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505
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2Mardi 28 avril 2015 21h00 [GMT + 1]
NO 505 Je naurais manqu un Sminaire pour rien au monde PHILIPPE SOLLERS
Nous gagnerons parce que nous navons pas dautre choix AGNES AFLALO
www.lacanquotidien.fr
Le djihadisme, en prise sur la modernit par Pascale Fari
On peut sinterroger sur le fonctionnement du signifiant-matre.
[Cest] une faon [] de se rendre compte comment quelque chose
qui se rpand dans le langage comme une trane de poudre,
cest lisible, cest--dire que a saccroche, a fait discours .
Jacques Lacan, LEnvers de la psychanalyse
Comment capter lintgrisme musulman dans sa radicalit et sa modernit ? Jacques-Alain
Miller nous y engageait rcemment lors de la clture1 de la troisime journe de lInstitut de
lenfant.
clectisme hyperbranch
Dabord en brossant la toile sur laquelle il se rpand, cest--dire les mutations de lordre
symbolique au XXIe sicle : l affaissement du Nom-du-Pre saccompagne de
lmergence dun Autre de la demande tyrannique et mchant ; le savoir porte de clic
saffranchit de lAutre du dsir et du savoir pour nvoquer que quelques pistes extraites
par J.-A. Miller.
On le sait, la propagande djihadiste (qui, au sein de lislamisme, dtonne par la
glorification de la violence comme moyen et comme fin) sest fait une expertise du
recrutement par internet. Rien ne manque larsenal : sites (des jeux en ligne jusquau
mariage entre sectateurs), forums, vidos, chanes spcialises, et bien sr les rseaux
sociaux Le storytelling y est abondamment exploit. Et, cest un must, le spectacle nest
jamais oubli ; rnovant lantique tradition de la Waisya (testament)2, le dernier
tmoignage , posthume, est soigneusement scnaris, avant dtre diffus aux quatre coins
de la plante comme la voix du martyr par del la mort .
Moderne, lidologie djihadiste lest aussi par sa manire bien spciale de surfer avec
lquivoque, puis de sen servir comme dun entonnoir commencer par le recyclage du
terme sacr de djihad (cet effort que chaque musulman doit accomplir pour se rapprocher
de Dieu) en apologie du terrorisme obligatoire. Incroyable coup de pub ! Et beaucoup plus, si
affinits
Une maladie du S1
Dans son analyse percutante3, Rginald Blanchet pingle une caractristique majeure des
jeunes djihadistes franais, celle dtre des dsaffilis . Ces jeunes, note-t-il, sont relgus
tels des parias ou des rebuts du capitalisme occidental. Dire quils sont dsaffilis, cest aussi
dire quils sont privs dune marque distinctive, dun signifiant-matre (S1) qui les
reprsenterait4. Car cest partir dun trait particulier que le sujet peut se situer et prendre la
parole ; cette marque premire sera ensuite le support de toutes les diffrences venir. Mais,
sans cette affiliation symbolique, impossible de sinscrire dans un ordre du monde o il a
sa place 5.
Lre de la globalisation est celle de la dissolution du signifiant-matre, entranant perte
des repres et crise des identifications. Mais cette dsorientation subjective, notait J.-A. Miller
ds 2002, provoque en retour un appel au signifiant-matre dautant plus exacerb quil
apparat dtach du reste, et dautant plus insistant quil apparat clairement comme
supplmentaire 6. Le besoin de reconstituer des bulles de certitude est patent. Se
prsentant comme une planche de salut inespre, le Un islamiste accroche, organise le
discours et fait lien social.
Nest-ce pas l un ressort majeur de la passion islamiste en tant que promotion dun Un
absolu, sans dialectique et sans compromis 7 selon la formule de J.-A. Miller ? Se devant
dtre sans reste, la soumission Dieu supple dautant mieux une singularit en dfaut
quelle requiert leffacement de la subjectivit. Do lardeur du ct born again, si
frquemment mis en avant dans les trajectoires de radicalisation.
