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Migrant percuté par un camion de CRS : l’IGPN a été saisie Migrant percuté par un camion de CRS : l’IGPN a été saisie L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France Note d’analyse Mars 2015

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Migrant percuté par un camion de CRS : l’IGPN a été saisieMigrant percuté par un camion de CRS : l’IGPN a été saisie

L’impact du droit européen sur lesprocédures d’asile en France

Note d’analyse

Mars 2015

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Migrant percuté par un camion de CRS : l’IGPN a été saisieMigrant percuté par un camion de CRS : l’IGPN a été saisieL’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

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Cette note a été réalisée dans le cadre d’un partenariat entre France terre d’asile et leForum Montesquieu de l’université de Bordeaux.

Cette publication est le fruit d’un nouveau type de collaboration entre une structureassociative et un pôle d’expertise universitaire, dans le cadre d’un projet de rechercheclinique. Ce partenariat a été rendu possible par la volonté de France terre d’asile et duForum Montesquieu de développer une action innovante. Cette initiative pédagogique etcitoyenne vise à sensibiliser et former les juristes de demain sur les questions d’asile etd’immigration tout en permettant le partage, le renforcement et la valorisation de réflexionset de l’expertise de professionnels et d’universitaires sur le droit d’asile en France.

Le Forum Montesquieu

Le Forum Montesquieu est un centre d’expertise pour l’innovation sociétale initié par lesenseignants-chercheurs de la faculté de droit et de science politique dans le cadre duprogramme « IdEx » (l’Initiative d’excellence de l’université de Bordeaux). Il met en œuvredes projets qui s’inscrivent dans la mission de service public de l’université, en apportantune nouvelle dynamique dans la diffusion des savoirs au service des citoyens. En son sein,la Clinique du droit développe une nouvelle méthode pédagogique d’enseignement dudroit basée sur la pratique. Elle a donc un double objectif pédagogique et social. Ellefavorise également l’essor d’une démarche citoyenne auprès des étudiants, pour en fairedes acteurs responsables dans la cité, en tissant des liens étroits avec les différents acteurs,qu’ils soient élus ou professionnels, du monde juridique et/ou social.

http://forum-montesquieu.u-bordeaux.fr

France terre d’asile

France terre d’asile, association fondée en 1971, a pour objet le maintien et ledéveloppement de l'asile, une des plus anciennes traditions françaises, et de garantir enFrance l’application de toutes les conventions internationales pertinentes en matière deprotection et de migration.

France terre d’asile héberge et offre un accompagnement adapté aux demandeurs d’asile,aux réfugiés et aux mineurs isolés étrangers en France. Elle prend en charge plus de 5 000personnes chaque jour. L’organisation mène également un travail juridique et politique dedéfense du droit d’asile, des actions d’information, des démarches et interventions auprèsdes institutions et décideurs nationaux et européens du domaine de l’asile et desmigrations. Elle est membre du conseil exécutif du Conseil européen pour les réfugiés etles exilés (ECRE) et a le statut consultatif ECOSOC auprès de l’ONU.

Visitez le site de France terre d’asile pour plus d’information sur nos activités :www.france-terre-asile.org

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Remerciements :

Cette publication a été réalisée par des étudiants en Master de droit de l’université deBordeaux avec le soutien de doctorants et professeurs de l’Université, ainsi que de laresponsable de la Clinique du droit, et des experts de France terre d’asile.

L’équipe de rédaction était composée d’Adrien Chhim, Iolène Correa-Castro, MauraneGardesse, Nedjma Kenadil, Maxime Kheloufi, Christina Ondo, et Robby Pothin, étudiantsen Master 2 de droit international, droit européen, et ingénierie des politiques européennesà l’université de Bordeaux. Ils ont reçu l’appui de Catherine Gauthier, maître de conférencesen droit public, Anne-Marie Tournepiche, professeur de droit international ; Justine Castilloet Silviana Cocan, doctorantes ; Marie Deramat, responsable de la Clinique du droit, OlivierDubos et Benjamin Pelletier, respectivement coordonnateur et directeur exécutif du ForumMontesquieu ; Christophe Harrison, chargé d’information, Hélène Soupios-David, chargéede mission et Matthieu Tardis, responsable du Secrétariat administratif général de Franceterre d’asile.

L’équipe souhaite également adresser ses remerciements aux professionnels ayantaccepté de donner de leur précieux temps pour y contribuer: Pascal Brice, Sandra Fayolle,Pascal Lang, Rachel Morin, Caroline Morin-Terrini et Marie Salord, Office français deprotection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) ; Adeline Claude et Isabelle Dely, Cournational du droit d’asile (CNDA) ; Florence Boreil, Haut-Commissariat pour les Réfugiés ;Jean-François Dubost, Amnesty International ; Hervé Henrion-Stoffel, Commission nationaleconsultative des droits de l'homme ; Christophe Pouly, avocat ; Pascal Revaud, Comède ;Philippe Clément-Bollée, Ferroudja Ibazatene et Alix Piérard, France terre d’asile, ainsi qu’àtoute l’équipe du CADA de Bègles et du SASA de Paris.

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Migrant percuté par un camion de CRS : l’IGPN a été saisieMigrant percuté par un camion de CRS : l’IGPN a été saisie

Un impact mesuré sur l’introduction de la demande d’asile...........7

Le maintien des spécificités institutionnelles..............................................7

L’unicité de l’autorité pour le traitement de la demande d’asile.......................................7

La particularité de la demande d’asile à la frontière...........................................................8

La particularité du placement en rétention administrative................................................9

La consécration de la pratique administrative relative à la vulnérabilité.......10

L’indispensable prise en compte de la vulnérabilité du demandeur d’asile.................10

La difficile identification de la vulnérabilité du demandeur d’asile................................10

Un impact majeur sur l’examen de la demande d’asile................13

La procédure normale.............................................................................13

L’entretien................................................................................................................................13

La présence du tiers à l’entretien....................................................................................................13

L’utilisation du contenu de l’entretien.............................................................................................14

Le recours à un interprète lors de l’entretien.................................................................................15

L’admissibilité de la demande..............................................................................................15

Les spécificités de la procédure accélérée.................................................16

Le placement en procédure accélérée................................................................................16

Le délai d’examen en procédure accélérée.......................................................................17

Le recours suspensif dans la procédure accélérée............................................................18

Le juge unique dans la procédure accélérée.....................................................................19

Sommaire

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

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Migrant percuté par un camion de CRS : l’IGPN a été saisieMigrant percuté par un camion de CRS : l’IGPN a été saisie

« Il allait, muet, pâle et frémissant aux bruits,

Furtif, sans regarder derrière lui,sans trêve,

Sans repos, sans sommeil ; il atteignitla grève

Des mers dans le pays qui fut depuis Assur.

“ Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr.Restons-y. Nous avons du monde

atteint les bornes.” ».1

Les premiers mots de cet extrait de Lalégende des siècles de Victor Hugo, écritdurant une période d’exil, incarnent une desréalités quotidiennes du demandeur d’asile.Les chiffres de la traversée de la Méditerranéetémoignent tristement des obstacles desparcours d’exil. « L’Europe, confrontée à desconflits au sud (Libye), à l’est (Ukraine) et ausud-est (Syrie/Irak) connait actuellement le plusgrand nombre d’arrivées par la mer. Bien quetoutes les personnes ne nécessitent pas l’asile,plus de 207 000 d’entre elles ont traversé laMéditerranée depuis début janvier – presquetrois fois plus que le précédent pic connu, soitenviron 70 000 en 2011 lorsque la guerre civilelibyenne battait son plein. […] Nombreux sontceux qui meurent ou qui sont victimes du crimeinternational organisé en chemin. Dans lemonde entier, le HCR a été informé de 4 272décès cette année. Parmi ces morts, quelques 3419 ont eu lieu en Méditerranée – ce qui rendcet itinéraire le plus meurtrier de tous.2»

Compétence historique et exclusive que lesÉtats tiennent de leur souveraineté, comme entémoigne la référence actuelle au droit d’asiledans la Constitution française du 4 octobre19583 , l’asile ne faisait pas dans un premier

temps l’objet d’une politique commune au seindes Communautés européennes. Parachevantles difficultés liées à la libre circulation despersonnes et à la disparition des frontièresinternes, les pays européens se sont fixés, en1999, lors du Conseil de l’Union européennede Tampere, l’objectif de mettre en place unrégime d’asile européen commun (RAEC)4

dans le but d’éviter la concurrence et ladivergence entre les décisions internes. Lapremière phase d’harmonisation (dit « Premierpaquet asile ») a consisté en l’adoption denormes minimales en matière de qualificationdu statut de réfugié, de procédures d’asile etde conditions d’accueil des demandeurs d’asileet réfugiés. Malgré l’adoption de directives («Qualification », « Accueil » et «Procédures») etde règlements (« Dublin » et «Eurodac»5), lesdisparités entre pays européens ont perduré etperdurent toujours, en grande partie du faitdes différences géographiques, politiques etsocio-économiques des États membres.

À la suite de ce constat, une seconde phased’harmonisation initiée en 2008 a visé à mettreen œuvre une procédure d’asile commune etun statut uniforme dans toutel’Union européenne afin de réduire lesdisparités dans le traitement des demandes.Cette seconde phase a mené à l’adoption denouveaux instruments législatifs et de refontedes instruments existants en matière d’asile.Ces objectifs ont été affirmés dans le

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

4. Cf. Conclusions du Conseil européen de Tampere de 1999 où lamise en place d’un régime commun est évoqué pour la première foisde : http://www.europarl.europa.eu/summits/tam_fr.htm#a

5. Règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaisondes empreintes digitales aux fins de l’application efficace de laconvention de Dublin ; Directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeursd’asile dans les États membres ; Règlement (CE) n° 343/2003 duConseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes dedétermination de l’État membre responsable de l’examen d’une de-mande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressor-tissant d’un pays tiers ; Directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions quedoivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pourpouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pourd’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et rela-tives au contenu de ces statuts ; Directive 2005/85/CE du Conseil du1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant laprocédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Étatsmembres.

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1. HUGO Victor, La légende des siècles, Paris, Michel Lévy frères etHetzel, 1859, 270 p., p. 16. [En ligne]http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86171329/f46.image (consultéle 18 février 2015).

2. Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, « Avecprès de 350 000 boat people en 2014, le HCR appelle à sauver desvies », Articles d’actualité, 10 décembre 2014. [En ligne] http://www.unhcr.fr/54871a45c.html (consulté le 18 février 2015).

3. Alinéa 4 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. [Enligne] http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/les-constitutions-de-la-france/constitution-de-1946-ive-republique.5109.html (consulté le 3mars 2015).

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programme de La Haye en 2004 puisconfirmés par le programme de Stockholmde 2009 dans lequel les États membres sesont engagés à mettre en place un espacecommun de protection et de solidarité basésur des standards de protection élevés maisaussi sur des procédures justes et efficacespermettant de prévenir les abus. Cesobjectifs ont également une base juridiqueplus solide puisqu’ils ont été intégrés, par leTraité de Lisbonne, dans l’article 78 du Traitésur le fonctionnement de l’Unioneuropéenne.

En dépit de ces multiples déclarations, lesnégociations sur le paquet asile proposéespar la Commission européenne en 2008 ontété difficiles et surtout longues. Si lerèglement fondateur du Bureau européend’appui en matière d’asile6 et la refonte de ladirective « qualification »7 ont été adoptés en2010 et 2011 respectivement, la Commissioneuropéenne a dû revoir sa copie sur lesautres textes en raison de l’opposition desÉtats membres, en particulier de la France etde l’Allemagne. Les directives « accueil »8 et« procédures »9 ainsi que les règlements « Dublin »10 et « Eurodac »11 ont finalementété publiés au journal officiel de l’Unioneuropéenne le 26 juin 2013.

En vue de transposer en droit français lesnouvelles dispositions du deuxième « paquetAsile », l’Assemblée nationale a adopté enpremière lecture, avec des modifications, leprojet de loi relatif à la réforme de l’asile le16 décembre 2014.12 L’objet de cette étudeest d’identifier les modalités de latransposition du paquet Asile et d’enapprécier l’influence sur ledit projet de loi.

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

11. Règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et duConseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la com-paraison des empreintes digitales aux fins de l'application efficacedu règlement (UE) no 604/2013 établissant les critères et méca-nismes de détermination de l'État membre responsable de l'exa-men d'une demande de protection internationale introduite dansl'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou unapatride et relatif aux demandes de comparaison avec les donnéesd'Eurodac présentées par les autorités répressives des États mem-bres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement(UE) no 1077/2011 portant création d'une agence européennepour la gestion opérationnelle des systèmes d'information àgrande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de jus-tice (refonte)

12. Ci-après « projet de loi ». Cf. http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0450.asp

6

6. Règlement (UE) no439/2010 du Parlement européen et duConseil du 19 mai 2010 portant création d’un Bureau européend’appui en matière d’asile.

7. Directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditionsque doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatridespour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statutuniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier dela protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte)

8. Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnesdemandant la protection internationale (refonte).

9. Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi etle retrait de la protection internationale (refonte).

10. Règlement (UE) no 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les cri-tères et mécanismes de détermination de l'État membre responsa-ble de l'examen d'une demande de protection internationaleintroduite dans l'un des États membres par un ressortissant de paystiers ou un apatride (refonte)

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Un impact mesuré sur l’introduction de la demande d’asile

Première étape et étape clef du processusde l’asile, l’introduction de la demanded’asile telle qu’elle est envisagée dans leprojet de loi a indiscutablement reçu lesinfluences du droit européen.

Le maintien des spécificités institutionnelles

L’unicité de l’autorité pour letraitement de la demande d’asile

Bien qu’il prévoit une exception auparagraphe 2-b de l’article 4 de la directive «procédures » en ce qui concerne l’autoritéresponsable de l’octroi ou du refus del’autorisation d’entrée sur le territoire, le droiteuropéen exige l’établissement d’uneautorité unique pour le traitement de lademande d’asile (article 4 de la directive«procédures»). Cette disposition semblequelque peu avoir été aménagée pour lesystème français dans la mesure où celui-ciprévoit deux organes ayant descompétences et des missions particulières.

Actuellement la préfecture d’une part etl’Office français de protection des réfugiés etdes apatrides (Ofpra) d’autre part ont chacundes rôles distincts. La réforme prévoit que lapréfecture reste compétente pourl’admission au séjour au titre de l’asile.Premier intervenant dans le processus del’asile, elle est responsable del’enregistrement de la demande (article 12du projet de loi), de la décision deplacement en procédure accélérée danscertains cas et de déterminer si la France estl’État membre responsable pour l’examen dela demande dans le cadre du Règlement dit« Dublin ».

D’autre part, l’Office français de protection

des réfugiés et des apatrides (Ofpra) estquant à lui compétent dans le traitement dela demande. Il représente ce que la directive« procédures » appelle l’« autorité unique ».Or, ladite directive requiert sonindépendance et, même si l’action de l’Ofpraet son professionnalisme ne sont pas remisen cause, il semble toutefois regrettable quele projet de loi ne renforce pas cetteindépendance en le consacrant commeautorité administrative indépendante.

