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Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV
COLE DOCTORALE DE DROIT ED 041
LAUTONOMISATION DES JURIDICTIONS FINANCIRES DANS
LESPACE UEMOA
TUDE SUR LVOLUTION DES COURS DES COMPTES
Thse pour le doctorat en droit
prsente et soutenue publiquement le 29 novembre 2013
par
Monsieur Djibrihina OUEDRAOGO
DIRECTEUR DE RECHERCHE
Jean du Bois de GAUDUSSON
Professeur mrite de droit public,
Prsident honoraire de lUniversit Montesquieu-Bordeaux IV
CODIRECTEUR DE RECHERCHE
Salif YONABA
Professeur de droit public, Universit OUAGA II (Burkina Faso)
RAPPORTEURS
Eloi DIARRA
Professeur de droit public, Universit de Rouen
Vincent DUSSART
Professeur de droit public, Universit de Toulouse I Capitole
SUFFRAGANTS
Danile LAMARQUE
Conseiller matre la Cour des comptes de France,
Prsidente de la Chambre rgionale des comptes Provence-Alpes-Cte dAzur
Alioune Badara FALL
Professeur de droit public, Universit Montesquieu- Bordeaux IV,
Directeur du CERDRADI
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Avertissement
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comptes
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L'universit Montesquieu-Bordeaux IV n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions mises dans les thses ; ces opinions doivent tre
considres comme propres leurs auteurs.
Ddicace
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comptes
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Ddicaces
ma trs chre mre KABOR Awa, femme de bont et de courage, qui na
cess de se battre pour le succs de ses enfants,
mon pre OUEDRAOGO Sibnoaga, pour avoir inculqu lamour du travail
bien fait,
mes frres ( Karim, Sni, Moussa et Oumar) et surs (Sali et Ami), pour leur
constant soutien et leur affection continue,
notre frre ain feu Youssouf, pour avoir inculqu une passion universitaire
dans la famille,
notre matre Cheikh Hassan Aliou Ciss, un modle de sagesse et de vertu,
tous les guides spirituels rencontrs, pour la science et la morale religieuses
enseignes.
Remerciements
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comptes
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Remerciements
Les premiers mots de remerciement vont tout naturellement nos deux directeurs, dont les
contributions t de taille dans llaboration de ce travail. Leurs disponibilits furent sans
faille malgr que leurs calendriers ne fussent pas des plus allgs. Nous leur prsentons nos
excuses dans la mesure o nous sommes conscients que la qualit de ce document nest pas
la hauteur de leur dvouement nous amener un travail parfait et bien fait.
Au professeur de GAUDUSSON, nous lui sommes reconnaissant davoir accept de diriger
cette thse et de nous avoir ainsi permis de la mener au sein de la prestigieuse Universit
Montesquieu-Bordeaux IV et dans son clbre centre de recherche sur le droit africain
(CERDRADI).
Au professeur YONABA, nous prsentons toute notre gratitude pour avoir accept le
principe de cette codirection et davoir su imposer sa rigueur afin que nous puissions
effectuer un travail acceptable. Malgr la distance qui nous sparait, il a toujours t proche
de nous pour effectuer un suivi minutieux et pointilleux de ce travail.
Nous remercions les membres du jury qui ont bien voulu distraire leurs prcieux temps pour
nous apporter leurs observations lamlioration de ce travail.
Nous remercions toute lquipe du CERDRADI, ses doctorants et particulirement son trs
chaleureux directeur, le professeur Alioune B. FALL, pour sa marque de confiance et sa
sympathie.
Nous remercions les secrtaires du CERDRADI. Mme DUBOS qui nous aura, comme une
mre, facilit lintgration au centre. Nous lui prsentons nos excuses pour lavoir bien
souvent prive de ses desserts. Mme ARQUEY pour sa gnrosit et son souci de nous voir
arriver la fin de ce travail.
Nous remercions la Cour des comptes du Burkina Faso pour son ouverture.
Particulirement, la prsidente de Chambre Mme Sabine OUILMA, le Commissaire du
Gouvernement, M. Christophe COMPAOR, le Procureur gnral M. Emile Badou TOE et
le greffier en chef.
Nous remercions galement M. Boubacar BA, Conseiller la Cour des comptes du Sngal.
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comptes
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Nous remercions M. Luc Marius IBRIGA, qui nous a guids au cours de cette aventure
universitaire en France.
John, Hamad, au Procureur Kafando et tous nos lecteurs anonymes qui ont accept de
nous lire et relire.
Adama DAO, pour sa gnrosit et ses encouragements continus.
Me Daouda DIALLO, dont la gnrosit a permis damliorer le style de ce travail.
nos frres des diffrentes Zawiyas que nous avons eues frquenter.
toutes ces personnes qui nous ont apports leur soutien directement et indirectement.
Quelles nous pardonnent de ne pas pouvoir les numrer toutes ici.
Je remercie tous les membres de ma famille, notamment mes pre et mre qui mont permis
deffectuer les tudes, malgr la modestie de leurs moyens.
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RESUME ET MOTS-CLES SUMMARY AND KEYWORDS
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comptes
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Rsum en franais
Au lendemain de laccession lindpendance, les tats dAfrique francophone ont repris
le dispositif de contrle des finances publiques inspir de lordonnance organique franaise
du 2 janvier 1959. Le dispositif mis en place na pas produit les effets escompts. En effet,
la plupart des institutions de contrle ont t inefficaces ou alors ineffectives. Les
Chambres des comptes des Cours suprmes, qui devaient remplir le rle dvolu la Cour
des comptes franaise, nont connu quune existence thorique et textuelle.
Ainsi, dans le souci de dynamiser les structures de contrle et notamment la juridiction
financire, le trait UEMOA sign en 1994 oblige les tats membres la cration dune
Cour des comptes indpendante la place des Chambres des comptes des Cours suprmes.
Cette autonomisation organique de linstitution juridictionnelle de contrle devait lui
permettre de bnficier dun statut et de moyens adquats pour remplir sa mission de
contrle juridictionnel des finances publiques.
Une dcennie aprs linstallation des premires Cours des comptes, la prsente tude se
propose de faire un tat des lieux des retombes de la rforme.
Mots-cls en franais : Cour des comptes, juridiction des comptes, juridiction financire,
comptable, comptabilit publique, contrle des comptes, gestion de fait, faute de gestion,
dclaration de bien, loi de finance, ordonnateurs.
Summary
After the access in their independence, the French-speaking African states have taken the
device of control of public finances inspired by the French organic ordinance of January 2,
1959. But, The system implemented has not produced the expected results. In fact, most
institutions of control have been ineffective or inefficient.The Chambers of Auditors of
Supreme Courts, which had to fulfill the functions of the French Court of Auditors, have
had a theoretical and textual existence.
To boost financial jurisdiction, the WAEMU treaty signed in 1994 obliges the Members
States to the creation of an independent Court of Auditors instead of the Chambers of
Auditors of the Supreme Courts. This organic empowerment of the judicial institution of
control would allow him to get a status and adequate resources to fulfill its mission of
judicial control of public finances.
A decade after creation of the first Courts of Auditors, the aim of this study is to get an
overview of the reform.
Mots-cls en anglais : Court of Auditors, financial jurisdiction, public accountant, public
accounting, audit, budget.
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SOMMAIRE
Sommaire
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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RESUME ET MOTS-CLES SUMMARY AND KEYWORDS ................................................ 11
SOMMAIRE ........................................................................................................................ 14
TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES ............................................................ 17
INTRODUCTION GNRALE ............................................................................................. 23
PARTIE I LE RENOUVEAU INSTITUTIONNEL DES JURIDICTIONS
FINANCIRES ......................................................................................................... 81
TITRE I LVOLUTION ORGANIQUE ET STATUTAIRE DES JURIDICTIONS FINANCIERES. UNE
COUR DES COMPTES EN LIEU ET PLACE DE LA CHAMBRE DES COMPTES. ........................... 85
Chapitre I Lenjeu dune volution. La construction dune juridiction financire
autonome et indpendante ................................................................................................. 89
Chapitre II La problmatique de la dfinition du statut du juge financier ....................... 161
TITRE II LE POSITIONNEMENT INSTITUTIONNEL DE LA COUR DES COMPTES ......................... 217
Chapitre I Le positionnement par rapport aux pouvoirs publics constitutionnels ........... 221
Chapitre II Le positionnement par rapport aux autorits administratives de contrle .. 283
PARTIE II LE RENOUVEAU FONCTIONNEL DE LA JURIDICTION FINANCIRE. UN BILAN
CONTRAST DE LA MISE EN UVRE DES COMPTENCES ....................................... 335
TITRE I LES VICISSITUDES DE LEXERCICE DES COMPTENCES JURIDICTIONNELLES ............ 339
Chapitre I Des obstacles rels la mise en uvre des comptences juridictionnelles ...... 343
Chapitre II Linadaptation des procdures juridictionnelles aux droits fondamentaux du
procs................................................................................................................................. 425
TITRE II LA RELATIVE COMMODIT DE LEXERCICE DES COMPTENCES NON
JURIDICTIONNELLES : LE CONTROLE BUDGETAIRE ET DE GESTION .................................. 471
Chapitre I Le contrle administratif de la gestion publique et de lutilisation des
financements publics ........................................................................................................ 475
Chapitre II La contribution du contrle administratif la bonne gestion financire ...... 527
CONCLUSION GNRALE ............................................................................................... 591
ANNEXES ......................................................................................................................... 603
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 621
INDEX .............................................................................................................................. 661
TABLE DES MATIRES .................................................................................................... 665 .
