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L'Acropole en danger

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Page 1: L'Acropole en danger

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Une fenêtre ouverte sur le monde

»lili INFévrier 1977 (XXX1 année) 2,80 francs français

Découverte en Syried'une prestigieuse métropoled'il y a 4000 ans

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Page 2: L'Acropole en danger

TRÉSORS

DE L'ART

MONDIAL

Zaïre

L'iil du masqueLes masques africains sont souvent en étroit rapport avec des rites d'initiation où est révélée la

signification des masques portés par les danseurs ou d'autres officiants. Ici, masque Bembe (ouWabembe), peuple du nord-est du Zaïre, près du lac Tanganyika. Au fond des orbites à l'étrangegéométrie, deux petites fentes sont prévues pour les yeux.

Page 3: L'Acropole en danger

Le CourrierFEVRIER 1977 30e ANNEE

PUBLIÉ EN 15 LANGUES

Français Arabe Persan

Anglais Japonais HébreuEspagnol Italien NéerlandaisRusse Hindi Portugais

Allemand Tamoul Turc

Mensuel publié par l'UNESCOOrganisation des Nations Uniespour l'Éducation,la Science et la Culture

Ventes et distributions :

Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris

Belgique : Jean de Lannoy,112, rue du Trône, Bruxelles 5

ABONNEMENT: 1 an : 28 francs français;deux ans : 52 francs français. Payement parchèque bancaire, mandat postal, CCP Paris12598-48, à l'ordre de : Librairie de l'Unesco,

Place de Fontenoy - 75700 Paris.

Reliure pour une année : 24 francs

Les articles et photos non copyright peuvent être repro-duits à condition d'être accompagnés du nom de l'auteuret de la mention « Reproduits du Courrier de l'Unesco »,en précisant la date du numéro. Trois justificatifs devrontêtre envoyés à la direction du Courrier. Les photos noncopyright seront fournies aux publications qui en ferontla demande. Les manuscrits non sollicités par la Rédac¬tion ne sont renvoyés que s'ils sont accompagnés d'uncoupon-réponse international. Les articles paraissantdans le Courrier de l'Unesco expriment l'opinion deleurs auteurs et non pas nécessairement celle de l'Unescoou de la Rédaction. Les titres des articles et les légendesdes photos sont de la rédaction.

Bureau de la Rédaction :

Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris, France

Rédacteur en chef :

René Caloz

Rédacteur en chef adjoint :

Olga Rodel

Secrétaires généraux de la- rédaction :

Édition française : Jane Albert Hesse (Paris)Édition anglaise : Ronald Fenton (Paris)Édition espagnole : Francisco Fernandez-Santos (Paris)Édition russe : Victor Goliachkov (Paris)Édition allemande : Werner Merkli (Berne)Édition arabe : Abdel Moneim El Sawi (Le Caire)Édition japonaise : Kazuo Akao (Tokyo)Édition italienne : Maria Remiddi (Rome)Édition hindie : H. L. Sharma (Delhi)Édition tamoule : M. Mohammed Mustafa (Madras)

Édition hébraïque : Alexander Broïdo (Tel-Aviv)Édition persane : Fereydoun Ardalan (Téhéran)Édition néerlandaise : Paul Morren (Anvers)Édition portugaise : Benedicto Silva (Rio de Janeiro)Édition turque : Mefra Arkin (Istanbul)

Rédacteurs :

Édition française : Philippe OuannèsÉdition anglaise : Roy MalkinÉdition espagnole : Jorge Enrique Adoum

Documentation : Christiane Boucher

Maquettes : Robert Jacquerhin

Toute la correspondance concernant la Rédactiondoit être adressée au Rédacteur en Chef.

Page

L'ACROPOLE EN DANGER

Appel du Directeur général de l'Unesco

Amadou-Mahtar M'Bow

6 EBLA

Découverte en Syrie d'une prestigieuse métropoled'il y a 4 000 ans

par Paolo Matthiae

13 LES ÉGLISES PEINTES DU LAC TANA

Dernière étape de la « route historique » en Ethiopie

par Berhanou Abbebé

18 LE HENNÉ DU BONHEUR

En Inde le dessin des saisons et des fêtes

par Jogendra Saksena

I à IV Encart : Études à l'étranger

23 DE L'ORAL À L'ÉCRIT

En Tanzanie, contes traditionnelset livres de lecture pour adultes

par Simoni Malya

26 POURQUOI L'HIPPOPOTAMEEST DEVENU CHAUVE ET LAID

27 COMMENT L'AUTRUCHE S'EST MONTÉ LE COU

28 BOLIVAR ET LE CONGRES DE PANAMA

par Arturo Uslar-Pietri

33 NOS LECTEURS NOUS ÉCRIVENT

34 LATITUDES ET LONGITUDES

2 TRÉSORS DE L'ART MONDIAL

ZAIRE : L' du masque

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Photo © Paolo Matthiae. Italie

Notre couverture

Non loin d'Alep, en Syrie, une Missionarchéologique italienne, en collaborationavec la Direction générale des Antiquitéset des Musées de la République arabede Syrie, a mis au jour le site d'Ebla,ville dont seul le nom était jusque-làconnu. Découverte riche de

connaissances pour l'histoire de la Syried'il y a 4 000 ans, puisque toutesles archives de la cité ont été retrouvéeset sont en cours de déchiffrement.

Le professeur Matthiae, qui a dirigéles campagnes de fouilles qui ontconduit à cette extraordinaire découverte,a écrit spécialement pour le Courrierde ¡'Unesco un article que nous publionsen page 6. Ici, détail d'un bassin lustralà deux vasques : double frisede guerriers et de lions (voir page 7).

Page 4: L'Acropole en danger

Au cours d'une cérémonie qui s'estdéroulée le 10 janvier 1977 sur l'Acropoled'Athènes, M. Amadou-Mahtar M'Bow,

Directeur général de l'Unesco (photoci-dessous aux côtés de M. Trypanis,ministre grec de la cultureet des sciences) a lancé pour lasauvegarde des monuments de cehaut-lieu, victimes depuis plusieursannées de graves détériorations, un appelsolennel que nous reproduisons ici.

Le gouvernement grec a déjà prisd'importantes mesures pour préserverles édifices et les statues menacés.

Les Caryatides, par exemple, ont faitl'objet de moulages en vue de leurdéplacement au Musée nationald'Athènes, en attendant une solution

au problème de la maladie de la pierre.Aux dégâts provoqués par les infiltrationsd'eau et par le gel, aux méfaits causéspar la rouille des armatures métalliquesdes constructions, au phénomèned'érosion, aux conséquences d'untourisme intensif, s'ajoutent lesrépercussions redoutables de la pollutionatmosphérique sur la pierre.

C'est pourquoi, à la demande desautorités helléniques et en collaborationavec elles, un plan d'action a été misen uuvre dans le cadre d'une Campagneinternationale décidée par la Conférencegénérale de l'Unesco lors de sa dernièresession à Nairobi, Kenya(octobre-novembre 1976). Il s'agit,en effet, de sauver un patrimoine culturelqui, s'il est essentiellement grec, n'enconcerne pas moins l'humanitétout entière.

Selon les estimations établies

conjointement par l'Unesco et par legouvernement grec, l'opérationreviendrait à 15 millions de dollars

au total et demanderait de cinq à dixans pour être menée à bien.

Le Courrier de /'Unesco consacrera,pour sa part, l'un de ses prochainsnuméros à l'histoire de l'Acropoleet aux problèmes que pose sa sauvegarde.

/Vos lecteurs peuvent répondre à cet appelpar une contribution personnelle (voir indi¬cations dans l'encadré, page 34).

L'ACROPOLE EN DANGER

L'appel du Directeur général de l'UnescoAmadou-Mahtar M'Bow

V

--

L'Acropole est en danger...

Après avoir résisté pendant 2 400 ans aux assautsdu temps et des hommes, voici que le prestigieuxensemble monumental auquel Ictinos et Phidias ontimprimé la marque de leur génie est menacé de des¬truction par les dégradations que, depuis plusieursannées, lui fait subir à un rythme accéléré la civi¬lisation industrielle.

Jusqu'à présent, grâce aux travaux de restaura¬tion conduits depuis le 1 9e siècle par le Servicegrec d'archéologie et complétés plus récemmentpar des mesures particulières de conservation, lesquelque trois millions de visiteurs qui se pressentmaintenant chaque année sur l'Acropole ont encorepu admirer, dans l'éblouissement de l'incomparablelumière attique, les glorieux témoins de l'excellencequi marqua l'Age d'or de Périclès et qui est de¬meurée au fil des siècles, pour tant de pays dumonde, une source privilégiée d'inspiration dansle domaine de l'art et de la pensée.

Mais aujourd'hui, les dommages sont tels que laconservation des temples, des sculptures et dessoubassements ne peut plus être assurée que parla mise en 0uvre à bref délai d'un vaste et complexeprogramme de sauvegarde, qui requiert sur le plantechnique et scientifique des études minutieuses etdont le Gouvernement grec, malgré l'ampleur desefforts qu'il déploie, ne pourrait que difficilementassumer l'entière charge. Aux dégâts causés par

Page 5: L'Acropole en danger

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les infiltrations d'eau dans les fissures et par le gel,à l'éclatement du marbre provoqué par la rouille desbarres et crampons de fer utilisés dans le passépour assurer la sécurité des pièces en place, à l'éro¬sion des marches, des dallages et du roc sous lespas innombrables des visiteurs est venu s'ajouterun facteur de dégradation beaucoup plus graveencore : la pollution atmosphérique, rançon du pro¬grès industriel, qui précipite la décomposition dela pierre sous l'effet des gaz d'usine et des fuméesdes foyers domestiques.

En attendant que l'atmosphère puisse être puri¬fiée dans un périmètre approprié autour de l'Acro¬pole, il faut tout à la fois protéger sur place lessculptures qui peuvent l'être; déposer les autres etles transférer au Musée de l'Acropole en leur substi¬tuant temporairement des moulages; remplacer parun alliage inoxydable les armatures défaillantes; amé¬nager des allées et ronds-points renforcés pour cana¬liser le flot des visiteurs; consolider la roche là oùse produisent glissements et éboulements; restaurertout ce qui peut et doit l'être.

- Par son envergure même, la tâche à entreprendrelance un défi à la communauté internationale quine saurait se résigner aux désastres dont sont mena¬cés le Parthenon, l'Erechthéion et ses Caryatides,les Propylées et le temple d'Athéna Niké. C'est pour¬quoi la Conférence générale de l'Unesco à sa dix-neuvième session qu'elle vient de tenir à Nairobis'est prononcée par acclamation, en réponse à l'appel

Photo Dominique Roger - Unesco

que lui avait adressé le Gouvernement grec, pourune campagne mondiale conduite sous les auspicesde l'Organisation et destinée à mobiliser l'aide pu¬blique et privée en vue de sauvegarder l'Acropole.

L'Unesco, que son Acte constitutif charge deveiller à la conservation et à la protection du patri¬moine universel d'nuvres d'art et de monuments

d'intérêt historique ou scientifique, est ainsi appeléeà stimuler la solidarité internationale pour sauverdes trésors culturels qui, s'ils appartiennent au patri¬moine de la Grèce, font aussi partie de l'héritagecommun de l'humanité. Ce faisant, elle entendappuyer l'effort des nombreux amis de la Grècedans le monde qui sont prêts à lui apporter direc¬tement aide et coopération, en faisant connaître lesbesoins, en coordonnant les efforts d'assistance, ensuscitant les concours extérieurs et en veillant à ce

que ceux-ci soient orientés et échelonnés aü mieux,d'entente avec les autorités grecques,'en fonctiondes , nécessités et des possibilités.

"Voilà pourquoi, comme mes prédécesseurs lefjrent pour les monuments de Nubie en Haute-Egypte, pour Venise, pour le temple de Borobuduren Indonésie, pour le site archéologique de MohenjoDaro au Pakistan et pour celui de Carthage en Tu¬nisie, je lance ici un appel solennel à la conscienceuniverselle pour que l'Acropole soit sauvée.

Au nom de l'Organisation des Nations Unies pour \l'éducation, la science et la culture, j'invite les gou-J

Page 6: L'Acropole en danger

vernements, les commissions nationales pour l'Unes¬co, les institutions publiques et privées, les peuplesdes 141 États membres de l'Organisation à fournirgénéreusement le concours argent, matériel ouservices nécessaire à l'exécution de la grandetâche dans laquelle le Gouvernement grec s'est en¬gagé avec des moyens considérables mais qui nesauraient suffire à mener à bien une action quidevra se poursuivre pendant plusieurs années.

J'invite les organisations intergouvemementalesde tous les continents, et en particulier celles del'Europe, ainsi que toutes les fondations dont l'actioncontribue au progrès de la culture, à s'associer àl'duvre gigantesque que le Gouvernement grec en¬treprend en coopération avec l'Unesco.

J'invite les organisations internationales de spécia¬listes qui participent avec l'Unesco à la sauvegardedu patrimoine culturel de l'humanité comme leCentre international d'études pour la conservationet la restauration des biens culturels, le Conseil inter¬national des monuments et des sites et le Conseil

international des musées à susciter des initiatives

et à soutenir les activités entreprises dans le cadrede la campagne mondiale.

J'invite les musées, les galeries d'art, les biblio¬thèques, les théâtres, où se reflète l'éclat du génieathénien, à consacrer à la sauvegarde de l'Acropoledes expositions, représentations et manifestationsdont, le produit sera versé aux fonds institués dansles États membres ou au fonds international établipar l'Unesco.

J'invite les artistes, écrivains, critiques, histo¬riens et compositeurs dont l'euvre puise ses sourcesdans la Grèce antique et tous ceux qui ont pourmission d'informer journalistes, chroniqueurs, pro¬fessionnels de la presse écrite et parlée, de la télé¬vision et du cinéma à nous aider, de leur savoiret de leurs talents, à sensibiliser le public de toutesles nations.

J'invite aussi les élèves, les étudiants, les profes¬seurs, dans toutes les écoles, dans toutes les uni¬

versités, à organiser, notamment en liaison avec laCommission nationale pour l'Unesco de leur pays,des collectes dont le produit sera consacré à lasauvegarde du fleuron d'une civilisation envers la¬quelle l'art, la science, la philosophie conserventencore dans notre monde d'aujourd'hui une detteimmense de gratitude.

. J'invite enfin tous ceux qui, par millions, ont déjàvisité ou vont visiter Athènes, et aussi tous ceux

qui n'auront peut-être jamais cette chance maisqui sentent bien, quelle que soit l'aire culturelle àlaquelle ils appartiennent, que les trésors de l'Acro¬pole témoignent au plus haut degré du génie créa¬teur de l'homme, à verser une contribution, si mo¬deste soit-elle, qui leur permette d'apporter un peud'eux-mêmes à l'effort collectif.

Je ne doute pas que, cette fois encore, l'humanitésaura reconnaître son héritage et le sauver, et ques'affirmera ainsi plus avant, par-delà la diversitédes idéologies et des systèmes, cette unité spiri¬tuelle à laquelle aspire notre monde où les nations,prenant conscience de leur interdépendance et deleur commune destinée, veulent instaurer un ordrenouveau fondé sur la solidarité des peuples.

Amadou-Mahtar M'Bow

EBLA

Découverte

en Syried'une

prestigieuse

métropole"jûte

1000 ai

par Paolo Matthiae

PAOLO MATTHIAE, archéologue italien, est directeur de l'Institutd'étude sur le Proche Orient et professeur d'archéologie et d'histoirede l'art du Proche Orient, à l'Université de Rome. Il dirige depuis1964 là mission archéologique italienne en Syrie, dont les cam¬pagnes de fouilles ont abouti, avec la collaboration de la Directiongénérale des Antiquités, de Damas, à la découverte de la cité d'Ebla.Auteur de nombreuses publications scientifiques, il s'est attaché, à lalumière de ses découvertes, à une révision critique de l'histoire del'art dans le Proche Orient antique.

