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L'ASSISTANCE ENTRE CHARITÉ ET SOUPÇON. SUR LA DISTRIBUTION ALIMENTAIRE DANS UNE PETITE VILLE DU NORD DE LA FRANCE Paul Cary et Claire-Sophie Roi La Découverte | Revue du MAUSS 2013/1 - n° 41 pages 327 à 346 ISSN 1247-4819 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-du-mauss-2013-1-page-327.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Cary Paul et Roi Claire-Sophie, « L'assistance entre charité et soupçon. Sur la distribution alimentaire dans une petite ville du nord de la France », Revue du MAUSS, 2013/1 n° 41, p. 327-346. DOI : 10.3917/rdm.041.0327 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour La Découverte. © La Découverte. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Biblio SHS - - 193.54.110.35 - 29/04/2014 09h45. © La Découverte Document téléchargé depuis www.cairn.info - Biblio SHS - - 193.54.110.35 - 29/04/2014 09h45. © La Découverte

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L'ASSISTANCE ENTRE CHARITÉ ET SOUPÇON. SUR LADISTRIBUTION ALIMENTAIRE DANS UNE PETITE VILLE DU NORDDE LA FRANCE Paul Cary et Claire-Sophie Roi La Découverte | Revue du MAUSS 2013/1 - n° 41pages 327 à 346

ISSN 1247-4819

Article disponible en ligne à l'adresse:

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Cary Paul et Roi Claire-Sophie, « L'assistance entre charité et soupçon. Sur la distribution alimentaire dans une petite

ville du nord de la France »,

Revue du MAUSS, 2013/1 n° 41, p. 327-346. DOI : 10.3917/rdm.041.0327

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L’assistance entre charité et soupçon. Sur la distribution alimentaire dans une petite ville

du nord de la France

Paul Cary et Claire-Sophie Roi

Une fois par mois, Verdeuil1 est le théâtre d’un événement singulier. Dans des locaux délabrés et une ambiance pesante, une petite dizaine de bénévoles âgés, membres d’une conférence Saint-Vincent-de-Paul2 (SVP), distribuent des colis alimentaires à cent-quarante ménages. L’intensité de l’effort fourni les jours précédents par les bénévoles pour préparer les colis contraste avec leur empressement à les distribuer à une population de bénéficiaires, parmi lesquels certains ironisent sur ces « grenouilles3 » avec lesquelles la communication oscille entre tension et indifférence. Cette situation est le point de départ de cet article, qui vise à réfléchir sur une des formes actuelles de l’assistance. Il est fondé sur une observation participante4 de

1. Dans un souci d’anonymat, nous avons transformé le nom de la ville et des personnes citées.

2. Fondée en 1833 à l’initiative de Frédéric Ozanam, la Société de Saint-Vincent-de-Paul est une association française reconnue d’utilité publique en France et appartient à une Confédération internationale. Les « Conférences » en constituent la base locale : les membres s’y impliquent notamment pour réaliser des actions de charité envers les plus démunis.

3. Autrement dit les « grenouilles de bénitier ». (Ndlr.)4. Avec l’implication de l’un d’entre nous dans la préparation des colis en 2011

et 2012.

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plusieurs mois du fonctionnement de SVP, complétée par des entretiens avec la plupart des membres de SVP et les responsables d’autres institutions.

Marqué par un long déclin industriel (voir encadré), Verdeuil offre un cadre propice à une réflexion sur les formes contemporaines de l’assistance. À la suite des analyses de Paugam [1991] et Castel [1995] sur les nouvelles formes de pauvreté apparues dans les années 1970, Duvoux [2012] souligne que l’assistance est une condition indispensable au fonctionnement des sociétés démocratiques, en même temps que sa critique, voire son rejet, est devenue « un élément structurant du débat politique et des représentations sociales » [ibid., p. 10] dans une France de l’« ère du soupçon » à l’égard des assistés5. Avec la fragilisation des États providence [Rosanvallon, 1992], les politiques d’insertion mises en place ont certes permis de maintenir à flot une population nombreuse, mais elles ont souvent échoué à les conduire vers des formes d’emploi stable, les condamnant ainsi à une « double peine » [Duvoux, ibid.] : à l’écart du travail et des protections qui y sont associées. Dans ce cadre, Verdeuil présente une singularité : l’assistance alimentaire y est encore assurée de façon presque exclusive par une conférence locale de Saint-Vincent-de-Paul qui procède à des distributions de colis touchant une part significative de la population. Pour les bénévoles, l’assistance trouve ses fondements dans la foi catholique et l’initiative privée. Cependant, remettre des colis aux plus pauvres caractérise une des formes les plus obsolètes de la charité. Ainsi, Retière [2002] a souligné, pour le cas nantais, comment, au sein même de SVP, les distributions de colis avaient progressivement disparu dans les années 1990 au profit de bons d’achat ou de la création d’une épicerie sociale. De même, Zelizer [2005] retrace, pour les États-Unis de la fin du xixe siècle, le long processus par lequel les pauvres ont finalement été autorisés à toucher de l’argent en espèces – et non plus des colis ou des bons d’achat – afin qu’ils puissent eux-mêmes apprendre à consommer.

5. Les travaux récents sur les trappes à pauvreté critiquent fortement ce biais très utilitariste [Duvoux, op. cit.].

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329L’assistance entre charité et soupçon…

Le maintien de la forme colis ne relève pas uniquement d’un archaïsme ou d’une curiosité. Si l’implication des bénévoles de SVP repose sur une conception charitable de l’aide, la distribution alimentaire s’appuie aussi sur un système local au sein duquel la prise en charge des assistés s’accompagne d’un discours inquiet et virulent sur la dépendance. Ainsi, la rencontre entre une conception désuète de la charité et un discours actuel de défiance vis-à-vis de toute dépendance aboutit à une prise en charge particulièrement stigmatisante et contraignante pour les bénéficiaires : ceux-ci, quand bien même leur situation objective rend tout contre-don impossible, sont sommés en permanence de donner une contrepartie à l’aide qu’ils reçoivent.