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TABLE DES SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES
Table des sigles et abrviations utilises
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comptes
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I- Institutions administratives
AAI ................................ Autorit administrative indpendante
ASCE ............................. Autorit suprieure de contrle dtat
BVG .............................. Bureau du Vrificateur gnral
CERDRADI .................. Centre de recherche sur les droits africains et le dveloppement
institutionnel des pays en voie de dveloppement
CNSS ............................. Caisse nationale de scurit sociale
CVCCEP ........................ Commission de vrification et de contrle des comptes des entreprises
publiques
CSM .............................. Conseil suprieur de la magistrature
GAO .............................. General Accounting office (Etats-Unis dAmrique)
IGE ................................. Inspection gnrale dtat
IGF ................................ Inspection gnrale des finances
LONAB ......................... Loterie nationale du Burkina
MINEFI ......................... Ministre de lEconomie et des Finances
NAO .............................. National Audit office (Grande-Bretagne)
Vegal ............................. Vrificateur gnral (Mali)
TPG ............................... Trsorier payeur gnral
II- Institutions juridictionnelles
CC ................................. Conseil constitutionnel
C. Cass ........................... Cour de cassation
CDBF ............................ Cour de discipline budgtaire et financire
CE .................................. Conseil dtat
CJCEDEAO .................. Cour de justice de la CEDEAO
CJUEMOA .................... Cour de justice de lUEMOA
Cour EDH ...................... Cour europenne des droits de lHomme
et des liberts fondamentales
CRTC ............................ Chambres rgionales et territoriales des comptes
III- Organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales
AA-AHJ ......................... Association africaine des Hautes juridictions francophones
AFROSAI ...................... Organisation Africaine des Institutions Suprieures de Contrle des
Finances Publiques
AHJUCAF ..................... Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en
commun lusage du franais
AISCCUF ...................... Association des institutions suprieures de contrle ayant en commun
lusage du franais
CEAO ............................ Communaut conomique ouest-africaine
CEDEAO........................ Communaut conomique des tats de lAfrique de lOuest
CEMAC.......................... Communaut conomique et montaire de lAfrique centrale
Table des sigles et abrviations utiliss
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CREFIAF ...................... Centre rgional de formation des Institutions suprieures de contrle des
finances publiques de lAfrique francophone subsaharienne
EUROSAI ...................... Organisation europenne des institutions suprieures de contrle
FIGE .............................. Forum des Inspections gnrales dtat dAfrique
FMI ................................ Fonds montaire international
INTOSAI ....................... Organisation internationale des institutions suprieures de contrle
OCDE ............................ Organisation de coopration et de dveloppement conomique
OIF ................................. Organisation internationale de la francophonie
PTF ................................. Partenaire technique et financier
REN-LAC ....................... Rseau national de lutte anti-corruption (Burkina Faso)
UA ................................. Union africaine
UE .................................. Union europenne
UEMOA ........................ Union conomique et montaire ouest-africaine
IV- Outils budgtaires
PEFA .............................. Public expenditure and financial accountability
CSLP ............................. Cadre stratgique de lutte contre la pauvret
OMD .............................. Objectif du millnaire pour le dveloppement
PAP ................................ Projet annuel de performance
RAP ............................... Rapport annuel de performance
V- Revues scientifiques
AJDA ............................. Actualit juridique de droit administratif
BJCL .............................. Bulletin juridique des collectivits territoriales
DA ................................. (Revue) Droit administratif
EDJA ............................. Revue des ditions juridiques africaines
GAJF ............................. Grands arrts de la jurisprudence financire
JCP A ............................. La Semaine juridique- Administrations et collectivits territoriales
NEA ............................... Nouvelles ditions africaines
Penant/RDPA ............... Revue des droits des pays dAfrique
PA .................................. Petites affiches
PUAM ........................... Presse universitaire dAix Marseille
RA ................................. Revue administrative
RBD ............................... Revue burkinab de droit
RBSJA ............................ Revue bninoise des sciences juridiques et administratives
RDP ............................... Revue de droit public et de la science politique en France et ltranger
RFAP ............................. Revue franaise dadministration publique
RFDA ............................. Revue franaise de droit administratif
RFFP............................... Revue franaise de finances publiques
RID ................................ Revue ivoirienne de droit
RIDC ............................. Revue internationale de droit compar
RIVCP ........................... Revue internationale de la vrification des comptes publics (INTOSAI)
RJPAF ........................... Revue juridique et politique dAfrique francophone
RSLF ............................. Revue de sciences et de la lgislation financire
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RSF ................................ Revue de sciences financires
VI- Textes juridiques
CADHP ......................... Charte africaine des droits de lHomme et des peuples
CEDH ............................ Convention europenne de sauvegarde des droits de lHomme
et des liberts fondamentales
Const. ............................ Constitution
Conv. EDH .................... Convention europenne de sauvegarde des droits de lHomme
et des liberts fondamentales
JO .................................. Journal officiel
LO ................................. Loi organique
LOLF ............................. Loi organique relative aux lois de finances
DRSP ............................. Document de stratgie de rduction de la pauvret
PPTE ............................. Pays pauvre trs endett
VII- Autres sigles
Al .................................... Alina
Art. ................................. Article
Op.cit. ............................ Opere citato
p. .................................... Page
t. ..................................... Tome
V. ................................... Voir
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INTRODUCTION GNRALE
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
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Lorigine de la Cour est aussi confuse que sa ncessit est claire : tout pouvoir
exige un trsor, tout trsor exige un compte et tout compte exige un juge
dsintress 1.
1 Pierre MOINOT, Procureur gnral prs la Cour des comptes franaise de 1983 1986. Cit par Serge
MOATI, in Bicentenaire de la Cour des comptes, La Cour, un pass, un destin, RFFP, nhors-srie,
2009, p.305.
Introduction gnrale
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Limportance de la bonne gestion des finances publiques2 pour un tat nest plus
dmontrer. Comme lcrivait Jean BODIN en 1576 dans La Rpublique, les finances
publiques sont le nerf de ltat 3. Aussi, un contrle efficace est-il ncessaire, compte
tenu de limportance des sommes dargent public en cause. La bonne gestion des deniers
publics est un facteur de progrs dans tous les pays, quels que soient les richesses et le
niveau de dveloppement. Cest pourquoi, le contrle des deniers publics est une
proccupation majeure pour tous les tats, dvelopps ou non. Cela explique lexistence,
dans chaque tat, dune panoplie de mcanismes et dinstitutions de contrle charge de
garantir le bon usage des deniers publics.
Malgr la trs grande diversit de ces instruments de contrle, il y a des opinions
convergentes pour considrer que la transparence et, plus gnralement, la bonne
gouvernance financire appellent lexistence dun contrle suprieur exerc par un
organisme dit Institution suprieure de contrle des finances publiques (ISC) prsentant
dans chaque pays des garanties dindpendance et dot de moyens adquats. Dans ce sens,
lOrganisation internationale des institutions suprieures de contrle (INTOSAI), dans sa
dclaration de Lima sur les lignes directives du contrle des finances publiques, prcise
quil est indispensable que chaquetat possde une institution suprieure de contrle
des finances publiques dont lindpendance est garantie par un texte de loi 4.
Dans les pays ouest-africains francophones, si au lendemain des indpendances il a t
institu, au sein de la Cour suprme une Chambre des comptes charge du contrle des
deniers publics devant assumer ce rle, les volutions rcentes tendent plutt la mise en
2 En raison de lincertitude lie la dfinition et aux domaines des finances publiques, nous avons prfr ne
pas y revenir ici, par crainte de devoir nous y attarder. On peut nanmoins retenir la dfinition lato
sensu de Luc SAIDJ selon laquelle les finances publiques sont considres comme les finances des
personnes morales de droit public, les finances de nature publique ou encore les finances de lconomie
publique , V. Luc SAIDJ, Finances publiques (notions gnrales) , in Loc PHILIP (sous dir.),
Dictionnaire encyclopdique de finances publiques, Paris, Economica, 1991, p.807.
Sur la controverse relative la dfinition et au domaine des finances publiques, V. Eric OLIVA, Essai de
dfinition normative du domaine des finances publiques , in Constitution et finances publiques : Etudes en
lhonneur de Loc PHILIP, Paris, Economica, 2005, p.494-514 et Luc SAIDJ, Recherche sur la notion de
finances publiques en droit constitutionnel et financier positif , RDP, 1982, pp.1297-1342.
3 Cit par Jacques BUISSON, Finances publiques, Dalloz, 15e d., 2012, p.3.
4 INTOSAI, Dclaration de Lima sur les lignes directives du contrle. Disponible sur www.intosai.org.
http://www.intosai.org/
Introduction gnrale
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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place dune Cour des comptes indpendante. Cette dernire devra garantir une gestion
saine, efficace et efficiente des deniers publics, ncessaire pour relever les nombreux dfis5
auxquels ils sont confronts en tant que pays en voie de dveloppement.
