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L’AFRIQUE DANS LE NOUVEAU DISPOSITIF SECURITAIRE DES ÉTATS-UNIS De la lutte contre le terrorisme à l’exploitation des opportunités commerciales les nouveaux paradigmes de l’interventionnisme américain. Djibril DIOP Dr en Géographie (Ph. D.) Chercheur Postdoc au CERIUM - Université de Montréal (Québec) [email protected] Mots clés : Sécurité, Terrorisme, Armée, Militaire, Pétrole, Commerce, États-Unis, Afrique. INTRODUCTION Naguère quantité négligeable aux yeux de Washington, l’Afrique est devenue aujourd’hui une priorité géopolitique pour les États-Unis. En effet, les évolutions récentes qui caractérisent le durcissement des mouvements islamismes dans plusieurs régions du monde imposaient une nouvelle stratégie. Mais jusqu’aux attentats contre les ambassades des États-Unis à Nairobi au Kenya et à Dar es- Salaam en Tanzanie en 1998, les services de renseignement occidentaux avaient porté peu d’attention à l'Afrique subsaharienne. Depuis la donne a changé. Ainsi, après l'Afghanistan en 2001 et l’Irak en 2003, l’Afrique fait l'objet de toutes les attentions d'une Amérique mobilisée pour une « riposte planétaire » contre le terrorisme. Dans le cadre de cette sécurité préventive, les autorités américaines déclarent chercher à adapter leurs réponses aux circonstances et au contexte du moment. Pour les États-Unis, la menace que l'islam politique fait peser sur la sécurité et la stabilité du continent africain et sur les intérêts occidentaux dans cette partie du monde, n’est donc pas exagérée 1 . Du Kenya à Djerba en passant par Casablanca des exemples d’actes terroristes ne manquent pas, alors que le terrorisme islamiste pourrait basculer au gré des convergences d’intérêts, des revendications etc. C’est ainsi que les États-Unis ont décidé de renforcer leurs contrôles sur la région. Cette perception de la menace terroriste sur le continent englobe une autre dimension du dispositif sécuritaire américain. En effet, compte de l’insécurité qui ne cesse de croitre sur le Moyen-Orient principale région pourvoyeuse de pétrole pour les États-Unis il fallait trouver d’autres sources alternatives pour minimiser les risques d’approvisionnement pour l’économie américaine. C’est dans ce contexte que l’accès au pétrole africain est devenu le second pilier de la nouvelle stratégie sécuritaire des États-Unis. Mais avant d'investir massivement dans l'économie, il faut d’abord sécuriser. Cet article tente de donner un éclairage sur cette nouvelle orientation sur un continent autrefois oublié. Il est structuré en deux parties. La première analyse le contexte géopolitique qui sous-tend cette implication directe des États-Unis et dans la deuxième partie, nous exposerons les mécanismes sécuritaires mis en place par les États-Unis dans la région. I. CONTEXETE GÉOSTRATÉGIQUE I. 1. La lutte mondiale contre le terrorisme Coincée entre l’Océan Indien, l’Océan pacifique à l’Est, la Mer Méditerranéenne et la Mer Rouge au Nord et au Nord-Est le Moyen-Orient, la Corne de l’Afrique constitue cœur stratégique à chaque crise pétrolière (Carte 1). Soucieux de protéger la production et l’évacuation du pétrole du Golfe, de veiller sur l’équilibre régional, en particulier sur l’Irak et l’Iran, de contrôler le débouché de la Mer Rouge et du 1 En effet, en dehors des attentats meurtriers d’Oklahoma City en 1995 et du World Trade Center de 2001, les intérêts américains ont été beaucoup plus menacés dans le reste du monde, en particulier en Afrique. 1

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L’AFRIQUE DANS LE NOUVEAU DISPOSITIF SECURITAIRE DES ÉTATS-UNIS De la lutte contre le terrorisme à l’exploitation des opportunités

commerciales les nouveaux paradigmes de l’interventionnisme américain.

Djibril DIOPDr en Géographie (Ph. D.)

Chercheur Postdoc au CERIUM - Université de Montréal (Québec)[email protected]

Mots clés : Sécurité, Terrorisme, Armée, Militaire, Pétrole, Commerce, États-Unis, Afrique.

INTRODUCTION

Naguère quantité négligeable aux yeux de Washington, l’Afrique est devenue aujourd’hui une priorité géopolitique pour les États-Unis. En effet, les évolutions récentes qui caractérisent le durcissement des mouvements islamismes dans plusieurs régions du monde imposaient une nouvelle stratégie. Mais jusqu’aux attentats contre les ambassades des États-Unis à Nairobi au Kenya et à Dar es-Salaam en Tanzanie en 1998, les services de renseignement occidentaux avaient porté peu d’attention à l'Afrique subsaharienne. Depuis la donne a changé. Ainsi, après l'Afghanistan en 2001 et l’Irak en 2003, l’Afrique fait l'objet de toutes les attentions d'une Amérique mobilisée pour une « riposte planétaire » contre le terrorisme.

Dans le cadre de cette sécurité préventive, les autorités américaines déclarent chercher à adapter leurs réponses aux circonstances et au contexte du moment. Pour les États-Unis, la menace que l'islam politique fait peser sur la sécurité et la stabilité du continent africain et sur les intérêts occidentaux dans cette partie du monde, n’est donc pas exagérée1. Du Kenya à Djerba en passant par Casablanca des exemples d’actes terroristes ne manquent pas, alors que le terrorisme islamiste pourrait basculer au gré des convergences d’intérêts, des revendications etc. C’est ainsi que les États-Unis ont décidé de renforcer leurs contrôles sur la région. Cette perception de la menace terroriste sur le continent englobe une autre dimension du dispositif sécuritaire américain. En effet, compte de l’insécurité qui ne cesse de croitre sur le Moyen-Orient principale région pourvoyeuse de pétrole pour les États-Unis il fallait trouver d’autres sources alternatives pour minimiser les risques d’approvisionnement pour l’économie américaine. C’est dans ce contexte que l’accès au pétrole africain est devenu le second pilier de la nouvelle stratégie sécuritaire des États-Unis. Mais avant d'investir massivement dans l'économie, il faut d’abord sécuriser.

Cet article tente de donner un éclairage sur cette nouvelle orientation sur un continent autrefois oublié. Il est structuré en deux parties. La première analyse le contexte géopolitique qui sous-tend cette implication directe des États-Unis et dans la deuxième partie, nous exposerons les mécanismes sécuritaires mis en place par les États-Unis dans la région.

I. CONTEXETE GÉOSTRATÉGIQUE

I. 1. La lutte mondiale contre le terrorisme

Coincée entre l’Océan Indien, l’Océan pacifique à l’Est, la Mer Méditerranéenne et la Mer Rouge au Nord et au Nord-Est le Moyen-Orient, la Corne de l’Afrique constitue cœur stratégique à chaque crise pétrolière (Carte 1). Soucieux de protéger la production et l’évacuation du pétrole du Golfe, de veiller sur l’équilibre régional, en particulier sur l’Irak et l’Iran, de contrôler le débouché de la Mer Rouge et du

1 En effet, en dehors des attentats meurtriers d’Oklahoma City en 1995 et du World Trade Center de 2001, les intérêts américains ont été beaucoup plus menacés dans le reste du monde, en particulier en Afrique.

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canal de Suez, de surveiller les détroits qui relient océans Indien et le Pacifique ainsi que la route maritime du Cap, de pouvoir intervenir si nécessaire en Afrique, et enfin, de maintenir une présence en Asie où les tensions entre l’Inde et la Chine d’une part et le Pakistan et l’Inde d’autre part sont récurrentes, les États-Unis y maintiennent une présence active et hégémonique2. Cette présence américaine se manifeste aussi comme un contrepoids aux prétentions navales chinoises « les petits rivaux en mer de Chine », mais aussi face à l’émergence de puissances régionales telles que l’Afrique du Sud, l’Australie et surtout l’Inde.

Placée à l’extrémité sud de la Mer Rouge, la Corne de l’Afrique contrôle l’accès au canal de Suez et au Golfe persique ce qui lui confère une position géostratégique idéale. Cette région revêt également un caractère particulier du fait des liens historiques qu’elle a tissé avec la France notamment. L’influence française y est toutefois menacée depuis quelques années par l’islamisme. En effet, des écoles coraniques financées par les Wahhabites saoudiens y concurrencent les écoles laïques où l’on enseigne en français. C’est contexte que le Soudan qui a une longue tradition de pays parrain du terrorisme international est également le théâtre d’une guerre civile dans le sud du pays entre musulmans d’une part et chrétiens et animistes de l’autre depuis son indépendance en 19563. L’autonomie régionale tentée par général Gaafar Nimeiri entre 1969 et 1983 n’a pas donnée les résultats escomptés. La découverte du pétrole dans le sud en 1978, mais surtout son exploitation à partir de 1999 n’a fait qu’exacerber les antagonismes4. Les accords de Kampala qui mettent fin à ce conflit ont laissé entrevoir un autre front au début de l’année 2003, dans le Darfour à l’ouest du pays avec à peu près la même problématique. A côté l’Éthiopie et l’Érythrée sont en conflit ouvert depuis l’indépendant de cette dernière, le 24 mai 1993, alors que la Somalie reste un pays sans gouvernement depuis plus de ans. Dans la donne de l'après-11 septembre, on note trois « gagnants » : Djibouti, Soudan et l’Éthiopie et deux perdants probables : la Somalie et l’Érythrée.

2 La Ve flotte à la Méditerranéen et la VIe dans l’Océan Indien.3 Le terroriste Carlos Ramirez auteur de plusieurs actes terroristes dans le monde, notamment en France y avait trouvé refuge avant que les autorités soudanaises ne livrent à la France en 1997.4 Les revenus pétroliers du Soudan s’élevaient en 2001, à 150 millions de dollars par an pour une production journalière de 250 000 barils.

