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UNIVERSITE PAUL VALERY, MONTPELLIER III, U.F.R.I. ______________________________
DEPARTEMENT DE MUSIQUE
L’APPRENTISSAGE DU VIOLON ETAT DES LIEUX ET REFLEXIONS
SUR UNE NOUVELLE PEDAGOGIE
Ecouter – Imiter – Inventer - Lire
Marc CORNELISSEN
Mémoire de maîtrise présenté sous la direction du Professeur Josiane Mas
Juin 2003
2
« L’oreille est le chemin du cœur. »
Voltaire
3
Avant-propos
4
Après avoir terminé mes études spécialisées en enseignement de la musique à
l’Université du Québec à Montréal, au Canada, j’ai obtenu un poste de professeur de
violon dans une école primaire à vocation musicale sur la rive sud de Montréal. J’ai
ainsi mis sur pied plusieurs classes d’enseignement collectif du violon, et pratiqué
l’enseignement de groupe.
Depuis 1992, je travaille en France, dans le département du Gard. J’enseigne le
violon dans une école municipale de musique et dans des écoles associatives. Au sein
d’une institution privée d’enseignement primaire, je dirige aussi des groupes d’élèves
qui apprennent ensemble à jouer du violon. Mon enseignement est donc de type
individuel, (un maître – un élève) et de type collectif.
En m’appuyant sur mon expérience de professeur de violon, je constate qu’en
France, l’enseignement du violon est souvent basé en priorité sur des buts de
performance. Dès le début des études, on exige que l’élève atteigne un très bon niveau
en lecture musicale et en technique instrumentale. Je crois cependant qu’on n’accorde
pas suffisamment d’importance au « jeu à l’oreille » et à la créativité de l’élève.
L’enseignement actuel du violon correspond-il aux attentes de la majorité des
élèves ? La réalité des jeunes change et l’enseignement du violon doit s’adapter à leur
quotidien. Aujourd’hui, en plus de leur travail scolaire, les élèves sont souvent inscrits
à plusieurs activités hebdomadaires. Que ce soit le sport, la danse ou le dessin, des
jeux sur ordinateur, Internet, sans compter les nombreuses heures passées devant
l’écran de télévision, toutes ces activités consomment du temps. Lorsqu’ils ont terminé
leur longue journée à l’école ou au collège, ils doivent encore faire leurs devoirs. Où
trouveront-ils le temps et l’énergie de jouer du violon ? Pour sortir leur instrument de
l’étui, il faut qu’ils soient vraiment motivés. N’est ce pas d’abord pour leur plaisir
qu’ils ont envie d’apprendre à jouer ?
5
Avec sa Méthode Suzuki,1 Shinichi Suzuki a démontré que l’apprentissage de la
musique repose sur les mêmes concepts que l’apprentissage de la langue maternelle :
écouter et imiter. D’autre part, dans son ouvrage essentiel « The teaching of action in
string playing »2, Paul Rolland a prouvé qu’en améliorant les techniques d’acquisition
des bons mouvements pour diminuer les tensions musculaires, on peut accélérer
l’apprentissage du violon. En me basant sur les travaux de grands pédagogues tels que
Maurice Martenot3 et d’Edgar Willems4, il m’a semblé utile d’entamer une réflexion
sur la façon dont on enseigne le violon en général. L’enseignement ne pourrait-il pas
viser à diversifier les compétences de l’élève afin qu’il éprouve plus de plaisir à
apprendre et qu’il soit ainsi plus motivé ? Pour être solidaire du développement
harmonieux du violoniste débutant, ne devrions-nous pas chercher à intégrer plus de
jeu et de créativité dans notre enseignement ?
Afin de comprendre la réalité actuelle de l’enseignement du violon, j’ai
interviewé des collègues : professeurs de violon travaillant au conservatoire et dans
des écoles de musique, ainsi que des formateurs en musique traditionnelle.
Conscient de l’importante littérature anglophone sur la pédagogie du violon et
ayant de la difficulté à trouver cette documentation en France, je me suis déplacé à
l’Université McGill à Montréal. La bibliothèque de musique de cette vénérable
institution conserve une imposante documentation sur la pédagogie musicale anglo-
américaine.
Pour me tenir au courant des développements de la pédagogie américaine, je
suis devenu membre de ASTA : Association américaine des professeurs de corde. Je
1 SUZUKI (Shinichi) Suzuki Violin school, Tokyo, Zen-on Music, 1978 2 ROLLAND (Paul), L’enseignement du mouvement dans le jeu des cordes. Traduit par Chantal Masson Bourque, Ste-Foy,
Québec, Presses de L’Université Laval, 1991 3 MARTENOT (Maurice), Principes fondamentaux de formation musicale et leur application, Paris, Magnard, 1970. Maurice
Martenot a démontré l’importance de suivre un chemin naturel dans l’enseignement de la musique, chemin calqué sur l’évolution musicale de l’homme à travers les âges.
4 WILLEMS (Edgar), L’oreille musicale, Tome I et II, Fribourg, Pro Musica, 1985. Les travaux d’Edgar Willems portent sur le développement de l’oreille musicale.
6
reçois ainsi les résultats des recherches pédagogiques d’outre atlantique les plus
récentes.
Afin de vérifier les arguments défendus dans ce mémoire, j’ai expérimenté
certains aspects de cette pédagogie dans mon enseignement.
Ce travail n’aurait pas vu le jour sans le soutien et les conseils pertinents du
professeur Josiane Mas, qui a assumé la direction de ce mémoire, qui a su m’orienter
et me soutenir avec patience.
Je tiens aussi à remercier la direction de l’institution Saint Stanislas qui m’a
aidé financièrement afin que je puisse me rendre à Paris pour consulter des documents
à la Cité de la musique. Madame Chantal Auday, du magasin Auday Musique à Nîmes
qui m’a généreusement prêté les méthodes de violon afin que je puisse les analyser.
Merci aux professeurs de violon qui ont accepté de répondre à mes questions et
qui ont partagé leur temps, leur expérience et leur analyse. Je remercie aussi mes
élèves qui ont participé à certaines de ces expériences pédagogiques et qui ont répondu
à mes questions avec beaucoup d’enthousiasme. Enfin, je tiens à remercier tous ceux
qui m’ont apporté leur réflexion, leur soutient et leur aide.
7
Table des matières
Avant-propos ....................................................................................................... 3 TABLE DES ILLUSTRATIONS..................................................................... 10 Introduction ....................................................................................................... 11 PREMIERE PARTIE..................................................................................... 16 Etat des lieux...................................................................................................... 16 CHAPITRE I ETABLISSEMENTS ET CURSUS .................................... 17
A. Inventaire des lieux où on enseigne la musique....................................................... 20 B. Type de lieux ............................................................................................................... 22
1. Hors structures ............................................................................................... 22 2. Structures socioculturelles ............................................................................. 25 3. Structures associatives ................................................................................... 25 4. Structures publiques ....................................................................................... 27
C. Schéma d’orientation pédagogique des écoles de musique et danse...................... 31 1. Comment est ce qu’on apprend ? Le cursus .................................................. 32 2. Age de l’élève ................................................................................................ 34
D. Taux d’abandon élevé ................................................................................................ 35 CHAPITRE II MOTIFS D’ABANDON ..................................................... 38
A. L’enfant est contraint par ses parents...................................................................... 38 B. Les parents évaluent mal l’engagement nécessaire ................................................. 39 C. Les professeurs n’ont pas été formés principalement à enseigner..... ……………42 D. L’étude du langage musical dissocié de l’instrument ............................................. 47 E. Difficultés pour l’élève de répéter à la maison ........................................................ 49 F. Déséquilibre entre « intellectualisme » et créativité................................................ 49 G. Evaluation exagérée de la technique musicale......................................................... 51 H. Répertoire insuffisamment varié .............................................................................. 53 I. Enseignement trop individuel et pratique collective insuffisante .......................... 56 J. Problèmes engendrés par le matériel ....................................................................... 58 K. Tarifs des cours........................................................................................................... 59 L. Faible présence de fonction sociale ........................................................................... 60 Conclusion........................................................................................................................... 61
CHAPITRE III METHODES DE VIOLON .............................................. 63
A. Importance du support sonore.................................................................................. 65 B. Schémas illustrant l’endroit des notes sur la touche du violon .............................. 67 C. Progression rythmique............................................................................................... 68 D. Progression mélodique............................................................................................... 68 E. Choix des morceaux ................................................................................................... 70 F. Tableaux des méthodes avec ou sans support sonore ............................................. 72 G. Tableau comparatif des progressions rythmiques ................................................. 73 H. Tableau des progressions mélodiques ...................................................................... 74 I. Analyse de cinq méthodes de violon pour débutant................................................ 75 J. Autres outils pour l’enseignement du violon ........................................................... 86
8
DEUXIEME PARTIE .................................................................................... 88 Introduction ....................................................................................................... 89 CHAPITRE IV ECOUTER.......................................................................... 91
A. L’oreille toujours ouverte aux sons s’insensibilise .................................................. 92 B. L’éducation au silence................................................................................................ 93 C. Formation auditive trop peu développée ................................................................. 97 D. Trois fonctions auditives.......................................................................................... 100
1. Aspect physiologique.................................................................................... 100 2. Aspect affectif ............................................................................................... 100 3. Aspect mental ............................................................................................... 104
E. Audition intérieure ou chant intérieur ................................................................... 106 1. Comment développer l’audition intérieure ? ............................................... 107 2. Transposition mentale spontanée. ................................................................ 108
CHAPITRE V IMITER.............................................................................. 111
A. Plusieurs bonnes raisons d’apprendre par imitation............................................ 112 B. Trop enseigner par imitation peut gêner l’apprentissage de la lecture .............. 113 C. Jeux d’imitation........................................................................................................ 115
1. Hauteur......................................................................................................... 116 2. Durée ............................................................................................................ 118 3. Intensité ........................................................................................................ 120
D. Transmission d’un répertoire par imitation.......................................................... 121 CHAPITRE VI INVENTER ...................................................................... 125
A. La créativité .............................................................................................................. 125 B. L’improvisation ........................................................................................................ 126
1. Improviser dès le début des études .............................................................. 127 2. Professeurs incapables d’improviser............................................................ 129 3. Vertus de l’improvisation............................................................................. 130 4. L’improvisation collective ........................................................................... 131 5. Comment encourager l’improvisation ?....................................................... 131 6. Evaluer l’improvisation................................................................................ 136
CHAPITRE VII LIRE ................................................................................ 137
A. Ordre logique d’apprentissage................................................................................ 138 1. Jouer avec les sons sans connaître ni leur nom ni leur représentation symbolique........................................................................................................... 138 2. Apprendre l’ordre des notes......................................................................... 139 3. Jouer en connaissant la localisation du nom des notes sur l’instrument, sans connaître la lecture musicale. .............................................................................. 140 4. Lecture de rythmes....................................................................................... 140 5. Apprendre à lire les notes en jouant............................................................. 141 6. Lire les notes intérieurement avant de les jouer........................................... 143
B. Echec du solfège traditionnel .................................................................................. 143
9
CHAPITRE VIII PROPOSITION D’UNE NOUVELLE METHODE D’APPRENTISSAGE POUR L’ELEVE ...................................................... 146
A. Avant d’apprendre à jouer du violon .................................................................... 147 B. Avec le violon ........................................................................................................... 148 C. Proposition d’une méthode de violon ..................................................................... 150
Conclusion........................................................................................................ 155 Annexes............................................................................................................. 159
A. Allocution de Bruno Maresca.................................................................................. 160 B. Programme Royal Conservatory ............................................................................ 164 C. Entretien.................................................................................................................... 167 D. Composition Quatre cerises..................................................................................... 171 E. 45 façons amusantes de répéter............................................................................... 175
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................... 177
10
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1 : Répartition d'élèves par cycle dans les CNR et ENM.................................. 35
Figure 2 : Répartition des élèves par départements d'études musicales ...................... 43
Figure 3 : Schéma de la correspondance des notes sur la portée et de l'emplacement
des doigts sur la touche du violon......................................................................... 67
Figure 4 : Graphique illustrant la position des 4 doigts (Van de Velde) ...................... 67
Figure 5 : Premières formules rythmiques courtes jouées à l'archet. .......................... 68
Figure 6 : Schéma autocollant des repères sur la touche .............................................. 69
Figure 7 : Séquence mélodique de base pour le placement des doigt de la main gauche.
............................................................................................................................... 69
Figure 8: Baser la position de la main gauche sur le 3ème et le1er doigt. ................... 70
Figure 9 : Premier morceau avec une forme musicale logique: L'ami. ........................ 70
Figure 10: Exemples d'exercices "déguisés" en morceaux courts avec
accompagnements sur disque................................................................................ 71
Figure 11:Tableau comparatif des méthodes avec ou sans support sonore. ................. 72
Figure 12: Tableau comparatif des progressions rythmiques des méthodes analysées.73
Figure 13: Tableau des progressions mélodiques des méthodes analysées.................. 74
Figure 14: Jeux d'octaves.............................................................................................. 74
Figure 15: Schéma d'apprentissage musical par transmission orale sans notation..... 114
Figure 17: Schéma de l'automatisme entre la vue et l'exécution musicale. ................ 144
11
Introduction
12
L’humanité a grandi avec la musique. « La musique existe depuis que l’homme
a des émotions ».5 Bien avant de pouvoir communiquer avec des mots, l’être humain
s’est d’abord servi de sa voix, de son corps et enfin d’instruments pour s’exprimer. La
musique est avant tout l’expression sonore de l’émotion. L’évolution de l’enfant en est
le parfait exemple.
Dès son plus jeune âge, en commençant par sa propre voix, l’enfant babille,
chantonne et invente ses propres mélodies. C’est au travers du jeu que l’enfant
apprivoise le langage sonore. Il s’amuse de la puissance de sa voix. Il lance des cris
sonores. Il frappe des rythmes sur son corps. Il explore le monde sonore en tapant un
peu partout, parfois, il investit l’armoire à casseroles pour s’étourdir d’une tempête de
sons. C’est le premier éveil musical.
En grandissant, l’enfant découvre ses émotions. Il a envie de les exprimer de
façon plus précise, au moment même où il les ressent. La musique est pour lui un
moyen naturel d’expression. Elle lui permet de démontrer au reste du monde que lui
aussi peut vibrer en harmonie avec les autres.
Le jeu est sa façon d’apprendre et jouer avec des sons fait naturellement partie
de ses jeux. C’est ainsi qu’il conçoit d’abord la musique. « Puisque la musique est tout
jeu avec des sons déterminés, c’est bien sous cette forme qu’elle a d’abord du se
manifester. »6 L’instrument de musique exerce une fascination mystérieuse sur lui. Il a
envie d’en jouer. Il n’est pas surprenant qu’un jour, il déclare : « J’aimerais apprendre
à jouer d’un instrument de musique. » Les parents cherchant alors un professeur pour
leur enfant, se tournent le plus souvent vers l’école de musique associative ou
5 GAD (Georges), « Anne-sophie MUTTER Mission musique », in Le monde de la Musique, N° 264, Paris, avril 2002,
p.37. 6 REBATET (Lucien), Une histoire de la musique, Paris, Robert Laffont, Collection Bouquins, 1969, p. 16.
13
municipale, vers le conservatoire régional ou l’école nationale. L’enfant, excité à
l’idée d’apprendre à jouer d’un « vrai instrument », va enfin entamer son voyage dans
le monde merveilleux de la musique. Il commence alors un apprentissage qu’on peut
souvent qualifier de parcours du combattant, où hélas, il y aura énormément
d’abandon. Ce monde merveilleux de joies et de jeux aurait-il disparu?
Depuis le rapport «L’activité des écoles de musique et de dans, année 1997 –
1998 » du Département des études et de la prospective du Ministère de la culture et de
la communication en 1998, on sait qu’en France le violon est le second instrument le
plus enseigné en écoles de musique 7 et qu’il y a effectivement un taux extraordinaire
d’abandon. Les études proposées au violoniste débutant, basées principalement sur la
lecture musicale et l’interprétation, sont longues et difficiles. Plus de 50% des élèves
violonistes auront abandonné avant la fin du 1er cycle d’études musicales. Seul un petit
nombre 8 parviendra à terminer ses études dans un Conservatoire national supérieur
de musique9. Certains d’entre eux pourront éventuellement poursuivre une carrière de
violoniste soliste, jouer dans un ensemble à cordes, trouver un poste dans un orchestre
national à la fin de leurs études, d’autres gagneront leur vie en se tournant vers
l’enseignement du violon.10
Les autres violonistes pourraient devenir des amateurs, mais on constate que
pour beaucoup de jeunes, l’abandon de ce cursus destiné à former des violonistes
professionnels signifie aussi l’abandon de l’instrument. On ne peut que regretter cet
état de choses. En prenant conscience de tous ces jeunes qui abandonnent, je pense
qu’il est logique de chercher à mettre sur pied une autre formation pour eux, avec
d’autres objectifs, afin qu’ils puissent devenir des violonistes compétents et heureux de
jouer.
7 Les statistiques n’existent que pour les structures publiques : Ecole nationale de musique (ENM), Conservatoire
national de région (CNR) et Conservatoire national supérieur de musique (CNSM). Le 1er instrument enseigné est le piano.
8 Les statistiques démontrent que seulement 2% des élèves inscrits en école de musique deviendront des professionnels.
9 Il y en a deux en France. L’un à Paris, l’autre à Lyon. 10 Nous verrons que de nombreux professeurs ne sont pas formés spécifiquement pour cette tâche.
14
En général dans l’enseignement du violon, les apprentissages sont trop
cloisonnés et les compétences acquises restent partielles. D’un côté, tels qu’on les
rencontre traditionnellement dans les écoles de musique, il y a les violonistes qui ont
appris en lisant la musique, en associant le symbole visuel (notes, partitions, etc.) et le
geste instrumental. Ceux-ci ont souvent du mal à jouer « à l’oreille » sans partition et
sont maladroits, voire incapables d’improviser. De l’autre côté, venant par exemple du
milieu des musiques traditionnelles, il y a ceux qui ont appris à l’oreille, par tradition
orale. Ils sont à l’aise pour jouer sans partition mais déchiffrent la musique avec
difficulté. Il n’est pas fréquent de rencontrer un violoniste qui sache à la fois bien lire,
bien jouer d’oreille et bien improviser.
L’orientation proposée dans ce travail de recherche réside dans un
enseignement qui développerait des connaissances et des habiletés plus globales. Il ne
s’agirait plus d’orienter l’enseignement du violon dans le seul but de former
d’excellents lecteurs et interprètes. Dès le début de leurs études musicales, les
débutants apprendraient à imiter et à reproduire d’oreille, à inventer et à improviser
afin d’apprendre à créer leur propre musique, ainsi qu’à lire et interpréter des
partitions.
Cet enseignement basé sur le jeu et équilibré entre l’écoute, l’imitation,
l’improvisation et la lecture aurait-il plus de succès ? Afin de vérifier cette hypothèse,
cette recherche passera en revue certains problèmes essentiels à résoudre et proposera
des éléments de solutions, ainsi que quelques démarches personnelles d’enseignement.
La première partie présentera une synthèse de l’état des lieux. Où et comment
peut-on aujourd’hui apprendre à jouer du violon en France ? Il sera alors possible
d’aborder les aspects de l’organisation générale de l’enseignement du violon et
d’essayer de comprendre les motifs d’abandon. Je proposerai ensuite une analyse
comparative de manuels d’apprentissage communément appelés Méthodes de violon
pour débutants. Quels pourraient être les critères d’une méthode de violon motivante
15
et efficace pour les débutants ? De quels autres outils pourrions-nous nous servir afin
d’aider le violoniste à développer ses compétences. ?
La deuxième partie proposera quatre axes d’une autre pédagogie pour le
violoniste débutant. Il s’agira d’abord de saisir l’importance d’apprendre à écouter et
de prendre conscience des difficultés rencontrées dans cette formation. Le chapitre
suivant traitera des vertus et des limites de l’imitation. Afin d’encourager le débutant à
inventer sa propre musique, j’aborderai ensuite la créativité et l’improvisation. Enfin,
je présenterai une façon d’apprendre à lire la musique où l’acquisition du langage
musical se fait avec le chant et l’instrument.
16
PREMIERE PARTIE
Etat des lieux
17
CHAPITRE I ETABLISSEMENTS ET CURSUS Autrefois :
Le violon, qui à l’origine avait trois cordes, apparaît dans une forme déjà très
achevée au début du 16ème siècle en Italie du nord. Il devint tout de suite très populaire.
En France, la première description d’un violon remonterait à 1556. Il s’agirait « d’un
instrument à quatre cordes faisant référence à l’Ensemble des violons de la cour de
France, le premier orchestre à cordes permanent d’Europe, qui jouait de la musique
de danse et de ballet. »11 A la cour, cet orchestre à cordes était formé de musiciens
professionnels appelés ménétriers.12
A cette époque, l’apprentissage du violon se faisait par imitation auprès d’un
maître. Ce n’est que deux siècles plus tard qu’on enseignera le violon en école de
musique:
« Les apprentis, on l’a vu, sont placés durant des périodes variables, auprès de « maîtres » au contact desquels ils apprennent beaucoup plus par l’observation et l’imprégnation que par tout autre mode de transmission. »13
Cette façon de faire correspond à un enseignement de tradition orale. Les
ménétriers devaient acquérir une bonne maîtrise du violon et du métier de musicien, et
au terme de leur formation, ils avaient un chef-d’œuvre à accomplir afin de prétendre à
l’exercice de leur métier:
« Nombre de témoignages font état d’une grande exigence musicale et professionnelle : les ménétriers étaient loin de coller, dans leur grande majorité, à l’image de « racleurs de violon » qu’on a bien voulu leur attribuer par la suite. Le chef-d’œuvre était un examen compliqué et réclamait une connaissance solide de l’instrument, du répertoire et du métier de musicien. »14
11 BAYNES (Anthony), « Violon », in Dictionnaire encyclopédique de la musique, Paris, Robert Laffont, 1988, tome 2, p.
910. 12 CHARLES-DOMINIQUE (Luc), « Le contexte de la musique ménétrière gasconne et languedocienne de l’ancien
régime », in Pastel N° 42, Toulouse, 1999, p.18. 13 Ibid., p 25. 14 Ibid., p.19.
18
Regroupés en corporations15, ces ménétriers étaient des musiciens qui par
tradition jouaient en bande. Jouant le plus souvent et du hautbois et du violon, ils
étaient employés par les consuls des villes et pouvaient même accéder à des fonctions
de musicien à la cour royale, où leur principale activité était de faire danser.
« À la Chambre, ce sont les ménétriers joueurs de violon, qui forment la prestigieuse Bande des Vingt-quatre Violons du Roy, après avoir été 22 en 1609, 23 en 1610 et 24 de 1614 à 1761, année de disparition de cet orchestre (…). Plus que l'apparat, le service des Vingt-quatre Violons est principalement l'animation du divertissement et de la danse. »16
Pendant deux siècles et demi, l’enseignement du violon par transmission orale a
eu ses heures de gloire. Ce ne fut que beaucoup plus tard que les premières classes de
violon furent créées, soit en 1795, lors de la fondation du Conservatoire de Paris.
Aujourd’hui :
Aujourd’hui, le violon est le second instrument le plus enseigné en France,
après le piano. L’enseignement du violon est fortement implanté dès le premier cycle
des écoles d’enseignement spécialisé de la musique :
« Le violon est enseigné dans la totalité des établissements contrôlés ou agréés par l’état soit 35 Conservatoires nationaux de région (CNR), 104 écoles nationales de musique (ENM) et 239 écoles municipales de musique agrées. Il figure en seconde position parmi les instruments enseignés, et rassemble 11337 élèves dans les établissements contrôlés (4194 élèves dans les CNR et 7143 élèves dans les ENM) »17
15 Ibid., p.18. Selon l’auteur : « La première attestation irréfutable de France est celle de la confrérie Saint Julien de Paris, fondée en
1321, mais qui connut certainement une histoire antérieure, notamment dans l’est de la France, en Alsace. » 16 CHARLES-DOMINIQUE (Luc), Les bandes ménétrières, Transcription d’une conférence donnée au Conservatoire
Supérieur de Musique de Paris, le 10 janvier 1996 par Monsieur Charles-Dominique. Cette conférence était intitulée : « Espace, permanence et systématique de la poly-instrumentalité dans la pratique musicale des ménétriers français des XVI et XVII siècle », p. 60.
17 Le violon. Notes de documentation du Centre de ressources Musique et Danse de la Cité de la Musique à Paris, novembre 1999.
19
Dans ce mémoire, nous nous intéressons au violoniste débutant, nous nous
limiterons donc aux premières années de son apprentissage, ce qui correspond au
premier cycle dans les écoles d’enseignement spécialisé de la musique.
On peut apprendre à jouer du violon de différentes façons. Soit l’élève apprend
seul ou avec un membre de sa famille ou de sa communauté ; soit il apprend avec un
professeur privé, ce qui n’est pas accessible à toutes les bourses ; soit il apprend au
travers de stages ; soit encore, il s’inscrit dans une école de musique. Cette dernière
façon de faire est la plus répandue.
20
A.
Inventaire des lieux où on enseigne la musique
En France, on ne connaît pas le nombre exact de lieux où on enseigne la
musique. La première enquête nationale sur l’organisation des lieux d’enseignement
spécialisé de la musique et de la danse a été menée en 1992. Ce travail a été refait en
2002. Il s’agit de commandes du Ministère de la Culture qui a souhaité faire l’état des
lieux sur l’importance du développement des écoles de musique en France
métropolitaine. Ces enquêtes ont été menées par le Département des études et de la
prospective, à la direction du Ministère de la Culture et de la Communication.18
Selon Bruno Maresca, responsable de ces enquêtes, essayer de dresser un état
des lieux précis où on enseigne la musique est une tâche complexe, car les
informations ne sont pas répertoriées au même endroit :
« Il n’existe pas dans les différentes régions françaises, ou départements, de travail d’inventaire régulier, ou de mise à jour permanente des structures existantes. Pour quiconque veut se lancer dans le travail de faire l’état des lieux, on est obligé de partir de tout un ensemble de listes d’écoles existantes soient détenues par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC), soir détenues par les Associations Départementales de Musique et Danse (ADDM et ADIAM), ou par les conseils généraux, etc. Toutes listes qui sont assez hétérogènes. »19
Ce premier travail consistant à recueillir ces listes a permis d’identifier six mille
structures où on enseigne la musique. Mais le Ministère de la Culture a choisi de ne
retenir que les structures essentiellement dévolues à l’enseignement de la musique,
voire de la danse. L’enquête a donc mis de côté tout le champ de l’enseignement privé,
c’est à dire les cours qui sont dispensés par des professeurs à titre strictement privé,
ainsi que le champ des structures socioculturelles : centres socioculturels, centres
d’animation, les « Maison pour la jeunesse » (MJC), les foyers ruraux.
18 Les résultats de l’enquête effectuée en 2002 ne sont pas encore rendus publiques. Les éléments présentés ici sont
extraits d’une retranscription que j’ai faite lors de l’allocution de Monsieur Bruno Maresca, (responsable de cette enquête au DEP) lors du « Deuxième forum de la Musique » organisé par la Coordination des Professeurs des Ecoles de musique du Gard, à Méjeannes le Clap, le 6 avril 2003. Voir annexe I.A.
19 Ibid., Allocution de Bruno Maresca.
21
Le bilan a abouti à une estimation de trois mille six cents structures. Mille six
cents écoles, soit 43%, sont des structures publiques (sous statut municipal ou
intercommunal, départemental ou national) et deux mille écoles, soit 57%, sont sous
statut associatif. Au total, l’enseignement musical et chorégraphique public et
associatif concerne près de huit cent cinquante mille élèves et cinquante sept mille
enseignants.
22
B.
Type de lieux
En laissant de côté deux mille quatre cents structures identifiées mais non
spécialement dévolues à un enseignement spécialisé, on ne peut avoir qu’une vision
partielle de l’enseignement de la musique en France. N’ayant pas d’études ou de
statistiques sur lesquelles nous appuyer, nous ne pouvons faire qu’une estimation plus
ou moins précise des autres lieux possibles.
1. Hors structures
a) Apprendre seul, avec un membre de la famille ou de la communauté
Certains violonistes affirment parfois qu’ils ont appris seul, sans l’aide de
personne. Apprendre tout seul est une manière de parler. En général cela signifie qu’ils
n’ont jamais reçu de cours d’un professeur, qu’ils n‘ont pas reçu de formation dans
une institution. « J’ai appris par moi-même, par mon propre désir », entend-on
parfois. C’est impossible d’apprendre tout seul, il faut bien qu’il y ait un, ou des
modèles. Lorsqu’on approfondit, qu’on insiste un peu, le violoniste va nous raconter
que : « Oui,…il y avait un tel, j’allais le regarder et puis après parce que j’avais honte de
montrer, j’allais m’enfermer chez moi. J’essayais de les imiter, je travaillais, et puis après je
retournais les écouter. » 20 C’est donc par leur réflexion personnelle, par leur motivation
inébranlable, leur pugnacité face aux nombreuses difficultés, mais en observant
d’autres violonistes, que certains apprennent à jouer du violon en autodidacte. On
rencontre toujours d’autres musiciens et on bénéficie de leurs influences. Souvent
d’ailleurs, il s’agit d’un membre de la famille ou de la communauté. Cette façon
20 Cette anecdote a été racontée par Jérôme Clerc, (Maître de Conférences en ethnomusicologie à l’Université de
Paris IV-La Sorbonne) lors d’uns stage d’ethnomusicologie intitulé « De la Muraille de Chine à la Méditerranée : musique, nomadisme, et sédentarité », tenu au Vigan, samedi le 3 mai 2003.
23
d’apprendre se rencontre dans le milieu des musiques traditionnelles, chez les tsiganes
et les gitans notamment.21
Voici un exemple roumain qui résume assez bien la situation. Ici, il s’agit d’un
violoneux tsigane nommé Gherghe Stancu :
« Lorsque j’étais petit, j’ai tout appris de mon père, ensuite par-ci, par-là, des uns et des autres…C’est comme ça, notre métier : on emprunte à l’un, on emprunte à l’autre, et on met tout ensemble. C’est là notre richesse, qu’à notre tour nous donnons aux autres, nous ne mourrons pas avec elle ! »22
Très souvent, l’apprentissage se fait uniquement d’oreille, par imitation, et le
musicien peut très bien jouer sans savoir ni lire ni écrire la musique. En voici un
exemple :
« Je me présente : je suis Storo MEHRSTEIN de Forbach en Moselle. Je suis tzigane et j'ai commencé le violon à l'âge de 5 ans ½ environ avec mon père, mon grand-père et mon oncle qui jouaient respectivement du violon, de l'alto et de la guitare : j'étais accompagnateur. Bien sûr j'ai appris en autodidacte, sans bout de papier, par imitation. Je connais tous les arpèges, accords et mélodies tziganes, mais si vous me les donnez sur partition je ne saurai pas les déchiffrer: impossible ! Si vous me jouez la musique, là je peux reproduire »23
b) Stages de violon traditionnel
En France, il existe de nombreux stages de violon traditionnel où
l’apprentissage est basé uniquement sur la tradition orale. Cet enseignement (souvent
de type associatif pour des questions juridiques) particulièrement dynamique propose
des stages qui sont très appréciés des amateurs. La transmission de répertoire se fait
21 Pour avoir plus de renseignements sur l’enseignement de la musique tsigane, contacter le Centre d’études Tsiganes, 2,
rue d’Hautpoul, 75019 à Paris. Tel. 01 40 40 19 05 Cette association rassemble et diffuse toutes les informations concernant la culture et les traditions tsiganes.
22 RĂDULESCU (Speranţa), « La formation du Laŭtar Roumain », in Cahiers de musique traditionnelles 1, De bouche à oreille, Ateliers d’ethnomusicologie, Genève, Ed. Georg, 1988, page 98.
23 Sur Internet, j’ai trouvé le témoignage de cet homme qui habite en Moselle. http://mayvon.chez.tiscali.fr/storo.html
24
par imitation, sans support écrit.24 Qu’il s’agisse de violon auvergnat, limousin, breton,
irlandais, ou autres, ces stages se font de façon ponctuelle, sur une journée ou sur un
week-end, ou sur une période plus longue. Il s’agit souvent d’une façon très conviviale
d’apprendre à jouer. Le formateur est généralement un musicien reconnu pour sa
pratique musicale de bonne qualité. Les stagiaires sont d’âges et d’horizons variés
avec des formations de niveaux différents. 25
Pour apprendre de façon informelle, il y a aussi des rencontres entre violonistes.
Par exemple, dans les Pyrénées à chaque année, l’Association Au Rendez-vous des
Violons, organise au mois d’août un stage/rencontre d’une durée de huit jours. Ici, il
n’y a pas de formateur principal, ce sont les violonistes présents qui échangent leurs
répertoires …et font la cuisine ensemble. Débutants et confirmés sont les bienvenus et
jouent ensemble sans prétention. C’est encore une autre façon d’apprendre à jouer.26
Le violon arabe qu’il soit classique ou traditionnel s’enseigne généralement par
transmission orale, soit en privé, soit dans le cadre d’une association.27
c) Cours privés
Selon le document « La pratique musicale amateur, n° 65 » du Ministère de la
Culture, près de cinq millions de Français de quinze ans et plus font de la musique en
amateur. On estime que 2% de ces amateurs jouent du violon, (soit cent mille). Dans
ce document il est estimé qu’un amateur sur trois prend des cours avec un professeur
24 Au chapitre V traitant de l’imitation, nous verrons plus précisément une organisation de ce type d’enseignement
par transmission orale. 25 Pour en savoir plus, on peut contacter la Fédération des Associations de Musiques et Danses Traditionnelles
(FAMDT) : née en 1985 du regroupement des associations qui participaient depuis 1982 à la Commission consultative sur les Musiques Traditionnelles créée par la Direction de la Musique et de la Danse, au Ministère de la Culture. Sur Internet : www.musictrad.com . Il faut aussi noter l’existence de « Trad. magazine », la revue des musiques traditionnelles en France, dans laquelle beaucoup de stages sont annoncés. www.tradmagazine.com. Enfin, dans ses « Notes de documentation », la Cité de la musique à Paris a produit un petit livret intitulé : Musiques et danses traditionnelles : de la pratique sociale à la pratique artistique, dans lequel les intéressés trouveront tout un tas d’informations fort pertinentes sur la musique traditionnelle en France.
26 Voici les coordonnées de ce stage. Au rendez-vous des violons, BP 21, 11260 ESPERAZA. Tel : 04 68 74 05 37 Internet : http : jjaquier.free.fr/rv-violons.
27 Le centre d’information Musique et danse de la Cité de la musique a répertorié huit écoles qui proposent des cours de musique arabe. Pour en savoir plus sur les musiques arabes : s’informer à l’Institut du Monde Arabe à Paris. 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, 75005 Paris, tel. 01 40 51 38 38
25
particulier.28 Ce qui fait environ trente mille personnes. Même s’il ne s’agit que de
suppositions, on ne peut sous-estimer ce type d’enseignement.
2. Structures socioculturelles
Les centres socioculturels, centres d’animation, les Maisons pour les Jeunes et
pour la Culture (MJC) ainsi que les foyers ruraux sont aussi des lieux où généralement,
on peut suivre des cours de musique. Ce type de lieux n’est pas spécialement dévolu à
l’enseignement de la musique. L’offre de l’enseignement instrumental sera souvent
conditionnée à la demande des élèves. Le contraire est aussi vrai : un professeur peut
proposer un cours d’instrument en espérant qu’il y aura des inscriptions. Mais puisque
l’enquête nationale a laissé de côté ces lieux, on ne peut le certifier.
3. Structures associatives
En 1992, la première enquête du DEP avait dénombré trois mille écoles de
musique sous statut associatif. En 2002, ces structures associatives ne sont plus que
deux mille. Malgré cette baisse importante en nombre, ces écoles représentent 57% des
écoles répertoriées par le Ministère de la Culture, ce qui en fait la catégorie dominante.
N’étant pas sous la tutelle pédagogique de l’Etat, ces écoles de musique offrent aux
professeurs une plus grande liberté dans l’organisation de leur enseignement.
Certains parents, craignant qu’une trop grande importance donnée à
l’apprentissage du solfège décourage leur enfant de la musique, préfèrent l’inscrire
dans une école associative même si au sein de leur commune, il y a une école publique
(tel un conservatoire de région), et même si c’est plus cher, espérant que cette
expérience soit positive. Cet argument n’est pas nécessairement valable car beaucoup
de directeurs d’écoles associatives calquent leur enseignement sur le schéma
d’orientation pédagogique des conservatoires, afin que les élèves fréquentant leur
28 La pratique musicale amateur, n° 65, Document du Ministère de la culture et de la Communication, 26 avril 2000, p.4.
26
établissement aient le même « niveau », et évidemment, ils doivent accorder la même
importance au solfège et à l’évaluation de résultats tangibles.