Page 7: L'Acropole en danger

Photo © Paolo Matthiae, Italie

Témoin de cultes antiques, ce bassin lustral à deux vasques a été récemmentmis au jour dans un temple d'Ebla, l'une des puissantes cités de la Syrie,il y a 4 000 ans. Décoré de deux frises superposées en haut, personnagesbarbus revêtus de jupes à franges; en bas, têtes de lions accroupis il contenaitl'eau de purification offerte aux fidèles, et fut sculpté 1 900 ans avant notre ère.C'est là l'un des plus anciens vestiges de l'art plastique de la Syrie (voir aussi page 1 2).

LA récente découverte, non loin

d'Alep, en Syrie, des archivesroyales de l'antique Ebla.

vieilles de 4 000 ans, introduit dansl'étude du Proche-Orient des don¬

nées parfaitement révolutionnaires*.

Due à la Mission archéologiqueitalienne de l'Université de Rome, la

mise au jour des vestiges d'Ebla,cette métropole mésopotamienne dontl'emplacement même demeurait in¬connu, n'acquerra toute sa signifi¬cation que dans quelques décennies.Car les textes livrés par les fouillesitaliennes ont trait à divers domaines

de la vie sociale et culturelle du

Proche-Orient, lors d'une période desplendeur (de 2 300 à 2 000 ansavant notre ère) sur laquelle on ne..

possède que des renseignements dif¬fus et fragmentaires. Mais il est cer¬tain que la portée de ces découvertesdépasse l'aire étroite du nord de laSyrie et touche à tout l'univers proche-oriental.

Au cours des derniers siècles du

4e millénaire avant notre ère, la civi¬

lisation urbaine commençait à s'épa¬nouir dans le sud de la Mésopotamie,où le nombre des villes allait crois¬

sant : Ourouk, sur la rive gauche del'Euphrate, grand centre de la civi¬lisation sumérienne, en est un remar¬

quable exemple.

Cependant, le processus d'expan¬sion de cette civilisation urbaine, quise produisit à travers tout le Proche-

Orient au cours du 3e millénaire de¬

meurait obscur, surtout dans la régionqui correspond à l'actuelle Syrie.

Certes, certains vestiges archéo;logiques attestant des cultures suc¬cessives avaient été relevés ici et là,

par exemple près d'Antioche, enTurquie, ou à Hama, au piedduLiban, dans le nord de la Syrie. Parailleurs, les renseignements propre¬ment historiques se bornent, dansdes textes mésopotamiens, sumérienset akkadiens, à la mention des quel¬ques cités conquises par les grandsrois d'Akkad (2340 à 2220), ou tri¬butaires des souverains d'Our alen¬

tour 2120 à 2000.

Faute donc de données historiques F

Page 8: L'Acropole en danger

k et archéologiques, on supposait quela culture urbaine mésopotamiennequi s'était développée au 3e millé¬naire avant notre ère sur le cours

inférieur du Tigre et de l'Euphrateavait rayonné sur toutes les culturesurbaines du Proche-Orient, qui s'étaienten quelque sorte modelées sur elle.

Or, les recherches entreprises enSyrie par la Mission archéologiqueitalienne de l'Université de Rome,

créée en 1964, visaient justement aéclairer ces obscurs problèmes desorigines et du développement de laculture urbaine de la Syrie par rap¬port au monde mésopotamien.

A cette fin, la Mission italienne,sous ma direction, projeta la mise enpuvre d'une exploration systéma¬tique du Tell-Mardikh, une collineconsidérable eminence évidem¬

ment artificielle située à quelque60 km au sud d'Alep dans le nordde la Syrie. Il était probable qu'ellerecouvrît les vestiges d'un importantcentre urbain.

La Direction générale des Anti¬quités et des Musées de la Répu¬blique arabe syrienne autorisa lesfouilles et, au cours des travaux, de¬vait assurer d'ailleurs un soutien cons¬

tant et une collaboration précieuse àla Mission italienne.

Effectuées de 1964 à 1972 au

sommet de la colline et en son centre,les fouilles découvrirent une ville très

importante, qui avait dû être en pleinessor entre 2000 et 1700, ou 1600

avant notre ère, c'est-à-dire pendantla période connue comme celle desdynasties amorites de Mésopotamieauxquelles appartenait le fameuxHammourabi, roi de Babylone.

Étendue sur 56 hectares, la ville,que dominait l'acropole édifiée ausommet du site, était défendue parune enceinte de murailles dont le

puissant terre-plein atteignait jusqu'à60 mètres d'épaisseur.

Quatre portes monumentales s!youvraient éperonnées de fortificationset flanquées de vastes bastions pour¬vus de tours. Dans chacune de cesportes s'articulaient deux ou troisentrées contiguës avec voussure enarc, encadrées de piliers revêtus deplaques basaltiques et calcaires.

Des portes de la ville, des artèresaxiales convergeaient vers l'Acropole,partageant la ville en quartiers d'habi¬tation dans sa partie basse. Autour del'acropole, étages.sur le terrain pentu,s'élevaient les édifices administratifset cultuels.

Chaque temple était consacré àune divinité particulière, et ne com¬portait en général qu'une seule sallecentrale aux structures massives et

élevées qui dominaient de toute leurmasse l'étendue compacte des habi¬tations citadines, à un seul étage,construites de briques d'argile séchéesau soleil.

Sur l'acropole encore s'élevait lePalais royal, édifice de pierre taillée

et polie, fort endommagé au coursdes siècles (les matériaux en furentpillés aux fins de remploi). Auprès duPalais se trouvait le Grand Temple,constitué, à la différence des petitstemples, d'une suite de salles enenfilade : une longue celia, abou¬tissant à une profonde niche cultuelle,était précédée d'une pièce plus courteet d'un vestibule ouvert en façade,auquel donnait accès une volée demarches.

En 1968, la Mission italienne fitune découverte décisive dans l'un des

temples de la cité : un torse de statuesur lequel on put lire une inscriptionen akkadien et caractères cunéi¬

formes : Ibbit-Lim, fils du roi Igrish-Khep, souverain d'Ebla. La statuedate d'environ 2 000 ans avant notreère.

Donc, la cité enfouie de Tell-

Mardikh était cette mystérieuse Ebla,dont à vrai dire on ne savait pasgrand-chose avant les fouilles de laMission italienne. Des inscriptionsmésopotamiennes du 3e millénaire,en sumérien et en akkadien signa¬laient Ebla comme une ville puissanteet prospère qui avait dû se rendre,cependant, au roi Sargon d'Akkadalentour 2300 avant notre ère, pourtomber entre 2250 et 2220 aux

mains du petit-fils de Sargon, Narâm-Sin. Plus tard, Ebla recouvrait son

indépendance, et entre 2 1 50 et 2000connut un regain de fortune.

Après 2000, les textes ne la men¬tionnent plus que rarement. Vers

1700, l'existence d'un roi d'Ebla est

encore attestée. Mais il est probablequ'après 1600, la ville n'est plus queruines. Ainsi dut-elle apparaître vers1500 au grand Pharaon Touthmosis III,qui la signale sur un monument deKarnak comme l'une des localités

traversées par l'armée égyptiennedans sa marche victorieuse vers

l'Euphrate.

Après quoi c'est l'oubli. Le nommême d'Ebla s'est effacé de lamémoire des hommes.

Cependant les fouilles italiennesont révélé que, durant des sièclesencore, le site fut plus ou moinshabité : mille ans avant notre ère,à l'époque où les Araméens s'ins¬tallent en Syrie, une petite citadelleest édifiée sur l'ancienne acropoled'Ebla: un ou deux siècles plus tard,au temps des Achéménides, une ché-tive bourgade s'y implante.

Puis toute trace de peuplementdisparaît, la terre reprend ses droitset la colline est livrée aux travaux

agricoles. Tout juste si au MoyenAge, pour un bref laps de tempsune saison peut-être y apparaît uncamp militaire dont l'existence futpeut-être liée aux guerres qui, au coursdes Croisades, dévastaient la région.

Aujourd'hui donc retrouvée, l'imaged'Ebla, telle que la restituent lesfouilles de la Mission italienne, estd'un apport essentiel pour l'histoiredes cultures de la Syrie. Il semblequ'Ebla ait été, en 2000, puis en1850-1700 le grand centre politique

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Page 9: L'Acropole en danger

des régions septentrionales de laSyrie, pour n'être plus par la suitequ'un royaume vassal d'Alep, l'undes grands États de l'époque d'Ham-mourabi.

Les archéologues italiens estimentqu'à l'époque de sa splendeur Eblacomptait de 20 à 30 000 habitants(énorme peuplement urbain pourl'époque).

Vers 1600, Ebla disparaît, sansdoute à la suite des incursions des

Hittites qui, en quelques années,vont faire tomber Alep, puis Baby-lone, lors des expéditions d'Hattou-sil Ier et de Moursil Ier.

Pays peuplé d'ethnies diverses,soumis à des contrôles politiquesétrangers et à des influences cultu¬relles disparates, la Syrie apparaissaitjusqu'ici bien plus comme un champd'affrontements que comme lieud'élection d'un développement cultu¬rel autonome.

Or, tout ce qu'Ebla révèle désor¬mais de 2000 à 1600 avant notre

ère (du temps des dynasties amontes)permet de modifier radicalement ce>jugement traditionnel. Car la périodedes dynasties amorites, qu'il est plusexact de nommer période paléo-sy¬rienne, s'avère la phase de formationd'une culture spécifiquement syrienne,laquelle, tant dans l'organisation ur¬baine et les conceptions architectu¬rales qué dans la vision artistique,témoigne d'éléments totalement ori¬ginaux.

Jusqu'au cours du premier millé

naire avant notre ère, on retrouvecette culture dans d'autres centres

urbains de la Syrie du nord. Or cetteoriginalité culturelle, attestée à Tell-Mardikh-Ebla, posait le problème desarchives historiques de cette culture,problème auquel s'attacha tout parti¬culièrement, à partir de 1973, laMission italienne.

Elle concentra ses recherches sur

les vestiges du 3e millénaire pourretrouver ce qui subsistait de l'Ebladétruite d'abord par Sargon, puis parNarâm-Sin. Goudéa, gouverneur dela ville sumérienne de Lagash au3e millénaire, cite en effet le haut-

plateau d'Ebla comme provenancedes bois importés par Lagash. Parailleurs, des textes administratifsd'Our, datant de 2000 avant notreère, signalent Ébla comme un centrede bel artisanat textile.

En cette même année 1973, la

Mission italienne commença donc àexplorer la pente ouest de Tell-Mar¬dikh, espérant y découvrir les tracesd'un établissement .urbain importantdu 3e millénaire.

Après trois saisons de fouilles, futmise au jour une partie du Palaisroyal d'Ebla, qui devait être danstoute sa splendeur à peu près entre2 400 et 2 250. Une série de témoi¬

gnages épigraphiques permit de pré¬ciser que ce fut là le Palais dont Na¬râm-Sin, petit-fils de Sargon, annon¬çait la destruction en 2225.

Cette partie exhumée du Palaiss'avère comme une réalisation monu-

Les -structures urbaines dégagéesà Tell-Mardikh-Ebla, non loin

d'Alep, ont révélé l'art architecturalraffiné de la Syrie antique. En page 8,ruines de la « celia » (sanctuaireoù était placée la statue du dieu)du Grand Temple qui dominaitla ville d'Ebla, dans les 19e et18e siècles avant notre ère. Ci-contre

ce qui reste d'un quartier d'habitationde la ville basse : robustes murs

en briques séchées au soleil desmaisons à un seul étage, ouvertessur une cour, datant de l'époque(1700-1650 avant notre ère)où Ebla comptait environ30 000 habitants. Ci-dessus,étonnamment conservée pour songrand âge quelque 4 300 ansune figurine de bois trouvée dansle Palais royal d'Ebla. Il s'agitprobablement d'un motif décoratif(20 cm de hauteur) à l'imaged'un roi d'Ebla.

Page 10: L'Acropole en danger

Les fabuleuses

trouvailles d'EblaEn 1968, en fouillant Tell-Mardikh, la Mission archéologique italienne faisaitune découverte qui apportait la preuve que la ville mise au jour étaitbien la mystérieuse Ebla de l'Antiquité. Il s'agissait du torse d'une statuemutilée de basalte, sur lequel une inscription cunéiforme en akkadien révélaitque la statue avait été consacrée à la déesse Ishtar, par le Prince Ibbit-Lim,fils d'un roi d'Ebla, 2 000 ans avant notre ère. Trouvaille plus fabuleuseencore : celle des archives conservées dans le Palais royal d'Ebla (à droite)dont quantité sont restées intactes (ci-dessous). Elles datent de 2350à 2250 avant notre ère. L'écriture cunéiforme est adaptée à une languejusqu'ici inconnue, l'éblaïte, actuellement en cours de déchiffrement. Car,outre les recensions économiques et commerciales d'Ebla, les archives ontlivré des textes divers, dont des équivalences de termes sumériens et éblaïtes,à l'instar de la fameuse « pierre de Rosette », qui permit de lire lestextes hiéroglyphiques égyptiens.

Photos © Paolo Matthiae, Italn

10

Page 11: L'Acropole en danger

mentale extraordinaire de l'architec¬

ture protosyrienne. Jusqu'à présent,on n'a exploré qu'une cour réservéeaux audiences, entourée d'arcadesfaites de hautes colonnes de bois.

Sur l'un des côtés de la cour se

dressait l'estrade où le roi siégeaitlors des audiences officielles. Sur un

autre côté s'ouvrait un large portaildonnant accès au Palais proprementdit. Du Palais lui-même n'ont été dé¬

gagés jusqu'ici que deux salles, ungrand escalier de cérémonie à quatrerampes dont les marches furent jadisornées d'incrustations précieusesaujourd'hui disparues, des vestiges dechambres, et des communs utilisés

comme entrepôts.

Il s'agit là d'une conception origi¬nale de l'architecture palatiale : lesstructures de l'édifice atteignent jus¬qu'à deux mètres quatre-vingt d'épais

seur, et la finition des détails est tou¬

jours sensible. Dans certains de cesaspects c'est ce type d'architectureque l'on retrouve dans les palais ara-méens du Ier millénaire avant notre

ère, en Syrie du nord.

Mais le plus étonnant des fouillestient à la découverte d'archives offi¬

cielles, en caractères cunéiformes,

entreposées dans le Palais. Elles for¬maient deux ensembles, déposéesen deux coins différents de la cour

des audiences dans de petites nichescloses. L'une contenait un millier de

tablettes ou fragments de tablettes;l'autre environ 15 000 tablettes ou

fragments.

Ces deux ensembles de documents

avaient échappé aux destructionsperpétrées par les soldats de Narâm-Sin, apparemment parce qu'ils lestenaient pour sans valeur aucune. Le

moins important des deux (quelque1 000 tablettes) avait dégringolé dessupports fixés dans le mur quand pla¬fonds et murs s'étaient écroulés.

Quant à l'ensemble le plus impor¬tant, il semble que les tablettes, parmilliers, eussent été rangées à l'ori¬gine sur des étagères de bois, étayéesde piliers de bois, fichés dans le sol;lors de l'incendie du palais, où furentconsumés les éléments, la massedes tablettes s'affaissa à terre sans

trop de désordre.

