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L'Arabie déserte durant l'antiquité Lecture Classique Les premières civilisations: Vers - 15 000, au moment le plus fort de la dernière glaciation, le Golfe Persique est vide d'eau et la péninsule est rattachée au plateau iranien. De la même façon il n'y a pas d'eau entre le Yémen et l'Afrique. Les mouvements de population peuvent donc venir du Nord, de la Palestine au détroit d'Ormuz et aussi du Sud par le détroit de Bab el Mandeb, en provenance de la Corne de l'Afrique. A cette époque, l'Arabie semble connaître un climat légèrement plus humide qu'aujourd'hui et des chasseurs aux outils en pierre taillée parcourent des savanes

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L'Arabie déserte durant l'antiquité

Lecture Classique

Les premières civilisations:

Vers - 15 000, au moment le plus fort de la dernière glaciation, le Golfe Persique est vide d'eau et la péninsule est rattachée au plateau iranien. De la même façon il n'y a pas d'eau entre le Yémen et l'Afrique. Les mouvements de population peuvent donc venir du Nord, de la Palestine au détroit d'Ormuz et aussi du Sud par le détroit de Bab el Mandeb, en provenance de la Corne de l'Afrique. A cette époque, l'Arabie semble connaître un climat légèrement plus humide qu'aujourd'hui et des chasseurs aux outils en pierre taillée parcourent des savanes et des pâturages. La chasse aux ânes sauvages fournit l'essentiel de l'alimentation carnée. Mais dès le VIIe millénaire l'élevage de bovidés apparaît auprès des oueds plus fournis qu'aujourd'hui. Le petit bétail, chèvres et mouton apparaît ensuite et profite des herbages du désert en hiver et au printemps. Cette pluviosité plus abondante qu'aujourd'hui dure 2500 ans (entre - 8000 et -  5500). Dans le sud-est de la péninsule, le dromadaire est chassé au Ve millénaire. C'est à cette époque que de nouveaux immigrants

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apportent l'agriculture depuis la Palestine. Dans le Golfe, une variété de palmier dattier est sélectionnée à la fin du IVeme millénaire.

Une des premières civilisations de la région est le Pays de Dilmoun, situé dans l'actuel état de Bahreïn, au milieu du IIIeme millénaire. Cet endroit possède des réserves d'eau douce depuis environ - 100 000, qui peuvent être captées par des puits artésiens. Dilmoun est le nom que les Sumériens ont donné à ce carrefour commercial qui relie la Mésopotamie, la civilisation de l'Indus, le pays de Magan (probablement l'Oman) et l'Elam. C'est pour les Sumériens le domaine de l'Enki, leur dieu fondateur. Qal'at al-Bahrain semble l'ancienne capitale au nord de l'île, elle est bâtie selon un plan géométrique et suit les règles d'urbanisme des cités de l'Indus. Le roi assyrien Sargon II, dans ses annales, cite le roi de Dilmoun, Uperi, vers - 710, qui lui envoie le tribut.   

Naram-Sin, roi d'Akkad

La localisation du pays de Magan ne fait pas l'unanimité mais d'après Naram-Sin, le butin de Magan conquis au  XXIIIe siècle, provient du nord de la Péninsule d'Oman. Il capture le roi de Magan, Mannudannu

L'abondance des mines de cuivre de Magan et la production de diorite le place tout naturellement dans ce courant d'échanges vers le XXIIIe siècle. Dans les textes akkadiens, on peut lire que, vers - 2270,

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Manishtusu, le deuxième fils de Sargon, conquiert 32 cités au pays de Magan, en pille les mines d'argent et en rapporte des blocs de diorite. Vers - 2000, l'agriculture se  développe sur le plaine côtière et dans les vallées abritées.

Le Qatar profite également mais dans une moindre mesure de ces échanges et devient aussi un centre de commerce. Il est impliqué dans le commerce des perles. La prospérité de toute la région décline en même temps que la Mésopotamie et la civilisation de l'Indus vers - 1750.

Le Koweït participe également à ce commerce, en particulier par l'île Failaka qui semble un comptoir du Pays de Dilmoun. Sur le continent, tout près, existe un ancien carrefour caravanier. L'île Failaka est colonisée par les Macédoniens qui la nomment Ikaros et y installent une garnison. Elle devient un centre de pêche (perles et poissons).

Le pays de Magan connaît des formes domestiques du dromadaire depuis environ - 3000, sous l'influence de la culture iranienne, mais il faut attendre la fin du 2eme millénaire pour que la domestication du dromadaire soit bien avancée et permettent l'utilisation de cet animal pour la guerre. Et, en - 853, la bataille de Qarqar, en Haute Syrie, contre l'armée assyrienne, est probablement la première de cette ampleur où des méharistes de la tribu de Qedar (ou Kedar), demeurant près de l'oasis de Duma, participent, commandés par leur roi Gindigu ou Gindibu. Un "roi de Qedar" nommé Hazael et une "reine des arabes" appelée Te elhunu, sont cités par Sennacherib dans ses campagnes contre les nomades. Hazael doit payer le tribut tandis que Te elhunu est déportée.     

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Archer arabe monté avec méhariste (British Museum)

En Arabie, la population est répartie entre les éleveurs, les cultivateurs des oasis et les marchands. Les cités forment des centres commerciaux et doivent se défendre contre les attaques des Bédouins du désert. Ces cités sont principalement des étapes sur les pistes caravanières et l'une des plus célèbres est La Mecque, qui est en même temps un lieu de pèlerinage fréquenté. La principale piste caravanière vient du Yémen et longe la mer Rouge jusqu'en Palestine. D'autres raids sont effectués vers l'Arabia Felix ( Saba, Qataban et Hadramaout) et vers la Mésopotamie. Le dromadaire comme le chameau est rarement utilisé pour combattre à cette époque. En effet, il n'est guère facile de conduire cet animal dans un espace restreint et en outre le soldat juché à telle hauteur devient une cible facile ! Ces montures sont utilisées pour transporter rapidement les militaires, souvent par deux, le méhariste et un archer.

Enfin, une véritable république de marchands, dominée par les négociants de la tribu de Qoraysh, va maîtriser peu à peu le commerce caravanier entre l'Arabie du sud et les rivages méditerranéens, ainsi que la gestion de leur cité (La Mecque).