27
4. Structures publiques
Les structures publiques d’enseignement de la musique regroupent les écoles
municipales de musique, les écoles intercommunales, voire départementales. Parmi ces
institutions publiques, il y a en France métropolitaine :
• 250 Ecoles de Musique Agrées : • 105 Ecoles nationales de Musique (ENM) • 36 Conservatoires nationaux de Région (CNR) • 2 Conservatoires Nationaux Supérieur de Musique (CNSM)
a) Ecoles municipales de musique
Les écoles municipales de musique font partie des structures publiques
d’enseignement de la musique. Si elles ne sont pas agréées par le Ministère de la
Culture, elles ne sont pas tenues de se soumettre au schéma d’orientation pédagogique.
Malgré leur liberté pédagogique apparemment plus souple, dans les faits, (comme je
l’ai mentionné précédemment) elles tentent souvent de s’aligner sur l’enseignement du
conservatoire de région afin que les élèves fréquentant cette école municipale soient à
peu près au même niveau qu’au conservatoire.
b) Ecoles nationales de Musique (ENM) et CNR
Ces écoles sont placées sous la responsabilité de collectivités territoriales.
Dépendamment de l’endroit où il habite, et de son âge29, l’élève qui souhaite
apprendre à jouer du violon pourra s’inscrire dans un conservatoire national de région
(CNR) ou dans une école nationale de musique. Evidemment pour celui qui habite en
zone rurale, ce type de structure est moins accessible. Nous pouvons lire dans le
rapport de DEP :
29 Nous verrons un peu plus loin que l’âge de l’élève est un facteur décisif sur son droit d’inscription dans une ENM
ou un CNR.
28
« Toutes les communes de plus de 100 000 habitants possèdent une école de musique du réseau CNR (conservatoire national de région) et ENM (école nationale de musique). En particulier, toutes les villes de plus de 200 000 habitants sont équipées d’un CNR. La majorité des CNR sont situés dans des communes de 100 000 à 200 000 habitants, la majorité des ENM sont au sein de villes de 30 000 à 60 000 habitants. 30 » Le territoire urbain français est bien couvert par les établissements publics
d’enseignement de la musique. Ces écoles publiques sont subventionnées par l’état par
le biais des « Crédits déconcentrés » et sont « sous la tutelle pédagogique de l’état ».
« Le réseau des CNR et ENM couvre tout le territoire national. Toutes les régions en dehors de la Corse disposent d’au moins un CNR et sont équipées chacune en moyenne de 3 ou 4 ENP. (…) L’enseignement de la musique et de la danse est assuré en France par plus de 1 300 écoles publiques. Parmi ces établissements 366 écoles dispensent un enseignement spécialisé qui relève du ministère de la Culture Ces écoles sont sous la tutelle pédagogique du ministère de la Culture qui peut parallèlement intervenir en subventionnant l’établissement: 139 écoles classées, conservatoires nationaux de région et écoles nationales de musique, dont l’enseignement est contrôlé et qui sont subventionnées par le ministère de la Culture. Plus de 225 écoles municipales agréées, dont l’enseignement s’adresse essentiellement aux amateurs et qui ont accueilli 124 725 élèves sur l’année scolaire 1994-1995. » 31
c) Classes à horaires aménagés musique
Il existe une entente entre le Ministère de l’Education et le Ministère de la
Culture qui permet à certains élèves de suivre les cours de musique du conservatoire
ou de l’école de musique agréée pendant le temps scolaire :
« Les classes à horaires aménagés musique (CHAM) sont définies selon les
textes déterminés par l’Education Nationale. Elles ont lieu durant le temps scolaire. Une convention doit être signée entre l’école de musique et l’établissement scolaire (suivant les textes officiels). Il faut l’accord du Ministère de l’Education Nationale (rectorat) et du Ministère de la Culture (DRAC). »32
30 L’activité des écoles de musique et de danse. Année scolaire 1997-1998. Le développement de l’enseignement de la
musique et de la danse. Document 1245. Département des études et de la prospective (DEP), Direction de l’administration générale du Ministère de la culture et de la communication. Paris, juillet 1999, page 9.
31 Ibid., page 6. 32 Les Cham, sous la direction de Marie-Claude Valette, in FNAPEC, (Fédération nationale des Associations des
Parents d’Elèves des Conservatoires) bulletin N° 46, Paris, septembre 2002, p.18.
29
Ces classes ne peuvent évidemment exister que dans les villes où il y a une
école de musique agréée par l’Etat. Dans la plupart des cas, l’étudiant se rend au
conservatoire ou à l’école de musique pour suivre sa formation musicale. Cette façon
de faire est avantageuse car elle n’oblige pas l’élève à aller à l’école de musique le
soir, quand il est fatigué de sa journée scolaire. En 1998, quarante quatre écoles étaient
concernées.
« Le lien établi entre l'éducation nationale et les établissements d'enseignement spécialisé de musique et de danse au travers des classes à horaires aménagés (CHAM), fortement conseillé au sein des CNR et présent dans chaque conservatoire de la métropole, concerne cette année 44 ENM pour la musique. »33
L’enseignement dispensé est le même qu’au conservatoire. Quoique les élèves
des écoles primaires aient accès à ces classes d’horaires aménagés, la majorité des
élèves sont de niveau collégial :
« Ces classes permettent à 12 547 élèves de compléter leur formation générale par un enseignement musical dispensé au sein des établissements contrôlés. Ces élèves sont deux fois plus nombreux au sein des CNR (8 447) que des ENM (4 100). Tous les niveaux de l’enseignement général y sont représentés de la maternelle (un seul CNR) à la terminale. Les étudiants du secondaire sont majoritaires, en particulier ceux du premier cycle (de la 6ème à la 3ème), qui représentent plus de la moitié des élèves de CHAM.».34
d) Conservatoires Nationaux Supérieur de Musique (CNSM)
Il y a un conservatoire supérieur de musique à Paris et un autre à Lyon. Ces
conservatoires supérieurs forment des professionnels et sont financés par l’état.
33 L’activité des écoles de musique et de danse. Op.cit., p. 22. 34 Ibid., p. 22.
30
Ces différentes observations nous permettent de constater qu’en France :
• Il n’existe pas d’inventaire précis de tous les lieux où on enseigne la musique.
• Il existe un enseignement hors structures. Il s’agit soit de transmission orale,
soit de cours privés dispensés par des professeurs à titre privé.
• L’enseignement dans des écoles associatives, en général non subventionné, est
le plus important en terme de pourcentage de fréquentation : 57%.
• Le réseau des écoles publiques d’enseignement spécialisé de la musique couvre
tout le territoire national. Ces écoles généralement subventionnées sont
soumises à un schéma directeur : Le schéma d’orientation pédagogique des
écoles de musique et danse
Après avoir fait la synthèse des lieux où on peut apprendre le violon, voyons
maintenant le contenu de ce schéma d’orientation pédagogique, document à partir
duquel s’organise l’enseignement musical, notamment du violon, dans les écoles
publiques d’enseignement spécialisé de la musique.
31
C.
Schéma d’orientation pédagogique des écoles de musique et danse.
Les écoles de musique agréées, les ENM, les CNR et les CNSM sont des
établissements contrôlés par l’état. Dans ces établissements, le directeur et les
professeurs doivent se soumettre au schéma directeur et suivre ce qu’il est convenu
d’appeler : Le schéma d’orientation pédagogique des écoles de musique et danse.
Dans ce document pédagogique du Ministère de la Culture, il est écrit que
l’enseignement de la musique doit être diversifié, incluant non seulement la musique
classique mais aussi les musiques traditionnelles et jazz :
« Les écoles de musique et de danse dispensent un enseignement musical et
chorégraphique riche et diversifié incluant l'ensemble des expressions artistiques de plus en plus indissociables aujourd'hui - musiques et danses classiques, contemporaines, traditionnelles, anciennes, jazz. Ces établissements qui constituent la principale source de développement de la pratique amateur,35 assurent également la formation des futurs professionnels. »36 La réalité n’est pas tout à fait la même. Si dans certaines écoles, il y a des
classes de jazz, ces classes sont réservées au violoniste avancé. L’apprentissage de
l’improvisation ne fait pas partie du contenu hebdomadaire des cours de violon.
L’élève n’apprend pas à inventer ses propres mélodies suivant un canevas précis telle
une grille d’accord simple. L’élève apprend à partir du support écrit, il apprend à lire
la musique, à déchiffrer une partition et à l’interpréter. Le type d’enseignement est lié
au répertoire qui est encore résolument tourné vers la musique classique sans
suffisamment d’ouvertures vers les autres types de musique.
L’apprentissage de musiques traditionnelles de façon orale, sans aucun support
écrit n’est pas non plus au programme du violoniste, à moins qu’il soit inscrit dans un
35 Nous avons vu que d’après l’enquête du DEP, c’est le secteur associatif qui a la plus grande fréquentation d’élèves.
Les établissements publics forment-ils réellement beaucoup d’amateurs ? 36 Le schéma d’orientation pédagogique des écoles de musique et danse, Document du Ministère de la Culture, Direction de la
musique et de la danse, 1996, p.1.
32
programme de musique traditionnelle.37 Apprendre d’oreille une gigue ou une bourrée
auvergnate ne fait pas partie des exercices hebdomadaires de l’élève violoniste. Ce
type de musique est souvent mal considéré, on lui attribue des adjectifs dévalorisants,
à l’exception de certaines musiques traditionnelles telles que la musique irlandaise et
la musique des Balkans, qui sont plus au goût du jour.
D’ailleurs depuis 1992, l’ouverture de ces écoles aux autres « expressions
artistiques de plus en plus indissociables aujourd'hui » telles que la musique
traditionnelle n’a pas subi de réelle évolution :
« Il y a dix ans, les écoles anticipaient un développement des musiques
anciennes et traditionnelles, également un développement de la danse comme discipline associée aux écoles de musique. En réalité aucun de ces trois registres ne s’est réellement développé. »38 Y a-t-il vraiment une volonté d’enseigner et de diffuser ces musiques ? Les
professeurs d’instruments ont ils la formation et les compétences nécessaires pour
enseigner ces musiques « à l’oreille » sans partition, et ont-ils envie de les
transmettre ? Pourtant ces musiques populaires plaisent aux jeunes et sont
d’excellents facteurs de motivation. Pourquoi les occulter ?
1. Comment est ce qu’on apprend ? Le cursus
Comment s’organise l’enseignement du violon dans ces structures publiques. ?
Le déroulement des études se fait par cycles. Ce système d’organisation permettrait
une plus grande souplesse d’évolution en tenant compte de la vitesse d’acquisition de
l’élève.
37 C’est le cas du Conservatoire de Limoges qui a mis sur pied un DEM de musique traditionnelle. La préparation au
DEM est assurée conjointement par les départements de musique traditionnelle du CNR de Limoges et de l'ENM de la Creuse. Il s'agit d'un cursus spécialisé à caractère pré professionnel. Il y a aussi le CNR de Clermont-Ferrand, d’Aubervilliers-La Courneuve et celui de Nantes. D’après l’enquête du DEP, en 1996, sur la totalité de la France métropolitaine, il y avait en tout 123 élèves inscrits en musique traditionnelle dans les CNR, et 738 dans les ENM. C’est en Bretagne, en Auvergne, en Ile-de-France et dans le Limousin que la musique traditionnelle est la mieux représentée.
38 Op.cit., Allocution de Bruno Maresca. Voir annexe I.A
33
« Le cursus des études musicales est structuré en trois cycles. Le premier cycle peut, selon les établissements, être précédé d'une période d'éveil. Le troisième peut se prolonger par un cycle spécialisé destiné aux étudiants souhaitant poursuivre des études supérieures.
La durée de chaque cycle est de 4 ans pour les 1er et 2ème cycles et de 3 ans pour le 3ème cycle et le cycle spécialisé. Elle peut être écourtée ou allongée d'une année selon le rythme d'acquisition des élèves.
Les cycles sont définis par leurs objectifs. Ils constituent chacun un ensemble cohérent d'acquisitions et de savoirs faire. Ils délimitent aussi les différentes étapes de la formation des musiciens et correspondent aux grandes phases du cursus scolaire. La formation des musiciens est globale: elle comprend, nécessairement, une discipline dominante, le plus souvent instrumentale ou vocale, une discipline de culture musicale générale et une pratique soutenue et diversifiée de la musique d'ensemble. Cette formation peut être renforcée par une ou plusieurs disciplines complémentaires.
Comme la formation, l'évaluation des élèves est globale: elle porte sur l'ensemble de leurs acquis. Elle est réalisée, (…) de manière continue par l'équipe pédagogique…39 »
Les élèves qui s’inscrivent pour apprendre le violon sont relativement jeunes. Il
y a trois disciplines obligatoires au 1er cycle :
• Le cours d’instrument, (enseignement individuel) d’une durée de 30
minutes par semaine. Le professeur peut aussi grouper des élèves par
trois, dans ce cas, le cours d’instrument est d’une durée d’une heure et
demie.
• Un cours de formation musicale et de culture musicale générale, d’une
durée de deux heures par semaine, si possible en deux fois.
• Participer à un atelier de musique d’ensemble, le plus souvent dans une
chorale lorsque l’élève est au 1er cycle.
Nous constatons que l’enseignement de la formation musicale est dissocié de
l’apprentissage instrumental. L’élève apprend le langage musical avec un professeur
et le violon avec un autre.
39 Le schéma d’orientation pédagogique des écoles de musique et danse, Document du Ministère de la Culture, Direction de la
musique et de la danse, 1996, p. 2. Sans auteur.
34
2. Age de l’élève
Dans les structures publiques d’enseignement musical, le violoniste débutant a
le droit de s’inscrire à condition qu’il soit dans la bonne tranche d’âge. Par exemple,
pour apprendre le violon au conservatoire d’Avignon, les parents peuvent inscrire leur
enfant à partir de l’âge 5 ans jusqu’à 8 ans.40 C’est le cas dans de nombreux
conservatoires et écoles nationales et parfois la liste d’attente peut être très longue.
Lorsqu’on l’enfant a dépassé l’âge, il faut se tourner vers une école associative,
municipale ou vers un professeur privé. C’est plus cher, car sauf rares exceptions, ces
écoles ne sont pas subventionnées par l’état.
40 A cet âge, est-ce vraiment l’enfant qui décide d’apprendre le violon ? Nous verrons un peu plus loin que pour être
motivé, le désir de jouer doit naître de l’enfant lui-même et non de ses parents, mais paradoxalement, l’enfant ne doit pas dépasser l’âge de huit ans pour avoir le droit de s’inscrire.
35
D. Taux d’abandon élevé
Par rapport à la situation de 1992, les écoles publiques auraient augmenté
d’environ 20%.41 En dix ans, il y a eu une forte hausse de la demande des français
pour apprendre à jouer de la musique. Mais s’il y a eu une augmentation importante du
nombre d’inscrits, il y a aussi beaucoup d’abandon. Dans les écoles nationales de
musique, les élèves du premier cycle représentent 67% des inscrits.
« En ENM la part des deux premiers cycles est sensiblement plus importante.
Ainsi, plus de deux élèves sur trois sont inscrits en 1er cycle. 42 »
Ils ne sont plus que 23% en 2ème cycle et seulement 6% en 3ème cycle. (Voir le
tableau suivant.) 43 33 CNR 104 ENM
1er CYCLE 1er CYCLE
22 232 élèves 51 087 élèves53 % des effectifs 67 % des effectifs
inscrits dans 28 disciplines* inscrits dans 24 disciplines*
2ème CYCLE 2ème CYCLE
11 101 élèves 17 450 élèves26 % des effectifs 23 % des effectifs
inscrits dans 28 disciplines inscrits dans 22 disciplines
3ème CYCLE 3ème CYCLE
CFEM : 32 écoles CFEM : 96 écoles4 259 élèves 4 975 élèves
2 488 élèves 10 % des effectifs 1 705 élèves 6 % des effectifsinscrits dans 25 disciplines inscrits dans 17 disciplines
DEM : Toutes les écoles CYCLE SPECIALISE DEM : 95 écoles CYCLE SPECIALISE
1 409 élèves 4 657 élèves 877 élèves 2 902 élèves11 % des effectifs 4 % des effectifs
inscrits dans 25 disciplines inscrits dans 12 disciplines
* Il s'agit du nombre de disciplines suivies par les élèves en moyenne par établissement.
Figure 1 : Répartition d'élèves par cycle dans les CNR et ENM.
41 Op.cit., Allocution de Bruno Maresca. 42 L’activité des écoles de musique et de danse. Année scolaire 1997-1998. Le développement de l’enseignement de la
musique et de la danse. Document 1245. Département des études et de la prospective, Direction de l’administration générale du Ministère de la culture et de la communication. Paris, juillet 1999, p. 16.
42 Ibid., p. 16. 43 Ibid., p. 16. Ce tableau est tiré du document du DEP.
36
Au cours même de la formation dispensée dans ces structures d’enseignement
public, le pourcentage d’élèves qui vont au bout de leurs études est très faible. La
plupart abandonnent en cours de formation, avant le deuxième cycle. On pourrait
s’attendre à ce qu’il y ait une pratique musicale sous forme de loisir, en dehors des
études, pour le simple plaisir de faire de la musique, mais non. La formation acquise
pendant les études se transforme peu en pratique amateur. Cette affirmation s’adresse
spécialement aux violonistes, car comme nous l’avons vu, le violon est le second
instrument le plus enseigné :
« Le département des cordes concerne plus de 25 000 élèves dont 11 264 en
violon qui représente la deuxième discipline instrumentale en nombre d’élèves inscrits. » 44
Mais lorsqu’on constate que sur cent musiciens amateurs en activité, les
violonistes ne représentent plus que 2%, 45 on peut s’interroger pourquoi y a-t-il si peu
de violonistes amateurs qui continuent à pratiquer leur instrument par la suite ?
Pourquoi abandonner ses études et son instrument au point de ne plus jouer, même
pour se faire plaisir ?
On abandonne quand le plaisir a disparu. Le principal facteur de toute réussite
c’est la motivation et comme l’affirme Jacques André : « Pas de motivation sans prise
de plaisir »46 Quand l’apprentissage devient trop difficile, trop intellectuel et trop
technique ; quand le répertoire ne plait pas, quand l’élève est toujours seul pour jouer,
quand il se présente trop rarement en concert devant un public et qu’il ne prend pas de
risques, quand il n’y a plus de défis, plus de frissons, plus d’émotion, il y a
démotivation.
44 Ibid., p. 19. 45 La pratique musicale amateur, Document du Ministère de la culture et de la Communication, Bulletin n° 65, 26 avril
2000, p.4. Sans auteur. 46 ANDRE (Jacques), Devenez des motivateurs, www.formiris.org, (Rubrique Projecture, dans « Sommaire détaillé ».)
Jacques André est Maître de Conférences à l’université de Poitiers.
37
On peut comparer l’enseignement du violon à un randonneur qui marche sur la
crête d’une montagne. Il faut garder un équilibre. D’un côté il y a le plaisir de jouer, de
l’autre, les efforts à fournir pour progresser. Tomber d’un côté ou de l’autre amènera
l’élève à abandonner car sans plaisir il n’y a plus de motivation et sans défis il n’y a
plus d’efforts. Si les efforts à produire sont démesurés en comparaison du plaisir
ressenti, l’élève abandonnera. Comme l’écrit Keith Swanwick :
« Chacun doit connaître la réussite, et les élèves des classes de musique n'y font pas exception. Il ne s'agit pas nécessairement de la réussite aux épreuves ou aux examens, mais de la réussite dans les rencontres quotidiennes avec la musique. Pour entretenir la motivation, il faut que le niveau de maîtrise et de compréhension s'élève. Tous les êtres humains normaux ont besoin d'apprendre et veulent apprendre, sauf si des échecs répétés les découragent. Les écoles sont parfois des endroits où les élèves apprennent à échouer… »47
En prenant conscience de ce taux extraordinaire d’abandon, il est logique d’en
rechercher les causes.
47 SWANWICK (Keith), « Education musicale », in Dictionnaire encyclopédique de la musique, sous la direction de Denis
ARNOLD, Paris, Robert Laffont, 1988, « Coll. Bouquins », tome 1, p. 696.
38
CHAPITRE II MOTIFS D’ABANDON
A.
L’enfant est contraint par ses parents
La première raison évoquée est que le débutant, encore enfant, n’a pas choisi
lui-même d’apprendre à jouer du violon.
« Le violon est un instrument précis et ponctuel dont l'étude ne peut être
envisagée si l'enfant ne manifeste pas l'envie d'apprendre, l'ardeur et la curiosité nécessaires. Bien des faux départs, bien des échecs latents pourraient être évités si l'on décelait à temps une absence de goût réel. »48
Le désir d’apprendre vient de ses parents qui le contraignent et qui décident
pour lui. Soit pour leur reconnaissance d’un certain statut social, soit parce que « Ça lui
fera du bien ! La musique est indispensable au développement de la personne… » . Ou
encore parce qu’au travers des activités de leur enfant, ils cherchent à faire vivre une
passion qu’ils n’ont pas pu assouvir dans leur jeunesse. « J’aurais tellement aimé
jouer…je veux qu’il ait sa chance. » Si c’est le cas, si l’étincelle ne s’allume pas dans
le cœur de l’enfant, on peut s’attendre à ce qu’il ne développe pas l’envie de jouer,
qu’il n’ait pas envie de répéter et qu’il abandonne. Le désir d’apprendre à jouer ne peut
pas venir de ses parents. Ces derniers peuvent espérer que leur enfant soit ému
positivement par le son du violon, qu’il développe l’envie de jouer, mais cette
motivation ne peut venir que de l’enfant lui-même. Cette situation est pourtant le cas de
beaucoup de jeunes. Il est bien certain que l'enfant seul ne peut savoir ce qui s'offre à
lui. Les parents sont là pour élargir ses horizons, pour lui faire des propositions, mais
sans toutefois basculer dans la contrainte.
« Sept musiciens sur dix ont débuté avant 15 ans. Les pianistes et les amateurs de cordes, vents et bois sont les plus précoces (…). Cette initiation précoce à la musique est souvent associée à une attitude incitative sinon franchement contraignante de la part des parents : plus de la moitié des musiciens parmi ceux qui ont débuté enfant indiquent que leurs parents les encourageaient à pratiquer, 21 % estimant même que ce sont leurs parents qui voulaient qu'ils jouent d'un instrument. Les pianistes (et probablement les violonistes, encore que les effectifs soient trop
48 HOPPENOT (Dominique), Le violon intérieur, Van de Velde, Paris, 1981, p. 243.
39
faibles pour l'énoncer avec certitude) sont les plus nombreux à avoir connu cette situation.»49
Lorsque arrive l’adolescence, il est tout à fait naturel que le jeune désire
s’émanciper de ses parents, et c’est en autres par le rejet de l’activité musicale imposée
qu’il s’affirme. « Si on commence le plus souvent la musique au moment de l'enfance, on
l'abandonne fréquemment au moment où on en sort, c'est-à-dire lors de l'adolescence et de la période qui précède l'installation dans la vie professionnelle et familiale adulte. (…) sur les 40% qui ont joué d'un instrument, seulement 18% poursuivent l'activité, ce qui signifie que plus de la moitié d'entre eux ont cessé tout activité musicale dès cet âge [15 à 19 ans]. » 50
Ce taux d'abandon (amateurs ayant cessé de pratiquer/total des amateurs)
continue d'augmenter très rapidement puisqu'il passe à 64% pour les vingt à vingt
quatre ans avant de se stabiliser autour de 75% pour les instrumentistes plus âgés.
Toutes générations confondues, plus de la moitié des anciens musiciens (53%) ont
arrêté entre quinze et vingt quatre ans, un sur cinq ayant même abandonné avant d'être
parvenu à l'âge de quinze ans.
B.
Les parents évaluent mal l’engagement nécessaire
Pour accompagner leur enfant dans ses études musicales, les parents doivent
être très disponibles. Sachant que l’élève doit se déplacer trois fois par semaine à
l’école de musique, (le cours de formation musicale est dissocié du cours d’instrument
et l’élève a l’obligation de participer à un ensemble collectif), et si la famille habite à
une certaine distance de l’établissement, les problèmes de transport et de disponibilité
deviennent vite très lourds et difficiles à résoudre.51
49 La musique en amateur, Ministère de la culture, « Développement culturel », Bulletin n° 107, juin 1995, p. 3. Sans
auteur. 50 Ibid., p. 3. 51 Pour ceux qui habitent loin d’un établissement, et qui veulent obtenir un diplôme reconnu par l’état, ils n’ont d’autre choix que de se déplacer. Si les structures nationales d’enseignement spécialisé de la musique offraient aux élèves non-inscrits dans leur établissement, le droit de pouvoir se présenter aux examens et aux évaluations, ces élèves pourraient suivre un programme officiel et prendre leur cours dans une école associative ou municipale située plus près de leur domicile. C’est ce que propose le Royal Conservatory of Music de Toronto. Trois fois par année, les
40
D’autre part, si les parents ne sont pas eux-mêmes musiciens, ils peuvent
difficilement aider leur enfant à la maison. S’ils ne savent pas lire la musique (et
l’enseignement du violon se fait presque exclusivement sur support écrit), beaucoup de
parents sont impuissants à corriger une erreur. Il est fréquent qu’à la maison, personne
ne sachant accorder le violon, l’instrument désaccordé le restera jusqu’au cours
suivant. Pour que l’élève ait plus de facilité à accorder son violon, il est essentiel que
l’instrument de l’enfant soit muni d’un cordier avec des vis d’accordement intégrées et
qu’il apprenne à s’en servir.
Pour atténuer ce problème d’accordement, l’achat d’un accordeur électronique
chromatique devrait faire partie du matériel indispensable à l’enfant lorsqu’il travaille
à la maison. Ces ingénieux appareils coûtent bien moins cher qu’autrefois. Munis de
cet accordeur, l’enfant, et ses parents, pourraient apprendre à s’en servir rapidement
avec précision et efficacité. Il faut noter que ces appareils sont tempérés et que le
violon s’accorde en quintes « justes ». Dans tous les cas, ce serait largement mieux
pour l’élève de répéter sur un violon tempéré que sur un violon désaccordé.
Une autre raison qui amène l’enfant à perdre sa motivation provient de
l’absence d’objectifs précis. Il ne sait pas exactement ce qu’il doit apprendre. Le
contenu des connaissances et habiletés à acquérir n’est pas défini de façon précise. Les
parents peuvent difficilement savoir où leur enfant est rendu dans son apprentissage.
Dans le Schéma d’orientation pédagogique publié par le Ministère de la
Culture, les objectifs du 1er cycle sont décrits comme suit : « L'ensemble des acquis de ce premier cycle constitue une formation
cohérente. Il peut être le premier stade d'une formation plus longue ou être une fin en soi, le temps pour l'élève d'acquérir une expérience de l'expression musicale qui peut être déterminante dans la construction de sa personnalité.
Les objectifs de ce cycle sont: - le développement des motivations, de la curiosité musicale, du goût pour
l’interprétation et pour l'invention; examens du Conservatoire sont tenus dans plus de 300 communes. Chaque année, 100,000 personnes participent à ces évaluations. Voir : www.rcmexaminations.org
41
- l'acquisition de bases musicales saines grâce à : - un dosage harmonieux de l'oralité musicale (écoute, mémoire...) et du
maniement du langage écrit, - la mise en relation de l'approche sensorielle et corporelle des différents
éléments du langage musical avec le vocabulaire spécifique, - la diversité des répertoires abordés; monodiques et polyphoniques, vocaux
et instrumentaux. - l’amorce de savoirs faire vocaux et instrumentaux, individuels et collectifs:
l'acquisition des premiers réflexes fondés sur la qualité du geste, de la lecture, de l'écoute intérieure, et sur l'écoute des autres dans la pratique collective;
- un premier accès aux différents langages musicaux, au travers de l'écoute d'œuvres, de l'étude des partitions appropriées et des activités d'invention, en recherchant un équilibre entre approche du détail et perception globale. »52
Ce document n’informe pas les parents sur ce que l’élève doit précisément
apprendre durant l’année, et l’élève non plus ne le sait pas. Si nous comparons avec le
programme du Conservatoire de musique de Toronto au Canada, The Royal
Conservatory of Music, nous constatons que là-bas, les parents peuvent se procurer un
document dans lequel les objectifs à atteindre sont clairement écrits : les morceaux du
répertoire, les compétences techniques à atteindre, les tests de discrimination auditive
et le jeu par imitation.53 Toutes les habiletés à acquérir dans l’année sont indiquées. Il
est plus facile de motiver son enfant quand on sait exactement ce qu’il doit apprendre,
et où il est rendu dans son programme annuel.
A ce propos, certains professeurs utilisent judicieusement une feuille de
motivation où l’élève voit le chemin qu’il a à parcourir pendant une certaine période
de temps, et où il est rendu dans ce « chemin ». En visualisant sa progression sur cette
feuille, il a généralement plutôt envie d’aller au bout du chemin. Les objectifs et les
buts sont clairs pour lui.
Pour assurer sa motivation, l’élève a besoin de défis. Il me semble que ce serait
une bonne idée si sur cette feuille de motivation avec les buts à atteindre, il y avait
trois niveaux de difficultés, et lui lancer un défi en introduction : « Serais-tu capable de
te rendre jusqu’au troisième niveau de difficulté ? » 52 Le schéma d’orientation pédagogique des écoles de musique et danse, Ministère de la Culture, Direction de la musique et de la
danse, 1996, p.4. Sans auteur. 53 The Royal Conservatory of Music, SYLLABUS violin, Mississauga, Frederick Harris, p.17. Voir un exemple en
annexe I.B. Voir aussi le site Internet : www.rcmexaminations.org
42
C.
Les professeurs n’ont pas été formés principalement à enseigner.
Dans l’introduction de son ouvrage « L’école de musique reste à inventer »,
Eddy Schepens résume une situation très fréquente de l’enseignement dans les écoles
de musique. De nombreux professeurs de musique n’ont pas reçu de formation
spécifique à l’enseignement musical. Il fait remarquer qu’avant 1990, il n’y avait pas
de formation spécifique pour devenir professeur de musique :
« Le métier de professeur de musique s'est longtemps appris « sur le tas », par
l'expérience. Pour beaucoup de musiciens, enseigner consistait à répliquer plus ou moins bien les enseignements reçus. Il n'existait pas en France, jusqu'en 1990, de lieu de formation des professeurs de musique. La « culture pédagogique » des musiciens ne pouvait donc se structurer comme telle: elle demeurait affaire d'intuition, d'opinion(s), de conviction(s) personnelle(s), de bon sens. » 54
Au même titre que l’enfant doit avoir choisi lui-même d’apprendre à jouer du
violon, celui qui se destine à enseigner le violon devrait lui aussi choisir d’être avant
tout un pédagogue. En réalité, le candidat qui oriente ses études de musique pour
devenir professionnel souhaite la plupart du temps devenir un « artiste » : musicien
d’orchestre ou concertiste. Il ne choisit pas réellement de devenir enseignant.
L’enseignement de la musique lui permettra d’aider à gagner sa vie financièrement,
sans toutefois avoir reçu une formation pour devenir « pédagogue » :
« L'enseignement demeure par ailleurs le refoulé d'une profession artistique à
laquelle on se prépare de longue date, dans l'espoir de devenir un jour "un artiste". Les institutions musicales participent souvent, aujourd'hui encore, de cet état d'esprit, et demeurent centrées sur les apprentissages qui leur sont spécifiques, tolérant mal que des préoccupations non strictement musicales pénètrent l'esprit ou la lettre de leurs enseignements. Le milieu des musiciens professionnels classiques continue ainsi à considérer la fonction d'enseignement comme une trivialité à laquelle il est malaisé de se soustraire, et qu'il faut bien accepter pour arriver à "vivre de son art". »55
54 SCHEPENS (Eddy), L’école de musique reste à inventer, Lyon, DEA de Sciences de l’Education, Université Lumière,
1997, p. 4. 55 Ibid., p 4.
43
Le rapport du DEP de 1998 est révélateur à ce sujet : On peut noter que sur la
totalité de la France métropolitaine, il y avait soixante et onze inscrits en pédagogie
musicale.
Département : FORMATION
MUSICALE TOTAL56 CNR ENM
Formation musicale 97 276 35 131 62 145 Culture musicale 5 230 2 754 2 476 Ecriture 3 018 1 949 1 069 Composition 318 142 176 Pédagogie fondamentale 71 55 16
Figure 2 : Répartition des élèves par départements d'études musicales57
« La “ pédagogie fondamentale ” reste rarement enseignée quelque soit le type d’établissement. »58
Pour être motivé, l’élève doit aussi recevoir son enseignement d’un professeur
compétent, disponible, patient et d’humeur joyeuse. N’oublions pas que l’humour est
un excellent facteur de motivation, et que la joie entraîne la joie. Il doit avoir de
l’estime pour l’élève et avoir confiance dans son talent. Le professeur motivé et
enthousiaste exerce une grande influence sur l’élève, et celui-ci aura envie de lui faire
plaisir. Le contraire est aussi vrai : « Rien n’est plus démotivant pour des élèves que
d’avoir devant eux un enseignant démotivé. L’enseignant doit donner l’image du plaisir qui
l’habite. Celui-ci doit transpirer de sa personne. »59
Afin d’avoir une incidence positive sur la motivation des élèves, le violoniste
qui se destine à l’enseignement du violon doit absolument acquérir des notions solides 56 Chaque élève est comptabilisé autant de fois qu’il suit de disciplines différentes. 57 L’activité des écoles de musique et de danse. Année scolaire 1997-1998. Le développement de l’enseignement de la
musique et de la danse. Document 1245. Département des études et de la prospective, Direction de l’administration générale du Ministère de la culture et de la communication. Paris, juillet 1999, p. 18.
58 Ibid., p. 18. 59 ANDRE (Jacques), Devenez des motivateurs, www.formiris.org, (Rubrique Projecture, dans « Sommaire détaillé ».)
Jacques André est Maître de Conférences à l’université de Poitiers.
44
en pédagogie et en psychologie du développement de l’enfant. Comme le dit Zoltan
Kodaly, il ne suffit pas d’être un excellent instrumentiste pour savoir enseigner.
« Les professeurs de musique doivent avoir une excellente éducation musicale, mais ils doivent avoir beaucoup plus que des connaissances musicales. Autant il doit être chaleureux et compréhensif, autant le professeur de musique doit avoir des connaissances profondes de la psychologie du développement et du comportement humain. Le professeur devrait être capable de comprendre et de motiver l’enfant dans ses processus de réflexion et d’apprentissage, et comprendre ce qu’est la joie de la musique dans le cœur de l’enfant afin d’être capable de la développer. »60
Pour transmettre à l’élève l’envie d’apprendre à jouer; il est nécessaire de baser
son enseignement sur le jeu, en établissant une progression naturelle d’acquisition des
connaissances et des habiletés qui respecte le développement harmonieux de l’enfant :
ses besoins, ses goûts, ses envies et ses capacités. De plus, il faut reconnaître que
l’enfant a un besoin inné de créativité. Le professeur de violon doit encourager son
élève à créer et ce, dès les premières leçons.
Il me semble évident qu’au terme de leur formation, le professeur de violon
devrait :
• Connaître la progression naturelle des acquis de l’élève. Certaines
habiletés sont plus faciles à atteindre que d’autres. Je crois qu’il est
fondamental de savoir comment s’y prendre pour que cette progression
soit efficace.61 Un manque de méthode engendré par la méconnaissance
d’une progression technique naturelle compliquera énormément
l’apprentissage du violon.
60 Cité dans : WOOD, (Donna), “Focus on early childhood”, in Ostinato, bulletin n° 43, septembre 1989, p. 10.:
“Teachers of music must have an excellent music education, but they must have much more than musical knowledge. As weIl as a warm and understanding personality, the music teachershould have some professeuressional knowledge of behavioural psychology, human growth and human development. The teacher should be able to understand and motivate the thinking and learning processes of young children. We must comprehend the joy of music in the child’s terms and be able to nourish and encourage this special joy.”
61 Aux Etats-Unis, le MENC, (Music Educators National Conference) a publié un document intitulé « Teaching stringed instruments, a course of study » qui résume une démarche d’apprentissage naturelle et réfléchie donnant des résultats rapidement identifiables. Les professeurs de violon qui ont été choisis pour participer à cet ouvrage ont été sélectionnés sur la preuve de leur excellent taux de réussite dans l’enseignement du violon. Un autre ouvrage du MENC écrit par Margaret MERRION fait la synthèse des stratégies efficaces pour l’enseignement aux violonistes débutants : What works ? (Qu’est-ce qui fonctionne ?)
