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L’élevage est un composant moteur de la durabilité de l’agriculture, du fait de ses externalités, positives et négatives sur les écosystèmes, les économies natio- nales et locales, et les sociétés. Il est reconnu pour fournir une alimentation de haute qualité nutritionnelle concer- nant les apports en protéines et en acides aminés, et est une source de revenu ou d’épargne. Par ailleurs, il contribue à maintenir l’emploi dans certaines régions rurales isolées et peut concourir à la reconnaissance d’un terroir à travers des appellations telles que les IGP et les AOP. Les productions animales jouent aussi un rôle majeur dans le fonctionnement des systèmes de productions végétales en apportant de la matière organique aux sols agricoles et en recyclant les nutri- ments de leurs effluents, réduisant ainsi leur dépendance aux intrants chimiques. En cela, l’élevage s’accorde à la défini- tion d’une agriculture durable telle que définie par la FAO (2015), qui indique que l’agriculture durable doit favoriser des écosystèmes sains et une gestion durable de la terre, de l’eau et des res- sources naturelles, tout en garantissant une sécurité alimentaire mondiale. L’agri- culture durable doit également répondre aux besoins des générations présentes et futures quant aux produits et aux services, tout en garantissant une rentabilité, une santé environnementale, et une équité sociale et économique. Comme pour l’ensemble des secteurs de productions, la déclinaison du concept de développe- ment durable à l’agriculture a rapidement suscité de nombreuses interprétations et propositions (Hansen 1996, Zahm et al 2015). Un consensus s’est rapidement dégagé sur la nécessité de disposer de méthodes d’évaluation prenant en compte les différents enjeux du développement durable, donc de nature multicritère (encadré 1). Malgré ces nombreux bénéfices, les productions animales sont aussi contro- versées car impliquées dans des problé- matiques environnementales, comme les marées vertes, le réchauffement clima- tique, ou encore les risques sur la santé humaine (zoonoses, antibio-résistance). L’augmentation de la consommation des produits animaux (viande, lait, œufs et produits transformés) au niveau mon- dial amplifie ces préoccupations. Tous ces éléments ont conduit à des exigences sociétales croissantes, que ce soit vis-à- vis du bien-être animal ou dans l’utilisa- tion de modes d’élevage plus respectueux de l’environnement. Ceci est tout particu- lièrement vrai dans les pays occidentaux où la demande quantitative en produits animaux est satisfaite et où le niveau de vie permet au consommateur de dévelop- per de nouvelles attentes. Ce contexte impose aujourd’hui à l’élevage d’évoluer vers des systèmes de production plus éco- nomes en intrants et plus en accord avec l’évolution du statut de l’animal, reconnu comme un être sensible, tout en assurant des performances économiques viables. Il s’agit, d’une part, de revoir le fonction- nement des ateliers d’élevages, en allant vers une écologisation des pratiques comme l’application des principes de l’agroécologie (Dumont et al 2012), et/ou d’autre part, de revoir son intégration territoriale, en considérant par exemple, l’atelier d’élevage comme un des maillons d’un réseau d’échanges de matières et de services entre activités humaines au sein d’un territoire (figure 1) comme le pro- pose l’écologie industrielle et territoriale (Erkman 2004, Buclet 2011). Plus récem- ment, l’application des notions de services écosystémiques à l’élevage (Ryschawy et al 2015) ouvrent de nouvelles perspec- tives pour la définition des rôles multi- ples de l’élevage (encadré 2). Cependant, toutes ces démarches néces- sitent une clarification, notamment pour passer des enjeux et objectifs généraux énoncés à des critères déclinés en indi- cateurs permettant de faire un diagnos- tic. Tout l’enjeu de l’accompagnement INRA Productions Animales, 2017, numéro 3 INRA Prod. Anim., 2017, 30 (3), 255-268 J. LAIREZ 1 , P. FESCHET 2 , R. BOTREAU 3 , C. BOCKSTALLER 4 , L. FORTUN-LAMOTHE 5 , I. BOUVAREL 6 , J. AUBIN 7 1 CIRAD, UR AIDA, TA B 115/02, Avenue Agropolis, 34398, Montpellier, France 2 CIRAD, UPR GECO, Campus agro-environnemental Caraïbe, 97285, Le Lamentin, Martinique 3 Université Clermont Auvergne, INRA, Vetagro Sup, UMR Herbivores, 63122, Saint-Genès-Champanelle, France 4 UMR LAE, INRA, Université de Lorraine, 68000, Colmar, France 5 GenPhySE, Université de Toulouse, INRA, INPT, INP-ENVT, 31320, Castanet Tolosan, France 6 ITAVI, UMT, BIRD, 37380, Nouzilly, France 7 SAS, Agrocampus Ouest, INRA, 35000, Rennes, France Courriel : [email protected] L’évaluation multicritère des systèmes d’élevage pour accompagner leurs évolutions : démarches, enjeux et questions soulevées La mise en place de démarches d’évaluation multicritère est une étape indispensable pour guider les systèmes d’élevage dans une dynamique de développement plus durable. Il existe aujourd’hui un foisonnement d’initiatives et d’outils d’évaluation ce qui rend difficile le choix d’une méthode pour l’évaluateur. Cet article relève un certain nombre de points clés pour la conception et la conduite d’évaluations multicritères des systèmes d’élevage.

L’évaluation multicritère des systèmes d’élevage pour ...l’atelier d’élevage comme un des maillons ... enjeux et questions soulevées La mise en place de démarches d’évaluation

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L’élevage est un composant moteurde la durabilité de l’agriculture, du faitde ses externalités, positives et négativessur les écosystèmes, les économies natio-nales et locales, et les sociétés. Il estreconnu pour fournir une alimentationde haute qualité nutritionnelle concer-nant les apports en protéines et en acidesaminés, et est une source de revenu oud’épargne. Par ailleurs, il contribue àmaintenir l’emploi dans certaines régionsrurales isolées et peut concourir à lareconnaissance d’un terroir à travers desappellations telles que les IGP et les AOP.Les productions animales jouent aussiun rôle majeur dans le fonctionnementdes systèmes de productions végétalesen apportant de la matière organique auxsols agricoles et en recyclant les nutri-ments de leurs effluents, réduisant ainsileur dépendance aux intrants chimiques.En cela, l’élevage s’accorde à la défini-tion d’une agriculture durable telle quedéfinie par la FAO (2015), qui indiqueque l’agriculture durable doit favoriserdes écosystèmes sains et une gestiondurable de la terre, de l’eau et des res-sources naturelles, tout en garantissantune sécurité alimentaire mondiale. L’agri-culture durable doit également répondreaux besoins des générations présentes etfutures quant aux produits et aux services,tout en garantissant une rentabilité, une

santé environnementale, et une équitésociale et économique. Comme pourl’ensemble des secteurs de productions,la déclinaison du concept de développe-ment durable à l’agriculture a rapidementsuscité de nombreuses interprétations etpropositions (Hansen 1996, Zahm et al2015). Un consensus s’est rapidementdégagé sur la nécessité de disposer deméthodes d’évaluation prenant en compteles différents enjeux du développementdurable, donc de nature multicritère(encadré 1).

Malgré ces nombreux bénéfices, lesproductions animales sont aussi contro-versées car impliquées dans des problé-matiques environnementales, comme lesmarées vertes, le réchauffement clima-tique, ou encore les risques sur la santéhumaine (zoonoses, antibio-résistance).L’augmentation de la consommation desproduits animaux (viande, lait, œufs etproduits transformés) au niveau mon-dial amplifie ces préoccupations. Tousces éléments ont conduit à des exigencessociétales croissantes, que ce soit vis-à-vis du bien-être animal ou dans l’utilisa-tion de modes d’élevage plus respectueuxde l’environnement. Ceci est tout particu-lièrement vrai dans les pays occidentauxoù la demande quantitative en produitsanimaux est satisfaite et où le niveau de

vie permet au consommateur de dévelop-per de nouvelles attentes. Ce contexteimpose aujourd’hui à l’élevage d’évoluervers des systèmes de production plus éco-nomes en intrants et plus en accord avecl’évolution du statut de l’animal, reconnucomme un être sensible, tout en assurantdes performances économiques viables.Il s’agit, d’une part, de revoir le fonction-nement des ateliers d’élevages, en allantvers une écologisation des pratiquescomme l’application des principes del’agroécologie (Dumont et al 2012), et/oud’autre part, de revoir son intégrationterritoriale, en considérant par exemple,l’atelier d’élevage comme un des maillonsd’un réseau d’échanges de matières et deservices entre activités humaines au seind’un territoire (figure 1) comme le pro-pose l’écologie industrielle et territoriale(Erkman 2004, Buclet 2011). Plus récem-ment, l’application des notions de servicesécosystémiques à l’élevage (Ryschawyet al 2015) ouvrent de nouvelles perspec-tives pour la définition des rôles multi-ples de l’élevage (encadré 2).