Le principe du contrle des finances publiques trouve son fondement premier dans la
grande Charte de 1215 (Magna Carta) o il apparat comme un corollaire du principe du
consentement limpt. En effet, lautorisation de prlever les impts donne par les
reprsentants du peuple implique le contrle de leur utilisation par ceux-ci. Ainsi lart.14
de la DDHC de 1789 prcise-t-il que tout citoyen a le droit de constater la ncessit de la
contribution publique et den suivre le bon emploi . Lart.15 ajoute que la socit a le
droit de demander compte tout agent public de son administration . A cette exigence
dmocratique sajoute une exigence qui se veut davantage raliste pour les tats
nouvellement indpendants : ceux-ci sont appels capitaliser les maigres ressources dont
ils disposent, en vue dassurer leur dveloppement conomique, rduire le nombre de la
population sous-employe et contenir la pauprisation de la socit. Le contrle des
finances publiques entendu comme la chasse aux gaspillages et la recherche dune
dpense plus efficace peut tre peru comme le moyen dobtenir cette rduction 6.
Face ces multiples dfis dordre prioritaire, les premiers dirigeants africains reconnatront
la ncessit dun contrle efficace des finances publiques. Cest ainsi que les premiers
auteurs sur le contrle des finances publiques en Afrique nont pas manqu de relever
une stimulation politique au dveloppement du contrle 7. A telle enseigne que Jean-
Marie BRETON en est arriv crire que les dirigeants africains, peu diligents, sagissant
5 Ces dfis lis la problmatique du dveloppement conomique et la rduction de la pauvret sont bien
rsums dans les OMD (Objectifs du Millnaire pour le dveloppement) dfinis par le PNUD, lesquels
sont au nombre de 8, Objectif 1 : Rduire de moiti lextrme pauvret et la faim; Objectif 2 : Assurer
une ducation primaire pour tous; Objectif 3 : Promouvoir lgalit des sexes et lautonomisation des
femmes ; Objectif 4 : Rduire la mortalit des enfants de moins de 5 ans; Objectif 5 : Amliorer la sant
maternelle; Objectif 6 : Combattre le VIH/sida, le paludisme et dautres maladies; Objectif 7 : Assurer
un environnement durable ; Objectif 8 :Mettre en place un partenariat mondial pour le dveloppement.
Pour une dernire analyse des performances de lAfrique dans la ralisation des OMD, V. Rapport OMD,
2012. valuation des progrs accomplis en Afrique dans la ralisation des objectifs du Millnaire pour
le dveloppement, p.161 et s. Disponible sur http://www.undp.org.
6 Andr BARILARI, Les contrles financiers comptables, administratifs et juridictionnels des finances
publiques, Paris, LGDJ, 2003, p.12
7 Jean-Pierre DUPRAT, Lactivit des cours et chambres des comptes , in Grard CONAC (sous dir.), Les
Cours suprmes en Afrique, Paris, Economica, 1989, Tome 2, p.195.
http://www.undp.org/
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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des rgles du jeu dmocratique, apportaient tout leur soutien aux mcanismes de contrle
financier existants, dans la mesure o lensemble des problmes lis la fonction de
contrle sont donc au centre des proccupations des dirigeants des tats en voie de
dveloppement 8. Pour illustrer ce constat de prise de conscience des dirigeants politiques
africains de la ncessit dun contrle des finances publiques, il a t rgulirement cit les
propos du prsident HOUPHOUET Boigny : Le contrle des finances publiques sous
toutes ses formesest indispensable une gestion saine et rationnelle des ressources de
ltat et des collectivits secondaires 9.
Pourtant, une analyse rtrospective met en lumire le contraste avec ce constat. Car, les
intentions que certains dirigeants ont pu manifester et exprimer ici et l, le plus souvent en
engageant certaines rformes institutionnelles, nont pas eu de rels succs. Bien au
contraire ! La crise de lexportation des matires premires ne du choc ptrolier, qui a
gagn la quasi-totalit des tats africains au milieu des annes 80, et lapplication
subsquente des austres et dcris Programmes dajustement structurel (PAS)10 ont t
rvlatrice de ce que cet espace constituait en ralit une zone de non-droit financier 11.
Si plusieurs raisons12 viennent dmontrer ce dernier tat dun espace de non-droit
financier , la part de lineffectivit et de linefficacit des mcanismes de contrle
8 Jean-Marie BRETON, Le contrle dtat sur le continent africain, Paris, LGDJ et Abidjan, NEA, 1978,
p.21.
9 Annexe 1 du rapport pour 1980 de la Chambre des comptes ivoirienne. Cit par Jean-Pierre DUPRAT,
Lactivit des cours et chambres des comptes , in Les cours suprmes en Afrique, Op.cit., p.195.
10 Banque mondiale, LAfrique subsaharienne. De la crise la croissance durable. tude prospective long
terme, Washington, 1989.
11 Nicaise MD, La juridiction financire dhier demain et aprs-demain , in Le contrle des
finances publiques dans les pays membres de lUEMOA : quelle contribution pour la juridiction
financire ?, RBSJA n24, 2011, p.8.
12 Outre labsence dun rel contrle financier, certaines rgles budgtaires nont pas permis dapporter une
clart et une transparence dans la gestion des finances publiques. Cest par exemple le cas avec le
principe de la dualit budgtaire. Le budget de ltat tait alors scind en deux budgets autonomes : le
budget de fonctionnement et le budget dinvestissement. Pour une tude sur le passage de la dualit
lunit budgtaire ainsi que des diffrentes consquences, on se reportera utilement larticle des
professeurs Jeannie Elisabeth Badjo DJEKOURI-DAGBO, Le principe de lunit budgtaire dans le
droit budgtaire ivoirien , Revue ivoirienne de droit, n41, 2010, p.116, et Jean-Pierre DUPRAT, La
formation et lvolution du droit financier en Afrique francophone subsaharienne , in Dominique
DARBON et Jean du Bois de GAUDUSSON (sous dir.), La cration du droit en Afrique, Paris,
Karthala, 1997, p.444.
Introduction gnrale
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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financier ne peut non plus tre occulte. Un tel contexte justifiait une rformation du
systme de contrle et notamment des juridictions financires.
SECTION I
CONTEXTE DE LA CRATION DES COURS DES COMPTES
La cration des Cours des comptes dans lespace UEMOA la place des anciennes
Chambres des comptes des Cours suprmes tire ses fondements dans le droit
communautaire UEMOA et dans la pression des partenaires techniques et financiers (PTF)
( II). Cette rformation des juridictions financires se prsentait comme une ncessit ds
lors que le dispositif de contrle des finances publiques en vigueur dans les tats membres,
depuis leur accession lindpendance, sest rvl ineffectif et inefficace (I).
1. LES MSAVENTURES DU CONTROLE DES FINANCES PUBLIQUES DANS LES
PAYS MEMBRES DE LUEMOA
Selon J.F. FABRE, la notion de contrle en matire de finances publiques renvoie lide
de vrification, c'est--dire le fait de sassurer quune chose est bien telle quon la
dclare ou telle quelle doit tre par rapport une norme donne 13. Au lendemain de
leur accession lindpendance, les tats ouest-africains ont hrit du systme franais de
contrle des finances publiques. Ce systme de contrle reposait sur lordonnance
organique du 2 janvier 1959 qui a t reprise dans lensemble des tats. Cette ordonnance
dfinit un triple contrle (administratif, juridictionnel et politique). Malheureusement, ce
mimtisme institutionnel et structurel na pas t suivi dun mimtisme fonctionnel14.
Ainsi, quand bien mme cette triple dimension du contrle aurait obtenu des rsultats
probants en France, ce mcanisme tait ds lors vou lchec dans les nouveaux tats. Et,
pour reprendre les termes du professeur DUPRAT, quand le mcanisme du contrle ntait
13 Jean-Francis FABRE, Le contrle des finances publiques, PUF, 1968, p.8.
14 Jean du Bois de GAUDUSSON, Le mimtisme postcolonial, et aprs ? , Pouvoirs, n129, 2009, p.45-
55.
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
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pas notoirement insuffisant , il tait totalement inoprant 15. Cest dire finalement
que chacune des trois dimensions du contrle comportait des insuffisances qui
compromettaient son effectivit et son efficacit.
A. LA QUASI-ABSENCE DU CONTROLE PARLEMENTAIRE
En raison du principe du consentement limpt, cest au Parlement, en tant que
reprsentant du peuple, quil revient la lgitimit dassurer le suivi de lemploi rgulier des
deniers publics par lexcutif. Cette mission sinscrit largement dans la fonction de
contrle de laction gouvernementale. Ce contrle parlementaire ne prsente un rel intrt
que dans un rgime de sparation des pouvoirs. Pourtant, mme que dans les tats connus
pour respecter ces exigences dmocratiques, le contrle parlementaire a connu et continue
de connatre un tiolement. Dans le contexte africain du rgime prsidentialiste amplifi
par le parti unique, et plus tard par le parti largement majoritaire ou dominant, le contrle
parlementaire de lutilisation des finances publiques est vite apparu illusoire. En effet, le
Parlement sestimait lui-mme confondu au pouvoir excutif, comme en tmoignent les
propos du tout premier Prsident de lAssemble nationale ivoirienne16. De ce fait, le
contrle parlementaire tait effectu dans une complaisance absolue quand les
parlementaires se dcidaient lexercer. Dans ce contexte, la loi de rglement, acte par
excellence du contrle financier parlementaire sur lexcutif, na t que trs souvent
ignore.
Ainsi, aprs avoir vot pour la premire fois en 1978 (soit 18 ans aprs sa cration) la loi
de rglement pour lexercice budgtaire 1976, il a fallu attendre pratiquement en 1997
pour que le Parlement ivoirien vote une nouvelle fois la loi de rglement. Le Parlement
burkinab la votera pour la premire fois en 2000 (soit 40 ans aprs laccession
lindpendance) avec le sentiment davoir t la premire Assemble ouest-africaine
15 Jean-Pierre DUPRAT, La formation et lvolution du droit financier en Afrique francophone
subsaharienne , Op.cit., p.464.
