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L'ASIE D'UNE CRISE À L'AUTRE : L'IMPACT SUR L'INTÉGRATION RÉGIONALE Catherine FIGUIÈRE et Laëtitia Guilhot De Boeck Supérieur | Mondes en développement 2011/2 - n°154 pages 29 à 44 ISSN 0302-3052 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2011-2-page-29.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- FIGUIÈRE Catherine et Guilhot Laëtitia, « L'Asie d'une crise à l'autre : l'impact sur l'intégration régionale », Mondes en développement, 2011/2 n°154, p. 29-44. DOI : 10.3917/med.154.0029 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.155.203.24 - 04/03/2015 17h23. © De Boeck Supérieur Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 105.155.203.24 - 04/03/2015 17h23. © De Boeck Supérieur

L’Asie d’Une Crise à l’Autre , l’Impact Sur l'IER, MED,2009

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L’Asie d’une crise à l’autre

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  • L'ASIE D'UNE CRISE L'AUTRE : L'IMPACT SUR L'INTGRATIONRGIONALE Catherine FIGUIRE et Latitia Guilhot De Boeck Suprieur | Mondes en dveloppement 2011/2 - n154pages 29 44

    ISSN 0302-3052

    Article disponible en ligne l'adresse:

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-mondes-en-developpement-2011-2-page-29.htm

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    Pour citer cet article :

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------FIGUIRE Catherine et Guilhot Latitia, L'Asie d'une crise l'autre : l'impact sur l'intgration rgionale ,

    Mondes en dveloppement, 2011/2 n154, p. 29-44. DOI : 10.3917/med.154.0029

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    DOI : 10.3917/med.154.0029

    LAsie dune crise lautre : limpact sur lintgration rgionale

    Catherine FIGUIRE et Latitia GUILHOT1 n aot 2007, dix ans aprs la crise dite "asiatique" qui dbuta en juillet 1997 en Thalande (Rahman, 1998), clate aux tats-Unis la plus grande

    crise que le monde ait connue depuis les annes 1930 (Diemer et Dozolme, 2011). Alors quen Asie la crise stait diffuse en quelques semaines, jusqu lautomne 2008, on peut croire une simple crise conjoncturelle de lconomie amricaine. Mais la crise des subprimes va sintensifier et se diffuser lEurope. Puis, quelques mois plus tard, au dbut de lhiver, le Japon va montrer les premiers signes de contagion, suivi par la Chine. Ce dcalage a nanmoins suffi faire ressurgir la sduisante hypothse du dcouplage qui aurait pu permettre lAsie de "sauver le monde". En dautres termes, cela signifierait que la conjoncture des pays asiatiques serait dsormais indpendante de celle des grands pays occidentaux. Dans une dmarche empruntant lconomie politique internationale (EPI), dmarche interdisciplinaire intgrant la fois les phnomnes de richesse et de puissance dans les relations internationales (Kebabdjian, 1999), ce texte propose de montrer en quoi le squenage du processus dintgration conomique rgionale en Asie orientale, est dict par les crises du systme montaire et financier international (SMFI). LEPI, dans son approche rationaliste, analyse la coopration inter-tatique (Guilhot, 2009 et 2008). Plus prcisment, le courant institutionnaliste no-libral, en reconnaissant linstauration dune coopration sans leader entre tats partenaires, permet dvaluer la complexit du processus rgional en Asie, en prenant en compte, la fois les dterminants du renforcement de lintgration est-asiatique ainsi que ses modalits. La transposition lchelle rgionale des concepts de "rgime" (Kindelberger, 1986) et de "bien public" (Keohane, 1984), dans une perspective institutionnaliste no-librale, contribue mettre en vidence que les crises de 1997 et de 2007 poussent les conomies est-asiatiques renforcer leur coopration rgionale.

    1 Universit Pierre Mends France, Grenoble, [email protected] ; IAE de Lyon, [email protected].

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    La premire partie de cette contribution montre comment la crise de 1997, interprte comme une crise "localise" du systme montaire et financier international (SMFI) (Aglietta, 1998a), suscite une rponse rgionale. Cest en effet sur ce primtre que va sorganiser la production dun bien public rgional collectivement recherch : la stabilit montaire et financire, qui a prcisment fait dfaut en 1997. partir de 2000, les treize pays est-asiatiques de lASEAN + 32 vont progressivement btir les fondations du rgime montaire et financier rgional (Guilhot, 2009 et 2008), qui fait lobjet de la deuxime partie. La troisime partie montre comment la crise qui clate dix ans plus tard au cur mme du systme va avoir un nouvel effet dacclrateur sur le processus dintgration asiatique. 1. LA CRISE ASIATIQUE DE 1997 : UN RVLATEUR