Malgré ce schéma relativement clair,certaines critiques peuvent être apportées,notamment en ce qui concerne le maintiendes compétences de l’autorité administrativedans l’orientation des demandes, enparticulier dans le cas du placement enprocédure accélérée13. La dualité entre lapréfecture et l’Ofpra résulte de la loi n° 93-1027 du 24 août 199314 dite « Loi Pasqua ».Toutefois, dans l’idée de la création d’uneautorité unique, la dévolution de l’ensembledes compétences à l’Ofpra n’exclurait enaucun cas un contrôle a posteriori de lapréfecture pour un motif d’ordre public. Or,avoir deux autorités compétentes peut êtreun frein au souhait, maintes fois réitéré, decélérité de la procédure d’asile. C’estcertainement pour pallier ces critiques quele projet de loi confirme le rôle dévolu àl’Ofpra dans l’examen de toutes lesdemandes d’asile, notamment dans le casdes demandes faites à la frontière. Si leconstat qui peut être dressé est que le droiteuropéen n’a pas entraîné une modificationsubstantielle de la structure administrative au niveau de l’introduction de la demande, il

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

13 Commission nationale consultative des droits de l’homme, Avissur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile, 21 novembre 2014,considérants n° 17 et 18, Journal officiel n° 0005 en date du 7 jan-vier 2015, texte n° 57, p. 7.

14 Loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l’immi-gration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étran-gers en France, NOR : INTX9300081L.

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

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existe une refonte significative quant à lademande d’asile à la frontière.

La particularité de la demande d’asile à la frontière

Comme la demande d’asile ne peut êtreeffectuée que sur le territoire national, sepose la question de la demande en zoned’attente15 (article 43 de la directive«procédures») qui a concerné 1 346demandes enregistrées par l’Ofpra en 2013pour un taux d’admission de 17 %16 .

Le régime de la demande d’asile à lafrontière est fixé par l’article L. 221-1 duCode de l’entrée et du séjour des étrangerset du droit d’asile (CESEDA). Ce systèmes’analyse comme un « premier verrou » àl’examen approfondi de la demande d’asile,puisque conformément à une jurisprudenceclassique du Conseil constitutionnel17, leministère de l’Intérieur se prononce, suite àun avis de l’Ofpra, sur la poursuite ou non dela demande en France suivant le régime dedroit commun. En pratique un « contrôlenégatif » est opéré sans que le fond del’affaire soit examiné18. En d’autres termes ilne s’agit nullement de se prononcer sur lesallégations de persécution invoquées par ledemandeur mais simplement de considérersi la demande est manifestement infondéeou non.

Le projet de loi ne modifie pas le cadremais affine les modalités de contrôle, et parconséquent celles de refus. La compétenceest toujours dévolue au ministre del’Intérieur mais l’avis simple de l’Ofpradevient conforme, excepté dans les casrelatifs aux menaces à l’ordre public (article8 du projet de loi). Cette compétence alorsliée du ministre de l’Intérieur apparaîtcomme une avancée notable.Une autre avancée notable réside dans lefait que, alors que la loi actuelle n’en prévoitpas19, le projet de loi propose de définir troisconditions rédhibitoires empêchantl’examen de toute demande d’asile enFrance : 1) un autre État membre de l’Unioneuropéenne serait compétent, 2) lademande serait irrecevable au sens del’alinéa 3du nouvel article L. 723-10 duCESEDA (demande de réexamen sans faitnouveau) et 3) la demande seraitmanifestement infondée. Sur ce dernierpoint, les débats à l’Assemblée nationale ontapporté un encadrement dans la mesure oùils ont proposé une définition de lademande manifestement infondée20.Cependant, cette définition consacre uneanalyse subjective de la demande,puisqu’elle porte sur la « crédibilité » dudemandeur ou sur les documents qu’il auraiten sa possession avant tout examen approfondi de sa demande. Il est à noter quel’absence de critères explicites ne donnepas aux agents responsables de la décisionun pouvoir d’appréciation illimité dans le

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

19. Le projet de loi sur la réforme de l’asile insère à l’article 8 un ar-ticle L. 213-8-1 après l’article L. 213-8 du CESEDA. Il modifie doncle Livre II du CESEDA qui ne prévoyait pas ces dispositions.

20. Projet de loi relatif à la réforme de l’asile – Article 8.7 disponibleà l’adresse suivante :http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0450.asp « Constitueune demande d’asile manifestement infondée une demande qui,au regard des déclarations faites par l’étranger et des documentsle cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinenceau regard des conditions d’octroi de l’asile ou manifestement dé-pourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de per-sécutions ou d’atteintes graves.».

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15. La zone d’attente est un espace physique existant dans lesports, aéroports et gare, entre le point d’embarquement ou de dé-barquement des personnes et le point de contrôle des personnes.Les personnes peuvent être placées en zone d’attente en cas derefus par l’autorité administrative de l’entrée sur le territoire fran-çais, de demande d’asile faite à la frontière ou lorsque, en transit,l’embarquement vers le pays de destination a été refusé.

16. OFPRA, Rapport d’activité 2013, avril 2014, pp. 68-69.

17. Conseil constitutionnel, 25 février 1992, décision n° 92-307DC, Loi portant modification de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 no-vembre 1945 modifiée relative aux conditions d’entrée et de séjourdes étrangers en France, Recueil, pp. 48 et s., Journal officiel endate du 12 mars 1992, pp. 3003 et s.

18 . Contrairement à la loi belge (article 52, paragraphe 1, de laloi du 15 décembre 1980) ou à la loi luxembourgeoise (article 6,paragraphe 1, de la loi du 5 mai 2006).

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cadre de l’évaluation de la crédibilité au seinde la procédure d’asile mais peut cependantconduire à des pratiques différenciées selonles interprétations. Les observations du HautCommissariat aux réfugiés sur la pratiquedes États «prouve en effet la nécessitéd’adopter une approche structurée afin degarantir la conformité de l’évaluation de lacrédibilité à des principes et critèresadaptés»21.

Si la demande d’asile à la frontière mériteune analyse particulière, il en est de mêmedu placement en rétention administrative surlequel les apports du droit européenméritent d’être soulignés.

La particularité du placement en rétention administrative

Le projet de loi montre qu’un schéma deconstruction identique est suivi dans le cadrede la demande d’asile à la frontière et dansle cadre de la rétention administrative22 desétrangers sollicitant l’asile. Néanmoins,contrairement à la demande d’asile à lafrontière, le placement en rétentionadministrative ne constitue plus un filtre.Régie par les articles 551-1 à 551-3 duCESEDA, le placement en rétentionadministrative implique que la demande soitexaminée intégralement mais dans le cadred’une procédure accélérée (article 9 duprojet de loi) tant sur la recevabilité que surle fond. Placés dans une situation précaire,une amélioration du traitement desdemandeurs et de leur demande est exigéeau vu des dérives européennes existantes.En effet, des jurisprudences récentes de laCour européenne des droits de l’homme ontcondamné des États membres pour violationdes articles de la Convention européennedes droits de l’homme et des libertésfondamentales et, précisément surtout,l’article 3 sur l’interdiction de la torture,l’article 5 sur le droit à la liberté et à la sûretéet l’article 13 sur le droit à un recours

effectif23.