Cependant, toutes ces démarches néces-sitent une clarification, notamment pourpasser des enjeux et objectifs générauxénoncés à des critères déclinés en indi-cateurs permettant de faire un diagnos-tic. Tout l’enjeu de l’accompagnement

INRA Productions Animales, 2017, numéro 3

INRA Prod. Anim.,2017, 30 (3), 255-268

J. LAIREZ1, P. FESCHET2, R. BOTREAU3, C. BOCKSTALLER4, L. FORTUN-LAMOTHE5, I. BOUVAREL6, J. AUBIN7

1 CIRAD, UR AIDA, TA B 115/02, Avenue Agropolis, 34398, Montpellier, France2 CIRAD, UPR GECO, Campus agro-environnemental Caraïbe, 97285, Le Lamentin, Martinique

3 Université Clermont Auvergne, INRA, Vetagro Sup, UMR Herbivores, 63122, Saint-Genès-Champanelle, France4 UMR LAE, INRA, Université de Lorraine, 68000, Colmar, France

5 GenPhySE, Université de Toulouse, INRA, INPT, INP-ENVT, 31320, Castanet Tolosan, France6 ITAVI, UMT, BIRD, 37380, Nouzilly, France

7 SAS, Agrocampus Ouest, INRA, 35000, Rennes, FranceCourriel : [email protected]

L’évaluation multicritère des systèmesd’élevage pour accompagner leurs évolutions : démarches, enjeux et questions soulevées

La mise en place de démarches d’évaluation multicritère est une étape indispensable pour guiderles systèmes d’élevage dans une dynamique de développement plus durable. Il existe aujourd’huiun foisonnement d’initiatives et d’outils d’évaluation ce qui rend difficile le choix d’une méthodepour l’évaluateur. Cet article relève un certain nombre de points clés pour la conception et laconduite d’évaluations multicritères des systèmes d’élevage.

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Figure 1. Exemple de l’écologie industrielle appliquée à l'élevage (adapté de Dumont et al 2012).

Encadré 1. L’évaluation multicritère.

Par opposition à l’évaluation monocritère, ne reposant que sur un seul critère (ex. la rentabilité économique), l’évaluationmulticritère s’impose quand on cherche à comparer, hiérarchiser ou évaluer des options (par ex. des exploitations d’élevage)en prenant en compte plusieurs critères (ex. la rentabilité économique, la qualité de vie, la contribution au réchauffementclimatique…). L’enjeu de l’évaluation multicritère est donc de fournir un jugement global sur la base d’une combinaison dedifférents éléments.

Encadré 2. Les services écosystémiques rendus par l’élevage.

L’évaluation des services rendus par l’élevage replace l’activité dans son contexte et l’associe à la perception des avantages(ou désavantages) pour l’homme, par les différents niveaux d’acteurs. Cette approche permet de considérer également lesaspects positifs de l’élevage dans les contextes évalués. Le Millennium Ecosystem Assessment (2005) a défini les servicesrendus par les écosystèmes à l’Homme. Une application de ce concept à l’agriculture, et notamment à l’élevage, est donc uneadaptation par le fait qu’elle ne concerne plus un écosystème naturel mais un système anthropisé. Dans le MEA, les servicessont déclinés en 4 groupes distincts : Approvisionnement (s’appuyant sur un bénéfice-produit), Support (couvrant les fonctionsd’habitat, de recyclage des nutriments, protection de faune et flore…), Régulation (régulations hydrologiques, biologiques,climat…) et Culturels (éducation, inspiration, attractivité, récréation…).

À partir de ce canevas, Ryschawy et al (2015) ont construit une approche participative pour quantifier et cartographier lesservices rendus par l’élevage en France métropolitaine. Les 4 groupes de services sont devenus : Vitalité territoriale,Approvisionnement, Qualité environnementale, Patrimoine et qualité de vie. Les services ont été déclinés en critères puis unesélection d’indicateurs a ensuite été réalisée afin de quantifier des bouquets de services associés à des territoires d’élevage(échelle du département). Ce travail a permis d’identifier des bouquets de services pour différentes zones d’élevage. Cettedémarche s’est cependant heurtée à l’absence d’indicateurs quantifiables et à la disponibilité des informations pour renseignerles indicateurs. Au-delà de la spécificité du point de vue, celui des services, ce sont bien les mêmes défis méthodologiquesque l’évaluation multicritère présentés dans cet article : système d’indicateurs, leur mesure, l’agrégation et la représentationdes résultats.

par une démarche d’évaluation multicri-tère va reposer sur la capacité à produireun système d’évaluation cohérent, enadéquation avec les objectifs fixés parles porteurs d’enjeux et autres acteurs,et s’appuyant sur un ensemble de don-nées mesurables. Une des difficultésde telles démarches d’évaluation est ladisponibilité des outils de mesure et desdonnées pour les renseigner.

En France, les systèmes de culture ontintégré depuis longtemps la dimensionmulticritère dans leurs évaluations (Bock-staller et al 2008). La prise en compte desrotations, avec les interactions qu’ellessupposent dans le temps et l’espace, anotamment permis d’intégrer de nom-breux critères pour évaluer la performancedes systèmes de culture. Les travaux surl’élevage ont abordé l’échelle du « sys-tème » plus tardivement (Landais etBalent 1993) et donc la question de l’éva-luation multicritère également. L’élevage,comme objet d’évaluation multicritère,représente pourtant un niveau d’intégra-tion systémique élevé, notamment parcequ’il intègre les productions végétalespour l’alimentation animale et qu’il joueun rôle central dans le fonctionnementdes cycles (carbone, azote, phosphore,eau…). Pour toutes ces raisons, l’éva-luation multicritère des systèmes d’éle-vage, représente un enjeu à la fois pourles scientifiques, les acteurs du dévelop-pement et la société. En effet, différentstypes d’acteurs, agriculteurs, conseillers,chercheurs, gestionnaires des territoires,citoyens et politiques sont en demanded’outils d’évaluation pour comprendreet décider. Ceci a conduit à un foisonne-ment d’initiatives comme des listesd’indicateurs ou des méthodes plus struc-turées et l’utilisateur est souvent démunipour faire son choix (Bockstaller et al2009, Schader et al 2014). Par ailleursmalgré cette multiplicité d’initiatives,des questions fondamentales subsistentencore au niveau scientifique : Commentévaluer les lacunes et points forts et ladynamique d’un système au regard de ladurabilité ? Pour aller plus loin, com-ment traduire ces mesures en une infor-mation synthétique ? Comment, à partirde ces informations, prendre des déci-sions pour faire des choix opérationnels,puis faire évoluer les systèmes d’élevage ?En outre, il est parfois difficile de com-prendre le domaine de validité et larobustesse des conclusions. Ces consta-tations ont conduit à l’édition d’un guidesur l’évaluation multicritère des systèmesde grandes cultures et d’élevage (Lairezet al 2015). À la suite de cet ouvrage, ilnous a paru nécessaire de présenter lespoints méthodologiques clefs liés àl’évaluation multicritère et d’aborder lesquestions spécifiques de son applicationaux systèmes d’élevage pour l’accompa-gnement de leur transition.

1 / Mettre de la rigueur dansla démarche d’évaluation

L’évaluation multicritère est un domai-ne en pleine effervescence. Les outils etles méthodes d’évaluation se dévelop-pent abondamment, se différenciant surle plan des enjeux traités et des critèresévalués, des systèmes étudiés, des acteursimpliqués ou encore de la représentationdes résultats. Certaines méthodes s’affi-chent comme étant très génériques (ex.IDEA, Vilain et al 2008) alors que d’au-tres revendiquent un développement paret pour des acteurs dans un contexte trèslocalisé (ex. Laurent et al 2017, avecune co-construction d’une grille d’éva-luation appliquée aux élevages laitiers enzone AOP Cantal). Avant de s’engagerdans une stratégie d’évaluation, il convientd’adopter une démarche d’évaluationclaire et transparente plutôt que de déci-der immédiatement d’utiliser une méthodeexistante ou d’en construire une nouvelle(Bockstaller et al 2013).

Cette démarche se déroule en quatreétapes (figure 2). La première étape

(étape A) consiste à identifier lesacteurs de l’évaluation et circonscrirela problématique et le besoin d’évalua-tion. La deuxième étape (étape B) estune étape de choix puisqu’elle doitdéterminer les objectifs et les attentesvis à vis de cette évaluation, c’est-à-dire les finalités, ainsi que l’utilisationqui sera faite des résultats. Dès lors, ilest possible d’identifier l’objet et lepérimètre de l’évaluation. Enfin, il fautdéterminer la stratégie d’évaluation(recours à une méthode existante oudéveloppement d’une nouvelle), ceciétant conditionné par des contraintesde ressources (financières, humaines,temporelles) et de données (disponibi-lité, accessibilité). La troisième étape(étape C) porte sur la définition du cadreconceptuel et méthodologique quistructure les critères et les indicateurs,en lien avec la méthode utilisée ou créée.Enfin la dernière étape (étape D) dési-gne la phase d’évaluation proprementdite. Le contenu de ces étapes a été pré-senté en détail par Lairez et al (2015).Nous proposons de revenir ci-après surcertains éléments fondamentaux de cettedémarche.

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Figure 2. Démarche générale d'évaluation d’après Lairez et al (2015).

La démarche est ici présentée de manière très linéaire, mais dans les faits, en avançantdans la démarche, le concepteur peut être amené à revenir sur des choix faits à desétapes préalables.

