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Sommaire EDITORIAL 2 Christophe Foultier L’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE : 4 UN OUTIL TECHNIQUE AU SERVICE D’UNE « MISE EN MOUVEMENT » DES POPULATIONS DÉFAVORISÉES Julien Rémy EVALUATION PROSPECTIVE DE LA DÉMARCHE 19 D’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE DANS LE RÉSEAU COMPAGNONS BÂTISSEURS Christophe Foultier et Julien Rémy ABSTRACTS 78 ACTUALITÉ DE FORS-RECHERCHE SOCIALE 79 JUILLET-SEPTEMBRE ÉTÉ 2007 SOCIALE RECHERCHE L’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE Une philosophie d’intervention à la croisée de l’action sociale et de l’amélioration de l’habitat 183

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Sommaire

EDITORIAL 2

Christophe Foultier

L’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE : 4UN OUTIL TECHNIQUE AU SERVICE

D’UNE « MISE EN MOUVEMENT »DES POPULATIONS DÉFAVORISÉES

Julien Rémy

EVALUATION PROSPECTIVE DE LA DÉMARCHE 19D’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE

DANS LE RÉSEAU COMPAGNONS BÂTISSEURS

Christophe Foultier et Julien Rémy

ABSTRACTS 78

ACTUALITÉ DE FORS-RECHERCHE SOCIALE 79

JUILLET-SEPTEMBREÉTÉ 2007 SOCIALE

RECHERCHE

L’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉEUne philosophie d’intervention à la croisée de l’action sociale et de l’amélioration de l’habitat

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EDITORIAL

Cette nouvelle livraison de notre revue fait écho au numéro paru au prin-temps 20061 concernant les interventions menées dans le cadre des situationsextrêmes de mal-logement. Dans un contexte où les associations ne cessentde dénoncer une dégradation constante des conditions de logement et unedifficulté accrue pour mettre en place des réponses adaptées en faveur desménages les plus défavorisés, il semblait alors intéressant de remettre en pers-pective le travail expérimental réalisé par quelques associations pour enca-drer des ménages dans le cadre d’un projet visant – selon les cas – l’auto-entretien, l’auto-réhabilitation ou l’auto-construction d’un logement.

L’évaluation réalisée par FORS-Recherche sociale au printemps 2007 pourl’Association Nationale des Compagnons Bâtisseurs est aujourd’hui l’occa-sion de mettre en lumière un domaine d’intervention encore largementméconnu. Ce nouveau numéro, consacré à l’auto-réhabilitation accompa-gnée, contribue notamment à valoriser – en accord avec les CompagnonsBâtisseurs – des modes opératoires innovants en matière d’insertion par lelogement.

Le premier texte que nous proposons permet de définir les vocations pre-mières des opérations d’auto-réhabilitation accompagnée au-delà des modesd’intervention spécifiques déployés par chaque opérateur. D’aucuns considè-rent aujourd’hui que ce type d’opération constitue « le dernier rempart » de lalutte contre le mal-logement. Dans son article, Julien Rémy montre en quoil’auto-réhabilitation accompagnée constitue une réponse adaptée pour unpublic qui cumule de multiples handicaps (social, professionnel, financier,familial, etc.).

Le deuxième article proposé rend compte des méthodes et des démarchesportées par « le réseau » national des Compagnons Bâtisseurs. Pour l’associa-tion, l’encadrement dispensé n’a pas qu’une vocation technique ou finan-cière. La redynamisation d’un ménage dans un projet nécessite la mise enplace d’une démarche hybride qui mobilise autant des compétences tech-niques qu’un savoir-faire pédagogique ou des connaissances dans ledomaine de l’action sociale. Pour répondre à la diversité des besoins, lesCompagnons Bâtisseurs proposent une palette d’interventions adaptée auxterritoires ruraux et aux espaces urbains denses, au logement privé ou au parcde logement social. Nous verrons que cette capacité à répondre à des problé-

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1 « Intervenir sur les situations extrêmes de mal-logement : éclairages sur des situations spécifiqueset sur des initiatives remarquables », Recherche sociale n°178, avril-juin 2006.

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matiques territoriales diversifiées nécessite la mise en place d’une véritableingénierie de projet.

Malgré la mise en place de nouvelles aides par l’ANAH en janvier 2006, lesporteurs de projet restent confrontés à de nombreux écueils pour mener àbien ce type d’opération. Dans ce contexte, les articles proposés rappellentque les démarches d’auto-réhabilitation accompagnée interpellent fortementla maîtrise d’ouvrage publique et les partenaires opérationnels qui œuvrentdans le champ du mal-logement. L’action des Compagnons Bâtisseursdémontre que l’accompagnement dispensé est alors un moyen de décloison-ner les interventions menées traditionnellement dans le domaine de l’actionsociale. Ce type d’expérience contribue en cela à renouveler les pratiquesprofessionnelles en matière d’insertion par le logement.

Christophe Foultier

Editorial

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L’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE : UN OUTIL TECHNIQUE AU SERVICE D’UNE « MISE EN MOUVEMENT »DES POPULATIONS DÉFAVORISÉES

Julien Rémy

Avertissement : le propos de l’article suivant n’est pas de livrer la « doctrinede l’auto-réhabilitation accompagnée » en lieu et place des associationsqui la pratiquent. Ces dernières ont chacune développé leur propre philoso-phie d’intervention, sur laquelle il ne nous appartient pas de trancher. Il s’agitplutôt ici de montrer les spécificités de ce mode d’intervention et sa difficileinscription dans le cadre des politiques sociales.

L’auto-réhabilitation accompagnée recouvre un ensemble de pratiquesvisant à améliorer le cadre de vie des ménages en réalisant avec eux destravaux dans leur logement. Il conviendra ici de dégager quelques caracté-ristiques communes de ces différentes pratiques, de tenter d’en saisir lecaractère propre, en même temps que d’observer la façon dont les opéra-teurs de ces actions se positionnent dans le champ de l’intervention socialeen général.

Il n’y a pas d’observatoire centralisé permettant de comptabiliser le nombrede chantiers d’auto-réhabilitation réalisés chaque année en France par les dif-férents opérateurs. L’ANAH prévoyait d’en financer 700 en 20061, pour lesseuls propriétaires occupants. Si l’on intègre les actions d’auto-réhabilitationaccompagnée ayant une dimension collective (comme les Ateliers de Quar-tier mis en place par les Compagnons Bâtisseurs), on peut donc estimer à plusde 1000 les chantiers d’auto-réhabilitation réalisés chaque année.

Nous proposerons ici deux lectures de l’auto-réhabilitation accompagnée.La première présente l’action en fonction des problématiques socialesvisées. Cette approche, que l’on peut qualifier de sociotechnique, envisagel’activité d’auto-réhabilitation accompagnée comme un traitement tech-nique et social à destination des mal-logés. Il s’agira notamment de montrerque les deux problématiques « cibles » de l’auto-réhabilitation accompa-gnée – le mal-logement et l’exclusion – sont systématiquement envisagéescomme un « tout », là où les politiques sociales tendent au contraire à les

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1 Circulaire n° 2005-03 du 6 décembre 2005 relative à la programmation de l’action et des crédits del’ANAH en 2006.

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dissocier. Nous verrons toutefois que cette posture, qui permet de dévelop-per des actions au plus près des besoins des ménages, rend plus difficilel’inscription de l’auto-réhabilitation accompagnée dans les politiquespubliques existantes.

La deuxième lecture s’intéresse davantage à la nature des relations produitesau cours des actions mises en place. Selon cette deuxième approche soli-daire1 (ou relationnelle), c’est cette relation qui constitue le cœur même del’auto-réhabilitation. Les opérateurs de l’auto-réhabilitation accompagnéese distinguent des autres acteurs sociaux dans la démarche mise en œuvre.Ils sont en effet moins valorisés pour les compétences mises en œuvre quepour leur capacité à produire des liens sur le mode de l’engagement réci-proque. Dans cette perspective, c’est cet engagement, considéré comme lemoteur de la redynamisation des ménages, qui servira à déclencher desdémarches d’insertion, alors que selon l’approche sociotechnique, c’est ladimension fonctionnelle d’insertion qui est première dans le travail social,et la dimension relationnelle, sans être absente, semble passer au secondplan.

I. PROBLÉMATIQUES SOCIALES VISÉES PAR L’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE ETPOSITIONNEMENT DANS LES DISPOSITIFS PUBLICS

Selon l’approche sociotechnique, les opérateurs proposant des prestationssociales doivent procéder en identifiant les problématiques rencontrées parles publics destinataires, en délimitant des domaines d’intervention corres-pondant à un certain nombre de compétences, puis en mettant en place desréponses adaptées. L’originalité de l’auto-réhabilitation accompagnée estd’offrir une réponse double à un public mal-logé souffrant également de diffi-cultés nécessitant un accompagnement social. Cette double compétencedevrait constituer un atout supplémentaire, et être reconnue en tant que tellepar les partenaires opérationnels et financiers. Un bref rappel des principauxpartenaires et soutiens de l’auto-réhabilitation en France montre en fait qu’iln’en est rien. C’est moins le traitement couplé de différentes problématiquessociales qui fait la valeur des opérateurs auprès des partenaires que lespublics destinataires des actions et leurs effets attendus.

Un outil technique au service de l’insertion

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1 Cette distinction entre approche sociotechnique et approche solidaire s’inspire d’une publication del’UNIOPSS, Accompagnement social et insertion, publié aux Editions Syros en 1995. Cf. notammentla deuxième partie.

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DES PUBLICS CUMULANT DIFFICULTÉS SOCIO-ÉCONOMIQUES ET PROBLÉMATIQUES LIÉES AU LOGEMENTToute intervention sociale doit d’abord définir des publics « cibles » et faireune analyse préalable de leurs besoins. Ce sont les mal-logés qui sont lesprincipaux destinataires des actions d’auto-réhabilitation accompagnée.Mais quel que soit leur statut d’occupation dans le logement, les personnesdont le logement est dégradé ou détérioré sont aussi en proie à des pro-blèmes socio-économiques lourds qui rendent difficile leur autonomie etleur insertion sociale. Historiquement, les premiers destinataires de cesactions ont été des propriétaires occupants, en milieu rural ou urbain, maisles locataires résidant dans les quartiers d’habitat social classés en Politiquede la Ville sont aujourd’hui de plus en plus visés. Selon le type de logementhabité et les trajectoires sociales des personnes, ces difficultés peuvent avoirdifférents degrés de gravité.

Certains propriétaires, résidant pour la plupart en milieu rural, vivent dansdes maisons insalubres, délabrées, ou plus simplement inconfortables, etn’ont pas les capacités physiques ou financières d’entreprendre de réhabilitereux-mêmes leur logement. Ces problèmes peuvent concerner la structuremême du bâti (fondations, murs, toiture…), avoir trait à l’inconfort du loge-ment (absence de toilettes, manque d’espace pour les enfants…) ou encore àdes situations juridiques compliquées (héritage non formalisé, absence depermis de construire…). Ces propriétaires vivent par ailleurs des difficultésfinancières qui peuvent avoir différentes causes : il peut s’agir de jeunescouples ayant récemment accédé à la propriété mais pour lesquels le projetimmobilier a été surdimensionné et qui ont du mal à s’acquitter des traitesmensuelles de leur crédit, ou encore de propriétaires ayant hérité d’uneexploitation agricole à l’entretien coûteux. Pour ces derniers, s’ajoutent dessituations d’isolement qui rendent difficile le recours à la solidarité familialeou amicale en vue d’une éventuelle réfection du logement.

Concernant la seconde catégorie de ménages, issus du parc social, les pro-blèmes liés au logement sont de moindre ampleur. Les locataires du parcsocial disposent souvent en effet de logements aux normes de confort et desalubrité. Ils peuvent néanmoins avoir d’importants problèmes allant dumanque d’appropriation du logement (absence de décoration, sentiment de « camper » dans son logement…) à un déficit d’entretien du logement quiabouti à sa dégradation progressive. Le sentiment de « ne pas être chez soi »conduit à passer moins de temps dans son logement ou à mettre au secondplan le changement du papier peint ou la réparation d’une porte par exemple.Là encore, à ces problématiques liées au logement, s’ajoutent des difficultéssociales diverses, souvent lourdes. Les personnes ne disposent pas suffisam-ment de ressources pour faire les travaux nécessaires, mais elles souffrentaussi souvent d’un manque de disponibilité « morale » : les problèmes du

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logement viennent se superposer à toute une série d’autres problèmes (rup-tures affectives, troubles psychologiques importants, difficultés à trouver unemploi…) qui suscitent un sentiment d’impuissance. En outre, les quartiersd’habitat social dans lesquels résident ces personnes sont bien souvent affec-tés par une stigmatisation dont souffrent aussi leurs habitants.

Pour chacune de ces deux catégories de publics, on note que les probléma-tiques sociales et celles liées au logement ne sont en réalité pas dissociables.Au contraire, elles sont étroitement mêlées dans le vécu des personnes.Concernant les propriétaires impécunieux par exemple, on peut penser quel’isolement social participe à la situation de mal-logement, et rend plus diffi-cile la réalisation des travaux nécessaires pour rendre le logement conve-nable. Et inversement, un logement décent mettrait sans doute les personnessur la voie d’une resocialisation. De la même façon, il semble difficile decomprendre les mauvaises conditions de logement d’un locataire du parcsocial sans se référer à sa vie familiale, sociale ou professionnelle. Et l’inversepeut là encore être constaté. Ce qu’il est important de relever, c’est l’interdé-pendance de ces deux problématiques, que, précisément, l’auto-réhabilita-tion vise à traiter comme un « tout ». En ce sens, l’auto-réhabilitation accom-pagnée est une intervention sociale « sur-mesure » car elle prévoit à la foisune intervention sur le logement et un accompagnement social du ménage.L’équipe d’intervention doit donc pouvoir mobiliser à la fois les compétencestechniques des professionnels du bâtiment et les compétences des travailleurssociaux, sans pour autant, s’agissant de ces derniers, se substituer à eux. Maisavant de présenter le type d’intervention sociale dont il s’agit, il est nécessairede donner quelques précisions sur le terme même d’auto-réhabilitationaccompagnée.

PRÉCISIONS RELATIVES À LA DÉFINITION DE L’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉEL’auto-construction ne peut être confondue avec l’auto-réhabilitation accom-pagnée. Comme dans l’auto-réhabilitation, le ménage ne s’en remet pas à desprofessionnels du bâtiment et est partie prenante du processus de production.Cependant, l’auto-réhabilitation diffère de l’auto-construction en ce que lapremière suppose l’existence d’un logement (maison ou appartement) surlequel il faut opérer un certain nombre de travaux qui vont de l’embellisse-ment à des travaux d’amélioration plus importants (second œuvre ou grosœuvre), tandis que l’objectif premier de l’auto-construction est justement lacréation d’un logement qui n’existe pas. L’auto-construction est une pratiquequi se développe aussi bien sur un mode « autonome » (le ménage peut utili-ser différentes manières de procéder et différents matériaux, mais construitseul son logement, sans faire intervenir de professionnels) que sous une forme« accompagnée » (qui se rapproche de l’objet de cet article). Mais nous netraiterons ici que de l’auto-réhabilitation accompagnée.

Un outil technique au service de l’insertion

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Auto-réhabilitation « encadrée », « accompagnée » ou encore faisant l’objetd’un « monitorat » : pour certains opérateurs, l’emploi de ces termes n’est pasneutre et fait écho à une distinction quant à l’objet même de l’auto-réhabili-tation :

– L’« encadrement » renvoie à l’idée d’une prestation technique qui permet àdes ménages autonomes, mais ayant des ressources modestes, de procéderpartiellement ou entièrement à des travaux qu’ils n’auraient pas réalisés (oufait réaliser) sinon. Cet encadrement comprend aussi une assistance à la maî-trise d’ouvrage.

-– Le « monitorat » renvoie à l’idée de qualification qui s’exerce sur un « chantier école » réalisé sur son propre logement (ou celui d’un proche),l’objectif de l’insertion vers l’emploi est alors visé.

– L’« accompagnement » (qui fait référence au contenu de l’accompagne-ment social lié au logement) réalisé dans le cadre d’une opération « trèssociale » s’adresserait à des publics ayant de graves difficultés et pour quil’auto-réhabilitation constitue un moyen de travailler à leur insertion socialemais aussi à leur autonomie vis-à-vis de la gestion et de l’appropriation deleur logement.

La fonction d’« encadrement » doit être comprise comme la dimension tech-nique de l’« accompagnement ». Cet « encadrement technique » est, en effet,toujours nécessaire mais dans certains cas non suffisant dans la mesure où lesmodalités de la mise en œuvre du chantier nécessitent, pour certaines situa-tions, un suivi plus qualitatif : social, psychologique, etc.

Ces quelques précisions permettent de donner une brève définition de l’auto-réhabilitation. Elle s’adresse à un public ayant des difficultés socio-écono-miques et a pour visée une redynamisation du ménage via sa participation auchantier, quelle que soit la nature de celle-ci. Elle consiste en une interven-tion sur le bâti qui s’effectue en présence d’un technicien ayant aussi unemission d’accompagnement du ménage.

L’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE : UNE INTERVENTION SOCIALE « SUR-MESURE »S’adressant à un public cumulant des problèmes liés au logement et des diffi-cultés sociales et économiques, les opérateurs de l’auto-réhabilitation accom-pagnée développent des actions ayant un double objectif : elles visent nonseulement l’amélioration des conditions de logement avec la participation duménage (auto-réhabilitation) mais aussi à mettre le ménage sur la voie d’unemeilleure insertion sociale (accompagnée). De même que, on l’a vu, ces deuxproblématiques sont vécues comme un « tout » par les personnes, les deuxdimensions de l’action d’auto-réhabilitation accompagnée sont égalementétroitement liées. L’une des plus-value de ce type d’intervention sociale est

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bien de considérer et de traiter « ensemble » des problématiques qui sonthabituellement dissociées par les politiques publiques.

Lorsqu’on évoque l’auto-réhabilitation accompagnée, une autre activité fami-lière à bon nombre de Français vient immédiatement à l’esprit : le bricolage.Mais il faut alors d’emblée noter que le rapprochement de ces deux notionsne peut avoir qu’une visée pédagogique. Le mot « bricolage » évoque des tra-vaux réalisés dans une ambiance plaisante et renvoie certes à une réalitévécue aussi bien par les acteurs de l’auto-réhabilitation que par les ménagesbénéficiaires. Mais il peut également avoir une connotation péjorative etsignifier un travail qui se fait « à tâtons », sans grande connaissance tech-nique. Au contraire, l’auto-réhabilitation accompagnée revêt systématique-ment une forte technicité, et les intervenants des actions sont toujours desprofessionnels du bâtiment. C’est d’abord la nature du chantier et ses finan-ceurs potentiels qui obligent à un niveau important de technicité. La chose estévidente lorsqu’on rappelle que des travaux de gros œuvre peuvent être réa-lisés dans le cadre d’une opération d’auto-réhabilitation. Les opérateurs doi-vent donc nécessairement avoir des compétences techniques leur permettantde mener à bien les travaux prévus dans le projet. Sur ce type de chantiers, lesgaranties techniques exigées par les financeurs sont comparables à celles quisont demandées à n’importe quelle entreprise du bâtiment. Pour les représen-tants de l’ANAH (Agence Nationale de l’Habitat), par exemple, l’auto-réhabi-litation vise en premier lieu l’amélioration de l’habitat laquelle doit être réelleet réalisée de façon professionnelle. La question est donc de s’assurer descompétences des associations pour l’encadrement des chantiers et la bonneexécution des travaux.

La mise en application de ces compétences techniques commence dès ladéfinition du projet avec le ménage, puis, plus en aval, au moment d’élaborerle planning du chantier. Les premières tâches techniques des intervenantssont les suivantes : l’aide à la définition des travaux, le choix des matériaux,l’établissement du budget du chantier, le planning du chantier, la définitionde la mission des artisans s’il y en a, etc. Par la suite, bien sûr, l’intervenanttechnique doit aussi s’assurer du bon déroulement du chantier, contrôler lestravaux effectués, transmettre les gestes techniques aux ménages et bénévolesqui participent au chantier, ou encore recadrer techniquement l’équipe miseen place lorsque cela est nécessaire. Les compétences techniques indispen-sables à la mise en place d’un chantier d’auto-réhabilitation sont aussi uneexigence éthique vis-à-vis du ménage destinataire. Ce qui donne aux interve-nants la légitimité pour entrer dans le logement du ménage, ce sont leurscompétences techniques supposées, même si, dans bien des cas, les interven-tions sur le logement sont présentées par les acteurs comme un prétexte pourréaliser l’accompagnement social du ménage.

Dans tous les cas, l’auto-réhabilitation accompagnée revêt donc une fortedimension technique, quelle que soit la nature des travaux envisagés. Mais

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les compétences sociales mobilisées sont tout aussi importantes. Les compé-tences en matière d’accompagnement social sont une demande forte des par-tenaires locaux qui travaillent en étroite collaboration avec les opérateursd’auto-réhabilitation accompagnée. Le repérage des ménages destinatairesdes actions d’auto-réhabilitation accompagnée est le plus souvent effectuépar les travailleurs sociaux des collectivités territoriales. Or, les préoccupa-tions de ces derniers sont sociales avant d’être techniques. Bien souvent, eneffet, ce qui motive l’orientation des ménages vers des opérateurs d’auto-réhabilitation accompagnée, c’est moins l’intervention sur le logement que laredynamisation attendue du ménage, l’espoir que l’action fonctionne commeun tremplin vers l’insertion.

Aussi, d’autres partenaires, dont l’action est davantage centrée sur les pro-blèmes de mal-logement (sorties d’insalubrité, remise en état des logements,etc.) n’en gardent pas moins des préoccupations sociales importantes. Ainsi,certains acteurs de la lutte contre l’insalubrité ont été amené à rédiger unecharte invitant les opérateurs locaux à l’écoute des ménages et à prendregarde que l’encadremant ne prime pas sur la participation des bénéficiaires,moteur de leur « mise en mouvement ». Les tâches relatives à l’accompagne-ment social sont nombreuses : l’accompagnement commence souvent parune évaluation des compétences mobilisables par le ménage. Il inclue aussiune pratique pédagogique et, dans la mesure du possible, un transfert desconnaissances techniques, sans oublier l’entretien des liens auquel doit pro-céder l’accompagnant avec les travailleurs sociaux de secteur (tâche souventattribuée au coordinateur de l’équipe d’intervention lorsqu’un tel poste a étéprévu, etc.).

II. LE DIFFICILE POSITIONNEMENT DE L’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE DANS LES DISPOSITIFS PUBLICSCette brève présentation des diverses compétences techniques et socialesmobilisables par les opérateurs de l’auto-réhabilitation accompagnée montrela double nature de leur intervention. Les tâches accomplies sont à la foistechniques et sociales, sans que, on l’a vu, les unes prennent le pas sur lesautres.

Mais si la double fonction de l’auto-réhabilitation accompagnée correspondaux besoins des ménages, elle s’inscrit parfois difficilement dans le cadredes interventions publiques existantes. Certains partenaires n’intègrent quela dimension technique de l’intervention, tandis que d’autres n’y voientqu’une action sociale qui participera à la resocialisation des ménages. Lespolitiques du logement et de l’habitat apportent un soutien encore timideaux actions d’auto-réhabilitation accompagnée. Alors que dans le même

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temps, d’autres dispositifs, a priori moins directement concernés par l’auto-réhabilitation accompagnée, comme ceux liés à l’insertion ou à la Politiquede la Ville, subventionnent de plus en plus fréquemment les opérateurs. Cessoutiens facilitent grandement la mise en place de ces actions sur un terri-toire. Dans certains cas, ils sont indispensables. Mais ils semblent se basersur une approche réductrice de l’auto-réhabilitation accompagnée, et nepas saisir la complexité de cette démarche qui se veut globale. Il en ressortque la spécificité de l’auto-réhabilitation n’est en fait pas véritablementreconnue.

DANS LE CHAMP DE L’HABITAT ET DU LOGEMENT, DES PORTES SEULEMENT ENTROUVERTES…

Les dispositifs d’intervention publique qui ont été créés dans la période sépa-rant la loi Besson (1990) et la loi relative à la lutte contre les exclusions (1998)ont permis de réaffirmer l’importance du rôle des associations dans le champdu logement et du social. Les opérateurs de l’auto-réhabilitation accompa-gnée auraient pu espérer bénéficier de ce mouvement de légitimation desacteurs associatifs intervenant dans le champ du logement. Mais ils n’ont étéconcernés qu’à la marge et de façon périphérique par cet ensemble de dispo-sitifs (exception faite, peut-être, des Pact-Arim). Plus que les autres acteurs dulogement, ils pâtissent de leur double compétence et de ce fait, difficilementidentifiables, n’entrent dans aucune des « cases » définies par les politiquespubliques.

Les dispositifs publics relatifs au logement des personnes défavorisées nesemblent pas intégrer l’auto-réhabilitation accompagnée comme faisant par-tie de l’éventail des actions mises en place dans le cadre de l’accompagne-ment social lié au logement. Cette catégorie d’action publique pourrait pour-tant correspondre au contenu de l’auto-réhabilitation. C’est d’ailleurs ce typede travail que les bailleurs sociaux attendent des opérateurs lorsqu’ils finan-cent des actions d’auto-réhabilitation intégrant une dimension collective,comme les Ateliers de Quartier. Mais les PDALPD n’intègrent pas (ou troppeu) l’auto-réhabilitation accompagnée dans leur éventail d’outils et les opé-rateurs dont c’est l’action principale sont rarement financés par les FSL. Lesstructures intervenant dans le champ de l’amélioration de l’habitat, commel’ANAH, subventionnent aujourd’hui les opérateurs d’auto-réhabilitationaccompagnée, notamment les chantiers se déroulent en milieu rural, mais teln’a pas toujours été le cas. Le soutien de l’ANAH a été remis en question dansle milieu des années 1990 lorsque deux circulaires1 sont venues donner uncoup d’arrêt aux financements publics en direction des actions d’auto-réhabi-

Un outil technique au service de l’insertion

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1 Circulaires du 31 décembre 1996 et du 13 janvier 1997.

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litation accompagnée : dans le but de lutter contre le travail clandestin, « lestravaux non réalisés par des entreprises ou des artisans » ne pouvait plus êtrefinancés avec la PAH (Prime à l’Amélioration de l’Habitat). Cependant, suiteà la décision du Comité interministériel de lutte contre les exclusions en 2004de réintroduire des aides à l’auto-réhabilitation encadrée, l’octroi de subven-tions de l’ANAH aux travaux réalisés dans la cadre de l’auto-réhabilitationencadrée a de nouveau été possible. Les opérateurs sollicitant l’aide del’ANAH doivent signer une Charte dans laquelle sont définies les conditionsd’attribution de subventions.