Dans cet article, après avoir décrit la distribution alimentaire organisée par la cellule locale de SVP ainsi que les moments de préparation et de remise des colis, nous analyserons le système local de « pistage » des pauvres et les ressorts d’une montée de l’exigence en contreparties.

Verdeuil, un bourg pauvre

Situé dans une zone semi-rurale, Verdeuil est un bourg d’environ 6 000 habitants qui a perdu 476 habitants entre 1999 et 2008. Il se caractérise par l’importance des stigmates de la pauvreté. Le visiteur en relève de nombreux indices dans ses déambulations entre les immeubles HLM des années 1950, les petites maisons ouvrières étroites et parfois en très mauvais état et les grandes usines vides qui marquent le tissu urbain. Dans cette zone autrefois industrialisée ne subsiste qu’une seule grosse entreprise industrielle de cent cinquante-sept salariés. La majorité des emplois correspond aux secteurs administratifs (mairie, école, santé) qui limitent tant bien que mal la déshérence en emploi. Se détachent également deux supermarchés, Verdeuil restant un pôle important dans la zone rurale qui l’entoure.

La situation socioéconomique apparaît très dégradée. Le taux de chômage atteint 26,9 % de la population active en 2008. Seuls 32 % des foyers fiscaux sont imposables et la limite du premier décile s’élève à 1 340 euros (6 667 en France) tandis que celle du 9e décile n’atteint que 23 440 euros (37 163 en France) pour les revenus déclarés par unité de consommation (données Insee 2009). La population souffre d’un manque de qualification puisque seuls 17,9 % des plus de quinze ans non scolarisés disposent d’un diplôme supérieur ou équivalent au bac.

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La distribution de l’aide alimentaire par une association catholique à Verdeuil : la persistance

de la charité dans l’assistance

Une association catholique : Saint-Vincent-de-Paul à Verdeuil

La dizaine de bénévoles, âgés de soixante-huit à quatre-vingt-treize ans, qui s’occupent de la préparation des colis et de leur distribution vivent à Verdeuil ou dans les environs immédiats. Ils sont tous membres de la conférence locale de SVP qui fait elle-même partie de la Société de Saint-Vincent-de-Paul. Présente sur le territoire français avec environ 1 000 conférences en activité, cette dernière défend l’idée « d’enserrer le monde dans un réseau de charité6 » avec une action très localisée. L’assistance aux pauvres revêt trois grandes modalités : visiter, accueillir et accompagner, et la mise en place de relations interpersonnelles entre aidants et aidés est considérée comme primordiale.

Comme Retière l’a bien montré, les conférences se caractérisaient, dans la première moitié du xxe siècle, par une forte participation « des milieux privilégiés » (bourgeoisie, professions libérales, haute fonction publique et aristocratie) dans le cadre de ce qu’il appelle une « obligation religieuse de classe » [2002, p. 25]. À Nantes, les conférences jouèrent un rôle central dans l’organisation de l’assistance locale avant que leur leadership soit contesté, à la Libération, par l’implantation de nouvelles organisations : laïques (le Secours populaire) ou catholiques (Les Petits frères des pauvres, le Secours catholique). Les années 1980 et le développement d’associations prenant en charge l’urgence vont encore restreindre l’influence des conférences SVP, confrontées au vieillissement de leurs membres. De même, les visites à domicile pour livrer les colis alimentaires vont être abandonnées afin de s’adapter à la nouvelle situation sociale. Dans le champ des associations catholiques, SVP apparaît comme particulièrement conservatrice. Les notions de

6. Site web de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, consulté le 2 juillet 2012 (<www.ssvp.fr >).

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331L’assistance entre charité et soupçon…

solidarité ou de justice sont rarement sollicitées en tant qu’elles pourraient contester l’ordre social existant.

Ces descriptions se retrouvent dans une large mesure à Verdeuil, où la conférence locale fut fondée il y a plus de cent ans. Les plus anciens souvenirs des membres encore actifs remontent aux années 1950 : les publics concernés étaient alors plutôt des vieillards, des paysans sans retraite. Les premières aides délivrées par l’association consistaient alors en colis de pot-au-feu et bons de charbon. L’association se caractérisait par de nombreuses visites aux domiciles des pauvres, souvent signalés par des voisins. La visite, en personnalisant la relation entre donateurs et donataires, correspondait aux principes d’une charité de proximité : « Que je me souvienne, la visite a toujours existé ici. Ce n’était pas intrusif comme on peut le croire. Le plus souvent, on se rendait chez les gens dont on nous avait parlé avant » (M. Coulanges). Elle était aussi l’occasion d’un contrôle social et moral des familles : les visiteurs de SVP évoquent souvent les maisons « bien tenues », « malgré la pauvreté ». Cette pratique s’est raréfiée, d’autant plus que le cadre moral (interdiction des aides pour les unions libres) s’est relâché. Depuis la collaboration de SVP avec la Banque alimentaire, c’est désormais une permanence hebdomadaire qui se tient et permet de remplir les dossiers des bénéficiaires :

« Avant, on faisait la visite, mais on a vieilli, et ce n’est pas facile de rentrer chez les gens, de s’insérer pour qu’ils parlent de la situation dans laquelle ils se trouvent. C’est dur pour une mère de venir nous voir et de dire “j’arrive pas à nourrir mes enfants”, ou de dire “moi je suis au chômage depuis x années”. Maintenant on fait cela pendant les permanences s’ils le demandent. » (entretien avec M. Tireau.)

