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c/o M. SEAN Pengsè – 6 Allée des Frênes, 77420 Champs-sur-Marne, France – http://www.cfcambodge.org Tél : +33 (0)1.64.68.70.83 – Email : [email protected] - [email protected] 1 CFC-CBC 17072012 MAM Sonando, Victime de la loi de la jungle Au Cambodge de HUN Sen, manifester ses mécontentements ou exercer ses droits légitimes ou simplement exprimer son opinion, peut porter atteinte à la sécurité ou à la souveraineté de l’Etat. On a vu cela tous les jours à Hanoi (Vietnam) et, dans le passé, en ex-URSS du règne de Staline. Et, c’est ce qui est arrivé aux manifestants d’un petit village de Prama (Kratié), le 16 mai dernier, accusés de « sécessionnistes », pour avoir mis les autorités étatiques devant leurs responsabilités en tentant de récupérer leurs champs de cultures usurpés par une compagnie concessionnaire, Casotim. MAM Sonando, qui se trouvait aux USA depuis mars 2012, est arrêté à son retour à Phnom-Penh, le 12 juillet, et accusé d’être l’instigateur de ladite « sécession » des villageois. Examinons le problème. « L’Etat dans l’Etat » Sar Kheng, Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, a pris personnellement le commandement de la répression du 16 mai 2012 à Prama, après une « réunion d’urgence », la veille, à la ville de Kratié avec Neth Savoeun, chef de la Police nationale, et des chefs militaires de la région. Plus de 200 policiers et soldats armés de fusils d’assaut, appuyés par des hélicoptères militaires de surveillance, ont ordre de briser la manifestation des villageois, de les dépouiller de leurs maisons et biens personnels, de les déshabiller à la vue de tous pour les humilier. Les soldats ouvrent le feu sur les manifestants, faisant deux blessés et un mort, car, expliquent-ils plus tard, c’étaient « des anarchistes très agressifs, armés de couteaux et d’arbalètes, (qui) nous tueraient si nous ne tirions pas sur eux... ». (AFP, 16 mai 2012 ; PPP, 17 mai 2012 et du 21 mai 2012). On recherche ensuite les « meneurs » de la manifestation, parmi lesquels il y avait quelques membres de l’Association des Démocrates créée par MAM Sonando, lequel est aussi directeur de la Radio « Sambok Khmum » (Nid d’abeilles). Le Premier ministre HUN Sen, le 26 juin 2012, plus d’un mois plus tard, accuse carrément ces « meneurs » d’avoir créé « un Etat dans l’Etat », un crime très grave, assimilable à celui de trahison (VOA, 26 juin 2012). Hun Sen doit s’y connaître : son Etat n’existe que sur le papier, l’anarchie règne partout dans son régime. Par exemple, il dit « ne pas comprendre », c’est-à-dire « ne pas savoir », les concessions de terrains de 99 ans, au lieu de 50 ans selon la loi (Journal Reaksmei Kampuchea, 12 avril 2012) ; il sait aussi que ses décisions sur les concessions et les attributions de terrains ne sont pas respectées par ses camarades du PPC qui en sont les bénéficiaires, non plus par ses propres Administrations (RFA, 30 octobre 2011 ; PPP, 01 mars 2012 ; RFA, 22 mai 2012) ; tout récemment, lui-même a engagé plus de 1100 « étudiants volontaires », portant des uniformes militaires, pour procéder dans les provinces aux levés cadastraux de terrains à attribuer aux populations, à la place des techniciens et des fonctionnaires de l’Etat (Journal Kampuchea Thmei, 27 juin 2012)... Qui sont donc les vrais auteurs de ces « Etats dans l’Etat » ? MAM Sonando n’en a certainement pas les moyens. La tentative des villageois de Prama (Kratié) pour occuper leurs terrains n’est qu’une façon

l'arrestation de Sonando

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Page 1: l'arrestation de Sonando

c/o M. SEAN Pengsè – 6 Allée des Frênes, 77420 Champs-sur-Marne, France – http://www.cfcambodge.org

Tél : +33 (0)1.64.68.70.83 – Email : [email protected] - [email protected]

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CFC-CBC 17072012

MAM Sonando, Victime de la loi de la jungle

Au Cambodge de HUN Sen, manifester ses mécontentements ou exercer ses droits légitimes ou simplement exprimer son opinion, peut porter atteinte à la sécurité ou à la souveraineté de l’Etat. On a vu cela tous les jours à Hanoi (Vietnam) et, dans le passé, en ex-URSS du règne de Staline. Et, c’est ce qui est arrivé aux manifestants d’un petit village de Prama (Kratié), le 16 mai dernier, accusés de « sécessionnistes », pour avoir mis les autorités étatiques devant leurs responsabilités en tentant de récupérer leurs champs de cultures usurpés par une compagnie concessionnaire, Casotim. MAM Sonando, qui se trouvait aux USA depuis mars 2012, est arrêté à son retour à Phnom-Penh, le 12 juillet, et accusé d’être l’instigateur de ladite « sécession » des villageois.

Examinons le problème.

« L’Etat dans l’Etat »

Sar Kheng, Vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, a pris personnellement le commandement de la répression du 16 mai 2012 à Prama, après une « réunion d’urgence », la veille, à la ville de Kratié avec Neth Savoeun, chef de la Police nationale, et des chefs militaires de la région. Plus de 200 policiers et soldats armés de fusils d’assaut, appuyés par des hélicoptères militaires de surveillance, ont ordre de briser la manifestation des villageois, de les dépouiller de leurs maisons et biens personnels, de les déshabiller à la vue de tous pour les humilier. Les soldats ouvrent le feu sur les manifestants, faisant deux blessés et un mort, car, expliquent-ils plus tard, c’étaient « des anarchistes très agressifs, armés de couteaux et d’arbalètes, (qui) nous tueraient si nous ne tirions pas sur eux... ». (AFP, 16 mai 2012 ; PPP, 17 mai 2012 et du 21 mai 2012).