Ces tablettes écrites en cunéiforme

sont rédigées en sumérien et enéblaïte, idiome sémitique . qui pré¬sente maintes analogies encorequ'il leur soit antérieur de plus d'unmillénaire avec les langues sémi¬tiques du groupe chananéen, notam-\ment le phénicien. r

11

Page 12: L'Acropole en danger

k C'est l'épigraphiste de la Missionitalienne, Giovanni Pettinato, profes¬seur d'assyriologie à l'Université deRome, qui s'attela à l'interprétationde l'éblaïte. Il avait réussi à identifier

une langue sémitique qu'il définitcomme « paléo-chananéenne » enétudiant quelques rares tablettesmises au jour en 1974, avant la dé¬couverte des ensembles d'archives

proprement dites. L'étude de celles-civint confirmer la première interpré¬tation de Giovanni Pettinato : les

textes éblaïtes des archives royalesd'Ebla, vont donc fournir une contri¬

bution exceptionnelle à l'étude de laformation des langues sémitiques.

L'essentiel de ces textes d'archives

sont des rapports commerciaux serapportant au négoce internationaldes textiles et des métaux. Ebla était

en effet renommée dans toute la Mé¬

sopotamie pour ses textiles, et lestablettes conservées au Palais royalconstituent, en quelque sorte, desregistres de sorties.

Signalons qu'il y est fait mention,outre des tissus de qualité diverse, de« tissus tramés d'or », manifestement

ouvragés selon la même techniqueque ceux que nous nommons aujour¬d'hui «damas», et qui sont toujourscaractéristiques de la productiontextile syrienne.

Les tablettes nous donnent des in¬

formations détaillées sur les échangescommerciaux au Proche-Orient au

IIIe millénaire avant notre ère, outre

quantité de données sur la géogra¬phie historique de cette même épo¬que, grâce aux nombreux noms devilles auxquelles étaient destinées lesmarchandises. L'aire commerciale

d'Ebla s'étendait de la côte méditer¬

ranéenne jusqu'à l'est de la Mésopo¬tamie, et de l'Anatolie à la Palestine.

Mais il y a plus : les tablettes d'Eblaont livré des éléments lexicaux, com¬

portant des listes de mots et d'expres¬sions sumériennes, et des vocabu¬

laires bilingues, avec exemples deprononciation sumérienne.

Outre ces éléments linguistiques,d'importance majeure, les tablettesapportent de précieuses indicationssur l'organisation de l'instruction pu¬blique à l'époque.

Les textes lexicaux prouvent sansconteste gue l'instruction était contrô¬lée par l'Etat (tout comme en Méso¬potamie pendant la même période),lequel visait essentiellement à formerdes cadres administratifs. On a eneffet trouvé des travaux scolaires

rédigés par des étudiants nommé¬ment désignés ultérieurement commefonctionnaires gouvernementaux.

Enfin les archives contiennent aussides documents administratifs de ca¬

ractère juridique et diplomatique.Certains textes ont trait à des docu¬

ments de comptabilité administrativequi éclairent l'organisation étatiqueintérieure au niveau des « Ministères »

en quelque sorte, l'administration etle gouvernement des provinces, lesstructures financières de l'État et laperception des impôts.

On y relève des données démogra¬phiques, des ordonnances royalesrelatives à des problèmes juridiques etadministratifs soulevés par des af¬faires de succession ou de partagede butin. Notons, au nombre des do¬

cuments proprement diplomatiques,trois traités internationaux, en parti¬culier un traité passé entre Ebla etAssur, d'un intérêt considérable tant

par la formulation complexe des di¬vers articles que par l'expression desrelations politiques entre les deuxparties.

Par ailleurs les archives royalesd'Ebla ont livré aussi quelques texteslittéraires, dont l'un semble une ver¬

sion éblaïte d'un passage de l'épopéemésopotamienne de Gilgamesh, lehéros assyrien en quête d'immortalité,qui fut peut-être roi d'Ourouk, si cen'est de Kish. D'autres textes, my¬thes, hymnes, conjuration des sorts,sont probablement des traductionsen éblaïte de textes sumériens dont

les originaux ne nous étaient connusque par des rédactions mésopota-miennes beaucoup plus tardives,écrites vers 1800 avant notre ère,

quand le sumérien n'était déjà plusqu'une langue morte.

De cette ample moisson, qui boule¬verse de fond en comble les points devue jusqu'ici admis sur certainesphases de l'histoire du Proche-Orient,dégageons encore un élément histo¬rique : une dynastie a régné sur Eblaet compté au moins cinq souverains,qui paraissent avoir été les contem¬porains des rois d'Akkad, du grandSargon à Narâm-Sin.

Cette dynastie, dont la traditionavait perdu le souvenir, aurait dominéle Proche-Orient entre la Méditerra¬

née et le nord de la Mésopotamie,inspirée par une idéologie universa-liste probablement reprise par lesrois d'Akkad. Il est à peu près certaindésormais que c'est la chancellerieroyale d'Ebla qui pour écrire l'éblaïtea mis en avec succès, l'adap¬tation complexe de la graphie cunéi¬forme syllabique, inventée en Méso¬potamie pour écrire le sumérien.

Avec les découvertes d'Ebla la

Syrie a recouvré l'une des pages lesplus lumineuses de son histoire, pre¬nant rang aux côtés de l'Egypte et dela Mésopotamie dans la marche ori¬ginelle de la civilisation.

Paolo Matthiae

UN ART RÉVÉLÉ. Avant la découverte d'Ebla,on ignorait tout de la production artistique syrienneantérieure à 1750 avant.notre ère. Or les temples d'Eblaont livré un mobilier de pierre sculptée, dont plusieursbassins lustraux. Les plus anciens remontent au 20e siècleavant notre ère (voir page 7). Ci-dessous, deux deces bassins (environ 1 900 ans avant notre ère), dont le

décor sur deux registres est typique de l'art syrien.A droite, la frise supérieure représente un banquet rituel,roi et reine suivis de leurs serviteurs; la frise inférieure,un troupeau de chèvres défilant. En revanche, à gauche,c'est une scène mythologique avec animal fabuleuxqui surplombe un motif réaliste : un chasseur poursuivantun lion qui attaque un taureau.

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Page 13: L'Acropole en danger

Dans l'église de Ura Kidané Mehret, de l'île Zéghié sur le lac Tana,un saint Georges terrassant le dragon (19e siècle) fait partie d'un ensemble depeintures des 18e et 19e siècles qui orne le sanctuaire. L'église en son entiercomporte des dizaines et des dizaines de mètres carrés de peinturesoù l'on a pu recenser quelque 3 000 personnages de la thématique chrétienne.

LES EGLISES PEINTES

DU LAC TANALa dernière étape de la« route historique » en Ethiopie

par Berhanou Abbebé

IL y a quelques années seulement,on découvrait une trace de peu¬plements pré-humains au sud de

l'Ethiopie, dans la basse vallée del'Omo.

Ainsi, jusque dans la nuit de la pré¬histoire, sans aucune discontinuité,se dessinait le passé de l'Ethiopie,berceau de vieille civilisation dont

maintes phases sont d'ailleurs encoremal connues. A telle enseigne quetout récemment encore, ce que fut

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BERHANOU ABBEBÉ, spécialisteéthiopien,est actuellement responsable de l'Organisationpour la recherche et la conservation du patri¬moine culturel éthiopien, organisme dépen¬dant du ministère de la Culture, des sportset de la jeunesse, Addis-Abéba.

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Page 14: L'Acropole en danger

Par-delà

le bien et le mal

Sur la petite île de Rema,aujourd'hui déserte, l'église deRema Medhani Alem aurait selon

la tradition été fondée par unmoine, frère d'un roi d'Ethiopie.Sur les murs du maqdas,sanctuaire carré propre àl'architecture des églises dulac Tana, un enchaînement

ininterrompu de peintures narrentla vie de la mère du Christ, de

saints, de martyrs, etc., et lesonge d'Hérode qui perpétrale massacre des Innocents

(a gauche). Ce motif(à droite, agrandi) est traitésymboliquement, le grand serpentincarnant le mal broie les

hommes dans ses anneaux.

Les couleurs jaune, rouge, vertet noir, sont traditionnellementemployées dans l'art picturaléthiopien.

Photos © Erik Olsen. Danemark

La Viergede gloireAutre ¡mage du sanctuairede Rema Medhani Alem :le couronnement de

la Vierge dont lacomposition harmonieuseet sereine est curieusement

soulignée par lespersonnages de la friseinférieure, qui semblentflotter dans les airs.

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Page 15: L'Acropole en danger

Saintes écritures

enluminées

C'est encore dans lesmonastères du lac Tana

que l'on a retrouvé desmanuscrits à peintures des14e et 15e siècles. Sur

les îles de Kebran et de

Tana Quircos deux importantesbibliothèques ont rassemblédes ouvrages d'une rarebeauté. A gauche, un .prêtre éthiopien lit un deces précieux ouvrages,rédigé en guèze, languesacrée des Éthiopiens.

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Page 16: L'Acropole en danger

l'Ethiopie depuis le début de notreère demeurait un domaine culturel

et artistique mystérieux, dont seulsquelques spécialistes s'attachaient àinventorier la foisonnante richesse.

Après la seconde guerre mondiale,cet immense pays accroché au flancoriental de l'Afrique suscita de plusen plus la curiosité des voyageurs.Soucieux de préserver un patrimoinearchitectural et pictural à diverségards menacé, et par les siècles,et par sa dispersion même à traversun vaste territoire, le gouvernementéthiopien sollicita, il y a une dizained'années, la collaboration de l'Unescopour en assurer la sauvegarde.

Dès 1968, le gouvernement éthio¬pien et l'Unesco mirent donc à l'étudeun programme de restauration desdivers sites et monuments jalonnantla « Route historique », itinéraire pas¬sant par Axoum (dès le début de notreère, capitale de l'ancienne Abyssinie),Lalibella, la ville sainte, avec seséglises monolithes du 13e siècle, Gon-dar, ville fondée au 1 7e siècle et quidevint alors capitale de l'Ethiopie,pour aboutir au lac Tana et auxchutes du Nil bleu.

Ainsi la « Route historique » est, àelle seule, une voie de découverteculturelle à travers cette Ethiopie quifut un grand empire africain dès avantnotre ère, et où le christianisme apportadès le 4e siècle un lien unificateur à

des populations d'ethnies diverses etde cultures différenciées. En contact,

au cours des siècles, avec l'Arabiedu Sud, Byzance, l'Egypte copte, laSyrie monastique, l'Arménie, Jéru¬salem, l'Europe du Moyen Age et dela Renaissance, l'Inde enfin, l'Ethiopiefut ouverte à des influences fort com¬

plexes : il s'y. épanouit cependant unart parfaitement original, tant dansl'expression graphique que dans lesconceptions architecturales, dont leséglises et les monastères du lac Tanaoffrent d'incomparables exemples.

' Le lac Tana, le plus grand des lacsd'Ethiopie, traversé par le cours supé¬rieur du Nil bleu, est situé à l'ouestdu massif éthiopien à plus de 1 800mètres d'attitude. Long de quelque80 kilomètres du nord au sud, et largede presque autant, il est parsemé de38 îles, dont certaines furent dessiècles durant de riches foyers d'artet de culture.

Les églises du lac Tana sont édifiéesselon le principe « cercle et carré ».C'est-à-dire que le plan du sanctuaireproprement dit est un carré divisé endeux, à l'intérieur d'un bâtiment cir¬culaire pourvu de portes d'entrée cor¬respondant aux points cardinaux. Cesdeux structures sont en pierre, un toitde chaume recouvrant l'ensemble. A

l'intérieur, les murs sont couverts depeintures, sur des dizaines et des di¬zaines de mètres carrés. A Narga Se¬lassie, par exemple, monastère du18e siècle, on ne compte pas moinsde 350 mètres carrés de peintures.

Si les peintures ornementales dulac Tana ne sont pas antérieures au

17e siècle, elles sont d'un style uni¬que au monde, tant dans la compo¬sition que les couleurs, imagerie foi¬sonnante qui multiplie les thèmeschrétiens. Christ, Vierge mère, saints,apôtres, archanges ou serpent ten¬tateur du jardin d'Eden. Les tons vifs,la géométrie des formes, les visagesauréolés, aux larges yeux fascinés parune vision surréelle, attestent une évi¬dente parenté avec les manuscritsenluminés peints au 1 4e et 1 5e sièclesdans ces mêmes monastères du lac

Tana et auxquels l'Unesco consacradès 1961 un remarquable album1.

Dans une église de Zeghiè, parexemple, on peut totaliser 3 000 per-

1. Ethiopie Manuscrits à peintures parStephen Wright et Otto A Jäger publié par la NewYork Graphie Society, en accord avec l'Unesco,1961. Introduction de Jules Leroy.

sonnages issus des textes sacrés.Mais ces vastes compositions n'ex¬cluent pas, en maintes églises demême époque, quantité de tableau--tins dont certains pas plus grands quedes cartes à jouer, attestent la mêmevirtuosité artistique.

Le temps presse : trop de merveillessont menacées. Ici, les toits de chaumepourris laissent l'eau s'infiltrer dansl'édifice. Les peintures s'écaillent et's'effacent. Les gracieux pigeons desîles eux-mêmes accélèrent les dépré¬dations du temps, en becquetant lessupports de torchis ou de plâtre. L'in¬ventaire des d'art reste à pa¬rachever systématiquement, le pillagen'étant que trop aisé dans les égliseset monastères à l'abandon, où deuxsiècles durant les moines peintresont travaillé à ces étonnants ensem-

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Page 17: L'Acropole en danger

Situé à plus de 1 800 mètres d'altitudedans un massif montagneux, le lac Tanaaux 38 îles est le plus grand del'Ethiopie. En page 16, rivages de l'îlede Mandaba, où l'église du monastère(ci-contre à gauche), édifice circulairecouvert de chaume, est typiquede l'architecture sacrée des îles.

Ci-dessous, une peinture de l'église del'archange Gabriel, sur l'île de Kebran,célèbre pour ses manuscrits à peintures.En bas, un saint à cheval deUra Kidané Mehret, sur l'île Zeghié(peut-être une variante dusaint Georges de la page 13).

Photos © Almasy, Pans

bles qui font des îles du lac Tanal'une des merveilles de l'Ethiopie.

La restauration est donc double :

architecturale et picturale. Elle esteffectuée par le gouvernement éthio¬pien sous l'égide de l'Organisationpour la recherche et la conservationdu patrimoine culturel, qui dépenddu Ministère de la culture, de la jeu¬nesse et des sports, et assure la for¬mation de jeunes spécialistes éthio¬piens. L'Unesco assure pour sa partune assistance technique, et le Centreinternational de conservation, à Rome,sa collaboration en matière de restau¬

ration des peintures. C'est l'exécu¬tion de ce programme qui va assurerla sauvegarde du patrimoine légué parplusieurs siècles de monachismeéthiopien.

Berhanou Abbebé

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Page 18: L'Acropole en danger

Au Rajastha

par

JogendraSaksena

JOGENDRA SAKSENA,écrivain et artiste indien,

appartient aux servicesd'information du Conseil de

la recherche scientifique etindustrielle, Nouvelle-Delhi.

Photos Dept. d'archéologie. Rajasthan, Jaipur, Inde

Dessins géométriques compliqués et décoration florale sur cette mainet ce pied de plâtre sont caractéristiques de l'art du mehndi (ou henné),forme de peinture ou de décoration du corps qui occupe une placeimportante dans l'art et la culture indiens. A partir des feuilles de hennépilées et réduites en poudre, on fabrique une pâte dont la couleur«tient» longtemps. Les femmes, et particulièrementcelles de la communauté Vaishya dans le Rajasthan, s'en servent alorset tracent des dessins symboliques sur leurs mains et leurs pieds.