Sous couvert de transcendance, il sagit dutiliser et dexalter la dsubjectivation : Si
nous parvenons immuniser lindividu sur le plan confessionnel et oprationnel, il sera
habill dune cuirasse scuritaire. 8 Telle une citadelle solide et imprenable, impossible
infiltrer et fire de mourir pour la dfense de sa foi , le djihadiste devra supporter les
consquences traumatisantes de massacres, de meurtres , y compris sil doit tuer lun ou
lensemble des camarades de son organisation . La voracit sanguinaire du surmoi ne
rencontrera mme plus ce fusible que constitue la honte.
Le dlicat curseur de la honte
Last but not least, la violence djihadiste est affine la modernit dans son exhibition honte.
Dans sa dernire leon de LEnvers de la psychanalyse, Jacques Lacan associait prcisment le
dclin de la honte un chec 9 et une dgnrescence du signifiant en tant que carte
de visite singulire du sujet : il ny a plus de honte , constatait-il.
Les pathologies du signifiant-matre sont aussi des pathologies de la honte. Si
limpudence est dsormais la norme de lpoque, il nempche que, bien souvent, les
honts sont des honteux 10. Faire une analyse, cest se donner chance den prendre la
mesure et de dcouvrir alors les ravages dune honte bien plus profonde et
incomparablement plus toxique : une honte de vivre gratine , celle-l mme qui peut
conduire un sujet simmoler pour un Dieu obscur.
On aperoit pourquoi Lacan concluait LEnvers de la psychanalyse en invoquant une good
enough, juste dose, si lon peut dire, de honte : pas trop mais justement assez, il marrive de
vous faire honte 11. ric Laurent note malicieusement ce propos : De la mre
suffisamment bonne lanalyste qui fait suffisamment honte, voil un dtour que Winnicott
naurait pu prvoir 12 !
La honte est en effet un curseur bien dlicat : pas assez, le sujet se livre en toute
impudence une jouissance honte ; trop, elle dchane le surmoi, prcipitant le sujet dans
un passage lacte mortifre. Le comble, cest que ces deux versants parviennent se
combiner pour former un couple infernal
1. J.-A. Miller, En direction de ladolescence , Institut Psychanalytique de lEnfant News 14, publication en
ligne, 14 avril 2015 & Interprter lenfant, coll. La petite Girafe, Navarin, paratre en octobre 2015.
2. M. Guidre & N. Morgan, Le Manuel de recrutement dAl-Qada, Paris, Seuil, 2007, p. 223-224.
3. R. Blanchet, mergences djihadistes , Lacan Quotidien, no 496, 30 mars 2015.
4. Cf. J. Lacan, Le Sminaire, livre XVII, LEnvers de la psychanalyse, texte tabli par J.-A. Miller, Paris, Seuil,
coll. Champ Freudien, 1991, p. 11-12 & 101 notamment.
5. J.-A. Miller, Note sur la honte , La Cause freudienne, no 54, juin 2003, p. 13.
6. Cf. J.-A. Miller, Intuitions milanaises [1] & [2], Mental, no 11, dcembre 2002, p. 9-21 & no 12, mai 2003, p. 9-
26 (p. 19-23 notamment).
7. J.-A. Miller, En direction de ladolescence , op. cit.
8. M. Guidre & N. Morgan, Le Manuel de recrutement dAl-Qada, op. cit., p. 84 & Al-Qada, Manuel pratique du
terroriste, d. tablie par Arnaud Blin, Bruxelles, Andr Versaille, 2009, p. 60.
9. Cf. J. Lacan, Le Sminaire, livre XVII, LEnvers de la psychanalyse, op. cit., p. 209-211 & 218-220.
10. J.-A. Miller, Note sur la honte , op. cit., p. 13.
11. Cf. J. Lacan, Le Sminaire, livre XVII, LEnvers de la psychanalyse, op. cit., p. 223.
12. . Laurent, La honte et la haine de soi , lucidation, no 3, juin 2002, p. 24.
