aident à renforcer la coopéra-

tion et les relations militaires entre les deux pays dans

le domaine aérien.

4. L‘union des pays arabes est …un « caïd » sans

armes

Je me rappelle toujours comment on discutait dans

le café de la faculté de droit « Fouad premier ». On ré-

citait les poèmes, emportés par des sentiments de joie,

celle de la naissance de l‗union des pays arabes…la

naissance de cette union était un rêve pour chaque

arabe, c‗était l‗aube qui a éclairé notre nuit, notre fier-

té. L‗union des pays arabes est née dans une période

lourde de problèmes politiques graves, la création du

gouvernement israélien a suivi cette naissance, les

arabes se sont engagés dans la guerre de

l‗indépendance, Israël a été victorieux alors que les

arabes ont subi une défaite. Les chefs arabes ont cher-

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ché des prétextes pour expliquer cette défaite et ils ont

trouvé dans l‗union des pays arabes le responsable de

leur malheur. Depuis cette date l‗union des pays arabes

supporte toute leur malhonnêteté et leurs mensonges

sur les relations arabes arabes. (www.alray.com)

11/11/2004, n° 9292.

On le voit, le trait militaire est nécessaire

mais non suffisant pour parler de « caïd ». Le premier

exemple confirme cette remarque .Yasser Arafat était,

aux yeux des palestiniens « un président », « un chef

militaire », « un leader » et surtout un militaire qui ap-

paraissait toujours, à la télévision, dans les journaux ou

sur ses photos en treillis.

Le deuxième exemple concerne le président pré-

cédent de la Syrie « Hafez al assad » qui était, comme

Yasser Arafat, d‗abord un chef militaire, mais aussi un

chef civil, tantôt en tenu militaire tantôt en costume

civil. La presse syrienne, les livres scolaires ou les ou-

vrages politiques ont décrit ce président avec les carac-

téristiques suivantes : « un président », « un chef mili-

taire », « l‗organisateur du partie politique Albaas », «

un caïd de la révolution et de l‗indépendance », « un

père », « un sage » et « un savant ».Mais ce sens a

beaucoup changé maintenant après la révolution , il

n‘est plus le protecteur de son peuple mais son destruc-

teur.

L‗exemple suivant (3) « Le « caïd » de l‘armée

de l‘air saoudienne négocie la coopération militaire

avec l‘Egypte » est bien caractérisé par le vocabulaire

militaire de l‗article : (armée, militaire, sa majesté le

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général, des forces armés, le ministre de défense, la

production guerrière, relations militaires). De fait le

chef du pays est ici un roi, non pas un « caïd », le mot

« caïd » ne concerne pas le président du pays mais un

grand chef militaire, un général de l‗armée de l‗air. On

trouve pour synonymes de « caïd » « sa majesté le gé-

néral ».

Le dernier exemple est métaphorique : « L‗union

des pays arabes est …un caïd sans armes » : où l‗auteur

déplore la défaite de « l‗union des pays arabes ». Pour

lui cette union était : 1. « Un rêve pour chaque arabe ».

2. « Une aube qui éclaire la nuit ». 3. « notre fierté ». 4.

Exemple de toute responsabilité dans les malheurs su-

bis.

Les caïds sont censés êtres armés, mais l‘union

des pays arabes est un « caïd » qui ne possède pas

d‗arme.

Si nous faisons un bilan des traits sémantiques

utilisés dans ces exemples, pour le mot « caïd » nous

obtenons le répertoire suivant :

Exemple (1) , président, chef militaire ,leader ,

père spirituel, exemple à suivre ,baraka (bénédic-

tion),raïs (chef)

Exemple (2) : président ,chef militaire , organisa-

teur de parti politique , chef de la révolution, de

l‗indépendance , père spirituel, sage ,savant

Exemple (3) : grand chef militaire, général

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Exemple (4) : un rêve pour chaque arabe ,aube qui

éclaire la nuit ,notre fierté

Dans l‗usage actuel du terme « caïd » la caracté-

ristique de « chef militaire » ou « chef guerrier » est

première nécessaire et suffisante pour un « caïd » dans

les pays arabes. La dénomination « caïd » peut être uti-

lisée pour n‗importe quel grade militaire. Tous les

autres traits relevés ne sont pas suffisants à justifier la

désignation. De sorte que le seul trait sémantique né-

cessaire et suffisant, pour caractériser un « caïd » est

celui de : « chef militaire ».

1.1.4. « Caïd » dans la langue française

Une première illustration du sémantisme peut être

prise dans le roman de Fromentin Eugène, Un été dans

le Sahara, 1857 : 15.

Nous voici donc dans El Goëa, ou si tu veux, à la

clairière, campée pour cette nuit près de la maison du

commandement de Si-Djilali-Bel-Meloud, "caïd" des

Beni-Haçen.

Le sens ne laisse place ici à aucune ambiguïté, il

s'agit tout simplement d'un "commandant", surtout que

le nom de ce caïd Djilali-bel-meloud a été précédé d'un

"si" qui est l'abréviation de "sidi" qui veut dire mon-

sieur. En arabe l'utilisation de ce "si" accompagnant le

nom d'une personne est une marque de respect pour

cette personne. En continuant la lecture de ce roman,

nous rencontrons une autre caractérisation sémantique

du mot, toujours dans la même page :

On appelle maison de commandement certaines

maisons fortifiées, que notre gouvernement fait bâtir à

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l'intérieur du pays, pour servir de résidence officielle à

un chef de tribu, de lieu de défense en cas de guerre, et

en même temps d'hôtellerie pour les voyageurs. Indé-

pendamment du chef arabe, qui l'occupe assez irrégu-

lièrement, ces postes sont en général gardés par

quelques hommes d'infanterie détachés de la garnison

française la plus voisine.

La lecture de ce paragraphe contribue à confirmer

la compréhension initiale du sens du mot "comman-

dant", dans cet exemple le sens nous est donné avec

d'autres synonymes : "chef de tribu", "chef arabe".

Donc, jusqu'à ce moment, nous avons deux caractérisa-

tions sémantiques du mot "caïd" qui sont : "comman-

dant" et "chef de tribu arabe".

Nous prenons un autre exemple page 17

Il est huit heures, nous venons de rentrer sous nos

tentes après avoir soupé chez le "caïd". si Djilali nous a

donné la diffa : Il arrivait tout exprès pour nous rece-

voir de la tribu qu'il habite à quelques lieux d'ici. Il est

impossible de recevoir au seuil des pays arabes une

hospitalité plus encourageante.

Il est clair que l'auteur admire l'hospitalité de ce

"caïd" qui offre une diffa, repas qu'on sert aux visi-

teurs. Le plus souvent, un mouton égorgé spécialement

en l‗honneur des visiteurs. Ce qui ajoute le trait de "gé-

nérosité" que doit avoir un "caïd".