1.1 / Identification des finalités del’évaluation multicritère

Il existe trois principales finalités géné-riques à l’évaluation, qu’elle soit multi-critère ou non : connaître/s’informer,aider à la décision et communiquer ; cestrois finalités pouvant se combiner.Suivant les finalités de l’évaluation, dif-férentes démarches peuvent être adop-tées, ce qui détermine les outils à mobi-liser et le niveau de précision des infor-mations à agréger. En fonction du contexteune évaluation pourra être descriptive etinformer sur un état ou sur une trajectoire,normative et informer sur l’adéquationpar rapport à un référentiel, ou encoreprescriptive avec un objectif de recom-mandation ou d’injonction sous-jacente.Les trois finalités sont illustrées ci-dessous.

a) L’évaluation multicritère pour connaîtreles systèmes et dresser un diagnostic

Pour les systèmes agricoles, le carac-tère multicritère d’une évaluation estdevenu incontournable. Il s’agit certes,d’aborder les différents piliers du déve-loppement durable, mais aussi d’appor-ter une vision structurée des caracté-ristiques du système. Cette évaluationdescriptive peut alors être appliquéedirectement sur des systèmes existantset permettre un diagnostic. Le choix desindicateurs doit alors permettre de rendrecompte d’un état. Aujourd’hui la plupartdes évaluations multicritères sont syn-chroniques, avec par exemple des don-nées collectées sur une année comptableagricole pour la comparaison de plusieursexploitations à un instant « t » (Lairezet al 2015). Ces évaluations définissentdes seuils relatifs, il peut s’agir par exem-ple des meilleures valeurs prises pourchaque indicateur par un ensembled’exploitations d’une région agricole.Le système le plus durable sera celui quise rapproche le plus de ces valeurs. Il estplus rare d’évaluer la durabilité des tra-jectoires d’évolution des systèmes d’éle-vage, car celle-ci nécessite des donnéessur plusieurs années ou fait appel à lamodélisation. Le développement dura-ble étant un processus continu, la dura-bilité des systèmes d’élevage doit s’ap-préhender plutôt à travers l’analyse deleurs trajectoires d’évolution. Ces trajec-toires peuvent s’infléchir sous la pres-sion de différentes contraintes comme lechangement climatique (Dong et al 2015),la variation des prix agricoles, ou encoredes choix politiques. Au travers d’uneanalyse multicritère, il est possible demettre en évidence des modèles d’évo-lution qui allient un ensemble de carac-téristiques des systèmes, comme le mon-trent (García-Martínez et al 2008) pourles élevages de montagne en Europe, oupour les systèmes de polyculture-élevagedes coteaux de Gascogne (Ryschawy et

al 2012). La difficulté de ce type d’éva-luations prospectives est de prendre encompte les effets de changement decontexte de la production sur l’évolutiondes systèmes d’élevage. Certaines étu-des évaluent les effets de l’évolution ducontexte extérieur sur différents indica-teurs de durabilité des exploitations(Belhouchette et al 2011, Viaggi et al2013, Reidsma et al 2015, Wolf et al2015). Belhouchette et al (2011) ont parexemple utilisé un modèle bioécono-mique pour évaluer les effets de la direc-tive Nitrate sur trois types d’exploitation.Les indicateurs évalués étaient le revenuagricole, la lixiviation des nitrates, l’éro-sion et la consommation d’eau. Viaggi etal (2013) ont quant à eux évalué les effetsdu découplage des aides de la PAC sur 3indicateurs (le revenu agricole, l’emploiet l’utilisation des fertilisants chimiquesà l’échelle des exploitations).

D’autres échelles d’évolution nécessi-tent aussi un accompagnement par desévaluations multicritères. À l’échelle desterritoires et des filières, les évaluationsmulticritères sont utilisées dans le cadrede diagnostics et peuvent aussi rensei-gner sur les attentes des parties prenan-tes. La méthode OVALI permet ainsid’exprimer les attentes de la filière avi-cole et de la société et d’identifier despistes d’amélioration. Par exemple, surla base d’un cas-type de la filière Pouletstandard en Pays de la Loire, un scéna-rio combinant rénovation et constructiondes bâtiments, évolutions des caractéris-tiques nutritionnelles des aliments et dela gestion du lot et l’approvisionnementlocal en matières premières indique unepossible amélioration des coûts de pro-duction et des performances environne-mentales, et une amélioration de l’imagedu produit (Dusart et al 2015).

Dans la pratique ces évaluations posentun grand nombre de problèmes métho-dologiques, notamment lors d’évolutionsen continu qui interrogent sur les valeursde référence permettant d’interpréter lesindicateurs. Dans tous les cas, l’évalua-tion descriptive constitue la base néces-saire à toute évaluation multicritère etpeut être complétée pour aller vers uneévaluation normative voire prescriptive.Une évaluation normative vise à produireun résultat synthétique se basant sur lacomparaison à un référentiel (norme)permettant de savoir si le résultat est bonou mauvais en termes de durabilité. Cetype d’évaluation est utilisé lorsque l’onveut produire une note de durabilité, unclassement sur une échelle de notationou encore une certification pour un label.Cette évaluation peut se faire à l’échelled’une exploitation mais aussi à des échel-les plus vastes, comme par exemple cellede la filière quand l’évaluation porte surle produit vendu au consommateur.

b) L’évaluation multicritère pour aider àla décision et accompagner l’innovationet la transition

L’enjeu de l’accompagnement de latransition des systèmes d’élevage, est demaintenir ou d’augmenter leur durabilitédans le cadre de changements de contexte(changement climatique, fluctuation desprix, nouvelles politiques) ou d’évolu-tion d’objectifs tactiques et stratégiquesde l’agriculteur (par exemple autonomiefourragère, introduction d’un robot detraite). Dans ce cas, l’évaluation multi-critère est utilisée en vue d’une adapta-tion/évolution des systèmes d’élevage àces changements. Pour accompagnerl’innovation dans les systèmes de pro-duction, deux niveaux sont à différen-cier selon que l’innovation porte sur unchangement technique isolé ou un chan-gement global du système évalué.

Dans le cas d’évolutions techniques,l’évaluation dressera un bilan des effetspositifs et négatifs ainsi que des avan-tages et contraintes des systèmes actuelsafin de définir des objectifs opérationnelspour la mise en œuvre du changementde technique. Ce peut être le cas dans unchangement dans le mode de distribu-tion des aliments par exemple.

Certaines évolutions techniques ontpour conséquences la reconfiguration del’ensemble du système de production.C’est le cas pour les ruptures technolo-giques comme l’installation d’un robotde traite qui peut conduire à revoir laconduite de l’alimentation, le parcellaireou la génétique du troupeau. Pour ac-compagner l’évolution du système deproduction, il faudra prendre en comptedans l’évaluation la reconfiguration del’ensemble des techniques, mettre enévidence les synergies et compromis etévaluer les gains et risques potentielsliés à ces évolutions de pratiques. C’estle cas des transferts d’impacts souventabordés en Analyse du Cycle de Vie(ACV), qui montrent par exemple que sile traitement des lisiers a un effet béné-fique sur la qualité de l’eau, il peut in-duire une augmentation des émissionsde gaz à effet de serre. Cette évaluationà l’échelle du système se conduit aussilors de changements globaux du systèmede production, comme ceux associés àun changement d’objectif de l’élevagepar exemple dans le cas du passage d’unsystème de production dit convention-nel au cahier des charges de l’agriculturebiologique ou d’un système de type « maïs-concentré » à un système dit « toutà l’herbe » en production laitière.

Pour accompagner la transition, unepremière approche est celle « pas à pas »de diagnostic/action, où chaque annéedes indicateurs/critères de performanceset impacts du système d’élevage sont

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évalués et des changements techniquesou plus globaux sont mis en place surl’exploitation pour améliorer progressi-vement les résultats de l’évaluation d’an-née en année. Une seconde approche estd’imaginer des systèmes d’élevage inno-vants, en rupture avec les systèmes ac-tuels. La pertinence de ces innovationsest évaluée de manière ex ante à l’aided’indicateurs. Giller et al (2011) ontdéveloppé un cadre d’analyse participatifpour la mise en place de boucles de co-innovation : l’approche DEED (« des-cribe, explain, explore and design »).Elle consiste en une première étape dedescription du contexte (climat, sol,économie) et des systèmes de produc-tion (typologie). Une seconde étape d’ex-plication pour analyser les problèmesexistants. Ensuite, ils explorent diffé-rents scénarios de changement, puis ilsmettent en œuvre les alternatives en réali-sant un suivi-évaluation chez les agricul-teurs. Un autre exemple d’approche pouraccompagner les transitions de l’élevageest le « RAMI fourrager » développé parl’INRA. Il s’agit d’un jeu de plateau àfaire avec un groupe d’éleveurs pour laconception de systèmes fourragers pouratteindre de nouveaux objectifs (seconvertir au biologique, autonomie four-ragère, nouveau cahier des charges àrespecter) ou pour s’adapter à des chan-gements de contexte (changement cli-matique, sécheresse) (Martin 2015). Unensemble d’indicateurs de performanceest fourni pour chaque changement afind’accompagner le processus décisionneldes agriculteurs.

