52
Envoi de Poste-publication • N° de convention : 400 33 006 11,25 $ Hiver 2012 Revue de l’Ordre des urbanistes du Québec L’art de densifier

L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Envo

i de

Post

e-pu

blic

atio

n •

de c

onve

ntio

n : 4

00 3

3 00

6

11,25 $

Hiver 2012

Revue de l’Ordre des urbanistes du Québec

L’art de densifier

Page 2: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

ARCHITECTURE DE PAYSAGE

DESIGN URBAIN

PLANIFICATION STRATÉGIQUE

DÉVELOPPEMENT DURABLE

ENVIRONNEMENT

RÉCRÉOTOURISME

PLANIFICATION DES TRANSPORTS

GATINEAUSAGUENAYQUÉBECMONTRÉAL OTTAWA

[email protected]

PLANIA.COM

MARIE-JOSÉE

DOLLY

ANDRÉ

VÉRONIQUE

MARIE-CLAUDE

AMÉLIE

ALAIN

STÉPHANE

MICHELINE

ANDRÉ

EMMANUELLE

KATHERINE

SIMON

ARTUR

LAURENCE

LAURENT

CHRISTIAN

CHANTAL

MARTIN

RICHARD

BENOIT

RENÉ

SERGE FILION

MARIE-ÈVE

DANIEL

ELENA

PIERRE

ISABELLE

RENÉE

JULIE

LUCIE

PAUL

AURÉLIE

GENEVIÈVE

NATHALIE

ANDRÉ

ALEXANDRE

GÉRALD

MÉLANIE

SÉBASTIEN

SERGE

CÉDRIC

MARINA

YVELINE

VIANNEY

JACQUES

LOUISE

GILLES

BRIGITTE

ANDRÉ

MARC-ANTOINE VALLÉE

MARIE-HÉLÈNE

JEAN-FRANÇOIS

LISE

ALLIE

ANAYA

ARATA

MAUDE BARABÉ

BEAUDOIN

BÉGIN

BERGERON

BILODEAU

BILODEAU

VIRGINIE BOULAY

BOULET

BRODEUR

BRODEUR

BRUNET

CANTIN

JONATHAN CASAUBON

KARINA CHAOU

CHOJNACKI

CLAIR

COMTOIS

CÔTÉ

DÉRY

DION

DION

DUCHARME

DUMONT

GARON

GAUTHIER

GELFUSA

GOYER

LACASSE

LAFLAMME

LAKIS

LARAMÉE

LECAVALIER

LÉPINOUX

CATHERINE MARCHAND

MARQUIS

MARTIN

MOREAU

PARENT

PAU

PELCHAT

PINARD

DAVID POIRÉ

POITRAS

PROULX

RIVERA

ROC

ROSS

ROUSSEAU

ST-DENIS

STE-CROIX

SYLVAIN

TURCOT

VALLÉE

VIENS

WOODS

0

Page 3: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

L’art de densifier

10 L’art de densifier

Au-delà des mesures de densité11 Reconnaître le mode d’habiter

13 Les figures de la densification urbaineQuelques exemples

Le défi des moyens15 Densifier, est-ce si sorcier?

17 La Pointe-D’Estimauville et le Triangle Namur-Jean-TalonDeux exercices de densification

Le vieillissement de la population23 Une réponse toute naturelle à l’étalement urbain

25 Vivre en ville

28 La densité acceptable, une question de design

URBANITÉ HIVER2012

3

La revue UrbanitéTirage : 2 500 exemplaires

DistributionMembres de l’OUQ – 1011 • Abonnés et autres – 1489

MissionPROMOUVOIR l’urbanisme et les urbanistes;

INFORMER les lecteurs sur les divers sujets relatifsà l’aménagement du territoire et à l’urbanisme;

FORMER sur une base continue, les professionnelsde l’aménagement du territoire.

Comité éditorialPascal Lacasse, coprésident – Serge Vaugeois, coprésident

François Goulet – Paul Arsenault – Jacques Trudel

CollaborateursMarie-Soleil Brosseau – Sarah-Maude GuindonCharlotte Horny – Laurent Lussier – Joël Thibert

Pénélope Darcy – Ariane Mercier – Catherine Vandermeulen

Conception graphiqueLucie Laverdure – L’Infographe enr.

Réviseur et correcteurJean-Paul Gagnon

PublicitéCommunications Publi-Services Inc.

Dominic Roberge, conseiller [email protected] | 450 227-8414, poste 312

www.cpsmedia.com

ImprimerieImprimerie F.L. Chicoine

Abonnements, information et suggestionswww.ouq.qc.ca | 514 849-1177, poste 27

[email protected]

AuteursVous êtes invités à soumettre vos articles

ou textes au comité éditorial. Le comité éditorialse réserve le droit de publier ou de refuser un article.

Information : www.ouq.qc.ca

Dépôt légalBibliothèque nationale du Québec • Bibliothèque nationale du Canada

Tous les textes publiés dans Urbanité ne reflètent pas forcémentla position ou l’opinion de l’Ordre et n’engagent que l’auteur.

Le genre utilisé dans cette publi ca tion englobe le féminin etle mas cu lin dans le seul but d’en alléger la présentation.

Ordre des urbanistes du Québec

Administrateurs : Robert Chicoine, présidentRobert Cooke, vice-présidentDonald Bonsant, trésorier

Louise Audet, administratriceMathieu Bélanger, administrateur

Marie-Josée Casaubon, administratriceRaphaël Fischler, administrateur

Florent Gagné, administrateur nomméRichard Martel, administrateur nommé

Permanence : Claude Beaulac, directeur général

Odette Michaud, adjointe à la direction etsecrétaire de l'Ordre

Nathalie Corso, coordonnatrice, admission et qualitéGeneviève Masson, chargée des communications

Adresse : 85, rue Saint-Paul Ouest

4e étage, suite 410, Montréal, QC, H2Y 3V4(514) 849-1177 • www.ouq.qc.ca

4 Mot du président

5 Actualités

7 Coup d’œil international

31 En pratique

36 Chronique juridique

38 Observatoire municipal

42 Philosophie

44 Regard sur le passé

47 Nouvelles de l’Ordre

50 Calendrier

SOMMAIREDétail d’une œuvre de Justin Karas, « Nouvelle vague, Floride »

Page 4: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Projet de Loi sur l’aménagement durabledu territoire et l’urbanisme

En finir avec la courtepointedes plans métropolitains etdes schémas régionaux !

URBANITÉ HIVER2012M

OT

DU

PRÉ

SID

ENT

4

Des villages aux villes, des villes fusionnéesaux MRC, des Communautés urbaines auxCommunautés métropolitaines, les terri -toires de planification s’étendent toujoursplus pour tenter de prendre en compte cesenjeux toujours plus complexes et couvrantde plus larges territoires.

Néanmoins, l’évolution des limites admi -nistratives est lente et toujours en retardpar rapport aux modifications constantesd’échelle des enjeux de développement etd’aménagement du territoire.

Le Plan métropolitain d’aménagement etde développement de Montréal (PMAD)reflète bien cette problématique. LaCommunauté métropolitaine de Montréal(CMM) est convaincue que ses orien ta -tions de développement sont menacées parl’éparpillement urbain et le développementsaute-mouton qu’elle ne peut contrôlerhors de ses limites. Elle interpelle donc legouvernement québécois afin qu’il assure lacohérence des orientations des MRCsituées sur le pourtour de son territoireavec les orientations dont elle s’est dotée.

Parce que la CMM ne peut pas dicter lesorientations que doivent prendre les MRC

situées à sa périphérie afin qu’elles seconforment à ses propres orientations, elledemande au gouvernement d’assumer sesresponsabilités afin que l’aménagement duterritoire de la grande région métro po li -taine ne soit plus une simple courtepointede schémas régionaux attachés entre euxpar des orientations sectorielles sanscohérence.

C’est ce que l’OUQ a soutenu dans sonmémoire en Commission parlementairesur l’avant-projet de loi sur l’aménagementdurable du territoire et l’urbanisme. Laresponsabilité d’harmoniser les orien ta -tions entre les territoires de planification etd’en assurer la cohérence avec les politiquesgouvernementales revient au gouver ne -ment et cette responsabilité doit s’exercerdans le cadre d’une véritable politiquenationale de l’aménagement durable duterritoire et de l’urbanisme qui puisseguider les diverses instances, dont laCMM, en vue d’assurer la cohérence deleurs interventions. ■

Le président,Robert Chicoine, urbaniste

« Les territoiresde planification

demeurent toujoursinadéquatspar rapportaux enjeuxterritoriaux

auxquels ils tententde répondre. »

Les villes et les territoires connaissent de constantes mutations.L’urbanité n’est plus seulement une affaire de ville. Les frontièresentre le rural et l’urbain deviennent floues, tout comme celles entre labanlieue et la ville centrale. L’embourgeoisement s’étend maintenantbien au-delà des grands centres urbains. L’interdépendance desrégions est d’actualité. Les gens n’habitent plus seulement un villageou une ville, mais aussi une région, le Québec et même le monde.

Page 5: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER

5

ACT

UA

LITÉ

S

Cette approche a pour but d’accélérer lechangement vers des sociétés durables enmaintenant le cycle de vie en équilibre.Les quatre principes de base de la démarcheThe Natural Step sont de limiter l’utilisationdes ressources, minimiser les substancesartificielles, minimiser l’impact sur lesécosystèmes et permettre à toutes lesgénérations de se développer.

Il s’agit d’une démarche scientifique à trèslong terme. Le but est d’imaginer Rivière-du-Loup dans 40 ans, d’identifier des objec -tifs à atteindre et de déterminer des actions àcourt, moyen et long termes pour y arriver.Tout au long du processus, la Ville estaccompagnée par un conseiller en dévelop -pement durable de Natural Step Canada.

Le plan de développement durable adoptéen 2007 par le conseil municipal de Rivière-du-Loup est intervenu dans le choix d’uneméthodologie préconisant une approchedurable. En 2008, la Ville a également faitappel à des étudiants de l’Université deSherbrooke à la maîtrise en environnementafin de l’aider à faire le meilleur choixpossible entre différentes méthodologiescomparables, choix qui s’est finalementporté sur l’approche The Natural Step.

C’est une démarche qui fait une grandeplace à la population, aux leaders, aux élus etaux spécialistes. Le travail actif de réflexionmené depuis un an par trois comitéscomposés de gestionnaires et d’em ployés dela Ville, de leaders du milieu et d’élus, apermis d’identifier les cinq grands objectifs

de la démarche : communauté engagée,envi ronnement sain, économie localevigoureuse, milieu de vie exem plaire etqualité de vie exceptionnelle. La secondeétape de la démar che se déroule présen te -ment sous la forme de consultationspopulai res dont les thèmes sont ceux desgrands objectifs. Les consultations seconcluront en décembre sur la formation decomités d’actions ciblées, pour chacun descinq grands objectifs stratégiques, dont lemandat sera d’analyser la situation actuelle,de consulter le milieu, de suggérer desactions, d’évaluer les résultats et de diffuserl’information. ■

Monique Bouchard est directrice du Service descommunications à la Ville de Rivière-du-Loup

C’est sous le thème « S’engager pour un futur stimulant » que la Ville de Rivière-du-Loupprésentait, le 7 septembre dernier, les lignes directrices d’une démarche de planificationstratégique dans laquelle elle s’engage. Rivière-du-Loup deviendra la première ville au Québecà mener un exercice de planification stratégique selon la méthode The Natural Step, uneapproche suédoise déjà utilisée par des centaines de villes et d’entreprises dans le monde.

La Ville de Rivière-du-Loup sort des sentiers battusMonique Bouchard

Afin de bien souligner cet événement, la Chaire de recherche duCanada en patrimoine urbain – École des sciences de la gestion et leForum URBA 2015 de l’UQAM ont pris l’initiative d’organiserLes Grandes Conférences Jean-Claude Marsan, six conférencesprestigieuses s’adressant au grand public, aux professionnels et auxchercheurs de tous horizons sur une vaste thématique, Aménagerl’imaginaire urbain, à partir d’expériences et de démarches reliées àplusieurs pôles renommés de l’innovation urbaine des annéesrécentes.

Les premières conférences ont déjà eu lieu. Le 12 septembre 2011 à17 h 30, Thierry Paquot, professeur à l’Institut d’urbanisme de Pariset éditeur de la revue Urbanisme, inaugurait la série qui se tientgénéralement à l’auditorium de la Grande Bibliothèque. Il a été suivi,le 5 octobre, par Jaime Lerner, ancien maire de Curitiba etgouverneur de l’État du Parana au Brésil, et, le 21 novembre, par KenGreenberg, architecte et designer urbain torontois bien connu. Onpeut consulter notre calendrier d’événements en page 50 pour ledétail des prochaines conférences, qui déboucheront sur la cérémoniede remise du doctorat honorifique en avril 2012.

Comme le décrit le communiqué émis par la Chaire : « Jean-ClaudeMarsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable -ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbaindans la métropole québécoise. […] Sa carrière quasi quarantenaire ajalonné l’évolution de l’urbanisme de Montréal, du Québec et duCanada et fait de sa cité natale un haut lieu de l’histoire de la con ser -va tion des paysages culturels en Occident. Tribun réputé, leaderd’opinion et scientifique aguerri, reconnu pour son esprit critiqueaffûté, Jean-Claude Marsan a conjugué le savoir universitaire,l’enseignement, l’action politique et un inaltérable engagementcitoyen dans la recherche de solutions aux problèmes contemporainsde l’urbanisme et de l’aménagement. »

La série de conférences Aménager l’imaginaire urbain, organisée selonla formule éprouvée du toujours dynamique Forum URBA 2015,s’avère en effet un excellent moyen de « souligner l’insigne contri bu -tion du professeur, du scientifique et du Montréalais à la réflexion età la fondation d’un meilleur avenir urbain pour Montréal et pour lesvilles qui structurent dorénavant l’imaginaire de notre monde. » ■ JT

Un éminent collègue honoré par l’UQAMLe printemps prochain, l’urbaniste émérite Jean-Claude Marsan se verra décerner undoctorat honorifique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Page 6: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Nouveau guide surL’aménagementet l’écomobilité

URBANITÉ HIVER2012A

CTU

ALI

TÉS

Le Sommet Écocitéde MontréalLe Sommet Écocité 2011 s’est tenu du22 au 26 août, au Palais des congrèsde Montréal. L’évènement a regroupé plus de 1 000 participants représentantau-delà de 70 pays. Écocité 2011 était la 9e d’une série deconférences internationales organisées depuis 1990, dans huitpays différents, de Berkeley à Montréal, en passant parAdelaïde (1992), Dakar (1996), Curitiba (2000), Shenzhen(2002), Bangalore (2006), San Francisco (2008) et Istanbul(2009). L’ensemble de ces conférences a été coorganisé parEcocity Builders, un organisme à but non lucratif d’Oakland,en Californie. L’organisme hôte du Sommet de 2011 était leCentre d’écologie urbaine de Montréal.

Ce Sommet a donné lieu à près de 400 exposés, ateliers deformation, ateliers mobiles ou charrettes portant sur les sixgrands thèmes transversaux suivants :

– changements climatiques et écocité;– écomobilité, aménagement urbain et espace public;– gouvernance et démocratie dans une écocité;– économie d’une écocité;– santé et environnement bâti;– biodiversité et agriculture urbaine.

Deux urbanistes du ministère des Affaires municipales,des Régions et de l'Occupation du territoire ont réalisédes comptes rendus de quelque 27 conférences portant surl’un et l’autre de ces thèmes. Ces comptes rendus cont ien -nent un ensemble d’hyperliens, d’encadrés ou de com men -taires qui fournissent des renseignements complémentaires.À lire dans le site de l’Observatoire municipal :www.mamrot.gouv.qc.ca/observatoire-municipal/veille/ ■ PA

Le ministère des Affaires municipales, desRégions et de l’Occupation du territoireajoutait récemment un nouveau titre à sacollection de guides de bonnes pratiques surla planification territoriale et ledéveloppement durable.Le nouveau guide, intitulé L’aménagement et l’écomobilité, présentedes stratégies qui peuvent être mises de l’avant pour aménager desenvironnements bâtis favorables à l’écomobilité. Il examineégalement la contribution des outils d’urbanisme dont disposent lesmunicipalités pour favoriser l’écomobilité.

La hausse des émissions de gaz à effet de serre induites par le trans -port, la consommation incessante de ressources non renouvelables

comme le pétrole et le territoire,l’accroissement des problèmes desanté publi que ou la difficultécroissante d’accé der à certainspôles d’emplois et de servicesavec un moyen de transportautre que la voiture, sont desphénomènes qui invi tent noscollectivités à modifier l’amé -nagement de leur terri toire etleur con cep tion des transports.

Face à des modèles d’urba ni sa -tion fondés sur des trans portsindividuels motorisés diffici -lement soutenables, le minis -tère des Affaires municipales,

des Régions et de l’Occupation du territoire expose, dans cenouveau guide, diverses stratégies d’un aménagement encourageantl’écomobilité.

Le guide est disponible sur le site Web du Ministère, dans lasection Développement durable : www.mamrot.gouv.qc.ca/grands-dossiers/developpement-durable/ ■

Isabelle Boucher,urbaniste

Page 7: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

7

COU

P D

’OEI

L IN

TERN

ATIO

NA

L

En effet, la nature formelle ou informelledu mode de gouvernance en place dansune région donnée dicte en grande partiece qui peut être planifié formellement et cequi ne peut pas l’être. À titre d’exemple, lesPlans métropolitains d’aménagement et dedéve loppement (PMAD) de Montréal etde Québec dictent les « seuils minimauxde densité » et fixent le périmètre d’urba ni -sa tion que doivent respecter les muni ci -palités concernées; en contrepartie, lamajorité des plans régionaux métro po -litains aux États-Unis ne contiennentaucune mesure coercitive, puisque laplupart des régions métropolitaines amé -ricaines ne sont pas formellement« gouvernées ».

Le cas de la région de la Baie de SanFrancisco est particulièrement intéressant àcet égard, puisque la région est nonseulement dépourvue de structure formellede gouvernance, mais n’a pas non plus deville centrale (San Jose étant la ville la pluspopuleuse avec ses 959 000 habitants).Selon Michael Cunningham, vice-président, affaires publiques de la chambrede com merce de la région, le Bay AreaCouncil, « la principale caractéristique dela région de la Baie de San Francisco est lefait qu’elle n’est centrée sur rien, puisquequ’elle s’est développée autour d’uneétendue d’eau ». Michael Cunningham faitaussi remarquer que la région n’a pas deleader naturel, puisqu’aucun maire n’a lalégitimité ou la popularité requise pourparler au nom de la région dans sonensemble. La région de la Baie n’a donc nicentre géographique, ni centre démo gra -phique, ni centre politique.

Malgré cet état de fait, la région de la Baieest définie comme telle, non seulement par

l’association des municipalités de larégion, la Association of Bay AreaGovernments (ABAG), mais aussi par denombreuses organisations à but nonlucratif et groupes d’intérêts – tels que leBay Area Council, Greenbelt Alliance,TransForm, Urban Habitat et le SiliconValley Leadership Group. Pour Bob Allen,directeur des politiques en transport et enhabitation pour le groupe d’intérêt UrbanHabitat, c’est précisément l’absence degouvernement régional et plus géné ra -lement de mesures coercitives en ce qui atrait à l’aménagement du territoire qui afavorisé l’émergence d’une consciencerégionale. « Ceux qui n’ont pas accès autransport en commun ou à un logementabordable ne sont représentés par personnedans la région de la Baie, c’est donc à nous,groupes d’intérêt, de les défendre »,explique-t-il.

Certains sont d’avis que le succès écono -mi que de la région de la Baie, qui compteen son sein les sièges sociaux de Google,Apple, Yahoo, Oracle et de nombreusesautres gran des compagnies du secteur deshautes tech nologies, vient en partie del’absence relative de planification terri -toriale – qui aurait permis aux « startups »de s’établir non pas dans les zonesurbaines, mais à pro ximité du campus del’Université Stanford – soit en plein milieude la banlieue. Quoiqu’il en soit, ce sontaujourd’hui les représentants de ces mêmescompagnies qui réclament une planifi -cation régionale plus cohérente. « Lesuccès de la région de la Baie dépend engrande partie de son attractivité et de lacapacité des compagnies comme Google àattirer le talent ici. Cependant, si nousn’avons nulle part où loger convena ble -ment ces jeunes gens à moins d’une heure

de leur lieu de travail et s’ils doivent enplus passer trois heures chaque jour prisdans le trafic, il va être de plus en plusdifficile de les faire venir et surtout de lesretenir » commente Brian Brennan,directeur des services aux membres duSilicon Valley Leadership Group, unorganisme représentant les intérêts de lacommunauté d’affaires.

Selon Miriam Chion, urbaniste seniorà ABAG, l’absence de gouvernance« formelle » dans la région reste un obstaclemajeur qui ne peut pas être surmonté entransférant tout simplement la respon -sabilité de planifier aux organisations à butnon lucratif et aux groupes d’intérêt.« Nous avons la chance d’avoir une sociétécivile extrê me ment active et dynamiquedans la région de la Baie, mais la sociétécivile ne peut pas jouer le rôle de leader etd’arbitre que doit jouer le gouvernement »précise-t-elle.

Est-il possible qu’une région métropo li -taine soit « gouvernée » en l’absence destructures formelles de gouvernance? Laréponse à cette question dépend bien sûrde notre concep tion du « rôle légitime » del’État. Ceci étant, si l’on considère l’amé -nagement du territoire à l’échelle régionalecomme étant d’intérêt public, force est deconstater que la société civile à elle seulen’est pas en mesure de défendre cet intérêt.C’est du moins ce qui ressort del’expérience récente de la région de la Baiede San Francisco. ■

Joël Thibert, urbaniste, effectue présentement undoctorat en politiques urbaines à l’école WoodrowWilson de l’Université Princeton. Il agit commecorrespondant d’Urbanité aux États-Unis pour ladurée de son séjour dans ce pays.

Gouverner sans gouvernement

Le cas de la région de la Baie de San Francisco

Joël Thibert

Est-il possible de gouverner la ville et sa région efficacement sans gouvernement? Cettequestion peut sembler à prime abord théorique ou académique, mais la réponse qu’on yapporte, quelle qu’elle soit, est susceptible d’avoir un impact direct sur l’aménagementdu territoire à l’échelle métropolitaine.

CAN

BALC

IOG

LU /

SH

UTT

ERST

OCK.C

OM

Joël Thibert, urbaniste

Page 8: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Soucieuse d’off rir une approche humaine et respectueuse à ses 50 résidents en perte d’autonomie, l’équipe du CHSLD CAP, situé à Shawville dans la MRC de Pontiac, off re des petits soins au quotidien. Elle n’hésite toutefois pas à se lancer dans de plus vastes projets pour atteindre ses objectifs. Tous les gestes s’additionnent et font la diff érence dans la vie des résidents et de leur famille.

LE PROJET

Construire une résidence qui allie effi cacité et confort pour le bien-être des patients aujourd’hui et celui de la planète demain.

LA SOLUTION

Réduire la facture d’énergie en diversifi ant les sources d’énergie utilisées pour tout l’équipement de chauff age et de climatisation tout en améliorant la qualité de l’air ambiant.

LES RÉSULTATS

De l’installation d’un système géothermique complet à celle de chauff e-eau solaires, rien n’a été laissé au hasard pour rehausser le confort des résidents et réduire au maximum l’impact sur l’environnement.

CONTRIBUTION DU PROGRAMME BÂTIMENTS

Un accompagnement sur mesure, une simplifi cation du processus et un appui fi nancier estimé à 239 351$ découlant des eff ets multiplicateurs du projet.

En participant au programme Bâtiments,le CHSLD CAP contribue au développement durable en eff ectuant des investissements socialement responsables. De plus, il est en voie de réduire ses coûts d’exploitation et sa consommation d’électricité et d’améliorer la qualité de vie de ses résidents.

PUBLIREPORTAGE

Économies annuelles : 771 594 kWh

Mesures : Géothermie, roue thermique pour récupérer la chaleur

de l’air évacué, chauff e-eau solaires pour le préchauff age

de l’eau chaude domestique

Appui fi nancier estimé : 239 351$

LE CHSLD CAP À SHAWVILLE : AUX PETITS SOINS POUR SES RÉSIDENTS GRÂCE À L’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE

MULTIPLIER LES ÉCONOMIES EN TOUTE SIMPLICITÉ

UN PROGRAMME D’HYDROQUÉBEC GÉRÉ PAR ÉNERCIBLE

Pour nous joindre, composez sans frais le 1 855 817-1433ou visitez le www.programmebatiments.com.