Autre exemple :

C'est un homme de trente ans, ou bien alors un

jeune homme que la fatigue, une grande position, la

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guerre peut-être, ou seulement le soleil de son pays, ont

mûri de bonne heure. Si on le regarde de plus près, on

s'aperçoit que ses yeux pleins de flammes ne sont pas

toujours d'accord avec sa bouche, quand celle-ci sourit,

et que cette juvénile hilarité des lèvres n'est qu'une ma-

nière d'être poli (id.19)

La maturité et la politesse y sont des caractérisa-

tions sémantiques de "caïd". L'écrivain, parlant de ce

"caïd" Si-Djilali-Ben Meloud, décrit un "commandant",

"chef de tribu", "poli", " mature" et "généreux". Rien

n'est étrange, les actualisations discursives que nous

avons sont en parfaite conformité avec la première par-

tie de la définition du mot "caïd" dans le dictionnaire:

Le trésor de la langue française :"[en arabe] chef,

commandant, le verbe en arabe "qãda" qui veut dire

"conduire, gouverner""

D‗autres exemples pris dans Au Maroc de Loti

Pierre (1890) confirment ces observations :

Et tout ce train de voyage, qui doit nous précéder

sous la conduite et la responsabilité d'un "caïd" envoyé

par le sultan, se met en marche peu à peu, péniblement,

individuellement. (Loti Pierre, 1890, p : 177).

Un fanal fait le tour de ma maison dessinant, par

transparence sur l'étoffe tendue, les arabesques noires

qui décorent l'extérieur: ce sont des gens de veille qui

viennent, sous la direction de leur "caïd", renforcer à

coups de mailloche tous les piquets de ma tente, de

peur que le vent ne l'emporte (Ibid.: p : 179).

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C'est que nous allons changer de territoire, et tous

les hommes de la tribu chez laquelle nous arrivons se

tiennent sous les armes, "caïd" en tête, pour nous rece-

voir (ibid. p: 180).

Un beau "caïd" noble d'allure, marche à leur tête,

avec lenteur (ibid. p: 182).

Du reste cela ne nous regarde ni ne nous inquiète.

Les bagages finissent toujours par arriver et c'est l'af-

faire du "caïd" responsable (ibid. p:186).

Nous camperons ce soir près de chez leur chef, le

"caïd" Ben-Aouda, dont on aperçoit là-bas, au milieu

de désert de fleurs, le petit blockhaus blanc entouré

d'un jardin d'orangers (Ibid. p: 202).

La mouna du "caïd" Ben-Aouda est superbe, ap-

portée aux pieds du ministre par une théorie toujours

pareille de graves bédouins, tout de blanc vêtus : vingt

moutons, d'innombrables poulets, des amphores rem-

plies de mille choses, un pain de sucre pour chacun de

nous, et, fermant la marche, quatre fagots pour faire

nos feux (ibid. p: 202).

L'auteur décrit là encore un "caïd" "responsable",

"envoyé par le sultan", "directeur", "qui est toujours en

tête", "noble" "beau", "chef"et "riche". C'est –à -dire

qu‗en 1857 et 1890, le mot "caïd" avait un sens positif

aux yeux des français et conservait le sens d‗origine en

arabe.

1.2. Un premier changement sémantique

« Oui, il y a toujours une frontière quelque part.

D‗une culture à l‗autre, et plus, encore, d‗un temps à

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l‗autre, cette frontière bouge, sinon dans la réalité -

c‗est un autre débat- du moins dans nos imaginaires.

Avouons-le, ce ne sont pas les mots qui vivent par eux-

mêmes, ce n‗est peut-être pas la société qui change en

soi, c‗est le système de nos représentations sociales

verbalisées qui est perpétuellement en restriction, avec

ses pesanteurs fantasmées et ses révolutions non moins

permanentes » (Tournier, 1989 : 20).

Nous partirons du point de vue que Tournier pour

qui, ce ne sont pas les mots qui vivent par eux- mêmes,

ce n‘est pas la société qui change en soi, c‘est le sys-

tème de nos représentations sociales. Nous nous trou-

vons devant la question de la représentation sociale,

question primordiale pour « la reconstruction du sens

des emprunts ». L‗opération, de reconstruction séman-

tique s‗accomplit par la juxtaposition du déplacement

que les mots empruntés effectuent en partant d‗une aire

linguistique à l‗autre et d‗une culture à l‗autre, dans le

décalage temporel qui accompagne ce déplacement.

Elle exige la connaissance des contextes historiques,

sociaux et culturels qui motivent l‗emprunt et qui par-

ticipent au changement des mots empruntés. Tous ces

facteurs poussent à focaliser notre attention sur le

terme de « représentation ».

Le terme, issu du latin repraesentatio (action de

mettre sous les yeux), n‗appartient pas originellement

au domaine linguistique. Il renvoie, dans son sens le

plus général, à toutes les façons par lesquelles les ob-

jets concrets ou les objets de pensée peuvent être ren-

dus présents à l‗esprit (on notera que la morphologie

du mot lui-même -re-actualisation – invite à le com-

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prendre comme un processus de ré-actualisation d‗un

événement antérieur (Termes et concepts pour

l‘analyse du discours : 298).

Le terme « représentation » possède une grande

diversité d‗acceptions, selon la discipline au sein de

laquelle il est sollicité. En psychologie cognitive, le

mot est employé dans des acceptions différentes, « le

noyau sémantique en partage est celui d‗entité cogni-

tive non directement accessible à l‗observation, mais à

laquelle on peut cependant accéder par le biais

d‗expériences portant sur des observables comporte-

mentaux », « L‗homme, par le biais de ses expériences,

construit un modèle intériorisé de son environnement,

de ses relations à autrui, de ses praxis » (ibid : 298). En

sciences sociales, « les représentations renvoient à des

formations idéologiques, dans lesquelles elles s‗ancrent

» (ibid : 298).

La praxématique articule la représentation en tant

que processus d‗activation d‗images mentales et les

représentations véhiculées par les discours dans le

cadre plus vaste de la production de sens. « L‗activité

de représentation correspond à actualiser des représen-

tations, envisagées comme des comportements langa-

giers stabilisés, et stockés en mémoire, autant

d‗actualisations potentielles, qui vont être négociées

dans l‗intersubjectivité de la parole » (ibid : 300).

