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Carbone 4 – 96 rue de la Victoire 75009 Paris – Tél. +33 (0)1 76 21 10 00 - [email protected] 1 La Lettre du Carbone N°4 - juin 2016 0 100 200 300 400 500 600 Résidentiel Tertiaire Industrie Agriculture Transport TWh / an Énergies fossiles Électricité d'origine nucléaire Électricité et chaleur finale d'origine renouvelable Consommation d'énergie finale de la France en 2013 Source : SOeS, 2014 LA LETTRE DU #CARBONE L’ÉTAT AU SECOURS DE LA DÉCARBONATION DE L’ÉCONOMIE : COMBIEN ÇA COÛTE ? Comment orienter les investissements publics afin de maximiser les réductions de gaz à effet de serre sans détériorer le bilan économique pour notre pays ? Rédacteurs : Astrid Forget, Aurélien Schuller, Vincent de Chillaz, Claire Gassiat, Clément Ramos, Roman Ledoux – juin 2016 Contact : CARBONE 4 - 96 rue de la Victoire - 75009 PARIS - 01.76.21.10.00 Figure 1 : Consommation d’énergie finale de la France en 2013 : les énergies fossiles représentent 70% de l’énergie finale consommée POURQUOI ET COMMENT ÉVALUER L’EFFICACITÉ DE POLITIQUES PUBLIQUES SUR LE DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE ? Quand il est question d’énergie en France, la focale des médias et du débat public en général est très fortement centrée sur l’électricité – a fortiori sur le nucléaire, le photovoltaïque et l’éolien. Mais ne nous y trompons pas : notre pays consomme majoritairement des énergies fossiles (près de 70% de notre énergie finale) pour faire tourner son économie et assurer le confort matériel de ses habitants. Ces énergies carbonées sont la cause de 70% des émissions de gaz à effet de serre de la France, le reste étant dû aux émissions de méthane et de protoxyde d’azote, essentiellement d’origine agricole, et pour une petite part d’origine industrielle. Or, la transition énergétique et écologique (TEE), ainsi que la division par 4 des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France à l’horizon 2050, ne peuvent être envisagées sans une diminution importante de la contribution des énergies fossiles à l’économie française. Contribution, qui, par ailleurs, affecte négativement le déficit commercial de notre pays, ces énergies étant en très large majorité importées. D’après la Figure 1, le transport utilise, sans surprise, quasi exclusivement des énergies fossiles ; mais celles-ci sont également très présentes dans les secteurs du bâtiment (résidentiel ou tertiaire), de l’industrie ou de l’agriculture. Plus précisément concernant le secteur du bâtiment, sa consommation énergétique repose pour moitié sur les énergies fossiles (65% de l’énergie finale nécessaire au

L’ÉTAT AU SECOURS DE LA LA LETTRE DU ......Carbone 4 – 96 rue de la Victoire 75009 Paris – Tél. +33 (0)1 76 21 10 00 - contactcarbone4.com 3 La Lettre du Carbone N4 - juin

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    Énergies fossiles Électricité d'origine nucléaire Électricité et chaleur finale d'origine renouvelable

    Consommation d'énergie finale de la France en 2013 Source : SOeS, 2014

    LA LETTRE DU #CARBONE

    L’ÉTAT AU SECOURS DE LA DÉCARBONATION DE L’ÉCONOMIE : COMBIEN ÇA COÛTE ?

    Comment orienter les investissements publics afin de maximiser les réductions de gaz à effet de serre sans détériorer le bilan économique pour notre pays ?

    Rédacteurs : Astrid Forget, Aurélien Schuller, Vincent de Chillaz, Claire Gassiat, Clément Ramos, Roman Ledoux – juin 2016Contact : CARBONE 4 - 96 rue de la Victoire - 75009 PARIS - 01.76.21.10.00

    Figure 1 : Consommation d’énergie finale de la France en 2013 : les énergies fossiles représentent 70% de l’énergie finale consommée

    POURQUOI ET COMMENT ÉVALUER L’EFFICACITÉ DE POLITIQUES PUBLIQUES SUR LE DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE ?

    Quand il est question d’énergie en France, la focale des médias et du débat public en général est très fortement centrée sur l’électricité – a fortiori sur le nucléaire, le photovoltaïque et l’éolien. Mais ne nous y trompons pas : notre pays consomme majoritairement des énergies fossiles (près de 70% de notre énergie finale) pour faire tourner son économie et assurer le confort matériel de ses habitants. Ces énergies carbonées sont la cause de 70% des émissions de gaz à effet de serre de la France, le reste étant dû aux émissions de méthane et de protoxyde d’azote, essentiellement d’origine agricole, et pour une petite part d’origine industrielle.

    Or, la transition énergétique et écologique (TEE), ainsi que la division par 4 des émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France à l’horizon 2050, ne peuvent être envisagées sans une diminution importante de la contribution des énergies fossiles à l’économie française. Contribution, qui, par ailleurs, affecte négativement le déficit commercial de notre pays, ces énergies étant en très large majorité importées.

    D’après la Figure 1, le transport utilise, sans surprise, quasi exclusivement des énergies fossiles ; mais celles-ci sont également très présentes dans les secteurs du bâtiment (résidentiel ou tertiaire), de l’industrie ou de l’agriculture. Plus précisément concernant le secteur du bâtiment, sa consommation énergétique repose pour moitié sur les énergies fossiles (65% de l’énergie finale nécessaire au

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    chauffage et à la production d’eau chaude des bâtiments français est d’origine fossile : 45% pour le gaz et 20% pour le fioul). Le secteur des bâtiments est le premier secteur en termes de consommation de gaz, près de 60% du gaz étant utilisé par le parc immobilier.

    En période de croissance atone et donc de capitaux limités, les États ayant décidé de s’engager dans une transition énergétique ont tout intérêt à maximiser l’efficacité de chaque euro investi pour cette transition, c’est-à-dire maximiser la quantité d’énergies fossiles « évitée » par euro investi. Cela peut se traduire également par la quantité de CO2 évitée par euro dépensé; l’indicateur d’efficacité que nous pouvons définir est donc le coût par tonne de CO2 évitée.

    C’est à l’aune de cet indicateur que Carbone 4 a pu, dans le cadre d’études avec certains de ses clients, évaluer l’efficacité de plusieurs politiques publiques, passées ou potentielles, par des démarches que nous détaillerons ci-après. Les résultats des études présentés dans cette note, incluant également les conséquences des politiques étudiées sur la balance commerciale française, concernent le soutien par l’État au développement de la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables variables, la rénovation et la construction des bâtiments, la méthanisation et les transports en commun. Outre l’indicateur d’efficacité dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ces résultats comportent également une analyse de l’effet de ces politiques sur la balance commerciale française, toutes n’ayant pas le même besoin d’importation de matériaux ou de combustibles.

    SOUTIEN AUX ÉNERGIES RENOUVE-LABLES VARIABLES : UNE EFFICACITÉ ASSEZ FAIBLE… ET VARIABLE

    Depuis le milieu des années 2000, l’État français a établi des conditions favorables de

    production renouvelable d’électricité éolienne et photovoltaïque, grâce à l’instauration de tarifs d’achat. Ces derniers, dont l’objectif était de compenser le coût de production élevé de l’électricité d’origine renouvelable par rapport aux prix de marché de l’électricité, sont in fine financés par le consommateur, via la contribution au service public de l’électricité (CSPE).