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Page 19: L'Acropole en danger

NNE DU BONHEURnr Inde, le dessin des saisons et des fêtes

EN Inde, les arts populaires tra¬ditionnels sont souvent inspiréspar les croyances religieuses.

Dans l'État de Rajasthan, au sud-ouest de Delhi, dans ces plaines fer¬tiles où se sont multipliés les célèbresforteresses et palais rajpoutes, ilexiste ainsi un art qui s'intègre aucycle des fêtes et des cérémonies :l'art du mehndi ou henné la

peinture des mains chez les femmes.

Les femmes de l'Inde et du Moyen-Orient utilisent depuis des siècles lemehndi, ou henné, pour la décora¬tion. Mais les femmes de la commu¬

nauté Vaishya, au Rajasthan, sontconnues pour faire davantage : ellesl'utilisent à couvrir de dessins artis¬

tiques leurs paumes, leurs doigtset même leurs pieds.

Cette décoration varie suivant les

circonstances, selon qu'il s'agit d'unmariage, d'une naissance ou de fêtescomme le Holiet le Gangour.

Le mehndi est abondamment cul¬

tivé en Afrique et dans l'Asie du Sud-

Ouest. Il y sert à l'ornement et à lateinture. On l'emploie en particulierà teindre les cheveux, parfois mêmeles animaux et les peaux. Il sert aussid'astringent dans les maladies depeau, les brûlures et les contusions.

Depuis les temps bibliques, lesfemmes de l'Egypte et de l'Inde ontteint leurs ongles et diverses partiesde leurs mains ou de leurs pieds enrouge-orange avec de la pâte dehenné, dans le but de rehausser leur

beauté. La couleur peut subsister troisou quatre semaines.

L'art de Mehndi tient une placeimportante dans l'art et la culture del'Inde. Il y est décrit parmi les SolahSringar les seize ornements de lafemme. Maharisi Vatsyayan en faitl'un des 64 arts propres aux femmes,avec la peinture des dents, la teinturedes vêtements, les peintures cor¬porelles au bois de santal, au safranet à la myrte...

On pensait que la peinture aumehndi était arrivée aux Indes avec

les Musulmans. En réalité, elle acommencé bien avant, avant même

la période Goupta (350 de notre ère).Les anciennes peintures muralesd'Ajanta-Ellora montrent des scènesde décoration au mehndi. Sur l'une

d'elles, on voit une princesse dePataliputra reposer, à moitié endor¬mie, sous un arbre tandis que sonamie s'affaire à lui décorer mains et

pieds de dessins au mehndi.

Mais c'est au début de la périodemogole que l'emploi du mehndi estdevenu courant. En ce temps, lesMusulmans menaient des raids dans

les villages pour y capturer de jeunesvierges. Ils emportaient souvent ausside jeunes femmes mariées. Pour sedistinguer des célibataires, les femmesmariées se mirent alors à employer lemehndi qui disparaissait beaucoupplus lentement que le safran aveclequel elles s'oignaient "d'ordinaire.

Aujourd'hui, cette ornementationcorporelle est devenue un ensemblecomplexe de dessins géométriqueset floraux, décoration demeurée

essentielle et florissante alors qu'elles'est perdue ailleurs.

Lé mehndi, sous la forme desfeuilles de henné, est broyé, réduit enpoudre puis mélangé à du jus decitron, à de l'eau sucrée et à quelquesgouttes d'huile de paraffine. Celadonne une pâte sombre, à la couleurtenace. Mains et pieds sont aupréalable soigneusement lavés aubesan (farine de pois) ou au savon.Pour réaliser ces beaux dessins, onutilise une allumette, un fil fin ou

même l'index. La pâte est appliquéeen filets minces et celui qui l'appliquene doit pas toucher la peau. Une foisle dessin terminé, on attend qu'ilsèche et imprègne la paume.

La méthode « batik » donne des des¬

sins blancs sur fond rouge : on gravealors le mehndi rouge avec de lapâte au citron. Pour fixer la couleurrouge sombre, les mains sont frottéesà l'huile de sésame ou de moutarde,

puis lavées. Les dessins peuvent semaintenir deux ou trois semaines. Il

existe aussi des dessins tout faits

qui peuvent s'appliquer rapidement;mais ils passent plus vite.

Le mehndi porte chance dans lemariage. Plus sombre est sa couleurrouge dans la paume d'une femme,plus cette femme, croit-on, est aiméede son mari. Du fait qu'il symbolisel'amour durable entre mari et femme,

l'art du mehndi ne peut être pratiquéque par des femmes mariées.

Il est pour elles, un signe du ma¬riage : célibataires et veuves nepeuvent porter ces dessins. Néan¬moins on orne toutes les femmes

mortes au mehndi comme de jeunesépousées. Jeunes filles et jeunes gensne peuvent en enduire leurs pieds : ceserait un mauvais présage. De même,une femme enceinte ne peut pas seservir de mehndi : il faut attendre quel'enfant soit né.

Selon les croyances, la déesse kLakshmi, déesse de la chance et du r

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Photos

Dept. d'archéologie,Rajasthan, Jaipur

LES MULTIPLES SENS DU MEHNDI. Les dessins au mehndi,comme celui qui est artistiquement appliqué ci-dessus, servent à marquernombre d'événements : saisons, fêtes et cérémonies. Ils se rapportent enparticulier au mariage et au bonheur dans la vie conjugale. Les motifs desdessins au mehndi que l'on voit ici vont des fleurs (symbole du bonheur)aux scorpions (amour) et aux friandises (longue vie conjugale). L'art du mehndia évolué avec le temps; dans le style « vieux mehndi » (à droite), les dessinssont exécutés à l'intérieur d'un carré ou d'un rectangle recouvrant toutela paume de la main. Dans le « nouveau mehndi » (en haut à droite) le dessinest effectué à l'intérieur d'un cercle, laissant assez de place autour du motifcentral pour en exalter la beauté.

Dessin (0 Jogendra Saksena, Nouvelle-Delhi

Page 22: L'Acropole en danger

bonheur, demeure elle-même dans

ces dessins. C'est un signe de chancepour un homme ou pour une femmeque d'avoir un point de mehndi sur lefront. Signe de chance, encore, lors¬qu'on l'offre aux dieux et déesses pourles apaiser, pour demander desfaveurs ou écarter les mauvais esprits.

Sur les mains et les pieds d'unefiancée, les décorations au mehndisont indispensables lors des céré¬monies du mariage. Autre coutumeindienne, le hathleva, qui symbolisel'union conjugale : face au feu sacré,les fiancés se tiennent la main, où .

une boule de mehndi a été placée.Leurs paumes se teintent; on penseque plus sombre est la teinte, plusheureuse sera l'union.

Une chanson populaire exprimel'idée que l'amour germe au momentde la consommation du mariage etgrandit ensuite avec le temps. Il setrouve que le mehndi y tient l'un despremiers rôles :

«Bana (le fiancé), tu es riche en cou-Heur comme le mehndi.

Je te tiens dans mon poing[fermé.

Bana, tu es beau comme le collyre.Je te tiens caché derrière mes

[paupières.Bana, tu es beau comme le soleil

Je te tiens dans mon vase à

[fleurs.Bana, tu es brillant comme une perle

Je te tiens sur l'anneau de mon

[nez.Bana, tu es riche en couleurs comme

[le mehndi.Je te porte avec amour dans le

[beau creux de mes paumes. »

Dans une autre chanson sentimen¬

tale du Rajasthan, un homme parledes paumes de sa bien-aimée, sibelles avec la couleur du mehndi.

« La liqueur d'amour du mehndi est[une teinte aimable,

. Pose ta main sur mon c�ur,

La liqueur d'amour du mehndi est[une couleur aimable.

Je fais offrande de rubis et de

[joyaux;La liqueur d'amour du mehndi est

[une teinte aimable. »

Les dessins entrent dans plusieurscatégories : saisons, fêtes, céré¬monies... et divers. Cette dernière

catégorie sert à enrichir les dessinsspéciaux et plutôt limités que l'onfait pour les fêtes et les cérémonies.On y trouve représentées bien descoutumes et croyances populaires.

Le dessin de Bicchu, le scorpion,est un symbole d'amour. Il est appré¬cié, surtout en été. Le perroquet estreprésenté aussi; il joue un rôle sym¬bolique important dans les chansonsdu Rahasthan : c'est le messager deshéroïnes. Le paon, connu pour sabeauté et son aspect multicolore, estle compagnon chéri des femmes quiont été séparées de leur mari. Onreprésente aussi des choses de la viequotidienne : friandises, vêtements,fleurs et certains objets servant aujeu, les chakaris (toupies) par exemple.

Les keri (mangues encore vertes)et les châtaignes d'eau apparaissentsouvent, de même que les lotus.Les dessins où se trouvent soleil,lune, étoiles et keri sont la repré¬sentation d'un mariage parfait toutau long de la vie. Les fleurs sont lesymbole du bonheur, les manguesvertes représentent la virginité et l'ap¬proche de l'été. Le paon, le perroquetet le scorpion symbolisent l'amour.

Le mehndi convient à l'été parcequ'il rafraîchit et adoucit les mains; ila aussi des propriétés médicinales qui.le font apprécier pendant la saisondes pluies. Les bijanis, ou éventails,sont d'ailleurs un sujet populaire etfort approprié; on en trouve des cen¬taines de modèles évoquant le besoind'air frais et un soulagement à lachaleur...

PENDANT la saison des pluies,les dessins deviennent plusnombreux, plus élaborés et

plus exubérants qu'en été et mêmequ'en hiver. C'est alors que la déco¬ration du mehndi atteint sa plus grandebeauté. On dessine des keri et des

chopar un jeu ressemblant au tric¬trac. Le Lañaría vague de la mer ouride d'un cours d'eau reflète les

sentiments de joie et d'excitation quise font jour alors, l'ambiance quidomine à cette saison.

De nombreux dessins sont inspirésdu ghevar, sorte de friandise que lesfrères offrent à leurs soeurs les joursde fêtes.

Le pouvoir rafraîchissant du mehndifait de l'hiver la saison qui lui est le

"moins favorable. Il y a donc moins dedessins à cette époque.

Certaines fêtes comme Kajjali Tija,Holi et Gangour donnent lieu à desdessins particuliers. Bien des fêtes etdes cérémonies ne servent qu'à expri¬mer le bien-être que doivent ressentirles hommes d'une famille; la fête Tijaelle-même, que célèbrent les femmesmariées : celles-ci décorent alors

leurs paumes de dessins représentantdes maisons; ce sont des veux de

prospérité matérielle pour leur mari.

Gangour, fête du mariage, est l'unede celles qui font le mieux com¬prendre le sens du mehndi. Le der¬nier jour de cette fête, les jeunesfilles qui souhaitent un bon mari font32 marques au mehndi sur le mur. Etles femmes mariées qui souhaitentle rester toujours dessinent, elles,diverses friandises.

Des occasions de cérémonies

comme la première grossesse et lesuraj (accouchement) ne donnent paslieu à des catégories de dessins bienprécises. Dans les cérémonies demariage, toutefois, kalasha (lacruche) et la swastika sont des sym¬boles importants représentés dans lesmains de la jeune épousée.

La cruche a un sens dans toutes les

cérémonies religieuses; la swastika,elle, symbolise le bien-être à venir.Les mains de l'épousée sont aussidécorées quand elle abandonne lamaison de sa mère pour celle de sabelle-mère.

Ces dessins au mehndi ne sont

jamais figés. Ils changent avec letemps. Tout comme des idées nou¬velles mettent chansons et contes au

goût du jour, on voit de nouveauxmotifs enrichir l'art mehndi. Dans le

« vieux mehndi », les dessins sontexécutés à l'intérieur d'un carré ou

d'un rectangle et tout l'intérieur de lamain en est recouvert, depuis le poi¬gnet jusqu'à l'extrémité des doigts. Ilreste très peu de peau nue.

Dans le « nouveau mehndi », les

dessins sont faits à l'intérieur decercles concentriques et couvrentseulement le centre de la paume. Lesvides' restants ne sont couverts quede petits motifs dispersés. Le «vieuxmehndi » tend à surcharger de motifsappuyés les moindres espaces dispo¬nibles. Le « nouveau mehndi » laisse

assez de place autour du motif centralpour en exalter la beauté tendancequi est bien celle de la décorationmoderne. La tendance actuelle est

aussi à la décoration florale.

On pratique également le mehndidans les États qui bordent le Rajas¬than : Uttar Pradesh, Bihar, Bengale,Orissa! Gujarat, Cachemire etHaryana. La plupart des coutumesdiffèrent de l'un à l'autre. Les habi¬

tants de ces États ont d'ailleurs leurs

propres chants pour exprimer l'impor¬tance du mehndi dans la vie quoti¬dienne.

Le mehndi s'est aussi intégré à latradition musulmane. Lorsque desmilliers d'Indiens se sont convertis à

l'Islam, pendant la période mogole,ils ont apporté leurs traditions aveceux, y compris le mehndi.

Cet art est donc étroitement et

profondément lié à la vie populaire.Des proverbes en sont issus. Un deces proverbes, « la main teinte aumehndi » fait allusion à ceux qui cher¬chent à fuir le travail...

On dit aussi : « le mehndi ne donne

sa couleur que broyé sur de la pierreavec un pilon ». Comprenez : c'estseulement dans la peine que l'onacquiert quelque expérience de la vie.

. Le mehndi offre ainsi une peinturevraie de la vie d'un peuple. On ouvreaussi une fenêtre sur la mentalité de

ce peuple. La beauté, le merveilleuxet la richesse de cette tradition peu¬vent se lire dans les belles parolesd'un poète ourdou :

« Maintenant j'ai résolu d'écrireles désirs de moncsur les feuilles

du mehndi. Ainsi, quand elle viendracueillir ces feuilles, pourra-t-elle poserla main sur elles et lire mon message,apprendre mon secret. »

Jogendra Saksena

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Page 23: L'Acropole en danger

Dans une classe en plein air près de Dar es-Salaam (Tanzanie), des adultes apprennent à lire.Photo © Jesper Kirknaes, Copenhague

DE L'ORAL A L'ECRITEn Tanzanie, les contes traditionnels utilisés dans

les livres de lecture pour adultes alphabétisés

par Simoni Malya

L'ANALPHABÉTISME est uneforme d'oppression dans lamesure où il restreint le champ

d'action d'un très grand nombred'adultes et les empêche de parti¬ciper pleinement à la résolution desproblèmes et aux prises de décisionqui auront pourtant une incidencesur leur vie quotidienne.

En République-Unie de Tanzanie,la nature oppressive de l'analphabé¬tisme et la gravité des conséquences

SIMONI MALYA, éducateur et pédagoguetanzanien auprès de l'Institut d'éducationdes adultes de Dar es-Salaam, est l'auteurde plusieurs livres en kiswahili. Ses travauxportent sur la création d'un milieu favorableet de matériels à l'intention des nouveaux

alphabétisés. Le texte complet de l'étude quenous présentons ¡ci est paru dans Perspec¬tives. n° 1, 1976, revue trimestrielle del'éducation, Unesco.

qu'il entraîne pour notre peuple appa¬raissent très nettement.

On estime que notre pays compteplus de 13 millions d'habitants, dont7 millions d'adultes; les 6 millionsrestants sont des enfants ou des ado¬

lescents de moins de quinze ans. Plusde 80% des adultes ne savent ni lireni écrire.