En prenant l‗exemple :

Son premier soin fut de nommer à toutes les fonc-

tions indigènes ce qu‗il y avait de plus taré dans la po-

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pulation arabe, (ces Musulmans dégénérés dont les

vices justifieraient les plus violents arabophones et par

exemple, il fit choisir pour « caïd » de Ben Nezouh un

certain Ben Diff Allah, dont le nom peut se traduire par

fils de l‗hôte de Dieu, et dont voici, autant que je me

rappelle, les états de service. Petit voyou de la place,

domestique d‘une prostituée, qu‗il remplaçait à

l‗occasion lorsqu‗elle avait trop d‗ouvrage, il avait été,

dès l‗enfance, initié à tous les mystères de l‗amour, si

nécessaires à connaître pour qui veut avoir une in-

fluence en pays oriental. Puis il était devenu « caïd »

des « caoueds », c‗est-à-dire Grand Entremetteur. Dans

ce métier il avait fait rapidement fortune, prêtant de

l‗argent aux femmes, se faisant payer par leurs amants,

organisait des guet-opens chez les filles, en sorte qu‗il

fut bientôt plus riche que le Marabout lui-même. Il a

reçu la médaille militaire puis la croix, pour services

exceptionnels (…) récemment il a fait un voyage à Pa-

ris, s‗est affilié à une loge, du rite écossais s‗il vous

plait ! il en est revenu chargé d‗honneur et de décora-

tions. On lui donnera un de ces jours la cravate de

Grand Officier : la France aime bien les bons servi-

teurs… (Tharaud Jérôme, La fête arabe, 1921 : 211,

205).

L‗exemple est tiré d‗un roman écrit aux premières

semaines de la guerre Tripolitaine (durant l‗année

1921) où la Libye vivait l‗invasion italienne. La presse

anticoloniale multipliait les photographies de cadavres

et s‗insurgeait contre la mission civilisatrice dont par-

laient les Italiens. En même temps, on éprouve une an-

tipathie contre « les étrangers », Italiens ou autres, ins-

tallés en Algérie : « L‘Afrique du Nord n‘est plus à

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nous, c‘est une vache que les Français tient solidement

par les cornes, tandis que le Malien, le Maltais,

l‘Espagnol, la traient inépuisablement ». Il faut avoir ce

contexte et cette influence présents à l‗esprit pour

comprendre « La fête arabe ».

La chronologie, pousse à considérer cet exemple

comme une démonstration d‗une étape transitoire dans

laquelle le mot « caïd » commence à enregistrer des

nouvelles potentialités signifiantes. Une nouvelle re-

présentation du mot « caïd » active une nouvelle image

mentale issue des conditions sociales, véhiculée par les

discours militaires circulant en Afrique du Nord en gé-

néral, à Tripoli comme en Algérie ce dont témoigne : «

petit voyou de la place », « domestique d‗une prosti-

tuée », « grand entremetteur ». Le mot « caïd » lors de

son emprunt par le français, perd certaines caractéris-

tiques sémantiques (courageux, poli, mature) ce qui

entraîne une néologie de sens. La nouvelle représenta-

tion s‗élabore en rapport avec de nouvelles praxis qui

sous-tendent l‗acte linguistique de référenciation. On

peut schématiser le changement entre un premier et un

second état par une opposition des traits qui apparais-

sent dans les exemples cités :

1ère Représentation (Fromentin, Loti)

2ème Représentation (Tharaud)

-chef

-chef

-petit voyou

-courageux

-entremetteur

-commandant

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-malhonnête

-ambitieux

-poli

-mature

-généreux

1.3. Représentation et stéréotype

« Comme le stéréotype, la représentation sociale

met en rapport la vision d‗un objet donné avec

l‗appartenance socio-culturelle du sujet. Comme lui,

elle relève d‗un « savoir de sens commun » entendu

comme connaissance « spontanée », « naïve », ou

comme pensée naturelle par opposition à la pensée

scientifique. Cette connaissance issue des savoirs héri-

tés de la tradition, de l‗éducation, de la communication

sociale, modèle non seulement la connaissance que

l‗individu prend du monde mais aussi les interactions

sociales » (Amossy : 1997 : 50).

Jusqu‗en 1921, les écrivains français utilisent le

mot « caïd » selon une représentation militaire qui con-

serve certains traits originaires du mot en arabe comme

: « chef », « commandant ». Elle ajoute ensuite d‗autres

traits contradictoires de personnes issues de la société

arabe du Maghreb comme « petit voyou », « grand en-

tremetteur » et « domestique d‗une prostituée ».

A partir des années 1953, le terme « caïd »

concerne n‗importe quel prétentieux ou vantard,

comme dans les exemples suivants :

1-le petit Frédo, je l‗avais vu montrer, s‗affirmer.

Il avait tous les défauts des jeunots : provocant et van-

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neur, un peu trop le goût pour la vedette, et avec ça, la

manie de s‗entourer de traîne-lattes, de loquedus, de

faux-vicieux, histoire de jouer les chefs de bande. Mais

là, entrer en « caïd », s‗asseoir autour de la table de

Josy et commencer un gringue terrible devant la gale-

rie, sachant que ça serait rapporté avant la fin de la soi-

rée à Riton, ce n‗était pas explicable (Simonin Albert,

Touchez pas au grisbi, 1953 : 46).

2-Il a repris quant à Angelo, si tu veux mon

idée…vu que j‗ai toujours travaillé avec Frédo à égali-

té, je ne suis pas disposé à admettre le genre successeur

de « caïd », qu‗il se donne maintenant, le capitaine de

mes burnes ! je suis assez grand pour dégauchir mes

commandes moi-même. (ibid. : 158).

Nous constatons que la représentation sociale du

mot, à cette époque, est différente de la représentation

militaire, qui était, originairement, la raison pour la-

quelle, un « caïd » est devenu quelqu‗un de « sauvage

», d‗« entremetteur ». Cette représentation a donné lieu

à un stéréotype qui revoie à l‗image d‗un voyou, d‗un

praxénète et d‗un « frimeur ».

Les définitions du stéréotype sont nombreuses,

nous choisissons celle ci : « Croyance concernant des

classes d‗individus, des groupes ou des objets qui sont

préconçues, c‗est-à-dire qui ne relèvent pas d‗une ap-

préciation neuve de chaque phénomène mais

d‗habitudes de jugement et d‗attentes routinières […]

Un stéréotype est une croyance qui ne se donne pas

comme une hypothèse confirmée par des preuves mais

est plutôt considérée, entièrement ou partiellement à

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tort, comme un fait établi » (Jahoda, 1964 : 694).

Même si la plupart des journalistes essaient de rappor-

ter honnêtement les faits, les reportages pleinement

objectifs sont rares.

Le point de vue adopté est souvent influencé par

les croyances des rédacteurs qui sélectionnent les in-

formations et les images à nous transmettre à travers le

vocabulaire choisi pour les présenter. Le stéréotype qui

souvent accompagne les termes empruntés sert les

journalistes. Avec l‗emprunt à une langue étrangère, on

se réfère à un autre code linguistique et, à travers ce

dernier seulement à l‗extralinguistique. Le mot étran-

ger transmet plus facilement l‗image stéréotypée que

les journalistes veulent nous présenter, car ce mot sert

de mot-clé. De plus la presse a besoin d‗images toutes

faites, rapides et faciles, les expressions stéréotypées

les leur offrent.

Le mot « caïd » l‗exemplifie comme nous venons

de le voir lorsque les journalistes utilisent le mot « caïd

» c‗est pour parler d‗un « agresseur », « délinquant », «

violent » « sauvage dans une cité », « criminel », « tra-

fiquant de drogue » « quelqu‗un qui aime faire le beau

», « membre dans une association de malfaiteurs en

vue de contrebande de cigarettes en bande organisée ».