De gauche à droite : Richard Grimard et Ann Rondeau, du CSSS de Pontiac, Mathieu Courchesne, de Dessau et Francis Villeneuve, d’ÉnerCible

Page 9: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

DOSSIER

L’art de densifier

VIL

LE D

E Q

UÉB

EC

Le Plan particulier d’urbanisme (PPU) présenté par la Ville de Québec pour le plateaucentre de Sainte-Foy mise sur la densification urbaine et l’embellissement du paysage.

Page 10: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

10

DO

SSIE

R

L’art de densifier

Depuis longtemps au cœur de la pratique de l’urbanisme, la notionde densité urbaine est reconnue par un public de plus en plus largecomme une composante incontournable et particulièrementperformante du développement durable. Voilà maintenant que ceconcept occupe une place de choix dans l’actualité québécoise avec ledévoilement coup sur coup, au printemps 2011, des plansmétropolitains d’aménagement et de développement (PMAD) descommunautés métropolitaines de Québec et de Montréal.

Ces deux documents proposent des cibles précises à atteindre enmatière de densité1, et ces cibles ont été parmi les enjeux les plusdébattus lors des consultations publiques. La densité y est vue commeun moyen majeur de consolidation du développement. Dans le casde la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ), on viseparticulièrement les pôles métropolitains, les noyaux périurbains etles axes structurants, en prévoyant y concentrer 60 % de la croissanceet en y ajustant les cibles selon les milieux, celles-ci pouvant atteindrede 35 à 75 logements à l’hectare net dans les pôles métropolitains. LaCommunauté métropolitaine de Montréal (CMM) propose pour sapart d’orienter 40 % de l’urbanisation projetée dans un rayon de 1km autour des points d’accès des modes lourds de transport collectifafin de développer des quartiers de type aménagements axés sur letransport en commun (AATC); les seuils minimaux de densité brute,variant selon les caractéristiques des points d’accès, peuvent yatteindre 150 logements à l’hectare. Dans les deux projets, des ciblessont définies aussi hors des aires principales de consolidation

Ces cibles sont-elles trop élevées, ou au contraire pas assez? Lescommissions chargées des consultations fourniront sûrement un

éclairage utile sur ces questions. Après tout, le succès des politiquesurbaines réside dans le soin que l’on prend à en assurer l’acceptabilitésociale. Il faut donc se féliciter de ces débats, qui placent l’urbanismeet ses outils au centre des grands enjeux de société.

Cette popularité soudaine de la densité est lourde de responsabilitépour les urbanistes. Car malgré son importance indéniable, la densitédemeure un concept complexe, imparfait, qui doit être utilisé enconjonction avec d’autres concepts comme la mixité des fonctions, laplanification des transports et le design urbain, garants de la qualitédes milieux de vie.

Les textes regroupés dans ce dossier illustrent cette complexité. On yverra que la densité est plus qu’une question de ratiologement/hectare – même si ces ratios sont nécessaires. Elle s’exprimeà travers plusieurs outils d’urbanisme et elle peut prendre biend’autres formes que des édifices en hauteur ou des AATC.

À travers les textes de ce dossier, une idée émerge, celle-là même quel’Ordre des urbanistes du Québec a exprimée dans son mémoireprésenté devant la CMM lors des consultations publiques sur lePMAD : le défi de la densification n’est pas seulement d’augmenterles densités résidentielles, mais surtout de créer des milieux de viemultifonctionnels de qualité. C’est là où le rôle de l’urbaniste, commeson art, prennent tout leur sens. ■

Bonne lecture!

François Goulet, urbanistePour le comité éditorial

1 Voir : CMQ, Bâtir 2031 : structurer – attirer – durer, printemps 2011, première section, pp. 15 / 35 et 41 / 49;CMM, Un Grand Montréal attractif, compétitif et durable, avril 2011, chap. 2, pp. 44 / 67.

Densifier n’est pas une panacée. À titre d’exemple, le cadre de révision des hauteurs du centre-ville de Montréal propose parfois de réduire les hauteurs,notamment aux abords du Vieux-Montréal et sur le flanc sud du mont Royal, pour préserver les atouts patrimoniaux existants et certaines vues. V

ILLE

DE

MO

NTR

ÉAL,

ARR

ON

DIS

SEM

ENT

VIL

LE-M

ARI

E

Page 11: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

11

Sous l’injonction du développementdurable, le débat sur la densité prend unetangente tout à fait nouvelle en ce sens où ladédensification des territoires qui a été aucœur de la pratique urbanistique depuis denombreuses décennies est fortement remiseen question. Le mot d’ordre est doncmaintenant à la densification des territoires.Mais qu’en est-il au juste de ce concept, enmaîtrisons-nous vraiment tous les aspects?

La densité est un concept à la fois simple etcomplexe. Simple par son calcul qui sedéfinit comme étant un rapport de quantitépar unité de surface, ces quantités pouvantêtre des surfaces construites, des logementsou des habitants. Mais aussi complexe, carpour une même mesure elle peut faireréférence à des formes construites et urbai -nes totalement différentes. La densité est unconcept multiscalaire qui renvoie à diffé ren -tes échelles du territoire, du lot ou de l’îlot,à la région en passant par le quartier et laville avec des mesures qui leur sont propres.

Telles les matriochkas, ces poupées russesqui s’emboîtent les unes dans les autres, il enest un peu de même en ce qui a trait à ladensité. À l’échelle régionale et de la ville, onparlera de personnes ou de logements aukm2, tandis qu’à celle du quartier l’unité deréférence sera bien souvent l’hectare; enfin, àl’échelle de l’îlot et du lot, on utilisera plutôtle rapport entre deux surfaces, celle cons -truite et celle du terrain, se traduisant par un

coefficient, communément appelé le coeffi -cient d’occupation du sol (COS). Ainsi, entermes de planification, les objectifs visés àune échelle se répercuteront aux échellesinférieures ou supérieures. Un COS plusélevé devrait normalement se traduire parplus de logements à l’hectare et finalementpar plus d’habitants au km2.

Une question de perception

Cependant, derrière cet outil de mesure fortsimple, se cache, au-delà de la dimensionspatiale, une dimension mentale faisantréférence à des formes bâties et urbaines quise traduisent par des formes réelles etperçues totalement différentes. À titred’exemple, les différentes formes construitesassociées à un COS de 1, soit une superficieconstruite équivalente à la superficie du lot,renvoient à une perception différente del’espace et de la densité. Vu en plan, un îlotentièrement occupé par des immeubles d’unseul étage laissera une impression de fortedensité alors qu’un passant y verra une faibledensité ; mais si le même COS résultaitd’immeubles de 2 étages sur la moitié duterrain, le passant y verrait une densité plusgrande que l’observateur ayant une vue enplan. Le type d’implantation sur l’îlots’accompagnera aussi d’effets différents. Eneffet, un îlot suburbain constitué de rési den -ces à deux étages occupant chacune le centrede leur terrain respectif dégagera uneimpression de très faible densité par rapport

à un îlot urbain constitué de duplex conti -gus, alors qu’il n’en est rien, le coefficientd’occupation du sol pouvant être égal dansles deux cas.

Cette logique qui peut se décliner à l’infiniselon différents COS s’applique également àl’échelle du quartier ou de la ville. Toutdépendant de la forme urbaine, pour unemême densité mesurée en termes delogements à l’hectare, on obtiendra uneperception de densité différente. La présencedes parcs, la largeur des rues, la présenced’équipements publics, la hauteur desbâtiments et la forme de leur implantationsur l’îlot, la présence d’un couvert végétalsont autant d’éléments qui viendront aufinal moduler cette perception d’unecertaine façon traduite techniquement pardensité brute et densité nette, cette dernièrefaisant référence à l’espace occupé uni -quement par l’habitation. Nombreux sontceux pour qui les grands ensembles àl’européenne représentent un exemple dehaute densité à ne pas reproduire, pourtantleur densité est souvent beaucoup moindreque ce qu’on retrouve sur un îlot montréa -lais typique des quartiers anciens. Si, bienqu’à tort, la hauteur est le principal élémentde perception de la densité, ceci étantprobablement dû au fait que les hauteurs seperçoivent mieux que les surfaces. En effet,si nous avons tous une perception exacted’un immeuble de six étages, peut-on endire autant lorsqu’on parle d’un hectare ou

DO

SSIE

RVILLE DE MONTRÉAL, ARRONDISSEMENT LE PLATEAU-MONT-ROYAL

Si la tendance actuelle de l’urbanisme est à la densification des territoires, le vrai défi estde répondre aux besoins et aux désirs des individus par la création de formes urbainesdurables et de qualité. Et ce serait un peu à tort, s’il fallait juger des potentielsd’utilisation du territoire à partir d’une seule mesure de densité. Réfléchir sur la densité,c’est examiner principalement la forme bâtie sous tous ses aspects, du bâtiment à l’îlot,au quartier, à la ville, mais c’est avant tout s’interroger sur les modes de vie et les modesd’habiter, car au-delà d’une simple prescription qui se veut technique, ce sont avant toutde nos « modes d’habiter » dont nous parlons.

Au-delà des mesures de densité

Reconnaître lemode d’habiter

Daniel GillÀ tort, la hauteur est le principal élément de perception de la densité.

Page 12: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

12

DO

SSIE

R

d’un kilomètre carré?

Prescrire la densité, pas si simple

Dans une perspective de développementdurable, la prescription de la densité sous sesdifférentes formes (COS, logements à l’ha,au km2, etc.) n’a pas seulement pour objectifd’intervenir sur la forme urbaine, mais prin -cipalement sur l’occupation humaine du ter -ritoire. Théoriquement, plus de per sonnes àl’hectare permettrait d’aug men ter la pré sen -ce de services de proximité, d’amé liorerl’offre en transport collectif et ainsi réduire laquantité et la durée des déplace ments moto -risés, et par le fait même, notre dépendanceà l’automobile à l’échelle de la ville.

Encore une fois, si l’application semble sim -ple, il est impossible de prescrire le nombrede personnes à l’hectare, on ne peut que lesouhaiter ou le constater. La seule prescrip -tion possible demeure le nombre de loge -ments à l’hectare, l’augmentation du COSne pouvant se traduire à elle seule par uneaugmentation proportionnelle du nombrede logements. En effet, le passage du COSde 2 à 3 pourrait conduire à une augmen ta -tion de la grandeur des logements plutôtqu’à une augmentation de leur nombre.

De la même manière, l’imposition dunombre de logements à l’hectare ne pourrajamais se traduire par un nombre précisd’habitants. De petits logements pourrontengendrer un taux de peuplement très

faible, soit une personne par logement, alorsqu’un logement légèrement plus grandpourrait générer un taux de peuplement detrois personnes par logement, le logementdevenant assez grand pour accueillir unefamille. Mais encore là, à condition qu’il soiteffectivement occupé par des familles, carrien ne garantit qu’un logement de deuxchambres à coucher abritera plus depersonnes qu’un logement d’une chambre.En fait, la densité de population seraitprincipalement en lien avec les modes de vieet les revenus des ménages.

La notion de densité est donc intimementliée à l’utilisation du territoire. À preuve,tout article sur le sujet s’accompagne dereprésentations graphiques faisant référenceà différents types d’aménagement. Vus sousl’angle de l’utilisation du territoire, nosindicateurs statiques ont-ils encore assezd’acuité dans un contexte d’hypermobilité?Car force est d’admettre que ces indicateursomettent le passage des nombreux chalandsqui viennent y travailler ou s’y divertir et quicontribuent à la vitalité et à la qualité de vied’un quartier. Il y aurait donc lieu de biendifférencier densité d’habitants et densité depersonnes, ce qui est malheureusementtoujours confondu. Le premier faisantréférence à la mesure du nombre de person -nes habitant le territoire (les « dormeurs »,comme disait François Ascher) alors que leterme « personne » devrait plutôt faire

référence à l’ensemble des individus setrouvant sur un territoire à un temps donné.Ainsi, au-delà de la densité d’occupation,qu’elle soit bâtie ou humaine, avec le retourà la diversité fonctionnelle, d’autres outils demesure devront tenir compte de ce quecertains appellent la densité « sociale ». Unemesure qui prendrait en compte la présencede tous les individus qui se trouvent sur unterritoire et non pas seulement de ceux qui yhabitent.

Comme on peut le constater, la densité, bienqu’elle se mesure par une techniquemathématique toute simple, fait bien plusréférence à des formes urbaines et à desmodes de vie qui s’y rattachent, donc à desperceptions sensorielles somme toutepersonnelles et propres à chaque individu.D’où émergent d’ailleurs les vrais enjeuxreliés à la densité, car sommeille encoresouvent dans l’imaginaire populaire l’idéequ’une grande densité se traduirait par unedétérioration de la qualité de la vie avec plusde trafic, plus de bruit, plus de criminalité,etc. Pourtant, le Plateau Mont-Royal de -meure le quartier le plus dense de Montréal,mais aussi le plus prisé. Et que penser deParis, une des villes les plus denses dumonde occidental? ■

Daniel Gill est professeur agrégé à l’Institutd’urbanisme de l’Université de Montréal et cher -cheur à l’Observatoire SITQ du dévelop pementurbain et immobilier.

La Place Bonaventure et l’immeuble IBM-Marathon ont tousdeux un coefficient d’occupation du sol de 12. PH

OTOS : VILLE DE MONTRÉAL, ARRONDISSEMENT VILLE-MARIE

Page 13: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Ajout à un bâtiment

Les réglementations permettant l’ajout d'unlogement à une résidence principale se déve -loppent au sein de plusieurs munici palités.La Ville d'Ottawa encourage ce type dedensification dans son Livre Blanc sur ladensification résidentielle1.

Pour autant, peu de projets peuvent, à cejour, illustrer cet axe de densification. Plussouvent l'ajout d'un logement se fait parsubdivision de la résidence.

Nous pouvons citer un bel exemple d'ajout àun bâtiment haussmannien dans le 11e

arrondissement de Paris. Cette extension

permettra de financer la réhabilitation dubâtiment insalubre et conduira à la créationd’un total de 20 logements et 3 locaux. Cetteréhabilitation/extension permet de créer deslogements sociaux dans Paris, tout enrépondant aux exigences de la certi fi ca tion« Patrimoine Habitat Environnement». Lebâtiment sera à basse consommation éner gé -tique, conformémant au Plan Climat Paris.

Insertion en fond de parcelle

Les pavillons jardins sont un exemple deconstructions en fond de parcelle. Ce con -cept encourage les propriétaires à cons truiresur le terrain de leur résidence un logementabordable, autonome et locatif, destiné à unproche, souvent âgé ou han di capé. En 1996,la Ville de Cowansville fut pionnière dans lamise en œuvre de ce concept, et plusieursvilles québécoises ont depuis mis en placeune réglementation spécifique à l’im plan -tation d’un pavillon-jardin. Ainsi, unepolitique sociale peut contribuer à créer unedensité tout en répondant à une demande enlogement pour populations dépendantes.

L’exemple le plus récent et le plus discuté deconstruction de logements en fond deparcelle est celui des ruelles habitables ouLaneway housing2, autorisés dans certainssecteurs de maisons unifamiliales àVancouver depuis juillet 2009. La politiquede Vancouver permet la constructiond’habitations individuelles en arrière-lot, surruelle, avec comme objectif le renforcementdu parc de logements locatifs. Des lignesdirectrices encadrent la qualité et ladurabilité des constructions

Cette initiative augmente le nombre delogements à prix abordables grâce à unedensification à peine visible. Ces nouvelles

constructions sont intégrées dans le tissuurbain et créent ce que les observateursqualifient de densité cachée.

Développement intercalaire

Les développements intercalaires, en plusd’apporter une densité non négligeable,permettent d’effacer les « dents creuses », lespetits terrains résiduels laissés à l’abandon.Au Québec, à partir du milieu des années90, plusieurs municipalités ont tiré profitdes programmes de revitalisation des vieuxquartiers (PRVQ), puis du Programmerénovation Québec (PRQ) pour encouragerl’insertion résidentielle dans les quartierscentraux et ainsi tirer profit des terrainsrésiduels dans les quartiers centraux.

À Montréal, le projet les Lofts du Pont estun exemple original de construction sur unterrain intercalaire. Le projet comprend la

Les figures de la densification urbaineQuelques exemples Pénélope Darcy

La densification urbaine peut se matérialiser à l’échelle d’un logement, d’un immeuble,d’une parcelle, d’un îlot, d’un quartier ou d’une ville. Ainsi, l’action de densifier peutpasser du micro, à l’échelle d’un logement ou d’une parcelle, par une densité douce, aumacro, à l’échelle d’un quartier par une densité plus marquée. La ville dense n’est pasnécessairement synonyme de démolition et de construction en hauteur, hors gabarit. Ellepeut être cohérente avec le tissu urbain existant ainsi qu’avec les usages et aspirationsdes résidants.

URBANITÉ HIVER2012

13

DO

SSIE

R

À Vancouver, lesmaisons sur ruellessont autoriséesdans la mesure oùleur emprise selimite à l’espace degarage oustationnement (lesderniers 26 piedsdu lot).

Source : Ville de Vancouver

1 Ville d’Ottawa, Densification résidentielle: créer des collectivités plus dynamiques, www.ottawa.ca/residents/public_consult/beyond_2020/papers/white/intensification_fr.html2 Ville de Vancouver, Laneway Housing How-to-Guide, http://vancouver.ca/commsvcs/lanewayhousing/pdf/LWHhowtoguide.pdf

H2O ARCHITECTES

Exemple d’ajout à un bâtiment parisien.

Page 14: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

construction de sept maisons jumelées, encopropriété, dont la façade donne sur uneruelle sauf pour une qui donne sur rue, afinde respecter la réglementation de l’arrondis -sement.

De maison unifamiliale à...maisons unifamiliales

Dans les banlieues, la densité peut facile -ment être encouragée sans changer drasti -quement la typologie. À titre d’exemple, onobserve à Calgary, depuis plusieurs décen -nies, un phénomène de démolition-reconstruction de maisons unifamiliales,généralement d’un seul étage, sur de grandsterrains. Elles sont remplacées par deux

maisons sur deux niveaux, détachées oujumelées. La densité double et les proprié -taires, comme la municipalité, y trouventleur compte. Il n’y a pratiquement pasd’opposition citoyenne, puisque les maisonsde remplacement demeurent des propriétésindividuelles. Loin de s’opposer à cettetendance, la municipalité a publié un guidede bonnes pratiques pour encouragerl’intégration harmonieuse des nouvellesconstructions.

Conversion de bâtimentsnon résidentiels

L’évolution naturelle des villes fait que denombreux bâtiments construits à uneépoque donnée pour un objet donnédoivent évoluer et changer de nature. Il s’agitprincipalement des bâtiments industriels,institutionnels, religieux et commerciaux.Ce type d’intervention s’inscrit clairementdans une perspective de densification enamenant de nouveaux résidants là où il n’yen avait pas. Ces projets s’inscrivent dans desobjectifs de développement durable et derevitalisation urbaine en encourageant laremise en état de bâtiments existants qui ontsouvent une valeur patrimoniale.

Ce type de densification est très biendéveloppé et s’intègre généralement sansheurt dans le milieu urbain environnant. Leprincipal défi est de trouver le financementsuffisant pour, à la fois conserver les aspectspatrimoniaux des bâti ments, décontaminer

les bâtiments et les mettre aux normesactuelles d’habi ta tion. Encore une fois, lesmunicipalités peuvent mettre à profit desprogrammes comme le PRQ ou le pro gram -me Accès Logis – pour les promoteurscommunautaires – pour encourager laconversion de bâtiments non résidentiels.

Réaménagement de friches urbaines

Le réaménagement de terrains en zonesurbaines délaissées ou dont l’usage est désuetconduit souvent à la réalisation de grandsprojets urbains, ce qui implique la mise enplace d’une planification minutieuse et d’unpartenariat soutenu entre la municipalité, lesdéveloppeurs et la population. La taille deces projets permet d’offrir une large typo lo -gie de logements et apporter une densitémixte. Le projet de la Pointe-D’Estimau -ville, présenté dans les pages suivantes, estun exemple de ce type de densification.

Dans tous les cas, ces différentes actions dedensification permettent d’utiliser desespaces urbains vacants et donc dedévelopper et dynamiser le milieu urbain.Mais ils ne peuvent se concrétiser sansl’appui significatif et souvent financier de lamunicipalité, et ce surtout pour ce quiconcerne les plus gros projets.3 ■

Pénélope Darcy, collaboratrice à Urbanité, estdétentrice d’une maîtrise en urbanisme et estcoordonnatrice de la RUI Quartier Hodge-PlaceBenoit.

À Calgary, de petites maisons unifamiliales sont souvent remplacées par deuxmaisons sur deux niveaux, détachées ou jumelées.

MARC GOULET

L’organisme « Un toit en réserve » a réalisé en 2010 58 logements àbut non lucratif pour adultes et personnes âgées, dont 23 par laconversion de l’ancienne église l’Église Saint-Paul-Apôtre, à Québec.

ACTION HABITATION DE QUÉBEC

Les Lofts du Pont, un exemple montréalais dedéveloppement en insertion qui tire profit deslots sous-utilisés dans les quartiers centraux.

YVAN DUBÉ

URBANITÉ HIVER2012

14

DO

SSIE

R

3 Politiques d’incitations financières, assouplissement de la réglementation, cf. SCHL-CMHC –Étude de cas sur la densification, Initiatives municipales n 63422, nov 2003

Page 15: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

On fait largement état depuis plusieursannées des raisons impérieuses qui militenten faveur d’une certaine densification de nosmilieux de vie. On a aussi proposé de nom -breux modèles de formes d’habitat répon -dant de façon diversifiée et souvent trèsimaginative à cet objectif. On ne manquepas d’exemples de projets urbains réalisantdes habitats denses et intéressants. Ce sontplutôt les moyens de densifier de façonconséquente et acceptable dans notre con -texte politique et réglementaire qui fontencore défaut.

Cette situation est de nature à susciter cequ’on peut appeler des « faux débats », c’està dire qui opposent les extrêmes et carica -turent les positions des uns et des autres.D’un côté, il y aurait les planificateurs etcertains promoteurs qui chercheraient àimposer des densités le plus souvent exces -sives; de l’autre, les tenants du « caractère »des milieux traditionnels, censé répondreaux tendances du marché, ou encore auxpréférences de la « famille moyenne » qui nevoudrait pas entendre parler d’un habitatplus dense.

Mais est-il bien vrai qu’il existe une oppo -sition générale et irréductible, fomentant desobstacles politiques insurmontables face àtout effort visant à densifier de façonconséquente? Est-ce vraiment une « missionimpossible » que d’intensifier le dévelop -pement résidentiel, tout en respectant notrefonctionnement réglementaire et l’exigenced’acceptabilité sociale des projets?

L’évolution législative récente au Québec esten voie de clarifier la répartition despouvoirs en matière de planification de ladensité. Déjà, les deux communautésmétropolitaines ont le devoir de préciser desdensités et elles le font effectivement par lescibles de densité minimale dans les projetsde Plans métropolitains d’aménagement etde développement (PMAD). Mais la ques -tion se pose encore de savoir commenttransformer ces pourcentages en réalités. LesPMAD comprennent bien des exemples demoyens et de densités, mais ils demeurentsomme toute très sommaires. Seront-ilssuffisants pour guider les instances localesdans cet exercice nouveau pour la plupartd’entre elles?

À titre de réflexion sur ce sujet d’actualité,voici quelques principes qui, sans prétendreapprofondir la question comme elle devraitéventuellement l’être, pourraient contribuerà rendre possible et harmonieuse laden si fi ca tion nécessaire de nos territoiresmétropolitains.

D’abord, éliminerla réglementation excessive

Avant même de promouvoir la densi fi -cation, il faudrait cesser de l’empêcher. À labase de nos pratiques de zonage, on trouveencore la survivance du vieux zonagehiérarchique nord américain qui privilégie lamaison individuelle isolée comme formeidéale de développement. Le zonage exclusifencore largement pratiqué en faveur de cetteunique forme d’habitat est en soi unempêchement majeur à la densification.