45
• Connaître les travaux des grands pédagogues de la musique tels que
Edgar Willem’s, Carl Orff, Maurice Martenot, Jacques Dalcroze,
Kodaly, me paraît indispensable.
• Etre au courant des recherches en pédagogie spécialisée pour le violon
me semble nécessaire. L’enseignement a beaucoup progressé grâce au
travaux des grands pédagogues tels que : Shinichi Suzuki, Paul Rolland,
Sheila Nelson ainsi que d’autres : Yvan Galamian, Yehudi Menuhin.
Suzuki a créé une véritable révolution lorsque dans les années 1960, il a
enseigné à jouer du violon (avec grand succès) à des milliers d'enfants
d'âge préscolaire. Sa méthode est basée sur deux aspects: la mère
représente le professeur à la maison, et l'enfant, tous les jours, doit
écouter l'enregistrement de la musique qu'il apprend à jouer. Il apprend
donc "à l'oreille", de la même façon qu’il apprend à parler sa langue
maternelle.
Aux Etats-Unis, Rolland a démontré qu’on peut accélérer l’apprentissage
du violon en améliorant les techniques d’acquisition des bons
mouvements pour faire fondre les tensions musculaires. Je pense que ses
travaux révolutionnaires devraient être connus de tous les professeurs de
violon.62
Le professeur de violon Sheila Nelson a composé énormément de courtes
pièces de musique spécialement adaptées au répertoire du violoniste
débutant.
• Le professeur devrait savoir à jouer à l’oreille.
• Savoir improviser sans l’aide de partitions.
62 Paul Rolland a publié le résultat de ses recherches : The teaching of action in string playing. Cet ouvrage a été traduit en
français par Chantal Masson Bourque sous le titre L’enseignement du mouvement dans le jeu des cordes, Ste-Foy, Québec, Presses de L’Université Laval, 1991 Une série de 9 vidéos (non traduits) accompagnent cet ouvrage.
46
• Savoir lire la musique et pouvoir composer et arranger des petits
morceaux de musique pour ses élèves.
• Avoir une bonne connaissance des méthodes de violon pour les
débutants afin de se servir du meilleur matériel pédagogique. A ce sujet,
il est important de s’intéresser à ce qui se fait hors frontières. Par
exemple aux Etats-Unis, nombre de méthodes de violon pour débutant
sont vendues accompagnées d’un support sonore (accompagnement sur
disque), en France, ce n’est pas encore le cas. Or, il est prouvé que ce
support sonore est d’une grande aide à la maison, a fortiori lorsque les
parents ne sont pas musiciens. L’enfant prenant l’habitude de jouer avec
un orchestre enregistré est beaucoup plus motivé parce que « ça
sonne ! ». Il développe ainsi des compétences pour jouer en groupe tout
en développant une meilleure intonation et un sens du tempo et du
rythme plus précis. Il serait essentiel qu’en France, les méthodes pour
l'enseignement du violon continuent d'évoluer. Qu’elles offrent du
matériel non seulement choisi pour le développement technique et
musical, mais que le choix des morceaux représente mieux la grande
diversité culturelle des jeunes d'aujourd'hui. Et que ce choix prenne en
considération les musiques actuelles et traditionnelles.
Au sein de la profession, je suis convaincu qu’il serait sage de se regrouper en
association, dans le but de se rencontrer entre professeurs de violon et de mettre en
commun les différentes « trouvailles » pédagogiques. L’organisation de colloques, de
stages, d'ateliers, de cours, de conventions, de compétitions et d'auditions aurait pour
effet d'encourager l'échange et le développement de nouvelles idées. Dans ces
rencontres, on pourrait y échanger des livres, des enregistrements, des vidéos, des Cd-
rom et des articles autant sur la technique que sur la pédagogie. Les professeurs
auraient accès à des documents audio-visuels de brillants artistes et d’illustres
47
professeurs afin de pouvoir observer leur jeu. Tout comme aux Etats-Unis, cette
association pourrait éditer une revue pédagogique trimestrielle.63
« The American String Teacher Association » y est pour beaucoup. Les publications de cette association de professeurs de cordes démontrent qu'aujourd'hui, (dans l'enseignement du violon et des autres instruments à cordes), il est nécessaire d'avoir un bon équilibre entre le développement technique, les réflexions philosophiques, l'importance sociologique de la musique dans la société ainsi que les considérations artistiques et d'interprétation. Dans l'enseignement du violon aujourd’hui, l'emphase est mise sur l'économie des mouvements, sur l'équilibre au lieu de la force, et sur l'importance de développer d'excellentes habitudes pour travailler son instrument.64
Enfin, pour celui qui se destine à une carrière d’enseignant, il est essentiel qu’il
continue aussi à jouer et qu’il ait une pratique musicale collective. Le professeur qui
gagne sa vie en enseignant la musique travaille souvent dans plusieurs lieux et utilise
passablement de temps pour se déplacer. Il travaille souvent en soirée après les heures
de classe. Il est alors difficile de concilier vie de famille, travail d’enseignant et
pratique musicale. En bref, il faut chercher à cultiver un équilibre.
D.
L’étude du langage musical dissocié de l’instrument
Beaucoup de jeunes se découragent lorsque l’étude du langage musical
(solfège) précède l’apprentissage du jeu à l’instrument, car ils ne peuvent
simultanément expérimenter et mettre en pratique sur le violon la théorie enseignée.
Faute de mouvements et d’expériences sensorielles la connaissance ne peut
« s’accrocher ». Dans certaines écoles de musique, les élèves doivent encore étudier le
solfège pendant au moins une année, voire deux, avant de commencer l’étude du
violon. Heureusement cette pratique est de plus en plus rare. La théorie s’apprend plus
63 American String Teacher Association. Cette association existe depuis 1947. Elle regroupe 11,000 professeurs de cordes.
(www.astaweb.com) En France il vient de se créer une Association de professeurs de violon: L’association Lamirésol :http://lamiresol.free. Au début de l’année 2002, cette association comptait 180 membres.
64 SARCH (Kenneth), « Violin Playing and Teaching in the '90s » in American String Teacher, Fairfax, USA, automne 1996, vol 46, N°3, pp. 52 à 54.
48
vite avec l’instrument : le solfège pourrait avantageusement être enseigné
simultanément ou un peu après que l’élève ait déjà commencé à jouer à l’oreille.
Dans la plupart des écoles de musique, l’enseignement du langage musical est
dissocié de l’apprentissage du violon, or l’élève devrait apprendre le solfège avec son
instrument, afin de pouvoir le matérialiser concrètement. Le niveau de connaissances
exigé en cours de solfège doit être en rapport avec le niveau d’apprentissage
instrumental du débutant. Les enseignements au cours de solfège ne concordent
souvent pas avec ce que le violoniste est en train d’apprendre. La progression
d’apprentissage de lecture de notes apprises dans les premiers mois du cours de
solfège ne correspond pas aux besoins du violoniste débutant, mais à celui du pianiste.
Le violoniste débutant ne commence pas à lire à partir du do sous la clé de sol.
(Comparée à la tonalité de ré majeure, la gamme de do est une trop grande difficulté
pour le débutant.)
Prenons un exemple : à la fin de sa 2ème année de cours de formation musicale,
Noémie, huit ans, n’a jamais appris la lecture des notes sur la corde de sol du violon.
Elle doit apprendre la clé de fa, mais on ne lui enseigne pas à lire les lignes
supplémentaires inférieures de la clé de sol. L’altiste débutant a un problème bien plus
important car pour déchiffrer des partitions d’alto, il doit apprendre à lire la clé d’ut
qui n’est pas enseignée dans les premières années du cours de solfège. Pour les
premières années d’études du violoniste, j’estime qu’il serait préférable de mettre
l’accent sur les bons mouvements corporels et enseigner la lecture à l’aide du violon
afin qu’il y ait tout de suite une application pratique.
49
E.
F.
Difficultés pour l’élève de répéter à la maison
L’élève ne répète pas tous les jours. Souvent son emploi du temps est trop
chargé. Les journées scolaires sont longues, et souvent rallongées par les devoirs à
faire à la maison. Beaucoup d’élèves quittent leur domicile avant huit heures le matin
pour n’y retourner qu’après dix huit heures. Ces longues journées de classe l’épuisent
et il n’a plus la concentration nécessaire pour apprendre à jouer du violon le soir.
Parmi eux, nombreux sont ceux qui en plus d’apprendre à jouer du violon, cumulent
d’autres activités extrascolaires telles que danse, football, judo, etc. Si les professeurs
et les directeurs d’école de musique demandent trop de travail à l’élève, il ne peut tout
mener à la fois et dans bien des cas, il abandonne rapidement.
Lorsqu’il rentre chez lui, l’élève n’a pas de support à la maison. Souvent dans
son milieu familial, personne ne peut l’aider ni à accorder son instrument ni à
comprendre ce qu’il doit jouer, ni à jouer avec lui. Dans la plupart des cas, la méthode
de violon dont il se sert n’a pas de support audio (disque ou cassette). Avec les
facilités technologiques que nous avons aujourd’hui, toute méthode de violon pour
débutant devrait être vendue avec un support sonore de qualité.
Déséquilibre entre « intellectualisme » et créativité
Très souvent, l’enseignement du violon ne suit pas une progression logique. On
enseigne à lire avant de jouer à l’oreille. Je crois que le contraire serait plus naturel et
plus efficace. L’enfant aime jouer. C’est par le jeu qu’il apprend et mémorise le plus.
Il a envie d’apprendre à jouer des morceaux de musique. L’enseignement qu’on lui
propose fait trop souvent appel à son côté intellectuel, sans suffisamment reconnaître
l’importance de la culture des émotions. « Aimes-tu cette musique ? A quoi te fait-
elle penser ? » On lui impose souvent trop d’exercices qui bien que formateurs, sont
sans rapport avec ce qui l’intéresse vraiment.
50
La progression musicale des morceaux de musique proposés ou imposés peut
aussi laisser à désirer. Dans le but de progresser techniquement, les morceaux sont
souvent trop difficiles et l’élève ne peut les jouer qu’en pièces détachées. Lorsqu’on
lui demande de jouer un morceau, il ne sait pas quoi jouer car il n’en maîtrise aucun,
n’ayant pas appris un répertoire de pièces faciles à jouer.
Enfin le sens créatif de l’enfant est souvent ignoré. Il y a un déséquilibre entre
la créativité d’une part, et la lecture et l’écriture musicale d’autre part. Dans son
ouvrage « Le cerveau et la musique », Jean-Paul Despins affirme qu’il faut se méfier
d’un enseignement musical trop intellectuel:
« Des recherches ont démontré que l'élément essentiel de la musique est d'obédience hémisphérique droite (...). Mais, au détriment de l'apprentissage musical, qui est l'apanage de l'hémisphère droit, des professeurs de musique insistent trop sur l'aspect écrit et analytique de la musique, propriété de l'hémisphère gauche. Les élèves moins doués pour l'expression verbale ou dont le style est plutôt contrôlé par l'hémisphère droit se sentent souvent perdus, si l'enseignement est trop orienté vers un procédé verbal et analytique (...). D'emblée, les enfants préfèrent faire de la musique» plutôt que l'étudier (...). Les éducateurs devront dorénavant tenir compte de ces nouvelles théories sur le cerveau et de leur apport en éducation musicale. »65
Afin de développer la motivation de l’élève, je pense qu’il est important que
l’enseignement musical dispensé au violoniste débutant soit équilibré entre
acquisitions techniques et créativité.
« La musique semble être décodée globalement par le cerveau. Les activités musicales (incluant le mouvement, le langage, le rythme et la mélodie) activent les deux hémisphères cérébraux et ainsi sont un antidote contre l'usage exclusif de l'hémisphère gauche, rationnel, verbal, mathématique que l'on retrouve dans l'éducation dispensée trop souvent dans nos écoles. Les sentiments, la pensée créatrice, la capacité de solutionner des problèmes et la pensée intuitive que l'on attribue à l'hémisphère droit peuvent être nourris par l'implication dans la musique, Un programme bien articulé en éducation réclame des activités qui font appel aux deux hémisphères "droit et gauche." »66
Le plus souvent, c’est le développement du sens créatif qui fait défaut.
65 DESPINS (Jean-Paul), Le cerveau et la musique, Paris, Christian Bourgeois, 1986, p. 18. 66 CORNEILLE (Marcelle), Epanouissons-nous par la musique, Toronto, Gordon Thompons, 1999, p. XII.
51
G.
Evaluation exagérée de la technique musicale
Le professeur de violon doit être conscient de sa mission et veiller à ce qu’il y
ait un équilibre entre le plaisir de jouer et les exigences techniques qui représentent un
défi pour l’élève. Dans son ouvrage : Principes fondamentaux de formation musicale
et leur application, Maurice Martenot nous rappelle le rôle délicat de ce qu’il appelle
l’éducateur par l’art. La sagesse de sa réflexion devrait inspirer le professeur de
violon :
« Nous pensons que l'éducateur par l'art doit avoir conscience de l'importance de sa mission et du rôle irremplaçable qu'il peut jouer dans notre société d'aujourd'hui. Le monde moderne accorde une place de plus en plus grande à l'effort intellectuel, au détriment des aspirations les plus simples et les plus légitimes de notre être. L'enseignement des matières artistiques est souvent la seule chance laissée à un homme divisé de retrouver ses racines profondes, de se réconcilier avec lui-même, corps avec esprit, sentiments avec intellect. Celui qui se destine à cet enseignement doit bien connaître le pouvoir dont il est investi, et la grandeur de la tâche qui l'attend: il s'agit de donner à l'élève une nourriture qu'il ne trouvera ni dans l'exercice purement physique, ni dans l'apprentissage technique ou intellectuel. Seul l'enseignement artistique bien compris sera ce merveilleux antidote contre la mécanisation, le dessèchement dont souffre notre vie actuelle. 67
La plupart des élèves ne souhaitent pas devenir des professionnels. Il faut bien
sûr que l’élève se munisse d’un solide bagage technique afin de pouvoir développer les
habiletés nécessaires pour l’imitation, l’invention et l’interprétation musicale, mais ce
qui compte avant tout, c’est que l’élève ait du plaisir à jouer et à progresser. Que le
plaisir soit présent, et que cet enthousiasme pour jouer devienne une habitude
quotidienne.
« … aujourd'hui, parmi tous ceux qui s'intéressent à la musique et se mettent au travail, bien peu cherchent à atteindre un niveau professionnel. L'étude des instruments intéresse de plus en plus d'enfants, d'adolescents, d'adultes qui y voient justement l'occasion privilégiée d'un acte gratuit, rompant avec le rythme accéléré de leur vie habituelle dans sa recherche effrénée de résu1tats. Tous ceux-là désirent moins exécuter un jour une performance de virtuose que passer chaque jour un peu de temps à se retrouver eux-mêmes, et nous leur proposons la musique comme moyen d’y parvenir. »68
67 MARTENOT (Maurice), Principes fondamentaux de formation musicale et leur application, Paris, Magnard, 1970, p. 16. 68Ibid., p. 14.
52
Mais dans les écoles spécialisées, l’enseignement de plus en plus pointu oblige
le professeur à exiger du jeune violoniste qu’il répète de fastidieux exercices souvent
vidés d’expression musicale et qu’il apprenne des morceaux basés avant tout sur des
prouesses de compétences techniques. De toutes les disciplines artistiques, la musique
est celle où on évalue le plus souvent et le plus rigoureusement l’élève. On juge de sa
progression par des examens et des concours où on ne peut qu’évaluer des résultats
tangibles et où trop souvent la crainte d’échouer remplace le plaisir de jouer. Sous
l’emprise de la peur, l’élève ne peut développer son talent. La peur disperse l’attention,
tue l’initiative, la créativité et la pensée. Elle paralyse non seulement l’esprit, mais elle
se répand dans le corps sous formes de contractions, de tremblements et de pertes de
contrôle musculaire. La peur est démotivante. Le talent doit se développer dans la joie
car c’est par le plaisir que naît la motivation. Etablir la formation musicale de l’élève
sur un système d’élimination et de compétition n’encourage pas non plus l’enfant à
développer la conscience indispensable du partage avec l’autre. Ce système renforce
l’individualisme déjà trop étendu dans notre société.
Le bonheur de jouer réside t-il dans le fait d’être meilleur que son voisin ?
Procéder ainsi n’est-il pas un moyen efficace de gâcher une passion pour la musique ?
Cette réflexion de Raoul Tubiana me paraît tout à fait pertinente :
« Le système éducatif lui-même est peu adapté pour orienter sélectivement les jeunes musiciens vers une carrière musicale répondant à leurs aptitudes. Notre culture de compétition, de concours, visant à faire des solistes virtuoses, alors qu'on sait pertinemment que peu seront élus, aboutit à un système d'exclusion et développe des sentiments de précarité et de frustration à la mesure des énormes efforts investis pendant tant d'années. Un tel système crée une anxiété généralisée et risque de faire naître, chez les musiciens déçus, une amertume les rendant peu aptes à jouir du potentiel de plaisir que représente la musique. »69
Selon Jean-Paul Despins, les récentes découvertes sur le fonctionnement du
cerveau humain permettent d’expliquer cette démotivation. Une sollicitation trop
69 TUBIANA, (Raoul), « La prévention des troubles liés à la pratique instrumentale chez l’enfant », in Médecine des arts,
N° 29, septembre 1999, p 31.
53
importante de l’hémisphère gauche du cerveau par rapport à l’hémisphère droit en
serait une des causes importantes :
« L’enseignant qui insiste trop, dans l'apprentissage d'une pièce, (…) sur des techniques trop avancées d'interprétation, sur la lecture pour la lecture, et dont le discours musical tombe dans la complexité rythmique ou s'étend sur un trop vaste ambitus, cet enseignant privilégie consciemment ou non les mécanismes fonctionnels de l'hémisphère gauche au détriment de ceux de l'hémisphère droit. Celui qui met une importance démesurée dans l'acquisition de la théorie musicale risque, à coup sûr, de court-circuiter le besoin qu'ont les enfants de sentir, de jouer et de créer ».70
Ne serait-il pas préférable de varier les styles de musiques et de multiplier les
occasions afin que l’élève puisse jouer davantage avec d’autres musiciens ? Le but
c’est quand même de se faire plaisir et de partager cette joie avec d’autres, qu’ils
soient musiciens ou auditeurs.
H.
Répertoire insuffisamment varié
Souvent, l’enfant n’a quasiment jamais écouté de violon avant de commencer
son apprentissage. Sans imprégnation, le choix d’un type de musique trop spécialisé ne
peut trouver chez lui qu’un faible écho. Rares sont les jeunes qui écoutent du violon
classique à la maison. Il est plus sage de partir de ce que l’enfant connaît en faisant
particulièrement attention à ce que le tempo soit adapté à son rythme, qui au primaire,
est rapide et joyeux. Il est fréquent que les morceaux de musique lui soient imposés et
qu’ils ne correspondent ni à ses goûts personnels, ni à son âge. Les premiers morceaux
enseignés pourraient avantageusement être tirés du répertoire de chansons enfantines
et traditionnelles.
Varier les morceaux, aussi courts soient-ils, est nécessaire. A ce propos voici ce
que conseille Yvan Galamian dans « Enseignement et technique du violon » : « Pour le
répertoire, le professeur doit tendre à le diversifier au maximum en faisant travailler à l'élève
70 DESPINS (Jean-Paul), Op.cit., p.90.
54
des œuvres de tout style, de tout type et de toutes époques. »71. Le professeur ne doit donc
pas se cantonner qu’au classique.
Le manque de variété dans le choix des morceaux de musique ne développe pas
vraiment le sens musical et cela peut être extrêmement démotivant. Au lieu de jouer
médiocrement des compositions difficiles, il serait plus profitable à l’élève
d’apprendre des morceaux plus faciles afin de pouvoir jouer avec plus d’expression. Il
arrive parfois qu’un élève passe plusieurs mois à déchiffrer et apprendre une partition
de niveau trop difficile pour lui. Jean-Paul Despins met en garde le professeur contre
cette façon de faire qui peut arriver au résultat opposé à celui qui était souhaité :
« Concrètement, on pourrait penser à la situation suivante: le fait de passer tout un trimestre à travailler une même pièce en s'attardant avec acharnement sur des questions de détails secondaires pourra peut-être apporter une certaine satisfaction au professeur. L'interprétation de cette pièce pourra certes charmer les oreilles sensibles de doctes auditeurs. Mais tout ce travail aura peut- être réussi à affadir sérieusement le goût et le sens musical des interprètes enfants, leur niveau de maturation cognitive ne leur permettant pas de savourer les prodigieuses fantaisies de leur maître. »72
J’ai souvent constaté que varier le style de musique est une façon formidable
pour motiver les jeunes violonistes. Le répertoire devient plus moderne et représente
mieux les différents courants culturels des jeunes. Le professeur de violon doit
s’adapter à son époque. Il ne peut pas se permettre d’enseigner que ce qu’il a reçu
dans sa formation. Certes l’étude des vieux maîtres recèle une inestimable mine d’or,
mais il faut d’abord savoir ce que l’élève aime, pour pouvoir ensuite l’amener à
découvrir et apprécier la richesse des œuvres de ces grands maîtres. A partir de ce
qu’il connaît et avec les découvertes communes, on pourra ainsi l’amener à trouver sa
voie. Cet article de Kenneth Sarch paru dans la revue American String Teacher n’aura
aucun mal à nous convaincre de l’importance de varier le répertoire pour l’adapter au
goût des jeunes :
71 GALAMIAN (Yvan), Enseignement et technique du violon, Paris, Van de Velde, 1993, p. 150. 72 DESPINS (Jean-Paul), Op.cit., p.89.
55
« En invitant dans les programmes la musique des violoneux telle que la musique country, irlandaise, écossaise, bluegrass et traditionnelle ; en assurant une plus grande place aux musiques ethniques d'autres pays comme par exemple les musiques latines, cubaines, arabes, chinoises, juives et autres, les jeunes ont découvert qu'il pouvait être très amusant de jouer du violon. Cette addition de styles, à ce qui était autrefois un répertoire strictement classique, a largement contribué à enthousiasmer un nombre important de jeunes à apprendre à jouer du violon. Par la suite, beaucoup de ces jeunes développent l'envie d'apprendre à jouer le répertoire classique. Sans cette ouverture à des musiques plus populaires, beaucoup d'entre eux n'auraient certainement jamais appris la musique. Rajoutez à ceci la popularité grandissante du violon électrique et électronique au sein du répertoire rock, jazz, pop et même classique contemporain, et on ne se surprendra pas de rencontrer cet instrument comme un médium important d'expression musicale dans ce nouveau siècle. »73
73 SARCH (Kenneth) « Violin Playing and Teaching in the '90s » in American String Teacher, Fairfax, USA, automne
1996, vol 46, N°3 p. 52 à 54.
56
I.
Enseignement trop individuel et pratique collective insuffisante
Quoiqu’il ait une relation privilégiée avec son professeur, l’élève apprend et
joue souvent seul, sauf dans certains cours où on regroupe les élèves par deux ou
trois. Si cette pédagogie de groupe n’est pas décidée dès le début de l’année scolaire,
c’est très difficile de la mettre sur pied par la suite. D’autre part, dû aux contraintes
horaires des parents et des élèves, il est presque impossible de changer la composition
d’un groupe si les élèves progressent à différents rythmes.
Dans certaines écoles, on exige de lui qu’il sache jouer depuis plusieurs années
avant de pouvoir joindre les rangs d’un orchestre : « quand l’élève aura acquis une
certaine technique …» Pourtant une des façons les plus simples de motiver un jeune
musicien est de faire en sorte qu’il puisse jouer avec d’autres. A ce propos, le débutant
devrait se présenter en concert dans les trois mois qui suivent le début de ses études. Le
plaisir musical est contagieux. Imaginerions-nous des enfants préférant jouer seul au
ballon ? Il en va de même pour la musique. Comme le fait remarquer Guy Destanque,
tromboniste : « Il me paraît important de dire ceci : un jeune qui commence à apprendre
piano ou violon risque d'abandonner après quelques années faute de trouver une pratique
stimulante au sein d'un groupe. »74 Pour éviter que l’élève apprenant seul se démotive, l’idéal serait que dès le
début de son apprentissage, le violoniste débutant puisse ressentir le plaisir de
participer à un orchestre, encadré par des musiciens plus avancés. En vérité, dû au fait
que le violon est accordé en quintes, les débutants pourraient simplement accompagner
nombre de morceaux de musique en pizzicatos sur les cordes à vide, sans poser les
doigts de la main gauche sur la touche. Prenons un morceau dans la tonalité de ré par
exemple, la corde de ré est la tonique, la corde de la est la dominante, et la corde de
sol est la sous-dominante. Ils pourraient ainsi être présents à la première partie de la
répétition hebdomadaire de l’orchestre, apprendre à jouer au bon moment, à compter
des silences, à écouter les autres parties et par là même se former l’oreille, en plus de
74 DESTANQUE (Guy), « Importance de la myologie faciale dans l’enseignement des cuivres », in Médecine des arts,
N° 29, septembre 1999, p 33.
57
se faire des amis, bref à ressentir l’immense joie de jouer à plusieurs. Je suis persuadé
que le jeu collectif est un des plus puissants facteurs de motivation ainsi qu’un moyen
de formation indispensable et irremplaçable.
Etant conscient depuis longtemps de l’importance du jeu collectif pour
développer la motivation des débutants, j’ai fondé et dirigé un orchestre à cordes
(L’Ensemble à Cordes et Crins) où débutants, jeunes et moins jeunes jouaient
ensemble.75 Le répertoire pour orchestre se présentant généralement par niveaux, j’ai
composé et écrit plusieurs arrangements où les débutants solistes étaient encadrés par
les plus avancés.76 Il est certain que cette expérience a eu un effet extrêmement positif
sur la motivation non seulement des jeunes violonistes, mais aussi chez nombre
d’adultes qui se sont remis à une activité d’amateur après parfois plusieurs années
d’interruption. Mais ce n’est pas le cas dans toutes les écoles. Dans beaucoup
d’établissements, les élèves jouent peu ensemble, et il n’y a pas suffisamment de
passerelles avec les amateurs. Voici le point de vue de Daniel Gourmand, directeur du
conservatoire municipal de musique et danse de Mitry-Mory :
« La plupart des conservatoires font une pratique collective éphémère et insuffisante, bien souvent sans penser à promouvoir la pratique amateur existante à l'extérieur. On pense surtout à l'enseignement, car c'est la vocation première des écoles; mais cet enseignement n'a pas toujours un lien et une «projection», avec la pratique collective et encore moins avec la pratique amateur. Pourtant cette pratique doit être la «clé de voûte» de l'organisation pédagogique. »77
75 J’ai dirigé cet orchestre de 1995 à 2002. 76 On trouvera un exemple d’une de mes compositions pour Ensemble à cordes : « Quatre cerises ». Voir annexe I.D : 77 BERGNA (Christine), « La pratique collective dans le monde musical en France : quelle configuration pour le 3ème
millénaire ? », in Journal de la Confédération Musicale de France, N° 489, août 2000, p 6 à13.
58
J. Problèmes engendrés par le matériel
Régulièrement, sans nécessairement le faire à mauvais escient, les marchands
de musique louent ou vendent des instruments incomplets, mal réglés, soit de grandeur
mal adaptée à la taille de l’enfant, ou tout simplement de mauvaise qualité. Il ne faut
pas sous-estimer ce problème car cela peut carrément empêcher l’élève d’apprendre.
Par exemple, un violon trop grand ne permet pas à un enfant de développer un
jeu harmonieux. Il n’atteindra pas facilement les notes sur la corde de sol. Son
auriculaire gauche trop court ne pouvant pas atteindre sa position respective sur le
manche du violon, il pourra développer une mauvaise posture, et sera donc incapable
de trouver un quelconque confort de jeu ainsi que du plaisir à jouer.
Sans vis d’accordement sur le cordier, le débutant aura de grandes difficultés
pour accorder son violon car il devra en même temps tourner et coincer les chevilles,
ce qui n’est pas simple du tout pour un débutant. Si comme c’est souvent le cas
lorsque le violon a été acheté dans un magasin de musique sans être réglé par un
luthier, le chevalet pourra être mal taillé et trop plat par exemple : l’élève ne pourra
jouer sur une seule corde à la fois.
S’ils ne sont pas réglés rapidement, ces problèmes de matériel ont un effet
dévastateur sur la motivation de l’élève.
59
K.
Tarifs des cours
Évidemment, certains parents ne peuvent se permettre d’inscrire leur enfant
faute de moyens financiers suffisamment importants. La musique instrumentale n’étant
pas enseignée à l’école primaire au sein du programme de l’éducation nationale, il y a
une inégalité sociale. Même au sein des écoles de musique publiques, les tarifs
peuvent être exorbitants :
« Des études ont été réalisées par la FNAPEC en 1982, puis en 1993 et enfin
en 1999/2000. Il en ressort que les coûts d'inscription à une école de musique et de danse augmentent d'une façon importante et deviennent insupportables. Ainsi :
Pour un élève habitant la commune où se trouve l'établissement les droits
annuels d'inscription se situent dans une fourchette de 300 à 4700 francs par an. Pour un élève n'habitant pas la commune de 600 à 9900 francs.
Il faut ajouter à ces droits d'inscriptions les coûts des partitions, des livres, de l'entretien des instruments, souvent des leçons particulières, etc. (Sans compter l'achat ou la location de l'instrument). A ce prix là, qui peut encore inscrire son ou ses enfants dans une école de musique et de danse dite " publique " ? Peut-on parler d'égalité d'accès ? » 78
On conçoit aisément que dans beaucoup de familles, ces tarifs sont
inabordables.
78 Note lue sur le site de la Fédération nationale des Associations de Parents d’Elèves des Conservatoires
(FNAPEC) : www.fnapec.org.
60
L.
Faible présence de fonction sociale
Mis à part les musiques traditionnelles qui, comme ont l’a vu, sont peu
enseignées en école de musique, l’enseignement du violon tel qu’il est pratiqué
aujourd’hui dans la plupart des établissements n’a pas de réelle fonction sociale. Les
morceaux appris par le violoniste à l’école de musique ne sont pas liés à de
quelconques festivités locales, ancestrales ou saisonnières. Bien sûr l’élève va
présenter son petit morceau en concert ; il participera peut être à un orchestre, mais il
ne jouera pas un rôle important dans le renforcement de la solidarité des liens sociaux.
Autrefois le violoneux qui faisait danser les gens du village était indispensable. On
avait besoin de lui pour danser. Plus aujourd’hui. Comme le mentionne Jacques Siron
dans La partition intérieure :
« Dans la plupart des cultures, la musique est liée au sacré et à sa représentation. Elle est associée à la fête, à la célébration, au culte, à l'invocation, à la prière. Elle possède un aspect magique utilisé lors de rites, de sacrifices, de cérémonies d'initiation. C'est parfois une technique pour parvenir à l'extase, notamment grâce à l'état vibratoire. »79
Ce n’est pas en tentant de déchiffrer des études techniques que le violoniste
peut s’associer à la fête…
Cette liste (certainement incomplète) de motifs d’abandons nous amène à
constater que le plaisir de jouer n’est pas toujours au rendez-vous. Je rencontre
souvent des adultes qui regrettent de ne pas avoir continué à jouer. Ils se souviennent
qu’ils aimaient bien la musique mais qu’il s’est passé « quelque chose » qui a fait
disparaître leur motivation. Ils ont abandonné car ils n’ont pas trouvé ce qu’ils
cherchaient.
79 SIRON (Jacques), La partition intérieure, Jazz, Musiques improvisées, Paris, Outre Mesure, « Collection Théories », 1992,
p. 65.
61
Conclusion
En France, un élève qui désire apprendre à jouer du violon trouvera
probablement un professeur ou une structure où apprendre. Il est fondamental que
l’enfant ne soit pas contraint par ses parents, mais plutôt accompagné. Se servir de
matériel adapté à sa taille et son niveau de connaissances et d’habiletés musicales est
indispensable. N’étant pas spécifiquement formé pour enseigner, le professeur de
violon doit compléter sa formation en étudiant les principes généraux de pédagogie et
de psychologie. Il doit toujours avoir à l’esprit que pour apprendre, l’élève doit être
motivé, et qu’il n’y a pas de motivation sans un équilibre entre plaisir et défis.
L’école de musique ne doit pas exiger trop de travail de l’élève qui a déjà un
emploi du temps très chargé. A la maison, l’élève doit avoir les outils pour s’accorder
et sa méthode de violon devrait être accompagnée d’un support sonore. Dès le début
des études, il devrait participer à un orchestre car le jeu collectif est un des plus
puissants facteurs de motivation. Ne se cantonner qu’au classique n’a plus de raison
d’être, il est nécessaire d’enseigner de nombreux styles de musique.
Apprendre à jouer avec plaisir est essentiel et l’enseignement doit être basé sur
le jeu, car la principale motivation d’un enfant vient du jeu. C’est au travers du jeu
qu’il démontre le plus ses capacités de concentration et de mémorisation. Les
difficultés dans l’apprentissage du violon proviennent très souvent du fait que
l’enseignement fait trop appel aux compétences techniques et aux connaissances
intellectuelles et pas suffisamment au domaine instinctif et sensoriel basé sur le jeu.
Essayons d’entendre et de comprendre l’expression émise par un enfant qui souhaite
s’initier au violon et qui dit : « J’aimerais apprendre à jouer du violon. ». Maurice
Martenot a bien saisi l’importance fondamentale du jeu :
« Si on choisi de s’adresser à la formation de l’être dans son entier, il faut
baser son enseignement sur le jeu, car le jeu c’est l’expression privilégiée de l’être dans son entier. Pour toutes ces raisons, nous veillons à ce que la formation musicale de nos élèves se fasse dans un esprit de «jeu». C'est dans le jeu, en effet, que l'enfant
62
s'exprime le plus complètement, corps, âme et intelligence, dans un climat de joie et de confiance qui ouvre toutes les possibilités de création.
L'enfant qui joue mobilise toutes ses facultés dans le but qu'il s'est fixé. Il est
capable alors d'un effort de concentration considérable, car il est porté par l'unité même de son être habité par l'enthousiasme du jeu. Sachons éveiller un intérêt aussi vif chez l'enfant en vivant nous-mêmes le jeu, et l'enfant fournira avec joie l'effort nécessaire pour se développer en profondeur. Cet effort, pour peu qu'on sache le doser en fonction des possibilités de concentration de chacun en changeant assez souvent les centres d'intérêt, sera profitable à tous, jeunes ou moins jeunes.
N'oublions pas que « jeu » ne signifie pas anarchie et que les enfants eux-
mêmes réclament et inventent des règles, un cadre précis lorsqu'ils jouent. En respectant à la fois un ordre, une structure ferme, et la souplesse d'un climat de confiance et de joie, nous ouvrons les portes à l'improvisation et à la création: tout devient possible. »80
« Ouvrir les portes à l’improvisation et à la création » semble indispensable
pour motiver le jeune violoniste. Mais il doit aussi apprendre à écouter, puis à imiter
pour être capable de reproduire avec précision ce qu’il aura entendu. L’imitation
nourrira son imagination et il pourra créer sa propre musique.
Personnellement, je suis persuadé que le violoniste débutant peut acquérir des
compétences et des habiletés plus globales que celles généralement enseignées, et ce,
dès le début de l’apprentissage. Avec son violon, et grâce à une progression
pédagogique naturelle et réfléchie, l’élève s’appropriera peu à peu le langage musical
et développera une technique musicale suffisamment solide pour s’initier à différents
styles de musique. Il ne sera pas démuni s’il veut jouer à l’oreille et s’il veut lire, et il
devrait être encouragé à inventer sa propre musique.
80 MARTENOT (Maurice), Principes fondamentaux de formation musicale et leur application, Paris, Magnard, 1970, p. 16.
63
CHAPITRE III METHODES DE VIOLON
Le professeur de violon enseigne souvent au débutant à l’aide d’une méthode de
violon. A la maison, l’élève se sert principalement de ce manuel, auquel le professeur
joint généralement d’autres morceaux.
Une méthode de violon est un outil qui doit guider l’élève dans l’acquisition de
certaines connaissances et habiletés. La progression dans l’ordre des difficultés doit
être établie en commençant par ce qui est le plus simple, en allant vers des habiletés
demandant plus de maîtrise. L’auteur d’une méthode de violon pour débutant doit
choisir quelles seront les connaissances et habiletés privilégiées, et les organiser sous
forme de progression raisonnée. Voici des objectifs qui me paraissent logiques pour un
débutant.
• Apprendre la posture corporelle correcte, la tenue correcte de l'instrument, de la main gauche et de la main droite.
• Apprendre à manier l’archet en tenant compte de la vitesse d’archet, de
sa pression et du choix du point de contact sur la corde. En partant de coups d’archets courts, apprendre à utiliser l’archet sur toute sa longueur.