    DU BESOIN DE BIEN PUBLIC RGIONAL (BPR) La crise de 1997 survient dans une zone o les flux intra-rgionaux sintensifient (rgionalisation), mais o seuls les membres de lASEAN ont mis en place un accord de libre-change (rgionalisme) (Guilhot, 2010 ; Figuire et Guilhot, 2008 ; Hugon, 2001). Aprs avoir suscit de larges dbats sur son origine, cette crise va provoquer un mcanisme de coopration intertatique entre des pays qui jusque l ne faisaient "que" commercer entre eux : lASEAN et ses voisins du Nord : la Chine, le Japon et la Core du Sud. 1.1 Droulement de la crise de 1997 : morceaux choisis Lobjectif ici nest pas de retracer le droulement de la crise dans son intgralit, mais de slectionner les faits saillants qui vont constituer, ex post, les motivations de la coordination intertatique dans la zone. Il convient, tout dabord, de rappeler que ce sont des taux de croissance bien suprieurs ceux quenregistrent les conomies occidentales depuis plus dune dcennie, conjugus une certaine stabilit conomique salue dans un rapport de la Banque mondiale de 1993, qui vont attirer en Asie des flux massifs de capitaux court terme (Rahman, 1998). Le crdit interbancaire net la Core, lIndonsie, la Malaisie, aux Philippines et la Thalande est pass de 14 milliards de dollars par an entre 1990 et 1994 43 milliards en 1995 et 1996, les deux tiers des oprations ayant des chances de moins dun an ; ces chiffres sont comparer des entres nettes sur actions de seulement 11 milliards et 17 milliards de dollars sur les mmes priodes (BRI, 1998, 137). Au total, dans les cinq pays touchs par la crise, les capitaux court terme reprsentaient 10% du 2 LASEAN+3 est un regroupement, incluant les dix membres de lASEAN (Association of

    Southeast Asian Nations), le Japon, la Chine et la Core du Sud, qui a commenc merger aprs la crise de 1997. Les membres fondateurs de lASEAN (1967) sont lIndonsie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thalande. Ils ont t rejoints par le Sultanat de Brunei (1984), le Vietnam (1995), le Laos et la Birmanie (1997), le Cambodge (1999).

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    PIB (Aglietta, 1998a). Donc, lorsque ces capitaux court terme vont se retirer brusquement, ds les premires manifestations de la crise en Thalande, les institutions financires nationales, qui ont prt moyen et long terme aux acteurs conomiques locaux, vont se retrouver dans lincapacit dassumer le risque de transformation. Ds lors, la crise asiatique va devenir bien plus quune crise cambiaire, comme le souligne Hugon (2001, 121), qui qualifie les diffrentes dimensions de la contagion rgionale : cambiaire, financire, commerciale et mimtique ; on peut galement rajouter la dimension conomique, voire politique, dans le cas de lIndonsie. Ce sont donc les grands pays de lASEAN en 1997, puis la Core du Sud en 1998, qui ont t durement touchs par une chute brutale de leurs taux de croissance, accompagne dune explosion du chmage dans des pays o les assurances sociales nexistent pas. On sait aujourdhui que la rcession fut courte, et que les pays concerns ont tous retrouv en deux ou trois ans un sentier de croissance quenvient toujours les conomies occidentales. Mais le choc nen fut pas moins brutal autant quinattendu pour les dirigeants de la zone (mme si certains observateurs trangers, dont Krugman (1994), avaient dj soulign des dysfonctionnements dans ces conomies). En effet, dans un contexte dabondance de liquidits au niveau mondial, "les entres de capitaux compensaient largement les dficits croissants des paiements courants dans plusieurs pays dAsie, et les rserves officielles avaient continu crotre" (BRI, 1998, 129). De plus, lancrage au dollar a nourri une forme "dillusion montaire inverse", labsence de fluctuations du taux de change occultant le rle dinformation que peuvent avoir ces dernires. 1.2 Les dbats sur les origines de cette crise : rgionale

    versus systmique La crise dmarre en Thalande en juillet, et, ds lhiver, le dbat acadmique sur ses origines fait rage. Lensemble de la communaut prend fait et cause pour lune ou lautre thse : "cette crise est une crise asiatique", "cette crise est une crise systmique". La distinction tablie alors par King (2001, 443), de la London School of Economics, entre deux types dala moral, un ala domestique et un ala international, peut tre utilement mobilise. Si la crise est asiatique, il sagit dun ala moral interne aux conomies qui entrent en crise. linverse, si la crise est considre comme systmique, elle est alors imputable la manifestation dun ala international. Sans surprise, Camdessus, qui dirige alors le FMI, considre que lala est de nature interne (Camdessus, 1998 ; Bergsten, 1997). Il distingue trois sources principales : des dsquilibres macro-conomiques, la faiblesse des institutions financires et des pratiques bancaires, notamment en matire prudentielle, et enfin, "la culture conomique de ces pays, tolrant des liens anormaux, troits, et disons-le, malsains entre ltat, les banques et le secteur des entreprises". Il nest pas anodin de souligner que cette proximit tait considre, bien quavec rticence, comme lune des cls du "miracle asiatique" par la Banque mondiale (1993).