Au VIIIème siècle, les Assyriens cherchent à contrôler le fructueux commerce caravanier qui traverse l'Aribi (Arabie) et mènent des

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campagnes dans la région de Madian, (actuelle province de Tabuk), ainsi le roi Tiglath-Phalasar (Toukoulti-apil-Esherra) III écrit vers - 732 :

"Pour Shamsi, la reine des Arabes, au mont Saqurri, j'ai battu 9 400 hommes de son peuple. Son camp au complet; 1 000 personnes, 30 000 chameaux, 20 000 bêtes ... 5 000 sacs d’épices... les piédestals de ses dieux, les armes et serviteurs de sa déesse et ses biens, je m'en suis emparé. Et elle, pour sauver sa vie, elle s'est enfuie comme une ânesse, dans le désert, dans un endroit aride. Le reste de ses biens et de ses tentes, ce qui faisait le salut de son peuple, je l'ai brûlé. Et elle, saisie par mes armes puissantes, elle m'a apporté ses chameaux, ses chamelles et leurs petits, jusqu'en Assyrie en ma présence. J'ai nommé un gouverneur et 10 000 hommes auprès d'elle."

Forteresse de Qasr-Marid dans la province d'Al Jawf (antérieure aux Nabatéens) 

source : http://www.saudigazette.com.sa

Shamsi, cette reine guerrière succède à une autre reine, nommée Zabibi, vassale des rois assyriens. Lui succède une autre reine, Yatie. Sa capitale est Adumattu. Les villes sont des centres caravaniers. Ce sont des Arabes scénites (vivant sous la tente), nommés en grec Sarakênoi et en latin Saraceni, d'où vient le mot français Sarrasin. 

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Pendant la guerre entre Assurbanipal et son frère Shamash-shum-ukin, roi de Babylone, des Qédarites, conduits par Abyatha et son frère, soutiennent les Babyloniens révoltés contre la tutelle assyrienne mais ils sont vaincus ils se réfugient dans Babylone. Assurbanipal gracie Abyatha et le nomme roi de Qadar. Vers 640, une nouvelle révolte éclate parmi les tribus qédarites unies dans la confédération de Atarsamain qui lancent un raid contre les territoires syriens sous tutelle assyrienne. Les Assyriens stoppent cette révolte.

Puis les Perses organisent vers - 539, la satrapie Arabaya.

Les Nabatéens:

Après la tribu de Qedar, la maîtrise des caravanes qui traversent l'Arabie, revient aux Nabatéens. Les Nabayati, dont parlent les annales assyriennes, se révoltent contre Assurbanipal et leur roi Natnu, est vaincu au cours d'une campagne qui dure trois mois, entre Palmyre et Damas, au VIIème siècle. Puis ils deviennent sujets de l'Empire Perse. Ce peuple, originaire d'Arabie centre-méridionale, est présent dans le pays d'Edom vers la fin du IVeme siècle. Il n'est pas sûr qu'une conquête ait eu lieu, les Edomites profitant de la victoire des Babyloniens contre le royaume de Juda et l'exil à Babylone d'un grand nombre d'Hébreux pour occuper le sud de ce royaume. Il s'agit probablement d'une infiltration dans la région. Ils deviennent rapidement maîtres du golfe d'Aqaba et de son port Elath. Leur "capitale" est Reqem plus connue sous le nom grec de Petra. C'est un lieu d'échange, de commerce, un entrepôt pour l'encens, la myrrhe, les épices, les aromates (en particulier la cannelle), l'or, l'argent, les bois précieux, bien plus qu'une cité. 

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Les routes commerciales terrestres des Nabatéens. (Wikipedia)

Ce commerce d'or, d'encens et de myrrhe attire des convoitises et en - 312, Antigonos Monophtalmos (Antigone le Borgne) , maître de la Syrie et de la Palestine, tente de conquérir le territoire des Nabatéens, sans doute en prévision d'une invasion de l'Egypte. Il organise deux campagnes dans ce but. La première est confiée à Athenaios qui doit attaquer le roi par surprise et confisquer tous ses troupeaux. Il s'agit de profiter d'une fête annuelle des Nabatéens qui sont réunis en laissant à Pétra, les anciens, les femmes et les enfants ainsi que leurs biens. Athenaios avec 4 000 fantassins et six cents cavaliers réussit à capturer des prisonniers et un butin composé d'encens, de myrrhe et de cinq cents talents d'argent. Les Nabatéens dirigés par Rabilos poursuivent les Grecs et les détruisent. Diodore de Sicile les décrit, à cette époque comme une tribu puissante d'environ 10 000 guerriers, prééminente parmi les tribus nomades d'Arabie.Antigonos envoie son fils Démétrios le Poliorcète, pour venger cet échec. Les Nabatéens sont sur leurs gardes, ont dissimulé leurs troupeaux et sont avertis de l'avance ennemie par les signaux de fumée des sentinelles. L'attaque n'aboutit pas et des négociations s'engagent au terme desquelles, Démétrios bat en retraite tout en

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obtenant des otages et des "dons". Les Nabatéens détiennent un véritable monopole du commerce de l'asphalte de la mer Morte ce qui attire la cupidité de Démétrios. Il tente de s'en emparer, mais il est attaqué par 6 000 guerriers et doit abandonner.

Au IIIeme siècle, les Nabatéens sont cités dans le Hauran (région de Bostra, dans le sud de la Syrie), par deux papyrus de Zenon, sous le règne de Ptolémée II Philadelphe, vers - 259. Ils profitent du déclin des Séleucides au début du IIème siècle, pour s'étendre en Syrie. Ils reçoivent bien Judas et Jonathan Macchabée, une alliance contre le général séleucide Bacchides est même attestée. La cité d'Hégra, actuelle Madâ'i Sâlih, au Nord Ouest de l'Arabie, est contrôlée jusqu'en 76 de notre ère. Le Hijâz est sous influence nabatéenne.

Les Nabatéens sont présents sur les côtes de la mer Rouge, comme éleveurs, à la fin du IIeme siècle. Quand les souverains Lagides ouvrent une route maritime qui menace le monopole terrestre, du commerce des parfums et des épices en ralliant directement le Yémen à l'Egypte, les Nabatéens se livrent avec succès à la piraterie, sur des radeaux comme le confirme Strabon. Mais une flotte égyptienne composée de quadrirèmes intervient plus tard et ravage leur territoire. La commerce transitant par Petra semble diminuer au milieu du 1er siècle.