Mitra Events unfolding
Jorge Len fait rsonner les voix par Nicole Guey et Laurence Martin
Il est rare quun cinaste expose son work in progress. Ce nest pas la moindre des singularits de Jorge Len. En rsidence la Fondation Camargo, le cinaste partageait
rcemment le travail en cours sur Events unfolding, projet de cin-opra sur laffaire
Kadivar . Plus exactement, autour de lchange de-mails entre Jacques-Alain Miller Paris
et Mitra Kadivar, ses contempteurs et ses soutiens en Iran1. Ou comment lartiste fait
rsonner son tour les discours et la voix.
Ni les tmoins de laffaire, ni les milliers de signataires de lappel pour la libration de
la psychanalyste iranienne, galement mdecin, retenue lhpital psychiatrique de lcole
de mdecine de la Tehran University of Medical Sciences, nont oubli lintensit de ce qui
sest jou cet hiver 2012-2013. Que son fil rouge lchange de-mails passe du statut de
matire virtuelle quasi brute celui de dramaturgie, il fallait la rencontre avec un artiste
comme Jorge Len pour le permettre.
Un public privilgi coutait le rcit de cette rencontre le 25 mars dernier la
Fondation Camargo2, lieu dexception ouvert sur la baie de Cassis, dans les salons feutrs de
La Batterie, villa aux poutres apparentes et aux lustres vnitiens en verre souffl conus par
lartiste Jrme Hill. Jorge Len et ses comparses, la dramaturge Isabelle Dumont et le
compositeur George van Dam, avaient choisi dexposer ciel ouvert comment le projet
Mitra devient le cin-opra Mitra Events Unfolding3. Singulire dans sa prise de risques,
cette dmarche fait sens et participe du travail dcriture et du processus artistique ,
souligne Julie Chenot.
La cration nat dune vritable rencontre. Jorge Len le dit explicitement : Ce projet,
je ne le cherchais pas. Je naviguais sur locan Internet et je suis tomb sur le pdf des
changes de-mails entre Jacques-Alain Miller et Mitra Kadivar. Dans lintensit de ces e-
mails se peroit la tragdie antique. Mest alors venue lide de transformer cet change en
un cin-opra qui tmoignerait de la transformation de cette matire en chant : au fur et
mesure que lon veut faire taire Mitra, sa voix samplifierait. Contact, Jacques-Alain Miller
lui rpond : ce texte est vous ! Mitra Kadivar senthousiasme.
Tragdie antique
Lopra, via ses coulisses, est dj le thtre du prcdent documentaire de cration de Jorge
Len, Before We Go le ralisateur y convoque le rel de la mort et louvre sur la voix de
Lacan sa confrence de Louvain (1974), voix essentielle , souligne-t-il4. Avec Mitra
Events Unfolding, il hisse cette fois la folie sur la scne. En trois actes et un pilogue, le
livret et la partition restitueront tant la part dramatique de ce qui se joue que la rhtorique
du combat : la tragdie et la stratgie.
Au centre de la tragdie antique , selon le mot du cinaste, une Mitra-Antigone se
revendique seule psychanalyste depuis la mer Noire jusqu la mer de Chine 5, exige
dtre dfendue par ses pairs et bataille tout autant pour se sauver elle-mme ; en cette sorte,
elle incarne la psychanalyse. Ds lors, la stratgie de Jacques-Alain Miller se dploie dans
une urgence et une invention toujours soutenues. Une stratgie trs particulire, indique
Herv Castanet, qui passe par le dsir de cette femme, Mitra, disant "on menferme parce que
je suis psychanalyste", et qui rpond en se saisissant de ce dsir. Une stratgie et une
urgence auxquelles nous avons t trs sensibles. Cest pourquoi nous navons pas renonc
aux discours dans le livret , insiste Isabelle Dumont
Le lieu de la draison
Lopra joue sa partie avec la folie depuis ses origines. Ici, le travail sur la forme-opra et sa
confrontation la matire-film font rsonner singulirement le projet. De mme, le choix des
chanteurs pour incarner les voix : la soprano afro-amricaine Claron McFadden pour Mitra,
le contretnor James Bowman pour Jacques-Alain Miller, aux cts de lensemble de
musique contemporaine Ictus.