Le projet de loi ne modifie pasl’architecture existante qui tend à serapprocher du modèle opérationnel présentdans le contentieux des obligations dequitter le territoire français : l’autoritéadministrative compétente peut solliciter lemaintien en rétention administrative – sousle contrôle du juge des libertés et de ladétention – et l’Ofpra se prononce suivant laprocédure accélérée (article 9 du projet deloi). Les motifs de placement en rétention quipeuvent être définis par chaque Étatmembre (article 8, paragraphe 3, alinéa 2,de la directive « accueil » et article 15 de ladirective « retour ») ne sont pas modifiés parle projet de loi (article L. 551-1 du CESEDA).Néanmoins un nombre de droits issus desjurisprudences européennes et du Conseild'État24 sont reconnus aux demandeurs.Ainsi, sur la qualité d’examen de sademande, on retrouve l’obligation renforcéed’information et de notification des droits, lapossibilité d’une assignation à résidence, lamesure d’éloignement ne possédant pas laforce exécutoire… Toutefois, contrairementaux obligations fixées par la directive «accueil », le projet de loi ne fixe pas les règlesrelatives aux alternatives au placement enrétention (comme l’assignation à résidencepar exemple). Même si le placement enrétention des demandeurs d’asile neconstitue pas la règle, il semblerait importantde pouvoir préciser ces règles et notamment

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

21. UNHCR, "Au-delà de la preuve. Évaluation de la crédibilité dansles systèmes d'asile européens", mai 2013

22. La rétention administrative est une mesure privative de libertéen vue de l’éloignement des étrangers.

23. CEDH, 5 avril 2011, Rahimi c. Grèce, Req. n° 8687/08 ; CEDH, 7juin 2011, R.U. c. Grèce, Req. n° 2237/08 et CEDH, 2 février 2012,I. M. c. France, Req. n° 9152/09. Cf. aussi OFPRA, Rapport d’activité2013, avril 2014, pp. 68-69.

24. CEDH, 25 juin 1996, Amuur c. France, Req. n° 19776/92, para.43, Rec. CEDH 1996-III ; CJUE, 30 mai 2013, Mehmet Arslan c. Po-licie ČR, Krajské ředitelství policie Ústeckého kraje, odbor cizinecképolicie, C-534/11, para. 56-56, non encore publié au Recueil etConseil d’État, 30 juillet 2014, n° 375430, considérants 8 et 11, pu-blié au Recueil Lebon.

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la notion de « risque de se soustraire » auxobligations (risque de fuite) tel que définidans le CESEDA (article L 551-1).

La consécration de lapratique administrativerelative à la vulnérabilité

Jusqu’alors élément de la pratiqueadministrative, la vulnérabilité devient, sousl’impulsion du droit européen, un élémentconsacré par le projet de loi.

L’indispensable prise en compte de lavulnérabilité du demandeur d’asile

Les « plateformes » sont actuellementresponsables du premier accueil et doiventen outre fournir un accompagnement socialet administratif et orienter les demandeursvers les différentes structures compétentes.Leur rôle principal est d’aider lesdemandeurs à remplir le formulaire dedemande d’asile et à transcrire l’exposé descraintes avec raison de persécution. Trèssouvent, les récits relatent des faits tragiquesqui touchent des personnesparticulièrement fragiles. Si la question de lasuffisance tant des moyens humains etfinanciers que des compétences de cesstructures pour offrir un accueil personnaliséà chaque demandeur se pose, l’examen dela vulnérabilité commence dès l’introductionde la demande d’asile. Pour autant, lesdemandeurs auront-ils la possibilitéd’indiquer leur vulnérabilité sur le formulaireau moment de l’introduction de lademande? Le projet de loi n’apporte pas deréponse sur ce point et il faudra attendrel’adoption des mesures réglementairescomplétant le dispositif.

Force est de constater que la prise encompte de la vulnérabilité est un point

central dans le paquet asile puisque lesarticles 15 et 21 de la directive « procédures» y sont consacrés. Le projet de loi atransposé l’obligation de prise en compte dela situation de vulnérabilité du demandeurlors du traitement de sa demande parl’Ofpra (article 7) et de la gestion de sonaccueil par l’Office français de l’immigrationet de l’intégration (Ofii) (article 15). C’est unapport majeur de la réforme.

La difficile identification de lavulnérabilité du demandeur d’asile

Le projet de loi va relativement loin enpermettant à l’Ofpra de prioriser lesdemandes des personnes vulnérables.Cependant, la principale interrogationdemeure les procédés d’identification de lasituation de vulnérabilité. Le gouvernementet les députés ont repris textuellement ausein du nouvel article L. 744-6 du CESEDAune liste non exhaustive de vulnérabilitéspotentielles mises en exergue par ladirective « accueil » (articles 21 et 22) toutcomme l’ont fait les pays européens ayantdéjà transposé la directive (comme parexemple le Luxembourg25 ou le Portugal26).Il s’agit des personnes suivantes : « lesmineurs, les mineurs non accompagnés, leshandicapés, les personnes âgées, lesfemmes enceintes, les parents isolésaccompagnés d’enfants mineurs, les victimesde la traite des êtres humains, les personnesayant des maladies graves, les personnessouffrant de troubles mentaux et lespersonnes qui ont subi des tortures, des viols

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

25. Article 42, paragraphe 3, de la loi luxembourgeoise du 5 mai2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires deprotection, version coordonnée au 25 juin 2013, Memorial en datedu 3 juillet 2013, A-113, pp. 1626-1644.

26. Article 2, paragraphe 1, ag, de la loi portugaise no 26/2014 du5 mai 2014, Diário da República en date du 5 mai 2014, 1.ª série– no 85.

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ou d’autres formes graves de violencepsychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitaleféminine. ». Cependant, a contrario, laBelgique n’a pas considéré commevulnérables les demandeurs d’asile souffrantde troubles mentaux27.

Si les situations de vulnérabilité ne sont pashiérarchisées, il convient d’observer que ladirective « procédures » met en avant deuxcas particuliers : les demandeurs mineurs etles victimes de persécutions liées au genre.Dans cette continuité et dans un esprit decohérence eu égard aux derniersinstruments juridiques ratifiés par la France28,les députés ont accru le champ de laprotection accordée aux demandeursvictimes de persécutions liées au genre ou àl'identité sexuelle et ce même si les principesde Jogjakarta ne sont pas expressémentmentionnés29.

Cependant, contrairement à l’objectifd’unification prévu par la directive, la Franceapprécie différemment la vulnérabilité de lademande selon le lieu de son dépôt.

En effet ce concept est interprétérestrictivement lors de la demande à lafrontière, puisqu’il ne s’agit que des mineurset des « victime[s] de torture, de viol ou d'uneautre forme grave de violencepsychologique, physique ou sexuelle »(nouvel article L. 221-1, article 8 du projetde loi).

De plus, malgré l’existence de « garantiesprocédurales supplémentaires » accordéesaux demandeurs vulnérables (article 24 dela directive « procédures ») reprises par leprojet de loi (nouvel article L. 723-3, alinéa4), des interrogations sur la viabilité de lamise en œuvre de ces dernières persistent.

Tout d’abord sur les critères d’identificationde la vulnérabilité, la dualité des acteursconcernés, à savoir l’Ofpra et l’Ofii nesimplifie pas la donne. À l’heure actuelle,cette compétence officieuse est à la chargede tous les acteurs, tant institutionnelsqu’associatifs, du système de l’asile. À ce titreet dans un souci d’harmonisation, les décretsd’application sont particulièrement attendus.

Ensuite, comme les missions (accueil etprocédure) peuvent converger, il estquestion de préciser les rapports entre l’Ofiiet l’Ofpra. L’Ofii, qui est chargée d’identifierces vulnérabilités les transmet à l’Ofpra maisce dernier est libre d’en tenir compte.

Enfin la question des moyens humains,techniques et financiers reste un élémentimportant conditionnant une mise en œuvreefficace. En effet, « l’utilisation d’outilsd’identification de la vulnérabilité ne sauraitpallier le manque de moyens dédiés àl’accompagnement et à l’offre de soinsafférents »30.

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

30. Commission nationale consultative des droits de l'homme, «Recommandation n° 29 », Avis sur le projet de loi relatif à la réformede l'asile, 21 novembre 2014, Journal officiel n° 0005 en date du7 janvier 2015, texte n° 57.

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27. Article 1, paragraphe 12, de la loi belge du 15 décembre1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloi-gnement des étrangers, version consolidée au 6 janvier 2015,par l’Office belge des étrangers. [En ligne]https://dofi.ibz.be/sites/dvzoe/FR/Documents/19801215_F.pdf(consulté le 13 février 2015).