Pour redéfinir de nouvelles modalitésd’intégration culture-pâture-élevage àl’échelle des territoires, Moraine et al(2014) proposent d’utiliser une méthodede co-construction avec les acteurs entrois étapes : diagnostic (définition desenjeux), brainstorming (identificationde pistes) et évaluation (analyse multi-critère). La troisième étape permet demettre en évidence les points de blocageà la mise en place de nouvelles pratiqueset d’identifier les principaux compromisà trancher et verrouillages à lever. L’éva-luation multicritère est donc considéréeici comme une des étapes à part entièrede la conception participative. L’inté-gration culture-élevage peut en effetprendre différentes formes d’intensité etd’étendue spatiale croissantes : de lasimple complémentarité entre voisins àla synergie territoriale. Lorsque l’on seplace à l’échelle du territoire, les évolu-tions engagent une grande diversité d’ac-teurs aux intérêts, mode de fonction-nement et/ou dynamique divergents(producteurs, coopératives, conseillers,gestionnaires…). Les méthodes deconception participative intégrant unephase d’évaluation multicritère permet-tent aux acteurs impliqués de définir desobjectifs communs, de proposer des in-

dicateurs adaptés localement et de débat-tre des valeurs et coefficients à attribuerà chaque indicateur. L’évaluation multi-critère permet ici d’engager l’action.Pour les bénéficiaires, il s’agit d’innoverpour maximiser les intérêts de l’intégra-tion culture-élevage. Pour les instancesde gouvernance, il s’agit d’accompagnerla transition en pensant l’intégrationculture-élevage dans un cadre socio-écologique et en définissant des indica-teurs de suivi de ces nouvelles formesde coordination territoriale. Par exem-ple, dans un territoire du sud-ouest de laFrance, un diagnostic initial a fait appa-raître que, dans la zone amont (Ségala),les systèmes d'élevage sont très dépen-dants des ressources alimentaires exter-nes alors que, dans la zone aval (plainede Montauban), les systèmes de culture(maïs, blé/tournesol) sont très dépendantsde la fertilisation azotée et sensibles audéficit hydrique. Les acteurs impliqués(agriculteurs, conseillers de chambresd'agriculture, de coopératives, responsa-bles d'agences de l'eau) ont conçu unscénario de mise en place d'une filièrede luzerne dans la zone aval qui permetde limiter l’utilisation des engrais azotés,de réguler les bioagresseurs, d'améliorerla fertilité des sols, et de réduire les be-soins en eau. Elle permet en plus auxsystèmes d'élevage de la zone amontd’être moins dépendants des approvision-nements étrangers et ainsi d’améliorerleur bilan carbone.

c) L’évaluation multicritère pour com-muniquer

C’est le troisième objectif génériquede l’évaluation. Il est souvent associé àl’un des deux précédents. Il est possiblede différencier deux grands types d’éva-luation associés à la communication,ceux qui s’appuient sur une promotionsans but directement marchand et quipermettent de promouvoir une image oudes valeurs (ex : campagne télévisuellesur la viande de bœuf) ; et ceux qui ontun objectif de positionnement sur unmarché et qui vont s’appuyer sur desnormes, des chartes ou des démarchesde certification. Les organisations desfilières ont par exemple recours auxévaluations multicritères pour évaluerleurs performances (économiques, socia-les, environnementales) et mettre enévidence les maillons à renforcer. Ceséléments peuvent servir à la communi-

cation en interne ou vers des tiers etconduire à des labellisations. Le projetAgriBalyse de l’ADEME d’inventairedu cycle de vie des produits agricolesfrançais visant à l’affichage environne-mental entre dans ce cadre (Koch et Salou2014). Grâce à cet affichage, les consom-mateurs pourraient, s’ils le souhaitent,choisir lors de leurs achats des produitsplus respectueux de l’environnement etainsi permettre de favoriser les systèmesd’élevage dont ces produits sont issus.Ainsi, l’évaluation multicritère peut êtreutilisée pour orienter ces transforma-tions et pour accompagner la transitionde l’élevage vers des systèmes plusdurables en s’appuyant sur des démarchesde communication auprès des consom-mateurs.

1.2 / Définition du périmètre del’évaluation

La détermination du périmètre de l’éva-luation est délicate (cf. encadré 3) carelle implique de définir plusieurs élé-ments (frontières du système, fluxentrants, flux sortants, effets…). Dansla plupart des méthodes d’évaluationmulticritère, ces éléments ne font pasl’objet d’une réflexion particulière. Ilssont parfois partiellement explicites(ex : IDEA, Vilain et al 2008), mais leplus souvent le système étudié est réduitau « processus central de production »sans prendre en compte les processusimpliqués en amont et en aval de la pro-duction (ex. matières premières, trans-port, utilisation des produits). Par exem-ple, l’évaluation se focalisera sur l’atelierbovin d’une exploitation laitière, sansprendre en compte les émissions de gazà effet de serre issues du transport dulait jusqu’à la coopérative. Dans certai-nes méthodes comme IDEA ou INDIGO,où les indicateurs sont prédéfinis par laméthode, les processus en amont ne sontpris en compte que pour la consomma-tion énergétique (Bockstaller et al 2013).Dans les méthodes plus génériques,comme l’Analyse du ACV (van der Werfet Petit 2002), la phase de définition dupérimètre de l’évaluation constitue lapremière étape.

Le système étudié se définit à partird’un ensemble de processus (e.g. alimen-tation, gestion des effluents) qui néces-sitent des flux entrants (e.g. ressources

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L’évaluation multicritère des systèmes d’élevage pour accompagner leurs évolutions… / 259

Encadré 3. De la complexité de la définition du périmètre de l’évaluation.

Il existe aujourd’hui de nombreuses questions qui restent en suspens concernantla définition du périmètre de l’évaluation : comment faire pour déterminer le péri-mètre de l’évaluation lorsque les processus à considérer sont pertinents pourune dimension du développement durable mais pas pour une autre ? Commentchoisir un niveau d’évaluation (exploitation, parcelle, atelier) pertinent pour tousles effets du système ? Comment faire pour déterminer le périmètre de l’évaluationlorsque les effets considérés se situent à de multiples niveaux ?

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naturelles, infrastructures, intrants) et quigénèrent des flux sortants (e.g. émissionsgazeuses, polluants, revenus). Ces fluxengendrent des effets, c’est-à-dire desperturbations et modifications d’unmilieu naturel ou socio-économique. Lesystème étudié est lui-même composéde sous-systèmes en interaction et s’ins-crit dans des systèmes plus larges, un sys-tème local (e.g. exploitation, bassin ver-sant, région) et un système global (ex.continent, planète). Ainsi il est sourced’effets qui l’affectent lui-même tout encontribuant également aux enjeux dessystèmes locaux (e.g. contribution à laqualité de l’eau via l’émission de nitrate)et globaux (e.g. contribution au réchauf-fement climatique mondial via l’émissionde méthane). Le système et les effets secaractérisent par une dimension spatiale(délimitation physique), temporelle (pé-riode d’analyse) et organisationnelle(acteurs concernés).

La réalité étant par nature impossible àappréhender dans toute sa complexité, iln’est pas envisageable de rendre compteintégralement de l’ensemble du systèmeet de ses effets. Le système évalué estdonc une représentation la plus objectivepossible de cette réalité au regard desfinalités étudiées. Dans l’élaborationd’une démarche d’évaluation, il est doncnécessaire de bien identifier au préala-ble les finalités de l’évaluation car selonles besoins, les échelles spatio-temporel-les, définies par le grain (niveau de détailde l’information) et l’étendue de l’éva-luation (limites spatiale ou temporelleétudiées, et nombre d’effets mesurés),seront plus ou moins fines ou larges. Ladétermination du périmètre de l’évalua-tion consiste ensuite à réaliser deux éta-pes :

a) Étape 1 : Le choix des frontières dusystème évalué

Il s’agit ici de définir les frontières c’est-à-dire les processus évalués et leurs fluxentrants, ainsi que les dimensions spa-tiale, temporelle et organisationnelle dusystème. Cette étape est souvent délicateétant donné que les processus pertinentspour une évaluation sociale ne le sont pasforcément pour une évaluation environ-nementale. Par exemple, le désaisonne-ment d’un lot de brebis est en partie béné-fique car il permet d’étaler les mises baset donc de mieux valoriser la ressourceen herbe. Néanmoins, la gestion de l’ali-mentation de deux lots ayant à un instantt des besoins différents et le dédouble-ment des périodes de pic d’activité, notam-ment au moment des agnelages, influen-cent la charge de travail de l’éleveur.Aussi, le choix de la dimension spatialedu système se fait en fonction des fina-lités de l’évaluation. Par exemple, il estpossible, mais pas exclusif, de rendrecompte des effets d’une politique agricole

à l’échelle d’un territoire alors que lacomparaison de systèmes de productiondans le cadre d’un diagnostic se fera àl’échelle d’une exploitation ou de l’ate-lier d’élevage. La dimension temporelleest également délicate à déterminer àcause de la validité des données et desindicateurs dans le temps puisque l’agri-culture est en constante évolution (mar-chés, climat, organisation des acteurs…).Il convient de s’assurer de la validité desdonnées utilisées, c'est-à-dire de leurreprésentativité (vis-à-vis du système,du temps et de l’espace), leur précision,et leur « date de péremption ».

b) Étape 2 : Le choix des flux sortantsdu système et des effets à évaluer

Il s’agit ici de prendre en compte leschangements d’état à l’extérieur et au seindu système, dans les différentes dimen-sions spatiale, temporelle et organisation-nelle du système. En ACV environnemen-tale, des règles de décision, dénommées« critères de coupure », permettent d’évi-ter de choisir arbitrairement les flux et leseffets à évaluer. Par exemple, si chacundes flux sortants ne dépasse pas 1% dutotal des impacts et que leur somme n’ex-cède pas 5%, ces derniers ne sont géné-ralement pas comptabilisés. Le choixdes flux sortants et des effets à évaluerse fait souvent a priori, en s’appuyant surdes hypothèses établies à partir d’autressituations similaires préalablement éva-luées. Le niveau pertinent pour évaluerà la fois les effets sociaux, économiquesou environnementaux n’est pas obligatoi-rement le même pour ces trois dimensions.Les effets évalués peuvent s’observer àun niveau supérieur à celui auquel lesdonnées sont collectées. C’est le cas parexemple d’une évaluation des effets d’unatelier d’élevage sur le changement cli-matique, sur la perte de biodiversité, ouencore sur la revitalisation des espacesruraux. Une solution est d’évaluer la « con-tribution » des niveaux inférieurs (ici,l’atelier d’élevage) à ces effets plus larges.Il faut néanmoins se méfier des conclu-sions hâtives. Par exemple, l’effet de lademande en travail d’un atelier sur lafatigue et le stress d’un agriculteur, n’ade sens que si celle-ci est remise en per-spective avec la demande globale entravail sur l’ensemble de l’exploitation.La dimension temporelle des effets estégalement différente de celle des donnéescollectées relatives aux flux entrants del’étape 1 car il existe bien souvent undécalage temporel entre les causes et leseffets, certains effets sont immédiats,d’autres sont plus longs à observer. Parexemple, l’impact d’un système d’élevagesur l’état de santé d’une population oule changement climatique se manifesteà long terme, alors que les nuisances(odeurs, bruits…) occasionnées dans levoisinage d’une exploitation d’élevagesont instantanées.