Cette tragdie antique a son unit de temps et daction lintense chronologie des
e-mails respecte et rythme en un prologue et trois actes , et son unit de lieu, celui de la
draison qui nous habite et donc nous concerne tous , selon le mot de Jorge Len. Comme
pour souligner ce lieu de la draison, le film produira-t-il un dcalage davec lopra, et
lequel ? Linvention du cinaste nous le dira.
En attendant, il nous dit que le lieu du film sera cet espace fantasmatique dans
lequel Mitra disparat, et que je ne pouvais pas filmer . Limpossibilit tenait moins aux
contraintes politiques qu lthique du ralisateur : Mitra rsiste elle-mme dans son
propre pays ; jamais je nenvisagerais de filmer dans un hpital psychiatrique iranien. Mais je
me sens lgitime de filmer ici.
Matire du rel
De fait, lors du sjour Camargo, une rencontre sest produite avec les adultes psychotiques
et les intervenants dun centre psychiatrique prs de Marseille. Outre le regard des patients
et linjonction les regarder , Jorge Len explique comment, avec Isabelle Dumont et
George van Dam, il y a entendu des sons, des cris, des berceuses, des psalmodies .
Cet inarticul a produit une telle impression de ralit que nous ne savons pas ce
que nous allons pouvoir composer. Cest comme une matire du rel qui viendrait travailler
et traverser le film, mme si nous nen faisons rien . Pourtant, lartiste semble avoir trouv
l ce qui pourrait constituer le chur des fous , comme il y aura le chur des tudiants,
soutiens de Mitra, celui des voisins accusateurs et celui des psychiatres de Thran.
Ne pas lcher
Car mme si nous nen faisons rien , ce sera l. Tout comme y sera, dune manire ou
dune autre, la rencontre de lquipe avec le public de Camargo.
Jacques-Alain Miller a explor toutes les voies pour faire librer Mitra ; lartiste explore son
tour comment faire rsonner ces voix et convoquer le spectateur. Personne na lch dans
cette affaire , rappellent les artistes ; eux non plus ne lchent pas.
1 Cet change a t publi dans On nous crit de Thran. Autour de Mitra Kadivar. CALM (Comit daction pour la
libration de Mitra), Navarin & Le Champ freudien, 2013. http://www.lacanquotidien.fr/blog/2013/02/on-nous-
ecrit-de-teheran/ 2 Fonde par lartiste et philantrophe Jrme Hill (1905-1972), la Fondation Camargo accueille en rsidence artistes et universitaires francophones. Le projet Mitra a t slectionn par la Fondation, partenaire du FIDLab qui rcompense chaque anne une ralisation en cours dans le cadre du Festival international du cinma FID-Marseille. Jorge Len, Isabelle Dumont et George van Dam sont accueillis pour une rsidence dcriture en deux temps, mars et juillet 2015. La soire tait initie par Herv Castanet avec la complicit de Julie Chenot, directrice des programmes de linstitution, et orchestre par Pamela King. 3 Events Unfolding est le titre donn prcisment lchange de-mails dans On nous crit de Thran, op. cit.. 4 Before We Go a t prim au FID 2014. Lire ce propos linterview de Jorge Len par Herv Castanet, parue dans Lacan Quotidien n412 et n422. 5 E-mail du 21 dcembre 2012, On nous crit de Thran. Autour de Mitra Kadivar, op. cit., p. 14.
Prix dipe 2015 Mres douloureuses de Philippe De Georges
Nous avons le plaisir dannoncer que le prix dipe 2015 a t attribu notre collgue
Philippe De Georges pour son livre Mres douloureuses (Navarin-Le Champ freudien).