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    Stiglitz (1998), Aglietta (1998a, 1998b, 2000a) ou Cartapanis (2001) dfendent, au contraire, lhypothse dune crise systmique. Cest cette hypothse, parfaitement rsume par Bello (1998, 439), qui est retenue : First of all, one of the prime causes of the current crisis has been the indiscriminate globalization of financial markets. En dautres termes, il sagit dune crise localise du SMFI. Il sagit, bien sr, dans un faisceau de causes, de dterminer celle qui a t dterminante dans le dclenchement de la crise. Le facteur considr comme dcisif rside dans le foss qui se creuse partir du dbut de la dcennie entre la libralisation des marchs de capitaux et des pratiques locales encore fortement structures autour de la tradition dintermdiation (Aglietta, 1998b). Un vritable dcalage se met en place entre les pratiques de deux catgories dacteurs : dune part, des investisseurs privs internationaux, familiers des placements rentables court, voire trs court, terme et, dautre part, des institutions financires habitues voluer dans un environnement de crdit encadr et de forte implication tatique : "Il semble que lune des principales causes des difficults ait tenu lincohrence entre le degr de libralisation financire et le degr de maturit des institutions financires locales" (Nicolas, 1998, 331). Aglietta (2000a, 292) considre la libralisation des marchs de capitaux comme une innovation systmique ncessitant un processus dapprentissage organisationnel. Les pays asiatiques entrent en crise justement parce quils ont ouvert leurs frontires des capitaux quils ne savent pas grer et sans savoir quils ne savent pas : "Drglementer est un acte discrtionnaire dun gouvernement ( effet immdiat). Mais modifier lorganisation des tablissements financiers, la gouvernance des emprunteurs, les systmes de contrle du risque, les critres de performance, changer les incitations et les comptences des personnels, sont des volutions de longue haleine". Or, la premire condition pour prvenir ce type de crise, aurait t deffectuer ces modifications avant de libraliser les marchs de capitaux nationaux. Mais en labsence dun vritable rgime financier international, aucune institution na vocation jouer ce rle de pdagogue. La libralisation des marchs de capitaux nayant pas t prcde par la mise en place dune "nouvelle architecture internationale" (Aglietta, 2000b) compatible, les crises financires se succdent lchelle de la plante, comme autant de crises localises dun seul et mme systme global. Cest bien le dysfonctionnement du systme global qui va provoquer en Asie une rponse sur une base rgionale. La crise de 1997 opre donc un basculement trs net. Jusque l les pays de la zone dveloppaient une interdpendance de facto, tout en bnficiant des diffrents "rgimes" disponibles au niveau "global", tels que lOrganisation mondiale du commerce, ou les institutions de Bretton Woods encadrant les marchs de capitaux et de devises. En raction une crise quils interprtent prcisment comme une faillite du rgime montaire et financier international, ces pays vont choisir de construire ensemble, dans ce domaine, le complment institutionnel indispensable leur interdpendance conomique.

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    1.3 dysfonctionnement global, rponse rgionale Les annes 1990 se caractrisent par la volatilit des taux de change. Alors que lAsie choisit majoritairement lancrage dollar, lEurope a dj choisi de sengager sur la voie rgionale pour grer cette instabilit, en se dotant de leuro en 1999, qui vient supprimer par construction tout risque de change entre partenaires conomiques privilgis. En Asie, il faut attendre la crise de 1997 pour que les partenaires asiatiques prennent pleinement conscience de leur interdpendance et envisagent de cooprer pour faire face de nouvelles ventualits de crise. Localement, la crise est galement interprte par les dirigeants de la zone comme une faillite du SMFI. La nature des mcanismes quils vont instaurer partir de 2000 le prouve amplement (Cf. partie 2). Cette crise du systme rend manifeste le manque de stabilit montaire et financire pour les pays dAsie orientale, quils soient directement ou non touchs par la crise. Les modalits, tant quantitatives que qualitatives de lintervention du FMI dans la zone (Nicolas, 1999 ; Higgott, 1998) vont renforcer le sentiment dinsatisfaction vis--vis du systme international et prcipiter la volont dy faire face sur une base rgionale. Parce que le bien public "stabilit montaire et financire" nest pas produit sur une base internationale, les pays asiatiques vont peu peu sorganiser pour le produire sur une base rgionale. Le dialogue qui sinstitue entre les membres de lASEAN +3 rvle une volont de palier les insuffisances de la coordination au niveau global par la mise en place dune coopration intertatique rgionale, qui est interprte dans cet article comme le fondement dun rgime. En labsence de leader effectif dans la zone, (nous avons montr ailleurs que le Japon et la Chine dtenaient eux deux tous les attributs du leadership, Figuire et Guilhot, 2009 et 2008), un rgime non hgmonique sest impos aux treize pays. Lapproche institutionnaliste no-librale permet daller plus loin dans lanalyse, en prcisant quun "rgime de collaboration" (Stein, 1983) a constitu la modalit de production du bien public rgional. En effet, depuis les travaux de Krasner (1983), un large consensus merge de la littrature sur la nature "thmatique" du concept de rgime (given area ou issue area). La focalisation des deux grandes initiatives asiatiques, lInitiative Chiang Mai et lAsian Bond Markets Initiative sur les questions montaire et financire permet sans hsitation de qualifier ce rgime de "montaire et financier". 2. 2000-2007 : STRUCTURATION DUN RGIME