Ces chiffres proviennent du recen¬sement effectué en 1965 en Républi¬que-Unie de Tanzanie (continentale).Par suite de la campagne d'alphabé¬tisation entreprise après le recense¬ment, le taux d'analphabétisme a sen¬siblement baissé, mais on ne sait pasencore avec précision dans quelleproportion.

Ce sont ces adultes qui représententle secteur productif de notre popula¬tion. Si l'on veut s'assurer leur par¬ticipation au développement et auchangement, il faut d'abord qu'ilsaient compris la nécessité de cesprocessus.

Nous ne voulons pas dire par làqu'on ne peut aller dans le sens du

progrès et de l'évolution pour lasimple raison qu'on ne sait ni lireni écrire, mais nous prétendons quel'alphabétisation est un auxiliaire deprogrès susceptible d'accélérer lesprocessus de développement et dechangement.

On estime par ailleurs que sur les6 millions d'enfants et d'adolescents,près de 3 millions sont d'âge scolaire.

Pourtant, la moitié de ces derniers,soit plus de 1,5 million, ne sont passcolarisés soit parce qu'il n'existepas d'école près de chez eux, soit enraison de l'indifférence à l'égard del'instruction scolaire.

Outre les analphabètes adultes il ya donc près de 1,5 million déjeunesqui risquent d'arriver à l'âge adultesans avoir appris à lire et à écrire.

On estime encore que plus de 90 %de la population vit à la campagne,où le taux d'analphabétisme est parti¬culièrement élevé si on le compareà celui des villes. Les éducateurs v

d'adultes qui souhaitent créer un F

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Page 24: L'Acropole en danger

La Tanzanie a lancé une vaste

campagne d'alphabétisation destinéea apprendre à lire et à écrireaux masses rurales qui représentent90 pour cent de la population totale.A droite : jour de marché à Lushoto,agglomération située à quelque300 km au nord-ouest de

Dar es-Salaam. Page suivante :femme des Monts Uluguru, à 200 kmà l'ouest de la capitale.

»environnement favorable à l'instruc¬tion doivent par conséquent centrerlargement leur action sur les zonesrurales.

D'autre part, par suite du manquede matériel de lecture d'entretien,plus de 60% des adultes qui ont sulire .et écrire à- un moment donné

retombent chaque année dans l'anal¬phabétisme.

Cette difficulté supplémentaire ré¬clame des éducateurs d'adultes qu'ilsattaquent l'analphabétisme sur deuxfronts à la fois. A mesure qu'on alpha¬bétise les adultes, il faut se préoccu¬per sérieusement de préparer desmatériels de lecture pour donner auxnéo-alphabètes des raisons de conti¬nuer à lire et de ne pas oublier leursconnaissances.

Ce problème ne comporte pas desolution simple ou unique, car lesadultes en question sont extrême¬ment nombreux et leurs goûts en ma¬tière de lecture varient inévitable¬

ment.

Enfin, on pense que si le taux d'anal¬phabétisme est supérieur à 80 % chezles hommes, il dépasse 90 % chez lesfemmes. Il faut trouver rapidement lemoyen d'éveiller l'intérêt particulierdes parents, et notamment des mèreset des femmes au foyer, pour les inci¬ter à continuer à lire après leur alpha¬bétisation.

On ne saurait parler de dévelop¬pement et de changement sans tenircompte des femmes : leur rôle esttrop important pour qu'on ne lesprenne pas sérieusement en consi¬dération.

Ces quelques faits et chiffres nousautorisent à qualifier notre pays denation d'illettrés. Il s'agit donc d'en¬seigner la lecture et l'écriture defaçon judicieuse tout en préparant lesindispensables matériels de lectured'entretien.

Pour résoudre ce problème, dumoins en partie, nous nous sommestournés vers des matériels qui con¬viennent aux adultes. Sous l'influence

d'idées nées en réaction contre la

conception « bancaire » de l'éducationselon laquelle « la seule marge deman qui s'offre aux élèves estcelle de recevoir les dépôts, de lesgarder et de les archiver », nous avonspensé qu'à partir des récits tradition¬nels on pourrait obtenir' des textescomplémentaires pour les ex-illettrésavec la participation d'adultes.

Ce genre d'histoires aurait plus dechances de les intéresser qu'un ma¬tériel produit à l'extérieur et par d'au¬tres. Aussi avons-nous opté pour lescontes populaires tanzaniens et dé¬cidé d'expérimenter un système com¬prenant sept phases bien distinctes.

Nous avons d'abord cherché, dansles tribus, les vieillards qui s'étaientfait une réputation de conteurs et quine refuseraient pas de narrer leurs his¬toires à une personne étrangère àleur groupe tribal.

Puis nous leur avons rendu visite

et avons lié connaissance avec eux

un par un. Dans les communautésque nous avons visitées, les conteursavaient droit à la considération quiest due aux maîtres.

Nous nous sommes présentés commede jeunes enseignants désireux deprofiter des leçons de maîtres plusâgés et nous avons été très bienaccueillis!'

Dans un troisième temps, nous

avons évoqué l'importance des contestraditionnels et l'intérêt qu'il y avaità les conserver et à les consignerpar écrit. On fixa une date à laquelleles conteurs des environs seraient

invités à, participer à un séminaire -atelier de production de matériel delecture.

Il fallait créer une atmosphère pro¬pice à la narration des histoires. Lesanciens s'en chargèrent.

Ce sont eux qui décidèrent quandils travailleraient, quand ils se promè¬neraient, quand ils mangeraient, et

qui organisèrent en définitive le sémi¬naire - atelier qui tirerait de leurs contesun matériel de lecture. Ils eurent un

président qui parlait couramment leurlangue et le kiswahili.

Au cours de la cinquième phase,avant d'enregistrer les contes, on areparlé de l'avantage qu'il y avait àrecueillir les récits et autres éléments

appartenant à la tradition. On a sou¬ligné qu'on manquait de matériel delecture et que les anciens étaient àmême de nous en procurer; que leurshistoires véhiculaient des valeurs quidisparaîtraient bientôt si on ne lestranscrivait pas par écrit avant la mortdes vieux maîtres.

Puis, avant l'enregistrement, unerépétition générale devait permettreaux conteurs de se remémorer leurs

histoires et de s'exprimer avec au¬tant de facilité que possible.

Septième et dernière étape, cellede l'enregistrement. Sitôt un récitterminé, on le réécoutait pour correc¬tions éventuelles, et aussi pour diver¬tir l'ensemble des participants, quecela amusait beaucoup d'entendreleur voix au magnétophone.

Mais avant de mettre les bandes de

côté, il nous fallait traduire les contesen kiswahili la langue officielleet aussi les reproduire. Là encore, lerôle du président du séminaire-atelierfut essentiel.

On s'arrêta sur chaque phrase jus¬qu'à ce que celui-ci assure qu'onavait trouvé l'équivalent en kiswahili;et ce n'est qu'après une dernière

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Page 25: L'Acropole en danger

confrontation avec l'enregistrementoriginal qu'on a transcrit le texte enkiswahili.

Cette double opération de contrôlese poursuivait jusqu'à ce qu'on aitobtenu le parfait équivalent d'un réciten kiswahili écrit.

A partir des manuscrits on a confec¬tionné la première maquette d'unopuscule. Les manuscrits ont été dac¬tylographiés dans la forme, le formatet le nombre de pages de la brochuredéfinitive.

. On a transcrit ensuite le manuscrit

dactylographié sur des stencils. Puison a reproduit, agrafé, broché.

, Les adultes avaient enfin leur pro¬pre matériel de lecture. Les partici¬pants n'avaient-ils pas là « dit leurmot et nommé le monde », s'écartantainsi de façon timide mais signifi¬cative de la « culture du silence »,selon l'expression du sociologue bré¬silien Paulo Freiré?

Le rassemblement et la reproduc¬tion de ces matériels nous ont obligésà parcourir de longues distances pourne rencontrer parfois dans un villagequ'un seul ancien ayant une réputa¬tion de conteur et prêt à livrer uneou plusieurs histoires emmagasinéesdans sa mémoire depuis si longtemps.

Il n'a pas toujours été facile deconvaincre les conteurs de quitterleur village pour participer à un sémi¬naire ou à un atelier.

Malgré l'excellent travail fourni parles présidents de ces séminaires-ate

liers et bien qu'ils aient été choisisparce qu'ils savaient parler couram¬ment la langue des autres participantset le kiswahili, il était quelquefois ardude trouver la traduction exacte des

textes originaux. On s'est attaché àrendre le sens général des phrases etdes expressions plutôt que celui desmots pris séparément.

Afin d'assurer la production d'unmatériel de lecture intéressant et

adapté et la transcription d'une par¬tie de notre culture qui risqueraitde disparaître avec les anciens destribus, les conteurs ont bien voulurenoncer à leurs «droits d'auteur».

Les difficultés que nous avons ren¬contrées ne sont rien à côté de la

satisfaction que nous avons éprou¬vée à voir, tenir dans nos mains etlire les petits ouvrages qui avaientété produits par nos adultes.

. Transformer en livres les opusculesest un problème mineur en comparai¬son de l'immense tâche qui a consistéà rassembler les matériels et à les

transcrire pour les conserver sousforme dactylographiée, manuscriteou même enregistrée.

Il fallait se hâter de faire quelquechose avant que les vieux conteurs nedisparaissent avec leur trésor d'his¬toires.

Il se peut cependant que la pré¬sentation actuelle des contes attire

peu les adultes qui sont habitués àdes livres de lecture élémentaire im¬

primés en caractères plus gros. L'ab¬sence d'illustrations pourrait égale

ment les gêner, car ils préfèrent leslivres illustrés.

Mais lorsqu'on est parvenu à seprocurer la matière première, la ques¬tion de la publication de manuscritsdactylographiés sous forme de livresn'a qu'une importance secondaire.Nous avons déjà réalisé 5 brochurestotalisant 28 histoires et 59 pro¬verbes. Nous avons déjà distribuéplus de 500 exemplaires dans laseule région de Mwanza et nousavons en commande en permanenceplus de 1 500 exemplaires des textesdactylographiés. Même sous cetteforme, les matériels peuvent doncavoir beaucoup de succès.

Nous devons d'abord nous efforcer

d'obtenir les matériels. Si nous en¬

voyions le manuscrit dactylographiéà une société d'édition privée, nousrisquerions de manquer notre but,car nous visons à produire le pluspossible au prix le plus bas, alorsque l'éditeur cherche le profit maxi¬mal.

Nous suggérons que des entreprisesnationales à but non lucratif aient la

responsabilité des manuscrits lorsqueceux-ci seront en nombre suffisant.

Examinons le matériel produit jus¬qu'ici. Il s'agit d'histoires courtes pou¬vant convenir à des lecteurs novices.

Les histoires ont été écrites en kis¬

wahili. Même s'ils ne savent pas laparler couramment, la plupart de nosadultes comprennent cette langue. Lelecteur qui le désirera pourra en lisant kces histoires en kiswahili se familia- f

SUITE PAGE 27

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Page 26: L'Acropole en danger

Nous publions, dans ces deux pages, deux contestraditionnels de Tanzanie recueillis au cours

d'un « séminaire-atelier» auquel participaientles vieux conteurs ((à gauche). Ils répètentleurs histoires avant de les enregistrerau magnétophone. Transmis oralement jusqu'ici,ces contes ont été écrits et servent de matériel

de lecture pour les nouveaux alphabétisés.

Photo rO Simoni Malya. Dar es-Salaam

Pourquoi

l'hippopotamedevint chauve

et laid

Dessin O de M P. Papapietro, tiré deContes du Zaïre, coll. Fleuve et Flamme

(Conseil international de la languefrançaise. Pans 1976)

IL. y a bien longtemps, l'hippopotame vivait sur la terre ferme et nondans les fleuves et les lacs comme il lé fait aujourd'hui. C'étaitalors un bel animal au poil long et soyeux.

Un tel pelage suscitait l'envie des autres animaux, de la girafe enparticulier qui souhaitait en avoir d'aussi fourni et d'aussi beau. Celle-cidécida de jouer à l'hippopotame un tel tour qu'il y perdrait tous ses poilset qu'ainsi l'hippopotame deviendrait l'animal le plus laid de la création.Et c'est bien ce qui arriva.

Le temps changea et le froid se fit soudain très vif. Tous les animauxse mirent à trembler, l'hippopotame aussi, comme les autres; mais ilétait si grand et si fort qu'il paraissait trembler plus fort que les autres.

La girafe tremblait aussi, mais quand elle vit l'hippopotame, elle pré¬tendit qu'elle allait très bien. Pleine de ruse, elle s'approcha : « Pour¬quoi trembles-tu si fort? demanda-t-elle, comment se fait-il que ce chan¬gement de temps t'affecte encore plus que les autres? »

«Je ne sais vraiment pas ce que j'ai à trembler si fort, répliqua naïve¬ment l'hippopotame, mais ces derniers jours, j'ai bien cru que j'allaismourir »."

La girafe fit semblant de se mettre à réfléchir à ce qu'il fallait fairepour aider l'hippopotame. Après avoir pensé un moment, elle dit : « Tafourrure devrait te protéger et d'un froid excessif et d'une chaleur torride.Pourtant elle ne semble t'être d'aucune utilité par ce froid. Est-ce queça a toujours été comme ça ou est-ce que c'est inhabituel? » demanda-t-elle comme quelqu'un qui compatit et veut aider en cherchant d'abordà comprendre une situation pour pouvoir y porter remède.

«Je dois t'avouer que j'ai connu toutes sortes de climats, mais celui-cime laisse complètement désemparé », reconnut l'hippopotame en s'api-toyant sur son propre sort.

Non loin de là, il y avait un cratère, d'où jaillissait une source d'eauxbouillonnantes. L'eau était tellement chaude qu'on ne s'en servait quepour se soigner. En tout cas, personne ne s'y serait baigné.

La girafe savait que si quelqu'un se plongeait dans le bassin, où abou¬tissaient les eaux de la source, il serait brûlé à mort. «J'ai une idée,dit la girafe après un silence. Ton cas est vraiment extraordinaire, jepense donc qu'il faut le soigner d'une manière extraordinaire. Il y aun bassin d'eau chaude dans le cratère. » La girafe savait bien qu'ils'agissait d'eaux bien plus que chaudes, puisqu'elles étaient bouillantes.«Pourquoi ne vas-tu pas te plonger dans ce bassin?» suggéra-t-elleavec méchanceté. ,

« Ça paraît être une excellente idée. Mais combien de temps faudra-t-il que je reste dans le bassin? Tu sais, il y a d'autres choses à faireque d'aller se baigner dans un bassin », ironisa l'hippopotame.

« Il faudra que tu y restes le temps de te sentir bien de nouveau. Tune peux pas rester tout le temps comme ça, à trembler. »

, L'hippopotame grimaça et se mit à trembler de plus belle.

« De plus, on dit que les eaux du bassin ont la propriété de guérirceux qui ont été ensorcelés ou empoisonnés », ajouta la girafe.

L'hippopotame avait l'air convaincu. «Je vais essayer », dit-il en sedirigeant vers le cratère. Au moment de descendre les parois du cratère,il se demanda ce qui pourrait bien arriver. Il hésita même au momentd'atteindre le bassin. Il s'arrêta au bord et tâta l'eau pour voir si elleétait vraiment chaude. Elle ne lui sembla pas trop chaude. Elle étaitcertainement loin d'être chaude.

Sans plus réfléchir, l'hippopotame se jeta dans le bassin. Hélas! safigure et le reste de son corps furent cruellement brûlés et sa peau secouvrit d'ampoules. Malgré tout, il réussit à fermer les yeux et parvintà sortir du bassin en poussant des cris perçants. Plus tard, il pela etses poils tombèrent, le laissant sans fourrure.