1.3 / Définition du cadre conceptuelet méthodologique

Comme évoqué précédemment, le déve-loppement durable est un concept poly-morphe. Les évaluations des contributionsde l’agriculture au développement dura-ble résultent de nombreux choix : choixdes critères, de leur organisation et deleur importance relative, choix des indi-cateurs pertinents pour rendre comptedes critères et des valeurs de référencepour les interpréter.

Les critères pris en compte peuventvarier d’une évaluation à l’autre, le résul-tat final insiste donc plus ou moins surune problématique donnée suivant lescritères considérés par la méthode. Lamanière dont est traitée une même pro-blématique peut également varier. Parexemple la problématique de l’azote enélevage englobe de nombreux niveaux :l’efficacité de rétention de l’azote par lesanimaux, les émissions associées à laproduction des intrants, la gestion et lestockage des effluents et leurs émissionsassociées, la lixiviation du nitrate auchamp après épandage et les émissionsgazeuses NH3, NOx associées, etc. Lechoix des critères d’évaluation n’est doncpas anodin. De plus, pour un même cri-tère, de nombreux indicateurs existent,ainsi qu’une multitude de valeurs de réfé-rence possibles pour les interpréter, quipeuvent être dépendantes du contextelocal et modulées en fonction de la sen-sibilité du milieu (caractéristiques éco-logiques, biophysiques, économiquesou sociales) dans lequel l’évaluation estconduite.

a) Le cadre conceptuel

Il permet d’expliciter la vision du déve-loppement durable retenue (figure 3). Ilfait le lien entre les dimensions du déve-loppement durable, leur déclinaison encritères, et l’élaboration et l’organisationdes indicateurs. Son élaboration doit êtreclaire et transparente de sorte que lesindicateurs puissent être mis en relationavec les enjeux et objectifs (critères) etainsi garantir que l’interprétation desrésultats d’évaluation ne soit pas erronée.Deux types de démarches peuvent êtreutilisées pour définir le cadre conceptuel(Clément et Rey-Valette 2008) : la démar-che descendante (ou substantielle) ou ladémarche ascendante (participative ouprocédurale). La première repose sur desexperts (recherche, institutions interna-tionales) qui s’appuient sur des référen-tiels connus. L’intérêt de cette démarcheest de profiter d’une normalisation anté-rieure, de cadres extérieurs robustes ayantfait leurs preuves, de faire référence àdes normes internationales. Son risqueréside dans la légitimité démocratiqueet l’appropriation par les acteurs en casde non-adaptation aux réalités locales.

La seconde démarche repose sur lesacteurs eux-mêmes, qui se constituenten collectif. Cette démarche est souventinitiée à partir d’une demande sectorielle,territoriale ou pour un but de certifica-tion. Elle présente l’avantage d’être baséesur les perceptions locales des problèmeset donc d’être plus facilement appro-priable par les acteurs. Le risque associéest celui d’une faible validité en raisond’un accès limité de ces acteurs aux con-naissances scientifiques sur les systèmeset les processus en jeu, ou au manque demoyens pour les utiliser. À l’inverse, uneméthode descendante peut aussi porterle risque d’une méconnaissance de lacomplexité des problématiques locales.Se pose également la question de la com-parabilité des résultats et de la recon-naissance par des parties prenantes nonassociées. Les démarches participativesne sont pas simples à conduire et présen-tent un certain nombre d’écueils. Slocumet al (2006) ont présenté les modalitésde mise en œuvre de ces démarches par-ticipatives. Des approches combinantpréoccupations des acteurs et prise encompte des connaissances scientifiques,basées sur des échanges entre chercheurset acteurs locaux sont aussi envisageables.

b) Le cadre méthodologique

Il définit l’ensemble des choix métho-dologiques essentiels permettant de pas-ser des données disponibles aux résultatsobtenus (ex. choix des valeurs de réfé-

rence, transformation et normalisationdes variables, pondération, sélection desmodes d’agrégation et des éventuelsniveaux intermédiaires d’agrégation, post-analyse (analyse de sensibilité), présen-tation des résultats). Sa transparencegarantit la reproductibilité de la méthode(figure 3). Une partie clé de ce cadreméthodologique : l’agrégation, est déve-loppée dans la partie 3.

2 / Choisir ou construire saméthode

2.1 / Définir sa stratégie d’évaluation

Conduire une évaluation multicritèrepeut consister à avoir recours à uneméthode existante ou bien à développerune nouvelle méthode. Chacune de cesstratégies d’évaluation présentent desavantages et des inconvénients. Par exem-ple l’utilisation d’une méthode existantepeut permettre de réaliser des comparai-sons entre différents systèmes d’élevageprécédemment évalués ou d’échangerentre évaluateurs utilisant la même mé-thode. En revanche, il est justifié deconstruire sa propre méthode d’évalua-tion lorsque les méthodes existantes neprennent pas en compte les besoins oules contraintes des acteurs concernés.Le choix de construire une autre métho-de peut aussi être motivé par le fait queles cadres conceptuels existants sont

trop restreints ou trop éloignés de celuides acteurs, que les indicateurs et lesvaleurs de références ne conviennent pas,ou encore que la méthode d’agrégationdes indicateurs, si elle est nécessaire, necorrespond pas à ce qui est souhaité parles acteurs et/ou concepteurs. Construiresa propre méthode c’est aussi offrir auxgroupes sociaux concernés par le systèmeévalué l’opportunité de partager leurvision du développement durable (déve-loppement du cadre conceptuel) et des’approprier la méthode d’évaluation.Par contre, le processus est chronophageet plus complexe, il nécessite de suivreune certaine démarche afin d’assurer unecohérence globale de l’évaluation.

Avant de s’engager dans une stratégied’évaluation particulière et afin d’éviterde faire un choix inadapté, il est indispen-sable de s’interroger sur un certain nom-bre d’éléments qui vont conditionner ladémarche à adopter.

2.2 / Utiliser une méthode existante

Il est important que le choix d’uneméthode ne soit pas uniquement dictépar des conditions contingentes (acces-sibilité, simplicité…), mais surtout parsa pertinence vis-à-vis des objectifs del’évaluation (Bockstaller et al 2013).

Lors du choix d’une méthode, il estnécessaire de vérifier la compatibilité des

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L’évaluation multicritère des systèmes d’élevage pour accompagner leurs évolutions… / 261

Figure 3. Cadres conceptuels et méthodologiques en évaluation multicritère appliqué à l’élevage laitier.

Cadre conceptuel : vision du développement durable déclinée en dimensions, critères et indicateurs.Cadre méthodologique : organisation des calculs (comment un indicateur est calculé, comment l’agrégation est réalisée).

finalités de l’évaluation avec celles annon-cées par les méthodes existantes. Cesfinalités des méthodes existantes sontnombreuses (cf. § 1.1), quelques ques-tions peuvent guider le choix, faisant réfé-rence aux étapes A et B de la figure 2 :

i) Quelle est l’audience ou le public visépar la méthode ?

Chaque méthode a été construite pourun public particulier. Il peut s’agir d’agri-culteurs pour du conseil individuel, degroupes d’acteurs d’une filière, de déci-deurs politiques, etc. Identifier précisé-ment l’audience et le public visé par laméthode permet de s’assurer que les ter-mes employés par la méthode, et lamanière dont sont présentés les résultatssont adaptés.

ii) Quelle est la facilité de mise enœuvre et de prise en main de la méthodepar l'applicateur ?

Certaines méthodes sont conçues pourêtre vulgarisées à un très large public,d’autres nécessitent un haut niveau d’ex-pertise et peuvent impliquer le recours àdes données difficiles d’accès.

iii) Quels sont les enjeux qui ont guidéla création de la méthode ?

Il est important de connaître le contextespécifique dans lequel la méthode a étécréée afin de s’assurer que sa réutilisa-tion est adaptée et non biaisée par desobjectifs particuliers des concepteurs.

iv) La vision du développement dura-ble sous-tendue par la méthode est-ellecompatible avec les enjeux définis dansl’évaluation ?

v) Quel est le système évalué par laméthode ?

La plupart des méthodes n’explicitentpas clairement les limites du systèmeévalué (cf. § 1.2).

vi) Quelles sont les bases scientifiqueset méthodologiques ?

Les cadres conceptuel et méthodolo-gique de la méthode identifiée doiventêtre compatibles avec ceux de l’évalua-tion (cf. § 2.3).