    Nous avons étudié l’efficacité de cette politique publique de soutien en calculant le coût à la tonne de CO2 évitée lié à l’augmentation des capacités de production électrique à partir de trois sources renouvelables : photovoltaïque sur toiture, éolien terrestre, éolien en mer. Outre cet élément, Carbone 4 a également étudié la chaîne de valeur de chacun de ces trois types de production électrique afin de déterminer quels acteurs, en France ou à l’étranger, bénéficient de l’augmentation des capacités correspondantes.

    MODÉLISATION

    Carbone 4 a utilisé pour la modélisation une méthodologie et un modèle développés par le cabinet pour le compte de l’ADEME. Ce modèle a été paramétré en utilisant les chiffres clés en 2030 du scénario C (« diversification »)du bilan prévisionnel (BP) RTE 2014, lequel prévoit une offre électrique (quantitativement identique à celle de 2013) fournie à 16% par le photovoltaïque et l’éolien en 2030. Une augmentation du taux de pénétration de ces EnR variables de 16% à 22%, pour atteindre le scénario D (« nouveau mix »), cohérent avec les exigences de la loi de transition énergétique, permet – peut-être – d’éviter d’émettre des tonnes de CO2 ; c’est le coût de la tonne de CO2 évitée par ce recours plus important au photovoltaïque ou à l’éolien qui a été évalué.

    Ce coût a été calculé indépendamment pour chacune des trois sources de production électrique renouvelable, c’est-à-dire en modélisant successivement une augmentation du taux de pénétration entièrement imputable

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    à chacune d’elles.

    Outre ces éléments issus du BP RTE, des paramètres tels que les coûts fixes d’investissement et leur évolution (la diminution du coût du mégawatt d’EnR installé a été prise en compte), les coûts fixes d’exploitation, l’évolution des coûts des combustibles (sur lesquels une analyse de sensibilité a été conduite) et les émissions de GES à la construction et durant le fonctionnement de chaque type de production électrique ont été configurés. L’évaluation des émissions de GES engendrées par la production d’un kilowattheure d’électricité renouvelable a notamment donné lieu à des travaux supplémentaires de Carbone 4. Le taux d’actualisation utilisé est de 4,5%, conformément aux préconisations de France Stratégie.

    Le coût de gestion éventuelle de l’intermit-tence de l’électricité d’origine renouvelable variable n’a pas été pris en compte dans l’étude, de telle sorte que les résultats ci-des-sous sont en fait une borne inférieure et non une valeur centrale.

    UNE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ SUPPLÉMENTAIRE VENANT SE SUBSTITUER PRINCIPALEMENT À L’ÉLECTRICITÉ D’ORIGINE NUCLÉAIRE

    Un élément déterminant de la modélisation et donc de l’étude est la réponse à la question suivante : « À offre constante, quelle est l’origine de l’électricité substituée par l’augmentation de la production électrique issue d’EnR variables ? » En effet, la production d’un kilowattheure d’électricité ne génère pas du tout la même quantité de CO2 selon que la source d’énergie utilisée est le charbon, le gaz ou le nucléaire (par exemple, et pour aller du plus au moins carboné).

    Ne pouvant être stockée, l’électricité d’origine photovoltaïque ou éolienne se retrouve immédiatement après sa production dans les réseaux de transport et de distribution, pour être utilisée. Or, il n’y a pas de raison pour que cette production électrique coïncide avec les périodes de forte demande, quand sont sollicités les moyens thermiques à flamme, (charbon et cycle combiné à gaz). En hiver, la demande est généralement la plus forte entre 8h et 11h et vers 19h, alors que l’été, c’est plutôt en milieu de journée. Comme on peut le voir sur la Figure 2, l’électricité substituée est donc majoritairement de l’électricité tournant en base, d’origine nucléaire et hydraulique au fil de l’eau, les deux ayant un facteur d’émission identique et très bas1.

    Figure 2 : Puissance mobilisée lors d’une journée venteuse et peu venteuse en été. On constate que la journée venteuse ne correspond pas à une production plus faible pour le gaz et le charbon réunis.

    1 Source : base carbone de l’ADEME

    5102 telliuj 71 .neVJournée venteuse

    Mix énergétique (MW)

    5102 telliuj 81 .maSJournée peu venteuse Mix énergétique (MW)

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    En outre, l’électricité produite par les EnR intermittentes n’est que peu exportée car elle varie chez nos voisins européens dans le même sens qu’en France (à la fois pour le photovoltaïque, de manière facilement compréhensible, mais aussi pour l’éolien, car les dépressions atlantiques créent du vent à peu près au même moment dans tous les pays qui vont de la France à la Suède).

    Compte tenu de cela et de l’offre décrite par le scénario C du BP RTE, les scénarios à modéliser ont été déterminés :

    Figure 3 : Origine de l’électricité remplacée par la production éolienne ou solaire pour les deux scénarios modélisés pour

    l’étude

    Created by Lloyds Humphreys From nounproject

    Created by Thomas Uebe From nounproject

    Carbone 4 a choisi des pourcentages de substitution « ronds », le résultat recherché étant un ordre de grandeur. La proportion différente de CCG (cycle combiné à gaz) que l’on suppose substituée selon que l’on installe du photovoltaïque ou de l’éolien provient du fait que la production du photovoltaïque est concentrée en été, où le CCG est moins utilisé.

    Après simulation des différents scénarios, Carbone 4 a évalué les coûts pour la collectivité par la tonne de CO2 évitée par l’augmentation du taux de pénétration des EnR variables à environ (cf. Figure 6, infra) :

    • pour le photovoltaïque : 3 900 € par tonne de CO2 évitée dans le scénario 1. Le scénario 2 ne permet pas de calculer de coût

    à la tonne de CO2 évitée car les émissions de GES augmentent par rapport à la situation de référence constituée par le scénario C du BP RTE (à cause des émissions imputables à la fabrication du panneau qui ne sont pas « compensées » sur sa phase d’utilisation).

    • pour l’éolien terrestre : 80 € ou plus dans le scénario 1 et 100 € ou plus dans le scénario 2 .

    • pour l’éolien en mer : 410 € ou plus dans le scénario 1 et 570 € ou plus dans le scénario 2.

    Du point de vue de l’efficacité de l’euro investi par la collectivité pour la transition éner-gétique, l’éolien terrestre semble être donc la seule source d’électricité renouvelable et intermittente pouvant être raisonnablement favorisée tant qu’elle contribue effectivement à substituer du gaz et du charbon, ce qui est évidemment de moins en moins le cas à mesure que la puissance installée augmente. Le photovoltaïque, pour sa part, ne permet, au mieux, que d’éviter des émissions de CO2 à un coût très élevé, et pourrait même engendrer un surplus si l’on raisonne en cycle de vie.

    En ce qui concerne l’éolien terrestre, la modélisation se base sur un facteur de charge constant, égal à 23%. Cela conduit peut-être à un résultat un peu optimiste, car les sites favorables sont normalement de moins en moins disponibles à mesure que le parc installé augmente (nous n’avons pas cherché à voir si cette évolution est déjà discernable).