Prslectionn par les libraires comme huit autres titres*, l'ouvrage de Philippe De Georges a remport
le plus grand nombre de suffrages des lecteurs.
Quelques citations de lecteurs indiquent ce qui les a retenus dans ce livre :
- L'auteur rcuse avec force toute typologie de la mre douloureuse et vitupre les
marchands de bonheur pour s'attacher l'individuation et au parcours singulier de
souffrances tues, mettant en pril des vies Virginie Gatti, L'Humanit, 3, 4 & 5 avril
2015.
- La psychanalyse est de plus en plus vilipende par toute une cohorte dvaluateurs,
dadministrateurs et autres ministres, de prtendus neuro-scientifiques, pris de chimie,
de chiffres, de vitesse et de chiromancie ; Philippe De Georges leur rpond de la plus belle
des manires en faisant pntrer son lecteur non pas dans les misrables et croustillants
secrets du divan mais en prsentant des personnes en train de sanalyser Pierre Le
Pillour, sitaudis.fr, 9 dcembre 2014.
- Si on y entend beaucoup de ce qui anime un travail de cure psychanalytique, pour
lauteur ceci saccompagne dune rflexion sur la fonction, plutt que sur le mtier ,
quil exerce. En effet, crit-il en conclusion, en coutant chaque sujet nous napprenons
rien sur la machine humaine, mais beaucoup sur les ressorts de lexistence Franoise
Petitot, site oedipe.org (voir aussi son entretien avec de Ph. De Georges).
- Lanalyste ne juge ni ne conseille, il est sans a priori, mais il nest pas sans dsir. Cest ce
dsir-l, le dsir de lanalyste, qui se glisse silencieusement au fil de ces pages qui en
palpitent. [...] Vous entrerez dans le secret de ces cures mais pas-tout ne vous sera dvoil.
Louvrage nest pas proprement parler didactique et pourtant vous apprendrez
beaucoup le lire. Il vous apparatra que la psychanalyse est aussi un art. Sonia
Chiriaco, Lacan Quotidien n 438
- Le paradoxe et la profondeur des cures rapportes dans ce livre ne rsident pas en cela
qu'il indique que l'on n'y souffre pas des enfants comme jadis on souffrait de leur
souffrance et du pril seulement les faire natre. Aujourd'hui vaincues, ces ralits
d'autrefois peuvent, aprs tout, demeurer dans les esprits. Il ne s'agit pas non plus de dire
que les raisons de l'angoisse se gaussent du progrs. Il s'agit d'affronter nos savoirs au fait
que pour un certain nombre de mres une brche s'ouvre dans des parturitions inabouties,
crevasse toujours nouvelle, comme un secret enfoui qu'on dissimule et qui vous ronge .
Franois Leguil, Lacan Quotidien n 441
- Trois mres douloureusement saisies dans les symptmes de leur enfant. Chacune sa
manire assume avec difficult ltre femme et rompt avec le conjugo. La premire quitte
son mari pour un autre plus gentil mais insatisfaisant. La deuxime ne reconnat pas le
pre de son fils parce que ce serait reconnatre le sien. Et pour la troisime, cest lenfant
qui triomphe de lamant. Mres divises, telle la figure de la Piet, entre pit et piti,
idal et douleur. Un livre plein de finesse clinique que le style de Philippe De Georges,
pris dans les chaudes couleurs de Nice, rend trs agrable lire. Alexandre Stevens,
Lacan Quotidien n 484
Et sur le site de l'cole de la Cause freudienne, coutez une interview de Philippe
De Georges : http://www.causefreudienne.net/meres-douloureuses/
Le livre est disponible en librairie (diffusion Volumen) et sur ecf-echoppe.org
* Les huit autres ouvrages proposs au vote des lecteurs taient :
- Dayan Maurice, Dire et devenir, Ithaque
- de Rivoyre Frderic, Ceci est une illusion, rs
- Kahn Laurence, Le psychanalyste apathique et le patient post-moderne, d. de lOlivier
- Gazengel Joseph, Jouissances. Du sein au meurtre, LHarmattan
- Kammerer Pierre, Lenfant et ses meurtriers, Gallimard
- Levy Franois, La psychanalyse avec Wilfred. R. Bion, Campagne Premire
- Pradelles de Latour Charles, La dette symbolique, EPEL
- Verschoot Odile, Du dni au crime, Imago
COURRIER
Luc Garcia : La RATP se fait redresseur de tortue
La RATP aime duquer ses usagers. Dernire invention grandiose, une campagne de com'
dont le slogan est : restons civils sur toute la ligne. La ligne, l'usage, est celle du surmoi froce,
mais pas seulement.