2.3 / Construire une méthode

a) La démarche

Après avoir précisé l’objet de l’évalua-tion (les finalités et le système évalué)et clarifié les contraintes (temps dispo-nible, ressources financières et humaines,type d’informations nécessaires et dispo-nibles, niveau de complexité des résul-

tats, format et représentation des résul-tats…) pour construire sa propre méthoded’évaluation, il faut définir (figure 4) :

i) le cadre conceptuel qui définit lavision du développement durable sous-tendue par la méthode d’évaluation et lelien entre les dimensions du développe-ment durable, les critères, et les indica-teurs (cf. § 1.3) ;

ii) le cadre méthodologique qui défi-nit l’ensemble des choix qui permettentde passer des données disponibles auxrésultats obtenus (c.f. § 1.3 et partie 3) ;

iii) le mode de représentation des résul-tats, qui peut couvrir différentes formes.

b) Les points de vigilance à respecter

Cette démarche de conception d’unenouvelle méthode est délicate et néces-site de la rigueur. Plusieurs points devigilance doivent être gardés à l’esprit.

Être clair sur les contraintes de l’éva-luation. Il est nécessaire de considérerles contraintes suivantes : le temps et lesressources financières et humaines (com-pétences, effectif) disponibles pour cons-truire et réaliser l’évaluation, ainsi que

les données (existence, disponibilité, qua-lité). Ces contraintes n’affectent pas lesfinalités mais elles façonnent l’évalua-tion en ayant une influence sur le péri-mètre d’évaluation et le choix des indi-cateurs. En effet, les ressources vontinfluencer l’étendue (dimension spatialeet nombre d’effets pris en compte) et legrain (niveau de détail de l’information)de l'évaluation. De même, le type d’effetà évaluer nécessite des indicateurs denatures différentes qui sont plus oumoins complexes et qui requièrent doncplus ou moins de ressources et de com-pétences.

Être transparent. Il faut que les choixréalisés lors de la conception de la métho-de soient transparents et clairement expli-cités. La transparence concerne notam-ment i) le périmètre de l’évaluation, ii) lesmodalités de passage des données brutesen indicateurs et, éventuellement, de leurtransformation en scores, et iii) des choixréalisés en cas d’agrégation des données(cf. partie 3). En effet, l’agrégation s’ac-compagne généralement de transforma-tion des indicateurs, de pondération et decompensation entre critères, qui ont uneforte influence sur les résultats et rendentcette étape subjective. Le résultat vadépendre des objectifs du groupe concep-

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Figure 4. Les étapes nécessaires à l’élaboration d’une méthode d’évaluation.

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teur et cette étape de l’agrégation doitdonc être totalement transparente pourl’utilisateur de la méthode.

Être complet. Il est nécessaire de véri-fier que la méthode évalue l’ensembledes objectifs/critères définis dans le cadreconceptuel, même s’il est parfois diffi-cile de choisir un (des) indicateur(s) quiprésente(nt) les qualités requises (cf.encadré 4). Si l’exhaustivité ne peut êtreatteinte, il est alors nécessaire de docu-menter les choix réalisés pour que l’uti-lisateur soit informé et qu’il prenne durecul sur les résultats qu’il a obtenu.

Être sensible mais robuste. Il est impor-tant d’avoir un équilibre entre ces deuxqualités complémentaires. D’un côté, laméthode doit mesurer correctement lesmodifications attendues (méthode sensi-ble). C’est-à-dire qu’une modification dela valeur des indicateurs dans leur gammede variations au sein du (des) système(s)évalué(s) doit se traduire dans le résultatde l’évaluation, et doit donc changer laconclusion de l’évaluation. Cette qualitépermettra de distinguer les systèmes auregard de leur performance de durabilité,d’évaluer les marges de progrès, etc. D’unautre côté, une légère modification desdonnées brutes utilisées, correspondantpar exemple à leur gamme d’incertitude,ne doit modifier que très peu la conclu-sion de l’évaluation (méthode robuste).Notons, qu’il est parfois préférable d’uti-liser des échelles pour l’attribution desscores d’indicateurs qui sont moins sen-sibles mais plus robustes. Par exemple,il peut dans certains cas être plus perti-nent d’utiliser une échelle discrète plu-tôt que continue, ou d’utiliser une échelleavec moins de niveaux ; mais le risqued’avoir des effets de seuils importantsest alors à prendre en considération.

Éviter la redondance. Il faut éviter quecertains critères ne soient représentésplusieurs fois dans le cadre conceptuel,et que le même indicateur ne soit utiliséplusieurs fois pour évaluer des critèresdifférents. Il faut aussi parfois éliminerdes critères ou indicateurs trop corrélésentre eux. En effet, ces redondances peu-vent donner plus de poids à une compo-sante particulière du développementdurable et biaiser les résultats de l’éva-luation. Par exemple, le taux de mortalitédes animaux est généralement une don-née facile d’accès en élevage et est unindicateur pertinent pour évaluer certai-nes dimensions dans le pilier économi-que, environnemental et social. En effet,le taux de mortalité affecte directementla rentabilité des ateliers puisque le chif-fre d’affaire est proportionnel aux pro-duits vendus. Mais, il est également lié àl’ensemble des impacts environnementauxcar la mortalité représente des intrants quisont consommés « inutilement » sans pro-duction finale. Dans le pilier social, le

taux de mortalité est généralement utilisécomme indicateur du bien-être animal.Malgré ses qualités, pertinence et facilitéd’accès, l’utilisation de ce même indica-teur dans chacune des trois dimensionsreviendrait à affaiblir l’évaluation enlimitant plutôt qu’en élargissant l’analysedu système. Le choix d’utiliser ou nonplusieurs fois le même indicateur doitalors être le résultat d’un compromis entreredondance et pertinence. Il peut arriverqu’un même indicateur puisse être utiliséplusieurs fois dans une évaluation maisavec une interprétation différente en fonc-tion des critères auxquels ils se rapportent.

Valider la méthode d’évaluation. Lavalidation de la méthode concerne diffé-rents points et peut être réalisée de plu-sieurs manières. Elle peut engager ungroupe d’experts extérieurs au groupedes concepteurs ou mobiliser un grouped’acteurs concernés par la méthode quivérifie si la méthode respecte les pointsprécédents (transparence, complétude,sensibilité, robustesse, redondance). Il estaussi possible de réaliser une ou plusieursévaluations test sur des cas connus pourvérifier i) si la méthode respecte lescontraintes identifiées au départ (tempsnécessaire, budget, qualification humai-ne, complexité, format et représentationdes résultats), ii) si les indicateurs ontles qualités requises (mesurables, sensi-bles, pertinents…) en tenant compte dela situation actuelle et des changementsprévisibles et iii) si (le cas échéant) latransformation des données en scorescouvre l’amplitude des réponses et con-serve une variabilité suffisante et perti-nente.

3 / Les enjeux de l’agrégation

En fonction de la finalité de l’éva-luation, l’agrégation formalisée des indi-cateurs puis des critères, qu’elle soit

complète (jusqu’à une note globale dedurabilité) ou non, peut s’avérer néces-saire. Par exemple, dans le cadre d’uneprocédure de certification, l’évaluationdoit finir par conclure sur la labellisa-tion ou non de l’exploitation ou du pro-duit. Il s’agit d’une agrégation complèteconduisant à une réponse binaire : label-lisé vs non labellisé. Dans le cas oùl’agrégation formalisée n’est pas néces-saire et où une simple évaluation des-criptive est requise, l’utilisateur final vagénéralement utiliser les résultats désa-grégés pour émettre un jugement global.Par exemple, dans le cadre d’une éva-luation pour aider à concevoir des systè-mes innovants, une conclusion sera for-mulée sur le système innovant le plusperformant. Cette conclusion est en faitle fruit d’une agrégation complète, maisnon formalisée puisque réalisée par l’uti-lisateur sur la base de l’évaluation des-criptive. Les étapes de raisonnement sui-vies pour réaliser cette agrégation ne sontgénéralement pas explicitées, rendantl’évaluation peu transparente. Dans tousles cas, que l’agrégation soit formalisée(via un calcul mathématique) ou non (àdire d’experts sur la base de l’évaluationdescriptive), cette dernière repose surdeux raisonnements différents et com-plémentaires : d’une part la gestion despondérations, et d’autre part celle descompensations entre critères.

Les pondérations interviennent quandun critère est jugé plus important qu’unautre. Par exemple, si on évalue la dura-bilité environnementale d’un systèmed’élevage, la préservation de la biodiver-sité est-elle plus ou moins importanteque la limitation du réchauffement cli-matique ? Il s’agit du raisonnement quenous avons tous instinctivement en tête,même si répondre à la question n’est pasforcément évidente. Pour ce faire, plu-sieurs cas de figure existent. Tout d’abord,l’utilisation de connaissances scientifiques

L’évaluation multicritère des systèmes d’élevage pour accompagner leurs évolutions… / 263

Encadré 4. Qu’est- ce qu’un indicateur ?

Un indicateur est une variable mesurable qui fournit des renseignements sur uneautre variable plus difficile d’accès (Gras et al 1989). Un indicateur peut être denature très diverse : quantitatif (cardinal) ou qualitatif (nominal ou ordinal) ; des-criptif ou prédictif ; élémentaire (constitué de données brutes) ou élaboré (calculéà partir de plusieurs données brutes) ; mesuré/estimé (calcul simple ou à partird’un modèle) ou observé/déclaré (indicateur subjectif).

