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L’AU-DELÀ 2 On entend souvent dire que jamais personne n’est revenu de la mort pour en parler. Personne n’est mieux placé que Jésus pour nous en informer. Cette parabole, peut-être plus qu’aucun texte biblique, lève discrètement le voile sur le mystère de la mort et de l’au-delà 1 . REYNALD KOZYCKI Contexte Luc présente l’histoire de Jésus pour en démontrer la certitude (1.4). Il accentue particulièrement la dimension du salut apporté par le mes- sie et l’urgence d’en bénéficier. Le chapitre 16 de Luc contient deux paraboles traitant de l’emploi des biens terrestres et de l’avenir de l’homme après sa mort. La première partie s’adresse d’abord aux dis- ciples (16.1-13) pour les mettre en garde contre un mauvais usage de l’argent. La suite du chapitre est adressée « aux pharisiens, accusés d’hypo- crisie, et amis de l’argent » (v. 14 à 31) à qui il est rappelé qu’on use de « violence » pour entrer dans le royaume de Dieu. La parabole elle-même L’histoire de Lazare et du mauvais riche invite aussi à user de violence sur soi-même pour écouter Moïse et les pro- phètes et passer par une vraie repentance. Cette parabole était, semble-t-il, connue dans la littérature antique 2 . Certains l’ont rapprochée d’un conte égyptien parlant du renverse- ment de fortune, où Si-Osiris voyageait dans l’empire des morts. Les juifs d’Alexandrie auraient apporté ce conte en 1 Pour tirer bénéfice de cette étude, il vaut mieux avoir le texte de la parabole sous les yeux. Cet article reprend en grande partie un travail universitaire rédigé par l’auteur pour la faculté Jean Calvin d’Aix-en- Provence, lors d’un séminaire de NT en mars 1992. 2 R. BAUCKHAM, The rich Man and Lazarus : The Parable and the Parallels, NTS, April 1991, p. 225-246. Lazare et le mauvais riche Luc 16.19-31 Pages Servir 1-2011 02/03/11 17:58 Page2

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L’AU-DELÀ

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On entendsouvent dire quejamais personnen’est revenu de lamort pour enparler. Personnen’est mieux placéque Jésus pournous en informer.Cette parabole,peut-être plusqu’aucun textebiblique, lèvediscrètement levoile sur lemystère de la mortet de l’au-delà1.

REYNALD KOZYCKI

ContexteLuc présente l’histoire de

Jésus pour en démontrer lacertitude (1.4). Il accentueparticulièrement la dimensiondu salut apporté par le mes-sie et l’urgence d’en bénéficier.Le chapitre 16 de Luc contientdeux paraboles traitant del’emploi des biens terrestres etde l’avenir de l’homme aprèssa mort. La première parties’adresse d’abord aux dis-ciples (16.1-13) pour les mettreen garde contre un mauvaisusage de l’argent. La suite duchapitre est adressée « auxpharisiens, accusés d’hypo-crisie, et amis de l’argent » (v.14 à 31) à qui il est rappeléqu’on use de « violence » pourentrer dans le royaume deDieu.

La parabole elle-même

L’histoire de Lazare et dumauvais riche invite aussi àuser de violence sur soi-mêmepour écouter Moïse et les pro-phètes et passer par une vraierepentance. Cette paraboleétait, semble-t-il, connue dansla littérature antique2. Certainsl’ont rapprochée d’un conteégyptien parlant du renverse-ment de fortune, où Si-Osirisvoyageait dans l’empire desmorts. Les juifs d’Alexandrieauraient apporté ce conte en

1 Pour tirer bénéfice de cette étude, il vautmieux avoir le texte de la parabole sous lesyeux. Cet article reprend en grande partieun travail universitaire rédigé par l’auteurpour la faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence, lors d’un séminaire de NT en mars1992.2 R. BAUCKHAM, The rich Man and Lazarus :The Parable and the Parallels, NTS, April1991, p. 225-246.

Lazare et le mauvais riche Luc 16.19-31

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Palestine où il serait devenu l’histoire duPauvre Scribe et du riche publicain BarMajan3. Mais comme l’écrit Leon Morris :« Si Jésus reprend un conte populaire,il lui imprime sa marque propre »4

.

Ce récit présente trois parties : la vieterrestre des deux personnages (v. 19-21) ; le moment de leur mort (v. 22) etl’après-mort (v. 23-31).

La vie terrestre du richeet de Lazare (v.19-21)

Le verset 19 décrit cet homme riche,vêtu de pourpre (porphyra). Ce mot faitréférence à un mollusque, le murex, quipermettait d’obtenir une teinture degrande valeur. Il portait aussi du fin lin: « L’association des deux représente leluxe le plus extrême »5.

« Chaque jour » donne l’ampleur dela richesse. Il menait joyeuse et brillantevie. Le dernier mot de ce verset, lamprôs(brillante ou « dans la splendeur »),accentue la somptuosité et décrit une viede fête permanente6.

Les v. 20-21 soulignent le contrastefrappant entre le riche et Lazare. On peutremarquer que c’est la seule parabole oùJésus donne un nom à une personne7.Le nom « Lazare » n’est certainement paspris au hasard. Il vient d’Eleazar qui signi-fie « Dieu vient en aide, il a secouru »8.

Pourtant, sa situation présente nesemble pas correspondre à la significa-tion de son nom. Il a été comme déposélà négligemment, pour se débarrasser delui en le remettant à la compassion duriche9. Le verset 21 accentue encore lapauvreté et la nudité de Lazare. Leschiens, si péjoratifs dans le Proche-Orient ancien, semblent montrer plus decompassion que le riche voisin !

3 HOCK dans son article Lazarus and Micyllus : Greco-RomanBackgrounds to Luke 16:19-31, fait un survol des études spécialiséessur la question (p. 448-455, HOCK, JBL, 1987, p. 447-463). Il expliquequ’il lui semble plus probable de donner à notre parabole une originegréco-romaine se référant à l’œuvre antique de Lucien, Gallus etCataplus. 4 L.MORRIS, L’Évangile selon Luc, Traduction française Sator 1985, p226.5 MORRIS, op.cit, p. 2266 A.B. BRUCE, The Expositor’s Greek Testament, Luke, p.588.7 Plusieurs, comme Calvin, en ont conclu que ce n’était pas une para-bole, mais qu’il s’agissait d’une histoire authentique. Aujourd’hui pra-tiquement aucun commentateur ne soutiendrait que ce texte n’est pasune parabole. De toute façon, cela ne change pas les applications dutexte, car les paraboles de Jésus font toujours ressortir des réalités dela vie ; voir J.M. NICOLE, Précis de doctrine chrétienne, Éditions del’Institut Biblique, Nogent-sur-Marne, 1983, p. 320.8 Voir notamment, Le grand dictionnaire de la Bible, Excelsis, 2004. 9 Ébéblêto : signifie aussi gisant : Jos Ant 9:209 ; comme le traduit laBible de Jérusalem.

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Leçons sur la parabole

Certaines vérités concernant la vie à venirsont soulignées dans cette parabole d’une

manière telle que nous ne pouvons pas leuréchapper. Premièrement, la mort met unpoint final à notre destinée humaine ; l’étatde l’âme individuelle après la mort est irré-vocab lement f i xé durant ce t te v ie .Deuxièmement, quoique figuré par le langage

symbolique, l’enseignement de la paraboleest clairement que les justes jouissent d’unbonheur infini et que ceux qui ont vécu sansDieu sont dans une indescriptible détresse.Ce bonheur et cette détresse sont tous deuxconscients et, de plus, le souvenir de cettevie avec ses possibilités perdues subsistedans l’au-delà. Troisièmement, en plus decette insistance sur la réalité des conditionsdifférentes après la mort, la parabole insistede manière égale sur la vérité qu’il existepour tous les hommes un guide suffisantpour les mener au ciel : l’Écriture sainte.

Dictionnaire des difficultés bibliques, AlfredKuen, Luc 16 (Biblia Universalis)

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Critères de sélectionOn peut se demander si des indica-

tions sont apportées sur ce qui déter-minera le sort éternel des protagonistes.

Presque rien n’est dit de manièredirecte sur l’attitude de foi ou de piété desdeux personnages. On peut supposer,comme l’écrit un commentateur, que leriche était : « Un noceur impie, commele révélera son destin »10. On constate qu’iln’est pas trop préoccupé par le pauvreLazare. Son indifférence, voire sa cruauté,reflète une attitude de cœur envers Dieu.Il ne vit que pour lui-même11.

En revanche, l’attitude de Lazaresemble différente. Son nom peut nousindiquer qu’il a été secouru par Dieu. Lemot pauvre (ptôchos) qui lui est accolé,renvoie, dans le contexte de Luc, àl’idée de piété, d’être un « bénéficiairede la grâce de Dieu »12. Le silence deLazare est aussi révélateur. Il ne murmurejamais contre son sort, ni contre les abusde l’homme riche ou de la société.

Il ne faudrait pas voir dans cette oppo-sition de « conditions », une exaltation dela pauvreté sociale, mais plutôt, commele fait Luc tout au long de son évangile,une exaltation de l’humilité, du servicepour Dieu, de la recherche prioritaire durègne de Dieu et ce qui est juste à ses yeux.De nombreux textes du NouveauTestament montrent que le salut nedépend pas de la condition sociale, maisde l’écoute de la parole de Dieu et de larepentance, comme la fin de la parabolele souligne. D’ailleurs, Abraham, le pèredes croyants, était lui-même riche !

La durée de leurs vies est décrite enquelques mots qui font écho à la parolede l’apôtre Jacques : « Notre vie est unevapeur qui paraît un instant, puis dis-paraît » (4.14).

Le moment de leur mort(v. 22)

Les rôles sont brusquement renversés :Lazare passe en premier, avec tous leshonneurs. Il est porté par des anges13 !Calvin écrivait : « Être après la mort portépar des anges au sein d’Abraham, c’estune félicité plus désirable que d’avoir tousles royaumes du monde »14.

Il se retrouve dans le sein d’Abraham.On peut y voir une allusion à l’intimité

L’AU-DELÀ

10 JEREMIAS, Les paraboles de Jésus, p. 243, en effet si l’hypothèse duconte repris par les juifs d’Alexandrie est vraie, « le pauvre scribe etle riche publicain Bar Majan » fait ressortir l’insouciance spirituelle duriche.11 MORRIS, op. cit., p. 227.12 Voir Luc 4.18 ; 6.20 ; 7.22 ; 21.3 ; I.H. MARSHALL, The Gospel ofLuke, A commentary on the Greek Text, Exeter, 1978, p. 635, sou-ligne cet aspect de bénéficiaire ou destinatiare de la grâce.13 Godet cite le targum du Cantique des Cantiques : « Les justes, dontles âmes sont portées par les anges dans le paradis ». 14 J. CALVIN, Commentaires, Tome 1er, Société des livres religieux,Toulouse 1892, p 298.

Dialogue entre le riche etAbraham

Le riche reconnaît Abraham et Lazare. Cetrait montre que la personnalité subsiste

dans le monde invisible et que les âmes ontdes rapports entre elles. Du reste, le but de ceverset est de faire ressortir la transformationtotale qui s’est opérée dans la situation des deux

hommes: le riche est devenu un men-diant, et c’est Lazare qu’il implore. Il fautse garder de matérialiser, comme on l’a faittrop souvent, ces flammes, qui ne sont quel’image de la souffrance morale. Les convoi-tises et les passions, jusque-là pleinementsatisfaites, se changent en tourments, dèsque tout aliment leur est ôté; et tandis quele cœur est vide, le feu des regrets et desremords brûle dans la conscience.

Extraits de La Bible Annotée

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profonde du Fils qui est dans le sein duPère (Jn 1.18) ou, peut-être, un paral-lèle avec Jean qui reposait sur le sein deJésus pendant le dernier repas. Lazarelui, repose sur le sein du grand patriarche,père des croyants, en vue du repas destemps de la fin (Jn 13.23, Mt 8.11)15. Lesein d’Abraham est en fait un avant-goûtdu ciel accordé à Lazare.

Le riche meurt, puis il est enseveli. Onpeut imaginer une grande foule lors deses funérailles et un éloge funèbre pom-peux, mais son accueil dans l’éternité estterrifiant. Sa mort a mis tragiquement finà sa vie de luxure. Calvin parlait de « lafélicité temporelle, laquelle s’achète avecdamnation éternelle »16. Les versets sui-vants lèvent le voile sur le mystère de l’au-delà.

