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L'éducation de langue française en Ontario : enjeux et

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L’Éducation de Langue française en ontario : enjeux et processus sociaux

L’Éducation de Langue française en ontario : enjeux et processus sociaux

SouS la direction de normand labrie et Sylvie a. lamoureux

Collection Ancrages

Prise de paroleSudbury, 2003

Données de catalogage avant publication (Canada)L’éducation de langue française en Ontario : enjeux et processus sociaux / sous la direction de Normand Labrie et Sylvie A. Lamoureux.

(Collection Ancrages) Comprend des références bibliographiques. ISBN 2-89423-154-7

1. Canadiens français — Éducation — Ontario. 2. Éducation — Ontario. 3. Administration scolaire — Ontario. 4. Éducation — Politique gouvernementale — Ontario. 5. Enseignants — Formation — Ontario. 6. Minorités linguistiques — Éducation. I. Labrie, Normand, 1956- II. Lamoureux, Sylvie, 1966- III. Collection.

LC3734.2.O6E38 2003 371.829’1140713 C2003-901201-8

Distribution au Québec : Diffusion Prologue • 1650, boul. Lionel-Bertrand • Boisbriand (QC) J7H 1N7 • 450-434-0306

Ancrées dans le Nouvel-Ontario, les Éditions Prise de pa role appuient les auteurs et les créateurs d’expression et de culture françaises au Canada, en privilégiant des œuvres de facture contem poraine.

La maison d’édition remercie le Conseil des Arts de l’Ontario, le Conseil des Arts du Canada, le Patrimoine canadien (programme Développement des communautés de langue officielle et Fonds du livre du Canada) et la Ville du Grand Sudbury de leur appui financier.

Œuvre en page couverture : Denyse Goulet, Joies de la science (Sandy’s Collection), huile sur planche, 1996.Conception de la couverture : Olivier Lasser.Photos en quatrième de couverture : Curtis Lantinga photography.

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.

Copyright © Ottawa, 2003Éditions Prise de paroleC.P. 550, Sudbury CANADA P3E 4R2www.prisedeparole.ca

ISBN 2-89423-154-7ISBN 978-2-89423-332-0 (Numérique)

Prisedeparole

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Préface

Anne-MArie CAron-réAuMe

Le présent ouvrage en a beaucoup à dire aux professionel(le)s de l’éducation qui veulent comprendre le système d’éducation franco-ontarien présentement en construction. Les premières politiques et les programmes élaborés pour l’éducation en langue française (1994), les nouvelles poli- tiques de la refonte de l’éducation qui datent de 1995, ainsi que la mise en place de la gestion scolaire (1998) servent d’arrière-plan aux chapitres qui figurent dans L’Éducation de langue française en Ontario : enjeux et processus sociaux. Ce n’est pas peu dire que d’affirmer qu’un tel livre se faisait attendre, car les publications consacrées à la recherche ethno- graphique sur l’éducation franco-ontarienne se font rarissimes.

En tant que chercheure à la Commission Royale sur l’Éducation (1995), j’ai été heureuse d’apprendre que le Centre de recherches en éducation franco-ontarienne (CRÉFO) préparait un ouvrage rassemblant ses recherches sous une forme conviviale pour rejoindre le plus grand public possible. En 1995, le rapport de la Commission Royale sur l’Éducation, Pour l’amour d’apprendre, présentait la vision d’une éventuelle gestion scolaire pour et par les francophones dans le contexte global de l’éducation renouvelée en Ontario. En 2003, l’ouvrage L’Éducation de langue française en Ontario : enjeux et processus sociaux présente un ensemble de réflexions et de choix exercés par divers

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anne-Marie caron-réauMe

acteurs du système scolaire de langue française qui concrétisent la vision de la gestion scolaire. Les recherches du CRÉFO, réalisées depuis 1996, mettent l’accent sur la réalité complexe que sont le vécu scolaire et la prise en charge du pouvoir par et pour les francophones.

Peu importe son rôle joué dans le monde de l’éducation, il est intéressant pour toute personne mêlée aux débats éducatifs des dernières années de prendre connaissance de l’analyse critique des chercheur(e)s du CRÉFO. Ces derniers examinent les différentes manifestations de ce que cela veut dire que d’apprendre et de vivre en français en Ontario. Que les chercheur(e)s traitent de la mise en place de la gestion scolaire, de la mise en œuvre de politiques / programmes, de l’identité linguistique et culturelle, ou de l’accès au monde du travail, ils laissent parler les données recueillies qui reflètent les défis à affronter et les perspectives fort différentes des divers acteurs du système d’éducation.

La perspective sociologique et le mode de recherche privilégié par les chercheur(e)s du CRÉFO ont l’avantage de saisir la dynamique complexe et les positionnements de divers acteurs de la communauté éducative dans sa réalisation sociale. La recherche qualitative de type ethnographique offre au lecteur « un miroir que l’on promène le long d’un chemin ». Les paroles enregistrées, les actions observées des participant(e)s et les textes des politiques officielles des institutions éducatives constituent la matière première de la recherche.