Aretas (Harithath) II règne vers - 100. C'est le premier roi en conflit avec le royaume Hébreu en pleine expansion. Il ne peut empêcher Alexandre Jeannée de prendre la cité de Gaza dont les habitants ont demandé son aide. Mais son règne est florissant et les premières monnaies nabatéennes sont frappées. Son successeur, Obodas (Ubaidah) 1er est aussi en guerre contre Alexandre Jeannée. Vers - 93, il lui tend une embuscade et le vainc dans le Golan, près du site de Gadara, alors qu'il veut s'étendre vers le Sud. Toutefois, en - 90, Jeannée lui rend les terres conquises. Moab et Galaad sont sous contrôle nabatéen.

C'est alors que les Séleucides réagissent à cette expansion. Antiochos XII mène deux campagnes contre les Nabatéens, la première en - 88 - 87 qui reste sans effet. Au cours de la seconde, Alexandre Jeannée combat aussi les Séleucides. Antiochos est soudain attaqué près de Jaffa, par 10 000 cavaliers nabatéens qui auparavant se repliaient vers le Neguev. Les Syriens fuient vers Kana et ils meurent à peu près tous de faim, c'est la fin pour Antiochos XII Dionysos mais Obodas ne survit pas à cette victoire.

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Son fils Aretas III le Philhellène, est le dernier roi indépendant des Nabatéens. Son royaume va connaître sa plus grande extension. Il s'empare de Damas de façon pacifique, appelé à l'aide par ses citoyens menacés par les Ituréens, commandés par le Tétrarque de Chalcis, il domine cette cité et la Coelé-Syrie jusqu'en - 72, quand Tigrane le Grand, le roi d'Arménie, en fait la conquête. En - 82, depuis Damas, Aretas attaque Alexandre Jeannée, et le bat à Adida, près de Lydda. Ce dernier réplique, attaque à l'est du Jourdain et conquiert 12 villages en pays Moabite et en Idumée ainsi que les ports de Gaza, Raphia et Rhinocolure.

Dans le royaume hébreu, Aristobule et Hyrcan se disputent le pouvoir après la mort d'Alexandre. Hyrcan, battu, se réfugie chez Aretas qui pense à récupérer les territoires perdus et une alliance s'ébauche. Aretas attaque Aristobule avec l'appui des Philistins, le bat et le force à se réfugier dans Jérusalem. Il met le siège devant la cité en - 65 mais Rome intervient. Emilius Scaurus, un légat de Pompée, se précipite d'Arménie en Judée et aussitôt arrivé, il est sollicité par les factions. Aristobule trouve des arguments pour convaincre Scaurus qui exige du roi Aretas III, la levée du siège de Jérusalem. C'est chose faite en - 64 et Aristobule peut écraser les partisans de Hyrcan dans la vallée du Jourdain, au Papyron, pendant qu'Aretas s'est retiré.

En - 55, le proconsul de Syrie, Gabinius "marche contre les Nabatéens et les bat au combat". Cette intervention romaine a pour but de sécuriser la frontière sud de l'empire et maintenir le passage vers l'Egypte, mais il s'agit aussi d'obtenir des tributs. La présence romaine devient incontournable. Ainsi, Pompée oblige les Nabatéens à entrer dans la clientèle de Rome et laisse la province de Syrie entre les mains de Scaurus. Ce dernier se montre menaçant et obtient un tribut de 300 talents d'argent sans combattre. Le roi Malichos entretient de bonnes relations avec Rome et en - 47, il aide Jules César dans sa guerre d'Alexandrie en lui envoyant ses cavaliers au moment où il en a vraiment besoin. Mais il soutient les Parthes en - 40 quand ceux-ci font la conquête de la Palestine, reprise rapidement par Rome et il fait à nouveau le mauvais choix en soutenant Marc Antoine face à Octavien (futur Auguste) dans la guerre civile qui suit. Antoine oblige les Nabatéens à payer un tribut à Cléopâtre à partir de - 31. Ceux ci refusent, Cléopâtre charge Hérode le Grand d'attaquer Malichos. Hérode est vainqueur et pille la Nabatène. Mais quand Cléopâtre voit l'armée d'Octavien en -30, elle tente de faire passer sa flotte en mer Rouge, à travers le désert, les Nabatéens attaquent et incendient  les navires. C'est en - 25, sous le règne d'Obodas III que le préfet d'Egypte Gaius Aelius Gallus, dirige une expédition militaire vers l'Arabia Felix, sur

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l'ordre de l'empereur Auguste. Le but est de reconnaître l'origine de l'encens et des autres marchandises précieuses que les Nabatéens vendent et pouvoir commercer directement avec l'Arabie du Sud. Gallus part avec 10 000 soldats romains et égyptiens et prend pour guide un gouverneur nabatéen, Saleh (Syllaios, Sylleus) que lui fournit le roi. Ce guide persuade Gallus que la route par la terre est impraticable, lui fournit 1 000 hommes et lui recommande d'équiper une flotte dans le port de Cleopatris (au sud de l'actuel canal de Suez). Les Romains construisent des navires peu adaptés à la mer Rouge. Ils recommencent et après quinze jours de navigation difficile, nous dit Tacite, et des navires perdus, atteignent le port nabatéen de Leukè Kômè (Port Blanc), malades du scorbut et d'autres maladies. L'armée passe l'hiver au port.Au printemps, l'expédition reprend la route, marchant vers l'intérieur, passe près de Yathrib et subit la marche dans le désert, rallongée par le guide et enfin aboutit en six mois dans les royaumes sud-arabiques. Une armée veut leur interdire le passage et bien que moins nombreux, les Romains remportent une nette victoire et continuent vers le Sud. Strabon, l'ami de Gallus, écrit que le Préfet ne perdit que sept hommes au combat et que des dizaines de milliers d'ennemis furent tués! Ils prennent la ville d'Asca, celle d'Athrula et assiègent celle de Marsiaba (aujourd'hui Ma'rib), mais manquant d'eau doivent abandonner. Epuisé, Gallus donne l'ordre de rentrer, à deux jours de marche des régions productrices d'aromates, trouve des guides efficaces et revient en deux mois en Egypte, avec une armée fort diminuée.Les pertes sont considérables pour l'armée romaine mais les lieux utiles sont repérés et en peu de temps, le commerce nabatéen est fort concurrencé par voie maritime, depuis l'Egypte. Saleh est mis à mort à Rome, pour trahison, après avoir accusé Aretas IV, le nouveau roi, d'être responsable de la mort d'Obodas en - 8. Ce règne est l'apogée du royaume nabatéen. Ce roi est un grand bâtisseur et Petra en conserve la trace aujourd'hui. Pour ménager son voisin Hérode Antipas, il lui donne Phasaelis, une de ses filles en mariage. Le commerce des aromates et des parfums est détourné de Pétra vers l'Egypte romaine. Hérode Antipas répudie Phasaelis et se remarie avec Hérodiade, la femme de son frère Hérode Philippe 1er. Phasaelis retourne vers son père. Aretas ulcéré, lui fait la guerre et le bat en 36. Tibère refuse d'aider Hérode, le gouverneur de Syrie, Vitellius, est peu enclin à le soutenir. Aretas envahit la Judée et annexe les territoires sur la rive occidentale du Jourdain. En 39, il est destitué par l'empereur Caligula et exilé dans le sud de la Gaule.