    MONTAIRE ET FINANCIER RGIONAL EN ASIE ORIENTALE

    Les priodes dacclration de lintgration conomique rgionale en Asie sont le fait des deux principales crises du SMFI : la crise de 1997 et celle de 2007. Nanmoins, ce processus na cess de sapprofondir au fil des annes, malgr un retour une "relative" stabilit du SMFI et une forte croissance

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    conomique pour ces pays. Les deux initiatives asiatiques, ICM et ABMI, et leur approfondissement progressif, lillustrent. Leur prsentation permettra galement de les positionner comme les deux piliers du rgime rgional est-asiatique. Ainsi, la mobilisation du concept de rgime permet dinterprter la coopration intertatique mise en place aprs 1997 comme le moyen privilgi par les dirigeants de lASEAN+3 pour rpondre un intrt commun non atteignable sans la coopration : le besoin de stabilit montaire et financier rgional. 2.1 LInitiative Chiang Mai (ICM) Lors du Meeting annuel de lADB (Asian Development Bank), tenu Chiang Mai, en Thalande, en mai 2000, les treize pays de lASEAN+3 reconnaissent les dfaillances du SMFI en 1997 et dcident dy faire face en tablissant une coopration rgionale qui a pour objectif de rpondre aux besoins de liquidits de court terme au sein de la rgion et de complter les arrangements financiers internationaux existants. LInitiative Chiang Mai est alors signe. Elle comporte deux volets. Le premier volet porte sur le renforcement des changes dinformations et de surveillance. Ce processus, mis en place en novembre 1999, est connu sous le nom ASEAN+3 Economic Policy Review and Dialogue Process (EPRDP) (Fukasaku et al., 2005). Il couvre cinq fonctions principales (Kawai, 2007) :

    1) valuer les conditions conomiques nationales, rgionales et globales, 2) contrler les flux rgionaux de capitaux, 3) identifier les risques financiers et macro-conomiques aussi bien que les

    politiques rduisant de tels risques, 4) renforcer les structures des systmes financiers et bancaires, 5) fournir une voie "asiatique" dans la rforme du systme financier

    international. Les ministres des Finances des treize pays, ainsi que le Secrtaire gnral de lASEAN se runissent deux fois par an pour coordonner leurs actions. Ce mcanisme de surveillance est intgr officiellement lICM en mai 2005, lors de la 8me Runion des ministres des Finances de lASEAN+3. Le second volet repose sur lamlioration de loffre de ressources. Cette offre sappuie sur lextension dun accord de swaps toutes les banques centrales des pays de lASEAN (ASEAN Swap Arrangement [ASA]), accord tendu aux nouveaux membres de lassociation en 2000, mais surtout sur linstauration dune srie daccords bilatraux de swaps entre les banques centrales des pays membres de lASEAN et les trois autres pays (Core du Sud, Chine, Japon). Au fur et mesure des annes et malgr un rebond de leur croissance, les treize pays renforcent lICM (graphique 1). Cette construction est lente (7 ans) mais rgulire (graphique 1). Elle rvle la volont constante des pays de lASEAN+3 de mettre en place des dispositifs permettant dassurer la stabilit montaire de la rgion. Cette initiative sera