28. Article 1, paragraphe 12, de la loi belge du 15 décembre 1980sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignementdes étrangers, version consolidée au 6 janvier 2015, par l’Officebelge des étrangers. [En ligne]https://dofi.ibz.be/sites/dvzoe/FR/Documents/19801215_F.pdf(consulté le 13 février 2015).

29. Article 60 de la Convention du Conseil de l’Europe de 2011sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmeset la violence domestique, STCE n° 210.Ces principes définissent les concepts d’orientation sexuelle oud’identité de genre. Ils appliquent spécifiquement aux personnestransgenres les droits fondamentaux existants (droit à l’égalité,accès à la justice, etc.) ou énoncent des droits particuliers (droit dene pas subir de traitements médicaux forcés par exemple).

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À noter que si les moyens humains etfinanciers sont insuffisants pour apprécier lesvulnérabilités, ils le sont également poursatisfaire à l’objectif d’accueil de tous lesdemandeurs. La directive « accueil » prévoitl’hébergement pour tous les demandeursd’asile qui en font la demande. Cettedisposition est reprise dans le projet de loi(article 15) pour le placement en Centred’accueil pour les demandeurs d’asile(CADA), gérés par des associationssubventionnées par l’État ou par la sociétésemi-publique Adoma. Le rapportd’information sur l’évaluation de la politiqued’accueil des demandeurs d’asile31 indiquequ’au 30 juin 2013, seulement 32% desdemandeurs éligibles à une place en CADAy ont eu accès (soit 23 369 placesdisponibles pour 66 000 demandeursd’asile). Selon ce même rapport « Les deuxautres tiers [des demandeurs d’asile] sont enattente de place, et une partie d’entre eux nesera jamais hébergée dans ce dispositif, carle délai moyen d’obtention d’une place dansles CADA a été de 12 mois en 2013, et atendance à s’allonger ; 15 000 personnesétaient en attente urgente à la fin 2013,contre 12 000 à la fin 2012. ». Au regard deces chiffres, l’objectif d’accueil universel,paraît compromis. Cette situation d’urgencedécrite dans le rapport l’est d’autant pluspour les personnes en situation devulnérabilité et qui, du fait de ce manque demoyens, peuvent se retrouver sans domicile,pendant la période de l’examen de leurdemande d’asile. Ainsi, même si dans l’espritil semblerait que la reconnaissance desvulnérabilités soit une réelle garantie pour ledemandeur, l’absence de moyens financierssuffisants rend cet objectif irréalisable àl’heure actuelle.

Sous l’impulsion du droit européen et del’activisme des associations, le projet de loiapporte une visibilité accrue à la réalitéd’une nécessaire prise en compte de lavulnérabilité du demandeur à toutes lesétapes de la procédure. Si des évolutionssont à noter sur l’introduction de la demanded’asile, il en existe d’autant plus quant àl’examen de la demande d’asile.

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

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31.Rapport d’information sur l’évaluation de la politique d’accueil desdemandeurs d’asile (Information, Jeanine Dubié et Arnaud Richard,10 April 2014) cf. www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1879.asp#P1140_178357

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Un impact majeur sur l’examen de la demanded’asile

Bien que la prise en compte des vulnérabili-tés soit une avancée majeure, l’ambition pre-mière de la réforme de l’asile est la réductiondes délais d’une procédure d’asile « à boutde souffle »32 , dont la durée moyenne est ac-tuellement de 16 mois33 . Le droit européena un impact sur le déroulement de la procé-dure normale mais les changements sontd’autant plus marqués en ce qui concerneles procédures dites « accélérées ».

La procédure normale

L’entretien

La présence du tiers à l’entretien

L’impact du droit européen par le biais del’article 23-3 de la directive « procédures » estparticulièrement significatif dans le projet deloi en ce qui concerne l’autorisation pour undemandeur d’asile d’être assisté pendantl’entretien à l’Ofpra soit par un avocat, soitd’un représentant d’une association de dé-fense des droits des étrangers ou des de-mandeurs d’asile, soit d’un représentantd’une association des droits de l’homme, desfemmes ou des enfants, soit d’un représen-tant d’une association de lutte contre les per-sécutions fondées sur le sexe ou l’orientationsexuelle (article 7 du projet de loi prévoyantun nouvel article L. 723-6)

Cependant, le droit européen laisse unegrande marge de manœuvre quant à l’inter-vention de ce tiers. Ainsi, il est prévu dans leprojet de loi que ledit tiers ne sera autoriséà intervenir qu’à l’issue de l’entretien.

L’article susmentionné est, pour les prati-ciens, un véritable pas en avant. Il s’agit eneffet d’une garantie considérable au béné-fice du demandeur d’asile dans un conten-tieux qui touche directement les droits

fondamentaux. Le principe de transparenceet le principe du contradictoire lors de l’en-tretien individuel se trouvent renforcés. Ceciest particulièrement appréciable dans un do-maine où l’Ofpra bénéficie d’une grandemarge de manœuvre. Il apparaît que la pré-sence d’un tiers à l’entretien devrait certaine-ment inciter l’Ofpra à mieux motiver sesdécisions et offrirait une meilleure garantiedes droits du demandeur lors de l’entretien.Cependant, la présence du tiers à l’entretienest appréciée différemment par les différentsintervenants en matière d’asile.

Pour l’Ofpra, la présence du tiers lors de l’en-tretien n’est pas contestée à condition qu’ilreste en retrait, comme le prévoit le projet deloi34 (Article 7). Le souci principal étant degarantir l’objectivité de l’officier de protec-tion qui pourrait être déstabilisé si le tiersétait autorisé à intervenir et le ferait de façonintempestive.

Cependant, s’il s’agit d’une avancée incon-testable, selon certains professionnels, laprésence d’un avocat en tant que tiers de-vrait être accompagnée par la possibilité debénéficier de l’aide juridictionnelle à cestade de la procédure. N’étant pas prévu àl’heure actuelle, ceci pourrait se révéler dis-criminatoire et favoriser les demandeursd’asile ayant des moyens financiers par rap-port à ceux qui n’en bénéficient pas.

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32.Propos de Manuel Valls, « Il faut réformer un système d’asile àbout de souffle », Le Monde, 4 mai 2013. Article disponible àl’adresse suivante:http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/05/04/manuel-valls-i l - f a u t - r e f o rme r - no t re - s y s t eme -d - a s i l e - a - bou t - de -souffle_3170996_3224.html

33.Étude d’impact du Projet de loi relatif à la réforme de l’asile, NOR:INTX1412525L, 22 juillet 2014

34. « Au cours de l'entretien, l’avocat ou le représentant de l’asso-ciation peut prendre des notes. À la fin de l’entretien, l’avocat ou lereprésentant de l’association peut, à sa demande, formuler des ob-servations ».

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Il existera néanmoins pour les demandeursd’asile la possibilité de se faire accompagnerpar un représentant associatif (la directive «procédures » parle de « conseillers reconnusen tant que tel ou autorisé à cette fin en vertudu droit national »). Cependant, ni ladirective, ni le projet de loi ne définissent lescompétences de ces conseillers/re-présentants. Les modalités d’habilitation desorganismes pouvant exercer ce rôle serontfixées par décret.

Il faut noter qu’un amendement a étéadopté par l’assemblée nationale qui prévoitde faire une expérimentation de ce systèmedans les régions Île-de-France et Rhône-Alpes. L’Ofpra, dont le directeur général esten effet chargé dans le projet de loi de fixerles modalités d’organisation de l’entretien,prévoit de conduire une formation entre lesofficiers de protection, les avocats et lesintervenants faisant partie d’associationspour améliorer et mieux organiser lesconditions d’entretien pour le demandeur.Cette expérimentation est d’autant plusattendue que la France était la dernière àaccepter cette éventualité. D’autres Étatsmembres comme l’Italie ou la Grèce dont leslégislations en matière d’asile sont nettementplus contestables, prévoient déjà laprésence du tiers à l’entretien. Même, danscertains pays comme l’Espagne, lefinancement du tiers en question est prévutandis que le législateur français n’a pasencore ouvert l’aide juridictionnelle ou dotéles associations de nouveaux moyens pourpermettre la présence du tiers à ce stade dela procédure.