Le nouveau roi, Malichos II, pratique une politique en faveur de Rome et en 70, il fournit à Titus un contingent de 5000 cavaliers et un millier d'archers pendant le siège de Jérusalem en 70. Pendant ce

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règne, le contrôle de Damas est perdu. Le dernier roi, Marâ’nâ Rabbêll II, monte sur le trône le 20 Octobre 70. Bostra devient la deuxième capitale. A sa mort, en 106, par ordre de Trajan, Cornelius Palma, le gouverneur de la Syrie, annexe la Nabatène en s'emparant de Petra et de Bostra. C'est la nouvelle province d'Arabie Pétrée qui a pour capitale Bostra. En 114 Petra devient "métropole" de province et en 220, une colonie romaine dont les revenus sont agricoles. En 269, la nord de la province est envahi par les troupes palmyréniennes, des destructions sont subies à Bostra. C'est la période d'expansion de la reine Zénobie (Septimia Bathzabbai Zenobia). L'occupation de Petra comme centre urbain, malgré le séisme de mai 363, persiste jusqu'au régime des Omeyyades (7ème - 8ème siècle).  

La reine ZénobiePalmyre:Un autre peuple caravanier de l'Arabie du Nord a formé un état dans l'Est de la Syrie actuelle, la Palmyrène. Palmyre, à la différence de Petra, est une oasis bien arrosée, riche en palmiers et en oliviers. Au IIIeme millénaire, Tadmor, l'ancien nom de Palmyre, est sous l'influence des Amorrhéens. A la fin du IIème millénaire, ce sont les Araméens qui contrôlent cet oasis. Ensuite les Assyriens, puis les Babyloniens et les Perses dominent cette région. D'abord simple halte pour les caravaniers entre l'Euphrate et l'Oronte, cette cité devient peu à peu un lieu d'échange de marchandises. Palmyre va profiter de l'effondrement de la dynastie Séleucide et de la stabilité due à l'autorité romaine pour devenir un grand centre commercial. Comme les Nabatéens, les Palmyréniens assurent la protection des caravanes avec leurs célèbres archers à cheval. La Palmyrène est dominée par des familles de marchands.Soumise et protégée par Rome depuis Trajan, Palmyre bénéficie de la politique défensive de l'empereur Hadrien qui lui octroie le statut de ville libre intégrée à l'empire. Le Sénat local prend les décisions "Par décret du Sénat Romain" qui lui laisse une véritable autonomie financière. Depuis 106, Palmyre assure le monopole du commerce caravanier entre l'Inde, la Mésopotamie et la Méditerranée et permet de contourner le monopole perse de la soie. En 116, Trajan crée les premières unités palmyréniennes qui vont protéger le limes de l'Empire. En 212, Septime Sévère accorde à Palmyre, le statut de colonie romaine avec exemption fiscale (jus italicum). Mais c'est véritablement, l'anarchie militaire romaine du milieu du IIème siècle qui donne à Palmyre la possibilité de devenir une puissance. La Perse sassanide de Sapor 1er est victorieuse des armées romaines de 244 à

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260 et cette année, l'empereur Valérien est prisonnier de Sapor. Deux ans avant Odénat, le Resh (prince) de Palmyre est fait vir-consularis (gouverneur) par Valérien.

Dans la débâcle romaine en Syrie, avec ses méharistes et les débris des légions romaines qu'il a rallié, Odénat repousse les troupes sassanides et les chasse de Syrie. Puis il franchit l'Euphrate, délivre la cité d'Edesse qui a résisté efficacement et en 262, reprend aux Perses, les cités de Carrhae, de Doura Europos et de Nisibis. Il marche sur Ctésiphon, ravage la région, et dans une deuxième expédition, bat les Perses devant les murs de la cité. Il réussit à chasser les Sassanides d'Arménie et de Mésopotamie. En reconnaissance, l'empereur Gallien le fait dux romanorum (général en chef des armées d'Orient). Il a probablement signé un traité avec Sapor pour permettre aux caravanes venant du golfe Persique de rejoindre Palmyre. Odénat est assassiné avec son fils Herodianos, en 267, à Emèse (Homs) par un membre de sa famille. Sa jeune femme, Zénobie (Septimia Bathzabbai Zénobia), le remplace, exerçant la régence au nom de son fils Wahballat. Elle s'oppose à Rome, repousse les troupes qu'envoie contre elle, l'empereur Gallien puis envoie ses armées en Egypte en 268, conduites par le général (Septimus) Zabdas. soutenue par une faction politique pro-palmyréenne dirigée par Timagenes, l'Egypte est conquise en 270 et vers l'Est, la Syrie et l'Asie Mineure. Cet "empire palmyrénien" est plutôt favorable aux Perses dans leur conflit séculaire avec Rome. En 271, Antioche est prise et Probus repousse Zénobie en Egypte, puis il est battu près de Memphis. En 272, Zénobie et Wahballat se proclament Sebaste et Sebastos (équivalents grecs d'Augusta et Augustus).