    Par ailleurs, plus il y a d’éoliennes, moins les éoliennes additionnelles contribuent à éviter du gaz et du charbon, puisque par hypothèse ce gaz et ce charbon ont déjà été pour partie évités par les éoliennes précédentes. De la sorte, le coût à la tonne de CO2 évitée augmente – probablement rapidement – avec le pourcentage de pénétration des éoliennes.

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    UNE BALANCE COMMERCIALE DÉFAVORABLE POUR LE PHOTOVOL-TAÏQUE ET L’ÉOLIEN TERRESTRE

    La décomposition de la chaîne de valeur a permis de montrer que pour le photovoltaïque sur toiture et l’éolien terrestre, environ un quart des recettes du projet finance l’achat de composants à l’étranger. Une part importante des matériels installés doit en effet être importée : les cellules en ce qui concerne le photovoltaïque, et en particulier les nacelles en ce qui concerne les éoliennes. Par ailleurs, pour les projets d’assez grande envergure (installation photovoltaïque par des acteurs industriels ou tertiaires, éolien terrestre), une partie des recettes (environ 13% à 14%) vient également alimenter le secteur bancaire et financier, des emprunts et des investisseurs étant nécessaires pour financer ces projets.

    Avec la fraction des équipements qui est importée ou pas, et les combustibles fossiles économisés ou pas, Carbone 4 a calculé l’impact cumulé d’ici à 2050 sur la balance commerciale d’un tel déploiement des EnR électriques variables2 :

    • le déploiement du photovoltaïque engendre 22 Md€ de déficit cumulé (+/- 6,5 Md€),

    • le déploiement de l’éolien terrestre engendre 7 Md€ de déficit cumulé (+/- 3 Md€),

    • le déploiement de l’éolien en mer engendre 2 Md€ d’économies cumulées (+/- 2 Md€), dans l’hypothèse du développement d’une filière française de l’éolien en mer.

    Rappelons que ce déploiement correspond, comme expliqué plus haut, à une augmen-tation du taux de pénétration des EnR variables de 16% à 22%, pour passer du scénario C au scénario D du BP RTE 2014, soit une augmentation de l’offre électrique fournie par ces sources de 32 TWh.

    LOGEMENT : RÉNOVER L’EXISTANT AUX STANDARDS CONFORMES À LA NORME DE CONSTRUCTION ACTUELLE OU RENFORCER CETTE DERNIÈRE ?

    La réglementation thermique (RT) des bâtiments a été mise en place en France au moment du premier choc pétrolier. Depuis, elle se durcit de plus en plus dans le neuf à chaque nouvel opus. Après la RT 2012 appliquée aujourd’hui, la future norme pourrait obliger à la construction de bâtiments passifs, voire « à énergie positive » (BEPOS).

    Dans le même temps, il est de mieux en mieux compris que les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments sont surtout le fait de ceux déjà construits, et qui seront encore là en 2050. Pour faire baisser les émissions du parc, il faudra donc obliger ou inciter les propriétaires à rénover les bâtiments existants, pour les rendre plus performants. Dans les deux cas de figure, ce sont les propriétaires ou futurs propriétaires qui doivent assumer des dépenses supplémentaires (pour augmenter les performances du bâtiment), et qui en contrepartie voient les charges de chauffage et d’électricité baisser.

    Il se pose donc la question de savoir si l’argent des (futurs) propriétaires est mieux utilisé en les obligeant à la rénovation sur l’existant, ou à des performances encore accrues sur le neuf. Dans les deux cas de figure on peut regarder ce qu’il en coûte d’économiser une tonne de CO2, en rapportant les investissements nécessaires aux économies d’émissions qui seront engendrées sur la durée de vie du bâtiment. C’est ce qu’a fait Carbone 4, qui a donc comparé l’efficacité d’une obligation de rénovation (amélioration du parc existant) avec un renforcement de la norme de construction neuve. Les deux cas d’étude sont présentés ci-dessous.

    2 Les variations du coût des combustibles sont fondées sur une variation du prix de l’énergie de -1% à +2% par an et la part d’équipements importés a été calculée à partir des études de cas réalisées, en appliquant une incertitude de ± 20%.

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    PRÉSENTATION DES DEUX CAS D’ÉTUDE

    - Pour la construction neuve, on regarde ce que l’on gagne en émissions, et ce que l’on doit dépenser en plus quand on passe de la situation de référence (actuelle) à la situation cible : o La situation de référence (ou de départ) est un logement tel que construit actuellement, conforme à la RT 2012 (donc au niveau BBC3), chauffé au gaz ou par PAC4. Ce logement utilise 50 kWh d’énergie primaire par m2 et par an pour les 5 usages réglementaires, dont 25 kWh maximum pour le chauffage.

    o La situation « cible » est un logement dit BEPAS (explication ci-dessous), utilisant au maximum 15 kWh d’énergie primaire5 par m2 et par an pour le chauffage (40 kWh d’énergie primaire par m2 et par an pour les 5 usages réglementaires6), et nécessairement chauffé par pompe à chaleur (PAC).

    Le BEPAS, c’est le bâtiment « à énergie passive». Non défini réglementairement en France, on désigne par ce terme un concept inspiré du label allemand de performance énergétique « Passivhaus ». Il s’agit d’un bâtiment qui consomme moins de 15 kWh d’énergie primaire par m2 et par an pour les usages de chauffage et de rafraîchissement. En pratique, cela correspond à peu près au niveau de consommation des bâtiments « à énergie positive », ou BEPOS, avec au plus 40 kWh d’énergie primaire par m2 et par an pour tous les usages réglementaires. Le chauffage n’est pas individualisé dans le BEPOS, mais en première approximation il est raisonnable de considérer que le niveau de consommation de chauffage du BEPAS est identique à celui à atteindre en BEPOS. En revanche, le BEPOS intègre la production renouvelable intégrée au bâti, mais cela ne concerne

    pas la performance de l’enveloppe, qui est bien mieux reflétée par la consommation de chauffage. C’est donc cette seule valeur de 15 kWh d’énergie primaire par m2 et par an que nous avons utilisée pour nos calculs.

    - Pour la rénovation, on évalue le surcoût moyen du passage d’un logement du parc existant – situation de référence – à un logement au niveau BBC (conforme à la RT 2012) – situation « cible ». On évalue dans ce cadre deux types de bouquets de travaux de rénovation : o une isolation importante de l’enveloppe du bâtiment et une introduction d’équipements de chauffage performants (nouvelle chaudière au gaz performante, par exemple), o une isolation importante de l’enveloppe du bâtiment et un passage à un chauffage électrique par PAC.

    Nous avons supposé que cette rénovation ciblait en priorité les logements énergivores ou moyens, chauffés au gaz ou au fioul. Le périmètre de consommation pris en compte est le chauffage et l’eau chaude sanitaire.

    MÉTHODE ET MODÉLISATION POUR LE CALCUL DU COÛT À LA TONNE DE CO2 ÉVITÉE

    Dans la modélisation des consommations et des coûts, nous avons tenu compte du fait que la consommation réelle d’un bâtiment est toujours plus élevée que ce que la norme suppose (de plusieurs dizaines de % en pratique, parfois de bien plus). La durée de vie des bâtiments considérée est de 100 ans et nous avons intégré le renouvellement des équipements ayant lieu périodiquement pendant ces 100 ans.