Conclusion

Nous avons précisé dans l‗introduction de

l‗analyse que nous voulions vérifier que les constats

déjà été faits à propos de l‗emprunt du mot « casbah »,

étaient applicables à d‗autres mots comme caïd. Nous

pouvons à propos de ce terme les constats suivants :

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1. Ce nom est praxème, « un outil » de la nomina-

tion, dont le sens est constitué par la représentation que

les locuteurs ont de leur rapport à l‗objet nommé.

2. Sous le même mot il y a plusieurs sens pos-

sibles car le praxème, selon les points de vue parfois

adverses des locuteurs, enregistre des praxis radicale-

ment différentes, et des rapports inverses au réel qui

explique les variations sémantiques.

3. L‗altérité référentielle qui motive l‗emprunt

s‗inscrit dans le sémantisme français du terme emprun-

té, lequel comporte, à l‗inverse de l‗arabe, un signifié

d‗altérité. Cet élément de la signifiance du terme est

une composante essentielle, caractéristique de la proto-

typicalité de la notion en français.

4. Un signifié d‗altérité est mobilisé qui sert en-

suite de support à l‗expression de la relation à cette al-

térité : sentiments xénophobes infériorisation d‗un sta-

tut. Dans tous ces cas, la dialectique du Même et de

l‗Autre ainsi activée joue en dévalorisation de l‗altérité.

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Nathan.

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BELKHOUS Dihia

Université d’Oran

Contexte historique et discours de la dénonciation

dans Le dernier été de la raison de Tahar Djaout

Résumé

L‘objet de cette étude est le roman posthume Le

Dernier Été de la raison de Tahar Djaout. L‘emprise

du contexte historique se traduit manifestement dans ce

roman par la prédominance des éléments renvoyant à

l‘actualité représentant la référence importante au con-

texte historique et socio-politique, ainsi qu‘aux événe-

ments tragiques de la « décennie noire » de l‘Histoire

Algérienne. Il s‘agit, dans ce roman, en quelque sorte,

d‘un « clin d‘œil » qui exhibe l‘évidence du lien exis-

tant entre le texte comme fiction (récit de fiction) à ce-

lui du contexte comme référence au réel historique. La

part fictive du récit pourrait être considérée comme une

« écriture de l‘Histoire » ou « une réécriture de

l‘Histoire ». La prédominance des références au con-

texte historique octroie au discours une dimension dé-

nonciatrice perceptible, dénonciation engagée et ca-

thartique représentant l‘un des effets de sens notoires

qui se dégagent de l‘écriture romanesque djaoutienne.

Mots-clés

Contexte, Histoire, fiction, presse, discours, dénoncia-

tion.

En explorant la production romanesque de Tahar

Djaout, nous sommes frappés par l‘importance qu‘y

prend l‘Historicité et l‘authenticité des faits qu‘il ex-

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prime. Ses romans sont tous une reprise fictionnelle du

contexte historique algérien.

Nous nous proposons ainsi d‘étudier, dans cet ar-

ticle, l‘ambivalence romancier/historien que Djaout

parvient si bien à assurer dans sa production roma-

nesque, au point où l‘on n‘arrive que très difficilement

à distinguer les fils de l‘Histoire de ceux de la fiction.

L‘Histoire et la fiction demeurent au centre nodal de

l‘écriture de Tahar Djaout, elles sont également les

voies qui permettent de pénétrer ses textes et de les

questionner ensuite.

Le contexte historique est perceptible dans ses

écrits au point de s‘affirmer à travers son choix

d‘insérer dans la trame narrative, des faits historiques

authentiques et avérés. Il s‘appuie sur des événements

marquants de l‘Histoire antique et moderne algérienne

pour les intégrer dans ses fictions. L‘Histoire et la fic-

tion s‘influencent mutuellement autour du contexte so-

cio-politique et sont les points fondamentaux de son

écriture.

Cependant, Tahar Djaout ne convoque pas

l‘Histoire comme une donnée extérieure à la manière

du genre du roman historique : il en questionne les

fondements et les intègre à sa subjectivité et sa sensibi-

lité d‘écrivain. L‘auteur alimente son écriture avec des

éléments perçus comme vraisemblables, mais qui se

sont avérés authentiques après consultation. Il montre

alors une double facette : celle du romancier et celle de

l‘historien, l‘un et l‘autre attachés à un travail de re-

cherche et de documentation sur l‘Histoire, le contexte

et la société. Le contexte historique et social sert de

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support à l‘œuvre fictive et au projet réaliste et anthro-

pologique de l‘écrivain. De ce fait, l‘œuvre roma-

nesque prend un triple caractère : vraisemblable, histo-

rique et imaginaire.

C'est dans cette perspective que s'inscrit notre

étude qui prend appui sur le roman posthume Le Der-

nier Été de la raison de Tahar Djaout. Notre objectif

n'est pas de couvrir la totalité des problèmes posés par

la relation entre l‘œuvre et son contexte d'apparition,

mais de montrer comment ce qui est improprement

nommé le "contenu/discours" du roman est en réalité

traversé par le renvoi à ses conditions d'énonciation.

Dans la mesure même où il s'agit de son contexte,

l'œuvre ne se constitue qu'en le constituant.

L‘emprise du contexte dans ce roman se traduit

très manifestement à travers la prédominance des élé-

ments renvoyant à l‘actualité par le biais de l‘insertion

de fragments journalistiques représentant la référence

importante au contexte socio-politique du moment, et

aux événements tragiques de la « décennie noire » de

l‘Histoire Algérienne. Le champ sémantique de ce

pamphlet renvoie tout entier à une foultitude frustre par

laquelle l‘auteur peint l‘horreur de la situation. Le Der-

nier Été de la raison, texte posthume de Tahar Djaout,

est un pamphlet littéraire vigoureux contre l‘intégrisme

islamiste aux premières heures de sa manifestation.