16 Le prsident Philippe Grgoire YAC affirmait en 1965 dans le contexte du parti unique ivoirien qu Il
nexiste pas de diffrence de nature entre Gouvernement et Assemble ; la diffrence est de degr.
Cest que ces deux institutions ne constituent que deux manifestations dun mme processus
densemble qui trouve sa source dans le parti . Cit par J-M BRETON, Le contrle de ltat sur le
continent africain, Op.cit., p.409.
Introduction gnrale
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
Page 32 sur 672
avoir rempli cette obligation constitutionnelle17. Cette croyance errone des dputs
burkinab a le mrite de souligner que le dsintrt des parlementaires pour la loi de
rglement ispso facto pour le contrle budgtaire et financier concernait lensemble des
tats de la sous-rgion. Le Sngal faisait lexception. Ds 1967, lon avait commenc
voter dans ce pays les lois de rglement. Cependant, certains spcialistes y ont vu des actes
de complaisance dune Assemble nationale la solde dun excutif confort par une large
majorit lgislative et une discipline de parti indfectible18.
Le contrle politique des finances publiques na eu, en fin de compte, aucune porte
significative, en dehors de celle symbolique, en raison du contexte de parti unique ou de
parti dominant. Ds lors, cest lexcutif et notamment au chef de ltat quil est revenu
empiriquement le pouvoir ultime du contrle financier, ce qui va se traduire par une
prolifration des instances administratives de contrle dont linfluence sur lutilisation
rgulire des finances publiques sera in fine limite.
B. UN CONTROLE ADMINISTRATIF SURABONDANT ET INEFFICIENT
Inspir du systme franais et notamment de lordonnance organique du 2 janvier 1959, le
contrle administratif dans les tats africains francophones a t bti sur plusieurs
chelons. Il a t men par des organes intgrs aux administrations et aux ministres.
Ctait notamment le cas du contrle opr par le contrleur financier ainsi que du contrle
opr par le comptable public sur lordonnateur dans le cadre de lapplication du principe
de la sparation des ordonnateurs et des comptables. A ceux-l sajoutent les contrles
effectus dans chaque ministre par des inspections techniques dites ministrielles dont la
plus prestigieuse est lInspection gnrale des finances (IGF), rattache au ministre des
Finances. Mais la surpolitisation au sommet et la sous administration la base , pour
reprendre les mots de J-M BRETON, devaient rendre presque sans intrt tous ces
mcanismes de contrle.
17 Salif YONABA, Les finances de ltat burkinab, Ouagadougou, Collection prcis de droit burkinab,
dcembre 2006, p.278.
18 Abdoulaye BALD, Le contrle des finances publiques au Sngal, Thse, Facult de droit de Perpignan,
1996, p.37.
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
Page 33 sur 672
Conscients nanmoins de limprieuse ncessit dun contrle de leurs maigres finances
publiques, les chefs dtat africains vont mettre en place une superstructure administrative
charge de veiller au bon fonctionnement des administrations publiques et lutilisation
rgulire des finances publiques. Ce contrle administratif bnficiant de lautorit du chef
de ltat, cl de vote de linstitution tatique, prendra les airs dun vritable contrle
externe, hors hirarchie administrative. Cette modalit de contrle par un super corps
administratif rattach au chef de ltat sera incarne par lInspection gnrale dtat (IGE)
dans la plupart des tats africains francophones. Ces diffrentes IGE ont, elles-mmes, t
cres sur une ancienne institution coloniale charge doprer le contrle des
administrations coloniales, savoir lInspection gnrale des affaires administratives
(lIGAA).
Si lonction du Chef de ltat a t perue par J-M BRETON comme un lment
fondamental pour assurer une effectivit et une efficacit ce contrle administratif, il
apparat que le bilan de ces corps a t bien modeste et parfois difficile faire. Ainsi, au
Sngal, on sest finalement tonn que la multiplication des corps de contrle ait produit
des rsultats largement en de des esprances places en eux 19. Alors que le
professeur YONABA estimait quil apparaissait difficile et alatoire de pouvoir dresser le
bilan de lIGE burkinab20.
Le contrle administratif na pas davantage t salvateur pour lancrage des pratiques de
bonne gestion financire. Or, celui-ci, dans un rgime politique domin par le chef de
ltat, devait constituer le pionnier dun systme de contrle o le Parlement et le juge des
comptes ont t relgus au second plan. Plus encore, le juge des comptes, commis aux
fonctions de contrleur financier externe, nexistait que thoriquement dans ce dispositif de
contrle.
19 Abdoulaye BALD, Le contrle des finances publiques au Sngal, Op.cit., p.36.
20 Salif YONABA, Les finances de ltat burkinab, Op.cit., p.278.
Introduction gnrale
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
Page 34 sur 672
C. LA CHAMBRE DES COMPTES DE LA COUR SUPREME : LA BELLE AU BOIS
DORMANT DU DISPOSITIF DE CONTROLE DES FINANCES PUBLIQUES
Lhistoire des Chambres des comptes dans les pays africains francophones rappelle bien le
conte de La Belle au bois dormant . Telle cette princesse plonge dans un sommeil
sculaire par la jettatura, lexistence des Chambres des comptes charges doprer le
contrle juridictionnel des finances publiques, au lendemain de laccession des tats
lindpendance, a t thorique et, pour ainsi dire, textuelle. Intgre comme quatrime
Chambre de la Cour suprme, la juridiction financire na pas connu une effectivit
comparable celle des trois autres Chambres. Il nest pas exagr daffirmer quelle a t
marginalise et sacrifie au profit des Chambres constitutionnelle, judiciaire et
administrative de la Cour suprme. Lorsquelle nest pas reste longtemps sans avoir t
installe, elle a fonctionn, soit avec des annes de retard, soit de manire intermittente et
rudimentaire, et dans tous les cas, avec de maigres moyens.
Au Bnin, aucune activit notable na t enregistre lactif de la Chambre des comptes
de 1960 1991. Il a fallu attendre lanne 1995 pour que la Chambre des comptes produise
ce qui reste ce jour son seul et unique rapport public, savoir le rapport public pour
199421.
Au Burkina Faso, la Chambre des comptes, prvue depuis 1962 dans les diffrents textes
constitutionnels, a d attendre lanne 1984 pour passer de lexistence thorique et
textuelle celle effective22. Si elle a russi produire un rapport public en 199123 et un
arrt unique en 1989 dapurement des comptes de la gestion de ltat des annes 1963
1984, elle a d rapidement replong dans son sommeil cause dun manque de moyens
humains caractris notamment par une quipe squelettique de trois membres, dont deux
provenaient de lAdministration financire nationale.
21 Maxime B. AKAKPO, Une Cour des comptes au Bnin pour quoi faire ? , Quotidien bninois
dinformations, Le Matinal n830 du 04 novembre 2000, pp.7-8.
22 Pour une tude exhaustive sur la Chambre des comptes burkinab, V. Salif YONABA, La Chambre des
comptes dhier demain et aprs-demain , RBD, n9, janvier 1986, pp.17-34 ; et Ph.
QUERTAINMONT, La Chambre des comptes burkinab , RBD, n5, 1984, p.15.
23 Salif YONABA, Le premier rapport public de la chambre des comptes de la Haute Cour dtat , RBD,
n, 1992, pp.51-59 et La Revue du Trsor, n8-9, septembre 1992, p.558.
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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Au Mali, aprs la Constitution de la Rpublique de lex-Soudan franais, la Section des
comptes prvue dans les diffrentes lois constitutionnelles et lois portant organisation
judiciaire, a d attendre la loi de novembre 1990 pour fonctionner compter de lanne
1991. La Section des comptes semble mme avoir t ignore comme composante de la
Cour suprme. Il aura fallu attendre lanne judiciaire 2007-2008 pour quelle prsente
pour la premire fois le thme de la rentre judiciaire24.
Au Niger, aprs son institution en 1960, la Chambre des comptes de la Cour suprme na
t effective qu partir du second semestre de lanne 199025. Jusquau moins en 1999,
elle navait, selon Moussa ZAKI, rendu aucun arrt sur les comptes des comptables
publics26. Au Togo, la Chambre na jamais connu dexistence effective. La Cour des
comptes, institue en 1998 la place de cette Chambre, attendra lanne 2009 pour tre
installe.
Les Chambres des comptes ivoirienne et sngalaise ont toutefois constitu une exception
notoire dans cet environnement peu propice lexpression et lpanouissement du juge
financier. Elles ont notamment connu un rythme dactivit particulirement soutenu. Au
dbut des annes 1990, la Chambre des comptes ivoirienne avait rendu environ six cents
(600) arrts (provisoires et dfinitifs) soit une moyenne de vingt (20) arrts par an27. Ce
bilan particulirement remarquable avait fait dire un spcialiste que la Chambre des
comptes ivoirienne pouvait utilement servir de modle bon nombre dautres pays
africains pour son organisation et le travail accompli 28. La jurisprudence de la Chambre
24 Mamadou M. DIARRA, Rapport sur le thme de la rentre judiciaire 2007-2008 sur le : rle du juge des
comptes dans la bonne gouvernance , in Cour suprme du Mali, Bulletin dinformation, juin 2011,
pp.6-24.