    3 Bâtiment basse consommation4 Relativement au nombre de logements, la PAC et le gaz représentent respectivement 48% et 22% du marché de la construction neuve de maisons individuelles ; dans le logement collectif, 80% du marché est lié au gaz seul.5 Par convention, l’énergie primaire est celle qui est utilisée dans le bâtiment pour du gaz ou du fioul, mais aussi celle dégagée sous forme de chaleur dans une centrale électrique en cas d’usage de l’électricité.6 Chauffage, eau chaude sanitaire (ECS), refroidissement, éclairage, ventilation

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    La Lettre du Carbone N°4 - juin 2016

    Figure 4 : Modélisation du surcoût entre la situation cible et la situation de référence et des émissions de GES, pour le calcul du surcoût à la tonne de CO2 évitée

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    Les flux pris en compte, comptabilisés hors taxes, sont :

    • les coûts : ceux des travaux d’une part (surcoût à la construction dans le cas d’un logement neuf, coût de la rénovation dans le cas d’un logement existant), et ceux dus aux renouvellements des matériaux (isolants par exemple) et des équipements du bâtiment d’autre part ;

    • les recettes générées par les économies de consommation d’énergie du bâtiment, relativement à la situation de référence qui le concerne : écart de consommation entre un bâtiment RT 2012 et un bâtiment BEPAS dans le cas d’un logement neuf, écart de consommation entre un bâtiment moyen du parc et un bâtiment après rénovation BBC dans le cas d’un logement existant.

    Les facteurs d’émissions des sources de chauffage sont ceux de l’arrêté du DPE, soit 300 gCO2/kWh pour le fioul, 234 gCO2/kWh pour le gaz et 180 gCO2/kWh pour l’électricité (attention : dans tous les cas de figure il s’agit de kWh finaux, c’est-à-dire ceux qui sont

    mesurés par le compteur de l’habitation ou la pompe du livreur de fioul , et pour l’électricité la convention – discutable – est de considérer que les kWh primaires, utilisés pour la RT, sont égaux à 2,6 fois les kWh finaux). Une analyse de sensibilité a été conduite sur le cas particulier de l’électricité, pour voir ce que donne le résultat si on attribue à ce vecteur un « contenu en CO2 » plus faible ou plus élevé. Il s’avère que cela ne change pas les résultats de manière significative, car c’est la réduction de la consommation énergétique qui prime.

    Afin d’avoir une hypothèse de rénovation pertinente, nous avons supposé que les rénovations au niveau BBC (performance après rénovation conforme à la RT 2012) ciblent les énergies de chauffage fioul et gaz, sur des logements de performances moyenne et énergivore (soit environ 11 millions de logements en tout, représentant plus d’un tiers des résidences principales). Un focus a également été réalisé sur les 3 millions de logements les plus énergivores, c’est-à-dire ceux présentant une consommation de chauffage et d’eau chaude supérieure à 190 kWh par m2 et par an.

    7 Taux d’actualisation utilisé : 2,5%, conformément aux préconisations de France Stratégie concernant les investissements de maîtrise de la demande énergétique.

    Écarts des coûts

    Écarts des émissions

    Année 1 Année 2 Année 3 Année 4

    Année 1 Année 2 Année 3 Année 4

    Émissions de CO2 éq. Coûts

    Situation de référence

    Situation cible

    Coûts cumulés

    Écarts entre chroniques Cumuls et actualisation des écarts

    Année 1 Année 2 Année 3 Année 4

    Recettes Émissions évitées

    Chroniques de coûts et d’émissions des cas d’étude

    Coûts cumulés et actualisés

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    RÉNOVATION AU NIVEAU BBC : DES COÛTS À LA TONNE DE CO2 ÉVITÉE INFÉRIEURS À 150 € ET NÉGATIFS DANS CERTAINS CAS

    Avec les hypothèses ci-dessus, les travaux de rénovation (donc l’amélioration du parc déjà construit) présentent tous un coût à la tonne de CO2 évitée inférieur à 150 €. En outre, ce coût est négatif si l’on cible les logements collectifs chauffés au fioul et énergivores (cela signifie que rénover le logement conduit alors à une économie nette pour le propriétaire, et non à un surcoût net). De façon générale, la rénovation du collectif énergivore correspond à un coût à la tonne de CO2 évitée très faible, et devenant négatif pour peu que le prix des énergies fossiles augmente (par exemple avec une hausse de la taxe carbone). La fourchette de coûts est moins élevée et un peu plus resserrée dans le logement collectif (-10 à 80 €/tCO2 évitée) que dans la maison individuelle (40 à 150 €/tCO2 évitée).

    En ordre de grandeur, la rénovation BBC des 11 millions de logements de performances moyenne et énergivore, et chauffés au gaz ou au fioul, permettrait d’abattre des tonnes de CO2 à un coût de l’ordre de -10 à 150 €/tCO2 (environ 78 € en moyenne). Si la rénovation

    est limitée aux 3 millions de logements les plus émetteurs de CO2

    8, il est même possible de réduire le coût de la rénovation à -10 à 70 €/tCO2 (environ 40 € en moyenne), soit en ordre de grandeur 100 fois moins que ce que permet la pose de panneaux photovoltaïques. Dit autrement, si la puissance publique force les ménages à dépenser 1 milliard d’euros en CSPE pour soutenir le photovoltaïque, cela conduit à 100 fois moins d’émissions évitées que si la puissance publique force les ménages à investir dans la rénovation thermique lourde des logements.

    La rénovation de l’ensemble des 3 millions de logements les plus émetteurs de CO2 permettrait d’économiser 14 MtCO2 chaque année, soit environ 3% des émissions françaises de gaz à effet de serre. Dans un souci de pragmatisme et d’efficacité, comme le coût à la tonne de CO2 évitée de la rénovation de ce segment est en moyenne près de 2 fois inférieur à celui de la rénovation du segment de 11 millions de logements décrit ci-dessus, il importe de bien cibler les politiques publiques incitant ou obligeant à rénover les logements.

    8 Il s’agit de ceux dont la consommation de chauffage et d’ECS est supérieure à 190 kWh/m2/an : les maisons individuelles et logements collectifs énergivores, chauffés au gaz ou au fioul, et les logements collectifs de performance énergétique moyenne, chauffés au fioul.

    Figure 5 : Coût à la tonne de CO2 évitée par la construction en BEPAS, par rapport à une construction en RT 2012, selon l’énergie de chauffage de celle-ci, pour les maisons individuelles (MI) et le logement collectif (LC)

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    9 Pour un niveau de consommation donné en énergie primaire, la consommation en énergie finale (celle qui passe le compteur) varie dans un rapport de plus de 2 selon l’énergie. Ainsi, 30 kWh d’énergie primaire par m2 et par an correspondront à 30 kWh de gaz achetés par l’occupant, mais à seulement 12 kWh d’électricité achetés par le même. Ainsi, pour une même contrainte réglementaire sur le niveau de consommation de chauffage, exprimé en énergie primaire, il y a une forte différence de performance sur l’enveloppe, selon que le logement est chauffé au gaz ou à l’électricité.10ou le surinvestissement dans le cas de la construction BEPAS, par rapport à une construction BBC

    CONSTRUCTION BEPAS : DES COÛTS PLUS ÉLEVÉS, ALLANT DE 400 € PAR TONNE DE CO2 À BIEN PLUS

    Comme présenté sur la Figure 5, la construction BEPAS permet d’abattre des tonnes de CO2 à un coût de l’ordre de 400 à 600 €/tCO2e par rapport à une construction RT 2012 chauffée au gaz. Le coût par rapport à une construction RT 2012 chauffée à l’électricité atteint, quant à lui, 7 000 à 9 000 €/tCO2e.Les résultats diffèrent selon le type de logement, individuel ou collectif, car les coûts des travaux et des renouvellements ne sont pas les mêmes entre les deux catégories de logement pour une consommation d’énergie donnée (du fait de l’écart de surface en premier lieu).

