92
1 Rapport de synthèse Rabat, Mars 2012 L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en matière de rémunération

L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

  • Upload
    others

  • View
    4

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

1

Rapport de synthèse

Rabat, Mars 2012

L’étude sur la discrimination à l’égard des

femmes en matière de rémunération

Page 2: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

2

Elaboré par : Rachida Afilal

& kamal Mellakh

Sommaire

Introduction ......................................................................................................... 4

1. Contexte et Cadrage de l’étude ..................................................................... 4

2. Rappel des Objectifs de l’étude .................................................................... 9

Partie I : Cadrage théorique, méthodologique et état de la documentation 11

Chapitre 1 : Approche théorique et analyse documentaire .......................... 12

1. Délimitation conceptuelle ............................................................................ 12

2. Cadrage juridique : protection de salariat féminin par le code de travail .. 22

3. Etat des connaissances sur les discriminations salariales au Maroc.......... 25

Chapitre 2 : Approche méthodologique .......................................................... 29

Cadrage méthodologique .............................................................................. 29

1. Démarche méthodologique d’identification des cibles de l’enquête ......... 31

2. Présentation des outils d’investigation ...................................................... 34

2.1. Les Focus groups ................................................................................... 34

2.2. Les Entretiens semi directifs ............................................................... 35

2. 3. Etudes de cas ....................................................................................... 36

4. Critères de sélection de « l’échantillon » ..................................................... 36

5. Déroulement de l’enquête de terrain ............................................................ 37

Partie II : synthèse du travail de terrain ......................................................... 40

Chapitre 1 : La discrimination rémunératoire : regards croisés sur le phénomène ......................................................................................................... 41

1. Le concept de discrimination rémunératoire face aux réalités du terrain .. 42

2. La discrimination rémunératoire : du concept au phénomène ................... 47

Page 3: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

3

2 .1. La présence du phénomène de la discrimination : discours de cadrage ...................................................................................................................... 47

2.2. Discrimination rémunératoire : du discours à la réalité ........................ 50

3. La discrimination rémunératoire : réalité effective ou réalité virtuelle ..... 54

Chapitre 2 : Discrimination rémunératoire : prise de conscience ou conscience en prise ?.......................................................................................... 58

1. Les inspecteurs de travail : une prise de conscience en construction ........ 59

2. Les employeurs : une prise de conscience au stade zéro ........................... 60

3. Les personnes ressources : prise de conscience limitée ............................ 62

4. Les employées : la discrimination rémunératoire luxe ou droit ? ............. 62

Chapitre 3: la discrimination rémunératoire racontée par les PVDR : vécu et témoignages .................................................................................................... 63

1. La discrimination rémunératoire : réalité inavouable et amalgamée chez les employées ………………………………………………………………………………………...64

2. Facteurs de la discrimination rémunératoire : le point de vue des victimes et des témoins ................................................................................................... 67

3. Le vécu de la discrimination rémunératoire : récits et témoignages ........ 69

Recommandations ............................................................................................. 72

Conclusion .......................................................................................................... 75

Bibliographie sélective ...................................................................................... 79

Page 4: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

4

Introduction

1. Contexte et Cadrage de l’étude 1. Depuis des décennies, le Maroc s’est résolument engagé dans des réformes

stratégiques pour promouvoir les droits des femmes et lutter contre toutes les formes de disparités et de discriminations nourries à leur égard. Désormais, l’intégration des questions afférentes à leurs droits juridiques, socioéconomiques et culturels dans la dynamique du développement escompté se place au cœur des chantiers afférents au décollage économique et à la mise à niveau régionale et locale de tout le pays. Aussi, la culture égalitaire commence à irriguer les institutions de l’Etat et les différentes composantes de la société, fébrilement certes mais surement.

2. Plus récemment encore, la mise en place de la nouvelle constitution en Juin 2011 et les nouvelles réformes y esquissées préconisent une plus grande reconnaissance de l'égalité des sexes et une plus grande détermination dans

Page 5: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

5

l’établissement d’un Etat de droit prônant l’égalité et la non discrimination comme valeurs transversales. L’article 19 garantit aux hommes et aux femmes de jouir, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental. Ces dispositions sont en diapason avec les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume. Dans ce même élan, la constitution préconise que l’Etat marocain doit œuvrer à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. A cet effet, l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination prévue, va dans le sens de l’opérationnalisation du dit principe et de sa mise en œuvre. La sauvegarde de la dignité des hommes et des femmes a été donc au cœur de la nouvelle constitution. Ainsi, en encourageant la création d’organisations des droits des femmes et en accordant aux femmes plus de droits légaux, la nouvelle constitution témoigne d’une avancée importante pour l’instauration et l’ancrage des valeurs de l’équité et de la justice dans les différentes sphères de la vie sociale (économie, travail, famille….). Sur le plan juridique, cette avancée est de taille puisque elle marque un tournant décisif pour un Maroc tourné vers l’avenir et résolument engagé dans un processus de démocratisation et de modernisation.

3. Ainsi, en amont comme en aval, la prise en compte des considérations relatives au genre inscrit les interventions dans une démarche de proximité sensible aux spécificités des communautés qu’il s’agisse des besoins et attentes exprimées ou des prestations à fournir. Dans cet élan, plusieurs instruments visant l’habilitation et la mise à niveau des communautés en général et des femmes en particulier ont été mis en place. Le code de la famille, le nouveau code du travail ou encore la stratégie nationale de l’équité et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent des éléments de cadrage faisant effet de référence pour un Maroc en action….

4. Dans cette perspective, le ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle et ses composantes se sont clairement engagés à procéder à l’institutionnalisation de l’approche genre et à son intégration dans ses programmes d’actions, d’employabilité, de mise en œuvre du code du travail, de protection sociale des employées et dans ses structures et mécanismes de gestion. En filigrane, l’atteinte de l’égalité des genres et de l’équité sociale se profile comme des choix prioritaires guidant l’action.

Page 6: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

6

5. Par ailleurs, il importe de souligner que le discours de plus en plus récurrent sur les droits socioéconomiques des femmes remet le zoom sur certains aspects intimement liés à leur droit au travail dont :

• L’aspect juridique : ayant pour cadrage l’emploi des femmes en tant

que droit civil garanti aussi bien par la constitution que par les instruments internationaux. Ce cadrage lie le travail des femmes aux valeurs universelles sou jacentes dont principalement le respect de la dignité de la personne.

• L’aspect législatif centré su la mise en place des mécanismes d’accompagnement pour une mise en application fluide de toutes les dispositions législatives régissant le travail de femmes dans une perspective de protection de leurs droits et de sauvegarde de leur dignité.

• L’aspect social et ce en référence aux rôles et rapports sociaux entre

les genres et générations et aux changements qui les ont affectés suite à l’intégration de plus en plus massive des femmes dans le marché du travail.

• L’aspect relatif à la gestion de l’équité et de l’égalité des genres en

matière d’emplois, qu’il s’agisse de rémunération, de recrutement, de conditions de travail, de congés, d’octroi d’avantages sociaux…Dans ce cadre, la résolution de l’équation « à travail égal, salaire égal » vient pour garantir le principe de l’égalité salariale, pallier à la discrimination salariale d’une part et relancer un débat constructif sur les critères d’évaluation des niveaux d’efforts d’autre part.

6. Cependant, en termes d’emploi, il faut aussi rappeler qu’en dépit des

avancées enregistrées telles que l’ouverture du marché du travail aux femmes, l’accès à une activité économique de plus en plus variée, la féminisation même de certains secteurs et de l’évolution de l’acceptation sociale du travail de la femme…, plusieurs disparités fondées sur le genre persistent1 en matière de :

• Accès à l’emploi : Augmentation de la moyenne générale du chômage

dans les rangs des femmes, abstraction faite de leur âge et de leur niveau d’éducation. Ce taux dans les villes atteint 24,20 % contre 16,6 % pour les hommes. 34,9 % est le taux de chômage des femmes ayant

1 Khalid SOUDI, mars 2005

Page 7: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

7

des diplômes supérieurs (21,5 % pour les hommes). D’autant plus, il s’observe que le travail des femmes reste en général occasionnel et également manuel. Cette caractéristique va à l’encontre de toute promotion institutionnelle, ne favorise aucunement leur stabilité et encore moins l’accumulation de l’expertise féminine. Elle ne favorise pas non plus le principe de l’égalité des chances, principe fondateur de l’égalité des genres.

• Rémunération: il a été signalé par une étude à portée économique

publiée sur « l’Economiste », qu’un décalage de 25 % est enregistré en matière des salaires entre les femmes et les hommes. Le salaire moyen stable de la femme est de 938 DH alors que celui de l’homme s’élève à 1204 DH (selon l’enquête effectuée dans le secteur du bâtiment et des travaux publics de 2003.2 Ces données se doivent d’être affinées par une enquête nationale couvrant les différents secteurs d’activités. En 2000, 85% des responsables commerciaux au Maroc étaient des hommes. Leur salaire mensuel moyen était de 26.000 DH. En 2007, alors que les femmes représentent 38% de ces cadres, elles ne gagnent plus que 23.000 par mois, en moyenne3. Pour une action plus pondérée et plus pointue ciblant l’équité salariale, une analyse tant quantitative que qualitative permettant de mieux comprendre les soubassements de tels écarts, s’avère indispensable.

• Promotion dans l’emploi : dans ce cadre, il s’observe que les femmes se concentrent dans des niveaux moyens de travaux (travail manuel, services…). Leur accès aux postes de responsabilité reste limité. Même avec la discrimination positive instaurée, peu de femmes émergent en entreprise ou percent en administration. Elles n’arrivent pas à briser le plafond de verre et leur ascension sociale s’en trouve bloquée. Pourtant, il n’est plus à démontrer que les structures qui optent pour la mixité améliorent leur efficience et leur productivité et que les économies intégratives des femmes sont plus dynamiques et plus performantes4. Parmi les handicaps qui entravent la percée des femmes, les questions de l’habilitation et du renforcement des capacités s’érigent comme décisives surtout dans un marché offensif de plus en plus compétitif. Il faut rappeler à ce niveau que les déficits en termes de mécanismes institutionnels appuyant la vie des femmes employées (crèches, cantines, transport scolaire….) fragilisent les régulations instaurées au sein de la famille. La conciliation entre les

2 L’Economiste, 2003, Casablanca, Maroc 3 Enquête de l’économiste sur « les salaires des cadres marocains », 2007 4 Economiste : déclaration de Mme Karkri, janvier, 2007

Page 8: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

8

obligations familiales et les engagements professionnels des femmes s’en trouvent durement altérée. Le prix à payer est lourd en termes de promotion dans l’emploi.

7. Pourtant, au niveau réglementaire et à tous les niveaux, plusieurs mesures législatives relatives à la protection des femmes et de leurs droits dans l’emploi ont été adoptées. En effet :

• le Maroc a ratifié des conventions internationales du travail n°100 et n°111 respectivement sur l’égalité de rémunération et sur la non-discrimination en matière d’emploi et de profession.

• D’autres dispositions protectrices des femmes dans le code du travail visent la mise à niveau législative de sorte à ce qu’elle soit en diapason avec le code de la famille et les valeurs de l’égalité et de l’équité manifestement prônées. L’article 346 du code du travail interdit la discrimination basée sur le genre en matière de salaire entre les sexes pour un travail de valeur égale. Il va sans dire que la promotion des droits des femmes passe également par la lutte contre la discrimination salariale. Aussi, faut-il s’inscrire déjà dans une démarche de prise de conscience de ce droit et de dénonciation en cas de violation du dit droit.

8. Dans ce contexte où les avancées se conjuguent aux déficits, le BIT IPEC

Maroc lance, au profit du Ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, une étude sur la discrimination à l’égard des femmes en matière de rémunération. Cette étude s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre du « programme multisectoriel de lutte contre les violences fondées sur le genre par l’autonomisation des femmes et des filles au Maroc ». Il s’agit de bien comprendre, via une analyse qualitative, les facteurs socioculturels et économiques qui agissent pour faire de la discrimination salariale une caractéristique pénalisante des femmes dans le marché de l’emploi. Cette initiative édifiante vient pour jeter la lumière sur un phénomène laissé longtemps sous silence. L’investigation de l’existant pourra contribuer à cerner l’étendue de la pratique de la discrimination salariale, ses facteurs sou jacents et ses retombées sur l’égalité, l’équité et l’égalité des chances entre les genres.

9. Faut-il rappeler que le constat relatif à la discrimination salariale est observé au niveau mondial. Elle résulte de deux comportements discriminatoires ayant pour toile de fond une culture masculine et des stéréotypes fortement ancrés dans la société. Le premier explique le déficit en terme de rendement par le fait d’être femme communément appelée le désavantage féminin. Il

Page 9: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

9

prend d’ailleurs la forme d’une réelle pénalisation ; le second explique le gain de rendement par l’avantage masculin, considéré comme un atout en soi. De ce mode de pensée, il en résulte, une sous rémunération des femmes et une sur-rémunération des hommes qui accentue les écarts en matière de salaires. C’est l’expression révélatrice de l’ampleur du phénomène général de la discrimination basée sur le genre. Elle indique également jusqu’à quel point le principe du « à travail égal salaire égal » est compromis. D’autre part, elle exprime la dévalorisation du travail féminin. D’ailleurs, plusieurs études ont montré que les secteurs d’activités qui connaissent une nette féminisation sont le plus exposés à la discrimination salariale. C’est le cas de l’industrie du textile, de l’agroalimentaire, du secteur des banques et des assurances, des services… On remarque également que le salaire d’un poste a tendance à diminuer lorsque le nombre de femmes qui l’occupent augmente...ce qui représente une double dévalorisation

2. Rappel des Objectifs de l’étude

10. De manière générale, cette étude vise d’approfondir l’analyse de la discrimination en matière de rémunération dans les secteurs employant de plus en plus de femmes. Elle se décline sur plusieurs objectifs:

Objectif global

• Servir de fondement pour concevoir un plan d’action national en matière de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes au travail.

Objectifs spécifiques

• Définir la discrimination en matière de rémunération ; • Mieux appréhender le principe « salaire égal pour un travail de valeur

égale ». • Mieux apprécier l’ampleur du phénomène. • Déterminer les principales formes de discrimination en matière de

rémunération. • Déterminer les différentes causes du phénomène. • Approfondir l’analyse de la discrimination salariale dans les secteurs

d’activité identifiés. • Identifier des recommandations générales et spécifiques pour remédier à

ce phénomène. 11. Ainsi, conformément aux objectifs de cette étude et à ses termes de

références, le présent travail a permis de cerner théoriquement le concept de discrimination rémunératoire, de délimiter ses soubassements socioculturels

Page 10: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

10

et ses implications et impacts sur le vécu des employés, sur la gestion de leurs carrières et sur leurs relations et interactions au sein de l’entreprise. Comprendre comment se traduit le vécu personnel de la discrimination rémunératoire en tant qu’expérience individuelle et en tant que pratique et réalité socioéconomique ayant un impact certain sur la productivité constitue un passage forcé pour mieux agir en faveur de l’équité et de l’égalité sur les lieux de travail. Il est certain que cette étude a permis de comprendre de manière plus précise les causes du phénomène selon des angles d’optique différents.

12. Le travail de terrain a permis de rapporter les points de vus des différents intervenants chacun de là où il agit. Employées, employeurs, syndicalistes, associatifs et personnes ressources ont contribué à alimenter la réflexion et l’analyse dans la perspective d’élaborer des recommandations pratiques permettant une meilleure appréhension et compréhension du phénomène pour une action opinée.

13. Sur le plan conceptuel, l’approche de délimitation préconisée, nous a également permis d’appréhender les concepts avoisinants la discrimination rémunératoire et de tracer les limites et l’étendue de leur champ d’application. Cette dimension octroie à la présente étude un caractère référentiel qui peut constituer une plateforme de départ pour inscrire les décideurs dans une approche préventive. Dans sa portée opératoire, la présente étude permet d’entamer une réflexion édifiante sur la pratique de la discrimination rémunératoire et ses différentes implications sociale et économique. Elle permet également d’attirer l’attention sur les déficits existants en termes de données et d’information sur le phénomène et donc de plaider en faveur d’une étude nationale couvrant les différents secteurs d‘activité.

14. Le ciblage de trois secteurs d’activité susceptibles de connaître de manière plus prononcée la pratique de la discrimination rémunératoire a permis de cumuler un certain nombre d’informations utiles pour toute action de proximité. Des recommandations ciblées ont donc été élaborées dans ce sens

Page 11: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

11

permettant de s’inscrire aussi bien dans une démarche préventive que palliative conjuguant aussi bien des actions ponctuelles qu’un travail étalé sur la durée.

Partie I : Cadrage théorique, méthodologique et état de la documentation

Page 12: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

12

Chapitre 1 : Approche théorique et analyse documentaire

15. Appréhender la réalité salariale dans le secteur privé marocain en vue de

mieux comprendre la discrimination rémunératoire et surtout de mieux identifier et évaluer la présence du phénomène sur le marché de l’emploi exige le déploiement d’un cadre théorique référentiel d’analyse d’une part et la mobilisation de données et d’informations empiriques à même de présenter un cadre opérationnel confirmatif des inégalités observées en matière de rémunération d’autre part.

1. Délimitation conceptuelle

16. Parce qu’il s’agit avant tout de comprendre et de cerner le phénomène de la discrimination en matière de rémunération dans l’emploi, il est important de procéder à la délimitation de certains concepts y afférents systématiquement utilisés. L’objectif étant de : i) contribuer à l’élaboration d’un cadre théorique référentiel approprié puisé dans la littérature genre et de ii) parer à toute confusion et amalgame les concernant au regard de leur usage récurrent. Ceux sur lesquels nous souhaitons nous arrêter alimentent généralement le discours sur la discrimination et sont de fait transposables aux différents domaines d’application. Cependant, communément à tous ces concepts, l’égalité traversée par les valeurs de l’équité et de la dignité constitue le cadrage de référence. Par rapport à notre étude, ce principe implique l’élimination de toute forme de distinction, d’exclusion ou de restriction fondée sur le genre en matière de rémunération. Ainsi, 3 concepts vont faire l’objet de délimitation dans le cadre de ce travail :

• discrimination en matière de rémunération /discrimination salariale • écarts salarial / disparité salariale • A travail égal salaire égal/ A travail à valeur égale/ salaire égal

A. Discrimination rémunératoire

17. Depuis que les droits socioéconomiques sont à l’ordre du jour, le discours sur la discrimination en matière de rémunération prend de l’envergure. Il a pour toile de fond un traitement salarial et rémunératoire égal sans

Page 13: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

13

considération de sexe, de race, de religion, d’appartenance sociale… ou autres.

18. La discrimination en matière de rémunération se définit comme étant toute forme de distinction entre les hommes et les femmes en matière de rémunération pour un travail égal assuré et des compétences similaires investies. Elle consiste à appliquer aux femmes un traitement spécifique les défavorisant par rapport à leurs homologues hommes au regard de ce qui est communément appelé « désavantage féminin ». Or, pour constituer une véritable discrimination, le traitement réservé aux femmes discriminées se doit d’être perçu comme illégal au regard des lois qui régissent l’emploi dans le code du travail. En terme de retombées, qu'elle soit volontaire ou inconsciente, la discrimination porte atteinte non seulement au principe de l’égalité des droits, mais à celui de l’égalité des chances et à l'égalité des devoirs et responsabilités de tout un chacun.

19. Entre la discrimination en matière de rémunération et celle salariale, des différenciations se doivent d’être notifiées. Alors que la discrimination salariale implique les disparités entre hommes et femmes en termes de traitement salarial seulement, celle en matière de rémunération englobe, en plus du traitement salarial, l’éventail des avantages sociaux accordés par les employeurs et dont bénéficieraient les salariées en général. Ces avantages peuvent aller des primes et avantages en nature qui leurs sont allouées, passant par l’accès au renforcement des capacités jusqu’aux promotions, congés, retraites, … Sur le plan opérationnel, ces avantages représentent des plus values importantes et font effet de compléments de salaires, lesquels une fois comptabilisés font toute la différence. De ce fait, contrairement à la mesure des discriminations relatives aux salaires, celles afférentes à cet aspect restent difficilement évaluables dans la mesure où leur comptabilisation prête à amalgame, surtout en l’absence de grilles d’évaluation spécifiques.

20. Dans la littérature sociologique genre, les disparités en matière de rémunération sont souvent associées aux inégalités professionnelles entre femmes et hommes. Ces différenciations sexuelles puisent leur origine et se perpétuent déjà à travers la répartition et l’accès aux filières de formation et leurs retombées sur le marché du travail. Il a été observé que cette réalité renforce et consolide les clivages entre hommes et femmes, qui au fil du temps se traduit pour les moins favorisées par un renforcement de la ségrégation professionnelle dans des emplois peu qualifiés au statut précaire souvent subis et non choisis.

Page 14: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

14

21. Au niveau international, si ces disparités repérées et connues internationalement gagnent en dénonciation au niveau du discours, elles perdent en fermeté sur le plan des actions concrètes. Les résultats des études menées à l’échelle internationales sont éloquents comme rapporté dans le rapport du General Accountability Office (GAO): « Malgré un sentiment de progrès continu vers l'égalité entre les sexes dans le lieu de travail, l'écart en matière de rémunération entre les hommes et les femmes persiste encore aujourd'hui et se confirme…. De même, la réussite incontestable des filles dans leurs études ne trouve pas complètement sa traduction dans la vie professionnelle puisque leurs carrières et leurs rémunérations restent en retrait par rapport à celles des hommes »5.

22. Au niveau national, le travail sur la discrimination salariale entre hommes et femmes dans l’urbain6 réalisé par K. Soudi, a révélé qu’il s’agit d’une autre dimension de la question genderielle sur le marché du travail. Selon lui, elle constitue une facette révélatrice de l’ampleur du phénomène de discrimination entre hommes et femmes en général. Sans expliquer à elle seule les causes de l’écart salarial entre les deux sexes, elle implique que le principe de « à travail égal, salaire égal » n’est pas systématiquement respecté. D’autres facteurs afférents à l’accès inégal à certains types d’emplois, à la stabilité dans le travail, aux trajectoires professionnelles…constituent autant d’éléments explicatifs des différences salariales entre hommes et femmes.

23. En conclusion, l’enquête menée dans le cadre de cette même étude, a montré que la discrimination salariale atteint son apogée dans le secteur privé. Elle explique 87.5% de l’écart salarial. Analysée par classes de salaires, la discrimination salariale est plus éminente dans le bas de la distribution que dans le haut où : « elle explique 82.5% de l’écart salarial. La contribution du désavantage féminin dans la discrimination salariale a enregistré une hausse importante »7. Dans ce contexte, le désavantage féminin agit comme une pénalisation salariale allant à l’encontre du principe de l’égalité des droits et de l’égalité des chances.