25 Rpublique du Niger, Cour des comptes, Rapport public 2010-2011, p.6.
26 Moussa ZAKI, Le contrle des finances publiques en Afrique : exemple du Sngal et du Niger, Universit
des sciences sociales de Toulouse I, 1999, p.272.
27 Christiane DJE-BI-DJE, Les attributions juridictionnelles de la Chambre des comptes de la Cour
suprme de Cte dIvoire , in Grard CONAC, Les Cours suprmes en Afrique, Tome II, Paris,
Economica, 1989, p.234 et Revue ivoirienne de droit, n hors srie, 1986, 150, p.
28 Robert LUDWIG, La Chambre des comptes ivoirienne , La Revue du Trsor, n2, fvrier 1991, p.97.
Introduction gnrale
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
Page 36 sur 672
des comptes sngalaise tait relativement bien fournie pour faire lobjet dune analyse
synthtique29.
Mais ces deux juridictions ivoirienne et sngalaise allaient finir par subir le mme sort
que les autres de la sous-rgion, pour connatre aussi leur temps de sommeil. Ainsi le
professeur de GAUDUSSON faisait-il remarquer que le nombre de magistrats la
Chambre des comptes ivoirienne est pass entre 1975 et 1978, de trois zro, une situation
qui lempchait ipso facto de fonctionner30. Cela explique quen cette priode, le
professeur Jacqueline de la ROCHRE ait constat que les dossiers saccumul(ai)ent
dans les locaux de la Chambre des comptes qui, faute de personnel comptent en nombre
suffisant nglige(ait) les comptes des socits dtat 31. Par la suite de 1978 1999,
malgr un effort de recrutement, les effectifs ont t rduits cinq (05) magistrats et deux
(02) vrificateurs32. Au Sngal, la Chambre des comptes de la Cour suprme, qui a t
transforme en Section des comptes du Conseil dtat en 1992, restera sans relle activit
jusqu la cration et linstallation de la Cour des comptes en 2000. La Cour de discipline
budgtaire qui existait au Sngal est elle aussi reste sans relle activit, au point o la
situation de ces magistrats a t assimile celle de magistrats en chmage technique
ou constamment en vacances prolonges 33.
En attendant que nous revenions plus longuement dans les dveloppements qui suivront sur
le bilan bien insignifiant de ces Chambres des comptes des anciennes Cours suprmes (2e
Partie-Chapitre IV), il faut prciser que la situation lthargique de la juridiction financire
jusqu au dbut des annes 1990 a t bien rsume par Robert LUDWIG : Un grand
nombre de Chambres des comptes du continent devait connatre par la suite la mme
29 Bocar Sy YORO, La jurisprudence financire de la Cour suprme du Sngal et droit financier , in
CONAC Grard, Les Cours suprmes en Afrique, Op.cit., p.240.
30 Jean du Bois de GAUDUSSON, Ltat et les entreprises publiques en Afrique noire , RFAP 1984,
p.617.
31 Jacqueline DUTHEIL de la ROCHRE, Ltat et le dveloppement conomique de la Cte dIvoire, Paris,
Pedone, 1976, p.80.
32 Rpublique de Cte dIvoire, Cour suprme, Chambre des comptes, Rapport spcial dactivits 1998-
2009, p.5.
33 Moussa ZAKI, Le contrle des finances publiques en Afrique : exemple du Sngal et du Niger, Op.cit.,
p.272.
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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destine : celle dune existence purement textuelle ou au mieux, dans lhypothse o leurs
membres avaient t effectivement nomms, dune structure marginalise, non
oprationnelle, au profit de police politiques (au sens non ncessairement pjoratif) des
comptes relevant troitement de lexcutif suprme que lon vit rapidement prolifrer 34.
Le caractre inoprant des mcanismes de contrle dfinis par les tats membres appelait
une ncessaire remise en ordre, comme devait faire remarquer Moussa ZAKI la
conclusion de sa thse35. La cration de lUEMOA36 et laction des partenaires financiers
au dveloppement vont constituer le facteur dclencheur de la redynamisation du contrle
des finances publiques. Laxe majeur de cette rforme va donner lieu la substitution des
Chambres des comptes, longtemps endormies au sein de la Cour suprme, par une
Cour des comptes dite autonome.
2. LIMPULSION A LA CRATION D'UNE COUR DES COMPTES AUTONOME
Les tats francophones dAfrique avaient fait le choix de constituer une Cour suprme,
incarnant le pouvoir judiciaire, avec quatre Chambres charges respectivement dexercer,
des nuances prs, le rle dvolu, en France, au Conseil constitutionnel, la Cour de
cassation, au Conseil dtat et la Cour des comptes. Dune manire gnrale, cette
architecture, qui rpondait des raisons matrielles et financires, na pas permis un bon
fonctionnement de linstitution judiciaire. Ce faisant, la faveur de lair dmocratique qui
a souffl sur laire francophone africaine, au dbut des annes 1990, on a assist une
autonomisation des instances charges de garantir le respect des rgles du jeu
34 Robert LUDWIG, Sur le systme de contrle des finances publiques burkinab , La Revue du Trsor,
n8-9, septembre 1992, p.555.
35 En dfinitive, le contrle des finances publiques dans les tats d'Afrique noire francophone, aussi bien
dans sa dimension statique classique (contrle de rgularit, contrle des budgets et des comptes,
contrle des deniers) que dans sa dimension dynamique (contrle de la qualit du document budgtaire,
contrle de la drive des dficits publics et de la qualit des gestions), reste encore, concrtement,
construire et installer . Moussa ZAKI, Le contrle des finances publiques en Afrique : exemple du
Sngal et du Niger, Op.cit., p.388.
36 LUEMOA (Union conomique et montaire ouest-africaine) a t cre par le Trait de Dakar, sign le
10 janvier 1994 par sept pays francophones dAfrique de lOuest ayant le FCFA pour monnaie
commune. Ces tats sont le Bnin, le Burkina Faso, la Cte dIvoire, le Mali, le Niger, le Sngal et le
Togo. Ils sont rejoints le 2 mai 1997 par la Guine Bissau, qui a la particularit dtre le seul tat
lusophone de lUnion. LUnion se fixe comme objectif principal la cration dun march commun et
lharmonisation des politiques budgtaires des tats membres.
Introduction gnrale
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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dmocratique. Cest ainsi que furent cres des Commissions lectorales nationales dites
indpendantes ou autonomes, charges dorganiser des lections libres et transparentes, en
lieu et place du ministre de lIntrieur ou du ministre de lAdministration territoriale. Au
plan juridictionnel, les Chambres constitutionnelles des Cours suprmes sont extirpes de
cette dernire et lon assiste la cration de Cours et Conseils constitutionnels autonomes.
Cette autonomisation de la Chambre constitutionnelle a permis, nen point douter, un
dveloppement de la justice constitutionnelle en Afrique noire francophone 37. Ce qui a
dmontr que lautonomisation organique tait le moyen indiqu pour permettre aux
diffrentes composantes du pouvoir judiciaire de bnficier des moyens adquats pour leur
fonctionnement. On assiste ainsi, au dbut des annes 2000, dans plusieurs tats africains
francophones, une rforme judiciaire en vue de lclatement dfinitif de la Cour suprme
en plusieurs juridictions suprmes et autonomes : Cour de cassation, Conseil dtat et Cour
des comptes38.
Tirant, pour sa part, les leons de lautonomisation organique de la juridiction
constitutionnelle, lUEMOA a vu, dans lautonomisation de la juridiction financire le
baiser princier pouvant sortir cette belle endormie dun sommeil qui navait peut-tre
que trop dur. Le trait dUnion sign en janvier 1994 oblige alors les tats membres la
cration dune Cour des comptes indpendante (A). Toutefois, lUEMOA na peut tre fait
que traduire en obligation juridique lincitation des partenaires financiers la cration de
structures performantes et crdibles de contrle des finances publiques (B). Tout compte
fait, la cration des Cours des comptes autonomes dans les tats membres sexplique par
lintervention combine de lUEMOA et des partenaires au dveloppement. Ce quattestent
37 Papa Mamour SY, Le dveloppement de la justice constitutionnelle en Afrique noire francophone : les
exemples du Bnin, du Gabon et du Sngal, Thse Universit Cheikh Anta Diop de Dakar, 1998.
38 V. Les actes du colloque de Cotonou 14-16 mai 2002 sur lopportunit de lclatement de Cours suprmes,
in Les cahiers de lassociation ouest-africaine des Hautes juridictions francophones, 2002.
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
Page 39 sur 672
bien les premiers rapports publics de la Cour des comptes, au Burkina Faso39 et au
Niger40.
A. UNE OBLIGATION DERIVE DU DROIT COMMUNAUTAIRE
A la fin de son ouvrage sur Le contrle dtat sur le continent africain, J-M BRETON
suggrait que les organisations sous-rgionales puissent jouer un rle dans lancrage des
principes du contrle. LUEMOA, ne sur les cendres de la CEAO41, semble avoir entendu
cette suggestion. Elle fait de la cration dune Cour des comptes indpendante une
exigence communautaire. Cette exigence trouve son fondement dans deux actes : elle est,
dans un premier temps, prvue dans le trait constitutif (acte de droit primaire) et ; dans un
second temps, confirme dans les directives (acte de droit driv) portant code de
transparence.