En 270, Aurélien est proclamé empereur pour rétablir l'ordre sur le territoire de l'Empire romain. Après avoir purgé l'Italie et la Pannonie des barbares, il part en campagne en Asie, au printemps 272, depuis Byzance. Zabdas le laisse avancer jusqu'à Antioche pour allonger les lignes de communications romaines. Mais à Antioche, l'armée palmyréniennes accepte le combat. Sa grande force réside dans ses cavaliers cuirassés, les clibanarii supérieurs aux cavaliers romains. Aurélien éloigne son infanterie et ordonne à ses cavaliers Maures de simuler la fuite devant la lourde cavalerie palmyrénienne. Puis quand les clibanarii sont épuisés dans leurs lourdes cuirasses, les légionnaires chargent et remportent la victoire. Aurélien entre dans Antioche tandis que l'armée palmyrénienne, battue mais non détruite se replie vers Emese (Homs). Aurélien reconquiert facilement les cités d'Apamée, Larissa, Aréthuse. Un autre combat a lieu près d'Emese. Comme précédemment, la cavalerie cuirassée surclasse la cavalerie romaine mais se disperse dans la poursuite et est massacrée par les

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légionnaires. Zénobie se replie sur Palmyre. Aurélien traverse le désert et met le siège devant Palmyre. Les Sassanides laissent faire Aurélien. Palmyre se rend rapidement. Zénobie à déjà fui vers Sapor mais les Romains l'arrêtent à Doura Europos, avant qu'elle ne franchisse l'Euphrate. Aurélien épargne Palmyre, y laisse une garnison de 600 archers commandée par Sandarion et rentre en Europe avec Zénobie. La population de Palmyre se révolte sous la conduite d'Apsaeus et élimine la garnison romaine. Apsaeus tente d'acheter le commandant militaire de la province d'Orient, Marcellinus et le pousse à se proclamer empereur. Ce dernier gagne du temps, prévient Aurélien qui revient très vite en Asie. Palmyre se donne un nouveau roi, Antiochus, parent d'Odeinat pendant qu'une révolte éclate en Egypte redevenue romaine. Mais Aurélien agit si rapidement qu'il traverse le désert et surprend Palmyre avant qu'elle soit en état de défense, début 273. Les légionnaires massacrent une partie de la population pour venger la garnison et le reste des habitants est réduit en esclavage. La ville est pillée et systématiquement saccagée. Aurélien ne peut calmer ses soldats

"L'une des plus prospères cités de l'Orient vient d’être détruite et j'ai été impuissant à retenir mes légions. Mes soldats, si valeureux sur tant de champs de bataille, viennent de se couvrir de honte." écrit il.

Zénobie participe, chargée de chaînes d'or, au triomphe d'Aurélien qui lui donne une somptueuse villa à Tibur et une pension pour y vivre honorablement. Mais elle ne termine pas sa vie d'une manière aussi tranquille, et participe à un complot contre l'empereur. Aurélien, averti à temps fait mettre à mort tous les conspirateurs y compris Zénobie.

Le royaume Lakhmide :

Le royaume Lakhmide a pour capitale al-Hira (non loin de Babylone) mais le prince An-Numan I campe près de Damas. les Lakhmides sont alliés et vassaux des Sassanides depuis Sapor II (Shapur) au IVeme siècle. Vers 420, le prince Lakhmide Al Mondir, soutient Bahram V Ghûr dans sa conquête du pouvoir sassanide. En 531, Alamundaros (Al Mundhir IV), un chef Lakhmide contribue à la victoire de Kosroe 1er contre le général byzantin Bélisaire. En 578, la guerre contre les Ghassanides alliés à l'empire byzantin, connaît une défaite significative, Hira est prise et incendiée. Plus stable que l'état Ghassanide, le royaume lakhmide se révolte contre le roi sassanide Kosroe II. Vers 602, le "roi" An-Nu'man III est éliminé par le souverain perse qui annexe ses territoires malgré la victoire à la bataille de Dhi Qar remportée par Hany bin Masud contre les troupes

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sassanides. Les Lakhmides redeviennent indépendants sous le règne d'Hormiz IV, à la fin du 6eme siècle. En 633, Al-Hira se rend rapidement aux troupes commandées par le chef musulman Khaled.

Territoires des Ghassanides et des Lakhmides vers 600 (source wikipedia)

 La confédération Ghassanide :

Les Ghassanides proviennent du sud de l'Arabie, habitent la vallée de Ma'rib et font partie de la tribu Azd. Au IIIeme siècle de notre ère, ils se mettent en mouvement et s'installent dans le territoire de la Jordanie actuelle, dans la région Al-Balqa. Vers 420, le chef arabe Aspebetos se convertit au christianisme et s'allie à l'empire Romain. Il devient phylarque des Saracènes. Les Ghassanides s'opposent aux Lakhmides alliés à l'empire sassanide. Les tribus ont le titre de foederati (alliés des Romains) et assurent la défense des frontières du Sinaï à la Mésopotamie. Elles peuvent donc s'installer en territoire romain. Tha'laba ibn ‘Amr, le chef de la confédération, signe une alliance, en 502 avec l'empereur byzantin Anastase. Les Ghassanides doivent protéger la province d'Arabia puis la Palestine sous la conduite du phylarque d'Arabie. Le roi de Kinda qui dirige une autre tribu arabe, devient phylarque de Palestine.

Le chef de la confédération est phylarque (le chef militaire des unités auxiliaires de l'armée byzantine), en même temps qu'une autorité territoriale. Son successeur est Jalaba (ou Galaba), qui lutte et meurt aux côtés du général Bélisaire, face aux Lakhmides vers 528. Son fils Hârith ibn Jabala (Aretas), reçoit le titre de Patrice et le rang de roi des Arabes pour faire contrepoids au chef Lakhmide Alamundaros. En fait il est devenu le chef de tous les Arabes fédérés par les Byzantins. Ce royaume, vassal de l'Empire byzantin, en défend les frontières, aussi bien sur l'Euphrate qu'aux frontières méridionales de l'Arabia. Il

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s'étend vers le sud et atteint à son maximum, Yathrib. En 569, Aretas meurt et son fils Al-Mundhir lui succède. Il remporte des victoires contre les Lakhmides commandés par Kaboz. Quand Al-Mundhir demande à Justinien de l'or pour payer ses troupes, ce dernier refuse et donne l'ordre de le mettre à mort. Al-Mundhir avisé se retire dans le désert avec ses troupes. Les Perses et les Lakhmides en profitent pour piller la Syrie et détruire Eraclée et Hama en 573.