L’après-mort (v. 23-31) L’Hadès

L’homme riche est désormais dans lehadès (v. 23) ou le séjour des morts. LaSeptante utilise ce mot plus de cent foispour traduire principalement le Shéol, lemonde des morts. Le NT utilise dix foishadès. Ce mot, en première lecture,décrit le lieu de tous les morts17. Un chan-gement s’est opéré dans le hadès lors dela résurrection du Christ, les clefs lui ontété données (Ap 1.18), il permet désor-mais aux croyants d’entrer directementdans une communion plus intime avecDieu18.

Le hadès ne doit pas être confonduavec la géhenne décrivant l’état final dedestruction dans un feu qui ne s’éteintpas19.

« État intermédiaire »

Que se passe-t-il en attendant le juge-ment ou la résurrection ?

Pour ce qui est du non-croyant, celui-ci semble déjà connaître de cruels tour-ments, à l’exemple de ce mauvais riche.Pour les croyants, comme cette parabolele laisse supposer, ils attendent sousforme d’esprits désincarnés leur corps glo-rieux et éternel, tout en étant déjà dansla présence du Seigneur20. Le sommeildont parlent certains textes bibliques(1 Th 4.13) est davantage une méta-phore. En effet, Ph 1.23 ; 2 Co 5.1-8 ;Hé 12.23 parlent d’un état évident deconscience. Grudem résume ainsi lasituation des chrétiens après la mort :« Les âmes des croyants vont immédia-tement dans la présence de Dieu et seréjouissent dans une communion avecLui. »21

Les tourments

Le mauvais riche en hadès est en proieaux tourments, ou aux tortures (v. 23)22.Au verset 24, il souffre dans cetteflamme ; ce verbe évoque une douleur

15 JEREMIAS, MEYER, TDNT, penchent pour l’invité à un banquet. 16 J. CALVIN, op. cit. 17 Ac 2.27, 31 ; Luc 16.23,26 ; 1 P 3.19 ; Ap 20.13 le décrivent commele lieu également des non-croyants.18 Calvin explique que « la métaphore du sein d’Abraham », cesse àla résurrection du Christ, comme la clarté du soleil, lorsqu’il se montre,obscurcit toutes les étoiles » op. cit., p 298.19 Mc 9.43 ; Mt 10.28 ; Mt 25.41 ; …20 Voir par exemple GUTHRIE, New Testament Theology, IVP, 1981, p.837-839, qui donne quatre positions, mais démontrent que la premièreest plus conforme aux textes bibliques : 1) les croyants attendent, sousforme d’esprits désincarnés, leur corps glorieux et éternel ; 2) les croyantsreçoivent un corps temporaire en attendant la résurrection lors du retourde Christ ; 3) les croyants ressuscitent juste après la mort, les non-croyantslors de la parousie ; 4) les croyants entrent dans un état de sommeilet d’inconscience jusqu’à la résurrection. Voir aussi Anthony A.HOEKEMA,The Bible and the future, Eerdmans, 1991, p. 92-108.21 WayneGRUDEM, Théologie systématique, Excelsis, 2010 (traductionpersonnelle de la version anglaise).22 THAYER affirme que basanos est l’instrument de torture par lequelquelqu’un est forcé à dire la vérité, The New Thayer’s Greek-EnglishLexicon of the NT, Lafayette, Indiana, reprinted 1979 ; MUNDLE, DNTT,3:856. Ce même mot est utilisé dans Apocalypse pour décrire les tour-ments éternels (Ap 20.10). La Bible de Jérusalem et la TOB tradui-sent par torture.

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cruelle (odunaô : causer une souffranceintense), une sorte d’agonie. Cette mêmepensée revient au verset 25 dans labouche d’Abraham : Toi, tu es tourmentéet le v. 28 mentionne à nouveau le « lieude tourment ».

Enfant d’Abraham

La réponse d’Abraham doit être prisede manière prudente. On pourrait com-prendre que les personnes oppriméesseront systématiquement sauvées. Or laconclusion montre que c’est la repentance

et l’écoute de la parole de Dieu qui déter-minent le sort éternel.

Abraham appelle l’ex-homme riche,mon enfant . I l était descendantd’Abraham, mais cela n’est pas suffisantpour avoir sa place dans le seind’Abraham.

Souviens-toi ! (v. 25)

Cette expression-clé crée le lien entrela scène terrestre et celle de l’au-delà.Abraham lui rappelle ses richesses ainsique la pauvreté de Lazare. Certainementqu’il n’a pas besoin de beaucoup plusd’explications pour se remémorer sonégoïsme et la dureté de son cœur sansrepentance23.

L’abîme

Abraham répond en deuxième argu-ment qu’il y a un abîme ou un gouffreinfranchissable entre l’antichambre del’enfer et le « sein d’Abraham ». Cegouffre existe aussi entre le monde desvivants et celui des morts. Les per-sonnes qui cherchent désespérément àcommuniquer avec les morts n’ont passaisi cette distance. Dieu avait permis unjour au roi Saül de revoir réellement leprophète Samuel décédé, mais ce futcomme une malédiction qui tomba surSaül suite à sa désobéissance (1 S 28).La Bible nous interdit l’invocation desmorts, et d’ailleurs toute relation avec lemonde des morts. On peut soupçonnerque toutes les soi-disant apparitions demorts sont, ou bien des phénomènes psy-chiques proches du délire, ou alors desphénomènes occultes inspirés par Satan,

L’AU-DELÀ

23 Certains commentateurs semblent un peu divaguer sur ce verset 25,c’est le cas par exemple du grand exégète F. Godet qui voit là une pos-sibilité de salut après la mort en conciliant ce verset à la notion d’œuvrerédemptrice en 1 P 4.6 ; F. GODET, Commentaire sur l’Évangile de StLuc, réimprimé, Neuchâtel 1969, Tome 2, p. 272.

RésurrectionQuand aura lieu la résurrection ?

À l’avènement du Christ (1Co 15.23), audernier jour (Jn 6.39, 40, 44, 54), lors de l’en-lèvement de l’Église (1Co 15.51-53 ; 1Th4.13-18). Ceux qui se trouveront vivants surla terre à ce moment-là ne mourrontpas. Transformés en un clin d’œil, ils serontenlevés à la rencontre du Seigneur avec lescroyants défunts ressuscités. […] Pour l’ins-tant, nous sommes spirituellement res-suscités avec Christ depuis notre nouvellenaissance (Jn 5.24 ; Rm 6.1-4 ; Ep 2.4-6 ; Col 3.1-4) ; mais nous attendons encorel’adoption, la résurrection de notre corps(Rm 8.23).

Qui ressuscitera ainsi ? Ceux qui appartiennent à Christ (1Co

15.22-23), ceux que le Père lui a donnés(Jn 6.39-44), ceux qui sont « en Christ »(1Th 4.16). Tous les hommes ne sont mal-heureusement pas à lui ; c’est pourquoiil est question ici de la « résurrection d’entreles morts » (Ph 3.11 ; Mc 9.9-10).

Extraits du Dictionnaire de la Bible,Editions Emmaüs (Bible online)

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le père du mensonge.Il est surprenant de

constater que le riche nese plaint pas de sonsort dans son dialogueavec Abraham, mais ill’accepte comme irré-vocable. En revanche,il se préoccupe de sesfrères pour qui il resteune chance de ne pasle rejoindre.

Les frères del’homme riche

Ces cinq frères sontprobablement une allu-sion aux pharisiens, richeset durs de cœur (16.14) ;par extension, ils repré-sentent tous les auditeursde la Parole de Dieu qui nesont pas encore passéspar une vraie repentance.

L’homme dans le hadèsdésire que Lazare « portetémoignage » à ses frères.Le mot diamartyrètai,comme l’écrit Godet, aun sens fort : « attesterénergiquement de manièreà faire pénétrer la vérité àtravers (dia) les enveloppesd’une conscience endur-cie »24. Jésus fait peut-êtreallusion à cette soif demanifestation miraculeusequ’il refusait souvent desatisfaire. Dieu a donné àIsraël et au monde entierun autre moyen pourconduire à la repentance(v. 29-31).

Moïse et lesprophètesAbraham répond : Ilsont Moïse et les pro-phètes ; qu’ils les écou-tent. Cette réplique estla pointe de la para-bole et met en avant laParole écrite de Dieu.El le enseigne avecsolennité que la lectureet l’écoute de ces textessont salutaires. Le mot écouter a lamême racine qu’obéis-sance. L’écoute doitaboutir à une transfor-mation de vie, à unerepentance et à desfruits dignes de la repen-tance : Cesse mon filsd’écouter l’instructionsi c’est pour t’éloignerde s Pa ro l e s de l ac o n n a i s s a n c e ( P r19.27). Jésus conclutle Sermon sur la mon-tagne sur l’importanced’écouter et de mettree n p r a t i q u e p o u rconstruire de manièresolide (Mt 7.24-29).L’insistance du richelaisse supposer quedurant sa vie terrestre,il ne s’est pas trop sou-cié de la « Loi et desp r o p h è t e s » . S arequête : Si quelqu’unvient d’entre les morts...souligne l’illusion des

24 GODET, op. cit., p. 274 ;L. COENEN, DNTT, 3:1038-1047.

Enfer

L’enfer, dans le sens théologique dumot, est appelé dans la Bible le feu

éternel, la géhenne du feu (Mt 18.8-9) ;la géhenne, le feu inextinguible, où le verne meurt point et où le feu ne s’éteintpoint (Mc 9.43 et suivants) d’aprèsÉsaïe (Es 66.24), à qui déjà les apo-cryphes ont emprunté cette expression

(Ec 7.17 ; /Jdt 16.21) ; la mort (1Co15.55-56 ; 1Jn 5.16) ; la punition éter-nelle (Mt 25.46) ; le jugement ou laruine éternelle (Mc 3.29 ; 2Th 1.9) ;l’étang ardent de feu et de soufre (Ap19.20) ; la mort seconde (Ap 20.14) ;des liens éternels (Jude 6) ; lesténèbres du dehors, où seront lespleurs et les grincements de dents (Mt8.12) ; un opprobre et une infamieéternels (Dn 12.2, etc.)…

Les réprouvés seront commeoubliés de Dieu ; leur nom ne passeraplus par ses lèvres (Ps 16.4). Il estlumière, ils seront dans les ténèbres.Il est la source de la vie, il ne sera plusrien pour eux. Ils ont refusé de por-ter son joug, son joug ne pèsera plussur eux ; celui qui était souillé sesouillera toujours davantage ; ils ironten empirant, creusant toujours plusl’abîme qui les sépare de celui sans quiils ne sauraient vivre ; et s’enfonçanttoujours plus dans la fange de l’étangbourbeux où ils sont plongés, pro-gressant dans la mort comme lesrachetés dans la vie, ils se seront vusprivés par leur faute des biens que Dieuleur avait offerts, et souffriront decette décadence morale et intellectuelleque l’Écriture appelle la seconde mort.

Extrait du Dictionnaire encyclopédiquede Bost (Bible online)

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miracles devant des personnes peu dis-posées à prendre Dieu au sérieux. Hunterparaphrase cette conclusion : « Si unhomme ne montre pas d’humanité alors

qu’il a l’Ancien Testament à portée dela main et Lazare à sa porte, rien nepourra le faire changer de comportement,ni un visiteur de l’autre monde, ni lesrévélations des horreurs de l’enfer »25.

Le scepticisme de l’homme chez quila conscience n’a pas été réveillée par laParole de Dieu et le Saint-Esprit, repren-dra vite le dessus après qu’il aura vu unmiracle26.

Conclusion

Ce texte dévoile le sens de l’une desplus grandes énigmes de ce monde : Qu’ya-t-il après la mort ? Pour Jésus, sans l’im-poser à ses auditeurs, il nous montre queseulement deux solutions sont possibles :être avec Dieu comme Lazare dans l’at-tente du retour de Jésus et de la résur-rection des corps ou alors être dans lelieu de tourment dans l’attente du juge-ment à venir.

S’il y a une dimension mystérieused’un choix éternel de Dieu, dans ce texte,Jésus ne met en avant que deux condi-tions principales au salut : l’écoute de laparole de Dieu, et faire, pendant qu’il estencore temps, un demi-tour radical,une repentance qui nous conduit àprendre Dieu au sérieux dans nos vies,mais aussi à prendre notre prochain ausérieux.

Aujourd’hui, si vous entendez sa voix,n’endurcissez pas vos cœurs (Hé 3).

R.K.