Bien que « guéri », l'hippopotame n'eut plus de toison et, conséquencede ses brûlures, sa figure se tordit et bourgeonna, le rendant vraimentlaid. La girafe qui avait vu ce qui s'était passé, s'en alla tranquillement,avec un sourire en coin.

Jusqu'à aujourd'hui, chaque fois que l'hippopotame se souvient de cebain, surtout de la chaleur de l'eau du bassin, il fonce vers un fleuveou un lac aux eaux fraîches. Il revient souvent sur les rives pour senourrir. Mais s'il y a un animal sur lequel il ne veut pas poser le regard,c'est bien la girafe.

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Page 27: L'Acropole en danger

Comment

l'autruche

s'est

monté

le cou

Dessin © Ibou Diouf. tiré de Ethiopiques, Dakar

COMMENT se fait-il que l'autruche ait un si long cou?

Il y a bien longtemps, l'autruche avait un cou normal par rapportà la taille de son corps. Elle se lia d'amitié avec le crocodile.

Animaux et oiseaux qui connaissaient le caractère du crocodile vinrenttrouver l'autruche et lui conseillèrent de s'éloigner du crocodile. « C'estun animal aux réactions imprévisibles, on ne peut pas lui faire confiance »,ajouta une bête de grand âge.

Le malheur avec les autruches c'est que, bien qu'elles aient un corpsvolumineux, elles n'ont qu'une toute petite tête avec un tout petitcerveau. L'autruche ne voulut pas écouter les conseils des oiseaux etdes animaux car, comme toutes les autres autruches, elle était sotte.

Dédaignant ainsi les conseils des autres oiseaux et autres bêtes,l'autruche alla boire au lac. Elle y rencontra son ami le crocodile qui,n'ayant rien trouvé à manger, était affamé. « Approche-toi mon amie,lui dit le crocodile rusé, j'ai de gros ennuis et je crois que, si tu veuxbien, tu peux me tirer d'affaire ».

« Qu'est-ce qui se passe, demanda l'autruche avec sympathie et endressant sa petite tête, est-ce que je peux t'aider? »

« J'ai terriblement mal à une de mes dents et je ne peux plus rienmâcher», pleurnicha le crocodile.

« Et qu'est-ce que tu veux que je fasse? » demanda sottement l'au¬truche.

«Je vais ouvrir toute grande ma bouche, suggéra le crocodile, metsta tête dedans, tu pourras mieux voir ce que j'ai là à la dernière dentde la mâchoire gauche. »

« D'accord », acquiesça l'autruche trop confiante. Dès qu'elle eut missa petite tête dans la gueule du crocodile, celui-ci referma les mâchoireset essaya d'attirer l'autruche dans le lac. C'était idiot, car l'autrucheétait jeune et solide. Dans ses efforts pour sauver sa tête, elle tirapresque le crocodile hors du lac.

Plus ils tiraient, chacun de son côté, plus le cou de l'autruche s'allon¬geait et plus le crocodile avançait sur la rive. Finalement il lâcha la têtede l'autruche. Le résultat de ce petit jeu fut que le cou de l'autruchedevint plusieurs fois plus long qu'avant.

Jusqu'aujourd'hui, l'autruche est l'un des oiseaux marcheur, qui va leplus vite. Son cou, bizarrement dépouillé de plumes, est d'une longueurinsolite. Et elle préfère éviter fleuves et lacs de peur d'y rencontrerun crocodile. *

riser avec la culture wanyamwesi ouwasukuma sans avoir besoin d'être

initié au kinyamwesi ou au kisukuma.Ceux qui connaissent la culture tan-zanienne seront à même d'apprécierl'humour contenu dans ces contes.

Nous avons envisagé jusqu'ici laproduction de ces matériels sousl'angle de la question : « L'alphabé¬tisation : et après? » Mais choisir derecueillir et d'imprimer des contestraditionnels ce n'est pas seulementfournir des matériels de lecture.

Ces textes renferment le genre d'en¬registrement que nos pères connais¬saient. Ils représentent des situationsd'enseignement et d'apprentissagesusceptibles de nous aider à mieuxrépondre aux besoins de nos adultes.En rassemblant et en éditant ces ma¬

tériels, nous perpétuons en fait l'édu¬cation des adultes familière à nos

aïeux.

Il faut approfondir les voies par les¬quelles l'éducation traditionnelle peutrenforcer l'éducation d'aujourd'hui.D'autre part, comme ces matérielsappartiennent à la tradition orale,ils risquent fort de disparaître.

L'habitude de raconter des histoires

se perd, remplacée par la radio et pard'autres innovations. Lorsque lesvieillards qui ont gardé en mémoirece matériel mourront, notre culturenon écrite mourra avec eux.

Nous avons limité cette fois notre

champ d'action aux contes tradition¬nels. Mais il y a tant d'autres thèmesà absorber : le passé historique (vupar les anciens); les personnages mar¬quants; les chansons; les maximes;les devinettes; les poèmes; les céré¬monies qui accompagnent la nais¬sance, le mariage et la mort; lesproverbes, etc.

La matière ne manque pas. Il existeen République-Unie de Tanzanie plusde 120 tribus, qui ont chacune unmode de vie particulier. En admet¬tant qu'on n'édite que les histoires etqu'on en recueille une trentaine danschaque tribu, on obtiendrait pour nosadultes 120 histoires x 30 = 3 600

1 histoires.

De même, si l'on s'intéressait aux

poèmes, aux proverbes, etc., on pour¬rait alors produire une masse énormede matériel de lecture portant la mar¬que de la culture tanzanienne.

Enfin, la République-Unie de Tan¬zanie est un pays neuf: elle n'a quetreize ans. Avant son accession à

l'indépendance, elle n'était qu'unconglomérat de tribus. Les anciennescommunautés tribales doivent aujour¬d'hui se fondre en une seule nation.

Heureusement, le kiswahili consti¬tue déjà un facteur d'unité important,ainsi que la culture traditionnelle dontle pays est si riche : d'où la nécessitéde rassembler et de publier en kiswa¬hili tous les matériels traditionnelsafin de les faire connaître à l'ensembledes Tanzaniens et au reste du monde.

Simoni Malya

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Voilà cent cinquante ans se réunissaità Panama un vaste « Congrèscontinental » qui, par sa conceptionet ses objectifs, peut être considérécomme le précurseur de nosorganisations internationales.Ce congrès politique, conçu etconvoqué par Simon Bolivar, « leLibérateur» (ici, portrait anonyme

<Sl

LE 9 décembre 1824, dans unehaute et étroite vallée des

Andes péruviennes, se livre labataille d'Ayacucho. Le général Anto¬nio José Sucre, lieutenant de SimonBolivar, remporte une victoire com¬plète et décisive sur la dernière etpuissante armée dont disposait encorela couronne espagnole en Amériquedu Sud.

La victoire est totale. Elle met fin,après quinze ans, à la lutte pourl'Indépendance qui avait commencéavec le pronunciamento du Cabildo(Conseil de la ville) de Caracas en1810. Lutte qui s'était étendue, auprix de luttes et de sacrifices cons¬tants, depuis le Venezuela et l'Argen¬tine jusqu'à la vice-royauté espagnoledu Pérou, en passant par la Colombie,l'Equateur et le Chili.

L'indépendance politique et la for¬mation des républiques de ce grandcontinent ont été avant tout et sur¬

tout l'auvre de Simon Bolivar. Sa

tâche fut immense et a embrassé tous

les aspects de cette véritable révolu¬tion.

Il a incarné, défini et réalisé l'effort

essentiel non seulement pouratteindrel'indépendance politique par la luttearmée dans une guerre longue etinégale contre l'Empire espagnol,mais aussi pour jeter les bases d'unenouvelle et complexe organisation desnouveaux Etats, et pour définir la voiede l'Amérique latine et le rôle qu'elledevait jouer dans le monde.

Bolivar, a accompli une nuvreincomparable tant par son action quepar sa pensée, son réalisme politiqueet sa vision d'un avenir où les nou¬

velles institutions politiques n'étaient

BOLIVAR

ET LE

CONGRÈSDE

PANAMAPremière tentative

d'une organisationinternationale

par Arturo Uslar-Pietri

ARTURO USLAR-PIETRI, ambassadeur et

délégué permanent du Venezuela auprès de¡'Unesco, est l'un des écrivains les plusrenommés d'Amérique latine. Il est l'auteurde nombreux romans, récits et essais comme

La Otra America. Son roman Les Lances

rouges a été publié en français aux éditionsGallimard, Paris 1933. Il a été professeur delittérature hispano-américaine à l'Universitéde Columbia (États-Unis). Il vient d'être éluau Conseil exécutif de ¡'Unesco.

pas moins importantes que les ba¬tailles.

Il a dû également affronter lesproblèmes pratiques et immédiatsposés par cette nouvelle organisationde l'Amérique latine; il a affirméaussi la présence et l'identité de celle-ci face à la complexité de l'ordreinternational auquel elle venait des'incorporer, et tout cela sans aucuneexpérience et sans ressources.

Bolivar n'a jamais considéré l'indé¬pendance comme un problème natio¬nal ou local. Pour lui, et c'est là une

preuve de son génie, le mouvementd'indépendance devait s'étendre àl'Amérique latine tout entière, s'ap¬puyer sur l'union et la coopérationétroites des nouveaux États, et obser¬ver attentivement l'évolution de la

politique de l'Europe et du monde.

L'étonnant, c'est que deux joursavant la bataille d'Ayacucho, il con¬voque, de Lima, les autres paysrécemment libérés, à un congrès quiétablirait la forme d'union la plusétroite.

Cette idée l'habitait depuis long¬temps. Déjà, en 1810, quand, alorsinconnu, il séjourne à Londres en qua¬lité d'agent diplomatique de la Juntede Caracas récemment constituée,

Bolivar déclare, dans un., journalanglais, son intention « d'inviter tousles peuples d'Amérique à s'unir enune confédération».

Cette idée, les fondateurs de l'indé¬

pendance du Venezuela la partagent.Dans la première Constitution de181 1, ils envisagent la création d'uneconfédération américaine et se décla¬

rent prêts à y adhérer.

Dès le début de sa lutte armée,Bolivar comprend qu'il faut non seu-

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Page 29: L'Acropole en danger

de 1816) avait pour but de stopperla désagrégation de l'Amérique latineet de fonder une grande fédérationde peuples, unis par un même héritageet un même idéal de liberté.

A droite : monument érigé à Panama,à la mémoire de Bolivar lors

du premier centenaire du Congrès.

lement unir le Venezuela et l'actuelleColombie en un seul État, mais aussiétendre cette unité à toute l'Amériquehispanique. En 1814, dans les mo¬ments difficiles et incertains de la

lutte armée qui commençait, il pro¬clame : « pour nous, la patrie, c'estl'Amérique ».

En 1815, à la Jamaïque, dansl'adversité de la défaite, fugitif etdésemparé, Bolivar écrit l'un desdocuments les plus extraordinaires del'histoire politique américaine. Dansune lettre adressée à l'un de ses

correspondants, qui publie, à King¬ston, un journal en anglais, il brossedu présent et du futur de l'Amériquelatine un tableau d'une étonnanteexactitude.

Dans cet admirable document, ilréaffirme sa conviction de 'la néces¬

sité d'unifier politiquement les nou¬veaux États. Il écrit : «Je désire plusque nul autre voir se former en Amé¬rique la -plus grande nation du monde,moins par son extension et sesrichesses que par sa liberté et ,sagloire ».

Et d'un. ton prophétique et commi¬natoire, il développe encore sa con¬ception': «C'est' une idée grandioseque- .de vouloir faire de tout le Nou¬veau Monde une seule nation, avecun seul lien, qui unisse ses partiesentre elles, et au tout. Ce Nouveau

Monde qui a en commun une origine,une langue, des coutumes et unereligion devrait, par conséquent,n'avoir qu'un seul gouvernementunissant en une confédération les

différents États qui viennent de seformer»...

« Qu'il serait beau que l'isthme de wPanama soit pour nous, ce que celui f

Photo © Almasy, Paris

29

Page 30: L'Acropole en danger

r.

M

Panama la vieille : cette tour est tout

ce qui reste de la vieille cathédraleconstruite en 1619. Au centre de laville moderne se dresse l'actuellecathédrale à l'architecture religieusecaractéristique de la période colonialeespagnole, style qui s'est développéen Amérique centrale et dans lesCaraïbes. A gauche, visages d'unejeunesse que l'on pourrait appeler« Panama de demain ».

de Corinthe fut pour les Grecs. Plûtau ciel qu'un jour, nous ayons lachance d'installer à Panama un

auguste congrès réunissant les repré¬sentants des républiques, royaumeset empires et pouvoir ainsi étudier etdiscuter les hauts intérêts de la paixet de la guerre avec les nations destrois autres parties du monde ».

Lorsque Bolivar lance ce projetinsolite et émouvant, l'indépendancede l'Amérique latine est bien loin d'êtreun fait acquis. Pourtant, il se rendimmédiatement compte, avec unesagacité extraordinaire, que l'unitédes futurs États est une condition

essentielle à la préservation de leurindépendance.

Il insiste sur les éléments d'unité

qui lient les peuples issus de l'empireespagnol (mnurs, langue, religion,etc.) et il pense que c'est sur cethéritage commun, légué par le passé,qu'il faut construire une organisationcommune, solide et stable.

Mais il va encore plus loin et ilsouligne la nécessité de créer àPanama, où pourrait se situer lecentre de l'univers politique, uncongrès permanent pour la paix et lacoopération réunissant toutes lesnations du monde.

L'humanité devra attendre plus d'unsiècle et traverser deux guerres mon¬diales, pour voir se réaliser quelquechose de semblable par la création

de la Société des Nations, puis del'Organisation des Nations Unies.

Bolivar reprend la lutte armée, etdepuis les rives vénézuéliennes del'Orénoque, il fait savoir aux autoritésargentines du Rio de la Plata qu'unefois la guerre finie, il les « invitera àformer une seule société, afin quedans l'Amérique méridionale, notredevise soit l'unité ». Et il développecette idée dans "la lettre qu'il jointà cette proclamation : « Une, doit êtrela patrie de tous les Américains, carnous avons été parfaitement unis entout ».

Quand la fortune des armes le portede victoire en victoire et qu'il a forméla Grande-Colombie une seule repu-

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Page 31: L'Acropole en danger

Sur

les ruines

du passé

l'espérancedu futur

Photos © Almasy, Pans

blique réunissant le Venezuela, l'Equa¬teur et la Nouvelle-Grenade (l'actuelleColombie) il donne des instructionsà un groupe de plénipotentiaires afinqu'ils invitent les gouvernements libresde l'Amérique du Sud, de l'Amériquecentrale et du Mexique à participeraun congrès qui jetterait les bases del'unification.

Ce faisant, il est clair que Bolivarn'a pas uniquement l'intention decréer une alliance transitoire de

défense face au danger d'une invasioneuropéenne. Rappelons que les an¬ciens régimes qui avaient lutté contrela France révolutionnaire venaient decréer la Sainte-Alliance dont le butétait la défense de la monarchie

absolue et de l'ancienne structure

sociale.

Il était évident que l'un des objec¬tifs les plus immédiats de cetteSainte-Alliance allait être de restituer

les colonies libérées de l'Amériquelatine à leur ancienne métropole. Ensomme, c'était universaliser la lutte

contre la démocratie, la liberté poli¬tique et le droit des peuples à dis¬poser d'eux-mêmes.