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Djibouti bénéficie d’une situation géographique exceptionnelle avec la présence de forces alliées. Alors que le Soudan ancien parrain du terrorisme international est devenu un allié stratégique pour Washington dans la région, alors le 20 août 1998 en riposte aux deux attentats contres les ambassades américaines à Nairobi et à Dar-es-Salam, le président Bill Clinton avait ordonné le bombardement d’une usine pharmaceutique dans la banlieue de Khartoum, accusé de fabriquer des ares chimiques. En effet, entre temps le Soudan est devenu un pays pétrolier. En outre, le président Omar El-Bashir a réussi une opération analogue que son collègue pakistanais, Musharaf, en s’alliant avec Washington après l’épisode islamiste. C’est dans ce cadre que le gouvernement soudanais accepte l'ouverture à Khartoum d'un bureau des services antiterroristes américains. Un accord secret lierait les deux pays dans ce sens accordant le droit à une quinzaine de fonctionnaires américains de siéger en permanence au ministère soudanais de l’intérieur. Ce dernier accorderait aux services américains, aussi le pouvoir de donner des ordres aux services soudanais de sécurité… et d’obtenir qu’ils les exécutent5. Pour récompenser la nouvelle position de Khartoum, le Conseil de sécurité des Nations-Unies sous l’initiative américaine, a levé le 29 septembre 2001, les sanctions contre le pays, en vigueur depuis 1996. De son côté le Premier ministre Éthiopien, Meles Zenawi, a immédiatement proposé une expédition contre les islamistes radicaux d'Al-Ittihaad al-Islami (AIAI) (Unité de l'Islam), mouvement actif en Somalie méridionale et dans l'Ogaden éthiopien. Également la Banque centrale d'Éthiopie a accédé aux demandes des États-Unis relatives aux vérifications de détenteurs de comptes et au gel des avoirs pour lutter contre le financement du terrorisme. En outre, pour parer à la menace du mouvement Al-Ittihaad, l'Éthiopie a accru les effectifs de ses forces armées le long de sa longue frontière avec la Somalie. Tout comme la Soudan, l'avantage politique pour le pouvoir éthiopien est évident. D’une part, dans le cadre de sa lutte contre ses rebelles, il maintient depuis dix ans, une Somalie éclatée en quatre ou cinq micro-États à base clanique6 ; et d’autre part, le nouveau contexte a contribué à encore marginaliser son voisin d’ennemi, l’Érythrée, sur la scène internationale7.

Dans le camp des « perdants », il y a d’abord la Somalie en décomposition avancée. L’organisation de Ben Laden serait toujours bien implantée dans certaines régions de ce pays contrôlées par des chefs de guerre locaux, en particulier près du cap Kaambooni, à la frontière avec le Kenya8. Les témoignages recueillis lors du procès des attentats contre les ambassades américaines en Afrique de l’Est en 1998 ont montré que des membres d’Al-Qaïda ont assuré l’entraînement des combattants de certains clans Somaliens, clans qui ont combattu les forces américaines en 1993 lors de l’expédition Restor Hope. Toutefois, on ne saurait trouver meilleure illustration de l'ambiguïté de ces alliances dans cette « guerre mondiale au terrorisme ». En effet, l’intervention directe ou par puissance régionale interposée, fait que les États-Unis se retrouvent dans le camp d’Hussein Mohamed Aïdid, un ennemi qu’ils ont combattu en 1993. Ainsi, le principal chef de guerre Somali, hier allié d'Al-Ittihaad, est désormais associé aux Éthiopiens qui s'opposent comme eux, au « gouvernement transitoire » issu de la conférence d'Arta9. Ainsi, l’Érythrée, hier bastion de la lutte contre l'islamisme militant dans la région, se retrouve marginalisée sur la scène régionale. Certes, une des trois factions du djihad érythréen continue de bénéficier de l'aide d'Al-Qaïda, mais ce groupuscule est peu important et peu actif ce qui affaiblit encore sa position régionale. L'amertume fut encore plus grande à Asmara, lorsque l’Érythrée a été citée sur une liste américaine de vingt-cinq États musulmans soumis à une restriction de visas. A cela s’ajoute la crispation autoritaire du régime du Président Issayas Afeworki, alors que l'économie du pays est dans un état quasi désespéré10. Néanmoins, c’est

5 In JAI, n° 2147, p. 9.6 L’Érythrée mène une guerre larvée contre l’Éthiopie en soutenant et en armant les derniers éléments de l’Union des tribunaux Islamiques somaliens et les groupes de rebelles éthiopiens qui lancent des actions militaires contre les troupes d’Addis-Abeba tant en Éthiopie qu’en Somalie. Les groupes rebelles les plus importants recensés en Éthiopie sont le Front national de Libération de l’Ogaden, le Front de libération Oromo et Al-Ittihaad.7 Les hostilités entre l’Éthiopie et l’Érythrée sont nées d’un différend frontalier qui a été jugé, il y a quelques années par une commission frontalière indépendante. L’Éthiopie conteste toujours la décision de la commission accordant à l’Érythrée la souveraineté sur la localité de Badme.8 Stephen Morrison chercheur du Centre for Strategic and International Studies de Washington.9 Cette conférence s’est tenue sous le patronage du président djiboutien en 2000, en l'absence des principaux seigneurs de guerre de Mogadiscio et de représentants du Somaliland. Lire aussi Gérard Prunier, 2000.10 Penoui J-L., 2001, pp. 20-21.

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toute la région de l’Afrique de l’Est qui est désormais placée sur la sellette par les États-Unis, qui soupçonnent Al-Qaïda de vouloir en faire sa nouvelle place forte11.

En effet, il est établi qu’on retrouve des « routes communes » entre le contexte du terrorisme en Asie du Sud-Est et celui dont a été victime ces dernières années l'Afrique orientale. Depuis longtemps, le Soudan est perçu comme un sanctuaire pour les fondamentalistes islamistes, désireux d'essaimer dans les pays voisins12. On sait aussi que Ben Laden y a séjourné entre 1992 et 1996 avant de repartir pour l’Afghanistan. En effet, à la fin de l’année 1992, l’influence des mouvements islamistes sous la conduite d’Hassan Al-Tourabi, éminence grise du régime issu du coup d’État de 1989, était prépondérante. C’est dans ce contexte le pays avait renforcé ses relations avec l'Iran, autres parrain du terrorisme international en vu d’étendre les réseaux islamistes en Afrique noire et dans le Maghreb. Leur coopération s’inscrivait alors à divers domaines : formation militaire, échanges commerciaux, entre autres13. Le contexte de la guerre mondiale contre le terrorisme et la mise à l’écart, à partir de fin 1999 et l’arrestation, en février 2001, d’Hassan el-Tourabi, ouvrent de nouvelles perspectives pour ce pays.

Parallèlement des mouvements intégristes avaient vu le jour en Éthiopie, en Érythrée ainsi qu'en Somalie avec le soutien de Téhéran et de Khartoum. Les Comores et l'île tanzanienne de Zanzibar sont aussi devenues des plaques tournantes pour ces réseaux intégristes importés. Dans les différents attentats commis en Afrique de l’Est, la responsabilité du groupe islamiste somalien Al-Ittihaad, connu pour ses liens avec le réseau d'Oussama ben Laden a été singulièrement mis en cause. Cette organisation serait, selon un rapport du Département d'État américain sur le terrorisme, responsable des attentats d’Addis-Abeba (Ethiopie) en 1996 et 1997. Elle serait également coupable d'une série d'enlèvements de travailleurs humanitaires. Fort de quelques 2 000 hommes ayant reçu un entraînement en Afghanistan et des armes en provenance du Soudan, elle viserait l'instauration d'un strict régime islamiste en Somalie. Al-Ittihaad était placé aussi au premier rang des suspects après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Selon le quotidien israélien Haaretz, le responsable des attentats de Mombassa, Fazel Abdallah Mouhamed, un Comorien de 30 ans avec la complicité de six Pakistanais et de quatre Somaliens, serait membre de cette organisation. Il figure actuellement sur la liste des 22 terroristes les plus recherchés par la police fédérale américaine (FBI).

C’est compte tenu de ces liens connus ou supposés entre Al-Qaïda et certains pays de la Corne de l'Afrique que les États-Unis ont opéré un retour en force après leur retrait précipité de 199314. L'opération internationale menée en novembre 2001 contre Al-Barakat, une société de transfert de fonds entre les émigrés Somalis et leur pays, la mise en cause de la banque Al-Shamal Islamic de Khartoum, ainsi que publication de la liste d'organisations terroristes montrent que la Corne de l’Afrique, après l'Asie centrale est devenue une source de préoccupation majeure pour les États-Unis. Même si ces dernières années, on remarque une relative régression de l'islamisme radical, particulièrement dans ses courants internationalistes et terroristes, les autorités américaines continues de croire que la région demeure une source d’insécurité élevée pour les États-Unis. En effet, Al-Ittihaad pèse moins aujourd'hui en Somalie méridionale qu'il y a cinq ans15, alors qu’au Soudan le Front National Islamique du Soudan (FNSS) a éclaté en deux factions dont la plus modérée est solidement installée au pouvoir. On peut ainsi s’interroger, si les Américains maîtrisent parfaitement la complexité des situations locales, dont le trait principal, en Somalie comme au Soudan et à un moindre degré

11 Kevin J. Kelley et Faustin Rwambali, « The East African », in <www.courrierinternational.com>12 Gandour I., 2002, op.cit.13 Le président Rafsandjani s'était même rendu en visite officielle au Soudan en décembre 1991.14 En octobre 1993, une mission de routine des Rangers et du commando Delta, des forces spéciales américaines chargées de capturer des chefs de guerre dans un quartier de Mogadiscio dans le cadre de l’intervention Restor Hope, avait tourné au désastre : deux hélicoptères lourds avaient été abattus, et dix-sept soldats avaient été tués, le corps de l'un d'eux avant été traîné dans les rues derrière un « technical » véhicule de miliciens. Cet épisode a fait l'objet du « film La Chute du faucon noir ». Voir aussi Alain Deschamps, Somalie 1993 : première offensive humanitaire, l'Harmattan, 2000 ; et Stephen Smith, Somalie : la guerre perdue de l'humanitaire, Calmann-Lévy, 1993. 15 Al-Ittihaad al-islamiya est la plus connue des organisations islamistes somaliennes armées. Formée au début des années 1990, elle est liée depuis 1993 au réseau Al-Qaïda. En 1997, les troupes éthiopiennes avaient envahi le territoire somalien pour détruire plusieurs de ses bases.