L’AU-DELÀ

Paradis

Paradis, latin paradisus, grec paradeisos :parc, jardin d’agrément ; de l’avesta pairi-

daeza (enclos). Dans Ec 2.5 ; Ct 4.13 ; Né2.8, l’hébreu a pardes, jardin, verger, parc,prenant le sens de forêt dans ce dernier pas-sage. Josèphe (Antiquités 8.7.3 ; ContraApionem 1.20) appelle en grec paradis, lesjardins de Salomon à Étam et les jardins sus-pendus de Babylone. La Septante metparadis d’Éden pour le jardin d’Éden (Gn2.8). Paradis, désignant le lieu de félicitéque l’homme a perdu, devint le nom dela demeure des justes dans l’au-delà. LesIsraélites de l’époque tardive distinguaiententre un paradis céleste et un paradis infé-rieur, le premier appartenant au ciel,tandis que le second était une division duhadès (hébreu che’ol, séjour des morts)assignée aux âmes des justes. Jésus parledans ce sens lorsqu’il déclare au brigandrepentant : « Aujourd’hui tu seras avecmoi dans le paradis » (Lc 23.43). Il veutdire : dans le séjour des morts bienheu-reux, que les Juifs appelaient aussi « lesein d’Abraham » (Lc 16.22). […] Dansles autres passages du NouveauTestament, le terme prend son senscéleste : Paul est ravi « dans le paradis »,jusqu’au 3e ciel, dans la présence de Dieu(2 Co 12.2, 4). À celui qui vaincra, leSeigneur donnera à manger de l’arbre devie, « qui est dans le paradis de Dieu »(Ap 2.7 ; 22.2).

Extraits du Dictionnaire de la Bible,Editions Emmaüs (Bible online)

25 A.M HUNTER, Interpreting the Parabole, p.84, cité parMORRIS, Luc, p.229.26 Spurgeon disait : « Si les hommes ne veulent pas croirele témoignage de Dieu, il est impossible qu’ils puissentcroire le témoignage des hommes », C.H. SPURGEON, TheTreasury of the NT, Vol II, Marshall, Morgan and Scott,London, N.D. p 39

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Voilà un sujet que l’on préférerait passer

sous silence. Aussi dans une trentaine

de livres chrétiens (en trois langues) qui

répondent à des questions

difficiles, il s’en trouve à

peine un ou deux qui

l’évoquent brièvement.

Pourquoi cette réticence ?

9

L’AU-DELÀ

Que penser de la

doctrine des peines

éternelles ?

ALFRED KUEN

Ces deux mots : « peineséternelles », évoquentdans nos mémoires

des visions moyenâgeuses dediablotins qui attisent le feusous d’immenses chaudronsdans lesquels mijotent lesmalheureux damnés. Etpuis : comment concilier unDieu d’amour avec la tor-ture éternelle de gens, sim-plement parce qu’ils n’ontpas cru en lui ?

Cette question est délicateet il y a des positions variées,même parmi les évangéliques.

Avant de nous lancer dansl’examen des (rares) passagesbibliques qui abordent le sujet,pénétrons-nous des véritésque la Bible ne manque pasde nous répéter de la premièreà la dernière page : Dieu estamour, il est saint et il est juste.Il ne veut pas qu’un seulpérisse (2 Pi 3.9). Mais il acréé l’homme semblable àlui, c.-à-d. libre, capable d’ac-cepter ou de refuser sonamour. Il saura certainementtrouver une solution qui conci-liera son amour, sa sainteté et

LES

CAVALIERS DE

L'APOCALYPSE

A. DURER

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sa justice, et qui sera acceptée par tous. Ayant ces certitudes, ne nous que-

rellons pas et ne nous divisons donc pasau sujet de questions qui concernent unavenir qui nous échappe. Ce qui estcaché est réservé à l’Éternel notre Dieu.Par contre, nous sommes concernéspour toujours par ce qui a été révélé, partoutes les paroles de cette Loi qu’il nousfaut appliquer (Dt 29.29).

Il y a deux questions : Y a-t-il despeines éternelles ? En quoi consistent cespeines ?

1° Y a-t-il des peineséternelles ?

■ D’après l’universalisme, il n’y en apas : tout le monde sera sauvé (commele dit une chanson : « Nous irons tousau paradis »). Tel n’est pas le messagede la Bible.

Le catholicisme traditionnel ditqu’après la mort, il y aura soit le salut,soit l’enfer, soit le purgatoire qui est unepeine transitoire suivie du salut. Le feuservirait à purifier les âmes de leurspéchés et, après un temps plus ou moinslong dans ce feu purificateur (« purga-toire »), ils rejoindraient les élus.

Cette doctrine n’a été officialiséequ’en 1439 au Concile de Florence etne devint article de foi dans l’Église catho-lique que lors du Concile de Trente en1563. C’est dire qu’elle ne fait pas par-tie de la foi transmise une fois pour toutesà ceux qui appartiennent à Dieu (Jude3). D’autre part, être purifié du péché parses souffrances serait finalement un salutpar les œuvres ; or, d’après la Bible, seulle sang du Christ versé pour nous sur lacroix peut expier notre péché et nous enpurifier (Hé 9.26 ; 10.17-18 ; 1 Jn 1.7-

9) et l’homme est justifié gratuitement parsa grâce … par la foi, sans les œuvres(Rm 3.23, 28). Dans la vision de la finqu’offre Ap 20.12-15, il n’y a que ceuxqui sont écrits dans le livre de vie et ceuxqui ne s’y trouvent pas et qui rejoignentle diable dans d’étang de feu éternel (cf.Mt 25.41 ; Mc 9.43). C’est ce que disaitdéjà Jésus : Qui place sa confiance dansle Fils possède la vie éternelle. Qui nemet pas sa confiance dans le Fils neconnaît pas la vie ; il reste sous le coupde la colère de Dieu (Jn 3.36).

■ D’après le « conditionnalisme » et« l’annihilationnisme », la vie éternellese trouve seulement en Dieu ; celle deshumains est conditionnée par la foi ; ceuxqui ne croient pas seront jugés au juge-ment dernier, jetés dans l’étang de feupuis détruits à la seconde mort, c.-à-d.qu’ils cesseront d’exister. Certains évan-géliques comme J. Wenham et J. Stottont défendu ces positions. J. Stott s’ap-puie sur le verbe apollumi et le nom ale-thros qui signifient détruire, extinction del’être. Ceux qui s’opposent à cette inter-prétation disent qu’ils peuvent aussisignifier perte et que si les apôtresavaient voulu enseigner l’annihilation, ilsauraient pu employer les verbes exalei-phô (effacer) ou sbennumi (éteindre).

Certains font le parallèle avec notremort physique : après notre enterrement,notre corps est progressivement détruit ;ainsi la seconde mort détruira aussiprogressivement notre être spirituel.D’ailleurs, le feu et le ver détruisent. Cepoint de vue « destructionniste »rejoint les deux précédents. Ceux quiargumentent de cette manière s’ap-puient sur les différents sens du mot aiô-nios traduit dans nos Bibles par éternel.Ce mot peut désigner un temps limité ou

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illimité. Le présent aiôn (monde présent)aura bien une fin ; donc pour eux aiô-nios peut aussi se référer à une périodelimitée. La Septante traduit par aiôniosles collines éternelles de Ha 3.6. Or, noussavons que leur durée sera la même quecelle de notre terre. Alors, pourquoivouloir que la « damnation éternelle (aiô-nios) » (Mc 3.29) dure éternellement ?L’objection à cet argument est le fait queaiônios s’applique aussi à Dieu (Rm16.26), à Jésus-Christ (2 Tm 1.9 ; 2.10)et au Saint-Esprit (Hé 9.14), ainsi quedes dizaines de fois à la « vie éternelle »qui sera notre « gloire éternelle » (2 Tm2.10 ; 1 Pi 5.10). Si la condamnation nedoit durer qu’un temps, alors qu’ensera-t-il de notre vie, notre consolation,notre salut éternels ? Le parallélisme entreles deux formules plaiderait en faveurd’une durée illimitée. D’ailleurs, le feu nedétruit pas toujours (Ex 3 : le buissonardent ; Dn 3 : les amis de Daniel dansla fournaise).

■ La position évangélique clas-sique affirme l’existence des peineséternelles en s’appuyant sur lestextes suivants :

Dans la parabole des talents, le ver-dict sur le mauvais serviteur sera : Quantà ce vaurien, jetez-le dans les ténèbresdu dehors, où il y aura des pleurs etd’amers regrets (Mt 25.30). Lors dujugement dernier, Jésus se tournera versceux qui seront à sa gauche : Retirez-vousloin de moi, vous que Dieu a maudits,et allez dans le feu éternel préparé pourle diable et ses anges… Et ils s’en irontau châtiment éternel. Tandis que lesjustes entreront dans la vie éternelle(Mt 25.41, 46). Ailleurs, Jésus caracté-rise ce lieu comme étant l’endroit où lever ne meurt point et le feu ne s’éteint

pas (comme dans la vallée de la géhenne)(Mc 9.48 citant Es 66.24).

Le passage dans lequel Jésus lève unpeu le voile sur l’au-delà est celui du mau-vais riche et du pauvre Lazare (Lc16.19-31). Jésus dit qu’entre ceux quisont dans le séjour des bienheureux etceux qui se trouvent dans le lieu de tour-ment il y a un immense abîme et, mêmesi on le voulait, on ne pourrait ni le fran-chir pour aller d’ici vers vous, ni le tra-verser pour venir de chez vous ici (Lc16.26). Certains disent que c’est uneparabole et qu’on ne peut pas en déduiredes affirmations doctrinales. D’autresrépliquent que Jésus a nommé l’un despersonnages et que c’est plutôt un récit ;mais même si c’était une parabole,Jésus n’y aurait pas mentionné des faitscontraires à la vérité.

Quelle que soit la nature de ce pas-sage, nous pouvons en déduire :

1) qu’après la mort, la vie continuede manière consciente ;

2) les deux hommes sont dans deslieux différents : l’un d’eux souffre,l’autre est consolé ;

3) il n’y a pas de passage d’un lieu àl’autre ;

4) le seul moyen d’éviter d’aboutirdans le lieu de tourment, c’est de tenircompte de l’Écriture sainte.

Nous remarquons aussi que le mau-vais riche ne dit pas qu’il subit injuste-ment son sort et il ne demande pas desortir de ce lieu de tourment, car, pourcela, il devrait se repentir de sa vieégoïste passée ; or la repentance est undon de Dieu (Ac 11.18) et Dieu ne l’ac-corde plus à ceux qui l’ont mépriséedurant leur vie.

L’apôtre Paul enseigne que lorsque le

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Seigneur Jésus apparaîtra du haut du ciel,avec ses anges puissants et dans uneflamme, ce jour-là, il punira comme ilsle méritent ceux qui ne connaissent pasDieu et qui n’obéissent pas à l’Evangilede notre Seigneur Jésus. Ils auront pourchâtiment une ruine éternelle, loin de laprésence du Seigneur et de sa puissanceglorieuse (2 Th 1.7-9). L’Apocalypsementionne plusieurs fois la peine desréprouvés (14.9-11 ; 20.10), la caracté-risant de « seconde mort » (20.15 ; 21.8).

Si la doctrine des peines éternellesheurte notre sens de l’amour de Dieu,les solutions destructionnistes et annihi-lationnistes semblent s’opposer à la jus-tice de Dieu. Serait-il juste qu’un Hitlerresponsable de la torture et de la mortde milliers de victimes soit simplement« annihilé » après sa mort ?

2° En quoi consistent lespeines éternelles ?

Ce qui nous effraie dans ces versets,c’est que nous les lisons avec la visionque les prédicateurs du Moyen Àge y ontsurimprimée pour effrayer les incroyants.Correspond-elle à ce que dit le texte ?Il parle d’une « seconde mort ». Qu’estla première mort ? Une séparationd’avec tous ceux que nous avons aiméset, pour eux : une absence éternelle. Laseconde mort ne serait-elle pas la sépa-ration d’avec Dieu, l’absence éternellede communion avec lui ? On peut y voirla conséquence du non- intérêt desincroyants envers Dieu. Durant leur vie,ils n’ont pas cherché à avoir de com-munion avec lui. Leur esprit était occupépar bien d’autres choses : les soucis dece monde et l’attrait trompeur desrichesses (Mt 13.22), les plaisirs de la vie(Lc 8.14) et l’invasion des autres convoi-

tises (Mc 4.19) : tout ce qui fait partie dumonde : les mauvais désirs qui animentl’homme livré à lui-même, la soif de pos-séder ce qui attire les regards, et l’orgueilqu’inspirent les biens matériels, toutcela ne vient pas du Père, mais dumonde comme le précise 1 Jn 2.16 (BS).