5 ) Rapport du GAO 04 35, 2008 : l’analyse de l'écart entre les gains des hommes et des femmes. Ce rapport a été préparé à partir d'une étude de l'histoire des gains de plus de 9.300 Américains pour les 18 dernières années 6 Khalid Soudi : La discrimination salariale entre hommes et femmes au Maroc urbain: une autre dimension de la question gendorielle sur le marché du travail. 2009 7 Idem, p : 14

Page 15: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

15

B. Ecart salarial / disparité salariale

24. L’écart salarial représente la différence entre les salaires moyens des hommes et les salaires moyens des femmes. Dans la réalité, il reflète les discriminations et les inégalités qui sévissent essentiellement au détriment des femmes sur le marché du travail. Observé au niveau international, ce phénomène qui gagne en ampleur repose sur plusieurs facteurs complexes et souvent étroitement liés telles que les stéréotypes, les représentations sociales, les regroupements d’emplois, la dévalorisation du travail féminin.

25. Cependant, la sous évaluation du travail des femmes, dont la dimension culturelle est incontestable, cadre la multiplicité des autres facteurs agissants. En effet, il arrive fréquemment que, pour des professions de même valeur, le salaire des femmes soit inférieur à celui des hommes. Ceci s’explique principalement par le mode d’évaluation des compétences des femmes par rapport aux hommes. Face à l’homme, la femme apparaît toujours comme constamment ballottée entre la production et la reproduction. Son travail est resté dans l’ombre de la production familiale; comme celui des enfants, il ne méritait aucun salaire. Cette dévalorisation du travail s’est accentuée avec l’industrialisation. Considérée comme dépendante des structures familiales et maritales, son salaire est toujours considéré comme un salaire «d’appoint», si toutefois elle intègre le marché du travail. Paradoxalement, le travail des femmes est loin d’être marginal. Cette main d’œuvre féminine sous-payée constitue même, à l’instar du travail des enfants, l’une des données essentielles du système capitaliste durant tout le 19ème siècle, permettant de soutenir la concurrence.

26. Un autre constat est communément relevé à l’échelle internationale. Il souligne que les emplois requérant des compétences, qualifications ou expériences équivalentes tendent à être moins bien payés et sous-évalués lorsque ceux-ci sont majoritairement occupés par des femmes. À titre d’exemple, les employés affectés aux caisses (essentiellement des femmes) dans des supermarchés gagnent moins que ceux chargés du réapprovisionnement des rayons et d’autres tâches plus physiques

Page 16: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

16

(essentiellement des hommes)8. Cet écart de rémunération entre les femmes et les hommes est également renforcé par la ségrégation sur le marché du travail. Les femmes et les hommes tendent encore à occuper des emplois différents et prédominent souvent dans différents secteurs. Ainsi, il s’observe que les femmes prédominent aux postes moins valorisés et moins payés au sein d’un même secteur ou d’une même entreprise. Plus de 40% des femmes travaillent s’activent dans des secteurs dits féminin tels que la santé, l’éducation, le textile, le travail social...

27. A titre d’exemple, le rapport sur l’écart salarial entre les femmes et les hommes au niveau mondial a démontré que les femmes sont sujettes à une pénalisation salariale spécifique due essentiellement au désavantage féminin. Ce désavantage explique près de 70.% de l’écart de salaires entres hommes et femmes. A ce niveau, l’affaire des deux sages femmes suédoise traitée par la justice, est révélatrice9. Au désavantage féminin, s’associent certains empêchements qui peuvent selon la logique du la rentabilité, diminuer le rendement du travail des femmes notamment la grossesse, le temps prélevé de la durée du travail pour élever leurs enfants. Au regard de ces éléments, l’employeur peut recourir à une réduction de leurs salaires pour compenser le manque à gagner à savoir le coût dû à leur travail à « temps partiel ». Cette réalité est empiriquement observable. Même en Italie par exemple, en dépit des lois explicitement égalitaires, dans le secteur privé, le fait de présenter un test de grossesse à l’embauche reste encore une pratique courante !

28. Cependant, selon l’étude sur la discrimination salariale entre hommes et femmes au Maroc urbain de K. Soudi10, il serait difficile d’attribuer systématiquement toute différence de rémunération entre hommes et femmes au désavantage féminin. En raison du sous-emploi qui concerne

8 L’écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique – Rapport 2009, édition Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, Bruxelles. En collaboration avec ministère de l’Emploi, Travail et Concertation sociale. 9 2 sages-femmes travaillant dans un hôpital régional ont comparé leurs salaires à celui d’un assistant technique médical dans le même hôpital…Une évaluation du travail à ces postes a été effectuée en prenant en considération les quatre critères déterminant la valeur du travail, à savoir les compétences, l’effort, la responsabilité et les conditions de travail. Ces femmes ont prétendu que les exigences de leur travail étaient supérieures à celles de l’assistant technique médical. Le tribunal du travail en Suède a considéré que le travail effectué par les deux sages-femmes et par l’assistant technique médical étaient de valeur égale tout en reconnaissant que l’assistant technique médical avait perçu des revenus nettement supérieurs à ceux des sages-femmes. 10 Khalid Soudi, idem, P : 34.

Page 17: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

17

majoritairement les femmes en milieu urbain, la masse horaire de travail est d’emblée inégale entre les deux sexes. Il en résulte que la durée du travail varie selon des variables importantes telles que l’activité économique et les secteurs d’emploi. Certes, il n’est pas exclu que pour certaines activités exigeant un niveau de force élevé, la productivité féminine puisse être inférieure à celle masculine.

29. Toujours selon la dite étude (K. Soudi), d’autres considérations structurelles entrent en jeu pour expliquer l’écart des salaires. Les masses salariales des hommes et femmes ne sont pas équivalentes. Par exemple, en 1998, malgré les dispositions législatives garantissant à la femme les mêmes chances d’accès au marché du travail que les hommes, la part des femmes (29,0%) dans la population salariée, âgée de 15 à 50 ans, demeure largement inférieure à celle des hommes (71%,). C’est dire que parmi 35 salariés, il y en a 10 femmes et 25 hommes11. Cette sous-représentativité des femmes parmi les salariés n’est que le reflet de sa participation limitée à la vie économique.

30. A ce titre, il faut noter que de par les profils de formation qu’il dispense, le système scolaire intervient notablement dans la répartition de la main d’œuvre par secteur d’activité, d’une part ; d’autre part, dans la configuration de l’emploi selon le statut professionnel, en l’occurrence le salariat et l’auto-emploi présentent deux paramètres importants relativement à la profession exercée. A souligner que les retombées de la crise économique en milieu urbain sont notables produisant le chômage de longue durée touchant plus de femmes (78,6%) que d’hommes (72,5%). Le faible niveau de scolarisation des femmes fait que les hommes, sont deux fois plus présents que les femmes dans les groupes professionnels « cadres supérieurs » et « employés ».

31. Ainsi, si dans le secteur public l’écart de salaires moyens est moins prononcé soit10.0% en faveur des hommes, il atteint 30.0% aussi bien parmi les salariés des entreprises privées que parmi leurs homologues exerçant dans les exploitations agricoles12. La discrimination semble ainsi prendre un aspect structurel déjà au niveau de l’embauche et de l’accès à l’emploi. N’empêche que ce sont aussi les femmes cadres qui sont les plus touchées par les inégalités. Selon les conclusions du professeur S.

11 K.Soudi, idem 12 Enquête nationale sur l’emploi (ENE), 1998.

Page 18: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

18

Belghiti, spécialiste des discriminations basées sur le genre: « Plus vous montez dans les responsabilités, plus les écarts se creusent »13 .

32. Au niveau national14, comme indiqué dans le tableau ci-à-côté, l’écart observé des salaires en 1999 entre le salaire moyen masculin (1616 dh) et le salaire féminin (1072 dh) était de 544 dh, soit 34%. Il s’avère donc étendu surtout par rapport au secteur public régi en amont par un cadrage prônant l’équité et l’égalité comme valeur transversale dans les politiques publiques. L’explication de cette tendance puise dans le fait que le désavantage féminin ne se traduit pas seulement dans la discrimination salariale mais par la discrimination qui détermine l’accès des femmes à l’éducation, à la qualification et au marché de l’emploi.

33. A titre comparatif, en Europe, l'écart de rémunération entre les sexes représente 17,5% en moyenne, tous États membres confondus (Eurostat, 2008)15. Conjuguées aux stéréotypes et aux traditions, les femmes ont des difficultés effectives à concilier entre la vie professionnelle et privée, sachant que les responsabilités familiales ne font toujours pas l’objet d’un partage équitable. D’autant plus, la prise en charge des membres familiaux dépendants, incombe essentiellement aux femmes. Les déficits en termes d’infrastructures d’accueil pour les enfants et les personnes âgées contraignent souvent ces dernières à abandonner leur emploi. Ces considérations confondues invitent à mettre en exergue le fait que l’écart de salaires, entre hommes et femmes, provient d’une part des différences de rendement en termes de capital humain, et d’autre part de certaines caractéristiques individuelles, telles que le niveau scolaire, la profession, le secteur d’emploi…. Le fait étant qu’en moyenne, les femmes dans les

13 Entretien avec Sophia Belghiti, maître de conférences à l’Université Montpellier II, 2008. 14 L’égalité des salaires entre les hommes et les femmes dans le secteur privé marocain : P : 44 15 Rapport sur l’écart salarial dans le cadre de l’UE : pour 2008 l’écart salarial entre H&F atteint en Espagne 16.1%, au Denmark 17.1% et en Allemagne 23.2%

Année/secteur d’emploi

Salaire masculin en DH

Salaire féminin en DH

Ecart de salaire

Discrimination en %

Public 2731 2383 348 22%

Exportateur

1068 1009 59 8%

Autres 1339 799 151 29% Total 1616 1072 544 23%

Page 19: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

19

pays de l’UE gagnent 27 % de moins que les hommes. L’écart est de 19 % pour des temps complets et 10 % à postes et expérience équivalents. En Belgique par exemple, le fossé salarial entre hommes et femmes pour 2007-2008 est encore d’environ 21%16. Au niveau international, les écarts se précisent et se confirment et ce au-delà des niveaux de développement et de démocratisation des pays et de leur propre arsenal juridique. Les considérations culturelles tellement ancrées semblent agir de manière impactante et donnent au phénomène un aspect universel communément partagé.

34. Au niveau national, rappelons que la réalisation du diagnostic sur l’état de l’équité/égalité dans le secteur de l’emploi, de la formation professionnelle et de la protection sociale17, réalisé par le ministère de tutelle et ses partenaires constitue une base de données et d’information pertinentes qui pourraient soutenir tout travail sur les discriminations en matière de rémunération. Ce rapport souligne, entre autres, que la probabilité pour les femmes de s’insérer dans le marché de l’emploi est plus forte lorsqu’elles sont dotées d’un diplôme spécialisée. Mais il n’en reste pas moins que le taux d’inactivité est plus élevé chez les femmes mariées vue la difficulté à mener de pair vie privée et vie professionnelle. A cette réalité s’ajoute celle des diplômées chômeuses. Il s’avère à ce niveau que la durée du chômage est plus longue pour les femmes que pour les hommes. Selon le dit rapport : en « 2007, plus de 7 femmes sur 10 ont connu un chômage de plus de 12 mois (contre 6 sur 10 pour les hommes) »18. ces données dénotent de la présence de disparités afférentes déjà à l’accès à l’emploi. Le désavantage féminin continue de représenter un facteur inhibant. Concernant les discriminations salariales, le rapport conclue qu’elle constitue une donnée structurelle caractéristique du marché de l’emploi. Cependant, ce rapport conclue que :« Les informations fines et globales pouvant donner une image exacte de la discrimination salariale fondée sur le genre par secteur et catégorie de professions ne sont pas disponibles…Toutefois, certaines informations sectorielles permettent d’avancer deux constats :dans la fonction publique, où la loi établit une stricte égalité des salaires pour le même travail, les femmes (près du tiers du personnel de l’État) ne perçoivent que 29 % de la masse salariale annuelle brute. Ceci s’explique par le fait que les femmes occupent les postes les moins bien rémunérés. Dans le secteur privé, la discrimination pure (non expliquée) varie selon les secteurs… »19

16Rapport 2010 sur l’écart salarial entre les femmes et les hommes. 17 Diagnostic sur l’état de l’équité/égalité dans le secteur de l’emploi, de la formation professionnelle et de la protection sociale, Juin 2010, FAES, ACDI, UNFEM et MEFP 18 Rapport : l’égalité entre les sexes en matière d’emploi et de formation professionnelle, p : 19 19 Idem P : 2

Page 20: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

20

35. Nonobstant, l’absence d’une étude base-line quantitative sur les écarts

salariaux couvrant l’ensemble du territoire et des secteurs y opérant constitue un véritable handicap pour toute analyse exhaustive. Pourtant cette étude aurait le mérité de présenter une plateforme de données incontournables pour l’analyse de la discrimination en matière de rémunération et la mesure des écarts salariaux entre les hommes et les femmes. Tout se passe comme si l’égalité salariale constituait une revendication purement féminine et non une plus value pour le marché de l’emploi et pour ses composantes, sachant que la discrimination entrave le développement, gaspille non seulement le talent nécessaire au progrès économique mais accentue les inégalités et les tensions sociales. En contrepartie, les études ont démontré que l’élimination de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes bénéficie aux employeurs et aux travailleurs et revêt un caractère essentiel pour la création d’emplois stables et de qualité. En effet, il s’est avéré que l’engagement dans un optique genre, permet aux entreprises de20:

• recruter et de fidéliser les meilleurs employés ; • instaurer un environnement de travail favorable et de gagner la

confiance des employés ; • tirer le meilleur parti des ressources humaines et d’améliorer la

productivité et la compétitivité ; • se forger une meilleure image publique, de générer une plus-value

et de disposer d’une clientèle plus étendue et plus satisfaite. • Générer une rentabilité accrue de l’économie dans son ensemble • favoriser la justice sociale et l’égalité des chances pour une société

plus équitable, où la cohésion est plus grande

C. A travail à valeur égale salaire égal

36. Alors que l’écart salarial représente la différence entre les salaires moyens des hommes et les salaires moyens des femmes, l’équité salariale implique un salaire égal pour un travail de valeur égale. Bien que fréquemment employées de manière interchangeable, les expressions écart salarial et équité salariale, ne signifient pas la même chose. Cependant, elles sont toutes les deux liées au même problème celui de l'écart entre les revenus des hommes et des femmes. Quant à l'équité salariale, elle a pour background l’évaluation objective et comptabilisée des emplois traditionnels des femmes. En effet, traditionnellement, les hommes et les femmes ont tendance à occuper des

20 Rapport de l’UE, idem

Page 21: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

21

emplois différents, pratique appelée communément le « regroupement des emplois ». Il est évident que les emplois traditionnels des femmes sont soutenus par des compétences que ces dernières ont utilisées pour prendre soin de leur famille et de la maison. Ces emplois sont souvent sous-évalués et sous-payés. Il y va que : « l’activité rémunérée des femmes est socialement vécue dans l’ambivalence et en tant que « mal nécessaire » qui n’est accepté ou toléré que dans les cas où la famille en a besoin » 21. Ces soubassements culturels encore d’appoint font que la question de la discrimination rémunératoire n’est pas encore à l’ordre du jour.

37. Faute d’éducation, de formation et de qualification, les femmes se trouvent sous outillées et surexposées au chômage dans un marché régi et régulé par la concurrence. Elles sont dés le départ pénalisées et leur accès aux postes valorisants ainsi qu’à des conditions de travail décentes se trouvent réduites. Si le discours porte souvent sur le plafond de verre pour exprimer la difficulté des femmes à percer pour atteindre des postes décisionnels et de responsabilité, celui sur les « murs de verres » qui empêchent les femmes d’accéder au marché de l’emploi avec les mêmes chances et les mêmes dispositions que les hommes est moins récurrent et plus voilé. Pourtant c’est à ce niveau déjà que les jalons des disparités et des discriminations se dessinent et se profilent.

38. Dans l’absolu, l’équité salariale cherche à redresser cette inégalité des

salaires de façon à ce que les emplois traditionnels des femmes qui sont de valeur comparable aux emplois traditionnels des hommes dans une même entreprise entraînent la même rémunération. Donc comme préalable, il importe de déterminer la valeur de tous les emplois puis assigner des salaires égaux aux emplois de valeur équivalente. Cet exercice n’est pas systématiquement effectué par les employeurs qui tablent sur des grilles de salaires répondant plus aux lois du marché. C’est dans ce sens que l’équité salariale invite à s’engager dans un processus comparatif et évaluatif de :i) l’effort fourni et investi dans l’exercice d’une tâche ou d’une activité donnée ; d’où l’équation « à effort égal salaire égal », ii) la valeur du travail qui est surtout ou traditionnellement effectué par les femmes à la valeur du travail qui est surtout ou traditionnellement effectué par les hommes. Un descriptif des tâches réalisées en constituerait un préalable. Dans ce cas, si les emplois des femmes et des hommes sont de valeur comparable, alors le taux salarial devrait-être le même. La discrimination salariale ne trouverait pas raison d’être.

21 - Collectif 95 Maghreb Egalité : Résistances et violences à l’égard du travail des femmes au Maghreb. Le cas du Maroc,

- ADFM (2000) : « Le degré d’adhésion des populations aux valeurs égalitaires» et Rapport de synthèse de l’enquête nationale sur les valeurs, in le Maroc possible, Rapport du Cinquantenaire, Casablanca, Dar Annachr, 2006.

Page 22: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

22

39. Opérationnellement, la plupart des systèmes d’évaluation du travail tablent

sur quatre paramètres :

• Qualification et compétence: cette donnée implique l’expérience, la formation, le niveau d’éducation et la capacité à exécuter les tâches requises dans le travail. Ceci inclut également les aptitudes physiques et mentales pour réaliser le travail et prend en considération des variables telles que la complexité, la difficulté et la rapidité dans l’exécution. Or, une question décisive reste d’emblée posée : l’accès à la qualification est-il équitable pour les hommes et les femmes ?

• Effort: l’effort physique ou mental pour effectuer le travail. Ceci comprend l’effort intellectuel /cognitif et l’effort physique associés à des variables telles que la fréquence, la durée, la pression, la tension… caractéristique d’un n emploi. La mesure du degré et des niveaux d’efforts reste de ce fait assez problématique.

• Responsabilité: Le niveau et l'étendue des responsabilités dans le travail effectué et ses retombées sur l’organisation. Ceci comprend les ressources humaines, techniques et financières, leur autoévaluation d’une part et l’évaluation des employeurs d’autre part.

• Conditions de travail: il comprend le cadre physique et ergonomique ainsi que les risques du travail. Ceci se réfère à l’environnement de travail dans lequel les salariés sont tenus d’exécuter leurs tâches. Dans ce cadre, Il ne s’agit pas seulement des conditions physiques mais aussi psychologiques accordées à des variables telles que le danger, l’imprévisibilité, la durée et la fréquence…

40. Ainsi donc, la classification des fonctions et des niveaux d’effort investi dans tous types d’emploi constitue un outil de garantie d’équité salariale. A cet effet, à travers le monde, les entreprises et même les secteurs publics et privé font souvent appel à des consultants pour élaborer ou revoir les classifications de fonctions dans un souci d’équité. Cet exercice n’est pas systématiquement inscrit dans l’agenda des entreprises marocaines. La prise de conscience des retombées négatives de la discrimination sur la productivité de l’entreprise n’est pas encore tout à fait acquise.

2. Cadrage juridique : protection de salariat féminin par le code de travail

41. Les changements qui ont affecté la société marocaine ces dernières décennies ne sont pas moindres. Leur caractère stratégique a impacté toutes les composantes de la société marquant un tournant décisif pour un Maroc

Page 23: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

23

moderne résolument tourné vers l’avenir. Si le travail au féminin a constitué au fil des temps une variable constante intrinsèque aussi bien en milieu rural qu’urbain, les évolutions récemment enregistrées n’ont pas manqué d’impacter les modes de vie, les statuts et les rôles ainsi que les modes de pensées des hommes et des femmes. Désormais, ces dernières sont certes plus éduquées, mieux formées, mieux outillées pour investir le marché de l’emploi régi par le principe de la compétitivité. … les évolutions enregistrées en termes de scolarisation, de formation, et de qualification des filles conjuguées avec pour effet le recul de l’âge au mariage et la baisse du taux de fécondités n’ont pas omis d’affecter le marché de l’emploi et d’y opérer des mutations qualitative. L’accès des femmes à des professions considérées traditionnellement comme masculine et la féminisation de certains secteurs d’activité en sont quelques manifestations.

42. A titre de rappel, les deux dernières décades (1990-2010) ont vu la promotion d’une dynamique bénéfique à la révision de la législation nationale avec pour toile de fond plus d’égalité et d’équité entre les sexes. Dans ce contexte, le mouvement des femmes et de droits humains ont constitué des leviers et des forces de propositions incontournables dans les processus d’harmonisation de la législation nationale avec les conventions internationales. La promulgation du code de la famille (2004), la révision du code de la nationalité (2007), la réforme du code pénal pour la protection des femmes contre la violence, la révision du Code du travail (2003) et la révision du code électoral (2008) pour plus de représentativité féminine… ont été des événements phares dans le chantier de modernisation engagé.

43. Dans ce même élan, l’intégration de la dimension genre dans les politiques

publiques nationales et sectorielles en matière d’éducation, de santé de formation, d’emploi, d’alphabétisation et la promotion de la culture citoyenne et égalitaire, conjuguée à l’adoption de la « Stratégie nationale pour l’Égalité et l’Équité entre les sexes »22 (2006), ont constitué un cadrage pour tous les programmes et les projets de développement durable. L’engagement en amont dans une perspective égalitaire genre, se confirme de manière résolue. L’expérience de la gendérisation du budget reste expressive de cette évolution. vont dans le sens d’un meilleur positionnement des femmes dans le marché de l’emploi, d’une promotion formalisée de l’égalité entre les sexes et de plus de sauvegarde de la dignité de la femme, comme illustré dans le graphique ci-a après.

22 Royaume du Maroc, SEFEPH, Stratégie nationale pour l’Égalité et l’Équité entre les sexes par l’intégration de l’approche genre dans les politiques et les programmes de développement, 2006. Avec l’appui de la GTZ.