• Etablir clairement l'emplacement des quatre doigts et gagner de la
dextérité au travers de séquences techniques, d'exercices-jeux et de courtes compositions.
• Maîtriser l'équilibre du corps et de ses mouvements.
• Apprendre à identifier des formules rythmiques simples et plus
complexes.
• Commencer des mouvements de vibrato et de changements de position pour éliminer les tensions et les crampes de la main gauche.
• Apprendre à imiter et à inventer des formules rythmiques et mélodiques.
• Apprendre à lire la musique au travers d’un répertoire adapté.
64
Le violon est un des instruments pour lequel la littérature musicale est des plus
abondante. On ne compte plus les méthodes, cahiers de gammes et arpèges, cahiers
d’études, recueils de répertoires, etc.
Dans le cadre de ce travail, je m’en suis tenu aux méthodes d’apprentissage
pour débutant. Il s’agit de ce type de manuel qui au travers d’exercices ou de
morceaux, doit guider le débutant et l’amener à faire des progrès. Cette méthode doit
aussi être un élément de motivation pour encourager l’élève à répéter à la maison.
Il m’a semblé nécessaire d’établir une étude comparative des méthodes de
violon adoptées pour les débutants afin d’en faire ressortir les points essentiels. Ces
méthodes étant fort différentes les unes des autres, il m’a fallu essayer de trouver des
éléments communs afin de les regrouper. Mon analyse a retenu cinq critères :
1. Avec ou sans support sonore.
2. Contenu aéré et schémas illustrant l’endroit des notes sur la touche du
violon ainsi que leur correspondance sur la portée.
3. Progression rythmique.
4. Progression mélodique.
5. Morceaux proposés.
65
A.
Importance du support sonore
Je crois sincèrement qu’aujourd’hui, avec tous les moyens technologiques que
nous avons à notre disposition, le support sonore est un élément essentiel d’une
méthode de violon pour débutant. On peut concevoir deux types d’enregistrements. Le
premier, tel que rencontré dans la méthode Suzuki, est un disque sur lequel un artiste
joue les pièces musicales proposées à l’enfant. Suzuki a démontré que l’enfant qui
écoute régulièrement ces exemples développe sa sensibilité musicale, sa motivation et
sa confiance en lui. Par l’écoute, il mémorise plus rapidement ses morceaux et peut se
concentrer sur l’exécution instrumentale.
Le second est un disque d’accompagnement.81 A la maison, l’élève qui peut
jouer son morceau accompagné par un enregistrement d’orchestre sera beaucoup plus
motivé. Chez lui, plus d’un enfant a des jeux vidéo sur ordinateur dont le réalisme est
saisissant. L’image virtuelle, le son est impressionnant. Comment son petit violon
peut-il faire le poids contre cette technologie familière ? Par la télévision et le disque,
l’élève sait ce que c’est que de la musique qui « groove ». Il a envie que ça
« swingue » qu’il y ait une « tourne » dans la musique. Le professeur qui ne sait pas
transmettre ce « groove » aura du mal à capter l’attention des jeunes. Le contenu de la
méthode de violon devrait s’adapter aux goûts des jeunes et être accompagnée d’un
support sonore, disque, cassette ou mieux encore par un Cdrom interactif.
« Actuellement, un des grands changement dans l'enseignement du violon c'est la reconnaissance et l'inclusion de beaucoup d'autres styles de musique. Il y a autre chose que le classique dans les méthodes et dans les concerts. D'ailleurs de grands artistes tels que Menuhin et Perlman ont enregistré du jazz, des ragas indiens, de la musique klezmer, tsigane, country et folk. Dans les nouvelles publications des livres et des méthodes, ont a enfin reconnu qu'afin d'attirer une plus large diversité de jeunes violonistes, il était important de leur offrir des musiques jazz, blues, folk, pop et rock accompagnées de "play-back" pour les exercices et les morceaux. Les éditeurs de musique offrent donc des musiques de films et de musique pop pour des jeunes solistes et des arrangements d'orchestre ». 82
81 On peut trouver sur le marché des enregistrements d’orchestre symphonique, de musique de chambre, d’orchestre
de jazz, etc., où il ne manque que la partie de soliste. Voici un éditeur : one.comwww.minus 82 SARCH (Kenneth), « Violin Playing and Teaching in the 90’s » in American String Teacher, Fairfax, USA, automne
1996, vol 46, N°3 p. 52 à 54.
66
Ces accompagnements enregistrés obligent l’élève à jouer en rythme et avec le
bon tempo. L’accompagnement orchestral augmente le sentiment de la tonalité et se
répercute par une amélioration de la justesse de l’intonation. De plus, l’enfant
s’habituant à entendre plusieurs instruments simultanément aura plus de facilité lors de
sa participation à un orchestre.
67
B. Schémas illustrant l’endroit des notes sur la touche du violon
Les élèves n’ont pas tous les mêmes styles d’apprentissage. Certains élèves sont
des « récepteurs » auditifs, d’autres sont plutôt visuels. La présence de schémas
illustrant les doigtés, les positions de doigts sur la touche du violon et la
correspondance des notes sur la portée aide grandement l’élève à visualiser les notes
sur la touche du violon. Voici un exemple tiré d’une méthode américaine « Stricly
strings » : 83
Figure 3 : Schéma de la correspondance des notes sur la portée et de l'emplacement des doigts sur la touche du violon.
Voici un autre exemple tiré de la méthode Le petit Paganini :
Figure 4 : Graphique illustrant la position des 4 doigts (Van de Velde)84
83 DILLON (Jacquelyn), Stricly Strings, Acomprehensible string method, Violin, USA, Alfred, 1992, p. 32. 84 VAN de VELDE (Ernest), Le petit Paganini, Tours, Van de Velde, sans date, p. 24.
68
C. Progression rythmique
Pour le débutant, jouer avec toute la longueur de l’archet est relativement
difficile. La façon la plus facile de s’initier au jeu de l’archet est de commencer en
répétant des formules rythmiques brèves, composées de coups d’archets courts et
répétés. Ces jeux d’imitation de formules rythmiques simples à exécuter sont très
appréciés des débutants qui commencent à se servir de l’archet. Ces formules
composées de valeurs courtes sont simplement jouées par imitation, à partir d’un
rythme verbal.
Figure 5 : Premières formules rythmiques courtes jouées à l'archet. 85
Lorsqu’on sent que l’élève est prêt à aborder la lecture rythmique, il serait sage
de commencer par la noire et par son silence correspondant, le soupir. Chaque noire se
jouant d’abord en pizzicato, puis par un coup d’archet joué en milieu d’archet. Il ne
faut pas commencer par la ronde car, pour le débutant, manier l’archet sur toute sa
longueur en gardant le parallélisme avec le chevalet demande passablement
d’entraînement. Débuter ainsi engendre plus de problèmes d’archet par la suite,
notamment des complications dû à des crispations musculaires.
D.
Progression mélodique
85 LETOURNEAU (Claude), Méthode élémentaire de violon, Québec, Claude Létourneau, 1979, p.10.
69
Lorsque l’élève commence à jouer du violon, il n’a aucune idée où il doit poser
ses doigts sur la touche du violon. Des études démontrent que poser des repères sur le
manche du violon est un excellent moyen d’accélérer sa connaissance du manche du
violon, à condition que ces repères ne persistent pas trop longtemps. A l’aide de ces
marques, l’élève comprendra plus vite l’espacement entre les tons et les demi-tons et
comment placer sa main. On les enlèvera lorsqu’il aura acquis une bonne posture de la
main gauche. Lorsque certains enfants s’y accrochent désespérément, c’est signe que
l’éveil à la hauteur des sons n’a pas été fait. L’œil ne doit pas remplacer l’oreille.
Figure 6 : Schéma autocollant des repères sur la touche. 86
La progression mélodique sera basée sur la gamme de ré majeure ou de la
majeur. Les premières mélodies se jouant sur une seule corde pourront être transposées
sur les autres cordes. L’élève sera incité à utiliser son quatrième doigt (auriculaire) le
plus tôt possible. Cette séquence mélodique peut-être utilisée très tôt :
Figure 7 : Séquence mélodique de base pour le placement des doigt de la main gauche.
Tous les professeurs de violon connaissent la difficulté qu’ont les élèves à bien
« mouler » leur main gauche. Afin d’acquérir dès le début de l’apprentissage une
bonne posture de la main gauche, il est préférable d’apprendre rapidement à placer
86 J’ai fait venir ces autocollants des Etats-Unis. L’inventeur est Philippe COONCE.
70
trois doigts sur la corde. « L’utilisation prolongée des premiers et deuxièmes doigts
seulement ne favorise pas une bonne position de la main gauche. »87 Au lieu de procéder
comme on le fait traditionnellement, c'est-à-dire en jouant pendant un certain temps
d’abord avec le 1er doigt, puis après quelques semaines en rajoutant le 2ème, puis le 3ème
et enfin le 4ème, il est plus efficace d’accorder une attention spéciale à l’angle du 1er
doigt sur la corde, et de jouer des formules mélodiques utilisant le 3ème et le 1er doigt.
Les méthodes de violon devraient tenir compte de cette progression.
Figure 8: Baser la position de la main gauche sur le 3ème et le1er doigt.
E. Choix des morceaux
Il me semble important que dès la première leçon, l’élève puisse jouer un
« morceau », aussi simple soit-il. Dans les méthodes pour débutant ; les exercices
devraient être présentés sous forme de morceaux de musique, avec une forme musicale
logique.
Figure 9 : Premier morceau avec une forme musicale logique: L'ami.
Dans cet exemple, il y a une forme harmonique : I - V (A) et V - I (B).
Certaines méthodes proposent beaucoup d’exercices et peu de morceaux. Par
exemple la méthode Le Petit Paganini 88 propose 240 études pour moins de 20
87 ROLLAND (Paul), L’enseignement du mouvement dans le jeu des cordes. Traduit par Chantal Masson Bourque, Ste-Foy,
Québec, Presses de L’Université Laval, 1991 p, 116. 88 VAN de VELDE (Ernest), Le petit Paganini, Tours, Van de Velde, sans date.
71
morceaux. Ceci donne à l’élève l’impression qu’apprendre le violon est quelque chose
de vraiment sérieux mais pas réellement amusant.
A l’opposé, certaines méthodes américaines ne proposent que des morceaux. En
réalité, beaucoup de ces morceaux très courts sont des exercices « déguisés ». Cette
formule a beaucoup plus de succès auprès des jeunes car ils ont l’impression de jouer
des morceaux au lieu de travailler des exercices. Voici un exemple tiré de Essentials
Elements for strings :89
Figure 10: Exemples d'exercices "déguisés" en morceaux courts avec accompagnements sur disque.
89 ALLEN (Michael), Essential elements for strings, violin, USA, Hal Leonard, 1994, p. 7.
72
F. Tableaux des méthodes avec ou sans support sonore
Auteur Titre Langue Support sonore ALLEN, Michael Essential elements for srtings Anglais Oui ANDERSON, Gerald All for Strings Anglais Non AUER, Léopold Greated course of violon playing Anglais Non BRUCE-WEBER, Renata
Die frôliche violine Allemand Non
DANCLA, Charles Méthode de violon Français Non DEMILLAC, Francis Le violoniste Français Non DILLON, Jacquelyn, Stricly Strings Anglais Oui DOFLEIN, Erich et ema The Doflein Method Vol 1 Anglais Non GARLEJ, Bruno et GONZALES, J-François
Méthode de violon. Débutants Français Non
GASDA, Doris STOUTAMIRE, Albert
Spotlight on Strings Anglais Non
GRANIER-BEAUCOUR, Françoise
Mon violon Français Non
HERFURTH C-Paul A tune a day Anglais Non LETOURNEAU, Claude
Méthode élémentaire de violon Français Non
MASSAU, Armand Méthode de violon Français Non NELSON, Sheila The essential string method Anglais Non PRADA, Catherine Le grand diapason, Conte à jouer Français Non ROLLAND, Paul Young strings in action Anglais Oui SEVCIK The little SEVCIK Anglais Non SUZUKI, Shinichi Suzuki violin school Français Oui THIBAUX, E. Methode pratique de violon Français Non VAN DE VELDE, Ernest
Le petit Paganini Français Non
Figure 11:Tableau comparatif des méthodes avec ou sans support sonore.
Commentaire : Aucune méthode en français n’est accompagnée d’un support
sonore. Le disque qui accompagne la méthode « Stricly Strings » est conçu à partir de
séquences enregistrées sur ordinateur. Les morceaux des deux disques qui
accompagnent « Essential Elements for strings » sont joués par de véritables
musiciens. Les arrangements musicaux de haute qualité présentent des styles variés.
Dans la méthode Suzuki, tous les morceaux sont enregistrés par un violoniste
confirmé.
73
G. Tableau comparatif des progressions rythmiques :
Titre Progression rythmique Niveau de difficulté de la progression
Essential elements for srtings 1) noire, 2) croches 3) blanche Facile All for Strings 1) noire, 2) blanche 3) ronde Facile Greated course of violon playing 1) ronde, 2) blanche 3) noire Difficile Die frôliche violine 1) noire, 2) croches 3) blanche Facile Méthode de violon, DANCLA 1) ronde, 2) blanche 3) noire Difficile Le violoniste, DEMILLAC 1) ronde, 2) blanche 3) noire Difficile Stricly Strings 1) noire, 2) blanche 3) croche Moyen-facile The Doflein Method Vol 1 1) ronde, 2) blanche 3) noire Difficile Méthode de violon, GARLEJ 1) ronde, 2) blanche 3) noire Difficile Spotlight on Strings 1) noire, 2) croches 3) blanche Facile Mon violon GRANIER-BEAUCOUR 1) ronde, 2) blanche 3) noire Difficile A tune a day, HERFURTH 1) ronde, 2) blanche 3) noire Difficile Méthode Létourneau 1) noire, 2) croches 3) blanche Facile Méthode de MASSAU 1) ronde, 2) blanche 3) noire Difficile The essential string method 1) noire, 2) croches 3) blanche Facile Le grand diapason, Conte à jouer 1) noire et soupir Facile Young strings in action 1) noire, 2) blanche 3) croche Moyen-facile The little SEVCIK 1) ronde, 2) blanche 3) noire Difficile Suzuki violin school Valeurs courtes répétées Facile Methode de violon THIBAUX 1) ronde, 2) blanche 3) noire Difficile Le petit Paganini 1) noire, 2) blanche 3) ronde Moyen-facile
Figure 12: Tableau comparatif des progressions rythmiques des méthodes analysées.
Commentaire : Commencer avec des valeurs courtes est plus facile pour un
débutant. Les auteurs des méthodes qui proposent une progression à partir de la ronde
devraient tenir compte des études qui prouvent que commencer à jouer en milieu
d’archet, avec des valeurs courtes et répétées, constitue l’approche la plus simple pour
le débutant.
74
H. Tableau des progressions mélodiques
Titre Progression mélodique Niveau de difficulté de la progression
Essential elements for srtings Gamme de ré / Placement 3 doigts Facile All for Strings 1er doigt, 2ème doigt, 3ème doigt Difficile Greated course of violon playing La main gauche ne joue pas Die frôliche violine 2ème doigt aux 4 doigts Facile Méthode de violon, DANCLA 4 doigts dès le départ Moyen Difficile Le violoniste, DEMILLAC 1er doigt, 2ème doigt, 3ème doigt Difficile Stricly Strings Gamme de ré / Placement 3 doigts Facile The Doflein Method Vol 1 2 ème et 4 doigts dès le départ Moyen difficile Méthode de violon, GARLEJ 1er doigt, 2ème doigt, 3ème doigt Difficile Spotlight on Strings 1er doigt, 2ème doigt, 3ème doigt Difficile Mon violon GRANIER-BEAUCOUR La main gauche ne joue pas A tune a day, HERFURTH 1er doigt, 2ème doigt, 3ème doigt Difficile Méthode Létourneau Gamme de la / Placement 3 doigts Facile Méthode de MASSAU Apprentissage en 3ème position Très difficile The essential string method Gamme de ré / Placement 3 doigts Facile Le grand diapason, Conte à jouer 1er doigt, 2ème doigt, 3ème doigt Difficile Young strings in action Gamme de ré / Placement 3 doigts Facile The little SEVCIK 4 doigts dès le départ Difficile Suzuki violin school Gamme de la / Placement 3 doigts Facile Methode de violon THIBAUX 1er, 2ème, 3ème doigt en mineur Difficile Le petit Paganini 1er doigt, 2ème doigt, 3ème doigt Moyen-facile
Figure 13 : Tableau des progressions mélodiques des méthodes analysées.
Commentaire : Lorsque dès le début des études, l’élève place trois doigts sur
la touche, la main trouve plus vite sa forme définitive. Le 3ème doigt fait entendre
l’octave avec la corde à vide inférieure. L’élève apprend rapidement à ajuster cette
octave pour jouer avec une bonne intonation. Beaucoup d’auteurs proposent une
progression « doigt par doigt » : Au premier chapitre, l’élève apprend à placer le
premier doigt ; au second chapitre le second doigt etc. Cette progression engendre
souvent des problèmes de posture de la main gauche.
Figure 14: Jeux d'octaves90
90 ROLLAND (Paul), L’enseignement du mouvement dans le jeu des cordes. Traduit par Chantal Masson Bourque, Ste-Foy,
Québec, Presses de L’Université Laval, 1991 p. 117.
75
I. Analyse de cinq méthodes de violon pour débutant Dans les pages qui vont suivre, je présenterai quelques analyses plus complètes
de méthodes utilisées en France.
1. AUER (Leopold), Greated course of violon playing, Book 1, New-York, Carl Fisher,1926, 54 pages.
2. DEMILLAC (Francis), Le violoniste, Méthode illustrée pour débutants. Paris,
Combre, 1993, 71 pages.
3. GARLEJ (Bruno) et GONZALES (Jean-François), Méthode de violon. Débutants. Paris, Henry Lemoyne, 1991, 71 pages.
4. GRANIER-BEAUCOUR (Françoise), MON VIOLON, Méthode d’initiation
pour les enfants de 4 à 6 ans. Paris, Henry Lemoine, 2001, 92 pages.
5. PRADA (Catherine), Le grand diapason Vol 1. Paris, Combre, 1999, 63 pages.
Vu les grandes différences d’approches pédagogiques entre ces méthodes, il ne
m’a pas semblé opportun de les présenter sous forme de tableaux.
76
AUER (Leopold), Greated course of violon playing, Book 1, New-York, Carl
Fisher,1926, 54 pages.
Analyse générale :
Il n’y a pas de support audio pour l’enfant à la maison. Cette méthode est
destinée à l’art de l’archet uniquement. Elle ne fait pas intervenir la main gauche. Il y a
beaucoup d’exercices et beaucoup de duos où le professeur joue la mélodie. La
méthode se conclue sur douze exercices quotidiens à jouer avec l’archet. Editée la
première fois en 1926, cette méthode me paraît mal adaptée aux goûts des jeunes
d’aujourd’hui.
Contenu :
Il y a de nombreux renseignements préliminaires tels que la description
détaillée de la construction du violon et de l’archet, des informations pertinentes sur
les cordes, les accessoires tels que la colophane, le diapason, la sourdine ; sur les soins
à apporter à son instrument ; sur la théorie musicale, sur les abréviations ; sur la
posture générale, de la posture de la main gauche (mais on ne s’en sert pas dans ce
premier livre), comment accorder le violon ;
Il y a beaucoup d’informations pratiques : Comment tenir le violon ? La
position correcte lorsqu’on joue debout ou assis. Il ne faut pas se servir d’épaulière à
cause de la perte de son car le violon est étouffé… L’importance de tenir le violon en
position haute.
Il y a des conseils pour la répétition quotidienne du jeune violoniste : Pour
répéter intelligemment il faut jouer lentement en essayant de comprendre exactement
ce qu’on essaie d’apprendre. Toujours examiner l’instrument avant de jouer. Il doit
être en bonne condition, propre et l’archet bien tendu. Essayer de se souvenir des
conseils reçus du professeur sur la position du violon et de l’archet. En cas de doute,
toujours se référer aux photos de la méthode. Toujours essayer de produire un son
clair, rond, agréable à écouter…
77
La présentation est austère. Les pages sont très chargées. Il n’y a aucun dessin
pour amuser l’enfant. Cette méthode est très sérieuse mais elle est désuète car elle ne
tient pas compte du caractère ludique indispensable au développement de
l’enthousiasme chez l’enfant. Les photos illustrant Monsieur Auer tenant un violon
sont graves et pas tout à fait exactes. La technique a évolué depuis son époque
(première édition en 1926).
Cette méthode semble toutefois efficace pour apprendre le maniement de
l’archet. Elle serait peut-être intéressante pour accompagner un élève en deuxième ou
troisième année autour d’un travail spécifique sur le maniement de l’archet.
Progression rythmique: De la ronde sur chaque corde, jusqu’aux valeurs plus
courtes.
Progression mélodique : Il n’y en a pas car l’élève ne joue pas de la main
gauche.
78
DEMILLAC (Francis), LE VIOLONISTE Méthode illustrée pour débutants.
Paris, Combre, 1993, 71 pages.
Analyse générale:
Cette méthode assez difficile pour un débutant a le mérite d’offrir un bon survol
de la technique instrumentale. Elle pourrait être utilisée en complément d’une méthode
plus simple et plus ludique avec support audio. Elle est parsemée de nombreux
conseils judicieux. L’approche me semble sérieuse et de qualité. Il y a un bon équilibre
entre les acquis de la main droite et de la main gauche. L’auteur a composé de
nombreux exercices et de courtes pièces.
Présentation générale : La page couverture est peu attrayante pour un enfant. La
reliure collée n’est pas très pratique pour garder la méthode ouverte sur un pupitre.
Elle est joliment illustrée avec des dessins amusants pour les enfants. Il n’y a
seulement que deux photos : la première illustrant la posture en position debout; la
seconde montre un enfant qui se sert du pouce droit en pizzicato en tenant le violon
comme une mandoline. A chaque chapitre, un schéma illustre la position des notes sur
le manche du violon.
Il n’y a pas de support audio pour accompagner l’enfant à la maison. A chaque
chapitre, un texte encadré résume les notions théoriques utilisées. L’emploi du
pizzicato avec les 3e et 4e doigts de la main gauche aide à positionner la main gauche
au dessus des cordes.
Pédagogie : L’approche pédagogique se base sur une progression assez
naturelle sauf pour le rythme. Les cordes à vides constituent un matériel suffisant pour
que l’auteur en fasse des compositions ludiques. L’oreille et la voix sont encouragées
dès la première leçon : l’enfant est invité à chanter le nom des notes qu’il joue et à
deviner les notes jouées par une autre personne.
79
Progression rythmique : La noire devrait être le symbole rythmique
fondamental. Basé de la ronde à la double-croche, le mélange de valeurs rythmiques
apparaît trop tôt. Ceci amène la confusion chez l’enfant. Il doit être trop attentif à
compter les temps. La liaison (par 2, par 3 et par 4) apparaît trop tôt, ce qui engendre
aussi la confusion chez l’enfant. Le travail à 60 à la noire est trop lent, le tempo
naturel de l’enfant est plus rapide. Les liaisons de durée apparaissent trop tôt et
rendent encore plus difficiles des notes déjà longues à tenir pour un débutant.
Progression mélodique de la corde à vide au premier doigt. A chaque chapitre
on rajoute un doigt. Comme on l’a vu, cette progression mélodique a le désavantage de
ne pas former la position correcte de la main gauche dès le début.
Choix de morceaux : Présence de quelques morceaux populaires et classiques
(duos). L’auteur a composé de nombreuses pièces et duos. A chaque chapitre, il y a
des morceaux ludiques et assez faciles pour un débutant.
80
GARLEJ (Bruno) et GONZALES (Jean-François), Méthode de violon. Débutants,
Paris, Henry Lemoyne, 1991, 71 pages.
Analyse générale : Cette méthode est joliment illustrée. Le contenu est très
aéré. Il y a très peu d’exercices par pages. De très jolis dessins amusants pour les
enfants rendent cette méthode attrayante. Il y a des photos illustrant la posture en
position debout et assise, les doigts sur l’archet et la position des doigts sur le manche
du violon. Les chapitres sont parsemés de petits conseils généraux.
Il n’y a pas de schémas représentant les notes sur le manche du violon, ni de
support audio pour l’enfant à la maison. A chaque chapitre, les mêmes exercices
techniques sont répétés d’une corde à l’autre, avec différents coups d’archet en option.
Malgré la présence de dessins attrayants, l’approche pédagogique des auteurs reste
austère et conservatrice. Il n’y a aucune initiation de la main gauche en pizzicato. A
chaque chapitre, chaque exercice est transposé sur chacune des cordes du violon.
La progression rythmique : Basée de la ronde à la double-croche, la
progression est contraire au caractère enjoué de l’enfant. Les liaisons (par 2, par 3 et
par 4) apparaissent au 1er chapitre. A mon avis, c’est beaucoup trop tôt. Présenter
plusieurs concepts simultanément engendre la confusion chez l’enfant.
La progression mélodique : De la corde à vide au premier doigt. A chaque
chapitre on rajoute un doigt. Nous avons vu que ce système retarde un bon placement
de la main gauche.
Morceaux : Il y a de nombreux exercices sans forme musicale précise. Il y a
quelques morceaux populaires et classiques (duos), mais je considère qu’il y a trop peu
de morceaux ludiques et faciles pour un débutant.
81
GRANIER-BEAUCOUR (Françoise), MON VIOLON Méthode d’initiation
pour les enfants de 4 à 6 ans, Paris, Henry Lemoine, 2001, 92 pages.
Analyse générale :
Dans cette méthode, la main gauche ne joue pas, mais l’auteur ne le mentionne
ni dans son avant-propos ni dans ses « idées lumineuses ». L’emphase est mise sur la
lecture et l’écriture de notes et de symboles musicaux ; ainsi que sur le jeu de l’archet
dans toute sa longueur dès le début. La présentation visuelle est en général très bien
adaptée aux capacités de lectures du tout petit car les pages sont très aérées, les signes
musicaux sont de grande taille. Il y a beaucoup de couleur.
L’association d’une couleur différente attribuée à chacune des cordes peut
sembler intéressante mais en réalité ça ne fait que compliquer l’apprentissage. Ces
associations paraissent amusantes, elles mettent de la couleur dans la méthode mais
elles sont inutiles. Et comment savoir ce que l’enfant apprend vraiment : la couleur ou
la lecture de la note ? De plus, si l’idée était valable, serait-il justifié d’utiliser ces
quatre couleurs pendant toute la durée de la méthode ? Après tout, il n’y a que quatre
notes à apprendre… Ne serait-il pas préférable d’initier le jeune enfant à la lecture de
ces notes par de nombreux morceaux très courts à jouer en pizzicato (main droite et
main gauche, puis avec l’archet) ?
La même remarque est à faire en ce qui a trait aux figures de rythme. Il est
amusant de les appeler « notes tortues » ou « notes bonhomme » mais un enfant peut
tout à fait apprendre leurs véritable nom (blanches, noires, etc.) sans faire de détours. Il
est important de remarquer que la note « tortue » (la ronde), ne va pas plus lentement
tel que l’auteur l’indique, mais elle dure plus longtemps, ce qui n’a pas le même sens.
Quoique cet ouvrage paraisse très attrayant pour les petits, la démarche
proposée ne suit pas une progression naturelle chez le jeune enfant.
82
La progression rythmique est le contraire d’une progression naturelle. La
noire qui est l’unité de la pulsation devrait être abordée en premier. Le caractère
primesautier du jeune enfant ne s’accorde pas avec un travail très lent. Proposer de
travailler de 50 à 60 à la noire : est beaucoup trop lent pour un enfant de quatre à six
ans. Le tempo naturel d’un enfant de cet âge est presque deux fois plus rapide.
L’emploi de l’archet est proposé sur toute sa longueur dès le début, ce qui est
très difficile pour un débutant, spécialement s’il est si jeune. Il est prouvé que les
débutants qui emploient toute la longueur d’archet développent plus de problèmes que
les autres.91
L’auteur propose de coller un petit coussin sur l’archet afin que le petit doigt
trouve sa place sur l’archet. Cette façon d’aborder la tenue de l’archet engendre
généralement une crispation des doigts de la main droite, car au début, il est très
difficile de tenir l’archet et de garder la main détendue. Pour le débutant, il est
préférable de saisir l’archet par son point d’équilibre et de jouer des sons répétitifs très
courts, en prenant conscience de l’équilibre de l’archet sur la corde.
L’auteur propose de lier deux cordes par coups d’archet. Cette action bénéfique
permet au poignet de s’assouplir.
Le chapitre dix présente des « trucs rigolos ». On y retrouve notamment le
pizzicato (qui devrait être enseigné en premier, avant l’emploi de l’archet). Le dessin
illustrant le pizzicato présente une erreur. L’élève ne doit pas faire le pizzicato en
s’appuyant sur le coin de la touche, mais un peu plus vers le tiers de la longueur
vibrante de la corde. Appuyer son pouce sur le coin de la touche fait mal et ça
décourage l’enfant de se servir de cette technique qui est un formidable outil
pédagogique.
Cette méthode enseignera à l’enfant à lire et écrire des notes, à savoir où
s’écrivent les cordes à vide sur la portée ; à lire et à compter des figures de rythme.
L’enfant apprendra aussi à tenir son violon et à se servir de son archet. Il est dommage
91 MERRION (Margaret), What works : Instructional strategies for music education, Washington, MENC, 1989, page
73.
83
que les leçons soient si longues et que les exercices et morceaux ne soient pas
numérotés. Dommage aussi qu’il n’y ait pas de cahier d’accompagnement de piano.
A la fin de la méthode se trouve « Le livre du professeur et des parents », où
l’auteur donne des conseils pédagogiques pour chacun des chapitres de la méthode. (Il
me semble évident que ce « livre » devrait être détachable de la méthode.)
84
Conte à jouer pour apprendre le violon PRADA (Catherine), Le grand diapason Vol 1. Paris, Editions Combre, 1999, 63 pp.
Analyse générale : Cette méthode est basée sur un conte littéraire écrit par
l’auteur. (Il faut noter que le conte ne se termine pas à la fin de ce volume, l’histoire
est à suivre dans le volume deux.) La présentation est belle. La reliure à spirale permet
au cahier de rester facilement ouvert sur le pupitre de l’élève. Joliment illustrée. Les
dessins, pertinents et clairs, servent à faire comprendre des concepts musicaux ou de
techniques de jeu, notamment pour la pose des doigts sur l’archet.
La présentation est joyeuse et équilibrée : les pages ne sont pas surchargées.
L’acquisition de l’habileté instrumentale est basée sur le parlé rythmé à l’aide de
comptines et de chansons. Les exercices sont proposés sous forme de chansons. Il y a
un mémento en fin de chapitre récapitulant les notion apprises : langage musical ; les
réalisations techniques ; et l’entretien de l’instrument. Un cahier d’accompagnement
détachable est joint à la méthode.
Il n’y a pas de photos montrant la posture en position debout et assise, ni de
support audio pour l’enfant à la maison.
Progression rythmique : La progression est basée sur la noire et le soupir,
c’est facile à compter pour l’enfant. L’emphase est mise sur les valeurs courtes
d’abord qui sont plus facile à jouer avec l’archet, mais il n’y a aucune initiation de la
main gauche en pizzicato.
Progression mélodique : L’enfant commence à jouer sur les quatre cordes à
vide, puis avec le premier doigt. Un nouveau doigt est ajouté à chaque chapitre. On
pose le premier doigt à un ton et aussi à un demi-ton du sillet. La présence simultanée
des deux positions est une difficulté importante pour le jeune enfant. L’apprentissage
du demi-ton entre le sillet et le premier doigt amène le débutant à déplacer sa main
vers la volute du violon. Lorsque cette étape est présentée trop tôt, elle entraîne de la
confusion chez l’élève. La position de la main gauche devrait être clairement établie
85
sur le manche du violon avant d’enseigner une seconde position de doigté,
spécialement lorsque le premier doigt (qui sert de guide) change de position.
Morceaux : Les morceaux sont ludiques et faciles pour un débutant. Il y a des
solos et des duos. Lors de l’exécution musicale des duos, certaines difficultés sont à
prévoir car la partie de l’élève et celle du professeur n’ont pas le même rythme.
On propose à l’enfant d’écrire ses doigtés et de transposer la mélodie sur une
autre corde en la découvrant d’oreille.
Invention : L’élève est encouragé à inventer des mélodies.
Dans cette méthode, l’idée du conte est intéressante mais la progression
pédagogique ne me paraît pas suffisamment rigoureuse. Il y a trop de paramètres
présentés simultanément : la liaison, le changement de vitesse d’archet ; la mesure en
¾ ; la blanche pointée, deux positions par doigts.
Il est intéressant de noter la présence de gommettes détachables à repositionner
sur un carton afin que l’élève puisse visualiser sa progression.
86
J. Autres outils pour l’enseignement du violon Magnétophone
L’enregistrement est une façon très efficace de faire prendre conscience à
l’élève de son jeu instrumental. L’enfant aime bien se réécouter et il apprend beaucoup
grâce à l’enregistrement. Je crois que les professeurs devraient avoir un matériel de
bonne qualité afin de pouvoir enregistrer leurs élèves. Ces derniers auraient ainsi
l’opportunité de s’écouter régulièrement. Il n’est pas nécessaire que les séquences
d’enregistrement soient longues. Au même titre que la répétition instrumentale, c’est la
régularité qui compte.
Lorsque le musicien est en pleine action, il se sert de son écoute pour diriger
son jeu. Il est aussi concentré sur ses gestes et ses sensations corporelles.
L’enregistrement lui permet de se réécouter hors situation en attirant son attention sur
le résultat sonore de son exécution. Il peut ainsi développer une plus grande
conscience de son jeu et réduire le décalage entre ce qu’il pensait avoir joué et ce qu’il
joue vraiment.
Caméra vidéo
La plupart du temps lorsqu’un élève a des difficultés à diriger son archet
parallèlement au chevalet, le professeur lui demande de répéter devant une miroir.
Cela peut être très efficace pour certains mais ça ne fonctionne pas toujours, car
l’angle de vue n’est pas commode.
Se servir d’une caméra vidéo dans l’enseignement du violon donne
l’opportunité à l’élève de se voir et de s’entendre jouer en pleine action selon la
perspective du professeur ou d’un observateur. Cet outil permet à l’élève d’observer
son jeu sous plusieurs angles de vue, et de prendre conscience de sa posture générale,
de détecter ses forces et ses faiblesses, éventuellement des tics nerveux.
87
L’utilisation régulière de la caméra vidéo permet de poser des jalons. En se
visionnant de temps à autre, l’élève réalise les progrès qu’il fait, ce qui tend à renforcer
sa motivation. Chaque élève pourrait avoir sa cassette personnelle et être filmé
régulièrement.
Dans le cadre d’un enseignement collectif, la caméra vidéo a aussi l’avantage
de faire prendre conscience aux membres du groupe comment le professeur les voit.
En s’observant au travers des autres, ils saisiront leur niveau d’attention et leurs
réponses face aux consignes. Ils pourront ainsi mieux comprendre d’où proviennent
leurs distractions.
Etre capable de se voir jouer en pleine action peut être extrêmement
encourageant ou bien très efficace pour replacer à sa juste mesure l’ego de certains
élèves. Par cette prise de conscience que la caméra vidéo apporte, cet outil peut
rapidement améliorer l’esprit d’équipe d’un groupe : l’élève comprend bien plus vite
en se voyant que lorsque le professeur tente de le convaincre.
Ordinateur
Je ne rentrerai pas dans les détails de cet outil tellement les possibilités sont
grandes. Que ce soit pour apprendre le langage musical, pour l’apprentissage de la
lecture et de l’écriture musicale, pour l’enregistrement, pour l’accompagnement, pour
fabriquer des bandes « play-back », il est évident que l’ordinateur est un outil
formidable dans l’enseignement du violon.
88
DEUXIEME PARTIE
LES 4 AXES D’UNE NOUVELLE PEDAGOGIE
POUR LE VIOLONISTE DEBUTANT
ECOUTER – IMITER – INVENTER – LIRE
89
Introduction
Pour l’enfant qui désire apprendre à jouer du violon, il me paraît essentiel de
tenir compte dès le départ de ce que pourront être ses projets futurs. En général,
lorsqu’un enfant commence à jouer du violon, il ne sait pas trop ce qu’il fera de cet
apprentissage. L’enfant vit au présent. Il a simplement envie de jouer pour la joie de
s’exprimer. Il ne se projette pas dix ou quinze ans plus tard. Il me semble important de
lui proposer la formation la plus globale possible, en évitant toute spécialisation. Plus
tard, il pourra choisir une voie plus précise. Les premières années doivent être un
champ d’exploration.