Avons-nous vraiment besoin présentementau Québec de répéter ce modèle, alors mêmeque ni l’évolution démographique, ni mêmeles tendances du marché ne peuvent plus lejustifier? Il ne s’agit ici aucunement de bannirla construction de pavillons isolés commetelle, mais seule ment d’éliminer le caractèreexclusif de ce type de développe ment, etencore unique ment dans les nou veaux sec -teurs, en faisant aussi exception des territoiresoù peuvent s’appliquer des motifs légitimesde préservation naturelle ou patrimoniale.

Dès le début des années 70, j’ai pu en fairemoi-même l’expérience dans l’élaborationdes règles de développement du quartierRivière-des-Prairies, nouvellement annexé àMontréal. Le zonage de ce quartier étaitalors entièrement à refaire, dans la pers pec -tive d’y accueillir l’urbanisation immi nentequi s’y présentait à la suite du dévelop pe -ment des territoires adjacents. Contrai re -

URBANITÉ HIVER2012

15

DO

SSIE

R

Le défi des moyens

Densifier, est-ce si sorcier ?

Le débat autour de la densification – sa nécessité, sesformes, ses modalités – prend de l’ampleur, ici commeailleurs, non seulement entre urbanistes, mais aussisur la scène publique et politique, au point de devenirune sorte d’enjeu symbolique, conduisant parfois àremettre en cause la planification urbaine elle-même.Se pourrait-il qu’il y ait, à l’origine de ce débat, uneincompréhension basée surtout sur la méconnaissancedes moyens de la densification?

Jacques Trudel, urbaniste

Exemples de la diversité résidentiellepermise par le zonage initial du

quartier Rivière-des-Prairiesà Montréal

VIL

LE D

E M

ON

TRÉA

L, A

RRO

ND

ISSE

MEN

T RI

VIÈ

RES-

DES

-PRAIR

IES

Page 16: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

ment aux pratiques qui avaient encorelargement cours, j’ai proposé avec succès deréserver le zonage unifamilial isolé exclusi -vement aux petits secteurs où un dévelop -pement fragmentaire était déjà établi souscette forme. Dans tous les secteurs viergespromis à un nouveau développement – lamajeure partie du quartier – le zonage devaitpermettre partout une variété de typesd’habitation, incluant toujours les maisonsunifamiliales attenantes et allant, selon lescas, jusqu’à des immeubles d’appartementsde trois ou quatre étages. On peut voir lerésultat aujourd’hui, alors que ce quartier sedistingue par une bonne mixité de typesd’habitation, obtenue sans heurter lespremiers résidants.

D’autres normes courantes, souvent exagé -rément restrictives, constituent égalementdes empêchements notables à la densité, enmême temps d’ailleurs qu’elles font obstacleau logement abordable : largeurs minimalesde lot et de façade, proportions de terrainsconstructibles, espacements prescrits entrepetits bâtiments, exigences de places destationnement, pour n’en mentionner quequelques-unes. Encore là, il est bien plusdifficile de les revoir après coup que de veillerà ce que les normes imposées favori sent undéveloppement plus dense au départ.

Densifier l’existant... modérément

Dans les milieux déjà établis, il va de soi quela densification est plus délicate à réaliser.L’assouplissement de certaines règles concer -nant l’accès sur rue, l’occupation des terrainset le logement accessoire peut le permettre,mais les exigences peuvent être grandes en cequi concerne les modalités d’application,prenant réellement en compte toutes lesconséquences pour les résidants. Les con -traintes d’espace, de vue, d’ensoleillement,de sécurité ne sont pas à négliger si l’on veutintensifier l’occupation d’un milieu habité,tout en respectant intégralement l’accepta -bilité sociale des mesures.

Il importe de doser les moyens à prendreselon qu’il s’agit d’espaces déjà intensémentconstruits ou de milieux de plus faible den -sité. Pour les espaces d’occupation intensive,l’emploi d’outils discrétionnaires – program -mes particulier d’urbanisme, plans d’aména -gement d’ensemble – peut s’imposer, demême que, le cas échéant, la soumission desprojets à des ententes de redéveloppement.Dans le reste du territoire, toutefois, seules

des mesures réglementaires d’applicationgénérale peuvent favoriser une densificationcontinue des milieux existants. L’expériencede Vancouver en fournit un excellentexemple. La Charte de l’Écodensité adoptéepar la Ville en 2008 s’applique progressi -vement1, assortie de nombreuses consulta -tions, grâce à un ensemble d’initiatives quivisent à densifier tant la zone centrale que labanlieue unifamiliale, telles les réglemen ta -tions favorisant l’implantation de logementsen cour arrière et sur ruelle, les sous solshabitables et les logements accessoires.

Éviter le « tout ou rien »

Lorsqu’on a la possibilité d’introduire ladensité quelque part, la tentation est forte demiser sur le maximum possible. On seretrouve alors souvent avec des réactionsdéfensives de la part des « voisins », qui n’ontnulle envie de voir le milieu auquel ils sonthabitués sacrifié sur l’autel de la densifi -cation. Ces réactions, souvent légitimes,passeront pour la manifestation du syndro -me « pas dans ma cour » et l’on répétera qu’ilest politiquement impossible de densifier.

Mais la densité maximale n’est pas nécessai -re ment optimale, ni même « durable ». Si ladensification est planifiée à l’avance etdistribuée dans l’ensemble du territoire, iln’y a nul besoin d’imposer aux résidantsétablis des densités qu’ils jugeront excessives,souvent motivées d’ailleurs par l’intérêt depromoteurs qui ont su vendre leur projetsous ce prétexte. Et que dire de la pratiqueparadoxale du « transfert des droits de déve -loppement » ou des « primes de densité »,heureusement peu courante chez nous, parlaquelle les pouvoirs publics contredisentleur propre planification, sans considérationpour les habitants des voisinages qui doiventsubir une surdensification !

Éviter le « tout ou rien » implique de misernon sur l’imposition ponctuelle de fortesdensités résidentielles, mais plutôt sur unrelèvement général de l’intensité du déve lop -pement, principalement dans les nouveauxsecteurs, sachant que tout accroissement dela densité, même modeste, contribue biendavantage au résultat d’ensemble que desprojets ponctuels controversés. Le simplepassage de la maison isolée à la maisonjumelée peut presque doubler la densitérésultante, sans qu’on puisse dire que lecaractère du milieu ne soit aucunementmenacé. Nous savons aussi que les densités

intermédiaires, et non les plus fortesdensités, sont celles qui produisent leslogements les plus abordables.

Une stratégie clairement affirmée etbien démontrée

On ne produit pas de la densité pour la den -sité, sans que les habitants en comprennentle motif et y trouvent leur compte. Densifiern’est pas déréglementer à outrance, maisréglementer de façon plus imaginative envue d’une densification « mesurée », recher -chant les meilleures formes possibles d’unhabitat diversifié et convivial, adapté à ladiversité des besoins et des choix de vie. Il nes’agit aucunement de limiter ces choix, maisbien au contraire de les permettre, là où ilsconviennent, tout en les harmonisant.

Cela demande toutefois une stratégie publi -que de mise en œuvre clairement affirmée,s’appuyant sur un effort de démonstration,de consultation et de diffusion des moyens,comme celle qui est promue par legouvernement de l’Ontario2 et comme il enexiste, entre autres, à Ottawa3 et àVancouver. Au Québec, ce qui s’en rappro -che sans doute le plus se trouve à l’intérieurdu très bon guide de bonnes pratiquesportant sur la réduction des gaz à effet deserre, publié en 2004 par le ministère desAffaires muni ci pales, des Régions et del’Occupation du territoire4; on y faitnotamment état de nom breuses expériencespertinentes, assorties d’un exposé desmoyens employés. En outre, le Ministèreannonce la parution d’un nouveau guide,intitulé L’aménagement et l’écomobilité, quiaborde aussi la question des densités dans unautre contexte (voir l’article en page 6).Pourtant, il faut bien reconnaître que ladiffusion large et la mise en pratique plusgénéralisée des modèles de densificationaccusent encore chez nous un certain retard.

Tout cela suppose un certain degré d’insis -tance et même de contrainte, ce à quoi nousserions peut-être devenus collectivementallergiques. Pourtant, une telle contraintenécessaire en remplacerait simplementd’autres, celles des habitudes désuètes etdes anciennes pratiques réglementaires.Densifier, en définitive, c’est innover pourcréer un milieu de vie répondant plusadéquatement aux exigences contem po -raines d’un habitat vraiment durable.À la condition, admettons-le toutefois,de respecter ce qui doit l’être. ■

1 Voir à ce sujet le site web de la Ville de Vancouver. Cette orientation a été confirmée par les élections municipales de novembre 2008, malgré la forte controverse soulevée à l’époquede son adoption, comme le relatait Joël Thibert, dans un article paru dans nos pages : « Vancouver adopte une charte de l’éco-densité », Urbanité, automne 2008, page 46.

2 Fiche d’information : Planifier la densification, Ontario : ministère des Affaires municipales et du Logement [www.mah.gov.on.ca/AssetFactory.aspx?did=7242]3 Livre blanc – Densification résidentielle : créer des collectivités plus dynamiques, Ville d’Ottawa. [www.ottawa.ca/residents/public_consult/beyond_2020/papers/

white/intensification_fr.html]4 Pierre Blais et al., La réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'aménagement du territoire — Guide de bonnes pratiques, MAMSL, 2004 . [En ligne] :

www.mamrot.gouv.qc.ca/pub/amenagement_territoire/documentation/guide_reduction_gaz.pdf

URBANITÉ HIVER2012

16

DO

SSIE

R

Page 17: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

La Pointe-D’Estimauvilleet le Triangle Namur-Jean-TalonDeux exercices de densification

On les appelleécoquartiers, TOD ou

aménagements axés sur letransport en commun

(AATC). Toutes ces figuresdu Nouvel urbanisme

s’appuient sur ladensification et la

diversification des formesurbaines pour atteindre

leurs objectifs dedéveloppement durable.

Les exemples sont de plusen plus nombreux au

Québec. Parmi ceux-ci,nous en avons choisi deux,l’écoquartier en devenir dela Pointe-D’Estimauville à

Québec et le TriangleNamur-Jean-Talon àMontréal. Conte de

deux cités.

François Goulet, urbaniste

La Ville de Québec a entrepris la requali fi -cation de la Pointe-aux-Lièvres, le long dela rivière Saint-Charles, et de la Pointe-D’Estimauville, près de la baie deBeauport. Un troisième grand projet, laCité Verte1, en Haute-Ville, est coordonnépar SSQ Groupe financier. Ensemble, cestrois projets, qui représentent un potentielde 3 500 logements et 111 000 m2 debureaux et commerces, sont désignés sousle vocable d’écoquartiers.

La Ville de Québec a annoncé en septem -bre 2009 son intention de restructurer laPointe-D’Estimauville. Le potentiel dereconstruction est important avec unpoten tiel de 1 780 logements et presque100 000 m2 de bureaux et commerces. Lamoitié des superficies disponibles actuel le -ment est de propriété municipale, ce quidonne à la Ville un pouvoir foncierimportant pour réaliser ses objectifs.

Le secteur occupe un emplacement straté -gique, à quelques minutes du centre-ville,de la colline Parlementaire et du Vieux-Québec. S'étendant sur plus de 21hectares, il s’agit essentiellement d’unsecteur com mercial en déclin, avec denombreux immeubles et terrains vacants.Ce secteur fait partie du centre majeurd’activités (CMA) D’Estimauville, l’unedes compo santes du Plan directeur l’amé -nagement et de développement (PDAD)adopté en 2005 par la Ville de Québec.

Le site compte sur plusieurs atouts, àcommencer par une grande accessibilité(deux autoroutes et deux artères impor -tantes, l’avenue D’Estimauville et leboulevard Sainte-Anne) et une bonnedesserte en transport en commun, avectrois lignes Métrobus, un terminusd’autobus et un projet de tramway dansl’emprise du boulevard Sainte-Anne.D’ailleurs le Plan de mobilité durable deQuébec, qui sera adopté prochainement,désigne l’avenue D’Estimauville comme leterminus d’une des lignes du tramwayprojeté.

Le site est adjacent à deux sites récréo -touris tiques majeurs, le domaine deMaizerets, un parc régional de 27 hectares,et la baie de Beauport, qui offre un accèset une vue imprenable sur le fleuveSaint-Laurent.

Une identité forte

Pour régénérer ce quartier urbain, on sou -haite le doter d’une identité propre. Lamixité des fonctions, la trame des îlots et leréseau de liens piétonniers contribueront àforger cette identité. L’appel de propo si -tions préliminaires lancé en décembre2010 pour la première phase de 746 loge -ments com porte d’ailleurs des exigences àcet égard : la mixité des usages (aveccommerces et services au rez-de-chaussée)doit faire partie intégrante des lots, quidoivent être subdi visés en petits îlots

URBANITÉ HIVER2012

17

DO

SSIE

R

Une vision de l’écoquartier de la Pointe-D’Estimauville

1 Voir La Cité Verte un projet immobilier phare pour les générations à venir, par Guillaume Neveu, urbaniste, dans Urbanité, automne 2009, page 28,www.ouq.qc.ca/documents/Urbanite_Automne2009.pdf

L’écoquartier de la Pointe-D’Estimauville (Québec)

Page 18: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

18

DO

SSIE

R

d’environ 60 m x 60 m, chacun séparé pardes rues ou des passages piétonniers. Laconstruction de ces passages publics,comme des infrastructures muni cipales àl’intérieur des lots, sont à la charge despromoteurs.

« L’élément le plus déterminant pourl’identité du projet est certainement leprojet d’esplanade urbaine » expliqueSonia Tremblay, urbaniste au Service del’amé na gement du territoire de Québec,chargée du projet de l’écoquartier de laPointe-D’Estimauville. Véritable épinedorsale du futur quartier, l’esplanadereliera les îlots résidentiels jusqu’au fleuveet au domaine de Maizerets en plus de

faciliter l’accès aux services de transport encommun. L’amé na gement de cetteesplanade prévoit la création de bassins quicontribueront tant à l’esthétique de lieuqu’à la récupération des eaux de pluie. Ony aménagera aussi des aires de jeux quatresaisons. »

Parlant de densité

La densité moyenne brute de la premièrephase s’élèvera à environ 90 logements parhectare - entre 60 et 165 logements /hectare selon les îlots.2 Les bâtiments pour -ront compter de 4 à 6 étages et augmenterpro gressivement jusqu’à 10 étages le longde l’avenue D’Estimauville et du boule -vard Sainte-Anne.

Cette densité ne semble pas décourager lesrésidants potentiels, du moins à cetteétape. Un sondage sur les préférencesrésidentielles des citoyens de la région deQuébec, réalisé en 20103, révélait que40 % des répondants sont très ou assezintéressés par les écoquartiers de la Pointe-D’Estimauville et de la Pointe-aux-Lièvres.La majorité des répondants s’est diteindifférente au nombre de logements oud’étages de l’immeuble. Une majorité(87 %) des personnes intéressées seraientmême prête à payer une prime pourhabiter dans un écoquartier.

Le constat le plus encourageant de cesondage est probablement que 32 % despersonnes intéressées par un écoquartieront un ou des enfants de moins de 18 ans.

La Pointe-D’Estimauville est encore àl’étape de planification. Il faudra encorequelques années pour que le site accueilleses premiers résidants. Il reste notammentà relocaliser le dépôt à neige qui occupeune partie du site. Les installations pour letramway et le pôle multimodal de trans -port, un facteur important d’acceptabilitéselon les répondants au sondage, restent àdéfinir, en collaboration avec le Réseau detransport de la Capitale (RTC). Parailleurs, il faut adapter l’encadrementréglementaire aux écoquartiers, probable -ment par l’entremise d’un PPU.

Mais déjà les études préliminaires (design,caractérisation environnementale, géo -tech nique, génie civil) ont été réalisées.L’appel de propositions préliminaires s’estterminé pour les promoteurs intéressés le30 juin et l’analyse des propositionsreçues, à l’automne 2011. La Ville deQuébec a co n vaincu le gouvernementfédéral d’im planter à D’Estimauville unesuccursale du minis tère des Travauxpublics et Services Canada (bâtimentvisant la certification LEED Or). L’édificede 10 étages de 19 000 m2 a commencé àaccueillir en octobre 2011 les premiers deses 742 occupants.

« Les écoquartiers, leur architecture et leurdensité ont été bien accueillis lors descolloques annuels sur l’innovation orga -nisés par le maire de Québec, RégisLabeaume. On sent un réel intérêt de lapopulation », estime Sonia Tremblay.

2 Par comparaison, la densité d’un secteur existant de Beauport, un peu plus au nord, présente une densité brute de 21, 7 logement par hectare. Le quartier Montcalm à Québecprésente une densité brute de 64,1 logements à l’hectare. Voir Exemples de densité sur le territoire de la Communauté métropolitaine de Québec, www.cmquebec.qc.ca/centre-documentation/documents/Exemples_Densite.pdf

3 Étude sur les préférences résidentielles 2010 : les écoquartiers, www.ville.quebec.qc.ca/environnement/urbanisation/ecoquartiers/docs/etude_ecoquartiers.pdf

Véritable épine dorsale du quartier, l’esplanade reliera les îlots résidentiels jusqu’au fleuve et audomaine de Maizerets.

VILLE DE QUÉBEC

Page 19: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

L’intensification et la diversification des acti -vités aux abords des équipements de trans -port collectif est un objectif exprimé depuislongtemps dans la région de Montréal. Lastratégie était déjà formulée dans l’édition2004 du plan d’urbanisme de Montréal.Plus récemment, cette même stratégie a étéreprise dans le Plan métro politain d’aména -gement et de dévelop pement (PMAD) de laCommunauté métropolitaine de Montréal(CMM), qui propose de canaliser au moins40 % des futurs ménages de la région àproximité du réseau de transport encommun.

Le secteur Namur-Jean-Talon est un des156 aménagements axés sur le transport encommun (AATC)4 identifiés par le PMADde la CMM. Situé dans l’arrondissement deCôte-des-Neiges— Notre-Dame-de-Grâce,

au centre géographique de l’île de Montréal,le secteur est situé en retrait des autoroutesDécarie et Métropolitaine. Trois axes -- larue de la Savane au nord, l’avenueMountain Sights à l’ouest et une voie ferréedu Canadien Pacifique au sud -- délimitentun secteur de 38 ha dont la forme a inspiréun nouveau nom, le « Triangle ».

Le « Triangle » était jusqu’à tout récem mentoccupé par des activités commer ciales reliéesau domaine de l’automobile, par desactivités industrielles légères et par desédifices à bureaux. Le trafic de transit estimportant et les voies de circulation sontsurdimensionnées, ce qui rend le secteur peuinvitant pour la circulation piétonne. Denombreux lots et bâtiments sont sous-utilisés ou vacants. La végétation est quasiinexistante, sauf pour le parc de la Savane.

Le secteur est toutefois bien pourvu eninfrastructure de transport en commun,avec les stations de métro Namur et de laSavane à distance de marche.

Le plan d’urbanisme montréalais de 2004 areconnu le potentiel de requalification dece secteur, en lui accordant une affectation« mixte » - ce qui encourageait la fonctionrésidentielle – et en accroissant les hauteurs(jusqu’à 12 étages), le taux d’implantation(jusqu’à 100 %) et les coefficients d’occu pa -tion du sol permis (jusqu’à 6). Se réclamantclairement d’une approche axée sur letransport en commun (AATC), l’arrondis se -ment s’est donné en 2005 comme objectifde tirer parti du potentiel de développementet de la proximité des stations de métro pouraugmenter la densité résidentielle et doter lesecteur d’une identité propre. Ce faisant,

4 Nous préférons ce vocable à l’anglicisme TOD utilisé par la CMM.

VILLE DE QUÉBEC

URBANITÉ HIVER2012

19

DO

SSIE

R

Une vision de la future esplanade de l’écoquartier de la Pointe-d’Estimauville.

Qu’est-ce qu’un écoquartier?Pour ses écoquartiers, la Ville de Québec ditvouloir s’inspirer des meilleurs exem ples;Hammarby en Suède et Vauban en Allemagne,sont notamment mentionnés. Tout commeces références, les éco quar tiers de Québecseront cons truits selon les principes dudévelop pe ment durable qui valorise lesespaces publics, les usages variés et ladensité afin de réduire l’empreinte écolo -gique. Les écoquartiers ont en commun unearchi tecture inno va trice misant sur l’effi cacitéénergétique, des infrastructures perfor -mantes, une diminution de la consom ma tiond’eau potable et la gestion des eaux de pluie.La mixité des fonc tions, l’implan tation desbâtiments et le design du domaine publiccontribuent à promouvoir le transport actif eten commun de façon à réduire l’usage del’automobile, la pollution de l’air, la consom -mation d’énergie et l’émission de GES.

Il ne faut pas confondre ces écoquartiers, quisont de nouveaux développements, et leprogramme Éco-quartier (en deux mots) initiépar la Ville de Montréal en 1995 et voué àl’éducation citoyenne en matière d’envi -ronnement, avec des activités comme ladistribution de bacs et sacs de recyclage, descorvées de nettoyage des ruelles et ladistribution de fleurs vivaces ou annuelles.

Le Triangle ou secteur Namur-Jean-Talon, Montréal

Page 20: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

le Triangle est devenu un des secteurs de l’îlede Montréal qui offre le plus de potentiel dedéveloppement immobilier.

Les promoteurs ont rapidement répondu àces changements réglementaires. Un pre -mier projet d’un peu moins de 300 loge -ments, appuyé par la Société d’habitationet de développement de Montréal a étélancé dès 2007. Les projets complétés, misen chantier ou en voie d’être autoriséstotalisent maintenant 1500 logements.Sur un horizon de quinze ans,l’arron dis sement de Côte-des-Neiges —Notre-Dame-de-Grâce souhaite porter lenombre d’unités d’habita tion dans lesecteur à plus de 4 000 – contre environ600 logements actuellement – ce quicréera une communauté de 10 à 12 000personnes, pour une densité bruted’environ 105 logements à l’hectare.

Impliquer les résidants actuels

Pour l’arrondissement, les enjeux sociaux duprojet occupent une place centrale. L’arron -disse ment insiste sur le maintien d’une sainemixité sociale et culturelle dans le secteur. Leréaménagement du secteur devait d’abord sefaire pour répondre aux besoins et auxintérêts des résidants actuels du secteur. Ilfaut savoir que les 1500 résidants actuels, enmajorité locataires, regroupés sur l’avenueMountain Sights, ont un revenu moyen demoitié inférieur à celui des montréalais et untaux de chômage deux fois plus élevé que lamoyenne montréalaise. Ces rési dants viventpour la majorité sous le seuil de faiblerevenu. Les deux tiers des membres de cettecommunauté sont nés à l’extérieur duCanada.

Cette préoccupation de l’arrondissements’est notamment traduite par une démarcheparticipative visant l'élaboration d'un plandirecteur, afin que les citoyens puissentapporter leur contribution à l’établis se ment

de la vision de leur quar tier. L’arron dis se -ment a retenu les services de l’Office deconsultation publique de Montréal(OCPM), qui a organisé une série derencontres avec des groupes de clientèlescibles : résidants, commerçants, proprié -taires, et aussi avec la Corporation dedéveloppement com mu nautaire Côte-des-Neiges – Notre-Dame-de-Grâce, unorganisme qui con tribue depuis 1992 àl’émergence d’une vie communautaire activedans le secteur.

Les grandes orientations de base – verdis -sement, tirer profit de la proximité dedeux stations de métro – a suscité un largeconsensus. Cependant, les résidants dusecteur ont souhaité des réponses à leursbesoins actuels, en particulier quant à ladisponibilité de logements sociaux et com -munautaires, de stationnements exté rieurs àprix modique et d’une offre commercialeadaptée à leur réalité socioéconomique.

L’Arrondissement s’est assuré que les nou -veaux projets dans le « Triangle » répon dentà ces attentes. L’arrondissement exigenotamment de la part des promoteursimmobiliers une contribution d’au moins15 % logements sociaux pour tous les sitesde plus de 200 logements, comme le pré voitla Stratégie montréalaise d’inclusion delogements abordables - et jusqu’à 25 % dansles cas ou les projets d’inclusion se font àl’extérieur du périmètre du Triangle.L’arrondissement va même au-delà desexigences de cette stratégie en demandantque les développeurs de sites de moins de200 logements apportent une contri bu tionfinancière à un fonds de développement delogement social.