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en Éthiopie, est l'expansion ininterrompue depuis dix ans du poids des seigneurs de guerre, aux alliances changeantes et fort peu déterminées par l’idéologie islamiste16.

I. 2. Coopération sécuritaire et militaire

Depuis quelques années la stabilité du continent africain est devenu un centre de préoccupation majeure pour les Etats-Unis. C’est pour cette raison que l’Afrique occupe désormais une place importante dans la coopération sécuritaire. Les États-Unis collaborent déjà avec la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en vue de faire face, depuis plusieurs années, à des événements comme ceux de Sierra Leone et du Liberia. Ainsi, ils ont apporté leur soutien aux Missions des Nations unies en Sierra Leone (MINUSIL) et au Liberia (MUNIL). Dans ce cadre, il est prévu la mise en place d’un centre de formation et d'entretien logistiques où les pays membres de la CEDEAO pourront utiliser le matériel pour des opérations de maintien de la paix dans la sous-région17. Également dans le cadre du renforcement sécuritaire, ils entretiennent de nombreux projets et programmes de coopération militaire avec les pays africains. Par exemple, dans le cadre du programme Opération Focus Relief (OFR), cinq bataillons nigérians en partance pour la Sierra Leone avaient été formés par des instructeurs des forces spéciales américaines en 1999. Le ministère de la défense des États-Unis a également fourni les uniformes, du matériel et les armes. Il y a aussi le programme ACRI (Initiative de Réaction aux Crises en Afrique) qui est l’équivalent du Renforcement des Capacités Militaires pour la Paix (RECAMP) français. L’ACRI ne prépare pas les soldats aux combats. Elle porte essentiellement sur le maintien de la paix. Plus de 8 600 soldats originaires de cinq pays africains ont été ainsi formés. En outre, depuis octobre 1999, quelque 600 hauts responsables civils et militaires ont assisté à des cours au Centre Africain d'Études Stratégiques (CESA) à Washington portant entre autres sur les relations entre les civils et les militaires, la mise en place d’une stratégie de sécurité nationale et l’élaboration de budget de défense en régime démocratique.

Dans ce prolongement, le MPRI, une firme américaine spécialisée dans le conseil en matière de sécurité, encadre certaines armées africaines. Cette entreprise dirigée en grande partie par d'anciens officiers, organise des programmes d'appui pour le compte du gouvernement américain. Par exemple dans le cadre de la coopération militaire entre les États-Unis et le Nigeria, les contrats sont confiés au MPRI. Ce dernier gère ainsi les installations du Joint Combined Arms Training System (JCATS) à Abuja18. Les JCATS sont une composante du programme African Contingency Operations Training and Assistance Program (ACOTA), reposant sur un partenariat entre le Département de la défense et les militaires africains afin de renforcer leur capacité à établir la paix et l'ordre. Ces centres offrent aux forces africaines des outils de renforcement de leur qualification et de préparation. Les JCATS s’appuient sur l'utilisation de logiciels sophistiqués de simulation de guerre qui s'inspirent de conditions réelles sur les champs de bataille. Outre les États-Unis, le Nigeria et le Canada sont les deux seuls pays à disposer de ces logiciels19. Il est prévu d’ouvrir d’autres centres de ce genre au Ghana et peut-être au Kenya. Le programme ACOTA est quant à lui, un cadre de formation et de coopération pour « les opérations d’urgence en Afrique » pour « appuyer les solutions africaines aux problèmes africains ». Ce programme fait suite au programme ACRI, mais couvre un plus vaste éventail de responsabilités que ce dernier, notamment dans le maniement des armes. En effet, si les forces déployées dans le cadre de l'ACRI ne sauraient être mises dans une situation où leur sécurité serait menacée, celles qui le sont dans le cadre de l'ACOTA, sont chargées de ramener le calme donc, faire usage de leurs armes. Aussi, contrairement à l'ACRI ou l'OFR, la formation dans le

16 Pour le Soudan la guerre civile au Darfour, à l’Ouest du pays est venue complexifier la situation.17 Les États-Unis ont apporté un soutien logistique aux soldats de la CEDEAO déployés en Cote d’Ivoire et au Liberia en 2003.18 Il a été officiellement inauguré le 25 novembre 2003, par Theresa Whelan directrice pour l'Afrique du Bureau du ministère de la défense chargé des questions internationales et de sécurité (ISA).19 Il s'agit en fait de rassembler des personnes pendant une quinzaine de jours pour des exercices de guerre, ce que les militaires américains du XXIe siècle font déjà.

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cadre de l'ACOTA ne s'adresse pas aux hommes de troupes, mais aux officiers qui doivent transmettre ensuite leur savoir aux soldats placés sous leurs ordres20.

En dehors de ces programmes phases, le gouvernement américain coopère aussi avec de nombreux pays du continent dans le cadre de plusieurs programmes bilatéraux de lutte contre le terrorisme, notamment dans les domaines de la sécurité de l’aviation civile, de la lutte contre le blanchiment d’argent, du contrôle des frontières et de la formation de la police. C’est dans ce cadre que le 9 février 2003, le vice-ministre de la défense des États-Unis, Paul Wolfowitz, déclarait devant 120 officiers supérieurs et responsables civils africains de la défense l’intérêt que l'Amérique portait désormais à l'Afrique face à la menace terroriste21. Pour Paul Wolfowitz, « la lutte mondiale contre le terrorisme n'est pas seulement une affaire américaine ou du monde développé ; elle concerne également de plus en plus l'Afrique. Nous coopérons étroitement avec nombre de nos partenaires africains afin de lutter contre le terrorisme. L'Initiative pan-Sahel et l'Initiative antiterroriste en Afrique de l'Est sont des éléments clés des efforts que nous menons dans ce domaine sur le continent africain »22. Pour cela « les États-Unis doivent considérer l'Afrique à travers le prisme de la sécurité. (...) nos relations avec l'Afrique peuvent contribuer à la sécurité de ce continent, et inversement, la sécurité en Afrique peut contribuer à celle des États-Unis ». Mais tout d’abord « les armées de certains pays africains peuvent et doivent atteindre un plus haut niveau de professionnalisme, ce qui leur permettra de mieux relever les défis du XXIe siècle ». Le même discours a été tenu par Colin Powell, le 25 novembre 2003, devant les ministres des affaires étrangères de plusieurs États membres de la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) à Washington23.

Dans le cadre de cette coopération sécuritaire, l’Afrique du Nord n’est pas en reste. C’est ainsi que les États-Unis renforcent leur coopération avec l’Algérie et le Maroc. L’armée algérienne a reçu des États-Unis de nouveaux équipements, notamment du matériel de vision nocturne destiné à la lutte antiterroriste. Plusieurs officiers algériens se sont rendus au quartier général des forces américaines en Europe, à Stuttgart, en Allemagne (EUCOM), afin de renforcer les échanges avec leurs homologues américains. Des manœuvres conjointes entre les forces navales des deux pays sont aussi envisagées avec comme objectif : prévenir des attaques terroristes par voie maritime.

De l'avis de plusieurs africanistes comme William Zartman de la SIAS, tout ceci montre clairement combien le continent est devenu important pour les autorités américaines24. En effet, dans le document intitulé « stratégie de sécurité nationale des États-Unis d'Amérique » publié le 17 septembre 2003, on peut lire que « l'Afrique revêt une grande importance pour la paix et la sécurité dans le monde. Pour cela, le continent recevra des États-Unis un maximum d'aide en faveur de son développement politique et économique ». Le rapport met l'accent sur le fait que les États-Unis ne pourront jamais être en sécurité tant que les difficultés économiques et les troubles politiques foisonneront un peu partout, alors qu’en Afrique, « les promesses et les débouchés côtoient la guerre, la maladie et le plus grand dénuement. Cet état de chose porte atteinte à la fois à une valeur fondamentale des États-Unis : sauvegarder la dignité humaine et à leur priorité stratégique : combattre le terrorisme international »25.