    Par ailleurs, les résultats varient selon l’énergie de chauffage du logement de référence. Rappelons que le logement cible est toujours supposé chauffé par PAC, mais que le logement de référence peut être chauffé au gaz ou à la PAC. Dans le cas où le logement de référence, comme le logement « cible », est chauffé par PAC, le passage à un niveau de

    consommation BEPAS ne permet d’économiser du CO2 qu’au prorata de la réduction des kWh consommés. Dans le cas d’un passage du gaz à la PAC, il y a à la fois l’effet du changement du contenu carbone du vecteur énergétique (un kWh d’électricité représente plus de 20% d’émissions de CO2 de moins qu’un kWh de gaz, pour l’usage chauffage), mais surtout un changement de niveau de consommation important entre logement « cible » et logement de référence9. Ainsi, rapportées aux coûts, les émissions de CO2 évitées sont bien moins coûteuses dans le cas d’une situation de référence d’un logement chauffé au gaz.

    COMPARAISON DE L’EFFICACITÉ DES POLITIQUES PUBLIQUES CONCERNANT LA PRODUCTION RENOUVELABLE D’ÉLECTRICITÉ ET LE LOGEMENT

    Dans le schéma Figure 6, l’ordonnée représente l’investissement10 initial nécessaire pour permettre d’éviter 1 tonne de CO2 équivalent par an, tandis que l’abscisse correspond

    Figure 6 : Investissement initial requis pour

    l’abattement d’une tonne de CO2 par an

    par les diverses politiques publiques présentées supra, en fonction du coût annuel pour la

    collectivité de la tonne de CO2 évitée

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    10

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    au coût à la tonne de CO2 évitée pour la collectivité11, dont les hypothèses de calcul ont été décrites plus haut.

    En synthèse des études réalisées sur le soutien à la production électrique par des EnR variables et sur différentes politiques envisageables dans le secteur du logement, la comparaison entre les différentes filières étudiées montre que trois d’entre elles réunissent à la fois un investissement initial modéré (entre 5 et 10 k€ pour permettre l’abattement d’une tonne de CO2 par an) et un coût annuel pour la collectivité inférieur à 100 € par tonne de CO2 évitée. Notons que pour les deux types de rénovation de logements (ciblée ou moyennement ciblée), le coût n’augmente pas quand une partie du gisement est déjà traité, alors que ce n’est pas le cas pour l’éolien terrestre, pour lequel le résultat n’est valable que pour une part dans la production électrique qui reste faible (rappelons que plus il y a d’éolien, plus faible est la quantité d’énergie fossile remplacée par chaque éolienne supplémentaire, et donc plus le coût à la tonne de CO2 évitée augmente, voire devient infini ou non calculable quand il n’y a plus de CO2 évité).

    LA MÉTHANISATION, UNE FILIÈRE EFFICACE POUR ÉVITER DU CO2 ET L’IMPORTATION DE COMBUSTIBLES FOSSILES ?

    La méthanisation consiste à faire fermenter, à l’abri de l’oxygène de l’air, des végétaux ou déchets organiques (déchets agricoles, papiers et cartons, épluchures, déchets des industries agroalimentaires, etc.), ce qui permet à des bactéries produisant du méthane de se développer. Comme le carbone du méthane ainsi obtenu est organique, cela permet la production d’un « gaz vert », dont

    la combustion ne contribue pas aux émissions de gaz à effet de serre. Avec une production potentielle de l’ordre de 100 TWh12 en 2050 (soit environ 20% de la consommation de gaz actuellement), la filière méthanisation pourrait jouer un rôle significatif dans l’atteinte des objectifs de réduction des émissions de GES de la France.

    En théorie, le biogaz peut servir à plusieurs types de valorisation : production d’électricité et/ou de chaleur, alimentation de processus industriels (chaleur et/ou électricité), injection dans le réseau pour usage domestique ou industriel, carburant pour des bus, camions ou autres véhicules (bioGNV). Comme pour les autres domaines analysés ci-dessus, nous avons cherché à savoir quelles étaient les filières les plus intéressantes, c’est-à-dire celles où l’argent investi permet d’obtenir le plus d’émissions évitées.

    LA FILIÈRE MÉTHANISATION EST À UNE ÉTAPE CHARNIÈRE DE SON DÉVELOPPEMENT

    En 2013, la production de biogaz en France a représenté 4,8 TWh d’énergie primaire. Plus de 60% du biogaz français est aujourd’hui produit par le captage en décharge13 . Or ce gisement de biogaz de décharge, déjà exploité fortement, aura tendance à diminuer à l’avenir, avec les politiques de diminution des déchets et de limitations des mises en décharge. Le potentiel de la filière (soit le gisement de biogaz restant à exploiter) réside désormais dans les installations de méthanisation.

    La méthanisation à partir d’intrants agricoles, agro-alimentaires ou de déchets fermentescibles contenus dans les ordures ménagères et assimilés (épluchures, déchets de repas, etc.) peut permettre d’éviter des

    11 en compensant le tarif d’achat via la CSPE pour les énergies renouvelables, ou en effectuant les travaux et renouvellements de l’enveloppe ou des équipements (hors taxes)12un TWh = un milliard de kWh13 c’est-à-dire dans les ISDND : installations de stockage de déchets non dangereux

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    combustibles fossiles à plusieurs titres :

    - le gaz produit peut être directement injecté dans les réseaux, auquel cas il se substitue à du gaz fossile. Il peut aussi servir à la production de bioGNV, pour alimenter des engins de transport (bus, camions), auquel cas il se substitue à des carburants. Enfin il peut servir à de la cogénération (production simultanée de chaleur et l’électricité) ; la chaleur peut alors se substituer à un combustible fossile (fioul, gaz) et l’électricité produite évite la part charbon, fioul et gaz de l’électricité de réseau (en France, cette part est très faible) ;

    - le résidu solide après méthanisation, appelé digestat, comporte toujours les éléments minéraux, et une bonne partie de l’azote qui était contenu dans la matière organique. Il peut être utilisé comme engrais et évite alors la fabrication d’engrais de synthèse (rappelons que le premier poste de dépense énergétique à l’hectare pour la culture des céréales est la fabrication des engrais azotés à partir de gaz, et non le fioul utilisé par les engins agricoles).

    QUANTIFIER LES EXTERNALITÉS POUR ÉTABLIR UN ORDRE DE MÉRITE DES INSTALLATIONS

    Afin d’établir l’ordre de mérite des différents modes de valorisation du biogaz, Carbone 4 a calculé les bilans économiques, énergétiques, matière et environnementaux de deux exploitations types :

    • À la ferme : nous supposons qu’il y a 11 000 tonnes d’intrants par an, majoritairement agricoles, pour une production de 5 GWh14 de biogaz brut par an (le biogaz brut contient encore du CO2, un peu d’azote, et d’autres gaz mineurs qu’il faut épurer pour obtenir du méthane presque pur).