On a dit que Jésus-Christ était « ladéclaration d’amour de Dieu au monde ».Vous est-il arrivé de faire une déclara-tion d’amour à quelqu’un et de la voirrefusée ? Alors vous avez ressenti un loin-tain reflet des sentiments de Dieu devantle refus que des hommes opposent à sonamour. Qu’avez-vous fait alors ? Peut-être êtes-vous revenu à la charge –comme Dieu qui répète deux ou trois foisson offre. Et puis ? Vous n’avez plusinsisté, car vous saviez que l’amour nese force pas. Il est spontané ou n’est pas.Dieu aussi le sait et il ne viole personne.

Si, durant toute sa vie, quelqu’un afait comprendre à Dieu qu’il ne l’inté-ressait pas, pourquoi Dieu s’impose-rait-il à lui après sa mort ? Finalement,comme le dit C.S. Lewis, il n’y aura quedeux sortes de gens (parmi ceux qui onteu connaissance du message de l’É-vangile): ceux qui disent à Dieu : « Queta volonté soit faite » et ceux auxquelsDieu dira : « Que ta volonté soit faite ».« Tu n’as rien voulu savoir de moi. Soit !Va au seul endroit où tu seras à l’abri demon amour ! »

Pour préciser les « peines éternelles »,qu’est-ce qu’une peine ? D’après le dic-tionnaire, c’est « une douleur morale,(synonyme : affliction, chagrin, souci,inquiétude) » ; se peiner, c’est s’attrister.L’Apocalypse dit : La fumée de leur tour-ment s’élèvera à perpétuité. Le tourmentest aussi « une très grande douleur phy-sique ou morale ». Que peut ressentir

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celui ou celle qui arefusé un amour quilui était proposé etqui se retrouve seul ?S’il voit le bonheurd’un autre à la placequ’il ou elle pourraitavoir, cela ne produit-il pas de la peine ? Telsseront la peine et letourment de ceux quiauront refusé l’amourde Dieu pendant leurvie. Et cela éternelle-ment !

Pour ceux qui n’ontjamais entendu l’É-vangile, ou qui n’ontconnu du christia-nisme que la religionet n’ont pas eu accèsau message de lagrâce en Jésus, Dieusaura trouver unesolution conforme à sajustice et son amour(Rm 2.10-11, 14-16).

La doctrine des« peines éternelles » estpour nous un appel àl’évangélisation età l’insistance auprèsde ceux que nousconnaissons : C’estpourquoi, prenez àcœur ce que dit l’Esprit Saint : aujour-d’hui, si vous entendez la voix de Dieu,ne vous endurcissez pas… mais encou-ragez-vous les uns les autres, jour aprèsjour, aussi longtemps qu’on peut direaujourd’hui, afin qu’aucun d’entre vousne se laisse tromper par le péché et ne

s’endurcisse… Ainsi donc, pendant quela promesse d’entrer dans le repos deDieu est toujours en vigueur, craignonsque l’un d’entre vous ne se trouve cou-pable d’être resté en arrière (Hé 3.7-8,13 ; 4.1).

A.K.

QUELLE DESTINATION

J-MARC KHAYAT

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Admettons ce que nous sommesPour approcher ce que nous serons, nous devons com-

mencer par saisir et admettre ce que nous sommes. Larévélation biblique ne cautionne ni le dualisme méta-physique (« le corps, prison de l’âme ») ni le monismeradical des neurosciences actuelles (rien de l’homme nepeut survivre à la mort du cerveau). La personnehumaine est un être vivant, une unité psychosomatiqueavec un aspect physique, corporel, et un aspect non phy-sique, immatériel. Cette dualité s’exprime, par exemple,dans les paroles de Jésus : Ne craignez pas ceux qui tuentle corps et qui ne peuvent tuer l’âme (Mt 10.28). Onpeut également évoquer, avec Paul, l’homme extérieuret l’homme intérieur qui, ensemble, cernent l’expériencede l’être humain.

Il n’est pas facile de penser notre relation à notre corps.Sans lui, nous ne pouvons ni réfléchir, ni ressentir, ni agir.Mon corps, c’est moi ! Pourtant, ce que je suis ne se réduit

Quelle place tient larésurrection du corpsdans notre espérance1 ?On est surpris dedécouvrir au fil deséchanges que denombreux chrétienssemblent prêts à sesatisfaire de laperspective d’uneexistence désincarnéedans un au-delàbrumeux (maisheureux, bien sûr). Lesyndrome du joueur deharpe sur son petitnuage fait encore desvictimes ! Pourtant, cen’est pas, mais alorspas du tout,ce que Dieua prévupour sesenfants…

L’AU-DELÀ

ROBERT SOUZA

Vivement

la résurrection !

1 Dans le cadre de ce court article, nous nous limiterons à une réflexionau sujet de la résurrection de vie (Jn 5.29).

LA RESURRECTION DE LAZARE -RUBENS

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pas au corps. Il y a un autre aspect à notreréalité : votre vie est cachée avec le Christen Dieu (Col 3.3). Quelque chose d’essentielest « sauvegardé sur les serveurs célestes »,auprès du Seigneur, et survivra à la des-truction du corps. Le Nouveau Testamentnous fournit deux images : le corps commehabitation temporaire (la tente, 2 P 1.12-15 ; 2 Co 5.1) et comme instrument pouragir dans le monde (Rm 6.13).

Que serions-nous sans notre corps ?Nous ne pouvons pas l’imaginer. Queserons-nous sans notre corps ? À en croirel’apôtre, si notre mort intervient avant leretour du Seigneur, nous allons nousretrouver nus (2 Co 5.32). État plutôtinconfortable pour des êtres corporels ! Nousavons besoin de notre corps… Sans abor-der ici la question du mystérieux « état inter-médiaire », nous voulons nous réjouir à lapensée que le Seigneur a tout prévu pourqu’une nouvelle et glorieuse « corporalité »nous équipe pour fonctionner, pleinementet mieux que jamais, dans l’état éternel.

Voyons ce que larésurrection nous réserve

La résurrection a déjà commencé…Certes, à ce jour, un seul homme s’estréveillé d’entre les morts, et on n’a pu l’ob-server que peu de temps. Mais le peu queles évangélistes ont consigné à son sujet,complété par l’enseignement des épîtres,devrait susciter en nous un immense « désird’avenir », c’est-à-dire de résurrection.

Mais quelqu’un dira : Comment lesmorts se réveillent-ils ? Avec quel corpsreviennent-ils ? (1 Co 15.35) Si Paul traitede déraisonnable celui qui pose cette ques-tion, c’est sans doute parce qu’il y discerneune mise en doute de la réalité de la résur-rection, fondée sur l’impossibilité de retrou-ver le corps décomposé du défunt. Cela misà part, la question en elle-même peut noussembler légitime, et même intéressante. Onremarquera, d’ailleurs, que l’apôtre s’em-

presse d’y répondre ! Pour notre édificationet encouragement, il détaille quatre diffé-rences fondamentales entre le seul corps quenous ayons connu jusqu’ici et celui que nousaspirons à revêtir.

En bon pédagogue, l’apôtre part de ceque nous connaissons : le grain qu’on meten terre et qui, plus tard, donne naissanceà une plante. L’image est puissante. Appliquéeà la résurrection, elle souligne d’abord unecertaine continuité – et même une continuitécertaine – entre le corps actuel et celui àvenir ! Un grain de blé ne donnera pas unplant de maïs ; ce que nous sommes aujour-d’hui trouvera sa pleine expression dans lemonde à venir. Mais l’illustration parle éga-lement de discontinuité, car ce que nousserons ne s’est pas encore manifesté(1 Jn 3.2). Nous sommes un peu commele profane qui examine une simple graineen se demandant à quoi pourrait bien res-sembler la plante correspondante. Paulnous fournit quand même quelques indices…qui nous mettent l’eau à la bouche !

Semé périssable, on se réveille impéris-sable. Semé biodégradable, on se relèveraimputrescible, inoxydable ! On ne dira plusque l’homme extérieur dépérit. Dieu nousprépare un corps qui ne sera pas soumis auxforces destructrices qui « plombent » notrecorps actuel. La mort n’aura aucune prisesur ce corps conçu pour la vie éternelle.

Semé dans le déshonneur, on se réveilledans la gloire. Oubliées, toutes les humi-liations associées à notre condition actuelle ;évanoui, tout ce qui met en doute notrevaleur. Nous émergerons dans la pleinelumière pour comprendre enfin notre véri-table valeur d’enfants de Dieu, appelés àpartager la gloire du Fils, semblables à lui,parce que nous le verrons tel qu’il est.

Semé dans la faiblesse, on se réveilledans la puissance. Quel bonheur incroyablede « semer » enfin notre fatigue et nos infir-

2 L’exégèse de ce texte est difficile et discutée. Il semble néanmoins quePaul pense aux chrétiens qui mourront avant la Parousie.

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mités, nos maladies et nos handicaps,notre vulnérabilité ! Les capacités (insoup-çonnées) de ce corps de résurrection pour-ront s’épanouir et se réaliser pleinement etsans entraves. À quoi pourrons-nous nousattendre ? À une plus grande facilité dedéplacement ? (Jésus ressuscité ne se lais-sait plus arrêter par une porte fermée…)À de nouveaux sens, à de nouvelles capa-cités de mémoire et de réflexion ? En toutcas, ce corps de gloire nous équipera par-faitement pour vivre et servir dans l’universrenouvelé qui se prépare. Il sera l’interfaceadaptée pour vivre notre nouvelle proximitéavec le Seigneur. Et nous aurons des yeuxcapables de contempler sa gloire.

Semé corps naturel, on se réveille corpsspirituel. Cette quatrième comparaisonrésume les trois autres. Il faut la manier avecprécaution, car elle emploie des catégoriesqui ne sont pas celles du monde occiden-tal au XXIe siècle. Paul ne compare pas iciun corps « matériel » et un corps « imma-tériel », un corps physique et un corps fan-tomatique (« ectoplasmique » !). Ce qui dis-tingue ces deux corps est fondamentalementune question de « gouvernance ». Lecorps naturel est « psychique » ou animal(TOB). Il a des désirs, des élans, desvolontés qui ne correspondent pas toujoursà ce que Dieu veut. Le corps promis auxchrétiens ressuscités est conçu pour une exis-tence entièrement conduite et animée parle Saint-Esprit. Et si l’Esprit de celui qui aréveillé Jésus d’entre les morts habite envous, celui qui a réveillé le Christ d’entreles morts fera aussi vivre vos corps mor-tels par son Esprit qui habite en vous3 (Rm8.11). Nous connaîtrons enfin la quintes-sence de la plénitude de l’Esprit.

Réjouissons-nous de ce quinous attend

Les quelques bribes d’information quedistillent les évangiles au sujet des mou-vements et des actions du Christ ressuscité

nous intriguent. « L’Écriture ne nous engagenullement à croire que toute la matièrecontenue dans notre corps en fasse partieà la résurrection.4 » Néanmoins, le tombeaude Jésus était vide… Jésus ressuscité, surplace, il ne restait rien du corps déposé deuxjours plus tôt. Les linges y étaient encore,le corps n’était plus là. Mais, comme l’écritLadd : « Sa résurrection n’est pas le réta-blissement de la vie physique d’un cadavre,c’est l’apparition d’un nouvel ordre de vie5 ».L’apôtre Paul utilise cette belle expression :nous voulons… que le mortel soit engloutipar la vie (2 Co 5.4). Nous aspirons àconnaître, nous aussi, ce nouvel ordre devie que le Seigneur a inauguré.

Les facultés surprenantes, les capacitésmystérieuses du corps ressuscité de Jésussuggèrent que le monde à venir n’est pasrégi par les mêmes lois que le monde pré-sent. On entrevoit une nouvelle physique(et donc une nouvelle chimie, une nouvellebiologie…) et l’on se rappelle que leSeigneur a annoncé une nouvelle sociologie(à la résurrection, on ne prend ni femmeni mari : Mt 22.30). Nous allons nous réga-ler à la découverte des nouveaux cieux etde la nouvelle terre !

Devons-nous alors vivre dans l’attentede la résurrection ? Oui… et non ! Disons« accessoirement »… Car, au final, notrevéritable attente doit être celle que Paulenseigne aux Philippiens : nous attendonscomme sauveur le Seigneur Jésus-Christ,qui transformera notre corps humilié, en leconfigurant à son corps glorieux. Celui quenous attendons, c’est Jésus, mais nous atten-dons aussi qu’il nous reconfigure pourjouir, sans ombre et sans fin, d’une com-munion pleine et entière avec lui.

R.S.