L’enfant se sent peut-être tout petit et démuni face à la science musicale. Il
ignore tout du langage musical. On lui a parfois dit que le violon est l’instrument le
plus difficile à jouer, que le solfège est ennuyant, pénible mais nécessaire, mais cela ne
l’a pas découragé. Il tient à son projet : celui d’apprendre à jouer. Certains sont très
attirés, d’autres sont simplement curieux. Pour être motivé et développer des
compétences, il faudra que ce soit amusant et qu’il y ait des défis.
Afin d’entretenir et de développer sa motivation, et de lui offrir le maximum
d’ouvertures, quatre grands axes me paraissent essentiels :
Le premier axe pourrait s’appeler : Apprendre à écouter. Il s’agit du
développement sensoriel auditif, de la prise de conscience des différents niveaux
d’audition, des éléments constituant les divers paramètres du son, de l’importance du
silence. Par la transposition mentale spontanée, nous verrons l’importance de
l’audition intérieure consciente pour l’exécution musicale sur le violon.
Le second axe fondamental serait apprendre à imiter : Apprendre à reproduire
d’oreille sans l’aide de partitions. Nous verrons les vertus et les limites de la
transmission par l’imitation. L’imitation rythmique étant plus simple d’approche que
l’imitation mélodique, c’est par la reproduction de rythmes vivants que cette
90
compétence se bâtira d’abord : veiller au développement du sens rythmique par le
mouvement, en superposant le rythme et la pulsation. Puis, à l’aide du chant et du
violon, l’élève apprivoisera peu à peu le sens de l’imitation mélodique et deviendra de
plus en plus performant pour jouer à l’oreille. Par l’imitation, il progressera dans l’art
de reproduire le plus fidèlement possible des mélodies entendues sans l’aide d’un
support écrit. Nous prendrons aussi connaissance d’une expérience de transmission
orale de répertoire de violon traditionnel.
Apprendre à inventer constituera le troisième axe de cette pédagogie. Il est
essentiel de reconnaître le caractère fondamental de la créativité dans le quotidien de
l’apprenti violoniste. Les élèves devraient apprendre à créer et à improviser
individuellement et collectivement. En développement le sens de l’improvisation, en
accordant de l’importance à l’équilibre entre le son et le silence, l’élève pourra ensuite
développer peu à peu le sens de la composition, (l’interprète peut aussi être
compositeur).
Le quatrième axe présentera une façon d’apprendre à lire basée sur le jeu, à
l’aide du chant et à l’instrument. Pour l’élève, il s’agira d’acquérir suffisamment de
connaissances du langage musical pour devenir capable de déchiffrer une partition et
d’en comprendre tous les signes. Nous comprendrons aussi pourquoi l’enseignement
du solfège traditionnel décourage tant d’enfants.
Pour développer la motivation du violoniste, il me semble que ces habiletés
sont indissociables. Il est nécessaire d’organiser l’enseignement du violon de façon à
développer ces compétences au travers du jeu, en s’assurant que l’élève acquière le
plaisir de la justesse musicale ainsi qu’une bonne technique instrumentale. En somme,
faire en sorte que pendant les premières années d’apprentissage, le désir d’apprendre à
bien jouer du violon soit un défi amusant et formateur.
Cette partie se clôturera sur deux propositions :
• Une méthodologie d’enseignement qui tienne compte de ces quatre axes.
• Une méthode de violon guidant l’élève dans l’acquisition de ces
apprentissages.
91
CHAPITRE IV ECOUTER
De l’oreille passive au développement du chant intérieur
L’écoute est passive quand l’oreille subit les sons sans qu’il n’ y ait ni désir ni
intérêt. A l’opposé, le chant intérieur c’est entendre dans « sa tête » la musique de son
choix par la puissance de l’imagination créatrice. Une bonne écoute permet de
reconnaître, d’assimiler, de s’approprier puis d’exprimer de nouveau les sons
entendus. Mais vivant à un rythme effréné dans une société bruyante, et souffrant
d’une absence de véritable formation de l’oreille, la plupart des enfants ne connaissent
ni ne pratiquent le chant intérieur de façon consciente, condition essentielle pour bien
jouer du violon.
Pour transformer l’audition passive en écoute active, il est donc nécessaire
d’apprendre à écouter. Cela semble une lapalissade mais ce n’est pas si évident qu’il
n’y parait de prime abord. Plusieurs obstacles se dressent devant une écoute profonde :
dû à un environnement sonore extrêmement pollué, l’oreille devient moins sensible ;
vivant dans une société stressante, l’enfant est agité et manque de concentration ;
beaucoup n’ont pas connu d’éveil sonore et discriminent mal les différents paramètres
du son.
Maurice Martenot résume bien cette problématique de la réceptivité : « La réceptivité (…) est conditionnée par le degré d'affinement, de
sensibilisation des organes sensoriels en rapport avec la forme d'expression artistique. L'oeil pour le dessin, la peinture, la sculpture, l'architecture ou l'ouie, pour la musique.
La réceptivité est également conditionnée par le calme physique et mental. L'être hypernerveux, agité, instable physiquement ou dont l'intellect est constamment en mouvement pour analyser, juger, critiquer, évaluer, comparer, etc. ne jouit évidemment pas d'une bonne réceptivité. Nous avons vu qu'il ne peut être à la fois dans son mental et dans la sensation. C'est la raison pour laquelle, dans notre mode d’enseignement artistique, nous ne laissons intervenir l'analyse que lorsque les sensations ont atteint le maximum d'intensité.
Enfin la réceptivité est aussi conditionnée par la connaissance préalable, la mémoire des formes musicales ou plastiques qui, recréées par la représentation
92
mentale se mettent immédiatement en résonance avec les nouvelles impressions, pour peu qu'il y ait entre elles des similitudes de forme. »92
A.
L’oreille toujours ouverte aux sons s’insensibilise
Au contraire de l’œil qui peut se reposer derrière sa paupière fermée, l’oreille
n’a pas d’abri contre le bruit. Elle ne peut trouver d’oasis que dans le silence. Notre
société bruyante oblige l’enfant à vivre dans un environnement sonore extrêmement
pollué. Constamment bombardé de bruits de toutes sortes crées par la technologie:
bruits d’avions, de voitures et de moteurs de toutes sortes, bruits de circuits
électriques, d’ordinateurs, il est de plus en plus rarement en communion avec le
silence. A force d’endurer tous ces bruits parasites, ces sons qui dérangent, son
système nerveux s’épuise, le stress apparaît et l’oreille s’insensibilise.
L’enfant qui va à l’école est soumis à un taux élevé de décibels du seul fait
d’être en groupe, que ce soit dans sa classe ou pire, à la cantine. Les jeunes vont faire
du sport dans des arénas dont l’intensité sonore dépasse largement la tolérance de
l’oreille. Il faut se méfier d’une baisse prématurée de l’acuité auditive et de lésions
permanentes de l’oreille provoquées par l’envahissement de niveaux d’intensité sonore
excessifs, notamment par l’écoute de baladeurs et par les « tempêtes »sonores des
nouvelles enceintes que plus d’un jeune a dans sa chambre afin de rendre ses jeux
d’ordinateurs plus réels.
La présence généralisée de musique provoque l’indifférence de l’écoute. Il y a
de la musique dans les supermarchés, dans les ascenseurs, dans les rues des zones
piétonnes. Il n’est pas rare que déjà dans la crèche, le tout petit enfant passe de
nombreuses heures quotidiennes à ouïr de la musique. Dans de très nombreux foyers,
la télévision est allumée pendant plusieurs heures par jour, quand ce n’est pas du matin
jusqu’au soir. Dans la voiture on allume la radio ou on écoute de la musique. D’autre
part les moyens de diffusion actuels obligent l’oreille à continuellement supporter un
certain type de musique « aseptisée », dont les éléments expressifs ont été retirés.
92 CORNEILLE, (Marcelle) « Le rôle des arts dans le développement de la personnalité humaine, Conférence donnée par Monsieur Maurice Martenot », in Ostinato, bulletin n°45, Walkerton, Ontario, Avril 1990, pp. 7 à 12.
93
Face à ce flot de bruits ininterrompus, l’oreille ne peut que s’insensibiliser. La faculté
de réagir à la musique diminue. Comme le mentionne Murray Schafer :
« Contrairement aux autres organes de nos sens, l'oreille est exposée, vulnérable. On peut fermer l'oeil à volonté; l'oreille est toujours ouverte. On peut fixer l'oeil à volonté; l'oreille enregistre tous les sons de toute direction de l'horizon acoustique. On ne peut la protéger que par un système très élaboré de filtration des sons indésirables pour qu'elle se concentre sur les sons désirables. L'oeil s'ouvre sur l'extérieur; l'oreille absorbe. Il semble raisonnable de supposer qu'à mesure que se multiplient les sources de sons dans l'environnement acoustique, et, certes, elles se multiplient aujourd'hui, l'oreille devient blasée; dès lors, elle ne peut plus exercer son droit individualiste d'exiger l'arrêt des sons indifférents ou distrayants afin qu'elle puisse se concentrer entièrement sur ceux qui importent vraiment. »93
Etant donné que l’enfant bénéficie de moins en moins de temps de silence
quotidien, son attention auditive diminue simplement par saturation de bruits. Or c’est
de l’attention au son que naît la curiosité auditive. Rétablir le contact avec le silence
est un pré requis pour que l’audition passive devienne curieuse et active.
B.
L’éducation au silence
Pour développer l’audition intérieure, l’élève doit apprendre à apprivoiser le
silence. Le silence c’est l’absence de son, c’est le cadre dans lequel s’installe la
musique. C’est la toile de fond sur laquelle se posent les évènements sonores. Le
silence est rare. Tout ce qui est rare est précieux, donc le silence est précieux. Il est
nécessaire de s’habituer à faire le silence avant de jouer et après avoir terminé.
Entourer son moment musical de silence. Afin de se préparer intérieurement à ce
qu’on va jouer, inviter le silence dans sa répétition quotidienne est une nécessité.
Comme l’écrit Murray Schafer :
« Le silence est un contenant à l'intérieur duquel se trouve un événement musical. Le silence protège les événements musicaux contre le bruit. Etant sensibles, les événements musicaux se trouvent bien de cette protection. Le silence prend de plus en plus de valeur à mesure que nous le perdons au profit de bruits exhibitionnistes: les sons industriels, les voitures sport, les radios transistor, etc.
93 SCHAFER (Murray), L’oreille pense, Notes de cours de pédagogie musicale sous la direction de Marcelle Corneille,
Département de musique, Université du Québec à Montréal, (UQAM) Montréal, 1988. p. 2.
94
Parce que le silence se perd, le compositeur l'apprécie davantage de nos jours. Il s'en sert pour composer. Anton Webern compose jusqu'aux rives du silence. Il y a une mine de possibilités dans le silence. N'importe quoi peut le rompre. Le silence est un élément de la musique le plus riche en potentiel. Même quand il tombe après un son, il se répercute dans la substance de ce son et cette répercussion continue jusqu'à ce qu'un autre son le remplace ou qu'il s'oublie. Donc, si peu que ce soit, le silence s'entend. L’homme aime faire des sons et s'en entourer. Le silence est la conséquence du rejet de la personnalité humaine. L'homme craint l'absence de son comme il craint l'absence de vie. Il n'est rien d'aussi sublime, ou d'aussi stupéfiant en musique que le silence. Le silence définitif, c'est la mort. »94
La musique est intimement unie au temps qui s’écoule. Toute idée musicale est
liée au temps. Elle a besoin de disponibilité pour apparaître, s’installer et se
développer. Dans notre frénésie quotidienne où l’on court sans cesse, elle est un
refuge. Mais un refuge qui a ses exigences. L’expression musicale est incompatible
avec un esprit stressé, agité par une tempête intérieure. Tout comme il doit savoir
accorder son instrument afin que les cordes vibrent entre elles avec l’harmonie la plus
pure, le violoniste doit prendre le temps d’accorder son corps avec son esprit avant
toute exécution. Cette disponibilité intérieure repose sur un état de calme. Ainsi pour
développer l’audition et le chant intérieur, un élève qui apprend à jouer du violon doit
d’abord faire le silence autour de lui, cesser de s’agiter, contrôler son corps. Ce
moment de concentration lui permettra de trouver le geste susceptible d’exprimer
musicalement ce qu’il aura entendu intérieurement.
« En effet, il ne faut pas oublier que l'éducation musicale doit commencer par un éveil sensoriel. La formation de l'oreille est donc essentielle; elle nécessite auparavant une formation de l'attention et de la concentration, et elle permettra de développer progressivement le sens de l'analyse et l'audition intérieure. »95
Les enfants apprécient ce moment de silence mais il est parfois nécessaire de
les aider à le retrouver. L’enfant qui a passé plusieurs heures de sa journée assis sur un
banc d’école arrive souvent agité et fatigué à son cours d’instrument, il n’est pas
toujours disponible pour apprivoiser le silence. Il est plus facile de l’éduquer au silence
en attirant son attention par une activité qu’en lui demandant de rester tranquille.
94 Ibid., p. 7. 95 RIBIERE-RAVERLAT (Jacotte), Chant-musique, une adaptation française de la méthode Kodaly, Paris, Alphonse Leduc,
1975, p. 4.
95
Par exemple, laisser tomber sur une cymbale des objets de plus en plus légers
est un moyen très efficace pour l’amener vers le silence. Commencer par un clou ;
terminer par une épingle. Faute de cymbale, on peut aussi lui demander de laisser
tomber un objet bruyant par terre, puis un morceau de carton, puis une feuille de
papier et enfin un morceau de coton ouaté. Sur le violon, on peut aussi commencer par
jouer un son le plus fort possible et ensuite aller vers des sons de plus en plus faibles,
jusqu’au moment où l’archet joue au dessus des cordes sans les toucher. Ou encore,
s’entraîner à ralentir un mouvement d’archet sur une corde à vide jusqu’au mouvement
le plus lent possible en s’imprégnant du son de son instrument. Ce n’est qu’en
retrouvant le silence extérieur qu’il aura accès au chant intérieur où pourra naître sa
véritable musique. Par la puissance évocatrice de son imagination créatrice, il
apprendra à entendre mentalement ce chant avant de le transposer sur son violon.
Comme le souligne Edgar Willems, l’important c’est de retrouver le calme et de
vivre le moment présent : « Il faut être relaxé et en même temps concentré sur l’impression
sensorielle, due à l’impact sonore. »96 Apprendre à bien respirer peut être d’une grande
aide pour trouver cet état de relaxation.
Contrairement au musicien qui joue d’un instrument à vent, le violoniste n’a
pas besoin de reprendre son souffle pour jouer du violon. Ainsi, les débutants omettent
souvent de respirer naturellement et de faire respirer leur musique. Pour être à l’aise
autant dans son jeu que dans l’écoute, la respiration du violoniste doit être libre calme
et profonde. Jouer du violon demande des efforts physiques et les muscles doivent être
bien alimenté en oxygène. Savoir bien respirer a aussi une influence sur l’esprit. Une
bonne respiration permet de mieux se concentrer, donc d’apprendre plus facilement.
Pour Yehudi Menuhin, le contrôle de la respiration est fondamental dans le jeu du
violon :
« La vie commence avec la respiration; le souffle est quelque chose de si intimement lié à toute activité et à toute manifestation musicale qu'il faut en prendre conscience avant d'aborder n'importe quel exercice technique.
96 WILLEMS (Edgar), L’oreille musicale, Tome I, Fribourg, Pro Musica, 1985, p. 59.
96
La respiration doit être régulière et naturelle; même au cœur des mouvements
les plus complexes exigés par le jeu de violon, elle doit suivre un cours paisible. Il faut pour cela une certaine dose d'entraînement et un haut degré de coordination.
Bien respirer exige qu'on aspire et qu'on expire régulièrement, autrement dit
que ces deux actions soient conduites dans des durées égales. La durée de chaque aspiration et de chaque expiration doit être aussi longue que possible.
Le jeu du violon demande une respiration continue et vous ne devez jamais
avoir à retenir votre souffle, bien qu'un tel exercice soit profitable dans la mesure où vous évitez de le forcer.
Le meilleur exercice à cette fin est peut-être de s'asseoir par terre en croisant
les jambes, les mains (avec les paumes en dessus) reposant sur les genoux, le dos droit, le cou et les épaules bien détendus, la poitrine libre et haute, et de commencer à respirer calmement. Une montre sera utile pour compter les secondes de chaque aspiration et de chaque expiration. Essayez de prolonger la durée de chaque phase sans vous trouver à court de souffle. »97
Par ces différentes réflexions, nous constatons que pour apprendre le violon, il est
important d’installer un cadre paisible, autant extérieurement qu’intérieurement.
97 MENUHIN (Yehudi), L’art de jouer du violon, Paris, Buchet/Chastel, 1973, p.16.
97
C. Formation auditive trop peu développée
La réussite dans l’apprentissage du violon est tributaire d’une bonne capacité
auditive. Au contraire de la mandoline ou de la guitare, il n’y a pas de repères sur le
manche du violon. Il est impossible pour un élève de jouer avec un bon son et une
bonne intonation s’il n’a pas d’une part appris à bien écouter, à discriminer et à classer
les différents paramètres du son, et d’autre part, s’il n’a pas développé l’audition
intérieure, car c’est là que naît la précision du son et la justesse de l’intonation. Le
violoniste doit développer cette justesse intérieure afin de préparer le geste musical,
ainsi, dans la tranquillité intérieure de l’esprit, le son entendu mentalement avant d’être
joué pourra être contrôlé par l’oreille « extérieure » au moment où il sera joué.
Or, au travers de mon enseignement, je m’aperçois que très souvent, chez le
violoniste débutant, la réceptivité auditive est trop peu développée. Non seulement il
ignore l’importance de l’audition intérieure, mais il joue sans écouter avec attention le
son de son instrument. L’oreille est saine physiologiquement, mais l’élève s’en sert de
façon passive, sans écouter réellement. Intérieurement, il n’a pas de repères de
justesse, encore moins de qualité sonore et il fausse en jouant. Son sens de l’audition
n’a pas été éduqué. Il n’y a là rien d’étonnant car il n’a pas eu l’opportunité de le
développer. Dans beaucoup de familles on chante peu ou pas du tout, on n’y joue
d’aucun instrument, ou on ne joue plus depuis longtemps. A la maison, l’enfant n’a
pas de modèle pour l’influencer positivement à jouer avec les sons.
Ce constat d’écoute passive provient du peu d’importance accordé à l’éducation
de l’oreille en général. Dans de très nombreux cas, l’enfant n’a jamais participé à une
classe d’éveil musical, que ce soit à la crèche, à la garderie ou à l’école primaire.
Durant plusieurs années j’ai animé des interventions d’éveil musical dans ce milieu de
la petite enfance où j’ai pu constater un manque évident dans l’investissement de
matériel sonore de qualité. A l’âge où l’enfant pourrait sans règles précises,
simplement s’amuser à jouer avec les sons, à découvrir des instruments de sources
sonores diverses, il passe malheureusement à côté. Les gens qui travaillent auprès de
98
jeunes enfants sont rarement formés à l’éveil musical: ils ne connaissent pas
l’instrumentarium accessible au tout petit et au petit enfant. Sans formation, on
comprend qu’ils manquent d’audace et de savoir faire pour jouer avec les sons.
Actuellement et depuis plusieurs années, j’interviens auprès de ce personnel afin de le
sensibiliser à l’importance de l’éveil sonore depuis la tendre enfance. Trop souvent
l’enfant n’a d’éveil que la musique écoutée sur disque ou sur cassette, (bien sûr,
quelquefois une personne chante ou récite des comptines), mais s’il ne joue pas avec
les sons l’enfant n’est pas acteur, il demeure spectateur. Son écoute n’étant pas reliée
au geste, il n’a pas d’emprise sur le monde sonore, sa curiosité est peu sollicitée.
A l’école primaire, on ne reconnaît pas suffisamment l’importance de l’éveil
musical ou on ne se donne pas les moyens de faire un véritable travail pour développer
la sensorialité auditive et l’oreille musicale de l’enfant. L’éducation de l’oreille est le
plus souvent presque laissée à l’abandon. L’enfant n’est pas encouragé à développer
une oreille active qui lui permette de prendre conscience de son environnement
sonore. Il n’apprend pas à devenir autonome musicalement. La vie musicale de l’élève
se résume souvent à réciter des comptines, chanter quelques chansons, et s’initier au
jeu de la flûte à bec au deuxième cycle d’école primaire. Parfois on se sert de la malle
à musique s’il y en a une, mais les instituteurs n’ont pas reçu de véritable formation
musicale, et la plupart d’entre eux se sentent démunis pour faire de la musique.
Pourtant, aucune discipline scolaire ne favorise un développement plus poussé du sens
auditif autant que l’apprentissage de la musique. On ne s’étonnera pas si l’enfant a
quelques difficultés à faire des choix musicaux qui correspondent à ses émotions ou à
ses états d’âme.
Ayant trop peu exploré le monde sonore de façon active, il n’est pas surprenant
de constater que lorsqu’ils débutent à l’instrument, de nombreux élèves n’arrivent pas
à distinguer si un son est plus aigu ou plus grave par rapport à un autre son entendu. Il
est même fréquent qu’un enfant n’arrive pas à reconnaître le mouvement sonore,
savoir si le son monte ou descende. Ce qui est évidemment un préalable à
l’apprentissage du jeu du violon. Bien entendu, s’il n’arrive pas reconnaître et à classer
99
ces différentes variations de hauteur de son, il est plus que possible qu’il chante faux.
Sa voix non maîtrisée ne lui sera d’aucune aide pour apprendre les morceaux.
L’origine du problème ne se situant pas dans la voix mais dans une formation auditive
déficiente. L’oreille n’a pas été suffisamment éduquée. Il sera difficile à l’élève de
jouer du violon avec une bonne intonation, s’il n’a pas développé l’audition intérieure,
s’il n’entend pas intérieurement, mentalement juste avant de jouer.
Or on peut développer et améliorer le fonctionnement de l’oreille. Afin
d’amener l’enfant à passer d’un stade d’oreille passive au développement de son chant
intérieur, observons d’abord comment s’organise l’audition de façon générale.
100
D.
Trois fonctions auditives
Dans son ouvrage sur la préparation auditive de l’enfant, Edgar Willems envisage
le problème de l’audition sous trois aspects. Il utilise trois termes différents pour
distinguer ces trois fonctions auditives différentes. 98:
1. Aspect physiologique
La réceptivité sensorielle auditive (sensation, mémoire physiologique) : Ouïr
On peut définir « ouïr » par un son que l’on peut entendre sans porter attention.
Prenons l’exemple d’une personne qui lit dans une pièce où un poste de radio
fonctionne. Cette personne tout absorbée par sa lecture n’écoute pas la radio, mais la
musique touche son inconscient. Il s’agit donc de sensibilité involontaire et de
perception inconsciente. Physiologiquement, l’oreille reçoit des sensations mais la tête
« est ailleurs ».
2. Aspect affectif
La sensibilité affective auditive (besoin, désir, émotion, mémoire animique, imagination) : Ecouter
Ecouter, signifie s’appliquer à entendre, prêter son attention à ; prêter une
oreille attentive. La première condition pour écouter c’est d’en avoir envie. Le son
entendu par l’oreille produit une réaction d’accueil quand il a un effet agréable et une
réaction de rejet lorsqu’il est désagréable. « On écoute poussé par un désir, par une
émotion. On est touché, ému par la beauté d'un rapport sonore. Un intérêt est en jeu. Cet
intérêt fixe l'attention qui devient ainsi un pont utile et nécessaire au passage de
l'inconscience à la conscience sonore ».99
Nous prenons conscience ici de l’importance capitale du plaisir dans
l’apprentissage du violon. Si pour l’élève jouer du violon est une corvée, son attention
98 WILLEMS (Edgar), L’oreille musicale, Tome I, Fribourg, Pro Musica, 1985, p. 28. 99 WILLEMS (Edgar),Tome II. Op.cit., p. 31.
101
ne sera pas disponible. L’obliger à apprendre ou à répéter malgré lui n’amènera guère
de progrès. Imaginons par exemple que le son du violon ne lui plaise pas. Le son
désagréable pour lui se manifestera par une réaction de rejet. A ce propos, un élève qui
apprend avec un instrument de mauvaise qualité et qui a un son misérable sera peu
enclin à jouer. Le contraire est aussi vrai. Je prend l’exemple de Marine, 9 ans: « Au
début, quand j’ai commencé à apprendre, mes parents me louaient un violon. Puis
après quand ils ont vu que j’aimais jouer, ils m’ont acheté un violon à moi. J’avais
toujours envie de jouer tellement je trouvais qu’il avait un beau son. »
D’autre part, on peut facilement imaginer que l’élève confronté continuellement
à un mode d’enseignement qui ne lui convient pas éprouvera de moins en moins de
plaisir à jouer et écoutera de moins en moins finement. Par exemple, face aux
exigences trop techniques de la part d’un professeur, son attention diminuera peu à peu
car faute de plaisir, la motivation disparaîtra et avec elle l’envie d’écouter. Cet amour
des sons est particulièrement important dans le jeu du violon car la finesse de
l’intonation, de la justesse est au cœur même de l’affectivité :
« La sensibilité affective, émotive est aussi la clef de la justesse. Grâce à elle nous choisissons, parmi les nombreuses possibilités offertes par une sensibilité riche et affinée, les sons correspondant le mieux à l'expression désirée. (…) Etre profondément ému par le son lui-même et par les rapports sonores, voilà l'élément sensible qui doit, en premier lieu, vivifier la musique qui chante la joie, la douleur, les espoirs, ou simplement l'amour de la beauté sonore. »100
Puisque le jeu du violon est basé avant tout sur l’écoute, l’élève doit prendre
plaisir à écouter les sons de son environnement, et qu’il devienne ainsi curieux de tous
les phénomènes sonores aussi subtils soient-ils. Comme le disait Robert Schumann
dans ses conseils au jeune musicien : « L’éducation de l’oreille est ce qu’il y a de plus
important. Tâchez de bonne heure de discerner chaque ton et chaque tonalité. Examinez quels
sons produisent la cloche, le verre, le coucou, etc. »
100 Ibid., p. 34
102
Pour apprendre un vocabulaire musical, un style de musique, il faut s’en
imprégner. Or nous savons que l’élève écoute rarement, voire jamais de violon à la
maison. En tant qu’enseignant, nous avons le devoir de lui faire découvrir l’histoire de
son instrument ainsi que d’autres styles de musique joués par de grands violonistes. Il
ne faut pas sous-estimer l’influence de l’écoute sur le développement du vocabulaire
de l’élève. La méthode Suzuki est basée sur ce principe. Comme le souligne Jacques
Siron :
« La culture musicale n’est pas un acquis mais un renouvellement constant. L'écoute des traditions n'est pas une école de conformisme: la voix des maîtres véhicule la vitalité, l'énergie. Les voies qu'ils ont tracées ne sont pas des ornières. Écouter, c'est se mettre en face de cette violence, c’est tenter de trouver la naïveté, la fraîcheur, l’enfance de l’oreille. »101
Grâce à la discothèque planétaire accessible à notre époque, le professeur peut
partager avec l’élève l’écoute de morceaux provenant de répertoires diversifiés. Il
éveillera ainsi l’intérêt de l’élève. Lui faire aussi écouter différents styles de violon tels
que du classique, du blues, du jazz, du violon traditionnel français et d’autres pays, du
violon oriental, arabe, tsigane, enrichira son imagination et augmentera son envie de
jouer. Il réalisera ainsi, souvent avec surprise, qu’il peut jouer toutes sortes de
musiques sur son violon. Le principe de la musique c’est d’être à l’écoute et de
découvrir la musique de l’autre. Les systèmes musicaux ne sont pas tous les mêmes et
il doit apprendre à apprécier les musiques des autres cultures qui se servent de
tempéraments différents. Comme le dit Edgar Willems :
« Bien des musiciens de culture classique dont le développement auditif a été livré au hasard ne peuvent suivre, en connaissance de cause, certaines œuvres modernes trop dissonantes pour leurs oreilles. Il en est de même dans l'audition de certaines musiques exotiques. L'oreille est trop occidentale, pas assez universelle. Quant au langage sonore de la nature, qui peut être une source réelle d'inspiration, il exige une oreille très fine et une grande souplesse d'esprit. La spécialisation musicale qui aboutit souvent à la déformation professionnelle constitue une sérieuse entrave à la culture auditive. »102
101 SIRON (Jacques), La partition intérieure, Jazz, Musiques improvisées, Paris, Outre Mesure, « Collection Théories »,
1992, p. 32 102 WILLEMS (Edgar), Op.cit., p. 29
103
Ce répertoire doit être le plus varié possible. En tant qu’enseignant de musique,
le professeur de violon a aussi le devoir de s’intéresser aux autres courants musicaux.
Pour qu’un élève s’intéresse au violon classique il faut aussi s’interroger sur ce qu’il
écoute lui. En lui demandant d’apporter un disque afin d’écouter ensemble un extrait
musical de son choix, on démontre sa propre curiosité. Le professeur peut ainsi faire
des passerelles entre les musiques, et développer une connivence avec l’élève, mais
souvent l’enseignant est réticent. Keith Swanwick, souligne cette problématique des
autres langages:
« On voit se côtoyer d'innombrables musiques, très différentes les unes des autres, ayant leur propre public et même leurs propres radios. Quelle attitude doit adopter le professeur de musique lorsque les élèves arrivent à l'école imprégnés de musiques aussi diverses que le reggae, le « soul », le rock, le « ska » ou le « punk»? L'attitude traditionnelle consiste à ignorer ce phénomène en espérant qu'il disparaîtra.
Les adeptes de la créativité ont également tenté d'éviter la question, en supposant qu'une telle musique est réellement un phénomène social et non artistique, et en reprenant à l'origine l'exploration du « son» plutôt que celle de langages musicaux spécifiques et reconnaissables.
Cependant, dans une certaine mesure, les sociologues ont raison; il y a une richesse à trouver dans les diverses origines de nos élèves, et les mass media réalisent une sorte d'expérience partagée : une culture populaire amplifiée, transmise oralement et reçue auditivement. Le professeur aurait tort d'ignorer cette tradition orale largement partagée où les syncopes se mêlent aux effets vocaux mélismatiques, à l'amplification électronique du son et à un répertoire harmonique essentiellement dérivé de la musique classique et romantique. »103
Une autre bonne façon de développer l’amour des sons et de développer une
bonne intonation est de jouer en duo dès le début des études. L’harmonie produite par
le violon de l’élève et celui du professeur installe des liens de complicité et nourrit le
désir de reproduire l’expérience.
103 SWANWICK (Keith), « Education musicale », in Dictionnaire encyclopédique de la musique, sous la direction de Denis
ARNOLD, Paris, Robert Laffont, 1988, tome 1, p. 695.
104
3. Aspect mental
La perception mentale auditive (comparaison, jugement, mémoire intellectuelle, conscience sonore et imagination constructive.) : Entendre : du latin intendere « tendre vers » porter son attention vers.
Entendre consiste à savoir et à comprendre ce qu’on a entendu et joué avec
conscience, comprendre ce qu’on joue et pouvoir relier ce qu’on entend à des
symboles : des notes, des figures de rythmes, des tonalités, des éléments de gammes,
des arpèges, des intervalles mélodiques, etc. Il ne s’agit pas que d’une perception ou
d’un désir d’écouter. Il y a une véritable compréhension du phénomène sonore. C’est
ce que Edgar Willems appelle l’intelligence auditive : « La réelle intelligence auditive
s'élabore à la suite d'expériences sensorielles et affectives. Elle consiste à entendre, c'est-à-
dire à savoir ce que nous avons ouï et écouté. » C’est en quelque sorte la réunion du
fonctionnement sensoriel de l’oreille, des émotions transportées par la musique et de la
compréhension de la science musicale :
« L'intelligence auditive comporte, en plus des éléments d'ordre intellectuel (noms des notes, règles d'harmonie, science des formes, etc.), la conscience et la maîtrise des éléments sonores affectifs et physiologiques. Elle comporte, tout comme l'intelligence humaine, des phénomènes de mémoire, d'imagination constructive et créatrice, d'association, de comparaison, d'analyse, de synthèse et de jugement. » 104
Pour développer l’audition active l’enfant doit être attentif au monde sonore et
apprendre à discriminer les différents paramètres du son, afin de pouvoir les percevoir
dans leur unité et dans leur tout, les classer et comprendre leur agencement dans le but
de pouvoir les réorganiser de façon cohérente. Il y a un ordre logique dans le travail de
formation auditive : le sensoriel et l’affectif avant l’analyse intellectuelle.
« Le professeur se préoccupera donc de ce double aspect. D'une part il
donnera à l'enfant l'occasion de faire des expériences sonores nombreuses et suffisamment complètes; d'autre part, il le guidera dans la prise de conscience de ses expériences auditives. Ces expériences seront, nous le répétons, sensorielles et affectives. »105
104 WILLEMS ( Edgar), tome I, Op.cit., p.35. 105 Ibid., p. 44.
105
On doit d’abord s’occuper du développement sensoriel : écouter, percevoir,
discriminer et classer les sons. L’enfant devra ensuite imiter et reproduire, puis faire
par lui-même en créant et en inventant. On abordera la lecture au travers de ces jeux.
L’élève apprendra peu à peu à lire, à écrire et à noter ses petites compositions. Tout
comme l’acquisition de la langue, il est plus logique d’enseigner à l’oreille avant
d’enseigner la lecture. Il ne faut toutefois pas tarder à initier l’élève à la lecture
musicale car plus l’automatisme entre l’impression auditive et le geste musical est
solidement établi, plus il sera difficile d’instaurer un réflexe visuel. Dès le début des
études, il convient donc d’enseigner par imitation, de travailler l’improvisation et
d’amener le débutant à faire des jeux de lecture.
En chantant et à l’aide du violon, l’éveil sensoriel se fera en jouant avec les
différents paramètres du son : la hauteur, la durée, l’intensité, et le timbre. On
stimulera ainsi l’intérêt du jeune violoniste et il apprendra aussi à comprendre le
fonctionnement de son instrument.
106
E.
Audition intérieure ou chant intérieur
L’audition intérieure c’est la faculté d’entendre dans sa tête. En enseignant à
l’élève à acquérir cette audition intérieure on lui fait prendre conscience que tout ce
qu’il aura à chanter ou à jouer doit être réellement entendu mentalement avant d’être
réalisé sur le violon. Cette habitude peut se prendre dès les premières leçons.
« L'audition intérieure est la caractéristique par excellence du don musical. Elle comporte à la fois les aspects sensoriel, affectif et mental de la mémoire, de l'imagination auditive ainsi que des principes qui en résultent: audition absolue et relative, sens tonal et conception sonore des accords. Ce véritable langage sonore intérieur est l'élément artistique musical le plus caractéristique. Il coordonne les rapports visuels, tactiles et musculaires pour former les associations indispensables et préside aux combinaisons spontanées ou volontaires de l'imagination créatrice.
Sous l'influence de l'intelligence, l'audition intérieure peut être consciemment éveillée, contrôlée et cultivée. A l'état subconscient (état coexistant dans les trois domaines physiologique, affectif et mental) elle se sert d'automatismes acquis pour accomplir un travail mystérieux, parfois inspiré. » 106
Dans son ouvrage Le violon intérieur, Dominique Hoppenot nous rappelle que
cette oreille intérieure est indispensable au violoniste qui désire acquérir une bonne
intonation car elle prépare l’exécution musicale :
« Celle-ci consiste à reproduire mentalement le discours musical, par la seule puissance d'évocation et de suggestion de l'image auditive. Elle nous permet d'élaborer nos intervalles, de les construire avant même de les jouer de leur donner vie en nous, avant de leur prêter une existence extérieure. Semblable en cela à la vue intérieure que l'on crée à volonté en fermant les yeux, elle est indépendante de la perception auditive. Elle résulte d'une concentration qui nous permet de vouloir et d'entendre exactement ce que nous allons jouer et nous implique dans une disposition affective puissante vis-à-vis de la musique » 107
Lorsqu’on joint à l’idée mentale du geste cette conscience du son intérieur, on
fabrique un automatisme qui devient le meilleur chemin pour jouer juste. C’est ce
qu’affirme Yvan Galamian : « En fait, on finit par en arriver au point où le simple f'ait de
préparer mentalement le mouvement et de penser le son à la hauteur désirée devient suffisant
106 Ibid. p. 37. 107 HOPPENOT (Dominique), Le violon intérieur, Paris, Van de Velde, 1981, p. 136.
107
pour que les doigts frappent automatiquement le bon endroit sur les cordes avec
précision. »108
La justesse est donc la synthèse de la mémoire auditive et de la mémoire de la
précision du geste. L’oreille ne doit pas simplement se contenter de contrôler le
résultat après que les doigts aient joué ce que l’œil a lu. Grâce à l’audition intérieure,
comme l’explique Dominique Hoppenot, si le son entendu n’est pas conforme à l’idée
intérieure, l’oreille « extérieure » rectifiera immédiatement : « Le fonctionnement simultané de ces deux oreilles est capital. Celui qui ne
joue que d’ “oreille”, c'est-à-dire par la seule activité de l'oreille extérieure, s'expose à jouer faux sans le savoir. Lorsque l'oreille extérieure seule est exercée, elle joue alors un rôle qui ne doit pas être le sien: au lieu d'être un simple contrôle a posteriori, elle devient celle qui conçoit la justesse. A la fois juge et partie, elle ne peut plus exercer sa fonction de juge puisque le modèle auquel elle devrait se référer n'existe pas. Incapable de percevoir des différences puisqu'elle ne perçoit que la note extérieure telle qu'elle a été jouée, sans entendre la vraie note juste, intérieure celle-là, elle nous entraîne alors bien souvent d'imperfections en imperfections. »109
1. Comment développer l’audition intérieure ? Le point de départ du jeu instrumental est l’imagination sonore qui s’appuie sur
la sensibilité sensorielle auditive. La méthode consiste à demander à l’élève
d’imaginer mentalement une simple cellule rythmique ou mélodique, ou une phrase
plus importante. Il chantera cette cellule dans sa tête puis à voix haute. Ensuite, il la
jouera au violon tout en la chantant mentalement. Pour certains, c’est facile.