Une réconciliation s'effectue avec l'empereur Tibère II en 580. Mais sa défense de la foi monophysite le font arrêter pour trahison. Son fils Nu'man part à l'assaut de la Syrie et de l'Arabie et le gouverneur de Bostra est tué dans l'assaut. Puis Nu'man est capturé en 581 et la confédération est dissoute. Le sassanide Khosroes II peut envahir la Syrie et la Palestine en 614. Les rapports avec l'Empire se dégradent en raison de leur foi monophysite, violemment réprimée par Byzance. A Yarmouk, en 636, les 12 000 guerriers Ghassanides basculent en pleine bataille, du côté arabe, alors que l'empereur a refusé de les payer. Cette défection bouleverse le rapport de force et c'est une grave défaite pour l'Empire. En conséquence la route est ouverte vers le Tigre et l'Euphrate.

 

Le centre de l'Arabie déserte :

Plus au Sud, à environ 650 kilomètres à l'est de Jeddah, dans la direction des îles Kuria Muria, sur une importante voie caravanière reliant le royaume de Saba au Golfe Persique, la cité d'al Faw est connue dans les royaumes sudarabiques sous le nom de Dhât Kahal. Cette cité, capable de frapper monnaie, est située sur une plaine arrosée de façon discontinue par l'eau provenant des montagnes ce qui lui permet d'être autosuffisante pour les productions agricoles. C'est surtout un lieu d'échange pour de nombreuses marchandises (thé, parfums, pierres précieuses, tissus, or, argent, cuivre, et fer). C'est la capitale du royaume de Kinda, important au Vème siècle et dont l'un des souverains est le poète Imru' al-Qays qui fait graver sur sa tombe en 328, "roi de tous les arabes".

Au IVe siècle, l'Himyar qui domine l'Arabie du sud et a repoussé les Ethiopiens cherche à dominer les routes commerciales qu'empruntent les caravanes, comme les Nabatéens avant eux et poussent vers le Hidjaz. Les tentatives sont vouées à l'échec y compris celle d'Abraha, qui approche de la Mecque au VIe siècle. Cette "victoire" assure aux Quraichites et au sanctuaire de la Mecque un grand prestige. Les

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Axoumites vont revenir au Yémen et les Perses appelés par l'Himyar les remplacent.

A cette époque, l'abondance des échanges commerciaux a peu à peu rapproché les diverses langues parlées dans l'Arabie déserte et la conscience d'appartenir à un même ensemble émerge dans toutes ces tribus

la cité d'al Faw dernière expédition

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Le Yémen antique

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Les Origines

   Au Sud Ouest de la péninsule arabique, bordant la mer Rouge et la mer d'Oman, une région fertile voit naître une civilisation placée sur le chemin de l'Egypte à l'Inde. Dans la région de l'Hadramaout en particulier, des installations relevant d'une culture mégalithique datent du 3ème millénaire. Le relief accidenté, la mousson qui tombe deux fois par an sur les massifs montagneux a facilité l'agriculture sédentaire. A partir du XVème siècle, les Sabéens venant du Nord, forment un état dirigé par des prêtres rois à l'Ouest, sur la mer Rouge, avec pour capitale Sirwah, puis Ma'rib, tandis qu'au Sud Est, sur la mer d' Oman, le royaume minéen (Ma'în), fondé plus tôt par les Crétois, selon Pline, couvre une grande partie du Yémen.

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Écriture sud-arabiqueL'écriture sudarabique est utilisée depuis le XIIème siècle, elle sera utilisée par les différents royaumes sudarabiques. Au Xème siècle, d'après la légende, la reine ou la princesse de Saba, Bilquis pour les Arabes, Makeda pour les Éthiopiens,rend visite au roi hébreu Salomon. Pendant que le royaume de Ma'ïn décline, celui de Saba atteint son apogée au VIIIème siècle et il fonde des colonies sur la route commerciale vers la Palestine et vers la côte africaine. Des inscriptions assyro-babyloniennes contemporaines attestent les relations entre les Sabéens et le Moyen Orient. Vers -750, le roi de Saba fait construire le barrage de Ma'rib si essentiel à l'agriculture du royaume et qui assurera la richesse de cette région jusqu'à l'an 542 de notre ère, date de sa destruction. Au VIIème siècle, c'est le règne de Karib'il Watâr le Grand, qui réussit à unifier tout le Yémen occidental et contrôler les royaumes du Qatabân et du Hadramaout. Ce "mukarrib" (mot qui signifie fédérateur), va procéder par conquêtes militaires comme dans le Jawf ou dans le wâdî Markha, ou par des alliances dans le cas des royaumes de Hadramaout, Qatabân, Haram, et de Kaminahû qui lui permettent d'anéantir le royaume d'Awsân. Cette politique a pour but de contrôler les voies de commerce et en particulier celle des aromates, aussi les Sabéens bâtissent deux villes fortifiées sur le wâdî Raghwân : Kutal et Arârat. Mais le souverain sabéen ne réussit pas à  occuper  le royaume de Nashshân dans le Jawf même si son palais royal est saccagé. 

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ruines de Mar'ibLes Sabéens vont entrer en contact avec les populations de l'Erythrée ou des comptoirs sont installés dès le IXème siècle. Ils fondent la cité d'Axoum dans le Tigré. Cette hégémonie sabéenne s'estompe vers le VIème siècle. C'est le royaume du Qatabân dont la capitale est Tamna, qui le premier recouvre ses prérogatives sur les territoires du Sud Ouest et leurs souverains prennent à leur tour le titre de "mukarrib". Au Nord, les cités du Jawf s'intègrent dans le royaume de Ma'in qui domine le commerce des aromates et fonde des comptoirs en Arabie centrale et septentrionale. On a retrouvé les traces de ces marchands jusqu'en Egypte et à Délos. Ce royaume acquiert une grande prospérité, néglige la puissance militaire et se contente dans ce domaine de construire de redoutables murailles autour des grandes cités. Il a repris sous son autorité des cités précédemment sabéennes comme Yathill et Nashshän. 