LE SOUTIEN CROISSANT DES DISPOSITIFS D’AIDE À LA FAMILLE, D’INSERTION ET LIÉS À LA POLITIQUE DE LA VILLE

Les dispositifs publics visant au renforcement de la cellule familiale et àune resocialisation sont des soutiens réguliers de l’opération d’auto-réhabi-litation accompagnée. C’est ainsi l’impact attendu des chantiers d’auto-réhabilitation sur la cellule familiale qui motive le soutien financier desCAF. Les chantiers sont souvent réalisés en présence des membres de lafamille. L’action peut d’abord avoir des effets dynamisants pour le couple.La participation à la conception d’un projet lié au logement peut être unefaçon de réinstaurer un dialogue là où il n’y en avait plus, de donner unnouveau rôle à la mère au foyer, etc. Parfois aussi, la participation du pèreau chantier est un moyen pour lui de se réinvestir dans la cellule familialeen adoptant une posture valorisante. Enfin, l’auto-réhabilitation peut êtrel’occasion de redéfinir la place des enfants et de réaffirmer le rôle desparents.

Les Conseil généraux figurent aussi parmi les principaux soutiens des opéra-teurs, mais les subventions sont alors prélevées sur les fonds liés à l’insertion.L’une des conditions du soutien financier des départements est la composi-tion du public visé par les opérateurs : celle-ci doit nécessairement incluredes bénéficiaires des minima sociaux. Mais là encore, les effets attendus del’auto-réhabilitation accompagnée entrent en ligne de compte. Pour certains,la participation à un chantier est souvent une façon de remettre le pied àl’étrier le temps de retrouver une activité salariale, pour d’autres, elle peutdéclencher l’engagement dans un parcours d’insertion. Enfin, les actionsmises en place dans des quartiers « sensibles » peuvent entrer dans le cadredes contrats entre l’Etat et les collectivités territoriales au titre de la Politiquede la Ville.

L’auto-réhabilitation accompagnée représente un bon outil pour redynami-ser les quartiers dans lesquels les institutions comptent peu de relais associa-

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tifs et sociaux. Par le biais des Ateliers de Quartier notamment – opérationd’auto-réhabilitation qui intègre une dimension d’entraide entre les habitantsd’un même quartier – elle peut constituer une sorte d’étape préalable à uneprésence institutionnelle plus forte et raviver le tissu des associations deproximité.

DES FINANCEMENTS MULTIPLES QUI TÉMOIGNENT D’UN DÉFICIT DE RECONNAISSANCEOn le voit, les opérateurs d’auto-réhabilitation accompagnée sont peu soute-nus par les dispositifs auxquels on aurait pu spontanément les rattacher (habi-tat et logement). Et par ailleurs, les appuis institutionnels les plus importantssemblent s’appuyer sur une lecture partielle de l’auto-réhabilitation qui n’ensaisit que certains aspects, sans voir que c’est l’adoption d’une approche glo-bale qui, précisément, lui donne toute sa pertinence. L’originalité qui tient àla nature double de l’intervention apparaît davantage comme un obstacle quecomme un atout.

Cherchant à s’inscrire dans les dispositifs publics existants, les opérateurssont obligés de présenter l’auto-réhabilitation accompagnée en insistant tan-tôt sur un aspect de l’action, tantôt sur les territoires de mises en œuvre, tan-tôt encore sur les publics concernés, et sont donc obligés à une sorte de « grand écart » permanent qui brouille leur identité propre, et, au bout ducompte, met à mal le développement de l’activité. Par ailleurs, la pluralitédes financeurs des actions d’auto-réhabilitation accompagnée oblige lesopérateurs à des montages financiers pour le moins complexes, qui viennentaccroître sensiblement le temps passé au montage des dossiers. Précisonstoutefois que dans certains cas, notamment dans des territoires où l’auto-réhabilitation est pratiquée depuis de nombreuses années (et où la culture dela « coordination » est bien ancrée chez les différents acteurs), des conven-tions avec les différents partenaires des opérateurs d’auto-réhabilitationaccompagnée ont été signées afin de pérenniser les partenariats et de rendreles financements moins aléatoires, et surtout, de ne pas faire un montagefinancier pour chaque chantier mais plutôt sur un ensemble d’actions sedéroulant sur un même territoire.

III. LA PRODUCTION D’UNE RELATION PARTICULIÈRELIÉE AU « CONTEXTE » DU CHANTIERCe déficit de reconnaissance doit conduire à développer un autre regard surles chantiers d’auto-réhabilitation accompagnée, centré sur ce qui se produitavec les personnes destinataires pendant le chantier. Un regard qui seconcentre moins sur les champs d’intervention ou les compétences mobili-

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sées, mais davantage sur les finalités de l’action et les relations produites avecles publics. Dans l’auto-réhabilitation en effet, la personne concernée n’estpas considérée comme destinataire d’une prestation sociale, mais commepartie prenante d’une relation avec l’accompagnant et les autres intervenantsde l’action, relation que l’atmosphère particulière du chantier contribue àconstruire. Il convient donc de voir comment l’équipe d’intervention parvientà établir cette relation particulière. L’auto-réhabilitation accompagnée s’arti-cule en deux temps. Le premier est celui du travail avec la matière. A partir del’engagement réciproque entre la personne destinataire et l’intervenant tech-nique, il fait prendre conscience des capacités à faire, au sens manuel duterme. Le second est celui de la socialisation, c’est-à-dire des liens créés avecles différentes personnes ayant participé au chantier, mais aussi celles quisont extérieures. Il produit un enrichissement de l’environnement relationneldu ménage.

LA PARTICIPATION AU CHANTIER : PRENDRE CONSCIENCE DE SES CAPACITÉS À FAIRE

Avant le démarrage du chantier, avant même les premiers contacts avecl’équipe d’intervention, les ménages sont invités à ne pas se considérercomme les simples bénéficiaires d’une action à laquelle ils ne prendraientpas véritablement part. Les travailleurs sociaux qui procèdent aux prescrip-tions informent les ménages sur les principes de l’action, et notamment surleur nécessaire participation au chantier, participation physique et finan-cière. Les ménages doivent ensuite prendre des décisions ayant trait à lamaîtrise d’ouvrage. Cette participation est une condition essentielle del’appropriation du projet par le ménage. Les opérateurs ne conçoivent pasdes travaux qu’ils livreraient au ménage « clé en main », ils s’assurent queceux-ci sont bien compris par eux et, le cas échéant, les modifient en fonc-tion des désirs et des besoins des ménages. Enfin, le ménage prend part auxtravaux réalisés dans son logement, bien que cette participation dépende àla fois des caractéristiques des ménages mais aussi de leurs disponibilités.Le niveau de participation est donc très inégal d’un chantier à l’autre. Cer-tains destinataires ont une activité salariale, et ne peuvent travailler sur leurchantier qu’une ou deux heures par jour. D’autres, à la recherche d’unemploi, peuvent au contraire y passer l’essentiel de leur temps. Par ailleurs,si le chef de famille n’est pas disponible, d’autres membres du ménagepeuvent participer. Soulignons aussi que la vie de chantier ne se résumepas aux seuls travaux. C’est ce que souligne bien le guide réalisé par laFondation de France sur l’auto-réhabilitation : « le volume de productionn’est pas le seul critère de la participation des bénéficiaires». Il existequantité de tâches à accomplir pour rendre agréable le cadre de travail del’équipe d’intervention.

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L’IMPORTANCE DU TRAVAIL MANUEL ET LE RÔLE CENTRALDE L’INTERVENANT TECHNIQUE

De façon générale, les intervenants sociaux travaillant dans le champ de lalutte contre les exclusions ou traitant des problématiques de mal-logementfonctionnent bien souvent sur le mode de l’accueil des ménages en diffi-culté. Les opérateurs de l’auto-réhabilitation accompagnée disposent d’untout autre cadre de travail : le logement. Cet accès privilégié au cadre de lavie privée du ménage est un atout important dans la construction de la rela-tion. D’une part, au plan technique de l’accompagnement social, puisquel’observation de la personne accompagnée dans son contexte naturel de viepermet l’identification rapide des problématiques sociales qui l’affectent.D’autre part, la durée d’un chantier peut varier : de quelques semaines pourles opérations en milieu urbain, à plusieurs mois en milieu rural. Mais letemps dont dispose l’animateur technique est en général suffisant pour per-mettre au travail « relationnel » d’être accompli. La différence avec lesméthodes classiques du travail social est là encore significative, puisque laplupart du temps, les travailleurs sociaux procèdent par entretiens « à duréedéterminée » pendant lesquels ils invitent les ménages à faire état des diffi-cultés rencontrées.

Un autre élément qui favorise la « mise en mouvement », c’est que l’interve-nant n’est pas venu à la rencontre du ménage pour parler de ses problèmes, ilest venu pour réaliser un certain nombre de travaux dans le logement. Larelation entre l’animateur technique et la personne accompagnée prend, dece fait, une autre allure. Il n’y a pas d’un côté un accompagnant dont l’objec-tif est le suivi social du ménage et de l’autre l’accompagné qui s’attend àrecevoir une prestation qui résoudra une partie de ses problèmes. L’anima-teur technique et le ménage ont un même objectif : la réalisation de travauxd’amélioration du logement. Ce contexte évite les relations de face-à-faceentre celui qui aide et celui qui reçoit, dans lesquels le ménage bénéficiaireoccupe toujours la seconde position. Le chantier, et le travail manuel qu’ilimplique, permet de ne pas centrer l’attention sur le problème du ménage. Ilagit comme un dérivatif et apporte une certaine horizontalité dans la relationentre l’accompagnant et l’accompagné. Le « faire ensemble » et le fait de « mettre les mains dans le cambouis » avec l’animateur technique agissentcomme un puissant créateur de liens. Le travail manuel possède un autreavantage : il rend visible les résultats de la collaboration. Les intervenants etle ménage peuvent apprécier ensemble, sur des bases plus ou moins objec-tives, le travail réalisé. Par ailleurs, les travaux ont rarement un caractère défi-nitif. La personne peut se tromper sans que cela soit irréversible. Ce contextedédramatise l’erreur et favorise la prise d’initiative par le ménage. D’autantque les ménages ne sont bien souvent pas les seuls à être dans la position decelui qui ne sait pas.

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DE L’IMPORTANCE DES SOLIDARITÉS DE PROXIMITÉ ET DU RÉSEAU PARTENARIALDans une étude réalisée par FORS-Recherche sociale concernant les actionsconduites auprès des mal-logés1, il était apparu que les ménages ayant parti-cipé à des chantiers d’auto-réhabilitation ressentaient parfois un « grandvide » après le départ de l’équipe d’intervention. Ce sentiment atteste de laforce des liens créés au cours du chantier, mais aussi de la nécessité de pou-voir ouvrir d’autres champs relationnels permettant de « libérer » le ménage.Après avoir mis en confiance le ménage autour d’un certain nombre detâches manuelles, on ne saurait l’enfermer dans une relation avec l’accompa-gnant, qui, par ailleurs, se déroule dans le cadre étroit du logement. La rela-tion pourrait prendre une tonalité affective trop importante et risquerait decompromettre la socialisation de la personne. C’est en partie pour cette rai-son que les opérateurs de l’auto-réhabilitation font intervenir dans le chantieraussi bien des membres de la famille que des personnes extérieures à la cel-lule familiale ; ensuite, par le tissage d’un réseau partenarial avec les tra-vailleurs sociaux de secteur, ces derniers devront en quelque sorte, au termedu chantier, prendre le relais.

DES ACTIONS QUI NE SE SUBSTITUENT PAS AUXSOLIDARITÉS (FAMILIALES, DE VOISINAGE ET AUTRES…),MAIS QUI CHERCHENT AU CONTRAIRE À LES RÉACTIVERL’auto-réhabilitation accompagnée se réduit rarement à la relation entre unanimateur technique et une personne mal-logée. Elle fait parfois intervenirdes bénévoles n’ayant pas spécialement de connaissances techniques (mêmes’ils peuvent avoir des notions de bricolage…). Il peut s’agir de membres dela famille venus occasionnellement donner un « coup de main » à leur parenten difficulté. Il s’agit la plupart du temps de bénévoles extérieurs à la cellulefamiliale : ceux qui interviennent dans le cadre du volontariat (les volontaires« long terme » par exemple), notamment dans les chantiers d’auto-réhabilita-tion en milieu rural ; ou encore les habitants d’un même quartier, mobiliséspar le biais d’un atelier de bricolage, lorsque l’action se déroule dans le parcsocial en milieu urbain.

La présence des bénévoles permet d’abord de faire entrer des personnesétrangères à la cellule familiale (et bien souvent, d’ailleurs, « étrangères » toutcourt) dans le logement. En début de chantier, cela peut éventuellementgêner les personnes bénéficiaires de l’action, notamment si celles-ci souffrentd’isolement. Il n’est en effet pas si facile, pour une personne isolée, d’ac-

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1 Les réponses adaptées aux besoins des très mal-logés. Evaluation des actions soutenues par laFondation Abbé Pierre, FORS-Recherche Sociale – Fondation Abbé Pierre, Février 2006.

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cueillir chez soi trois ou quatre personnes (ou parfois plus) le temps d’unchantier. Mais les personnes témoignent d’emblée d’une certaine reconnais-sance (« ces gens sont là pour m’aider »). Et selon le principe du travailmanuel fonctionnant comme un dérivatif, les personnes accompagnées et lesbénévoles partagent le même objectif, ce qui facilite leur relation.

De prime abord, on ne perçoit pas bien ce que la présence de ces bénévolesapporte aux ménages et au déroulement du chantier. Ils n’ont pas, en effet,les compétences techniques dont on a dit qu’elles étaient une condition sinequa non à la réalisation de ce type de chantier. Ils n’ont pas d’expérience par-ticulière du travail social non plus. Or, loin d’être un handicap pour l’action,ces « incompétences » des bénévoles sont en fait un véritable atout. Commecela avait été souligné dans l’étude réalisée pour les Compagnons Bâtisseurs(publiée dans ce même numéro), les bénévoles et les personnes accompa-gnées partagent le même statut d’apprenant, dans la mesure où ils sont toutaussi ignorants au plan technique. Il est plus facile de se dire qu’on peut arri-ver à réaliser un certain nombre de tâches lorsque l’on est plusieurs àapprendre. Là encore, la relation qui se produit lors d’un chantier n’est pas unface-à-face entre une personne qui détient le savoir et une autre qui doit enprendre connaissance, il met en présence des bénévoles qui, en quelquesorte, font office de médiateurs. Ces derniers évitent au bénéficiaire d’occu-per seul la place de celui qui ne sait pas.

Enfin, les perspectives relationnelles ouvertes par la participation de béné-voles extérieurs à la cellule familiale ne sont pas suffisantes. La création deces liens sert à redonner confiance à la personne accompagnée, à lui faireprendre conscience de ces capacités. Mais le travail de socialisation ne seraitque partiellement effectué s’il s’arrêtait aux portes du logement. Les opéra-teurs de l’auto-réhabilitation accompagnée insistent au contraire sur la néces-sité d’établir des relations de partenariats avec les travailleurs sociaux de sec-teurs. Ce partenariat doit s’établir en amont et en aval du chantier. En amontpour que le chantier d’auto-réhabilitation s’inscrive dans des parcours d’in-sertion cohérents, et que les prescriptions des travailleurs sociaux concordentavec la façon de procéder des opérateurs. Elles doivent tenir compte de lanécessaire participation au chantier, et ne doivent donc pas être motivées parles seules difficultés économiques des ménages. Mais le travail de partenariatest tout aussi important en aval de l’action, pour pérenniser la dynamiquecréée pendant le chantier et ouvrir les perspectives relationnelles du ménageà d’autres personnes, permettre aux travailleurs sociaux d’assurer le relais etde continuer à construire un parcours d’insertion avec les ménages.

CONCLUSIONDans une perspective sociotechnique, l’auto-réhabilitation accompagnéeprocède en identifiant un public, des problématiques sociales et tente

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ensuite d’y apporter une réponse. Dans cette perspective, la richesse del’auto-réhabilitation accompagnée est de traiter à la fois plusieurs dimen-sions de l’exclusion. Elle correspond davantage aux besoins des ménages età la façon dont ils vivent et ressentent leurs difficultés. Mais l’aspect pluridi-mensionnel de l’action la rend en fait moins bien identifiable par les disposi-tifs publics. Ces derniers ne semblent pas disposer d’une grille de lecture leurpermettant d’appréhender la complexité et la pertinence de l’auto-réhabilita-tion accompagnée.

L’approche solidaire met l’accent sur la production des relations entre leséquipes d’intervention et les personnes accompagnées. L’exclusion est sou-vent la conséquence d’une rupture des liens familiaux, ou plus généralementdes liens de proximité. C’est donc par le rétablissement de ce type de liensqu’est supposé commencer toute action de lutte contre l’exclusion.

Cependant, au-delà de cette lecture solidaire ou relationnelle de l’auto-réha-bilitation accompagnée, la question de la reconnaissance par les dispositifspublics reste posée. Une première piste de réflexion peut être l’inscription del’auto-réhabilitation dans les dispositifs qui soutiennent les actions dites de « préinsertion » (ateliers « estime de soi », etc.). Ce type d’intervention socialeprend aujourd’hui de plus en plus d’importance et apparaît pertinent lorsqu’ilest considéré comme un préalable aux actions d’insertion « traditionnelles »qui s’adressent à des publics très éloignés de l’emploi.

Une autre piste de réflexion doit être empruntée, c’est celle du décloisonne-ment des dispositifs publics visant à soutenir les initiatives associatives etlocales innovantes. Par exemple, à l’échelle du département, des plans d’ac-tions mettant l’accent sur des thématiques innovantes pourraient être mis enplace, et compléter celles qui se basent sur des publics et des domaines d’in-tervention. La notion d’empowerment, à laquelle on peut sans doute ratta-cher ces actions visant le développement des capacités des ménages, semblerencontrer un intérêt grandissant auprès de la société civile. Pourquoi ne passoutenir le développement des actions qui vont dans ce sens, comme l’auto-réhabilitation accompagnée ? D’autant que, si cette notion d’empowermentest parfois galvaudée, voire vide de sens, l’auto-réhabilitation accompagnéeest une action qui lui donne un contenu réel.

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Julien Rémy Chargé d’études

Fors-Recherche sociale

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EVALUATION PROSPECTIVE DE LA DÉMARCHED’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉEDANS LE RÉSEAU DES COMPAGNONSBÂTISSEURSChristophe FoultierJulien Rémy

L’article qui suit trouve son origine dans une étude produite pour l’Associa-tion Nationale des Compagnons Bâtisseurs, qui a souhaité remettre en pers-pective son savoir-faire et ses compétences en évaluant la démarche d’auto-réhabilitation accompagnée qu’elle mène depuis plus de quarante ans. Cettedémarche n’a pas qu’une vocation « technique » ou « financière » permettantaux propriétaires d’améliorer ou d’adapter leur logement au handicap et à ladépendance : elle vise plus largement à prendre en compte la situation glo-bale d’un ménage en utilisant l’auto-réhabilitation comme un levier d’inser-tion sociale et professionnelle.

Cependant, cette « philosophie » d’intervention se devait d’être réinterrogéeau regard des freins et obstacles récurrents que les opérateurs rencontrentdans l’élaboration et la réalisation de ce type d’opération. En effet, chacuns’accorde à dire que les financements octroyés ne suffisent pas à couvrir lesdiverses prestations réalisées (encadrement technique, accompagnement duménage, monitorat) et que les situations de mal logement traitées s’inscriventdifficilement dans le cadre des politiques publiques actuelles. Dans nombrede cas, la démarche d’auto-réhabilitation est encore considérée comme « ledernier rempart » de la lutte en faveur du logement des publics défavoriséssachant que les opérations s’adressent la plupart du temps à des bénéficiairesqui cumulent des problèmes sociaux, financiers voire sanitaires.

En outre, le champ d’intervention des Compagnons Bâtisseurs, qui est trèsvaste1, reste dans son ensemble assez peu lisible pour les acteurs institution-nels et les partenaires locaux. Ainsi, il apparaît nécessaire de mieux définir lecontour et les finalités des opérations d’auto réhabilitation accompagnée et demesurer l’efficacité des outils employés pour pouvoir inscrire la démarchedans les différents dispositifs publics. En effet, dans quelle mesure cettedémarche peut-elle être aujourd’hui considérée comme un outil d’insertionpertinent et à quel titre (insertion par l’habitat, insertion professionnelle, etc.) ?

Par ailleurs, les récentes avancées législatives et réglementaires tendent àbouleverser l’organisation des acteurs locaux et institutionnels, ce qui n’est

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1 L’intervention d’un opérateur varie assez fortement selon la nature des opérations, les publics béné-ficiaires et les territoires investis (urbain/rural).

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pas sans conséquence dans l’activité des Compagnons Bâtisseurs : l’acte II dela décentralisation renforce les compétences des collectivités locales dans lechamps de la politique de l’habitat, la loi ENL consacre le PDALPD1 et lesPLH2 comme deux outils de repérage et de traitement de l’habitat indigne, etde nouvelles procédures sont actuellement mises en place dans le domainede la politique de la ville avec l’avènement des Contrats Urbains de CohésionSociale (CUCS). Or, tous ces champs recoupent aujourd’hui la démarched’auto-réhabilitation portée par les Compagnons Bâtisseurs. Dans cecontexte, comment les acteurs locaux et institutionnels vont-ils se saisir de ladémarche d’auto-réhabilitation ? Dans quelle mesure l’auto-réhabilitationconstitue-t-elle un levier qui répond à la diversité des enjeux liés au mal loge-ment (traitement de l’habitat indigne, intervention dans le parc social…) ?

A l’heure où les associations ne cessent de dénoncer le développement denouvelles formes de mal logement, l’évaluation prospective commandée parles Compagnons Bâtisseurs devait donc permettre tout à la fois de :

– réinterroger la logique d’intervention de l’association en matière d’auto-réhabiliation ;

– évaluer les résultats et les effets induits sur les publics pour chaque typed’opération engagée ;

– définir un cadre d’intervention cohérent dans lequel pourrait s’inscrire ladémarche des Compagnons Bâtisseurs.

LA DÉMARCHE D’ÉVALUATION MISE EN ŒUVREL’auto-réhabilitation recouvre des démarches multiples (encadrement tech-nique, accompagnement global du ménage dans la réalisation d’une opéra-tion de réhabilitation, organisation d’ateliers de quartiers, de chantiers d’été,etc.) qui répondent à la nécessité d’adapter une méthodologie de projet à dessituations de logement et des contextes d’intervention très variés.

Pour saisir les finalités de ces actions et évaluer les opérations portées par lesCompagnons Bâtisseurs, FORS-Recherche Sociale a mis en place une métho-dologie permettant d’établir un état des lieux des démarches menées par lesCompagnons Bâtisseurs en matière d’auto-réhabilitation accompagnée et dedéterminer des projets d’auto-réhabilitation à analyser qui soient représenta-tifs de la diversité des actions engagées par l’association.

Suite à l’élaboration de cette typologie, nous présentons ici une analyse trans-versale fondée sur 8 opérations d’auto-réhabilitation accompagnée répartiesdans les différents territoires d’intervention (urbains, ruraux). Ces opérationssont les suivantes :

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1 Plan départemental d’action pour le logement des plus démunis.2 Programme local de l’habitat.

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– une action à dimension individuelle faisant intervenir des volontaires dansl’agglomération de Tours ;

– une action à dimension individuelle « une famille, un chantier, un anima-teur, un volontaire » comprenant un chantier week-end dans l’agglomérationde Rennes ;

– une action à dimension collective en milieu urbain diffus « des familles, unanimateur, un chantier d’entraide et des réunions collectives » en Gironde ;

– une action à dimension collective faisant intervenir des personnes en inser-tion à Rennes, en Bretagne ;

– une action à dimension collective intégrant une médiation socio-culturelleà Castres en Midi-Pyrénées ;

– une action à dimension collective dans le cadre de la copropriété dégradée« Kallisté » à Marseille ;

– une intervention sur une aire d’accueil pour les Gens du Voyage à Pignan,dans le Languedoc-Roussillon ;

– une intervention auprès des publics à faible autonomie en milieu urbaindiffus dans le Languedoc-Roussillon.

Au cours de l’enquête, plus d’une trentaine d’entretiens ont été réalisésauprès des équipes des Compagnons Bâtisseurs et de leurs partenaires locaux(chef de projet des Compagnons Bâtisseurs, encadrants techniques, volon-taires, élus et services de CCAS, travailleurs sociaux de secteur, associa-tions…) sur l’ensemble des régions. Cet exercice a permis d’identifier lesforces et faiblesses de la démarche au regard du partenariat local ainsi que lesfreins et obstacles rencontrés dans chacune des expériences.

Avec le concours des 6 associations régionales, nous avons également purencontrer quatorze ménages ayant bénéficié d’une action d’auto-réhabilita-tion accompagnée. Ces ménages ont été choisis sur l’ensemble du réseau enfonction de la composition familiale et de l’état d’avancement des opérations.Au final, la composition familiale des ménages est assez diversifiée. Elle com-prend une famille et deux personnes seules dans l’agglomération de Tours,une personne seule et une famille à Bordeaux, une famille monoparentale etun couple avec enfant à Marseille, 3 familles issues des gens du voyage àPignan, deux familles à Rennes et deux familles à Castres.

Au terme de cette deuxième phase, les informations et les données recueilliesont permis d’établir un bilan qui retrace de façon transversale les différentescaractéristiques des opérations, et notamment la nature des interventions, lefinancement des opérations, la temporalité des projets, les compétences et lesavoir-faire de l’opérateur, le partenariat et les conditions de montage opéra-tionnel ou encore l’appréhension du projet par les ménages.

Nous présentons dans cet article les résultats de cette analyse transversale.Elle se structure autour de cinq grands axes qui correspondent à la philoso-phie d’intervention des Compagnons Bâtisseurs, à la vocation des actions

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d’auto-réhabilitation accompagnée, à l’ingénierie de projet et au montagetechnique et financier d’une opération, aux caractéristiques du public et à ladémarche d’accompagnement réalisée, et enfin, aux principales réflexionsrelatives au développement des activités à l’échelle nationale comme àl’échelle régionale.