Devant la transformation des publics et des pratiques, affleure chez les bénévoles un discours regrettant cette époque des visites, à l’instar de Mme Moulins qui observe qu’« aujourd’hui ce n’est que de la distribution, on ne fait rien pour les gens, fini les visites et tout ça. On donne aux gens, ils prennent et ils s’en vont, pour revenir le mois prochain ». D’autres déplorent le déclin d’une conception de l’aide fondée sur la charité et la proximité, décrite comme un prolongement logique et spontané de la foi7, qui est encore le ressort de leur propre implication dans SVP :

7. M. Tireau, agriculteur retraité, tient un discours similaire : « Je n’ai pas réfléchi quand je me suis engagé, c’était normal. »

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« Moi et ma femme […] on va à l’église, on est croyants, quoi […]. On veut aider notre prochain […] C’est la charité de proximité, on veut faire pour les gens autour de nous […] Personne ne nous force à venir. Moi je veux vraiment, si on peut dire, faire acte de charité… c’est important ça pour nous, c’est, comme on dit “on ne laisse pas un blessé au bord de la route”. » (entretien avec M. Ignace, 93 ans.)

Le caractère catholique de l’association prend sens au regard de l’engagement de tous les bénévoles dans les activités de l’église locale. Mme Tireau, catéchèse, sert l’office depuis plus de trente ans. Quant à Mme Elliot, elle y prépare systématiquement les baptêmes alors que Mme Noyer s’occupe des mariages. Le président de SVP dirige la chorale. Les réunions de la conférence sont marquées par une grande solennité où l’aspect religieux est mis en avant, à tel point que les « moins croyants » s’y sentent peu à l’aise. Comme le dit M. Moulins : « Je ne vais plus aux réunions de curés qu’ils organisent. Cela commence par la lecture de l’Ancien testament, la prière, le signe de croix ; tout ça ce n’est pas important […]. C’est qui est le plus pratiquant, celui qui va le plus à l’office, qui prie bien et qui fait bien ! »

Ainsi, le caractère « naturel » de l’engagement caritatif est lié à la nécessité d’une reconnaissance de l’engagement catholique qui en est la source8. Ce n’est pas un hasard si le président de l’association, M. Tireau, ancien agriculteur, est aussi le plus fervent des pratiquants et un de ceux qui s’interrogent le moins sur les effets de l’assistance.

Le don de soi au cœur du fonctionnement de la conférence

La petite dizaine de bénévoles actifs se surnomment « les copains ». Ils se connaissent tous très bien et, malgré leur degré variable d’engagement, leur participation active permet de compenser les faibles moyens de l’association. Celle-ci dépend d’abord de la Banque alimentaire pour son approvisionnement et de la mairie pour ses locaux. Pour le reste, les bénévoles font tourner la structure par leur travail régulier et leur don de temps.

8. Notons, à l’instar de Caillé [2008], que les actions humaines oscillent entre plusieurs pôles (obligation, contrainte, intérêt pour soi, aimance) et que l’acte désintéressé ne renvoie pas à un calcul purement utilitariste qui voudrait qu’il rapporte plus tard.

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333L’assistance entre charité et soupçon…

L’association est gérée de manière peu professionnalisée, avec de très faibles moyens. Le groupe s’autofinance en organisant de petits événements au bénéfice de l’association : soirée pour le début du Carême, concert de la chorale. La plupart des convives qui s’y rendent sont les membres de l’association, leurs conjoints et quelques voisins. Quelques recettes complémentaires proviennent également de quêtes effectuées en ville. Ces faibles moyens sont perçus comme une menace pour la continuité de l’activité du groupe car un seul bénévole non membre de SVP participe à la distribution des colis. La conscience de la fragilité de la structure est ainsi évidente, ce qui tend d’ailleurs à renforcer la cohésion du groupe.

La participation volontaire des membres prend tout son sens, chaque mois, lors de la préparation de l’aide alimentaire. Ce moment correspond à un véritable don de soi – une épreuve physique même ! – rendu possible par la complicité nouée au fil des années. Les préparatifs à la distribution comportent deux phases : le déchargement et la préparation des colis, qui s’étalent sur deux jours. Le déchargement des denrées est une épreuve physique pénible pour ces quelques personnes âgées qui, face au défi que représente le fait de déplacer six tonnes de denrées entreposées sur des palettes, montrent qu’elles sont encore en prise avec le monde [Caradec, 2004] :

« C’est sportif de décharger tout un camion, et il faut le faire vite. Moi, tu vois, je suis un peu à la fin de la chaîne (il rit), je transporte les compotes, les boîtes de riz parce que j’ai mal au dos depuis quelque temps, alors je ralentis un peu sur les grosses charges. » (entretien avec M. Ignace, 93 ans.)

La préparation des colis, le lendemain, est un moment plus convivial. Réunis devant les cartons, les bénévoles échangent des anecdotes et évoquent leurs souvenirs. Le moment est propice à la confidence et à la lamentation, puisque tous évoquent les courbatures et la fatigue consécutifs au déchargement. En outre, règne une certaine effervescence où s’exprime l’envie de « bien faire ». Ainsi, les colis sont constitués au cas par cas, en fonction du nombre de personnes composant le foyer. L’association s’approvisionne en produits hallal pour les trois familles musulmanes recensées et en produits spécifiques pour les enfants (barres chocolatées, petits gâteaux, petits pots). Avec le colis de décembre et les fêtes de fin d’année, quelques produits supplémentaires sont ajoutés.