    • Territoriale : nous supposons qu’il y a 50 000 tonnes d’intrants par an, majoritaire-ment agricoles, pour une production annuelle de 16 GWh de biogaz brut.

    Les pouvoirs méthanogènes moyens des mix d’intrants étudiés sont cohérents avec les données publiées par l’ADEME15.

    14 un GWh = un million de kWh15 Estimation des gisements potentiels de substrats utilisables en méthanisation, ADEME, 2013.

    Figure 7 : Présentation des types de sites de méthanisation étudiés. CIVE

    signifie « cultures intermédiaires à vocation énergétique » ; ce sont des végétaux qui sont cultivés entre deux

    rotations de plantes alimentaires (maïs et blé, maïs et colza, etc.)

    et qui sont récoltés pour alimenter le méthaniseur. On constate que lisiers et fumiers représentent de

    forts tonnages mais ont un pouvoir méthanogène limité.

    À la ferme

    30%

    30%

    15%

    10%

    15%

    lisier bovin fumier bovin CIVE (réf. sans cult.) Déchets de sortie de silo lactosérum

    11 kt

    6% 14%

    19% 54%

    7%

    5 GWh

    Territorial

    30%

    30%

    16%

    9%

    15%

    lisier porcin fumier porcin CIVE (réf. sans cult.) Céréales poussières lactosérum

    50 kt

    6%

    29%

    28%

    27%

    10%

    16 GWh Répartition des

    intrants en énergie produite

    Répartition des intrants en tonnage

    Pouvoir méthanogène moyen : 450 kWh/t

    Pouvoir méthanogène moyen : 330 kWh/t

    30%

    30%

    15%

    10%

    15%

    Lisier Fumier CIVE Déchets de sortie de silo Lactosérum

    11 kt

    30%

    30%

    16%

    9%

    15%

    Lisier Fumier CIVE Céréales poussières Lactosérum

    50 kt

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    Chacun de ces types d’installations peut valoriser le biogaz de trois manières différentes : par cogénération (production d’électricité et de chaleur, cette dernière étant utilisée sur place), par injection de biométhane dans le réseau de distribution (où il va remplacer du gaz fossile pour la consommation des con-sommateurs raccordés au même réseau de distribution), ou par production de bioGNV (qui va remplacer des produits pétroliers utilisés par des bus, camions, ou autres véhicules équipés).

    LA MÉTHANISATION : UNE FILIÈRE DÉPEN-DANTE DES AIDES DE LA COLLECTIVITÉ

    Pour les cas étudiés, les coûts de production du gaz ou de l’électricité à partir de la méthanisation sont 2 à 6 fois supérieurs au prix de marché de l’énergie « standard » en 2014. La filière méthanisation n’est donc pas compétitive sans aide de la collectivité. L’injection est le type de valorisation dont le surcoût en €/MWh est le moins important (cf. Figure 8), de 70 à 110 € selon le type de site.

    L’INJECTION DE BIOMÉTHANE ET LA VALORISATION CARBURANT PERMETTENT LES BÉNÉFICES LES PLUS IMPORTANTS

    Comme pour le bâtiment ou les EnR électriques intermittentes, nous avons cherché à savoir quel était le coût à la tonne de CO2 évitée pour les diverses installations et les divers types de valorisation. En effet, produire du biogaz revient plus cher que d’acheter du gaz fossile, mais permet par ailleurs d’éviter des émissions de gaz à effet de serre, en plus ou moins grande quantité selon l’énergie fossile substituée (gaz ou pétrole) et l’usage.

    C’est ce qui est résumé dans le graphique suivant (figure 9).

    + 132

    + 112

    + 153

    + 107

    + 72

    + 125

    + 80

    + 42

    + 69

    71

    23

    36

    + 132

    + 112

    + 153

    + 107

    + 72

    + 125

    + 80

    + 42

    + 69

    71

    23

    36 Cogénération

    Injection

    Carburant

    Référence : prix de

    l’alternative

    Réf. électricité : prix spot moyen France 2014

    Réf. gaz : prix spot moyen France 2014

    Réf. gazole : prix de vente HT (distribution incluse)

    À la ferme Territorial

    5,2 4,5

    5,8 4,1

    2,9 2,5

    Coût total via la valorisation / Prix référence :

    Coût total via la valorisation / Prix référence :

    Coût total via la valorisation / Prix référence :

    Surcoût en

    Surcoût en

    Surcoût en

    Tracteur : copyright icons8.com http://ic8.link/262 usine : copyright icons8.com http://ic8.link/1723 poignée de main : copyright icons8.com http://ic8.link/15964 balance : copyright icons8.com http://ic8.link/1417

    Figure 8 : Surcoûts en € par MWh d’énergie finale produite par rapport à l’alternative « classique » (gaz de réseau, électricité de réseau, produits pétroliers). La référence est indiquée sur la droite.

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    Figure 9 : Émissions de GES évitées selon le type de site et la voie de valorisation (kgCO2 e/MWhep) et gain sur la balance commerciale

    rapporté à la production d’énergie primaire (€/MWhep)

    Gain sur la balance commerciale rapporté à la production primaire

    ( /MWhp)

    44

    20

    0,6

    46

    23

    3,4

    44

    20

    0,6

    46

    23

    3,4

    44

    20

    0,6

    46

    23

    3,4

    44

    20

    0,6

    46

    23

    3,4

    44

    20

    0,6

    46

    23

    3,4

    44

    20

    0,6

    46

    23

    3,4

    282

    207

    138

    312

    237

    167

    380

    305

    236 Cogénération

    Injection

    Carburant

    kgCO2 évités par MWh primaire

    Tracteur : copyright icons8.com http://ic8.link/262 usine : copyright icons8.com http://ic8.link/1723 poignée de main : copyright icons8.com http://ic8.link/15964 balance : copyright icons8.com http://ic8.link/1417

    L’ordre de mérite des valorisations du biogaz étudiées en termes d’émissions de CO2 évitées, de gain sur la balance commerciale et d’emplois nets créés en France est alors le suivant (cf. Figure 9) :1. Production de bioGNV pour substitution à des carburants pétroliers

    2. Production de biométhane et injection dans le réseau de gaz naturel

    3. Cogénération• Au regard des externalités évaluées, le bioGNV est la valorisation la plus intéressante

    pour la collectivité, suivie par l’injection, car l’énergie primaire produite dans ces deux cas se substitue à des énergies plus carbonées (pétrole puis gaz). La co-génération substituant pour partie de l’électricité déjà décarbonée (nucléaire ou hydraulique), elle évite donc moins de CO2. Les deux premières valorisations entraînent également les gains les plus importants sur la balance commerciale, grâce à la diminution des importations de pétrole et de gaz naturel, et permettent ainsi la création du plus grand nombre d’emplois nets.• En cogénération, seules les installations valorisant la quasi-totalité de la chaleur produite sur un usage substituant une énergie fossile permettent d’obtenir des bénéfices intéressants sur les émissions de GES et la balance commerciale.