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    complte par lABMI, qui vient renforcer le volet financier de la stabilit recherche par les conomies est-asiatiques. 2.2 LAsian Bond Markets Initiative (ABMI) LABMI, instaur officiellement en aot 2003, lors de la runion des ministres des Finances de lASEAN+3, Manille, vient complter la coopration montaire initiale et reprsente le deuxime pilier du rgime rgional est-asiatique. Cette initiative a pour objectif de rendre les marchs obligataires des pays membres plus efficaces et plus liquides, en permettant une meilleure utilisation de lpargne asiatique pour les investisseurs asiatiques. Elle vise ainsi limiter certaines faiblesses des conomies asiatiques rvles par la crise de 1997. Ce dispositif comporte deux volets : le dveloppement des marchs primaires et secondaires des obligations, en favorisant une large varit dmetteurs et de produits (accent mis sur loffre), et lamlioration des structures de ces marchs (Shirai, 2006). Quatre groupes de travail sont mis en place, chacun ayant son sujet danalyse :

    1) cration de nouveaux instruments de dette scuriss, 2) instauration des garanties de crdit et de mcanismes dinvestissement, 3) amlioration des transactions de change et de rglements, 4) laboration dun systme de notation et la diffusion de linformation.

    cela sajoute une assistance technique pour les pays les moins dvelopps. Paralllement, les gouvernements de lASEAN+3 rflchissent activement la possibilit de crer un mcanisme rgional de garantie et un systme commun de compensation et de rglement (Belaisch et Zanello, 2006). Toutes ces mesures sont compltes par la mise en place des mcanismes de surveillance et de partage de linformation. Le lancement du site internet, asianbondsonline.adb.org, en mai 2004, soutenu techniquement par lADB et le gouvernement japonais, permet davoir accs linformation concernant les obligations mises par les tats et les entreprises. En 2005, ce site sest toff en proposant une publication en ligne "Asia Bond Monitor" et en mettant la disposition des lecteurs des indicateurs sur les obligations est-asiatiques. Il a galement mis en place une section "Comment acheter une obligation ?" et un glossaire, expliquant les termes et les dfinitions spcifiques des marchs obligataires est-asiatiques. Afin de renforcer la communication et la coordination entre les treize pays, le secrtariat de lASEAN a lanc, en mars 2005, un site intranet de lABMI dont lobjectif affich est de devenir un secrtariat virtuel pour les treize pays (AFMM, 2005). Durant la reprise conomique, lABMI continue, linstar de lICM, dtre renforc au fil des annes (graphique 1). Plus de sept ans aprs son lancement, les efforts initiaux ont port leurs fruits. La taille des marchs obligataires en monnaie locale des pays mergents de la rgion (Japon exclu) a t multiplie par plus de 4,3 depuis 2003. Fin 2010, la capitalisation des marchs obligataires en monnaie locale slevait plus 5 209 milliards de dollars, contre 1 202 milliards de dollars en 2003 (ADB, 2011).

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  • 36 Catherine FIGUIRE et Latitia GUILHOT

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    Graphique 1 : Croissance conomique des principales conomies est-asiatiques et coopration montaire et financire asiatique (1995 2011)

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    ICM ABMI FMAA+3 ICM+

    ASEAN-5 : 5 membres fondateurs de lASEAN. A+ 3 : premier sommet informel entre les treize pays, en dcembre 1997, lors du sommet de lASEAN Kuala Lumpur. ICM+ : adoption de la procdure de dcision collective pour lactivation des swaps, premire tape de la multilatralisation de lICM et le renforcement des mcanismes de surveillance avec la cration de lAMRO. FMA : entre en vigueur de la multilatralisation de lICM, en mars 2010. Source : Calculs des auteures daprs les donnes du FMI, http://www.imf.org/ , prvisions pour les annes 2010 et 2011.

    Ce graphique montre que si les crises ont un effet de dclenchement et dacclration, une fois initi par la crise de 1997, le processus dintgration montaire et financire rgionale progresse rgulirement tout au long de la dcennie 2000, indpendamment du rythme de croissance conomique des pays concerns. Nanmoins, la forte dynamique institutionnelle impulse par les vnements de 1997 dans le domaine montaire et financier, ne saccompagne pas dune intensification des flux dans ce domaine (Kim et Lee, 2008). La rgionalisation financire est, en effet, trs en retard par rapport la rgionalisation commerciale et productive de la zone (Figuire et Guilhot, 2011a). Il convient donc de souligner le paradoxe de lintgration conomique rgionale (IER) en Asie. Nos travaux antrieurs ont fait rfrence une intgration conomique en surface ou en profondeur (Figuire et Guilhot, 2006), voire dintgration supranationale (Guilhot, 2008). Un prolongement de la rflexion sur les champs respectifs de la rgionalisation et du rgionalisme savre ncessaire. Le constat qui simpose encore en 2010 est le suivant : dune part, la rgionalisation des changes au sein de lASEAN+3 (ou +5) ne saccompagne toujours pas dun accord de libre-change sur ce primtre ; dautre part, le rgionalisme dans le domaine montaire et financier ne se conjugue pas avec une intgration systmatique des marchs de capitaux.