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Distribution, humiliation, résistances

La distribution s’effectue une fois par mois dans les locaux de SVP, généralement un mercredi. L’ambiance diffère radicalement de celle des jours de préparation. Certains bénévoles avouent préférer se dispenser de cette étape et ne venir qu’en cas de sous-effectif. La disposition des lieux répond à une division des tâches destinée à accélérer la distribution. Les locaux consistent en un bâtiment qui s’étend sur trois pièces attenantes bordées par la route nationale qui charrie les véhicules en provenance de l’agglomération principale du département. Certains bénéficiaires venus en voiture stationnent en double file, ce qui ralentit la circulation, et comme les queues débordent parfois sur la rue, la distribution des colis est exposée aux yeux de tous.

Dans la première pièce se forme une file d’attente. Une porte donne sur la rue et les bénéficiaires, une majorité de femmes, parfois accompagnées de leur conjoint ou de leurs enfants, y attendent le premier appel. Cette pièce est la plus sinistre : le sol est en béton et elle ne possède pas de fenêtre. Des petits groupes se forment parfois, qui discutent pour tromper l’ennui. Un bénévole âgé, en chaussons, se charge de faire entrer les bénéficiaires, par petits groupes, dans la salle attenante. Il referme ensuite avec un verrou jusqu’au prochain passage. L’ameublement de cette deuxième pièce est lui aussi des plus sommaires : une table posée au centre et des tas de cartons récupérés juste après la distribution. Les stocks sont dissimulés derrière un rideau.

C’est dans la troisième pièce, moins sombre, que s’effectue la distribution proprement dite. Pour plus d’efficacité, les bénévoles se répartissent autour de plusieurs tables. Le nom du bénéficiaire est appelé à haute voix lorsque vient son tour. La distribution commence par les produits congelés et les personnes remplissent ensuite au fur et à mesure leur cabas avec le contenu des différents cartons. Les bénévoles ne manquent pas de faire une remarque quand un couple de bénéficiaires met un peu trop de temps à empaqueter les vivres reçus. Ils ne s’abstiennent pas non plus de quelque jugement. Mme Noyer remarque ainsi qu’« ils oublient leur sac congélation, ils se foutent de la chaîne du froid ; des trucs comme cela, c’est toi, tu te dis “ouh là, si je remets pas vite cela au frais, on va être malade”, non ? Là, penses-tu ! C’est comme ça et puis c’est

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tout ». Les bénéficiaires quittent ensuite les lieux, croisant le flux de ceux qui arrivent en sens inverse. Les plus chanceux repartent dans leur véhicule ; pour les autres, il s’agit de rentrer chez soi en poussant un cabas à roulette, voire une brouette chargée de vivres. Lors d’une matinée d’observation grise et bruineuse, ces personnes poussant leurs vivres devant elles sont pratiquement les seules que l’on voit dans les rues de Verdeuil.

Cette organisation de la distribution met mal à l’aise l’observateur extérieur. La sur-visibilité des bénéficiaires, exposés aux regards croisés des passants, des bénévoles mais aussi de l’ensemble des bénéficiaires, est renforcée par l’appel nominatif à voix haute. La tristesse des lieux d’accueil, avec des plafonds délabrés et une faible lumière, renforce l’impression de huis-clos. Or pour les bénévoles, cet aspect lié à la visibilité des assistés n’est pas relevé comme problématique. L’idée de locaux plus décents ne se dégage pas des discussions, comme si le fait de recevoir de la nourriture était un égard suffisant.

Du côté des donataires, la situation n’est cependant pas vécue sans résistance ni agressivité, dont on peut relever quelques traits. Cela commence parfois par un refus de saluer les bénévoles. Comme le dit Mme Elliot, « certaines personnes ne nous regardent même pas, c’est gênant, on fait ça pour eux… On est en position de force quand même, des fois j’insiste sur le “bonjour” pour que quelqu’un me réponde ». Les résistances s’expriment ensuite par une certaine ironie au travers de petites phrases : « Cela ne va pas assez vite, les vieillards » ; « On ne va pas attendre longtemps ! » ; « Priez pour moi les grenouilles ! » Enfin, certains bénéficiaires choisissent les produits du colis qu’ils souhaitent emporter ou non : « C’est dégueulasse, j’en veux pas ! », « Tenez, je vous le laisse, je n’aime pas ça » ; « Je peux avoir une boîte de céréales en plus et vous rendre les légumes ? », au grand dam des bénévoles (voir plus loin).

Une charité locale et personnalisée

L’assistance revêt ainsi quelques traits spécifiques. D’abord, les bénévoles s’accordent tous sur le fait que, bien qu’insuffisante, la distribution est déjà significative : « On sait que le colis ne va pas les faire manger tout le mois, mais c’est quand même ça de pris ! » (M. Tireau). L’expression « c’est déjà ça » revient systématiquement

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dans les entretiens. Pour certains, comme Mme Elliot, c’est d’ailleurs suffisant : « Il ne faut pas tout donner, il faut donner ce dont les gens ont besoin et uniquement ça […] On ne peut pas tout avoir sans rien faire, c’est normal. » Ensuite, l’action est considérée dans un cadre uniquement local, auquel les conférenciers sont très attachés. Comme le dit Mme Coulanges, « c’est arrivé plusieurs fois que je doive refuser un paquet de pâtes à des personnes parce qu’elles n’étaient pas de Verdeuil… bon, ça fait mal au cœur mais nous on s’occupe de nos pauvres, on fait à notre mesure. » Cet ancrage local se traduit également par une quasi-absence de réflexion sur les politiques nationales d’assistance.