20 Les États-Unis ont participé au financement pour la création d’une école de maintien de la paix « Alioune Blondin Bèye » au Mali destinée à former des officiers africains au droit international humanitaire et aux techniques de maintien de la paix. Cette école a ouvert ses portes en mars 2007.21 Paul Wolfowitz que d'aucuns considèrent comme l'architecte de la nouvelle politique sécuritaire américaine « l’engagement préventif » qui a poussé les États-Unis s'attaquer au terrorisme à la source en Afghanistan et en Irak.22 Séminaire organisé du 8 au 10 février 2003 à Washington par le Centre africain d'études stratégiques (ACSS) L'ACSS fait partie de l'Université nationale de la défense du ministère de la défense. Il organise des ateliers sur divers sujets tels que le budget de la défense et le rôle de l'armée dans une démocratie. De hauts responsables militaires et civils de la défense de 44 pays africains participaient à ce séminaire.23 Il s’agit de François Fall (Guinée), de Nana Akufo-Addo (Ghana), de Mamadou Bamba (Côte d'Ivoire), d’Oluyemi Adeniji (Nigeria), ainsi qu'avec le secrétaire exécutif de la CEDEAO, Mohamed Ibn Chambas.24 Il est directeur du programme « gestion des conflits » à l'École des Études internationales avancées (SAIS) de l'université Johns Hopkins et ancien directeur du département Afrique de cette université. Cité par Jim Fisher-Thompson Rédacteur du Washington File.25 Selon William Zartman, op. cit.

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Dans un autre document intitulé « Travailler avec d'autres pour désamorcer les conflits régionaux », trois grandes lignes étroitement liées sont ainsi avancées : premièrement travailler avec les pays pour avoir le plus grand impact possible sur les quartiers, notamment l’Afrique du Sud, le Nigeria, le Kenya et l’Éthiopie ; deuxième collaborer avec les alliés européens et les institutions internationales, est un élément « indispensable d'une médiation constructive des conflits et de la bonne conduite d'opérations visant la paix » et enfin aider les « États viables qui se réforment et les organisations sous-régionales de l'Afrique ». Selon W. Zartman, cette dernière est la plus importante de la nouvelle stratégie américaine. Car elle entre dans la logique de la Conférence sur la Sécurité, la Stabilité, le Développement et la Coopération en Afrique (CSSDCA), dénommée « document de Kampala ». Même si ce document a perdu aujourd'hui de son authenticité, son esprit a été en partie repris par l’Union Africaine (UA) qui a succédé à l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Ce document s'était inspiré des Accords d'Helsinki de 1974, mettait l'accent sur les droits de l'homme, alors que les grands dossiers, notamment celui du développement, sont repris par le Nouveau Partenariat pour le Développement en Afrique (NEPAD).

Pour Brett Schaefer, les recommandations du gouvernement américain sont on ne peut plus cohérentes. Car « elles s’efforcent de mettre l'accent sur la diminution du nombre de conflits et la réduction de l’instabilité en Afrique »26. Toutefois, selon ce dernier, « l'Afrique, si importante soit-elle, n'est manifestement pas un endroit où les États-Unis voudraient poster un grand nombre de soldats. Le gouvernement essaye donc de décupler son impact en collaborant avec d'autres pays et institutions telles les institutions régionales qui sont mentionnées dans la stratégie ». En effet, selon le secrétaire d’État à la défense, les États-Unis ne désirent pas assurer une présence à long terme en Afrique au-delà de ce qui est nécessaire pour aider à vaincre le terrorisme, « nous pensons qu'en fin de compte ce sont les États de la corne qui devront anéantir ce fléau et en prévenir la réapparition »27. Les États-Unis établiront cependant des partenariats avec les pays africains et des organisations sous-régionales afin de les aider à se doter des moyens nécessaires pour leur sécurité, à faire face à des crises humanitaires et d’effectuer des opérations de maintien de la paix. L’accent est aussi mis sur la coordination avec les alliés européens « notamment en ce qui concerne les Français »28. Selon W. Zartman, le moment est venu de travailler aussi avec la France en abandonnant l’idée que « les Français considèrent toute activité de la part des Américains ou leur présence en Afrique comme une manœuvre visant à les faire partir et que nous considérons les Français comme des survivants du colonialisme ».

I. 3. Trade not Aid

Une stratégie sécuritaire ne peut être viable si elle se fonde uniquement sur une intervention au sens militaire du terme. C’est pourquoi l’autre pan de l’interventionnisme américain en Afrique repose sur l’exploitation des opportunités économiques sur le continent. Sur ce plan, les grandes lignes de l'aide du gouvernement américain à l'Afrique énoncées dans le rapport sur la stratégie de sécurité nationale portent sur l’African Growth and Opportunity Act (AGOA). Les États-Unis consacrent actuellement 345 millions de dollars à l’assistance technique et à des programmes de formation destinés à aider les entreprises africaines à découvrir des secteurs porteurs, à améliorer la qualité de leurs produits en se conformant à des normes techniques et à obtenir les informations nécessaires pour exporter vers les États-Unis. Bien que marginale encore, ce dispositif commercial connaît toutefois, de réels succès dans certaines régions du continent29. C’est dans cette perspective également que les États-Unis ont mis en place « à travers des programmes aussi divers que l’USAID, le Millenium Challenge

26 Attaché à la Fundation Heritage, une cellule de réflexion conservatrice de Washington, il est spécialiste de l'Afrique.27 Donald Rumsfeld, secrétaire américain à la défense lors de sa visite au camp Lemonnier, en décembre 2002.28 W. Zartman, op. cit.29 C’est une loi sur l’assurance et les possibilités économiques en Afrique. Cette loi appuie les exportations de 37 pays africains vers les États unis. En 2003, les importations des USA de ces pays s’élevaient à environ 14,1 milliards de dollars, soit une augmentation de près de 55 % par rapport à l’année précédente. L’importation de produits pétroliers constitue une grande partie, selon Florizelle Liser, représentante adjointe au commerce extérieur chargée de l’Afrique, lors d’un passage à Dakar.

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Corporation (MCC), le Plan d’Urgence du Président pour soulager le SIDA (PEPFAR), dont la moitié des fonds ciblent l'Afrique »30. Les États-Unis semblent aussi prendre conscience du lien entre terrorisme et pauvreté. C’est dans ce cadre qu’ils ont accordé une aide de 12 millions de dollars à l’Égypte pour des projets exclusivement destinés aux pauvres31. Enfin, ils envisagent d'augmenter de 18 % leur contribution à l'Association Internationale de Développement (IDA), filiale de la Banque mondiale pour aider les pays pauvres et au renforcement la Banque Africaine de Développement (BAD).

Pour les autorités américaines, la stabilité et la prospérité économique sont les préalables à toute vraie politique de sécurité. En effet, selon Mme Florizelle Liser, le concept de sécurité nationale des États-Unis englobe également l’économie et le commerce32. Ainsi, selon elle, la participation de l’Afrique à l’économie mondiale est fondamentale pour la sécurité du continent et de ses relations avec les Etats-Unis. Une « Afrique plus prospère et plus stable sur le plan économique et une bonne chose, pour les Africains, mais aussi pour l’intérêt des États-Unis et le reste du monde »33. Car « la population est plus sensible aux troubles civils et aux conflits politiques là où la pauvreté prospère, ce qui devient un terrain propice au terrorisme » et aux sociopolitiques. La Somalie, le Soudan et le Liberia en ont donné l’exemple. Ainsi, selon les autorités américaines le manque d’infrastructures et l’insuffisance de mécanismes de sécurité rendent les pays africains vulnérables aux groupes terroristes internationaux. D’où l’importance de mettre en place un système sécuritaire autour d’un processus gagnant-gagnant34.

Par ailleurs, alors que certains pays producteurs de pétrole du Moyen-Orient sont en proie à des sentiments anti-américains susceptibles d'avoir une incidence sur les importations des États-Unis, l'Afrique subsaharienne paraît d’un intérêt grandissant pour Washington35. Déjà 16 % des importations américaines de pétrole proviennent de l'Afrique subsaharienne et le volume de ces importations pourrait augmenter considérablement au cours des dix années à venir pour atteindre 25 % à 35 %. Les accords qui scellent la paix en Angola au printemps 2002, après une terrible guerre civile depuis l’indépendance du pays en 1975, mais surtout la découverte de plusieurs gisements sur le continent sont de bon augure à cet égard 36. Déjà l'Angola, deuxième producteur du continent, exporte 40 % de sa production annuelle de brut vers les États-Unis, soit 7 % de l'ensemble des importations américaines de pétrole. Ainsi, tout comme la Chine, les États-Unis lorgnent le pétrole africain pour réduire leur dépendance vis-à-vis des pays du golfe Persique37. Dans ce cadre un autre golfe, celui de Guinée, pourrait fournir davantage d’hydrocarbures à Washington. L’ancien chef d’état major de l’EUCOM, James Jones, l’avait confirmé en 2006 dans un discours au Congrès. En effet, depuis les attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis cherchent à diversifier leurs sources d'approvisionnement en pétrole afin de minimiser les risques vis-à-vis de l'Arabie Saoudite un allié encombrant, envers lequel, ils sont devenus méfiants38.

Ainsi, après l’Irak, objectif atteint en 2003, les réserves pétrolières africaines semblent constituer un espace de choix avec ses réserves de bonne qualité 39. La Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED) estimait les réserves totales du continent à 80 milliards de barils de pétrole, soit 8

30 Avec la facilitation des brevets pour la production de rétroviraux en génériques pour le séropositive. En outre les États-Unis ses sont engagés de consacrer 15 milliards de dollars sur cinq ans à la lutte contre le sida en Afrique.31 7 à 10 % des 71 millions de dollars d’Égyptiens vivent dans l’extrême pauvreté avec moins de 1 dollar par jour.32 Mme Florizelle Liser est représentante adjointe des États-Unis pour le commerce extérieur chargé de l’Afrique.33 Mme Florizelle Liser op. cit.34 Trade not Aid : Commerce pas d’Aide.35 Michael Westphall, haut responsable du ministère de la défense, lors de la conférence de presse au Pentagone le 2 avril, cité par Jim Fisher-Thompson Rédacteur du Washington File.36 Mauritanie, Tchad, Guinée Equatoriale, Cameroun…37 Le commerce sino-africain devrait se chiffrer à 100 milliards de dollars avant 2010, selon le vice-ministre chinois du Commerce Wei Jianguo. Pour les neuf premiers mois de 2007, il se chiffre à 52,3 milliards de dollars et devrait passer la barre des 70 milliards de dollars d’ici la fin de l’année.38 En effet, 15 des 19 pirates de l’aire du 11 septembre, sont saoudiens. En outre, l’Arabie Saoudite finance les écoles coraniques du Golfe, d’Asie centrale et d’Afrique de l’Est, berceaux de l’islamisme radical selon Washington.39 Thompson F, 2002 ; Servant J-C., 2003 et Foster J. B., 2007.