Page 24: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

24

44. En ce qui concerne l’objet de notre étude, il importe de rappeler que la

promulgation du code du travail le 11 Septembre 2003 et son entrée en vigueur en Juin 2004 a constitué un véritable tournant. L’article 9 en constitue le cadrage puisqu’il stipule l’interdiction de la discrimination entre les salariés fondée sur le sexe, la couleur, la race, la situation familiale, l’opinion politique et syndicale. Des éléments y sont introduits et vont en diapason avec les évolutions qu’a connu le statut des femmes d’une part et les mutations enregistrées par le marché de l’emploi d’autre part. Le droit de la femme de conclure un contrat de travail et d’adhérer à un syndicat professionnel et de participer à son administration et sa gestion, l’interdiction de la discrimination en matière de salaire entre les sexes pour un travail de valeur égale (article 346 du code du travail), le harcèlement sexuel,

La salariée en état de grossesse attesté par certificat médical dispose d'un congé de maternité de 14 semaines (Art 152)

La salariée en état de grossesse attesté par certificat médical peut quitter son emploi sans préavis et sans avoir à payer une indemnité compensatrice de préavis ou de rupture du contrat (art 158)

Les salariées en couches ne peuvent être occupées pendant la période de 7 S consécutives qui suivent l'accouchement (Art 153)

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée, lorsqu'elle est en état de grossesse pendant la période de grossesse et durant les14 s suivant l’accouchement (Art 159)

Si un licenciement est notifié à la salariée avant qu'elle atteste de sa grossesse, elle peut, dans un délai de 15 jours, justifier de son état par l'envoi à l'employeur, d'un certificat médical par recommandée avec accusé de réception (Art 160)

La salariée a le droit suspendre le contrat de travail pendant une période qui commence 7s avant la date présumée de l'accouchement et se termine 7 semaines après la date de celui-ci. (Art154)

En vue d'élever son enfant, la mère salariée peut s'abstenir de reprendre son emploi à l'expiration du délai de 7 semaines suivant l'accouchement éventuellement de 14 (Art 156)

Pendant une période de 12 mois à compter de la date de la reprise du travail après l'accouchement, la mère salariée a droit, pour allaiter son enfant, durant les heures de travail, à un repos spécial, rémunéré comme temps de travail, d'une ½ le matin et d'une ½ heure l'après-midi. (Art 161)

La salariée en état de grossesse attesté par certificat médical peut quitter son emploi sans préavis et sans avoir à payer une indemnité compensatrice de préavis ou de rupture du contrat (Art 158)

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée, lorsqu'elle est en état de grossesse attesté par certificat médical, pendant la période de grossesse et durant les 14 semaines suivant l'accouchement (Art159)

Une chambre spéciale d'allaitement doit être aménagée dans toute entreprise ou à proximité immédiate lorsque cette entreprise occupe au moins cinquante salariées âgées de plus de seize ans (Art 162)

Sont punis d'une amende de 10.000 à 20.000 dirhams : i) la rupture, hors les cas prévus par l'article 159, du contrat de travail d'une salariée en état de grossesse … (Art 165)

Page 25: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

25

l’incitation à la débauche de la part de l’employeur considérés comme faute grave, le départ de la femme salariée suite à une faute considéré comme un licenciement abusif (art 40), la fixation du congé de maternité à 14 semaines (art 152)… sont autant de dispositions qui

45. Sur un plan global, ces mesures ont permis, lors des élections communales de juin 2009, de porter les candidatures féminines à 20458 (soit 250 % de plus qu’en 2003). Cette tendance s’est soldée par l’élection de 3408 femmes (soit un peu plus de 12 % sièges locaux) contre 127 lors des élections locales précédentes (0,56 %). L’évolution semble ainsi bien engagée. Dans ce même sens, dans l’article17, le code du commerce stipule que « La femme mariée peut exercer le commerce sans autorisation de son mari. Toute convention contraire est réputée nulle ». Aussi, les conventions de l’OIT sont considérées comme fondamentales et en mars 2010, le conseil des ministres a approuvé la ratification des conventions internationales du travail n° 100 et n° 111. La convention n° 183 sur la protection de la maternité a été approuvée en conseil des ministres le 17 juillet 2004. Il importe de souligner que le nouveau code du travail s’est largement inspiré des conventions et pactes internationaux tels que : la Convention de l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des felles (CEDAW, le pacte des droits civils et politiques, le pacte des droits socioéconomiques, la convention des droits de l’homme, les conventions internationales du travail….

46. Toutes ces mesures viennent pour accompagner les évolutions enregistrées en termes de prise en compte des principes et des valeurs de l’égalité et de l’équité avec pour objectif l’homogénéisation des lois nationales avec les conventions internationales ratifiées par le royaume. Il n’en demeure pas moins qu’au niveau opérationnel et pratique, la traduction de ces avancées dans la réalité passe par des actions indispensables, telles que la cumulation des données et leur ventilation selon le genre. Ces actions peuvent aider à cerner la cartographie socioéconomique des discriminations vécues par les femmes et de mieux comprendre leurs étendues dans les différents domaines dont celui de l’emploi.

1. Etat des connaissances sur les discriminations salariales au Maroc

47. L’analyse documentaire réalisée pour les besoins de notre étude permet de dresser un état des lieux préliminaire sur les connaissances existantes et disponibles sur la question de la discrimination de rémunération entre les femmes et les hommes au Maroc. Rappelons que c’est sur la base de

Page 26: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

26

l’analyse de la documentation nationale et internationale que nous avons essayé de cadrer notre étude sur le plan contextuel et conceptuel dans les sections précédentes de ce chapitre. L’approche méthodologique préconisée dans la présente étude consiste à rassembler une bibliographie aussi exhaustive que possible sur les discriminations salariales entre les femmes et les hommes au Maroc. Cette analyse documentaire et bibliographique permet d’identifier les principales sources de données sur la question au Maroc, leurs portées et leurs limites :

� Les Enquêtes nationales sur l’Emploi

48. Les enquêtes sur l’emploi réalisées par la direction de la statistique sont considérées au Maroc comme la principale source de données officielle permettant de jauger annuellement l’état de l’emploi sous ses différentes dimensions dans le Royaume. Il s’agit d’enquêtes permanentes exécutées sur des échantillons de taille très large qui avoisine 48 000 ménages répartis le long du territoire national (32 000 en milieu urbain et 16 000 en milieu rural). Ces enquêtes donnent des informations précieuses sur l’emploi féminin (population féminine active occupée, poids des femmes dans les secteurs économiques, taux de féminisation des secteurs d’emploi….). Toutefois, les données disponibles sur l’emploi féminin publiées par le Haut Commissariat au Plan ne permettent pas d’apprécier la question des salaires et des rémunérations. Le problème qui existe au niveau de ces enquêtes, c’est qu’ils ne sont pas sensibles aux questions liées au genre et encore moins à celles liées aux discriminations salariales.

• Les statistiques de la CNSS (Caisse Nationale de la Sécurité Sociale)

49. Par rapport à notre objet d’étude, la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale fournit des statistiques assez générales. Les données disponibles sont plus axées sur la masse salariale, le salaire minimum garanti, les effectifs employés déclarés selon le genre. Si ces statistiques sont très utiles pour donner des estimations sur les niveaux des salaires des femmes comparées à celui des hommes dans le secteur privé formel, elles ne permettent pas d’identifier les différences de salaire dues à des facteurs objectifs relevant de discrimination pure liées au genre. En effet, la base de données de la CNSS ne comprend pas des données sur les salaires des femmes et des hommes ventilés par diplômes et niveaux de qualification tout égale par ailleurs. Des variables objectives relatives au niveau d’éducation ou à l’expérience professionnelle sont aussi absentes de la base de données de la CNSS.

Page 27: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

27

Pourtant, ce sont ces variables qui peuvent aider à expliquer les différences des salaires des femmes et des hommes en termes de discrimination.

• Ministère de Développement Social, de la Famille et de La solidarité, l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes dans le secteur privé Marocain. Ed GTZ/MDSF Rabat 2008 23

50. Cette étude est la première du genre au Maroc. Elle porte sur la mesure des écarts de salaire entre les hommes et les femmes dans le secteur privé formel Marocain en vue d’identifier l’existence de discrimination de genre. L’approche économétrique adoptée dans l’étude permet de montrer que l’emploi féminin est important dans les secteurs où les niveaux des salaires sont les plus bas : exemple l’administration privé, le secteur des services. Dans ces secteurs, on relève une aggravation des écarts salariaux en faveur des hommes. Il ressort aussi de l’étude que la discrimination salariale à l‘encontre des femmes est plutôt faible dans les secteurs d’exportation les plus exposés à la concurrence sur le marché mondial (textile habillement et agro alimentaire). Toutefois, dans ces secteurs, la discrimination à l’égard des femmes s’opère plus au niveau de l’accès à l’emploi. Si l’étude renseigne sur les inégalités salariales entre les hommes et les femmes à travers des indicateurs statistiques puisés dans plusieurs sources (direction de la statistique, fichier CNSS, sources diverses….), elle ne parvient pas pour autant à donner une vue d’ensemble sur l’importance de phénomène de la discrimination des emplois féminin selon les branches d’activité économique à cause des limites des données utilisés de l’avis même de l’auteur.

• Khalid Soudi : La discrimination salariale entre hommes et femmes au Maroc urbain: une autre dimension de la question genderielle sur le marché du travail. Colloque international « Marché du travail et genre dans les pays du Maghreb », CNRS, INSEA, ULB, Rabat, 2003

51. Cette étude a le mérite de traiter la discrimination salariale en tant que

révélateur indirect de l’ampleur du phénomène général de la discrimination entre hommes et femmes dans la société marocaine. A travers une approche économétrique de décomposition de l’écart salarial entre les deux sexes, l’étude conclue qu’au Maroc, le principe « à travail égal, salaire égal » est bafoué et que la discrimination salariale est un phénomène ancré parmi la population salariée dans le milieu urbain. Le désavantage féminin explique près de 70.0% de l’écart de salaires entres hommes et femmes. Il en ressort aussi que la discrimination salariale touche massivement le secteur privé où elle explique 87,5 % de l’écart salarial (contre 44,9 % dans le secteur public). Cette discrimination se retrouve plutôt dans le bas de l’échelle de la

23 Etude élaborée par Saad Belghazi, économiste

Page 28: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

28

distribution que dans le haut où les différences salariales tendent à se réduire avec la participation des femmes au travail rémunéré. Cependant, l’étude ne donne pas d’informations conséquentes sur les écarts salariales selon les secteurs d’activité à cause des limites qui marquent le degré du détail et la portée analytique des données disponibles sur la question.

• Enquêtes de L’Economiste sur les salaires des cadres au Maroc

52. Cette enquête est réalisée tous les 2 ans par l’Economiste. Elle porte sur plus

de 1.000 postes d’encadrement et permet de donner une cartographie des niveaux des salaires de personnel d’encadrement au Maroc aussi bien dans le secteur public que privé. Les enquêtes sur les salaires des cadres montrent clairement la montée des femmes dans l’encadrement. Selon les données recueillies, il s’observe que les femmes ont de plus en plus accès aux postes de responsabilité. Si cette tendance reflète les efforts effectués en termes d’habilitation, de reconnaissance des compétences des femmes et d’égalité des chances, il a été noté que la féminisation s’accompagne d’une baisse des salaires. Cette tendance est d’ailleurs observée au niveau mondial. Pour les mêmes postes, les salaires des femmes sont nettement inférieurs à ceux des hommes. D’ailleurs dans les secteurs féminisés, les salaires enregistrent une baisse significative, tel est le cas du secteur du textile ou encore celui de l’agroalimentaire.

53. Il ressort aussi de ces enquêtes que les salaires des cadres en activité dans le secteur privé formel au Maroc varient plus en fonction des lieux d’étude (Maroc/étranger) que de genre. Les cadres diplômés des écoles et universités étrangères sont les mieux rémunérés. Aussi, les enquêtes font ressortir que le top management demeure l’apanage des hommes. Cependant, ils convient de ne pas perdre de vue que les enquêtes sur les salaires des cadres publiées par l’Economiste sont plus orientées par une vision managerielle. Leur but premier est de doter les responsables des ressources humaines et les cadres des entreprises d’outil de gestion des compétences et des carrières. La problématique de la discrimination est quasi absente dans ce type d’enquêtes.

54. En guise de récapitulation, l’analyse documentaire et la revue bibliographique permettent de mettre en exergue les constats suivants :

• Les données et les enquêtes officielles sur l’emploi au Maroc ne sont pas très sensibles à la dimension genre et encore moins à celle de la discrimination de rémunération entre les femmes et les hommes.

Page 29: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

29

• Le déficit des études ciblées et fines sur le salariat féminin en général et sur la question des discriminations salariales en particulier

• Les données et les travaux disponibles manquent d’information détaillées et analytique permettant d’identifier, sur des bases objectives des secteurs /branches d’activité économique définis, où les discriminations de rémunération seraient prépondérantes. Par contre, il est possible, au regard des connaissances accumulées de proposer quelques pistes permettant de délimiter les secteurs où la discrimination salariale basée sur le genre, est supposée plus prépondérante, à savoir :

A. Le secteur privé comparé au secteur public

B. Les secteurs fortement féminisée

Chapitre 2 : Approche méthodologique

Cadrage méthodologique 55. L’analyse documentaire présentée dans le chapitre précédant a permis de

mettre en exergue que l’approche de la discrimination de rémunération au Maroc se heurte à des contraintes majeures d’ordre théoriques et pratiques. Celles théoriques ont trait au flou des concepts et à la rareté des études et recherches quantitative et qualitatives à cause d’un manque patent de données chiffrées et analytiques. S’agissant des contraintes d’ordre pratiques, elles sont intrinsèques à la délimitation objective et scientifique de la cible principale de notre enquête, en l’occurrence les femmes victimes de discrimination rémunératoire (VDR). Pour pallier à ces contraintes, la délimitation d’une approche méthodologique conséquente s’avère indispensable pour affiner notre démarche d’enquête. Dans cette perspective, l’approche méthodologique préconisée pour la réalisation de notre étude est cadrée sur le plan méthodologique par trois considérations basiques :

• Il s’agit d’un travail d’investigation et ce en l’absence d’une étude

base-line quantitative effectuée à l’échelle nationale. Cette étude aurait pu constituer une plateforme de départ pour l’appréhension la portée et les limites du phénomène. Ainsi, en vue d’avoir une certaine visibilité et cartographie de l’état de la discrimination en matière de rémunération, des sources d’informations ont été consultées dont essentiellement : i) les fichiers de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale(CNSS) portant sur 1.14 millions de salariés dont 359 000

Page 30: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

30

femmes 24 et ii) les données de la direction de la statistique tirées de l’enquête nationale sur le l’emploi urbain25, iii) rapports de terrains édités et inédits26.

• Il s’agit d’un travail à portée qualitative dans la mesure où il n’est pas question d’évaluer quantitativement cette discrimination ni de mesurer les écarts de salaire entre femmes et hommes. L’objectif de l’enquête étant d’aborder qualitativement les discriminations de rémunération entre les femmes et les hommes en tant qu’aspect révélateur des discriminations professionnelles liés aux considérations de genre dans leur dimension socioculturelle. Nous chercherons donc à analyser les conditions d’emploi et de rémunération des femmes exécrant un travail égal à celui d’un homme. Le vécu des femmes victimes de discrimination rémunératoires et leur stratégie de dépassement constituent une dimension importante de la réflexion à mener et de l’analyse à développer. En filigrane, il faut garder présent à l’esprit qu’il est difficile d’attribuer systématiquement toute différence de rémunération entre hommes et femmes à une discrimination salariale. Comme déjà conclu par l’étude précitée sur l’égalité des salaires dans le secteur privé27, le principe bien connu du « travail égal, salaire égal » ne peut expliquer la totalité de l’écart salarial entre les deux sexes. D’autres variables agissent pour creuser les écarts et perpétrer les discriminations et les injustices et ce en dépit des lois égalitaires instaurées.

• Plus que d’autres, certains secteurs d’activités connaissent le phénomène de la féminisation. Or, les études consultées ont montré qu’au niveau international, la féminisation de certains secteurs

24 Les données correspondent à l’année 2000. Hormis leur caractère précis concernant les entreprises, ces données ne dispensent aucune information sur les niveaux d’éducation des salariés par exemple ou sur leur parcours professionnel en dehors du secteur couvert par la CNSS. 25 L’enquête nationale sur l’emploi (l’ENE) 26 - L’égalité des salaires entre les hommes et les femmes dans le secteur privé marocain, MDSFS et GTZ, 200 - Stratégie nationale pour l’Égalité et l’Équité entre les sexes par l’intégration de l’approche genre dans les politiques et les programmes de développement, 2006. Avec l’appui de la GTZ. - Diagnostic sur l’état de l’équité/égalité dans le secteur de l’emploi, de la formation professionnelle et de la protection sociale, Juin 2010, FAES, ACDI, UNFEM et MEFP - Enquête nationale sur l’emploi (ENE), 1998. - L’égalité des salaires entre les hommes et les femmes dans le secteur privé marocain : P : 4- - Rapport sur l’écart salarial dans le cadre de l’UE : pour 2008 - Rapport du GAO 04 35, 2008. Ce rapport a été préparé à partir d'une étude de l'histoire des gains de plus de 9.300 Américains pour les 18 dernières années - Khalid Soudi : La discrimination salariale entre hommes et femmes au Maroc urbain: une autre dimension de la question gendorielle sur le marché du travail. 2009 27 L’égalité des salaires entre les hommes et les femmes dans le secteur privé marocain, MDSFS et GTZ, 2009

Page 31: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

31

d’activité expose les femmes à plus de discrimination. Le désavantage féminin semble prendre dans ces cas tout son sens. Stéréotypes et idées préconçues conjugués véhiculent la dévalorisation du travail et de compétences féminines. C’est le cas de l’industrie du textile, de l’agroalimentaire, des services (banques, assurances, boites de communication, boites de consulting….). Plus particulièrement, le secteur privé semble perpétrer le plus de discrimination. Mais cela signifie-t-il automatiquement que les femmes y sont discriminées en termes de rémunération ? Certes, les secteurs les plus féminisés perpètrent le phénomène de la sous rémunération au regard de la loi de l’offre et de la demande d’une part et du désavantage féminin d’autre part. A cet égard, il serait hasardeux de trancher que la féminisation véhicule automatiquement la discrimination rémunératoire. A titre d’exemple, dans le domaine du textile et de l’industrie agroalimentaire où les femmes sont en prépondérance et où certaines activités sont assurées « presque exclusivement » par les femmes (postes de piqueuses, repasseuses, décortication de crevettes, …), il est difficile de procéder à une comparaison sur une base salariale et rémunératoire. Dans ces cas, il est plus judicieux de recourir à la mesure et évaluation des différents paramètres agissant dans l’activité, tel que le degré d’effort, l’ampleur de la pression exercée par le poste en question, les conditions d’exercices, les compétences requises, l’expérience exigée, le niveau de responsabilité… Il va sans dire qu’en l’absence d’une grille d’évaluation élaborée en référence à chaque poste et à chaque activité, la mesure de ces paramètres reste assez problématique et prête à amalgame. Le recours aux experts ne se fait que dans les cas de revendication et/ou réclamation couronnées par les recours à la justice. Cette pratique reste encore très fébrile au regard de la prise de conscience limitée du phénomène d’une part et de l’absence d’une culture ancrée sur la discrimination rémunératoire d’autre part. Dans ce cadre, il importe de signaler qu’en comparaison avec les autres formes de discrimination, celle rémunératoire reste encore latente. Le discours autant que la prise de conscience du phénomène par les concernées tout comme par les acteurs intervenants ne sont pas encore suffisamment développés.

1. Démarche méthodologique d’identification des cibles de l’enquête 56. Sur le plan opérationnel, la première difficulté de ce travail consiste donc à

identifier et appréhender les cibles de l’enquête, à savoir les victimes de discrimination en matière de rémunération. Dans ce cadre, en l’absence de données fiables et pertinentes affirmatives de la présence du phénomène de la

Page 32: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

32

discrimination rémunératoire dans un secteur donné28, deux scénarios se présentent à nous :

• Appréhender la discrimination selon une approche « secteur » tel que

cadré dans les termes de référence de cette étude par les commanditaires. Or, cette optique présente aussi bien des points forts que des limites. Si d’une part, elle permet de s’orienter vers un secteur donné selon le principe préconisant que la féminisation induit généralement la discrimination rémunératoire, il faut signaler que cette réalité n’est pas toujours de mise. Sachant que la féminisation véhicule surtout la sou rémunération et la dévalorisation du travail au féminin et pas forcément la discrimination rémunératoire, les limites de cette approche sont manifestes. S’inscrire dans une « approche secteur » ne serait pas de ce fait scientifiquement fondé. Certes, sur le plan stratégique, cette approche permet de cibler ce secteur par un éventuel plan d’action d’appoint mais ce secteur serait-il vraiment le plus marqué ou le plus exposé au phénomène ? Son ciblage serait-il le plus pertinent ?

• Approche centrée sur l’investigation et la prospection dictée par le caractère préliminaire de cette étude. Cette approche préconise de brasser plus large, via des cas déclarés victimes de discrimination rémunératoire. Ces cas pourraient être identifiés dans un ou plusieurs secteurs via les portes d’entrées présentés ci après. Ce scénario présente également des avantages et des limites. S’il permet de se positionner dans une perspective prospectrice, proactive et analytique du phénomène en tant que vécu psychosociologique particulier par les victimes, il ne délimite pas au préalable le secteur à cibler, en amont, par une éventuelle intervention du ministère. Cependant, ce scénario a le mérite de cibler en partie un corps incontournable, celui des inspecteurs de travail qui sont de plus en plus appelés à s’inscrire dans une démarche « droit » et d’être en diapason avec les valeurs fondatrices du nouveau code du travail. A ce titre, les focus groups envisagés avec ces derniers auront une double portée : i) cumulative d’information et sensibilisatrice.

57. Ainsi, pour préparer à la faisabilité et à la mise en œuvre du scénario à

retenir, des consultations et investigations préliminaires ont été menées. Elles ont décliné sur 4 portes d’entrées intéressantes :

28 Les déficits en termes d’études sur la question sont notables. Les études dont nous disposons traitent plus des écarts salariaux et des conditions de travail dans le secteur privé et ne permettent pas d’orienter vers un secteur où la discrimination rémunératoire est prépondérante.