Enfin, les conférenciers s’accordent sur la dimension très personnalisée de la charité et sur l’importance des liens de bienveillance ou gratitude qu’elle peut créer : cette dimension d’un lien moral particulier liée à l’aide renvoie à la charité et les incite à émettre un jugement assez négatif sur la transformation de leurs pratiques, où la distribution, plus anonyme, a remplacé les visites. Ainsi, ils regrettent le comportement consumériste des bénéficiaires, sur lequel ils ont moins de prise. Comme dit M. Coulanges : « On en parle souvent avec ma femme, parce que c’est bien de donner, mais comment on donne ? Comment on aide réellement ? Si là on pense être dans l’aide, j’appellerais plutôt ça de l’assistance. » Percent sous ces propos, comme dans d’autres, l’idée d’une supériorité morale de la charité privée, personnalisée, à l’inverse du système public de distribution alimentaire dont SVP a aujourd’hui la charge. Ces points valident largement les analyses de Simmel [2011] lorsqu’il montre que l’assistance est d’abord conçue de façon personnelle (les besoins d’individus particuliers, sur un territoire circonscrit) et qu’elle revêt un aspect conservateur : « Il n’y a aucune raison d’aider le pauvre plus que ne le demande le maintien du statu quo social » [Simmel, 2011, p. 49].

Le maintien de cette forme particulière de distribution alimentaire, éloignée de tout principe de solidarité démocratique, redistributrice et anonyme, ne saurait se comprendre sans prêter attention au cadre local dans lequel elle se déroule et qui lui donne sens.

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337L’assistance entre charité et soupçon…

Entre charité et soupçon, des formes locales de contrôle des pauvres

Le contrôle local des pauvres

Si, à Verdeuil, SVP détient le monopole de la distribution de l’aide alimentaire, le centre communal d’action sociale (CCAS) distribue également des bons que les donataires peuvent dépenser dans l’un des supermarchés locaux. Ces deux institutions travaillent dans une relative proximité et le suivi des populations concernées s’opère par des procédures mêlant des critères légaux, des marges laissées à la subjectivité des donateurs et des formes de contrôle à la limite des règles de confidentialité.

Le président de SVP reçoit les demandeurs dans le « confessionnal », un espace minuscule protégé par des rideaux dans les locaux de distribution. Dans cet endroit sombre et exigu, nombre de personnes « craquent » et se répandent en sanglots. Le poids de la culpabilité, que M. Tireau ne manque pas de juger, est bien présent, même si les critères donnant droit à l’aide sont a priori d’ordre technique9. Du côté des institutions « professionnelles » comme le CCAS, le discours est d’une teneur un peu différente. Les bons alimentaires sont nominatifs et le bénéficiaire doit présenter une pièce d’identité au supermarché, puis rendre au CCAS le ticket de caisse qui justifie ses achats, à la manière des contrôles minutieux qu’opéraient les associations d’assistance aux États-Unis au début du xxe siècle [Zelizer, 2005]. D’un côté, la conception de l’aide reste marquée par une dimension quelque peu héroïque et personnalisée, où la responsable locale, Mme Laurent, met l’accent sur son implication et sa capacité de jugement (« si je ne les aide pas, ils ne rebondissent pas »). Mais les représentations morales irriguent tout autant le discours :

« Et quand je donne un bon alimentaire, je le dis : “c’est l’argent de la communauté”, c’est de l’argent public. Je veux que les gens se rendent compte qu’on a des comptes à rendre, c’est pas un ticket gagnant, c’est pas un ticket de loto et puis on en fait ce qu’on veut, […] c’est acheter le nécessaire vital. S’acheter du lait, des yaourts, des fruits, des légumes,

9. Il souligne ainsi que « ce qui nous intéresse le plus, c’est d’aider les gens, pas de remplir les papiers », à la manière des travailleurs sociaux décrits par Dubet [2002].

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des produits d’hygiène, de la viande. Mais en aucun cas le coca, les bonbons… Par contre je vais voir un pot de confiture, un paquet de biscuits, je ne vais pas faire “oh mon dieu ils ont acheté un paquet de gâteaux aux gamins”. » (Entretien avec Mme Laurent.)

M. Tireau et Mme Laurent échangent de façon informelle des informations confidentielles sur les bénéficiaires, notamment ceux qui ont été radiés des listes parce qu’ils ne sont pas venus à la distribution. Plusieurs facteurs expliquent cette collaboration. D’une part, la petite taille de la ville (6 000 habitants) et le fait que l’aide y soit réservée aux habitants la distingue fortement de l’anonymat que confèrent les grandes villes. Ainsi, Mme Coulanges, bénévole pour SVP, ne manque pas de remarquer que, tel jour, un bénéficiaire n’est pas venu chercher son colis alors même que sa voiture est stationnée devant chez lui. D’autre part, les bénévoles de SVP sont fortement ancrés localement et bénéficient d’un réseau de connaissance étendu, à tel point que des signalements par les voisins sont courants.

Malgré leurs convergences, les deux institutions se critiquent réciproquement. D’un côté, M. Tireau souligne que « les assistantes sociales, tout ça, ne sont pas des aides pour eux mais des gens qui viennent fouiller dans leur vie, déterrer des secrets. Ils sont durs avec eux, la plupart des bénéficiaires qu’on a entretiennent des mauvaises relations avec les services ». De l’autre côté, Mme Laurent s’indigne contre les files d’attente lors des distributions de SVP : « Il faut être humain ! Moi, les parcs à bestiaux, ça ne m’intéresse pas. » Ces critiques ne sauraient cependant minimiser l’importance du contrôle local des plus pauvres, rendu possible par la circulation des notables locaux dans les différentes institutions d’assistance.