Un bon indicateur doit remplir les qualités suivantes selon les finalités de l’évalua-tion : transparent et clairement défini (méthode, source des données, hypothèsessous-jacentes, périmètre) ; validé et reconnu scientifiquement (bases théoriquessolides) et statistiquement (précis, fiable, robuste) ; reproductible dans descontextes différents (comparabilité dans le temps et l’espace) ; sensible au chan-gement lorsque le système change évolue ou lorsqu’il y a une rupture d’équilibre ;couvrant le problème qu’il mesure et mesurant réellement ce qu’il est supposédétecter ; évite les mauvaises prises de décisions ; facile à renseigner et à inter-préter (accessibilité des données) ; simple à calculer (temps et coût de mise enœuvre) ; adapté aux utilisateurs visés (niveau de qualification, réponse aux besoins,résultat compréhensible, facilement communicable).

permet dans certains cas de mettre enévidence des équivalences entre les dif-férents éléments à agréger. C’est ladémarche qui est par exemple utiliséepour pondérer les émissions de CO2, deCH4 et de N2O pour leur contribution auréchauffement climatique, avec des poidsrespectifs de 1, 25 et 298 qui sont utiliséspour calculer l’indicateur sur la contri-bution au changement climatique (enéquivalent CO2). Cette approche ne peutcependant s’appliquer qu’à l’agrégationd’indicateurs (et non à l’agrégation decritères), et même plus précisément d’in-dicateurs pour lesquels il est scientifique-ment possible d’établir des équivalences.Une autre démarche consiste à se basersur des analyses statistiques, notammentd’analyse des données (ex. Analyse enComposantes Principales, ACP) pourdéterminer les poids de différents fac-teurs dans le calcul d’un indicateur. Dansle cas d’une ACP, la part de variabilité ob-servée sur le premier axe peut servir àpondérer les différents indicateurs. Lespondérations sont alors uniquementdépendantes de la variabilité des indica-teurs observée sur le jeu de données.Cette démarche peut être discutable, etles pondérations ainsi obtenues sont vala-bles uniquement sur le jeu de donnéesutilisé. Enfin, la dernière démarche pou-vant être utilisée consiste à se baser sur

l’opinion d’experts, de décideurs ou degroupes sociaux concernés par le systèmeévalué. Dans cette approche, les poidspeuvent être attribués en référence auxréglementations en vigueur, aux objectifsdes agriculteurs ou encore aux enjeuxdu territoire. Dans la méthode OVALId’évaluation de la filière avicole, une pon-dération permet de refléter l’importanceaccordée par le groupe participatif auxdifférents objectifs, critères et indicateurs.Ainsi, le choix a été fait d’attribuer unmême nombre de points à chacun destrois piliers de la durabilité (180 points),de façon à pouvoir apprécier la stabilitédu « trépied » pour le système étudié. Ces180 points sont ensuite répartis entre lesobjectifs puis les critères et les indicateurs(Dusart et al 2015, voir tableau 1 pour lespondérations des piliers et des critères).

Les réflexions sur les compensationsentre critères sont généralement moinsfréquentes et pourtant elles sont tout aussiimportantes dans la procédure d’éva-luation. La gestion des compensationsconsiste à savoir jusqu’à quel point noussouhaitons compenser la mauvaise per-formance obtenue sur un critère par unebonne performance sur un autre. Lors del’évaluation, les compensations peuventêtre « thématiques » (par exemple, pourla biodiversité, le mauvais niveau de bio-

diversité domestique peut-il être com-pensé par le bon niveau de biodiversitésauvage sur l’exploitation ?), « spatiales »(par exemple à l’échelle d’un territoire :les mauvaises performances de quelquesexploitations sont-elles compensées parles bonnes performances des autres ?),ou encore « temporelles » (par exempleles mauvaises performances économi-ques d’une exploitation une année peu-vent-elles être compensées par les per-formances des années précédentes etsuivantes ?). Différentes logiques de com-pensations existent (figure 5), de la plussévère, la logique conjonctive, danslaquelle il faut être bon partout pour êtrebon au global, à la plus souple, la logiquedisjonctive, dans laquelle il suffit d’êtrebon quelque part pour être bon au global.En fonction de ce qu’on cherche à éva-luer, il faut donc identifier où l’on sou-haite se positionner sur ce continuum.Pour ce faire, la démarche consiste à sebaser sur l’opinion d’experts, de déci-deurs ou de groupes sociaux concernés.Dans le cas de l’évaluation de la durabi-lité des systèmes d’élevage, la pondéra-tion des piliers économique, social etenvironnemental va dépendre du pointde vue des experts ou acteurs consultés,entre « durabilité forte » (où le capitalnaturel n’est pas substituable par ducapital manufacturé et où les compensa-

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!

Pilier Critères

Nom Points Poids (%%) Nom Points Poids (%%)

Economique 180 33 Créer de la valeur sur le territoire 73 41 Connecter les filières au marché 67 37 Participer à l'autosuffisance alimentaire française 40 22

Social 180 33 Répondre aux attentes des citoyens 84 47 Favoriser l'acceptabilité sociale de la filière 62 34 Renforcer le lien avec le territoire 34 19

Environnemental 180 33

Optimiser la gestion des ressources 69 38

Maîtriser les impacts environnementaux 68 38 Préserver les milieux naturels sur les sites 43 24

!

Tableau 1. Méthode OVALI – exemple des pondérations entre les trois piliers de la durabilité et les critères qui les composentétablies par les acteurs en nombre de points et retranscrites ici en % pour plus de lisibilité.

Figure 5. Les différentes logiques de compensation, de la plus sévère à la plus généreuse.

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tions sont interdites) et « durabilité fai-ble » (où les deux types de capital sontsubstituables) (Ayres et al 1998).

Les raisonnements sur les pondérationset les compensations sont parfaitementcomplémentaires. Le tableau 2 présentel’exemple du modèle d’évaluation dubien-être des poulets de chair, développédans le cadre du projet Welfare Quality®(Welfare Quality® consortium 2009), etplus précisément l’agrégation des critè-res « Absence de faim » et « Absence desoif » pour évaluer le principe « Bonnealimentation » (un des 4 principes del’évaluation du bien-être). Dans ce pro-jet, des experts ont été consultés pourparamétrer le modèle d’évaluation, c’est-à-dire établir les pondérations entre cesdeux critères et définir le niveau decompensation à autoriser. Le tableau 2présente le cas de trois exploitations, lesnotes qu’elles ont obtenues sur les deuxcritères ainsi que la note souhaitée parun des experts. On peut constater quecet expert a joué à la fois sur les pondé-rations et sur les compensations. Eneffet, en attribuant une note plus élevéeà l’exploitation A qu’à l’exploitation Cil considère que le critère « Absence desoif » est plus important que le critère« Absence de faim ». Par ailleurs, en attri-buant une note moins élevée à l’exploi-tation A qu’à l’exploitation B il considèreque la mauvaise note obtenue sur le cri-tère « Absence de faim » par l’exploi-

tation A ne peut pas être compensée parla bonne note obtenue sur le critère« Absence de soif », pourtant le critèrele plus important à ses yeux.

Le tableau 2 présente également à titred’exemple les résultats qui ont pu êtreobtenus par optimisation en utilisantcinq méthodes de calcul différentes : lamoyenne pondérée, qui ne joue que surles pondérations, le minimum, le maxi-mum et la moyenne pondérée ordonnée,qui ne jouent que sur les compensations,et l’intégrale de Choquet, qui joue à lafois sur les pondérations et les compen-sations. Il est facile de constater quedans cet exemple le choix de la méthodede calcul influence énormément les résul-tats, ce qui illustre la nécessité de choisirla méthode de calcul en fonction des rai-sonnements que l’on souhaite suivre lorsde l’agrégation.

4 / Quitter le paradigme dela science qui sait tout

Entreprendre une évaluation multicri-tère est une démarche subjective puisquele résultat dépend en partie des choixréalisés sur les objectifs et les prioritésdes acteurs de l’évaluation (Girardin et al1999). Ces objectifs et priorités se tradui-sent par des choix tout au long de l’éva-luation, par exemple le choix du périmè-tre d’évaluation, celui des critères et des

indicateurs et de leur pondération dansle cas d’une agrégation. L’évaluationmulticritère utilise des indicateurs quisynthétisent ou simplifient des variablespour rendre compte d’un phénomène quine peut être décrit directement en raisonde sa complexité ou pour des raisons defaisabilité. Elle interprète donc une réalitécomplexe en la simplifiant, ce qui peuts’apparenter également à de la subjecti-vité. Pour autant, cela ne signifie pasque les résultats d’une évaluation multi-critère n’ont aucune valeur scientifique,et cela même s’il est souvent impossiblede les vérifier par comparaison à uneréalité observée sur le terrain (il n’existepar exemple aucune « mesure » de ladurabilité à laquelle comparer les sortiesd’une méthode d’évaluation de la dura-bilité pour valider le modèle). La portéescientifique de l’évaluation est assuréepar la transparence des choix réalisés, lasensibilité et la robustesse de la métho-dologie, la pertinence des critères éva-lués vis-à-vis des enjeux traités, et lacohérence du cadre conceptuel surlequel l’évaluateur développe sa métho-dologie. Bien que subjective, l’évalua-tion doit éviter toute appréciation par-tielle et arbitraire, mais plutôt trouver lasolution la plus adéquate à un problèmeà plusieurs dimensions dans un contexteparticulier.

Les processus biophysiques comme letaux de lixiviation du nitrate ou la quan-tité d’émissions de gaz à effet de serre

Tableau 2. Exemple d’agrégation de deux critères (« absence de faim », basé sur l’indicateur « % d’animaux émaciés », et « absencede soif », basé sur l’indicateur « nombre d’animaux par abreuvoir ») utilisés pour évaluer le principe « bonne alimentation » dansl’évaluation du bien-être des poulets de chair de Welfare Quality© (d’après Lairez et al 2015).