Un concours pour un lien vert

L’arrondissement a organisé en 2011 unconcours de design pour réaménager ledomaine public. « Le but du concours,explique l’urbaniste Nicolas Lavoie, était

La proposition de Catalyse Urbaine architecture et paysages a remporte le concours de design urbainpour le Triangle Namur—Jean-Talon Ouest. L’idée maîtresse de la proposition retenue est d’aménagerun parc fédérateur au cœur du quartier, qui encouragera les échanges sociaux et créera une identitéforte pour le quartier.

CATALYSE URBAINE ARCHITECTURE ET PAYSAGES

20

DO

SSIE

RProjet Côté Ouest de la SHDM

dans le triangle.

SHD

M /

DEN

IS F

ARL

EY P

HO

TOG

RAPH

E

Page 21: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Vision projetée pour le Triangle Namur-Jean-Talon

d’aménager les empri -ses routières du cœur duquartier en espaces publicscollectifs de qualité, dont lesattributs concourraient à favoriserles échanges sociaux dans un milieude grande mixité socio culturelle, àencou rager l’appropriation des lieux crééset à forger une nouvelle identité pour lesecteur. »

La firme Catalyse Urbaine architecture etpaysages a été choisie comme lauréate de ceconcours. Sa proposition de créer un parcfédérateur à l’intersection des rues Buchan etParé et de l’Avenue Victoria, de créer dessquares plantés à même les emprises des ruesParé et Buchan, d’iden tifier clairement lespassages piétonniers sur l’avenue MountainSights et de permettre certaines construc -tions dans la partie nord du parc de laSavane, a retenu la faveur du jury, présidépar l’éminent urbaniste Ken Greenberg.

Par ailleurs, l’arrondissement a négocié avecles promoteurs des passages piéton niers quitraversent les lots. Ces propriétés privéesfont l’objet de servitudes de passage. Elless’inscrivent dans l’objectif de faciliter lacirculation piétonne, en particulier entre lacoulée verte et la station de métro Namur.

Une densité inclusive

En matière d’encadrement réglementaire,l’arrondissement a privilégié l’adoptiond’un Plan directeur. Celui-ci présente uncontenu similaire à celui d’un PPU, sanstoutefois exiger l’adoption d’un règlementde concor dance. Les projets qui déroge -raient à la réglementation seront traités parla méca nique de projet particulier. C’estdire que les projets dérogatoires serontétudiés au cas par cas, avec une possibilitéde processus réfé ren daire. Le choix de cetoutil établit un rapport de force entrel’arrondissement et les promo teurs, quifacilite la négociation relative aux exigencesen matière de logements sociaux et dequalité architec turale.

À terme, la densification du Triangle setraduira par une augmentation des espacesverts, une diversité de fonction compre -nant 125 000 m2 de commerce et plus de160 000 m2 de bureaux, en plus desloge ments déjà mentionnés, pour unevaleur foncière qui atteindra un montantestimé à 1,2 milliard de dollars, contre80 millions de dollars avant 2005.

Écoquartier ou AATC, même combat

En termes de définition et d’approchesgénérales, les écoquartiers comme lesAATC ont beaucoup de similitudes. Dansles deux cas, la densité est présentéecomme un vecteur de développementdurable, qui laisse espérer une réductionde la dépen dance automobile et del’empreinte écolo gique. Dans les deux

Qu’est-ce qu’un AATCOn attribue généralement à Peter Calthorpe, un des fondateurs du Congrès pourun nouvel urbanisme, l’expression Transit-oriented development ou TOD, qui setraduit en français par « aménagement axé sur le transport en commun » (AATC).Selon M. Calthorpe, ce concept décrit :

« …des logements de densité modérée et élevée ainsi que des utilisationspubliques, des emplois, des commerces de détail et des services com plé men -taires… concentrés dans des quartiers à vocations mixtes situés à des pointsstratégiques le long des réseaux de transport en commun régionaux ». (Tra duc -tion libre d’un extrait de P. Calthorpe, The Next American Metropolis, 1993).

Ces ensembles immobiliers se réalisent dans un rayon de 800 m - une dizainede minutes à pied - d’une station de transport en commun. Il peut s’agir d’unarrêt d’autobus, d’une station de train ou de métro, ou même d’un débarcadèrede bateau-bus.

Les Transit-oriented development font opposition au Car Oriented Development(COD) où la planification des quartiers et des villes est faite en fonction del’automobile. L’ampleur des aménagements peut varier, mais tous les AATCmettent l’accent sur la densité, la diversité des fonctions et le transport actif.

URBANITÉ HIVER2012

21

DO

SSIE

R

ARRONDISSEMENT DE CÔTE-DES-NEIGES—NOTRE-DAM

E-DE-GRÂCE / BRIÈRE, GILBERT + ASSOCIÉS ARCHITECTES.

Page 22: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Répartition des usages dans le Triangle Namur-Jean-Talon

URBANITÉ HIVER2012D

OSS

IER

ARRONDISSEMENT DE CÔTE-DES-NEIGES—NOTRE-DAM

E-DE-GRÂCE / BRIÈRE, GILBERT + ASSOCIÉS ARCHITECTES.

cas, la densité est nécessai rementaccompagnée d’une diversi fication desfonctions. Et dans les deux cas, l’accent estmis sur l’aménagement du domaine publicpour favoriser les trans ports actifs.

Il est intéressant de constater que lesdeux exemples présentés, celui de laPointe-D’Estimauville et celui du TriangleNamur – Jean-Talon, ont recours à unréamé na ge ment majeur du domainepublic pour créer une image de marquepour le nouveau quartier.

Les distinctions apparaissent en matière dedéveloppement durable et de mise enœuvre. Dans l’écoquartier de la Pointe-D’Estimauville, l’accent est mis sur ladimension écologique du développementdurable, avec la récupération des eaux depluie et des projets de chauffage urbain et degestion intégrée des déchets. Dans leTriangle Namur – Jean-Talon, c’est ladimension sociale du développement urbainqui émerge avec le souci de répondre auxbesoins des résidants actuels et l’accent surl’inclusion de logements sociaux.

La démarche de mise en œuvre diffèreaussi : contrôle foncier presque completdans le cas de l’écoquartier de la Pointe-D’Estimauville, approche réglementaireencadrant les déve loppements privés pourle Triangle. On peut y voir que ladensification peut se réaliser de plus d’unefaçon. Il sera intéressant de comparer lesrésultats des deux approches dans quelquesannées, lorsque les deux projets auront étécomplétés. ■

Page 23: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

23

Le vieillissement de la population

Une réponse toute naturelleà l’étalement urbain Daniel Gill

De la même manière que la banlieue etl’habitat pavillonnaire répondaient parfai -tement aux besoins de la famille nucléairepostindustrielle, de nouveaux modèles plusdenses émergent pour répondre auxexigences de nouveaux modes d’habiter demoins en moins familiaux. Et si ladensification des territoires constitue uneréponse aux problèmes environnementauxet à l’étalement urbain, elle semble prendreassise, non pas sur des comportements plusécologiques des jeunes ménages, maisplutôt sur une demande accrue de la partdes ménages vieillissants pour des formulesplus denses mieux adaptées à leurs besoins.

Une analyse de la mobilité des individusentre 2001 et 20061, démontre bien lerapport intime qui existe entre le vieillis -sement de la population, donc des modesde vies, et les modes d’habiter. L’attraitpour la propriété individuelle demeure

l’apanage des jeunes ménages en âged’avoir des enfants, alors que la demandepour des appartements en immeublecollectif s’accentue avec l’âge.

La demande en loge ment est fortementcorrélée avec l’âge des individus. Les plusjeunes, principalement en âge d’élever unefamille, continuent de privilégier, toutcomme l’ont fait leurs parents, la maisonunifamiliale. Les personnes âgées de 30 à44 ans en 2006 qui n’occupaient pas lemême logement en 2001, ont déménagédans près de deux cas sur trois dans unemaison individuelle. Cet attrait pour lamaison unifamiliale est encore plus grandchez les propriétaires de cette cohorte qui àplus de 85 % ont choisi la maisonunifamiliale. Cependant, force est deconstater que la situation tend à serenverser avec l’âge.

Conséquence du vieillissement des baby-boomers, le Québec connaîtra au cours desprochaines décennies de profonds changements démographiques entraînant au passageune modification importante de la structure domestique des ménages. Le modèle familialtraditionnel s’estompe au profit de nouveaux modes de vie et d’habiter où la présenced’enfants se fait de plus en plus rare. Les modes d’habiter étant intimement liés auxmodes de vie, se pourrait-il que le vieillissement de la population soit la solution toutenaturelle aux problèmes d’étalement urbain ?

1 Cette analyse s’inscrit dans le cadre d’une recherche menée par l’auteur intitulée « Les effets probables du vieillissement de la population sur le marché de l’habitation : étudeprospective » et financée par la SCHL.

DO

SSIE

R

...c’est à l’appro chede la cinquantaineque l’attrait

pour les formulesplus denses se fait

de plus en plus sentir.

SVLU

MA /

SH

UTT

ERST

OCK.C

OM

Page 24: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER

24

DO

SSIE

R

En effet, bien que la mobilité résidentielletende à diminuer avec l’âge, c’est à l’appro -che de la cinquantaine que l’attrait pour lesformules plus denses se fait de plus en plussentir. Passé 45 ans, l’achat d’une maisonindividuelle de la part des personnes pre -nant un nouveau logement ne cesse dedécroitre au profit de formules plus denses.Cette mobilité engendrée par la modifi ca -tion de la structure domestique – départ dudernier enfant ou perte du conjoint chez lesplus vieux – prend différentes formesencore là fortement en lien avec l’âge desindividus.

À partir de 50 ans, moins d’une personnesur deux ayant déménagé l’a fait en tantque propriétaire d’une maison unifamiliale.Ce taux va atteindre uniquement une per -sonne sur cinq chez les 75-79 ans. Chez lesplus âgés, bien que le taux se maintienne, ilse pourrait qu’une grande partie de cespersonnes ayant déménagé soit le fait deparents retournant chez leur enfant.Jusqu’à l’âge de 70 ans, la demande pour lacopropriété est continuellement en hausse.Reflet d’un certain niveau de richesse quis’accroit avec l’âge, on remarquera que lademande pour la formule en béton de plusde cinq étages plus dispendieuse ne cesse deprogresser jusqu’à l’aube des 80 ans. Touteproportion gardée, les personnes âgéesentre 65 et 74 ans sont pratiquement septà huit fois plus nombreuses que les moinsde 40 ans à avoir déménagé dans unecopropriété située dans un immeuble decinq étages et plus.

Le vieillissement se traduit également parune modification du mode de tenure quis’observe principalement chez les plusâgées. Si la demande pour le logementlocatif semble se stabiliser autour de 30 %

entre 35 et 60 ans, elle explose une foispassé le cap des 70 ans, alors que plus d’unepersonne sur deux ayant déménagé entre2001 et 2006 l’a fait dans un immeublelocatif. Les formules les plus densesdeviennent le choix privilégié des plusvieux qui, dans près d’un cas sur trois passé85 ans, ont choisi un logement locatifdans une tour bétonnée s’apparentant aux« résidences pour personnes âgées ».

Comme nous pouvons le constater, lesmodes d’habiter sont intimement liés àl’âge des individus et les changements quenous sommes à même de constater danscertaines banlieues, où déjà la présence decopropriétés se fait de plus en plus sentir,n’est que le signe précurseur d’unetendance de fond qui devrait souffler surl’ensemble du Québec, et ce, de façonfoudroyante.

Entre 2006 et 2031, le nombre de ménagesdont le soutien est âgé de 50 ans et plusaugmentera d’environ 900 000, alors que le

nombre des moins de 50 ans déclinera deprès de 60 000 (graphique 1). Inévita ble -ment, la demande pour des formules plusdenses en copropriété ou en mode locatif nefera qu’exploser, alors que la demande pourles maisons individuelles risque au mieuxde se maintenir, obligeant du coup à redé -finir complètement le devenir des villes.

Les enjeux environnementaux et démo gra -phiques sembleraient donc aller de pair. Etcontrairement à ce qui aurait pu être pensé,la réponse à ce double enjeu proviendranon pas des plus jeunes cohortes chez quiles comportements écologiques semblentles mieux ancrés, mais bien des baby-boomers qui, sans contrainte, migreront aucours des 40 prochaines années vers desformules résidentielles plus denses mieuxadaptées à leur nouveau mode de vie. ■

Daniel Gill est professeur agrégé à l’Institutd’urbanisme de l’Université de Montréal etchercheur à l’Observatoire SITQ du développementurbain et immobilier.

groupeibidaa.com 514 954 5300

Bois-Franc, Montréal Place du Carillon, Laval

District Griffin, Montréal Rivière Saint-Charles, Québec

AMÉNAGEMENT DURABLE DU TERRITOIREARCHITECTURE DE PAYSAGEDESIGN URBAINDÉVELOPPEMENT IMMOBILIERENVIRONNEMENTPLANIFICATION DU TERRITOIREPLANIFICATION STRATÉGIQUETOURISMEURBANISME ET RÉGLEMENTATION

Page 25: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER

25

DO

SSIE

R

Vivre en Ville prône depuis des annéesl'application des principes du dévelop -pement durable dans l'urbanisme.Quelle place joue la densité dans cettemission?

Évidemment, la densité occupe une placecentrale dans l’aménagement durable duterritoire, parce qu’elle apporte une foule debénéfices collectifs tant aux plans écono -mique, environnemental que social. En fait,la densité est non seulement une plus-value,mais elle est devenue une nécessité.

Pour une municipalité, c’est un choix tout àfait rationnel, voire de « gros bon sens »,lorsqu’on pense aux économies d’échellequ’apporte la densité. Ainsi, lorsque sur unemême superficie de terrain, on construit sixmaisons en rangées versus un bungalow, il yaura six fois plus de ménages desservis par lemême aqueduc, la même rue, le mêmeservice de déneigement, etc. La municipalitépeut alors multiplier les revenus de taxes etsurtout éviter les dépenses pour des infra -structures supplémentaires qu’engendreraitla dispersion des habitations et desactivités sur le territoire.

Existe-t-il un ratio idéal de densité?

Vivre en Ville prône une approche qui va au-delà du simple ratio « nombre de loge mentspar hectare ». Je préfère d’ailleurs au terme de« densité » celui de « compacité » ou bien leconcept « d’intensité des activités » quitraduisent mieux le fait que ce qui compte,c’est d’éviter de parsemer le développementsur tout le territoire disponible et plutôt deconcentrer les fonctions urbaines. Avec desmilieux de vie compacts, autant à l’échelle del’agglomération, de la ville qu’à celle duquartier, on utilise moins d’espace, ce quipermet d’éviter un gâchis environnementalincroyable – les conséquences de l’étalementurbain sur le territoire agricole et les milieuxnaturels sont désormais bien connues etdéplorées –, mais aussi de préserver, au seindes milieux bâtis, des espaces publics et desespaces verts.

Dans notre contexte de dépendance à l’auto,un des aspects les plus importants de lacompacité, c’est qu’elle est une conditionincontournable à l’essor d’une mobilité plusdurable. Seuls des développements com -pacts peuvent assurer un mode de vie qui nesoit pas dépendant de l’automobile. Leprincipe est assez simple : la densité facilitel’atteinte d’une masse critique de résidants,permettant notamment de mettre en placeun bon service de transport collectif ouencore de faciliter la présence de commerceset de services de proximité.

Pour aller un peu plus loin, la compaciténous permet de sortir de la notion detransport, de déplacement ou de mobilitépour nous permettre de parler d’acces -sibilité. La compacité nous donne « accès » àplus et plus facilement aux biens et servicesde notre quotidien. Avoir une panoplied’activités à portée de main, cela donneénormément de valeur à un milieu.

Depuis plus de 15 ans, Vivre en Ville mise sur le développement urbain viable. Ce groupede réflexion et d’influence place la formation et la sensibilisation au développementdurable au cœur de son action. Pour tenter d’évaluer la progression de la notion dedensité dans le quotidien des municipalités, des développeurs et des citoyens,Urbanité a recueilli les propos de son directeur général, monsieur Christian Savard.

Vivre en villeEntrevue avec Christian Savard

Édifice The Rise, en périphérie de VancouverLe complexe comprend des commerces, dont un supermarché, au rez-de-chaussée. 92 logements ont été construits sur le toit.G

ROSV

ENO

R AM

ERIC

AS

Propos recueillis par Paul Arsenaultet François Goulet, urbanistes

Page 26: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER

26

DO

SSIE

R

Et puis les interactions sociales sonttellement facilitées! En fait, je dirais que c’estsurtout pour une question de qualité de vieque je perçois la compacité comme unélément essentiel au développement decollectivités viables.

Au cours de ces années, avez-vousconstaté une évolution des pensées etdes pratiques concernant la densité?

Oui, clairement. Le message disant qu’onne peut plus continuer à développercomme avant, avec des niveaux de densitétrès faibles, passe de mieux en mieux. Lesgens comprennent que les enjeux sontmajeurs et on sent l’évolution des penséesde la part de plusieurs intervenants. Lesprojets de PMAD, où l’on préconise ladensification des milieux de vie, en sontdes exemples très forts.

De manière générale, il faut admettre que lespromoteurs réalisent de plus en plus dedéveloppements de densité élevée, c’est unetendance du marché... et c’est payant!

Par contre, au Québec, la densité que l’ontente de créer n’est pas toujours convivialeou de qualité. L’insertion des projets dansleur quartier est parfois problématique. Jetrouve particulièrement inquiétante latendance à faire des immeubles de typemultiplex de style « walk up » de façonsystématique. Le plus frappant, c’est quel’on continue de faire des développementsmonofonctionnels et dépendants del’auto mobile, par surcroît localisés enbordure d’une autoroute ou d’une artèreimportante et en y aménageant d’im men -ses stationne ments.

Chose certaine, ce que l’on constate pour lemoment, c’est qu’il y a un manque de projetsintéressants pour les familles. Il y a un besoinpour une gamme d’habitation comprenantdes maisons en rangées, des duplex, destriplex; mais toujours peu d’offre pourl‘instant. Nous le répétons sans cesse : il vafalloir sortir de la dualité « maison unifa mi -

liale isolée ou condominium dans unimmeuble à logements ». Il existe unetroisième voie entre ces deux cas de figure,on est capables d’être plus créatifs!

Avez-vous des exemples de cetteévolution, au niveau des pratiques enparticulier?

Un exemple intéressant est le TechnopôleAngus, à Montréal, un projet qui a suintégrer des bâtiments existants et qui offredifférents types d’habitations. Dans larégion de la métropole il y a aussi leFaubourg Boisbriand. La partie rési den -tielle du projet pourrait être un bonexemple d’évolution des pratiques, si cen’était de la section commerciale compre -nant un « power center », typiquement axésur l’automobile. On s’est malheureu se -ment attardé à la seule densité résiden -tielle, mais pour ce qui est de la compacitéet de la convivialité globale du projet,disons qu’il reste quelques longueurs àfranchir.Du côté de l’agglomération de Québec, ilse passe beaucoup de choses sur le plateaude Sainte-Foy. Il y a une forte demandepour ce secteur et on assiste à un début dedensification de la banlieue, avec desbungalows qui sont graduellement rem -placés par des maisons en rangée. Il y a de

vrais exemples de reconstruction de la villesur la ville. C’est à suivre pour comprendrece qui fait en sorte que cela fonctionne!

Il y a également un tout nouveau phéno -

mène de forte densité qu’on voit apparaîtredans les villes moyennes du Québec : lesgrands complexes résidentiels pour per -sonnes âgées. On peut en voir àDrummondville, Rimouski et même àSaint-Raymond-de-Portneuf. Actuelle -ment, je ne sais pas trop quoi penser de cesexemples. Ils sont souvent bien posi -tionnés dans la ville, près du centre, maisils apparaissent parfois « hors-échelle ». Jesuis curieux de voir comment vont évoluerces complexes à travers le temps.

Un des exemples les plus éloquents del’évolution des pratiques en matière dedensité est sans aucun doute le cas de la villede Vancouver. La charte de l’éco-densité(voir l’article de Joël Thibert dans le numérod’automne 2008 d’Urbanité), qui exigel’intégration de basilaires à échelle humaine,a engendré des construc tions vraimentintéressantes, des modèles inspirants pournos grandes villes. Je suis particulièrementimpressionné par le projet The Rise, enbanlieue de première couronne. Au Québec,il y a énormément de terrains qui pourraientêtre consolidés de cette façon. (Photo TheRise en page précédente)

Les consultations viennent de seterminer sur le PMAD de Québec etcelui de Montréal. Les documentspro posaient certains objectifs dedensi fi ca tion, que pensez-vous de cesobjectifs et des réactions que cela asuscités?

On reconnaît que dans les deux cas, lescommunautés métropolitaines exigent desmunicipalités des efforts supplémentairesen ce qui a trait aux seuils de densité.

Projet Condos MontreuilCe projet vise la densification douced’une banlieue de première couronne de Québec

JACQUES MARTIN

« Le rôle que Vivre en Ville s’est donnéest de stimuler l’innovation et de contribuer

à l’essor de meilleures pratiques. »

Page 27: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Pour la Communauté métropolitaine deMontréal, cela s’articule autour des TODet pour celle de Québec, autour des pôleset des axes structurants identifiés. La ma jo -rité des objectifs sont très intéressants. Parcontre, nous avons recommandé dans nosdeux mémoires d’augmenter globalementle niveau des exigences.

Pour nous, si on veut véritablement parlerd’aménagement durable, de nouveauxprojets résidentiels ne devraient pas avoirune densité inférieure à 40 logements parhectare. C’est un minimum pour assurerun bon service de transport en commun etdiminuer la dépendance à l’automobile. Ilfaut s’assurer que la majorité des dépla ce -ments puissent s’effectuer en transportcollectif ou en transport actif. Si oncontinue de faire des projets domiciliairesaxés sur l’automobile, on ne peut pasparler de durabilité et de renversement destendances.

Lors des consultations sur le PMAD deQuébec, vous avez proposé l’amen de -ment 0-15-20. De quoi s'agit-il?

Dans le cas du projet de PMAD de laCommunauté métropolitaine de Québec,la mécanique de planification proposée esttrès intéressante et nous avons appuyé sonapproche.

Par contre, si la mécanique est bonne etingénieuse, les critères à atteindre ne sontsouvent pas assez exigeants et viennentaffaiblir les efforts de planification. Ainsi,

Vivre en Ville a proposé trois nombres clésrelatifs à la consommation d’espace, à lamobilité durable et à la consolidation duterritoire, composant l’Amendement 0 –15 – 20 : zéro pour « aucune expansion dupérimètre d’urbanisation », 15 pour unedesserte de transport collectif aux 15minutes sur les axes structurants, et 20pour bonifier partout les densitésminimales d’environ 20 logements parhectare. La CMQ veut concentrer 60 %du développement dans les pôles et autourdes axes structurants, ce qui est excellent,mais qui n’aura les effets escomptés qu’à lacondition que la densité minimale exigée ysoit suffisante pour soutenir la mobilitédurable et rationnaliser les investissementspublics. C’est pourquoi Vivre en Villerecommande à la CMQ d’augmenter lesseuils de densité minimale.

Nous sommes extrêmement satisfaits devoir que les autorités métropolitainestentent, à travers les projets de PMAD,d’insuffler l’élan qu’il faut dans l’incon -tournable chantier de l’augmentation desniveaux de densité.

Évidemment, il reste quelques coups debarre à donner pour s’assurer de niveauxsuffisants de densité et pour faire en sorteque ces objectifs de densité se traduisentpar l’émergence de milieux de vie com -pacts, verts et complets. Mais globalement,je suis confiant que dans ce domaineprécis, le Québec est dans la bonnedirection. ■

Quartier Bo01, Malmö, SuèdeUn quartier très dense comprenant une forte proportion de maisons unifamiliales. Un seuil de densitébrute de 67 log./ha est atteint notamment grâce au faible espace occupé par les infrastructures routières.