L’utilisation du contenu de l’entretien

L’article 17 de la directive « procédures »,repris par le projet de loi à l’article 7, stipuleque le compte rendu de l’entretien est unepièce essentielle du dossier. Ainsi, pour

chaque entretien, la directive prévoit que lesÉtats doivent établir un rapport « détaillé etfactuel » ou une transcription (article 17.1) etpeuvent également y ajouter unenregistrement audio voire audiovisuel(article 17.2). Quant au projet de loi, ilprévoit que l’entretien fera l’objet d’unetranscription, sans en préciser toutefois laforme35 , versée au dossier du demandeurd’asile et adressée à celui-ci avant la prise dedécision de l’Ofpra. Ceci montre uneévolution par rapport à l’ancienne procédurequi prévoyait la réception de la transcriptionen même temps que le demandeur d’asilerecevait la décision de l’Ofpra36 .

Selon la directive, avant qu’une décision nesoit prise, le demandeur doit avoir lapossibilité de faire des commentaires et/oud’apporter des précisions, oralement et/oupar écrit, concernant toute erreur detraduction ou tout malentendu dans lerapport ou la transcription. Il doit ensuiteconfirmer que le contenu du rapport ou dela transcription reflète correctementl’audition (article 17.3). Cependant, le projetde loi ne se prononce pas sur ces points. S’ilmentionne la possibilité de consulter latranscription avant la prise de décision, iln’indique pas les éventuelles possibilités demodifications ou contestations. En l’étatactuel des choses, ceci atténue l’importancede cette évolution pourtant attendue entermes de garanties procédurales.

La forme de la transcription n’étant pasfixée, l’idée de l’utilisation systématique d’unenregistrement sonore pourrait êtreenvisagée, d’autant que l’oralité occupe

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35. Le projet de loi n’indique pas la forme que doit prendre latranscription de l’entretien mais précise juste les conditions d’accèsà l’enregistrement sonore de l’entretien pour le demandeur d’asile,dans le cas où son entretien aurait été retranscrit et enregistré.

36. Ceci reste cependant le cas pour les demandes examinées enprocédure accélérées, qui n’auront accès à la retranscription qu’aumoment de la communication de la décision.

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d’ores et déjà une place centrale dans lecontentieux de l’asile.

Le recours à un interprète lors del’entretien

La plupart du temps, les personnesconvoquées pour l’entretien ne maîtrisentpas la langue française et la présence d’uninterprète est nécessaire. Sur cette question,la Cour européenne des droits de l’homme,considère dans sa jurisprudence Baytarcontre Turquie37 que « l’assistance d’uninterprète (tout comme celle de l’avocat) doitêtre garantie tout au long de la procédure etnon seulement au stade du jugement. Elleaffirme aussi que sans assistance d’interprètel’individu n’est pas en mesure decomprendre pleinement les conséquencesde sa situation ».

En pratique il existe un système de marchépublic entre l’Ofpra et la Cour nationale dudroit d’asile (CNDA). Ainsi les interprètessont sur une liste selon les languesdemandées et peuvent être appelés commeinterprète devant l’Ofpra ou/et la CNDA.L’Ofpra et la CNDA assurent la présence d’uninterprète dans la langue déclarée dans leformulaire de demande d’asile ou dans unelangue que le demandeur est supposécomprendre. Cependant, l’interprète étant leseul qui maîtrise les deux langues parléeslors de l’entretien, si des erreurs sontcommises, ni le demandeur d’asile, nil’officier de protection ne peuvent s’enrendre compte. La garantie de la qualité etde la disponibilité des interprètes est doncfondamentale. L’est tout autant la possibilitépour le demandeur d’asile d’apporter desprécisions/corrections sur la transcription desa demande à l’issue de l’entretien.

L’admissibilité de la demande

Le traitement de toutes les demandes bienou mal fondées doit garantir un examenjuste et efficace. Le projet de loi, dans l’espritde la directive « procédures » vise à réduireles délais de traitement des demandesd’asile, et reprend donc les dispositionsrelatives à l’examen d’admissibilité de lademande d’asile.

Premièrement, l’irrecevabilité est prévuepar les articles 33 et 34 de la directive «procédures »38 et repris à l’article 7 du projetde loi (nouvel article L 723-10). Ce dernierprécise trois cas d’irrecevabilité : 1) en cas dedemande de réexamen ne reposant suraucun fait nouveau ; 2) le demandeurbénéficie de la protection internationaledans un autre Etat membre et 3) ledemandeur bénéficie d’une protectioneffective dans un État tiers. En contrepartie,le demandeur a la possibilité de présenterdes observations sur l’application du motifd’irrecevabilité. On peut s’interroger sur laquestion des observations et notamment surleur preuve. On constate que cetteprocédure vise à éviter les examensmultiples, toutefois l’État peut faire jouer sasouveraineté et tout de même procéder àl’examen.

Deuxièmement, la clôture de la demanden’est pas prévue explicitement par ladirective « procédures ». L’article 28 du texteprévoit les principes mais pas les modalitésde mise en œuvre qui sont laissées à la libreappréciation des États. Concernant la

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

37. CEDH, 14 octobre 2014, Baytar c. Turquie, Requêten° 45440/04.

38. Article 33 : « Outre les cas dans lesquels une demande n’est pasexaminée en application du règlement (UE) n° 604/2013 (« DublinIII »), les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le deman-deur remplit les conditions requises pour prétendre à une protec-tion internationale en application de la directive 2011/95/UE,lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu duprésent article ».

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possibilité de clôturer la demande en cas derenonciation ou de retrait de celle-ci, lenouvel article L. 723-11 consacrerait lathéorie de la renonciation implicite. Même sile retrait de la demande peut être fait par ledemandeur, les motifs relatifs à larenonciation semblent plutôt être laissés à ladisposition de l’Ofpra. Il s’agit là certes debonne gestion administrative visantprincipalement les « dossiers fantômes » enattente devant l’office, mais également desdossiers où le demandeur refuse de fournirdes informations essentielles (prévues aunouvel article L. 723-4 du CESEDA). Malgrétout le futur article L. 723-12 du CESEDAgarantirait au demandeur la possibilité deréouverture de l’examen au même stade, s’ilen fait la demande ou s’il dépose unenouvelle demande.

Ces nouveaux outils, qui s’inscrivent dansl’idée de chance unique, semblentclairement voués à permettre à l’Ofpra d’êtreplus effectif et également plus rapide.Toutefois il ne s’agit pas des seuls moyensprévus par le droit européen et le droitnational pour accroître la célérité del’examen des demandes, quitte à créer defacto une procédure « secondaire ».

Les spécificités de laprocédure accélérée

Une nouvelle procédure accélérée, quiremplace l’actuelle procédure prioritaire,sera mise en œuvre par ou sous le contrôlede l’Ofpra dont les moyens ont été accruspour être en mesure d’assurer un traitementplus rapide des demandes d’asile. En cas derecours contre la décision de l’Ofpra, laCNDA examinera l’affaire en formation dejuge unique. Les procédures contentieusessont également revues, notamment avecl’étendue du recours suspensif contre lesdécisions de rejet de la demande d’asile par

l’Ofpra et la CNDA dans le cadre de laprocédure accélérée. Le délai de jugementen procédure normale par la CNDA, qui voitson rôle de juge de l’asile réaffirmé, est enprincipe fixé à cinq mois.