Un système local de notables

L’ensemble des personnes interrogées, au CCAS, au centre socioculturel ou encore au Foyer des enfants situé dans le quartier HLM central de la ville, font le même constat que la directrice du CCAS, Mme Valette, lorsqu’elle remarque que « Verdeuil est une ville suréquipée côté services aux pauvres ».

On observe en conséquence un multi-positionnement des acteurs, en particulier des membres de SVP. Beaucoup ont été ou

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sont encore membres du conseil municipal. Quatre d’entre eux sont membres du conseil d’administration du centre socioculturel. L’un d’entre eux, président du conseil d’administration du centre socioculturel, dirige également une association d’anciens élèves de la ville. Une personnalité comme Mme Durand a dirigé le centre socioculturel et s’occupe aujourd’hui du Foyer des enfants, en même temps qu’elle est vice-présidente du CCAS et adjointe au maire chargée de l’action sociale. M. Rayé, conseiller municipal en charge des Anciens combattants, est également président du conseil d’administration du Foyer des enfants. L’émiettement des structures produit également des concurrences locales, parfois liées aux changements de majorité municipale. Ainsi Mme Durand a-t-elle été écartée du centre socioculturel à la suite d’un reproche pour mauvaise gestion. Et elle accuse M. Moulins de s’acharner sur elle en la discréditant auprès de partenaires (caisse d’allocations familiales, conseil général) susceptibles de financer la structure associative qu’elle vient de créer. Enfin, cette dispersion des structures pose problème aux partenaires institutionnels comme le conseil général et la CAF, peu désireux de « saupoudrer » les financements.

Cet émiettement institutionnel peut être lu comme une conséquence de la volonté des notables d’obtenir une légitimité locale par les bienfaits. Des places sont effectivement à prendre et confèrent pouvoir et prestige. Cette hypothèse semble d’autant plus pertinente que, pour les bénévoles de SVP, on observe un décalage entre leurs plaintes à propos de la difficulté du travail effectué et leur réticence à passer la main pour une activité qui les met en contact direct avec plus de quatre-cents habitants. Ainsi, pour M. Tireau, ancien conseiller municipal qui possède encore des maisons en location à Verdeuil, l’intérêt bien compris ne penche pas en faveur d’une déprise.

Cette légitimation par les bienfaits se répercute également sur les bénéficiaires. Le budget du CCAS en matière de bons alimentaires avait pu s’élever, à une certaine époque, à plus de 7 000 euros par mois alors qu’il est désormais divisé par dix. Ces attributions de prébendes, très individualisées, attirent des qualificatifs variés : ainsi, un membre du CCAS se voit-il reprocher que « ses » pauvres coûtent cher, tandis qu’un membre du centre socioculturel

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évoque « nos » familles. On peut souligner deux points majeurs. D’abord, les institutions ont favorisé une logique de guichet dont – s’accordent à dire les enquêtés – les familles pauvres ont profité en frappant aux différentes portes. Ensuite, cette prise en charge déclenche aujourd’hui un effet de retour assez violent : les responsables des institutions sociales soulignent tous l’importance d’exiger des contreparties, celles-ci étant vues comme le seul moyen de mettre fin à « l’assistanat », à la « becquée ». Les formes de contrôle des aides deviennent ainsi plus dures et la tolérance à l’égard des stratégies des bénéficiaires bien moindre.

Le discours sur la dépendance : charité privée et ère du soupçon

Deux logiques confluent aujourd’hui à Verdeuil : l’une, héritée du passé et reposant sur une conception paternaliste de l’assistance ; l’autre, plus récente, liée à la montée d’une vraie méfiance par rapport aux bénéficiaires.

La vieille charité privée était décrite au xixe siècle par Tocqueville [1835] comme supérieure moralement à l’assistance publique puisqu’elle établit un lien moral entre le donneur et le bénéficiaire : ce dernier est l’obligé du donateur et « se sent attiré par la reconnaissance » [ibid., p. 883], alors que le premier agit par « bienfait », démontrant son altruisme pour une catégorie socialement éloignée de la sienne. À SVP, si l’implication des membres dans la distribution suit les principes de la charité, il n’en reste pas moins que c’est un système public de distribution qui fonctionne (locaux cédés par la mairie, Banque alimentaire qui fournit les vivres). Il est significatif cependant que certains bénéficiaires, comme Tiphaine, continuent à n’y voir que les signes de la générosité privée.

Distributions de colis et de bons apparaissent à notre époque comme relativement anachroniques. Zelizer [2005] a bien montré comment les distributions en nature, mais aussi l’usage de bons destinés à l’achat de certains produits uniquement, avaient été très en vogue à la fin du xixe siècle aux États-Unis car ils permettaient de contrôler les dépenses des pauvres et donc de les éduquer moralement. Cette pratique de distribution en nature ou par bons fut interdite dès 1935 par le Social Security Act pour les aides

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fédérales10, bien que Zelizer montre que le marquage de l’argent destiné aux pauvres se soit maintenu avec de multiples variantes.

Leur persistance à Verdeuil s’explique, outre la configuration particulière du système de notabilité, par les effets de ce que Duvoux [2012] appelle l’« ère du soupçon ». Pour lui, la montée d’un discours sur la fraude aux minima sociaux alimente un ressentiment, notamment au sein des classes populaires, à l’égard des bénéficiaires des politiques d’assistance11. Le rejet de l’assistance se développe alors même qu’elle est devenue indispensable pour prendre en charge des populations paupérisées échappant aux protections du travail. Les conséquences, en termes de stigmate, ne sont pas anodines : des études récentes soulignent que nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ont renoncé à activer leurs droits, à l’inverse du discours dominant sur les « profiteurs » [Warin, 2010].