Le constat fait trs tt par certains auteurs dune fdralisation du droit financier 42 dans
lespace UEMOA traduisait lamorce dun processus dharmonisation de ce droit dans les
tats membres, comme annonc dans le prambule du trait dUnion43. Cette intention a
t entrine dans le corps du trait par la mise en place dun cadre de surveillance
multilatrale44 des politiques budgtaires nationales ; la surveillance tant perue comme
le mcanisme communautaire de dfinition et de contrle des politiques conomiques entre
les tats membres. Pour mener bien cette procdure de surveillance multilatrale, la mise
39 Il convient de relever que ces innovations traduisent la volont des autorits burkinab dtre en phase
tant avec lenvironnement institutionnel sous-rgional, en loccurrence les directives de lUEMOA,
quavec les exigences des partenaires au dveloppement , Rapport public 2003-2004, p.19.
40 Les autoritsdevaient dune part rpondre aux exigences des rformes qui tendent depuis quelque
temps rendre indpendantes dans lespace francophone les juridictions financires du systme
judiciaire classique, tel que prconis par le trait instituant lUEMOA , Rapport public 2010-2011,
p.6.
41 Eloi DIARRA, Les aspects financiers de la Communaut conomique de lAfrique de lOuest (CEAO),
Thse ? Paris 2, 1982.
42 Jean-Pierre DUPRAT, La formation et lvolution du droit financier en Afrique francophone
subsaharienne , Op.cit., p. 445.
43 Les Parties affirment dans ce prambule : la ncessit de lharmonisation de leurs lgislationsdans
les secteurs essentiels de leurs conomies,.. et reconnaissent la ncessit d'assurer leur convergence .
44 Larticle 67-1 du trait dispose que lUnion harmonise les lgislations et les procdures budgtaires afin
dassurer notamment la synchronisation de ces dernires avec la procdure de surveillance multilatrale
de lUnion
Introduction gnrale
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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en place dune structure de contrle apparaissait ncessaire. Pour ce faire, le trait enjoint
chaque tat membre de prendre les dispositions ncessaires [afin que] lensemble de ses
comptes puisse tre contrl selon des procdures offrant les garanties de transparence et
dindpendances requises 45. Le trait laisse, dans ce sens, une alternative aux tats, qui
consiste, soit recourir au contrle de la Cour des comptes de lUnion , soit
instituer une Cour des comptes nationale 46.
En ralit, cette alternative laisse aux tats pour le choix de lorgane de contrle de leurs
finances publiques nen tait pas forcment une, y regarder de prs. En effet, il est de
tradition que les tats sont peu enclins se soumettre aux contrles dorganismes
internationaux, fussent-ils communautaires47, prfrant le contrle effectu par des
instances nationales. Lalternative ainsi prvue par le lgislateur communautaire devait, en
ralit, apparatre comme une forme de pression pour stimuler la mise en place dune Cour
des comptes nationale, sous peine pour les tats qui ne se plieraient pas cette exigence,
de se voir soumettre au contrle de la Cour des comptes de lUnion. Prenant en compte ces
prescriptions, le lgislateur burkinab semble tre le seul dans lUnion navoir pas cart
la possibilit de se rfrer la Cour des comptes de lUEMOA pour oprer le contrle
juridictionnel de ses finances publiques, en cas notamment de dchance de la Cour des
comptes nationale48.
Lobligation de crer une Cour des comptes nationale est encore plus forte si lon
considre quelle est assortie dune contrainte de temps. Larticle 68.1 enjoint, ce propos,
aux tats, ladoption de ces dispositions pour qu'au plus tard un (1) an aprs l'entre
en vigueur du prsent Trait l'ensemble de ses comptes puisse tre contrl . Dans la
45 Art 68-1 Trait rvis UEMOA.
46 Ibid.
47 A ce propos, M. Jean ALOTOUNOU , ancien conseiller la Cour des comptes de lUEMOA, fait le
constat qu Aucun tat na sollicit le concours de la Cour des comptes communautaire pour le contrle
de ses comptes, en dpit des nombreuses difficults auxquelles sont confrontes les juridictions
financires nationales , avant de conclure que Compte tenu de lexprience vcue, il ne semble pas que
les tats soient disposs confier le contrle de leurs comptes la Cour communautaire. Il semble plus
indiqu que chaque tat se dote dune Cour des comptes indpendante , V. Jean ALOTOUNOU,
Prsentation de la Cour des comptes de lUEMOA , in Sminaire rgional sur les contrles et les
audits des finances publiques organis par la Banque mondiale, Cotonou 29 mars-1er
avril 2004.
Disponible sur info.worldbank.org/etools/docs/Library. 48 Article 64 al.3 de la loi n 2003-06 du 24 janvier 2003 relative aux lois de finances.
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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mme optique, lart. 68.3 prcise que Les tats membres tiennent le Conseil et la
Commission informs des dispositions qu'ils ont prises pour se conformer sans dlai
cette obligation .
Ces dispositions, issues du droit primaire, apparaissent comme la matrice de cette
obligation qui pesait sur les tats membres de lUEMOA, en vue de linstitution dans les
ordres juridiques internes dune Cour des comptes. Pour acclrer le processus de cration
de Cour des comptes autonome dans les tats membres, le Conseil des ministres devait
raffirmer cette obligation dans une directive de 200049. La directive de 2000, aprs avoir
rappel qu il ny a pas de bonne gestion des finances publiques sans un contrle a
posteriori efficace dvolu une juridiction financire indpendante et dote de pouvoirs et
de capacits dinvestigation tendus 50, raffirme lobligation selon laquelle les tats
membres devront crer des Cours des comptes autonomes au plus tard le 31 Dcembre
2002 51.
Plus dune dcennie aprs ladoption de cette directive, certains tats52 ne se sont toujours
pas dots dune Cour des comptes autonome. Cet tat de chose est inquitant et force
reconnatre, avec le professeur Alioune SALL, lexistence dune insuffisante culture du
droit dans lordre communautaire ouest-africain. En tout tat de cause, cette situation vient
encore souligner la difficile intgration des rgles budgtaires communautaires dans les
tats membres53. Ce qui traduit aussi limpuissance des autorits communautaires
amener les tats remplir leurs obligations. Ce constat allait tre malheureusement
corrobor par le Conseil des ministres de lUnion. En effet, la directive de 200954,
renforant la directive de 2000, souligne de nouveau lobligation de cration de la Cour
des comptes dans chaque tat membre mais reste muette sur la question du dlai ventuel
49 Directive n02/2000/CM/UEMOA du 29 juin 2000 portant Code de transparence dans la gestion des
finances publiques dans lespace UEMOA. 50Point E-2-2 du Code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l'UEMOA
51 Ibid.
52 Le Bnin et le Mali tardent encore se conformer cette obligation. V. Chapitre I, Section I.
53 Salif YONABA, La difficile intgration des rgles budgtaires et comptables des tats membres de
lUEMOA , RFFP, n79, 2002, p.221 ; Les contraintes de lharmonisation dun droit budgtaire
rnov dans la zone UEMOA , RFFP, n98, p.69.
54 Directive n01/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 portant Code de transparence dans la gestion des
finances publiques dans lespace UEMOA. V. art.5.6 de lAnnexe.
Introduction gnrale
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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requis pour leur mise en place. Ce silence intrigant pourrait apparatre, finalement, comme
une sorte dimpuissance du lgislateur communautaire.
Avant de revenir sur les raisons de la survivance de certaines Chambres des comptes
(Chapitre I, Section I), lon signalera que lexigence communautaire de la cration dune
Cour des comptes va se trouver quelque peu consolide par linsistance des partenaires
financiers au dveloppement.
B. UNE INCITATION DES PARTENAIRES FINANCIERS INTERNATIONAUX
La mutation des juridictions financires dans les pays africains en gnral et ceux de
lUEMOA en particulier trouve son sens dans leur relation avec les partenaires au
dveloppement, notamment les institutions de Brettons Wood et lUE.
Aprs lchec des PAS, les institutions de Brettons Wood, principaux soutiens au
dveloppement dans les pays pauvres, ont la faveur de linitiative PPTE, appel les tats
ladoption dun Cadre stratgique de lutte contre la pauvret (CSLP) ou de Documents
stratgiques de rduction de la pauvret (DSRP). Ces documents sanalysent comme des
engagements par lesquels lesdits tats semploient mener des actions pour lutter contre
la pauvret dune part, et mener des rformes institutionnelles pour favoriser lancrage de
la culture de bonne gouvernance, dautre part. Ces documents labors par les tats
ligibles linitiative PPTE sont soumis lapprobation des conseils dadministration du
FMI et de la Banque mondiale. Le contenu de ces actes laisse alors entrevoir une
incursiondes institutions financires internationaleslimite au renforcement de la
transparence financire 55. Dune manire gnrale, laction des bailleurs de fonds est
axe principalement sur la rforme des institutions budgtaires. Lobtention de laide
financire de ces bailleurs se trouve alors lie la conduite de ces rformes.
Dans le cadre de ces rformes conditionnant lobtention de laide financire et technique
des partenaires au dveloppement, la promulgation de la loi organique fixant
55 Gabriel NOUPOYO, Les nouvelles conditions de la politique budgtaire de sous-zones : tude des
nouveaux instruments de rationalisation budgtaire, le poids des conditionnalits externes , RFFP,
n98, juin 2007, p.83 et s.