VIVRE EN VILLE

27

DO

SSIE

R

1 888 GROUPES

lapersonnelle.com/ouq

UN GRAND

PRIX DE

30 000$

Demandez une soumission

d’assurance auto,

habitation ou entreprise

pour courir la chance de

QUATRE PRIX DE5 000$

UN GRAND

PRIX DEPRIX DE

30 000UN GRAND

30 000$PRIX DE$

30 000

$

TRE PRIX DEQUA

PRIX DE5 000

TRE

5 000PRIX DE

$

Demandez une soumission

oance autd’assurd’assurance aut

Demandez une soumission

Page 28: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

28

DO

SSIE

R

Que ce soit pour profiter au maximum desavantages comparatifs d’un terrain, pourcompenser pour l’obligation de fournir dulogement social ou abordable ou à cause dela nécessité de conserver des immeublesjugés patrimoniaux, la densification apparaîtgénéralement souhaitable du point de vuedes promoteurs immobiliers. Au-delà de larentabilité économique, le discours environ -nemental est aussi prodensité, cette der nièrepermettant un usage plus rationnel desressources. Les développeurs ont d’ailleursvite compris la force de l’argument dudéveloppement durable, l’utilisant pourjustifier des hauteurs et des densités supé -rieures à ce que les règlements d’urba nismeprescrivent.

Les projets de densification sont loin de fairel’unanimité, comme en témoignent lesconsultations publiques menées par l’Officede consultation publique de Montréal

(OCPM) sur des projets de dérogation auxhauteurs et densités prescrites par le Pland’urbanisme :

« Les hauteurs et les gabarits des nou -veaux édifices sont souvent perçus parles gens comme une atteinte au paysageurbain s’ils diffèrent trop du bâtienvironnant. On note une nette préfé -rence pour les ensembles bâtis quis’insèrent harmonieusement dansl’existant plutôt que pour ceux quis’inscrivent en rupture avec lui. La perted’ensoleillement et d’intimité, l’effetd’écrasement et parfois de bar rièreressenti à partir du sol, la crainte d’uneaugmentation signifi ca tive de la circu -la tion automobile associée à l’arrivéed’un grand nombre de nouveauxarrivants font partie des impacts néga -tifs également argués en faveur d’unabaissement du nombre d’étages. »1

À la lumière des arguments invoqués parl’OCPM, on constate qu’il est difficiled’implanter des immeubles élevés ailleursque là où ils prédominent déjà. L’expériencedémontre toutefois que, si les tours sontrarement appréciées par les voisins, unecertaine densification peut être acceptable siles nouveaux immeubles manifestent unesensibilité à leur milieu. Le premier facteurest la contribution à la définition spatiale dela rue, fondée sur une continuité horizontaleet verticale. Le respect de l’échelle humaine,tout aussi important, dépend d’un rapportapproprié entre la hauteur (H) des façades etla largeur (L) des rues, des places ou descours. Paradoxalement, alors que les guidesde design urbain insistent sur lesproportions minimales nécessaires pourdéfinir l’espace (1 H : 2,5 L), ils font peuétat du rapport maximal requis pour éviterun sentiment d’oppression. Si on considèreque la relation 1 H = 0,3 L est acceptable,d’autres facteurs semblent au moins aussidéterminants. Ainsi, la rue dominée par lahauteur doit être relativement courte et lesconditions d’ensoleillement et de vent y êtrefavorables2. Offrir une expérience agréableau piéton sur une rue bordée de toursconstitue ainsi un défi de taille. (figure 1) Ily a par ailleurs des circonstances propices àdes immeubles phare, en particulier lorsqueceux-ci font face à une grande place, un parcou une esplanade.

Largement utilisée pour encadrer la forme urbaine etl’intensité du développement, la notion de densité deconstruction ne permet toutefois pas de mesurer oud’assurer la qualité d’un milieu. Et si on peut densifier dediverses manières en variant la hauteur et le tauxd’implantation – comme les articles précédentspermettent de le constater -, ces méthodes ne suffisentpas à rendre la densité souhaitable, ni même acceptable.D’autres ingrédients, dont le design architectural et urbain,la présence d’espaces verts et publics et la mixité desusages, influencent la qualité globale du milieu, considéréetant à partir de la logique formelle de ce dernier que parrapport à la qualité de l’expérience humaine. J’aborderaiainsi la problématique de la densité en intégrant ces deuxpoints de vue complémentaires et dans une perspectivede design urbain.

La densité acceptable,une question de design Marie Lessard, urbaniste émérite

1 Office de consultation publique de Montréal (2010). S’approprier la ville – Les cahiers de l’OCPM, volume 2, no 2. Montréal : p.172 Voir notamment Jacobs, A. Great Streets. London : MIT Press, 1993, p. 277-279

FIGURE 1 – L’avenue Montaigne, à Paris, une rueremarquable selon le designer urbain américainAllan Jacobs (auteur de Great Streets, 1993), offreun rapport hauteur – largeur de 1 : 0,6

Page 29: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Les enjeux climatiques soulevés par l’inser -tion d’immeubles en hauteur sont d’autantplus importants que nous vivons dans unpays de contrastes. Si les arbres peuventoffrir de l’ombre en été, de bonnes condi -tions d’ensoleillement sont nécessaires unebonne partie de l’année, tant à l’extérieurqu’à l’intérieur, surtout s’il s’agit de loge -ments et si ceux-ci ne sont éclairés que d’uncôté. L’orientation des immeubles combinéeà la distance entre les façades devient ainsiun enjeu majeur. La visua li sa tion desombres portées, en particulier au solsticed’hiver, doit donc être intégrée au processusde design.

Le respect du tissu construit ne se limitetoutefois pas à la hauteur. La géométriegénérale, les matériaux, les couleurs et lesprincipales lignes du nouvel édifice ycontribuent, de même que la nature de sarelation à la rue. La transparence du rez-de-chaussée et un certain rythme verticalpermettent de créer une échelle humaine enplus d’offrir une complexité visuelle sti mu -lante (figure 2). Par ailleurs, souvent invo -qué pour créer un effet d’échelle, le« basilaire » (structure horizontale de faiblehauteur surmontée de tours implantées avecun certain recul) n’a pas nécessairement lesrésultats heureux escomptés, en particulier si

sa profondeur est étroite et s’il présente unefaçade longue et opaque.

L’intérêt patrimonial des immeubles exis -tants est un facteur critique, notammentlorsque ceux-ci font partie du terrain àdévelopper. D’une part, la densité permet deconserver des éléments patrimoniaux, maisd’autre part, elle peut mettre en danger leurmise en valeur. Une des stratégies utiliséesest le façadisme qui consiste à conserver lafaçade avant (ou le clocher !), parfois mêmesans arrimer les nouveaux usages aux vestigesconservés. Bien qu’une telle interventionmanifeste un attachement au paysageancien, elle réussit rarement à mettre lepatrimoine en valeur tout en handicapant leplus souvent l’environnement créé. Lefaçadisme n’est pas nécessairement toujoursà rejeter mais la façade conservée doit êtrepartie prenante du processus de design del’ensemble et non consi dérée comme un malnécessaire plaqué devant l’œuvre architec -turale. Dans tous les cas, il est nettementpréférable de cons truire à partir de laconservation de l’im meuble et non de laseule façade ou de modu ler le nouvel en -semble à partir des gabarits exis tants, enéloignant le plus possible les fortes hauteurs(figures 3 et 4).

Un enjeu de densification parti cu lièrementcomplexe est le station nement hors rue. Enattendant la révolution des modes collectifset actifs, la densité entraîne à la fois desbesoins plus grands en station nement etmoins d’espace pour les accom moder. Lestationnement extérieur devient difficile,voire impossible, à amé nager sans nuire à laqualité et à la sécurité du parcours piéton. Lestation ne ment intérieur n’est pas plus facileà intégrer. En témoignent les larges entréessur rue menant aux espaces collectifs ensous-sol de même que le défilé des garagesen façade des immeubles étroits en rangée. Ilest néanmoins possible d’en améliorer larelation à l’espace public, notamment enplaçant les accès sur les façades latérales. Laruelle, remise à l’honneur par le Nouvelurbanisme (par exemple à Kentlands,Maryland), permet de concentrer les accès àl’arrière. Toutefois, il faudra mieuxdocumenter les avantages et les conditionsrequises pour que les promo teurs et lesmunicipalités la considèrent comme unevéritable option3.

Enfin, au-delà des caractéristiques du cadrebâti, la présence d’espaces publics et lamixité des usages figurent parmi lesingrédients indispensables pour l’accep ta -bilité d’un quartier dense, en particulier

3 Il est intéressant, à cet égard, de constater la réappropriation des ruelles par les résidents dans les quartiers urbains, montréalais notamment. 4 Voir notamment l’étude du Groupe Cardinal Hardy, Habitations urbaines pour ménages avec enfants - Exploration sur les typologies et les critères architecturaux. Montréal, pour le Service

de la mise en valeur du territoire et du patrimoine, Ville de Montréal, 2006 et, Leloup, X et I. Séraphin. Étude post occupation de projets résidentiels pour familles en milieu urbain dense.Montréal : INRS, Centre urbanisation, culture et société, pour la Direction de l’habitation de la Ville de Montréal, Ville de Montréal, 2009

FIGURE 3 – La tour résidentielle construite à l’arrière de la rangée de maisonsvictoriennes, rue Sherbrooke à Montréal, a contribué à leur mise en valeur.

FIGURE 2 – Tout en transparence, l’immeuble du centre CDP Capital,dans le Quartier international à Montréal, offre une continuité visuelleavec la place Jean-Paul Riopelle qu’il encadre du côté ouest.

M. LESSARD M. LESSARD

URBANITÉ HIVER2012

29

DO

SSIE

R

Page 30: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

pour les familles4. Tel que le démontrentéloquemment plusieurs nouveaux quartiersurbains, notamment dans les pays scandi -naves, l’Allemagne et les Pays-Bas, lesespaces collectifs et les espaces verts viennentcompenser le manque d’espaces extérieursprivés associé à la forte densité. Ces modèlesnon seulement multiplient les espacespublics dans les quartiers denses, mais aussiadaptent les formes urbaines pour y inscrirede généreux espaces privés, comme les larges

cours intérieures pro po -sées dans les Bassinsdu nouveau havre àMontréal (figure 5).

La mixité des usages,aujourd’hui largementinvoquée comme garanted’une vie urbaine équili -brée et vibrante, est unenjeu complexe. D’unepart, la proximité desdestinations qu’un milieudiversifié entraîne a unimpact apprécié sur letemps et le coût desdéplacements5. Sans unetelle proximité, qui va de

pair avec une utilisation accrue des modes detransport actif, la densité a beaucoup moinsd’intérêt. D’autre part, bien qu’elle soitappréciée lorsqu’il y a déjà une tradition demixité dans un quartier (à la condition quece dernier conserve une certaine stabilitépopulationnelle), la cohabitation des usagesest souvent décriée. Dans la tradition fonc -tionnaliste nord-américaine, que perpétuentles fréquentes manifes ta tions « pas dans macour », les usages générant des mouvements

et du bruit sont en effet moins facilementtolérés dans des environnements à forteprédominance résidentielle. Le design peuttoutefois réduire les frictions entre l’usagerésidentiel et les autres fonctions de la vieurbaine. Il faut donc innover, créer desinterfaces et générer des mécanismesréduisant les impacts sonores, lumineux,odorants et autres associés à la diversité.

En somme, la densité peut être compatibleavec le respect du milieu existant et la qualitéde l’expérience humaine. Mais il faut que lesgens apprécient le mode de vie que celle-ciimplique, qu’ils soient convaincus qu’elleleur procure une meilleure qualité de vie àdes coûts comparables. La qualité du designdevient ainsi incontournable ! ■

Marie Lessard est urbaniste émérite, professeuretitulaire à l’Institut d’urbanisme de l’Université deMontréal. Elle est également, depuis septembre 2007,présidente du Conseil du patrimoine de Montréal,instance consultative de la Ville en matière de patri -moine. Elle a une longue expérience de l’évaluationde projets d’architecture et d’urbanisme, notammentà titre de vice-présidente de la commission Jacques-Viger de la ville de Montréal (1992-2001) et demembre du comité d’architecture et d’urbanisme dela Ville de Montréal (depuis 2006).

5 Voir Boarnet, M. G. et R. Crane. Travel by design : the influence of urban form on travel. Oxford ; Toronto : Oxford University Press. 2001. Ewing, R. et Cervero, R.. « Travel and the builtenvironment A synthesis ». Transportation Research Record, 1780, 87-114, 2001

FIGURE 4 – La façade de verre du « Nouvel Europa », à Montréal,met en valeur l’ancienne gare.

M. LESSARD

URBANITÉ HIVER2012

30

DO

SSIE

R

FIGURE 5 – Les Bassins du nouveau havre, au bord du canal de Lachine, à MontréalSource : Groupe Cardinal Hardy, L’œuf, Société immobilière du Canada, Les Bassins du Nouveau Havre,plan directeur, janvier 2009. P. 46.

Mixité et densité

Les notions de mixité des usages etd’espace public viennent brouiller leconcept de densité, tant brute quenette, et en diminuer l’utilité pourl’urbanisme. La densité brute permeten théorie de considérer la mixité et,surtout, d’inclure le domaine public,mais elle ne réussit pas à mesurerles apports de chacun. Quant à ladensité nette, elle permet certes decomparer et de réglementer, maiselle ignore un facteur important tantpour la qualité de vie qu’en termesde développement durable, soitl’intensité d’usage et la vitalité d’unquartier, largement attribuables auxusages autres que l’habitat et auxespaces publics.

...une certaine densification peut êtreacceptable si les nouveaux immeubles

manifestent une sensibilité à leur milieu.

Page 31: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Déplacements actifs, mobilité durable,modération de la circulation, partage de laroute et de la rue : autant de questions quianiment depuis quelques années les débatsdans la communauté des transports auQuébec. Les objectifs sont communs :réduire la place de l’automobile, favoriser lamarche, le vélo et le transport collectif,améliorer la sécurité de tous les usagers de laroute, revaloriser l’espace public et plusgénéralement améliorer la qualité de vie enmilieu urbain.

Pour atteindre des objectifs aussi ambitieux,les interventions doivent se situer surplusieurs plans : l’aménagement du terri -toire, la planification des déplacements, desactivités de sensibilisation pour induire deschangements de culture dans la société,l’aménagement des rues ainsi que les règlesde circulation des usagers.

Les initiatives dans ce domaine sont déjànombreuses et impliquent une diversitéd’acteurs des milieux municipal, associatif,gouvernemental, de la santé, de la recherche,etc. Par exemple, en matière de plani -fication, les municipalités régionales etlocales tiennent de plus en plus compte desenjeux de transport lors de la révision desschémas d’aménagement ou des plansd’urbanisme. Par ailleurs, plusieurs villes ontadopté ou préparent des plans de transport,des plans de mobilité durable ou des plansde déplacements urbains. L’association VéloQuébec, pour sa part, mène des activités de

sensibilisation visant à favoriser les dépla -cements actifs.

Les réflexions en cours

L’amélioration de la sécurité routière et dusentiment de sécurité de tous les usagers estun élément essentiel d’une stratégie visant àpromouvoir les déplacements actifs en ville(voir l’encadré). Des réflexions à ce sujet ontété engagées depuis quelques années auQuébec, notamment au sein de la Tablequébécoise de la sécurité routière. Ce forumd’échanges regroupe près de cinquantemembres représentant les usagers de la route,le milieu municipal, le milieu policier, lesorganismes gouvernementaux, les minis tèreset d’autres secteurs d’activités comme lemilieu universitaire et le milieu hospitalier.Son deuxième rapport de recomman da tions,publié en 2009, comprenait notam ment desmesures visant la prise en compte de tous lesusagers de la voie publique, une visionintégrée de l’aménagement et du transport,l’élaboration de normes d’amé na gement etde guides de bonnes pratiques, ainsi quel’adoption d’un cadre global de gestion deslimites de vitesse en milieu urbain1.

Les réalisations sont déjà nombreuses. Parmiles guides d’aménagement les plus récents,on retrouve des fiches techniques sur lesaménagements modérateurs de la vitessediffusées par le ministère des Transports,ainsi que le guide technique Aménagementsen faveur des piétons et des cyclistes de VéloQuébec2. Les projets pilotes de planification

de Quartiers verts, actifs et en santé, menéspar le Centre d’écologie urbaine deMontréal, ont également conduit à laréalisation de documents de référence visantà démontrer la faisabilité d’aménager desquartiers pour favoriser les transports actifs3.

Les réflexions se poursuivent et les expé -riences étrangères font l’objet d’un suiviattentif pour les alimenter. À cet égard, ladémarche française Code de la rue estparticulièrement riche d’enseignements.

La démarche Code de la rue en France

Le terme « Code de la rue » désigne unedémarche participative qui réunit de nom -breux acteurs, représentants d’associationsd’usagers, d’associations de collectivités, dumonde professionnel et des services tech ni -ques des collectivités et de l’État. Inspirée del’expérience belge, la démarche française aété lancée en avril 2006, dans le but demieux faire connaître les dispositions duCode de la route qui s’appliquent au milieuurbain, et d’explorer les pistes d’évolution dece Code. Les travaux se sont déjà concrétiséspar des modifications importantes de laréglementation et, sur le terrain, par desformes diverses d’aménagement des ruesurbaines et de cohabitation des usagers.

Les objectifs de la démarche Code de la ruerejoignent les préoccupations qui animentles débats au Québec : renforcer la sécuritédes usagers, en particulier celle des plusvulnérables, favoriser durablement des

L’aménagement physique des rues, associé à des règles de circulation adaptées, joueun rôle déterminant pour favoriser une modification des habitudes de déplacements etrendre la ville plus conviviale. La répartition de l’espace, la limite de vitesse imposée auxvéhicules et les règles de priorité entre les usagers sont autant d’éléments qui vont influencerle confort et la sécurité des déplacements piétons et cyclistes et, par conséquent, les choixen matière de type de déplacements. Plusieurs concepts de partage de la rue développésdans d’autres pays sont d’un grand intérêt; la « démarche Code de la rue » en France enfournit un excellent exemple.

La démarche Code de la rue en France

Un bon exemple de partagedes voies urbaines Catherine Berthod, urbaniste

et Benoît Hiron

1 TABLE QUÉBÉCOISE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE. Deuxième rapport de recommandations. Pour poursuivre l’amélioration du bilan routier, 2009. [En ligne] www.securite-routiere.qc.ca/Pages/Publications.aspx

2 VÉLO QUÉBEC. Aménagements en faveur des piétons et des cyclistes, guide technique. 2009.3 CENTRE D’ÉCOLOGIE URBAINE DE MONTRÉAL. Quartiers verts, actifs et en santé. Les projets pilotes. [En ligne] www.ecologieurbaine.net/projet/quartiers-verts-les-projets-pilotes

URBANITÉ HIVER2012

31

EN P

RATI

QU

E

Page 32: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

32

EN P

RATI

QU

E

solutions de rechange à l’automobile,mieux partager l’espace public entre toutesles catégories d’usagers et ainsi, « mieuxvivre la ville ».

Plusieurs thèmes de travail ont été abordésdepuis 2006, dont le principe de prudence,une nouvelle hiérarchisation de la voirie, ledouble sens cyclable, la priorité au piétonen traversée et le trottoir.

Inscrit au Code de la route de Belgiquedepuis 2003, un principe de prudence a étéintroduit dans le Code de la route françaispar le décret du 30 juillet 2008 : « Le con -ducteur doit, à tout moment, adopter uncomportement prudent et respectueuxenvers les autres usagers des voies ouvertes àla circulation. Il doit notamment faire preuved’une prudence accrue à l’égard des usagersles plus vulnérables. » Ce principe découledes recherches menées sur le risque encourupar les usagers vulnérables (voir l’encadré) etillustre le changement culturel qui est sou -haité chez les usagers. Plusieurs des autresmesures adoptées dans le cadre de ladémar che Code de la rue sont fondées sur ceprincipe.

Le décret du 30 juillet 2008 a égalementintroduit au Code de la route la zone derencontre et précisé les règles relatives à lazone 30 et à l’aire piétonne. Ainsi, en milieuurbain, les municipalités disposent d’unegamme de concepts d’aménagement qui sedistinguent par le régime de priorité desusagers, la limite de vitesse, l’accès ou nonaux véhicules motorisés, ainsi que par desaménagements et une signalisation spécifi -ques. Ces différents concepts sont l’airepiétonne, la zone de rencontre, la zone 30,les sections à 50 km/h et les sections à70 km/h. Le choix d’un concept sera basésur l’importance accordée à la vie locale lelong de la voie, et donc sur la hiérarchieroutière du réseau routier. Dans uneperspective de sécurité routière, lesprincipes de protection des usagersvulnérables interviennent également.

Le décret précise que, dans les zones derencontre et les zones 30, l’aménagementdoit être cohérent avec la limitation devitesse applicable. De plus, le double senscyclable est généralisé dans les rues à sensunique pour les véhicules motorisés àl’intérieur des zones de rencontre et deszones 30. Les textes législatifs et régle men -taires concernant l’accessibilité de la voirieet des espaces publics aux personneshandicapées s’appliquent également.

Zone de rencontre

Zone 30

Double sens cyclable

Trottoir traversant

PHOTOS : CERTU

Page 33: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

33

EN P

RATI

QU

E

5 Soit, le plus souvent, un centile 85 des vitesses supérieures à 35 km/h. Selon le Bureau suisse de prévention des accidents, il s’agit également du seuil en deçà duquel des mesuresadditionnelles de modération de la circulation ne sont pas nécessaires (BUREAU DE PRÉVENTION DES ACCIDENTS. Zones 30, brochure technique, 2008). À noter qu’en France le seuilde verbalisation dans une zone 30 est de 35 km/h, pour tenir compte des incertitudes liées à la mesure.

La zone de rencontreEntre l’aire piétonne et la zone 30, la zone derencontre est le concept qui mise le plus surla cohabitation entre les usagers. Les prin ci -pales caractéristiques prévues par la régle -mentation sont la priorité aux piétons surl’ensemble de l’espace de circulation, surtous les véhicules, la limite de vitesse de20 km/h et l’aménagement cohérent avec lalimite de vitesse. La zone de rencontrecorrespond à des espaces publics où l’onsouhaite favoriser les activités urbaines et lamixité des usages : rues résidentielles,quartiers historiques, places centrales, sortiesd’écoles, rues commerçantes, etc. L’aména -gement d’une zone de rencontre vise doncun ensemble d’objectifs, dont l’améliorationdes conditions de circulation et de sécuritédes déplacements, notamment pour lespiétons et les cyclistes, la revitalisationurbaine et la mise en valeur d’un lieustratégique du centre-ville.

En général, les dimensions des zones derencontre sont d’étendue limitée et corres -pondent à une place ou à un tronçon de rueparticulièrement animé. Les aménagementssont de qualité : revêtements de chausséedifférents, plateaux surélevés, mobilierurbain, végétaux. Compte tenu de la vitessede circulation préconisée et de l’objectif decohabitation, on n’y retrouve généralementaucun trottoir, ni passage piéton ou voiecyclable. En ce qui concerne les personnes àmobilité réduite, il faut veiller à garder descheminements piétons repérables et dégagésde tout obstacle, en privilégiant les trajets lesplus directs et simples possible.

La première zone de rencontre en France aété implantée dans la ville de Metz en 2009;une centaine d’autres se sont ajoutées depuis.

La zone 30Introduite en 1990 dans le Code de la route,la zone 30 constitue une réponse adaptéeaux objectifs d'apaisement de la circulationautomobile, d'amélioration de la sécuritéroutière et de convivialité de l’espace urbain.La réglementation prévoit que l’aména -gement doit être cohérent avec la limite devitesse de 30 km/h. L’expérience concernantla zone 30 est vaste car des zones de limite devitesse de 30 km/h sont aménagées dans denombreux pays européens depuis desdizaines d’années. Les premières inter ven -

tions visaient souvent les zones scolaires;elles se sont étendues aux rues résidentielleset aux rues sur lesquelles la vie locale estprépondérante. Les évaluations montrentdes bénéfices sur le plan des vitesses prati -quées (baisse et écrêtement des vitesses), dela réduction des accidents corporels (jusqu’à40 % sur 5 ans dans certaines villes), del’augmentation des déplacements piétons oude la qualité de vie.

Dans un nombre croissant de villes, le con -cept se généralise à l’ensemble des quartiersrésidentiels. Selon le CERTU, toute la voirielocale d’une ville a vocation à être aménagéeen zone 30, ce qui, d’après l’expérience deplusieurs villes européennes, correspond àenviron 70 % de l’ensemble du réseau. Lepartage de l’espace dans une zone 30 estgénéralement conventionnel, soit unechaussée et des trottoirs. Par contre, lespassa ges piétons ne sont pas forcémentrecom mandés, les piétons ayant la possibilitéde traverser partout. De plus, il n’est pasnécessaire d’aménager des bandes ou pistescyclables, compte tenu du faible différentielde vitesse entre les véhicules et les cyclistes.Enfin, le marquage et les feux de circulationsont à éviter.