L’AU-DELÀ

3 Avec S. Bénétreau et F.F. Bruce, nous appliquons ce verset à la résur-rection ; Calvin y voit plutôt l’œuvre présente de l’Esprit.4 Le Grand Dictionnaire de la Bible, Excelsis, article Résurrection, p. 1419.5 G.E. LADD, Théologie du Nouveau Testament, Excelsis, p. 342.

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À qui et quand l’Évangilea-t-il été prêché ?

Selon Alfred KUEN , cette affirmation aété interprétée de 5 manières diffé-rentes :

Certains y voient une référence à la des-cente du Christ aux enfers pourprêcher l’Évangile à tous les morts,c’est-à-dire à ceux qui ne l’ont ja-mais entendu, ou même à ceuxqui l’ont rejeté pendant leur vie.

Les morts seraient les croyants del’Ancienne Alliance qui devaientattendre la venue du Messie pour qu’illeur prêche l’Évangile. Les défenseursde cette vue s’appuient sur leur in-terprétation de 3.19. Mais la formulationde ces deux versets est très différenteet, d’après Hé 11.5, 16, 40 ; 12.23et le récit de la transfiguration, lescroyants de l’AT sont au ciel.

Ceux qui sont morts avant la venue duChrist et qui n’ont, par conséquent,jamais entendu l’Évangile bénéfi-

cieraient de cette annonce dansl’au-delà. Cette opinion s’appuieaussi sur une certaine interprétationde 3.19 : le Christ leur aurait prê-ché l’Évangile en même tempsqu’aux « esprits en prison »1.

Ainsi, ces trois interprétations disentque Jésus est descendu aux enfers,prêcher l’Évangile aux morts. De tellesinterprétations s’appuient sur une com-préhension de deux textes : il est des-cendu dans les régions inférieuresde la terre (Ep 4.9) et il est descendudans l’abîme (Rm 10.7). Aucun deces versets n’appuie en fait l’idée d’unedescente aux enfers. Les « régions

1 On consultera avec profit la série Encyclopédie des dif-ficultés bibliques A. KUEN, Éd. Emmaüs, qui recensetoutes les interprétations qui ont été faites sur ces textes.Le présent texte est redevable au tome 3 de cette ency-clopédie qui aborde le texte que nous étudions.Je comprends 1 Pierre 3.19 comme : l’Esprit du Christaurait déjà prêché aux contemporains de Noé par l’in-termédiaire de Noé lui-même. Leur emprisonnementcorrespond alors soit au fait qu’à l’époque leur péché etleur incrédulité les enfermaient comme dans une prison,soit à leur situation présente (choix fait par le traducteurdu Semeur qui ajoute le terme maintenant) dans leséjour des morts.

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FRANÇOIS-JEAN

MARTIN

Grain à moudre

De quels morts s’agit-il en 1 Pierre 4.6 ?C’est pour cela, en effet, que les morts aussi ont été évangélisés, afin qu’aprèsavoir été jugés selon les hommes quant à la chair, ils vivent selon Dieu quantà l’esprit. (Traduction Segond révisée dite à la Colombe)C’est pour cela d’ailleurs que la Bonne Nouvelle a aussi été annoncée à ceuxqui maintenant sont morts, afin qu’après avoir subi la même condamnation quetous les hommes dans leur corps, ils vivent selon Dieu par l’Esprit. (TraductionBible du Semeur).

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inférieures de la terre »sont simplement celles denotre Terre, elles sont « in-férieures » par rapport àcelles du ciel, d’où Jésusest « descendu » lors de sonincarnation (puisqu’à cette« descente » est opposéel’ascension du Christ, decette terre au ciel). DansRm 10.7, Paul veut dire qu’ilest inutile de monter au cielou de descendre dansl’abîme pour apprendrequelque chose de Dieu, carla parole est près de toi,c’est la parole de la foi quenous annonçons. 1 P 3.18ssn’appuie pas non pluscette interprétation, car ils’agit de la prédicationque Jésus a faite par sonEsprit au travers de Noéà la génération d’avant ledéluge. Cette interprétationest aussi contredite parLc 16.26 et par Hé 9.27qui ne laissent aucuneperspective de repentanceaprès la mort.

En outre, en 1 Pierre 4.6,la tournure impersonnellede l’expression à la formepassive – l’Évangile a étéannoncé – ne convien-drait guère à une annoncede cet Évangile par leChrist. Mais elle désigne plu-tôt la proclamation dumessage évangélique dansle monde par les chré-tiens et, par conséquent,ceux à qui ce message a

été annoncé étaient alorsencore au nombre des vi-vants. Ces passages étantclairs, nous repoussonsdonc cette interprétation.

Clément d’Alexandrie a suggéréque l’Évangile a été annoncéà ceux qui sont spirituel-lement morts (cf. Jn 5.25 ;Ep 2.1, 5 ; 5.14 ; Col 2.13).Augustin, Bède, Érasme etLuther ont adopté cette in-terprétation. Cependant,l’objection vient du v. 5 :comment expliquer quePierre emploie le mot« morts » avec deux sensdifférents dans deux ver-sets qui se suivent ? D’autrepart, comme l’Évangilecontinue à être annoncéaux « spirituellement morts »,il aurait fallu employer leprésent et non l’aoriste(passé).

Beaucoup d’interprètes contem-porains disent qu’il s’agitde chrétiens qui ont entendul’Évangile pendant qu’ilsétaient en vie, qui l’ont ac-cepté et qui, maintenant,sont morts. C’est ce qui aamené les versions NIV2

et BS à insérer le mot« maintenant » avant« morts ». C’est l’inter-prétation qui soulève lemoins d’objections.

Le grand exégète F.F. Bruce lasoutient comme suit3 : « Jepense qu’il ne s’agit pas degens qui étaient morts

lorsqu’on leur a prêché, maisqui étaient morts au mo-ment où l’épître a étéécrite. Ils ont entendu l’É-vangile, ils ont cru et, parla suite, ils sont morts. Onpouvait alors se demander :Quel bien l’Évangile leura-t-il fait puisqu’ils sontmorts comme tous lesnon-croyants ? Pierre ré-pond que les morts qui ontcru ne sont pas privés dubénéfice de l’Évangile.Alors que, selon les hommes(c.-à-d. du point de vue deshommes), ils sont jugés dansla chair (c’est-à-dire qu’ilsont souffert la mort, salairedu péché), selon Dieu(c’est-à-dire du point de vuede Dieu) la vie spirituellequ’ils ont reçue lorsqu’ilsont cru l’Évangile ne finitpas avec la mort du corps,mais dure éternellement. »Cette pensée doit rassurerles chrétiens auxquelsPierre écrit : leurs frères etsœurs qui ont cru en Christet qui sont morts n’ontpas cru en vain. La mortde chrétiens troublait lescroyants du 1er siècle. Paulavait dû rassurer ceux deThessalonique au sujet deleur sort (1 Th 4.13-18).Les moqueurs se servaientcertainement de cet ar-

Grain à moudre

2 NIV = New International Version ; BS =Bible du Semeur3 Answers to Questions, Grand Rapids,Zondervan, 1972, p. 129. Il est souvent citépar A. Kuen dans son Encyclopédie desdifficultés.

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gument pour ridiculiserl’espérance des chrétiens.

Ainsi, l’intention de Pierre se-rait de répondre à cette objection :que sert-il aux chrétiens d’avoirembrassé l’Évangile, de l’avoirprofessé fidèlement malgré lespersécutions, puisqu’ils sontmorts avant le retour du Christ(cf. 1 Th 4.13ss ; 1 Co 15.12,29ss). Pierre répond que les chré-tiens peuvent attendre avecespérance le jugement su-prême, où justice leur serarendue.

Cette solution a un très grandavantage, elle nous laisse enterritoire connu, elle est encohérence avec les autrestextes : l’Évangile a été annoncéà des hommes et des femmesmorts depuis. J.-C. Margotévoque aussi cette interpréta-tion. « Ces morts seraient desmembres de l’Église dont la pre-mière génération chrétiennes’étonnait qu’ils soient décédésavant le retour du Christ (cf.1 Th 4.13) : la réponse seraitque, puisqu’ils ont acceptél’Évangile, la vie éternelle leurest assurée. »

Pour répondre aux objectionsdes moqueurs, Pierre déclareque les bienfaits que nous ac-quiert l’Évangile demeurentau-delà de la tombe. Si lescroyants ont subi la mêmecondamnation que tous leshommes dans leur corps (ver-sion BS), c’est-à-dire la mortphysique qui est le salaire dupéché commun à toute l’hu-

manité, la vie qui leur a été confé-rée par le Christ est une vie éter-nelle, c’est-à-dire qu’elle durepour toujours.

ConclusionJe me permets de c i terSamuel BÉNÉTREAU, quirésume ainsi l’interprétationde ce texte : « Ainsi se dégageune ligne globale d’interpré-tation pour ce verset d’abordingrat, mais qui achève surune note joyeuse la médita-tion sur la souffrance injuste etson rapport avec l’amour dela vie ar t iculée sur lepsaume 34. Les promesses deDieu, tout comme ses droits,

sont réaffir-mées. Lafinalité de lap roc lama-tion de l’É-v a n g i l edemeure au-delà desmisères dutemps pré-sent et de lamor t e l le-même. Auplan del’existencevis ib le etpour desobservateurssuperficiels,les croyantssont des per-dants et descondamnésnon réhabili-

tés. Mais sur un autre plan,celui de l’authentique, du per-manent, du lumineux, ils sontappelés, il ne faut pas en dou-ter, à partager la pleine vic-toire de leur Seigneur, victoirede la vie sur la mort : ce sontdes gagnants ! C’est avec cetteconviction que des prédica-teurs ont autrefois porté labonne nouvelle aussi auxfrères maintenant défunts. »

F-J. M.

4 S. BÉNÉTREAU, 1ère épitre de Pierre, p. 222,Edifac,1984.5 Les épitres de Pierre, Genève, Labor &Fides, 1960, p.71.6 Ibid, p. 224.

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LE PARADIS - J BRUEGEL

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« À votre avis, qu’y a-t-il après la mort ? »

Lors d’une petite enquête auprès de 290 étudiants de Marseille, il y aquelques années, environ ¼ répondent : Je ne sais pas et un autre ¼ : rien.Mentionner la mort est en général assez délicat et certains préfèrent éviterla réflexion sur ce sujet. Néanmoins, d’autres se posent desquestions…

Que se passera-t-il pendant l’éternité ? Que ferontles personnes sauvées ? La Bible ne donne pasbeaucoup de détails. Elle explique davantage

comment avoir la vie éternelle. Elle assure aussi du bien-être de ceux qui passeront l’éternité auprès de Dieu.

Mais qu’en est-il de ceux qui n’ont pas lacapacité de comprendre et de choisir comme les bébésou certaines personnes handicapées ? Et ceux qui sesuicident… ?

Un jour, une personne m’annonçait le décès desa mère et me demandait de prier pour cettedernière. Je n’avais que quelques secondespour réfléchir à une réponse dans ce momentoù l’émotion, l’affectif et la douleur ne per-mettent pas de grands développementsthéologiques. « Je prierai pour vous (elle etson mari) », lui ai-je dit tout simplement enpensant à leur peine. Comme elle insistait,je lui affirmais que j’avais prié pour sa mère

avant que celle-ci ne parte. D’une manièreplus générale, que répondre à des personnes

qui veulent prier pour un proche décédé… ouqui se demandent si le purgatoire existe ?

Et puis, au niveau pratique, que dit la Bible àpropos de l’enterrement, de la crémation ?

Autant de questions qui sont abordées par plu-sieurs auteurs dans les pages suivantes.

MARIE CHRISTINE

FAVE

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Que se passera-t-il pendant l’éternité ?

HENRY BRYANT

s Forum de questions

Nous sommes un peu comme la larve d’une libellule qui nage dans un milieu aquatique. Ellene peut pas concevoir ce que sera une vie tout autre, bien plus intéressante et glorieuse aprèssa mue.

Dans 2 Pierre 3.10-13, nous lisonsque les cieux tels que nous les

connaissons passeront avec fracas…et la terre avec les œuvres qu’elle ren-ferme sera consumée, mais quenous attendons selon sa promesse,de nouveaux cieux et une nouvelleterre, où la justice habitera. De quellenature seront-ils ? L’Apocalypse, cha-pitres 21 et 22, en parle, en donnantla vision que Jean a eue de l’avenir.Même si nous avons de la peine àenvisager les détails, un fait reste cen-tral : la grande gloire et la félicité del’éternité seront la présence de l’É-ternel, notre Dieu, et de notreSeigneur Jésus-Christ. David s’estexclamé : il y a d’abondantes joiesdevant ta face, des délices éternellesà ta droite (Ps 16.11).