Page 33: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

33

1. L’inspection du travail : cette institution peut constituer une porte d’entrée des plus importantes. Déjà dans un travail précédent sur les conditions de vie et de travail des employées de maisons, nous avons pu prendre connaissance de l’étendue des interventions effectuées par cette dernière en tant qu’intermédiaire. Les cas qui recourent à l’inspection de travail y sont documentés et les inspecteurs de travail sont, certes en connaissances de causes des problématiques vécues au niveau de l’entreprise dont celle de la discrimination rémunératoire. Ils peuvent constituer une source de recueil d’information intéressante et jouer un rôle indéniable d’orientation vers des cas précis à appréhender, à documenter et à analyser. Ils peuvent également, de par la nature de leur action, orienter vers un secteur où la présence du phénomène de la discrimination rémunératoire pu salariale a été relevée.

2. Les syndicats : la consultation de certaines personnes ressources dans le cadre de l’UMT a également montré qu’en dépit du fait que la problématique de la discrimination rémunératoire demeure encore recelée par rapport à celle de la violence sur les lieux de travail ou encore du harcèlement sexuel, plusieurs cas ont été identifiés et ont recouru au syndicat pour s’informer sur les procédures à suivre pour réclamer et avoir gain de cause. Investiguer donc dans cette direction pourrait orienter vers des cibles identifiées et appréhendables.

3. Certaines organisations (Centre des Droits des Gens (CDG),

Association Aide et Secours (Tanger), l’Alliance pour les droits des travailleurs, travaillant avec cette catégorie de femmes. Déjà, nous avons appris que le centre Karama, chapoté par le centre des droit des gens, avait documenté 4 cas de réclamation de femmes victimes de la dite discrimination et avait engagé un suivi les concernant. De même, pour l’association Aide et Secours, le travail effectué avec les femmes dans l’industrie alimentaire au port de Tanger a décliné sur plusieurs cas victimes du même phénomène. Ces associations se déclarent prêtes à s’associer dans le travail en tant que facilitatrices pour l’organisation d’entretiens et de focus groups et en tant qu’intermédiaires pour accéder aux lieux de travail des femmes plaignantes victimes de discrimination rémunératoire.

4. Le réseau personnel : Des personnes ressources dont la Directrice

de ressources humaines (DRH) d’un cabinet d’audit nous ont fait état de certains cas de discrimination rémunératoire enregistrés dans leur institution en dépit de la présence d’une grille de salaire formalisée. Il s’agit principalement de certains avantages sociaux octroyés aux

Page 34: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

34

hommes de manière privilégiée. De même, des cas d’employées qui s’auto-déclarent victimes de discrimination rémunératoire ont été identifiés dans le réseau de nos connaissances et contacts. Sans recourir pour autant à une démarche de réclamation ou de revendication auprès de leurs supérieurs ou responsables. Ces cas restent révélateurs de la présence du phénomène hormis son caractère voilé. Aussi, compte tenu de la portée qualitative de l’étude et du fait que la subjectivité individuelle est une ossature essentielle de l’analyse qualitative, nous préconisons de sélectionner des femmes qui se considèrent victimes d’un traitement rémunératoire inégal en raison de leur sexe. Toutefois, pour éviter tout biais méthodologique relatif à leur sélection, nous allons procéder à vérifier leurs déclarations à la base de paramètres objectifs (niveau de qualification et de diplôme, descriptif de l’emploi actuel, ancienneté, compétences requises….)

2. Présentation des outils d’investigation

58. Comme déjà mentionnée, la vocation première de notre étude est qualitative. L’objectif premier de ce travail est de disposer de données fines et fidèles sur les réalités des femmes victimes de discrimination rémunératoires (vécu de la discrimination, rapports aux employeurs, gestion de la discrimination rémunératoires au travail et en dehors de travail….). Pour ce faire, nous avons privilégié l’utilisation des techniques qualitatives pour la conduite de notre enquête de terrain. Compte tenu de la portée analytique de cette recherche/action et de son aspect opérationnel, il est indispensable d’appréhender le phénomène de la discrimination de rémunération à l’égard des femmes d’une manière qualitative. Rappelons que l’un des principaux objectifs stratégiques de l’étude est de disposer d’informations qualitatives colletées d’une manière scientifique, objective et outillée en vue d’alimenter le guide destiné à sensibiliser les inspecteurs de travail sur les questions de genre et de discrimination salariales. Dans cette perspective, notre démarche méthodologique de réalisation de l’enquête préconise l’utilisation de trois techniques qualitatives bien distinctes mais non moins complémentaires :

3.1. Les Focus groups 53. Les focus groups ont ciblé respectivement :

• les inspecteurs de travail • les femmes employées dans les secteurs de l’agroalimentaire, du textile et

des services.

Page 35: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

35

Des guides de focus groups spécifiques à chacune de ces deux cibles ont été élaborés.29 L’usage de cette technique avait un objectif exploratoire. Aussi, en plus de leur dimension analytique, la technique des focus groups a été utilisé pour investiguer la thématique d’une part et approfondir les éléments recueillis par les 2 autres techniques citées plus loin d’autre part. les focus groups que nous avons réalisés avec les inspecteurs de travail ont pu avoir une vertu opérationnelle par rapport aux objectifs stratégiques et pratiques de l’étude. Ils ont permis de :

insuffler une certaine interactivité dynamique entre les inspecteurs de travail sur la problématique de la discrimination à l’égard des femmes en matière de rémunération

recueillir leurs points de vue en tant qu’observateurs avisés des situations de travail sur l’ampleur de phénomène de la discrimination salariale, sur les secteurs les plus touchés, les attitudes du corps professionnel, les attitudes des employeurs, le vécu des femmes victimes de discrimination de rémunération….

54. S’agissant des focus groups réalisés avec les femmes employées, ils se sont articulés principalement autour de l’état de connaissance, la prise de conscience, les perceptions et les attitudes développées par les travailleuses envers la discrimination rémunératoire.

3.2. Les Entretiens semi directifs

55. Les entretiens semi directifs ont ciblé essentiellement : i) les Femmes Victimes de Discrimination de rémunération, ii) les personnes ressources (associations, syndicats, cabinets de GRH….). Des guides d’entretien spécifiques à chacune de ces deux cibles ont été élaborés afin de collecter des données et des informations concernant les paramètres agissant sur le phénomène de la discrimination de rémunération. Les personnes ressources ont été approchées pour : i) collecter leur point de vue et appréciations à l’égard de phénomène d’une part et ii) comme porte d’entrée d’identification des cas de Femmes Victimes de Discrimination Rémunératoire, d’autre part. S’agissant des FVDR, elles ont constitué la cible principale de notre enquête. Des entretiens semi directifs et approfondis ont été conduits par le bais d’un guide articulé autour du parcours professionnel, du vécu de la discrimination, des types de réaction de l’entourage au travail, des opportunités de régulation éventuelles….

29 Voir les guides en annexe

Page 36: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

36

3.3. Etudes de cas

56. Cet outil nous a permis d’explorer certaines expériences de vie et des parcours atypiques de femmes victimes de discrimination rémunératoire. L’étude de cas nous est apparue intéressante à déployer parce qu’elle permet d’avoir des témoignages poignants et instructifs par rapport à l’objet de notre étude. Les cas étudiés ont été identifiés à travers les séances de travail que nous avons réalisé avec 3 types de cibles : i) les représentants syndicaux, ii) les inspecteurs de travail, iii) les personnes ressources (représentants d’ong’s féminines et de droits humains, cabinet de GRH….)

4. Critères de sélection de « l’échantillon » 57. Les critères retenus pour sélectionner les femmes victimes de discrimination salariale à interviewer pour les besoins de l’enquête se déclinent comme suit :

1. les auto-déclarations des femmes : Etant donnée que notre étude est qualitative et que la subjectivité individuelle est une ossature essentielle de l’analyse qualitative en sciences sociales, nous préconisons de sélectionner des femmes qui se considèrent qu’elles font victimes d’un traitement salarial inégal en raison de leur sexe. Toutefois, pour éviter tout biais méthodologique relatif à la sélection des femmes réellement victimes de discrimination de rémunération, nous avons procédé à vérifier les déclarations des femmes sur des bases objectives (niveau de qualification et de diplôme, descriptif de l’emploi actuel, ancienneté, compétences requises….)

2. Le secteur d’activité : comme déjà mentionné, les résultats de l’analyse documentaire nous a pas conforté pour le choix définitif d’une branche d’activité économique où la discrimination de rémunération basée sur le genre serait prépondérante comparé aux autres secteurs. Toutefois, nous préconisons, au regard des connaissances disponibles, de nous orienter vers les secteurs les plus féminisés et les plus exposés à l’exportation, en l’occurrence l’agro alimentaire. Le choix de secteur d’activité a été affiné à la lumière des résultats des entretiens et des focus groups réalisés auprès des inspecteurs de travail, acteurs principal de l’application de la législation de travail et observateurs avisés des secteurs d’activités économiques.

3. Le type d’activité (privé) : l’enquête a été menée essentiellement auprès

de femmes salariées des entreprises privées où les discriminations de rémunération sont plus prononcées et moins soumises à la réglementation

Page 37: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

37

4. les catégories socio professionnelles : nous avons retenu les femmes ouvrières, les femmes cadres et les femmes employées

5. le milieu: nous avons retenu exclusivement le milieu urbain où le salariat

féminin est le plus concentré. 5. Déroulement de l’enquête de terrain 58. A titre pédagogique, plusieurs considérations exprimées en termes de difficultés rencontrées sur le terrain se doivent d’être notées, vu le caractère novateur de ce travail, dont les difficultés :

• d’accéder aux lieux de travail ciblés (entreprise, usine) pour réaliser les entretiens et les focus group et toucher les personnes concernées

• d’identifier les personnes victimes de discrimination rémunératoire vus les amalgames et confusion qui couvrent le concept

• de gérer le planning et la programmation des rencontres au regard des

impératifs des personnes ciblées, de leurs contraintes ponctuelles, des imprévus les concernant….

59. Ces éléments ont fait que les conditions de réalisation de l’enquête de terrain ont été difficiles à maitriser et leurs retombées sur la cadence et le rythme de travail ont été non négligeables. D’autant plus, les secteurs productifs ciblés par ce travail, à savoir l’agriculture, les services ou encore l’industrie textile, sont de par leur structuration, contraignants en terme de réalisation de focus group ou d’administration d’entretien au sein des structures y afférentes ou encore pendant les heures de travail. L’engagement, l’implication en l’aval des supérieurs n’étant pas acquis à l’avance et définitivement, ont fait du recours au travail avec les concernées en fin de journée ou encore les dimanches une option forcée. Cette contrainte a fait que le travail de terrain s’est forcément étalé sur une durée plus longue que prévue ponctué par des retours de manière récurrente sur les mêmes sites. Ainsi, la réalisation des rencontres ou l’organisation des focus groups a imposé un rythme de travail en pointillé et nous a inscrite dans une démarche d’adaptation et de reprogrammation permanentes.

Page 38: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

38

60. Ainsi, le tableau récapitulatif suivant indique du déroulement de l’enquête :

61. L’implication de plusieurs personnes ressources spécialistes, professionnelles ou œuvrant directement dans le monde de l’emploi se justifie par le caractère pionnier de ce travail. Les besoins en termes de clarté de la vision et en termes de facilitateurs pouvant orienter vers des PVD, ont été à l’origine des consultations menées auprès des directeurs de ressources humaines de certaines entreprises/boites. Ces entretiens ont eu le mérite de :

Sites de l’enquête de terrain

Cibles NB d’entretiens Personnes ressources

Nb entretien VDR

Nb FG

NB de Participantes aux FG

Rabat - ADFM - Inspection du

travail - Syndicats - Victimes de

discrimination rémunératoire (VDR)

1 2 2

1

1

6 (au siège association leadership féminin)

Tanger - Aide et secours - Directeur de

l’usine d’exportation des crevettes

- VDR

1 1

2

2

7 (Ass aide et secours)

Fès - CDG - Centre Karama - VDR

1 1

2

1

7(CDG)

Casablanca

- DRH cabinet d’audit

- Personnes ressources

- Victimes de discrimination rémunératoire

1 2

2

Total 12 7 4

Page 39: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

39

• éclairer sur l’étendue et les limites du phénomène et de nous sortir de la logique des pré-requis.

• guider dans l’identification des cas victimes de discrimination rémunératoire.

• Alimenter les données collectées d’un regard de professionnel, en

connaissance du monde du travail et de ses rouages.

Page 40: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

40

Partie II : Synthèse du travail de terrain

Page 41: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

41

Chapitre 1 : La discrimination rémunératoire : regards croisés sur le phénomène L’analyse documentaire ci avant nous a permis de cerner le concept de discrimination rémunératoire et ses implications théoriques et conceptuelles. A notre sens, au regard de l’éventail de la terminologie usitée et de la spécificité du champ d’application de cette étude, la construction conceptuelle a constitué un passage forcé. L’objectif de traduire cette construction de manière opérationnelle a animé notre souci de délimitation. Ainsi, dans cette partie, l’analyse portera sur la discrimination de rémunératoire à la base des informations collectées par entretiens, focus group et récits de vie, menés sur le terrain. En rappel, le travail de terrain avait pour but de :

• Palper la présence du phénomène de la discrimination rémunératoire et sa part prise dans les multiples formes de structurations et pratiques investies au sein des différentes entreprises employeuses rencontrées ;

• Appréhender les formes et les manifestations prises par le phénomène au sein des dites structures par rapport aux secteurs objets d’investigation retenus ;

• Saisir la dimension relative à la prise de conscience du phénomène

de la part des différents concernés avec un focus particulier sur les employeurs et les employées

• Comprendre le vécu des femmes victimes de discrimination

rémunératoire dans ses diverses dimensions (droits, émotionnelle, professionnelles…) ;

• Déchiffrer comment se traduit et s’opère la riposte face de la discrimination par les victimes et par les autres intervenants concernés.

La discrimination rémunératoire demeure encore un phénomène « inexploré » et donc forcément, mal connu voire « ignoré », d’où des points de vue amalgamés, confus parfois même contradictoires. Par les professionnels, les employeurs, les employées, les personnes ressources, le discours développé est contrasté. Les regards portés sur le phénomène sont parfois catégoriques, arrêtés et indiquent que le temps de la réflexion et du recul ne sont pas encore à l’ordre du jour.

Page 42: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

42

1. Le concept de discrimination rémunératoire face aux réalités du terrain

Confronté au terrain, à ses réalités et à sa complexité, le concept de discrimination rémunératoire n’a pas encore vraiment commencé à prendre écho de manière confédérée chez les différents acteurs. Les entretiens menés ont montré l’étendue des besoins en termes d’éclaircissement, de réflexion rétrospective éclairée et de construction du concept, permettant l’adoption d’un seul et même langage. Les témoignages en encadrés, indiquent du sens pluriel accordé au concept pour concerner ensuite le phénomène. De ces témoignages, il ressort que la discrimination rémunératoire pour les interviewés est associée aux :

• Infractions pouvant porter atteinte aux droits des salariées dans le cadre de l’entreprise: dans ce sens, le code du travail est appréhendé comme cadre de référence. Sa violation en termes de SMIG, de conditions de travail décent, d’affiliation à la CNSS…s’amalgame avec la discrimination rémunératoire. Aucune allusion n’a été notifiée quant aux disparités salariales entre les femmes et les hommes exerçant le même travail ni quant à la discrimination genre pouvant s’exercer sur les lieux de travail en général. Le discours véhiculé demeure ainsi articulé autour des problématiques classiques, ballotté entre le sous paiement, le droit au congé, le paiement des heures supplémentaires, le repos, les conditions du travail décent, le contrat de travail, … Dans ce type de discours, la discrimination rémunératoire, telle que universellement délimitée, ne constitue pas encore un paradigme à considérer ;

• En parlant de discrimination rémunératoire, allier entre le respect du code du travail et les droits des salariés est une constante partagée entre les acteurs en général et les parties prenantes dans le monde de l’entreprise en particulier. Les employeurs s’inscrivent dans une approche défensive, les employées dans une approche offensive, dénotant de rapports de travail où la responsabilité mutuelle est encore en construction. Cependant, pour les deux parties, le respect des conditions de travail restent le point de mire. Les soucis

« Nous, on ne peut pas faire de la discrimination

rémunératoire. Nous, on paie nos salariées même

plus que le SMIG … on respecte leurs droits. Celui

qui fait la discrimination ne respecte pas le code du travail l… » Directeur d’usine

« La discrimination rémunératoire c’est quand on

n’accorde pas aux employées leurs droits… c'est-à-

dire leur congés, leurs heures de repos, les heures

supplémentaires …» salariée

« la discrimination juridique et sociale entre les sexes c’est connu mais rémunératoire je n’ai jamais

entendu parler… » Associatif

« La discrimination rémunératoire concerne les

disparités entre les hommes et les femmes en

matière de salaire… mais on ne peut parler de

phénomène qu’on trouve couramment, il s’agit peut

être de quelques cas…. » Inspecteur de travail

Page 43: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

43

d’honorer les directives et les droits stipulés dans le code du travail via des conditions d’exercice décentes semblent nourrir les propos des uns et des autres chacun de là où il se positionne. Dans cet élan, les propos focalisent sur des phénomènes tels que : i) le harcèlement sexuel, ii) l’expulsion abusive du travail, le droit à la déclaration à la CNSS, le droit au salaire minimum, les compensations sur les heures supplémentaires de travail assurées, les conditions de travail…Ces propos indiquent que les temps sont encore à la réflexion sur les nouveaux défis posées au monde du travail par le principe de l’égalité entre les genres, dont celui des droits socioéconomiques des femmes et celui de la discrimination rémunératoire.

• Par rapport aux inspecteurs du travail, la discrimination rémunératoire est associée à celle salariale et se traduit par les écarts salariaux entre les hommes et les femmes exerçant les mêmes métiers. Cependant, il importe de noter que la délimitation du concept a fait l’objet de discussions mitigées et répétitives entre les participants. Certains pointent sur les différences entre les salaires par rapport à des hommes et des femmes exerçant les mêmes missions, d’autres estiment que c’est en termes de niveau d’effort investi qu’il faut appréhender la discrimination et non en termes de mission. Cette discussion a véhiculé des échanges édifiants sur l’aspect juridique du phénomène et un arrêt sur l’article 346 du code du travail : « Est interdite toute discrimination relative au salaire entre les deux sexes pour un travail de valeur égale». Il importe de noter que selon les participants, la formulation de cet article prête à confusion. D’autant plus que la terminologie « travail de valeur égale » pose le problème de l’évaluation. Comment juger que tel ou tel travail, sont de valeur égale, dans un contexte économique et managérial complexe où les nouveaux métiers émergent et où le principe du profilage cadre désormais les statuts et rôles ainsi que les salaires qui leur sont dédiés. Des propos illustrés en encadré, plusieurs éléments sont à retenir :

« L’article 346 est clair pour ce qui est de

l’interdiction de la discrimination salariale mais

ce qui est problématique c’est la phrase « travail

de valeur égale »… Franchement, je ne sais pas quel sens on va donner à cette phrase surtout

traduite en arabe … » participant FG

« Dans l’article 346, le législateur n’a pas

explicité ce que veut dire « travail de valeur

égale…tout l’article repose sur cette phrase qui

n’est pas claire à mon sens » participant FG « Pour moi c’est assez clair « travail de valeur

égale » mais le problème c’est comment savoir

que tel ou tel travail sont justement de valeur

égale…» participante

Page 44: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

44

- La loi 346 pose un problème de compréhension communément partagée, qui ne prête pas à équivoque et qui est garante d’applicabilité ;

- Le caractère non opérationnel de la loi 346 dans la mesure où les professionnels déclarent la difficulté de sa mise à exécution

- La loi pose avec acuité la question de l’outillage des acteurs : quels sont les outils d’évaluation dont disposeraient les acteurs pour une mise en œuvre fluide de la dite loi. La question de la pertinence et de l’efficience de ces outils a fait l’objet de discussions tenaces entre les participants au FG. Certains estiment que ces outils ne pourraient jamais être suffisamment évaluatifs mais juste estimatifs. Selon eux, cet aspect ouvre grand les portes de la négociation et donc des tractations entre les parties prenantes en cas de discrimination rémunératoire observée. La délimitation de « travail à valeur égale » demeure donc problématique.

• bien que la discrimination rémunératoire ne soit pas encore inscrite

dans leur agenda au même titre que les autres délits, les inspecteurs de travail ont manifesté beaucoup d’intérêt et d’enthousiasme dans les tentatives de conceptualisation du phénomène. Le constat retenu est que ce corps est ouvert à une réflexion édifiante sur le concept et le phénomène, permettant d’apporter une contribution régie par les acquis et les cumuls du travail de terrain. Si les temps ne sont pas encore à l’action, le ton lui est à la réflexion préalable à l’action.

• Les témoignages collectés de la part des employeurs esquivent le phénomène de la discrimination rémunératoire et s’axent sur les problèmes inhérents à l’entreprise, tels que l’amélioration de la compétitivité, l’innovation technologique et organisationnelle, la vulnérabilité de l’entreprise dans un environnement mondialisé ou encore l'intégration par l’entreprise des préoccupations sociales et environnementales, la gestion des relations avec les employés et leurs représentants, les rapports aux syndicats... Dans ce contexte, parler de la discrimination rémunératoire devient marginal tant que la prise de conscience sur l’importance de l’équité et de l’égalité entre les genres et de son impact sur l’entreprise n’est pas acquise. Les employeurs n’ont pas

« Ici, à l’usine on passe toute la journée à

travailler…on ne peut savoir combien touche

telle ou telle, sauf si tu demandes à une amie… on est toute payées je crois pareil, sauf

si on fait des heures supplémentaires …»

participant FG

« Je ne connais pas le code du travail, moi je

n’ai pas fait d’études, je travaille pour aider

ma famille, s’il ya un problème, j’en parle à la responsable…. » Participante FG

Page 45: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

45

encore conscience du manque à gagner pour l’entreprise en s’inscrivant dans une gestion du capital humain cadrée par l’égalité des genres.

• Par rapport aux employées, un regard particulier est porté sur les transgressions des lois notées au sein des structures employeuses, tel que le fait de ne pas bénéficier de la CNSS, le mauvais traitement des responsables, les conditions indécentes du travail, le harcèlement sexuel, le traitement inégal entre les employées en termes de promotion…Dans le cadre des FG organisés, les discussions sur le code du travail, qui devrait cadrer les rapports entre employeurs et employées, ont témoigné d’un déficit total en termes de connaissance de ses articles. Les cas de discrimination rémunératoire ou même salariale n’ont été ni identifiés ni déclarés puisque cet aspect de la discrimination n’est pas vraiment perçu. Il en ressort que le problème ne semble pas encore avoir pris forme dans les représentations ni dans les perceptions des employées cantonnées dans la gestion des problèmes qui relèvent de leur quotidien de salariées.