Le roman raconte le quotidien de Boualem Yek-

ker, libraire à Alger et père de deux enfants : Kenza et

Kamel. Boualem assiste à la mort lente de sa ville, en-

vahie par les barbus et où la vie ne se conjugue qu‘au

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passé. Il n‘a plus aucun client et personne n‘ose

s‘aventurer dans sa librairie aux abords de laquelle des

gamins lui jettent des pierres. Sa femme et ses enfants,

gagnés au fanatisme de l‘ordre nouveau, lui ont repro-

ché de ne pas faire la prière et sa fille Kenza dont il

garde les souvenirs d‘innocence, le réprimande. Il vit

seul, paria, faisant partie de cette minorité pourchassée

par des brigades de barbus. Il survit au chaos de sa li-

brairie désertée par les clients :

Boualem Yekker sort de sa librairie juste pour se

dégourdir les jambes et jeter un coup d‘œil sur

l‘extérieur. Il n‘a pas eu, de toute la journée, le

moindre client, ou la moindre visite (Djaout Tahar,

1999 : 43)

Boualem lui-même jusqu‘ici épargné, trouve son

œuvre et son travail mis à néant lorsque sa librairie est

mise sous-scellé. La nouvelle tombe comme un coupe-

ret dans le roman puisque la phrase est détachée et pla-

cée entre deux périodes, formant à elle seule un para-

graphe : « La librairie a été fermée. » (Djaout Tahar,

1999 : 103)

Le contexte historique dans ce roman se manifeste

sous diverses formes. Nous verrons dans un premier

temps comment la fiction, par le biais de

l‘onomastique, se trouve être accréditée par un mé-

lange de noms fictifs et de noms attestés qui assurent

au récit un solide ancrage socio-historique. Nous pro-

céderons dans un deuxième temps, au repérage des dif-

férentes manifestations et traces de l‘Histoire dans le

roman, qui ont pour rôle d‘investir explicitement le

discours pour lui donner une authenticité, une légitimi-

té historique à visée dénonciatrice.

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1.L’onomastique des personnages

Étudier les noms du roman de Djaout nous per-

mettra de les situer dans une manifestation de la straté-

gie historique qu‘a élaborée l‘auteur.

L‘onomatomancie se définit comme étant l‘art de

prédire, à travers le nom, la qualité de l‘être. Il est à

signaler dans ce sillage, qu‘un lecteur qui lit une œuvre

étrangère à sa propre culture, doit faire toute une dé-

marche de documentation et ceci afin de maîtriser les

codes de nomination de cette culture et de cette langue

étrangère. C‘est le cas dans ce roman de Tahar Djaout

où le personnage central Boualem Yekker porte un nom

onomastique de culture berbère. En langue kabyle :

« Yekker » du verbe « kker » signifie « Il se leva, il

s'est levé, debout ». Il s‘agit d‘un adjectif qualificatif.

C‘est ainsi que l‘association « Boualem yekker » dé-

signe « l’homme debout » :

Boualem yekker

Nom adjectif qualificatif

L‘homme debout

Nom adjectif qualificatif

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Boualem yekker / l’homme debout incarne

l‘homme insoumis, rebelle et révolté, l‘homme qui ré-

siste et qui ne cède pas à l‘intégrisme.

De même pour Les Frères Vigilants qui sont eux

aussi accrédités de valeur onomastique à travers

l‘adjectif que leur a confiné l‘auteur. En effet, selon le

Dictionnaire Le Robert, est « Vigilant » celui «qui sur-

veille avec une attention soutenue » (Rey Alain (dir.),

1998 : 1409). Ainsi ce nom, par sa signification, révèle

la vérité du contexte auquel il réfère car en effet, les

Frères Vigilants font preuve à chaque situation d‘une

vigilance extrême. Ils sont là à scruter, surveiller, con-

trôler et inspecter tout ce qui se passe autour d‘eux :

Un frère vigilant détaille le véhicule suspecté. Il

en scrute l‘intérieur. Si d‘aventure un couple s‘y

trouve, il y a de fortes chances que le F.V. invite le

chauffeur à serrer à droite et s‘engager sur la bande de

stationnement, afin de vérifier, papiers d‘identité à

l‘appui, les liens conjugaux ou parentaux des passa-

gers. Le regard scrutateur s‘ingénie aussi à détecter

quelque bouteille d‘alcool ou tout autre produit prohi-

bé. (Djaout Tahar, 1999 : 13)

L‘onomastique nous incite ainsi à situer la straté-

gie discursive de l‘auteur. Sa cohésion est assurée car

les noms sont des pôles d‘identification dans la dié-

gèse, autrement dit, des repères. Dans cette perspec-

tive, le romancier use de ces éléments repères pour en-

richir sa composante narrative de sens et la placer en

corrélation directe au contexte historique auquel elle

réfère et qui l‘a vue naître. En effet, à travers la straté-

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gie dénominative qu‘il adopte, l‘écrivain offre à lire sa

stratégie discursive consistant à accréditer sa fiction

d‘éléments Historiques et de marques réelles significa-

tives. Le roman est d‘un type particulier. En le lisant, il

donne l‘impression au lecteur d‘être face au contexte

réel dont use intelligemment le romancier pour présen-

ter une sorte de confession faite par son « porte pa-

role » : le narrateur-personnage, Boualem. Le roman se

trouve être puissamment nourri à l‘Histoire, le point

qui succède en est l‘illustration.

2.Les marques de l’Histoire dans le texte

L‘auteur décrit, à travers les pensées de Boualem,

les jours enténébrés des attaques et des agressions dont

ont été victimes les intellectuels algériens. Le libraire

subit les pires traitements à cause du choix de sa pro-

fession :

la première pierre à l‘atteindre a été lancée par

une fille […] la pierre ne lui a pas fait mal, l‘ayant at-

teint à l‘épaule […] il y a exactement cinq jours, il a

trouvé le pare-brise de sa voiture en miettes et un pneu

lacéré au couteau […] passé la première indifférence

qui est due à la surprise, son corps se met à trembler

d‘indignation … (Djaout Tahar, 1999 : 43-44)

L‘histoire dans Le Dernier Été de La raison est

« mi-réelle, mi-fictive ». Nous illustrons ce constat par

le point suivant : Dans le quatrième chapitre du roman,

intitulé « Le pèlerin des temps nouveaux »1, Tahar

Djaout parle des élections législatives de 1991, date du

déclenchement de cette tourmente : « Il pense aux der-

1 Djaout T. (1999), Le Dernier Été de La raison, Paris, Seuil. p. 33.

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niers jours de la république juste avant les élections

législatives » (Djaout Tahar, 1999 : 34)

Ceci renseigne sur le fait que ces groupes de

Frères Vigilants sont apparus en janvier 1991, suite

aux élections législatives où le FIS (Front Islamique du

Salut) triomphât. Cette date est synonyme du début de

la tourmente qui frappa le pays et qui arriva plus tard à

son apogée en ciblant principalement les intellectuels :

journalistes et écrivains ; Et en faisant obstacle à tout

ce à quoi s‘alimente l‘intelligence humaine.

Le Dernier Été de La raison s‘inscrit dans un lieu

particulier à l‘auteur, entre fiction, contexte et Histoire.

Cet espace « entre » de l‘écriture s‘affiche d‘ailleurs

ouvertement dans une sorte d‘avertissement de la mai-

son d‘édition à l‘encontre du lecteur, édité au tout dé-

but du roman, dans une page intitulée note d‘éditeur :

Tahar Djaout a été assassiné le 2 juin 1993.

Quelques semaines avant, lors d‘un séjour à paris, il

nous avait annoncé qu‘il avait entrepris un nouveau

roman, mais qu‘il n‘en était qu‘au tout début.