I. LA PHILOSOPHIE D’INTERVENTION DES COMPAGNONS BÂTISSEURS

I.1 BREF RETOUR SUR L’HISTOIRE DES COMPAGNONS BÂTISSEURS

Le mouvement des Compagnons Bâtisseurs est né après la Seconde GuerreMondiale à l’initiative du prêtre Werenfried van Straaten, père hollandais quis’était fait connaître en 1947 pour avoir incité les paysans Flamands à desactions de solidarité envers les quelques 14 millions de réfugiés de l’Est. En1953, le père van Straaten fonde l’« International Bow Order » – l’« Ordreinternational des Compagnons-Bâtisseurs » – qui visait à mobiliser des jeunes« volontaires » pour aider les plus démunis à construire des maisons décentes,y compris dans des pays anciennement désignés comme « ennemis ». L’ini-tiative est reprise plus tard par des étudiants français. A Caen, à Dijon etailleurs, ces derniers aident les « castors », ces ouvriers français qui bâtissaientleur maison après leurs heures de travail. En 1957, l’association française desCompagnons Bâtisseurs est créée. Le mouvement des Compagnons Bâtisseursfut donc à l’origine d’inspiration chrétienne, mais aussi parallèle à la mise enplace de dispositifs internationaux visant à favoriser le « volontariat » laïque.En 1948, en effet, la toute nouvelle Organisation des Nations Unies pour laculture, la science et l’éducation (UNESCO) participe à la création du comitéde coordination du service volontaire international (CCSVI), sur lequel s’ap-puieront de nombreuses organisations de solidarité.

A la fin des années 60, dans un contexte politique agité, la branche françaisedu mouvement des Compagnons Bâtisseurs prend une forme associative avecla naissance des Compagnons Bâtisseurs Bretagne. Au cours des années 70,le mouvement se fragmente : une partie du mouvement souhaite donner unedimension plus laïque aux actions et se rapprocher de la philosophie del’éducation populaire. C’est sans doute au cours de ces années que les Com-pagnons Bâtisseurs acquièrent la conviction que, si les actions de solidaritévisent avant tout les plus démunis, ceux-ci doivent être considérés commedes personnes à part entière, en capacité d’agir, et non comme les puresbénéficiaires d’une assistance charitable. Les enjeux d’urgence liés à lareconstruction d’après-guerre laissent lentement la place à la montée en puis-sance des actions d’auto-réhabilitation (les « chantiers famille »).

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A partir des années 80, on assiste à une croissance du chômage et une ampli-fication du phénomène d’exclusion sociale. En 1989, la mise en place duRevenu Minimum d’Insertion conduit les Compagnons Bâtisseurs à prendredavantage en compte la demande croissante d’insertion sociale et profession-nelle et à développer des actions dans ce sens. En 1990, l’association de Bre-tagne met en place le premier Atelier de Quartier faisant intervenir des béné-ficiaires du RMI dans le quartier rennais Francisco-Verrer. Pendant cettepériode, les préoccupations liées à la sécurité des logements et au confortamènent à relativiser les savoirs techniques des associations travaillant dansle champ de l’habitat. En outre, les pouvoirs publics souhaitent limiter l’éven-tuelle concurrence faite par ces mêmes associations aux métiers du bâtiment.Pour autant, les Compagnons Bâtisseurs continuent leur mouvement de pro-fessionnalisation, et comptent de plus en plus de salariés permanents. Lespartenariats locaux se développent. La décentralisation multiplie le nombred’interlocuteurs et de partenaires éventuels des Compagnons Bâtisseurs. Lesassociations régionales deviennent plus autonomes. D’importants besoins decoordination commencent à se faire sentir. En 1994, l’Association Nationaledélègue à quelques associations régionales les missions de coordination desdifférents pôles d’activité. Toutefois, depuis l’année 2000, l’association natio-nale travaille à une mise en cohérence des différentes actions menées àl’échelle des différentes régions1.

I.2 PHILOSOPHIE D’ACTION ET SPÉCIFICITÉ DE L’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉECette histoire lègue aux Compagnons Bâtisseurs une philosophie d’action quicomprend deux dimensions importantes : la « participation des volontaires »et la « mise en mouvement » des personnes. Ces deux dimensions ne sesituent pas au même plan. La première est relative à la démarche des Compa-gnons Bâtisseurs. Elle fait directement écho aux origines du mouvement, et àla mobilisation de « volontaires » par le père van Straaten. La deuxièmedimension est relative à l’objectif des actions menées par les CompagnonsBâtisseurs. C’est sur cet aspect que les Compagnons Bâtisseurs s’émancipentclairement de leurs origines chrétiennes : les actions des Compagnons Bâtis-seurs ne sont pas des œuvres caritatives ou de bienfaisance en ce sensqu’elles font moins appel à la charité qu’à une forme plus civique de la soli-darité (étant entendu qu’individuellement, les volontaires vivent chacun leurengagement de façon différente). Dans cette perspective, la relation entre lapersonne qui aide et la personne aidée n’est pas unilatérale ; elle est plutôtconçue comme une interaction à laquelle chacun participe. Les relations

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1 Précisons que les Compagnons Bâtisseurs comptent aujourd’hui 6 associations régionales, l’asso-ciation d’Aquitaine ayant été constituée en association autonome depuis le 26 septembre 2005.

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entre les volontaires et le ménage sont en effet souvent évoquées – et ce, parles premiers comme par les seconds – comme étant des relations de « parité ».Elles sont aussi souvent qualifiées de relations « personnalisées » en opposi-tion aux relations plus « formelles », ou fonctionnelles, que les ménages entre-tiennent avec les travailleurs sociaux.

Les actions d’auto-réhabilitation accompagnée visent à concilier ces deuxdimensions : il s’agit d’encourager la mobilisation de « volontaires » ayantl’objectif de « mise en mouvement de la personne ». Il convient de releverune troisième dimension de la philosophie, qui est relative au cadre de l’ac-tion. La plupart du temps, les actions d’auto-réhabilitation accompagnée sedéroulent dans un cadre particulier – le logement – sur lequel les différentsintervenants de l’action conviennent d’y faire une intervention technique.Cette « technicité » importante de l’action des Compagnons Bâtisseurs rendinsuffisante les deux dimensions précédemment distinguées : dans lecontexte d’une action qui porte sur le logement, un « volontaire » ne peut pas« mettre en mouvement » une personne si elle n’a pas suffisamment de savoirtechnique. L’action d’auto-réhabilitation accompagnée est une action de sou-tien aux personnes en difficulté sociale. Elle fait appel aux solidarités « désin-téressées » des volontaires ; elle vise à la « mise en mouvement » des per-sonnes (comme l’indique le préfixe « auto- ») ; elle a pour cadre le logement etnécessite la présence d’une personne ayant de bonnes connaissances tech-niques. Un dernier trait spécifique de l’action des Compagnons Bâtisseurs,concerne la relation qui se noue entre les volontaires, le technicien et leménage à l’occasion de l’action d’auto-réhabilitation accompagnée. Cetterelation va produire des résultats perceptibles par chacun des intervenants, etsurtout par le bénéficiaire. Les travaux sur le logement sont en effet « pal-pables », visibles. Ils attestent, en quelque sorte, de l’existence de la collabo-ration entre tous ceux qui sont amenés à intervenir sur le logement. En outre,le travail sur la matière – les animateurs techniques rencontrés au cours del’enquête l’ont souligné à plusieurs reprises – est un support qui aide à larésolution des conflits qui peuvent survenir lors du chantier, ou parfois mêmequi prévient leur apparition.

II. DES ACTIONS DIVERSIFIÉES POUR RÉPONDRE À DES PROBLÉMATIQUES URBAINES ET RURALESII.1 L’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE RECOUVRE PLUSIEURS FINALITÉS, CERTAINES ÉTANT ENCORE PEU MISES EN VALEURS’appuyant sur les valeurs d’entraide et de volontariat, les fondements de l’ac-compagnement dispensé par les Compagnons Bâtisseurs relèvent de l’actionsociale au sens large. Les Compagnons Bâtisseurs et leurs partenaires finan-

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La recherche d’une plus grande

autonomie de la personne

La vocationd’amélioration du cadre du vie

Une vocation de réinsertion sociale

Un développementsocial

Une vocationéducative

Les principales finalités d’une action d’auto-réhabilitation accompagnée

Le bénéficiaire d’une opération est généralement orientépar un travailleur social. Tout l’enjeu pour les Compa-gnons Bâtisseurs réside dans l’instauration d’un contratavec le ménage qui définit la nature et le niveau de par-ticipation de la personne dans les différentes phases duprojet (définition des travaux à réaliser, participation à lamise en œuvre du chantier, etc.). Cet engagement repré-sente un premier pas vers une plus grande autonomie :en fixant des objectifs d’intervention à la hauteur descapacités de chaque bénéficiaire, la personne reprendconfiance en elle-même.

Le bénéficiaire définit avec l’encadrant technique letype de travaux qu’il souhaite réaliser pour améliorerl’état de son logement. Au cours du chantier, il acquiert,avec l’aide de l’encadrant technique, les gestes lui per-mettant de participer aux différentes tâches techniques.

Une opération doit également permettre de redynamiserle bénéficiaire dans son parcours d’insertion. L’appren-tissage de règles de fonctionnement d’un chantier (res-pect des horaires de chantier, travail en équipe…) per-met de structurer la vie quotidienne de certainsbénéficiaires.

Le travail de groupe (volontaires, voisins, etc.) permet àchacun des participants de reprendre pied dans un envi-ronnement social. Les chantiers qui sont doublés d’ate-liers collectifs permettent par exemple de renforcer lesliens de voisinage dans les quartiers d’habitat social. Lebénéficiaire tisse des liens autour de son projet d’auto-réhabilitation, accueille plusieurs personnes dans sonlogement le temps des travaux puis sort enfin de sonlogement pour participer aux ateliers collectifs.

L’action permet à un bénéficiaire d’acquérir les princi-paux réflexes pour entretenir son logement. Par ailleurs,en entrant dans la sphère privée du ménage, l’encadrantmet à jour des problèmes familiaux et des difficultéssociales qui ne sont pas systématiquement identifiés parles travailleurs sociaux. Associer les enfants d’unménage au projet (choix des peintures pour les murs dela chambre, participation aux travaux pour les jeunesadultes) permet bien souvent de consolider ou de renfor-cer les liens intergénérationnels.

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ciers caractérisent généralement l’auto-réhabilitation accompagnée commeune démarche d’insertion recouvrant plusieurs vocations :

– Permettre à un ménage d’accéder à une plus grande autonomie dansl’aménagement et l’entretien de son logement en plaçant le bénéficiaire aucentre d’un projet de réhabilitation ;

– Améliorer les conditions de vie du ménage au moyen d’une interventiontechnique adaptée aux dysfonctionnements du logement ;

– Impacter de façon positive sur la réinsertion sociale des personnes en inci-tant le bénéficiaire à s’adapter aux diverses contraintes du chantier ;

– Agir sur la dimension éducative par le biais de l’apprentissage dispensé parl’encadrant (un savoir-faire et des connaissances techniques) ;

– Permettre à une personne de mieux appréhender son environnement socialdans le cadre de sa participation aux ateliers collectifs organisés par les Com-pagnons Bâtisseurs ou aux activités mises en place par des partenaires locaux(associations ou des communes).

D’autres vocations ont été identifiées au fil de l’évaluation, mais celles-ci res-tent spécifiques au regard de la diversité des opérations menées en matièred’auto-réhabilitation accompagnée :

– Une dimension citoyenne a pu ainsi être identifiée à Castres, dans le cadrede l’Atelier de Quartier de Lameilhé, impulsée par la médiatrice socio-cultu-relle en lien avec les associations du quartier.

– La valorisation du territoire peut également être un aspect à prendre enconsidération. Il dépend fondamentalement du contexte local dans lequelinterviennent les Compagnons Bâtisseurs (très forte stigmatisation de la cop-ropriété Kalliste à Marseille par exemple).

– Enfin, les actions d’auto-réhabilitation ont une vocation professionnellelorsqu’elles font intervenir des personnes en contrat d’insertion, comme auxAteliers de Quartiers menés à Rennes.

Valoriser un territoire à travers le lancement d’une opération d’auto-réhabili-tation accompagnée est un objectif clairement affiché par certains partenairesfinanciers. Néanmoins, du principe à la réalité, la valorisation d’un quartierconstitue une finalité encore peu visible dans la stratégie de développementdu réseau. Cette dimension varie fortement d’un contexte local à l’autre sui-vant des difficultés d’intervention variables. Alors que les actions menées parles associations régionales s’inscrivent de plus en plus dans le cadre de poli-tiques territoriales, les représentants des Compagnons Bâtisseurs doiventaujourd’hui s’interroger sur les moyens dont ils disposent pour mieux valori-ser cette approche territoriale dans le développement de leur activité.

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II.2 TROIS GRANDS TYPES D’INTERVENTION EN MATIÈRED’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE POUR RÉPONDRE À DIVERSES PROBLÉMATIQUESL’enquête de terrain nous permet de confirmer le bien fondé d’une typologiequi distingue les actions à dimension collective, communément appelées « ate-liers de quartier » dans certaines associations régionales et les actions à dimen-sion individuelle, souvent qualifiées de « chantiers familles ». Ces types d’ac-tion répondent à des problématiques territoriales assez spécifiques, les actionscollectives répondant globalement à des problématiques urbaines et les actionsindividuelles étant essentiellement développées dans les secteurs périurbainsou ruraux. Enfin, les actions ayant un caractère expérimental seront traitéesséparément et considérées comme appartenant à un troisième type.

• LES ACTIONS COLLECTIVES EN MILIEU URBAIN

En 2006, 25 actions collectives ont été mises en œuvre en milieu urbain. Cesopérations1, qui ont permis d’intervenir auprès de 400 ménages, s’articulentprincipalement autour de chantiers d’entraide (les bénéficiaires s’accueillentmutuellement pour réaliser les travaux d’entretien ou d’aménagement) etd’animations collectives réalisées avec l’ensemble des bénéficiaires. Ces ani-

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Une vocation citoyenne

Une valorisation du territoire

Une vocation professionnelle

Les vocations plus spécifiques

Le bénéficiaire s’inscrit parfois dans des démarchescitoyennes en s’inscrivant dans l’association de loca-taires ou en participant par exemple à des activités asso-ciatives.

La dynamique collective impulsée par les chantiersd’auto-réhabilitation (chantier d’entraide, réunion col-lective) contribue souvent à améliorer l’image d’unquartier, notamment lorsqu’elle s’inscrit dans le cadred’opérations de rénovation urbaine (projets de l’ANRU,ORU, etc.) ou de dispositifs de lutte contre l’habitatindigne (OPAH, PIG, etc.).

Parallèlement aux opérations d’auto-réhabilitation, despersonnes en parcours d’insertion peuvent être enca-drées dans un chantier d’auto-réhabilitation.

1 Une opération s’écoule sur la durée du contrat qui engage les Compagnons Bâtisseurs et les béné-ficiaires (définition du projet, mise en œuvre des travaux, participation à des ateliers collectifs, etc.).Elle se différencie du chantier qui correspond à la période pendant laquelle les travaux sont réalisés.

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mations collectives concernent des actions de sensibilisation (maîtrise del’énergie, droits et devoirs des locataires) et des ateliers techniques (pose depapier peint, pose d’étagère, élaboration de portes de placard, réparations deplomberie, etc.).

Ces modes opératoires s’adaptent autant à un parc de logements sociauxdense qu’à un parc privé dense ou diffus, même s’ils se développent légère-ment plus dans le parc privé (201 locataires du parc privé touché contre170 locataires dans le parc public et 20 propriétaires occupants).

Plusieurs exemples permettent d’illustrer la diversité des territoires d’interven-tion. A Bordeaux, l’association des Compagnons Bâtisseurs Aquitaine inter-vient dans le quartier Saint-Jean-Belcier, un territoire disposant d’un tissuurbain mixte morcelé par les grandes infrastructures routières, les voies ferro-viaires et les emprises foncières de la gare de Bordeaux. Ce quartier popu-laire, composé d’une offre locative privée, fait l’objet d’un projet de renou-vellement urbain comprenant l’implantation d’une ligne tramway et lelancement d’un projet de restructuration d’îlot. A Rennes ou à Castres, lesassociations régionales de Bretagne et de Midi Pyrénées interviennent au seinde quartiers d’habitat social inscrits en politique de la ville et faisant l’objetd’un programme de rénovation urbaine (ANRU). Enfin, l’association régio-nale de Provence a mis en place depuis 2000 une action d’auto-réhabilitationaccompagnée dans la copropriété « Kalliste ». L’ensemble immobilier faitaujourd’hui l’objet d’une Opération d’Amélioration de l’Habitat portée par lePact-Arim. Cette copropriété, qui se compose de 9 bâtiments et totalise753 logements, souffre d’une très mauvaise image au nord de la ville.

• LES ACTIONS INDIVIDUELLES EN MILIEU RURAL

En 2006, les Compagnons Bâtisseurs ont réalisé 35 chantiers ou actions indi-viduelles en milieu rural. Ce type d’action s’inscrit principalement dans lecadre de la lutte contre l’habitat indigne. Les opérations, le plus souventmenées dans le cadre de MOUS1 ou d’OPAH2, visent principalement à amé-liorer les conditions de vie de personnes résidant dans des bâtisses vétustesou des logements insalubres.

Les territoires ruraux investis (Indre et Loire, Ille-et-Vilaine, Hérault, et defaçon plus marginale Tarn) peuvent être qualifiés de diffus : les logements quisont vétustes ou insalubres se situent le plus souvent dans de petites villes dudépartement, les bourgs avoisinants ou dans le rural profond. Ce sont princi-palement les Compagnons Bâtisseurs de Bretagne et du Centre, totalisant25 chantiers par an environ, qui assurent ce type d’intervention.

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1 Maîtrise d’Oeuvre urbaine et Sociale.2 Opération programmée d’Amélioration de l’Habitat.

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Evaluation prospective

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La lutte contre l’indécence dans le logement

L’accessibilité dans le logement pour

les personnes âgées et les personnes

handicapées

L’habitat précaire (gens du voyage

en sédentarisation, etc.)

L’intervention d’une médiatrice socio-culturelle dans le cadre d’un Atelier de Quartier

Des démarches expérimentales ou innovantes menées au sein du réseau

A Marseille, les Compagnons Bâtisseurs s’adaptent complètementaux besoins des résidants de Kalliste en proposant deux types d’inter-vention distincts (des travaux d’urgence chez les uns, des opérationsd’auto-réhabilitation accompagnée chez les autres). Dans ce contexte d’intervention, 8 familles ont fait l’objet d’un travailresserré entre le Pact-Arim, l’association I.C.I et les Compagnons Bâtis-seurs afin de lutter contre l’un des propriétaires bailleurs indélicats dela copropriété (violence verbale envers les locataires et visite surprisedans le logement, amende de 15 € pour les retards de paiement deloyer, dysfonctionnements techniques ne répondant pas aux normes dedécence, etc.). La spécificité de l’opération tient dans le type d’accom-pagnement mis en place : chacun des partenaires prend en charge unedimension du problème afin de mettre en place un traitement global :le Pact assure l’animation de l’Opération d’Amélioration de l’Habitat,réalise un diagnostic technique et financier de la situation, l’associationI.C.I réalise un accompagnement social et une médiation entre proprié-taire et locataire, les Compagnons Bâtisseurs sensibilisent les locatairessur leurs droits et devoirs en matière d’entretien et de réparation loca-tive à travers des travaux d’urgence et des travaux d’embellissement.

Diverses interventions ont été réalisées par les Compagnons Bâtisseursauprès de publics en perte d’autonomie. A Rennes, les CompagnonsBâtisseurs ont réalisé une opération avec une personne handicapéemoteur. Dans l’agglomération de Tours, les Compagnons ont réaliséeun chantier chez une personne âgée de 70 ans. Dans le Languedoc-Roussillon, les Compagnons ont élaboré un projet avec une personnesouffrant de problèmes psychiatriques. Ces actions représentent unchamp d’intervention en soi à valoriser.

L’installation d’un climat de confiance, l’appréhension des modes devie des ménages et la prise en compte des préoccupations quoti-diennes – qui constituent généralement un préalable à l’engagementde travaux dans tous les types d’opération (rural, urbain) – s’avèrenttotalement indispensable dans le cadre de situations particulièresd’habitat précaire (gens du voyage résidant en caravane, famillemonoparentale vivant dans un wagon vétuste à Tours, etc.). Ce typede travail se fonde sur un travail d’écoute et sur un partenariat ren-forcé avec des assistantes sociales ou des associations spécialiséesafin de mettre en place une action éducative qui soit en phase avec laculture ou le mode de vie du ménage.

A Castres, dans le cadre de l’Atelier de Quartier de Lameilhé, lesCompagnons Bâtisseurs ont choisi de faire intervenir une médiatricesocio-culturelle. Cette dernière joue sensiblement le même rôlequ’une coordinatrice (relations avec les travailleurs sociaux et autrespartenaires opérationnels), mais son action étant centrée sur un seulquartier, elle dispose de plus de temps pour tisser des relations avecles habitants, et travailler sur l’orientation de ces derniers vers lesstructures associatives et institutionnelles du quartier.

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• DES DÉMARCHES INNOVANTES POUR RÉPONDRE À DES PROBLÉMATIQUES SOCIALES SPÉCIFIQUES

Enfin, des démarches expérimentales ou innovantes ont été menées dans cer-taines associations régionales comme à Castres, dans le Centre ou en Pro-vence afin de répondre à des problématiques sociales spécifiques (sédentari-sation des gens du voyage, adaptation du logement pour des personnes âgéesou dépendantes notamment) ou encore à des problématiques de logementcomplexes à traiter (lutte contre l’indécence dans le logement).

II.3 DES COMPÉTENCES MULTIPLES POUR UN TRAITEMENT GLOBAL DES SITUATIONSLa composition d’une équipe peut varier d’une association régionale à l’autre.Outre l’encadrant technique, systématiquement présent, et les volontairesdont la présence est toujours vivement souhaitée, les associations régionalespeuvent intégrer dans l’équipe d’intervention un coordinateur social (ou ani-mateur socio-technique) ou un chef de projet. La plupart des actions mises enplace comptent un coordinateur social dans leur équipe d’intervention. Enrevanche, seules les associations régionales de Bretagne et de Provence sesont dotées d’un chef de projet pour encadrer les membres d’une équipe.

• L’ENCADRANT TECHNIQUE : UN RÔLE FONDAMENTAL PARTAGÉ ENTREMAÎTRISE D’ŒUVRE, PÉDAGOGIE DE PROJET ET APPROCHE SOCIALE

En se trouvant au contact du bénéficiaire au quotidien, l’encadrant techniquejoue un rôle fondamental dans le parcours d’insertion du ménage. C’est à luiqu’il revient d’impliquer le bénéficiaire dans l’élaboration et la mise en œuvredu projet, tout en respectant les coûts d’opération et les délais de réalisationd’un chantier. L’enquête de terrain montre que le profil de l’encadrant tech-nique est globalement similaire d’une association régionale à l’autre.

L’encadrant est en premier lieu le responsable technique du chantier. C’estlui qui définit les différentes phases du chantier et apprécie la nature des tra-vaux à réaliser : il identifiera par exemple les travaux relevant de l’entretienlocatif, ou encore les travaux impartis au propriétaire bailleur, il décidera defaire intervenir une entreprise ou un artisan sur des travaux connexes (unencadrant peut être agréé par EDF pour réaliser des travaux d’électricité, maison ne retrouve pas cette compétence systématiquement chez les encadrants)ou des travaux dangereux (intervention sur une toiture liée aux infiltrations).

Il produit le diagnostic technique du logement, élabore les devis de tra-vaux, commande les matériaux et prend en charge la logistique du chantier.Les encadrants techniques utilisent généralement une base de données desprix unitaires d’ouvrages du bâtiment (Batiprix du moniteur notamment) pourévaluer les coûts d’intervention à facturer. Cette base de donnée propose desmilliers d’ouvrages du bâtiment, en précisant le coût de main d’œuvre et ledétail des matériaux pour chaque ouvrage.

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Il est responsable pédagogique du projet. La pédagogie de projet comporteun certain nombre de principes communs à l’ensemble des encadrants tech-niques. Les principales caractéristiques de cette intervention peuvent êtredéfinies comme suit :

La mise en confiance du ménage par une égalité de traitement : Pour favori-ser l’engagement du bénéficiaire dans le projet, l’encadrant développe despetites astuces, réalise un travail relationnel très raffiné : « la pédagogie, çacommence dès la visite d’identification. Je ne dis pas “je” mais plutôt“nous”… ça change tout… on se présente comme un accompagnateur, pascomme un sauveur. C’est une attitude qui inspire confiance. Avec ce genrede posture, on dédramatise complètement l’acquisition des connaissances etdes gestes techniques » évoque une animatrice technique de Provence.

Les techniques de « mise en confiance » d’un encadranttechnique

A Castres, pour mettre en confiance les bénéficiaires, l’enca-drant technique fait faire aux participants de petits travauxaccessibles, réalisables facilement. Les travaux sur le logementcommencent toujours par une phase de nettoyage des murs,de protection des murs et des fenêtres, tâches auxquellestoutes les personnes de bonne volonté peuvent s’atteler.

La préparation des murs – rebouchage et ponçage – sont destâches un peu plus complexe à réaliser. Elles sont alors réali-sées sous la surveillance de l’encadrant technique, ou avecl’assistance de la volontaire ou d’un habitant solidaire s’étant « fait la main » à l’atelier de bricolage. L’animateur techniquene laisse jamais les personnes seules. Il les accompagne etdonne quelques explications sur les gestes à accomplir : « metun peu moins de peinture sur ton pinceau »…

Quelques jours après le début du chantier, lorsqu’on com-mence à percevoir le résultat de ces tâches successives, l’en-cadrant se montre peu avare en compliments : « alors ? jecroyais que tu ne savais pas peindre ? ». Il commente : « c’esttout bête, mais si on flatte un peu la personne, elle reprend trèsvite confiance en elle ». Puis vient le moment où la personneprend des initiatives pour avancer le travail du lendemain : « ce soir, je vais poncer les portes pour avancer un peu, d’accord ? ».

La plupart des expériences menées par les associations régionales sont exem-plaires en ce qui concerne l’élaboration concertée du projet avec le ménageet la prise en compte de la problématique sociale des bénéficiaires.