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  • L'Asie d'une crise l'autre : l'impact sur l'intgration rgionale 37

    Mondes en Dveloppement Vol.39-2011/2-n154

    Pour tre "complte", lintgration conomique rgionale en Asie devrait conjuguer rgionalisme et rgionalisation dans les deux champs : rel et financier/montaire. Le graphique 2 permet dillustrer la fois la spcificit asiatique en matire dintgration et ce que serait une IER "complte".

    Graphique 2 : Une intgration conomique rgionale "complte"

    Les modalits dun processus dintgration rgionale sont largement conditionnes par le contexte dans lequel il se droule. Alors que lUnion europenne a commenc sa construction encadre par les institutions de Bretton Woods et un GATT balbutiant, lAsie doit faire face un environnement international radicalement diffrent. En effet, le rgime commercial en vigueur sous lgide de lOrganisation mondiale du commerce permet de smanciper de lobligation absolue de signer des accords de libre-change entre partenaires privilgis. A contrario, les dysfonctionnements du rgime financier et montaire international contraignent ces partenaires se doter dun cadre institutionnel rgional dans ce domaine, comme le montre la ralisation de la zone euro. Si la zone euro peut tre considre comme la seule zone dintgration supranationale la plus complte ce jour, cest en grande partie cause de la profondeur historique de son processus dintgration. 3. LA CRISE DE 2007, UN DOUBLE EFFET SUR LE

    PROCESSUS DINTGRATION EST-ASIATIQUE Le 9 juillet 2007, Stiglitz, dans un article publi en France dans les chos, fait un point sur "la crise asiatique, dix ans aprs". Il souligne que les rformes ncessaires lamlioration du systme financier international nont pas t menes, le Trsor amricain et le Fonds montaire international (FMI) ralisant quelles ntaient pas dans leur intrt. Selon cet auteur, la situation conomique mondiale de lt 2007 laisse supposer lmergence dune nouvelle crise.

    Rgionalisation Rgionalisme

    Rel (production, changes)

    Montaire et financier

    Intgration conomique rgionale "complte"

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  • 38 Catherine FIGUIRE et Latitia GUILHOT

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    Lactualit du mois suivant lui donnera raison : la crise des subprimes clate en aot aux tats-Unis. Cette crise aura deux effets sur le processus dintgration est-asiatique. Elle rvlera, tout dabord, que la thse du dcouplage nest pas envisageable, les conomies est-asiatiques dpendant fortement de la demande occidentale. Ensuite, linstar de la crise de 1997, elle poussera les treize pays renforcer de nouveau leur coopration dans le domaine montaire et financier, en faisant merger, de facto, un Fonds montaire asiatique. 3.1 La crise de 2007 comme rvlatrice de labsence

    dautonomie de la rgion est-asiatique La crise de 2007 rvle que lIER na pas encore suffisamment progress pour protger lAsie. Ds lors quelle a dpass le cadre dune simple crise conjoncturelle, en touchant lEurope dune part, la sphre relle dautre part, elle sest tendue lAsie (Banque mondiale, 2009). La crise mettra en vidence la forte dpendance des pays asiatiques vis--vis des marchs occidentaux, ils reprsentent, plus de 30% de leurs exportations. Linstauration dun "commerce triangulaire" depuis lintgration de la Chine la division rgionale du travail en Asie ne fait que renforcer ce phnomne (Gaulier et al., 2006).

    Graphique 3 : Commerce triangulaire : flux dexportations et dimportations, annes 1995 et 2007 (milliards US $)

    Source : Ralisation des auteures partir de la base de donnes Chelem ASEAN+2 : les dix pays membres de lASEAN ainsi que la Core du Sud et le Japon ; Occident : Union Europenne 153 et tats-Unis. Schmatiquement, la Chine importe des pices et des composants des conomies est-asiatiques pour les assembler. Elle exporte ensuite les produits finis, principalement vers les grandes conomies dveloppes. 3 LUnion europenne 15 fait rfrence aux pays les plus dvelopps de lEurope : France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Irlande, Royaume-Uni, Danemark, Grce, Espagne, Portugal, Finlande, Sude et Autriche.

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  • L'Asie d'une crise l'autre : l'impact sur l'intgration rgionale 39

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    Ce pays enregistre ainsi un dficit commercial avec ses principaux partenaires asiatiques, alors quelle est fortement excdentaire vis--vis des nations occidentales (tats-Unis, en particulier), comme le montre le graphique 3. Ce dsquilibre commercial sest accentu au fil des annes. Entre 1995 et 2007, lexcdent commercial de la Chine vis--vis de lOccident a t multipli par 12 pour atteindre 398 milliards de dollars en 2007. Il est, lui seul, plus lev que les excdents commerciaux cumuls par les douze autres pays est-asiatiques (dix pays de lAsean, Core du Sud et Japon).