    Comme pour l’éolien et le solaire, l’origine des composants ayant servi à construire le méthaniseur et ses annexes a un impact important sur l’effet net sur la balance commerciale. L’investissement dans des équipements d’origine française permet logiquement d’augmenter significativement le gain sur la balance commerciale, quelle que soit la valorisation considérée. À l’opposé, le développement d’unités de méthanisation

    Figure 10 : Impact de l’origine des équipements sur la balance commerciale dans les cas de la cogénération et de l’injection

    46% 75% 100

    %

    Part des investissements réalisés en France* : Scénario 1 Scénario 2 Scénario 3

    France France France Import Import

    *Source scénarios 1 et 2 : étude pour le Comité stratégique des éco-industries, Naskeo, 2013

    Injection

    135

    454

    765

    100

    371

    656

    58

    272

    525

    A la ferme

    Territorial

    FFOM

    Gain sur la balance commerciale (k )

    Ensemblier étranger Ensemblier français 100% français

    135

    454

    100

    371

    603

    58

    272

    409

    A la ferme

    Territorial

    FFOM

    75%

    27%

    France France France

    Scénario 1 Scénario 2 Scénario 3

    Cogénération Part des investissements réalisés en France* :

    Import Import

    59%

    Import

    N.B. : les résultats présentés ici sont calculés hors gains éventuels d’exportation d’électricité.

    40

    148

    313

    3

    56

    193

    - 46

    - 69

    21

    A la ferme

    Territorial

    FFOM

    Gain sur la balance commerciale (k )

    Ensemblier étranger Ensemblier français 100% français hors moteur

    40

    148

    313

    3

    56

    108

    - 46

    - 69

    - 137

    A la ferme

    Territorial

    FFOM

    135

    454

    765

    100

    371

    603

    58

    272

    409

    A la ferme

    Territorial

    FFOM

    135

    454

    765

    100

    371

    603

    58

    272

    409

    A la ferme

    Territorial

    FFOM

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    La Lettre du Carbone N°4 - juin 2016

    valorisant le biogaz par cogénération et dont une part importante des équipements est d’origine étrangère peut avoir un impact négatif sur la balance commerciale (cf. Figure 10).

    UN COÛT À LA TONNE DE CO2 ÉVITÉE SUPÉRIEUR À 300 EUROS, MAIS UN GAIN GLOBAL POSITIF POUR CERTAINES VALORISATIONS

    Les coûts à la tonne de CO2 évitée, calculés dans la même logique que pour les mesures ci-dessus, sont compris entre 280 et 500 € selon le type de site et de valorisation (cf. Figure 11 ci-dessous).

    • L’installation à la ferme évite du CO2 dans une fourchette allant de 440 €/tCO2 évitée pour la production de bioGNV à 500 €/tCO2 évitée pour l’injection ;

    • Le site Territorial évite du CO2 dans une fourchette allant de 280 €/tCO2 évitée pour l’injection à 320 €/tCO2 évitée pour la production de bioGNV.

    LES SITES DE GRANDE TAILLE SONT LES PLUS INTÉRESSANTS POUR LES EXTERNALITÉS ÉTUDIÉES

    Le site Territorial permet de meilleurs bénéfices que le site à la ferme sur les indicateurs analysés (surcoût du MWh, coût à la tCO2 évitée, balance commerciale, emplois…) no-tamment grâce à sa taille conséquente. En particulier, le coût à la tonne de CO2 évitée par la méthanisation dans ce type de site est en moyenne de 34% inférieur à celui du site à la ferme. Comme vu ci-dessus, c’est l’injection du biométhane dans le réseau de gaz et son utilisation comme carburant qui permettent les bénéfices les plus importants par rap-port aux différents indicateurs. L’utilisation du biométhane pour produire de l’électricité par cogénération n’est quant à elle pas très pertinente en France pour réduire les émis-sions de GES, car l’électricité y est déjà très peu carbonée ; en outre, dès lors que les équipements de cogénération proviennent majoritairement de l’étranger, l’impact sur balance commerciale française est négatif, ce qui n’est pas le cas de la valorisation par injection.

    Licence logos des types de site et de valorisation : icons8.com

    Figure 11 : Coût à la tonne de CO2 évitée par différentes voies de valorisation du biogaz produit par méthanisation

    466 503 437

    314 282 321

    124 128 195

    0 /tCO

    100 /tCO

    200 /tCO

    300 /tCO

    400 /tCO

    500 /tCO

    Cogé. Injec. Carbu. Cogé. Injec. Carbu. Cogé. Injec. Carbu.

    A la ferme Territorial FFOM - Biodéchets

    Coût à la tonne de CO2 évitée ( /tCO2éq)

    * Pompe à chaleur Sources : 1 Carbone 4

    2 La valeur tutélaire du carbone, rapport de la commission présidée par Alain Quinet (2009)

    Valeurs recommandées pour la tonne de carbone 2

    (en euros 2014)

    Valeur et fourchette proposées pour 2050 215 /tCO2

    107 /tCO2 60 /tCO2

    200 /tCO2 PAC* air/eau

    dans une maison fioul

    performante 1 Valeur 2020

    Valeur 2030

    370 /tCO2

    Isolation thermique par

    l’intérieur d’une maison fioul

    performante 1

    466 503 437

    314 282 321

    124 128 195

    0 /tCO

    100 /tCO

    200 /tCO

    300 /tCO

    400 /tCO

    500 /tCO

    Cogé. Injec. Carbu. Cogé. Injec. Carbu. Cogé. Injec. Carbu.

    A la ferme Territorial FFOM - Biodéchets

    Coût à la tonne de CO2 évitée ( /tCO2éq)

    balance : copyright icons8.com http://ic8.link/1417

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    15

    La Lettre du Carbone N°4 - juin 2016

    LE DÉVELOPPEMENT DE LIGNES D’AUTOCARS PÉRIURBAINS

    Comme cela est rappelé en introduction, le transport (personnes et marchandises) utilise quasi exclusivement des énergies fossiles, pour un total de 500 TWh d’énergie finale consommée par an (le pétrole consommé dans les seuls transports représente donc plus que la consommation électrique de l’ensemble du pays, et autant que la consommation de gaz nationale). Carbone 4 a exploré le potentiel d’économies de gaz à effet de serre lié à la mise en place de lignes d’autocars périurbains, encore embryonnaire en France. Comme on le verra ci-dessous, cette solution est intéressante en termes de lutte contre le dérèglement climatique, car elle permet de densifier le transport tout en évitant la construction de nouvelles infrastructures.

    UN CAS D’ÉCOLE SUR UNE AGGLOMÉRATION D’ENVERGURE : MADRID

    En matière de partage modal, la région de Madrid occupe – depuis des années – la première place parmi 25 agglomérations européennes16 , avec 50% des déplacements motorisés effectués en transport collectif, contre 30% en Île-de-France.

    Une part importante de ce succès tient à :

    • Un usage massif des lignes d’autocars, ce qui porte la part de la route en matière de transports collectifs à plus de 40% (16% en Île-de-France) : 350 lignes irriguent la grande couronne de Madrid sur plus de 20 000 km, réalisant ainsi 900 000 voyages quotidiennement sur une distance moyenne de 17,5 km (ce qui représente 4 milliards de passagers.km par an).

    • Une organisation optimale de la chaîne de mobilité : un grand nombre de lignes empruntent des corridors autoroutiers (non dédiés, pour l’essentiel des lignes), et convergent vers des pôles multimodaux généralement situés sur la ligne de métro circulaire la plus externe.