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Les Compagnons Bâtisseurs à l’écoute de la famille et de sesattentes

A Treffendel, en Ille-et-Vilaine, le premier travail des Compa-gnons Bâtisseurs a été de définir le projet avec la famille. Enfonction de l’enveloppe budgétaire accordée pour le chantier,la famille a dû, en lien avec les Compagnons Bâtisseurs, fairedes choix sur ce qu’il convenait de réaliser dans le cadre de ceprojet. Cette redéfinition du projet s’est faite en négociationavec la famille. Ainsi, Mme T. souhaitait qu’on puisse laisserles pierres apparentes de l’intérieur de la maison, mais lesCompagnons Bâtisseurs l’ont convaincu que cela reviendraittrop cher, et que si elle faisait ce choix, il faudrait alors renon-cer à d’autres choses plus importantes. En revanche, la cuisineet les appareils ménagers ont été surélevés d’une dizaine decentimètres, et Mme T. a insisté pour que le robinet de l’éviersoit assorti d’une douchette. Ces souhaits, qui ont pu appa-raître comme des caprices par d’autres travailleurs sociaux,sont en fait d’une réelle utilité pour Mme T. : elle souffre eneffet de maux de dos et la surélévation de la cuisine la soulagesensiblement.

La définition collective d’une méthode d’intervention permet d’ajuster lescompétences et les ressources des bénéficiaires, mais aussi celles des volon-taires et des bénévoles aux différents travaux de chantier. Afin que le bénéfi-ciaire puisse s’investir dans le chantier, l’encadrant technique lui met à dis-position les outils utiles à l’avancement des travaux.

La définition de gestes techniques auprès des participants est élaborée enfonction des aptitudes et des capacités des bénéficiaires. Les bénéficiaires nedisposent pas d’une même capacité à réaliser des travaux. Certains bénéfi-ciaires du RMI ont réalisé leur parcours professionnel dans le bâtiment.D’autres bénéficiaires ont eu, dans certaines familles monoparentales, un sta-tut de femme au foyer. Enfin, certains bénéficiaires rencontrent des handicapsphysiques ou mentaux lourds. Dans ce contexte d’intervention, le conseiltechnique et l’apprentissage des gestes professionnels doivent être adaptés aubénéficiaire.

Transmettre des gestes techniques à des personnes ayant desdifficultés linguistiques

A Kalliste, la démarche de l’encadrant prend en compte les dif-ficultés linguistiques auxquelles les bénéficiaires font face.Dans ce cadre, il préconise une démonstration par analogiesimple des tâches à réaliser et pratique un exercice linguis-

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tique récurrent pour faciliter la compréhension mutuelle : « Lesfamilles, il faut leur parler très simplement. Il faut avoir vécu àl’étranger pour comprendre la manière dont on peut s’adresserà une personne qui maîtrise mal une langue et pour travailleravec elle. Je présente toujours les produits. Concrètement,j’utilise des images simples pour leur montrer comment onpeut réaliser une tâche. Pour faire un enduit au plâtre, undosage d’eau, je dis aux femmes – qui constituent la majoritéde mon public – qu’elles peuvent faire comme si elles effec-tuaient une pâte à gâteaux. En outre, selon les difficultés d’ex-pression qu’elles rencontrent lors d’une discussion, je leur faissouvent répéter pour être sûr que l’on se comprenne bien ».

L’encadrant développe également des relations quotidiennes en s’appuyantsur une approche sociale, éducative et/ou préventive. La dimension socialede son intervention renvoie par exemple au temps consacré à l’écoute desbénéficiaires pour définir le projet et le mettre en œuvre, ou encore auxéchanges conviviaux entretenus tout au long du chantier (repas de chantiernotamment). La dimension éducative fait référence à l’apprentissage desdroits et devoirs d’un locataire dans son logement ou encore à la prise encompte de la place des enfants d’une famille dans le cadre d’un projet (impli-cation des enfants dans le choix des couleurs de sa chambre, participationdes adolescents à certains travaux de rafraîchissement ou de décoration,peinture, etc.).

Enfin, selon les associations régionales, l’encadrant technique travaille enpartenariat avec les acteurs sociaux, parfois en lien avec une coordinatricesociale (le cas de l’association régionale d’Aquitaine). Les problèmes sociauxrencontrés par un ménage représentent des données très importantes pourque l’encadrant puisse conduire efficacement son action (par exemple, le tra-vail d’un éducateur de rue auprès d’un enfant ou d’un adolescent permet derenseigner l’encadrant technique sur les capacités d’un jeune à se mobiliserdans un projet d’auto-réhabilitation).

• LA COORDINATION AVEC LES PARTENAIRES OPÉRATIONNELS : À CHAQUE ASSOCIATION SON ORGANISATION ET SON FONCTIONNEMENT

Au regard des actions évaluées, les associations régionales ne disposent pasd’une organisation similaire pour assurer la coordination des actions avec lespartenaires financeurs et opérationnels.

En Aquitaine, c’est la coordinatrice sociale qui suivra l’évolution des actionsavec les partenaires opérationnels dans le cadre de comités techniques desuivi et qui organisera les ateliers collectifs, en lien avec les encadrants tech-nique. Elle assurera en outre, sous la responsabilité de la directrice, la gestion

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des budgets. Il n’y a pas de relation hiérarchique entre l’encadrant techniqueet la coordinatrice : « Le travail de l’encadrant technique et de la coordina-trice sont complémentaires dans le cadre du suivi de la personne. Les enca-drants et la coordinatrice échangent régulièrement sur les familles et l’étatd’avancement des travaux, et co-construisent les animations collectives »remarque la directrice.

En Bretagne, l’animateur sociotechnique assurera globalement les mêmesfonctions qu’un coordinateur technique, mais celui-ci sera « chapoté » par unchef de projet qui aura pour missions de gérer les budgets, d’animer les ins-tances de pilotage avec les partenaires financeurs.

Enfin, d’autres directions régionales ne disposent pas de poste de coordina-tion en tant que tel. En Provence, c’est l’encadrant technique qui prendracontact avec les partenaires opérationnels (c’est le cas à Marseille-Kalliste)afin d’obtenir des informations sur les bénéficiaires d’une opération, ouencore pour organiser des ateliers collectifs dans un centre social de quartier.En Centre, c’est l’encadrant technique en lien avec la responsable du Volon-tariat qui aura en charge de gérer les partenariats opérationnels.

• LE VOLONTAIRE : UN MEMBRE D’ÉQUIPE QUI PARTAGE UN STATUTD’APPRENANT AVEC LES BÉNÉFICIAIRES ET QUI ENTRETIENT LA DYNAMIQUE COLLECTIVE DU CHANTIER

Avec le Volontariat Long Terme (VLT), les Compagnons Bâtisseurs disposentd’un statut particulier permettant aux jeunes âgés de plus de 18 ans, de réali-ser sans formation particulière, des chantiers pendant une ou deux années.Les volontaires – qui interviennent dans la quasi-totalité des Régions, exceptéen Aquitaine – sont représentés aux Conseils d’Administration et à l’Assem-blée Générale de ces associations. Ils sont également représentés au sein deces mêmes instances de l’association nationale.

Suivant leur engagement et leur volonté de suivre un parcours de vie original,ces volontaires jouent un rôle très important dans le cadre du chantier dans lesens où ils permettent de renforcer la dynamique collective au sein des chan-tiers. Ces volontaires participent à la mise en œuvre d’un projet, du début à lafin du chantier, ce qui donne lieu à de nombreux échanges avec les bénéfi-ciaires et l’encadrant technique.

Leur positionnement est important dans le cadre du chantier puisque lebénéficiaire et les volontaires partagent un statut d’apprenant : « Êtrevolontaire pour moi, c’est l’idée de travailler utilement. Au début, on nesait pas trop où s’investir, il faut trouver ses capacités. Mais dès qu’ondevient autonome, on commence à prendre en charge des questions d’or-ganisation de chantier, les commandes de fournitures, etc. Les tâches évo-luent d’un chantier à l’autre et on en apprend tous les jours. L’animateurse trouve toujours avec nous sur le chantier, c’est lui qui distribue le tra-

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vail. On peut faire de la plomberie, de la maçonnerie, de l’électricité, duplaco ou de la pose de carrelage… ça dépend un peu des compétences dechacun. C’est l’encadrant qui anime le chantier et qui veille à ce que lesrelations restent bonnes. Sur les trois chantiers auxquels j’ai participé, j’aitoujours eu de bons contacts avec les bénéficiaires. Par exemple, André(le bénéficiaire) nous a montré comment on pouvait faire un coffrage surun poteau quand plusieurs morceaux de fer dépassent du coffrage. Sur leschantiers, je crois qu’il faut surtout savoir écouter les familles… »remarque Vincent, Volontaire Long Terme depuis un an chez les Compa-gnons Bâtisseurs Centre.

Enfin, l’acte de volontariat dépasse le cadre d’un simple apprentissage. Ladémarche des volontaires s’inscrit souvent dans un « projet de vie » dont lesvaleurs de partage et de solidarité restent primordiales. La responsable duvolontariat chez les Compagnons Bâtisseurs Centre identifie d’ailleurs plu-sieurs profils de volontaires : les jeunes en difficulté d’insertion profession-nelle, les jeunes recherchant un mode de vie alternatif et les jeunes étrangersqui s’inscrivent dans un chantier international pour mieux connaître une cul-ture. La rencontre de ces jeunes est propice aux échanges de point de vue surles codes sociaux et culturels des uns et des autres. Elles donnent lieu à desdébats et des formations sur des questions très larges, dont celle de la discri-mination sociale et raciale ou encore celle de l’économie d’énergie dans lelogement.

• SCHÉMATISATION D’UNE ACTION D’AUTO-RÉHABILITATIONACCOMPAGNÉE « STANDARD »

Les acteurs rencontrés insistent presque tous sur la dimension « plurielle » del’action d’auto-réhabilitation accompagnée. La diversité des actions d’auto-réhabilitation accompagnée est telle qu’il est difficile d’en donner une défini-tion qui vaille pour toutes. Essayons toutefois de schématiser ce que pourraitêtre une action d’auto-réhabilitation accompagnée « standard », de façon à endonner une représentation simplifiée.

Au cœur de l’action d’auto-réhabilitation, il y a la relation entre le technicien,parfois les volontaires et un ménage, relation qui se noue autour de la réalisa-tion de travaux concernant le logement. D’autres personnes peuvent interve-nir pendant le chantier, comme un coordinateur, ou plus rarement, des per-sonnes en parcours d’insertion. Enfin, dans la plupart des cas, le ménage estsuivi par un référent social qui intervient avant et après le chantier (mais rare-ment lors de son déroulement).

Selon les témoignages recueillis au cours de l’étude, la relation entre leménage et les différents intervenants est d’autant plus forte qu’elle se produitpendant le chantier. Ceux qui participent « physiquement » aux travauxentrent en effet dans la sphère intime du ménage, et le chantier occasionne

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souvent des échanges denses qui affectent durablement ses participants, desliens qui peuvent être qualifiés de « forts » (cf. l’encadré ci-dessous).

La distinction entre liens forts et liens faibles

La distinction entre les liens forts et les liens faibles a été intro-duite par le sociologue Mark Granovetter en 1973. Les liensforts sont ceux que la personne entretient dans son premiercercle relationnel (familles, amis, etc.). Ils sont marqués parune forte tonalité affective. Les liens faibles sont constitués parles contacts qui ont une dimension purement fonctionnelle,utilitaire ; ou bien les contacts ponctuels, épisodiques. Ils sontdénués d’affectivité.

Le réseau constitué par des liens forts sera faiblement tournévers l’extérieur tandis que les liens faibles permettront davan-tage de s’ouvrir à l’extérieur de son premier cercle relationnel.L’action des Compagnons Bâtisseurs se situe à l’articulationentre ces deux types de liens. Elle privilégie plutôt les liensforts dans un premier temps, mais en invitant le bénéficiaire,dans un second temps, à mobiliser des liens faibles (en vued’une ouverture en dehors du quartier, d’une insertion socialeou professionnelle, etc.). L’une des tâches du travail en parte-nariat est de constituer un réseau de « liens faibles » qui per-mettra d’assurer un relais à la fin du chantier.

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III. L’INGÉNIERIE DE PROJET ET LES CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES ET FINANCIÈRES DES OPÉRATIONS

III.1 UN CADRE D’INTERVENTION À STRUCTURER POUR METTRE EN PLACE UNE ACTION COHÉRENTEL’auto-réhabilitation accompagnée est une démarche qui s’adapte autant aumilieu rural qu’au milieu urbain. La mobilisation des financeurs et des parte-naires opérationnels nécessite la mise en place d’une ingénierie de projet etde plusieurs instances afin de garantir la cohérence de l’action.

• DES ACTIVITÉS MENÉES À LA CROISÉE DES POLITIQUES SOCIALES ET TERRITORIALES

L’analyse des 8 opérations évaluées montre bien la diversité des contextesdans lesquels s’inscrivent les opérations. Plusieurs types de financementpublic sont mobilisés mais aussi des financements privés afin de renforcerl’action dans certains territoires ou de boucler les plans de financement desopérations de réhabilitation les plus lourdes.

LES ACTIONS COLLECTIVES EN MILIEU URBAIN S’INSCRIVENT DANS DES CHAMPS D’ACTION VARIÉS

Les actions à dimension collective sont généralement financées par lesConseils généraux, les Caisses d’Allocations Familiales, les villes ou encoreles DDASS dans le cadre de conventions d’action sociale. Des financementspeuvent être également octroyés par le biais de l’insertion par l’activité éco-nomique (Conseil général, CAF), de la politique de la ville (CUCS de Mar-seille, ORU de Bègles, projet ANRU à Stains), du Fonds Européen de Déve-loppement Régional (FEDER à Bordeaux) ou encore de la lutte contre l’habitatindigne (MOUS Habitat indigne dans la Communauté d’Agglomération Dra-cénoise). Les bailleurs sociaux peuvent également contribuer financièrementaux actions au titre des travaux de rafraîchissement de leur parc.

L’action menée à Bordeaux est par exemple financée par le Conseil généralau titre de sa politique d’insertion ; la ville de Bordeaux au titre de la Politiquede la ville ; l’Etat (au titre du fonds interministériel à la ville et au titre d’unposte FONJEP) ; la CAF et la Fondation Abbé Pierre. La participation desadhérents reste très faible.

LES ACTIONS INDIVIDUELLES EN MILIEU RURAL SONT ÉLABORÉES DANS LE CADRE DES DISPOSITIFS TERRITORIAUX

Les actions à dimension individuelle, qui s’inscrivent principalement dans lecadre de dispositifs territoriaux (de type OPAH, PIG ou MOUS Habitatindigne), n’échappent pas à la règle puisque les montages financiers font état

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de subventions des Conseil généraux ou des Caisses d’Allocations Familialesau titre de leur politique d’insertion.

Par exemple, sur les quatre projets étudiés dans le Centre et le LanguedocRoussillon, les subventions de l’ANAH peuvent couvrir de 28 à 50 % dufinancement d’une opération. Un prêt contracté par les bénéficiaires permetde financer de 30 à 50 % du coût d’opération. Enfin, plusieurs subventionscomplètent le financement de l’opération (Conseil général au titre de sa poli-tique d’insertion ou de ses fonds handicapés, la MSA et certaines caisses deretraite comme PRO BTP au titre de leurs adhérents), à hauteur de 7 à 11 %du coût total.

DES FINANCEMENTS PRIVÉS NÉCESSAIRES POUR BOUCLER LE PLAN DE FINANCEMENT DE CERTAINES OPÉRATIONS

Les financements privés émanant principalement de la Fondation AbbéPierre, de la Fondation de France ou encore de la Fondation Bruneau jouent

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Tableau de synthèse

Intitulé de l’action

Dispositifs et financeurs

Actions à dimensionindividuelle

Lutte contre l’habitatindigne : OPAH,MOUS / PDALPD,ANAH, CAF, MSA,etc.

Participationfinancière desFondations :Fondation AbbéPierre, Fondation deFrance, FondationBruneau

Actions à dimension collective

Action sociale(conventions) : Conseil général (PDI),CAF, Ville, DDASS

Insertion par l’activitééconomique : Conseilgénéral

Politique de laville (CUCS, ANRU) :ville et EPCI, Etat –Préfecture, ACSE

Les bailleurs sociaux autitre des travaux derafraîchissement de leurparc

Lutte contre l’habitatindigne (OPAH et MOUS / PDALPD)

FEDER (Fonds Européende DéveloppementRégional)

Participation financièredes Fondations :Fondation Abbé Pierre,Fondation de France,Fondation Bruneau

Actions Innovantes

En lien avec lesEPCI sur ledéveloppementd’une aire d’accueilpour les populationstsiganessédentarisées

(Conseil général,CAF)

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souvent un rôle primordial puisqu’ils permettent de développer des actionsspécifiques en milieu urbain et de boucler des plans de financement dans desopérations de réhabilitation lourde en milieu rural.

Par exemple, en Indre-et-Loire, le financement d’une opération d’auto-réha-bilitation accompagnée fonctionne suivant deux filières distinctes. Les sub-ventions de l’ANAH, de la CAF de Touraine, du Conseil Régional et de laMSA forment une filière de droit commun. Parallèlement, le Crédit Immobi-lier et la Fondation Abbé Pierre ont constitué un fonds d’attribution de prêts etde subventions (« le FILODEP ») afin de boucler le plan de financement dessituations les plus problématiques. La commission locale FILODEP, qui réunitle Pact-Arim 37, les Compagnons Bâtisseurs et le Crédit Immobilier, se réunittous les deux mois pour accorder ou non un financement complémentaire sur6 projets en moyenne.

Dans certains territoires urbains, comme à Kalliste, la Fondation Abbé Pierrecontribue également au financement de l’action des Compagnons Bâtisseursau titre de l’amélioration des conditions de vie et d’habitat des habitants duparc de Kalliste.

• UN PORTAGE POLITIQUE ET DES INSTANCES DE PILOTAGE POUR GARANTIR LA COHÉRENCE DU PROJET

C’est généralement dans le cadre des instances de pilotage que les financeursdéfinissent les orientations d’une action et en évaluent les effets. Eu égard aunombre de partenaires financeurs, des instances de pilotage s’avèrent souventnécessaires pour développer une action sur la base d’orientations cohérentes.

Selon les témoignages recueillis auprès des partenaires locaux, chaque acteurfinance un projet selon une logique d’intervention propre. Le Conseil généralpointera comme priorités la redynamisation du ménage, sa resocialisation ouencore la valorisation de son savoir-faire alors qu’une Caisse d’AllocationsFamiliales privilégiera la dimension éducative, l’insertion sociale de la per-sonne ou encore à l’accès aux droits.

« Les grands axes des opérations d’auto-réhabilitation sont des déclinaisonsdes orientations de la CNAF 2005/2008. Le premier axe est lié à la parenta-lité, et le deuxième axe vise l’implication des habitants, l’implication desfamilles. L’objectif, c’est de pouvoir développer une action en partenariatavec les acteurs du quartier qui permette de travailler sur la cellule familialemais de façon plus globale sur les habitants du quartier. Pour moi, l’auto-réhabilitation accompagnée est un support et non une action en soi. Lesobjectifs de la CAF ne sont pas les mêmes que les objectifs de l’OPAC quitendent plus à l’entretien de son patrimoine » (CAF 37).

Le bon déroulement d’une opération se fonde souvent sur un portage poli-tique et un partenariat resserré avec l’ensemble des financeurs. A Bordeaux,le partenariat entretenu entre la Ville et le Conseil général permet parexemple d’orienter l’action sur le quartier Saint-Jean Belcier : « la ville de Bor-

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deaux a été à l’initiative du projet. C’est elle qui a réuni l’ensemble des parte-naires et le Conseil général a très vite adhéré au projet » remarque la direc-trice de l’association régionale d’Aquitaine. A Pignan, les missions de l’asso-ciation régionale du Languedoc-Roussillon ont été définies par le PôleDépartemental de la Solidarité de Pignan-Mèze (Conseil général) et uncomité de pilotage, animé par le SIVOM « Entre Vene et Mosson », permet defaire un point technique sur l’avancement des travaux avec les gens duvoyage en voie de sédentarisation. Enfin, l’association régionale de Bretagnea également proposé à ses partenaires financiers de définir une charte parte-nariale à l’échelle de l’agglomération de Rennes.

En revanche, les financeurs peuvent parfois être beaucoup moins partie pre-nante dans le cadre d’une opération. La CAF d’Indre-et-Loire reconnaît parexemple être loin du terrain et souhaiterait à ce titre pouvoir élaborer desmodalités d’évaluation avec les Compagnons Bâtisseurs afin d’améliorer lalisibilité des actions. Au-delà du mode d’évaluation, l’enjeu réside dans l’im-plication des financeurs et la mise en place d’une véritable instance de coor-dination. A Kalliste par exemple, peu d’initiatives ont été prises à ce jourpour réunir régulièrement le service Développement Social Urbain de laville de Marseille et la Fondation Abbé Pierre (la Fondation n’est pas repré-sentée dans le cadre de l’Opération d’Amélioration de l’Habitat de Kalliste).Dans le prochain Plan de sauvegarde de la copropriété, le service DSU envi-sage de mettre en place un comité de suivi afin d’améliorer la coordinationde projet.

DES PARTENARIATS OPÉRATIONNELS SONT MIS EN PLACEPARALLÈLEMENT AUX INSTANCES POLITIQUES

Dans la plupart des opérations évaluées, un Comité Technique de Suivi estorganisé afin de coordonner les actions des partenaires, d’orienter et desuivre les publics dans l’action (l’orientation du public s’effectuant très sou-vent par le biais des travailleurs sociaux du Conseil général). A Bordeaux parexemple, cette instance réunit tous les mois les partenaires sociaux tels que laMDSI, la CAF, le CCAS, la Mission locale jeunes, le PLIE de Bordeaux, lecentre socioculturel du quartier.

A défaut de portage politique ou de partenariats institutionnels resserrés, lespartenaires opérationnels peuvent jouer un rôle déterminant dans le déve-loppement et l’ancrage des actions d’auto-réhabilitation dans un territoire.En Indre-et-Loire comme en Ille-et-Vilaine, le Pact et les Compagnons Bâtis-seurs entretiennent de très bonnes relations partenariales. Ces deux opéra-teurs travaillent traditionnellement en collaboration étroite dans plusieurssecteurs du département sur le traitement de l’habitat indigne, dans le cadred’OPAH (la communauté d’agglomération Tours Plus a mandaté dernière-ment le Pact-Arim d’Indre-et-Loire pour animer une OPAH insalubrité dansun secteur rural, le Conseil général d’Ille-et-Vilaine – via le CI-FSL a mandaté

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le Pact 35 dans le cadre d’une MOUS habitat indigne). Quelle que soit larégion (Bretagne, Provence ou Centre), les Pact-Arim et les CompagnonsBâtisseurs disposent d’un positionnement et de compétences techniques dif-férentes qui induisent une collaboration fructueuse : le Pact qui anime le dis-positif OPAH ou MOUS réalise un diagnostic technique du logement et uneétude sociale du ménage. Le Pact oriente par la suite les ménages mal logésvers les Compagnons Bâtisseurs, qui élaborent et mettent en œuvre un projetd’auto-réhabilitation.

Néanmoins, ce positionnement comporte quelques inconvénients au vu dudéveloppement de l’activité des Compagnons Bâtisseurs dans certainesrégions. C’est le cas chez les Compagnons Bâtisseurs Centre, qui restent trèséloignés des partenaires financeurs et ont un développement peu autonome.Le Pact occupe une position très stratégique dans le développement de l’acti-vité des Compagnons Bâtisseurs : il est en contact avec les gestionnaires dedispositif (OPAH, etc.), monte les plans de financement, gère le FILODEP etoriente les publics vers les Compagnons Bâtisseurs. Inversement, l’associationrégionale de Provence – qui a été mandatée par la communauté d’agglomé-ration dracénoise pour animer une MOUS insalubrité – tend à se positionnersur les mêmes champs d’intervention que le Pact-Arim.

• DES RELAIS À ASSURER EN FIN DE CHANTIER

LA FIN DU CHANTIER : UNE PRÉOCCUPATION CONSTANTE DES ÉQUIPES

L’investissement des encadrants techniques auprès des familles engendre desliens de confiance voire de complicité très forts. La dynamique collectivedans laquelle le bénéficiaire s’est inscrite dans le cadre du chantier représenteun temps spécifique qu’il est difficile de maintenir par le biais des relaispotentiels (assistantes sociales, etc.).

Tout le travail de l’encadrant – en lien avec la coordinatrice sociale – consistealors à bien anticiper la fin du chantier pour orienter la famille vers les relaisappropriés. Cette démarche, qui ne peut s’improviser, se construit tout aulong du chantier.

DE L’IMPORTANCE DU TISSU PARTENARIAL POUR ASSURER UN RELAIS AU BÉNÉFICIAIRE

La difficulté rencontrée par les équipes des Compagnons Bâtisseurs est sou-vent liée à la présence plus ou moins marquée des relais dans un territoire. Lepartenariat, qui est très développé avec les assistantes sociales à Bordeaux,favorise grandement le suivi du ménage à la fin du chantier. Dans les terri-toires ruraux, les relais sont en revanche beaucoup moins constants. Si lebénéficiaire ne perçoit pas un Revenu Minimum d’Insertion ou une prestationde la MSA ou de la CAF, l’encadrant rencontrera plus de difficulté à effectuerune orientation à la fin d’un chantier.

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L’EXEMPLE D’UNE FIN DE CHANTIER RÉUSSIE…

A Treffendel, le travail engagé par les Compagnons Bâtisseurs Bretagne a per-mis de renouer des liens entre le ménage et les travailleurs sociaux. Selonl’animateur technique, les Compagnons Bâtisseurs ont su distinguer les pro-blèmes objectifs rencontrés par la famille des jugements de valeurs que pou-vaient parfois exprimer les intervenants sociaux. Ils se sont notamment forgésleur propre opinion, lors d’une première visite à domicile, des problématiquesque rencontrait la famille. Cette première rencontre a été suivie d’une réunionavec les travailleurs sociaux chargés du suivi de la famille. Petit à petit, lafamille a de nouveau assisté aux réunions de suivi la concernant. « On a utilisénotre carte de médiation » raconte l’animateur technique. Il faut toutefoisnoter que ce travail a été facilité par le départ des travailleurs sociaux sur les-quels s’étaient concentrées les rancœurs. Mais tous – l’animateur techniquecomme la famille – s’accordent aujourd’hui à dire que si ce changementd’équipe n’avait pas eu lieu, les liens auraient pu être renoués malgré tout.