• La méconnaissance de la discrimination rémunératoire gagne également des personnes ressources entretenues pour les besoins de l’enquête, militantes de droits humains. Ces interviewéEs déclarent ouvertement ne pas travailler sur la problématique, ni vraiment maitriser le concept. Leur travail porte essentiellement sur les cas de harcèlement sexuel, sur les délits d’expulsion abusive et non justifiée, de sous paiement, de violence menée dans le cadre du travail. De ce fait, le travail avec les associations facilitatrices, censées nous orienter vers des cas d’employées ayant vécu l’expérience de la discrimination rémunératoire, a eu une portée pédagogique certaine. L’intérêt sur cet aspect du travail au

« On va vous montrer notre registre pour voir

les cas que nous suivons dans le cadre du

centre, c’est surtout les cas d’expulsion

abusive, de non déclaration à la CNSS, de

harcèlement sexuel… » Associatif «Des cas de discrimination rémunératoires

comme vous venez de dire, on n’en a pas

connu. Pourtant ça fait plus de 10 ans qu’on

travaille avec les ouvrières du textile… peut

être que ça existe mais des ouvrières qui

viennent au centre pour une réclamation de ce type, on n’a pas reçu» Responsable

associatif

« Je suis dans le syndicat depuis une vingtaine d’année mais je n’ai jamais connu de cas de

discrimination rémunératoire. Parmi les

problèmes que nous traitons sont surtout des cas

de non déclaration à la cnss, mauvais

traitement…. » Responsable syndical «Il se peut que la discrimination existe mais

franchement parfois on commence à anticiper et

avancer des choses…c’est les gens qui sont en

contact avec l’entreprise qui peuvent dire… Nous

on est dedans mais on n’a pas encore vu des cas

de discrimination … » Responsable syndical « C’est possible, vous savez avant aussi on disait

qu’il n’y avait as de harcèlement sexuel au sein de

l’entreprise et que c’était de

l’exagération…maintenant nous on identifie de

cas de ce genre… » Syndiquée

Page 46: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

46

féminin a été suscité ; la réflexion aussi. D’ailleurs, même par rapport aux associations de droits ayant des mécanismes dédiés au travail avec les employées et les ouvrières, les cas les plus fréquents qui ont eu recours à l’association pour un suivi ou un accompagnement juridiques entrent dans la panoplie des problématiques classiques des salariées : non respect du SMIG, conditions indécentes de travail, maltraitance…

• Ce même discours est également nourri par les responsables des centrales syndicales consultés. D’emblée, ils déclarent n’avoir pas encore entendu parler de discrimination rémunératoire ni dans les secteurs public ni privé. Bien qu’ils approchent en permanence tous les secteurs d’activités, sans exceptions, et qu’ils soient informés sur les problèmes de l’entreprise en général, le phénomène reste nouveau pour eux. Comme indiqué dans l’encadré ci à côté, ils affirment n’avoir pas pris connaissance de cas de discrimination proprement dite mais surtout des cas de violence, de harcèlement sexuel... Cependant, le ton est loin d’être nihiliste laissant entrevoir que si le phénomène n’est pas perçu par les interviewés, ceci ne veut aucunement dire qu’il n’existe pas.

Une lecture synthétique des propos recueillis des représentants des différents corps de métiers approchés et des personnes ressources rencontrées révèlent que :

• Le concept de discrimination rémunératoire est nouveau pour les interviewés. Le contenu lui étant conféré axe sur le concept de discrimination dans ses aspects sociaux surtout juridiques.

• La discrimination rémunératoire demeure encore un phénomène méconnu, non qu’il soit tabou mais il n’est pas identifié par les intervenants, hormis le fait qu’ils soient des acteurs de terrain.

• Les focus groups organisés et les entretiens menés ont eu une

portée pédagogique sensibilisatrice indéniable. Ils ont eu le mérite de susciter l’intérêt des interviewés sur les nouvelles problématiques émergeantes dans le monde de l’emploi.

• Les interviewés s’inscrivent dans une approche prudente et

perplexe quant à l’engagement dans un discours tranché qu’il soit affirmatif ou infirmatif concernant le phénomène de discrimination rémunératoire.

Page 47: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

47

• De la part des employées, un déficit patent en termes de connaissance du code du travail est enregistré. Un travail sur cet aspect s’avère indispensable.

Ces éléments conjugués font état du caractère exploratoire confirmé de cette étude. Cet aspect fait qu’une étude base-line n’en demeure que plus impérative. Un éclairage croisé, tiré par une approche exploratrice, investigatrice, analytique et suggestive est à même d’apporter des éléments de réponse relativement au phénomène de la discrimination rémunératoire.

2. La discrimination rémunératoire : du concept au phénomène Le passage de la délimitation conceptuelle de la discrimination rémunératoire à son appréhension en tant que phénomène s’effectue à travers la réponse aux questions suivantes :

• Quelle est la part prise par le phénomène dans les secteurs ciblés par l’étude à savoir ceux du textile, de l’agroalimentaire et des services ?

• Comment le concept de discrimination rémunératoire se traduit-il dans la réalité et dans les structures appartenant aux dits secteurs ciblés ?

2 .1. La présence du phénomène de la discrimination : discours de cadrage A prime abord, il faut souligner que le premier défi rencontré par ce travail consiste dans la délimitation des secteurs à cibler par le travail de terrain, en l’absence d’une étude base-line référentielle de cadrage. Ne disposant pas de données directrices ou du moins d’orientation, le recours aux professionnels du terrain, à savoir les inspecteurs de travail, a été incontournable. Le souci de procéder à un ciblage rationnel et réaliste basé sur une connaissance opinée des réalités du terrain a été l’un des objectifs du focus group et des entretiens réalisés avec certains membres de ce corps de métier.

Page 48: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

48

Ainsi, le FG group a représenté un moment édifiant de ce travail, vue sa dimension directrice d’une part et sa portée informative d’autre part. C’est ainsi que les secteurs de l’agroalimentaire, du textile et des services ont été choisis pour faire l’objet de travail de terrain. En plus value, ce focus group nous a également permis d’appréhender les regards portés par ce corps de métiers et par la suite des autres acteurs impliqués dans le travail de terrain sur : i) la problématique de la discrimination rémunératoire, ii) sa présence en tant que phénomène dans nos structures, iii) ses manifestations et formes en rapport avec le cadrage juridique de référence, à savoir le code du travail De prime abord, relativement au phénomène de la discrimination rémunératoire et sa présence dans les structures appartenant aux secteurs ciblés, les propos recueillis des différents interviewés ont fait état de plusieurs observations à rapporter et à analyser. Ils ont été:

• timbrés par un discours communément partagé repris de manière transversale par tous les intervenants consultés qu’il s’agisse de professionnels, d’employeurs ou encore d’employées salariées. Ce discours est centré sur le fait que nos lois sont suffisamment bien faites pour ne pas laisser de place à la discrimination rémunératoire dans nos structures ; selon eux, il suffit de voir les administrations et lieux de travail pour voir que femmes et hommes travaillent côte à côte et jouissent des mêmes droits ;

• marqué par une idée pré requise, également assez répandue parmi les interviewés, préconisant que depuis que le Maroc a mis en place le code de la famille, le code du travail, la nouvelle constitution…, les femmes ont acquis tous leurs droits et sont des citoyennes au même titre que leur homologues. Dans ce contexte, la reproduction de la discrimination basée sur l’inégalité entre les genres n’est pas de mise puisqu’elle n’est pas permise. En optant pour la démocratie, l’égalité entre les genres et l’équité sociale, le Maroc s’est engagé de manière irréversible dans la voie de la lutte contre toutes les formes de discriminations que ça soit sur les milieux de travail ou autres. Par conséquent, parler de discrimination rémunératoire serait dire que nos structures ne sont pas en diapason avec les lois et qu’elles constituent des obstacles au changement. Ce même discours préconise que la mise en place des lois engage la responsabilité de tout un chacun à les mettre en œuvre de là où il agit, qu’il soit employeur, employé…

Page 49: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

49

• Imprégné par une opinion qui fraie inlassablement, son chemin et qui prône qu’avec les changements sociétaux et les nouveaux mécanismes juridiques mis en place, la discrimination concerne désormais plus les hommes que les femmes. Selon ce discours, plus que les femmes, les hommes ont des difficultés à trouver du travail, à bénéficier d’opportunité de promotion. En dépit de cette connotation, il n’empêche que la compétence des femmes, leur assiduité et leur persévérance au travail sont communément reconnues. Comme souligné par les propos en encadré, travailler avec des femmes plus assidues, moins exigeantes et moins revendicatives, semble plus avantageux au regard des aspects précités.

• Rythmé par une logique assez ancrée sur les retombées de la crise sur les entreprises des secteurs ciblés et sur les défis qu’elles sont appelées à relever en termes de productivité et de positionnement dans une économie de plus en plus compétitive. Ce discours renferme une note permissive implicite justificatrice des écarts, ou encore des violations qui peuvent compromettre le principe de l’égalité des salaires et celui même du droit à un salaire décent. Au niveau des principes cadrant les droits et les devoirs des employeurs et des employés, le caractère compatissant et condescendant de cette position peut induire une tolérance manifeste des débordements et à une « reproduction » des discriminations dans le cadre de l’emploi.

• Timbré chez certains employeurs par une note d’exaspération dictée par les défis lancés par le principe de la responsabilité sociale de l’entreprise et par les nouveaux challenges de l’égalité genre. L’adhésion de l’entreprise à une culture de droits est, certes, en construction mais pas définitivement acquise.

« L’application des lois est l’affaire des

employeurs…l’Etat a fait ce qu’il faut, les

hommes et les femmes ont maintenant les mêmes

droits…il faut en finir avec ça et dire que nous

avons fait du chemin…si on veut revenir en

arrière, il faut revoir le code de la famille, le code du travail… » Responsable syndical

«Il faut se mettre à la place de l’employeur….avec

la crise, beaucoup d’entreprises ferment...l’emploi

pas seulement des femmes mais aussi des hommes

est menacé…même si on veut recruter, on ne peut pas…on cherche juste à maintenir nos

effectifs… » DRH entreprise textile

« la crise est pour tout le monde… les patrons ont

eux aussi des charges et des dépenses, c’est facile pou personne…avoir un travail c’est déjà bien…on

a peur qu’un jour où on n’a plus de commande on

ferme l’usine, plusieurs usines qui étaient bien font

maintenant de la sous traitance… » Employée

« Chaque année on nous fait sortir un nouveau

problème ! Si ce n’est pas le harcèlement sexuel, c’est la discrimination…nous somme dans un Etat

de droits… les entreprises sont tout le temps pointées

du doigt…il faut laisser l’entreprise travailler et

faire travailler les gens… » Employeur

Page 50: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

50

Par ailleurs, concernant la présence de la discrimination rémunératoire du phénomène sur les lieux de travail, les positions ne sont nullement tranchées. Des entretiens et focus group organisés, il en ressort qu’il est difficile de:

• parler en termes de phénomène dans la mesure où la discrimination rémunératoire n’est pas perceptible de manière manifeste et répandue dans les structures appartenant aux secteurs ciblés.

• affirmer que la discrimination est une caractéristique du monde de l’entreprise. Si existence il ya, elle concerne des cas isolés difficilement identifiables et surtout difficilement évaluables.

• Confirmer que les secteurs

ciblées sont déjà dans une culture de « droit à la rémunération ». Les réalités de terrain montrent que la culture du « salaire décent et des conditions décentes du travail» sont encore en construction. Dans ce contexte, parler de discrimination rémunératoire serait de passer outre ces réalités. De ce constat, il se conclut que la discrimination observable se manifeste plus en termes d’écarts et de disparités entre les salaires des hommes et des femmes qu’en termes de rémunération. Selon cette logique, les avantages sociaux octroyés aux salariés des secteurs ciblés étant à l’origine limités voire absents, parler de disparités rémunératoires serait fortuit.

2.2. Discrimination rémunératoire : du discours à la réalité Pourtant, certains secteurs plus que d’autres affichent une discrimination rémunératoire manifeste entre les hommes et les femmes. A ce titre, l’exemple des secteurs l’agroalimentaire et celui des services sont illustratifs. En effet, il s’est révélé que les écarts de salaire entre les hommes et les femmes en termes de journée de travail atteignent 20%. Dans le domaine agricole, pour une journée de travail, les hommes gagnent un montant de 80 dh ; les femmes, quant elles, ne touchent que 50 dh. Par rapport au secteur des services, le même constat se confirme. L’exemple des services du nettoyage est révélateur des mêmes écarts. Les

« On n’est pas entrain de faire des surenchères…

d’après mon expérience et mes visites aux

entreprises, je n’ai pas constaté de discrimination rémunératoire…peut être, il se peut qu’il y ait des

cas mais ça reste vraiment des cas isolés » inspecteur

« un phénomène c’est quand ça devient visible et

courant comme la drogue, le chômage, les

grèves…là, on ne peut pas parler de phénomène…

ou du moins s’il existe, il est encore tabou »inspecteur

« Les phénomènes commencent pas des cas… et

puis il suffit de se mettre dans une approche genre

pour détecter c’était pareil pour la violence à l’égard

des femmes, au harcèlement sexuel… »Inspectrice

Page 51: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

51

hommes perçoivent un salaire mensuel de 1800 dh ; les femmes un salaire de 1400 dh. Dans le secteur du textile, les écarts ne sont pas visibles. Ce n’est pas en termes de salaire que les discriminations s’expriment mais en termes de compensation sur les heures supplémentaires travaillées, en termes d’expulsions abusives ou encore d’opportunités de promotion. Ces donnes sont confirmées aussi bien par les focus group menés avec les inspecteurs de travail, que par les entretiens menés avec les employeurs et les employées. L’analyse des propos recueillis par rapport à cet aspect fait état des éléments suivants :

• C’est dans les secteurs les moins structurés que la présence des écarts discriminatoires est observée. En comparaison avec le textile, le secteur agricole et celui des services sont plus exposés au phénomène. Cette caractéristique trouve son explication dans les facteurs suivants :

- Les implantations faisant appel à une main d’œuvre féminine et masculine, appartiennent généralement à des personnes physiques les soumettant d’emblée à une gestion à caractère « familial ». Il s’observe ainsi que les règles de fonctionnement et de gestion sont tracées par les personnes et non par des mécanismes institutionnels. Bien qu’elles soient soumises à la même réglementation et au même code du travail, les modes d’organisation et les types de gestion de ces structures sont régis par des considérations inhérentes au contexte d’implémentation, comme indiqué dans le témoignage en encadré.

- Dans cet esprit, les recrutements de

la main d’œuvre, la répartition des tâches, la logique de paiement…, sont plus régis par les habitudes et les coutumes que par les droits. Ce

« Ici, depuis toujours c’est comme ça, les

hommes sont payés plus que les femmes. Mais

tout le monde le sait et les femmes qui travaillent ici le savent aussi… le travail dans

les fermes, a besoin de force. Il y a des choses

que les femmes ne peuvent pas faire…Les

hommes comme vous voyez en plus de ce que

font les femmes… transportent des caisses,

travaillent la terre…»gestionnaire de ferme « Nous travaillons depuis 2003, et nous

engageons les femmes et les hommes…on paie

plus les hommes parce qu’ils font un travail

plus risqué… nettoyer les façades en verre,

c’est plus dur et plus dangereux. Chacun est payé selon le travail assuré » chef d’entreprise

« Les hommes sont mieux payés parce qu’ils

ont une famille à nourrir…les femmes

travaillent juste pour aider leur famille,…si elles

ne sont pas mariées, elles veulent juste avoir de l’argent de poche ce n’est pas comme les

hommes… » Chef d’entreprise agroalimentaire

« On engage les femmes en tant

que« lebbatates » et les hommes en tant que

« debbagha » c’est deux choses différentes…

donc forcément les salaires des hommes sont plus élevés… » M3allem

« Ici dans la région c’est comme ça, on est

payé à 50 dh la journée et les hommes à 80 dh…

moi je suis payée comme ma belle sœur et ma

voisine pareil…je ne sais pas pourquoi c’est

ainsi !employée agricole

Page 52: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

52

puisage inscrit désormais les employeurs dans une approche permissive des disparités les considérant même comme étant partie intégrante du contexte local. Il faut rappeler que le secteur emploie en général des saisonniers. Cet aspect introduit une vision particulière et des pratiques également spécifiques et fait du procédé de la contractualisation une pratique absente.

- Par les employées elles-mêmes, ces disparités discriminatoires ne

sont ni dénoncées, ni réfutées et semblent être admises et intégrées de manière naturelle. Elles ne suscitent de leur part aucun ressentiment et sont vécues dans une impassibilité révoltante. Elles-mêmes trouvent les justifications de cet état de fait. D’ailleurs, ces justifications épousent parfaitement ceux de l’employeur ; d’où la reproduction d’un discours masculin fortement légitimé par les femmes salariées elles-mêmes. D’autant plus, ces dernières déclarent ne voir aucune anomalie à cette situation très tolérée et couramment consentie, tant que l’employeur assure régulièrement leur paiement et ne les afflige d’aucune maltraitance. Il en ressort que la culture basée sur les droits est loin d’être à l’ordre du jour ; paradoxalement, celle de la bienfaisance et de la bienveillance est bien ancrée.

- Concernant cette forme de discrimination, l’analyse du discours

investi quant à la permissivité développée par les uns et les autres, puise dans la logique du désavantage féminin, qui dès le départ, place la femme dans une position de faiblesse où la négociation du salaire prend la forme d’une renégociation de son statut de femme. Les idées ancrées sur l’emploi des femmes, son caractère complémentaire…restent de mise hormis les évolutions juridiques et sociales enregistrées. Le ton est encore à l’ignorance des droits et à la résignation.

- La notion de travail à valeur égale est loin d’être acquise. Pour

justifier les écarts des salaires, l’accent est mis sur les différences entre les tâches assurées par les hommes et les femmes et leur dissemblance. Loin de réfléchir en termes de « valeur égale ou équivalente du travail », les interviewées, toutes catégories confondues, se cantonnent dans le choix de la facilité où l’usuel prime sur le droit. La réflexion sur la valeur accordée à chaque tâche, sa place dans le cycle et la chaine de la production, son caractère capital pour le maintien de la productivité…, n’est pas encore réellement entamée.

Page 53: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

53

• Par rapport au secteur du textile, ne s’exprimant pas en termes de discrimination rémunératoire, le phénomène se traduit surtout en termes de non déclaration à la CNSS, d’heures supplémentaires de travail non payées ou encore de promotion. Il faut noter que les usines du textile recrutent surtout auprès des femmes, ce qui fait que la main d’œuvre féminine y est prépondérante. Piqueuses, repasseuses ou encore chargées de finition ou de la coupe…tels sont les profils engagés. Pour les hommes, le profilage est différent. Les postes occupés sont des postes de chef de file, de superviseur, s’occupant de la sécurité ou encore d’administratifs. Par conséquent, il est difficile d’identifier des cas de discrimination rémunératoire. Les discriminations qui ont été rapportées existent entre les femmes elles-mêmes. Elles concernent spécialement la gestion de la carrière et les opportunités de promotion au sein de l’unité production. Dans ce contexte, les ouvrières interviewées sont plus portées sur les problèmes relatifs aux conditions de travail, au sous paiement, au manque de transport ou au mauvais traitement au sein de l’entreprise. S’inscrire dans une approche comparative suppose de travailler sur la notion de « à travail de valeur égale, salaire égal », sur ses valeurs fondatrices et sur les critères d’évaluation des niveaux d’efforts et des risques d’une part et du caractère capital des tâches assurées par rapport à la productivité et à la promotion de l’entreprise d’autre part.

• Dans un esprit de diversification, l’entretien mené avec un maitre-artisan a été l’occasion de voir comment se traduit la problématique de la discrimination rémunératoire dans le secteur de l’artisanat. Dans ce cadre, le problème soulevé par les employées de manière récurrente est leur statut en permanence méconnu. Eternelles apprenties ou encore payées à la pièce, elles ne sont pas considérées comme des employées à part entière ayant des droits couverts par le code du travail. Il importe de souligner que dans ce secteur, la répartition des tâches entre les hommes et les femmes ne permet pas de parler en termes de « travail égal, salaire égale ». L’activité de « dbagha » qui a été frôlée par l’enquête de terrain, est un métier qui semble à prime abord exclusivement masculin. Or, les femmes y sont présentes dans la mesure où ce sont elles qui assurent tout le travail préalable à la teinture. On les appelle les « lebattates » chargées principalement de délainer. Leur travail est essentiel et doit s’inscrire sous le cadrage : « à travail à valeur égale, salaire égal ». Le traitement

Page 54: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

54

salarial devrait donc être décidé en fonction de l’importance de cette activité dans le processus du travail du cuir.