Le manuscrit que nous publions aujourd‘hui a été

retrouvé dans ses papiers après la mort. Il nous est par-

venu après bien des péripéties. Il ne correspond pas au

sujet qu‘il nous avait indiqué. On peut penser que Ta-

har, de retour à Alger, a décidé de mettre de côté le

projet très littéraire dont il nous avait parlé pour se

consacrer à un récit plus directement inspiré par

l‘actualité. Le manuscrit ne portait pas de titre. Celui

que nous avons retenu est extrait du livre. Nous

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n‘avons pas touché au texte sauf pour corriger des in-

conséquences mineures.

Cette note nous renseigne sur les conditions de

publication de ce texte. De plus, elle confirme qu‘il

s‘agit bel et bien d‘un récit directement inspiré par le

contexte brûlant et l‘actualité. Elle nous éclaire égale-

ment sur le fait que Djaout, influencé par le contexte

socio-politique et historique du moment, a mis de côté

un premier projet pour pouvoir se consacrer à celui-ci.

3.L’emprise de l’actualité

Il s‘agit donc dans ce roman, en quelque sorte,

d‘un « clin d‘œil » exhibant l‘évidence du lien existant

entre le texte comme fiction (récit de fiction) à celui du

contexte comme référence au réel historique.

Ainsi, les thèmes du fanatisme religieux, la vio-

lence et l‘intolérance des Frères Vigilants, « la désillu-

sion et le désenchantement ou plutôt la faillite du sys-

tème éducatif et la situation dramatique de la femme

algérienne considérée comme propriété de l‘homme

arrogant » (Djaout Tahar, 1999 : 69), sont autant des

thèmes qui cristallisent l‘œuvre romanesque de Tahar

Djaout que des caractéristiques de la société algérienne

de cette époque.

De par la lecture thématique, il apparait que Le

Dernier Été de la raison est une œuvre romanesque

qui « baigne » entièrement dans le contexte de

l‘Algérie. Il s‘agit-là d‘une interprétation propre de

l‘auteur écrivain et journaliste - reporter de l‘Histoire

tragique des évènements qui ont endeuillé toute une

société qui souffrait de certaines exactions inadmis-

sibles et absurdes de « l‘ordre nouveau, implacable et

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castrateur […] des prêtres légistes qui se sont emparés

du pouvoir » (Djaout Tahar, 1999 : 110).

En effet, ce procédé esthétique de l‘écriture pro-

pose une stratégie vertigineuse et en même temps am-

bitieuse car la finalité de l‘auteur ne réside pas seule-

ment à faire réfléchir la mémoire de lecteur, mais aussi,

il tente dans son œuvre romanesque, grâce à sa vision

du monde et en s‘inspirant fortement du contexte so-

cio-politique et historique de son pays, (l‘Histoire tra-

gique de l‘Algérie contemporaine des années 90) de

prévenir du danger que représente l‘intégrisme et qui,

en évidence, met en péril sérieusement et lourdement la

stabilité de la société algérienne et menace principale-

ment l‘existence de la « république » si chère à

l‘écrivain.

L‘intertexte historique qui renvoie à l‘actualité est

sans doute très important dans la mesure où tout le

texte du Dernier Été de la raison se réfère incontesta-

blement aux évènements tragiques qui ont secoué la

société algérienne contemporaine des années 1990. La

fonction de journaliste, Djaout la porte en lui jusque

dans son imagination. Ainsi, cet intérêt porté à

l‘actualité ne peut être expliqué qu‘à travers cette

préoccupation accrue de la part de l‘auteur de faire res-

tituer quelques pans de l‘Histoire algérienne. Le con-

texte historique dans ce roman, se manifeste sous di-

verses formes. On constate dans ce texte, l‘insertion de

citations, articles de presse et chroniques propres à

l‘auteur. Ils ont pour rôles d‘investir explicitement le

discours pour lui donner une authenticité, une légitimi-

té. Il s‘agit, pour Djaout, d‘un outil argumentatif de sa

vision du monde.

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La citation est la forme la plus explicite et la plus

visible de l‘insertion historique dans le corps du texte.

Elle est reconnue grâce à des codes typographiques :

emploi des guillemets, des caractères italiques et déca-

lages. La citation permet très souvent à l‘auteur de si-

tuer l‘œuvre dans un héritage culturel et d‘indiquer au

lecteur la tradition à partir de laquelle il doit lire le

texte.

Ainsi, l‘insertion de chroniques (ou de fragments)

journalistiques, insérées au sein du texte romanesque a

comme fonction non seulement de contribuer à

l‘enrichissement du roman, mais également à donner

une sorte de véracité au texte lui-même.

Dans cette optique et avec son verbe engagé et

sensible, Djaout dévoile avec lucidité vigoureuse la

réalité sociale et historique de son temps devant

l‘acharnement à défendre aveuglement certaines idées

archaïques et hypocrites « du peuple arrogant, plein de

certitudes, qui hante les rues et le jour » (Djaout Tahar,

1999 : 22). Ça laisse entendre ce déraillement fatal

dans l‘intégrisme et le fanatisme des Frères Vigilants

prêcheurs de la violence et de l‘exclusion des anti-

voleurs, « les nouveaux gouvernants » assoient leur

suprématie archaïque :

Le pays est entré dans une ère où l‘on ne pose pas

de questions, car la question est fille de l‘inquiétude ou

de l‘arrogance, toutes deux fruits de la tentation et ali-

ments du sacrilège. (Djaout Tahar, 1999 : 22)

Outre la citation, une autre manifestation de

l‘Histoire apparaît au niveau du deuxième chapitre du

roman. Ainsi, « un rêve en forme de folie » a pour ori-

gine un titre d‘une chronique journalistique écrite par

Tahar Djaout lui-même dans l‘hebdomadaire Ruptures

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daté du 27 Avril au 03 mai 1993 sous le titre de « Pe-tite fiction en forme de réalité ».

Ainsi, la prédominance des éléments renvoyant au

contexte historique et lecture du texte renforcent chez

le lecteur l‘impression de lire une composante dénon-

ciatrice de même nature que d‘autres composantes

d‘autres œuvres. Néanmoins, l‘originalité de ce roman

réside dans le fait que la dénonciation est à la fois indi-

cible et cathartique.

4. Le discours de la dénonciation

Nous allons donc tenter de mettre en évidence, par

l‘analyse du texte, la stratégie formelle du discours de

la dénonciation en montrant son insertion dans la

structure des écrits. Le texte sera envisagé en tant que

discours de la dénonciation et ce, en prenant appui sur

la définition que donne Benveniste du discours :

Il faut entendre par discours dans sa plus grande

extension toute énonciation supposant un locuteur et un

auditeur et chez le premier l‘intention d‘influencer

l‘autre en quelque manière, c‘est d‘abord la diversité

des discours oraux de toute nature et de tout niveau, de

la conversation triviale à la harangue la plus or-

née. (Benveniste Émile, 1966 : 242)

Djaout use de la dénonciation comme un moyen

de se délester d‘un poids qui pèse lourd dans sa cons-

cience. Utilisant la création littéraire comme moyen de

se « défouler », il s‘agit d‘une méthode de « purgation

des passions », ou purification émotionnelle. L‘auteur a

recours à la dénonciation comme arme pour se dé-

fendre, défendre les droits des algériens, les revendi-

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quer et ce, en essayant d‘exprimer les drames que vi-

vent les citoyens de la dernière décennie du XXème

siècle. Il utilise cette forme discursive particulière qui

consiste à vouloir « dénoncer ».