On recherche ensuite les « meneurs » de la manifestation, parmi lesquels il y avait quelques membres de l’Association des Démocrates créée par MAM Sonando, lequel est aussi directeur de la Radio « Sambok Khmum » (Nid d’abeilles). Le Premier ministre HUN Sen, le 26 juin 2012, plus d’un mois plus tard, accuse carrément ces « meneurs » d’avoir créé « un Etat dans l’Etat », un crime très grave, assimilable à celui de trahison (VOA, 26 juin 2012). Hun Sen doit s’y connaître : son Etat n’existe que sur le papier, l’anarchie règne partout dans son régime. Par exemple, il dit « ne pas comprendre », c’est-à-dire « ne pas savoir », les concessions de terrains de 99 ans, au lieu de 50 ans selon la loi (Journal Reaksmei Kampuchea, 12 avril 2012) ; il sait aussi que ses décisions sur les concessions et les attributions de terrains ne sont pas respectées par ses camarades du PPC qui en sont les bénéficiaires, non plus par ses propres Administrations (RFA, 30 octobre 2011 ; PPP, 01 mars 2012 ; RFA, 22 mai 2012) ; tout récemment, lui-même a engagé plus de 1100 « étudiants volontaires », portant des uniformes militaires, pour procéder dans les provinces aux levés cadastraux de terrains à attribuer aux populations, à la place des techniciens et des fonctionnaires de l’Etat (Journal Kampuchea Thmei, 27 juin 2012)... Qui sont donc les vrais auteurs de ces « Etats dans l’Etat » ? MAM Sonando n’en a certainement pas les moyens. La tentative des villageois de Prama (Kratié) pour occuper leurs terrains n’est qu’une façon

Page 2: l'arrestation de Sonando

c/o M. SEAN Pengsè – 6 Allée des Frênes, 77420 Champs-sur-Marne, France – http://www.cfcambodge.org

Tél : +33 (0)1.64.68.70.83 – Email : [email protected] - [email protected]

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de poser une dernière question à l’Etat anarchique de Hun Sen sur leurs droits trop longtemps bafoués. Rien de plus.

Une situation « gravissime »

A Kratié aussi, le 18 janvier 2012, le même problème s’est produit à la commune de Pi Thnou : manifestation de villageois contre la compagnie khmère TTY qui, concessionnaire de terres, envoie des tracteurs écraser leurs terrains de cultures ; un garde privé de la compagnie mitraille les manifestants, causant six blessés graves. Le 31 janvier suivant, HUN Sen condamne vivement cet acte sauvage et menace de reprendre les concessions des compagnies qui usent de la violence contre les villageois (RFA, 31 janvier 2012). Et quand les mêmes violences criminelles viennent de ses propres policiers et ses soldats ?

L’intervention exceptionnelle et musclée de Sar Kheng à Prama du 16 mai dernier devait répondre à une situation jugée gravissime touchant sûrement à la sécurité de l’Etat, ou à une plainte de gens non moins exceptionnelles, étant donné que la compagnie Casotim appartient aux Russes et est gérée par des Vietnamiens. Tout ce qui porte atteinte aux intérêts vietnamiens est « gravissime » pour Sar Kheng. Le même cas se produit aussi en Mondulkiri la semaine d’après, le 23 mai 2012 : plusieurs centaines de policiers et de soldats sont envoyés réprimer sauvagement les quelque 200 villageois manifestants de Rey Yum en incendiant et en détruisant leurs maisons construites « sur des terrains de la concession de 40 000 ha accordée aux quatre compagnies vietnamiennes » (RFA, 23 mai 2012 ; PPP, 25 mai 2012). Il devait y avoir là aussi tentative des manifestants de créer un Etat dans l’Etat. Mais, il faut savoir que les provinces khmères Rattanakiri, Mondulkiri, Stung Trèng et Kratié ont été incluses dans une grande région dite du « Triangle de développement indochinois » contrôlée par le Vietnam et que toutes les entreprises vietnamiennes qui s’y trouvent sont gérées par « d’anciens combattants » de l’Armée viêt. Ce n’est donc pas de simples « concessions » de terres à des étrangers, mais une cession pure et simple de la souveraineté du Cambodge.

SAM Rainsy, chef de l’Opposition politique, a été condamné à 20 ans de prison, sur une plainte de Hanoi, pour avoir enlevé deux ou trois pieux provisoires et illégaux de démarcation de la frontière viêtnamo-cambodgienne à Svay Rieng en novembre 2009. CHHUTH Vuthy, un grand défenseur des Ressources naturelles, vient d’être froidement assassiné pour avoir enquêté et dénoncé les coupes de bois illégales par des compagnies viêtnamiennes dans les Cardamomes et, aussi, dans les provinces de Mondulkiri et de Rattanakiri. Aujourd’hui, MAM Sonando, 70 ans, une figure éminente de la défense de la liberté d’expression est arrêté et sûrement condamné pour « incitation à la sécession », une accusation qui ne rime à rien, sauf à la loi de la jungle qui régit le Cambodge de HUN Sen.

Paris, le 17 juillet 2012

Dy Kareth