Au-delà de la description et de l’analyse de « ce qui se dit et de ce qui se fait », les recherches du CRÉFO amènent les lecteurs à réfléchir au monde de l’éducation franco-ontarienne et à « ce qui pourrait être ». Elles mettent en relief les réalités sociologiques, la multiplicité des « réalités-vérités » et les choix idéologiques qui se dégagent des paroles et des textes des participant(e)s. Elles demandent aux lecteurs de réfléchir aux répercussions des choix qui sont exercés et d’examiner d’autres façons de faire qui auraient un impact sur la communauté et l’histoire de l’éducation de l’Ontario français qui se construit.

En plus des recherches du CRÉFO, cet ouvrage présente une bibliographie générale qui donne l’occasion à tout lecteur d’avoir une vue d’ensemble des grandes questions posées dans le monde de l’éducation de langue minoritaire. Les titres récents des recherches qui portent sur l’aménagement linguistique, la pédagogie et la didactique donnent un bon aperçu de l’évolution du monde de l’éducation franco-ontarienne. Ils font connaître la pensée des chercheur(e)s de plus en plus nombreux qui s’intéressent à créer un espace de réflexion pour la construction d’une communauté de langue minoritaire dans un monde plein de contradictions.

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Préface

On remarque à travers les thèmes abordés qu’il y a souvent d’importants écarts entre la réalité du milieu scolaire et la réalité des politiques / programmes et des pratiques pédagogiques. Les thèmes qui reviennent et qui ne font pas l’unanimité sont les suivants : l’évaluation des apprentissages des élèves, l’intégration et l’enfance en difficulté, l’enseignement de la lecture et de l’écrit, l’actualisation linguistique en français / le perfection- nement du français, l’animation culturelle, la vitalité ethnolinguistique des écoles, l’intégration des minorités visibles, le perfectionnement professionnel, l’apprentissage à distance et l’enseignement différencié.

Cet ouvrage est un outil précieux pour tout individu qui veut se familiariser avec les orientations générales de la recherche réalisée pour répondre aux besoins du milieu franco-ontarien. Les divers chapitres et la bibliographie offrent une ressource apte à guider la réflexion de tout individu, de toute école ou de tout système éducatif de langue française qui cherche à réaliser son mandat. Le lecteur a l’occasion de se pencher sur les problématiques du milieu minoritaire, de se distancier de sa réalité quotidienne et d’examiner sous un autre jour le projet pédagogique visant à gérer la réalité diversifiée que présente l’identité linguistique, culturelle, sociale et sexuelle des élèves.

De nos jours, tout membre de l’Ordre des enseignants et des enseignantes est sensible au perfectionnement professionnel et aux occasions multiples de formation continue. La minorité francophone de l’Ontario a souvent fait remarquer que l’accès à la formation, ainsi que l’information sur le système éducatif de langue française, étaient très restreints. On peut donc se réjouir du fait que cet ouvrage ajoute à l’éventail des recherches et des occasions diversifiées de formation des plus pertinentes. Chacun(e) pourra y trouver son compte.

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norMand Labrie et SyLvie a. LaMoureux

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À La recherche de… L’éducation en Langue françaiSe en ontario

À La recherche de… L’éducation en Langue françaiSe en ontario

norMAnd LAbrie et SyLvie A. LAMoureux

L’équipe du Centre de recherches en éducation franco-ontarienne (ci-après, CRÉFO) a publié un ouvrage en 1999 intitulé L’Enjeu de la langue en Ontario français (sous la direction de Normand Labrie et Gilles Forlot) qui présentait les principaux travaux de recherche menés au centre de 1991 à 1996 au sujet des dynamiques linguistiques en Ontario français. Notre objectif était alors de publier un premier livre sur les questions linguistiques, pour produire par la suite d’autres ouvrages, dont l’un porterait sur la recherche dans le domaine de l’éducation.

Le présent ouvrage se propose en effet d’examiner les enjeux et les processus sociaux marquant l’éducation de langue française en Ontario, en se basant sur des travaux menés au CRÉFO depuis 1996. Il permet-tra au grand public, aux professionnel(le)s de l’éducation, ainsi qu’aux chercheur(e)s et étudiant(e)s, de se mettre au fait des principaux résultats de la recherche dans le domaine de l’éducation franco-ontarienne, tels qu’ils ressortent de nos plus récentes études. Nous souhaitons ainsi sus-citer une réflexion chez les citoyens engagés dans l’entreprise de l’éduca-tion de langue française en Ontario, qu’il s’agisse des contribuables, des parents, des professionel(le)s de l’éducation, ou des étudiant(e)s.