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% des réserves mondiales de brut40. Déjà, l’Afrique noire, avec plus de 4 millions de barils de pétrole par jour, produit autant que l’Iran, le Venezuela et le Mexique réunis. Sa production a augmenté de 36 % en dix ans, contre 16 % pour les autres continents. Le Soudan, qui a commencé à exporter son pétrole au début des années 2000, extrait aujourd’hui 186 000 barils par jour41. Le Nigeria, premier exportateur africain de brut, devrait augmenter sa production quotidienne de 2,2 millions de barils à 3 millions, avant de passer à 4,42 millions en 2020. L’Angola, deuxième grand producteur continental, devrait d’ici à cette même date, multiplier sa production par deux et atteindre les 3,28 millions de barils. Enfin, la Guinée-Équatoriale, pourrait devenir d’ici à 2020 le troisième producteur africain de brut (devant le Congo et le Gabon) en fournissant 740 000 barils/jour. Ce « Koweït de l’Afrique », dont le produit intérieur brut (PIB) a crû de 70 % en 2001, disposerait de réserves estimées à 2 milliards de barils. Pour mieux assurer leur présence, les États-Unis y ont ré-ouvert un consulat (fermé sous l’administration de Bill Clinton, pour raisons budgétaires) et l’ont rayé de la liste des 14 pays africains mal notés en matière de droits de la personne42. Ses gisements, essentiellement offshores, sont actuellement défendus par des gardes-côtes formés par la Military Professional Ressources Inc, société privée gérée par de hauts gradés à la retraite du Pentagone comme en Colombie, tandis qu’un navire de guerre américain patrouille en permanence dans le golfe.

Ainsi, partout dans les principaux pays pétroliers : Nigeria, Guinée-Equatoriale, Angola...; Washington multiplie les gestes, implante conseillers militaires et compagnies pétrolières. Dans ce cadre que le général Carlton Fulford de l’EUCOM s’était rendu à Sao-Tomé-et-Principe en juillet 2002 afin d’étudier la question de la sécurité des opérateurs pétroliers dans le golfe de Guinée tout comme l’éventualité d’y installer un nouveau sous-commandement régional militaire américain inspiré de celui en Corée du Sud. Ce regain d’intérêt pour l’Afrique, dont le candidat Bush qualifiait pourtant, en 2000, qu’elle n’était « pas une priorité stratégique nationale», est aujourd’hui frappant. Prometteurs, les gisements africains présentent également des avantages certains : d’une part, tous les pays, excepté le Nigeria, ne sont pas membres de l’OPEP ; d’autre part, ces réserves sont pour l’essentiel offshore, donc à l’abri d’éventuels troubles politiques et sociaux43. Enfin, ils donnent déjà directement sur la côte atlantique, à l’exception des champs soudanais, alors que le pétrole Tchadien (250 000 barils par jour), est drainé par oléoduc vers l’Atlantique à travers le Cameroun, ce qui en facile le transport vers les États-Unis44. Pour les pétroliers américains (Exxon-Mobil Corporation, Chevron-Texaco Corporation…), l’Afrique pétrolière était clairement devenue une priorité géopolitique bien avant le 11 septembre 2001. En effet, dès mars 2000, ils l’ont fait savoir au sous-comité Afrique de la Chambre des représentants lors d’une réunion consacrée aux potentiels énergétiques de l’Afrique. De là est né l’African Oil Policy Initiative Group (AOPIG), interface entre la sphère privée et publique, ainsi qu’un Livre blanc intitulé African Oil, A Priority for US National Security and African Development a été publié45.

II. UN REDEPLOIEMENT STRATEGIQUE POUR PLUS DE SECURITE

II. 1. Un retour en force en Afrique de l’Est

La présence de l’armée américaine en Afrique comporte des épisodes douloureux, dont l’opération Restore Hope de 1993, en Somalie, où plusieurs journalistes et soldats furent lynchés à mort par la foule. Le développement de l’islamisme radical dans la région à conduit l’implication directe des États-Unis. Djibouti. Si les États-Unis ont commencé s’inquiètent de la situation dans toute la Corne de l'Afrique depuis les attentats du 7 août 1998 contre les ambassades américaines dans la région, mais c’est réellement depuis les attentats du 11 septembre 2001, qu’ils ont

40 Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement : « les services énergétiques dans le commerce international et leurs incidences sur le développement », Juin 2001.41 Prunier G., 2002, cité par Servant J-C., 2003, op. cit.42 Servant J-C., 2003, op. cit.43 Servant J-C., 2003, op. cit.44 Le golfe de Guinée, qui compte 24 milliards de barils de pétrole de réserves, devrait ainsi devenir à terme le premier pôle mondial de production en offshore très profond.45 Servant J-C., 2003, op. cit.

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trouvé chez les Africains des partenaires-clés et un appui de haut niveau dans leur « guerre mondiale contre le terrorisme ». Ainsi, Djibouti, du fait de sa position géographique a pris, depuis, une importance stratégique déterminante du fait notamment de la situation exceptionnelle de son port, relié par une ligne de chemin de fer jusqu’à Addis-Abeba. Dans ce pays, Washington a trouvé un utile point d'appui avec des capacités d'entraînement, un port et un aéroport modernes. L'US Army a pu s'exercer en terrain libre à des « mini-guerres » en prélude à l'offensive en Irak en mars 200346.

Les Américains ont le souvenir l'attentat meurtrier, en 2000, contre un des bâtiments de l'US Navy, le destroyer USS-Cole, dans la rade d'Aden, en face de Djibouti au cours duquel dix-sept militaires ont été tués. C’est aussi dans ce golfe, le 6 octobre 2002, que le pétrolier français, le Limburg, a été attaqué. Cette situation a ravivé la hantise d'un djihad maritime, de nature à menacer les approvisionnements occidentaux en pétrole47. En effet, le Yémen est considéré par les Américains comme une base de repli possible pour le réseau Al-Qaïda, tout comme la Somalie. Dans ce contexte, Djibouti est promu au statut de grande base américaine - une sorte de gare de triage militaire48, aux approches de la mer Rouge et du golfe Arabo-persique, au voisinage d'un Soudan à peine sorti de sa dérive islamiste, d'une Éthiopie et d’une Érythrée querelleuses et d'une Somalie toujours anarchique. La diplomatie américaine a également obtenu, en décembre 2002, des facilités d'accès aux aéroports éthiopiens et aux ports d’Érythrée.

C’est le 26 juillet 2002 que le général Tommy Frank, commandant en chef des forces américaines du CENTCOM, rend visite au président Omar Guelleh49. Deux mois plus tard, près de 900 GI’s, appartenant au bataillon du QG de la IIe division de marine, basée à camp Lejeune en Caroline du Nord, débarquent à Djibouti. Les forces américaines forment aujourd’hui actuellement un contingent de plus de 1 800 GI’s stationnés au camp Lemonnier, près de l'aéroport, occupé à l'origine par la Légion étrangère française. Actuellement, elles sont essentiellement constituées par la 24e Marine Expeditionary Unit, autour du navire amphibie Nassau, qui croise au large du Golfe d’Aden. Elle effectue des exercices de débarquement avec blindés, à tirs réels, sur la côte d'Obock, au nord du pays ainsi que des manœuvres militaires conjoints avec des forces militaires locales. En outre, ce petit pays d’Afrique de l’Est accueille aussi les forces d’une coalition de six pays, depuis octobre 2002. Cette Force d'intervention conjoint pour la Corne de l'Afrique dénommée Combined Joint Task Force-Horn of Africa (CJTF-HOA) est installée par les États-Unis et leurs alliés (Carte 2) et est commandée par un général des marines, John Stattler50.

D'abord établi dans la rade de Djibouti, sur le Mount Whitney, un des navires-amiraux de l'US Navy ce dernier a finalement débarqué à terre au début de l’année 2003. Son commandant est aussi à la tête alliée constituée également d'éléments britanniques, espagnols, canadiens, français ainsi que d'une mini-escadre allemande composée de deux frégates, de trois ravitailleurs et de 1500 marins. Il patrouille dans le golfe d'Aden et le long des côtes somaliennes et yéménites. Le 11 décembre, c’est au tour de Donald Rumsfeld secrétaire d’État à la défense de faire escale à Djibouti. Mais c’est la rencontre entre George W. Bush et Omar Guelleh en janvier 2003, qui a abouti à la mise en place d’un accord-cadre de coopération militaire, par lequel Washington entend apporter au-delà de l’assistance militaire et une aide dans le domaine social à Djibouti que l’installation des américains a été effective. En quatre mois les américains dépenseront 8,7 millions de dollars pour rénover les installations aéroportuaires et aménager le pas de tir.