Cependant, beaucoup d’enfants n’arrivent pas à imaginer spontanément un son dans
leur tête. Voici plusieurs moyens pour les aider :
• A partir d’une chanson connue, commencer à chanter avec une voix normale. Sur un signe continuer à chanter intérieurement et à un autre signe reprendre à chanter avec sa voix normale.
108 GALAMIAN (Yvan), Enseignement et technique du violon, Paris, Van de Velde, 1993, p.32. 109 HOPPENOT (Dominique), Op.cit., p. 137.
108
• Enlever une à une les dernières syllabes d’une chanson courte et les remplacer par le chant intérieur, jusqu’au moment ou toute la chanson est chantée mentalement.
• D’abord penser à une courte phrase musicale et ensuite la chanter ou la jouer au
violon.
• L’élève joue un son sur son violon puis le chante. Lui demander de retenir ce son dans sa tête tandis que le professeur joue d’autres sons, d’abord des intervalles consonants puis de plus en plus dissonants, et l’élève doit ensuite rechanter le son d’origine.
• Commencer à chanter une gamme à voix haute, ou à la jouer sur le violon et la
terminer mentalement.
• Siffloter silencieusement un son en l’aspirant. Ce jeu peut se faire partout car il est quasi inaudible. Puisqu’il est joint à un mouvement des lèvres aussi discret soit-il, ce moyen est très efficace pour ceux qui ont du mal à imaginer seulement.
• Jouer du violon en imaginant la mélodie et en jouant l’archet au dessus des
cordes sans les toucher. • Par l’imitation. A l’aide d’un métronome, jouer une formule simple sur quatre
pulsations. Les quatre pulsations suivantes servent à intérioriser la formule entendue et ensuite l’élève rejouera la formule .
• Par la lecture : écrire au tableau une formule rythmique ou mélodique et
demander à l’élève de la concevoir mentalement avant de l’exécuter.
2. Transposition mentale spontanée.
Maurice Martenot affirme que c’est par la transposition mentale spontanée
qu’on développe le plus l’audition intérieure et qu’on acquière la justesse expressive :
« Cette transposition sans rapport avec la transposition par les clefs, telle qu'on la pratique dans l'enseignement traditionnel s'effectue uniquement par l'oreille. Le processus en est très simple: ayant fait entendre un court thème musical, sans paroles et sans noms de notes, s'il a pu être reproduit correctement par imitation, on donne ensuite à l'élève un autre son de départ. En «chant intérieur » l'élève reconstitue mentalement l'air déjà mémorisé dans le ton primitif, puis le chante dans la nouvelle tonalité. La progression, en fonction de l'âge et du niveau de culture
109
musicale des élèves, se fera par des thèmes plus longs, puis modulants, puis atonals. Cet exercice exclusivement sensoriel sera pratiqué longuement pour développer la qualité et notamment la précision de justesse du « chant intérieur. »110
Se servir de morceaux de musique simples tirés du répertoire enfantin et
traditionnel est un moyen efficace de développer la transposition spontanée. C’est la
raison pour laquelle l’élève qui débute le violon doit déjà maîtriser par le chant un
répertoire de chansons. Avec les violonistes débutants, une bonne méthode consiste à
choisir une chanson enfantine bien connue de l’élève et qu’il soit parfaitement capable
de la jouer avec facilité. L’élève joue d’abord cette chanson sur son violon.
Puis il joue au hasard n’importe quel son sur son violon sans se soucier des
positions. L’élève écoute ce son et imagine mentalement le début de la chanson, à
partir de ce son entendu, mais sans la jouer. Lorsque son idée de la hauteur de la
chanson transposée est clairement établie dans sa tête, il la rejoue sur le violon.
A partir d’une autre note entendue, il transpose mentalement cette cellule ou
phrase de musique et refait la même opération d’abord mentalement, puis chantée, puis
jouée. C’est ainsi que se développera la sensibilité de l’élève et sa capacité à entendre
intérieurement.
Si l’élève a des difficultés à jouer la chanson transposée sur le violon, il faut
poser l’instrument et travailler d’abord à l’aide du chant. A partir de chansons connues
on peut étudier la transposition spontanée de courtes formules sur les trois premières
notes de la gamme.
• Le professeur chante
• L’élève chante intérieurement
• L’élève chante à voix haute.
• Le professeur fait entendre un nouveau son.
• L’élève chante intérieurement la formule transposée.
• L’élève chante à voix haute.
110 MARTENOT (Maurice), Principes fondamentaux de formation musicale et leur application, Paris, Magnard, 1970, p.57.
110
Quand l’élève réussit facilement ces opérations, on peut transposer au violon.
Cette méthode est vraiment très efficace même chez les violonistes avancés. Cet
exercice déploie, de façon parfois stupéfiante, la faculté de jouer à l’oreille sans
partition, la capacité à improviser et la précision de l’exécution lors de la lecture d’une
partition. Plus les cellules seront complexes, plus la maîtrise de l’élève deviendra
grande, et les succès atteints dans cette opération auront une influence positive sur sa
motivation, ainsi que sur la puissance de sa concentration.
111
CHAPITRE V IMITER De l’imitation rythmique du nom de l’élève à la transmission d’un répertoire.
Apprendre à reproduire le plus fidèlement possible un évènement sonore
entendu sans l’aide d’un support visuel, que ce soit un rythme, un air, une ambiance,
un morceau ou un exercice technique, est une compétence essentielle au musicien qui
veut s’affranchir de la partition. Or même chez les professionnels, beaucoup de
violonistes ne peuvent jouer sur leur instrument une mélodie entendue précédemment,
à moins qu’ils n’aient l’aide d’une partition. Cette compétence n’a peut-être pas été
incluse dans leur formation musicale.
Traditionnellement dans les écoles de musique, l’élève apprend à partir du
support visuel : la méthode de violon ou la partition. Le jeu par imitation est peu
encouragé. La plupart d’entre eux peuvent rejouer de mémoire un morceau appris à
l’aide d’un support écrit mais sont démunis lorsqu’il s’agit de jouer directement « à
l’oreille ». Dans les cours de formation musicale de nombreuses écoles de musique, les
élèves passent beaucoup de temps à identifier des intervalles mélodiques et des
rythmes pour les réécrire sous forme de notation, mais curieusement ils n’apprennent
pas à reproduire sur leur instrument un évènement musical entendu sans l’aide de la
notation.
Pour développer cette compétence, il faut savoir écouter, car la précision de la
reproduction est déterminée par la qualité de l’écoute ; savoir observer les gestes à
imiter, ensuite il faut pratiquer l’activité elle-même qui consiste à rechanter
mentalement et à reproduire ce chant sur le violon.
112
A.
Plusieurs bonnes raisons d’apprendre par imitation
Tout comme l’apprentissage de la langue maternelle, c’est la façon la plus
naturelle d’apprendre la musique. L’apprentissage par imitation permet au débutant de
s’initier à l’instrument sans connaître ni les notes, ni leur lecture. A l’aide du pizzicato
et d’une tenue d’archet simplifiée, il peut ainsi jouer son premier morceau dès les
premières minutes d’initiation.
L’imitation permet d’apprendre une seule notion à la fois. Apprendre
simultanément à maîtriser les difficultés techniques du violon, la lecture et un nouveau
morceau est une source de confusion car l’esprit de l’enfant est dispersé. Comme
l’affirme Maurice Martenot :
« On admettra qu'il est illogique de demander à l'élève de surmonter à la fois des difficultés de maîtrise musculaire correspondant à des formules rythmiques ou mélodiques inhabituelles, et les difficultés inhérentes à la lecture. C'est pourquoi, chacune des difficultés nouvelles comme, par exemple: la syncope, l'altération accidentelle, le chromatisme, la mélodie peu tonale, doit être tout d'abord réalisée isolément par reproduction spontanée, avant d'en demander l'exécution solfiée. Ce qui implique que l'imitation doit se poursuivre bien au-delà du niveau élémentaire et moyen. On se rappellera donc cette règle formelle: « Seul, ce qui est reproduit correctement par imitation peut être abordé en lecture. » 111
L’imitation permet à l’élève d’apprendre à relier directement le son au geste
sans faire un détour par l’œil. Il peut ainsi se concentrer sur les sensations corporelles.
Sans avoir à lire simultanément, le débutant peut ainsi se focaliser sur l’acquisition de
bons mouvements et éviter les contractions musculaires. Apprendre à lire se fera
naturellement tandis que corriger des mauvais mouvements acquis demandera plus
d’efforts. Tous les professeurs savent qu’il est difficile de corriger un mauvais geste
qui a été ancré dès le départ.
111 Ibid., p. 35.
113
L’imitation facilite l’acquisition d’une meilleure intonation car l’élève en
établissant une relation directe entre l’oreille et le geste peut se concentrer davantage
sur le son.
L’imitation facilite la transmission de styles de techniques et de répertoires
spécifiques dont l’écriture ne peut rendre la traduction exacte. La notation musicale
privilégie certains paramètres de la musique : la hauteur et le rythme. Elle est bien
moins précise pour noter l’émotion musicale.
« En effet, la notation musicale traditionnelle, chargée de transmettre le travail du compositeur, manque beaucoup de précision. Elle contient une marge d'indétermination, car elle est incapable de transmettre la totalité du phénomène musical. Elle privilégie certains paramètres, avant tout la hauteur et le rythme. Elle reste imprécise quant aux modalités expressives de la musique: l'articulation, l'accentuation, le swing, l'intensité, les timbres, le phrasé; elle n'est qu'un pâle reflet du contenu émotionnel, social, spirituel de la musique. »112
L’imitation développe la mémoire et permet d’apprendre tout un tas de
musiques sans partition, ce qui donne une grande sensation de liberté au musicien.
B.
Trop enseigner par imitation peut gêner l’apprentissage de la lecture
L’enseignement par tradition orale existe depuis des milliers d’années.
Toutefois, aujourd’hui on ne peut enseigner exclusivement par imitation. La lecture a
un rôle essentiel qu’il ne faut pas négliger. Ne pas savoir lire la musique est un
handicap pour le musicien.
Or selon Maurice Martenot, plus on tardera à aborder la lecture et plus la
transmission orale par imitation sera solidement établie, plus l’élève aura du mal à lire
la musique.
112 SIRON (Jacques), La partition intérieure, Jazz, Musiques improvisées, Paris, Outre Mesure, « Collection Théories »,
1992, p. 75.
114
« Par l'observation du geste instrumental dont le souvenir s'associe dans la mémoire à l'air entendu, l'expression instrumentale s'éduque facilement, mais malheureusement sans passer par le circuit qui devrait aller de la notation à la pensée musicale.
Le schéma ci-contre représente ce qui se passe dans l'enseignement instrumental par imitation. Tout en écoutant le professeur jouer un fragment musical, l'élève voit le geste. Sa vue est donc mobilisée uniquement pour observer les gestes du professeur puis les siens. Il se crée alors dans ce circuit des automatismes totalement différents de ceux qui seront exigés ultérieurement pour la lecture de la notation. »113
Figure 15: Schéma d'apprentissage musical par transmission orale sans notation.114
« Hélas, au moment où l'on cherchera à inculquer à l'élève l'habitude de lire la musique, on s'apercevra que plus l'automatisme direct entre la pensée musicale et le geste instrumental a été solidement établi, plus il éprouve de gêne à lire; même s'il y met la meilleure volonté (ce qui est rarement le cas, puisqu'il s'exprime déjà aisément sans l'effort de la lecture), il aura beaucoup de peine à instaurer un nouvel automatisme, partant cette fois, non d'une impression auditive, mais d'une impression visuelle.
D'autant plus qu'il lui faudra, non sans conflits, remplacer dans le circuit visuel, l'image des gestes par celui de la notation. L'on s'est réjoui trop tôt du résultat passionnant, obtenu sans faire appel au solfège, car lorsqu'on se trouve obligé d'y revenir, les habitudes acquises y font obstacle. »115
113 MARTENOT (Maurice), Principes fondamentaux de formation musicale et leur application, Paris, Magnard, 1970, p. 65. 114 Ibid., p. 64. 115 Ibid., p. 71.
115
Par cette démonstration, nous constatons que même si le « jeu à l’oreille » est
une compétence indispensable au musicien, il est essentiel qu’il apprenne
parallèlement à lire la musique au début de ses études musicales. Dans le chapitre VII
« LIRE », nous verrons comment on peut aborder la lecture par le jeu avec les
débutants.
C. Jeux d’imitation
Pour habituer les élèves à écouter et à imiter, le jeu des devinettes à beaucoup
de succès. Je demande au violoniste de me tourner le dos et de répéter ce que j’ai joué.
Il faut commencer par des imitations de courtes formules rythmiques sur cordes à vide.
Une façon très simple et qui fonctionne de façon spectaculaire c’est de faire répéter
rythmiquement sur le violon le nom de l’enfant. Ces jeux développent une bonne
coordination et libèrent le jeu de l’archet car les gestes se font spontanément. Voici un
exemple :
1. Imitation de rythmes sur une seule note en pizzicato (en utilisant le pizzicato
avec l’auriculaire de la main gauche vers l’harmonique d’octave, on aide
l’élève à acquérir une bonne posture de la main gauche, à renforcer son
auriculaire et à le décoincer de la première position), et puis à l’archet.
2. Jeux rythmiques sur une, deux, trois et quatre cordes.
3. Changer de rôle, c’est l’élève qui invente la formule rythmique et le
professeur qui imite le dos tourné. C’est aussi une façon d’aborder
l’improvisation.
Lorsque l’enfant réussit bien à imiter et à inventer des courtes formules
rythmiques, on peut passer à l’imitation mélodique. Au début, la devinette se fait sur
quatre sons. Voici comment je procède :
1. 2 x 2 sons conjoints
2. 4 sons différents conjoints
3. 2 x 2 sons disjoints
116
4. 4 sons disjoints
5. Conjoints avec rythmes
6. Disjoints avec rythmes
A chaque fois, on change de rôle, et c’est l’élève qui invente. Cette activité est
très appréciée des enfants. Elle développe l’aisance sur l’instrument ainsi que la
créativité et l’improvisation. Toutes les notions nouvelles devraient être abordées par
l’enseignement par imitation, avant d’être enseignées par la lecture. Ce qui ne veut pas
dire que tout ce qui est lu doit être imité.
1. Hauteur
Je remarque souvent que certains débutants ne savent pas dans quel sens ils
doivent déplacer leur doigt pour jouer plus aigu ou plus grave. Avant de travailler la
hauteur précise d’un son, il est donc utile de faire répéter à l’élève les mouvements
vers l’aigu ou vers le grave, en diminuant peu à peu les intervalles. D’abord par le
chant et ensuite avec le violon. Attention à la tessiture de la voix de l’enfant qui est
parfois peu étendue. Travailler d’abord à partir de la corde de ré.
1. Glissandos ascendants 2. Glissandos descendants 3. Sons qui ne varient pas de hauteur
Le professeur chante un mouvement et montre le mouvement avec sa main et
l’élève imite. Après quelques jeux d’imitation, c’est au tour de l’élève de chanter et de
jouer et c’est le professeur qui imite. L’élève explore librement avec sa voix, puis avec
son violon. Il fait glisser son doigt sur la corde et s’arrête à une hauteur quelconque. Le
professeur glisse sur la corde de son violon et « rejoint » l’élève par un unisson. Une
fois que l’élève a compris dans quel sens il faut glisser pour aller vers l’aigu ou vers le
grave, on peut aborder le travail plus précis de la hauteur des sons.
Cette activité a aussi l’avantage de combattre la crispation du bras gauche sur le
manche du violon. L’apprenti violoniste devrait être encouragé à faire des glissandos
117
sur toutes les cordes avec tous les doigts, spécialement avec l’auriculaire, et apprendre
à glisser de plus en plus lentement. Varier la pression du doigt sur la corde allant de
l’effleurement le plus léger qui produit des sons harmoniques jusqu’à la pression
nécessaire pour entendre clairement le changement de hauteur. Cette activité est
salutaire pour la détente musculaire et la sensation tactile augmente en finesse. Comme
l’affirme Paul Rolland, il faut se garder de toute immobilité.
« L'immobilité prolongée de toute partie du corps aboutit à des tensions statiques qui gênent les mouvements naturels et leur coordination tout en provoquant une sensation d'inconfort. Ces tensions se produisent souvent là où l'on ne les attend pas: dans les chevilles, les genoux, la taille, les épaules ou le cou. Si elles persistent, elles peuvent entraver le jeu des bras, des mains et des doigts.
De toutes ces tensions, l'ankylose du bras et de l'épaule gauches est peut-être la pire. Elle provient de l'habitude de confiner le bras gauche du débutant à la première position. L'immobilité du bras engendre une tension qui handicape l'apprentissage du démanché et du vibrato. Dans notre enseignement, nous évitons dès le début l'immobilité du bras gauche. Nous explorons les positions basse, moyenne et haute de la main gauche sur la touche par des exercices de démanchés simples sur les harmoniques ou en pizzicato de la main gauche. »116
Une fois que l’élève distingue le sens mélodique sur son violon, il est judicieux
de mettre en place le cadre de la main en apprenant à jouer l’octave entre une corde à
vide et le 3ème doigt de la corde supérieure. Ceci a l’avantage d’éviter toutes sortes de
positions biscornues de la main gauche et aide à développer une bonne intonation.
Voici une démarche pour développer une meilleure intonation chez l’élève :
1. L’élève tient un bourdon sur la corde de ré ou la et le professeur joue l’octave. Puis faire le contraire.
2. Idem avec la quinte, puis la quarte, la tierce majeure et mineure, la
seconde. 3. Peu à peu l’élève apprend à entendre les bonnes vibrations et il peut
commencer à jouer ces intervalles en doubles-cordes. La quarte est particulièrement formatrice.
4. Le professeur peut attirer l’attention de l’élève sur la justesse de la quinte
en s’approchant de la quinte juste par un glissando très lent. 116 ROLLAND (Paul), L’enseignement du mouvement dans le jeu des cordes. Traduit par Chantal Masson Bourque, Ste-Foy,
Québec, Presses de L’Université Laval, 1991, p.37.
118
2. Durée
a) Tempo
Le tempo de l’enfant est plus rapide que celui de l’adulte. L’enfant des classes
primaires aime la musique rapide. Son caractère primesautier s’accorde bien avec les
musiques vives du mode majeur et son tempo naturel est autour de 110 à 120
pulsations par minutes. Lui demander de répéter trop lentement est contraire à son
influx vital et se solde souvent par un désintérêt qu’il ne manque pas d’exprimer. Si à
ce tempo il n’arrive pas à jouer, c’est un signe que soit la difficulté technique est trop
importante, soit l’exigence de lecture est trop grande. Lors de l’entrée dans
l’adolescence par contre, le jeune préfère les tempi plus lents et les tonalités mineures
qui lui permettent de mieux exprimer son affectivité.
Jouer un morceau de plus en plus vite est un jeu excitant pour les enfants. On
peut se servir de ce défi pour développer leur motivation. Par exemple leur demander
de jouer un morceau le plus vite possible pour la semaine suivante. Puis une semaine
plus tard leur demander de le ralentir et d’interpréter le mieux possible.
b) Rythme
L’élément le plus important de la formation rythmique consiste à enseigner à
l’élève à sentir dans son corps la pulsation tout en jouant le rythme de la mélodie.
« C'est de l'indépendance motrice entre ces deux groupes musculaires que dépendra l'éveil du sens rythmique. Aussi peut-on affirmer que le critère du sens rythmique réside dans cette indépendance. On en conçoit bien la raison: si l'élève peut maintenir la régularité de la pulsation, malgré l'action différente du groupe musculaire exprimant la formule rythmique; il dispose d'un jalonnement permettant d'obtenir instinctivement des proportions de durées correctes. Dans le cas contraire, faute d'un jalonnement régulier, les proportions sont faussées, la formule est dénaturée. »117
117MARTENOT (Maurice), Principes fondamentaux de formation musicale et leur application, Paris, Magnard, 1970, p. 31.
119
La précision des mouvements du violoniste est en étroite relation avec la
précision de sa pensée rythmique. Chaque leçon devrait comporter des jeux
rythmiques d’abord appris par imitation. Ces jeux peuvent être tapés, joués en
pizzicato avec la main gauche ou la main droite, joués avec l’archet, joués sur des
gammes, sur des jeux de « question réponse » etc. En donnant de l’importance à ces
jeux, l’élève obtiendra une bonne coordination de ses mouvements en plus de
bénéficier de l’effet de détente et de joie qu’ils apportent.
La façon la plus simple de procéder est d’observer et de se « caler » sur le
tempo naturel de l’enfant. Tout en disant des formules rythmiques courtes, l’enfant
tape dans sa main la pulsation d’un mouvement vif et léger.
La progression suivante permet aux élèves d’acquérir une bonne assise
rythmique : (Chaque étape étant un préalable pour la suivante.)
• L’enfant frappe la pulsation dans sa main et dit le rythme de façon
vivante.
• En marchant sur place, l’élève transfère la pulsation aux deux pieds et dit
le rythme verbalement.
• Pulsation aux pieds, dire le rythme et le frapper dans les mains.
• Pulsation aux pieds, frapper le rythme dans les mains sans dire le rythme
à voix haute, mais l’imaginer dans « sa tête ».
• Pulsation aux pieds, transférer le rythme au violon avec l’archet sur les
cordes à vide, sans mettre les doigts de la main gauche.
• Pulsation aux pieds, jouer l’extrait musical.
120
3. Intensité Dès que l’enfant commence à jouer avec l’archet, il est très important de lui
enseigner comment faire les nuances au violon. Le débutant est parfaitement capable
de comprendre les notions de vitesse d’archet, de pression et de résistance de la corde
par rapport au chevalet.
Dans son livre « Basics »,118 Simon Fisher rapporte que certains illustres
professeurs de violon tels que Carl Flesh et Yvan Galamian, divisent la zone de jeu de
l’archet comprise entre le chevalet et la touche en cinq « points de contact.
attirant son attention sur ces cinq points de contact que j’appelle les «
suis rendu compte que l’élève regardait bien moins ses doigts de la ma
beaucoup plus le point de contact de son archet avec la corde. Ce qui am
» En
cinq pistes », je
me in gauche et
éliore
grande
Figure 16 : Cinq différents points de contact de l’archet sur la corde
ment la qualité du son même chez le débutant.
Diviser cette zone en cinq pistes est très utile pour l’enseignement. Tandis que
l’élève joue, le professeur nomme le numéro d’une piste sur laquelle le fragment
musical sonnera le mieux. Par exemple, plus l’archet se déplace rapidement sur la
corde, plus il faut s’éloigner du chevalet. L’élève jouera donc vers le 4ème piste. Au
contraire, s’il s’agit de jouer un son long et fort qui nécessite une pression d’archet
importante, il faudra jouer vers la première piste.
118 FISHER (Simon), Basics, 300 exercices and practice routines for the violon, London, Peters, 1997, p. 41.
121
D. T
ntissage, l’élève apprend des airs.
Puisqu’il n’y a pas de lecture, il imite simplement les mouvements de son professeur.
Il ess ser ses doigts comme il le
fait. Il essaie de reproduire son toucher, sa sonorité. Les airs sont d’abord très simples
et destinés à un premier contact avec l’instrument. Cette méthode inculque le sens du
rythme, développe l’attention et la mémoire, l’attention et la concentration.
Evidemment, puisqu’il n’y a pas de partitions dans ce type d’enseignement, il
est indispensable de développer une bonne mémoire. Selon Françoise Etay, professeur
responsable du département de musique traditionnelle du Conservatoire National de
région de Limoges, pour quelqu’un qui apprend par transmission orale, c’est le
problème le plus important :
« Les problèmes qui se présentent pendant l’apprentissage sont bien différents
lui ai enregistré la semaine précédente, qu’il en déforme systématiquement la
avis, étroitement imbriquées), je sais qu’on arrivera à ou trois ans, mais mon diagnostic quant à son avenir de
oloneux reste très réservé. »119
mois d
qui est
ransmission d’un répertoire par imitation
L’apprentissage du violon par tradition orale sans support écrit existe depuis
fort longtemps. Nous avons vu que déjà en 1556 chez les ménétriers, c’est ainsi qu’on
apprenait à jouer.
En général, dès le début de son appre
aie de tenir son violon et son archet comme lui, de po
d’un élève à l’autre. Le premier – et le plus grave – peut être celui de la mémoire. Léon Peyrat, un violoneux corrézien (à qui nous devons tant), disait : « Jouer, c’est facile, il suffit de savoir la chanson ! ». Certains ne savent malheureusement jamais la « chanson ». Lorsqu’un débutant montre de grandes difficultés à chanter ce que je
structure ou le rythme ; qu’il hésite sur les intonations (les questions de justesse et de mémoire sont, à mon progresser en un, deuxvi
Nous constatons l’importance du chant dans le processus de mémorisation.
Pour en savoir un peu plus sur la transmission d’un répertoire par imitation, au
e janvier 2003, je me suis entretenu avec un professeur de violon traditionnel
aussi un collecteur : Monsieur Jean-Marc Delaunay, qui a obtenu un diplôme
119 ETAY (Françoise), « Paroles de violon », in Marsyas », n° 31, sept 1994, pp. 9 à 16.
122
d’état
consacre à la pratique musicale vivante. Ses principales activités musicales sont celles
d’un m
istrés par lui-même
et c’est lui qui a choisi les morceaux qu’il désire enseigner. Le professeur a donc une
grande
modèle intérieur fort, au lieu
d’essayer d’imiter, par analyse et décomposition, un modèle extérieur (celui du
profes
de violon traditionnel en 1996. A part l’enseignement et le collectage, il se
usicien actif: bals, concerts, animations et enregistrements.
Son enseignement est basé sur l’écoute et le chant et se fait uniquement à
l’oreille, sans support écrit. Il se sert d’un magnétophone à cassette, mais il pense
qu’un enregistrement sur minidisque serait souhaitable. Ses élèves (ou stagiaires) se
servent d’une cassette audio sur laquelle il y a un répertoire. Par exemple, dans un
atelier vers Brive-la-Gaillarde, il utilise un répertoire d’une soixantaine de morceaux
issus de collectage auprès de musiciens locaux. Ces airs sont enreg
liberté de choix. Il n’est pas contraint de se mouler à un schéma directeur. Il
peut ainsi proposer une progression, un changement de vitesse, une tonalité.
L’élève a aussi une liberté dans le choix des morceaux qu’il désire apprendre.
Ce n’est pas nécessairement le professeur qui choisit. Il peut apporter lui-même un
répertoire qu’il désire travailler. L’élève doit écouter la cassette le plus souvent
possible pour s’imprégner du répertoire, et écouter longtemps à l’avance l’air qu’il
souhaite apprendre à jouer. La méthode Suzuki est basée sur le même principe
d’acquisition d’un langage musical par imprégnation.
Voici comment Monsieur Delaunay procède : L’apprentissage se divise en deux
parties bien définies. La première partie est basée sur le chant, sans violon ; la
deuxième avec violon. Avec le chant, l’élève se fabrique un modèle intérieur. Il trouve
ainsi les accents naturels, la cadence du morceau, l’intonation et ce qui fait la couleur,
la particularité de la mélodie. Plus on passe du temps à chanter un air, plus c’est facile
de l’apprendre. Ceci est dû à la construction d’un
seur). On part ainsi d’une idée globale de la mélodie au lieu de partir de parties
du morceau qu’on essaiera de recoller par la suite. De l’ensemble à la partie.
123
La transmission d’un morceau se fait en trois étapes :
1. L’élève écoute l’air tandis que le professeur joue. C’est le moment de
l’écoute où l’élève se construit un modèle intérieur fort. C’est souvent à
cette étape que l’apprentissage se révèle défaillant. On veut savoir jouer
sans avoir le recul nécessaire à la restitution d’une mélodie. Le manque
d’écoute serait-il révélateur d’une société stressée où le temps semble
toujours manquer ?
joue.
3. Le professeur pose le violon et chante avec l’élève. Ce qui peut
Le pro
ainsi les poin die. Cette façon de faire permet le développement du
sens musi sans savoir la fin.
L’apprent
« attrape » pl
phrase, on l’a
travers de so l’élève apprend le morceau. Il apprend, acquiert et
ressent le morceau avec ses habiletés, avec ses coups d’archets personnels.
2. L’élève chantonne l’air tandis que le professeur
s’accompagner d’exercices rythmiques corporels : frappements de mains
et/ou de pieds, de différentes façons : pulsation, temps forts, ou les deux
en les différenciant.
fesseur joue à la vitesse normale et l’élève attrape ce qu’il peut. Il attrape
ts d’appui de la mélo
cal personnel. L’élève attrape parfois le début de la phrase
issage ne se fait pas par note, mais par séquences rythmico-mélodiques. On
us que l’on « apprend » une partie de la phrase. L’autre partie de la
ttrape au prochain tour, car on joue le morceau plusieurs fois. C’est au
n jeu personnel que
Monsieur Delaunay affirme que l’élève doit s’enregistrer lui-même le plus
souvent possible. Il y a un décalage entre ce qu’on joue vraiment et ce qu’on croit
jouer. En s’enregistrant, peu à peu on apprend à s’écouter réellement. Au début, il y a
beaucoup de décalage. On est trop focalisé sur le geste musical. Après, lorsqu’on est
dégagé de l’instrument, on peut vraiment écouter avec liberté et attention. Il y a alors
comparaison entre le modèle intérieur et la réalité. L’enregistrement permet de réduire
ce décalage.
124
Par ailleurs, plusieurs de ses élèves sont contents parce qu’ils jouent sans
partition. Il y aurait donc l’attrait d’une liberté de jeu. D’autres élèves n’ont pas envie
de faire du solfège. Souvent par réaction contre l’enseignement du conservatoire, ils
rejettent ce type de contraintes. Plusieurs de ses élèves sont passés par le conservatoire
et y auraient vécus une expérience douloureuse. Ils seraient déçus d’un enseignement
trop rigoureux.
Monsieur Delaunay conclut ainsi : Le simple fait de jouer provoque un
contentement intérieur qui n’est pas analytique. Il faut se donner le temps. Ça devrait
obliger à avoir un rapport plus intériorisé et plus physique avec la musique que l’on
joue, et permettre aussi au musicien une plus grande disponibilité de communication
avec les autres musiciens et avec le public.
125
CHAPITRE VI INVENTER De l’invention rythmique mono tonale à l’improvisation sur « grille d’accords ».
A.
La créativité
La musique devrait être aussi l’école de la créativité car l’activité culminante du
musicien est l’enrichissement de l’art musical par sa créativité personnelle.
« Créer implique que l'on ose. Or, OSER c'est se débarrasser de la crainte, ce
fléau de notre existence. Il n'y a pas de création sans ouverture, il n'y a pas d'épanouissement sans création naturelle commune à chacun, mais négligée. Refoulée par une éducation rationaliste, elle est restée chez beaucoup à l'état embryonnaire. L'acte de création est la joie la plus saine que puisse connaître l'être humain, parce qu'il rapproche de la perception du créateur en soi. Je pense très sincèrement qu'on n'est jamais plus près de Dieu qu'à l'instant où jaillit du plus profond de soi le geste, le mot, le son, la couleur représentant les prémisses de la forme naissante. Par la libération de l’expression esthétique, nous élargissons le faisceau du rayonnement spirituel. »120
Il est important que l’enfant puisse créer pour le simple plaisir de créer. Chaque
enfant possède cet élan vital et nous avons le devoir de respecter cet élan, de
l’encourager et de le développer.
« Je voudrais que ces quelques exemples suffisent à vous convaincre que l'éducateur doit avoir un objectif bien différent de celui de l'artiste dont les exigences sont légitimes. On pourrait le résumer ainsi: stimuler depuis le plus jeune âge le besoin si naturel de créativité, l'entretenir au cours des ans en lui apportant progressivement le minimum de technique indispensable, mais sans jamais l'orienter vers la recherche du résultat artistique proprement dit. C'est la création dans tout ce qu'elle peut; avoir de gratuité. C'est l'acte de créer que nous stimulons et si nous orientons vers la recherche du résultat, à ce moment là, une partie de la qualité de la création s'altère. » 121
Grandissant dans une société de plus en plus individualiste et axée sur la
compétition entre les individus, les enfants se comparent continuellement entre eux.
L’acte de créer doit être libéré de ces contraintes de compétition. Par des questions
120 Cité par CORNEILLE (Marcelle), « Le rôle des arts dans le développement de la personnalité humaine, Conférence donné par Monsieur Maurice Martenot », in Ostinato, bulletin n°45, Walkerton, Ontario, Avril 1990, pp. 7 à 12.
121 Ibid., p. 10.
126
pertinentes, il faut bien sûr guider l’élève en l’amenant à une plus grande conscience
de son geste créateur sans toutefois critiquer le résultat obtenu : Critiquer éventuellement
les moyens employés pour faire naître une forme quelconque, mais n'en jamais critiquer le
résultat lui-même. Eviter à tout prix la comparaison, encore moins la compétition. »122 Ce
n’est pas d’être le meilleur qui importe. L’important c’est que l’élève apporte sa pierre
à la création et à la récréation du monde, et que cette création soit une fin en soi.
« Il convient d'ailleurs de distinguer la création de caractère utilitaire acte stimulé par le poursuite d'un but, de la création artistique, acte essentiellement gratuit. Bien entendu, la création artistique peut aussi être stimulée par un but utilitaire, mais en ce cas, elle perd une partie de sa plus belle valeur qualitative. La création artistique, telle que je la conçois, est détachée de tout soucis d'une réussite quelconque c'est à dire de toute ambition. Il s'agit rigoureusement et exclusivement de la joie de vivre quelques moments dans un état créateur, dans un état de gestation. »123
B.
L’improvisation
L’improvisation est l’art de créer sur le champ au même moment que
l’exécution. Il s’agit de création spontanée liée au moment. De toutes les activités
musicales, c’est probablement la plus répandue car apprendre à s’exprimer de façon
personnelle est tout ce qu’il y a de plus normal et sain. Imaginer sa propre musique
c’est se donner le droit de créer.
L’improvisation est une activité privilégiée. C’est un des éléments les plus
efficaces pour éveiller l’intérêt de l’élève. La création et l’improvisation procurent un
sentiment de joie et d’émerveillement. C’est une école formidable de l’écoute et de
l’imagination. En s’appuyant sur l’énergie et l’élan intérieur, l’improvisation amène
l’individu à développer ses facultés d’invention et à « parler » par lui-même la langue
musicale. Il y a un parallèle à établir avec l’enfant qui apprend sa langue maternelle en
grandissant. D’abord il écoute, puis il imite, et enfin par l’acquisition des mots, il
122 Ibid., p. 10. 123 Ibid., p. 10.
127
exprime ses propres émotions, ses besoins et ses désirs personnels. Il en va de même
avec l’improvisation, trop souvent négligée. Comme l’affirmait autrefois Maurice
Chevais :
« Utiliser le langage musical, c'est en disposer librement pour exprimer un sentiment, c'est jouer d'une lyre intérieure dont les cordes sont celles même de notre être sensible. Mais, alors que tant de modes d'enseignement musical ont pour but de faire apprécier les sons, les hauteurs, les rythmes, de faire reproduire ses sons avec justesse, de faire connaître les conventions du graphique, un seul mode conduit à parler la langue musicale: L'improvisation et c'est celui qu'on laisse délibérément de côté. Tout concourt à développer l'esprit d'imitation, la mémoire des sons, des signes, le raisonnement même, mais rien, si ce n'est le travail libre, n'exerce musicalement la faculté maîtresse de l'enfant: l'imagination. »124
1. Improviser dès le début de l’apprentissage
Avec un peu de vocabulaire et de l’imagination, tous les musiciens peuvent
apprendre à improviser. Cela n’a pas besoin d’être difficile et ça ne demande pas un
talent spécial pour réussir.