Le royaume de Qatabân s'étend vers l'Ouest et s'impose par des campagnes victorieuses contre Saba et Hadramaout dont la capitale est Shabwa. Cette suprématie dure jusqu'au IIème siècle et l'apparition d'une nouvelle puissance l'Himyar. Ce royaume est établi vers - 110 et son économie est basée sur l'agriculture, l'exportation de l'encens et de la myrrhe et avec sa flotte nombreuse, il se livre au commerce de l'ivoire africain vers l'empire romain. Il tente d'empêcher les Grecs naviguant pour le compte des Lagides de naviguer vers les Indes. Le royaume minéen n'est plus aussi prospère en raison de l'arrivée massive de populations nomades venant des déserts arabiques. Il a disparu quand le préfet d'Egypte, Aelius Gallus, traverse la mer Rouge

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avec 10 000 soldats en - 25, descend la côte vers le sud et met le siège devant les murs de Ma'rib. Mais vaincu par le climat, il doit se retirer. Vers l'an 69, une union politique semble réalisée entre Saba et le Himyar. Mais peu de temps après une guerre va opposer ces deux puissances pendant deux siècles. Les Axoumites profitent de cette rivalité pour occuper le littoral de la mer Rouge au IIè siècle. 

L'unification du paysLes royaumes situés dans les wadis qui bénéficiaient du commerce des aromates sont fort affaiblis. Le commerce caravanier vers la Mésopotamie est supplanté par le commerce maritime dominé par les Romains. Seul le Hadramaout d'où proviennent l'encens et la myrrhe et qui dispose du port de Qana, garde sa prospérité. C'est alors que ses rois deviennent à leur tour mukarrib et fondent une colonie dans le Zafâr (actuel sultanat d'Oman). Cette puissance s'appuie sur une cavalerie efficace, elle s'étend vers l'Ouest dans les deux premiers siècles, monte des expéditions dans le Jawf et, au sud, conquiert et anéantit le royaume de Qatabân, puis s'avance vers le Himyar. Ce dernier conquiert le royaume de Saba vers la fin du IIIème siècle malgré l'intervention du royaume d'Axoum et l'Hadramaout vers 300. A partir du IVème siècle, le royaume Himyarite domine tous les royaumes sudarabiques et les Ethiopiens sont repoussés vers 378. Le commerce est prospère avec Rome et le royaume d'Axoum par le port d'Adoulis. Mais l'entretien des installations d'irrigation de l'arrière pays n'est plus assuré. 

Carte des royaumes caravaniers sudarabiques avec l'extension maximale du Qatabân

Au Vème siècle le monothéisme apparaît dans la région et le christianisme se répand tandis que le prince himyarite Dhou Nouwas

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craignant de subir l'influence de l'empire byzantin choisit le judaïsme. Mais le prosélytisme du royaume d'Axoum provoque un conflit violent et Dhou Nouwas ne tarde pas à attaquer Najran au nord, une cité où les chrétiens sont nombreux. Le massacre qui suit la prise de la ville et celui de Zafar provoquent une première invasion du roi d'Axoum Caleb en 523 qui se heurte à une défense efficace. Encouragé par l'empereur Justinien qui lui fournit une flotte aux environs de 525, une deuxième invasion est décidée. Les Africains traversent le détroit avec environ soixante-dix navires et sont arrêtés par une chaîne devant la rade de Sa'îd. Une tempête se lève et disperse une partie de la flotte vers le Nord et les Axoumites débarquent  à al-Makha ou Mukha. Là se déroule un combat où Caleb est victorieux, la ville de Zafâr est prise et le roi himyarite est éliminé. Le Yémen est conquis et le christianisme devient religion officielle. Un himyarite chrétien est placé sur le trône par le Négus, il se nomme Abraha et vers 540, il lance une offensive contre La Mecque qui n'aboutit pas. Une fois la paix conclue avec Byzance, le roi sassanide Khosroes Ier, sollicité par le royaume d'Himyar, attaque les Axoumites et les chasse vers 575. L'usage de l'écriture sud-arabique disparaît au milieu du VIè siècle. La guerre entre la Perse Sassanide et Byzance reprend en 622. et le nouvel empereur Heraclius chasse les Perses de tous les territoires qu'ils ont conquis et en 629 la paix est signée. Mais l'anarchie règne en Perse, une dizaine de souverains se succèdent sur le trône. 

En 628, Baydhan, le satrape perse du Yémen se rallie à l'islam, peut être pour arbitrer les luttes incessantes entre juifs et chrétiens et peu à peu des soldats perses suivent cet exemple. C'est pendant le califat d'Abou Bakr vers 633, que le Yémen est gagné à la nouvelle foi, les tribus bédouines fournissant les soldats de cette conquête nommée bataille de la Ridda (Apostasie). Al-Mohâdjir Ibn abou-Omayya mène un des corps expéditionnaires vers l'Hadramaout, Sowaïd Ibn Mogrin, un autre corps contre Tihama, sur la côte de la mer Rouge et Mân Ibn Hadjiz un troisième corps contre la tribu de Bani-Solaïm. Les Yéménites participent ensuite aux campagnes de la conquête à commencer par celle de la  Syrie, commandée par Khaled Ibn al-Walid en 634.  Le Yémen est rapidement divisé en 3 mikhlaf (province) : Sanaa, Janad et Hadramaout.

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Représentation par Ptolémée de l'Arabia Felix.

 

       L'Ethiopie antique, le royaume des premiers Negus

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Les Origines

Des premiers contacts avec des marchands égyptiens semblent attester une civilisation, près des côtes au nord de l'actuelle Éthiopie, au début du 3ème millénaire. La région est appelée Pays de Pount et la célèbre expédition, envoyée par la reine d'Egypte Hatchepsout, de la XVIIIème dynastie, dans la première moitié du XVème siècle, permet aux Egyptiens de nouer des relations commerciales avec le pays des Habachan (qui donne le nom d'Abyssinie). Ces relations commerciales directes durent jusqu'au règne de Ramsès III, début du XIIème siècle. Les Egyptiens emportent de l'encens et de la myrrhe, de l'or, de l'ivoire, de l'ébène et d'autre bois rares et des peaux.

 

Maison de village représentée sur le temple de Deir-el-Bahari (origine wikipedia)

Du point de vue archéologique, c'est Yeha, la plus ancienne ville qu'on a trouvée à une cinquantaine de kilomètres d'Axoum, ou Aksoum, datant du début du 1er millénaire. Il s'agit probablement de la plus ancienne capitale. Elle se situe dans la région du Tigré.