Bolivar voit le danger et tente deconvaincre toutes les jeunes répu¬bliques américaines de la nécessitéde s'unir étroitement. Il a sans doute

à l'esprit l'exemple de l'union descolonies anglaises de l'Amérique duNord et du congrès qui leur octroya

une unité politique durable.

Il explique aux délégués : « En cemoment, rien n'intéresse davantagele gouvernement de Colombie que laformation d'une ligue vraiment améri¬caine. La confédération envisagée nedoit pas se fonder sur le seul principetraditionnel d'une alliance défensive

et offensive. Elle doit être plus étroiteencore que celle qui vient de se for¬mer contre la liberté des peuples enEurope ».

« Il faut que notre société soit unesociété de nations seurs, encore

séparées par l'exercice de leur sou¬veraineté et par le déroulement desévénements humains, mais unies, k

fortes et puissantes, afin de pouvoir r

31

Page 32: L'Acropole en danger

se soutenir contre les agressions dupouvoir étranger. Il est indispensableque vous regardiez bien en face lanécessité qu'il y a de jeter dès main¬tenant les bases d'une assemblée de

plénipotentiaires qui puisse donner unessor aux intérêts communs des États

américains, qui puisse trancher lesdésaccords pouvant surgir entre despeuples aux mêmes habitudes et auxmêmes mnurs, mais qui, faute d'unetelle institution, pourraient déclencherces guerres funestes qui ont ravagéd'autres régions moins fortunées ».

Il faut relever le contraste existant

entre la conception de Bolivar et celleque Monroe définit, à la mêmeépoque, dans sa fameuse doctrine.Face au danger d'une action conqué¬rante de l'Europe contre le NouveauContinent, Monroe se limite à pro¬clamer la décision unilatérale des

États-Unis de s^y opposer.Bolivar, lui, conçoit l'union des

nouvelles républiques comme uneorganisation permanente non seule¬ment de défense, mais d'intégrationet d'action dans tous les domaines.

Bolivar pense avant tout à l'Amériqueex-espagnole, et à la nécessité del'organiser pour parer un dangerimmédiat, mais, aussi pour dévelop¬per toute une politique de l'avenir,laquelle impliquerait également unecollaboration avec les États-Unis et

des relations de justice entre l'Amé¬rique tout entière et le reste dumonde.

Il fallut attendre encore près dedeux ans, jusqu'à ce qu'une victoiremilitaire complète accorde l'indépen¬dance à tout l'ancien Empire espa¬gnol, pour que Bolivar relance saproposition.

C'est ce qu'il fait de Lima, lorsque,à la veille de la bataille d'Ayacucho, ils'adresse aux autres gouvernementset les invite à ce congrès de Panamasi désiré.

TROIS grandes idées ont guidéBolivar dans son long effortpour créer une Amérique libre :

La première, unir étroitement, dansune action politique unitaire, la plu¬part des pays issus de l'écroulementde l'empire espagnol, pour consti¬tuer, au Sud de l'Amérique, ce que lesanciennes colonies anglaises avaientréussi en créant, au Nord, les États-Unis.

La deuxième idée qui complétait etrenforçait la première, c'était d'éta¬blir un pacte d'aide et de coopérationentre tous les États américains, ycompris ceux de langue et d'originedifférentes comme les États-Unis, leBrésil et Haïti.

La troisième enfin, d'une portéeencore plus universelle, c'était decréer cet « auguste congrès » réunis¬sant tous les gouvernements dumonde pour «étudier et discuter leshauts intérêts de la paix et de laguerre ».

Sa Densée déüasse donc les limites

étroites de l'intérêt immédiat et local.

C'est dans une vision des possibilitéset des courants de la politique mon¬diale, qu'il conçoit le destin de sonpeuple. Il sait qu'il est difficile et pré¬caire d'obtenir l'indépendance poli¬tique pour une seule ou un groupedispersé de colonies.

Face aux grandes puissances duvieux monde, face à la menace de la

Sainte-Alliance, il faut organiser desunités politiques plus vastes et pluspuissantes comme l'ont fait les colonsanglais du Nord, sans oublier quetoutes les nations américaines ontdes situations ou des intérêts com¬muns, face aux États ou coalitionsd'États des « trois autres parties dumonde ».

CE que Bolivar conçoit, c'est réel¬lement un. nouvel ordre inter¬

national, une nouvelle formed'équilibre entre les continents, fon¬dés sur le droit et la justice pour assu¬rer la paix, ce qui fait de lui un extra¬ordinaire précurseur des tendancesjuridiques et politiques modernes.

Il réalise que ce qu'il nomme « unéquilibre de l'univers » et que nousappelons aujourd'hui un nouvel ordremondial, est indispensable. Il com¬prend que les pays récemment libérésde l'Amérique latine ne pourrontconserver et atteindre la pleine dignitéde leur indépendance, qu'en se cons¬tituant en une confédération vaste et

solide.

Et dès qu'il est au pouvoir, dès qu'ila la possibilité de réaliser ses pro¬jets, il convoque enfin le congrès dePanama, donnant ainsi une existence

réelle à tout ce qui avait pu sembler,jusqu'alors, être le rêve d'un idéaliste.

Les États suivants furent convo¬

qués au congrès de Panama : laColombie (formée alors du Venezuela,de l'Equateur et de la Colombieactuels), le Mexique, l'Amérique cen¬trale (qui comprenait Costa Rica, leGuatemala, le Honduras, le Nicaraguaet le Salvador), le Pérou, l'actuelleBolivie, le Chili, l'Argentine, le Brésilet les États-Unis. Pour différentes rai¬sons, bien qu'ayant accepté l'invita¬tion, les États-Unis, le Brésil, l'Argen¬tine, la Bolivie et le Chili ne purent yassister.

Le 26 juin 1 826, enfin, s'ouvre àPanama l'extraordinaire réunion. Les

délégués du Pérou, qui avaient reçudes instructions de Bolivar lui-même,

fixèrent les objectifs principaux sui¬vants :

création d'une confédération per¬manente;

union et coopération en tempsde paix comme en temps de guerrecontre toute nation qui prétendraitdominer une partie de l'Amérique oul'Amérique tout entière;

garantie réciproque du respectde l'indépendance, de la liberté et duterritoire;

interdiction de conclure toute

alliance unilatérale avec une duís-

sance étrangère sans commun accord;

obligation de soumettre toutconflit au Congrès permanent sansrecourir à la guerre;

interdiction du trafic d'esclaves;

création d'une force militaire

commune;

condamnation de la guerre et dela conquête entre les peuples et entreles gouvernements.

Bolivar voulait établir une organi¬sation dont la force et l'autonomie

puissent l'emporter sur les tendancesséparatistes locales. C'est pourquoiil pensait créer, en plus du haut orga¬nisme représentatif et permanentcapable d'assumer cette fonction,une armée permanente qui ne dépen¬drait directement d'aucun État. On

approuva donc la création d'une forcede 60 milles hommes et d'une marine

formées par tous les pays, membres.

C'était la première fois dans l'his¬toire que se créait un type de confé¬dération dont le but n'était pasd'obtenir une victoire guerrière maisd'établir une union durable entre les

peuples libres dans la paix et le pro¬grès.

Et pourtant, Bolivar n'obtint pastout ce qu'il voulait. Ceux qui ne pou¬vaient dépasser leurs petits intérêtsimmédiats et villageois ne purentaccepter un projet aussi vaste et révo¬lutionnaire. Et ils introduirent des

modifications et des limitations quidénaturèrent en grande partie ceprojet d'un niveau si élevé.

Il était trop tôt, peut-être. On nepouvait espérer qu'une vision si hau¬tement progressiste du destin del'Amérique latine et du monde soitacceptée avec enthousiasme et loyautépar une société qui n'était pas encoresortie de son passé colonial et oùrégnaient encore préjugés et intérêtsmesquins.

LE généreux projet de Bolivar nelui survécut pas. Au dix-neu¬vième siècle, l'histoire de l'Amé¬

rique latine ne se caractérise pas parl'unité et la confédération de ses

peuples, mais plutôt par leur division.

Le projet forgé par le grand hommede l'Amérique n'a pu se réaliser alors,mais aujourd'hui, dans les circons¬tances du monde actuel, il prend unnouvel essor et apparaît d'une ur¬gence indéniable. Chaque jour, lespeuples latino-américains se raffer¬missent dans la conviction qu'il leurest nécessaire de s'unir pour affirmerleur présence, sur la scène mondiale.

Pour y parvenir, la base la plussolide réside dans la pensée de Boli¬var, dans son action et son projetgrandiose du Congrès de Panama.Cette grande leçon, donnée il y a150 ans ne concerne pas seulementles Latino-américains, mais tous les

hommes qui se lèvent aujourd'huidans le tiers monde à la recherche

d'un ordre international plus juste.Arturo Uslar-Pietri

32

Page 33: L'Acropole en danger

Nos

lecteurs

nous

écrivent

L'UNESCO EN BANDES

DESSINÉES-

Toutes mes félicitations pourvotre numéro d'août-septembre 1976.« Si l'Unesco m'était contée ». J'ai

apprécié l'imagination et le couragequ'il vous a fallu déployer pour adop¬ter une nouvelle technique destinéeà attirer l'attention sur les grandesréalisations de l'Unesco au cours destrente dernières années. Ce numéro

peut être lu et compris par des per¬sonnes de tous âges et de tous ni¬veaux culturel. Ma jeune fille a em¬porté ce numéro à l'école et tous sespetits camarades en voulaient unexemplaire.

Lors d'un séminaire sur les Nations

Unies organisé en 1958 avec l'assis¬tance financière de l'Unesco, j'avaisproposé que, le cas échéant, l'Unesco.l'Organisation mondiale de la Santé,etc. informent le public de leursréalisations sous forme de ces bandes

dessinées qui étaient alors, et sonttoujours, appréciées par les enfants etmême par un grand nombre d'adultes.Mais les participants à ce séminairecrièrent au loup et ma proposition futrejetée. C'est avec plaisir que je dé¬couvre. 18 ans plus tard, des genscapables, comme vous, de se servirde ce genre de publication pour mettreen lumière les réalisations de l'Unesco.

L. H. Horace P.ereraAssistant spécial

pour la région Asie,Confédération mondiale

des organisationsde la profession enseignante

Morges, Suisse

... QUE C'EST LAID!...

Abonnée des premiers jours, jesuis très déçue et en colère par« Si l'Unesco m'était contée ». Pour¬

quoi ¡miter ces médiocres bandesdessinées la facilité, la banalitéet la laideur oh ! Abou Simbel...

C'est bien le premier numéro queje ne lirai pas que cela me sembleennuyeux ce genre de lecture etpourquoi le seul « garçon » qui n'estque la moitié de l'humanité ?

J'ai 64 ans, est-ce l'explication?Et pourtant je suis en pleine activitéet je pars ces jours-ci avec sac decouchage et sac à dos pour le Lada'hLada'h et le Sikkim avec trois amies

(sur les traces de la grande AlexandraDavid Neel).

Andrée Looten Aroz

Golfe Juan, France

-MAIS FORT UTILE...

Voilà plus de vingt ans que je suisabonné au Courrier de ¡'Unesco. Pour

des raisons pratiques et profession¬nelles, je suis abonné à l'édition espa¬gnole : je suis professeur de langueespagnole aux cours du soir de l'Ins¬titut L.B.C. à Anvers. Votre numéro

d'août-septembre 1976, «Si l'Unescom'était contée » présente un grandintérêt pour mes étudiants et vouspouvez être assuré que ce numéronous a enthousiasmés ! '

Raymond DuysMortsel, Belgique

...POSITIVEMENT...

Je trouve votre numéro en bandes

dessinées si positif, si facile à com¬prendre et, en même temps, si inté¬ressant, que je voudrais savoir s'il estpossible d'obtenir plusieurs exem¬plaires (une douzaine, par exemple)de ce même numéro.

Gilbert Blondeau

Responsable de la Bibliothèquemunicipale de Ste Foy, Canada

...MAGNIFIQUE.

Je viens de terminer la lecture de

votre magnifique numéro d'août-sep¬tembre 1976, et il faut que je m'yabonne. Ayez l'obligeance de m'abon-ner à compter du numéro d'août-septembre car il faut que mesenfants puissent le lire.

J. Eric Diehl

Boras, Suède

...NON, PLUS BÊTE

ENCORE QUE LAID...

Je profite de cette occasion pourvous dire que je trouve indigne d'unepublication comme la vôtre, le numéroen bandes dessinées, qui sont laideset bêtes. J'espère que vous ne per¬sévérerez pas dans ce genre qui nepeut que déformer le goût et lesidées.

Jeanne Taillard

Paris - France

.EN SOMME

DES BULLES ...

A mon avis, ce numéro est mal

dessiné, les couleurs sont pauvres et,plus grave, la technique des « bulles »en rend la lecture très difficile. Quel¬

qu'un qui n'aurait aucune connais¬sance des travaux de l'Unesco, ne

serait pas plus avancé après la lecturede ce numéro. J'espère que vous neprévoyez pas la réédition d'une expé¬rience, à mon sens, aussi laide. Si moiou mes amis désirons lire des bandes

dessinées, nous pouvons acheter lespublications qui se spécialisent dansce genre.

Anne KeryonAccrington, Royaume-Uni

... PAS D'ACCORD

C'est exactement ce qu'il fallaitpour faire connaître l'Unesco auxenfants et dans les écoles. Je sou¬

haite que de grands efforts soiententrepris au . sein des différentesCommissions nationales pour se servirde votre numéro dans ce but. Il serait

bon aussi que des dessins animésde plusieurs sortes soient produitsdans la même optique.

J. C. Cairns

Professeur et directeur

Université de GuelphOntario, Canada

OSSETES, BASQUES

ET ÉTRUSQUES?

Dans « Nos lecteurs nous écrivent »

du numéro de novembre 1976, j'aipris connaissance de la lettre deM. Kusov sur les « mystères duCaucase », concernant les anciens

fortins de l'Ossétie du Nord. Car il y amystère, non seulement sur les cons¬tructions médiévales mais aussi sur le

peuple ossète lui-même. Il y a unedizaine d'années existait en France un

« Institut Ossète » qui étudiait leurlangue. On y trouvait curieusementune ressemblance - entre les mots

ossètes, français et basques. De cefait, l'Institut concluait que les Ossètesavaient dû passer, à une époque indé¬terminée, au sud de la France et queles Basques seraient d'origine ossète.L'Institut pensait même à une relationentre les Ossètes et les Étrusques,peuple qui reste encore mystérieux.

Il est intéressant de noter que,dans La Princesse lointaine, EdmondRostand considérait les Ossètes

comme le reste de la suite de cette

Princesse, suite définitivement fixéeau Caucase; affirmation toutefoisbien hasardeuse !

M. Salkazanov

Directeur

Centre des Citoyensde l'Univers

Saint-Denis, France

SUS AU STRESS !

Le remarquable article de Ivan S.Khorol sur le stress (octobre 1975)soulève des problèmes qui concernentchacun de nous, outre, bien sûr, les

spécialistes. La révolution scientifiqueet technologique, l'urbanisation et l'al¬longement de la durée de vie ontimposé un poids accru. Dans ces con¬ditions, il faut repenser les défensesde notre système nerveux. Le problèmeest vraiment complexe et nécessite lacoopération des cliniciens, biochi¬mistes, physiologistes, pathophysiolo¬gistes, pharmacologues et sociologuesde tous les pays. Il serait peut-êtrenécessaire de mettre sur pied uncentre unique pour la coordination detous ces efforts, centre qui pourraitrevêtir la forme d'un Institut interna¬tional sur le Stress.

A. Luk

Moscou, U. R. S. S.