L’improvisation est une façon amusante de jouer de la musique et devrait être
pratiquée dès le début des études musicales. L’enfant qui commence à jouer du violon
peut tout à fait s’amuser à inventer des rythmes à partir de ses cordes à vide, que ce
soit en pizzicato ou avec l’archet. L’idée étant que la musique ne fonctionne pas que
de l’extérieur vers l’intérieur, mais bien dans les deux sens. Tous les débutants
trouveront du plaisir à le faire. Comme le mentionne Colette Duchêne :
« Il est nécessaire, même à un débutant, de savoir utiliser son instrument comme un moyen d'expression et de création musicales. Lorsqu'un élève sait jouer quelques notes, l'inciter à s'en servir pour qu'il « improvise» un morceau selon son goût lui procure une impression de liberté vis-à-vis de son violon. Le jeune élève se prête, à ce jeu avec simplicité et spontanéité. »125
Afin de développer sa créativité, de découvrir sa personnalité et d’acquérir son
autonomie, il faut encourager l’élève à improviser. Ceci évitera qu’il ne devienne
124 Cité dans MARTENOT (Maurice), Principes fondamentaux de formation musicale et leur application, Paris, Magnard, 1970,
p. 74. 125 DUCHENE (Colette), « Libres réflexions sur l’enseignement », in Marsyas, Paris, N°3 / 4, décembre 1987, p. 63.
128
esclave du support écrit. Tout au long de sa vie de musicien, l’élève devrait progresser
dans l’art de l’improvisation. A l’écoute de son chant intérieur et s’appuyant sur ses
habiletés techniques, son langage musical personnel ne cesserait alors de s’affiner.
Cette activité musicale est irremplaçable.
Hélas souvent, le professeur ne pousse pas l’enfant à improviser. L’élève lui,
peut être par crainte de mal faire ou de peur de prendre des « mauvais plis », se
contente de répéter le travail exigé sans prendre d’initiatives, sans se permettre
d’explorer, et comme le cite Derek Bailey, il passe ainsi à côté d’une activité
fondamentale :
«L'improvisation constitue la base de l'apprentissage d'un instrument de musique », affirme John Stevens. Mais que se passe-t-il d'ordinaire? On décide d'acquérir un certain instrument. On l'achète puis on pense: «Je vais trouver un professeur et peut-être que d'ici sept ou huit ans, je serai capable d'en jouer. » On rate ainsi d'innombrables expériences musicales. Étudier de façon purement académique avec un professeur peut être la façon correcte d'atteindre des buts spécifiques, mais se contenter de cela est limité. Aborder un instrument de façon personnelle est tout à fait valable. »126
L’enseignement de l’improvisation étant peu pratiquée, la créativité de l’élève
est peu (ou pas du tout) encouragée : les élèves sont en général démunis lorsqu’il s’agit
d’inventer un quelconque air de musique sur le violon, ou d’exprimer leurs émotions
de façon spontanée. Dans des nombreuses écoles de musique, on exige que le
violoniste débutant ait une bonne connaissance du langage musical, de la lecture et du
déchiffrage à vue ; ce qui est certes louable, mais lui enseigne-t-on à créer, à inventer
des rythmes ou des courtes mélodies sur son instrument sans le support d’une
partition ?
126 BAILEY (Derek), L’improvisation. Sa nature et sa pratique dans la musique, Paris, Outre Mesure, Coll. « Contrepoints »,
1999, p. 110.
129
2. Professeurs incapables d’improviser
Certains professeurs affirment : « Ça nécessite une bonne expérience, des
bonnes connaissances pour pouvoir improviser. » Peut être qu’eux même ne sont pas
très à l’aise dans ce type de pédagogie.
Certains musiciens ont une technique instrumentale extraordinaire mais dès
qu’on leur demande d’inventer, ils perdent tous leurs moyens. Comme l’écrit Derek
Bailey :
« Concernant l'improvisation, une formation classique poussée semble être le handicap le plus considérable. La technique instrumentale usuelle elle-même a probablement certains inconvénients, mais le principal est l'attitude envers la musique systématiquement inculquée avec ce genre d'éducation.
Celle-ci exclut en effet le genre de situation qu'évoque Paco Pella: « On
entend des musiciens essayer des idées. Ils se trompent et développent peut-être cette erreur; mais sans le vouloir; ils inventent par là quelque chose d'intéressant. » Pella n'implique pas qu'il s'agit là d'un manque de responsabilité envers la musique ou d'un moindre souci pour la qualité du jeu, mais que par nature la musique n'est jamais figée, qu'elle est, au contraire, toujours souple et susceptible de changer. En insistant sur la rigueur de l'exécution, la musique classique, semble, en revanche, récuser cette idée. L'instrumentiste y approche la musique sur la pointe des pieds: celle-ci est précieuse, jouer menace son existence et il convient donc de faire attention. En outre, la musique ne lui appartient pas. Il est autorisé à l'interpréter, mais de façon strictement contrôlée. Quelqu'un a déployé des efforts considérables pour créer une œuvre, et la principale responsabilité de l'exécutant est de ne pas la dénaturer. » 127
Comment ces professeurs peuvent-ils répondre positivement aux demandes des
élèves qui souhaitent apprendre à improviser, si eux-mêmes en sont incapables ? Ils
serait nécessaire qu’au sein de leur formation, l’enseignement de l’improvisation, de la
composition et des arrangements musicaux fasse aussi partie de leur cursus. Mais on a
vu que l’enseignement de la musique dans les écoles spécialisées est démesurément
axé sur la maîtrise de difficultés techniques au détriment de la créativité.
« L'une des raisons pour lesquelles l'enseignement occidental de la musique produit des exécutants incapables d'improviser (il ne se contente pas de produire des violonistes, des pianistes, des violoncellistes, etc., il engendre spécifiquement des non improvisateurs) est qu'il se borne à apprendre à jouer d'un instrument et considère la création musicale comme une discipline totalement dissociée de l'exécution. Pour
127 Ibid., p.85.
130
l'instrumentiste, la musique consiste en un ensemble de symboles écrits qu'il interprète aussi bien que possible. Ces symboles sont la musique, et l'homme qui les a écrits, le compositeur, est le créateur de la musique, l'instrument transmettant ses idées. L'exécutant n'est pas obligé de composer. »128
Il semble pourtant évident qu’au terme de sa formation, un individu se dirigeant
vers l’enseignement du violon devrait avoir acquis certaines compétences dans l’art
d’improviser. Surtout que l’improvisation permet d’enseigner tout un tas de notions
théoriques de façon amusante. Pour simplement apprendre à maîtriser une gamme par
exemple.
3. Vertus de l’improvisation Parce que les idées de l’enfant sont encouragées, l’improvisation et la créativité
l’intéressent et développent son attention. Il écoute avec une plus grande concentration
ce qu’il joue et ce que ses camarades auront réussi à inventer. En stimulant son
imagination, ces activités renforcent ses stratégies d’expression. L’habitude d’inventer
sur son instrument l’amène à être plus créatif lorsque se présentent d’autres situations
à résoudre.
L’improvisation célèbre l’existence éphémère de la musique. C’est un moment
de communion entre l’émotion intérieure et le présent. Ce qu’il y a de merveilleux
dans l’improvisation, c’est que le musicien est complètement libre. Il est libre parce
que le morceau qu’il va jouer n’est pas figé. Il peut donc le jouer différemment à
chaque fois, de façon plus compliqué ou plus simple, dépendamment de l’état d’esprit,
car le résultat extérieur sera adapté au sentiment vécu intérieurement.
Le musicien qui improvise doit s’impliquer totalement dans sa musique. Il est
obligé de penser vite.
128 Ibid., p. 110.
131
4. L’improvisation collective
Par sa juxtaposition de plusieurs sons et par l’équilibre nécessaire entre liberté
et retenue, l’improvisation collective oblige le participant à un niveau d’écoute très
élevé. Par cette écoute profonde de lui-même et des autres, l’élève apprend à accepter
et à comprendre des propositions différentes de la sienne, en ce sens elle est une
ouverture sur les autres.
Ce jeu de construction sonore se bâtit avec les capacités musicales et techniques
de chacun des musiciens. Même un élève qui ne sait jouer que des pizzicatos avec des
cordes ouvertes peut participer. La qualité du rendu sera la lecture de l’écoute, de
l’audace et de la complicité. Comme le dit Andy Emler, c’est aussi l’expérience de la
générosité et de l’humilité :
« Le plus grand plaisir humain c’est de donner la chance aux copains de s’exprimer. Le plaisir de l’autre d’abord. Mon plaisir c’est de faire tourner la musique. Etre capable de s’effacer. Si l’autre ne te laisse jamais exister, tu dois changer de copains. En t’occupant simplement de faire tourner la musique, ta générosité est récompensée par l’autre qui frime. S’il est à l’écoute, il prendra la « tourne » pour te laisser improviser. Le principe de la musique c’est d’être au service de l’autre : développer sa propre écoute et l’écoute de l’autre. L’improvisation est la plus belle école de l’écoute à condition de passer par-dessus l’envie de montrer qu’on est meilleur que l’autre. Il faut de l’humilité. »129
5. Comment encourager l’improvisation ?
Improvise qui veut : L’enfant se prête bien à ce jeu. Il suffit souvent de
demander : « Qui est ce qui a envie d’inventer de la musique sur son violon ? »
L’enfant ne doit pas se sentir jugé. Il faut l’encourager à exprimer ce qu’il ressent, à
explorer des parties moins connues de son instrument et à découvrir d’autres sons
musicaux et extra musicaux. L’encourager à développer son imagination et attacher
plus d’importance à l’acte d’improviser, à l’intensité d’expression qu’au résultat. Il
faut accepter le tâtonnement, les idées mal emboîtées, les erreurs d’intonation et de 129 Ce paragraphe est une transcription de propos tenus par Monsieur Andy Emler lors d’un stage de formation qu’il
a dirigé à Céret le 18 et le 19 avril 2003. Ce stage intitulé « L’improvisation dans la musique instrumentale » faisait partie d’un plan de formation permanente en musiques et danses traditionnelles auquel j’ai assisté.
132
rythme au même titre qu’un enfant qui commence à dessiner peur créer de belles
œuvres sans que les traits soient précis. Peu à peu l’élève apprendra à faire ce qu’il
veut, ce qu’il entend intérieurement.
S’entraîner à improviser à partir d’une même idée, même courte peut être très
efficace pour développer la créativité.
Par ordre de difficulté, le plus simple c’est l’improvisation libre. Offrir à l’élève
de jouer quelque chose qu’il invente peut être une expérience inoubliable pour lui. Le
stade suivant sera l’improvisation rythmique, puis enfin l’improvisation mélodique.
a) Improvisation libre
En incitant l’élève à expérimenter l’improvisation libre, on lui donne le goût
d’inventer des nouvelles choses et d’appréhender le violon sous un angle moins
directif que celui d’un exercice ou d’un morceau imposé. On sera parfois surpris des
jeux sonores : trémolos, glissandos, harmoniques, imitation d’animaux et d’autres
sons. Parfois ce sera un embryon de mélodie qui ne demandera qu’à être encouragé.
« Bien qu'elle requière un talent particulier, l'improvisation libre est à la portée de presque tout le monde: débutants, enfants, non musiciens. Les capacités et l'intellect requis sont celles des personnes qui la pratiquent. Il peut s'agir d'une activité extrêmement complexe et sophistiquée ou de la forme d'expression la plus simple et la plus directe; de l'étude et du travail de toute une vie ou d'un simple passe-temps. Elle peut combler les goûts musicaux de chacun et le genre de personne irritée par l'idée que « tout le monde peut le faire » sera peut-être rassurée d'apprendre qu'Albert Einstein considérait l'improvisation comme un véritable besoin émotionnel et intellectuel. »130
Dans mon enseignement du violon, j’invite les jeunes à inventer et à jouer ce
qui leur passe par la tête. Ils aiment inventer pour plusieurs raisons. Voici quelques uns
de leurs témoignages :
« J’aime inventer parce que c’est plus facile. Je n’ai pas besoin de savoir lire
les notes. » Cosette, 11 ans, 6 mois de violon
130 BAILEY (Derek), Op.cit., p.88.
133
« C’est bien parce qu’on a plusieurs possibilités. On n’est pas obligé de lire. »
David 14 ans, 3 ans de violon
« Je peux jouer des morceaux que personne ne m’a montré. »
Loïc, 9 ans, 6 mois de violon
« Je joue de la musique à moi. » Doriane, 9ans, 6 mois de violon
« C’est bien parce qu’on invente tout ce qu’on veut. » Thomas, 9 ans
« Tu fais ton rythme, les notes que tu veux le temps que tu veux. »
Boris, 9ans, seconde année de violon
« On est libre de choisir ce qu’on veut. On n’a pas peur de se tromper. »
Quentin, 10 ans, seconde année de violon
« Moi j’aime bien l’improvisation. J’ai l’impression d’avoir plus de liberté.
J’aime quand on rajoute des contraintes. J’ai l’impression que j’écoute plus mon
violon que lorsque je joue une partition. Je commence souvent ma répétition par de
l’ « impro » pour me réchauffer. Quand j’ai travaillé ce que j’avais à faire, que j’ai
buté sur un morceau, c’est relaxant de terminer par une improvisation. »
Aurélie 16 ans, 6 ans de violon
« Ca me donne du répit, je ne suis pas coincée avec un problème de rythme. La
musique me parait plus limpide. »
Doriane, 16 ans, 5 ans de violon
« C’est bien quand on y arrive et qu’on connaît la gamme. Mais il ne faut pas
faire que ça. Quand on en a marre d’improviser c’est bien d’avoir quelque chose à
lire. » Guillaume, 15 ans, 5 ans de violon
134
« Moi j’aime bien pour pouvoir jouer plus tard avec des copains. C’est bien de
savoir lire et c’est bien de savoir improviser. C’est bien de savoir les deux. »
Kevin, 15 ans, 5 ans de violon
« C’est bien parce quand je suis triste, je le retranscris par mon violon. Quand
je suis en train d’inventer et bien ma musique elle sortira triste. Quand je suis énervée
elle sortira énervée. Avec une partition, il y a tout qui est déjà décidé. »
Orane, 16 ans, 4 ans de violon
b) Improvisation rythmique
Commencer par pratiquer des improvisations rythmiques sur une seule note, par
exemple sur une corde ouverte. Cette activité a aussi pour vertu de libérer le jeu de
l’archet. L’enfant trouvera naturellement le geste qui correspond à sa pensée musicale.
« Le rythme a été de tous les temps un mode d'expression primitif. On le
reconnaît comme un moyen de libération pulsionnelle. En dehors de toute intellectualisation, il permet la spontanéité, la créativité. Il laisse le sujet libre de s'exprimer. Etant donné la complexité du rythme musical, le sujet découvre grâce aux nuances, aux intensités et aux multiples combinaisons de structures, un vaste registre de possibilités lui permettant une expression plus riche. Le sujet perçoit l'organisation temporelle qui est le moyen, pour lui, de faire passer un sentiment, de transcrire un état et de communiquer avec l'autre. Le rythme est complexe dans sa technique mais simple dans son expression puisque l'utilisation de cette technique est en partie instinctive chez l'enfant. Il l'utilise sans la connaître. »131
Afin d’installer un climat de confiance et de jeu, le professeur peut jouer et
demander aux élèves d’imiter plusieurs formules rythmiques qu’il aura joué. Ensuite il
demandera à un élève de le remplacer. Le jeu de questions et de réponses à l’aide de
courtes formules rythmiques est aussi très efficace. Une autre façon très simple pour
apprendre à improviser rythmiquement consiste à inventer des variations rythmiques
sur un air connu.
131 BEDOS (Robert), Expression musicale et handicap intellectuel à Boissor, Boissor, Coopérative scolaire de Boissor, 1979,
p. 42.
135
c) Improvisation mélodique
« Si l'improvisation des rythmes est devenue familière et surtout très expressive, l'improvisation mélodique sera aisée. Toutefois, pour être abordée, les enfants devront avoir en tête un minimum de petits airs (chansons enfantines) et pouvoir reproduire aisément par imitation des thèmes faciles de caractère bien tonal. On n'oubliera pas non plus qu'en stimulant le chant intérieur, la transposition spontanée, dont le processus mental s'apparente à l'improvisation, contribue à la faciliter. »132
• Sur les trois premières notes de la gamme.
• Avec la gamme pentatonique.
• Avec une structure harmonique. Comme le conseillait Schumann, il faut
apprendre de bonne heure les lois de l’harmonie. Par un jeu de question
réponse sur les degrés I V et V I, les élèves arrivent rapidement à
entendre le changement d’accord :
« Improviser, c'est d'abord entendre. Dans ce domaine, l'enseignant doit guider l'attention des élèves vers l'écoute de sensations harmoniques des premier, cinquième et quatrième degrés d'une tonalité. Le travail peut débuter librement par des mélodies sur une « pédale de tonique», pour s'orienter ensuite vers des enchaînements harmoniques I, V, I. On peut commencer volontairement ces exercices de construction des piliers harmoniques sur des carrures très irrégulières. Les changements aléatoires d'accords sont produits par un clavier ou un groupe d'enfants. L'élève qui improvise est obligé d'écouter les mutations harmoniques. Lorsque ces deux piliers de la tonalité sont installés, on peut introduire le IV degré avec le même processus d'enchaînements de carrures aléatoires sur les degrés 1, V, IV, V, 1. Ces exercices, menés au sein du cours ou lors d'une pratique d'ensemble, contribuent à la formation de l'oreille des élèves. »133
d) Improvisation sur « grille d’accords »
Quand l’élève entend les changements d’accords entre le 1er et le 5ème degré, et
qu’il est capable d’improviser une question et une réponse en respectant les notes de la
tonalité, on peut l’initier à ce qu’il est coutume d’appeler la « grille d’accord ». Par
exemple, sur une feuille, j’inscris les noms des accords en chiffrage international :
(D – A, A7 – D).
132 MARTENOT (Maurice), Principes fondamentaux de formation musicale et leur application, Paris, Magnard, 1970, p. 76. 133 CROUSIER (Claude), Le musicien et le groupe, Paris, Cité de la Musique, Coll. « Points de vue », 2001, p. 63.
136
Muni de ce canevas, l’élève apprend à improviser en habillant
l’accompagnement harmonique des ses idées mélodiques. Voici comment je procède.
• Je joue une question (I – V), et je joue la réponse (V – I).
• Je joue une question et l’élève joue la réponse.
• L’élève joue la question et je joue la réponse.
• L’élève joue la question et la réponse.
• Je joue du piano et l’élève enchaîne plusieurs fois cette forme musicale
composée d’une question et d’une réponse.
Pour le professeur qui ne sait pas jouer d’un instrument harmonique tel que le
piano, il existe d’excellents logiciels qui produisent des accompagnements
harmoniques et rythmiques et qui sont d’une grande efficacité pédagogique pour
apprendre et pratiquer ce type d’improvisation. Le plus connu est certainement « Band
in a box ». Grâce à un tel logiciel, le professeur est libéré de sa tâche
d’accompagnateur et peut lui aussi improviser avec l’élève. Progrès garantis !
6. Evaluer l’improvisation
Pour celui qui désire évaluer l’élève on peut élaborer quelques critères.
Par exemple, il devrait être capable :
• de répondre à une question dans le même style rythmique ou mélodique
que la question entendue.
• D’improviser des accompagnements en ostinato rythmiques et
mélodiques simples.
• D’inventer des variation rythmiques et de varier mélodiquement un air
familier.
• D’organiser ses propres idées pour inventer de courtes mélodies.
137
CHAPITRE VII LIRE De l’identification des symboles d’écriture au déchiffrage d’une partition en
lecture à vue.
Savoir lire permet de déchiffrer des symboles afin de comprendre et d’expliquer
le message d’un compositeur. En apprenant simultanément à connaître le langage
musical et à jouer du violon, l’apprentissage de l’enfant est facilité.
« Les étudiants qui apprennent le langage musical au moment où ils apprennent à jouer de leur instrument non seulement maîtrisent les compétences techniques plus rapidement, mais ils acquièrent une plus grande conscience de la façon dont ces éléments contribuent à l’expression de la musique. »134
Comme l’affirme très justement Edgar Willems les notes permettent de situer
mentalement les expériences sensorielles, d’avoir des repères précis dans les différents
paramètres de la musique:
« Le nom de note concentre en un mot, en un concept, des éléments divers en nombre, durée, intensité, hauteur et timbre ; il nous fait passer du concret à l'abstrait. Il est une grande aide pour le travail de synthèse et d'analyse, ainsi que pour la virtuosité. Il joue un rôle important dans la création musicale: il compense, par son caractère limité et stable, celui, variable et mobile, des éléments affectifs. Comme en ce qui concerne le langage humain, l'intelligence nominale vient après l'expérience sensorielle et affective. »135
Autant l’improvisation libre permet au musicien d’inventer ce qu’il veut, autant
l’élève qui lit une partition doit l’interpréter en tenant compte de tous les symboles
écrits, sans rien n’omettre ni rien rajouter. Lire une partition c’est interpréter. C’est
donc emprunter à l’autre, à celui qui a écrit. Lorsque l’élève commence à lire, ce qui
importe, c’est la fidélité aux symboles écrits. Afin que le débutant n’en oublie aucun,
ces symboles doivent être réduits à leur minimum. Peu à peu, un à la fois, les autres
signes seront rajoutés jusqu’au jour où ils y seront tous. 134 MERRION (Margaret), What works : Instructional strategies for music education, USA, MENC (Music Educators
National Conference), 1989, p. 71. 135 WILLEMS (Edgar), tome 1, Op.cit., p. 43.
138
Il y a une passerelle à faire entre la lecture et l’audition intérieure. Chez un
« véritable » musicien, la lecture fait d’abord naître une représentation sonore, qui,
ensuite, est traduite dans l’exécution musicale. Cette faculté nécessite une
connaissance des intervalles, du rythme et des divers symboles en vigueur dans
l’écriture musicale. Pour développer cette faculté chez le débutant, il est donc
nécessaire de lui enseigner à découvrir et à entendre mentalement ce qui est écrit sur
une partition, avant de l’exposer sous forme sonore.
Pour développer son goût pour l’interprétation, il semble logique de partir de ce
qu’il connaît et de ce qu’il sait déjà faire par imitation, et lui proposer ensuite un
répertoire adapté au développement psychologique de son âge. Faut-il rappeler que
l’enfant du primaire a un rythme vif et aime la musique enjouée ?
A. Ordre logique d’apprentissage
On pourrait établir une hiérarchie dans l’ordre d’apprentissage du langage
musical :
1. Jouer avec les sons sans connaître ni leur nom ni leur représentation symbolique.
Jouer sans connaître les notes, simplement en s’amusant avec la matière sonore.
Au violon, ça peut se traduire par un jeu très amusant. Le professeur joue un glissando
panchromatique et l’élève doit répéter exactement ce glissando. Ce travail se fait
d’abord par imitation. Au moment où l’élève imite, le professeur transcrit les
mouvements de glissando au tableau. L’élève voit donc apparaître le dessin de ce qu’il
joue. Puis, on fait le contraire, c’est le professeur qui joue et l’élève qui transcrit.
139
« Les mouvement de montée et de descente puis les écarts montant et descendants seront transcrits par l’enfant au moyen de graphiques acheminant insensiblement l’élève vers la dictée musicale. » 136
Après avoir joué avec la matière sonore, l’enfant pourra apprendre le nom des
notes.
2. Apprendre l’ordre des notes
Lorsqu’on demande aux débutants l’ordre des sons à partir d’une note nommée
au hasard, surtout l’ordre descendant, ils ont souvent du mal à le réciter. Toutefois,
cette notion devant être claire avant d’aborder la lecture, ils doivent devenir habiles à
savoir cette suite en partant de n’importe quelle note. Voici deux jeux qui viendront
rapidement au bout de cette difficulté.
• Jeu du courant électrique : Silencieusement placés en cercle en se tenant
la main, un enfant fait passer une impulsion musculaire dans la main de
l’autre en nommant une première note d’une gamme. L’enfant suivant
doit dire la prochaine note et ainsi de suite. Le courant électrique doit
passer le plus vite possible. Puis chaque enfant nomme deux notes de la
gamme, puis trois… Ce jeu a aussi pour effet de souder le groupe.
• Jeu de la gamme marchée : A l’aide d’un métronome, l’élève marche
dans la salle et récite l’ordre ascendant et descendant des notes, en
commençant à chaque fois par une nouvelle note. A chaque pas, l’enfant
dit une note. On accélérera peu à peu pour marcher sur des tempos de
plus en plus rapide.
136 Ibid., p. 18.
140
3. Jouer en connaissant la localisation du nom des notes sur l’instrument, sans connaître la lecture musicale.
L’enfant qui sait chanter quelques chansons très faciles, peut apprendre à les
jouer sur le violon sans savoir lire les notes. Se servir d’un schéma illustrant le nom de
la corde et les numéros des doigts, peut permettre une initiation mais on sera vite
limité. Il est préférable d’y joindre le nom de la note et sa correspondance sur la
portée. L’élève comprendra ainsi sur quelle corde il doit jouer, avec quel doigt, quelle
note il obtiendra et comment s’écrit cette note. Lui demander de chanter les notes qu’il
lit tout en plaçant ses doigts en silence sur le violon lui apprendra peu à peu à
déchiffrer la musique et à associer la correspondance des notes écrites avec leur
emplacement sur l’instrument.
4. Lecture de rythmes
Les premières expériences de lecture devraient se concentrer sur la
reconnaissance de formules rythmiques contenues dans des chansons que l’élève
connaît. Le professeur écrit deux formules rythmiques simples et les présentent à
l’élève en les jouant. Puis c’est le jeu de devinettes. Il joue une des deux formules et
demande à l’élève de deviner laquelle il a joué. L’enfant apprend vite à les reconnaître.
On inverse le procédé : c’est l’élève qui choisit et le professeur qui devine. Ensuite le
professeur invite l’élève à écrire sa propre formule rythmique et à la jouer. A l’aide de
cette méthode, il pourra rapidement apprendre à déchiffrer des rythmes d’abord
simples, puis de plus en plus complexes.
La lecture mélodique procédera de même : reconnaître, reproduire, inventer et
lire. L’élève portera une attention particulière à chanter le nom des notes. Les
premières formules mélodiques transposées à l’instrument se joueront sur une seule
corde du violon.
141
5. Apprendre à lire les notes en jouant
Il est souvent très difficile pour un enfant d’apprendre à lire la musique tout
simplement parce que les portées habituellement imprimées sont trop petites aux yeux
de l’enfant. Cela lui demande un trop grand effort de concentration. Combien de fois
avons-nous vu les élèves écrire et gommer des notes dans leur petit cahier de musique
sur des portées minuscules. Il serait préférable de débuter la lecture sur des portées
beaucoup plus grosses et peu à peu, au fur et à mesure que l’enfant devient plus
expérimenté, les rapetisser jusqu’à la taille habituellement rencontrée dans le
commerce. Puisque cette méthode est utilisée pour l’apprentissage de la langue écrite,
il est étrange qu’elle le soit aussi peu pour la lecture musicale.
a) Portée géante peinte au sol
Les enfants ont un besoin naturel de bouger. Il est parfois difficile de leur
enseigner à lire la musique car cette activité leur demande passablement de
concentration. Au lieu d’essayer de les retenir assis et calmes à leur place, il serait plus
opportun de se servir de leur énergie débordante à sauter et à courir pour les amener à
lire la musique. Peindre une immense portée sur le sol de la classe de musique sur
laquelle ils pourraient se déplacer (un peu comme le jeu de la marelle) permettrait un
apprentissage ludique et rapide de la lecture des notes sur la portée. Il est facile
d’imaginer de nombreux jeux, seuls où en équipes, le défi serait d’être les premiers
arrivés au bon endroit sur la portée.
La « dictée » pourrait d’abord être dite sous forme de numéro de lignes et
d’interlignes, de nom de notes, puis finalement jouée au violon. Cette immense portée
pourrait aussi servir à l’apprentissage de mélodies, d’accords, de compositions. Et
pourquoi ne pas en peindre une longue dans la cour de récréation ? Les élèves
pourraient alors utiliser de grosses craies à trottoir pour écrire « leur musique ».
142
b) Grosse portée avec quatre jetons
L’étape suivante dans la lecture serait d’utiliser de gros jetons de couleur (de la
taille d’une pièce de vingt centimes) sur une feuille où il n’y aurait qu’une seule
portée. Employer des jetons permet d’apprendre rapidement à situer les notes sur la
portée, car en quelques secondes, les jetons sont déplacés, et le professeur peut tout de
suite observer le résultat sans se déplacer. Lorsque l’élève doit écrire la note sur une
toute petite portée, c’est beaucoup plus long, et bien moins dynamique. Les élèves
peuvent faire bien moins de jeux de devinettes.
Par ce jeu, j’ai constaté que plusieurs élèves plaçaient leurs jetons de droite à
gauche. Il est évident qu’à ce stade, il est impossible pour eux de déchiffrer une
partition écrite de taille habituellement rencontrée. Ils doivent d’abord manipuler des
objets plus gros avant d’écrire sur une portée de petite taille. A l’aide de ces jetons,
cette difficulté est rapidement surmontée.
J’utilise de plusieurs façons cette grosse portée avec des jetons :
• Je nomme quatre sons et l’élève doit placer ses jetons sur la portée.
• Je joue quatre sons au violon et l’élève « écrit » ce qu’il entend.
• L’élève place ses jetons où il veut et il joue sa « composition » sur son
violon.
• Cette portée sert aussi à l’initiation aux intervalles et des accords.
Cette façon de faire est très efficace. Les jeunes aiment beaucoup manipuler ces
jetons de couleur, ils ont l’impression de jouer. Les résultats ne se font pas attendre.
Bien sûr plus tard, l’élève devra apprendre à écrire la musique en conjuguant
rythme et mélodie, mais dans les premiers mois de son apprentissage, il est préférable
de ne présenter qu’une difficulté à la fois.
143
6. Lire les notes intérieurement avant de les jouer
Lorsque l’élève peut identifier et interpréter des formules rythmiques simples et
lorsqu’il sait reconnaître quelques notes à la vue et à l’audition, il peut alors découvrir
un fragment de chanson connue en lisant de qui est « caché » dans un bout de notation
musicale. La lecture musicale devient alors un jeu stimulant. Procéder à l’aide d’un
répertoire de chansons traditionnelles connues sera un moyen très efficace. L’enfant
sera très fier de constater qu’il peut découvrir par la lecture une mélodie qu’il connaît.
Il n’y aura qu’un pas à faire pour arriver à déchiffrer une chanson nouvelle. Il se
rendra compte avec joie qu’il est capable de lire des mélodies simples. Cet
apprentissage acquis par le jeu et au travers de chansons rythmées ne le dégoûtera pas
du solfège parce qu’à tout moment, il aura été au contact de moments musicaux
joyeux.
Mais combien de fois avons-nous entendu : « J’aimais la musique mais j’ai
abandonné parce que je n’aimais pas le solfège. C’était ennuyant, on ne faisait pas de
musique… »
Apprendre à lire et à écrire la musique demande à l’enfant une attention et une
concentration soutenue. Puisque c’est au travers du jeu que l’enfant déploie sa plus
grande concentration, il paraît donc essentiel que le langage musical s’apprenne au
travers du jeu.
B. Echec du solfège traditionnel
Souvent l’apprentissage du solfège se fait assis à une table, où l’élève doit
déchiffrer et nommer lentement une suite de notes lues dans un cahier, sans qu’il n’y
ait de véritable moment de « magie » musicale. Nombre d’élèves ressentent, parfois
inconsciemment, une aversion pour cette sécheresse musicale. Ce type d’enseignement
pas du tout motivant, car trop éloigné de l’émotion musicale légitime de l’élève, a
aussi pour effet, d’établir un automatisme direct entre le symbole déchiffré et le geste
musical, sans passer par la pensée musicale. Voici l’analyse de Maurice Martenot :
« L'élève, qui pratique dès le début la lecture note à note, le plus souvent en usage dans le solfège traditionnel, et ce, dans un « tempo » trop lent, incompatible
144
avec la vie du rythme, développe l'automatisme direct entre la vue de chaque signe de notation et le geste vocal ou instrumental, sans passer par la pensée musicale. En effet, les sons ne s'agglomérant pas pour former des cellules musicales (des airs) pouvant être mémorisés par la pensée musicale, celle-ci est en majeure partie inexistante. De ce fait, « l'influx vital » qui devrait l'animer ne peut se manifester. Le geste vocal ou instrumental exprime « du son », mais pas une véritable expression musicale. L'instauration d'un nouvel automatisme qui devrait aller de la perception d'un groupe de signes de notation à la pensée musicale, puis de la pensée musicale au geste vocal ou instrumental sera difficile à obtenir, parce qu'il se trouvera en conflit avec les habitudes du trajet direct. »137
De plus, par l’absence d’une véritable émotion musicale et par la force de cet
automatisme, l’élève devient esclave de la partition et n’arrive ni à jouer « à l’oreille »
ni à inventer.
« Fréquents sont les exemples d'élèves de tous âges qui, bien qu'ayant abordé à l'instrument l'interprétation d'œuvres d'un niveau technique déjà avancé, se trouvent dans l'impossibilité de jouer l'air le plus simple, voire même une chanson enfantine qu'ils connaissent cependant parfaitement, s'ils n'ont pas le texte écrit sous les yeux, parce que leurs doigts ne sont pas en relation directe avec leur pensée musicale. On trouve l'exemple opposé chez les amateurs doués, capables de jouer d'instinct tout ce qui leur passe par la tête, et ne sachant pas lire la musique. »138
Figure 17: Schéma de l'automatisme entre la vue et l'exécution musicale.139
137 MARTENOT (Maurice), Principes fondamentaux de formation musicale et leur application, Paris, Magnard, 1970, p. 66 138 Ibid p. 68. 139 Ibid p. 67
145
« …lorsqu'il s'est établi un automatisme direct entre la vue des signes de
notation et leur transposition musculaire vocale ou instrumentale, sans passer par la pensée expressive de l'air (schéma III), une véritable rééducation sera nécessaire pour établir un nouveau « circuit » passant de la notation à la pensée musicale, puis de celle-ci au geste vocal ou instrumental... »140
Apprendre à lire la musique permet à l’enfant d’avoir accès à la littérature
musicale et de devenir autonome et libre de choisir ce qu’il aura envie de jouer. Cette
étape devrait être une des plus joyeuses de sa progression. En se servant de cellules
courtes et vivantes, de petits mots mélodiques, d’airs très faciles ayant un sens
musical, en tenant compte des difficultés techniques respectant le tempo naturel de
l’enfant, l’apprentissage de la lecture se fera naturellement en respectant la pensée
musicale et en sauvegardant le sens rythmique.
140 Ibid. p. 71.
146
CHAPITRE VIII PROPOSITION D’UNE NOUVELLE METHODE D’APPRENTISSAGE POUR L’ELEVE
La démarche d’apprentissage du violon devrait suivre un ordre logique. Un
enseignement efficace aux violonistes débutants peut se résumer à cinq principes de
base:
1- Enseigner à jouer à l'oreille avant d'enseigner la lecture musicale, mais
intégrer des éléments de lecture, rythmiques d’abord puis mélodiques,
dans un délai rapproché afin de développer des automatismes variés.
2- L'activité avant la théorie. En renforçant les activités ludiques, les
notions abstraites et théoriques deviennent plus faciles à apprendre. En
travaillant par imitation, l’élève a un modèle visuel et auditif. Il fera ainsi
plus facilement le rapprochement entre la connaissance théorique et
l’exécution instrumentale.
3- Enseigner une connaissance à la fois: cela réduit la confusion et permet à
l'enfant de maîtriser cette nouvelle connaissance.
4- Passer à un nouveau concept seulement quand la connaissance travaillée
est acquise. On s’assure ainsi que l'élève ne sera pas frustré lors de
l’introduction de nouvelles connaissances.
5- Faire répéter des notions et des morceaux déjà appris. La répétition
permet à l'enfant d'en maîtriser tous les aspects. Il prend ainsi conscience
de ses progrès. Il a du plaisir à jouer avec aisance ce qui était difficile
pour lui. Ne lui enseigner que des morceaux à la limite de ses capacités
techniques l’épuisent. Il faut constamment revenir sur ce qui a été appris
sans toutefois le priver de défis.