Ce vocable peut avoir maintes significations.

Concernant son emploi dans ce roman, il est possible

de l‘expliquer ainsi : c‘est la manière de montrer que

quelque chose ne va pas en prenant une distance par

rapport aux faits et en y apportant un regard de remise

en question et de rupture. À ce sujet, Dominique Main-

gueneau dira :

Syntaxiquement, ‗‘ dénoncer‘‘ est un verbe

d‘action : sur le plan énonciatif, il est acte de parole

assumé par un locuteur (ou un énonciateur) dont

l‘intention est de communiquer avec ‘‘un public‘‘, soit

un destinataire : dont le procès discursif modalisé se

réduit à un procès énonciatif : dénoncer comme acte de

parole, possède aussitôt une force illocutoire : il appar-

tient à la classe des « marqueurs » du dis-

cours. (Maingueneau Dominique, 1983 :63)

Aussi, le discours dans Le Dernier Été de la rai-

son est une sorte d‘écriture substituée à l‘oralité et cela

dans le but d‘interpeller les lecteurs (comme nous

l‘avons signalé antérieurement). Il s‘agit, tout au long

de notre corpus d‘analyse, d‘une représentation trans-

gressive des droits des algériens à travers les yeux de

Boualem Yekker, le « narrateur-personnage » :

Un homme et une femme dans la rue, absorbés

dans une discussion amicale. Elle ne souhaite pas

l‘éviter. Lui ne pense pas, brute guidée par son sexe, à

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se jeter sur elle et à la culbuter. Elle ne cache pas son

visage, de crainte de réveiller en lui la bête. Il ne la fuit

pas, de peur que le diable en lui ne devienne le maître

des décisions.

Boualem Yekker pense à des scènes jadis cou-

rantes et naturelles d‘hommes et de femmes qui discu-

tent comme des êtes pourvus de raison, de retenue, de

considération ; des être capables d‘amitiés, d‘affection,

d‘estime, de civisme, de colère –des hommes et des

femmes tellement éloignés de ces bêtes d‘affût qu‘ils

sont désormais devenus les uns pour les autres. (Djaout

Tahar, 1999 : 65)

Dans ce sens, le roman met au centre, dans un

contexte historique particulier, le quotidien d‘un

homme tourmenté habité par les livres, la littérature et

sa librairie, que l‘on a jugés « hors-la-loi ». On le me-

nace sans cesse. Les yeux l‘épient où qu‘il se trouve,

faisant de lui une cible sans défense.

De plus, l‘auteur poursuit sa dénonciation en

montrant le statut, non seulement de Boualem Yekker

mais aussi des intellectuels de la décennie noire (an-

nées 90), poursuivis par les hordes intégristes et terro-

ristes qui tentaient de les exclure de cette existence

crénant la liberté, l‘amour de la vie ainsi que

l‘intelligence humaine et féconde qu‘ils détenaient :

-J‘ai appris qu‘on établit pour chaque quartier des

listes de personnes à neutraliser ou à châtier, d‘activités

à enrayer et de commerces à fermer. Cela touche,

semble-t-il, tout et tout le monde : des artistes, des pro-

fesseurs, des clubs sportifs, des restaurants qu‘on soup-

çonne de servir de l‘alcool en douce, des hôtels jugés

immoraux, des librairies. (Djaout Tahar, 1999 : 47)

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La dénonciation dans ce roman est cathartique

dans la mesure où elle est libératrice et purificatrice.

Djaout, en dénonçant les agissements des hordes inté-

gristes, se déleste d‘un poids. L‘écriture se révèle être

une formidable thérapie purgative. Ainsi, dans ce ro-

man, la vertu curative de l‘écriture semble principale-

ment liée à une fonction dénonciatrice cathartique.

La méthode cathartique a été instaurée par Freud.

Cependant, l‘origine du mot « catharsis »1 remonte à

plus loin. C‘est Aristote qui fut l‘un des premiers à

aborder ce phénomène. La catharsis est la purgation

des passions par le moyen de la représentation drama-

tique : en assistant à un spectacle théâtral, l'être humain

se libère de ses pulsions, angoisses ou fantasmes en les

vivant à travers le héros ou les situations représentées

sous ses yeux. Pour Aristote, le terme est surtout médi-

cal mais il sera ensuite interprété comme une purifica-

tion morale. En s'identifiant à des personnages dont les

passions coupables sont punies par le destin, le specta-

teur de la tragédie se voit délivré, purgé des sentiments

inavouables qu'il peut éprouver secrètement. Le théâtre

a dès lors pour les théoriciens du classicisme une va-

leur morale, une fonction édifiante. Plus largement, la

catharsis consiste à se délivrer d'un sentiment encore

1 Catharsis vient du grec katharsis, qui veut dire « purification ». La catharsis

est la purgation des passions par le moyen de la représentation dramatique : en assistant à un spectacle théâtral, l'être humain se libère de ses pulsions, angoisses ou fantasmes en les vivant à travers le héros ou les situations représentées sous ses yeux. Pour Aristote le terme est surtout médical mais il sera interprété ensuite comme une purification morale. En psychologie, ce terme est appliqué depuis 1895 à la libération thérapeutique d'émotions responsables de tensions ou d'anxiété. La méthode cathartique requiert toujours d'amener les émotions refoulées à un niveau de conscience.

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inavoué. Dans l'interprétation classique de la catharsis,

elle est une méthode de « purgation des passions » ou

purification émotionnelle, utilisant des spectacles ou

histoires tragiques considérées édifiantes. En psychana-

lyse, la catharsis est un concept utilisé par Sigmund

Freud pour désigner le rappel à la conscience d'une

idée refoulée.

Utilisée notamment par le cinéma, le théâtre et la

littérature, elle montre le destin tragique de ceux qui

ont cédé à leurs pulsions. En vivant ces destins mal-

heureux par procuration, les spectateurs ou lecteurs

sont censés prendre en aversion les passions qui les ont

provoquées.Dans cette perspective, Tahar Djaout pro-

pose dans son roman des descriptions fort détaillées

qui montrent comment ces Frères Vigilant sont habil-

lés, quels sont leurs traits distinctifs, leurs apprécia-

tions de la société, et des intellectuels en particulier.