Le discours sur les méfaits de l’assistance est repris à Verdeuil par de nombreux acteurs. Pour Mme Laurent, directrice du CCAS : « On a les enfants des petits-enfants. Moi ça fait quinze ans, j’ai connu les parents, les grands-parents et j’ai les enfants maintenant, c’est les mêmes familles. » Les propos des conférenciers de SVP évoquent clairement la distance de certaines populations avec le monde du travail et ne manquent pas de rappeler les théories de Lewis [1963] sur la transmission de la pauvreté. Pour M. Coulanges : « Donner à manger, ce n’est pas suffisant. Les animaux qu’on nourrit en captivité ne savent plus chasser par eux-mêmes. Et là, grossièrement, c’est la même chose, on donne aux gens sans rien en retour. Tout ça, c’est un dû, ils viennent nous voir en nous disant “moi j’ai droit à un colis”. »

Une contrepartie impossible : du renversement du sens de la dette

Cette configuration locale entraîne une très grande exigence à l’égard des bénéficiaires, qui s’exprime différemment selon les

10. Notamment parce qu’avec la crise de 1929, des familles autrefois prospères étaient tombées dans la pauvreté et qu’il semblait moins utile de les éduquer à la consommation [Zelizer, op. cit.].

11. À Verdeuil, Marine Le Pen est arrivée en tête au premier tour de la présidentielle de 2012, avec environ 29 % des suffrages.

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institutions mais est caractéristique d’un renversement du sens de la dette.

Lors de la distribution des colis, les bénévoles de SVP sont dans l’attente d’un rendu. Après avoir beaucoup donné les deux jours précédents, ils estiment que les bénéficiaires sont désormais en dette à leur égard. Cette exigence est d’abord une exigence de respect, liée aux civilités, c’est-à-dire au fait d’être salué. Pour Mme Tireau : « On fait ça pour eux ! C’est quand même dommage, des fois on à l’impression de faire partie du décor, on n’existe pas. » Elle renvoie ensuite à un manque de gratitude des bénéficiaires. Ainsi, pour Mme Elliot, « ça ne coûte rien de dire merci en échange, c’est grâce à nous quand même ». Il est à cet égard significatif de remarquer que les bénévoles anticipent désormais que certains bénéficiaires leur manqueront d’égard. Ainsi, Mme Elliot avertit qu’« elle ne dira pas encore bonjour, celle-là. » On se trouve typiquement dans une situation empêchant tout « endettement mutuel positif » [Godbout et Caillé, 1992] puisque les bénévoles ne laissent aux bénéficiaires aucun délai pour restituer l’aide reçue ou du moins exprimer leur gratitude. Cela contribue à créer une ambiance particulièrement tendue lors de la distribution. Lorsque les bénéficiaires se plient aux attentes des bénévoles et leur accordent un « bonjour » ou un « merci », le fait est relevé comme faisant partie des « petits miracles ».

L’intransigeance se lit aussi dans l’impossibilité pour les bénéficiaires de négocier le contenu du colis. Pour Mme Tireau : « C’est normal, il faut nous comprendre. On essaye de faire au mieux, ce n’est pas pour qu’ils trient après. Ils ne sont pas là pour choisir les produits du colis, sinon ils n’auraient pas besoin de l’aide alimentaire. » Si les bénévoles refusent ce tri, c’est aussi parce que les produits les plus généralement laissés de côté sont les légumes et les fruits, alors que les sucreries sont gardées. Au manque de reconnaissance du travail effectué s’ajoute ici une indignation morale sur le mode de vie des pauvres : « Il faudrait déjà que certains arrêtent de nourrir leurs enfants avec des chips et des biscuits […]. Alors quand tu vois là, la dame qui rend ses légumes, c’est non ! On sait que les gamins ne mangent que des saloperies après » (Mme Tireau).

Devant cette absence de reconnaissance du travail effectué, certains bénévoles ne se rendent plus à la distribution et d’autres

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s’interrogent sur leur rôle, comme M. Ignace : « Des fois, le mercredi, on se demande pourquoi on est venus […] Après tout, si on est là, ce n’est pas pour distribuer, distribuer encore et encore des colis. C’est pour être proche des gens quoi ! » Or comme Mauss [1950] l’a bien souligné, le rendu du don est toujours aléatoire, en ce qu’il n’est pas la contrepartie exacte de ce qui a été reçu, d’une part, et qu’il peut être différé dans le temps, de l’autre. Ainsi, les contreparties, lorsqu’elles se produisent, se déroulent dans un cadre différent de celui, humiliant, de la distribution. Mme Coulanges raconte ainsi : « Je suis sortie me balader un soir. Au final, j’ai fait mon petit tour avec une dame qu’on aide à SVP qui m’a remerciée et m’a dit à quel point c’était bien ce que l’on faisait […], ça fait du bien. »

Dans les institutions sociales, des contreparties sont également exigées, qui prennent d’autres formes. Au CCAS, c’est l’absence d’implication dans les activités d’insertion qui est stigmatisée :

« Il faut qu’ils entendent les choses […] Vouloir toujours les cocooner, les préserver parce que ce sont des pauvres gens, non ! Ils ont besoin d’entendre les choses, il faut pas non plus les insulter, les agresser, mais dire “attendez, vous vous êtes engagés à faire quelque chose, vous ne l’avez pas fait, moi je ne tiens pas mon engagement non plus”. C’est donnant-donnant. » (Mme Laurent).