Outre les forces américaines et les forces françaises, qui sont installées ici depuis longtemps, les premiers soldats étrangers qui débarquent à Djibouti sont des

46 Un incident a eu lieu le 25 juin 2003, lors d’un de ces exercices de tir des armes d’appui avec mission de bombardement aérien causant la mort d’un Marines âgé de 27 ans après le largage de neuf bombes « folles » M117 par un B-52 qui ont éclaté près des personnels au sol et de deux hélicoptères CH53 Super Stallion du Corps des Marines posé à côté du champs de tir.47 Depuis l'attentat contre le Limburg, les primes d'assurance des navires transitant par le Yémen ont été multipliées par cinq.48 US Practice in New Hub, The International Herald Tribune, 18 november 2002.49 Aujourd’hui le général Francks est à la retraite, il est remplacé par le général Abizeid.50 CJTF-HOA est un système régional de veille maritime et aérienne, pour tenter d'empêcher l'infiltration d'éléments du réseau Al-Qaïda sur les côtes yéménite, somalienne ou kenyane.

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Allemands, au début de 2002. Les Allemands étaient spécialement chargés de surveiller le golfe d’Aden et les cotes somaliennes, de manière à prévenir un éventuel afflux de combattants d’Al-Qaïda fuyant les bombardements américains en Afghanistan. Mais aussi de préparer la mise en place du CJTF. Ce dispositif a pour mission de surveiller les espaces aérien, maritime et terrestre de six pays de la Corne de l’Afrique (Érythrée, Éthiopie, Soudan, Djibouti, Kenya, et Somalie) et un pays du Moyen-Orient, le Yémen. En cas de besoin elle devra intervenir pour éliminer toute menace terroriste contre les intérêts des États-Unis et de leurs alliés. C’est ainsi qu’un missile tiré depuis Djibouti par un drone Predator de la Central Intelligence Agency (CIA) a permis d'éliminer, le 4 novembre 2002, six membres du réseau Al-Qaïda, dont un de ses chefs, Simane el-Harithi, dans la province de Marib, au Yémen, de l'autre côté du détroit (Carte 2)51. La seconde opération un mois plus tard a été l’arraisonnement d’un navire nord-coréen transportant des missiles Scud de moyenne, portée par une frégate espagnole. Destinée au Yémen, un indispensable allié, l’encombrante cargaison a finalement été restituée à son destinataire.

Pour certains observateurs, ce déploiement au nom de la lutte anti-terroriste n’est qu’un prétexte52, car le Pentagone envisageait depuis longtemps (bien avant le 11 septembre) de s’installer dans la région. Le véritable objectif inavoué serait de garder un contrôle sur Bab el-Mandab, le débouché méridional de la Mer Rouge, point stratégique sur la route du pétrole (Carte 2). La lutte contre le terrorisme leur a fourni l’occasion rêvée de mettre ce projet à exécution53. Ainsi, face à la péninsule Arabique et à ses immenses réserves d’hydrocarbures, la Corne de l’Afrique revêt un intérêt stratégique de premier plan. Or, pendant très longtemps, Djibouti a été l’une des plus importantes bases militaires français sur le continent africain54. Même si la France a changé de politique militaire en Afrique, en réduisant ses bases, Djibouti demeure toujours un site important55. En échange de la protection extérieure dans le cadre d'accords de défense dès l’indépendance du pays en 1977, la France disposait en exclusivité de ce « bac à sable », un point d'appui significatif vers l’Océan Indien, dans ce secteur sensible par où transite un quart du trafic mondial de pétrole (Carte 4)56. Même si la mise en place de la Task-force favorise la coopération, les premiers mois de cohabitation entre forces françaises et américaines ont été grinçants. Les informations passaient mal entre les deux états-majors. Leurs troupes se sont parfois retrouvées nez-à-nez, lors de manœuvres. Mais « nul ne conteste notre présence avant, pendant et après. Les autres sont de passage, pour l'actualité », s’exprimait le général Alain Bévillard, commandant des Forces françaises de Djibouti (FFDJ). Au-delà de la rivalité Franco-américaine, Djibouti ne risque t-il pas dans ce contexte, de devenir à son tour une cible potentielle pour un attentat terroriste antiaméricain57 ?

En outre, cette présence massive des américains est loin d’être bien perçue dans le pays. Avec leur obsession sécuritaire, les Américains ont quelques peu bousculé les habitudes des Français qui se mélangeaient à la population locale. En effet, « depuis le 11 septembre 2001, nous nous sommes aussitôt engagés dans cette guerre mondiale contre le terrorisme, et avons donné aux Américains tout ce qu'ils voulaient. Mais, jusqu'ici, nous n'avons rien reçu en échange », a expliqué Mahmoud Ali Youssouf, ministre de la coopération internationale58. Il affirme avoir repoussé « comme une insulte » l'offre de parlementaires américains pour une aide

51 Philippe L., 2003, p. 21.52 www.infocrise.org/spip.php?article28, 2002.53 Ouzani Cherif, 2003.54 La France est présente sur ce territoire depuis 1884. D’abord Côte française des Somalis, il devient ensuite Territoire français des Afars et des Issas et enfin République de Djibouti en 1977, à la suite d’un référendum. 55 C’est en 1995, Jacques Chirac, nouveau locataire de l’Élysée, fait du redéploiement des forces françaises à l’étranger, en Afrique en particulier, l’une de ses priorités. La base de Bangui, en Centrafrique est fermée, et le nombre de soldats français à Djibouti est ramené de 3 500 à 2 800 hommes dont la base aérienne 188 (avec un escadron de Mirage 2000), le 5e régiment interarmes d’outre-mer et la 13e demi-brigade de la Légion étrangère. Près d'un tiers des effectifs sont « tournants » pour des missions de courte durée. De deux ans elle est ramenée à quatre mois. Pour Djibouti, le manque à gagner était considérable. C’est dans ce contexte qu’interviennent les attentats u 11 septembre 2001.56 La Lettre de l'océan Indien, Paris, 30 novembre 2002.57 Le président allemand, Johannes Rau, a annulé une visite prévue, mercredi 24 mars 2004, à Djibouti, sur la foi d’informations fournies par les services de sécurités allemands d’un complot formanté par un groupe islamiste visant à l’assassiner.58 «Impoverished Djiboutians See no Payoff for US Presence », in The Los Angeles Times, 23 December 2002.

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de 4 millions de dollars, dont les trois quarts devaient être consacrés au renforcement de la sécurité sur l'aéroport, alors que le pays a de « vrais besoins de base » : nourriture, écoles, routes, santé. C’est aussi avec un « America, America, we want a job ! »59, que des centaines de jeunes se sont présentés devant le bureau de recrutement de l'armée américaine sans beaucoup de succès. A l'abri de murailles de terre et de dispositifs de détection, les militaires américains sont inaccessibles, une attitude qui contraste avec la mixité qui a longtemps prévalue avec les forces françaises.

II. 2. L’Initiative antiterroriste en Afrique de l’Est

Dans le prolongement de la Task-force, les États-Unis ont mis en place une initiative anti-terroriste pour l’Afrique de l’Est (IAEA) dont le but est de juguler la menace terroriste dans la région. C’est en juin 2003, que le président W. Bush a annoncé la mis en place de cette initiative pour un coût total de 100 millions de dollars au titre de laquelle, les États-Unis apportent leur coopération aux pays de la Corne de l’Afrique en matière de sécurité. Ce programme d’assistance consiste à lutter contre le terrorisme dans plusieurs domaines prioritaires : la sécurité des côtes et des frontières, la formation d'agents de police, d'immigration et de douanes, la sécurité portuaire et aéroportuaire, la création d'une banque de données sur les terroristes, le démantèlement des réseaux financiers des terroristes et enfin, la sensibilisation de la population grâce à des programmes d'enseignement, d'assistance et d'information mise en place par l’USAID. Le mini-sommet qui a réuni le 5 décembre 2002, George W. Bush (USA), Daniel Arap Moï (Kenya) et Mélès Zénawi (Ethiopie) entre dans cette logique. Les attentats de

59 « Amérique, Amérique, nous voulons un emploi ».

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Mombasa en novembre 2002, sont venus renforcer ce dialogue entre les États-Unis et ces pays situés aux abords d’une Somalie, entrée dans le chaos depuis plus d’une quinzaine ans maintenant. En effet, Washington considère la Somalie comme une des bases opérationnelles du réseau d’Oussama Ben-Laden et les groupes qui lui sont associés.

En 1998 déjà, le Kenya apparaissait comme une base importante du réseau Al-Qaïda pour toute la sous-région, alors que ce pays restait un allié stratégique de taille pour Washington60. Depuis, la nouvelle unité de police antiterroriste a reçu des États-Unis une formation et du matériel pour enquêter sur les actes terroristes et à y faire face. En outre, le 13 novembre 2003, les aéroports internationaux de Mombassa, Daniel-Arap Moï et de Nairobi (Jomo Kenyatta et Wilson) ont été équipés de systèmes de sécurité ultramoderne offerts par les Américains dans le cadre de l’opération Safe Skies for Africa (un ciel plus sûre pour l’Afrique)61. Six autres pays du continent étaient pressentis pour recevoir un équipement similaire.

II. 3. L’Initiative pan-Sahel

Dans le nouveau redéploiement stratégique, l'Afrique occidentale et du Nord ne sont pas en reste. Depuis le 11 septembre, l’European Command (EUCOM) basée à Stuttgart en Allemagne avec ses 115 000 hommes, qui a la charge des opérations militaires sur le Vieux continent, mais aussi sur Afrique et sur une partie du Moyen-Orient, a accru ses activités de veille sur l’Afrique subsaharienne et les pays du Maghreb (Maroc et Algérie, nomment). En effet, pour le commandement militaire américain, tout secteur non contrôlé pourrait servir d’asile potentiel aux terroristes. Les vastes terres du Sahara, de la Mauritanie à l'Ouest au Soudan à l'Est, qui ont été des itinéraires de contrebande depuis des siècles, peuvent aussi être des secteurs de choix pour des groupes terroristes. Ainsi, selon le général James L. Jones, commandant en chef de l’EUCOM « nous allons devoir aller où les terroristes sont » (…) « une armada maritime alliée dans la Méditerranée avait forcé les contrebandiers internationaux de drogue, les trafiquants d'armes, les extrémistes islamistes et autres terroristes du sud à se tourner vers les itinéraires sur terre par l'Afrique. Les pays qui se trouvent dans ce secteur sont des plus pauvres au monde et ont des ressources limitées pour surveiller leurs frontières ou pour patrouiller sur les grandes régions éloignées de leurs intérieurs ». Quant au général Jeffrey B. Köhler de l’armée de l’air « ce que nous ne voulons pas voir en Afrique, c'est un autre Afghanistan, un cancer accroissant au milieu de nulle part».