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Page 34: L'Acropole en danger

LECTURES

Pour un autre développementpar Alain Birou etPaul-Marc HenryAnalyse par le Centre dedéveloppement de l'OCDEdes possibilités d'un autredéveloppement mondialÉd. Presses universitairesde France - OCDE

Paris 1976. Prix : 83 F.

Conversations libres

avec Jean Piagetpar Jean-Claude BringuierÉd. Robert LaffontParis 1976. Prix : 35 F.

La photomacrographiepar Gérard BettonPhotographier avec n'importequel appareil les plus petites« choses de la vie ».

Coll. «Que sais-je? »Éd. Presses universitairesde France. Paris 1976

Prix : 9 F.

Vingt siècles d'histoiredu Vatican

par Jacques MercierÉd. LavauzelleParis-Limoges 1976Prix : 59 F.

Chéops. Pharaon du débutet de la fin des tempspar Jean GroffierÉd. Henri PelladanUzès, 1976..

Le Livre d'or

de la chanson enfantine

par Simonne CharpentreauLe livre rassemble 253 chansons

enfantines avec les paroles,la musique, l'accompagnementLes éditions ouvrières .Paris 1976. Prix : 53 F

Animation de groupespar Charles MaccioÉd. Chronique socialede France. Lyon 1976Prix : 56 F

Pour tous les livres ci-dessuss'adresser à son libraire habituel.

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Politiques scientifiqueset technologiques nationalesdans les États arabesSituation actuelle et

perspectivesColl. « Études et documents

de politique scientifique »Les Presses de l'Unesco

Paris 1976. 213 pagesBilingue français-anglaisPrix : 20 F.

La mise en placed'une institution d'enseignementpar correspondancepar Renée F. ErdosSérie « Expériences etinnovations en éducation »Les Presses de l'Unesco

Paris 1976. 61 pagesPrix : 7 F

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POUR SAUVER L'ACROPOLE

Nos lecteurs qui veulent participer à la campagne internationale pour lapréservation de l'Acropole d'Athènes peuvent adresser leurs contributions :

en francs français : Compte Unesco Acropolis N° 5-770.176-6, SociétéGénérale, Agence AG, 45 avenue Kléber, 75116 Paris.

en livres sterling: Unesco Acropolis Account N° 7 286 088, LlyodsBank International Ltd. P.O. Box 241, 100 Pall Mall, London SW1Y5HP, Royaume-Uni.

en dollars des États-Unis d'Amérique : soit par virement à UnescoAcropolis Account N° 949-1-306891, Chase Manhattan Bank, Interna¬tional Division, 1 New York Plaza, New York, N. Y. 10015. Soit, parchèque, à l'ordre du compte : Unesco Acropolis N? 949-1-306891, àenvoyer à Chase Manhattan Bank, International Banking Office Mid-town, 410 Park Avenue, New York, N. Y. 10022.

En outre, les paiements en drachmes pourront être effectués à la Banquede Grèce, Siège social. Boîte postale N° 105, Athènes, Grèce; compteUnesco Acropole N° 613 106.

Les contributions peuvent aussi être adressées sous forme de chèquebancaire ou de mandat, postal international à l'ordre suivant : « Unesco-Programme d'entraide. Projet Acropole», 7 place de Fontenoy, 75700Paris.

L'eau menacée

Près d'un cinquième des habitants desvilles et trois-quarts des habitants deszones rurales dans le monde n'ont pasaccès à des quantités suffisantes d'eaupotable. Le jour n'est pas loin où larareté d'une, eau de qualité acceptablefera obstacle au bien-être de l'huma¬nité. Pour stimuler l'action mondiale

relative à ce problème crucial l'ONUa convoqué la Conférence des NationsUnies sur l'eau qui se réunira du 14 au25 mars 1977 à Mar del Plata en

Argentine.

Conseil international

de la langue françaiseCréé en 1967, le Conseil internationalde la langue française (CILF) rassembleles représentants de vingt-quatre pays.Tout en veillant à enrichir et à favoriser

le rayonnement de la langue française,il s'intéresse à tous les problèmes decommunications entre les diverses lan¬

gues. Les recherches entreprises sur laterminologie technique et scientifiquesont publiées dans la Clé des mots sousforme de fiches (près de 1 50 par mois)qui sont un véritable complément auxdictionnaires scientifiques et techniques.Le Conseil publie lui-même ou apporteson aide à la publication d'ouvrages dansle domaine de la terminologie (Vocabu¬laire de l'océanologie, Bibliographied'économie politique, etc.). Pour tous ren¬seignements, s'adresser au CILF, 105 ter.rue de Lille, 75007 Paris.

Calendrier Unesco 1977

Pour son calendrier-affiche 1977,L'Unesco a choisi le dessin d'un jeuneartiste mauricien Imteyaz Hoosain Sumo-dhee. Le dessin symbolise la quadruplevocation de l'Unesco dans les domaines

de l'éducation, "de la science, de la cul

ture et de la communication, domaines

représentés comme un seul courant del'effort humain. Ce dessin a été sélec¬

tionné par un jury international parmi38 iuvres créées par des artistes de. plu¬sieurs pays africains.

141 États membres

L'Angola, le Mozambique, la Papouasie-'Nouvelle Guinée et la République desSeychelles ont été admis au sein del'Unesco par un vote, lors de la 19e ses¬sion de la Conférence générale de l'Orga¬nisation réunie à Nairobi, Kenya, du26 octobre au 30 novembre 1976. Ces

quatre adhésions portent à 141 le nom¬bre des Etats membres de l'Unesco.

Halo de tropDans notre numéro de mai 1976, consa¬cré aux séismes, la photo d'une peinturedu 1 6e siècle était reproduite en page 25.accompagnée d'une légende disant :« l'ar-:tiste a relaté les caractères d'un violentséisme : dislocation des édifices, halos,du soleil et de la lune, étoiles filantes... ».Il s'agit là d'une description de la visionfantaisiste de l'artiste et non pas, bienévidemment, d'un énoncé scientifique dephénomènes accompagnant les séismes.

Radio et francophonieLa collection Unesco d' repré¬sentatives a publié récemment une tra¬duction française du roman Les Oiseauxdu grand écrivain norvégien Tarjei Vesaas.Ce roman a inspiré un programme radio-phonique de langue française. Réalisépar les services de radiodiffusion del'Unesco, ce programme, distribué à55 stations de radios francophones, aété diffusé par nombre d'entre elles, no¬tamment par le Cameroun, le Canada,Monaco," le Sénégal et la Suisse.

34

Page 35: L'Acropole en danger

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et commander d'autres publications de l'UnescoVous pouvez commander les publications del'Unesco chez tous les libraires ou en vous adres¬

sant directement à l'agent général (voir liste ci-' dessous). Vous pouvez vous procurer, sur simpledemande, les noms des agents généraux non inclusdans la liste. Les paiements des abonnementspeuvent être effectués auprès de chaque agent 'de vente qui est à même de communiquer lemontant du prix de l'abonnement en monnaielocale.

ALBANIE. N. Sh. Botimeve Nairn Frasheri. Tirana.ALGÉRIE. Institut pédagogique national. 11, rue AliHaddad. Alger. Société nationale d'édition et de diffusion(SNED), 3. bd Zirout Youcef, Alger - RÉP. FED.D'ALLEMAGNE. Unesco Kurier (Édition allemande seu¬lement : Colmanstrasse, 22. 5300 Bonn. Pour les cartes

scientifiques seulement : Geo Center, Postfach 800830,7000 Stuttgart 80. Autres publications! Verlag Doku¬mentation, Possenbacher Strasse 2. 8000 München71 (Prinz Ludwigshohe). - RÉP. DÉM. ALLE¬MANDE. Buchhaus Leipzig. Postfach 140. Leipzig.Internationale Buchhandlungen, en R D.A. AUTRICHE.Dr Franz Hain, Verlags-und KommissionsbuchhandlungIndustriehof Stadlan, Dr. Otto-Neurath-Gasse 5. 1220Wien - BELGIQUE. Ag. pour les pub. de l'Unescoet pour l'édition française du «Courrier»: Jean De Lan-noy. 112, rue du Trône, Bruxelles 5. C.C.P. 708-23Édition néerlandaise seulement : N V HandelmaatschappijKeesing, Keesinglaan 2-18, 21000 Deurne-Antwerpen- RÉP. POP. DU BÉNIN. Librairie nationale, B P. 294Porto Novo BRÉSIL. Fundaçao Getúlio VargasServiço de Pubhcaçôes, Caixa postal 21120, Praia deBotafogo. 188 Rio de Janeiro; G.B - BULGARIE.Hemus, Kantora Literatura, bd Rousky 6, SofiaCAMEROUN. Le Secrétaire général de la Commissionnationale de la République unie du Cameroun pourl'Unesco, B P N° 1600, Yaounde - CANADA. Pu¬blishing Centre, Supply and Services Canada, OttawaKIA 0.S9. - CHILI. Bibhocentro Ltda., Casilla 13731Huérfanos 1160 of. 213, Santiago (21). - RÉP. POP.DU CONGO. Librairie populaire B P. 577, Brazzaville.- CÔTE-D'IVOIRE. Centre d'édition et de diffusion afri¬caines, B.P. 4541. Abidjan-Plateau. - DANEMARK.Ejnar Munksgaard Ltd.. 6, Norregade, 1 1 65 CopenhagueK. - EGYPTE (RÉP. ARABE D'). National Centre forUnesco Publications. N° 1 Talaat Harb Street, Tahnr

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IRAN. Commission nationale iranienne pour l'Unesco, av.Iranchahr Chomali N° 300, B.P. 1 533, Téhéran, Kharazmie

Publishing and Distribution Co. 229 Daneshgahe Str .Shah Avenue P.O Box 14/486, Téhéran. -IRLANDE.

The Educational Co. of Ir. Ltd., Ballymont Road Walkin-stown, Dublin 12. ISRAEL. Emanuel Brown, formerlyBlumstein's Book-stores : 35, Allenby Road et 48,Nachlat Benjamin Street, Tel-Aviv; 9 Shlomzion HamalkaStreet, Jérusalem ITALIE. Licosa (Librería Com-missionana Sansoni, S.p.A.) via Lamarmora. 45, CasellaPostale 552, 50121 Florence. - JAPON. Eastern Book

Service Inc. C.P.O. Box 1728, Tokyo 100 92. - LIBAN.Librairies Antoine, A. Naufal et Frères, B P. 656,Beyrouth. - LUXEMBOURG. Librairie Paul Brück,22, - Grand-Rue, Luxembourg. - MADAGASCAR.Toutes les publications : Commission nationale de laRép. dém. de Madagascar pour l'Unesco, Ministère del'Éducation nationale, Tananarive. MALI. Librairiepopulaire du Mali, B.P. 28. Bamako. - MAROC.Librairie «Aux belles images». 282, avenue Mohammed-V,Rabat. CCP. 68-74. «Courrier de l'Unesco »: pour lesmembres du corps enseignant : Commission nationalemarocaine pour l'Unesco 20, Zenkat Mourabitine,Rabat (C.C P. 324-45). - MARTINIQUE. Librairie«Au Boul'Mich ». 1, rue Perrinon, et 66, av. du Parquet,972, Fort-de-France. - MAURICE. Nalanda Co.. Ltd..30, Bourbon Street; Port-Louis. - MEXIQUE. CILA,Sullivan 31 bis, México 4, D F. SABSA, Servicios aBibliotecas, SA., Insurgentes Sur Nos 1032-401,

México 12, D.F. - MONACO. British Library, 30, bou¬levard des Moulins, Monte-Carlo. MOZAMBIQUE.Instituto Nacional da Livra e do Disco (INLD), Avenida

24 de Julho, 1921 r/c e 1° andar, MAPUTO. - NIGER.Librairie Mauclert, B.P 868. Niamey. -, NORVEGE.Toutes les publications: Johan Grundt Tanum (Book¬sellers), Karl Johans gate 41/43, Oslo 1. Pour le «Cour¬rier» seulement: A. S. Narvesens, Litteraturtjeneste Box6125 Oslo 6. - NOUVELLE-CALÉDONIE. ReprexSAR.L.. B,P. 1572, Nouméa. - PAYS-BAS. « UnescoKoener» (Édition néerlandaise seulement) SystemenKeesing, Ruysdaelstraat 71-75. Amsterdam-1007. Agentpour les autres éditions et toutes les publications del'Unesco : N.V. Martinus Nijhoff, Lange Voorhout 9.s-Gravenhage. POLOGNE. ORPAN-Import. PalacKultury i Nauki, Varsovie Ars-Polona-Ruch, Krakowskie -Przedmiescie N° 7, 00-901 Varsovie. - PORTUGAL

Dias & Andrade Ltda Livrane Portugal, rua do Carmo,70, Lisbonne. - ROUMANIE. ILEXIM. Romlibri, StrBisenca Amzei N° 5-7, P.O B. 134-135, Bucarest. Abon¬nements aux périodiques : Rompresfilatelia calea Victoneinn 29, Bucarest. - ROYAUME-UNI. H. M. StationeryOffice P.O. Box 569, Londres S.E. 1. - SÉNÉGAL. LaMaison du Livre, 13, av. Roume, B P. 20-60, Dakar,

Librairie Clairafrique, B.P. 2005. Dakar. Librairie «LeSénégal» B.P. 1954, Dakar. - SUEDE. Toutes les pu¬blications : A/B CE. Fntzes Kungl. Hovbokhandel,Fredsgatan, 2, Box 16356, 103 27 Stockholm, 16. Pourle «Courrier» seulement: Svenska FN-Forbundet.

Skolgrand 2, Box 150-50, S-10465 Stockholm - Postgiro184692. - SUISSE. Toutes les publications: EuropaVerlag, 5, Ramistrasse, Zurich. C C.P. 80-23383.Librairie Payot, 6, rue Grenus, 1211, Genève 11,C.C.P. 12.236. - SYRIE. Librairie Sayegh ImmeubleDiab, rue du Parlement. B P. 704, Damas.

SLOVAQUIE. S.N.T.L, Spalena 51, Prague 1 (Exposi¬tion permanente); Zahranicni Literatura, 1 1 Soukenicka,Prague 1. Pour la Slovaquie seulement: Alfa VerlagPublishers, Hurbanovo nam. 6, 893 31 Bratislava.TOGO. Librairie Évangélique, B.P. 378. Lomé; Librairiedu Bon Pasteur, B P. 1164, Lomé; Librairie Moderne,B P. 777, Lomé. - TUNISIE. Société tunisienne de

diffusion, 5, avenue de Carthage, Tunis. TURQUIE.Librairie Hachette. 469 Istiklal Caddesi; Beyoglu,Istanbul. U.R.S.S. Mejdunarodnaya Kniga, Moscou,G-200. - URUGUAY. Editorial Losada Uruguaya, S.A.Librería Losada, Maldonado, 1092, Colonia 1340, Monte¬video. - YOUGOSLAVIE. Jugoslovenska Knjiga,Terazije 27, Belgrade. Drzavna Zalozba Slovenije, TitovaC 25. P.O B 50, Ljubljana. - RÉP. DU ZAIRE. LaLibrairie, Institut national d'études politiques, B.P. 2307,Kinshasa. Commission nationale de la Rép. du Zaïrepour l'Unesco, Ministère de l'Éducation nationale, Kinshasa.

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Page 36: L'Acropole en danger

Les églises peintesdu lac Tana, en EthiopieL'annonce à Zacharie, l'une des innombrables peintures

(19* siècle) de l'église de Ura Kidané Mehret, sur le lac Tana

(voir article page 13)

Photo © Erik Olsen, Danemark