Même si nous ne savons que peude choses concernant la nature de lavie éternelle, plusieurs passages par-lent de ses qualités. Jean nous pro-met que si Dieu n’a pas révélé ce quenous serons, nous savons que nousserons semblables à Christ. Dans soncorps ressuscité, il est appelé lesprémices de ceux qui passerontl’éternité avec lui (voir 1 Jn 3.2 et1 Co 15.20). Paul affirmait : j’ai ledésir de m’en aller et d’être avecChrist, ce qui est de beaucoup le

meilleur (Ph 1.23). Déjà, quandnous contemplons la beauté et lamajesté du monde dans lequel nousvivons, bien dégradé par les consé-quences de l’injustice, nous sommesémerveillés. Comment imaginer lagloire de ce que le Seigneur préparepour ceux qui l’aiment ?

Se pourrait-il que nous nousennuyions à la longue ? Certainementpas ! Que ferons-nous ? Il y a peut-être une réponse à trouver dans lacharte originelle donnée à l’hommepar Dieu : dominer et régner sur sacréation. La gloire de Dieu, c’est decacher les choses ; la gloire des rois,c’est de sonder les choses. (Pr 25.2)J’aime penser que pendant toutel’éternité les hommes iront de décou-verte en découverte de notre Dieu,de ses qualités et de ses œuvres, n’ar-rivant jamais au bout, car notre Dieuest infiniment grand. Nous sommesinvités alors à vivre aujourd’hui enfonction de ce qui est invisible maiséternel, avec une espérance vivante,en vue d’un héritage qui ne peut nise corrompre, ni se souiller, ni se flé-trir, réservé dans les cieux (1 P 1.3-5). Ne gaspillons pas notre énergie,notre temps, pour ce qui va un jourdisparaître dans le feu.

H.B.

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La Bible parle-t-elle du purgatoire ?

« La doctrinedu purgatoireet les dogmesqui l’accom-p a g n e n treprésententun domainecrucia l ded é s a c c o r d

entre catholiques et protes-tants. » Voici ce qu’enseignele Catéchisme de l’Églisecatholique : « Ceux qui meu-rent dans l’amitié et la grâcede Dieu, mais imparfaitementpurifiés, bien qu’assurés deleur salut éternel, souffrentaprès la mort une purificationafin d’obtenir la sainteténécessaire pour entrer dansla joie du ciel. L’Église appellePurgatoire cette purificationfinale des élus qui est tout àfait distincte du châtiment desdamnés. »

La doctrine du purgatoirene met donc pas en questionle salut éternel, mais annonceune purification préalable àl’entrée dans la joie du ciel.Le purgatoire est un lieu (ou,selon certains théologienscatholiques, un processus)servant à parfaire la sanctifi-cation des chrétiens et lesrendre aptes à vivre au ciel.Cette purification peut, pré-

tend-on, durer plus ou moinslongtemps, selon l’importancedes péchés commis, et lesprières et les messes offertespar des croyants sur terre enfaveur des morts peuventaccélérer le processus.

Sur quoi est fondée cettedoctrine ? L’évidence bibliquecitée en sa faveur est mince.Le principal texte auquel lecatéchisme fait référence est2 Maccabées 12.45 : « …[Judas Maccabée] fit fairepour les morts ce sacrificeexpiatoire, afin qu’ils fussentabsous de leur péché. »2 Maccabées figure parmi leslivres « apocryphes », que leurcommunauté juive d’originen’a jamais reconnus commefaisant partie des Écrituresinspirées. L’Église catholiquene leur a accordé ce statutqu’en 1546, à l’époque ou leréformateur Martin Luthercontestait la doctrine du pur-gatoire et des prières pour lesmorts.

Aucun des autres textescités en faveur du purgatoire(Mt 12.32 et 1 Co 3.15, parexemple) n’enseigne claire-ment une tel le doctrine.Mt 12.32 souligne l’impossi-bilité du pardon – dans ce

monde-ci comme dans lemonde à venir – pour qui-conque se sera rendu cou-pable de blasphème contre leSaint-Esprit. En 1 Co 3.15,ce sont les œuvres du croyantqui sont éprouvées par le feu,pas le croyant lui-même.

Nous croyons donc que ladoctr ine du purgatoiremanque de fondementsbibliques. Elle laisse entendreque le sacrifice du Christ n’estpas tout à fait suffisant. LeNouveau Testament est clair àce sujet . La principale conso-lation qui remplit le cœur ducroyant à l’approche de lamort n’est-elle pas l’assurancede la foi ? « Aujourd’huimême, tu seras avec moidans le paradis », a dit le Sei-gneur à l’un des brigands cru-cifiés à côté de lui. Ayonsdonc cette assurance : le sacri-fice de Jésus est pleinementsuffisant pour que nos péchésnous soient pardonnés. « Toutest accompli », a-t-il dit avantde mourir. Croyons-le !

A.K.

1 Roman Catholics and Evangelicals :agreements and differences, Geisler etMackenzie, 1995, Baker Books, p. 331.2 Catéchisme de l’Église Catholique,1992, Mame, articles 1030 et 1031.3 Hé 1.3 ; 1 Co 6.11 ; Rm 8.1

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ALLAN KITT

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Il est décédé, nous l’aimions.Pouvons-nous prier pour lui ? Que répondre ?

Une pratique répandue

La prière pour les morts esttrès répandue dans le catholi-cisme. Les « offrandes demesse », argent donné auxprêtres pour qu’ils célèbrent

une messe àune intentionparticulière (engénéral pourun défunt) ,représentent unquart du traite-ment annuel

des prêtres. Chaque année, lamesse des morts (2 novembre)est une prière pour les défunts.

La présence de cette pra-tique dans certaines branchesde nombreuses religions (l’is-lam, le judaïsme, le boud-dhisme, chez les Orthodoxesgrecs) indique qu’elle répond àun désir humain profond : êtrerassuré par rapport au statutde nos défunts bien-aimés.

La prière pour les morts estune pratique très ancienne. Ter-tullien en fait la défense déjà auIIe siècle, et Augustin, dans sesConfessions, inclut une longueprière pour sa mère défunte.Le concile de Trente (1566) lacautionne, ainsi que le Caté-chisme de l’Église catholique(1992).

Sur quelle base, les catho-liques prient-ils pour leursmorts ?

Leur justification théolo-gique s’appuie sur les doctrinesde la communion des saints etdu purgatoire, et un texte dulivre deutérocanonique desMaccabées. Dans ce passage,le général des troupes juives,Judas, fait faire un sacrificepour obtenir le pardon despéchés des soldats morts aucombat.

De manière générale, lacroyance catholique populaireest assez confuse concernant laprière pour les morts. Personnene semble savoir pendant com-bien de temps il faut prier poureux. On prie pour les défuntscroyants et incroyants. Curieu-sement, on prie aussi les mortspour qu’eux prient pour nous !

Quelle réponse bibliquedonner à cette pratique ?

Constatons d’abord qu’elleest totalement absente du Nou-veau Testament et du canondes Écritures utilisé par Jésus etles apôtres. Plus importantencore, nous affirmons quecette pratique est une offenseau sacrifice pleinement suffi-sant de Jésus-Christ. Elle remeten cause l’efficacité du sang de

Christ pour pardonner parfai-tement à tout pécheur qui serepent. La justification ne peuts’acquérir par la foi d’un autreà notre place.

Si nous pouvons com-prendre la peine de ceux quimènent un deuil sans espé-rance, nous ne pouvons leuroffrir la possibilité de prier pourleurs morts. Nous pouvons lesencourager à faire confianceau jugement du Dieu juste etmiséricordieux et à s’appuyerentièrement sur l’œuvre duChrist pour leur propre salut.

B.D.

1 http://www.diocese-grenoble-vienne.fr2 Tertullien, traités : De corona et Demonogamia. Saint Augustin, « je vous prieà cette heure pour les péchés de ma mère »Confessions IX,13,35.3 Article #9584 « Il fit ainsi une action fort belle etlouable » 2 Maccabées 12.38-45.5 cf. cette prière type pour les non-croyants : « Nous vous prions enfin pourceux qui ne vous ont ni connu, ni mêmecherché, et que, cependant, vous n’avezcessé d’aimer. Ayez pitié, Seigneur, desuns et des autres ! Ils sont tous vos enfants.Donnez-leur à tous la vie éternelle. » www.dioceseauxarmees.catholique.fr/prieres/60-priere-pour- les-mor ts-de- la-guerre.html6 « Notre prière pour eux peut non seule-ment les aider mais aussi rendre efficaceleur intercession en notre faveur. » Article#958 du Catéchisme de l’Église catho-lique, 1992.7 cf. Hb 9.26-28 8 cf. Rm 2.5-69 cf. 1 Th 4.13

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BRAD DICKSON

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Début no-vembre 2010,je reçois uncourriel : « Da-vid, peux-tuofficier à l’en-terrement denotre petit-filsqui vient de

décéder ? Son âge : 5 se-maines ». Je pense surtout auxparents complètement ef-fondrés, le cœur brisé. Jeconnais plusieurs personnesqui ont perdu un petit enfant.Cette terrible épreuve peut leséloigner de Dieu ou les rap-procher de lui…

Que dit la Bible ausujet de la mort despetits enfants ?

Dieu fait savoir par la bouchedu prophète Ézéchiel quedes petits enfants tués aunom des dieux païens sontses enfants, car il les appelle« mes fils » (Ez 16.20-21).

Par la bouche du prophèteJérémie, les petits enfantsofferts en sacrifice aux idolessont appelés « de pauvres in-

nocents » (Jr 2.34 ; 19.4). Bienqu’étant des êtres déchus, lespetits enfants ne sont pascoupables au même titre queceux qui ont péché de façondélibérée et préméditée.

Job parle des enfants mort-nés comme étant au paradisoù ils se reposent et connais-sent la tranquillité. Ils sont loindes souffrances et des injus-tices que subissent les vi-vants (Jb 3.11-13).

Le roi David a perdu unnouveau-né. Il était com-plètement bouleversé et pro-fondément secoué. Il avait priéet jeûné une semaine pendantla maladie de son enfant. Aprèsla mort de son bébé, malgrétant de questions qu’il devaitavoir dans son cœur, il adéclaré tout simplement :Puis-je le faire revenir ? Moi,j’irai vers lui, mais lui ne re-viendra pas vers moi…(2 S 12.23). David savaitque son petit bébé était, dèsson décès, dans la présencede son Dieu. Il semble queDavid soit sûr qu’il le re-trouvera auprès de Dieu.

Une conclusion endeux temps

Premièrement : Il n’y a pasd’âge précis où une per-sonne peut différencier entrele bien et le mal. Nous pou-vons donc conclure – ennous appuyant sur les versetsci-dessus – que tout bébé oupetit enfant qui meurt avantd’être parvenu à un état deculpabilité morale va ins-tantanément au ciel à samort.

Deuxièmement : Dans notretémoignage auprès de ceuxqui passent par une pareilleépreuve, nous devons d’abordprier pour eux. Si nous enavons l’opportunité, disons-leur que Dieu les comprendparfaitement et les invite à ve-nir à lui, malgré leur peine,leurs doutes, leur colère et leursinterrogations, afin d’êtreconsolés, réconfortés et se-courus.

N’oublions pas que Dieu saitaussi ce que c’est de voir sonfils souffrir et mourir…

D.S.

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Quelle espérance pour un bébé qui décède ?

DAVID

SUTHERLAND

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L a b o n n enouvelle estexplicite : Qui-conque invo-quera le nomdu Seigneursera sauvé,mais qu’arri-

vera-t-il à ceux qui sont in-capables physiquement d’in-voquer son nom ? Peut-ontrouver une réponse à cettequestion dans la Parole deDieu ? Oui… et non. Non,il n’y a aucun passage qui nouspermet d’affirmer ce queDieu fera pour ces personnes.Pourtant, comme dans lecas des bébés1, nous trouvonsdans la Bible des principes quinous donnent de l’espéranceà leur égard.

La compassion deDieu : Il est ému de com-passion pour les petits, lespauvres, les victimes et lesfaibles. Il aime ceux que lemonde a tendance à mépri-ser. Jésus a dit : Heureux lespauvres en esprit, car leroyaume des cieux est à eux(Mt 5.3). « Pauvres en esprit »désigne sans doute les humbles,mais ne peut-on pas aussi l’ap-

pliquer aux handicapés men-taux ?