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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lorganisation et le fonctionnement de la Cour des comptes constitue lun des principaux
lments dclencheurs pour lapprobation par le FMI dune Facilit pour la rduction de la
pauvret (FRPC) et pour laccession de la Cte dIvoire au point de dcision de linitiative
PPTE 56. Au vu de ces diffrents actes, il est indniable que les partenaires financiers ont
contribu ce mouvement de transformation des juridictions financires nationales,
dautant que le manuel de transparence du FMI57 recommande aux tats doprer des
rformes dans le sens des lignes directrices de lINTOSAI. Fort de ce constat, le professeur
Loc PHILIP affirme logiquement que les bailleurs de fonds exercent dsormais de plus
en plus de pression sur les pays bnficiaires afin quils intgrent, dans leur politique
interne, les meilleures pratiques qui sont dj appliques dans certains pays. Dune manire
gnrale, ils soutiennent activement les actions en faveur dun renforcement de la
transparence financire et toutes les rformes de la gestion des finances publiques 58.
Laide au dveloppement tant conditionne la concrtisation effective de ces injonctions,
il ny a donc rien dtonnant que la plupart des rformes caractre budgtaire et
financier, si ce ne sont toutes, soient davantage le rsultat de linitiative des partenaires au
dveloppement que de la volont propre des tats 59. Ce que confirme le ministre togolais
des Finances dans son discours tenu lors de la sance dinstallation de la Cour des
comptes60.
On peut galement justifier cette autonomisation des juridictions financires sur le
continent par la volont dalignement sur les standards internationaux. Il en est ainsi de la
56 V. Conclusion du Rapport PEMFAR pour la Cte dIvoire.
57 Ce manuel recommande que chaque tat soumette lexamen de ses finances publiques une instance
nationale appele institution suprieure daudit avant de renvoyer la dclaration de Lima pour
prciser que Dans les pays francophones, cette instance est la Cour des comptes , V. FMI, Manuel
sur la transparence des finances publiques, 2007, p.130.
58 Loc PHILIP, Panorama du contrle des finances publiques dans le monde , RFFP, n101, mars 2001,
p.23.
59 Salif YONABA, Lexprience africaine du modle franais du contrle juridictionnel des finances
publiques : traits communs et diversit , Op.cit, p.71-72.
60 Aujourd'hui, vos efforts doivent s'orienter beaucoup plus vers la recherche de la fiabilit des donnes
budgtaires ncessaires l'affermissement de la confiance entre nous et nos principaux
partenaires techniques et financiers ; V. Les bons comptes font les bons amis ,
www.republicoftogo.com, publi le 24/09/2009.
http://www.republicoftogo.com/
Introduction gnrale
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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participation des instances de contrle des tats lINTOSAI. La dclaration de Lima61
dispose que les ISC des finances publiques doivent pouvoir jouir de lindpendance
fonctionnelle et organisationnelle ncessaire laccomplissement de leurs tches . Or,
lon a pu constater que les Chambres et Sections des comptes des Cours suprmes ne
disposaient pas des garanties de cette indpendance. Cela est dailleurs corrobor dans la
conclusion du rapport 2008/2009 de la Chambre des comptes ivoirienne, qui exprimait son
amertume, au vu du constat du manque denthousiasme des parlementaires adopter le
projet de loi organique qui devait sanctionner sa transformation en une Cour des comptes
autonome62.
A la lumire de ces lments, on peut expliquer ce processus dautonomisation des
juridictions financires dans lespace UEMOA par linfluence lie la participation des
tats lINTOSAI ainsi que son dmembrement rgional, savoir lAFROSAI. Cette
influence rpond dailleurs la devise de cette organisation : Lexprience mutuelle est au
service de tous.
Ce facteur dinfluence rciproque est aussi observable au sein des organisations
francophones telles que lAISCCUF (Association des institutions suprieures de contrle
ayant en commun lusage du franais) ou lAHJUCAF (Association des Hautes juridictions
de cassation des pays ayant en commun lusage du franais). Cette dernire, lors du
colloque international tenu en juillet 2002 au Bnin, appelait la transformation des
Chambres des comptes des Cours suprmes en Cour des comptes63.
Dans le cadre plus gnral de lOIF, on peut trouver, dans la dclaration adopte par les
tats membres le 3 novembre 2000 Bamako, parmi les lments devant concourir la
Consolidation de ltat de droit 4. 4-5. , un engagement des tats mettre en uvre
le principe de transparence comme rgle de fonctionnement des institutions (et de)
61 Dclaration de Lima doctobre 1977 sur les lignes directrices du contrle des finances publiques, II-2.
62 La Chambre y affirme La loi organique dterminant les attributions, la composition, lorganisation et
les modalits de fonctionnement de la Cour des Comptes, telle que prvue par la Constitution, nest
toujours pas vote par le Parlement et le fait de rester encore une des Chambres de la Cour suprme
constitue un facteur de dmotivation de tous les professionnels y exerant . V. Rpublique de Cte
dIvoire, Cour suprme, Chambre des comptes, Rapport 2008/2009, p.10. Disponible sur
www.courdescomptesci.com/loi/html.
63Document disponible sur http://democratie.francophonie.org/IMG/pdf/22.pdf .
http://www.courdescomptesci.com/loi/htmlhttp://democratie.francophonie.org/IMG/pdf/22.pdf
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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gnraliser et accrotre la porte du contrle, par des instances impartiales, sur tous les
organes et institutions, ainsi que sur tous les tablissements, publics ou privs, maniant des
fonds publics .
Ce sont des facteurs externes aux tats membres de lUEMOA qui expliquent, pour une
grande part, la mutation, amorce la fin des annes 90, des Chambres et Sections des
comptes en Cours des comptes autonomes. Parmi ces facteurs, lexigence principale, sur le
terrain juridique, dcoule du droit communautaire dont la supriorit sur les ordres
juridiques nationaux est reconnue par les textes communautaires64. Pour sa part, la Cour de
justice de lUEMOA devait confirmer pour la premire fois cette force contraignante,
loccasion dune demande davis forme par la Commission de lUEMOA. Cette dernire
reprenait une interrogation des autorits maliennes, qui se demandaient sil y avait une
obligation pour ltat malien de crer une Cour des comptes autonome65. La force
contraignante des actes communautaires est, du reste, reconnue dans lexpos des motifs,
tant des lois constitutionnelles66 que des lois organiques relatives lorganisation et au
fonctionnement de la Cour des comptes, notamment en Cte dIvoire67 et au Sngal68.
64 Lart.6 du trait UEMOA dispose que Les actes arrts par les organes de l'Union pour la ralisation des
objectifs du prsent Trait et conformment aux rgles et procdures institues par celui-ci, sont
appliqus dans chaque Etat membre nonobstant toute lgislation nationale contraire, antrieure ou
postrieure .
65 Nous reviendrons plus en dtails dans le chapitre I du titre I de la premire partie sur cet avis n03/2003
de la Cour de justice de lUEMOA et des questions qui taient souleves.
66 Par exemple, au Sngal, lexpos des motifs de la loi n99-02 du 29 janvier 1999 (sur la Cour des
comptes) portant rvision de la Constitution retient que Cette autonomie forte est dailleurs requise
par les instances de lUEMOA , JO n5842 du 30/1/1999. Disponible sur
http://www.courdescomptes.sn/index.php.
67 le prsent projet de loi enrichit et remanie sur quelques points le dispositif antrieur, dans les
directions suivantes : [] prendre en compte les standards internationaux telles les directives de
lUEMOA ; le contenu du projet de loi organique soumis votre approbation rpond pleinement aux
directives de lUEMOA, notamment de celle n02/2000/CM/UEMOA du 29 juin 20009 portant Code
de Transparence qui demande la cration dune juridiction financire indpendante dote de pouvoirs et
de capacits dinvestigation tendus et dont la date limite de cration avait t fixe au 31 dcembre
2002. , Expos des motifs du Projet de loi organique dterminant les attributions, la composition,
lorganisation et les modalits de fonctionnement de la Cour des comptes. Disponible sur
www.courdescomptesci.com/loi/html.
68 Le prsent projet de loi s'inscrit dans le cadre du respect des recommandations induites dans les
directives de l'Union conomique et Montaire Ouest-Africaine (UEMOA) n05/97/CM/UEMOA du 16
dcembre 1997 relative aux lois de finances et n06/97/CM/UEMOA du 16 dcembre 1997 portant
http://www.courdescomptes.sn/index.phphttp://www.courdescomptesci.com/loi/html
Introduction gnrale
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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Lautonomisation des juridictions financires, que lon peut bien rapprocher, avec un
auteur69, de celle des juridictions constitutionnelles amorce au dbut des annes 90, vient
confirmer lattrait des tats membres de lUEMOA pour le modle napolonien de
contrle juridictionnel des finances publiques, qui avait dtermin, auparavant,
lorganisation et le fonctionnement des Chambres et Sections des comptes.
SECTION II
LES COURS DES COMPTES DE LUEMOA AU CUR DU
DBAT SUR LES MODLES DE CONTROLE
Il existe une diversit dinstances reconnues universellement pour oprer le contrle
suprieur des finances publiques. Traditionnellement, la typologie des ISC rpond un
triptyque distinguant les modles anglo-saxon, allemand et franais de contrle des
finances publiques. Il convient de prsenter et de distinguer ces diffrents modles (I)
avant de montrer lattractivit du modle franais dans lespace UEMOA (II).