En effet, le radicalisme l'islamisme qui cherche à s’étendre au Sahel dans « l'arc intégriste », regroupant les pays traversés par le désert du Sahara donne une importance géostratégique à une région déjà instable (Carte 3). La porosité des frontières entre les États, la difficulté naturelle d'organiser une surveillance dans cette zone désertique et accidentée font de cette zone un « lit idéal » pour des groupes fondamentalistes. Cette région pourrait ainsi devenir une base arrière pour des groupes terroristes, à l'image des salafistes algériens mis en cause dans l'enlèvement de touristes dans le sud algérien et des tentatives d’attaques à deux reprises sur le rallye Paris-Dakar. C’est ainsi que les États-Unis ont mis en place un vaste programme pour neuf pays de l’Afrique de l’Ouest et du Nord dénommé Initiative Trans-Saharienne de Lutte Contre le Terrorisme (TSCTI) ou Initiative pan-Sahel (PSI) pour un coût global de 100 millions de dollars US62. Il s’agit de promouvoir la stabilité, sécuriser les frontières, favoriser le développement durable, protéger la santé publique et de lutter contre le trafic de drogue. En effet, la côte ouest-africaine offre une cible particulière, où il faudra « mettre un terme à la pêche illégale, au trafic de drogue et d’armes, ainsi qu’à la traite des personnes »63. Et les États-Unis qui ne tiennent pas à voir cette région stratégique échapper à leur contrôle y augmentent leur surveillance.

60 Depuis des bureaux permanents d’enquêteurs américains et israéliens se sont installés à Nairobi.61 Cet équipement d’une valeur de 750 000 dollars n’a pourtant pas empêché des terroristes de tirer plusieurs missiles contre un Boeing 757 de la compagnie israélienne Arkia, le 28 novembre 2002 à Mombassa.62 Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Nigéria, Algérie, Maroc, Tunisie et Sénégal.63 Janice Jacobs, op. cit. L’Afrique de l’Ouest est devenue en effet en quelques années une véritable plaque tournant de la drogue Sud Américaine vers l’Europe et les États-Unis. 99 % des saisies de drogues sur le continent se sont fait ici, selon l’ONUDIC, basé à Dakar.

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Dans les cinq à sept ans à venir, le Pentagone entendent investir 600 millions de dollars dans ce « partenariat contre le terrorisme transsaharien ». Car ces grands espaces mal gouvernés « sont devenus attrayants pour les groupes terroristes qui se voient privés de plus en plus de leurs sanctuaires en Afghanistan et au Moyen-Orient », estime le général James L. Jones qui considère les pays du pourtour saharien comme « un terrain de recrutement favorable et prédisposé à l'influence terroriste et à d'autres activités de déstabilisation ». Les analystes américains citent le plus souvent l'activisme régional du GSPC dernier groupe islamiste armé algérien encore en activité. Le GSPC s'est signalé en 2003 en enlevant 32 touristes européens dans le Sahara algérien. Depuis, ses activités terroristes se sont régulièrement accrues en Algérie, pour s’étendre au-delà, notamment au nord du Mali64.

Ainsi, le Sahel préoccupe effectivement les autorités américaines. C’est pourquoi ils ont mis en œuvre un nouveau programme. Selon le Pentagone, quatre pays de la région, le Tchad, le Niger, le Mali et la Mauritanie, sont plus particulièrement exposés à ces « pénétrations terroristes » en raison de leurs frontières communes avec des États comme l'Algérie, la Libye ou le Soudan. Mis sur pied par le département d'État, mais exécuté par le ministère de la défense et par des civils sous contrat, ce programme doit aider les pays de la région à protéger leurs frontières et à contrôler les mouvements de personnes, à combattre le terrorisme et à accroître la stabilité régionale. La PSI comporte aussi une partie de formation et d'appui de 60 jours pour renforcer les aptitudes professionnelles des forces de police et de sécurité, la sécurité des aéroports et les procédures d'immigration et de douane. Les unités sélectionnées bénéficient d'un équipement assez complet : camionnettes tout-terrain, uniformes et casques, groupes électrogènes, citernes à carburant, matériel de communication et fournitures médicales.

En effet, le nord du Mali inquiète États-Unis vue les évolutions de la situation dans cette zone désertique, où s'entremêlent islamisme armé, agitation touareg et trafics de toutes sortes se disputent le contrôle des routes transsahariennes de la lucrative contrebande de cigarettes, de drogues et d'armes. En janvier 2000, devant des menaces imputées aux terroristes algériens du GSPC, les organisateurs du rallye automobile Paris-Dakar avaient été contraints de supprimer l'étape du Niger du parcours et les concurrents avaient été transportés par avion vers la Libye, à la suite d'informations selon lesquelles les extrémistes islamiques basés au Niger prévoyaient de lancer une attaque terroriste. La course s'était déroulée sans incident sur un itinéraire de 11 000 kilomètres passant par la Libye, l'Égypte, le

64 Mais la loi sur la concorde civile prônée par le Président Bouteflika et la mort des principaux émirs du Djihad algérien, ce mouvement est en perte de vitesse.

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Burkina Faso, le Mali, jusqu’au Sénégal65. Le gouvernement malien a accueilli favorablement l'idée d'un renforcement de ses frontières nord avec l’Algérie66, alors que le Mali est lié par un accord de sécurité sur ses frontières avec le Niger, l'Algérie et la Mauritanie, mais le manque de ressources en réduit l'efficacité. Ainsi, plus de deux cents officiers ont participé à ces cours aussi bien au Mali qu’aux Etats-Unis. Ils concernent des domaines tels que les contre-mesures face aux explosions accidentelles, la gestion de cas sérieux, la sécurité aéroportuaire et les stratégies et tactiques anti-terroristes. Les fonctionnaires maliens d’application de loi ont déjà participé ou participeront aux programmes de formation sponsorisés par les États-Unis au cours de l’année 2007. Dans ce cadre aussi, une délégation composée de 14 officiers supérieurs de l’École de guerre de l’armée de l’air américaine basée à Montgomery, dans l’État de Géorgie conduite par son commandant, le Général de brigade Stephen J. Miller, a effectué une visite dans la région en mars 2007 après un passage à Dakar.

Mais pour les États-Unis, le Sahara ne constitue pas uniquement une zone de « containment », à l'image de la politique anti-soviétique en vigueur à l'époque de la Guerre froide. Il représente également une importance économique, notamment avec ses richesses minières et pétrolières. La présence renforcée d'officiers et de militaires américains dans la région, notamment au Sénégal au Mali et en Algérie confirme cette nouvelle orientation. Les raisons avancées aussi sont de couper toute velléité contestataire issue d'une lecture radicale du Coran. C’est dans ce cadre que les chefs d’État major des armées de six pays du Maghreb et du Sahel ont été reçus en coopération sécuritaire au quartier général de l’EUCOM (European Command). Selon le général William E. « Kip » Ward, ex-commandant en second des Forces américaines en Europe et actuel commandant de l’AFRICOM, les États-Unis sont prêts à « réagir de manière plus déterminée à tous les dangers dans la sous-région »67.

II. 5. Un commandement pour l’Afrique (AFRICOM)

Jusque là, les forces américaines à l’étranger relèvent de cinq commandements différents suivant les régions du monde à couvrir (Carte 4)68. La responsabilité de l'Afrique est partagée entre trois commandements régionaux : le commandement central (CENTCOM), le commandement Pacifique (PACOM) et le commandement Europe (EUCOM). Pour mieux structurer leur présence sur le continent face à la menace terroriste, aujourd’hui les États-Unis décident d’y créer un nouveau commandement baptisée AFRICOM (Commandement Afrique). Annoncé en février 2007 par le Président Gorges W. Bush, l’AFRICOM vient s’ajouter aux cinq autres commandements régionaux du Département de la défense. Avec l’AFRICOM, Washington opère une union de ses activités militaires sur le continent africain. Pour les autorités américaines, l'AFRICOM a pour but de permettre une meilleure harmonisation de leurs programmes de sécurité et de développement sur le continent. L’AFRICOM agira dans 52 États sur les 53 que compte le continent (Carte 4)69. Ce nouveau commandement verra le jour à partir d’octobre 2008, avec le redéploiement des activités militaires et sécuritaires des États-Unis dans le monde. Si officiellement l’opération vise à « assurer un environnement stable pour le développement économique et social » sur le continent africain, il semble comporter d’autres objectifs inavoués.

En effet, dans les plans de bataille des stratèges américains c’est désormais l’ensemble du continent qui est pris en compte. Ainsi, le Pentagone chercherait à établir d'autres bases dans d’autres pays africains. Cette question figurerait dans l'agenda du président Bush lors de sa tournée africaine en juillet 2003. Il était prévu de faire du Sénégal une base de ravitaillement au même titre que l'Ouganda. Même si l’option retenue ne semblait pas aller vers une présence militaire

65 Cette année aussi se sont ces présumés groupes de bandits qui auraient obligé de supprimer deux étapes du Dakar entre le Niger et le Burkina, en janvier 2003.66 Des patrouilles mixtes composées de commandos américains et de soldats maliens sont même à l’œuvre dans cette région.67 Déclaration faite le jeudi 20 juillet 2006, à la résidence de l’ambassadeur des USA à Dakar, à l’occasion de la réception offerte en son honneur.68 EUCOM (Europe) ; CENTCOM (Asie centrale et Moyen-Orient) ; PACOM (Pacifique) ; LANTCOM (Atlantique) ; SOCOM (Sud-Amérique Latine) auxquels s’ajoute le commandement continental, CONUS.69 Seule l’Égypte n’en fera pas partie, qui restera liée au CENTCOM.