L’amour de Dieu : Il neveut qu’aucun périsse ; il apayé le prix suprême pour sau-ver tous ceux qui ne le refu-sent pas. Il y a deux cas dedémence dans les Écritures,Nebucadnetsar, qui a subi unjugement de Dieu (Dn 4) etle démoniaque du pays desGadaréniens, troublé par lesdémons (Mc 5). Dieu dans sagrâce les a guéris tous les deux.

La puissance de Dieu :Jésus, qui pouvait mêmeressusciter les morts, guéris-sait toute maladie et toute in-firmité… ceux qui souffraient… de douleurs de diversgenres, des démoniaques,des lunatiques, des paraly-tiques… (Mt 4.23-24) Il estparfaitement capable de res-taurer l’esprit le plus dénué.

La nature de notre cul-pabilité : Tous sont pé-cheurs parce qu’ils ont héritéune nature pécheresse deleurs parents. Mais tous ne sontpas coupables d’avoir com-mis un péché, car cela pré-suppose que la personne sait

ce qu’elle fait. C’est ce rai-sonnement qui amène àcroire que par sa mort Jésussauve ceux qui ne sont pascapables de savoir ce qu’ilsfont – les petits enfants, maisaussi les graves maladesmentaux.

Notons en passant quece n’est pas l’excellence denotre intelligence qui comptedevant Dieu. Paul dit que laconnaissance enfle, mais quecelui qui aime Dieu est connude lui (1 Co 8.1-3). Une per-sonne handicapée peut par-fois manifester un amourpour Dieu qui dépasse de loincelui des grands intellectuels.

H. B.1 Voir l ’ar t ic le« Quelle espérancepour un bébé quidécède ? » deDavid Suther-land en page24

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Vu son handicap, que comprend-il ?Qu’en est-il du salut pour lui ?

HENRY BRYANT

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« Le suicideest souventauréolé demérites qu’iln’a pas etl’on oublievolontaire-ment qu’ i lest en réalité

révélateur d’une très grandedétresse intime que per-sonne n’a pu comprendre.Cet état de grande détresse,nous pouvons – vous et moi– le connaître aussi. Jour ter-rible, jour d’angoisse où l’onse sent seul, terriblementseul et abandonné detous… On croit avoir atteint“le point de non-retour”. Iln’y a pas d’issue et l’on envient à souhaiter la mort. »

Que dit la Bible ?

L’Ancien Testament pro-clame sans équivoque lasouveraineté de Dieu sur lavie et la mort. Au verset 39de Deutéronome 32, Dieudit : C’est moi qui fais mou-rir et qui fais vivre, qui blesseet qui guéris. Personne nepeut arracher quelqu’un dema main. Paradoxalement,

la Bible relève que Dieu estaussi très affecté par la mortde ses enfants : Le Seigneursouffre en voyant mourir sesamis fidèles (Ps 116.15).

Étrangement, le suicidene se trouve nulle part expli-citement interdit dans laBible. Elle se contente derelater sans commentaire lessept suicides d’Abimélec,Samson, Saül et son por-teur d’armes, Achitophel,Zimri et Judas.

Pour les premiers chré-tiens, la question du suicideétait ambiguë : commentdéfinir le suicide ? Quellessont les limites entre suicideet ascétisme ? Entre martyreet suicide ? De nombreuxtextes parlant de la résur-rection exhortent à ne pascraindre la mort... Certainsauraient pu alors chercherà jouir plus rapidement deces bénédictions. Cepen-dant, les premiers chrétiensn’étaient guère tentés par lesuicide, sachant que le sensde la vie chrétienne est defaire la volonté de Dieu.

Un suicidé peut-ilaller au ciel ?

La réprobation du suicidene veut pas dire réprobationde la personne. Si un chré-tien que nous aimons s’estsuicidé, il est possible d’es-pérer. Longtemps, l’Églisecatholique a refusé la sépul-ture chrétienne aux suicidésen signe de désapprobationsociale et spirituelle. Aujour-d’hui, on s’est rendu compteque le suicide est un gesteeffectué dans un état dedétresse grave. Les capacitésde discernement peuventalors être affectées.

Les chrétiens considèrentdonc qu’il est impossible dejuger ce qui s’est passé et àquel point le suicidé étaitmalade psychologiquement.Pouvait-il résister à cettepression ? Tout en conti-nuant à réprouver fortementle geste du suicide en soi,nous devons faire preuve decompassion vis-à-vis de lapersonne et de sa famille.

J-M.P.

1 Non au suicide, Francis Bailet, Ser-vir N° 4-1993

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Et celui qui se suicide… ?

JEAN-MARC

PILLOUD

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Enterrement ou crémation : pouvons-nous choisir ?

FRANÇOIS-JEAN

MARTIN

Ce sujet1 a par le passé diviséle monde chrétien, et mêmele courant évangélique. Au-

jourd’hui, la pratique de la créma-tion se répand,2 le nombre de cré-matoriums augmente chaque année.3

D’abord opposée, l’Église catho-lique romaine a décidé en mai 1963que les fidèles catholiques pouvaientfaire incinérer leur corps s’ils le dé-siraient.4

Dans la Bible

L’Ancien Testament souligne l’im-portance du lieu où certains pa-triarches et rois furent enterrés : dansla terre que Dieu avait promise deleur donner ainsi qu’à leur descen-dance. Il s’agit là d’une symbolique

prophétique. Néanmoins, peut-être pour éviter toute vénération,le lieu où fut enterré Moïse restainconnu. Il en va de même desapôtres : aucun ne fait mentionde cela dans ses écrits.5

Notre foiNous croyons qu’à la mort, la par-tie spirituelle du chrétien hu-main (âme ou esprit) va avec Jé-sus-Christ et que la partie corporelleretourne à la poussière (Ec 12.7).Nous croyons à la résurrection

corporelle des morts (Rm 8.23,Luc 24.39, 1 Co 15.50 ; cf. articlesuivant). Tous les morts (enterrés

s

1 Voir l’article dans Servir en l’attendant N° 5-2001et le travail de la Commission éthique de laFédération évangélique de France, Enterrementou Crémation.2 Un tiers des obsèques, soit plus de 200 000 paran en France. En 2008, selon l’Association françaised’information funéraire (AFIF), la France et lesDOM-TOM comptent 128 crématoriums. 3 La pratique est autorisée par l’État français depuisle vote de la loi du 30 mars 1886, accordant auxcitoyens le libre choix de leurs obsèques : créma-tion ou inhumation. La loi du 15 novembre 1887stipule que la famille est tenue de respecter lavolonté du défunt s’il s’est exprimé à ce sujet.4 « L’Église permet l’incinération si celle-ci ne mani-feste pas une mise en cause de la foi de la résur-rection des corps », Catéchisme de l’Église catho-lique, Mame/Plon, nov. 1992 ; § 2 301, p.470.5 St-Antoine de Thébaïde (250-356 apr. J.-C.), pèredes Érémites, laissa des ordres clairs à ses deux dis-ciples pour que l’on ne connaisse pas le lieu de satombe, ordres qui, hélas, ne furent pas suivis.

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ou non, dévorés par des ani-maux, disparus au fond desmers, brûlés dans des in-cendies…) ressusciteront etcomparaîtront à la fin des tempsdevant Dieu.

Paul emploie l’image dessemailles (semé corruptible,il ressuscite incorruptible –1 Co 15.35-36.42ss). Mais celareste une image pour parlerde quelque chose qui nousdépasse. On ne peut donc l’uti-liser comme argument contrel’incinération.

La crémation n’est pasabordée directement dansla Bible.6 Il n’y a pas d’ar-guments forts empêchantune incinération.

Les raisons du refusde la crémation

Elles sont de trois ordresdans notre pays :• La Parole ne met pas en

avant cette pratique, maisparle à l’occasion d’en-terrement.

• L’imprégnation de sièclesde culture catholique7 quirejetait l’incinération etréservait le bûcher auxhérétiques et aux sorciers.

• Les positions athées de ceuxqui, en défi ouvert contreDieu (ou contre la penséecatholique dominante),exigeaient que leur corps

soit brûlé pour montrer que,jusqu’au bout et au-delàde la mort, ils ne laisseraientrien à Dieu.

Nous avons vu que les deuxpremiers points n’ont pas,ou plus, de raison d’être ; letroisième paraît à la fois tra-gique et dérisoire : l’inciné-ration du corps pourrait-elleempêcher de comparaîtredevant Dieu ? À l’heure ac-tuelle, le choix de la créma-tion n’est plus, en général, unrefus de Dieu. La plupartdes personnes n’ont plus deconviction religieuse et igno-rent même cette prise de po-sition athée.

En conclusion

Selon le contexte, la dé-marche de la crémation pour-rait choquer, surtout dansles villages traditionnels au ni-veau religieux8. Dans d’autrescultures, c’est l’enterrementqui choque (comme en Inde).Peut-être dans l’avenir, desquestions d’hygiène et deplace dans les cimetières gé-néraliseront l’incinération.En outre, une crémation esten général moins onéreusequ’un enterrement.

La Bible ne se prononcepas sur le sujet de la créma-

tion. C’est un point secondaireoù nous pouvons appliquerles principes de l’épître auxRomains, chapitre 14 : noussommes appelés à la liberté,tout en prenant garde à nepas être un sujet de scandaleou de chute pour d’autres(Mt 17.27). Aussi, veillons àrespecter et à comprendre ladécision prise par un frère,une sœur, une famille, de choi-sir l’ensevelissement ou la cré-mation.

F-J. M.

Forum de questionsForum de questions

6 Les rares exemples sont des actes dejugement : Acan, les faux prophètes –pour montrer que la désobéissance etl’idolâtrie sont abominables aux yeux deDieu. Le cas de Saül et de ses fils semblemontrer que cette pratique pouvait exis-ter en Israël. Cependant, les os qui n’ontpas été consumés ont été enterrés.7 Pour le début de la décennie actuelle :les pays de tradition protestante ont untaux de crémation élevé (Grande-Bre-tagne 70 %, certains pays Scandinaves70 %) ; ceux de tradition catholique ontles plus bas (Autriche 18 %, Espagne4 %, Italie 2 %, Portugal 1 %). Cepen-dant, le fossé semble se combler petit àpetit. En 2007 : le taux est très élevé en Suisse(78,8 %), République tchèque (78,4 %),Danemark (73,8 %). Dans les payscatholiques, la crémation est plus rare :Italie (8,5 %), Espagne (19,3 %). Ellegagne du terrain en Belgique (42,2 %). Dans les pays confessionnellement par-tagés, elle oscille autour de 50 % (Pays-Bas 51,7 %). En Norvège, le taux est de34 % et en Finlande de 33,7 %.La crémation est très pratiquée auJapon (99,8 %) et à Hong Kong (86 %).Aux USA, la proportion est de 32 %.8 Les religions juives, chrétiennes ortho-doxes et musulmanes refusent la cré-mation.

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Il faut noter que le mouvementde Lausanne a su préserverl’équilibre que ses initiateurs,

Billy GRAHAM et John STOTT, luiavaient donné dans les années70. Cet équilibre biblique etthéologique se retrouve en par-ticulier dans les grandes décla-rations fondatrices de Lausanneet de Manille qui orientent ce mou-vement dont le but est de stimuler,encourager et catalyser les effortsd’évangélisation dans le monde.Ancré dans l’Écriture, centrésur l’œuvre de Christ pour le sa-lut des pécheurs, porté dans laprière, et orienté vers l’annoncede l’Évangile, le congrès duCap a su montrer la bellediversité du monde évan-gélique. 4200 partici-pants issus de 198 nationsreprésentaient cette Égliseappelée à s’unir pourremplir sa mission. C’esten effet :

• l’Église toute entière, au-delà des sensibilités, des dif-férences et des divisions inutiles,

• qui doit porter l’Évangiletout entier, c’est-à-dire l’an-

nonce de l’amour deDieu en Christ qui sauvede la perdition éternelleet les actes d’amourpour soulager la souffranceprésente de ce monde• au monde entier, ense préoccupant en par-

ticulier des populations nonatteintes.

L’organisation très soignéedu congrès a permis d’éviter denoyer le grand nombre de pré-sents dans l’anonymat ou la

s

1 Pour ceux qui veulent en savoir plus,des ressources utiles sont disponibles surle site www.lausanne.org. Les vidéos ducongrès (en anglais), les déclarations fon-datrices du mouvement (disponibles enfrançais), ainsi que de nombreux articlesy sont en libre accès.

Évangéliser aujourd’huiRubrique de la Commission d’Évangélisation et d’Implantation d’Eglises (CEIE) des CAEF

C.E.I.E.

CAPE TOWN 2010Tout petit dans une grande œuvre !