Le décret de juillet 2008 ayant introduitl’obligation de cohérence de l’aménagementavec la limite de vitesse, un processusd’analyse est en cours pour toutes les zones30 qui étaient déjà en vigueur. Les muni ci -palités doivent déterminer si l’aménagementde leurs zones 30 répond à cette obligationet, sinon, apporter les correctifs nécessaires,et même revoir le statut de la zone.

En pratique, les villes s’en tiennent souventà des mesures peu coûteuses : installation dela signalisation obligatoire aux entrées etsorties, régime de priorité à droite auxcarrefours, réintroduction du double sens decirculation, utilisation du stationnementpour créer des chicanes et aménagement deportes d’entrée (rétrécissement de lachaussée). Cependant, si les relevés mon -trent que les vitesses pratiquées restent tropélevées5, des aménagements modérateurs dela vitesse devront être installés.

Le double sens cyclableLe décret de juillet 2008 a également géné -ralisé le double sens cyclable dans les rues àsens unique pour les véhicules motorisés à

l’intérieur des zones de rencontre et deszones 30. Les objectifs sont, d’une part, defaciliter la pratique du vélo en ville enraccourcissant les distances à parcourir et enrenforçant le maillage du réseau cyclable,d’autre part de participer à la modérationdes vitesses des véhicules motorisés.

La signalisation du double sens cyclable estobligatoire. Le marquage d’un pictogrammeVélo est également fortement recommandédans le sens contraire aux véhicules. Parailleurs, les carrefours doivent être traités defaçon à éviter l’effet de surprise pour lesusagers des voies transversales. La mise enconformité des zones 30 qui existaient avantl’entrée en vigueur du décret est en cours.Les municipalités doivent effectuer uneanalyse de sécurité et déterminer si le doublesens cyclable peut être appliqué, et sinonl’interdire sur certaines rues.

La priorité du piéton en traverséePar suite de la démarche Code de la rue, leCode de la route a été à nouveau modifié parle décret du 12 novembre 2010 pourpréciser les règles de priorité du piéton entraversée. Le Code indiquait déjà que lepiéton était prioritaire dans les airespiétonnes et les zones de rencontre, ainsi quelorsqu’il s’engage dans une traversée. Depuisnovembre 2010, une nouvelle dispositionprescrit que tout conducteur est aussi tenude céder le passage, au besoin en s’arrêtant,au piéton manifestant clairement sonintention de traverser, même si celui-ci n’estpas encore engagé sur la chaussée.

Le Code de la route précise les conditionsdans lesquelles cette disposition s’applique :si la distance, la vitesse du véhicule et la covi -sibilité entre piéton et conducteur le permet -tent, si le piéton est sur un passage piéton oùil n’y a pas de feu de circulation, ou s’il est àplus de 50 mètres d'un passage piéton (lepiéton ayant l’obligation d’utiliser un passa -ge piéton qui est situé à moins de 50 m).

Le trottoirLe décret de novembre 2010 a permis declarifier l’usage du trottoir. Ainsi, leconducteur qui franchit un trottoir, parexemple pour accéder à un bâtiment, doit yrouler à l’allure du pas et ne pas constituerun danger pour les piétons. Par ailleurs, lesvéhicules peuvent franchir un trottoir pour

Page 34: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

34

EN P

RATI

QU

E

En milieu urbain, les rues répondent à de multiples fonctions :circulation des véhicules, des piétons et des cyclistes, accès auxrésidences et aux commerces, promenade, activités culturelles,stationnement, etc. Cette complexité explique le poids du milieuurbain dans le bilan des accidents, en particulier pour les usagersvulnérables. En moyenne, on recense au Québec 76 piétons et16 cyclistes décédés par année, ainsi que 3 330 piétons et 2 290cyclistes blessés. La majorité de ces accidents surviennent enmilieu urbain (environnement résidentiel, d’affaires ou commercial) :c’est le cas de 86 % des accidents impliquant des piétons et de87 % des accidents impliquant des cyclistes6.

Parmi les facteurs qui expliquent les conditions de sécurité desusagers, la vitesse des véhicules est l’un des plus importants :chaque année au Québec, la vitesse au volant est en cause pour44 % des décès de la route, 37 % des blessés graves et 25 % desblessés légers7. Des recherches scientifiques ont démontré lesprincipes qui expliquent les liens entre vitesse et sécurité routière.L’accroissement des vitesses pratiquées augmente le risqued’accident ainsi que la gravité des blessures. Plus un conducteurroule vite, plus son champ de vision périphérique diminue et plus lesdistances d’arrêt augmentent. Les conséquences sont particu liè re -ment sévères pour les piétons et les cyclistes : ainsi, lorsque lavitesse d’impact lors d’une collision est de 30 km/h, la probabilitéde décès d’un piéton est de l’ordre de 10 %; à 50 km/h, elledépasse 75 %8.

Le comportement des conducteurs et la vitesse qu’ils choisissentsont influencés par plusieurs caractéristiques des rues et de leursabords, dont le nombre de voies, la largeur de la chaussée, la

présence de stationnement sur rue, la fréquence des accès ou ledégagement latéral. Ces caractéristiques varient grandement selonle type de rues, que ce soit une rue locale résidentielle, un boulevardcommercial à plusieurs voies de circulation ou une artère principaledesservant une mixité de fonctions.

Au Québec, la limite de vitesse en agglomération est fixée à50 km/h par le Code de la sécurité routière. Les municipalitéspeuvent toutefois modifier cette limite sur le réseau routier dontelles ont la responsabilité, ce qui est le cas de la plupart des ruesen milieu urbain, selon la procédure fixée par le Code de la sécuritéroutière. Ainsi, plusieurs municipalités réduisent la limite de vitesse

à 40 km/h dans les rues locales résidentielles et à 30 km/h dansles zones scolaires et devant les terrains de jeux.

Ces limites, pour être respectées, doivent cependant êtrecohérentes avec les caractéristiques de la rue et de ses abords.Dans les faits, la majorité des conducteurs ne respectent pas leslimites de vitesse : plus d'une personne sur deux roule à une vitessesupérieure à la limite affichée en ville10. Des relevés de vitesseeffectués sur un échantillon de rues urbaines à deux voies decirculation, d’une largeur moyenne de 10 m, où la limite de vitesseest égale ou inférieure à 50 km/h, montrent que la vitesse moyennepratiquée est de 44 km/h et le centile 85, de 52 km/h11.

Ces constats montrent l’importance de l’aménagement des ruesurbaines et de la gestion des vitesses pour améliorer la sécuritéroutière en milieu urbain et, par conséquent, favoriser lesdéplacements actifs. Mais ils font aussi ressortir les défis auxquelsil faut faire face pour y parvenir.

6 Source : données de la Société de l’Assurance automobile du Québec, 2005-2009, traitement par le ministère des Transports du Québec.7 Société de l’Assurance automobile du Québec, site web (www.saaq.qc.ca) consulté en mai 2011.8 Source : ASHTON, S. J. Pedestrian injuries : The influence of Vehicle Design, dans H.C. Foor, et al. (éd.), Road Safety Research and Practice, Praeger, 1981.9 ASSOCIATION MONDIALE DE LA ROUTE (AIPCR). Manuel de sécurité routière, 2007.10 Société de l’Assurance automobile du Québec, site web (www.saaq.qc.ca) consulté en mai 2011.11 Relevés effectués en 2010 dans le cadre d’une recherche menée par des chercheurs de l’Université de Sherbrooke pour le ministère des Transports du Québec.

La sécurité routière en milieu urbain

Source : AIPCR9 Source : CERTU

Champ de vision périphérique

Page 35: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

35

EN P

RATI

QU

E

pour ne rien rater de nosdernières nouveautés !

Abonnez-vous à l’infolettreEXPRESS

Pour vous inscriregratuitement :www.voirvert.ca/bulletin

rejoindre une autre chaussée : c’est leconcept de trottoir traversant. Il s’agit d’unprolongement du trottoir en passagesurélevé sur la chaussée. Le piéton continuedans son cheminement et c’est le véhiculequi franchit un trottoir, donc à l’allure dupas et en faisant attention au piéton. Desguides d’aménagement précisent notam -ment les dispositions pour les aveugles; leslimites entre trottoir traversant et chausséedoivent être non seulement repérables(vues), mais aussi détectables (par le pied oula canne).

Un exemple d’un grand intérêt

La démarche Code de la rue, menée enFrance depuis 2006, a conduit à des avan -cées significatives, aussi bien sur le planréglementaire que sur le plan de l’aména -gement des rues urbaines. Les villes ontmaintenant à leur disposition une gammede concepts adaptés aux différentes catégo -

ries de voies urbaines, caractérisés par unpartage de l’espace spécifique. Dans uncontexte où l’on souhaite favoriser lamobilité durable et revoir le partage de laroute, il s’agit d’un exemple très intéressant.

De tels objectifs sont au cœur des débats auQuébec. Le foisonnement d’initiatives, ladiversité des acteurs impliqués et les méca -nismes de concertation mis en place sontautant de facteurs de succès pour relever lesdéfis majeurs que posent les transports et lasécurité routière en milieu urbain. ■

Catherine Berthod est ingénieure et urbaniste, etcoordonnatrice du partenariat en sécurité routièreavec les municipalités, à la direction de la Sécurité entransport du ministère des Transports du Québec.

Benoit Hiron, ingénieur des ponts, des eaux et desforêts ainsi que docteur en économie des transports,est chef du groupe Sécurité des usagers et desdéplacements, au Centre d’études sur les réseaux, lestransports, l’urbanisme et les constructions publiques(CERTU), en France.

Liens utilesCENTRE D’ÉTUDES SUR LES RÉSEAUX,LES TRANSPORTS, L’URBANISME ET LESCONSTRUCTIONS PUBLIQUES (CERTU) :www.certu.fr

MINISTÈRE DES TRANSPORTS DUQUÉBEC : www.mtq.gouv.qc.ca/portal/page/portal/partenaires/municipalites/securite_routiere

RUE DE L’AVENIR ET GROUPEMENT DESAUTORITÉS RESPONSABLES DE TRANS -PORT (GART): Le Code de la rue dans le code dela route, 2011. www.ruedelavenir.com/le-code-de-la-rue-dans-le-code-de-la-route-version-de-juin-2011

URBANITÉ HIVER2012

Page 36: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

36

CHRO

NIQ

UE

JURI

DIQ

UE

Inaction, négligence, omissionet autres cas de responsabilité Me Zeïneb Mellouli et

Me Mathieu Quenneville

Au Québec, l’État provincial ne jouit pasd’une telle immunité de principe. Il bénéfi -cie par ailleurs d’un certain nombre deprivilèges en matière de preuve et deprocédure et de deux types d’immunitéspubliques, l’une découlant de la loi et l’autrede la common law 2.

Par ailleurs, il n’en est pas ainsi pour lescorporations municipales qui, bien qu’ellessoient des entités gouvernementales, ne sontpas des représentantes de l’État. Malgré lefait qu’elles bénéficient d’une immunitérelative quant à l’exercice de leur pouvoirdiscrétionnaire, les municipalités ne jouis -sent d’aucune immunité de principe quant àleurs actes ou ceux de leurs préposés dans lamise en œuvre de leur réglementation3.

Sans prétendre effectuer une étude exhaus -tive de la question, nous avons résumé lessituations qui sont les plus susceptibles de seprésenter.

Les décisions politiques etle processus opérationnel Il est maintenant admis que l’on peut pour -suivre une municipalité en responsabilitécivile en vertu du régime général de respon -sabilité extracontractuelle. Il faut à cet égarddémontrer la faute de la municipalité, lepréjudice subi et le lien de causalité entre cesdeux éléments.

Dans le cadre d’une telle analyse, il fautd’abord déterminer si l’acte ayant causé lepréjudice est imputable à la politiquemunicipale ou encore à la mise enapplication de cette politique. Cettedistinction est fondamentale en raison de

l’immunité relative dont jouissent lesmunicipalités à l’égard des poursuites quimettent en cause leurs choix politiques.

L’arrêt Laurentides Motel c. Beauport (Villede)4 a cristallisé en droit municipal qué bé -cois l’application des notions anglaisesportant sur la distinction entre unedécision à caractère politique et unedécision à carac tère opérationnel. Demanière générale, lorsque les décisionspolitiques sont encore au stade décisionnelplutôt qu’opéra tion nel, la municipalité nepeut en être tenue responsable sauf dansles cas de mauvaise foi, de fraude ou d’abusde droit5 ou encore s’il est démontré queles décisions politiques vont à l’encontrede l’intérêt public ou de la sécurité descitoyens.

Par exemple, une ville a été reconnueresponsable des dommages découlant de laprésence de fissures sur une voie publique6.En effet, après avoir été avisé de leur pré -sence, un inspecteur de la ville s’étaitrendu constater les fissures et avait concluà leur dangerosité. Par ailleurs, lesréparations nécessaires n’avaient pas étéréalisées au motif de l’existence desituations plus dangereuses ailleurs sur leterritoire. La Cour a conclu quel’obligation minimale qui s’imposait à laville, soit de tenter de rendre la voiepublique sécuritaire, devait primer sur seschoix politiques.

Les tri bunaux sont souvent réticents às’immiscer dans la sphère politique, mais ilen est autrement dans le cas de décisionsdites opérationnelles :

« À partir du moment où la villeimplante le réseau et met en pratiqueune décision politique, elle entre dansle domaine opérationnel et engage saresponsabilité pour le préjudice causé àautrui lorsqu’elle commet une faute ausens de l’article 1457 C.c.Q. »7

Ceci étant, une fois que l’administrationpublique décide de mettre en œuvre ses choixpolitiques, elle doit s’assurer de pren dre tousles moyens nécessaires à leur mise en appli ca -tion. En négligeant de mettre en œuvrecorrectement sa réglementation, une muni ci -palité est susceptible d’être pour suivie pourles dommages que son omission peut causer.

L’inaction et la tolérancede l’administration face àune situation illégaleUne municipalité engage sa responsabilitélorsqu’elle fait fi d’une situation illégale dontelle a connaissance ou la tolère en omettantde prendre les moyens nécessaires pour enfaire cesser la perpétration8. La ville ne

Historiquement, on proclamait que « The King can do no wrong » et pour cause : étant lui mêmele créateur de la loi, l’État ne pouvait être poursuivi devant ses propres tribunaux1. Il était alorsquestion d’une immunité absolue mettant à l’abri l’État de toute poursuite. Peu à peu, cette règlea été atténuée pour faire maintenant place à une règle de common law pu bli que octroyant à l’Étatfédéral une immunité de principe contre les poursuites, sauf dans les cas prévus parla loi, notamment en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

1 BEAUDOIN Jean-Louis, La responsabilité civile, 7e éd., Cowansville, 2007, les Éditions Yvon Blais Inc., à la p. 100.2 Id., à la p. 123.3 HÉTU Jean et DUPLESSIS YVON, Droit municipal principes généraux et contentieux, « La responsabilité extracontractuelle de la municipalité », Publication CCH ltée, vol.1, à la p. 10-002.4 [1989] 1 R.C.S. 705.5 Voir notamment : Brown c. Colombie-Britannique, [1994] 1 R.C.S. 420, aux pp.435-436 et Maska Auto Spring Ltée c. Sainte-Rosalie, [1991] 2 R.C.S. 3.6 Baillargeon c. Disraeli (Ville de), 2007 QCCQ 4266.7 Chubb c. Ville de Montréal, Commission des services électriques de Montréal et Hydro-Québec, EYB 2010-172356 ( C.S.), au par. 117.

VALDIS TORM

S / SHUTTERSTOCK.COM

Page 37: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

pourra bénéficier d’une disposition législa -tive l’exonérant de sa responsabilité dans cessituations9.

La Cour supérieure sanctionnait récemmentune municipalité pour son manque dediligence. Dans cette affaire, Hydro-Québecavait effectué des installations souterrainesqui, à la connaissance de la ville, n’étaientpas conformes à la réglementation et avaientcausé des dommages aux poursuivants10.Par son inaction et son laxisme, la ville avaitcontribué à faire perdurer la situationd’illégalité.

La municipalité pourrait également êtretenue responsable lorsqu’elle applique par -tialement sa réglementation au bénéfice decertaines personnes et au détriment d’autrescitoyens11. Elle ne doit pas arbitrairementtolérer une viola tion de sa réglementation.

Il demeure donc im portant pour unemu nicipalité de se tenir à l’affût descontra ven tions sur son territoire et d’agir enconséquence.

La faute du préposé La municipalité peut éga le ment être tenueresponsable de la faute commise par son

préposé dans la mise en application de larégle men tation. Dans une célèbre

décision, confirmée par la Coursuprême12, où un inspecteuren bâtiment avait émisillégale ment un permis deconstruction à une entre -prise, le juge Chouinard

s’exprimait comme suit :

« De tels actes ou décisions, de natureadministrative, commis dans la mise enapplication d'un règlement municipal,n'exigent qu'une faute simple d'unpréposé dans l'exercice de ses fonctionspour entraîner une responsabilité dela corporation municipale concernée,en supposant l'existence du lien decausalité […]»13

Le préposé doit donc demeurer diligentdans l’exercice de ses fonctions, puisqu’il al’obligation de faire observer la régle men -tation. Ces principes, subséquemmentappliqués par les tribunaux, ont solidifié le

régime de responsabilité municipalelorsqu’un préposé émet erronément unpermis municipal14.

De plus, les citoyens sont en droit de s’atten -dre à ce que l’autorité compétente puisse lesrenseigner adéquatement sur leurs droits.Pour cette raison, un employé qui leurfournit des informations erronées dans lecadre de l’exercice de ses fonctions peutengager la responsabilité de la municipalité.

L’abus de pouvoirLes citoyens sont également protégés contrel’exercice abusif des pouvoirs de l’État15. Il ya abus lorsque, par exemple, des employésoutrepassent délibérément leurs pouvoirsd’enquête16 ou encore, lorsque le gouver ne -ment institue des poursuites pénales demanière malicieuse et pervertit le processusde justice pénale17.

En matière municipale, lorsqu’un officier dela ville abuse de son pouvoir d’émettre desconstats d’infraction, notamment en lesdélivrant sans motifs suffisants, parmauvaise foi ou par intention malicieuse18,les tribunaux n’hésitent pas à sanctionner saconduite et à condamner la municipalité àdes dommages.

Par exemple, la Cour a déjà condamné unemunicipalité relativement aux agissementsde son inspecteur en bâtiment qui avaitdélivré à un citoyen deux constats d’infrac -tion pour une même infraction. Il espéraitainsi le forcer à corriger une situation qu’iljugeait dérogatoire, soit celle d’avoirconstruit un bâtiment accessoire sans avoirobtenu au préalable un permis. Une telleinfraction ne présente toutefois pas d’élé -ment de répétition. Lors de l’audition, lapreuve a révélé que le motif du dépôt dudeuxième constat était de convaincre lecitoyen à démolir ou à déplacer sa construc -tion que l’inspecteur jugeait non conforme.

La Cour ajoute ensuite :

[12] Quand une construction estcomplétée et qu'une personne estaccusée d'avoir construit sans permis, ilapparaît évident qu'elle ne commet pasquotidiennement l'infraction de cons -truire sans permis. À la fin de la cons -

truction, l'infraction est complétée. Lasituation est totalement différente decelle par exemple où le contribuablestationne jour après jour son véhicule àun endroit défendu. Il n'y avait clai re -ment pas de répétition du geste deconstruire sans permis par M. Trottieret ainsi il n'était pas raisonnable pourl'officier municipal de l'accuser unedeuxième fois, et ce, dans le seul butqu'il démolisse sa construction.

[13] Il s'agit d'une action hostile etagressive qui ne pouvait légalement seconclure par la démolition de l'im meu -ble de M. Trottier. Cette deuxièmeaccusation avait une fin illégitime, cequi « ...en droit constitue de la malveil -lance et une faute intentionnelle ».

Il demeure donc essentiel pour la ville et sespréposés de veiller au respect de la régle men -tation tout en s’abstenant de verser dansl’excès dans l’exercice de leurs pouvoirs.

ConclusionLe bon fonctionnement d’une municipalitépasse d’abord par l’observance de la régle -mentation autant par la municipalité quepar ses citoyens.

Bien qu’elle jouisse d’une immunité relativequant à ses choix politiques, la municipalitédoit faire preuve de diligence dans la mise enœuvre de ces choix, faute de quoi elle risqued’engager sa responsabilité. Cela supposequ’elle doit avoir un personnel compétent etadéquatement outillé pour le bon exercicede ses fonctions.

La norme de diligence s’étend égalementaux préposés qui doivent agir raison na ble -ment et avec rigueur. Ils doivent connaîtreles limites de leurs compétences et s’aviser dene pas agir de manière hostile ou appro -ximative.

Tous ces principes débouchent finalementvers un même constat : l’intérêt du publicdoit demeurer au cœur de la mise en œuvredes décisions politiques. ■

Maîtres Zeïneb Mellouli et Mathieu Quennevillesont avocats pour la firme Lavery, de Billy, s.e.n.c.r.l.

URBANITÉ HIVER2012

37

CHRO

NIQ

UE

JURI

DIQ

UE

8 Voir notamment : Québec c. Girard, 2004 CanLII 47874 (C.A.) et Bernard c. Transport Loignon Champ Carr inc., 2004 CanLII 46 (C.S.).9 Lacasse c. La Durantaye (Municipalité de la paroisse de), préc. note 12, aux par. 148 et 149.10 Chubb c. Ville de Montréal, Commission des services électriques de Montréal et Hydro-Québec, EYB 2010-172356 ( C.S.).11 Bernard c. Transport Loignon Champ-Carr inc., préc., note 8.12 Maska Auto Spring Ltée c. Sainte-Rosalie, préc. note 5.13 Id. à la p. 1579.14 Voir notamment : Michaud c. Ville de Québec, [1994] R.L. 52 (C.A.).15 Proulx c. Procureur général du Québec, [2001] 3 R.C.S. 9, au par.7.17 Granicor inc. c. Québec (Procureur général), 2010 QCCS 3751, au par. 97.18 Voir notamment : Trottier c. Pont Rouge (Ville de), 2006 QCCQ 10751 et Chagnon c. SAAQ, 2006 CanLII 40007 (C.S).

Page 38: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

38

OB

SERV

ATO

IRE

MU

NIC

IPA

L

Les écoparcs industriels Pierre Blais, urbaniste et Nicolas Fontaine

Selon Emmanuël Sérusiaux1, les mesuresappliquées pour atteindre ces objectifspeuvent être regroupées sous trois types :l’aménagement et l’urbanisme durable, lagestion environnementale et l’écologieindustrielle. L’ampleur de ces mesures peutêtre variable, mais pour qu’un territoirepuisse se voir attribuer la dénominationd’écoparc industriel, il ressort que ces troistypes de mesures, de même que desstructures de coopération, devraient êtreprésentes.

L’aménagement et l’urbanisme durableLors de l’aménagement d’un écoparc indus -triel, pour réduire l’impact environ ne mentalet la consommation des ressources liés auxactivités du parc industriel, différentesmodalités d’aménagement et d’urba nismes’ajoutent à celles tradition nel lementconsidérées pour le dévelop -pement des terri toiresindustriels.

Sur le plan de la localisation, on devraits’assurer notamment que le parc évite autantque possible les territoires à hauts potentielsagricole ou écologique. Par ailleurs, dansl’optique d’une utilisation parcimonieuse del’espace, on devrait envi sager de recycler desfriches industrielles, souvent bien intégréesdans la trame urbaine, plutôt que d’urba -niser de nou veaux terrains. L’aménagementdu secteur industriel d’Angus, à Montréal,est un exemple de cette approche.

Dans une optique d’écomobilité, l’acces si -bilité du site par divers modes de transportainsi que la connectivité des voies d’accès àla trame urbaine sont également des fac teurstrès importants. Afin de profiter d’uneaccessibilité au réseau de transport des mar -chandises et d’assurer une limitationdes

nuisances face aux autres usagesurbains, les espaces in dus -

triels développésdepuis les

cinquante dernières années l’ont été dans dessecteurs périphériques souvent inacces siblesautrement que par l’automobile. Une plusgrande performance environnementale desentreprises peut garantir une limitation desnuisances (dépendamment, bien sûr, dutype d’entreprises visées) et permettre ainsiune meilleure intégration dans la trameurbaine. Par ailleurs, pour les espacesindus triels d’une certaine taille, il estsouvent proposé d’aménager un réseaupiéton et cyclable en site propre, isolé de lacirculation lourde, pour encou rager etsécuriser les déplacements actifs.