Vers - 600, les relations sont importantes avec l'actuel Yémen ainsi qu'avec la Vallée du Rift. Dans le sud, une grande variété de mégalithes témoigne d'une ancienne civilisation dans le Harar, le Shoa, le Sidamo, le Soddo, le pays de Tiya et la région de Butagira.

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Au Vème siècle, le royaume de Méroé développe un commerce actif avec le Tigré par voie fluviale et son influence est grande au siècle suivant. La prospérité vient avec le développement du commerce dans la Mer rouge, par l'Égypte Lagide, en particulier sous Ptolémée II. Un port, Ptolémaïs des Chasses est fondé sur la côte érythréenne vers - 265. Un autre port, Adoulis, aura un grand avenir. La volonté de se procurer ces éléphants de combat indiens si redoutables que les Macédoniens ont rencontrés à la bataille de l'Hydaspe, remonte au règne de Ptolémée 1er. Et plus tard, Ptolémée III demande et obtient l'accord du roi d'Axoum pour stimuler le port d'Adoulis. Malgré le déclin des Lagides, le commerce se poursuit par l'intermédiaire des marchands grecs, qui réussissent à contourner leurs concurrents séleucides.

Adoulis est un emporium important qui profite aux territoires alentour. Ainsi Axoum va s'imposer aux peuples voisins. La politique matrimoniale de la famille royale va rassembler davantage ces peuples du nord de l'Éthiopie actuelle. Une autre raison est avancée pour expliquer cette brillante évolution mais elle ne fait pas l'unanimité :

Sur l'autre rive de la Mer rouge, des royaumes profitent de leur situation dans les échanges avec l'Est, et sont plus développés. Il s'agit en particulier des Sabéens et des Minéens qui au Sud de l'Arabie composent ce qu'on appelle "l'Arabie heureuse". Ces peuples ont connu une émigration vers le Nord de l'Éthiopie depuis le début du 1er millénaire et ont "importé" leur culture et leurs institutions. Ces nouveaux venus remplacent le "matriarcat" traditionnel par le patriarcat qu'ils pratiquent. Ils apportent l'irrigation, la métallurgie, l'usage du cheval et celui du chameau. Les Sabéens apportent une langue écrite. La toponymie montre des similitudes dans les noms de villes de part et d'autre de la Mer Rouge.

La nouvelle puissance

Axoum qui domine ses voisins et commerce avec l'Inde, Rome et l'Arabie, intervient au Yémen sur demande du royaume de Saba en guerre contre celui d'Himyar. Au IIème siècle, ce royaume africain est bien établi dans le Sud Ouest de l'Arabie et suzerain de nombreux seigneurs locaux. Un seul royaume résiste c'est celui d'Himyar. Ce royaume a rassemblé Qataban et Hadramaut et après la prise de Jérusalem par les Romains, une immigration juive importante se développe vers lui.

Les Romains commercent dans la Mer Rouge jusqu'au port d'Adoulis. Axoum, à partir de ce port, développe le trafic maritime dans cette

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mer. Les relations restent conflictuelles avec le royaume d'Himyar. En 272, Rome fait alliance avec le roi d'Axoum. Mais le Negusat Nagast (le roi des rois) est occupé sur le continent avec le royaume de Méroé. C'est le roi Ezanas vers 325 qui réduit ce royaume à peu de choses. Restant maîtres des routes chamelières et du port d'Adoulis, les souverains d'Axoum commercent avec l'Arabie, l'Egypte et Byzance, échangeant l'encens, les épices, la corne de rhinocéros et les carapaces de tortue contre des tissus, des amphores, du verre, de l'étain, du cuivre et de l'argent. L'empire est prospère et à son apogée. Devenu chrétien il supporte mal les exactions subies par leurs coreligionnaires au royaume d'Himyar. Sous son règne, Axoum domine Himyar, Raydân, Habashât et Saba. Mais cette domination sur le royaume d'Himyar cesse vers 378.

La défense des chrétiens persécutés au royaume d'Himyar est le motif d'une nouvelle invasion au début du VIème siècle. C'est le roi Caleb qui s'attaque à Dhou Nouwas. Il remet à l'honneur la tutelle axoumite et installe des gouverneurs. L'empereur de Byzance, Justinien lui envoie une ambassade pour à la fois lui proposer une alliance contre les Perses et organiser le commerce de la soie vers l'Inde. Sous le règne de son fils, Gabra Masqal, un gouverneur, Abraha se rend indépendant et lance une attaque appelée "expédition de l'éléphant" contre la Mecque. C'est un échec et les pertes sont nombreuses en raison des maladies. Les Himyarites font appel aux Perses Sassanides au milieu du VIème siècle, leur venue va précipiter le déclin d'Axoum. Vers 575, les garnisons axoumites quittent le Yemen. Mais le déclin commence avec la perte du trafic entre les deux rives de la Mer Rouge. A partir de 615, 3 groupes de musulmans en difficulté avec leur tribu, se réfugient dans le royaume d'Axoum, c'est Othman, le gendre de Mahomet qui emmène la première vague, puis quelques années plus tard, la persécution des Qoreichites provoque la deuxième vague et enfin au moment de l'Hégire, un troisième groupe fait le voyage. ils sont bien accueillis par le souverain  Ella-Tsaham. Au VIIIème siècle, le Yemen et la côte érythréenne sont tenus par les Musulmans qui n'attaquent pas le royaume axoumite en souvenir de l'accueil des compagnons du Prophète au temps où ils étaient proscrits. Axoum entretient des rapports au sud avec le royaume de Zendj qui se situe sur la côte entre le Bénadir (actuelle Somalie) et Kilwa (actuelle Tanzanie). 

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Selon la traduction nous apprenons notamment que « Sab’ fille de Sakir’ (…) a offert à dât-Sanat les prémices de son pâturage et elle a confié à dât-Sanat sa personne, ses facultés et ses enfants (…) et tous leurs enfants, leurs possessions ». Cette offrande faite à la divinité était un moyen d’attirer la protection de celle-ci sur sa famille et ses biens.

Deux statues de lions en bronze acquises par le musée de Sanaa auprès d’un collectionneurLa première pièce était une offrande faite par une femme à une divinité locale au Ier siècle avant notre ère, la seconde a été découverte en 1996 par des archéologues dans un sanctuaire fortifié probablement détruit par un incendie au IIIe siècle après JC

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Antique mareb, au royaume de saba.

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Shabwa - ancienne capitale du Yemen

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Wadi Hadhramout