3. La discrimination rémunératoire : réalité effective ou réalité

virtuelle Que faut-il déduire ? La discrimination est-elle une réalité perceptible observée au sein des structures des secteurs ciblés ou une réalité virtuelle émanant d’une réflexion et analyse anticipatrice intuitive misant sur l’adoption de la prévention comme technique d’action ? En dépit du caractère « fébrile et prudent » des propos collectés sur la présence du phénomène de la discrimination rémunératoire dans les secteurs ciblés, il n’en demeure pas moins que les intervenants ne s’inscrivent pas dans une approche nihiliste tranchée. Ils restent plutôt condescendants, envisageant ainsi que si le phénomène n’est pas totalement installé, il est à ses prémices du fait qu’il se manifeste dans des cas isolés. Cette brèche ouvre sur un potentiel de travail d’investigation, d’analyse et de réflexion prévisionnelle. De même, qu’il invite les personnes ayant été impliquées dans le travail de terrain, de là où il agissent, à se placer dans des angles d’optiques différentes permettant une vision plus éclairée sur une problématique nouvelle qui n’est pas forcément inscrite dans leur agenda. Par ailleurs, les documents mis à notre disposition de la part de certaines associations travaillant avec les ouvrières, montrent que les cas de discrimination salariale qui ont eu recours à elles sont à prime abord, plutôt fréquents. Le tableau ci après est illustratif de ce constat :

Page 55: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

55

Tableau récapitulatif des cas et des types de réclamations ayant recourus au centre « Karama » des ouvrières pour appui et accompagnement par secteur ciblé

Année

Secteur Nb de réclamation

Type discrimination

Niveau scolaire

Age

2008

Textile

489 Discrimination salariale

Primaire secondaire

18-42

267 Non paiement des heures supplémentaires

Secondaire 18-45

154 Discrimination formation

Illettrées 18-45

agroalimentaire

389 Discrimination salariale

Primaire analphabète

18-48

267 Mauvais traitement

Primaire 18-46

Services

389 Non paiement des heures supplémentaires

Primaires secondaire

14-45

300 Discrimination salariale

Primaire secondaires

16-45

2009

Textile 501 Salaire - que SMIG Non respect des heures travail

Primaire 18-48

412 Non compensation sur les heures sup

Primaire Secondaire

18-45

374 Discrimination promotion

Primaire secondaire

18- 48

Agroalimentaire

498 Discrimination salaire

Illettrées Primaire

15-45

397 Non compensation heures sup

Illettrées 15-45

Services 601 Discriminatio Primaire 18-

Page 56: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

56

n salaire Secondaire 40 2010

Textile 613 Discrimination salaire

Primaire Secondaire

18-49

523 Non compensation des heures sup

Primaire Secondaire

Idem

447 Conditions de travail

Primaire Secondaire

Idem

Agroalimentaire

581 Discrimination salaire

Analphabètes Primaire

15- 50

497 Heures sup Analphabètes Primaire

15-49

Services 623 Salaires - que SMIG Non respect des horaires de travail

Primaire Secondaire

17-46

Comme observation préliminaire, il faut signaler que de plus en plus, les associations s’investissent dans un travail sectoriel ciblé. Loin de s’inscrire dans une démarche axée sur le ciblage tous azimuts, les associations facilitatrices ont acquis un cumul quant au travail avec les salariées spécialement dans le domaine du textile. Mieux organisées et plus encadrées, ces dernières sont plus faciles d’accès et plus préparées à l’accompagnement. Par ailleurs, la lecture du tableau ci-avant montre que le nombre de cas ayant recouru au centre « karama » pour réclamation, suivi et accompagnement connaît une évolution manifestement régulière. Sur les trois années notifiées, les cas catégorisés sous la rubrique «discrimination salariale » n’ont pas cessé d’augmenter de manière significative. Les problèmes notifiés semblent concerner spécialement:

• La discrimination salariale

• Les heures supplémentaires travaillées mais non payées

• La discrimination en matière de formation

Page 57: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

57

Cependant, afin de mieux comprendre les types de discriminations, le recours à la documentation disponible au centre « Karama » a été indispensable. La consultation analytique des dits documents a permis de faire les constats suivants :

• Les cas catégorisés comme étant des cas de discrimination salariale sont en fin de compte des cas de « sous paiement » et donc de non respect de la part de l’employeur du SMIG. Il s’agit plus d’un droit bafoué, problème rencontré assez souvent au sein des secteurs non structurés tel que le secteur des services que de discrimination proprement dite.

• Les entretiens effectués avec les femmes déclarées et libellées « victimes de discrimination rémunératoire » ont montré les limites de cette catégorisation. Il en découle que la compréhension du phénomène, sa maitrise et son maniement de la part des militants des droits humains eux-mêmes, demeure fébrile et invite au renforcement.

C’est ainsi que l’identification des cas de discrimination rémunératoire effective, telle que délimitée dans la partie théorique et conceptuelle de ce travail, a été une étape difficile ayant exigé, en plus du recours aux associations facilitatrices, le recours au réseau personnel qui a permis d’identifier des cas appropriés et adaptés à la problématique de cette étude. Sur les 7 cas interviewés, 4 ont été identifiés par les associations et les 3 autres par le réseau personnel. Conscients de la présence du phénomène de discrimination dans les secteurs des services et de l’agroalimentaire, les inspecteurs du travail soulignent le caractère compliqué et complexe de la problématique. Selon eux, déjà l’application du code du travail fait l’objet de certaines résistances au regard des mentalités et des angles d’optiques des uns et des autres. Les cas d’expulsion injustifiés, de non déclaration à la CNSS, de maltraitances observées ne manquent pas non plus. Cependant, l’étendue de l’action de l’inspecteur, au regard de ses prérogatives, reste limitée. Sur le plan de l’outillage, les fiches de contrôles ont une faible portée. Si les procès verbaux sont rédigés, le suivi judiciaire, quant à lui, ne suit pas forcément. Des questionnements sur l’efficacité d’une approche punitive ont étés récurrents. Dans cet élan, ils concluent que la culture des droits et l’engagement dans une approche citoyenne sont à même de garantir des rapports équilibrés et régulés entre employeurs et employées.

Page 58: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

58

Chapitre 2 : Discrimination rémunératoire : prise de conscience ou conscience en prise ? La prise de conscience du phénomène de discrimination rémunératoire est corollairement liée aux représentations sociales et culturelles qui articulent les perceptions développées par les acteurs et intervenants sur le monde de l’emploi, sur l’emploi au féminin et sur les valeurs qui articulent la vision des disparités genre. Pourquoi est-il difficile pour les acteurs de terrain qu’ils soient employeurs, syndiqués, militants associatifs ou encore employées de percevoir la discrimination rémunératoire sur les lieux de travail? Et si de la part de certains, le phénomène est perceptible, quels sont les facteurs qui font que les avis restent fébriles et non tranchés ? Quels sont les paramètres et facteurs qui agissent sur la prise de conscience du phénomène ? Le travail mené au terrain, a-t-il enclenché un processus de questionnement insufflant un processus de prise de conscience indispensable pour s’inscrire dans une approche préventive ou encore offensive ? En guise de réponse à ces questionnements, il serait signifiant de cadrer l’analyse par trois réalités intrinsèques au monde salarial en rapport avec la discrimination dans toutes ses formes :

• Le phénomène de la discrimination même s’il est présent sur les lieux de travail est ou occulté ou recelé de la part des acteurs et des concernées. Sa compréhension demeure encore embryonnaire et amalgamée. Une certaine fébrilité est affichée.

• Plus le secteur d’activité connaît une faible structuration, plus le phénomène est présent de manière visible. Les structures les plus féminisés connaissent le phénomène moins en termes de salaires qu’en termes de gestion de carrière, de promotion ou encore de formation…ce sont les employées qui se trouvent en bas de l’échelle qui sont le plus exposées à la discrimination dans toutes ses dimensions dont celle rémunératoire

• La culture des droits n’est pas encore acquise de manière définitive

dans le secteur de l’emploi. Même si les femmes ont investi avec force et détermination le monde de l’emploi, leur participation est

Page 59: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

59

toujours perçue par certains acteurs comme complémentaire. Cette vision fait que la légitimation de toutes les formes de discrimination qui peuvent l’atteindre, continue de puiser dans le culturel, rappelant que la répartition des tâches demeure encore très sexuée.

En plus du travail de terrain, la prise en compte de ces trois éléments de cadrage permet de développer une analyse réaliste sur la prise de conscience du phénomène de la discrimination par les différents intervenants. Cette analyse aura pour filigrane les valeurs sou jacentes qui articulent le phénomène, ses dimensions, son impact sur la configuration dus secteur de l’emploi ainsi que ses retombées sur la productivité. Déjà la prise de conscience part du principe de la reconnaissance consentie du phénomène en tant que tel et de sa part prise dans les structures consultées. Or, l’enquête de terrain a révélé que l’approche des différents acteurs demeure « prude » même par rapport à ceux qui ont déclaré avoir identifié le phénomène. Dans cette perspective, il faut souligner que les différents interviewés ne sont pas au même degré de prise de conscience du phénomène de la discrimination rémunératoire. Entre les inspecteurs du travail, les employeurs, les employés ou encore les personnes ressources rencontrées, les différences sont de taille. 1. Les inspecteurs de travail : une prise de conscience en

construction

Le contact direct avec les différentes composantes du monde de l’entreprise, ses paramètres ainsi qu’avec les employés et leurs doléances… insuffle chez les inspecteurs du travail une sensibilité particulière qui, développe ainsi chez eux, un regard aiguisé aux nouveaux défis affrontés par le monde de l’emploi en général et de l’entreprise en particulier. Ainsi, les propos recueillis dénotent d’une prise de conscience, certes encore circonspecte mais en construction. Le focus group et les entretiens menés auprès d’eux ont eu pour effet d’insuffler la réflexion et d’enclencher le renforcement de cette prise de conscience. Certains inspecteurs déclarent que si le phénomène est perçu par eux, le déclic déclenchant éveil et vigilance de leur part, ne s’était pas encore produit. Ils rappellent que c’était le cas pour le phénomène du harcèlement sexuel

« C’était pareil pour le harcèlement sexuel

maintenant, on est plus vigilant… il y avait des résistances …C’est comme ça, avec l’évolution du monde de l’emploi de nouveaux problèmes sont posés, il faut donc suivre et rester ouverts et ne pas commencer par dire ça n’existe pas ! ça aide à agir rapidement pour que le phénomène ne sévisse pas »inspecteur de travail « Le phénomène existe et il est visible sur les lieux de travail sauf pour celui qui ne veut pas le voir… Ce qui manque c’est les moyens d’action…. » Inspectrice

Page 60: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

60

dans le cadre de l’entreprise qui s’est désormais résolument inscrit dans leur agenda. Par ailleurs, tous concordent à dire que les besoins en outils d’identification et de suivi se doivent d’être développés, si toutefois un travail éventuel sur cette facette de la discrimination est engagé. La conscience des défis de l’entreprise et du caractère évolutif des secteurs ciblés par l’étude, est largement partagée par les inspecteurs. A ce titre, plusieurs recommandations ont été formulées afin de cadrer et d’opérationnaliser leur démarche. Cependant, il convient de noter que les niveaux de prises de consciences ne sont pas les mêmes. Certains, plus que d’autres sont plus sensibles aux problématiques genre ce qui les dote d’un flair plus aiguisé. Porter un regard gendérisé sur les problèmes de l’entreprise est à même de rendre ce type de problématique plus visible et donc une prise de conscience plus fluide.

2. Les employeurs : une prise de conscience au stade zéro Comme pré souligné, le discours des employeurs est centré sur les problèmes structurels permanents de l’entreprise. Ces derniers estiment que l’entreprise a des priorités qui la placent constamment devant des défis qualifiés de stratégiques. Bien que manifestement déclaré, le slogan consistant à faire de l’égalité dans l’entreprise une réalité est loin d’être mis en œuvre. Les mesures d’application, appuyées par des actions spécifiques ainsi que par un financement adéquat ne sont pas à l’ordre du jour. Pour s’inscrire dans cette logique, il faut préalablement que les employeurs prennent conscience du fait que la non discrimination stimule la productivité et booste les employés à améliorer leurs compétences pour les mettre au service de l’entreprise. C’est au regard de ces atouts qu’ils seraient volontaires et déterminés pour agir en faveur de l’égalité et de l’équité en matière de rémunération et d’éliminer par conséquent les formes de discriminations y afférentes. Pour les employées, cette orientation leur permet de saisir les opportunités économiques qui se présentent à eux et de s’inscrire dans une démarche engagée et responsable d’appropriation et de fidélisation.

« Nous on travaille dans les règles.

Demandez aux employées elles mêmes. Elles vous diront que nous,

on n’a pas de discrimination de

salaire. Tous les employés sont

pareils. On les traite de la même

manière…les inspecteurs viennent et

ne trouvent rien à dire » employeur « C’est pas possible, des phénomènes

comme ça dans l’entreprise ! Des

employés qui font un même travail

mais ne sont pas payées pareil !!...

c’est à mon sens inhumain

et inacceptable » employeur

Page 61: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

61

Il faut cependant rappeler que dans certains cas les salaires sont soumis au principe de la négociation, ce qui ouvre la porte aux écarts salariaux. Certaines études ont montré que l’aptitude à négocier, à présenter et vendre son profil est décisive et peut accroitre les écarts entre les salaires pour atteindre jusqu’à 20%30. Ces différenciations sont légitimes selon les employeurs qui estiment que, si écart il ya, il se justifie par les écarts en termes de productivité et d’efficacité dans l’emploi. Cet élément est déterminant pour les promotions et invite à conclure que le phénomène reste très complexe et mérite qu’on y investisse les approches économiques, statistiques et sociales afin de contribuer à le cerner ; d’autant plus que le discours sur les capacités innées des employés demeure assez répandu. Or, ces capacités innées sont prédéterminées et ne peuvent donc être parfaitement observables ni contrôlables31. Il est plus courant par exemple, qu’un employeur table sur l’indicateur du diplôme du recru plus que sur son niveau de savoir faire. Or, d’après ces mêmes études, ce ne sont pas les années d’études en elles-mêmes qui agissent positivement sur la productivité mais les savoirs faire effectivement acquis à l’école et leur adaptation aux problèmes de l’entreprise. Par ailleurs, à titre indicatif, certains propos recueillis des employeurs expriment indignation et emportement une fois interrogés sur le phénomène. Mais cette indignation reste cadrée par une approche plus humaniste qu’une approche « droit » comme illustré par les propos en encadré. Or, il est clair que le passage d’une approche humaniste vers une approche droit est en fait un passage d’une culture de bienfaisance vers une culture égalitaire où les valeurs fondatrices et transversales ne sont pas forcément les mêmes. A titre de rappel, le ton exaspéré caractérisant les propos de certains employeurs ne présage pas d’une prise de conscience immédiate. Certains, comme indiqué dans le témoignage en encadré, approchent les inspecteurs en contrôleurs et font de leur visite et du « PV » qui en sort un témoignage de « bonne conduite ». Ils n’entament pas ainsi de réflexion sur le phénomène qui va au-delà de ces considérations pour enclencher une certaine prise de conscience responsable et réfléchie. L’inspecteur du travail est appréhendé comme témoin du vécu de l’entreprise et non

30 Nathalie Havet et Catherine Sofer : les nouvelles théories de la discrimination, La Découverte ; Travail, genre et sociétés, 2002/1 - N° 7pages 96, ISSN 1294-6303 31 Shelly Lundberg et Richard Startz indiquent dans leur article sur la productivité du capital humain endogène : « la productivité d’un salarié dans un emploi donné dépend à la fois de ses capacités innées et de son niveau d’investissement en capital humain »

Page 62: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

62

comme intervenant qui l’accompagne dans le processus d’application des lois en vigueur. 3. Les personnes ressources : prise de conscience limitée Deux catégories de personnes ressources ont été rencontrées : i) des militants de droits humains et de droits des femmes, ii) des DRH. Tablant sur la familiarité de ces profils avec les thématiques de l’égalité, de la non discrimination et du respect des droits, nous avons été étonnés de voir que hormis leurs cumuls, leur prise de conscience du phénomène est balbutiante. Plus que ça, dans certains cas, les réactions de certains interviewés ont été décontenancées, du fait que c’était la première fois qu’elles entendaient parler du phénomène. Même par rapport aux militants des droits humains, les propos vont dans le sens d’une certaine minimisation, voire même désaveu de la présence du phénomène de manière manifeste. Pour l’un des deux DRH consultés, le ton aussi était à l’étonnement. Il va sans dire que le phénomène reste nouveau pour les interviewés ; d’où une prise de conscience bien limitée. Mais, il n’empêche que les questionnements soulevés dénotent d’une ébauche de réflexion pouvant entamer le processus de prise de conscience. Tout au long des entretiens menés, une question clé traversait les propos : Quand peut-on vraiment parler de discrimination rémunératoire ? Implicitement, une volonté de comprendre pour agir et être vigilant est bien exprimée. 4. Les employées : la discrimination rémunératoire luxe ou droit ? Pour les employées, déjà la prise de conscience des différents droits stipulés dans le code du travail est encore fébrile. Les propos recueillis montrent que même si les employées dénoncent le mauvais traitement, le harcèlement ou encore le non respect du SMIG, elles restent sur une note d’inachevée, puisque leurs doléances ne vont pas au-delà du cercle fermé de leurs collègues ou amies proches. L’inscription dans une démarche revendicative où le recours aux instances spécialisées est capital, reste encore insignifiante. Selon les interviewées, la peur d’expulsion et les

« Je n’ai jamais entendu parler de

ce phénomène. Pourtant, je suis directrices de ressources humaines depuis 9 ans déjà…des cas de

maltraitance, de harcèlement… ça existe mais de discrimination

rémunératoire, je n’en ai jamais rencontré » RDH

« Moi, je n’ai pas la CNSS, alors vous savez le plus important pour

moi c’est ça…la discrimination et tout ça c’est après, l’essentiel c’est

d’abord la CNSS, si je tombe malade, je n’ai même pas de quoi

me soigner…employée

Page 63: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

63

difficultés de trouver un autre emploi sont autant d’éléments qui n’encouragent pas cette option. Par rapport à la discrimination rémunératoire, le discours reste légitimateur du phénomène. Il est plus « reposant » pour les interviewées de catégoriser le phénomène comme « naturel », que d’entamer une réflexion critique qui inscrit d’emblée dans une « approche droit ». La prise de conscience du phénomène de discrimination rémunératoire exige un niveau assuré de prise de conscience et d’appropriation des autres droits. Il s’agit plus d’un processus à construire que d’un acte ponctuel. Il requiert également que tous les autres droits soient acquis et bien ancrés. Or, dans la réalité, le principe même des droits n’est pas totalement acquis par cette catégorie de salariées puisqu’il se limite seulement au discours. Chez les interviewées, les priorités ne sont pas nivelées, certaines semblent être stratégiques et font que parler de discrimination rémunératoire dans un contexte où les droits élémentaires sont encore bafoués est un luxe.

Chapitre 3: la discrimination rémunératoire racontée par les PVDR : vécu et témoignages Ce chapitre sera consacré à l’analyse du « ressenti » des femmes qui se déclarent victimes de discrimination rémunératoire et à leurs vécus par rapport au phénomène. Vue le caractère qualitatif de l’étude, les dimensions d’analyse préconisées porteront sur les plans : i) émotionnel, ii) professionnel, iii) familial et social. Nous chercherons également à déchiffrer les propos, le discours et les comportements développés par ces femmes face à ce type de discrimination, vécue encore dans le silence. Ainsi, le point de vue des concernées sera un élément central de l’analyse qualitative développée sur le phénomène. Toutefois, l’identification objective des femmes réellement victimes de discrimination rémunératoire en mesure de relater leur vécu et leur expérience s’est avérée une tâche difficile. Pour contrecarrer cet aspect, nous avons opté à élargir notre champ d’investigation en recueillant également les témoignages de femmes qui n’ont pas forcément vécu le phénomène mais qui l’ont constaté sur leurs lieux de travail. Ainsi, ce chapitre focalise sur l’analyse qualitative du phénomène de la discrimination subite par les femmes en matière de rémunération en se basant sur :

• Les déclarations des femmes en tant que victimes

Page 64: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

64

• Les déclarations des femmes en tant que témoins Au regard du cumul de notre expérience d’enquête de terrain sur le phénomène, il est à noter qu’on retrouve plus facilement des femmes témoins que de femmes victimes de discrimination rémunératoire. Ceci est, en lui-même significatif, indiquant qu’il est difficile de se qualifier soi-même victime de discrimination, ce qui exige déjà un travail sur son propre vécu, une prise de conscience de sa propre expérience. Il s’agit d’un état d’âme qui rappelle le parcours connu par d’autres phénomènes tel que celui de la violence à l’égard des femmes. Globalement, les données de l’enquête font ressortir que les victimes éprouvent beaucoup de difficultés pour nommer leur vécu. De ce fait, le phénomène de la discrimination rémunératoire se traduit peu dans le discours des salariées pour ne pas dire qu’il est absent. 1. La discrimination rémunératoire : réalité inavouable et

amalgamée chez les employées Les investigations de terrain menées sur les différents sites de notre enquête (Rabat, Fès, Casablanca, Tanger….), nous amène à dresser les constats suivants :

• La discrimination rémunératoire subite par les femmes est une réalité tangible mais occultée et manifestement inavouable dans l’entreprise. A ce titre, les discriminations subites ou vécues comme telles ne sont pas forcément signalées et encore moins exprimées. Même par rapport aux cas qui ont bien accepté de témoigner, le discours reste très rudimentaire sans grande construction ou connotation faisant prévaloir une approche égalitaire cadrée par les droits. Il est animé par le sentiment

« Le comportement de mon chef vers moi est

vraiment injuste. Il a toujours des choses à dire sur mon travail… par ex, lorsque je compare entre mon

salaire, les tâches que je remplies et celles effectuées par mon collègue, je me sens vexée. Non seulement

que son salaire est supérieur au mien mais en plus, il a le respect du supérieur…lui, il peut arriver en retard au travail sans se faire injurier, moi si

jamais, j’arrive en retard, j’entends de tout » secrétaire dans une entreprise textile

« J’ai énormément de problèmes avec mes collègues hommes et mes supérieurs. Ils sont dérangés par mes compétences et n’aiment pas voir une femme

réussir. Les hommes ne supportent pas toujours qu’une femme soit compétente » Cadre dans une

entreprise du textile « Le travail est devenu indispensable. Alors, même s’il y’a une discrimination ou une injustice, on est

obligé d’accepter….Parfois, je me demande pourquoi je travaille pour un salaire aussi dérisoire… Je suis obligée de le faire pour aider mon mari… »

Ouvrière Textile « Je sais bien que je suis mal payée et que mon

employeur paye d’autre personnes mieux que moi. Mais ça c’est son problème… c’est lui et sa

conscience avec Dieu ! Moi, je ne peux pas me permettre d’arrêter le travail » Employée dans un restaurant

« Je touche un salaire de misère dans cette usine, moins que mon collègue qui assure la sécurité… En

plus, le patron est très dur mais je suis obligée de travailler » Ouvrière Textile « Certaines filles touchent moins que les garçons.