Prenons une des affiches : un voyageur est somm d'enlever son sac--dos, avec cette
mention : qui voyage le dos charg, enlve son sac--dos pour moins gner . Ah, les
douceurs totalitaires de l'ordre public, qui s'offre en plus une talentueuse rime en ! Une
affiche se supporte d'un visuel. Ici ledit voyageur avec son sac--dos est grim en tortue avec
sa carapace en sac--dos. Inutile d'tre exagrment instruit pour se rappeler qu'une tortue
sans carapace, c'est une tortue morte. Cest ce petit dtail que l'on pinglera les initiateurs
de cette campagne qui ratisse large.
Les usagers qui gardent leur sac dos sont rares. Le plus souvent, ceux-l n'ont pas ou plus
de quoi se loger, et leur sac, comme la tortue, c'est leur vie. Comme la tortue muette, souvent
ils ne parlent pas, ils ne se plaignent plus depuis longtemps.
Qui porte un sac--dos ? Potentiellement n'importe qui. Le cadre moyen, lui, enlve son
sac--dos ; non par politesse ou civilit, mais parce qu'il ira chercher sa petite bouteille
d'Evian avec bouchon-ttine pour se rhydrater aprs sa journe de bureau. Ce n'est pas de
lui dont parle la RATP, bien videmment, mais c'est lui qu'elle parle, pour faire de chacun
un petit soldat se sentant rconfort par le discours du matre pour chasser le porteur de sac-
-dos dont le sac est vital.
Ceux pour qui c'est vital, un sac--dos, ne sont pas n'importe qui. Un SDF, un sans-papier
qui vit dans les bidonvilles de l'autoroute A86 hauteur de l'changeur d'Aubervilliers, juste
d'ailleurs ct de la ligne de RER B... Pour ceux-l, le message est un vu de mort.
tre gn par n'est pas connect l'insupportable, puisque tant que a gne, aprs tout,
on parle encore. Mais, le propos de la com' est bien diffrent : ce qui gne mrite d'tre
redress. L, on se demande partir de combien, la RATP, on trouve que c'est beaucoup,
puisque ds que a gne, on fabrique un petit slogan pour vous remettre d'querre.
Mettre le vital de la tortue au regard de la gne sonne faux, cependant que le mode
sgrgatif anti-sac--dos de la RATP, lui, est fdrateur. C'est donc un double-tiroir : je
pointe ton sac dos, mais je ne te dis pas de qui je parle.
La RATP n'a pas dpens des centaines de milliers d'euros pour nous dire qu'on tait tte
en l'air doublier denlever notre sac--dos. Ultime gterie pour cette campagne : un kit
pdagogique, que les enseignants sont appels venir commander le service de presse ,
le bien nomm, est disposition pour faire des enfants de bons petits soldats.
Quelle soupe les inventeurs de cette sublime opration veulent servir ? Rappelons que
jusqu'aux dernires lections, le Syndicat des Transports d'le-de-France, le STIF, autorit
tutlaire de la RATP, tait immatricul socialiste. a a chang : les collectivits territoriales
membres dudit STIF sont passes droite.
Comme les Daily tweets de Jacques-Alain Miller l'occasion de l'entre-deux tours des
lections dpartementales en ont montr la voie, suivons la trace ces discours qui se
promnent.
Lacan Quotidien publi par navarin diteur
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