    Graphique 4 : Commerce triangulaire : flux dexportations et dimportations, annes 2008 et 2009 (milliards US $)

    Source : Ralisation des auteures partir de la base de donnes Chelem.

    La crise actuelle ne semble pas avoir modifi cette organisation de la production. Certes lexcdent commercial chinois vis--vis de lOccident sest rduit (recul de 80 milliards de dollars entre 2008 et 2009). La part des tats-Unis dans les exportations chinoises a sensiblement diminu, alors que celle de la zone euro a augment la crise provoquant une chute de la demande plus importante aux tats-Unis quen Europe. Ces variations "opposes" illustrent le bouclage de lAsie sur le reste du monde. Ce que lAsie consomme, elle peut le produire, ce quelle produit elle ne peut pas le consommer. Mais le dficit commercial chinois avec les pays asiatiques saccrot en 2009 pour atteindre 58,4 milliards de dollars. Cette absence dautonomie sexplique principalement par lhtrognit des niveaux de dveloppement au sein des pays de lASEAN+3. LAsie est essentiellement compose dconomies mergentes dont la demande ne peut se substituer la demande occidentale court ou moyen terme. Le Japon, pourtant seul pays dvelopp de la zone, ne fait pas figure dexception. Il est galement dpendant des dbouchs occidentaux pour commercialiser une production que les conomies voisines ne peuvent absorber dans sa totalit. Le rattrapage de ces conomies demeure donc la pierre angulaire dun ventuel dcouplage sur le moyen et le long terme. Les diffrents plans de relance semblent sinscrire dans cette perspective. Au-del des mesures de court terme

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  • 40 Catherine FIGUIRE et Latitia GUILHOT

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    de soutien la croissance, des mesures de long terme sont mises en place, dont lobjectif est de dvelopper la demande nationale. Le plan de relance de 600 milliards de dollars de la Chine, adopt en novembre 2008, est le plus emblmatique. La volont du gouvernement chinois de rduire la dpendance de son conomie vis--vis des dbouchs extrieurs, notamment occidentaux, se traduit par llargissement du systme de protection sociale chinois. En effet, le dveloppement de la consommation interne passe par llvation du niveau de vie des mnages chinois, mais aussi par la rduction de leur pargne de prcaution (Figuire et Guilhot, 2011a). Ainsi, cest davantage par le biais du ralentissement de la demande occidentale (dont elle dpend pour son bouclage final) que lAsie est contamine, que par la crise financire stricto sensu. Dans une zone qui compte quinze pays, seuls quatre sont dots de marchs financiers "matures" : le Japon, Hong Kong, Taiwan et Singapour. Dans les onze autres pays, les systmes bancaires (les banques dominent largement les systmes financiers) sont considrs comme trs faiblement intgrs aux marchs financiers rgionaux et mondiaux (Rigg et Schou-Zibelli, 2009 ; Adams, 2008). Ils restent des acteurs nationaux principalement tourns vers le financement de lactivit domestique. De plus, ces pays dans leur quasi-totalit (mme lorsquils ont t faiblement touchs par la crise de 1997) ont t amens restructurer leurs systmes bancaires et refonder leurs pratiques sur des exigences prudentielles beaucoup plus leves que par le pass (Lee et Park, 2009) (ce que les acteurs financiers occidentaux nont pas fait depuis longtemps, puisquils nont pas connu de crise majeure depuis plusieurs dcennies). Ainsi, seuls quatre pays sur quinze sont techniquement exposs des turpitudes identiques celles que rencontrent les pays dvelopps dOccident. Cette exposition est cependant l encore minore par la structure de financement de lactivit conomique. Les entreprises asiatiques (japonaises y compris) continuent de recourir davantage lendettement auprs des banques que leurs homologues occidentales (Lee et Park, 2009 ; Adams, 2008). La sophistication des produits financiers est alle moins loin. La densification des risques est galement plus faible. Alors que cette fragmentation des marchs est considre par les analystes comme un handicap lintgration rgionale, elle sert nanmoins damortisseur la transmission des perturbations financires venues dOccident. 3.2 La crise de 2007 comme acclratrice de lavnement

    dun FMA En septembre 1997, lors du sommet du FMI et de la Banque mondiale Hong Kong, le Japon annonce un projet de FMA. Ce fonds, voulu comme indpendant du FMI, devait sappuyer sur des liquidits dun montant de 100 milliards de dollars, dont la moiti aurait t apporte par le Japon et le complment par les autres pays asiatiques. Ce projet a t une raction au refus amricain de participer au sauvetage de la Thalande, alors quen 1994 les tats-Unis staient fortement engags en faveur du Mexique. Les pays asiatiques,