Le placement en procédureaccélérée

La procédure accélérée vient se substituerà l’actuelle procédure prioritaire quiregroupe trois hypothèses. Le projet deréforme de l’asile va venir augmenter lenombre d’hypothèses. Ainsi, pour placer unepersonne en procédure accélérée, il faut quela personne entre dans un des dix cas prévuspar la directive (article 31 paragraphe 8 dela directive « procédures »). La réforme metaussi en place une nouvelle répartition desresponsabilités entre la préfecture et l’Ofpradans le placement en procédure accélérée.Cette liste, bien qu’augmentée, a donc poureffet de limiter le pouvoir d’appréciation dela préfecture, qui jusqu’alors se basait sur leconcept de « demande frauduleuse etabusive » dont l’interprétation est trèssubjective, voire arbitraire.

Dans le projet de loi, la procédureaccélérée est consacrée à l’article L723-2 etse décompose en trois catégories.

La première concerne les cas où l’Ofprastatue directement en procédure accélérée,lorsque le demandeur provient d’un pays sûrou lorsque le demandeur a présenté unedemande de réexamen qui n’est pasirrecevable. Il est à noter que la notion depays d’origine sûrs a été introduite en 2003en droit français. La liste des pays d’originesûrs, établie par le Conseil d’administrationde l’Ofpra, pose problème car elle n’est pasla même pour tous les pays de l’Unioneuropéenne, qui n’ont jamais réussi à semettre d’accord sur une liste commune,laissant par-là entrevoir le fait de possibles

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

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considérations politiques propres à chaqueÉtat. Les ajouts de pays sur cette liste fontrégulièrement l’objet de recours, notammentportés par des associations39 , devant leConseil d’État. Ce concept de « paysd’origine sûr » est prévu à l’article 36 de ladirective « procédures » mais son applicationest subordonnée aux règles fixées par ledroit national.

La deuxième est la possibilité pour l’Ofprade statuer en procédure accélérée de sapropre initiative. Cela concerne trois cas : 1)le demandeur présente de faux documentsafin d’induire en erreur les autorités ou deprésenter des demandes d’asile sous desidentités différentes ; 2) le demandeursoulève des questions sans pertinence auregard de la demande de protection et 3) ledemandeur fait des déclarationsmanifestement incohérentes etcontradictoires relatives au pays d’origine.

La troisième catégorie renvoie àl’hypothèse où l’autorité administrative encharge de l’enregistrement de la demanded’asile (la préfecture) constate : 1) que ledemandeur refuse de se conformer àl’obligation de donner ses empreintes ; 2)qu’il présente de faux de documents aumoment de l’enregistrement afin d’induireen erreur l’autorité ; 3) que le demandeur,sans raison valable, n’a pas présenté sademande dans le délai de cent vingt jours àcompter de son entrée en France ; 4) que ledemandeur présente une demandeuniquement pour faire échec à une mesured’éloignement ou 5) que la présence dudemandeur constitue une menace gravepour l’ordre public, la sécurité publique oula sûreté de l’Etat.

Même si le demandeur entre dans un desdix cas, la procédure accélérée ne peut êtremise en œuvre à l’égard d’un mineur nonaccompagné. Aussi, si l’Ofpra considère que

des garanties procédurales particulièresdoivent être mises en œuvre, il peut déciderde ne pas statuer en procédure accélérée(article L723-3 du CESEDA tel que modifiépar le projet de loi).

L’accroissement des critères de placementen procédure accélérée risque de voir uneaugmentation du recours à celle-ci audétriment de la procédure normale.

Le délai d’examen en procédureaccélérée

La réduction des délais d’examen de lademande d’asile est un objectif poursuiviaussi bien au niveau européen qu’au niveaufrançais. La réforme de l’asile en Franceposait alors comme objectif théorique deréduire les délais d’examen en procédureaccélérée à trois mois. Cette volonté louablese justifie pleinement au regard du poidsque peut représenter la procédure pour lesdemandeurs d’asile. Une réponse rapidemettrait fin le plus vite possible à la situationprécaire dans laquelle ils se trouvent.

Mais un tel objectif soulève des problèmestrès pratiques. D’abord, parvenir à ce délaitrès court implique la mise à disposition demoyens conséquents pour les autoritéschargées de l’examen de la demande, quece soit l’Ofpra ou la CNDA. S’ajoute à cela, ladifficulté causée par le nombre important dedemandes. Il faut donc donner les moyenshumains et matériels nécessaires pourparvenir à ces nouveaux objectifs.

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

39. Cf Décision nos 375474, 375920 du 10 octobre 2014 duConseil d'Etat relative à la demande d’annulation de l’inscrip-tion du Kosovo, de la Géorgie et de l’Albanie présentée pourles association ELENA, ACAT, FASTI, Amnesty InternationalFrance, GISTI, Dom’Asile, ADDE, Ligue des droits de l’homme,l’association d’accueil aux médecins et personnels de santés ré-fugiés en France, JRS France – Service Jésuite des Réfugiés, leCentre Primo Levi, France Terre d’Asile, la Cimade et Forum ré-fugiés –Cosi, http://arianeinternet.conseil-etat.fr/arianeinter-net/getdoc.asp?id=201990&fonds=DCE&item=1

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Migrant percuté par un camion de CRS : l’IGPN a été saisieMigrant percuté par un camion de CRS : l’IGPN a été saisie

De manière concomitante, il faut aussiprendre en compte toutes lesproblématiques liées à la traduction. Laréduction des délais rend plus difficilel’apprentissage du français ce qui vaaugmenter les frais de traduction pour lesassociations qui accompagnent lesdemandeurs d’asile dans la procédure, etnotamment lors de la préparation àl’entretien. Il est en effet essentiel que lesdemandeurs d’asile puissent communiqueravec ceux qui les accompagnent tout aulong de la procédure et la réduction desdélais va venir augmenter un poste dedépenses déjà important, sans que pourl’instant ne soient prévus de moyenssupplémentaires. Cependant, il en va du bondéroulement de la procédure.

Le recours suspensif dans laprocédure accélérée

La généralisation du recours suspensifpour tous les demandeurs d’asile, c’est-à-direle fait que toute procédure d’éloignementsoit suspendue en attendant que la décisionde la CNDA soit rendue, est un élémentessentiel de la réforme de l’asile. La nouvelleprocédure « accélérée » devrait bénéficier decette avancée là où jusqu’alors, ce caractèresuspensif ne jouait que pour les demandesdans le cadre de la procédure « normale » etuniquement devant l’Ofpra pour lesprocédures « prioritaires ».

Cette question a donné lieu à un vrai débatentre les juridictions aussi bien françaisesqu’européennes.

En France, le dernier épisode notoire àpropos du recours suspensif concernait unequestion prioritaire de constitutionnalité(QPC) qui avait été soulevée par undemandeur d’asile, M. Ismaël A.40 , poursavoir si certaines dispositions du CESEDA ,qui ne prévoyaient pas de recours suspensif

devant la CNDA pour les demandeurs d’asileplacés en rétention, étaient conformes à laConstitution. Il y avait un vrai enjeu vis à visdu droit à un recours effectif puisque la QPCsoulevait notamment que les décisions del’Ofpra n’étaient pas des « décisions dejustice puisque l’Ofpra » est non « pas unejuridiction mais un établissement public » etque « la seule voie de recours concernantl’application de la Convention de Genève oude la protection subsidiaire relèveexclusivement de la CNDA ». Finalement, leConseil Constitutionnel, qui s'était déjàprononcé sur la question le 13 août 1993, aconclu à la constitutionnalité de la mesure eta donc confirmé sa position.