Le bénévolat devient ainsi contraint, à l’image des politiques de workfare qui se développent aujourd’hui au sein du monde associatif [Simonet, 2010]. De même, la présidente du CCAS souhaiterait soumettre davantage les bons alimentaires à condition, pour obliger les familles à cuisiner plutôt que d’acheter des plats préparés : ainsi, des bons spécifiques permettraient d’acheter des aliments en fonction des ateliers de cuisine réalisés pendant la semaine.

Cette exigence de contrepartie est justifiée par la nécessité de rompre avec la logique de l’assistanat qui aurait caractérisé ces dernières années. Ce sont d’abord les « assistés » qui sont visés, qui se seraient installés dans une culture de la dépendance. Pour Mme Durand : « On va dire que c’est des choses qui sont dues. On est dans le dû. Dès que cela ne va pas, qu’il y a un grain de sable dans leur quotidien, dans leur façon de penser, c’est agressif. » Les bénévoles de SVP ont eu écho également de reventes de produits distribués (« trafic de beurre »), ce qui à leurs yeux tient du consumérisme ou de la cupidité, non d’une certaine

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débrouillardise. Dès lors, le manque de civilité des bénéficiaires lors des distributions est interprété comme la conséquence d’une intériorisation de l’assistanat, devenu un dû, et non comme l’expression d’un ressentiment à l’égard d’une situation de domination ou comme la conséquence d’un sentiment de honte. Les pratiques institutionnelles récentes font également l’objet de critiques : la tendance à trop dépenser par le passé revient fortement dans les discours, Verdeuil étant présenté comme un pôle attractif pour les personnes paupérisées, conséquence de politiques qui n’auraient fait que prendre acte du déclin industriel de la ville, sans chercher à l’enrayer. Au sein même des bénévoles de SVP, des interrogations sur le sens des actions se font sentir.

Malgré tout, ce sont bien les assistés qui se retrouvent sous le joug des exigences. C’est un renversement conséquent du sens de la dette de la société envers ses pauvres qui s’est produit, nourri par un discours social et politique très hostile à l’assistance. Après avoir organisé et installé l’assistance pendant des années, les institutions et les notables, qui ont tiré profit des positions occupées, en viennent à exiger davantage des assistés. Or ces derniers sont manifestement dans l’incapacité de rendre, notamment parce qu’à Verdeuil, de l’avis des institutions, la plus sûre voie pour trouver du travail, c’est partir12. Les contreparties exigées peuvent être minimes (un euro pour un colis, une demi-journée de bénévolat) ou particulièrement pesantes (contrôle des dépenses, exigence de gratitude), mais dans tous les cas elles traduisent une transformation de la relation de dette et une forme de refus de considérer les assistés comme des citoyens à part entière. On peut à cet égard rappeler que, dans la charité chrétienne, le contre-don était largement transcendant (« Dieu vous le rendra ») et s’accommodait donc d’une relation dans laquelle le bénéficiaire n’était pas en état de solder la dette. À Verdeuil, les bénévoles de SVP sont devenus moins accommodants : c’est bien au bénéficiaire qu’il revient de donner en retour.

12. Pour Mme Durand : « Maintenant si vous voulez trouver du travail, vous allez ailleurs, […] mais vous ne restez pas là, quoi ! »

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Conclusion

Verdeuil, ville qui fut autrefois prospère, a connu l’écroulement d’un système local organisé autour de la production textile qui donnait sens aux pratiques locales ; et ce à la manière dont Rénahy [2004], dans un autre contexte, décrit le déclin du système paternaliste industriel et du « capital d’autochtonie » qui l’accompagnait. Les politiques d’assistance qui ont pris le relais ont favorisé les autochtones à tel point qu’aujourd’hui la figure du villageois venu des alentours s’installer à Verdeuil pour « profiter » des services locaux apparaît comme un repoussoir. La ville cumule aujourd’hui deux grandes formes de handicap. Sous-qualifiée, la population pauvre apparaît comme particulièrement marquée localement et ce stigmate entraîne des comportements de repli13. Ensuite, si la décentralisation a donné quelque marge de manœuvre aux élus locaux, l’absence d’un volontarisme politique fédérateur, avec pour corollaire la dispersion des structures (sociales ou économiques), gêne l’émergence d’une stratégie territoriale cohérente.

Le multi-positionnement des notables et l’émiettement institutionnel entretiennent une confusion des genres. Très personnalisée car liée à ceux qui l’organisent, l’assistance n’apparaît pas comme l’expression d’une solidarité entre égaux (démocratique), ni même comme un don aux étrangers qui est une caractéristique des formes modernes du don [Godbout, 1992]. Pour les bénévoles de SVP, elle est en effet avant tout liée à leur volonté de développer une charité de proximité. La montée récente d’un discours exigeant des contreparties immédiates14 vient complexifier encore la situation des bénéficiaires, déjà fortement stigmatisés dans l’espace urbain. Le « pistage » local qui s’observe n’est certainement pas l’apanage de Verdeuil mais il y prend des formes exacerbées. La mise en place, par le maire socialiste, d’un Conseil des droits et devoirs de familles15, semble être la dernière touche de l’inversion de la dette : ce sont désormais bien les habitants qui doivent rendre des comptes.

13. Comme cette habitante qui déclare vivre dans « un quartier de morts » ou cette psychologue qui remarque que les habitants ont perdu toute estime d’eux-mêmes.

14. Proche du « quand on veut, on peut », décrit par Périvier [2008] à propos du revenu de solidarité active (RSA).

15. Dont la création est rendue possible par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

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Références bibliographiques

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