Les valeurs des critères et du principe sont exprimées sur une échelle entre 0 (la pire situation envisageable vis-à-vis du bien-être) et 100 (la situation idéale). Pour aller plus loin consulter : Yager (1988) sur les moyennes pondérées ordonnées et Mayaget al (2011) sur l’intégrale de Choquet.

d’un troupeau sont souvent intégrés dansles évaluations multicritères des systèmesd’élevage. Les indicateurs utilisés pourquantifier ces processus biophysiquesreposent sur des bases scientifiques soli-des. En revanche, lorsqu’il s’agit d’agré-ger un ensemble d’informations pouraboutir à une évaluation des contributionsau développement durable, la questionde la subjectivité se pose. En effet, ladurabilité est avant tout un construit social,avec de nombreuses visions possibles.Comment choisir ce qui a le plus d’im-portance dans les enjeux du développe-ment durable ? Dans l’évaluation, allons-nous privilégier la croissance écono-mique à la protection de l’environnement,ou encore, la compétitivité des filièresd’élevage au bien-être des travailleurs ?Faut-il attribuer le même poids à la pré-servation de la qualité de l’eau et à l’uti-lisation d’énergies non-renouvelables ?La réponse à ces questions n’est pastoujours facile, c’est pourquoi l’évalua-tion multicritère de la durabilité peut êtreutilisée comme un objet intermédiairepermettant la concertation entre acteurs.Le dixième principe de la déclarationissue du sommet de Rio de 1992 affirmemême que « la meilleure façon de traiterles questions d’environnement est d’assu-rer la participation de tous les citoyensconcernés ».

De nombreuses méthodes participativesont été développées pour concerter desacteurs autour de l’évaluation de la dura-bilité. À titre d’exemple, la méthodeOVALI (outil multicritère d'évaluation dela durabilité pour concevoir des systèmesavicoles innovants) a réuni l’ensembledes acteurs d’une filière de poulet dechair afin d’identifier des points forts etdes points faibles, et de proposer desvoies de progrès pour améliorer la dura-bilité de la filière (Protino et Bouvarel,2013). La méthode est utilisée commeun outil d’accompagnement et d’aide àla décision pour l’ensemble des maillonsd’une filière intégrée. Le groupe partici-patif était constitué d’acteurs concernéspar la durabilité de la filière : les éleveurs,les abatteurs, les transformateurs, lesconsommateurs, etc. Le groupe a étéconsulté pour la définition des objectifsdu développement durable, des critères,des indicateurs et de leur transformation,et de la pondération. Un autre exempleest la méthode EVAD (EVAluation de laDurabilité des systèmes de production

aquacoles). EVAD est une méthode géné-rique d’analyse de la durabilité de l’aqua-culture, pouvant s’adapter aux différentstypes de systèmes aquacoles. Elle pro-pose une grille d‘indicateurs de la dura-bilité et apporte un diagnostic analyséavec les acteurs, à l’échelle du territoire(Rey-Valette et al 2008). Un des postu-lats de cette méthode est que la démarchede co-construction d’indicateurs facilitela concertation entre acteurs et favorisel’apprentissage organisationnel. Cesapproches participatives impliquent lesacteurs concernés par la définition desenjeux de l’évaluation, et dans le choixdes développements méthodologiques.De ce fait, la méthode résulte d’un consen-sus basé sur leurs priorités à l’égard dudéveloppement durable. Les scientifiquesse positionnent alors comme des accom-pagnateurs/facilitateurs, ils donnent lesinformations utiles à la prise de décisionpar les participants.

Conclusion

Les systèmes d’élevage sont en évolu-tion permanente. Évaluer les pratiques etleur évolution est un enjeu important dedéveloppement et de gouvernance. Lesdifférents groupes d’acteurs sont en atten-te de réponses à de nombreuses échelles(ateliers, exploitations, territoires, filières)pour guider et accompagner les différentssecteurs des productions animales. L’éva-luation n’est plus réservée à des obser-vateurs extérieurs mais implique de plusen plus les producteurs et les acteurs deterrain. L’évaluation nécessite de larigueur dans la conception et la conduitepour conserver sa pertinence et sa crédi-bilité, d’autant plus s’il y a une multipli-cité d’acteurs. L’évaluation multicritèredoit donc bénéficier d’un cadre et d’unensemble de règles transparentes et par-tagées. Pour construire ce cadre, il fautorganiser la nécessaire collaborationentre recherche, instituts techniques,acteurs du développement et acteurs deterrain. Par ailleurs dans la conceptiondes outils d’évaluation multicritère dessystèmes de production animale, lesécueils sont nombreux et ils s’étendentdepuis la création d’outils orientés pourdéfendre un point de vu partisan, jusqu’àla perte de vue des enjeux en se noyantdans la technique. L’utilisateur final del’évaluation ne doit pas être oublié aurisque de concevoir de jolis outils qui ne

servent pas. Pour ce faire, concepteurset utilisateurs ont besoin d’être accom-pagnés dans leurs démarches d’évalua-tion. Des initiatives existent pour asso-cier ces compétences et faire convergerles démarches d’évaluation multicritères,par exemple le Réseau Mixte Techno-logique Erytage1, ou au sein des Groupe-ments d’intérêt scientifiques comme leGIS Élevage demain2. Des outils mutua-lisés comme la plateforme MEANS(https://www.inra.fr/means) pourraientêtre aussi mobilisés.

Il est nécessaire de poursuivre les étu-des sur l’évaluation multicritère appli-quée aux systèmes agricoles, et de lesfaire reconnaître comme des démarchesscientifiques à part entière en s’appuyantsur les théories développées en mathé-matique et en informatique. Il est néces-saire de sortir de l’empirisme de la cons-truction d’une liste d’indicateurs dansl’urgence et sans recul méthodologique.Le rapprochement avec la recherche opé-rationnelle notamment sur les méthodesd’agrégation et sur le traitement de l’infor-mation sont une des pistes à poursuivre.

De nombreuses questions scientifiquesexistent et se mêlent ; il convient doncde différencier celles qui portent sur l’éva-luation, sur les systèmes, ou encore surla notion même de développement dura-ble. En particulier les indicateurs, aucœur de l’évaluation multicritère sontun champ d’investigation large. Un desenjeux est peut-être de combiner diffé-rentes qualités d’indicateurs, entre ceuxqui sont robustes, reconnus et générali-sables, et ceux qui sont spécifiques à descontextes particuliers. Il faut aussi êtrecapable de mobiliser les outils mathé-matiques adaptés permettant une inter-prétation des résultats (définition devaleurs de référence, choix de la méthoded’agrégation…), et donc développer descompétences adaptées.

Remerciements

Les auteurs remercient le GIS ÉlevageDemain et le GIS Grandes cultures HP2E,pour leur soutien dans le déroulementdes travaux préalables à cet article et larédaction du guide méthodologique surl’évaluation multicritère (Lairez et al2015).

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INRA Productions Animales, 2017, numéro 3

Références

L’apparition de la notion de développement durable a conduit à un passage des évaluations orientées selon un seul critère vers desévaluations plus intégrées couvrant différentes dimensions de la performance des élevages : l’économie, le social, le sanitaire, le bienêtre, l’environnement. De nombreuses questions méthodologiques sont posées par la confrontation de ces différentes dimensions avecleurs échelles de mesure propres. Comment accompagner l’évolution des systèmes d’élevage avec une évaluation multicritère ?Comment bien définir les finalités de l’évaluation ? Comment gérer la multiplicité des informations ? Comment interpréter un ensem-ble d’indicateurs conjointement lorsqu’ils prennent des valeurs opposées ? Quels outils mobiliser ? Faut-il utiliser ou créer ses pro-pres outils d’évaluation ? L’élevage avec ses enjeux multiples qui s’étagent entre les niveaux des ateliers, des filières et des territoiresest particulièrement concerné par ces questions. La participation des acteurs dans la démarche d’évaluation est aussi une question àtrancher, sont-ils co-concepteurs de la méthode, validateurs, enquêtés ou seulement destinataires des résultats ? Ces différents élémentsconduiront à définir les meilleures méthodes de traitement mathématique des données. Ce traitement des données est intimement liéau mode de représentation des résultats et de leur utilisation. Cet article aborde les différents usages des évaluations multicritèresappliquées aux systèmes d’élevage et les points méthodologiques clefs à respecter.

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Résumé

Abstract

The multicriteria assessment of livestock systems to support their evolution: issues, challenges and interrogations

The emergence of the notion of sustainable development has led to a shift from single-criterion-oriented evaluations to more integratedassessments covering the different dimensions of livestock performance: economics, social, health, welfare and the environment.Many methodological questions arise from the confrontation of these dimensions which have different measurement scales. How tosupport the evolution of livestock systems with a multicriteria assessment? How to well define the purposes of the evaluation? Howto manage the multiplicity of information? How to interpret a set of indicators together when they take opposite values? Which toolsto mobilize? Should we use or create our own assessment tools? Livestock farming with its multiple stakes at different scales herd,farm and territory, is particularly concerned with these issues. The participation of the actors in the evaluation process is also a questionto be decided: are they co-designers of the method, validators, surveyors or only recipients of the results? These different elementswill lead to the definition of the best methods of mathematical data processing. This data processing is intimately linked to how theresults are represented and how they are used. This paper discusses the different uses of multicriteria evaluations applied to livestocksystems and the key methodological points.

LAIREZ J., FESCHET P., BOTREAU R., BOCKSTALLER C., FORTUN-LAMOTHE L., BOUVAREL I.,AUBIN J., 2017. L’évaluation multicritère des systèmes d’élevage pour accompagner leurs évolutions :démarches, enjeux et questions soulevées. INRA Prod. Anim., 30, 255-268.