La question a aussi soulevé certainesquestions au niveau européen. Pour lecomprendre, il convient de préciser lecontenu de l’article 33 paragraphe 1 de laConvention de Genève de 1951 relative austatut des réfugiés qui pose le principe denon-refoulement du réfugié, principecardinal du droit international des réfugiés.Selon cet article, « Aucun des ÉtatsContractants n’expulsera ou ne refoulera, dequelque manière que ce soit, un réfugié surles frontières des territoires où sa vie ou saliberté serait menacée en raison de sa race,de sa religion, de sa nationalité, de sonappartenance à un certain groupe social oude ses opinions politiques. ». Cettedisposition semble inspirer la Coureuropéenne des droits de l’homme dans sesjurisprudences récentes où elle met enexergue le fait que l’absence de recourssuspensif porte atteinte aux articles de laConvention européenne des droits del’Homme et, en particulier, l’article 3 relatif àl’interdiction de la torture et l’article 13 relatif

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

40. http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-con..cision-n-2011-120-qpc-du-08-avril-2011.95704.html

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au droit à un recours effectif41. Elle ad'ailleurs condamné la France dans l'affaireI. M. contre France du fait de l'absence derecours suspensif. En effet, cela n'empêchaitpas qu'un individu, en l'occurrence unsoudanais, placé en procédure prioritaire etdont la demande d'asile n'avait pas étéacceptée par l'Ofpra, soit renvoyé dans sonpays d'origine, le Soudan, alors qu'il avaitsaisi la CNDA en appel de la décision del'Ofpra et qu'aucune décision définitive sursa situation n'avait été encore prise.

Ces condamnations par la Coureuropéenne des droits de l’homme, lesinjonctions du Haut Commissariat desNations Unies pour les réfugiés et desassociations, ainsi que la volonté de l’Unioneuropéenne d’améliorer sa législation ontdonc conduit à ce que la France généraliseavec la réforme de l’asile, le recourssuspensif devant la CNDA. Cettegénéralisation du recours suspensifconstitue donc une véritable valeur ajoutéede la réforme42.

Le juge unique dans la procédureaccélérée

Au cours des débats sur le projet deréforme, la question de l’adéquation desmoyens mis à disposition de l’Ofpra et de laCNDA au regard de l’objectif de réductiondes délais s’est évidemment posée. Une despropositions du projet de loi est d’avoirrecours à un juge unique pour l’examen desdemandes devant la CNDA lors desprocédures accélérées. Cette réduction dunombre de juges permet ensuite leurréaffectation sur d’autres affaires et accroîtdonc la capacité de traitement des affairespar la CNDA.

Cette solution n’est pas une première maiselle est aussi symptomatique de la surcharged’une juridiction ou d’un organisme. Le juge

unique apporte certaines solutions, maissoulève un certain nombre d’inconvénients.Recourir au juge unique revient à laisser àune seule personne le soin de décider dusort du demandeur d’asile. Les réflexions etles débats que permet une formationcollégiale ne sont plus possibles.

Le juge unique peut donc présenter desrisques au vu de l’importance des décisionsà prendre. La mise en place d’un juge uniques’est fait dans d’autres juridictions,notamment à la Cour européenne des droitsde l’homme, laquelle, face au nombreconsidérable d’affaires à traiter, a du, aussi,recourir au juge unique. Seulement, cerecours au juge unique se limite aux simplesdéclarations d’irrecevabilité des requêtesintroduites. Il ne s’agit nullement d’examinerl’affaire au fond mais simplement d’assurerun filtre pour le prétoire de la Cour.

De plus, à la différence de la CNDA, la Courn’est pas la première juridiction à examinerune affaire qui lui est présentée puisqu’ellene statue qu’une fois toutes les voies de re-cours internes épuisées.

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L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

41. CEDH, 26 avril 2007, Gebremedhin c. France, Req. n° 25389/05; CEDH, 21 janvier 2011, M. S. S. c. Belgique et Grèce, Req. n°30696/09 et CEDH, 2 février 2012, I. M. c. France, Req. n° 9152/09.

42. Il persiste cependant une exception à cette généralisationpuisque le nouvel article L 556-1 alinéa 4 du CESEDA maintient unedistinction entre les demandeurs car le demandeur en centre derétention administrative ne dispose pas de droit d’un recours sus-pensif en cas de saisine de la Cour nationale du droit d’asile.

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Si « le droit d’asile est le miroir de la citoyen-neté »43, il convient d’observer que les garan-ties apportées à l’étude de la requête dudemandeur présentent des contreparties im-portantes44.

On peut observer un impact positif sur denombreux points. Tout d’abord on progressevers une unicité de l’autorité compétentemême si elle semble pour certains encorenon pleinement satisfaisante. Ensuite, laquestion de la vulnérabilité semble au cœurde cette nouvelle procédure et notammentlors de l’entretien. Enfin, l’avancée juridiquenotoire est le caractère désormais suspensifdes recours pour les demandes examinéesselon la procédure accélérée. Cependant, laréalisation de ces objectifs est étroitementconditionnée au contexte de réduction bud-gétaire dans lequel ils se posent.

Le projet de loi s’inscrit dans la voie de l’har-monisation dessinée par le droit européen.Toutefois, pour mesurer pleinement et avecsatisfaction l’impact du droit européen sur lesprocédures d’asile en France, il faut attendrel’application de la loi de réforme de l’asile,l’adoption des mesures règlementaires, lesrebondissements jurisprudentiels qu’elle en-traînera et les retours d’expérience qu’ellecréera.

L’impact du droit européen sur les procédures d’asile en France

43. LE PORS Anicet, « L’actualité du droit d'asile – Nouvelle actionroyaliste », Blog du journal Le Monde, 7 avril 2010. [En ligne]http://anicetlepors.blog.lemonde.fr/2010/04/07/lactualite-du-droit-dasile-nouvelle-action-royaliste-nar-%E2%80%93-7-avril-2010/ (consulté le 18 février 2015).

44. Défenseur des droits, Avis sur le projet de loi relatif à la réformede l’asile, n° 14-10, Paris, La Documentation française, 6 novembre2014, pp. 4 et 28. [En ligne]http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/upload/rap-port-ddd-projet-de-loi-reforme-de-l-asile-2014-11-06.pdf (consultéle 18 février 2015).

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Annexe

PAYS Liste de pays d’origine sûrs (POS) dans 15 pays européens (mars 2015)

Autriche États membres de l’UE – Suisse – Liechtenstein – Norvège – Islande – Australie –Canada – Kosovo – Albanie – Bosnie Herzégovine – Monténégro – Serbie

Alle-magne

États membres de l’UE – Ghana- Sénégal- Serbie-Macédoine (ARYM) - Bosnie-Herzégovine

Belgique Kosovo - Albanie - Bosnie Herzégovine - Monténégro -Serbie – Macédoine(ARYM) - Inde

Bulgarie Notion de POS intégrée à la législation nationale mais dans la pratique pas deliste des pays concernés.

Chypre Notion de POS intégrée à la législation nationale mais dans la pratique pas deliste des pays concernés.

Croatie Pas de liste de pays d’origine sûrs.

France Albanie – Arménie – Bénin - Bosnie-Herzégovine - Cap-Vert – Géorgie – Ghana –Inde – Macédoine (ARYM) –Maurice – Moldavie – Mongolie – Monténégro – Séné-gal – Serbie – Tanzanie

Grèce Notion de POS intégrée à la législation nationale mais dans la pratique pas deliste des pays concernés.

Hongrie Une liste existe mais elle n’est pas publique.

Irlande Croatie-Afrique du Sud

Italie Pas de liste de pays d’origine sûrs.

Pays-Bas Notion de POS intégrée à la législation nationale mais dans la pratique pas deliste des pays concernés.

Pologne Pas de liste de pays d’origine sûrs.

Royaume-Uni

Albanie – Jamaïque – Macédoine (ARYM) – Moldavie – Bolivie – Brésil – Equateur– Afrique du Sud – Ukraine – Inde – Mongolie – Bosnie Herzégovine – Maurice –Monténégro – Pérou – Serbie – Kosovo – Corée du Sud

Pays considérés comme sûrs pour les hommes : Ghana – Nigéria – Gambie –Kenya – Libéria – Malawi – Mali – Sierra Leone

Suède Pas de liste de pays d’origine sûrs.