Mais elles n’ont pas beaucoup le choix…c’est injuste mais c’est comme ça ! Si elles abandonnent leur

travail ici, elles risquent de ne pas trouver un autre travail » Employée société de nettoyage

Page 65: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

65

d’être lésée sans plus, ce qui amène à conclure que s’exprimer sur le phénomène est encore un exercice en phase de structuration. Il s’est ainsi avéré difficile de faire parler les employées de discrimination rémunératoire au sens propre sans qu’elles soient continuellement boostées. Les interviews réalisés étaient des moments forts puisque les interviewées ont été soumises en plus à l’exercice de la réflexion. Dans ce cadre, les employées qui se déclarent victimes de discrimination rémunératoire font plutôt référence à :

- la ségrégation sexuelle au travail au sens large : par rapport à ce point, les interviewées se sont exprimées sur les regards sexués à la répartition des tâches au sein de l’entreprise cantonnant les femmes à des tâches bien déterminées au point d’être qualifiées et perçues comme des tâches naturellement féminines. C’est le cas des piqueuses, repasseuses, ou encore des employées chargée de la coupe…. De même, les propos ont été itératifs sur certains paramètres ségrégatifs qui privilégient les hommes sur les femmes en matière de promotion. C’est le cas de femmes qui s’estiment plus méritantes que leur collègue pour occuper un poste supérieur. Dans l’entreprise, passer au grade de chef d’atelier est difficile dans la mesure où ce poste est généralement réservé aux hommes. D’autres employées se sont exprimées sur la tendance de leur supérieur à se comporter de manière différentielle. Avec leurs employés, ils sont plus vigilants, plus soucieux de leur dignité. Ceci se manifeste au niveau du langage comme au niveau du comportement. Avec les femmes, ils sont plus virulents, plus audacieux et plus agressifs selon certains témoignages. Ces doubles aspects du comportement intègre la règle « un poids, deux mesures », faisant prévaloir ainsi une approche discriminatoire visible et confirmée.

- les relations conflictuelles et parfois concurrentielles avec les

hommes au travail : Par rapport à cet élément, les propos recueillis montrent que les rapports entre les collègues hommes et femmes ne semblent pas s’inscrire encore dans une culture égalitaire où la

« Les collègues hommes ne cherchent pas à

reconnaître la valeur de la femme. Ils cherchent souvent à la piéger. Alors, on est obligé de rester sur nos gardes et faire attention vraiment à

tout…On ne peut pas avoir des relations de confiance» Employée de bureau

« Une fois une amie qui travaille avec moi est partie parce qu’elle avait des maux d’estomac.

Elle a demandé au chef d’atelier de la libérer….elle avait travaillé quand même jusqu’à 2h…a la fin du mois, on n’a fait comme si elle a

été absente toute la journée…alors que quand c’est un homme, on n’enlève rien de son salaire ».

employée dans l’agroalimentaire

Page 66: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

66

compétence et le rendement sont seuls décisifs. Dans cet état de fait, l’excellence au féminin est vécue comme une tare et non comme un avantage valorisant. L’injustice des employeurs, loin de concerner les hommes et les femmes dans leur vie professionnelle, affecte également leurs interactions sur les lieux du travail. La recherche des régulations reste un exercice permanent mettant les femmes sous une pression supplétive.

• Les connaissances

amalgamées sur tout ce qui entoure et compose la discrimination au travail est une constante chez les femmes. Il en découle qu’elle demeure mal cernée, voire même occultée. En effet, invitées à s’exprimer sur la discrimination rémunératoire, les employées interviewées évoquent un éventail très large de problèmes vécus au travail couvrant différentes composantes. Cependant, si la discrimination rémunératoire n’est pas toujours explicitée par elles, il n’en reste pas moins que le sentiment d’être non privilégiée par rapport à leur homologue est largement nourri comme indiqué dans le témoignage en encadré. Dans ces cas, la discrimination est appréhendée et vécue en termes de sentiment mais non en termes de dignité et donc de droit. Sur le favoritisme développé par les employeurs à l’égard de leurs employés, le discours est empreint de ressentiment mais le passage à une approche revendicative fondée n’est pas encore balisé. La faible perception de la discrimination rémunératoire en tant que telle par les employées est notoire. En effet, les employées interrogées ont plus tendance à évoquer le sentiment d’injustice ressenti face à leurs employeurs à cause des comportements de « favoritisme » qu’à parler de la discrimination rémunératoire proprement dite.

• La tendance assez nette des employées à occulter le phénomène de discrimination le justifiant, en toile de fond, par les contraintes de l’entreprise. Certaines vont même jusqu’à développer et adopter un discours d’employeurs. La crise, le chômage, les charges de l’entreprise, la difficulté des hommes à trouver un emploi…, sont autant d’éléments avancés pour donner au phénomène une légitimité « fondée ». Au fond, il se révèle que le travail est tellement vital pour elles, que le problème de la discrimination rémunératoire finit par être relégué au deuxième rang

«L’ancien responsable avait un chauffeur mis à son service, quand il est parti et que le patron m’a mis à sa place, ça y’est plus de

chauffeur! Je n’ai jamais compris!… quand je lui en ai parlé, il m’a dit que moi mon mari

pouvait me déposer, ça m’a vraiment énervé

mais bon ! » Cadre dans une usine confection

Page 67: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

67

2. Facteurs de la discrimination rémunératoire : le point de vue des

victimes et des témoins Selon les angles d’optiques des femmes victimes ou des femmes témoins de discrimination rémunératoires, quels sont les facteurs qui fondent et articulent le phénomène ? Un regard sur l’analyse de leur point de vue nous semble assez édifiant. Au-delà des différences des perceptions des interviewées, plusieurs points de convergence semblent faire l’unanimité :

• la discrimination rémunératoire, selon les victimes et les témoins ciblés par notre enquête, est engendrée avant tout par les appréciations négatives des employeurs sur le travail de la femme. Elle est en grande partie liée à la culture masculine et à la mentalité des employeurs pour qui le travail des femmes est plus complémentaire que vital. Certains continuent de voir dans le salaire de la femme un complément de revenu sans plus faisant fi au phénomène des femmes « chef de ménage ».

• Selon certaines autres interviewées, c’est par habitude ou par excès de conformisme que certains employeurs, estiment qu’à travail égal, les femmes et les hommes ne peuvent pas avoir les mêmes salaires. Le cas des ouvrières saisonnières agricoles est assez typique et illustratif de ce cas de figure. La persistance de l’écart flagrant des salaires entre les femmes et les hommes dans ce secteur se justifie, selon les témoignages collectés par la tendance personnelle de certains employeurs pour la discrimination. Cependant, il se dégage du même témoignage en encadré un air de désinvolture faisant de la discrimination une affaire d’employeurs et non d’employées. La logique consistant à dire que l’égalité rémunératoire est une affaire d’employeurs et non d’employées invite à revisiter et analyser les rapports hiérarchiques au sein de l’entreprise.

• Les femmes interrogées ont souvent le sentiment d’être victimes de

discrimination rémunératoire parce que leurs employeurs, responsables ou supérieurs hiérarchiques estiment naturel de valoriser plus le travail des

« Ici, les hommes sont plus payés que les femmes depuis toujours,…

le patron fait comme tout le monde…nous on n’a jamais rien

réclamé … c’est lui qui doit nous payer de lui même comme les

hommes »Saisonnière agriculture

« Je crois que l’employeur respecte plus ses employés hommes parce que ce sont des

hommes comme lui ! Avec les femmes il est plus exigeant et plus

coléreux… avec les autres, il est modeste … » employée nettoyage

Page 68: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

68

hommes comparativement à celui des femmes. Tout se passait comme si pour être productifs, les hommes avaient besoins d’être valorisés contrairement à leurs homologues femmes. Deux modes de gestion, deux cultures, deux angles de visions semblent cohabiter dans une même structure dans l’approche de ses employés hommes et femmes. Cette dualité a un impact certain sur les interactions, sur les régulations, sur le vécu et sur la productivité au sein de la structure. La notion de capital humain reste conjuguée au masculin.

• La sous valorisation du travail des femmes par les employeurs hommes est un facteur de discrimination rémunératoire largement relaté par les victimes et les témoins. Selon les propos recueillis, les salariées sont exposées à la discrimination rémunératoire parce qu’elles sont perçues par leurs employeurs comme plus coûteuses et moins productives. Dés lors, ces employeurs offrent aux femmes des salaires plus faibles que ceux des hommes. Nos témoins rapportent que les justificatifs les plus avancés par les employeurs pour expliquer l’attribution de salaire plus faibles pour la femme sont nombreux et variés. Ils s’inscrivent tous dans une vision stéréotypée et rétrograde de l’emploi féminin. Ces employeurs estiment que les femmes sont moins productives et moins disponibles pour le travail à cause de leurs obligations familiales, la grossesse, l’allaitement, le congé de maternité…Le désavantage féminin semble prendre une assise bien ancrée dans ce type de discours …Dans ce même ordre d’idées, nous avons appris que les hommes qui travaillent par exemple dans les pharmacies sont mieux payés que les femmes pour le même travail accompli. Les écarts se justifient simplement par le fait que la présence d’un homme est plus sécurisante faisant que l’avantage masculin prend tous ses privilèges.

• Les salariées qui se déclarent victimes de discrimination rapportent que les employeurs ont, en général tendance à nier l’existence du phénomène pour des raisons d’image de leur entreprise. Rappelons qu’il n’a pas été facile dans le cadre de notre travail

« Les femmes ne sont pas

stables…avec les congés de maternité et des absences à

cause des enfants…mais quand elles travaillent, elles sont

sérieuses » Employeur

« Mes collègues masculins

bénéficiaient de taux d’indemnités bien plus élevés que moi. Mais le problème c’est que mon chef ne veut

rien savoir. Ce n’est pas un sujet dont on peut aisément parler avec les

responsable» employée dans une assurance « Un chef d’entreprise ne dira jamais

qu’il fait de la discrimination dans l’entreprise même si c’est évident

pour tout le monde » Employée

technico commerciale

Page 69: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

69

d’enquêteurs d’interviewer des employeurs qui reconnaissent l’existence de la discrimination rémunératoire à l’égard des femmes au sein de leurs structure. Leur tendance à trouver des justifications mêmes infondées aux anomalies rencontrées n’a d’égal que leur détermination à relooker leur image. C’est dans ce sens, qu’il a été vain de s’appuyer sur leur propos pour délimiter les tenants et les aboutissants de leurs pratiques discriminatoires. La quasi-totalité des employeurs interrogés ont, en général, tendance à nier l’existence du phénomène dans leur secteur d’activité tout en précisant qu’ils ne sont pas concernés par la question. « Il n’y’a pas pour moi une différence de salaire entre les travailleuses et les travailleurs. Les procédures appliquées pour embaucher et payer les gens sont les mêmes pour les femmes et les hommes » affirme un employeur interrogé. Cette posture qui semble être la disposition commune de la majorité des employeurs interrogés, cache l’ampleur du non dit sur la discrimination rémunératoire et ses facteurs dans l’entreprise marocaine.

3. Le vécu de la discrimination rémunératoire : récits et

témoignages Les récits et les témoignages des femmes enquêtées se déclarant victimes de discrimination rémunératoire mettent l’accent sur deux aspects en relation directe avec leur vécu professionnel :

• Le déficit de la reconnaissance des compétences acquises au travail. Les victimes nourrissent souvent le sentiment que leur expérience n’est pas reconnue par l’employeur comparée à celle de leur collègue homme. Ceci se justifie en partie par le fait que le travail de la femme est souvent perçu en référence à la répartition sexuée des tâches. Préparer les repas, faire la vaisselle, assurer le nettoyage ne sont pas reconnus comme des savoirs faire mais comme des gestes voire même des reflexe féminins qui n’exigent pas de compétences particulières. Sur les lieux de travail dans le secteur de la restauration par exemple, cette option agit sur les salaires répondant plus au bon vouloir de l’employeur qu’aux savoirs faire, au rendement et à la productivité de l’employé. Il en ressort que la recherche de la consolidation des savoirs et le travail sur l’amélioration des savoirs faire se voit altéré.

Page 70: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

70

• La dévalorisation de l’effort consenti par l’employée de la part de l’employeur. Cette réalité a été pointée par les victimes par rapport aux employeurs qui trouvent normal et naturel qu’un homme soit mieux payé qu’une femme. Il importe de noter que la valorisation peut prendre dans ce cadre diverses formes, passant de simples paroles de reconnaissance avouée à une revalorisation de la rémunération. Des propos des interviewées, il ressort que les femmes généralement ne sont pas exigeantes en termes de salaires mais sont sensibles aux comportements de l’employeur. Certaines employées ont avancé que pour elles, la « kalima tayyiba » de l’employeur comptait plus pour elle qu’une revue à la hausse du salaire.

Par ailleurs, pour la plupart des victimes interviewées, la discrimination rémunératoire est souvent synonyme, d’éviction et de confiscation injustement pratiquée par les employeurs dans des situations variées et très diverses :

• Lors de la grossesse et de l’accouchement : certaines interviewées, au même titre que certains témoins, ont fréquemment fait référence aux discriminations subites par les femmes au moment de leur grossesse et maternité. Les implications signalées de cette discrimination sur la rémunération concernent : les primes et les opportunités de promotion. Comme indiqué dans l’encadré, le départ en congé de maternité peut être une occasion pour l’employeur de remplacer ou

« J’ai senti la discrimination lorsque j’ai annoncé à mon employeur que

j’étais enceinte…Pendant ma grossesse, son comportement envers moi a commencé à changer. Il a embauché un

jeune qui n’avait pas la même expérience que moi dans le secteur et il

l’a affecté dans mon service Et pendant mon congé de maternité, j’ai appris que

ce nouveau recru a été promu à ma place avec un salaire meilleur » Cadre dans une société de communication

« Je travaille depuis longtemps dans cette société que j’ai intégré au même moment que mon collègue. Nous avons intégré quasiment le

même poste au même moment. Aujourd’hui, je m’aperçois que son salaire est supérieur au

mien. Pourtant, lorsque j’étais embauchée, mon expérience dans le secteur a été supérieure à la sienne » cadre industrie

d’agroalimentaire « Je travaille dans la restauration depuis

bientôt 5 ans,…. Je vous assure que je ne ménage pas mes efforts pour réaliser tout le travail à faire. Parfois, je reste tard au-delà des

heures de travail, selon les clients ! Le problème c’est que mon collègue qui ne fait

que servir les clients gagne plus que moi. Moi, je sers les clients et en même temps, je donne un coup de main à la cuisine ! Une fois j'ai

demandé au directeur pourquoi je n’avais pas le même salaire que mon coéquipier, il m'a tout

simplement dit « parce qu’il travaille mieux

que toi » Salariée dans la restauration

Page 71: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

71

d’intégrer de nouveaux recrus qui finissent par « décrocher » un meilleur positionnement dans l’entreprise. Dans ce contexte, le sentiment de sécurité dans l’emploi, qui est un droit élémentaire, est compromis. Le congé de maternité peut ainsi être vécu par certaines employées dans l’inquiétude et la peur des surprises affligeantes à la reprise du travail.

• A titre informatif, une autre forme de discrimination a été également signalée de manière amalgamée. Elle concerne la discrimination à l’embauche /recrutement : les employées interviewées n’hésitent pas à relater des situations de discrimination subite lors de la recherche d’un emploi. Il est bien évident que le discours des interviewées fait un amalgame entre la discrimination de rémunération et la discrimination à l’embauche. Cet amalgame est assez révélateur de la faible perception des employées du phénomène. Toutefois, les répercussions des discriminations subites à l’embauche par les ouvrières sont évidentes sur le plan de leur accès à l’emploi et à la rémunération comme il ressort de témoignage ci-à-côté.

• Parler de gestion de la carrière est

un discours encore en ébauche chez les employées. En effet, ces dernières abordent très peu leur carrière et se cantonnent dans un discours où la stabilité dans l’emploi prime sur les autres challenges. Rares ont été celles qui portaient des propos anticipateurs révélateurs d’une quelconque projection professionnelle dans l’avenir. Souvent, leurs récits sur la discrimination rémunératoire vécue au travail, les ramène à focaliser systématiquement sur les craintes d’instabilité. Pour certaines, la gestion de la carrière est appréhendée en termes d’opportunisme dégradant. La recherche d’un quelconque

«J’étais à la recherche d’un emploi.

J’avais besoin de travailler et d’avoir un salaire pour aider ma famille …

En fin de compte, j’ai trouvé un travail en tant que serveuse dans un café. Je n’ai travaillé dans ce café

que quelques jours parce que le patron a préféré embaucher un

garçon à ma place. Il m’a dit qu’il ne peut pas me garder parce que je suis une fille » Employée restauration

«Je suis personnellement confronté à ce problème. je trouve absurde et indigne qu’au Maroc de 21 siècles, une femme ne

puisse pas être promue par ses supérieurs tout comme l’homme. De toute façon,

toutes les femmes sont touchées par ce problème. Il n’y’a qu’à voir qui dans nos entreprises et administrations occupent les

postes de direction et profitent des bons salaires, des primes, des voitures de

services…» cadre dans usine de textile « Moi je cherche juste à rester tranquille dans mon boulot, celui qui veut une

promotion ou autre, qu’Allah vienne à son aide !...l’année dernière, une collègue à

moi a usé de tous les moyens pour occuper le poste d’administratrice financière…enfin de compte le patron a placé son beau fils !

Sa réputation est restée bien sale… » Secrétaire de direction

Page 72: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

72

repositionnement dans le travail ou encore l’amélioration de son statut, via une recherche de promotion à un poste supérieur, sont mal perçues. Le discours sur les stratégies malsaines déployées dans le cadre de l’entreprise pour faire carrière est récurrent. Tout se passait comme si ce droit était naturellement masculin et que le fait de travailler pour une femme n’impliquait pas forcément la dissociation entre l’emploi et la carrière. Dans la réalité, pour les employées se trouvant en bas d’échelle, la notion de carrière est encore furtivement abordée.

Recommandations Conformément aux objectifs de cette étude et au regard de sa portée opérationnelle, l’élaboration des recommandations est également cadrée par la réalité confirmée par le terrain préconisant que la problématique de la discrimination rémunératoire est nouvelle pour les acteurs surtout ceux endogènes de l’entreprise. Elles émanent aussi bien de l’analyse des éléments recueillis de la documentation que de l’analyse du discours des entretiens réalisés sur le terrain. Plusieurs de ces recommandations ont émergé spontanément de la part des acteurs et intervenants interviewés conscients de l’impérativité de la lutte contre toute forme de discrimination sur les lieux de travail. Certaines de ces recommandations ont un caractère ponctuel, d’autres un caractère plus stratégique. Ces recommandations ciblent 4 catégories qui sont parties prenantes de manière directe ou indirecte du monde de l’emploi, à savoir : i) le ministère de tutelle, ii) le corps des inspecteurs du travail, iii) les employeurs, iv) les associations de droits humains et des droits des femmes. Elles puisent dans trois sources capitales :

• Les entretiens et focus groups organisés avec les différents acteurs

• La documentation sur le phénomène de la discrimination rémunératoire

• Les expériences des pays ayant déjà agi en faveur de l’égalité dans

le monde de l’emploi en général et sur celle de l’égalité en matière de rémunérations en particulier et les leçons tirées de leur action.

Page 73: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

73

Pour le ministère de tutelle

1. Elaborer une étude base-line sectorielle nationale sur la discrimination rémunératoire

2. Échafauder une banque de données gendérisées sur la discrimination en matière de rémunération ;

3. Soumettre l’article 346 du code du travail à une revisite conceptuelle et en termes de formulation en vue de plus clarification du dit article, et ce en impliquant les professionnels tels que les inspecteurs de travail et les personnes ressources ;

4. Procéder à l’organisation de tables rondes et de séminaires à portée multidisciplinaire, en partenariat avec les universités pour construire, clarifier et délimiter de manière appropriée le concept de discrimination aux réalités des entreprises ;

5. Procéder à l’organisation d’ateliers de sensibilisation et de conscientisation sur le phénomène de discrimination ciblant les inspecteurs de travails, les acteurs syndicaux et les autres acteurs de terrain

6. Accompagner l’entreprise pour sa mise à niveau en matière d’égalité entre les genres et de promotion de non discrimination

7. Sensibiliser les syndicats sur la pratique de la discrimination rémunératoire dans une perspective préventive et palliative

8. Travailler en étroite collaboration avec le ministère de la communication et avec les annonceurs pour diffuser un message en faveur de plus d’égalité dans le travail entre les hommes et les femmes

9. Mettre en place un site Web sur l’égalité sur les lieux de travail incluant en plus des données quantitatives et qualitatives disponibles, les résultats de cette étude

10. Procéder à la diffusion des résultats de cette étude auprès des acteurs institutionnels et associatifs concernés

Page 74: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

74

11. Procéder à l’élaboration d’un guide simplifié sur la pratique, ses tenants, ses aboutissants et ses implications sur l’entreprise

12. Elaborer une stratégie de lutte contre les formes de discrimination sur les lieux de travail, dont la discrimination rémunératoire

Pour le corps des inspecteurs du travail

1. Elaborer des outils ou une boite à outils d’identification, de suivi et d’évaluation de la pratique de discrimination au sein des structures employeuses

2. Organiser des ateliers internes de formations sur le concept et la pratique de la discrimination rémunératoire

3. Organiser des ateliers internes de formation sur la CEDAW, le genre, l’égalité dans le travail…

4. Intégrer la dimension de discrimination rémunératoire dans la pratique quotidienne de leur mission en vue de construire une banque de données basées sur l’expérience du terrain

5. Travailler en collaboration avec les inspecteurs de la CNSS pour une plus grande prise en compte de la pratique de la discrimination rémunératoire

6. Sensibiliser, lors des missions de terrain les employeurs, sur la pratique de la discrimination, ses retombées et son coût sur la compétitivité de l’entreprise

7. Dédier chaque année un titre honorifique à l’entreprise citoyenne la plus égalitaire

Pour les employeurs

1. Procéder à une plus grande prise en compte de l’article 346 du code du travail

2. Traduire le principe de la non discrimination en pratique dans la gestion du capital humain de l’entreprise

Page 75: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

75

3. S’associer avec les syndicats dans le travail d’encadrement des employés et faciliter ce travail de renforcement des capacités

4. Mettre en œuvre de mesures destinées à promouvoir l'égalité des chances sur les lieux du travail

5. Mettre en place un système de mesures garantissant la promotion selon les qualités personnelles, l’expérience, les aptitudes et l’application au travail

6. Appuyer les syndicats dans le processus d’encadrement des salariées femmes au sein des structures employeuses pour une plus grande connaissance des droits stipulés dans le code du travail.