1. LA DIVERSIT DES MODLES DE CONTROLE
Sil est possible de faire une distinction des modles de contrle (A), force est de
reconnatre que cette typologie a des limites, dans la mesure o la mission des ISC rpond
un mme objet : celui dassurer le contrle de la bonne utilisation des ressources
publiques (B).
rglement gnral sur la comptabilit publique des tats membres... , Expos des motifs de la Loi
organique n99-70 du 17 fvrier 1999 sur la Cour des comptes. JO n5845 du 20/2/1999. Disponible sur
http://www.courdescomptes.sn/index.php. 69 LUEMOA a suscit et rendu possible la cration des Cours des comptes comme la renaissance
dmocratique a provoqu la prolifration de Cours constitutionnelles dans les annes 1990 , V. Nicaise
MD, LUEMOA et le dveloppement des Cours des comptes en Afrique de lOuest , Op.cit.,
p.287.
http://www.courdescomptes.sn/index.php
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
comptes
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A. LA DISTINCTION DES MODLES DE CONTROLE
Il existe une concurrence des modles de contrle70 qui nest pas trangre la
concurrence des diffrents systmes juridiques, que lon observe travers lopposition
classique entre les systmes de Common Law et de Civil Law ou de droit continental.
Ainsi, bien que les ISC prsentent des formes trs diverses71, elles sont en gnral
regroupes sur trois (3) catgories : le modle de Westminster72 ou anglo-saxon, le modle
mixte ou du conseil (allemand73) et le modle napolonien ou franais. Elles ont au moins
en commun, selon la dclaration de Lima sur les lignes directrices du contrle des finances
publiques, de contrler la conformit aux lois et la rgularit de la gestion financire et la
comptabilit 74.
Le modle anglo-saxon est en usage dans les pays de culture anglophone, notamment
membres du Commonwealth. Dans ce modle, lISC est un organe administratif
indpendant plac sous la responsabilit du Parlement75. Il est gnralement connu sous le
nom de Bureau national de Vrification, qui est un organe unipersonnel, en ce sens que la
personne place la tte de linstitution76 dispose exclusivement des pouvoirs et que cest
elle seule que bnficie la garantie de lindpendance, bien quelle soit assiste de
vrificateurs adjoints. Cet organe ne dispose pas de pouvoirs juridictionnels, quoique les
70 Sur la concurrence des modles de contrle, V. Jean Claude MARTINEZ, Pierre DI MALTA, Droit
budgtaire, Op.cit., p.878-883.
71 Sur la diversit des modles de contrle, V. Marine PORTAL, Les Institutions Suprieures de Contrle,
une tude comparative internationale des pratiques , Gestion et Finances publiques n3, mars 2012,
pp.118-123 ; Luc SAIDJ, Le modle des Cours des comptes : traits communs et diversit , RFFP
n101, mars 2008, p.45 ; Jacques MAGNET, Classification des ISC financier , RFFP, 2002, p.8. ;
Jean-Franois BERNICOT, Quelle diversit de concept de contrle en Europe ? , in Michel
BOUVIER (sous dir.), Rforme des finances publiques : la conduite du changement, Actes de la IIIe
Universit de printemps du GERFIP, Paris, LGDJ, 2007, p.143 ; et RFFP, n36, Les institutions de
contrle des comptes publics ltranger, 1991. 72 Sur le modle anglo-saxon, V. Jean-Franois BERNICOT, Les bureaux de vrification et les auditeurs
gnraux , RFFP n101, mars 2008, p.91.
73V. Dr Hedda von WEDEL Le modle de lAllemagne , RFFP n101, mars 2008, p.81 ;
Bundesrechnungshof, La Cour Fdrale des comptes et ses services rgionaux,
www.bundesrechnungshof.de.
74 Dclaration de Lima, Section 4-1 voir http://www.intosai.org . 75 Il est gnralement prsent comme un organe auxiliaire du Parlement. Sa nomination et sa destitution
dpendent pour une large part, du Parlement. V. Jacques MAGNET, Classification des ISC
financier , Op.cit., p.8.
76 Jean-Franois BERNICOT, Les bureaux de vrification et les auditeurs gnraux , Op.cit., p.91.
http://www.bundesrechnungshof.de/http://www.intosai.org/
Introduction gnrale
Lautonomisation des juridictions financires dans lespace UEMOA. tude sur lvolution des Cours des
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rsultats de ses contrles puissent tre transmis aux autorits judiciaires pour quelles
engagent des poursuites en cas de besoin. Le Parlement reste le principal destinataire de
ses rapports priodiques sur les tats financiers et les oprations gouvernementales. Dune
manire gnrale, lon observe la prsence de ces bureaux de vrification dans les tats o
le Parlement a une prpondrance dans le fonctionnement des institutions politiques
nationales.
Le modle du conseil ou modle allemand est celui dans lequel lorgane de contrle se
prsente comme une Cour, en ce que ses dcisions sont collgiales77. Toutefois, cette Cour
ne constitue pas une juridiction puisquelle ne dispose pas dattribution juridictionnelle.
Elle sen approche par le fait quelle bnficie (ainsi que ses membres) du statut reconnu
une juridiction ; afin de garantir son indpendance. Elle se prsente comme un organe
quidistance du Parlement et de lexcutif : ses observations annuelles sont transmises au
Parlement et lexcutif et le Parlement sappuie sur les observations de la Cour pour
accorder ou non dcharge lexcutif. Parce que prsentant des traits qui rappellent le
modle de Westminster et le modle napolonien, le modle allemand est souvent prsent
comme un hybride78. M. de Marc rsume bien cette hybridit : La Cour et les Chambres
(des Lnder) des comptes allemandes ne sont pas des Cours de justice puisque dpourvues
des pouvoirs propres et ne pouvant rendre des arrts. Selon la formule, elles font des
critiques et non des jugements. Elles critiquent les comptes pour le compte des autorits
administratives. Elles critiquent la gestion ministrielle pour le compte du souverain 79.
Enfin, il convient de prsenter le modle napolonien ou latin80, connu sous lappellation
de Cour, qui a le statut de juridiction et est dot la fois dattributions juridictionnelles et
non juridictionnelles. Il sagit, dans la plupart des cas, dune instance qui fait partie
intgrante du pouvoir judiciaire. Son statut juridictionnel lui garantit une indpendance qui
la situe quidistance des pouvoirs excutif et lgislatif. Ses dcisions sont prises de
manire collgiale. Jean Claude MARTINEZ et Pierre Di MALTA font le constat dun
77 Bundesrechnungshof, La Cour Fdrale des comptes et ses services rgionaux, Op.cit, p.8.
78 Dr Hedda von WEDEL Le modle de lAllemagne , Op.cit., p.89.
79 Jean-Claude MARTINEZ, Pierre DI MALTA, Droit budgtaire, Op.cit., p.876.
80 Wemo-DJUNGA, Contrle externe des finances publiques, type latin, dit. Bruylant, Bruxelles, 1993.
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comptes
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modle qui se trouve tre le plus diffus, au niveau international, et que lon a export
comme un produit succs de la technologie financire franaise 81.
Ce dernier modle peut se dcliner sous une forme embryonnaire, reprsente par une
Chambre des comptes englobe dans une juridiction plus vaste dont elle constitue en
quelque sorte une section. Tel fut le choix des pays dAfrique francophone, au lendemain
des indpendances, avec la cration de juridictions des comptes intgres aux des Cours
suprmes. Cette forme embryonnaire connat une forme acheve, qui rside dans la
cration dune juridiction part entire. Ainsi on ne peut parler, dans le cadre dune
Chambre des comptes intgre une Cour suprme, dune vritable juridiction financire
ds lors que lautonomie et la spcialisation font dfaut. Cest, en effet, lexistence dune
juridiction financire autonome et spcialise qui constitue la particularit du modle
franais de contrle. Cela pourrait expliquer le choix de lUEMOA et des institutions
financires internationales dimposer aux tats la cration dune Cour des comptes
autonome et indpendante.
La prsentation de cette distinction revt cependant un caractre sommaire dans la mesure
o elle prsente des incertitudes et o, par ailleurs, les ISC poursuivent le mme objectif de
la garantie de transparence dans la gestion de largent public.
B. LES LIMITES DE LA DISTINCTION
La distinction des modles de contrle comporte certaines incertitudes qui enlvent un peu
de son intrt. En effet, la diversit des formes institutionnelles prises par les ISC cache
en ralit une relle homognit de conception du contrle externe des finances
publiques 82. Il apparat que sur un point de vue fonctionnel, chacun des modles
prsents ne comporte pas de relle diffrence. Chaque ISC poursuit la mission de garant
de la bonne gestion des fonds publics. Indpendamment de la structure organique, on peut
remarquer que chaque ISC a une comptence juridictionnelle et administrative. Ainsi, la
81 Jean Claude MARTINEZ, Pierre DI MALTA, Droit budgtaire, Op.cit., p.878.
82 Jean-Franois BERNICOT, Quelle diversit de conception du contrle en Europe ? , in Michel
BOUVIER (sous dir.), Rforme des finances publiques : la conduite du changement, Paris, LGDJ,
2007, p.144.
Introduction gnrale
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Cour des comptes franaise, qui organiquement se prsente comme une juridiction, exerce
des comptences administratives dans le cadre du contrle de la bonne utilisation des fonds
ou de contrle de qualit. La rvision constitutionnelle de 2008 lui reconnat par ailleurs un
rle dvaluation des politiques publiques qui rejoint, bien des gards, laudit de
performance qui est prsent comme la mission naturelle des ISC inspires du modle
anglo-saxon.
Par ailleurs, la Bundesrechnungshof allemande prsente comme un modle mixte, remet
en cause la dichotomie juridiction /organisme daudit.