III.2 PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES ET FINANCIÈRES DES OPÉRATIONS

• LA DIVERSITÉ DES TRAVAUX RÉALISÉS

La nature des travaux effectués par les Compagnons dans le cadre d’un chan-tier d’auto-réhabilitation est très variable. Celle-ci dépend essentiellement dutype d’opération engagé dans les territoires investis (urbain ou rural). Al’échelle du réseau, les travaux s’étendent du gros œuvre aux finitions, en pas-sant par les travaux de second œuvre. En 2006, ces interventions techniques sesont centrées majoritairement sur les travaux de second œuvre : 58 % des tra-vaux (toutes actions confondues) concernaient des travaux de second œuvrecontre 22 % pour les finitions et l’embellissement, et 20 % de gros œuvre.

LES ACTIONS COLLECTIVES EN MILIEU URBAIN : DES TRAVAUX D’URGENCE AUX RÉPARATIONS LOCATIVES

Les opérations engagées en milieu urbain concernent dans leur grande majo-rité des travaux de réparation locative. Ce type de travaux permet générale-ment de sensibiliser les bénéficiaires sur leurs droits et devoirs dans le loge-ment. Les encadrants techniques et les partenaires sociaux expliquent que lemauvais état d’un logement est souvent lié à une très mauvaise occupation(aucun entretien effectué depuis des années dans le logement, pose d’un mor-ceau d’aluminium autour d’un plomb pour faire fonctionner le tableaud’électricité, etc.) et à de mauvaises relations entre le propriétaire et le loca-taire (on retrouve différentes postures chez les propriétaires bailleurs, certainsétant très ouverts, d’autres étant particulièrement indélicats).

Les interventions concernent généralement la réfection des pièces, plus rare-ment la réfection du logement. Les interventions réalisées dans ce cadre

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concernent des travaux d’urgence (tableau électrique dangereux, fuite d’eau),des travaux de réparation (vitres cassées, remplacement de joints de plombe-rie, changement des filtres d’aération), des travaux d’aménagement (posed’étagères, création d’espaces de rangement), des travaux d’embellissement(enduits, papiers peints, peinture). L’état de dégradation des logements repré-sente souvent une limite pour l’encadrant : les enveloppes consacrées (200 à900 €) ne permettent pas toujours de couvrir l’ensemble des travaux à réali-ser comme dans le parc privé de Bordeaux ou dans le cadre de la copropriétéKalliste. Il faut souvent prioriser les interventions, et au besoin réaliser unnouveau chantier quelques années après.

Sur certains sites, les travaux d’urgence peuvent représenter la majorité desinterventions de l’encadrant technique. A Kalliste, nombre de bénéficiairessollicitent les Compagnons Bâtisseurs pour des dysfonctionnements élec-triques (tableau électrique hors norme, fil électrique à nu qui pend au-dessusdu lavabo d’une salle de bains ou d’une cuisine, etc.) ou des problèmes deplomberie (fuite d’un cumulus, etc.).

Les interventions techniques peuvent – très rarement – comprendre des tra-vaux incombant au propriétaire (certains encadrants changent des fenêtresdevenues trop vétustes, certaines ne fermant plus du tout). Mais générale-ment, les encadrants techniques s’y refusent : « Dès que ça touche une chau-dière, un tableau d’électricité, c’est au propriétaire de réaliser des travaux, jen’y touche pas » remarque Dominique. Dans ce cadre, les encadrants orien-tent les bénéficiaires vers les relais appropriés (association ICI pour assurerune médiation bailleur-locataire en Provence, l’ADIL à Bordeaux, etc.). Rap-pelant à une locataire un peu effrayée à l’idée de pointer les dysfonctionne-ments techniques d’un logement (dont certains incombant au propriétaire),l’encadrant technique sensibilise le bénéficiaire petit à petit : « on pointe justevos droits et devoirs en matière d’entretien et de réparation, c’est tout ». Maisle travail peut aller plus loin, les encadrants étant en contact avec des orga-nismes comme l’AMPIL ou l’ADIL.

LES ACTIONS INDIVIDUELLES EN MILIEU RURAL : DES INTERVENTIONSSOUVENT AXÉES SUR LA RÉFECTION D’UN LOGEMENT

En secteur rural, la nature des travaux vise assez souvent la réfection globaled’un logement. Même si les travaux de gros œuvre ne représentent que 26 %des interventions en milieu rural, les interventions sont réalisées dans desvieilles bâtisses vétustes dans les petits bourgs ou le rural profond, des corpsde ferme très délabrés1 ou encore dans des logements troglodytes.

Evaluation prospective

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1 Un seul point d’eau dans la maison, sanitaires extérieurs, un système électrique hors norme, desproblèmes d’isolation thermique, terre battue au sol, etc.

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Les travaux s’inscrivent parfois dans le cadre d’une procédure d’insalubrité,les logements présentant des problèmes techniques importants liés à la cou-verture (toiture ouverte), à la charpente et à l’isolation (fenêtre en bois àsimple vitrage…). Dans ce cadre, les encadrants techniques et les volontairesne maîtrisent pas forcément toutes les techniques du bâtiment. De ce fait, lesCompagnons peuvent faire intervenir des artisans ou des entreprises sur cer-taines tâches (problèmes de charpente ou de toiture en général).

Toutes ces opérations se caractérisent par l’ampleur des travaux à réaliser. Leschantiers concernent des travaux de gros œuvre (réfection du logement,réfection d’une à trois pièces). La nature des travaux peut être également trèsdiverse : reprise de charpente, de la couverture et de zinguerie, aménagementet structuration d’un logement troglodyte, aménagement d’un espace sani-taire et construction d’un local à chaudière.

UELQUES EXEMPLES DE TRAVAUX À RÉALISER DANS LE CADRE D’UN CHANTIER D’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE

Le logement de Monsieur D. doit être entièrement réaménagé : une pièce sertaujourd’hui de lieu de vie. Ce logement est équipé d’un système électrique,mais ne dispose pas d’eau courante et des principaux éléments de confort. Lechantier, dont le coût est estimé à 26 995 €, consiste à faire des travaux d’as-sainissement, à poser un tubage dans la cheminée de la cuisine et à réaliserune réfection des sols et des menuiseries extérieures.

La maison de la famille B. qui compte trois pièces a été classée en sortie d’in-salubrité. Les travaux qui s’élèvent à 17 265 € comportent la mise auxnormes des toilettes et de la salle d’eau, du système électrique, de l’isolationthermique, de la ventilation et la réfection complète de la cuisine/salle à man-ger. Le logement, construit 20 ans auparavant avec des matériaux légers, abien été entretenu au fil des années et est adapté à la vie familiale. Néan-moins, les toilettes qui se trouvent à l’extérieur du logement sont branchéessur une fosse qu’il faut vider une fois l’an. Après de fortes précipitations, lesconduits de la fosse sont obstrués. C’est le chef de famille qui, à 72 ans,débouche les canalisations. En outre, le ménage doit faire face à de lourdescharges liées au chauffage électrique, le logement étant peu isolé.

Le projet de monsieur B., estimé à 12 614 €, vise à refaire l’isolation périmé-trique (murs et sols), l’isolation du plafond, à réaliser la réfection complète del’électricité, à adapter la salle d’eau et à effectuer la réfection des planchers,le branchement des équipements au réseau collectif d’assainissement.

DES INTERVENTIONS PLUS SPÉCIFIQUES POUR LUTTER CONTREL’HABITAT PRÉCAIRE : LA REMISE EN ÉTAT DES CARAVANES À PIGNAN

Les interventions techniques réalisées à Pignan diffèrent des travaux réalisésdans le cadre des actions collectives ou des actions individuelles. Ces inter-ventions techniques doivent être effectuées en respect d’un mode de vie spé-

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cifique. Par exemple, pour les familles gitanes, chaque caravane a une fonc-tion différente (l’une sert de cuisine, l’autre de chambre) et elles doivent y êtretraitées techniquement de la même façon : les petits travaux de bricolageutiles et fonctionnels sont tolérés dans la caravane-cuisine, alors que la cara-vane chambre doit faire l’objet d’une attention particulière (réparation etaménagement des chambres avec des matériaux neufs notamment).

Dans cette opération, les travaux concernent la sécurisation des installationset l’hygiène du ménage (réparation de la gazinière, remise aux normes desinstallations électriques), les aménagements de confort (changement d’unepoignée de porte ou d’une serrure, aménagement d’une salle de bains), destravaux d’isolation qui permettront aux familles de réaliser des économiesd’énergie (remplacement du joint d’étanchéité de la porte d’entrée, répara-tion des fenêtres en plexiglas, consolidation d’un toit de caravane).

DES TEMPORALITÉS DE PROJET QUI DÉPENDENT DU TYPED’INTERVENTION ET DES TERRITOIRES INVESTIS

Les actions collectives dans les quartiers d’habitat social et les actions indivi-duelles en rural n’ont pas les mêmes temporalités de projet. Les conventionsde financement s’étendent généralement sur une année pour mettre en placeune opération collective alors que les projets d’auto-réhabilitation en milieurural peuvent varier de 9 mois à 4 ans selon les situations.

Les actions collectives, qui comprennent de 15 à 20 chantiers d’entraide enmoyenne et des ateliers de quartier, sont généralement bien maîtrisées. Suiteà l’orientation d’un bénéficiaire, un chantier d’auto-réhabilitation dure enmoyenne deux semaines, soit deux jours de mise en place du chantier, cinqjours de réalisation des travaux et un à deux jours de finition (installation deprises électriques, changement des filtres de ventilation, changement desampoules, etc.).

En milieu rural, les temporalités d’une opération restent plus aléatoires. L’éla-boration du projet représente la phase la plus longue et certainement la plusdélicate : la situation financière des ménages (surendettement), la situationjuridique de la personne (divorce non prononcé), le montage administratif duprojet (logement non identifié au cadastre de la commune, etc.) peuvent blo-quer le projet pendant plusieurs années. Par exemple, il a fallu attendre 2 ansavant que monsieur D. puisse financer l’opération. A l’origine du projet,monsieur D. était bénéficiaire du RMI. Ses ressources étaient insuffisantespour élaborer un plan de financement. Deux ans plus tard, cette personne estentrée en retraite. L’augmentation de ses ressources liée à ce nouveau statutet une subvention d’un organisme gérant sa retraite complémentaire ont fina-lement permis d’équilibrer le budget de l’opération.

Dans le rural, les temporalités du projet peuvent ainsi varier de 8 à 9 mois à4 ans, la phase opérationnelle du projet se déroulant en moyenne en trois mois(l’un des projets présentés en Centre a seulement duré 9 mois, mais celui-ci fait

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figure d’exception car le plan de financement a été très rapidement bouclé). Sila phase d’élaboration s’étend sur une période très longue, les Compagnonspeuvent mettre en place « un chantier week-end » afin de maintenir la mobili-sation du bénéficiaire. Par exemple, Monsieur C. a bénéficié deux jours durantde l’intervention d’une équipe des Compagnons pour faire avancer le chantier(creuser une tranchée de 6 mètres pour raccorder la maison au réseau d’assai-nissement, peintures de poutres au plafond, pose d’un volet).

• UNE MAÎTRISE DES COÛTS D’OPÉRATION VARIABLE D’UNE ASSOCIATION RÉGIONALE À L’AUTRE

Les coûts d’opérations varient sensiblement selon les associations régionaleset selon les territoires investis. Dans l’urbain, les enveloppes budgétairesconsacrées aux actions collectives évaluées peuvent évoluer de 66 000 €

(copropriété Kalliste) à 97 700 € (quartier Saint-Jean-Belcier à Bordeaux). Lenombre de logements réhabilités et l’intégration ou non du coût des maté-riaux explique en partie cet écart. Lorsque l’action couple « insertion par l’ha-bitat » et « insertion par l’activité économique », comme dans les Ateliers deQuartier à Rennes, l’enveloppe peut quasiment atteindre 240 000 € (maisseulement 14 000 € pour le financement de la dimension « habitat »). Dans lerural, la fourchette des financements reste assez large : elle varie de 12 000 €(Centre) à 78 000 € (Rennes) environ.

DANS L’URBAIN, DES COÛTS D’OPÉRATION LONGTEMPS SOUS-ESTIMÉSET QUI COMMENCENT TOUT JUSTE À S’HARMONISER D’UNE ASSOCIATION À L’AUTRE

Le coût d’une action collective, qui est déterminée en fonction de l’enve-loppe financière consacrée dans le cadre des conventions, a évolué assez lar-gement depuis 3 ans. Dans certaines associations, ce coût a été sous-évalué,les structures ne disposant pas d’outils de gestion élaborés. Le directeur del’association de Provence explique par exemple qu’en 2004 / 2005, laconvention signée avec le Conseil général des Bouches-du-Rhône fixait lecoût d’opération à 2 555 € par famille, alors que la Caisse d’AllocationsFamiliales versait pour la même prestation 3 300 €, les conventions politiquede la ville fixant le coût d’opération à 4 000 €.

Au regard des difficultés financières rencontrées en Provence, l’associationrégionale a lancé une étude financière afin de déterminer des coûts d’opéra-tion moyen qui permettent de prendre en compte l’ensemble des charges del’association. Au terme de cette analyse, la structure a déterminé un coûtd’opération moyen. Néanmoins, cette analyse financière doit être approfon-die afin de dégager de véritables éléments de comparaison sur le travailengagé à l’échelle des différentes régions.

Au-delà du poids respectif des postes de dépenses, ce sont souvent lescharges de gestion courante, autrement dit les charges fixes de fonctionne-ment (électricité, fluide, etc.), qui pèsent sur le budget.

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DANS LE RURAL, UNE LOGIQUE DE FINANCEMENT AU COUP PAR COUP

En milieu rural, les coûts d’opération varient assez fortement en fonction de lanature des travaux à effectuer. A Rennes comme à Tours, le coût moyend’une opération est estimé entre 20 000 et 25 000 €.

La question du coût financier des opérations se pose approximativement de lamême manière en Bretagne et en Centre, même si les situations financièresdes deux structures restent en tout point différentes. Les deux associationsrégionales, qui travaillent en partenariat étroit avec le Pact-Arim dans le cadrede l’élaboration des plans de financement, disposent de marge de manœuvretrès faible pour proposer des coûts d’opération qui soient à la hauteur de l’en-cadrement technique réalisé. C’est le Pact-Arim qui « conserve la main » surla gestion financière des projets.

En Bretagne, les montages financiers des opérations s’effectuent au « coup parcoup ». L’ANAH applique des taux de subvention dans le cadre des « travauxréalisés pour des propriétaires très sociaux » sur la base des revenus des béné-ficiaires et du type de travaux à réaliser dans le logement. Ces subventions,souvent insuffisantes, ne permettent de couvrir que 50 % maximum du coûtd’opération dans le cadre des opérations évaluées et les familles doiventcontracter des emprunts afin de boucler le plan de financement. Mais lesCompagnons Bâtisseurs s’inquiètent de la diminution progressive de la solva-bilité des ménages qui bénéficient d’une opération d’auto-réhabilitation. LesCompagnons sollicitent alors les Fondations (Fondation Abbé Pierre, Fonda-tion de France, Fondation Bruneau) pour obtenir des subventions à titreexceptionnel. Cette logique de financement produit un effet pervers : le Pact-Arim oriente plus facilement des familles très précaires ou insolvables vers lesCompagnons Bâtisseurs au regard de cette possibilité de financement.

En Indre-et-Loire, la gestion financière du projet est assurée par le Pact. C’estle représentant du Pact en contact avec les financeurs (OPAH, etc.) qui monteles plans de financement, gère le FILODEP et oriente les publics aux Compa-gnons Bâtisseurs. Dans ce contexte, le taux horaire appliqué par les Compa-gnons Bâtisseurs Centre varie en fonction des chantiers tant certains projetsrestent difficilement finançables : il évolue de 10,2 € à 15,08 € selon lesdevis. Le coût de la prestation des Compagnons fait parfois l’objet de négo-ciations suivant la difficulté que rencontre le Pact à équilibrer les budgets. Lesdifficultés financières que rencontrent actuellement les Compagnons Bâtis-seurs Centre s’expliquent en partie par la sous facturation des coûts d’opéra-tion pratiqués ces dernières années : les devis se sont appuyés sur des coûtsstandards d’intervention d’un ouvrier qualifié dans le domaine du bâtiment,alors que l’intervention d’un encadrant technique nécessite beaucoup plus detemps de présence sur le chantier (2 à 3 fois plus de temps selon les dires del’encadrant technique).

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IV. L’AUTO-RÉHABILITATION ACCOMPAGNÉE :DESCRIPTION DES PUBLICS, DES MÉTHODES SUR MESURE, DES IMPACTS

IV.1 DES PUBLICS QUI CUMULENT DES DIFFICULTÉSSOCIALES ET ÉCONOMIQUES

Les publics orientés dans le cadre d’une opération d’auto-réhabilitation sontgénéralement très désocialisés et peu autonomes. En 2006, les personnesseules, avec ou sans enfant, représentaient 72 % des bénéficiaires, 48 % dupublic étant constitué de familles monoparentales. Ces personnes rencontrentdes problématiques sociales assez variées, parmi lesquelles on peut identifierles conflits familiaux, l’isolement social, les troubles du comportement. L’en-trée dans la dépendance et les maladies mentales sont des phénomènes quel’on retrouve fréquemment chez les bénéficiaires : 9 % du public est invalideet/ou perçoit une Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) et 7 % desménages perçoivent un minimum vieillesse. Peu intégrée dans leur environ-nement social, ces ménages disposent également de très faibles ressources :7 personnes sur 10 sont des bénéficiaires du Revenu Minimum d’Insertion oude l’Allocation Parent Isolé. Nombre d’entre eux se trouvent en grande diffi-culté financière (dossiers de surendettement).

• LES MÉNAGES RENCONTRÉS EN MILIEU URBAIN

Les publics qui participent à une opération d’auto-réhabilitation accompa-gnée en milieu urbain vivent généralement de minima sociaux et perçoiventselon les situations le RMI, l’ASS ou l’API. Dans ce cadre, nous avons prin-cipalement rencontré des couples avec enfants ainsi que des familles mono-parentales dans les quartiers d’habitat social de Rennes et dans la copro-priété de Kalliste. Des locataires vivant seuls, des personnes séparées ontégalement été rencontrés dans le parc de logement privé de la ville de Bor-deaux. L’ensemble de ces personnes sont généralement éloignées du mar-ché de l’emploi. Certaines d’entre elles cumulent des problèmes d’insertionliés à l’illettrisme, des problèmes financiers (surendettement) et des pro-blèmes de santé. Par ailleurs, les ménages doivent souvent faire face à unconflit soit au sein de la cellule familiale (mésentente et relations violentesentre une mère et sa fille) ou avec le propriétaire (endettement locatif, etc.).Au regard des difficultés rencontrées par les bénéficiaires, l’intervention desCompagnons Bâtisseurs se justifie non seulement par la médiation qu’ilsopèrent entre un propriétaire et un locataire, mais également par leur rôleéducatif au sein des familles. Les familles, en situation de sur-occupation,dégradent généralement rapidement leur logement. Nombre de ces per-sonnes ne connaissent généralement pas leur droits et devoirs en matièred’entretien locatif.

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• LES FAMILLES RENCONTRÉES EN MILIEU RURAL

Dans le rural, les accédants à la propriété de condition très modeste et lespropriétaires occupants défavorisés issus du milieu agricole constituent unegrande partie des bénéficiaires des opérations d’auto-réhabilitation accompa-gnée. On retrouve moins fréquemment des publics spécifiques comme lesgens du voyage en sédentarisation.

Les ménages qui accèdent à la propriété en milieu rural sous-estiment sou-vent le coût et les temporalités d’un projet de réhabilitation : ils contractentdes prêts pour acheter et réhabiliter un bien en sous estimant le temps passé àélaborer le projet et à réaliser les travaux. Ces ménages se retrouvent rapide-ment en situation d’endettement et se trouvent dans l’obligation de vivre dansdes conditions précaires (installation d’un bungalow sur le terrain acquis letemps de la réhabilitation de la maison…).

Les différents ménages que nous avons rencontrés en Indre-et-Loire ou enBretagne illustrent bien ce type de parcours. Ainsi, Monsieur C., qui est âgéde 68 ans, vit seul dans une maison insalubre qu’il a acquise en 1994 dansl’agglomération de Tours. Sa situation de logement se dégrade rapidementpuisqu’il décide de s’installer dans une caravane à proximité de la maisonpour refaire rapidement les travaux de rénovation. Cet homme, qui disposede faibles ressources (5 832 € en 2006 avec une retraite complémentairePRO-BTP), se trouve confronté à l’ampleur des travaux à réaliser. Par ailleurs,Monsieur D., célibataire, est propriétaire d’un logement troglodyte depuis2005. Ce logement est insalubre. L’acquisition du bien a été réalisée grâce àun apport personnel et un prêt réalisé par la sœur du bénéficiaire. MonsieurD., qui perçoit aujourd’hui le RMI (380 €), a réalisé une grande partie de sonparcours professionnel dans le bâtiment. Il est très investi dans son projet deréhabilitation mais ne dispose pas des moyens humains et financiers suffi-sants pour faire évoluer sa situation de logement rapidement.

A Treffendel, commune située à 30 kilomètres de Rennes, une famille aacquis une maison de village dans le courant de l’année 2000. Cette famillerencontre des difficultés qui rendent ardue la gestion quotidienne du loge-ment. Monsieur T. est en effet handicapé moteur depuis la naissance, etcontraint de se déplacer en chaise roulante. Par ailleurs, la famille compte7 enfants, dont l’un est autiste. Madame T., qui est comptable de profession,a donc des journées bien remplies : elle doit effectuer seule les principalestâches ménagères, suivre les activités des enfants, et enfin s’occuper de leurenfant malade. Difficile dans ces conditions de prendre le temps de réaliserles travaux nécessaires pour améliorer les conditions de vie dans cette mai-son. De nombreux travaux sont en effet nécessaires pour vivre décemmentdans ce logement, notamment la remise au norme des installations élec-triques, la résolution des problèmes d’humidité, la remise en état de la toituredu logement, etc. L’adaptation du logement au handicap de Monsieur T.

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nécessite également la création d’une chambre et d’une salle de bain en rez-de-chaussée.

Un autre type de ménages repéré comprend les personnes originaires dumilieu agricole. Ils sont parfois propriétaires d’une maison familiale ou accé-dant d’un bien sans confort qui n’a jamais été rénové. Âgées d’une soixan-taine d’années, ces personnes rencontrent des difficultés diverses (financières,santé). Elles n’ont pas nécessairement de ressources stables ou sont bénéfi-ciaires du RMI, et ont peu de contacts avec leur environnement. Ainsi, lafamille E., qui compte un couple de 72 et 58 ans et leur enfant de 22 ans, aaccédé à la propriété en 1977. La famille, qui vit dans un logement sansconfort (toilettes à l’extérieur du logement, maison non raccordée au réseaud’assainissement) se voit dans l’obligation de réaliser des travaux d’urgence(le sol de la salle de bains s’écroule). La famille se trouve en difficulté finan-cière et ne peut financer un projet de réhabilitation : la mère de famille acontracté plusieurs prêts à la consommation et ne peut pas emprunter jus-qu’en juin 2009.

IV.2 LES DIFFÉRENTES MÉTHODES D’INTERVENTIONEMPLOYÉES

• LES MÉTHODES D’INTERVENTION À DIFFÉRENCIER SELON LES ASSOCIATIONS RÉGIONALES

Afin d’analyser les méthodes d’intervention des Compagnons Bâtisseurs, nousprésentons huit schémas représentatifs de l’encadrement réalisé dans le cadredes expériences évaluées. Ce schéma présente les intervenants qui partici-pent systématiquement ou de façon facultative à l’élaboration et à la mise enœuvre du projet. Trois constats peuvent être tirés au vue de la configurationde l’encadrement réalisé :

LE BÉNÉFICIAIRE SE TROUVE BIEN AU CENTRE D’UNE DÉMARCHE PARTENARIALE

Les Compagnons Bâtisseurs mettent en place une démarche partenariale aucentre de laquelle se trouve le bénéficiaire. Cette démarche associe, selon lescas, un travailleur social et différents opérateurs sociaux et techniques. Lesméthodes d’intervention évoluent fortement entre les différentes associationsrégionales, notamment en fonction du partenariat opérationnel mis en place.

LES OPÉRATIONS SONT MENÉES PAR DES ÉQUIPES À GÉOMÉTRIE VARIABLE

Les équipes d’intervention mises en place par les Compagnons Bâtisseurs, quivarient d’une association régionale à l’autre, peuvent comprendre dans leurconfiguration la plus large, un coordinateur social, un encadrant technique,des volontaires et des bénévoles. Elles incluent plus rarement du personnel en

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insertion et des personnes ayant des compétences spécifiques (médiatricesocio-culturelle).

L’encadrant technique représente bien le pilier d’une action d’auto-réhabili-tation, puisqu’il développe des liens forts avec les bénéficiaires dans chacunedes huit opérations.

Les volontaires peuvent intervenir autant dans le cadre d’une action collec-tive (Marseille, Castres) que dans une action individuelle (Centre, Bretagne).Néanmoins, les positionnements en matière de volontariat semblent trèsmarqués au sein du réseau : dans certaines structures historiques, les volon-taires constituent un membre très important de l’équipe (Rennes, Centre),alors que les interventions des volontaires ne sont pas systématiques dansd’autres associations (Castres, Marseille). En outre, certaines associationsn’accueillent pas de volontaires au sein de leurs équipes, mais plutôt desbénévoles (Aquitaine).

Les coordinateurs sociaux (ou animateurs sociotechniques) peuvent interve-nir dans le cadre d’une action collective (Bordeaux, Bretagne) et dans lecadre d’une action individuelle (Bretagne). En revanche, l’association régio-nale du Centre ne s’est pas dotée d’un coordinateur, ce qui freine le dévelop-pement partenarial de l’action.

Les Compagnons Bâtisseurs de Bretagne sont aujourd’hui les seuls à faireintervenir des personnes en contrat d’insertion dans des chantiers d’auto-réhabilitation accompagnée.

LE DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS S’INSCRIT DANS DES LOGIQUESTERRITORIALES ASSEZ DIFFÉRENTES

Les liens entre les Compagnons Bâtisseurs et les assistantes sociales sontmoins soutenus en milieu rural que dans un contexte urbain. En effet, lesactions en milieu urbain s’inscrivent souvent dans le cadre de conventionsavec le Conseil général qui permettent aux assistantes sociales de s’appro-prier les actions d’auto-réhabilitation en tant qu’outils d’insertion. Ceci estmoins fréquent dans le milieu rural au vue des logiques de financement aucoup par coup.