La préservation de la biodiversité et desmilieux naturels d’intérêt est un volet impor -tant de l’aménagement des écoparcs indus -triels. On évite également de les fragmenteret de réduire leur connectivité. Si un empiè -tement s’avère nécessaire, une compensationdevrait être envisagée. À cet égard, citonsl’exemple de la Ville de Sherbrooke2 qui a

Les définitions données au concept d’« écoparc industriel » font à peu près toutes référenceà une coopération entre une collectivité et des entreprises, ainsi qu’entre les entrepriseselles-mêmes, afin d’optimiser la performance économique et de réduire l’impactenvironnemental ainsi que la consommation de ressources des activités qui s’y trouvent. Ce texte fait un survol des caractéristiques d’un écoparc industriel et présente certainesexpériences reconnues.

INNOVISTA, HINTON

Le bâtiment de la municipalitéde Hinton dans l’écoparc

industriel Innovista.

Page 39: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

39

OB

SERV

ATO

IRE

MU

NIC

IPA

L

adopté récemment un Plan de conservationdu parc industriel régional et qui a ainsiconservé une pro por tion impor tante de sesmilieux humides. Ceux qu’elle n’a pasprotégés, de moindre superficie, ont étécompensés dans un rapport de 1 : 2,5.

Finalement, l’aménagement d’ensemble etdes sites est conçu pour optimiser l’utili sa tionde l’espace et la qualité de l’aména ge ment.Par exemple, la largeur des surfaces pavées desrues est réduite, les coefficients d’emprise ausol maximaux font référence non seulementaux bâtiments, mais aussi à l’ensemble de lasurface minéralisée; les règles de paysagementdépassent celles habi tuel lement considéréespour les espaces industriels.

La gestion environnementaleLa gestion environnementale vise à limiterles impacts de l’écoparc industriel surl’environnement, notamment en ce qui atrait à la qualité de l’eau et de l’air, à laproduction de déchets et aux changementsclimatiques. Généralement, les gestionnairesd’écoparcs industriels prévoient des règles deperformance plus élevées que les normesminimales exigées par la municipalité ou lesgouvernements. Ainsi, les entreprisesfavorisent des procédés industriels peupolluants, évitent la contamination des solset réduisent au minimum l’impact de leursactivités sur l’environnement local.

L’aménagement d’infrastructures vertes auxfins de la gestion durable des eaux de pluieconstitue un des principaux volets de lages tion environnementale des écoparcsindus triels. De nombreuses méthodespeuvent être utilisées : réduction des surfacesimper méables, plantation d’un maximumd’arbres, aménagement de fossés végétalisés,bassins de rétention et de sédimentation, etc3.

L’écologie industrielleL’écologie industrielle se rapporte auxsynergies existant entre les entreprises.Sérusiaux distingue deux types de synergies :les synergies de substitution et les synergiesde mutualisation. Les synergies desubstitution se réfèrent à la symbioseindustrielle, qui désigne les échanges dematières (les résidus de production d’uneentreprise devenant les ressources d’uneautre), d’eau ou d’énergie provenant desactivités industrielles de plusieurs entre -prises. Les synergies de mutualisation serapportent quant à elles à diverses formes decoopération et de partenariats.

Le concept de symbiose industrielle estrécent. Les cas de Kalundborg, auDanemark, et de Kwinana, en Australie,sont les plus souvent cités. À Kalundborg, 6entreprises sont rassemblées et 25 synergiessont formées, tandis qu’à Kwinana 38entreprises sont regroupées pour former 90échanges4. Au Québec, des projets de

développement de symbioses industriellessont notamment menés par le Centre detransfert technologique en écologie indus -trielle (CTTEI) du cégep de Sorel−Tracy,aux endroits suivants : à Sorel-Tracy, àBécancour (12 entreprises), à Shawinigan(20 entreprises), à Rivière-du-Loup (20entreprises) et dans la région de Lanaudière(158 entreprises)5. Le concept de symbioseindustrielle et le cas de Kalundborg ont faitl’objet d’un article de la « Chronique del’Observatoire municipal » dans le numérod’Urbanité de décembre 20076.

Les stratégies de mutualisation peuvent con -sister en : 1) de l’approvisionnement encommun, par exemple de matières pre -mières ou d’énergie; 2) de la mutualisationde services, comme un partage d’immeu -bles, un système de déplacements despersonnes ou une production collectived’énergie (par le biais d’un « système urbainde chauffage et de climatisation »); 3) dupartage d’équipements ou de ressources.

Trois modèles

L’écoparc InnovistaLa municipalité de Hinton, en Alberta, aencadré le développement de son écoparcindustriel, baptisé Innovista, qui s’étend sur42 hectares dont plus de 32 sont développés.Elle a ainsi intégré à son règlement dezonage des dispositions particulières pour cesecteur. Par exemple, des dispositions por -tent sur la surface imperméable maxi maledes lots et la protection d’espaces naturels.Des cases de stationnement devront êtreprévues pour des covoitureurs ou des voi tu -res hybrides ou électriques. Les autorités duparc peuvent exiger la pro duc tion de plan degestion environnementale traitant desmatériaux et des déchets, de l’utilisation del’eau, des odeurs, du bruit, des vibrations, del’efficacité énergétique et de la circulation.De plus, il pourra être exigé que lesentreprises se connectent à un réseau dechauffage commun.

Le règlement de zonage prévoit égalementque les entreprises prennent en compte les

1 Emmanuël SÉRUSIAUX (2011). Le concept d’éco-zoning en Région wallone de Belgique, Conférence permanente du développement territoriale, Note de recherche numéro 17, avril,p.14-17. www.cpdt.be/telechargement/publications/notes-de-recherche/NDR-17.pdf (Consulté le 21 octobre 2011)

2 Isabelle BOUCHER et Nicolas FONTAINE (2010). La biodiversité et l’urbanisation, Guide de bonnes pratiques sur la planification territoriale et le développement durable, Ministère desAffaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, p. 117-118. www.mamrot.gouv.qc.ca/amenagement-du-territoire/documentation/ (Consulté le 21 octobre 2011).

3 Isabelle BOUCHER (2010). La gestion durable des eaux de pluie, Guide de bonnes pratiques sur la planification territoriale et le développement durable, Ministère des Affaires municipales,des Régions et de l’Occupation du territoire, 118 p. www.mamrot.gouv.qc.ca/publications/amenagement/guide_gestion_eaux_pluie_partie_1.pdf (Consulté le 21 octobre 2011).

4 Caroline VAUGEOIS (2009). Synergie des sous-produits à Bécancour (Compte rendu d’un exposé de Claude Maheux-Picard, du CTTEI de Sorel−Tracy, à la Conférence internationale enécologie industrielle du 14 et 15 octobre 2009) www.cttei.qc.ca/conf_actes3e_bloc4_2.php (Consulté le 21 octobre 2011)

5 Claude MAHEUX-PICARD (2011). Industrial Symbiosis as a Mean to Improve Economic Sustainability (exposé donné au Sommet Écocité de Montréal, le 24 août 2011), CTTEI deSorel−Tracy. Compte rendu du Sommet, p. 9-21 www.mamrot.gouv.qc.ca/pub/observatoire_municipal/veille/sommet_ecocite_montreal.pdf

6 Claude DRAPEAU (2007). « L’industrie à l’heure du développement durable : les stratégies de développement éco-industriel », Urbanité, décembre, p. 13-15.

INNOVISTA, HINTON

L’écoparc Innovista est situéà Hinton en Alberta.

Page 40: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

lignes directrices d’aménagement spécifiéespar la municipalité (Eco-Industrial Develop -ment Guidelines). Celles-ci traitent d’aména -gement des parcelles, de transport, de paysa -gement et de milieux naturels, d’énergie,d’eau, d’architecture et de construction. Lesentreprises doivent respecter 40 lignesdirectrices obligatoires, en plus de 15 autresparmi une quarantaine qui sont option -nelles. À titre d’exemples de lignesdirectrices obligatoires, mentionnons que lesbâtiments doivent être orientés de façon àmaximiser le chauffage solaire passif; lepartage de l’énergie entre les bâtiments doitêtre considéré; l’eau non potable doit êtreutilisée si possible dans les procédésindustriels ou l’irrigation, incluant celleproduite par d’autres processus; une entréedans les bâtiments devrait donner directe -ment sur des sentiers piétonniers; lesbâtiments doivent pouvoir se démonter etrecycler facilement.

Pour appuyer les entreprises intéressées às’établir dans le parc, Hinton a préparé unguide pour les entreprises, détaillant certainsconcepts et offrant plusieurs sources d’infor -mation. Un guide des plantes indigènes etd’aménagement paysager est égalementoffert. Mentionnons par ailleurs que lamunicipalité encourage les initiatives desymbiose industrielle7.

Le Parc des industries Artois-FlandresLa Parc des industries Artois-Flandres, dontles 460 hectares sont situés dans le Nord-Pas-de-Calais en France, intègre denombreuses caractéristiques des écoparcsindustriels en ce qui a trait à l’aménagementet l’urbanisme et à la gestion environ ne -mentale. Une analyse urbanistique a mené àl’adoption d’une Charte d’aménagement desespaces extérieurs. Ce sont donc le paysage,le réseau hydrographique, le végétal, le terri -toire et l’organisation urbaine, les bâtimentset leurs parcelles, ainsi que la connexion duparc industriel avec les sites environnants,qui font l’objet de recommandations.La Charte guide l’expansion future du parcainsi que les travaux de réaménagement desterrains développés.

Par exemple, l’implantation des bâtiments estencadrée afin de créer une certaine harmonievisuelle. La Charte prévoit l’amé nagement depistes multifonctionnelles en site propre et de

URBANITÉ HIVER2012

40

OB

SERV

ATO

IRE

MU

NIC

IPA

L

Qu’est un écoparc industriel ?

À l’issue de leur revue de littérature, de leurs études de cas et de leursconsultations, Sérusiaux et son équipe proposent la définition suivante de cequ’ils qualifient d’« éco-zoning » : zone d’activité économique gérée de manièreproactive notamment par l’association des entreprises en présence,interagissant positivement avec son voisinage, et dans laquelle les mesuresd’aménagement et urbanisme durable, de gestion environnementale etd’écologie industrielle concourent à optimiser l’utilisation de l’espace, de lamatière et de l’énergie, à soutenir la performance et le dynamismeéconomique tant des entreprises que de la communauté d’accueil et àdiminuer les charges environnementales locales.

Pour sa part, la municipalité de Hinton considère qu’un écoparc industrielinclut les caractéristiques suivantes :

• Réseautage : des partenariats sont conclus entre les entreprises, lesmunicipalités et la collectivité, afin d’optimiser l’utilisation des ressources;

• Stratégie de développement économique ciblé : les entreprises sontrecrutées pour occuper des niches précises;

• Symbiose : les entreprises intègrent le même cycle d’utilisation desressources, les déchets de l’une devenant les ressources d’une autre, ce quiaugmente l’efficience et réduit les répercussions environnementales;

• Conception environnementale : les bâtiments et les sites sont conçus pourminimiser leur empreinte écologique. Les espaces verts et les milieuxnaturels sont conservés et intégrés à l’aménagement du site;

• Infrastructure verte : les infrastructures traditionnelles sont remplacées pardes systèmes conçus selon les principes du génie écologique. Par exemple,les eaux pluviales sont gérées sur le site, de façon naturelle;

• Coopération: les entreprises partagent des services, comme le marketing, letransport, la recherche, la gestion environnementale, etc.

7 INNOVISTA. Site Internet. www.eip.hinton.ca (Consulté le 21 octobre 2011).Town of Hinton (2005). Eco-Industrial District Zone and EIP Development Guidelines, 29 p. www.eip.hinton.ca/images/stories/pdf/zoning&developmentguidelines.pdf(Consulté le 21 octobre 2011).

INNOVISTA, HINTON

Page 41: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

41

OB

SERV

ATO

IRE

MU

NIC

IPA

L

Les publications de l’Observatoire municipal du ministère des Affaires municipales,des Régions et de l'Occupation du territoire peuvent être consultées à l’adresse suivante :

www.mamrot.gouv.qc.ca/observatoire-municipal/

traversées de rue sécuritaires pour les cyclisteset les piétons, en plus d’abris à vélos recou -verts. Le nombre de cases de stationnementest limité et peu favorisé en façade des bâti -ments. Men tion nons que le parc s’est éga -lement doté d’un plan de gestion desdéplacements pour les entreprises.

En cohérence avec sa certification ISO14001, le parc a pour objectif de se doterd’espaces verts de qualité. Il désire ainsi favo -riser un accroissement de la biodiversité etla protection des ressources hydriques.La Charte présente ainsi des végétauxindigènes dont l’utilisation est préconisée.Certaines parties de bâtiments doiventégalement être végétalisés, afin de les mettreen valeur ou pour camoufler des élémentspeu esthétiques.

De plus, une Politique environnementaleadoptée en 2007 vise notamment à contri -buer à l’amélioration des pratiques environ -

nementales des entreprises en montrantl'exemple et en mettant en œuvre desactions incitatives dans les domainessuivants : qualité environnementale desbâtiments, transports alternatifs à la voitureindividuelle, maîtrise de 1'énergie8.

La Pearson Eco Business ZoneLa Pearson Eco Business Zone, à proximitéde l’aéroport Pearson de Toronto, couvre12 000 hectares, comprend 12 500 entre -prises et regroupe 350 000 employés. Ceparc d’affaires, qui comprend plusieursentreprises industrielles, n’a pas été conçuau départ comme un écoparc d’affaires,mais il s’est doté depuis quelques annéesd’un ambitieux projet visant à réduirel’impact environnemental des activités quis’y trouvent.

Plusieurs programmes y sont mis en œuvredans divers domaines, dont : l’écoefficience,visant à diminuer les coûts liés à l’énergie, à

l’eau et aux matières résiduelles; le station -nement vert ; un regroupement d’achats« verts »; l’aménagement écologique dessites; l’écomobilité, visant un ensemble demodes de déplacement (covoiturage, navet -tes, etc.). Trois projets sont en dévelop pe -ment : l’implantation d’un système urbainde chauffage et de climatisation, la trans for -mation des déchets organiques en biogaz, etl’implantation d’un système de symbiose.

Plusieurs entreprises ont entrepris desinitiatives significatives : aménagement detoits verts, blancs ou avec capteurs solaires ;utilisation de la géothermie ; programmesd’efficacité énergétique; etc.9 ■

Pierre Blais est urbaniste et Nicolas Fontaine est

aménagiste à la Direction générale des politiques

du ministère des Affaires municipales, des Régions et

de l'Occupation du territoire.

8 Parc des industries Artois-Flandres. Site Internet, page « Documents pratiques ». www.parcdesindustries.com/spip.php?article16 (Consulté le 21 octobre 2011).9 Pearson Eco Business Zone. Site Internet. www.partnersinprojectgreen.com (Consulté le 21 octobre 2011).

Chris RICKETT (2011). Partners in Project Green — Eco-business in the Eco-City (exposé donné au Sommet Écocité de Montréal, le 24 août 2011), Toronto and Region Conservation Authority.

Page 42: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

42

PHIL

OSO

PHIE

Il n’y a guère de formes urbaines qui soient aussi porteuses d’images et, en même temps,

aussi indéfinies que le square. Par exemple, le mot square, issu de la langue anglaise, évoquespontanément en français un carré. D’ailleurs, anciennement, la toponymie montréalaiseréférait dans ce sens au carré Saint-Louis et au carré Dominion.

Le square comme levier de redéveloppementJean-Claude Marsan, urbaniste émérite

Or quiconque visite le district de Belgravia àLondres, l’endroit résidentiel huppé parexcellence du début du XIXe siècle, peut ydécouvrir, presque côte à côte, le squareBellegrave, parfaitement carré, et le squareEaton épousant la forme d’un longrectangle. À Montréal, le square Sir-Georges-Étienne-Cartier dans le Sud-Ouestpossède d’ailleurs une forme rectan gulairedu même type. Bref, le terme générique« square » n’est pas assimilable à une formespatiale précise, mais à plusieurs.

Le Dr Samuel Johnson, l’auteur dudictionnaire de la langue anglaise (1747-1755) à la source de la lexicographiemoderne, définit le square comme « unespace de quatre côtés, avec des maisons surchaque côté ».1 Cette description correspondà la plupart des squares en Grande-Bretagne,tout comme au square d’Iberville dans laPetite-Bourgogne montréalaise et à celui,magnifique, de Louisbourg à Boston. Parcontre, à Paris, qui compte à l’intérieur desboulevards périphériques un nombre

impressionnant de lieux désignés par leterme générique de square, il s’agit plutôtd’un « jardin public formé au centre d’uneplace bordée de façades, contourné par lescirculations »2. Ce qui correspond parfai te -ment au pre mier square réalisé en 1856 parle baron Haussmann, celui de la tour Saint-Jacques dans le voisinage de l’Hôtel de Ville.

Le square dans l’histoireL’histoire de cette forme urbaine appelée« square » nous aide à comprendre sonessence originelle tout comme les divers

1 Christian Topalov, Laurent Coudroy de Lille, Jean-Charles Depaule et Brigitte Marin, dir., L’aventure des mots de la ville, Paris, Robert Laffont, 2010, p. 1138.2 Jean-Bernard Perrin dans Pierre Merlin et Françoise Choay dir., Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Paris, Presses universitaires de France, 1988, p. 370.

Le square Viger à Montréal au début du XXe siècle.

MP-

0000

.840

.6©

MU

SÉE

McC

ORD

Page 43: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

43

PHIL

OSO

PHIE

usages qu’elle a pu accueillir par la suite.Le square apparaît à Londres comme uneforme urbaine inédite avec la restaurationde la monarchie en 1660. Désireuses dese rapprocher de la Cour, la grande etla petite noblesse désertent alorsla City – mise à mal par le grand incendiede 1666 – pour le West End. Mais unebonne partie des terres de ce secteur sontdes « majorats aristocratiques », c'est-à-diredes terres qui ne peuvent être vendues,mais seulement transmises à des héritierslégitimes. Les propriétaires contournentalors cette contrainte en louant ces terrainspar bail emphytéotique à des spéculateursqui s’engagent à y construire des demeuresde haut standing. Comme ces dernièressont destinées à fournir un pied-à-terre àune gentry adepte de l’idéal du countrygentleman, la mise en valeur de cespropriétés par le recours à la nature devientalors une manière privilégiée de satisfairecette attente. La portion naturelle dusquare est d’ailleurs entourée d’une clôtureraffinée en fer forgé de façon que seuls lesrésidants en périphérie y aient accès.3

Le fait que Napoléon III eut connu desannées d’exil en Angleterre à l’époquemême où Londres se transformait sousl’impulsion énergique de John Nash futsans doute déterminant dans son objectifde moderniser Paris. Sans doute fut-ilégalement impressionné par les squares carceux-ci apparaîtront dans la capitalefrançaise avec son accès au pouvoir. Maisalors que Londres avait expérimenté avecses squares un urbanisme modelé par lesforces du marché, le baron Haussmann sedevait d’imposer la volonté impériale : lessquares parisiens furent et continuerontd’être planifiés et aménagés essentiel -lement comme des jardins publics, deslieux de détente.

Dépendant des pays et des circonstances,le square s’est ainsi prêté à divers usages etformes, le plus souvent en évoluant à partird’une fonction première, souventrésidentielle, comme ce fut le cas àMontréal avec le square Dominion. Celasaute aux yeux en Amérique du Nord, quece soit à Toronto avec Nathan PhillipsSquare, à Vancouver avec Robson Square,

à Boston avec Copley Square, à New Yorkavec Time et Madison Square, voire àPortland (Oregon) avec son PioneerSquare issu d’un terrain de stationnement.Mais quels que soient son origine, sonusage et sa forme, un square bien aménagéconstitue une source d’identité et designification. Se présentant comme unpoint d’exclamation dans le tissu urbain, illaisse rarement les citoyens comme lesvisiteurs indifférents.

Le square comme levierde redéveloppementSur le plan des squares, Montréal estchoyée : au centre-ville et dans sa péri -phérie immédiate, on peut recenser lessquares Viger, Phillips, Victoria, l’anciensquare Dominion (aujourd’hui le squareDorchester et la place du Canada) et lessquares Cabot et Chaboillez. Si le squareVictoria s’avère aujourd’hui un modèle deredéveloppement grâce à la vision desgestionnaires du Quartier international etsi le square Dorchester se présente commeun modèle de rajeunissement grâce auxinterventions pertinentes de l’architectepaysagiste Claude Cormier, les autressquares n’attirent guère l’attention, voire ladétournent dans certains cas. Le squareViger, par exemple, qui fut l’un des plusremarquables de la ville du début du XXe

siècle, est devenu aujourd’hui un des plussordides au pays.

La Ville de Montréal aurait tout avantage àentreprendre une opération de mise envaleur de ces squares du centre-ville,laquelle pourrait avoir un effet tangible surla qualité des paysages et l’attrait des lieux.Cette opération consisterait à planifier leredéveloppement du tissu urbain enpériphérie de ces squares – la plupart enont un urgent besoin –, donc à orienter etmodeler les forces du marché, et cela, àpartir de l’attrait que susciteraient desréaménagements appropriés de ces lieux.Ainsi, par exemple, le square Phillipsgagnerait à être dépoussiéré et davantageplanté et fleuri, avec une meilleurerépartition des activités occasionnelles quiy prennent place. Ces simples opérationsauraient un effet de levier pour rehausser laqualité des immeubles en voie de requa li -

fication et de redéveloppement quil’entourent, particulièrement du côté est.De même, au lieu d’être laissé à l’abandon,le square Chaboillez (encadré par les ruesSaint-Jacques, de la Cathédrale, Notre-Dame et Peel) pourrait devenir le cœur dudéveloppement de l’École de TechnologieSupérieure, à l’exemple de l’UniversitéHarvard qui s’est déployée dans le tempsautour d’un vaste espace vert devenudepuis symbolique de l’institution. Maispour que ces opérations d’ensemble soientréussies, il est impérieux que chacun de ceslieux fasse l’objet, au préalable, d’étudessérieuses visant à bien cerner l’histoire dechaque square de façon à bien mettre envaleur l’esprit du lieu.

Vers une collaboration universitaireComme la Ville de Montréal courtise ladéprime par les temps qui courent, un telprojet de réaménagement des squaresau centre-ville et du redéveloppement deleur tissu périphérique risque de susciterune kyrielle d’objections : manque depersonnel, manque de temps, manqued’argent, etc. Pourtant une telle opérationpourrait se réaliser dans un tempsoptimum, sans nécessiter l’accroissementdu personnel de la municipalité ni greverindûment ses budgets. Il s’agiraitd’amorcer une collaboration active entre laVille et ses quatre universités, lesquellesoffrent toutes des programmes en designurbain, sans oublier les programmes del’École d’architecture de paysage del’Université de Montréal. Dans le cadre deleurs activités d’enseignement et derecherche, des professeurs pourraient ainsidevenir autant de spécialistes qui sepencheraient sur ces questions avec leursétudiants. Ces derniers, se trouvantconfrontés à des projets réels, seraient lespremiers à profiter de cette opération pourleur formation. Donc les deux partiesseraient gagnantes, tout en générant despaysages plus attrayants au cœur de la citéet en inspirant davantage de fierté chez lescitoyens. ■

Jean-Claude Marsan, architecte et urbanisteémérite, est professeur émérite à la Facultéd’aménagement de l’Université de Montréal.

3 Rémy Bethmont, Histoire de Londres, Paris, Éditions Tallandier, 2011, p. 116-118. Il est à souligner que les efforts de guerre au cours des deux Guerres Mondiales ont largement contribuéà faire disparaître ces clôtures.

Page 44: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Cinq ans après son décès, la grande Jane Jacobs demeure bien l’icône de la pensée

urbanistique qu’elle a été. Un sondage réalisé en septembre 2009 par le réseau Planetizen ladonne largement en tête des 100 plus éminents penseurs urbains de tous les temps1. Or

curieusement, l’un de ses sept ouvrages majeurs, qui portait sur la question du Québec, a

été occulté pendant trois décennies. Il vient seulement d’être réédité.