Pour les associations de droits humains et des droits des femmes

1. Plaider auprès des bailleurs de fonds en faveur de la mise en place d’un programme destinées à promouvoir les droits sur les lieux de travail

2. Intégrer la dimension des droits économiques et culturels des femmes dans leurs plans d’action

3. Mener un travail de sensibilisation et d’encadrement sur le code du travail ciblant les ouvrières saisonnières et les salariées des usines

4. Organiser des séances de sensibilisation en faveur des travailleuses sur l’égalité

5. Mettre en place une unité de veille interne avec pour mission d’identifier, de suivre et d’accompagner les cas victimes de discrimination sur les lieux de travail

6. Plaider en faveur de la mise en place d’observatoires régionaux de l’égalité

Conclusion A prime abord, il importe de rappeler le caractère qualitatif de cette étude et sa portée investigatrice, analytique et interprétative des données recueillies du terrain. Cet aspect renvoie également à des éléments qui, à titre préalable, se doivent d’être mentionnés dont :

Page 76: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

76

• Le caractère novateur de la problématique de la discrimination rémunératoire. En effet, l’enquête de terrain a confirmé la nouveauté du concept, d’où une grande difficulté à le délimiter et à le cerner. Cette étude se positionne comme un premier maillon dans la chaine des études à mener sur l’égalité entre les genres sur les lieux de travail en général et sur les différentes formes de discrimination affectant les femmes en particulier. Pour les enquêtés, la discrimination rémunératoire s’est réduite à la discrimination salariale plus facile à identifier et à percevoir. Le marché de travail tel que structuré et les conditions de travail des employés dans les secteurs ciblés ne favorise pas d’appréhender es formes de discrimination telles que celles relatives à la formation, aux primes de rendement ou encore aux autres avantages sociaux…

• Sur le plan opérationnel, le passage du concept de discrimination rémunératoire à la pratique de la discrimination n’est pas aisé au regard de la confusion qui couvre la pratique de plusieurs zones d’ombre. Cet état de faits induit une connaissance amalgamée et imprécise où le concept même de l’égalité genre est à construire

• Le recours aux témoignages sur le vécu de la discrimination rémunératoire a été très instructif et édifiant dans la mesure où il nous a éclairés sur d’autres problématiques non moins importantes, telles que la discrimination à l’embauche et au recrutement ou encore la discrimination verbale qui affecte les femmes dans le cadre de l’entreprise. Certains témoignages ont rapporté que le discours tenu par les employeurs envers leurs employés est sexué. Ces aspects ouvrent sur les nouveaux défis du monde du travail et sur les nouveaux challenges à relever, si toutefois la volonté d’inscrire les entreprises dans une culture égalitaire est effective.

• Le travail de terrain a permis également de sortir la problématique de la discrimination des sentiers battus, tant juridique que social. La discrimination économique semble ainsi prendre forme dans le

Page 77: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

77

monde du travail via la discrimination rémunératoire et les aspects différentiels y afférents.

En second lieu, il s’avère que les secteurs qui connaissent le plus de discrimination sont ceux les moins structurés. Par rapport aux secteurs les plus féminisés, il s’agit plus de conditions indécentes de travail, de sous paiement, de non déclaration à la CNSS, de non existence de contrat….le secteur de l’agroalimentaire présente une structuration particulière dans la mesure où il emploie plus une main d’œuvre saisonnière. Dans ce secteur, il s’est avéré que la discrimination est vécue de manière naturelle sans provoquer aucun ressentiment ni aucune revendication. Les employeurs autant que les employées, sont encore dans une culture de l’existant, situation de tout repos pour l’employeur qui ne se sent pas encore interpellé par la pratique du privilège/avantage masculin. Par ailleurs, il s’est révélé que la pratique de la discrimination reste encore occultée de la part des différents acteurs du terrain y compris les employées elles-mêmes. Le discours est encore empreint par une note nihiliste dénotant de l’ampleur du travail qui reste à mener concernant l’ancrage de la culture égalitaire dans le monde du travail. Même les acteurs et les professionnels du terrain estiment que la pratique de la discrimination, même si elle existe reste invisible et donc difficilement palpable et appréhendable. Selon ce même discours, parler de discrimination rémunératoire dans l’entreprise serait fortuit dans la mesure où il s’agit de cas isolés qu’il importe d’analyser pour vraiment confirmer l’existence du phénomène même dans ses prémices. Il est à noter que le monde du travail reste encore insuffisamment investi par le travail de recherche et d’analyse surtout suite aux nouveaux challenges érigés par les nouvelles législations en vigueur. Les propos restent largement confinés dans les problématiques traditionnelles de l’entreprise. Les soucis portent spécialement sur le respect des droits élémentaires stipulés dans le code du travail, telle que la déclaration à la CNSS, le respect du SMIG, le paiement des heures supplémentaires, les conditions de travail…avec ces soucis en toile de fond, parler de discrimination rémunératoire semble plus un luxe qu’un droit. La réflexion sur le manque à gagner et sur les retombées de la discrimination rémunératoire sur la productivité ne sont pas encore à l’ordre du jour. En définitive, il s’avère que la prise de conscience du phénomène est en balbutiement, largement conditionnée par les degrés de connaissance du phénomène. De la part des différents concernés, cette prise de conscience est loin d’être acquise et reste à peine en ébauche faisant ainsi de la

Page 78: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

78

sensibilisation une action stratégique. La prise de conscience exige de la part des différents intervenants, un travail préalable sur la culture de l’égalité des chances selon un cadrage droit. En général, il s’est avéré que les approches préconisées par les acteurs sont multiples mais ont en commun un regard prudent qui laisse sur une note d’inachevé. De même, il s’avère que la vision sexuée du travail est encore de vigueur. Les témoignages recueillis mettent en exergue le désavantage féminin pour faire de la discrimination une pratique « naturelle ». Les employeurs préfèrent se confiner dans la culture de « l’habitus » et de l’usuel sans s’inscrire dans une démarche de réflexion analytique les amenant à plus d’équité. Par les victimes de la discrimination rémunératoire interviewées, le vécu de la pratique est ballotté entre l’indignation et le sentiment d’incapacité d’action. Cependant, les temps ne sont pas encore à la revendication. Loin de s’inscrire dans une approche offensive cadrée par les droits, le ton quant à lui est au défaitisme.

Page 79: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

79

Bibliographie sélective 1. L’enquête nationale sur l’emploi (l’ENE) 2. L’égalité des salaires entre les hommes et les femmes dans le secteur privé marocain, MDSFS et GTZ, 200 3. Stratégie nationale pour l’Égalité et l’Équité entre les sexes par l’intégration de l’approche genre dans les politiques et les programmes de développement, 2006. Avec l’appui de la GTZ. 4. Diagnostic sur l’état de l’équité/égalité dans le secteur de l’emploi, de la formation professionnelle et de la protection sociale, Juin 2010, FAES, ACDI, UNFEM et MEFP 5- Rapport sur l’écart salarial dans le cadre de l’UE : pour 2008 6 - Rapport du GAO 04 35, 2008. Ce rapport a été préparé à partir d'une étude de l'histoire des gains de plus de 9.300 Américains pour les 18 dernières années 7. Statistiques de la CNSS 8- La discrimination salariale entre hommes et femmes au Maroc urbain: une autre dimension de la question gendorielle sur le marché du travail. Les cahiers de l’HCP 2009 9. Enquête de l’économiste sur « les salaires des cadres marocains », 2007 10. Collectif 95 Maghreb Egalité : Résistances et violences à l’égard du travail des femmes au Maghreb. Le cas du Maroc, 11. ADFM (2000) : « Le degré d’adhésion des populations aux valeurs égalitaires» et Rapport de synthèse de l’enquête nationale sur les valeurs, in le Maroc possible, Rapport du Cinquantenaire, Casablanca, Dar Annachr, 2006

Page 80: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

80

ANNEXES

Page 81: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

81

Rapport des focus groups avec les femmes employées

Sites de l’enquête de terrain

Nb FG

Rapport et observations générales et spécifiques

Rabat 1

Présentation : • Le focus group réalisé à Rabat a eu lieu au siège de

l’association leadership féminin. • il a regroupé 7 femmes employées réparties comme suit :

- 1 serveuse (café) - 2 travaillant dans une boulangerie - 2 employées de téléboutiques - 2 employées de société de nettoyage

• Tranché d’âge : 28- 44 ans • Durée de l’animation : 1h10 mn • Déroulement de l’animation : voir guide d’animation Observations : • Difficultés de départ à comprendre l’objet de la rencontre • Bonne implication tout au long de l’animation • Homogénéité des positions et attitudes • Attitude revendicative prononcée sur l’amélioration des

conditions de travail • Les plus jeunes sont plus revendicatives des droits que

leurs ainées • Discours traversée par le sentiment d’impuissance et par

un certain fatalisme Cout : 350 dh (50dh/personne)

Page 82: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

82

NB : prise de conscience de la discrimination rémunératoire au stade zéro

Tanger 2

Présentation fg 1 : • Fg a eu lieu à Dradeb chez une associative • Il a regroupé 6 employées :

- 2 serveuses dans une pizzeria - 1 employée dans un pressing - 1 employée dans une société de nettoyage - 1 employée dans une téléboutique - 1 serveuse dans un restaurant

• Tranche d’âge : 24-41 ans • Durée de l’animation : 1h • Outil d’animation : voir guide en annexe Cout : 300 dh Observations : • Discours centré sur les conditions de travail • Priorité donnée à l’affiliation à la CNSS • Peur de se faire virer du travail et de se voir sans boulot • Le ton est loin de verser dans le principe de l’égalité des

salaires Présentation du FG 3 : • Fg a eu lieu chez une employée à Dar el Baroud • Il a regroupé 6 ouvrières dans l’industrie agroalimentaire

(unité d’exportation des crevettes) : • Tranche d’âge : 22-43 ans • Durée de l’animation : 1h30 mn • Outil d’animation : voir guide en annexe Questions les plus soulevées : • Problèmes des horaires de travail • Problème des conditions de travail • Problèmes de la comptabilisation des heures

supplémentaires • Problèmes du transport • Problème des heures de repos • Problèmes du sous paiement Cout : 300 dh + 70 en divers =370 dh NB : la question de la discrimination rémunératoire n’est pas encore perçue pour être analysée en vue d’amener une prise de conscience. Le problème des conditions de travail prime sur le reste

Page 83: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

83

Rapport de focus group réalisé avec les inspecteurs du travail

Fès 1

Présentation du FG 4 : • Fg a eu lieu chez une syndicaliste à Ouinat al hajjaj • Il a regroupé 5 ouvrières dans le textile : • Tranche d’âge : 29-51 ans • Durée de l’animation : 1h • Outil d’animation : voir guide en annexe Eléments soulevés : • Problèmes du transport • Problèmes du sous paiement • Problèmes de la comptabilisation des heures

supplémentaires • Problème des heures de repos • Problème des conditions de travail • Problème de l’insécurité dans l’environnement de travail Cout : 250 dh NB : la question de la discrimination rémunératoire n’est pas encore perçu pour être analysé et amener une prise de conscience

Total 4 Cout total des fg : 1270 dh

Sites de l’enquête de terrain

Nb FG

Rapport et observations générales et spécifiques

Rabat

Présentation : • Le focus group a été réalisé à Rabat au siège du Ministère

de l’emploi • Durée de l’animation : 1h30 mn • Déroulement de l’animation : voir guide d’animation • Bonne implication tout au long de l’animation des

inspecteurs de travail

Page 84: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

84

Présentation des cas

1er cas : Présentation Statut : cadre dans une boite de communication Age : 37 ans Diplôme : master professionnel

1

Observations et principaux constats • Fortes variations des postions et des attitudes de

inspecteurs de travail à propos de la délimitation du concept de « discrimination rémunératoire »

• Certains inspecteurs estiment que le problème est rare et qu’il s’agit le plus souvent que de « cas isolés » alors que d’autres considèrent qu’il est assez répandu dans certains secteur tels que l’agriculture, les services.

• Compréhension ambiguë de la problématique par les inspecteurs du travail à cause de l’absence d’une définition opérationnelle de la question sur le plan juridique et réglementaire

• Difficulté fortement ressenties par les inspecteurs de travail pour jouer leur rôle de contrôle et d’inspection sur le phénomène.

• Le vide juridique et la sous notification par les femmes travailleuses sont les principaux obstacles qui rendent la détection et le contrôle des situations de discrimination de salaire assez problématiques

• Nécessité de réglementer, clairement, l'intervention de l'inspecteur du travail et le doter de moyens juridiques pour réussir l’ensemble de ses missions y compris celles relatives à l’inspection des situations de discrimination de rémunération

• Nécessité de mettre en place un plan de formation sur la question ciblant le corps des inspecteurs du travail

Page 85: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

85

Lieu de travail : Rabat Ancienneté dans la boite : 4 ans Expérience professionnelle : 9ans Situation familiale : mariée Nombre d’enfants : 1 Objectif : monter sa propre boite de communication Historique : 2000 : diplôme en communication (Montpellier) et mariage 2002 : Premier travail dans un projet de développement en tant que chargée de communication 2007 : consultante junior dans la présente boite de communication 2008 : 1er enfant Vécu de la discrimination :

• Après une année d’exercice, elle apprend que son salaire est inférieur de 10% à celui de son collègue avec lequel elle travaille en binôme qui : i) a été recruté un mois après elle, ii) a le même diplôme mais provenant du canada, iii) qui est de 4 ans plus jeune, iv) qui a travaillé avant comme cadre administratif dans une entreprise

• Elle remarque :i) que son binôme est plus souvent chargé qu’elle pour présenter le travail réalisé ensemble aux clients alors qu’ils ont les mêmes diplômes et les mêmes compétences avec une plus value d’ancienneté à son actif , ii) que le manager le félicite souvent pour ses prestations, iii) que le manager le charge de briefer sa collègue pour les nouveaux projets de la boite, iv) que dans son contrat, il y a une close qui stipule que sur chaque projet réalisé, il bénéficie d’une récompense sous forme de prime…

• Elle constate également que depuis qu’elle a eu son enfant, l’attitude de son patron a changé. Il s’adresse plus à son collègue qu’à elle sous prétexte qu’elle n’est plus disponible comme avant. Il lui fait des remarques sur son indisponibilité à rester plus longtemps au bureau…

Page 86: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

86

• Au bout de deux années de travail en binôme, son collègue a été promu à la tète de l’équipe avec pleins d’avantages : frais de déplacements, salaire revu et plus élevé.

Le ressenti : • Amertume, démotivation, inhibition,

• Malaise relationnel au sein du travail

• Rapport plus tendu avec les collègues

• Sentiment d’injustice

Réactions : • Recherche en cours d’un nouveau travail

• Refus de parler des ces problèmes à la direction avant de trouver un nouveau boulot

• Ne sait pas ce qu’il faut faire dans ces cas là

Second cas :

Présentation de cas : Statut : technicien Textile Age : 31 ans Diplôme : Bac + diplôme de formation professionnelle Lieu de travail : Casa Ancienneté dans la société de confection : 3 ans Expérience professionnelle : 7 ans Situation familiale : célibataire Historique : 2003 : Obtention de diplôme de technicien 2004 : Premier travail dans une société de confection que le centre de formation professionnelle lui a indiqué 2005-2011 : Travail dans 3 sociétés différentes. Elle a arrêté le travail plusieurs fois pour des périodes allant jusqu’à 3 mois

Page 87: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

87

Vécu de la discrimination : � Elle estime qu’elle a été victime de discrimination parce qu’elle a

travaillé pendant 3 ans dans la même société sans avoir une promotion et un salaire meilleur. L’employeur a décidé de confier la responsabilité à un homme moins expérimenté et moins ancien qu’elle.

� Depuis qu’elle travaille dans le secteur de la confection, elle n’a pas cessé de changer de société parce que les conditions étaient souvent difficiles (horaires supplémentaires non payés par exemple…) et les salaires pas à la hauteur de ses attentes.

� Elle considère qu’elle a été lésée dans son travail juste parce qu’elle est une femme. Elle a travaillé dur et son employeur l’a poussé à travailler jusqu’à ses limites pour maintenir le rythme de la production. Mais en fin de compte, il a privilégié de promouvoir un homme et de valoriser son salaire.

� Elle est indignée parce qu’elle estime que dans le secteur de textile, les femmes qualifiées travaillent plus que les hommes et sont plus qualifiées, mais lorsqu’il s’agit de promotion à pour exercer des responsabilités offrant l’opportunité d’augmentation de salaire, ce sont les hommes qui sont privilégiés parce que les employeurs estiment que les hommes ont plus d’autorité sur les ouvrières et peuvent ainsi se débrouiller mieux que les femmes devant les problèmes. elle est animée par un sentiment d’injustice et de l’amertume

Réaction

- Cherche une nouvelle société pouvant lui offrir de nouvelles

perspectives

- Ne cherche pas à se plaindre auprès de qui que ce soit car pour elle

personne ne pourra lui rendre justice

- Cherche plutôt à améliorer ses conditions de travail et sa situation

financière qu’a se perdre dans des réclamations qui selon elle ne vont

pas aboutir

Page 88: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

88

Guide de focus group avec les femmes employées

CAP sur le phénomène de la discrimination de rémunération chez les

femmes travailleuses

Introduction :

- Présentation de l’objet de la consultation

- Présentation des attentes de focus group

Axe 1 : Connaissances et perceptions des femmes employées du

problème de la « discrimination rémunératoire »

Page 89: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

89

1. En tant que femmes, quels sont les principaux problèmes que

vous rencontrez dans votre travail ?

2. Pouvez-vous nous parler de vos problèmes au travail relatifs au

salaire, à la rémunération ?

3. Avez-vous déjà eu le sentiment d’être victime de discrimination

de rémunération ?

4. Sinon, connaissez-vous des femmes qui ont été confrontées à ce

problème ? pouvez-vous nous en parler ?

5. Que signifie pour vous « discrimination rémunératoire » ?

6. A votre avis, ce problème est assez répandu ou non ? pouvez

vous expliquer comment cela et pourquoi ?

7. Quels sont à votre avis les facteurs qui sont à l’origine de la

discrimination rémunératoire

Axe 2 : Attitudes et pratiques des femmes travailleuses envers le

phénomène de discrimination rémunératoire dans l’entreprise

8. De manière générale, que font les femmes travailleuses

lorsqu’elles sont confrontées à des problèmes au travail ?

9. Vous est-il arrivé de recourir à vos supérieurs ou autres pour

parler de problèmes de travail ? dans quels cas ?

10. D’après vous, comment les femmes réagissent-elles lorsqu’elles

considèrent qu’elles sont victimes de discrimination de

rémunération?

11. Avez-vous déjà été témoin de cas de

discrimination rémunératoires ?où ? dans quelles

circonstances ? pouvez-vous nous en parler ?

Page 90: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

90

12. Si un jour vous être victime d’une discrimination

rémunératoire, que feriez-vous ?

13. quelles sont d’après vous les procédures à suivre généralement

en cas de discrimination de rémunération ?

Guide inspecteur de travail

Guide de focus group avec les inspecteurs de travail

Introduction : - Présentation de l’équipe de consultation - Présentation de l’objet de la consultation - Présentation des attentes de focus group

Axe 1 : corps des inspecteurs de travail et la problématique de la discrimination rémunératoire: état des connaissances

1. En tant que professionnel du secteur de l’emploi, quels sont les problèmes les plus relevés dans le monde de l’entreprise concernant les femmes ? Pouvez-vous nous en parler ?

2. Que signifie pour vous « discrimination rémunératoire » ?

3. A votre avis, quel est l’état de prise de conscience du phénomène dans l’entreprise ?par les employeurEs ? les employées ?

4. De manière générale, quelles appréciations portez-vous sur le phénomène de la discrimination rémunératoire dans l’entreprise ?

5. Au regard de votre cumul et expérience, quelle serait à votre avis l’ampleur de ce phénomène dans le secteur privé ?

6. Pensez-vous que le problème de la discrimination rémunératoire est assez présent dans le cadre de nos entreprises ? comment cela et pourquoi ?

7. Quels sont à votre avis les secteurs les plus touchés ? Pourquoi selon vous?

Page 91: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

91

8. D’après vous, comment les femmes réagissent-elles habituellement lorsqu’elles sont victimes de discrimination de rémunération?

9. Vous est il arrivé d’être avisés ou contacté pour un problème de discrimination rémunératoire ? pouvez-vous partager avec nous ?

10. A votre avis, la prise de conscience du phénomène de la discrimination rémunératoire dans le corps de l’inspection du travail est-elle suffisamment développée ? pourquoi ?

11. Lors de l’exercice de votre mission, la discrimination rémunératoire fait- elle partie des choses à considérer, tout comme le harcèlement sexuel ou les infractions en milieu de travail….?

Axe 2 : Attitudes du corps des inspecteurs de travail envers le phénomène de discrimination rémunératoire dans l’entreprise

12. Tout au long de l’exercice de vos missions, avez-vous pris connaissance de cas de discrimination rémunératoire ?où ? dans quelles circonstances ? pouvez-vous nous en parler ?

13. Avez-vous déjà relevé ou constaté lors de l’exercice de votre mission des cas de femmes victimes de discrimination de rémunération? Où ? et comment ?

14. Quelle a été votre réaction ? quel suivi avez-vous assuré ? quelles sont les procédures à suivre généralement dans ces cas ?

15. Par rapport aux employeurs, comment réagissent-ils généralement si des cas pareils sont notifiés dans leur entreprise?

16. Est-ce que vous avez le sentiment de vous acquitter convenablement de votre rôle, missions d’application de la législation de travail face aux cas de discrimination rémunératoire? Comment ? Pourquoi ?

17. Comment vous agissez quant vous constatez au sein de l’entreprise une infraction de la législation de travail relative à la discrimination rémunératoire ?

18. Comment évaluez- vous la portée de vos actions dans ce domaine ? Sont- elles pertinentes ? Pourquoi ?

Page 92: L’étude sur la discrimination à l’égard des femmes en ... · et de l’égalité entre les sexes…illustrent les efforts consentis à cet effet. Désormais, ils constituent

92

19. Quelles sont les limites de votre action sur les plans législatif, administratif et décisionnel ?

20. Quels sont les problèmes rencontrés lorsque vous cherchez à lutter contre la discrimination rémunératoire selon la législation en vigueur ?

Axe 3 : Perspectives et propositions des inspecteurs de travail pour lutter contre la discrimination rémunératoire dans l’entreprise

21. Quelles sont à votre avis les actions indispensables pour lutter contre la discrimination rémunératoire ? préalables ? préventives ? d‘appoint ?

22. Quelles seraient vos propositions pour augmenter la prise de conscience du phénomène par les différents acteurs : corps des inspecteurs ? employeurs ? employées ? syndicats ? …

23. Quelles seraient les mesures adéquates pour améliorer la lutte contre ce phénomène ? sur le plan législatif ? administratif ? renforcement des capacités ? informationnel ? ….

24. Quelles sont vos propositions pour consolider l’action des inspecteurs de travail dans la lutte contre la discrimination rémunératoire ?

25. Pensez vous que vous êtes suffisamment outillés pour mener à bien la mission de lutte contre la discrimination salariale ? Sinon, pourquoi ?

26. Quelles sont à votre avis les activités à développer le plus pour lutter contre la discrimination rémunératoire au sein des entreprises ?