147
Le professeur de violon doit chercher quel est le chemin le plus naturel pour
l’apprentissage du violon, et ce chemin passe nécessairement par l’écoute, le jeu à
l’oreille, la créativité et la lecture. Quel parcours pourrions nous proposer à l’enfant
qui désire apprendre à jouer du violon ?
A.
Avant d’apprendre à jouer du violon :
Idéalement, avant d’apprendre à jouer du violon, l’enfant devrait bénéficier
d’un éveil musical. Comme l’a enseigné Suzuki, lorsque l’enfant baigne dans une
musique de bonne qualité il développe plus facilement une oreille musicale. A la
maison, il serait judicieux de choisir un enregistrement de violon de haute qualité et de
le faire régulièrement jouer en présence de l’enfant afin qu’il s’en imprègne, même s’il
n’écoute pas avec attention. Il serait souhaitable aussi d’écouter avec lui différents
styles de musique afin d’élargir ses horizons.
Dans un groupe d’éveil musical, l’enfant, avec des camarades, découvrirait et
apprendrait à aimer, à discriminer et à classer différents paramètres du son grâce à un
instrumentarium varié. Il s’initierait à la manipulation d’instruments simples. L’amour
des sons est la meilleure introduction à l’amour de la musique. Comme le fait
remarquer très justement Dominique Hoppenot :
« Il est indispensable que le futur violoniste ait au départ sinon une finesse auditive qui peut s’éduquer, du moins un véritable goût pour l’écoute, pour le « son », pour les multiples « paysages auditifs » auxquels le musicien et le violoniste doivent être préparés. »141
Puis il apprendrait à chanter un répertoire de chansons enfantines et
traditionnelles et à s’accompagner avec des instruments de percussions simples,
répertoire qu’il pourrait transposer ultérieurement au violon, car sa « besace » ne
devrait pas être vide au moment où il commence à jouer du violon. L’enregistrement
de chansons enfantines et traditionnelles, de langue française d’abord, pourrait
constituer la base de son répertoire à l’instrument. Dans un but pédagogique, ces
141 HOPPENOT (Dominique), Le violon intérieur, Paris, Van de Velde, 1981, p. 243.
148
chansons seraient classées dans une progression tenant compte des difficultés
techniques du violon. L’enregistrement alternerait entre couplets chantés et couplets
joués au violon. L’enfant apprendrait donc les paroles des chansons tout en
s’imprégnant du violon. 142
C’est par les chansons enfantines que l’on familiarise le plus naturellement
l’enfant avec le langage musical.
« La formation de l'oreille se fait par l'audition, la reproduction et la reconnaissance de formules mélodiques et rythmiques. Pour travailler, il faut partir d'un acquis auditif; il faut que les enfants soient déjà familiarisés avec ces formules et qu'ils en soient imprégnés pour pouvoir en prendre conscience et les utiliser avec aisance. Pour cela, les professeurs doivent avoir à leur disposition un vaste répertoire méthodiquement adapté à tous les stades de la formation de l’oreille. »143
Afin de développer l’audition intérieure, il serait judicieux qu’il apprenne à
transposer mentalement ces airs simples à partir d’un nouveau son entendu, et après un
moment de silence, à les rechanter dans la nouvelle tonalité. Ce défi se ferait d’abord
dans des tonalités proches du ton original, puis dans des tons de plus en plus éloignés.
B.
Avec le violon :
En transposant ce répertoire sur le violon, l’enfant aurait le plaisir de jouer ce
qu’il connaît déjà. Avec son petit bagage de chansons, sans avoir à lire ou à apprendre
la chanson, il pourrait se concentrer sur l’acquisition des bons mouvements.
N’oublions pas que dès le début des études, le professeur doit attacher une grande
importance à la décontraction musculaire et à l’économie d’efforts. Le violon et
l’archet nécessitent une tenue équilibrée de telle sorte que le violoniste puisse jouer
avec la plus grande détente. Quand l’élève est décontracté, il se sent bien et a envie de
jouer. C’est plus simple si l’élève n’a qu’une seule difficulté à maîtriser à la fois.
Comme nous l’avons constaté, il ne faut pas trop tarder à initier l’enfant à la
lecture musicale. En intercalant des solos rythmiques ou mélodiques au travers des
142 Les enfants qui apprennent selon la méthode Suzuki apprennent ainsi. Ils sont encouragés à écouter quotidiennement le disque de la méthode. Ils connaissent les morceaux et n’ont plus qu’à apprendre à les jouer sur l’instrument.
143 RIBIERE-RAVERLAT (Jacotte), Un chemin pédagogique en passant par les chansons, Paris, Alphonse Leduc, 1974, p. 3.
149
chansons, on l’amènerait à lire des rythmes d’abord, et ensuite des fragments de
chansons dans un contexte musical vivant. Mais tout en apprenant la lecture, on
n’abandonnerait pas pour autant l’imitation.
Comme l’écrit Jacotte Ribière-Raverlat : « le maître pourra faire apprendre les
chansons nouvelles de trois façons différentes:
1. Entièrement par audition [imitation], si la mélodie contient des éléments musicaux encore inconnus et qui seront découverts plus tard dans la progression.
2. En faisant déchiffrer une partie de la chanson. Le reste, trop difficile, sera appris par audition.
3. En faisant déchiffrer toute la mélodie, si la notation musicale de celle-ci est entièrement à la portée des enfants. La musique est alors solmisée (chantée avec le nom des notes), puis interprétée avec les paroles. »144
Les enfants auraient idéalement un cours individuel par semaine plus un cours
collectif. Dès le début de leurs études, ils participeraient à un orchestre. Les parties
difficiles à lire seraient apprises par imitation et pourraient être jouées à l’unisson. Il y
aurait des parties lues où les élèves joueraient à plusieurs voix ainsi que des parties
pour différents types d’improvisation : improvisations vocales, improvisations
instrumentales avec bourdon et improvisations sur cadre harmonique.
Progressivement, les élèves élargiraient leur répertoire. Ils aborderaient des airs
et danses traditionnelles d’autres pays avec leurs particularités stylistiques et leurs
difficultés techniques, ainsi qu’une initiation au répertoire classique. Ils constateraient
ainsi qu’entre la musique traditionnelle et la musique classique dite savante, il n’y a
qu’un pas à franchir. Par l’habitude prise d’improviser, ils ne seraient pas démunis
pour varier des mélodies, pour exprimer librement leurs émotions où pour s’initier au
langage des musiques improvisées telles que le blues et le jazz.
Ils auraient acquis, souhaitons-le, le moyen de jouer de la musique.
144 Ibid., p. 9.
150
C.
Proposition d’une méthode de violon
Pour aider le violoniste débutant à acquérir ces compétences et à développer
son autonomie, je crois que le professeur de violon aurait intérêt à adopter une
méthode de violon accompagnée d’un support sonore, proposant des objectifs à court
et à long terme, des concepts clairs, une progression réfléchie, des morceaux de trois
différents niveaux de difficultés par chapitre, et un moyen pour que l’élève puisse se
situer dans sa progression.
Présentation attrayante et aérée
La méthode serait attrayante, solide et reliée de telle façon à rester facilement
ouverte sur le pupitre du musicien. Les pages seraient aérées et contiendraient aussi
des illustrations comiques : des personnages, des drôles de musicien, etc.
A chaque chapitre un petit personnage donnerait des idées pour se motiver.145
Seuls les signes de musique indispensables seraient présentés, les autres seraient
ajoutés au fur et à mesure des besoins. Exagérément grossis par rapport à leur taille
habituelle, ils iraient en rapetissant au fur des leçons. Cette méthode serait
accompagnée d’un livre du maître et d’un accompagnement de piano facile à jouer et
détachable.
Livre du maître
Dans le livre du maître, il y aurait des exercices de lecture à vue sous forme de
duo, très faciles à lire par l’élève, qui serviraient en priorité à développer une grande
précision dans l’intonation de l’élève.146 Il y aurait aussi des exemples de fragments de
musique à faire deviner à l’oreille par l’élève, car toute lecture d’une nouvelle note,
d’un nouveau doigté, d’un nouveau rythme devrait être précédé de jeux par imitation. « Le souci d'apprendre les signes et de les faire lire correctement, autrement dit
«d'apprendre à solfier», tend à faire oublier l'importance de l'imitation. (Phase primordiale de l'évolution de la musique à travers les âges.) »147
145 Voir en annexe E, une liste d’activités pouvant encourager le jeune violoniste à se motiver. 146 Afin de contrôler les capacités de l’élève à lire à vue, ces duos ne devraient pas se retrouver dans le cahier de
l’élève. Il s’agirait en quelque sorte d’une évaluation continue sous forme de « moment musical ». 147 MARTENOT (Maurice), Principes fondamentaux de formation musicale et leur application, Paris, Magnard, p.34.
151
Buts à long terme :
Un tableau synthèse du contenu général des apprentissages et des objectifs à
atteindre dans l’année serait présenté dans les premières pages de la méthode. Ce
tableau contenant entre autres la progression rythmique et mélodique rencontrée dans
la méthode, permettrait à l’élève de constater ce qu’il a à apprendre et où il est rendu
dans sa progression.
Buts à court terme
Puisque l’enfant à besoin d’atteindre des buts à court terme, chaque chapitre
s’ouvrirait sur les objectifs à atteindre dans ce chapitre, et se refermerait sur un
morceau de musique faisant la synthèse des habiletés devant être acquises. L’élève
pourra ainsi évaluer sa compréhension et sa maîtrise des concepts présentés dans
chaque chapitre.
Trois niveaux de difficulté
Afin d’entretenir la motivation de l’élève et de lui lancer des défis, chaque
chapitre contiendra un répertoire classé en trois niveaux de difficulté : facile, moyen,
difficile. (Es-tu capable de…)
Un concept à la fois
Les concepts seraient présentés un à la fois, en commençant par le plus simple.
Par exemple, si une nouvelle note était enseignée, le rythme serait déjà connu de
l’élève. Ces concepts seraient constamment présentés de nouveau au travers des
apprentissages suivants afin que l’élève puisse les renforcer. Chaque nouveau concept
présenté en début de chapitre serait accompagné d’illustrations les plus claires
possible : posture du corps, de la main sur l’archet, de la main gauche, de la
correspondance des doigtés avec les notes sur la portée, etc. Les exercices seraient
proposés sous forme de morceaux de musique, aussi courts soit-ils, avec une forme
musicale logique. Les premiers morceaux n’auraient pas plus de quatre mesures et se
joueraient sur une seule corde. Ils seraient ensuite transposés sur les autres cordes.
152
Progression rythmique
La progression rythmique lue serait fondamentalement basée sur la noire et sur
son silence correspondant, le soupir. Chaque noire représenterait un coup d’archet.
Parallèlement à cette lecture rythmique, les rythmes plus complexes seraient enseignés
par imitation. Les valeurs plus longues telles les rondes ne seraient enseignées que
lorsque l’élève saurait manier l’archet dans toute sa longueur en le gardant
relativement parallèle au chevalet.
Progression mélodique
La progression mélodique serait basée sur la gamme majeure de ré ou de la. Un
schéma illustrerait l’emplacement des doigts sur le manche du violon et sa relation
avec les notes sur la portée, ainsi que leur nom, en anglais et en français. En première
année, les liaisons seraient limitées à deux notes par coup d’archet. La méthode
contiendrait en priorité une variété d’airs enfantins et traditionnels de langue
française : « Pour bâtir l’éducation musicale de l’enfant, Carl Orff a toujours défendu
l’importance de se servir des chansons et airs traditionnels de sa propre culture. »148 Par la
suite le répertoire inclurait des airs d’autres pays ainsi que des compositions d’auteurs
classiques.
148 BISSELL (Keith), « Orff song and tradition », in Ostinato, », bulletin n°43, Walkerton, Ontario, Septembre 1989,
pp. 15 à 17.
153
Cette méthode serait accompagnée d’un support sonore composé de
quatre disques : 149
Disque d’exemples de différents styles de violon à écouter
Il s’agirait d’une compilation afin d’éveiller la curiosité de l’élève. Dans chaque
chapitre de la méthode, un court résumé d’un style correspondrait à une plage sur ce
disque. (Baroque, classique, romantique, tsigane, blues, jazz, rock, irlandais,
québécois, français, écossais, oriental, indou, bruitage, électronique, etc.)
Disque d’airs traditionnels à apprendre par imitation
Ce second disque contiendrait un répertoire de morceaux à imiter trié par ordre
de difficultés et destinés à l’apprentissage oral, sans partitions. Des airs français, de
l’Europe, etc.
Disque d’accompagnements pour improviser
Ce disque contiendrait des paysages sonores pour l’improvisation libre et des
accompagnements harmoniques pour les jeux de question réponses : sur deux accords,
sur trois accords ; des improvisations modales et tonales, avec grilles d’accords
simples, « anatoles », grilles de blues, etc.
Disque d’accompagnements pour les morceaux de la méthode.
Un quatrième disque servirait de support sonore pour les morceaux lus dans la
méthode. Il s’agirait d’accompagnements où la partie de violon serait enregistrée une
première fois à un niveau sonore normal pour que l’élève puisse bénéficier de
l’exemple, et une seconde fois très faiblement. Cette piste serait une plage
d’accompagnement.
149 Il serait aussi possible de se servir d’un CDROM sur lequel serait gravé le contenu des quatre disques. On
pourrait y ajouter des schémas de doigtés, des morceaux, etc. Ce support serait plus interactif.
154
Les quatre premières plages des disques « Imiter, Inventer, et Lire » seraient
dédiées spécialement à aider l’enfant à s’accorder. Dans chacun de ces disques, la 1ère
plage ferait entendre le LA du violon, la 2ème le RE, la 3ème le SOL et la 4ème le MI.
Chacune de ces plages dureraient une minute et seraient indépendantes l’une de
l’autre.
Je crois que cette méthode donnerait les moyens d’encourager l’élève à
apprendre par imitation, à inventer et à lire.
155
Conclusion
156
Comme nous l’avons remarqué dans la première partie de ce travail, l’enfant qui
a envie d’exprimer ses émotions, qui cherche à vibrer en harmonie avec les autres, se
tourne souvent vers la musique pour en faire un de ses moyens d’expression et de
création.
Dans les conditions actuelles d’enseignement, nous avons constaté que si
l’enfant décide d’apprendre à jouer du violon, il est fort possible qu’il vive une
expérience qui, à court ou moyen terme, le mènera vers l’abandon. Il trouvera en
général une structure où étudier, mais dans la majorité des cas, dû à un déséquilibre
entre plaisir et exigences, l’enseignement proposé ne constituera pas une activité
suffisamment motivante pour qu’il ait envie de continuer à jouer. S’il ne désire pas
devenir un violoniste professionnel, il risque fort d’abandonner non seulement ses
études musicales, mais aussi le violon et dans bien des cas, pour toujours.
Bien sûr, il est indispensable qu’il y ait un enseignement de la musique
spécialement dirigé vers la formation de professionnels, et nous savons que ces études
sont rigoureuses et difficiles. Par contre, il me semble fondamental que ceux qui ont
envie d’apprendre à jouer du violon pour leur plaisir et pour leur équilibre personnel
puissent aussi trouver une formation répondant à leurs besoins. S’ils n’ont pas la
motivation ou les aptitudes nécessaires pour suivre le cursus imposé dans les structures
nationales de musique, il paraît nécessaire de revoir l’organisation de l’enseignement
musical. Il serait sage de leur proposer un autre type de formation, afin que ces jeunes
ne subissent pas l’abandon de ce cursus comme un échec provoquant l’abandon de la
musique.
Au fil des analyses, nous avons vu que la motivation naît d’un équilibre entre
plaisir et défis. Pour les débutants, les objectifs de l’enseignement devraient réellement
être le développement des motivations, de la curiosité musicale, du goût pour le jeu à
157
l’oreille, pour l’invention et pour l’interprétation. L’apprentissage devrait être basé sur
le jeu car le talent s’épanoui naturellement dans la joie. Or, dans les premières années
d’études, qui devraient être à la fois un champ d’exploration et la fondation des bases
musicales, l’enseignement musical proposé est en général trop spécialisé. Cet
enseignement est trop axé sur l’acquisition de connaissances théoriques et d’habiletés
techniques, au détriment de la créativité et du jeu, autant individuel que collectif.
En ce qui a trait aux méthodes de violon pour débutants, nous avons vu qu’il est
souhaitable d’y joindre un support sonore, d’organiser les progressions rythmiques et
mélodiques en s’appuyant sur les découvertes pédagogiques récentes, et d’y inclure un
choix de morceaux de musique de styles variés.
Concernant les compétences que l’élève devrait développer dans ces premières
années d’études musicales, nous nous sommes rendus compte d’une part, de la
nécessité d’apprendre à écouter de façon active, afin de développer l’audition intérieure
consciente. La découverte et la maîtrise de la grande richesse de ce monde intérieur est
pour l’élève la clé de l’exécution musicale juste et inspirée.
Nous avons pris conscience aussi que le jeu par imitation est une activité
formidable pour se concentrer sur des acquisitions de notions nouvelles et d’habiletés
techniques, en plus de transmettre certains répertoires. Mais si le développement de
cette compétence permet à l’élève de s’affranchir de la partition en développant un
automatisme entre la pensée musicale et le geste instrumental, il est fondamental de ne
pas tarder à lui enseigner à lire la musique. En effet, il est primordial que divers
automatismes se mettent en place dès le début des études.
Une de ces habiletés à acquérir, peut être la plus importante mais aussi la plus
négligée, est le développement de la créativité par l’improvisation. N’oublions pas que
l’invention est l’activité principale de l’enfant qui joue. C’est par sa créativité qu’il
pourra lui aussi participer à la « re-création » du monde musical. La capacité de
pouvoir inventer sa propre musique est certainement un des plus puissants facteurs de
motivation.
158
Pour l’apprenti violoniste, le choix doit-il résider entre étudier le violon
classique et la lecture musicale sans être capable d’imiter un air entendu, ou
d’apprendre à jouer à l’oreille de la musique traditionnelle sans savoir lire la musique ?
Non, je crois qu’il et essentiel de trouver une troisième voie, où l’enseignement serait
de qualité, équilibré entre oral et écrit, entre invention et interprétation, sans négliger
l’aspect technique, et où l’élève, quel qu’il soit, puisse dans les premières années de
son apprentissage acquérir des compétences diverses. C’est pourquoi il me paraît
fondamental de baser notre pédagogie sur ces quatre axes que sont l’écoute, l’imitation,
l’invention et la lecture. Je crois profondément que dans la vie, c'est une grande joie de
savoir rejouer d'oreille un air entendu, ou simplement de pouvoir improviser une
musique en rapport avec un sentiment vécu intérieurement. C'est aussi une grande
liberté de savoir lire la musique car on accède ainsi à l'imaginaire des plus grands
compositeurs, et par l'interprétation, on peut vibrer avec eux.
Au terme de ce travail, il est logique de croire que si une autre formation était
mise sur pied, mieux adaptée pour ces jeunes qui souhaitent simplement apprendre à
jouer pour leur plaisir, un plus grand nombre d’élèves y trouveraient leur compte et le
pourcentage d’abandon serait moins important. Il ne faut pas sous-estimer l’importance
d’une activité artistique régulière pour l’être humain. Les enfants intéressés par la
musique devraient êtres encouragés à développer et à partager leur passion. Ce n’est
pas tant la recherche démesurée de résultats qui compte mais l’activité elle-même et les
bienfaits qu’elle apporte.
La musique est un précieux auxiliaire à la santé physique et mentale; elle est un
remède contre le stress ou l'ennui; elle permet de trouver sa place dans le monde en
faisant entendre sa voix en harmonie avec les autres êtres humains. Par son pouvoir
d'expression, elle permet de s'exprimer sans avoir à s'expliquer, elle est donc une aide
précieuse dans un monde souvent trop violent, où on est de plus en plus spectateur et
consommateur passif. Dans ce monde merveilleux qu’est la musique, nous avons le
devoir d’inviter et de guider l’enfant. Aidons-le à réaliser ses rêves, à faire éclore ses
multiples talents afin de favoriser l’émergence de personnalités créatrices. N’est ce pas
le partage des talents de chacun qui forme la véritable richesse de l’humanité ?
159
Annexes
160
A. Allocution de Bruno Maresca
Ce texte est une transcription d’une allocution prononcée par Monsieur Bruno
Maresca lors du « Deuxième forum de la Musique » organisé par la Coordination des
Professeurs des Ecoles de musique du Gard,Méjeannes le Clap, Gard, le 6 avril 2003
Je vous remercie de m’avoir invité. Ça va être la première occasion où je vais
faire état de résultats d’une enquête que nous avons mené au niveau national dont les
résultats ne sont pas encore rendus publiques. Les éléments que je vais vous donner
aujourd’hui auront besoin d’être officialisés dans un second temps, dans la mesure où
il s’agit d’une commande du Ministère de la Culture qui a souhaité faire un état des
lieux de l’importance du développement des écoles de musique en France
actuellement.
Nous avions mené il y a dix ans exactement, en 1992, une première enquête,
qui était la toute première en France, sur l’inventaire des structures d’enseignement
spécialisé dans le domaine de la musique et de la danse. Donc on refait ce travail dix
ans plus tard, au courant de l’an 2002, avec l’idée de voir comment avait pu évoluer
l’ensemble des dispositifs des écoles de musique.
Alors je ne rentrerai malheureusement pas pour vous dans le détail régional et à
fortiori départemental. Les éléments que je vais vous donner sont donc une
photographie nationale de la situation de l’enseignement spécialisé de la musique.
Il faut bien se rendre compte que ce travail est d’une assez grande complexité.
Il n’y a aucune facilité préalable, dans la mesure ou malheureusement, il n’existe pas
dans les différentes régions françaises, ou départements, de travail d’inventaire
régulier ou de mise à jour permanente de structures existantes. Donc pour quiconque
veut se lancer dans le travail de faire l’état des lieux, on est obligé de partir de tout un
ensemble de listes d’écoles existantes, soient détenues à la DRAC, soient détenues par
161
les ADDM, ou les ADIAM, ou des Conseils généraux. Toutes listes qui sont
finalement assez hétérogènes.
Ce premier travail d’inventaire consistant à recueillir ces listes a permis
d’identifier 6000 structures. Parmi ces 6000 structures, l’examen de ces structures
nous a amené à resserrer le champ. Et là on rentre dans une question qui est assez
importante sur le fond qui est la question de savoir : Qu’est-ce ce qu’on appelle une
école de musique : une école spécialisée dans le domaine de la musique et de la
danse ?
Là, le Ministère de la Culture a pris comme option de se restreindre à des
structures qui sont essentiellement dévolues à l’enseignement musical, voire de la
danse, qui comportent plusieurs professeurs et qui comportent des structures en terme
de locaux. Ça a amené en particulier à mettre de côté tout le champ de l’enseignement
privé, c'est-à-dire les cours qui sont dispensés par des professeurs à titre strictement
privés. Ça a amené aussi à mettre de côté, chose un peu plus délicate, le champ des
structures socioculturelles, de type MJC [maison des jeunes et de la culture], centre
d’animation et centre socioculturel qui peuvent dispenser, et dont bon nombre
dispensent, un certain nombre de cours d’enseignement musical. Ces structures ont
plutôt été évacuées. Ce qui fait que de ce premier inventaire, on réduit un peu ce
champ des 6000.
Puis la procédure de travail à partir de cette démarche a consisté à envoyer un
questionnaire à toutes ces structures qu’on avait repéré pour tenter de bien caractériser
ce qu’on pouvait effectivement retenir comme véritablement des écoles (au sens un
peu strict du terme). Donc le bilan (je vous passe le détail de cette méthodologie qui
est assez compliqué) qui a abouti à une estimation de la France métropolitaine, les
DOM TOM n’étant pas tenus en compte, d’un nombre de 3600 écoles de musique,
qu’elles soient publiques c'est-à-dire sous statut municipal ou intercommunal, voire
départemental, ou qu’elles soient associatives. Donc ces 3600 écoles seraient
l’estimation (on ne peut pas aboutir à un chiffre ultra précis) des écoles existant
aujourd’hui en France.
162
Par rapport à la situation de 1992, il faut distinguer les écoles publiques des
écoles associatives. Les écoles publiques auraient augmenté d’environ 20%. En
revanche pour les écoles associatives, on a plutôt moins d’écoles aujourd’hui. On en a
2000 et on en avait identifié 3000 il y a dix ans. Mais il y a un vrai problème de
champ, c'est-à-dire de déterminer où s’arrête l’école associative d’enseignement de la
musique. On ne peut pas s’assurer qu’on ait adopté aujourd’hui, exactement les mêmes
définitions qu’en 1992. Donc sur la partie la plus facilement repérable que sont les
écoles publiques, il y a eu une croissance de 20 % du nombre d’écoles.
Autre caractéristique, ces écoles ont eu tendance à grossir en terme d’effectifs
d’élèves. Les écoles sont plus grosses qu’il y a dix ans. La moyenne d’élèves par école
est de 200. La variabilité est très forte. En terme d’enseignants, ça correspond à 14
enseignants en moyenne par école. Ces chiffres montrent une augmentation de ces
valeurs moyennes par rapport au nombre d’enseignants qui a augmenté de 50 %. Ce
qui est un effet de concentration en terme de grosseur d’écoles qui est assez
significatif.
L’estimation du nombre d’élèves qu’accueillent ces 3600 écoles (dont font
partie les 144 structures de type CNR, ENP, et CNSM qui sont évidemment en petit
nombre) est de 850,000 élèves. Il y a dix ans, il était de 760,000 élèves. Il y a donc une
croissance de 15 %. Concernant les professeurs, il y a dix ans, ils étaient 45,000, et
aujourd’hui, ils sont 57,000, une croissance de 30%. C’est un résultat qui est
important. Les écoles ont grossi en taille et se sont étoffés dans l’offre des différentes
disciplines et de corps professoral. En revanche la croissance du nombre d’élèves est
relativement plus modeste. Ce qui veut dire par ailleurs qu’aujourd’hui, ces élèves ont
dans ces écoles, des conditions de scolarisation qui sont plus favorables qu’il y a dix
ans.
Sur l’ensemble des 3600 écoles, 33% est en régie municipale, 10% en structure
intercommunale. C’est le secteur associatif qui est le plus important avec 57%. Il a
163
gardé approximativement le même poids qu’il y a dix ans et encore aujourd’hui c’est
le régime dominant.
En conclusion voici un point qui a une certaine importance en terme
d’évolution : Voici la manière dont les responsables de ces écoles voient le
développement des disciplines et des répertoires. Je ne vais pas rentrer dans le détail
mai je voulais juste dire une chose qui est intéressante. Il y a dix ans, les écoles
anticipaient un développement des musiques anciennes et traditionnelles, également un
développement de la danse comme discipline associée aux écoles de musique. En
réalité aucun de ces trois registres ne s’est réellement développé. Aujourd’hui par
exemple, en ce qui concerne la danse, il n’y a que 20% des écoles qui offrent un
enseignement de la danse alors qu’il y a dix ans, il y en avait 25%.
En revanche aujourd’hui, ce qui est mis en avant comme étant le
développement actuel et à venir des école, ce sont les musiques actuelles. On perçoit si
vous voulez, à dix années d’écart qu’il y a eu une évolution assez forte, sur une
période assez courte, sur les perspectives de développement de ces écoles.
164
B. Programme Royal Conservatory of Music à Toronto
Les deux pages qui suivent sont tirés de « Syllabus, 1999 Edition », le
programme officiel du Royal Conservatory of Music à Toronto, Canada. Les objectifs
à atteindre pour le niveau préparatoire sont clairement établis. Quelque que soit le
niveau, tous les élèves intéressés à passer un examen peuvent le faire même s’ils ne
fréquentent pas l’établissement.
Il est intéressant de noter qu’une des épreuves consiste à répéter d’oreille un
fragment musical entendu.
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166
167
C. Entretien
Cette annexe contient un entretient avec Monsieur Jean-Marc Delaunay,
professeur de violon traditionnel dans le milieu associatif.
Entretien avec Jean-Marc Delaunay
Au mois de janvier 2003, je me suis entretenu avec un professeur de violon
traditionnel qui est aussi un collecteur : Monsieur Jean-Marc Delaunay, qui a obtenu
un diplôme d’état de professeur de musique traditionnelle en 1996.
Jean-Marc Delaunay vous enseignez le violon traditionnel. Comment s’organise votre enseignement ?
Mon enseignement est basé sur l’écoute et le chant et se fait uniquement à
l’oreille, sans support écrit. On se sert d’un magnétophone à cassette, mais
enregistrement sur minidisque serait souhaitable.
Comment utilisez vous ce magnétophone ?
Mes élèves (ou stagiaires) se servent d’une cassette audio sur laquelle il y a un
répertoire. Par exemple, un atelier vers Brive-la-Gaillarde utilise un répertoire d’une
soixantaine de morceaux issus de collectage auprès de musiciens locaux. Ces airs sont
enregistrés par moi-même qui ai choisi les morceaux que je désire enseigner. Je peux
ainsi proposer une progression, un changement de vitesse, une tonalité.
L’élève a aussi une liberté dans le choix des morceaux qu’il désire apprendre.
Ce n’est pas nécessairement le professeur qui choisit. Il peut apporter lui-même du
répertoire qu’il désire travailler. L’élève doit écouter la cassette le plus souvent
possible pour s’imprégner du répertoire, et écouter longtemps à l’avance l’air qu’il
souhaite apprendre à jouer. [La méthode Suzuki est basée sur le même principe
d’acquisition d’un langage musical par imprégnation].
Une fois que l’élève a écouté la cassette, comment apprend-il ?
168
L’apprentissage se divise en deux parties bien définies. La première partie est
basée sur le chant, sans violon ; la deuxième avec violon. Avec le chant, l’élève se
fabrique un modèle intérieur. Il trouve ainsi les accents naturels, la cadence du
morceau, l’intonation et ce qui fait la couleur, la particularité de la mélodie. J’ai
remarqué que plus on passe du temps à chanter un air, plus c’est facile de l’apprendre.
Ceci est dû à la construction d’un modèle intérieur fort, au lieu d’essayer d’imiter, par
analyse et décomposition, un modèle extérieur (celui du professeur). On part ainsi
d’une idée globale de la mélodie au lieu de partir de parties du morceau qu’on essaiera
de recoller par la suite. De l’ensemble à la partie.
La transmission d’un morceau se fait en trois étapes :
4. L’élève écoute l’air tandis que le prof joue. C’est le moment de l’écoute
où l’élève se construit un modèle intérieur fort. C’est souvent à cette
étape que l’apprentissage se révèle défaillant. On veut savoir jouer sans
avoir le recul nécessaire à la restitution d’une mélodie. [Le manque
d’écoute serait-il révélateur d’une société stressée où le temps semble
toujours manquer ?]
5. L’élève chantonne l’air tandis que le prof joue.
6. Le professeur pose le violon et chante avec l’élève. Ce qui peut
s’accompagner d’exercices rythmiques corporels : frappements de mains
et/ou de pieds, de différentes façons : pulsation, temps forts, ou les deux
en les différenciant.
Comment l’élève transpose t-il ce chant sur son violon ?
Je joue à la vitesse normale et l’élève attrape ce qu’il peut. Il attrape ainsi les
points d’appui de la mélodie. Cette façon de faire permet le développement du sens
musical personnel. L’élève attrape parfois le début de la phrase sans savoir la fin.
L’apprentissage ne se fait pas par note, mais par séquences rythmico-mélodiques. On
169
« attrape » plus que l’on « apprend » une partie de la phrase. L’autre partie de la
phrase, on l’attrape au prochain tour, car on joue le morceau plusieurs fois. C’est au
travers de son jeu personnel que l’élève apprend le morceau. Il apprend, acquiert et
ressent le morceau avec ses habiletés, avec ses coups d’archets personnels.
Je conseille à l’élève de s’enregistrer lui-même le plus souvent possible. Il y a
un décalage entre ce qu’on joue vraiment et ce qu’on croit jouer. En s’enregistrant, peu
à peu on apprend à s’écouter réellement. Au début, il y a beaucoup de décalage. On est
trop focalisé sur le geste musical. Après, lorsqu’on est dégagé de l’instrument, on peut
vraiment écouter avec liberté et attention. Il y a alors comparaison entre le modèle
intérieur et la réalité. L’enregistrement permet de réduire ce décalage.
Pourquoi enseigner ainsi ? Que viennent chercher les élèves dans un cours de violon traditionnel ?
Plusieurs élèves sont contents parce qu’ils jouent sans partition. Il y aurait donc
l’attrait d’une liberté de jeu. D’autres élèves n’ont pas envie de faire du solfège.
Souvent par réaction contre l’enseignement du conservatoire, ils rejettent ce type de
contraintes. Plusieurs de ses élèves sont passés par le conservatoire et y auraient vécus
une expérience douloureuse. Ils seraient déçus d’un enseignement trop rigoureux.
D’une absence au niveau relationnel. Travaille ! Travaille ! Travaille ! Mais on
n’explique pas pourquoi…
Souvent le projet de l’élève est flou, mais celui du prof de conservatoire est très
précis. La fonction musicale est gommée. Pourquoi apprendre la musique ? On
gomme, on dévalorise tout ce qui est humain, relationnel, ou alors on tombe dans le
mythologique, la sacralisation du compositeur et de l’œuvre. Les œuvres sont
désincarnées. Il n’a pas assez d’initiatives sur le répertoire enseigné. Le professeur a sa
progression technique. L’élève n’a jamais le choix, et il n’apprend pas à choisir.
Avez-vous l’impression que d’apprendre à jouer à l’oreille développe un autre type
de relations ?
Oui, le simple fait de jouer provoque un contentement intérieur qui n’est pas
analytique. Il faut se donner le temps. Ça devrait obliger à avoir un rapport plus
170
intériorisé et plus physique avec la musique que l’on joue, et permettre aussi au
musicien une plus grande disponibilité de communication avec les autres musiciens et
avec le public.
Merci de votre collaboration.
171
D. Composition Quatre cerises
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174
175
E. 45 façons amusantes de répéter
Traduit de: RITCHIE, Patty. “Forty-five fabulous, fun ways to practice”. In
American String Teacher, Vol. 51, n° 2, mai 2001, p 45.
1- Répète dans la salle de bain.
2 - Répète dehors.
3 - Joue au téléphone pour quelqu'un de spécial.
4- Enregistre ta répétition sur cassette, ou sur un lecteur audio.
5- Au petit déjeuner, donne un concert surprise à ta famille.
6- Joue les lumières éteintes.
7. Apprend par cœur ton morceau préféré.
8- Commence ton morceau par une autre note.
9- Danse quand tu joues.
10- Chante ton doigté de la main gauche.
11- Répète au ralenti, le plus lentement possible.
12- Joue ton morceau deux fois plus vite.
13- Répète devant un miroir.
14- Joue les yeux fermés.
15- Imite le cri ou le bruit d'un animal sur ton instrument.
16- Joue pour ton chat ou ton chien, ou pour ton animal préféré.
17- Une fois par mois, filme-toi avec le caméscope.
18- Change le rythme de ton morceau préféré.
19- Porte un drôle de chapeau quand tu répètes.
20- Invente des paroles sur un de tes morceaux.
21- Joue à " Devine quel est cet air ? ", avec ton petit frère ou ta petite sœur.
22- Organise chez toi, un concert croissant le dimanche matin.
23- Joue une chanson pour tes voisins.
24- Joue le matin, avant d'aller à l'école.
25- Donne un petit concert à tes parents, lors d'un souper éclairé aux bougies.
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26- Marche quand tu répètes.
27- Porte des lunettes fumées quand tu répètes.
28- Donne-toi une récompense après une bonne répétition.
29- Offre une sérénade au "chef" qui prépare un souper à la maison.
30- Compose un morceau de musique.
31- Costume-toi pour jouer un morceau que tu connais.
32- Laisse un message musical sur le répondeur de quelqu'un qui habite loin.
33- Joue debout en tenant un ballon entre tes genoux.
34- Vérifie combien de secondes tu peux tenir ton son le plus long.
35- Répète dans un nouvel endroit.
36- Répète un cycle de 7 jours sans oublier une seule journée.
37- Répète avec un métronome.
38- Joue en pyjama.
39- Répète avec une minuterie.
40- Donne un petit concert lors d'une soirée en famille.
41- Monte et descend les marches d'un escalier quand tu montes et descend les
notes d'une gamme.
42- Vérifie combien de fois tu peux jouer le même air en une minute.
43- Joue un duo au téléphone avec un ami.
44- Invite un ami à la maison pour répéter.
45- Garde un compte-rendu de tes répétitions.
Essaie de te surprendre ! Joue le plus souvent possible. Développe et partage ton talent
dans la joie !
177
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