Le troisième Congrès Mondial sur l’Évangélisation du Monde, organisé par le Mou-vement de Lausanne a eu lieu au Cap (Afrique du Sud) du 16 au 25 octobre 2010.Ce congrès était l’occasion de faire le point sur les progrès de l’Évangile et de se resi-tuer dans une perspective mondiale sur les défis que rencontre l’Église1. Jean-PaulRempp et moi-même yavons représenté les CAEF.

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JACQUES

NUSSBAUMER

VUE GÉNÉRALE DE LA SALLE DU CONGRÈS AVEC LES TABLES DE GROUPES

AU PREMIER PLAN ET LES ÉCRANS GÉANTS AU FOND,

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passivité. Les sessions matinalesarticulaient des temps d’ensei-gnement avec des moments departage à 5 ou 6 autour detables, facilitant la création deliens fraternels. L’étude de l’É-pître aux Éphésiens nous a ame-nés à replacer nos vies et nos mi-nistères devant les exigencesde l’Écriture, bénissant le Seigneurpour son œuvre, confessant nosmanquements et priant les unspour les autres.

Certains thèmes fondamen-taux pour l’Évangélisation (la dé-fense de la vérité, la réconcilia-tion dans un monde violent…),étaient développés lors des ren-contres plénières du matin, et unchoix de sessions thématiquesétait offert l’après-midi, per-mettant de réfléchir à des ques-tions plus liées à certains contextes,ministères ou défis particuliers(Environnement, Sida,…). Le soir,la présentation d’une région dumonde ou d’un type de popu-lation montrait les diverses joieset défis du témoignage chrétien.Des temps de pause importantsvisaient à stimuler les échangesinformels ouvrant la voie audéveloppement de réseaux et de

partenariats internationaux. En-fin, des contributions artistiques(image, musique, théâtre…)s’inséraient avec bonheur dansle déroulement des sessions dumatin et du soir. Il ne serait paspossible de rendre compte ducongrès du Cap sans mention-ner le culte de clôture qui, sousforme d’une célébration, réca-pitulait l’ensemble des ensei-gnements de la semaine. Ils ontété repris dans l’adoration, la pré-

dication, la confes-sion qui ont précédéle partage du pain etdu vin. La profon-deur et la beauté decette cérémonie declôture a marqué lesesprits.De ce congrès, je re-tiens que si l’œuvre duSeigneur n’est pasachevée, elle avanceg randemen t . Ce

constat de progrès n’a toutefoispas conduit à un triomphalismenaïf, invitant plutôt à la luciditéet à la responsabilité. Premiè-rement, les échecs et déviancesde l’Église n’ont pas été occul-tés, renvoyant chacun à sespropres errements et invitant àla repentance et l’engagementdevant Dieu. La nécessité d’unretour aux valeurs d’humilité, d’in-

tégrité et de simplicité a étéparticulièrement soulignée.Deuxièmement, le témoignagedigne et poignant de chrétiensfaisant face à la persécution etla violence avec confiance aégalement rappelé le coût de l’É-vangile et de l’amour des per-dus, mais pour une cause qui lemérite largement. BenjaminKWASHI, archevêque dans une ré-gion du Nigéria en proie à la vio-lence interreligieuse et lui-mêmevictime de ces violences, affir-mait ainsi « J’ai un Évangile àproclamer, j’ai un Évangile pourlequel il vaut la peine de vivre,un Évangile pour lequel il vautla peine de mourir. » Le débutdu congrès a été marqué par l’ab-sence de la délégation chi-noise, empêchée de sortir de sonpays par les autorités.

L’ensemble du congrès a sus-cité en moi trois sentiments : unsentiment de joie et de fierté d’ap-

partenir au peuple que Christa racheté, un sentiment de pe-titesse devant la grandeur etle progrès de l’œuvre de Dieu,et un sentiment de responsabilitépersonnelle dans Sa mission.L’impuissance devant les dé-fis du monde ne doit pasnous conduire à l’inaction, maisà une implication confiante enCelui qui nous envoie. Nous

sommes bien petits, certes, maisnéanmoins pleinement partici-pants à cette grande œuvre,avec tant d’autres croyants dumonde entier ! De quoi revenirrenouvelé dans le regard portésur le monde, et encouragé àmettre en œuvre ses propres donsau service du partage de labonne nouvelle du salut…

J.N.

L'UN DES GROUPES MUSICAUX ET L'UNE DES

CHORALES DU CONGRÈS,

JACQUES, ALAIN NISUS ET MOI-MÊME

AU CAP DE BONNE ESPÉRANCE

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La prisonnière de laTour de Constance

Marie Durand est née auBouschet-de-Pranles, non loinde Privas, en Vivarais, le 15juillet 1711. Comme tous lesenfants nés après la révocationde l’édit de Nantes (1685),cette fille d’un greffier au passécamisard fut baptisée à l’églisecatholique paroissiale.

Nous fêtons cetteannée le trois cen-tième anniversaire dela naissance de MarieDurand, la plus célèbredes prisonnières de la tourde Constance à Aigues-Mortes2. Elle est le symbole dutemps du « désert » pour les pro-testants français. Il nous a paruimportant de nous pencher surcette figure de notre histoirenon pour exalter une femmemais pour louer le Seigneur qui, au milieudes ténèbres des persécutions, est resté pré-sent auprès de Marie. Or aujourd’hui le brasdu Seigneur n’est pas devenu plus court.Il est toujours présent auprès de nous. Il estfidèle à sa Parole qui, aujour-d’hui encore, retentit dansnos vies, celles de nosfamilles, celles de nos Eglises :« Et voici, je suis avec vouschaque jour, jusqu’à la fin dumonde. » (Mt 28.20b)

1 Ce travail a été fait à partir de mon cours sur le pro-testantisme et des notes prises lors de mes visites surles lieux cités. J’ai aussi pris beaucoup de notes sur lelivre « MARIE DURAND, prisonnière à la Tour deConstance (1715-1768) son temps, sa famille, sescompagnes de captivité » de Daniel BENOIT, revu etcorrigé par André FABRE, Nouvelle société d’éditionsde Toulouse, DIEULEFIT (Drôme), 1938.2 Il est à noter que 2011 marque aussi le centenaire del’un des lieux de mémoire des prisonnières de la tourde Constance, le Musée du Désert. Fondé en 1911, ilest le premier musée des protestants français, ancré dansun site camisard, le Mas Soubeyran (Mialet, Gard). Ilévoque tout le temps du « désert », de la religion inter-dite, entre la révocation de l’édit de Nantes (1685) etla Révolution française.

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FRANÇOIS-JEAN

MARTIN

Un témoin fidèle

de notre histoire:

Marie Durand1

(1ère partie)

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Dès 1719, son frère Pierre devint « prédi-cant » puis pasteur clandestin et, à ce titre, ilest poursuivi par l’intendant de Bernage qui,ne pouvant le saisir, se venge sur sa famille.Ainsi, leur père Étienne Durand, emprisonnéen 1728 au fort de Brescou, près d’Agde, confieMarie, avant de partir, à Matthieu Serres quil’épouse en 1730 sans être passé à l’église. Cettemême année, les dragons du roi saisissentMatthieu Serres, qui rejoint Etienne Durand aufort de Brescou, alors que Marie est enferméeà la Tour de Constance. Pierre, âgé de trenteans, est arrêté et condamné. Il est pendu le 22avril 1732 sur l’Esplanade de Montpellier.Son père ne sortira de prison qu’en 1743.

Marie sera donc enfermée à la tour deConstance à Aigues-Mortes, la prison desfemmes « religionnaires ». Entrée à l’âge de 19ans, elle n’en est sortie qu’à près de 57 ans,libérée parmi les dernières, en 1768, pargrâce princière, sans avoir abjuré. Pendanttrente-huit années, Marie Durand a enduré l’en-fermement à la prison d’Aigues-Mortes, répu-tée pour son insalubrité, dans un environne-ment de marécages infestés par le paludisme.Les prisonnières, entre une vingtaine et unetrentaine de femmes selon les moments, arrê-tées pour la plupart dans des assemblées inter-dites, rasées, étaient entassées dans deuxsalles circulaires mesurant dix-huit pas d’un murà l’autre, avec deux heures de sortie dans la« basse-cour », matin et soir. Dans cette pro-miscuité forcée au long des années, desfemmes ont accouché, allaité des enfants,d’autres ont agonisé et sont mortes. Jeunes ouvieilles, toutes ont été malades, secouées decrises de paludisme, et se sont usées d’attente.Parfois, l’une d’elles quittait les autres, libéréeavec certificat de catholicité du curé d’Aigues-Mortes, ou expulsée car devenue folle.

Parmi les prisonnières, Marie Durandsemble avoir joué un rôle prépondérant, en

partie sans doute par son prestige de sœur demartyr, qui lui a valu d’être en relation avecles pasteurs du Refuge, à Lausanne etAmsterdam, et avec le pasteur Paul Rabaut àNîmes. En partie aussi par son niveau d’ins-truction supérieur, qui a fait d’elle une lectriceconsolatrice et une correspondante, la porte-parole de ses sœurs de captivité. En effet, lescommunications avec l’extérieur de la prison(nouvelles, lettres, paquets) étaient plus oumoins tolérées. Les lettres de Marie Durandtémoignent rarement de ses souffrances phy-siques (des douleurs à la tête la tenaient par-fois huit jours et la faisaient hurler), plus sou-vent de ses inquiétudes, de ses espoirs, de safoi dans le « Dieu de miséricorde », expriméedans le langage d’une Écriture mémoriséedepuis l’enfance, et lue dans les bribes d’unpsautier caché.

On attribue à Marie le mot «REGISTER»(résister en occitan) gravé par une main ano-nyme dans la pierre d’une margelle au centrede la salle commune du cachot de la tour deConstance.

Résister, c’est ce que va faire Marie Durandtout au long de sa captivité, refusant toujoursd’abjurer sa foi, exhortant ses compagnes etécrivant de nombreuses lettres : lettres de sup-pliques ou de remerciements à ceux quienvoyaient des secours aux prisonnières ; lettresadressées au pasteur Paul Rabaut et à sa nièce,Anne.

En janvier 1767, le prince de Beauvau, gou-verneur du Languedoc, visite la Tour, il estrévolté par le sort des femmes encore empri-sonnées et les libère. Un ministre de Louis XVessaie de s’y opposer, de Beauveau offre sadémission… Quatorze femmes sont libérées,dont une (Marie Robert) avait été enfermée41 ans. Marie Durand sera libérée le 14 avril1768 et il faudra attendre le 26 décembre 1768

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pour que les deux dernières pri-sonnières soient libérées. La Tourfut définit ivement fermée.Beauvau avait arraché, aprèsles autres, ces dernières libérationsà l’intolérance du chancelier.L’une d’entre elles, Marie Vey-Goutèle se retire au Bouchet-de-Pranleset va vivre avec Marie Durand.

Le pasteur de Nimes ne cessa pas des’occuper des prisonnières maintenantlibérées : le 20 février 1769 il envoyaità Amsterdam le reçu d’une somme de220 livres qu’il avait reçue du Comitéfondé là-bas pour subvenir à l’indi-gence des persécutés, et qu’il avaitremise aux trois dernières captives. Il res-tait à Marseille, à cette époque, onze galé-riens condamnés pour leur foi dont ons’occupait activement d’obtenir la grâce.

L’un d’eux, Alexandre Chambon, luiaussi d’origine vivaroise, fut effectivementrelâché le 25 mai suivant, sur l’inter-vention - encore - du prince de Beauvau.Il avait été capturé en 1741 aux côtés duvieux prédicant-prophète Dortial, quimourut héroïquement à Montpellier.Agé de 73 ans, il se réfugia au Bouchet-de-Pranles où il retrouva Marie Durand.Mais il était si affaibli que le pasteur

Teissier pouvait dire de lui, en signalantsa libération : « Ce pauvre malheureux,à peine sent-il son bonheur à cause deson âge ».

Marie intéressa le pasteur Rabaut à sonsort et celui-ci obtint pour l’ancien galé-rien, toujours par le Comité d’Amster-dam, une rente annuelle de 12 livres qu’illui fit passer par l’intermédiaire de sonamie.

Cette partie de l’histoire de MarieDurand est en général bien connue maison ignore en général la suite qui fût toutaussi remplie d’épreuves et de délivrancesdurant les huit dernières années de sa vie.Nous en donnerons quelques aspects dansune seconde partie. F-J.M.

33

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INSCRIPTION

« RÉSISTER »(ATTRIBUÉE À MARIE

DURAND) DE LA SALLE

HAUTE DES

PRISONNIÈRES DE LA

TOUR DE CONSTANCE

(PHOTO FJM)

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