Ces portraits arborent le désir qu‘a Djaout de dénoncer,

sur un ton sarcastique parfois, l‘aspect insolite des in-

tégristes :

Ce fut sur la route, une cinquantaine de kilomètres

avant d‘arriver à la capitale qu‘ils se heurtèrent à un

barrage inhabituel dressé par de jeunes hommes bar-

bus, accoutrés comme des guerriers afghans, mais avec

une pointe de fantaisie constituée par le mariage de

tennis haut de gamme et de pyjamas, de gandouras et

de vestons en cuir. Munis de gourdins, de sabres mais

aussi de pistolets … (Djaout Tahar, 1999 : 31)

D‘étranges pontifes enturbannés, aux yeux passés

au khôl et à la barbe teinte au henné, se sont autopro-

clamés savants … (Djaout Tahar, 1999 : 83)

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L‘homme, le plus souvent barbu, engoncé dans

une tenue hybride où se marient la gandoura et la veste,

le veston ou le pardessus… (Djaout Tahar, 1999 : 66)

Le Dernier Été de la raison renvoie à une multi-

tude frustre par laquelle sont peints ces « Frères vigi-

lants ». Ces hordes de barbus menaçants ont fait main

basse sur la ville et leur victoire est faite de sauvagerie,

d‘un retour au paganisme. Ceux qui osent défier leur

communauté de barbus sont châtiés et voués aux gé-

monies :

Depuis que les prêtres légistes se sont emparés du

pouvoir pour réaliser le règne de l‘Équité, pour gou-

verner selon la loi et la volonté de Dieu, la confiance

règne partout : le souverain commandeur selon le dé-

cret divin reçoit sur son divan, un flingue à la

main. (Djaout Tahar, 1999 : 52)

La répression et la solitude que subit le libraire

laissent une grande part à la réflexion et à la liberté de

s‘exprimer. Il est souvent seul et est amené de ce fait à

penser à lui-même, à son destin et aux raisons de son

enfermement. Dans ses pensées, il a souvent tendance à

s‘auto-analyser. Ainsi, le personnage principal s‘inscrit

dans un cadre spatiotemporel précis. Il prend appui sur

des réalités sociales précises, un contexte historique

précis, et un espace idéologique complexe, conformé-

ment à ce qu‘affirme Max Milner :

Dans toute critique, […] il y a donc un pari, un

engagement de l‘interprète, et il doit en être ainsi parce

qu‘un texte littéraire n‘est pas un objet neutre […] mais

un foyer de messages, issu d‘une conscience enracinée

dans une expérience psychologique, historique et cultu-

relle, et adressé à d‘autres consciences, qui peuvent

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être atteintes que par l‘intermédiaire d‘une lecture per-

sonnelle. (Achour Christiane, 1997-1998 : 67)

L‘auteur dresse une image –à travers le point de

vue de Boualem- de l‘Algérie en proie à la guerre, vic-

time du terrorisme et de cette vague islamiste intégriste

et dévastatrice. Ce courant tumultueux, qui ne veut pas

lâcher le héros Boualem Yekker ainsi que les autres al-

gériens, se voit sans frontières ; il touche à toutes les

catégories sociales, n‘importe où et n‘importe quand.

Boualem recourt à la beauté des paysages algériens

pour faire passer aux lecteurs un double discours qui

oppose deux pôles semblables mais non-identiques : Le

premier consiste en la représentation de l‘Algérie de

l‘après-guerre (la post-indépendance) dont voici un

extrait illustratif :

L‘une des rares traces qui rappellent encore

l‘ancien régime, ce sont ces lampadaires qui demeurent

allumés, jalonnant les rues de leurs yeux timides, of-

fusqués par la splendeur du soleil.

Boualem Yekker regarde les boules orange, fruits

anachroniques éclos au faite des poteaux. Il se de-

mande quel service précis s‘occupe de la gestion

d‘éclairage, combien coûte à ce qui était la République,

et qui se dénomme aujourd‘hui la Communauté dans la

Foi. (Djaout Tahar, 1999 : 33)

Se peut-il qu‘une cité se métamorphose en

l‘espace de quelques jours ? Le flux des voitures est

fantasque : parfois la route est vide, et parfois les autos

y déboulent en rangs serrés. On dirait qu‘elle est com-

mandée par un de ces appareils de jeux électroniques

qui créent la profusion ou la vacuité, suivant les mani-

pulations. (Djaout Tahar, 1999 : 51)

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Du coup, sujets et objets de la dénonciation cons-

tituent le centre de notre corpus d‘analyse. Ainsi, Tahar

Djaout aspire à nous transmettre un message en dénon-

çant la situation algérienne prévalant pendant la der-

nière décennie du siècle dernier, surtout en étant lui-

même intellectuel, écrivain et journaliste broyé et mar-

ginalisé à son tour durant la même période.

En définitive, à travers ses textes, Djaout conduit

un discours sociopolitique fortement inspiré du con-

texte historique pour exposer ses pensées personnelles.

Il relate la réalité historique de son pays et de tous les

algériens en usant d‘une écriture allégorique, guidée

par l‘euphémisme.

Une fois admis la dénonciation, il également im-

portant de signaler que l‘auteur, qui a témoigné des

premières heures de la montée des islamistes du FIS, se

réfère à un lexique dénotant le discours idéologique de

la violence ancrée dans la nature étrange d‘un pouvoir

déracinant de cette lugubre communauté. Décrites

sous le regard de Boualem Yekker, personnage pour

une large part substitut de l‘auteur, ces « brigades,

hordes, bandes, milices » -mots fort récurrents dans le

texte- imposent un nouvel ordre de « rédempteurs ». Ils

sont désignés par le biais d‘un lexique diversifié et les

termes les signalant (brigades, bandes, guerriers

afghans, nouveaux maîtres, détestables représentants,

prédicateurs, nouveaux impétrants, prêtres légistes, mi-

lices religieuses, vigiles insomniaques, etc.).

Tahar Djaout a recours à une variété lexicale pour

désigner d‘une manière indicible les islamistes terro-

ristes, ceux qu‘il nomme d‘emblée (Mokhtari Rachid,

2003 : 192)

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Ainsi, dans cette fiction qui transcende

l‘événement et l‘immanent, nous rappelons que

l‘auteur n‘a à aucun moment du texte, eu recours au

terme « d‘islamiste » ou de « terroriste » dont l‘emploi,

appartenant à la littérature politique ou usitée par la

presse écrite, aurait donné à l‘œuvre cette étiquette

journalistique ou politique.

Bibliographie ACHOUR C. (1997-1998), Lectures Critiques, Alger,

OPU.

BENVENISTE É. (1966), Problèmes de Linguistique

Générale, Paris, Gallimard.

DJAOUT T. (1999), Le Dernier Été de la raison, Pa-

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DUCHET C. (1979), Sociocritique (texte de B. Berke

et J. Decottignie), Paris, Nathan.

GOLDENSTEIN J.-P. (1983), Pour lire un roman,

Bruxelles, Duculot.

MAINGUENEAU D. (1983), Initiation aux méthodes

de l’analyse du Discours, Paris, Hachette.

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ger, Chihab.

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