    • Une exploitation efficiente des voies rapides avec : o une massification des flux de voyageurs transportés17, qui montre qu’il est possible de « transporter plus avec les infrastructures existantes », o des sites propres strictement limités aux zones congestionnées et dont l’usage est optimisé (voies réversibles, voies ouvertes aux covoitureurs).

    En Île-de-France, quelques lignes d’autocars express « dans le flot » fonctionnent sur les autoroutes A14 et A10, desservant respectivement les gares de RER de La Défense et de Massy-Palaiseau. Elles offrent une bonne qualité de service et confirment la faisabilité et l’acceptabilité sociale de ce type d’offre, essentiellement dédiée aux déplacements domicile-travail et domicile-études.

    EFFORTS ET EFFETS ATTENDUS POUR UNE AGGLOMÉRATION SIGNIFICATIVE

    Pour évaluer le coût à la tonne de CO2 évitée de ce genre de dispositif, nous allons supposer que pour desservir 60 000 actifs résidant en périphérie et devant parcourir une vingtaine de km pour se rendre au travail – ordre de grandeur du potentiel pour une grande agglomération régionale –, l’investissement initial correspond à la mise en service de 40 lignes sur 3 axes, avec 12 km de voies dédiées, 3 gares routières et 600 autocars.

    Une précision importante : ce qui figure ci-dessous concerne uniquement le cas des autocars périurbains, mis en service là où il

    16 Baromètre de « European Metropolitan Transport Authorities » édité en 200817 Le débit aux heures de pointe des autoroutes, qui est d’environ 2 000 personnes à l’heure par voie quand il n’y a que des voitures, monte à environ 3 000 avec des autocars dans le flot, et sur les voies dédiées aux abords des agglomérations ce débit monte jusqu’à 8 000 personnes à l’heure (200 à 300 autocars à l’heure avec 25 à 30 personnes par véhicule).

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    La Lettre du Carbone N°4 - juin 2016

    n’y a pas de RER, et non celui des autocars interurbains permis par la loi Macron, pour lesquels le bilan est radicalement différent car ils concurrencent directement le train, qui est un mode beaucoup plus décarboné que la voiture.

    Le grand avantage de l’autocar périurbain est d’utiliser l’infrastructure autoroutière (ou de voies rapides) existante, en se contentant d’aménagements relativement légers (points d’accès, parkings relais). La mise en place de voies dédiées concernerait uniquement les tronçons les plus congestionnés, à proximité du centre urbain ou des nœuds de connexion. Nous estimons que ces voies dédiées seraient nécessaires sur environ 15% du trajet des autocars.

    Dans le cas d’un baril de pétrole à 100 € (le calcul a été fait à cette époque, mais il est probable que ce prix reviendra un jour), un tel projet aurait pour conséquences :

    • Pour 60 000 actifs, la dépense d’inves-tissement représente alors un coût de 150 mil-lions d’euros, pour une économie annuelle de l’ordre de 50 000 tonnes de CO2 . Sur 50 ans, le coût à la tonne de CO2 évitée est ainsi de 60 €.

    • Appliquée à 2 millions de personnes, cette proposition permettrait de diminuer annuellement de 400 millions d’euros le déficit commercial (pétrole évité18), de dimi-nuer l’empreinte carbone des personnes transportées de 10%, de créer en France plus de 60 000 emplois pérennes, et ce pour un investissement public limité à 3 milliards d’euros.

    AUTRES AVANTAGES DE L’OFFRE DE TYPE CAR PÉRIURBAIN

    Des autocars périurbains offrent également les avantages suivants :

    • une mobilité « décarbonée » abordable pour le plus grand nombre, pouvant permettre au ménage périurbain ciblé d’économiser de l’ordre de 1 000 euros par an sur son budget transport, dans un contexte de tension croissante sur le prix des carburants, de hausse des dépenses contraintes des ménages et de creusement des inégalités de revenus19,

    • des offres accessibles pour soulager de nombreux ménages subissant aujourd’hui une triple peine (éloignement en banlieue, faibles dessertes, temps de parcours longs).

    Cette solution permet en outre de partager l’effort d’investissement entre puissance publique et acteurs privés, ce qui limite le « risque projet » en impliquant les acteurs de la route (aménagements, gares intermodales) et les opérateurs (matériels roulants), avec un développement temporel qui peut être progressif (augmentation du nombre de lignes au fil du temps, cadences pouvant être renforcées si nécessaire avec peu de limite de capacité/saturation).

    Cette progressivité de l’investissement limite fortement le risque de dérapage budgétaire en cas de trafic réel en deçà du trafic espéré, alors que ce risque est bien plus élevé sur les projets d’infrastructures linéaires nouvelles (nouveaux tronçons routiers ou nouveau linéaire ferré), pour lesquels la totalité du risque est pris en une fois, au moment du financement de la construction.

    18 Le gain est évidemment moitié moindre si le baril est deux fois moins cher, mais il reste positif.19 Éléments d’analyse : Note du Conseil d’analyse stratégique « Vers des prix du pétrole durablement élevés et de plus en plus volatils » ; « Les niveaux de vie en 2010 », INSEE, sept. 2012 ; « La mesure du pouvoir d’achat et sa perception par les ménages », INSEE, fin 2007.

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    CONCLUSION

    Même à l’heure du changement climatique, une politique publique pour éviter du CO2 tient nécessairement compte d’autres critères importants pour la collectivité (em-ploi, aménagement du territoire, formation, diplomatie…). Il n’est donc pas étonnant qu’une analyse strictement économique donne des valeurs variables pour le coût à la tonne de CO2 évitée selon la politique considérée (cf. Figure 12).

    Rappelons que certaines de ces mesures présentent un coût à la tonne de CO2 évitée qui reste constant quand la pénétration augmente (par exemple la rénovation dans un segment donné du parc de logements, le développement de la méthanisation) alors que pour d’autres, comme le soutien aux énergies renouvelables, le coût à la tonne de CO2 évitée augmente avec le taux de pénétration.

    En termes de conséquences sur la balance commerciale, les résultats sont également divers : l’impact est très négatif pour le

    photovoltaïque mais potentiellement positif pour l’éolien en mer en cas de développement d’une filière industrielle française, positif pour l’autocar périurbain ainsi que pour la méthanisation, en particulier dans le cas de la solution d’injection du biométhane.

    Ce qui est plus étonnant, c’est que les actions les plus soutenues (en termes de montant) ne sont ni les plus efficaces pour le CO2, ni les mieux placées du point de vue d’autres critères comme la balance commerciale, l’emploi, ou même la consommation de ressources non renouvelables ou l’occupation d’espace.Au vu de cette très grande variabilité, et afin de conduire à des choix plus éclairés, il nous semblerait normal que le coût à la tonne de CO2 évitée fasse partie des études d’impact effectuées avant toute mesure réglementaire ou fiscale destinée à faire éviter des émissions.Dans le même esprit, la Cour des comptes ne devrait-elle pas être saisie d’une analyse de l’efficacité de la dépense publique dans le domaine de la lutte contre le changement climatique ?

    Figure 12 : Coût à la tonne de CO2 évitée pour différentes politiques publiques

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    Coût à la tonne de CO2 évitée

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