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permanente, l’implantation de centres périodiques de formation était fortement envisagée au Mali et en Algérie70. Selon le plan arrêté dans un premier temps par le commandement américain, les troupes resteront maintenues en Europe mais elles tourneront plus fréquemment dans des camps ou des terrains d'aviation en Afrique, tandis que les marines passeront plus de temps à naviguer sur les côtes africaines. En outre, une étude réalisée par James Carafano et Nile Gardine pour le compte de Heritage Fundation71 intitulé « l’assistance militaire américaine à l’Afrique : la meilleure solution », recommande aux États-Unis à créer deux bases militaires au Maroc et en Tunisie où seraient pré-positionnés des troupes et des équipements. Ce qui permettrait aux forces américaines d’intervenir rapidement, en cas de besoin, en n’importe quel point du continent.

Pour le porte parole de l’AFRICOM, Ryan Henry, qui reprend les propos du secrétaire d’État à la défense, Robert Gates, l’ancien dispositif était « désuet, datant de l’époque de la guerre froide ». L’objectif était alors de lutter contre l’expansion du communisme. Selon Brian Lai, professeur de sciences politiques à l’Université de Iowa, la raison principale de ce déploiement américain en Africain aujourd’hui est liée à la dissuasion de l’installation de foyers terroristes sur le continent72. Selon ce dernier, « Washington ne cherche pas à dominer les marchés africains » il s’agit plutôt de remédier à « la négligence historique des États-Unis quant à l’Afrique ». Une autre des raisons évoquées réside dans la surcharge engendrée par les guerres d’Irak et d’Afghanistan pour le CENTCOM. Ainsi, selon Laurent Ploch, analyste des affaires africaines au Service de recherche du Congres « certains africains s’inquiètent de cette restructuration, pensant que cela signifie une volonté néocolonialiste de dominer militairement la région », tandis que pour J. Peter Pham, journaliste pour la World Défense Review, « l’AFRICOM va nécessairement obliger un changement radical dans les doctrines et conventions, non seulement à l’intérieur des différentes branches des forces armées, mais aussi entre le agences gouvernementales ».

Pour répondre aux inquiétudes de la communauté internationale, le porte-parole de l’AFRICOM confirme que plusieurs pays européens, en particulier la France -très présente en Afrique- ont été consultés au sujet du rôle de ce nouveau commandement. Par ailleurs, les analystes américains accordent une attention particulière à la présence grandissante de la Chine sur le continent73. C’est ainsi qu’au début du mois d’octobre 2007, le général William E. Ward, commandant de l’AFRICOM, appelait à l’harmonisation des offres avec « ceux qui exercent des activités sur le continent, incluant les chinois, lorsqu’ils ont les meilleurs intentions envers les Africains ». Quant à Theresa Whelan, assistante adjointe du

70 L’armée américaine présente au Mali apporte un coup de main à l’armée algérienne sur le terrain dans le sud de ce pays.71 Centre d’analyse proche des Républicains.72 Crow C. et Gerbet T., 2007, p.11.73 La Chine a fait don le 4 décembre 2007 à l`armée sénégalaise d`un lot de matériel militaire d`une valeur totale de 1,5 million d`euros, et a signé un accord pour un futur don équivalent.

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Secrétaire à la défense aux affaires africaines, elle résume la nouvelle mentalité américaine : « on voudrait se servir des leçons apprises durant les 15 dernières années en Afrique, dans les Balkans, en Afghanistan et en Irak en ce qui concerne le besoin de travailler plus auprès d’autre agences gouvernementales américaines ».

En outre, si certains pays du continent comme le Libéria demandent à accueillir le siège de ce nouveau Commandement, tel n’est pas le cas pour beaucoup74. Selon John D. Negroponte le Secrétaire d’État Adjoint « les États-Unis n’ont pas l’intention d’installer une base militaire dans le Nord du Mali. Certes, ils sont présents dans cette région, mais c’est uniquement pour former les militaires maliens dans le cadre de la lutte contre le terrorisme » 75. En effet, de nombreux pays du continent courtisés par les Américains pour accueillir ce commandement ont montrés peu enthousiasme, voire s’y sont opposés. C’est ainsi qu’en fin août 2007, le ministre sud-africain de la Défense, Mosiuoa Lekota, déclarait devant la presse au Cap que les pays africains sont opposés à l'installation d'un commandement américain sur le continent et que cette décision est celle d’Union Africaine. Telle a était aussi la position des pays membres de la Communauté de Développement de l'Afrique australe (SADC), lors du sommet de Lusaka en Zambie. Selon le ministre Sud-Africain, « s'il y avait un afflux de forces armées dans un ou un autre pays africain, ceci pourrait affecter les relations entre les pays frères et n'encouragerait pas une atmosphère et un sens de sécurité ». Dans le même ordre d’idées, le 3 mars 2007, le ministre d'État algérien chargés des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, déclarait que le territoire algérien n'était « pas concerné par le commandement américain projeté » et que « l'Algérie n'a jamais accepté l'installation de bases étrangères sur son sol, incompatibles avec sa souveraineté et son indépendance ». En mi-juin, le ministère marocain des Affaires étrangères, a son tour démentait les informations selon lesquelles son pays aurait proposé d'abriter le commandement régional américain. Enfin, des pays du Maghreb, tels que l'Algérie et la Libye, ont clairement exprimé le souhait de ne pas voir une telle installation dans leurs voisinages76.

En effet, une telle initiative a entraîné des soupçons et fait naître une inquiétude parmi les pays africains vis-à-vis des motifs réels du gouvernement américain. Pour certains analystes, la véritable intention des Américains serait le souci de mieux protéger leurs intérêts en Afrique, notamment les ressources énergétiques, du fait que le continent est devenu en 2006 la première source énergétique des États-Unis, représentant 22 % des importations pétrolières de ces derniers, selon le Wall Street Journal77. Telle est l’idée avancée par Jeremy Keenan qui accuse Washington d'inventer la menace pour « s'assurer l'Afrique » et l'accès à ses ressources naturelles. Selon ce dernier, « en créant cette affaire terroriste, les Américains créent les conditions de la militarisation de l'Afrique ». Ainsi, l'armée américaine amplifie délibérément la menace terroriste pour obtenir les moyens de son activisme dans la région. Mais selon le général William Ward tout nouveau commandant désigné pour l’AFRICOM : « nous n'exagérons, ni ne minimisons ce qui se passe »78.

CONCLUSION

En faisant une brève analyse des enjeux stratégiques régionaux, l’Afrique est devenue en quelques années source de préoccupation majeure pour Washington. En effet, depuis les attentats survenus au Kenya et en Tanzanie en 1998, les États-Unis craignant que le continent africain ne devienne un sanctuaire pour le terrorisme international, notamment dans sa partie orientale et sahélienne, y ont accru leur présence militaire.

Mais, outre la volonté affichée de lutter contre le terrorisme international, l’objectif inavoué de ce déploiement serait d’avoir une mainmise sur les ressources 74 Une requête a été faite dans ce sens à l'occasion de la signature, à Monrovia, entre les deux pays, d'un accord d’échanges, de soutien logistique et de fournitures de services militaires. Les États-Unis se sont engagés à mobiliser quelque 200 millions de dollars US pour reformer le secteur libérien de la sécurité et équiper la nouvelle armée du Liberia, forte de 2000 éléments.75 Déclaration faite en novembre 2007 à Bamako lors de la 4e Conférence de la Communauté des démocraties <http://www.africanglobalnews.com/article1860.html>.76 La Guinée Equatoriale serait aux dernières nouvelles choisie pour accueillir ce commandement.77 Xinhua, 2007; « Soupçons sur les motifs réels américains », in Jeune Afrique, mardi 18 Sep 2007.78 Mark Trevelyan – Reuters WebNews, Jeudi 16 Novembre 2006.

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pétrolières du continent compte tenu des incertitudes qui pèsent sur les réserves du Moyen-Orient. Ainsi, au-delà de la question purement sécuritaire, le gouvernement américain affiche très clairement dans sa nouvelle stratégie, sa volonté de renforcer sa coopération économique avec le continent pour minimiser les incertitudes sur une région en proie à d’interminables conflits. Dans ce sens, les États-Unis établissent des partenariats avec les pays africains et des organisations régionales afin de les aider à se doter des moyens nécessaires à assurer leur sécurité et faire face à des crises humanitaires tout en disposant des capacités nécessaires pour des opérations de maintien de la paix.

C’est compte tenu de tous ces facteurs, tant sur le plan politique, sécuritaire qu’économique, que l’Afrique est arrivée, aujourd’hui, à la croisée des chemins de la nouvelle politique extérieure des États-Unis. Toutefois, il faut faire attention, pour que les mêmes causes ne conduisent aux mêmes effets. En effet, l’implication des États-Unis de par le monde, aussi bien en Amérique Latine qu’au Moyen-Orient a laissé des pages sombres dans l’histoire de ces pays79. C’est toujours au nom de la « sécurité nationale » et/ou de l’instauration de la « démocratie » que les États-Unis ont déstabilisés des régions entières, pendant des années, avec les conséquences que l’on connait.

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