En outre, le développement d’actions partenariales en milieu urbain diffus(parc de logements privés de Bordeaux) s’avère plus difficile à mener quedans le cadre des quartiers de la politique de la ville, où de véritables relaispeuvent être mis en place avec les associations de quartier (Kalliste à Mar-seille notamment). Dans les quartiers d’habitat social, les Compagnons Bâtis-seurs ont la possibilité d’inscrire leur action dans un maillage territorial(centre social, associations proposant des activités ludiques aux enfants, asso-ciations réalisant des ateliers d’alphabétisation) ; ils rencontrent plus de diffi-cultés à s’appuyer sur un réseau de partenaires dans une action collective enmilieu diffus (à Bordeaux ou à Castres, les Compagnons travaillent principa-lement avec un centre social).

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La configuration de l’encadrementLes actions collectives

L’action « Entretien de son logement » à Kalliste à Marseille

– Les habitants peuvent faire une demande d’intervention directement àl’encadrant technique

– La forte implication des opérateurs : animateurs de l’Opérationd’Amélioration de l’Habitat, de l’association ICI (médiation propriétaire/locataire, accompagnement social) et des Compagnons Bâtisseurs(encadrementtechnique)

– Le rôle majeur del’encadrant techniqueet du chef de projet

– Les volontairesn’interviennent passystématiquementdans le cadre deschantiers

– Les ateliersthématiques ont étéarrêtés faute departicipants

Une action collective en milieu diffus à Bordeaux

– L’orientation des publics par les travailleurs sociaux

– Le rôle majeur de l’encadrant technique et de la coordinatrice

– Pas de volontaires,mais des bénévolespeuvent intervenirponctuellement danscertains chantiers

– Unaccompagnementsocial systématiqueassuré par lesassistantes sociales duConseil général

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Une action collective dans le parc HLM doublé d’un atelier de bricolage(Castres)

– Orientation des publics par les assistantes sociales du CCAS et du Conseilgénéral

– L’établissement de liens « forts » entre le ménage, l’animateur technique,mais aussi la médiatrice socio-culturelle

– Des volontaires qui n’interviennent pas de façon systématique, mais unlien avec le ménage qui reste fort

– La médiatricesocio-culturellechargée d’entrenir lelien avec lespartenaires, joue aussiun rôled’intermédiaire entreles travailleurssociaux, lesassociations duquartier et le public

Une action collective dans le parc HLM faisant intervenir des personnes en insertion (Rennes)

– Des ménages prescrits par lesassistantes sociales del’agglomération ou par lesservices sociaux des sociétésHLM partenaires

– Un animateur technique aussichargé de l’encadrement despersonnes en insertion, quiparvient mal à tisser des liens « forts » avec le ménage (enpointillé sur le schéma)

– L’animatrice Habitat quiassure le relais avec lespartenaires, ainsi que le serviceIAE des Compagnons BâtisseursBretagne

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La configuration de l’encadrementLes actions collectives

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Une action à dimension individuelle en milieu rural dans le Centre

– L’orientation des publics par le Pact

– Le rôle majeur de l’encadrant technique et du chef de projet

– Pas de coordinateurdans l’action : c’estl’encadrant technique,en lien avec laresponsablevolontariat qui jouece rôle

– La place importantedu volontaire dansl’action

– Le partenariat avecles travailleurssociaux n’est passystématique

Une action à dimension individuelle en milieu rural (Bretagne)

– L’orientation des publics par le Pact 35 et suivi social par le travailleursocial de référence

– L’établissement deliens « forts » entre leménage, l’animateurtechnique et lesvolontaires

– L’animateur socio-technique est chargéd’entretenir le lienavec les partenaires etdu suivi technique destravaux sur plusieurschantiers

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La configuration de l’encadrementLes actions collectives

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Une action à dimension individuelle à destination d’un public en manqued’autonomie (Languedoc-Roussillon)

– L’orientation des publics par les assistantes sociales du CCAS et du Conseilgénéral

– L’établissement de liens « forts » entre le ménage et l’animateur technique

– Des volontaires quiinterviennent troprarement pour nouerdes relations « fortes »avec le ménage

- La nécessité pourl’animateur techniquede travailler enpartenariat étroit avecles personneschargées du suivisocial de la personne

Une action expérimentale à destination des « gens du voyage » à Pignan (Languedoc-Roussillon)

– Un public cible défini par le SIVOM et le Conseil général suite audiagnostic réalisé par une association

– L’établissement deliens « forts » entre lesfamilles et l’animateurtechnique

– Des travailleurssociaux qui travaillenten étroitecollaboration avecl’animateurtechnique, ce dernierjouant un véritablerôle de médiation

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La configuration de l’encadrementLes actions collectives

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IV.3 LE CHANTIER : CŒUR DE L’ACTIOND’AUTORÉHABILITATION

• DE LA PRESCRIPTION À L’ENGAGEMENT DU BÉNÉFICIAIRE DANS LA DÉMARCHE

Le passage d’une prescription sociale à l’engagement du bénéficiaire, qui seformalise souvent par la signature d’un contrat de participation entre le béné-ficiaire et l’encadrant technique, est sans doute l’acte le plus symbolique et leplus important que le bénéficiaire réalise dans le cadre d’une démarched’auto-réhabilitation accompagnée.

DES RELATIONS DE PARITÉ QUI METTENT LE MÉNAGE DANS DE « BONNES DISPOSITIONS »

Au démarrage du projet, les bénéficiaires redoutent généralement cette phased’engagement et la relation hiérarchique établie avec les référents sociaux oùles représentants du Pact leur inspirent généralement une certaine méfiance :« Au début, j’étais un peu réticente. Tout ce monde dans mon logement, çame prenait la tête… Et peu à peu, j’ai fini par m’habituer » avoue une bénéfi-ciaire. Afin que le bénéficiaire passe de la prise en charge à la dynamiqued’engagement, l’encadrant technique cherche à instaurer un rapport d’éga-lité, de respect et de confiance avec le bénéficiaire. Cette nouvelle relation setraduit concrètement dans le discours des bénéficiaires notamment lorsqueceux-ci évoquent qu’avec les Compagnons Bâtisseurs, « on peut parler detout ».

UN TRAVAIL D’ÉCOUTE ET UNE REDÉFINITION DU PROJET AVEC LE MÉNAGE

Pour mettre en confiance le bénéficiaire, l’encadrant technique doit écouterla personne pour pouvoir orienter son intervention en fonction des besoins duménage. La redéfinition du projet constitue une des étapes clés de l’auto-réhabilitation. Cependant, considérant aussi les aspects techniques de sonintervention, l’animateur fait parfois entendre raison au ménage.

La redéfinition d’un projet avec une famille à Treffendel (Bretagne)

L’intervention des Compagnons Bâtisseurs Bretagne auprès dela famille T. illustre bien la capacité d’écoute de l’encadrant enphase d’élaboration du projet. Le premier travail des Compa-gnons Bâtisseurs a été de redéfinir le projet avec la famille. Enfonction de l’enveloppe budgétaire accordée pour le chantier,la famille a dû, en lien avec les Compagnons Bâtisseurs, fairedes choix sur ce qu’il convenait de réaliser dans le cadre de ceprojet. La définition du projet s’est faite au travers d’une négo-ciation avec la famille. Ainsi, Mme T. souhaitait qu’on puisse

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laisser les pierres apparentes de l’intérieur de la maison, maisles Compagnons Bâtisseurs l’ont convaincue que cela revien-drait trop cher, et que si elle faisait ce choix, il faudrait alorsrenoncer à d’autres choses plus importantes. En revanche, leplan de travail de la cuisine et les appareils ménagers ont étésurélevés d’une dizaine de centimètre, et Mme T. a insistépour que le robinet de l’évier soit assortie d’une douchette.Ces souhaits, qui ont pu apparaître comme des « caprices » pard’autres travailleurs sociaux, sont en fait d’une réelle utilitépour Mme T. : elle souffre en effet de maux de dos et la surélé-vation de la cuisine la soulage sensiblement. Quand à la dou-chette, elle lui permet de laver les mains de Monsieur T. avecplus de facilité.

DES MÉNAGES « MOTIVÉS » PAR LE DÉMARRAGE DU CHANTIER

La mise en œuvre des travaux constitue un autre moment fort permettant aubénéficiaire de s’engager dans son projet. Au début du chantier, une per-sonne se sent portée par la dynamique collective en évoquant le travaild’équipe : « ça me motive de les voir travailler comme ça » évoque une béné-ficiaire en parlant de l’équipe. L’esprit d’équipe et la bonne volonté de cha-cun constituent une véritable motivation dans le projet : « j’étais heureux devoir tout ce monde là autour de moi » évoque un autre bénéficiaire.

• LA PARTICIPATION DES BÉNÉFICIAIRES AU CHANTIER : UN CONCEPT QUI RECOUVRE DIFFÉRENTES POSTURES

EVALUER LES CAPACITÉS ET LA MOTIVATION DU MÉNAGE

L’engagement du ménage dans le projet est au cœur du projet d’auto-réhabi-litation accompagnée. Ceci explique que dès les premières prises de contact,le projet fasse l’objet d’une « négociation » entre le bénéficiaire et l’encadranttechnique. L’encadrant technique mesure d’abord – de l’élaboration du pro-jet jusqu’à la mise en place du chantier – la faculté du bénéficiaire à réalisertout ou partie d’un chantier. Il doit également percevoir – avec l’appui de lacoordinatrice ou du chef de projet – l’utilité sociale d’une telle démarche. Carplus que tout autre partenaire, c’est l’encadrant technique qui entre dans lasphère privée du ménage et qui partage la vie de la personne.

« Mon travail consiste autant à aider une personne dans la remise en état deson logement que de l’écouter. Souvent, ce contact s’établit dans l’élabora-tion du projet. C’est nous qui faisons remonter l’information relative auxbesoins, aux blocages, aux problèmes… et quand on est en phase chantier,on voit le changement chez les personnes. Tout se passe dans la manière dese regarder. Ils retournent chez le dentiste alors qu’ils n’y ont pas été depuisdes années » (un animateur technique).

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L’encadrant technique, par expérience, sait bien appréhender les probléma-tiques du ménage. Mais il ne peut jamais garantir la pleine motivation duménage dans toutes les phases du projet. Les difficultés rencontrées par ceménage peuvent conduire parfois à l’arrêt ou la mise en veille du chantier(décès d’un proche, etc.). En terme de participation, les marges de manœuvresont différentes entre l’action collective et l’action individuelle : le travaild’encadrement varie d’une semaine à trois mois selon le type d’opération.Entre une action collective et une action individuelle, la démarche de lafamille est différemment ressentie.

EN MILIEU RURAL, UN TEMPS « LONG » POUR LA PARTICIPATION

Dans le rural, la participation des bénéficiaires aux travaux dure trois moisen moyenne. Cette participation, qui doit permettre de réaliser le chantierdans les délais prévus, s’avère nécessaire au regard de l’ampleur des travauxà réaliser (notamment en sortie d’insalubrité).

La majorité des bénéficiaires a participé aux travaux techniques à des degrésdivers. Dans l’agglomération de Tours, monsieur C. a pris en charge des tra-vaux de gros œuvre (pose de rails, pose de placo, pose d’enduit) et de secondœuvre (peinture des plafonds, pose de fenêtres, pose de plaque de plâtre). Ausein de la famille E., tous les membres de la famille mettent « la main à lapâte » durant les trois mois de chantier : « Mon mari a déblayé tous les gravas,et moi j’ai fait la cuisine pour tout le monde durant le chantier. Mes enfantsnous ont donné un coup de main. Ils ont démoli le plafond de la salle debains et mon gendre a fait la faïence de la salle de bains ». Les compétenceset le savoir-faire de certains bénéficiaires représentent souvent un atout dansla mise en œuvre du chantier (certains bénéficiaires ont travaillé dans le sec-teur du bâtiment en tant que maçon ou tailleur de pierre). Néanmoins, la par-ticipation des bénéficiaires aux travaux n’est pas simple car elle s’étend surune période assez longue, et la motivation du bénéficiaire peut s’estomper aufil du temps. Il n’est pas rare que le bénéficiaire entame des travaux avant lecommencement du chantier. Monsieur C. a par exemple réalisé certainestâches spécifiques comme la taille de plusieurs appuis de fenêtre. Enrevanche, les ménages sont plus difficilement mobilisables à la fin des tra-vaux (lors du troisième mois), les familles ressentant une certaine lassitude devivre dans un chantier permanent.

EN MILIEU URBAIN, DES CHANTIERS PLUS COURTS, MAIS DESHABITANTS PARFOIS DIFFICILES À MOBILISER

Dans l’urbain, la participation du bénéficiaire est plus facile à obtenir sur unecourte période (deux semaines au plus), mais les intérêts et la capacité dechaque bénéficiaire à réaliser des travaux restent variables : « je rencontretous les cas de figure sur les 8 familles que j’accompagne en ce moment »évoque un encadrant technique de Bordeaux qui ajoute : « généralement, jeprends en charge les travaux d’électricité et de plomberie. Pour le reste, une

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personne peut réaliser la plupart des travaux seule ou en famille, et une autrene me passera que les outils. Il arrive aussi que certaines personnes soientorientées sans qu’elles soient motivées. Si on change le lino ou l’on réparel’armoire, ça ne change pas grand chose pour elles. L’intérêt ici, c’est le voletsocial. Si une personne me prend pour un artisan, je la recadre tout de suite.En revanche, si cette personne rencontre des problèmes pour participer, sielle a besoin de parler lorsqu’elle se sent seule et qu’elle fait des efforts en fai-sant un peu de peinture, je me sens dans mon rôle ».

L’exemple de Kalliste permet de bien comprendre la diversité des postures dubénéficiaire dans la réalisation des travaux. Sur les deux familles que nousavons rencontrées, l’une d’entre elles a bénéficié de deux interventions desCompagnons Bâtisseurs à un an d’écart afin de remettre en état son logement(travaux d’urgence, réparations locatives). Sur l’ensemble des travaux effec-tués, la mère de famille n’a passé qu’un coup de peinture dans la cuisine. Saparticipation est faible, mais l’intérêt de l’encadrement est ailleurs : cettefamille est très engagée – au côté du Pact et de l’association I.C.I. – dans lecadre du programme expérimental de lutte contre l’indécence menée auprèsde huit familles. Son engagement est beaucoup plus lisible dans le cadre dutravail de médiation initié auprès du bailleur. En ce qui concerne l’autre situa-tion, la mère d’une famille monoparentale a complètement pris en charge laréfection de la chambre de ses enfants (réalisation des enduits, peinture de lapièce, etc.).

IV.4 LES IMPACTS RELEVÉS À LA FIN DU CHANTIERET LES EFFETS INDUITSL’évaluation des huit actions nous permet de relever des impacts directsauprès des ménages et des effets induits en matière d’insertion sociale. En cequi concerne les impacts directs, l’auto-réhabilitation accompagnée permetde mettre en place un encadrement global qui conduit certains bénéficiairesà changer de comportement dans le logement, à se le réapproprier. Certainsaméliorent les relations avec leurs enfants en retravaillant les différentsespaces de vie du logement. La redynamisation du bénéficiaire permet enfinde stimuler le bénéficiaire dans son parcours d’insertion professionnelle. Siles effets induits restent plus difficilement mesurables, ils permettent égale-ment de montrer que l’insertion par l’habitat dépasse le cadre d’une inter-vention technique, éducative et sociale dans le logement ou à l’échelle duquartier.

• LA RÉAPPROPRIATION DU LOGEMENT

Nombre de propriétaires occupants et de locataires rencontrent des difficultéspour entretenir ou embellir leur logement. Les problèmes sociaux et finan-ciers auxquels ils font face absorbent souvent une grande part de leur quoti-dien. L’état de dégradation dans lequel se trouve le logement (indécence, sur-

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occupation…) freine également les personnes les plus motivées pour rafraî-chir leur cadre de vie. Enfin, certains ménages ne connaissent pas véritable-ment leurs droits et devoirs en matière d’entretien locatif.

Le travail éducatif mené par l’encadrant technique et la dynamique collectiveenclenchée dans le cadre d’un chantier d’entraide permettent généralementde remobiliser le bénéficiaire dans l’organisation et l’entretien de son loge-ment (déblayage des affaires et des meubles par l’équipe, nettoyage despièces par les bénéficiaires avant la mise en œuvre du chantier, etc.). Plu-sieurs exemples illustrent la volonté des bénéficiaires de se réapproprier leurespace de vie. Au terme d’un chantier mené dans le quartier de Blosne àRennes, une bénéficiaire a par exemple souhaité embellir son logement : « enfin, je vais pouvoir décorer mon logement ». Dans le parc de Kalliste, unemère de famille a également réalisé plusieurs travaux d’entretien dans sonlogement à la suite d’un chantier (enduit et peinture sur les murs de la salle àmanger et du hall d’entrée notamment).

L’auto-réhabilitation accompagnée permet en outre de répondre à desbesoins plus spécifiques. Par exemple, le père de la famille E., qui a atteint70 ans, débouchait de plus en plus difficilement les canalisations des eauxusées qui se situaient dans son jardin. La mère de famille, quant à elle, nesupportait plus l’inconfort du logement. Dans ce cas, les éléments de confortintégrés au projet ont changé la vie des bénéficiaires, notamment avec l’ins-tallation de toilettes dans la salle de bains, le rehaussement des toilettes, lapose de plusieurs barres d’appui dans la pièce et le branchement des canali-sations au réseau d’assainissement.

• UNE MEILLEURE OCCUPATION DU LOGEMENT RENFORCE LES LIENS FAMILIAUX DES BÉNÉFICIAIRES

L’état de dégradation et la mauvaise occupation des logements rendent lesconditions de vie des familles particulièrement délicates. Les enfants et lesadolescents n’y trouvent pas leur place, les parents font difficilement face àl’éducation quotidienne des enfants. L’auto-réhabilitation accompagnée per-met assez clairement de redessiner l’espace dans lequel les familles évoluent(les enfants se réapproprient leur chambre, le salon devient un lieu où l’onpeut inviter ses amis, etc.). Ce nouvel espace de vie intègre complètement laplace des enfants.

A Castres, les gens du voyage ont installé avec le concours des Compagnonsune cloison dans la caravane afin de créer une chambre pour les parents etun espace de vie pour les enfants. A Marseille (copropriété de Kalliste) ou àBordeaux, les couples avec enfants et les familles monoparentales vivent leprojet avec les enfants (choix des couleurs et autres options de décoration).Les travaux d’entretien et d’aménagement entrepris dans la chambre desenfants (création d’un espace de rangement, construction d’un coffre à jouets,création d’un espace bureau) leur permettent complètement de réinvestir leur

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chambre : « C’est important d’être bien chez soi. On n’a pas envie d’être à lamaison quand l’atmosphère est toujours humide. Avec le projet, les enfantssont contents. Ils peuvent inviter des amis, avant ce n’était pas le cas. Il y aleur bureau dans la chambre alors qu’avant il était dans le salon… Je ne suisplus crispée à entendre le bruit qu’ils font en jouant. Leur chambre, ça leurpermet d’avoir leur petit univers et on est plus obligé de rester dans la mêmepièce » remarque une mère de famille.

• L’ESTIME DE SOI COMME « DÉCLIC »DANS UN PARCOURS D’INSERTION

Un autre impact identifié est lié à la fierté du travail accompli par les bénéfi-ciaires. L’accomplissement d’un travail représente un véritable moyen pourreconquérir l’estime de soi. Le bénéficiaire trouve une place dans le chantier,se structure peu à peu au travers des tâches accomplies avec l’encadrant,mais aussi dans le cadre d’un travail d’équipe.

A Montpellier, la participation de madame L. à l’embellissement de sonappartement a été une satisfaction. Elle ressent une certaine fierté du travailaccompli. Ainsi raconte-t-elle à l’animateur technique la visite de l’assistantesociale : « Vous auriez vu ! Elle était impressionnée par le travail que nousavons fait ! ». L’animateur lui rappelle qu’elle en a été la principale actrice.Devant l’étonnement de Mme L., il insiste : « C’est vous qui avez tout fait :vous avez rebouché les trous, vous avez poncé, vous avez collé le papierpeint… ».

L’estime de soi peut aussi provoquer un « déclic » dans le parcours d’insertionsociale voire professionnelle d’une personne. Madame R. l’illustre parfaite-ment dans son parcours d’insertion : « Le projet a été pour moi un momentimportant de reprise de confiance. C’est lié à la reconnaissance des autres…J’ai eu l’impression d’être utile. J’étais assez douée dans la peinture. Quand ily avait des plinthes à peindre, c’était pour moi. Alors que je n’avais pas tra-vaillé pendant des années… ça m’a permis de comprendre des choses pourl’avenir. Par exemple, dans un milieu protégé (association d’insertion parexemple), je peux faire des choses. Le projet a suscité des envies et m’a per-mis de me fixer des buts ».

Parfois enfin, la valorisation des propres compétences techniques et dessavoirs professionnels des bénéficiaires participent de cette valorisation de lapersonne. Dans le Centre, Monsieur C. et Monsieur D. remarquent que leprojet a permis de valoriser leur travail et leurs savoirs-faire. Durant le chan-tier, ces personnes ont pu utiliser leurs propres compétences pour faire avan-cer le chantier, mais aussi apprendre aux volontaires à faire un coffrage ouencore à tailler des pierres. Chacun d’entre eux en éprouve une forme defierté : « Je suis content que mon chantier ait pu servir de chantier école. J’aieu un rôle de formateur sur la taille de la pierre. Je leur ai appris à faire unecoupe au ciseau. Il faut du temps pour commencer à travailler sur de la pierre

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et ils [les volontaires] étaient attentifs. Cela m’a permis de valoriser mon tra-vail. Cette posture m’a également permis de trouver une place dans ce petitmonde » évoque Monsieur C.

En Gironde, le Conseil général atteste des effets en termesd’insertion professionnelle

La mobilisation d’une personne dans le cadre d’un chantier sus-cite parfois un engouement qui dépasse l’insertion sociale. Uneévaluation réalisée par les travailleurs sociaux du Conseil géné-ral de Gironde montre assez clairement que, parallèlement auxobjectifs initiaux (appropriation du logement et intégration dansle quartier), certaines familles se sont inscrites dans un parcoursprofessionnel (reprise d’activité en contrat aidé, première expé-rience professionnelle au travail, orientation dans le cadred’une recherche d’emploi). Au terme du chantier, le rapportsouligne les évolutions de huit ménages différents : Madame F.est aujourd’hui suivie par le PLIE et va intégrer un chantier d’in-sertion, Madame V. également suivie par le PLIE fait un CES àl’association « Jardin d’aujourd’hui », Madame G. avait déjà unemploi qu’elle a conservé, Madame M. a engagé une formationd’auxiliaire de vie. Sur huit personnes, 6 ont travaillé en contratd’insertion ou ont intégré une formation.

• L’ENTRAIDE, LE TRAVAIL D’ÉQUIPE ET LES ATELIERS COLLECTIFSCOMME LEVIERS D’INSERTION SOCIALE DANS LE QUARTIER OU L’ENVIRONNEMENT PROCHE

Pour les personnes isolées, la dynamique collective est parfois difficile à inté-grer. Certaines personnes n’ont plus de relations sociales et familiales.D’autres se trouvent en conflit permanent avec leur entourage ou avec leurassistante sociale. C’est donc avec beaucoup de prudence qu’elles accueillentles équipes des Compagnons dans leur logement, s’exposant à des inconnusen montrant une part de leur intimité : « L’inconnu, c’est difficile pour moi etaller vers les autres aussi » remarque par exemple R. Dans ce contexte, lesvaleurs d’entraide et de volontariat portées par l’association jouent à pleindans l’insertion sociale des personnes : « Quand on est sur un chantier, on tra-vaille beaucoup, mais on rigole aussi… ça nous permet de raconter nos his-toires » raconte un bénéficiaire. A Bordeaux, le réseau d’entraide qui s’est misen place dans le cadre d’un chantier perdure entre les différents participantssuivant les affinités et les intérêts poursuivis dans le cadre du projet.

Les ateliers collectifs peuvent représenter des leviers d’insertion majeurs dansle dispositif d’encadrement et d’accompagnement des Compagnons Bâtis-seurs comme dans le quartier de Lameilhé, à Castres. Pour Monsieur etMadame L., l’histoire partagée avec les Compagnons Bâtisseurs ne s’est pas

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arrêtée à la fin du chantier. Monsieur L. a souhaité s’inscrire à l’Atelier de bri-colage organisé par les Compagnons. Puis, les membres du couple, chacun àleur tour, ont participé à d’autres chantiers de l’Atelier de quartier, au béné-fice d’autres habitants. Mme L. ne saurait donner de justifications à cet inves-tissement altruiste. Ce qui est sûr, c’est qu’en aucun cas elle ne s’est sentieobligée de participer à d’autres travaux. « Ce n’était pas une obligation ! »,insiste-t-elle. Selon elle, tout cela s’est fait naturellement : « C’est le plaisir, leplaisir d’aider les autres comme ils nous ont aidés ». Dans le contexte plusrural de l’agglomération de Tours, Monsieur D. est aujourd’hui un peu plusen phase avec son environnement social. Il s’est inscrit à l’association pourdevenir bénévole, en partie parce que les Compagnons « sont en phase avecsa philosophie de la vie ». Plusieurs évènements montrent également quecette personne seule entretient aujourd’hui des relations avec son environne-ment social. Par exemple, la fille du maire, qui organise un spectacle sur lacommune, a convié monsieur D. à y participer.

• DES EFFET INDUITS MOINS BIEN MESURABLES

L’ACCÈS AUX SERVICES, L’AMÉLIORATION DES RELATIONS AVEC LES SERVICES ADMINISTRATIFS, PARTICULIÈREMENT LES INSTITUTIONS SCOLAIRES

L’action d’auto-réhabilitation accompagnée permet à certains bénéficiairesd’accéder à certains services et de faire valoir leurs droits. Les répercussionsd’une opération sont souvent le fruit d’une bonne collaboration et d’échangestrès intenses sur les manières de vivre des uns et/ou sur le fonctionnement detel ou tel service.