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    sous la houlette du Japon, dcident de sorganiser (Higgott, 1998). Mais ce projet est vivement critiqu par le FMI et les tats-Unis. Les redondances avec les fonctions du FMI, notamment en ce qui concerne la promotion du dialogue entre les diffrents acteurs et le soutien financier lors de crise, et les possibles problmes dala moral, sont mis en avant pour carter le projet (Shirai, 2006). De mme, certains auteurs remettent en question le primtre gographique de ce fonds. Bergsten (1997) affirme "lAPEC constitue le cadre institutionnel naturel du "Fonds montaire asiatique" dont on parle tant". La Chine, par ailleurs, soutient sans enthousiasme linitiative japonaise et ce pour plusieurs raisons. Le gouvernement chinois craint alors une domination nippone dans llaboration de ce fonds. Il se demande si la mise en place dun fonds rgional constitue vraiment la meilleure rponse pour contrer des attaques spculatives et si ce fonds peut, terme, lui tre bnfique conomiquement et stratgiquement (Yu, 2001). Cette proposition sera carte pendant plus de dix ans mais sera de nouveau lordre du jour, notamment lors de linstauration progressive de la multilatralisation de lICM. Face une situation conomique mondiale de plus en plus proccupante, en mai 2008, lors de la dclaration conjointe des ministres des Finances, les pays sengagent acclrer les discussions afin darriver un consensus sur les modalits de la multilatralisation de lICM, base jusque l sur des accords bilatraux. Cest Bali que la dclaration des treize ministres de lASEAN+3 lors du 12me sommet, le 3 mai 2009, que sont dfinitivement poses les bases de cette multilatralisation. Son instauration est fixe pour la fin de lanne. Les pays saccordent sur le montant allou (qui passe de 36,5 120 milliards de dollars entre 2003 et fin 2009), sur le mcanisme de surveillance et sur les contributions de chaque partenaire : 32% pour la Chine et le Japon, 16% pour la Core du Sud, 20% pour les dix pays de lASEAN, (dont 95% fournis par les cinq membres fondateurs, Thalande, Philippines, Indonsie, Malaisie, Singapour).Ces pays auxquels se joint lautorit montaire de Hong Kong poursuivent leurs engagements. Le 28 dcembre 2009, la multilatralisation de lICM (MICM) est signe. Elle entre en vigueur le 24 mars 2010. Paralllement cette mesure de multilatralisation des accords de swaps, les treize pays dcident de renforcer le mcanisme de surveillance de lICM afin dviter le problme dala moral inhrent un accord strictement "rgional". Suite la dclaration conjointe des Ministres des Finances, du 4 mai 2008, les dirigeants de lASEAN+3 mettent en place des mesures visant renforcer lERPD (ASEAN+3 Economic Review and Policy Dialogue). Les trois mesures phares sont laugmentation des frquences des dialogues et le dveloppement dun format standardis pour les rapports dinformation4, mais surtout la cration de lAMRO (ASEAN+3 Macroeconomic Research Office) (Figuire et

    4.http://www.reuters.com/article/marketsNews/idUSSEO7774120080504?pageNumber=4&vi

    rtualBrandChannel=0&sp=true

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  • 42 Catherine FIGUIRE et Latitia GUILHOT

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    Guilhot, 2011b). Sa cration marque un tournant important dans lhistoire de lASEAN+3 qui ne compte toujours pas de secrtariat permanent. LAMRO, bas Singapour, comptera en effet une dizaine de permanents. Le renforcement progressif de lICM fait rmerger la question de la cration dun Fonds montaire asiatique (Chey, 2009 ; Guilhot, 2009 ; Henning, 2009), juste titre, car le renforcement du mcanisme de surveillance et la multilatralisation des accords de swaps permettent daffirmer que ce fonds vient bien dtre cr de facto, mme si le terme de FMA, pour lheure, nest pas encore employ officiellement. CONCLUSION Il convient, sans doute, de souligner que la vulnrabilit asiatique aux crises internationales dcoule largement de labsence de dcouplage en matire de demande. Le "recentrage asiatique", dj annonc par Fouquin et al. en 1991, constituerait une "assurance anticrise" supplmentaire. LOCDE dans son dernier rapport sur lAsie du Sud-Est (novembre 2010) semble confiante dans les capacits de la zone augmenter le rle de sa demande intrieure dans son rgime de croissance : demande intrieure de chacune des conomies, mais galement demande intra-rgionale. BIBLIOGRAPHIE ADAMS C. (2008) Emerging East Asian Banking Systems Ten years after the 1997/98

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  • L'Asie d'une crise l'autre : l'impact sur l'intgration rgionale 43

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