URBANITÉ HIVER2012

44

REG

ARD

SU

R LE

PA

SSÉ

Jane Jacobs

La redécouverted’un ouvrage oublié Jacques Trudel, urbaniste

L’influence exceptionnelle de Jane Jacobssur l’évolution de l’urbanisme n’est guèrecontestée. Sa mémoire est rappelée par denombreux écrits, prix et événements, dontles « Promenades de Jane » (ou Jane’sWalks) qui se tiennent dans des centainesde villes2. Pour elle-même toutefois,l’héritage conceptuel qui lui semblait leplus important dans les dernières annéesde sa vie était davantage de nature écono -mique, soit la révélation de nouvelleshypothèses concernant les fondements dela création de la richesse et du déve lop -pement des communautés.

Ce qui a d’ailleurs toujours distingué lapensée de Jane Jacobs est son caractèreprofondément transdisciplinaire qui aimprégné tous ses écrits. Dès le départ,avec son premier ouvrage tout de suiteremarqué, The Death and Life of GreatAmerican Cities 3 (dont c’est le 50e anni ver -saire), elle établissait des liens entre lesconditions d’une prospérité urbainedurable sur le plan socioéconomique et lacritique des interventions d’aménagementdes quartiers inspirées par la conceptionmoderniste de la table rase qui prévalaitdans les années 50 et 60. Cet ouvrage,ainsi que les actions qu’elle a menées àNew York d’abord, puis à Toronto où elles’est installée ensuite, ont eu une telleinfluence qu’ils ont contribué à unrenversement de tendances définitif enmatière de rénovation urbaine.

Son ouvrage suivant, The Economy ofCities4, met l’accent sur l’importancehistorique des villes dans le dévelop -pement des communautés en raison de lacapacité de l’urbain de réunir les capacitéspermettant de remplacer les importationset de diversifier l’économie. Cette idéeforce est centrale dans l’œuvre de Jacobs etsera développée dans tous ses ouvragessubséquents. Elle postule que la créativitéqui permet à une communauté, petite ougrande (la taille a peu d’importance pourelle), est à la fois la condition et larésultante de l’autonomie politique et éco -no mique dont dispose cette communauté.

Jane Jacobs et la question du Québec

En plein contexte réfé rendaire québécois,Jane Jacobs livre une sériede conférences sur laquestion du Québec, dansle cadre des « 1979 MasseyLec tu res » prenant résolu -ment parti pour lasouveraineté-associationproposée par le Parti Qué -bé cois. Ces con férencesregroupées consti tuent lamatière de son ouvragesuivant, intitulé TheQuestion of Separatism,Quebec and the Struggleover Sovereignty 5 .

Cet ouvrage attirera peu l’attention àl’époque. Du côté anglophone, il choquepour des raisons évidentes et embarrasse lesadmirateurs de Jacobs. On choisit del’ignorer, on en parle peu et il n’est pasréédité. Il demeurera longtemps introu vable.Malgré le fait qu’il ne soit pas traduit et peudiffusé, il est tout de même curieux que lesfrancophones intéressés par la question nel’aient à peu près pas remarqué.

Dans cet ouvrage, qui examine notam mentde façon détaillée les positions politiques desprotagonistes de l’époque, Jacobs appliqueau cas du Québec l’analyse du rôle pri mor -dial qu’elle confère au sens de l’appartenanceà une communauté dans le développementécono mique. Pour elle, ce rôle s’applique

aux villes et aux commu -nautés iden ti taires aux -quelles elles appartien nent.Ce qui l’amène à établir unerela tion entre le déclin deMontréal et le fait quecelle-ci ait cessé d’être lamétro pole du Canada, maisaussi que le Québec ne soitpas une entité indépendantedont Mont réal serait lamétropole. Cette propo si -tion a étonné, même si ellese situait bien dans le pro -lon gement de sa réflexionsur le rôle économiquedes villes.

1 « Top 100 Urban Thinkers » [En ligne] www.planetizen.com/topthinkers (consulté le 2 mai 2011)2 Une telle activité s’est tenue à Montréal, les 7 et 8 mai dernier.3 Jane Jacobs, The Death and Life of Great American Cities, New York : Random House, 1961.4 Jane Jacobs, The Economy of Cities, New York : Random House, 1969.5 Jane Jacobs, The Question of Separatism, Quebec and the Struggle over Sovereignty, New York : Random House, 1980 ; réédité à Montréal par : Baraka Books, 2011.

BARAKA BOOKS

Jane Jacobs

Page 45: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

45

REG

ARD

SU

R LE

PA

SSÉ

Bien d’autres éléments de l’ouvrage méri -tent considération, dont sa réflexion fon -damentale sur l’absence d’influence de lataille des pays sur le succès économique, cequi attaquait de plein fouet l’un desarguments les plus utilisés dans le débatconstitutionnel canadien. Elle développaitcette idée en se servant d’une comparaisonavec l’histoire politique et économique dela Suède et de la Norvège, ayant mené à laséparation pacifique de cette dernière en1905. La Norvège, pays presque deux foismoins populeux que le Québec, s’en estplutôt bien tirée, prenant charge ellemême du développement de ses ressourceset se permettant de demeurer indé pen -dante même de l’Union européenne. Quiplus est, cette séparation paraît bien s’êtrefaite à l’avantage des deux pays, ce queJane Jacobs postulait comme étant aussi lameilleure perspective d’avenir politique etéconomique à la fois pour le Québec etpour le Canada.

Un vaste sujet de réflexionpour les urbanistes

Après trente ans, et particu lière ment à lasuite des événements récents sur la scènepolitique, cet ouvrage conserve sa perti -nence et son potentiel provocateur. On nepeut sérieusement prétendre aujourd’huique la question constitutionnelle cana -dienne soit résolue, quelle que soit l’issuequ’on puisse prévoir ou favoriser. Relisonsce passage qu’elle écrivait en 1980 :

« That is why the issue of sovereignty forQuebec, now that it has been raised

anew as a possibility, is not going toevaporate. Inevitably, whether or notthey could do better on their own, theQuebecois are going to think they could,and many of them are going to want totry. We may expect the question ofseparation to be raised again and againin coming years until it is finally settledeither when Canada accedes to someform of sovereignty for Quebec or whenthe Quebecois accept the decline ofMontreal and become resigned to it andto its repercussions. »6

Pour ce qui est de l’évolution de Montréal,même si ce point de vue en laissera plu -sieurs sceptiques, n’est-ce pas largement cequi se passe sous nos yeux, alors quel’obsession de son déclin continue desusciter d’innombrables questionnementspolitiques et de sempiternels écrits et col -loques dans lesquels on retourne de tousles côtés la question du positionnementcomparatif de Montréal?

Si toutefois les idées de Jacobs ont eu unetelle influence sur la pensée urbanistique,c’est avant tout en raison de son approchetransdisciplinaire qui se rattache à la« pensée complexe » (proche de celle, entreautres, d’un Edgar Morin) notamment parles liens qu’elle établit constamment entreéconomie et écosystème. Ce type d’appro -che est nécessaire, encore plus qu’àd’autres, aux penseurs et aux praticiens del’urbain, dont le travail en est un desynthèse multidimensionnelle des réalitésd’un milieu et de son contexte environ -nemental et sociétal.

Son ouvrage sur la question du Québecadopte ainsi un méta point de vue, uni -versel et transdisciplinaire, sur l’évolu tiondes sociétés humaines qui, au lieu d’op po -ser division et regroupement, nationalismeet mondialisation, perçoit la possibilité deconcilier la tendance à l’autonomisationdes peuples avec la recherche d’une con -ver gence mondiale respectueuse des parti -cularités culturelles ou autres et desdynamismes propres des communautés,selon des modalités adaptées aux diffé -rentes échelles territoriales.

Ce livre oublié, dont il faut saluer la réédi -tion, mérite largement d’être retrouvé etmédité à l’égal des autres œuvres de JaneJacobs, particulièrement au Canada et auQuébec. L’argumentation de Jacobsn’aborde toutefois pas tous les aspects quipeuvent toucher les urbanistes dans cedébat, notamment l’impact sur la pratiquede l’aménagement qu’induit au Canada lepartage fédéral-provincial des compétencesdans des domaines comme les transports,les télécommunications, l’environnementet bien d’autres ; on en parle peu,d’ailleurs, au moment même où l’on révisela Loi québécoise, tellement notreprofession est habituée à cette situationcocasse qui fait que de vastes pans del’aménagement du territoire échappentainsi à toute planification urbanistique.On continuera donc d’attendre lesdécisions fédérales concernant, entreautres, les principaux ponts de Montréal.Mais peut être devrions nous commencer àen mesurer davantage les conséquences. ■

6 Ibid., page 26.

Urbanistes en herbe Activités d’initiation à l’urbanismePréparons les citoyens de demain !

L’ordre des urbanistes du Québec est heureux d’offrir aux enseignantset aux urbanistes un outil pédagogique visant à faciliter l’enseignementet l’apprentissage des enjeux reliés à l’urbanisme et au développement urbain.

Après tout, les jeunes d’aujourd’hui représententla future génération d’adultes qui participera au développement de la société.

Page 46: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

Dans toute activité, il y a ceux qui se distinguent et il y a les autres...

En matière d’affi chage publicitaire extérieur, les entreprises membres du RIAEQ sont des professionnelles qui disposent d’un savoir-faire impressionnant.

Leurs structures sont bien situées, bien conçues et rehaussent souvent le décor urbain dans lequel elles s’intègrent. Leurs employés travaillent quotidiennement à innover et à rehausser la qualité de ces éléments de mobilier urbain.

Abribus à l’éclairage solaire, panneaux à écran digital, modules communautaires...

Les structures d’affi chage publicitaire extérieur ne forment qu’une infi me partie des enseignes qui se retrouvent dans nos villes.

L’industrie de l’affi chage publicitaire extérieur

Enseignes publicitaires /Panneaux-réclames

Autres enseignes (directionnelles, touristiques, immobilières, etc.)

Enseignes commerciales

Page 47: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

tenairrPa

es tenair ngrèscou d

ngrès

eriatenrPaentiaPl

eriatenrPa

ee

e

eriatenrPaOr

eriatenrPatnegAr

eOr

et

eriatenrPaeznorB

eriatenrPa

ee

e

eriatenrPa

eriatenrPatnasoExp

e

et

eriatenrPa

e

netiuo sed

n

raie St, eraiemm Por LargeVe

oisFraSt-Fr soinçaFr- lavLa,

egPa 8

URBANITÉ HIVER2012

47

NO

UVE

LLES

DE

L’ORD

RE

Dans toute activité, il y a ceux qui se distinguent et il y a les autres...

En matière d’affi chage publicitaire extérieur, les entreprises membres du RIAEQ sont des professionnelles qui disposent d’un savoir-faire impressionnant.

Leurs structures sont bien situées, bien conçues et rehaussent souvent le décor urbain dans lequel elles s’intègrent. Leurs employés travaillent quotidiennement à innover et à rehausser la qualité de ces éléments de mobilier urbain.

Abribus à l’éclairage solaire, panneaux à écran digital, modules communautaires...

Les structures d’affi chage publicitaire extérieur ne forment qu’une infi me partie des enseignes qui se retrouvent dans nos villes.

L’industrie de l’affi chage publicitaire extérieur

Enseignes publicitaires /Panneaux-réclames

Autres enseignes (directionnelles, touristiques, immobilières, etc.)

Enseignes commerciales

L’Ordre des urbanistes du Québec tient à remercierchaleureusement tous les partenaires financiers qui ontgénéreusement contribué au succès du congrès 2011.

PartenairePlatine

PartenaireOr

PartenairesArgent

Partenairesd’événement

PartenairesExposant

Partenairesde soutien

PartenaireBronze

Page 48: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

48

NO

UVE

LLES

DE

L’ORD

RE

Le code de déontologie de l’Ordre des urbanistes du Québecprévoit à son article 51 que « l’urbaniste doit, dans la mesure deses possibilités, contribuer au développement, à lareconnaissance et au rayonnement de la profession. » On ajouteégalement qu’il peut contribuer à la formation des stagiaires.C’est donc dans cet esprit d’ouverture que j’ai répondu à l’appeld’ambitieux stagiaires en les accompagnant fidèlement jusqu’àleur intronisation officielle à titre d’urbaniste.

Chronique d’un parrainVincent Langevin, urbaniste

Avant tout, je dois me confesser : mes pre -mières armes comme parrain le furent avec 3stagiaires simultanément. J’avoue que cetteaventure peut sembler déme surée, digne deDavid, mais ce fut tout le contraire car ainsiprenait naissance un micro-réseau d’urba -nistes en devenir. Les retombées furent toutaussi exception nelles qu’enrichissantes.

Ayant moi-même pu profiter d’un lienpri vi légié à mon parrain (lien qu’il me plaît demaintenir encore d’ailleurs), je souhaitais agirà titre de pivot central de ces 3 pro fes sionnelsen leur faisant profiter de mes expériences etmes connaissances de la pratique del’urbanisme.

Après de multiples rencontres indivi duelles,j’ai organisé une soirée lors de laquelle les 3urbanistes-stagiaires pou vaient présenter augroupe une de leurs réalisations profes sion -nelles. Chacun y est allé de ses commen tairesconstructifs. Une fois complétée, nous noussommes mis à échanger sur notre quo tidien.Le plus étonnant de cette réunion fut leconstat que tous vivaient des problé ma tiquessemblables malgré la disparité des milieux.Citons seulement les interventions en zoneagricole, les querelles entre citoyens, lesinterprétations « houleuses » des règle mentsd’urbanisme. Notre échantillonnage est loind’être scientifique pour une firme de son dage,mais par la teneur de nos échanges, nousavons tissé à notre manière les bases d’unetoile de réseautage de professionnels passion -nés. Encore aujour d’hui, ces urba nistescommuniquent entre eux et avec moi pourfaire évoluer notre connaissance collective.

J’ai mentionné plus tôt que le parrainagedonnait aux stagiaires l’accès à l’expérience etaux connaissances de leur mentor. Plusmodestement, il faut reconnaître que cetaccompagnement d’un stagiaire forcel’urbaniste à approfondir ses habiletés. Eneffet, il m’est arrivé de faire face à desquestions dont les réponses peuvent d’em blées’avérer routinières. À titre d’exemple, ladivision d’une zone en secteurs, telle quedécrite au paragraphe 2° du deuxième alinéade l’article 113 de la Loi sur l’amé nagement

et l’urbanisme, n’est pas une pratiquecourante dans les rédactions réglementairestraditionnelles. Or, la validation de la réponseet la recherche de sa source deman dent uneffort inhabituel et nous replongent (étran -gement) dans nos livres ou devant nos écrans.En poussant l’exercice, il n’est pas rare de fairequelques (re) découvertes « Faut-il le rappeler,l’urbanisme n’est pas une science mais un artqui s’appuie sur des con naissances scienti fi quesvariées pour proposer des solutions d’aména -gement du territoire visant à har mo niser et àaméliorer le cadre de vie des popu lations enaccord avec des principes de sécurité et de santépubliques ainsi que de préservation de l’envi -ron ne ment par la mise en œuvre de mécanismesde développement durable »1... en constanteévolution!

Un bon coach ne peut marquer des pointssans ses joueurs. Il donne ses idées et met enplace des stratégies afin de voguer vers lavictoire. J’ai donc repris du service avec uneautre stagiaire travaillant au niveau régional.Cette vague de fraîcheur me permet de merenouveler en approfon dissant mes notionsd’aménagement à ce niveau de planification.N’ayons pas peur des mots : savoir, con naîtreet comprendre l’art qu’est l’urbanisme enallant au-delà des simples évidences demeureun défi de chaque instant pour les urbanistesdu monde entier.

En terminant, je réserve un simple mot auxstagiaires qui m’ont fait confiance : MERCI !Et pour vous, chers collègues urbanistes quihésitez : PLONGEZ ! La gestion et la pré pa -ration de la relève est un enjeu de taille oùl’Ordre des urbanistes du Québec offre lachance à de nombreux acteurs de transmettreet de partager un savoir infiniment riche. Parson enga ge ment, chaque parrain donne accèsun lot de connaissances qui lui est propredont les stagiaires peuvent bénéficier etmettre à profit dans la recherche constantede l’évolution de notre pratiqueprofessionnelle. ■

Vincent Langevin a parrainé 3 urbanistes-stagiaires et en accompagne une autre depuisle printemps 2011.

1 Politique d’intervention publique, Ordre des urbanistes du Québec, adoptée le 27 août 1988

La soiréede galadu congrès1La soirée de gala s’est conclue avec lanomination de 5 nouveaux urba nistesÉMÉRITES. Est élevé au rang des éméritesun membre de l’Ordre des urbanistes duQuébec qui a atteint un niveau d’excel -lence na tio nale et a apporté une contri -bution exceptionnelle à la professiond’urba niste, laquelle contribution estreconnue par les pairs pour avoir uneimportance significative dans plus d’unedes quatre catégories sui vantes : lapratique professionnelle, l’enseignementet l’encadrement professionnel, la pla ni -fication et la recherche en urbanisme,puis l’enga gement communautaire et leleader ship professionnel. Ainsi, MalackaAckaoui, Daniel Arbour, Alain Caron,Clément Demers et Claude Dubé ontremporté cet honneur.

2 Le gala du congrès a aussi étél’occasion de rendre hommage à madameMarie-Claude Aubin, urbaniste, qui s’estvu décerner le prix du Conseil inter pro -fessisonnel du Québec (CIQ) pour sonapport remarquable au développement etau rayonnement de l’Ordre.

Le CIQ, associé à La Personnelle, assu ran -ces générales a donc remis une médaillede bronze antique à madame Aubin afin delui témoigner sa reconnaissance pour sonimplication, notamment, au sein duComité consultatif sur les lois et règle -ments depuis juin 2007. À ce titre, elle estla présidente et également la repré sen -tante de l’Ordre à la table de discussiondes organismes professionnels tenue parle ministère des Affaires municipales, desRégions et de l'Occupation du territoire(MAMROT) dans le cadre de la révision dela Loi sur l’aménagement du territoire(LAU). Le travail de Marie-Claude Aubinest inspirant! Félicitations!

Page 49: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

URBANITÉ HIVER2012

49

NO

UVE

LLES

DE

L’ORD

RE

L’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ)a décerné le 8 novembre dernier, le PrixJean-Paul-L’Allier à Jean-Guy Desrosiers,maire de la Ville de Montmagny. La cérémoniede remise du prix a eu lieu dans le cadre de laSoirée de reconnaissance en infrastructuresmunicipales, Infra 2011, organisée par leCERIU en présence du sous-ministre adjointaux infrastructures et aux finances municipalesdu ministère des Affaires municipales, desRégions et de l’Occupation du territoire,M. Frédéric Guay, ainsi que de monsieurJean-Paul L’Allier, ancien maire dela Ville de Québec.

L’Ordre des urbanistesdu Québec décerne lePrix Jean-Paul-L’Allierà Jean-Guy Desrosiers,maire de la Ville deMontmagny

L’Ordre des urbanistes tient à souligner l’apport exceptionnel demonsieur Desrosiers en urbanisme parce qu’il a marqué sa ville et sarégion de façon remarquable et durable. Les nombreux projetsréalisés sous son administration ont eu d’excellentes retombées dansle milieu. Que l’on pense à la sécurité des résidants, aux services quileur sont offerts, au territoire qui est grandement mis en valeur, auxaméliorations physiques ou à la vitalité économique, toutes cessphères ont connu un essor considérable.

Créé en 2008, le Prix Jean-Paul-L’Allier honore un élu québécois quis’est distingué par sa vision, son leadership et ses réalisations enurbanisme et en aménagement du territoire. Le Prix Jean-Paul-L’Allier est remis chaque année par l’OUQ dans le cadre de laJournée mondiale de l’urbanisme, le 8 novembre. ■

1Robert Chicoine, président de l’OUQ, les nouveaux membres émérites,Claude Dubé, Clément Demers, Malacka Ackaoui, Alain Caron et Serge Filion,membre du comité des Émérites. Absent sur la photo : Daniel Arbour.

3Robert Chicoine, président de l’OUQ; les lauréats : Anik Fortin del’UQÀM, Pierre-André Corriveau de l’Université Laval, Lyne-MarieBouvet de l’Université de Montréal, David Beitel de l’Université McGillet Ginette Grisé conseillère municipale de la Ville de Laval. Absent surla photo : David Lamontagne Métivier de l’Université de Montréal.

2Kali Ghavitian, membre du conseil d’administration du CIQ,Marie-Claude Aubin, récipiendaire de la médaille du CIQet Robert Chicoine, président de l’OUQ.

3 PRIX DU MÉRITE ÉTUDIANT DE L’OUQL’OUQ a profité de la soirée de gala du congrès pour honorer 5 étudiantsdes universités offrant des programmes en urbanisme reconnuspar l’Ordre.

Les étudiants ont été sélectionnés selon les critères suivants :

- la note cumulative en fin de programme;- la qualité des projets professionnels (travaux, pratiques, stages, etc.);- l’excellence du projet final ou du mémoire;- la contribution générale au programme d’urbanisme.

Par ses prix du mérite étudiant, l’Ordre vise à encourager l’excellenceparmi les étudiants des programmes en urbanisme. Ainsi, 5 étudiants sesont vu remettre ce prix d’une valeur de plus de 2 500$. Félicitations!

Frédéric Guay, sous-ministre adjoint au ministère des Affaires municipales,des Régions et de l’Occupation du Territoire, Jean-Paul L’Allier,Jean-Guy Desrosiers maire de la Ville de Montmagny et Claude Beaulac,directeur général de l’OUQ.

Page 50: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain

SHUTTERSTOCK.COM

Calendrier

URBANITÉ HIVER2012CA

LEN

DRI

ER

JANVIER 2012

16 janvier 2012ACTIVITÉ Grande conférence Jean-Claude Marsan –

Le Pari impossible du Grand ParisORGANISATEUR Forum Urba-2015LIEU MontréalINFORMATION www.ouq.qc.ca

FÉVRIER 2012

6 février 2012ACTIVITÉ Grande conférence Jean-Claude Marsan –

Qu’est-ce qu’un projet urbain aujourd’hui ?ORGANISATEUR Forum Urba-2012LIEU MontréalINFORMATION www.ouq.qc.ca

MARS 2012

5 marsACTIVITÉ Grande conférence Jean-Claude Marsan –

Table ronde sur l’état de l’urbain à Montréalet au Québec

ORGANISATEUR Forum Urba-2015LIEU MontréalINFORMATION www.ouq.qc.ca

23 marsACTIVITÉ Conférence-midi – Comment protéger les eaux

souterraines sur un bassin versant agricole?ORGANISATEUR Centre de recherche en aménagement et en

développement (CRAD) de l’Université LavalLIEU QuébecINFORMATION www.ouq.qc.ca

29 marsACTIVITÉ Conférence – La station de métro Rosemont :

Un quartier à bâtirORGANISATEUR Forum Urba-2015LIEU MontréalINFORMATION www.ouq.qc.ca

AVRIL 2012

16 avrilACTIVITÉ Grande conférence Jean-Claude Marsan –

Le plan de développement intégré dela ville de Portland

ORGANISATEUR Forum Urba-2015LIEU MontréalINFORMATION www.ouq.qc.ca

16 et 17 avrilACTIVITÉ Colloque « S’approprier la ville », clôture

des grandes conférences Jean-Claude MarsanORGANISATEUR Forum Urba-2015LIEU MontréalINFORMATION www.ouq.qc.ca

MAI 2012

15 maiACTIVITÉ Conférence – Le réseau ferré de la région

de Montréal et le développement urbainORGANISATEUR Forum Urba-2015LIEU MontréalINFORMATION www.ouq.qc.ca

24 maiACTIVITÉ Conférence – Les politiques de stationnement et

de développement des TOD et des transports collectifs urbains

ORGANISATEUR Forum Urba-2015LIEU MontréalINFORMATION www.ouq.qc.ca

JUIN 2012

ACTIVITÉ Tournoi de golf de l’Ordre des urbanistesdu Québec

ORGANISATEUR Ordre des urbanistes du QuébecLIEU Île PerrotINFORMATION www.ouq.qc.ca

Page 51: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain
Page 52: L’art de densifier - ouq.qc.ca · Marsan, professeur émérite de l’Université de Montréal, a durable-ment marqué la pensée de l’aménagement et du patrimoine urbain