A Bordeaux, Rennes, Castres ou Marseille, les encadrants techniques, quisont en capacité de comprendre les blocages et les problèmes d’une famille,se sont à plusieurs reprises trouvés en situation favorable pour mieux orienterles ménages vers des services administratifs (écoles, services sociaux), desservices de soins (dentistes, médecins), des associations (alphabétisation, acti-vités ludiques pour les enfants…). A Bordeaux, par exemple, Madame R. aretrouvé confiance en elle, ce qui lui permet de renouer des liens avec l’insti-tution scolaire où son enfant est inscrit : « Aujourd’hui, j’ai moins de difficultéà aller vers les gens, notamment à l’école de ma fille. J’ai repris contact avecl’instituteur. J’ai pris de l’assurance, je ne suis plus aussi timide qu’avant, jeme sens moins isolée ».

A Castres, le travail d’accompagnement à l’installation sur les terrains fami-liaux a par exemple permis une meilleure appréhension du fonctionnementde l’administration. Les familles, explique l’animateur technique, se représen-tent les services administratifs comme d’immenses labyrinthes dont il estimpossible de sortir indemne. Le travail de médiation qu’a fourni l’animateurtechnique a permis de résoudre des situations administratives liées au verse-ment du RMI, des allocations familiales ou à l’établissement d’une carte grise

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pour une caravane, qui paraissaient sans issue. Régulièrement, il les tenaitinformés de l’état d’avancement des dossiers, leur faisait lire des documents.Les familles ont peu à peu pris conscience que les problèmes administratifspouvaient être résolus, à condition de s’armer de patience, et d’admettre lefait que cela pouvait prendre du temps.

UN PROJET QUI PERMET DE LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET DE MIEUX COMPRENDRE LES DIFFÉRENCES CULTURELLES

Le rôle de l’animateur et des coordinatrices sociales ne se limite pas à l’accèsaux droits et aux services à destination des bénéficiaires. La lutte contre lesdiscriminations est par exemple un thème de travail au sein des formationsmises en place pour les volontaires de l’association régionale du Centre. Ellespermettent de mieux appréhender les codes culturels de chaque ménagedans le cadre des actions collectives.

Au-delà des formations, à Castres, un chantier a eu des répercussions « inat-tendues » dans le champ de la lutte contre les discriminations. Pour des rai-sons difficiles à déterminer, la voisine d’un ménage inscrit dans le cadred’une action collective n’avait pas « supporté » l’arrivée de Mme L. dans lelogement. Elle se plaignait des nuisances sonores que provoquait son fils quiavait alors 3 ou 4 ans. Cette voisine avait un comportement agressif, et leconflit s’est peu à peu envenimé. Selon la médiatrice, le fait que Mme L. soitmusulmane et qu’elle porte un voile ne devait pas être étranger à ce compor-tement. Mme L. a même pensé changer de logement, pour retrouver une cer-taine tranquillité. La médiatrice des Compagnons Bâtisseurs est intervenue, eta demandé une médiation officielle organisée par le bailleur. Depuis quecelle-ci a eu lieu, les relations entre Mme L. et sa voisine se sont apaisées. « Aujourd’hui, on est tranquille » assure Mme L.

V. LA STRATÉGIE DU RÉSEAU NATIONAL ÀL’ÉPREUVE DES SIX TERRITOIRES D’INTERVENTIONLe réseau des Compagnons Bâtisseurs se structure autour d’une associationnationale et de 6 associations régionales. Le développement des activités duréseau est en grande partie assuré par les directeurs régionaux, en lien avecleur Conseil d’Administration respectif. Parallèlement, l’association nationaledes Compagnons bâtisseurs, qui « chapeaute » l’ensemble des associations,coordonne les actions de développement dans les différents territoires, animele réseau au travers de rencontres inter-régionales. Deux grandes probléma-tiques ont émergé à l’échelle du réseau national ces dernières années suiteaux difficultés financières rencontrées par les associations de Provence et duCentre. Ces deux questions relèvent de l’identité des Compagnons Bâtisseurset de la visibilité de leurs actions et démarches engagées auprès des acteursinstitutionnels et des partenaires locaux.

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Comment les Compagnons Bâtisseurs peuvent-ils s’adapter à la commandepublique en conservant leur culture et les fondements de leur démarche (avecles valeurs de volontariat, de bénévolat et d’entraide) ?

En outre, comment l’association nationale fait-elle la synthèse des activitésmenées par les associations régionales en matière d’insertion par l’habitat,sachant que les positionnements des structures et les méthodes d’interventionrestent assez variés d’une région à l’autre ? Comment peut-elle, dans cecadre, rendre plus visibles les méthodes d’intervention au plan national et auplan régional ?

V.1 DES ASSOCIATIONS RÉGIONALES QUI ADOPTENT DES POSITIONNEMENTS DIVERSIFIÉS FACE À LA COMMANDE PUBLIQUEL’une des spécificités du réseau Compagnons Bâtisseurs tient à la gestiondécentralisée de l’activité à l’échelle des régions. A la suite des diverses diffi-cultés financières rencontrées en 1996, l’Association Nationale des Compa-gnons Bâtisseurs abandonne son siège parisien et régionalise ses activités. LeCentre gère le pôle Volontariat, le Midi-Pyrénnées assure la gestion des Chan-tiers Internationaux, la Bretagne gère le pôle Insertion par l’Activité Econo-mique, la Provence conservant le pôle de l’Insertion par l’Habitat. Ce n’estque récemment qu’une ré-intégration de ces missions au sein de l’entiténationale a été amorcée, avec l’embauche par l’Association Nationale dechargés de mission (Insertion Habitat), et tout dernièrement (début 2007) lamise en place d’une Direction Nationale.

Ce type de gestion décentralisée a eu plusieurs conséquences, à commencerpar la diversification des activités et des compétences de certaines associa-tions. Dans ce cadre, la part des activités d’insertion par l’habitat a sensible-ment évolué selon les structures puisque certaines associations développentdes actions dans le champ de l’insertion par l’économie.

• LES ACTIVITÉS D’INSERTION PAR L’HABITAT ONT PRIS UNE PARTVARIABLE DANS LE DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS RÉGIONALES, LES DYNAMIQUES DE DÉVELOPPEMENT RESTANT PEU HOMOGÈNES

Alors même que l’insertion par l’habitat représente le cœur de métier desCompagnons Bâtisseurs (cf. première partie), nombre d’associations ontcherché depuis plus de 20 ans à diversifier leur activités en se positionnantsur le champ de l’insertion par l’économie (le cas de la Bretagne parexemple). Dès lors, les politiques sociales départementales apparaissentdéterminantes pour soutenir l’activité des associations régionales (40 per-sonnes en insertion en Bretagne, deux chantiers d’insertion en Aquitaine, desactivités d’insertion en Midi-Pyrénées, 1 chantier d’insertion en Languedoc-Roussillon notamment).

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LES ACTIVITÉS DÉVELOPPÉES

• L’association régionale de Bretagne propose des ateliers de quartieren milieu urbain, des chantiers familles ruraux, des chantiers interna-tionaux, des actions de Volontariat, des chantiers d’insertion. Les acti-vités d’insertion professionnelle représentent environ 50 % de l’acti-vité de l’association. L’équipe est représentée par 30 salariéspermanents et 48 salariés en insertion.• La structure porte 4 types d’actions d’auto-réhabilitation accompa-gnée sur 4 territoires distincts : des chantiers en milieu rural en Ille-et-Vilaine (12 en 2005) ; des ateliers de quartier à Saint-Malo, et à Lanes-ter (Morbihan) et à Rennes, dans différents quartiers. • Ces différents chantiers peuvent faire intervenir des volontaires (enmilieu rural). L’association est la seule a proposer du personnel eninsertion dans les chantiers d’auto-réhabilitation (en milieu urbain). Enoutre, les ateliers de quartier intègrent parfois une dimension collec-tive (chantiers d’entraide), mais pas systématiquement.

• L’association régionale de Languedoc-Roussillon propose des ate-liers de quartier en milieu urbain, des chantiers familles ruraux, desactions de Volontariat, des chantiers d’insertion. Elle ne développepas de chantiers internationaux. Elle dispose de 20 salariés et de20 personnes en insertion.• Les ateliers de quartier représentent l’activité principale de la struc-ture. L’association compte en effet 6 ateliers dans l’Hérault (dont 3 àMontpellier), et depuis 2006, 3 ateliers dans le Gard (dont 1 à Nîmes).Des chantiers famille sont réalisés à Pézenas, et font intervenir, enplus de l’animateur technique, 3 volontaires à long terme.• Une action originale a été développée auprès de la populationgitane à Pignan-Saussan, en partenariat avec le SIVOM « Vene & Mos-son ». Elle consistait en la réhabilitation de « caravanes » (aménage-ment de lits superposés, isolation, etc.) sur des terrains non construc-tibles, mais appartenant aux populations.

• L’association régionale de Midi-Pyrénées propose des ateliers dequartier en milieu urbain, des chantiers familles ruraux, des chantiersinternationaux, des actions de Volontariat, des chantiers d’insertion.• L’auto-réhabilitation accompagnée ne représente qu’environ 20 %de l’activité de l’association. La principale action est l’atelier de quar-tier de Lameilhé, à Castres. Cette action intègre un atelier de brico-lage, mais son originalité repose sur l’intervention d’une médiatricesocio-culturelle et l’animation d’un atelier de soutien à la parentalité. • D’autres actions sont réalisées en milieu rural, toujours dans leTarn, mais elles ne comptent pas plus de 3 chantiers par an. • Les Compagnons Bâtisseurs travaillent actuellement sur le dévelop-pement d’une action d’auto-réhabilitation accompagnée en Haute-Garonne, à Toulouse (quartier Amouroux). L’association a développél’action bordelaise de 2003 à 2005 dans le cadre d’un programmed’essaimage.

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LES ASSOCIATIONSRÉGIONALES

Les CompagnonsBâtisseurs deBretagne

Les CompagnonsBâtisseursLanguedoc-Roussillon

Les CompagnonsBâtisseurs Midi-Pyrénées

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LES ACTIVITÉS DÉVELOPPÉES

• En Provence, l’activité de l’association se partage entre l’inser-tion sociale par l’habitat et l’insertion professionnelle par lesmétiers du second œuvre en bâtiment. Trois volontaires sont asso-ciés aux chantiers lancés dans les ateliers de quartier. La structurea été placée en redressement judiciaire en janvier 2006 et un planstratégique a été mis en place afin de maintenir l’activité.• Ces ateliers représentent la plus grande part des actions d’auto-réhabilitation engagées par l’association en 2007 : 137 opérationssont réalisées en partenariat avec le Conseil général, la CAF et leservice DSU de la ville de Marseille. Ces actions se déroulent prin-cipalement dans le parc privé. L’association utilise également lesopérations d’auto-réhabilitation comme outils de lutte contre l’ha-bitat indigne.• La structure gère une MOUS habitat indigne.

• En Aquitaine, le développement des activités d’auto-réhabilita-tion a été soutenu par plusieurs partenaires institutionnels (dont laville de Bordeaux et le Conseil général). • L’association développe des ateliers de quartier dans le parcpublic de logements de la ville de Bègles et dans le parc privé dif-fus de Bordeaux. Elle met également en place deux chantiers d’in-sertion professionnelle. Elle ne dispose pas de volontaires et nepropose pas de chantiers internationaux. 8 personnes sontemployées dans la structure et 20 personnes travaillent dans lecadre de chantier d’insertion.• Une quinzaine de chantiers a été réalisée en 2006 dans le cadrede l’ORU d’Yves Farges (opération de renouvellement urbain)engagée à Bègles. La démarche proposée comporte une dimen-sion collective (réunions d’habitants, entraide entre les familles).Les interventions menées dans la ville de Bordeaux se situent dansle secteur déqualifié de Saint-Jean-Belcier et concernent 15 nou-veaux chantiers. Ces interventions doivent être lancées en 2007dans le cadre du contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) deBordeaux.

• Les Compagnons Bâtisseurs Centre proposent des chantiersfamilles en milieu rural et des ateliers de quartier qui intègrent desvolontaires long terme (VLT), des chantiers internationaux et deschantiers week-end avec des bénévoles et des volontaires adhé-rents. L’activité d’insertion par l’économie a été mise en veille en2006, depuis l’instauration des nouveaux contrats aidés. La struc-ture dispose de 6 salariés. Plusieurs licenciements ont été réaliséssuite aux difficultés financières.• Ils développent cette année un atelier de quartier, dans l’agglo-mération de Tours.

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LES ASSOCIATIONSRÉGIONALES

Les CompagnonsBâtisseursProvence

Les CompagnonsBâtisseursAquitaine

Les CompagnonsBâtisseurs Centre

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Les données recensées par l’association montrent que les activités menéesrestent très diversifiées à l’échelle du réseau, la dynamique de développe-ment n’étant pas homogène d’un territoire à l’autre.

– Les associations régionales du Centre et de Provence se sont recentrées surdes activités d’insertion par l’habitat suite à des difficultés financières. La Pro-vence a mis en place un plan de redressement (réduction de plus de 10 % dela masse salariale) et a réévalué ses coûts d’opération à la hausse. Les princi-paux partenaires financeurs ont joué le jeu en décidant de financer les actionscollectives sur la base d’un nouveau tarif (6 100 €/par famille). La structureanime également une MOUS « insalubrité, indécence, saturnisme » dans leCentre ancien de Draguignan. Avec son expérience marseillaise (la copro-priété de Kalliste notamment), la compétence se porte donc assez largementsur le traitement de l’habitat indigne. Le Centre entre actuellement en phasede redressement judiciaire (les coûts d’opération ont été sous-estimés ces der-nières années), l’association de Bretagne travaillant actuellement sur un pro-jet de reprise. Le développement de la structure semble assez complexe àmener, en l’absence de partenariat financier majeur (le Conseil général nefinance les actions d’auto-réhabilitation qu’au « coup par coup »). En interne,la structure ne dispose pas de poste de directeur ni de poste de coordination,ce qui ne permet pas de structurer le développement de l’association.

– Trois associations ont globalement élargi leur champ de compétences. LesCompagnons Bâtisseurs de Bretagne et d’Aquitaine ont diversifié leurs activi-tés dans le champ de l’insertion par l’activité économique. L’Aquitaine estimeces actions complémentaires dans le cadre de projets territorialisés etcontractualisés. L’auto-réhabilitation accompagnée demeure prioritaire. LeLanguedoc-Roussillon, qui a rencontré quelques problèmes financiers en2006, tente également d’élargir sa palette de compétences dans le champ del’insertion par l’habitat en travaillant auprès de publics spécifiques (popula-tion gitane, publics peu autonomes) ;

– Enfin, l’association de Midi-Pyrénées a élargi son champ d’interventiondans d’autres départements (Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées), le dévelop-pement des activités étant assez peu maîtrisé dans le Tarn.

Ainsi, la multiplication des champs d’intervention tend parfois à brouiller laperception du sens que prend le développement des associations régionalescomme de l’association nationale.

• LE POSITIONNEMENT DES ASSOCIATIONS RÉGIONALES FACE À LA COMMANDE PUBLIQUE

Selon les partenaires institutionnels et les acteurs locaux, les logiques parte-nariales se fondent essentiellement sur l’ancrage territorial, le positionne-ment et les compétences des Compagnons Bâtisseurs.

En effet, les partenaires financiers sont unanimes pour dire que les Compa-gnons Bâtisseurs ont été sélectionnés pour leurs compétences techniques et

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sociales. En outre, certains partenaires font appel aux Compagnons Bâtisseursen l’absence d’opérateurs dans le territoire. « On n’a pas pensé à d’autresassociations que les Compagnons bâtisseurs, il n’y a qu’eux qui mêlent letechnique et le social dans leur intervention » évoque le représentant du DSUde Marseille. « Quand on a souhaité mettre en place avec la ville de Bor-deaux une action d’auto-réhabilitation accompagnée, il a fallu trouver unopérateur. Un appel d’offre a été lancé en avril 2002. Personne n’a répondu àl’appel d’offre à l’exception de l’association Réseau 32, qui s’est par la suiterétractée » note la représentante du Conseil général de Gironde. En Ille-et-Vilaine, le partenariat est installé depuis très longtemps – autant du côté desfinanceurs (conseil général notamment) que du côté des partenaires opéra-tionnels (Pact), ce qui permet à l’association de consolider son action dans ledépartement et de développer des actions à Brest et Lorient.

Néanmoins, l’étude des 8 opérations d’auto-réhabilitation accompagnéemontre bien que les partenaires financeurs orientent de plus en plus leurfinancement suivant une logique de projet : « aujourd’hui, on a besoin deborder nos dossiers de subventions car on a plus de contraintes financières.On est dans une phase délicate de réorganisation et notre budget de subven-tion est à la baisse. Nous souhaitons bien sûr conserver les partenariats encours, mais pas tout le temps. Les subventions de fonctionnement sontremises en cause au profit de subventions par projet » évoque une représen-tante de la MSA d’Ille-et-Vilaine.

Les conventions passées entre les associations régionales et les partenairesfinanciers (Conseil généraux, Caisse d’Allocations Familiales, MutualitéSociale Agricole notamment) évoluent de plus en plus au gré des orientationspolitiques. Les contraintes financières que les financeurs rencontrent ne leurpermettent plus d’accorder des subventions de fonctionnement pour assurerla pérennité des structures. Ces contraintes budgétaires leur imposent notam-ment de fixer des objectifs d’intervention plus restreints, parfois plus contrai-gnants pour les Compagnons Bâtisseurs, dans le cadre des dispositifs territo-riaux ou dans le cadre de conventions bipartites.

Si l’on inverse le propos, en s’interrogeant sur le positionnement des associa-tions face à la commande publique, on définira schématiquement troisgrandes tendances. Certaines structures s’appuient sur un développementexogène (facteurs de développement externe) qui, en cherchant à répondre àla commande publique dans une logique de réponse à appel d’offre. Dans cecadre, les besoins financiers de l’association ou la mise en concurrence d’uneoffre de services par certains acteurs publics conditionnent la réponse desCompagnons Bâtisseurs. Le cas le plus représentatif de cette tendance est l’as-sociation régionale d’Aquitaine qui se positionnait dans le cadre d’une com-mande politique très précise. Elle s’oriente à partir de 2007 vers la proposi-tion de projets aux partenaires institutionnels. D’une certaine façon,l’association de Languedoc-Roussillon se trouve dans une configuration simi-

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laire puisqu’elle répond à des commandes très spécifiques (SIVOM EntreVène et Mosson) et est mise en concurrence dans l’Hérault sur les actions col-lectives.

D’autres structures ont cherché à élaborer un développement endogène (fac-teurs de développement interne) qui consisterait à s’appuyer sur les capacitésd’innovation de la structure. L’association du Centre, qui revendique uneapproche expérimentale (intervention systématique de volontaires sur leschantiers, etc.) représente bien cette tendance.

Enfin, plusieurs associations alternent entre ces deux positionnements. A lasuite de ses difficultés financières, l’association de Provence a égalementcherché à mieux se positionner face à la commande publique (en rééva-luant ses coûts d’intervention, ou en se positionnant sur une MOUS à Dra-guignan) tout en développant une compétence originale au sein du réseauen intervenant dans le champ de la lutte contre l’indécence. En Bretagne, laposture est à peu près similaire puisque l’association a diversifié ses compé-tences (insertion par l’habitat, insertion par l’activité économique) tout enconservant des champs d’intervention plus expérimentaux (intervention depersonnes en insertion professionnelle dans le cadre d’une opérationd’auto-réhabilitation, etc.).

V.2 UNE GESTION DÉCENTRALISÉE QUI CONDUIT PARFOIS À DES SITUATIONS FINANCIÈRES PROBLÉMATIQUESNous l’avons vu, les structures portent un développement fragile qui peutconduire à des situations financières très problématiques (procédures judi-ciaires des associations Centre et de Provence). Dans ce contexte, chaqueassociation cherche aujourd’hui à consolider ou à développer son actiondans les territoires au gré des aléas des politiques sectorielles et des politiquesterritoriales.

Outre la question de la maîtrise des outils de gestion, les préoccupationsdes représentants de chaque région se concentrent aujourd’hui sur lamanière de développer le partenariat financier et de structurer leur déve-loppement autour d’instances partenariales afin de sécuriser les actionsd’auto-réhabilitation.

Ces préoccupations de développement territorial s’inscrivent dans uncontexte particulièrement difficile : les équipes sont parfois instables ou enévolution (Bordeaux, Provence, Centre), ce qui ne permet pas aux partenairesd’avoir un véritable point de vue sur l’évolution des activités des Compa-gnons Bâtisseurs. En l’absence de lisibilité sur le devenir des actions, certainspartenaires financiers souhaitent engager une démarche d’évaluation (Caf deTours, Caf de Marseille, Conseil général de Gironde notamment) afin demieux orienter les actions.

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V.3 L’ASSOCIATION NATIONALE DES COMPAGNONSBÂTISSEURS : UNE RECHERCHE DE COHÉRENCE ET DE LISIBILITÉ AU SEIN DU RÉSEAU L’association nationale, qui se compose de 8 personnes dont 5 salariés, s’estfortement développée depuis les 5 dernières années tant sur le plan financierque sur le plan partenarial. Son budget s’est accru et deux nouvellesembauches ont été réalisées en 2007 afin d’améliorer la coordination au seindu réseau et de développer le champ d’intervention des Compagnons Bâtis-seurs sur de nouveaux territoires.

Son activité se structure autour des quatre pôles que sont l’insertion par l’ha-bitat, le volontariat (accueil et formation), les chantiers internationaux et lesformations des équipes (stages, initiation). Ces diverses missions permettent àl’association nationale d’appuyer les associations régionales dans leur déve-loppement, mais également d’assurer l’essaimage des expériences dansd’autres territoires. Dans le cadre du développement de l’association, le pôled’insertion par l’habitat représente un enjeu stratégique tant l’auto-réhabilita-tion accompagnée représente historiquement le cœur de métier des Compa-gnons. L’association nationale ambitionne aujourd’hui de devenir une tête deréseau sur la question de l’auto-réhabilitation accompagnée.

• LES MISSIONS DU PÔLE INSERTION HABITAT

Au sein de l’association nationale, le Pôle Insertion Habitat a en charge plu-sieurs fonctions majeures dont l’animation du réseau à l’échelle des régions,la coordination et l’appui technique des associations dans le cadre des mon-tages d’opération ainsi que le développement des partenariats nationaux enlien avec divers acteurs institutionnels, sociaux et associatifs pour faire existerle champ de l’auto-réhabilitation.

Depuis 2006, plusieurs conventions ont été signées avec ces partenaires(dont la DIV, la CNAF, le DGUHC, la DGAS ou encore la Caisse Centrale dela Mutualité Sociale Agricole) afin d’orienter les actions des associationsrégionales (lutter contre les discriminations et favoriser l’intégration, luttercontre l’habitat indigne, renforcer la fonction parentale, développer les lienssociaux et la solidarité, etc.). Cette montée en charge progressive des activitésde l’association nationale dans le champ de l’auto-réhabilitation accompa-gnée pose aujourd’hui un certain nombre de questions, notamment au regardde la difficulté que les associations régionales rencontrent pour développerleurs propres activités.

Or, la diversité des expériences régionales offre peu de lisibilité sur ce queconstitue aujourd’hui la stratégie et la finalité de l’action des CompagnonsBâtisseurs. Au-delà des principes fondateurs de l’intervention, quelles sont lesgrandes lignes de la démarche d’auto-réhabilitation accompagnée à privilé-gier au regard des méthodes d’intervention développées dans chaque région ?

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Comment l’association peut-elle faire vivre ce champ à l’échelle nationale etsur quelle base ? L’enjeu de développement, pour l’association nationale, secaractérise autant par la question de l’essaimage, la promotion et l’innovationdes démarches sur de nouveaux territoires que par la question de la coordi-nation du réseau régional sachant que certaines associations se trouventaujourd’hui en difficulté financière.

• LES ENJEUX POINTÉS POUR LE RÉSEAU AU TERME DE L’ÉVALUATION

Pour conclure, si l’Association Nationale des Compagnons Bâtisseurs sou-haite aujourd’hui engager une réflexion sur le développement et la promotiondes démarches d’insertion par l’habitat, les enjeux se concentrent bien sur lalisibilité des actions auprès des partenaires et l’identité des CompagnonsBâtisseurs dans un contexte d’intervention en forte évolution.

– En clair, comment l’association nationale peut-elle assurer le développe-ment du champ de l’auto-réhabilitation en s’appuyant sur les expériences desdifférentes associations ?

– Quels sont les thèmes fédérateurs sur lesquels se retrouvent aujourd’hui lesdifférentes associations régionales ?

– Y a-t-il une démarche commune et des outils de gestion partagés à élaborerdans ce cadre ?

– Quelle place le réseau doit-il laisser à l’innovation ? Comment le réseaunational s’appuiera-t-il sur ces démarches innovantes pour essaimer dans denouveaux territoires ?

L’ensemble de ces questions doivent être déclinées dans le cadre d’une stra-tégie d’intervention partagée entre les différentes associations régionales etfondée sur des démarches d’intervention clairement définies. Pour contribuerà cette réflexion stratégique sur le développement du réseau national, nousrappellerons en conclusion les forces et faiblesses identifiés dans le cadre des8 opérations évaluées.

CONCLUSION Au terme de cette évaluation, plusieurs enseignements peuvent être tirés afinde permettre aux Compagnons Bâtisseurs de favoriser un développementcoordonné de leurs activités au sein du réseau et d’améliorer la lisibilité deleurs interventions auprès des partenaires financiers et des acteurs locaux quiœuvrent dans le champ de l’auto-réhabilitation accompagnée. Pour présenterles forces et faiblesses des opérations évaluées, nous distinguerons les élé-ments qui représentent des atouts dans le développement de l’activité, les dif-ficultés auxquelles les Compagnons Bâtisseurs font face au regard ducontexte d’intervention ainsi que les limites identifiées dans le cadre du fonc-

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tionnement et/ou de l’organisation actuelle des structures régionales et duréseau national.

1. LES DÉMARCHES DÉVELOPPÉES PAR LES COMPAGNONSBÂTISSEURS PRÉSENTENT DE NOMBREUX ATOUTS L’évaluation des actions d’auto-réhabililitation accompagnée montre que laphilosophie d’intervention des Compagnons Bâtisseurs représente un élémentmoteur dans la conception et la mise en œuvre d’un projet d’auto-réhabilita-tion. Les valeurs d’égalité de traitement entre les différents membres d’uneéquipe ou encore de solidarité et de volontariat sont constitutives d’une cul-ture partagée au sein du réseau. Ces principes d’action rejaillissent trèsconcrètement dans la mise en œuvre d’un chantier pour redynamiser les per-sonnes mal logées en difficulté d’insertion.

Les fondements de cette intervention sont, dans une large mesure, portés parles encadrants techniques. De par les liens forts qu’ils établissent avec lesbénéficiaires et la nature des missions qui leurs sont imparties (approchetechnique, préventive, éducative ou sociale), les encadrants constituent lepilier des actions d’auto-réhabilitation accompagnée. Les relations deconfiance et les échanges constants qui se produisent entre l’encadrant tech-nique, le bénéficiaire et les membres de l’équipe permettent bien souvent derévéler les difficultés sociales auxquelles fait face le bénéficiaire au quotidien.La dynamique collective enclenchée lors du chantier favorise en outre « lamise en mouvement » de la personne. L’auto-réhabilitation accompagnéepermet dans ce cadre de relayer efficacement l’action menée par les tra-vailleurs sociaux.

L’étude des 8 monographies montre également que l’activité des associationss’ajuste aux problématiques urbaines ou rurales des territoires. La nature destravaux dans l’urbain – des quartiers d’habitat social comme dans le parcprivé diffus – correspondent à des travaux d’entretien et d’embellissement,plus rarement à des interventions d’urgence dans le logement. En milieurural, les travaux visent plus souvent des opérations de réhabilitation lourde(travaux de gros œuvre et de second œuvre). Dans ce cadre, les compagnonsproposent des méthodes d’intervention adaptées aux spécificités du « milieu »dans lequel ils interviennent (chantier d’entraide et ateliers collectifs dans uncadre urbain, chantier famille dans le milieu rural). Cette palette d’interven-tions constitue un réel atout pour asseoir le développement d’une associationrégionale.

Enfin, la diversité des savoir-faire développés au sein des associations régio-nales permettent à certaines structures de répondre aux exigences variées dela commande publique. Cette capacité d’adaptation par rapport à une pro-blématique sociale ou à une problématique de logement conduisent les asso-ciations à mettre en place des démarches innovantes. Cette capacité à s’adap-

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ter à la commande publique tout en conservant une philosophie d’interven-tion reste néanmoins une ligne de conduite difficile à tenir pour les associa-tions régionales, les politiques territoriales variant très fortement d’une régionà l’autre.

2. UN DÉVELOPPEMENT QUI ÉVOLUE AU GRÉ DES ORIENTATIONS POLITIQUES ET DE LA MOBILISATIONDES PARTENAIRES OPÉRATIONNELS Plusieurs éléments de contexte freinent aujourd’hui le développement desactions dans le champ de l’insertion par l’habitat. L’activité varie sensible-ment d’une association à l’autre en fonction de son histoire et de son ancrageterritorial, mais aussi suivant le portage politique et le partenariat opération-nel mobilisable.

Dans certaines régions, la forte implantation des associations (Bretagne, Pro-vence) et la reconnaissance du savoir-faire des Compagnons Bâtisseurs favo-rise l’inscription des actions d’auto-réhabilitation accompagnée dans le cadredes politiques territoriales (PDALPD, CUCS, etc.). La reconnaissance des par-tenaires locaux est sans doute plus difficilement acquise dans les régions quiont été investies par les Compagnons Bâtisseurs plus tardivement (Midi-Pyré-nées notamment).

Suivant le positionnement et l’assise des associations régionales dans le terri-toire, les structures pourront rencontrer plusieurs difficultés majeures etnotamment :

– La mobilisation des partenaires (financiers, opérationnels) : celle-ci restetrès inégale d’un territoire à l’autre. Certaines associations bénéficient d’unportage politique fort (le cas de l’Aquitaine) qui leur permet de mettre enplace une ingénierie de projet cohérente (orientations en comité de pilotage,suivi et évaluation de l’action en comité technique). Ce portage politiquereste plus difficile à obtenir dans les territoires qui concentrent des difficultéssociales (le cas de Kalliste). En outre, la faiblesse du portage politique desactions dans le milieu rural favorise le développement de partenariats opéra-tionnels resserrés, parfois exclusifs (le Pact-Arim dans le Centre et en Ille-et-Vilaine).

– Le montage financier des opérations : les actions menées en milieu ruralsont souvent financées au coup par coup, et les interventions en milieuurbain font l’objet de financements croisés dans le champ de l’action socialeet des politiques territoriales.

Dans le contexte des lois de décentralisation d’août 2004, les conventionspassées dans le cadre des politiques territoriales ou dans le champ de l’actionsociale ne permettent plus d’assurer un développement pérenne des actionsd’auto-réhabilitation accompagnée. Les conventions passées entre les asso-ciations régionales et les partenaires financiers (Conseil généraux, Caisse

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d’Allocations Familiales, Mutuelle Sociale Agricole notamment) évoluentsouvent au gré des orientations politiques. Dans ce contexte, la révision desorientations budgétaires des financeurs peuvent fragiliser considérablementles associations régionales.

Au fond, l’étude de 8 opérations d’auto-réhabilitation montre bien que lespartenaires financeurs orientent aujourd’hui leur financement suivant unelogique de projet. Les contraintes financières qu’ils rencontrent ne leur per-mettent plus d’accorder des subventions de fonctionnement pour assurer lapérennité des structures. Ces contraintes budgétaires leur imposent notam-ment de fixer des objectifs d’intervention plus restreints, parfois plus contrai-gnants pour les Compagnons Bâtisseurs, dans le cadre des dispositifs territo-riaux ou dans le cadre de conventions bipartites.

3. DES ÉCUEILS QUI DOIVENT ÊTRE DÉPASSÉS POUR ASSEOIR UN DÉVELOPPEMENT PLUS HARMONIEUX DU RÉSEAUAu-delà du contexte d’intervention, les Compagnons Bâtisseurs doiventaujourd’hui dépasser un certain nombre d’écueils liés à l’organisation desstructures et au fonctionnement du réseau.

Eu égard à l’histoire du mouvement et notamment à la gestion décentraliséede l’activité en région, chaque structure adopte aujourd’hui des positionne-ments hétérogènes face à la commande publique. Même si l’AssociationNationale des Compagnons Bâtisseurs travaille à une mise en cohérence desactions menées à l’échelle des 6 régions, la diversification des activités rendle positionnement des associations régionales peu lisible : certaines associa-tions assoient majoritairement leur développement sur des actions d’insertionpar l’économique quand d’autres se centrent exclusivement sur des actionsd’insertion par l’habitat. Dans ce cadre, l’Association Nationale rencontre desdifficultés pour valoriser l’auto-réhabilitation accompagnée auprès de sespartenaires nationaux et peine à réaliser un essaimage des expériences.

En outre, la maîtrise variable des coûts d’opération et des difficultés de ges-tion de certaines structures tend à montrer que la professionnalisation dumouvement n’est pas encore totalement achevée. Outre la difficulté de stabi-liser la gestion de certaines associations régionales (établissement de devis etdétermination des coûts d’opération), il semble aujourd’hui fondamentalpour les associations de consolider le savoir faire des équipes et de se doterde compétences pour garantir la pérennité de leur développement.

Comme nous le rappelions pour le financement des associations, l’évolutiondes politiques territoriales pousse progressivement les structures à s’adapteraux contraintes et aux exigences de la commande publique. Dans ce cadre,le management de projet s’impose comme une fonction stratégique dans l’or-ganisation des associations régionales. Suivant l’organisation des associations

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régionales, c’est le chef de projet ou le coordinateur qui veille à l’équilibrefinancier des opérations, à la cohérence des actions et à la mobilisation despartenaires financiers et opérationnels (objectifs et orientations de l’actiondéfinis dans le cadre d’un comité de pilotage, orientations des publics, suiviet évaluation des actions dans le cadre de comités techniques). Or toutes lesassociations régionales ne disposent pas encore de postes clairement définisen matière de développement et de partenariat (le cas du Centre notamment).

Enfin, les actions évaluées semblent encore peu valorisées au regard desimpacts que nous avons pu relever. Les critères d’évaluation doivent êtrerevus au sein du réseau en fonction des impacts directs identifiés (remise enmouvement des bénéficiaires dans le cadre des chantiers d’entraide ou parti-cipation aux ateliers collectifs) et des effets induits (en matière d’emploi, d’in-sertion sociale, de scolarité pour les enfants du ménage ou de lutte contre ladiscrimination). Un nouveau mode d’évaluation doit être élaboré – avec l’ap-pui des partenaires sociaux – dans le cadre des comités techniques afinde rendre plus lisibles les impacts et les effets induits sur les parcours d’inser-tion des ménages auprès des partenaires financeurs (conseil général, CAF,Acsé, etc.). Ces nouvelles modalités d’évaluation permettront le cas échéantaux associations régionales de valoriser la démarche et/ou d’interpeller denouveaux partenaires financiers (les bailleurs sociaux notamment).

4. QUELQUES LIGNES DIRECTRICES POUR ALIMENTER LA STRATÉGIE D’INTERVENTION DES COMPAGNONSBÂTISSEURS1

Pour faire suite aux réflexions menées dans le cadre du dernier comité depilotage, trois grandes lignes directrices permettront aux Compagnons Bâtis-seurs d’appuyer leur réflexion sur le développement du réseau. Il s’agit d’unepart de réaffirmer les valeurs fondatrices des Compagnons Bâtisseurs afin derenforcer son identité dans les 6 associations régionales. La valorisation desopérations et l’essaimage des expériences innovantes menées au sein des 6régions doivent en outre se fonder sur une plus grande conceptualisation desdémarches d’auto-réhabilitation accompagnée et sur un mode d’évaluationpartagé ou partenarial.

– Réaffirmer les valeurs fondatrices des Compagnons Bâtisseurs au sein duréseau national : le savoir faire constitué en matière d’insertion par l’habitat etles compétences techniques acquises dans le secteur du bâtiment représen-tent le cœur de métier des Compagnons Bâtisseurs. Face aux exigences de lacommande publique, les Compagnons Bâtisseurs doivent conserver le carac-tère « hybride » de leur démarche qui consiste à allier un travail technique à

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1 Une note problématique figurant en annexe permettra d’orienter la réflexion lors des deux journées– débats organisées par l’Association Nationale des Compagnons Bâtisseurs.

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une approche socio-éducative. Cette démarche, qui doit s’inscrire en parfaitecomplémentarité avec le travail mené par les travailleurs sociaux, doit fairel’objet prochainement d’une réflexion au sein du réseau afin que chacune desassociations puisse s’exprimer sur sa propre vision de l’encadrement tech-nique et de la coordination sociale.

– Conceptualiser les opérations d’auto-réhabilitation pour mieux valoriser lesimpacts et les effets induits dans le cadre d’une opération : qualifier la miseen mouvement d’une personne n’est pas chose aisée au regard de la diversitédes opérations réalisées, des différents niveaux de participation des bénéfi-ciaires et des expériences et savoir faire des encadrants techniques. Laconceptualisation des méthodes d’intervention et des compétences est pour-tant primordiale pour valoriser l’expérience des Compagnons Bâtisseurs.L’une des pistes de réflexion serait, par exemple, de développer un site inter-net dédié à l’auto-réhabilitation – site dont le contenu resterait à définir – afinde promouvoir les démarches portées par les Compagnons Bâtisseurs. Uneautre piste serait d’engager une démarche éditoriale (livre, guide, film ouCDROM) afin de faire connaître la démarche et afin de faire la promotion dela méthode et de son impact.

– Mettre en place un mode d’évaluation partenarial : réfléchir à la mise enplace d’un mode d’évaluation permettant de mieux traduire les impacts desactions d’auto-réhabilitation (prise en compte du parcours d’insertion socio-professionnel du ménage, impact en matière d’accès aux services et auxdroits, etc.) répond à une exigence des partenaires financeurs. La logique deprojet qui prévaut aujourd’hui dans l’obtention de nombreux financementss’appuie en partie sur le système d’évaluation mis en place. Or, l’ensembledes informations nécessaires pour établir ce type d’évaluation échappe enpartie aux Compagnons Bâtisseurs. C’est donc en partenariat que ce moded’évaluation peut être discuté, particulièrement dans le cadre des comitéstechniques qui rassemblent les services des Conseil généraux, des CAF, desvilles, etc. Les évaluations menées par le service insertion du Conseil générald’Aquitaine peuvent illustrer la capacité des partenaires financiers et opéra-tionnels à participer à ce type de démarche.

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Christophe Foultier et Julien RémyChargés d’études

FORS-Recherche sociale

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ABSTRACTS

“SELF-RENOVATION” : A TECHNICAL TOOL ENCOURAGINGTHE RE-DYNAMIZATION OF DEPRIVED HOUSEHOLDS

Julien Rémy

This article offers an analysis of self-renovation devices in the field of housing,

their methods and their specificities. Self-renovation appears to be an original

mode of action, at the crossroads of social action and housing policies.

However, despite their interesting outcomes in the field of social inclusion

and empowerment, self-renovation projects still encounter difficulties to be

fully recognized (and subsidised) within traditional social action programs.

PROSPECTIVE EVALUATION OF SELF-RENOVATION PROJECTS IMPLEMENTED BY THE NETWORK “COMPAGNONS BÂTISSEURS” IN THE FIELD OF HOUSING

Christophe Foultier & Julien Rémy

Compagnons Bâtisseurs is a non profit organization that gives technical

advice to people living in bad housing conditions so that they can themselves

renovate their home. The association works both in urban and rural areas (in

social housing buildings, slums, unhealthy farmhouses, etc.), and is financed

by public institutions, local authorities and foundations. Technical support for

housing renovation is used as a means to set off a global social work with the

family. The article analyzes the efficiency of the Compagnons Bâtisseurs’

action, its costs, the obstacles they have to face (on the operational and finan-

cial ground) but also the positive outcomes of their action for the families.

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FORS-RECHERCHESOCIALE

ACTUALITÉ

JUILLET-SEPTEMBRE 2007

PLACE DES ORGANISMES HLM DANS L’HÉBERGEMENTET LE LOGEMENT TEMPORAIRE

Ces vingt dernières années, une série de formules d’hébergement et de loge-ment temporaire ont été inventées dans l’objectif de répondre aux difficultéstoujours croissantes de logement. Inspirées généralement d’expérimentationsassociatives, ces formules d’accueil des ménages en difficulté vis-à-vis du loge-ment composent aujourd’hui une offre peu connue du grand public et formentun dispositif complexe, dont les logiques et le fonctionnement sont souvent dif-ficiles à déchiffrer. Centres d’hébergement, résidences sociales, hôtels sociaux,maisons-relais, résidences accueil, résidences hôtelières à vocation sociale…,autant de produits proposant des formes d’habitat alternatives au logementordinaire, qui ont chacun vocation à répondre à des besoins particuliers maisqui ont une caractéristique commune, celle d’accueillir des ménages qui netrouvent pas de place dans le logement dit « de droit commun ».Dans le contexte de la loi du 5 mars 2007 (loi « DALO »), qui instaure un droitau logement et à l’hébergement opposable, il est probable que ces formulesd’habitat temporaire vont à l’avenir jouer un rôle accru. La loi prévoit ainsiqu’un recours portant sur une demande de logement social pourra trouveréventuellement une réponse dans une structure d’hébergement, un logementtemporaire ou une résidence hôtelière à vocation sociale. En outre, les com-munes sont désormais soumises à une obligation quantitative en termes decapacités d’accueil d’urgence.Les organismes HLM ne sont pas les acteurs centraux du fonctionnement de cedispositif, au sens où ces structures sont généralement gérées par des associa-tions spécialisées dans l’insertion par le logement, qui réalisent également l’ac-compagnement social des ménages. En revanche, en tant que maîtres d’ou-vrage, c’est à eux qu’incombent le plus souvent l’investissement et la gestionau long cours de ce patrimoine, en partenariat avec les associations gestion-naires ; par ailleurs, la loi leur donne la possibilité de gérer directement certainsde ces produits.Pour aider les organismes à se repérer dans cette offre aussi récente que diver-sifiée, l’Union Sociale pour l’Habitat a souhaité réaliser un guide réactualisantdes publications des années 90 qui portaient, l’une sur une présentation desformules d’hébergement et de logement temporaire, l’autre sur l’élaboration derésidences sociales. Fondé sur un partage des compétences internes au mondeHLM, le guide doit être très concret et éclairer sur les conditions d’élaborationet de mise en œuvre de ces types de structures. Il met en évidence la nécessitéde compétences de maîtrise d’ouvrage bien spécifiques, éclaire sur des notionsparfois peu maîtrisées, comme le « projet social ». Outil opérationnel, il a aussiune ambition stratégique, en mettant en avant le rôle des organismes dans ledéveloppement et la gestion de ce parc « alternatif » de logement.

• Guide de l’hébergement et du logementtemporaire à destination des organismes HLM.Union Sociale pour l’Habitat, 2007

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Les organismes HLM sont de plus en plus investisdans la production de logements ou de formulesd’habitat destinées aux ménages très défavorisés,ou ayant des besoins spécifiques de logement(personnes âgées, personnes handicapées,jeunes, travailleurs saisonniers…). Cet investisse-ment, cependant, demeure inégal au sein desorganismes, pour diverses raisons : la crainted’une prise de risque trop importante avec desétablissements gérés par des associations etaccueillant des populations qui sont restées auxportes du parc social, le sentiment d’être auxmarges de leur métier de bailleur et maître d’ou-vrage, la complexité des opérations, la difficultéà comprendre les vocations et spécificités dechacun des produits, des partenariats encorehésitants avec les associations d’insertion…

– Des organismes HLM de plus en plus sollicitésdans la résolution des difficultés de logementLes organismes HLM sont directement concernéspar la diversification des profils des personnes endifficulté de logement, mais aussi par la vulnéra-

bilité croissanted’une partie desoccupants actuelsde leur parc. Sous l’impulsiondes évolutions

législatives récentes, ce rôle social est sans nuldoute voué à s’accentuer. En effet, la loi du 5mars 2007 place les bailleurs sociaux au cœurdu dispositif instituant le droit au logementopposable, puisque les logements attribués auxdemandeurs dans le cadre des recours amiablesou juridiques seront prélevés sur le contingentpréfectoral. Or, une partie de ces ménages nepourra intégrer directement le logement clas-sique de droit commun.

Par ailleurs, si les objectifs de développementquantitatif de cette offre spécifique s’adressentaux collectivités locales, ils doivent mobiliser lesorganismes HLM en tant qu’acteurs du marchédu logement, dont le positionnement est renforcépar les différentes lois de décentralisation.Le savoir-faire des organismes est ici essentiel,notamment dans le soutien qu’ils peuvent appor-ter aux associations gestionnaires de cette offre,dont les compétences relèvent plutôt de l’accom-pagnement et du suivi social que de la maîtrised’ouvrage et de la gestion immobilière. La mise en œuvre des nouvelles dispositionslégislatives et les évolutions sociales rend doncparticulièrement important le développement decette offre de logement transitoire, qui permetaux organismes HLM de diversifier les réponsesqu’ils sont en mesure d’apporter sur les territoireset de se doter, avec leurs partenaires, d’outilspermettant d’accompagner des parcours résiden-tiels dont pourront bénéficier certains de leurslocataires (personnes âgées, personnes ayant destroubles psychiques) ou certains demandeursavant un accès au logement social.

– De l’hébergement d’urgence au logementtemporaire : la chaîne de l’insertion par lelogement.La complexité des produits et dispositifs exigecependant des compétences nouvelles et ledéveloppement d’une réelle capacitéd’expertise : en termes juridiques, de montage deprojet, mais aussi dans la capacité à créer despartenariats renforcés avec les partenaires asso-ciatifs, à négocier avec l’ensemble des acteurs dulogement, Etat, communes, CAF, servicessociaux des Conseils généraux…C’est pourquoi, à la veille de la mise en œuvrede la loi DALO, l’USH souhaite aider les orga-

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GUIDE DE L’HÉBERGEMENT

Un enjeu stratégique pour les organismes HLM

À DESTINATION DES

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nismes encore peu au fait de ce domaine spéci-fique, au travers d’un guide.Le guide ne porte pas sur l’ensemble des pro-duits collectifs dits « spécifiques » (c’est-à-direqui ne relèvent pas du logement social clas-sique) que peuvent monter et construire lesorganismes HLM. Résidences étudiantes, rési-dences et foyer pour personnes âgées ou per-sonnes handicapées ont donc été exclues duchamp du document. Le guide est centré surl’ensemble des produits d’hébergement et delogement temporaire qui composent une chaîned’insertion par le logement, une de leur caracté-ristique commune étant d’avoir pour horizon –plus ou moins lointain – l’accès au logementautonome.

– Une méthode de travail qui emprunte auxsavoir-faire des organismes.Plusieurs entretiens ont été réalisés auprès dereprésentants d’organismes produisant des for-mules de logement temporaire. Il s’agissait là decomprendre l’aspect technique du montage d’unprojet, mais aussi de lui donner du sens : pour-quoi un organisme HLM se lance-t-il dans cesopérations, qu’y trouve-t-il, quelles stratégies dedéveloppement peut-on suivre ?Un groupe de travail suit de près les diversesrédactions de l’ouvrage. Il est composé de repré-sentants de six organismes, en charge du mon-tage de ce type d’opérations depuis plusieursannées. Ces techniciens sont là pour valider lecontenu du guide, mais aussi pour s’assurer quecelui-ci se tient au plus prêt des questionnementsdu maître d’ouvrage, à toutes les étapes de l’éla-boration d’un projet. Les « conseils de techni-ciens » sont appuyés par une série de monogra-phies rendant compte d’une typologie desstructures existantes.

– Un guide pour donner du sens La première partie est une présentation suc-cincte des structures d’hébergement et de loge-ment temporaire: petit historique du développe-ment et de lacréation des diffé-rentes formules,rappel des notionset concepts (héber-gement urgence,d’insertion, logement temporaire, habitatpérenne…).La deuxième partie décrit très précisément lesformules existantes. Les différents statuts sontprésentés (hébergement / logement / hôtellerie àvocation sociale), ainsi que les vocationssociales de chaque produit (de la mise à l’abri ducentre d’hébergement d’urgence au logementpérenne de la maison relais). Les modalitésd’agrément et de validation des projets sont pré-cisées, ainsi que leur modalités de financement,produit par produit. Une partie est consacrée aux éléments clé dumontage d’opération. Elle met en évidence lescompétences particulières exigées par ces pro-duits, juridiques, mais aussi en ingénieriesociale. Le montage de ces opérations exige unevéritable capacité à co-construire un projet avecl’ensemble des partenaires, mais aussi à être àl’interne à l’interface entre les différents services. La dernière partie s’intéresse aux modes de ges-tion et d’organisation élaborés par les orga-nismes : création de groupements d’intérêt, d’as-sociations ad hoc, et même gestion directe, denombreuses options existent aujourd’hui, mon-trant que pour de nombreux organismes, les pro-duits d’hébergement et de logement temporairefont désormais partie d’une stratégie de dévelop-pement affichée.

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ET DU LOGEMENT TEMPORAIRE

Des compétencesparticulières en ingénieriesociale sont nécessaires

ORGANISMES HLM

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L’ÉQUIPE

Isabelle Benjamin, sociologue

Damien Bertrand, géographe-urbaniste

Florence Brunet, sociologue

Christophe Foultier, urbaniste

Julien Leplaideur, sociologue-urbaniste

Sylvie Malsan, sociologue

Julien Rémy, sociologue

Anne Sauvayre, sociologue

Florine Siganos, sociologue

Didier Vanoni, sociologue-économiste,

directeur

Nadine Ségard, comptable

Annie Thibault, secrétaire

LE CONSEIL D’ADMINISTRATION

François Aballéa, Président

Jean-Michel Belorgey

Gérard Masson

Colette Marchal

Philippe Rosé

Samir Toumi

Alain Vulbeau

ÉTUDES EN COURSACTION SOCIALE, CULTURELLE ET ASSOCIATIVE

• Evolution de la population scolaire et programmation des équipements,Villes de Villejuif et de Vigneux

• La résidence en alternance des enfants de couples séparés, CNAF

POLITIQUE DE LA VILLE - DÉVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN/PARTICIPATION DES HABITANTS • Elaboration d’un avenant au projet de rénovation urbaine du quartier Noyer-

Renard, Ville d’Athis-Mons• Etude de définition du projet de rénovation urbaine du quartier des Coteaux,

à Mulhouse, Ville de Mulhouse – en collaboration avec l’Agence NicolasMichelin & Associés

• Etude sur le fonctionnement social et urbain du quartier du Parc aux Lièvres,Ville d’Evry

• Etude préalable à la réalisation d’un support de communication en directiondes élus du Val-de-Marne concernant la sécurité routière, Observatoiredépartemental de la sécurité routière (DDE 94)

• Etablissement d’un schéma directeur pour les ensembles des Grandes cités,ICF Nord-Est – En association avec le B.E.T. ETNAP

• Evaluation du dispositif européen « Support for cities », URBACT

FORMATION - EMPLOI - DÉVELOPPEMENT LOCAL• L’homophobie au travail, Conseil régional de Bretagne• Le rapport entre emploi et logement dans l’émergence et le développement

des inégalités sociales, Fondation Abbé-Pierre

POLITIQUE DU LOGEMENT ET DE L’HABITAT• Mission d’assistance à la mise en place d’une maîtrise d’œuvre urbaine et

sociale pour le logement des personnes défavorisées dans le département duFinistère, DDE 29

• Analyse de la chaîne de prévention des expulsions dans le Val-de-Marne,DDE 94

• Adaptation de la gestion sociale des organismes HLM, Union Sociale pourl’Habitat

• Réalisation d’un guide sur les résidences sociales et sur les maisons relais-pensions de famille, Union Sociale pour l’Habitat

• Assistance à la mise en œuvre de l’intervention communautaire en faveur dulogement des plus démunis, Lille Métropole communauté urbaine

• Les dispositifs en faveur du logement des personnes défavorisées dans laperspective de la mise en œuvre du Droit au logement opposable, FondationAbbé-Pierre

PUBLICATIONS, INTERVENTIONS ET CONTRIBUTIONS– Didier Vanoni, Animation du réseau des chefs de projet de l’Essonne en charge des opérations de rénova-

tion urbaine (ORU), Centre de ressources de la politique de la Ville de l’Essonne, automne 2007/été 2008– Didier Vanoni, « Assurer le droit au logement pour tous », participation à la journée de l’habitat du

23 novembre 2007, Lille Métropole communauté urbaine– Sylvie Malsan, « Pour un diagnostic local de sécurité routière », Edition du département du Val-de-Marne,

octobre 2007– Didier Vanoni et Christophe Robert « Logement et cohésion sociale, le mal-logement au cœur des inégali-

tés sociales », Editions de La découverte, novembre 2007

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