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Nous mettrons l’accent, d’une part, sur des problématiques idéo-logiques, politiques, économiques, sociales, identitaires et pédagogiques, que nous croyons pertinentes pour l’époque dans laquelle nous vivons et, d’autre part, sur les méthodologies de la recherche que nous privilégions. Notre conception de l’éducation ne se limite pas au système convention-nel dédié aux élèves de l’élémentaire et du secondaire, ou aux étudiant(e)s du postsecondaire. Nous sommes conscients que l’éducation et la forma-tion sont aussi l’affaire de toute personne toute la vie durant. Ainsi, nos recherches portent en particulier sur l’éducation, mais elles ne se limitent pas à ce secteur, néanmoins crucial, de la vie des communautés linguis- tiques minoritaires. Elles englobent, en effet, un ensemble plus vaste de considérations langagières et identitaires ancrées dans un contexte social, économique, politique ou idéologique, ce qui nous permet de mieux situer l’importance des questions éducatives dans le développement plus global des communautés linguistiques francophones en Ontario, et des minorités linguistiques en général. Nous nous concentrons néanmoins dans cet ouvrage sur des questions scolaires, mais nous référons les lec-teurs intéressés, par exemple, aux questions d’alphabétisme ou de forma-tion en milieu de travail, à d’autres publications du CRÉFO (Budach, soumis; Gérin-Lajoie et Wilson, 1999; Heller et Labrie, soumis; Labrie, Bélanger, Lozon et Roy, 2000; Roy, 2000, 2001, soumis; Wilson, Labrie, et al., 2001).

À travers les diverses études présentées dans cet ouvrage, on re-marquera que notre objet d’étude vise le plus souvent les pratiques et les représentations sociales. Sur le plan méthodologique, nous utilisons abondamment les méthodes de recherche qualitative, souvent à caractère ethnographique. L’observation du milieu, les entrevues avec une variété d’acteurs sociaux, et l’analyse documentaire sont parmi les méthodes les plus répandues pour recueillir les données. Dans plusieurs cas, il s’agit de données discursives qui nous servent à saisir l’adéquation entre les pratiques et les représentations. Le traitement de ces données est réalisé au moyen de procédés d’analyse du discours, empruntant à l’analyse de contenu, à l’analyse du discours critique, ou encore à l’étude plus détaillée des pro-cédés de mise en discours. Ce qui est recherché avant tout, c’est de saisir la diversité des discours en circulation, incluant les discours dominants et les discours marginalisés, en tenant compte du positionnement social des acteurs sociaux produisant de tels discours, de façon à pouvoir expliquer les enjeux et les processus sociaux d’inclusion et d’exclusion opérant dans les collectivités, et de mieux en comprendre les conséquences pour ces mêmes acteurs sociaux.

Nos études sont ancrées dans le contexte francophone de l’Ontario,

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mais elles révèlent en même temps des phénomènes sociaux susceptibles d’exister ailleurs, que ce soit dans les communautés francophones et aca-diennes du Canada, ou chez d’autres minorités linguistiques à travers le monde. On peut donc y puiser des enseignements au sujet des enjeux et des processus sociaux typiques de l’éducation des minorités linguistiques en général.

Dans ce premier chapitre de présentation, nous allons proposer une vue d’ensemble des communautés francophones de l’Ontario et de l’évolution récente de l’éducation franco-ontarienne, pour ensuite faire un tour de piste de la recherche dans ce domaine1. Nous situerons en-suite l’action récente du CRÉFO dans le panorama général de la recher-che sur l’éducation franco-ontarienne en présentant les divers chapitres de cet ouvrage découlant tous de projets de recherche réalisés au CRÉFO au cours des dernières années. Voyons d’abord ce que nous entendons par la notion de « communautés francophones de l’Ontario ».

coMMunautéS francoPhoneS de L’ontario

Abstraction faite du Québec, les communautés francophones de l’Ontario constituent la plus importante minorité de langue française au Canada, du moins en nombre, puisque quelque 485 000 personnes ont le français pour langue maternelle en Ontario, à savoir environ 4,3 % de la population de cette province, qui comprend le tiers de la population du Canada2. Ceci dit, la démolinguistique définit généralement un(e) francophone, à partir des données du recensement canadien, comme un(e) répondant(e) d’origine ethnique française, possédant le français comme première lan-gue apprise et encore comprise, et utilisant principalement cette langue au foyer. Or la francophonie ontarienne comprend un grand nombre de personnes qui ne correspondent pas à cette définition restrictive, mais qui fonctionnent néanmoins dans leur vie quotidienne en ayant recours à la langue française (par exemple, des francophones vivant dans des couples mixtes et travaillant en français, les enfants issus de tels couples fréquentant des écoles de langue française, des gens originaires de pays de la Francophonie ayant l’arabe ou le créole pour langue maternelle et le français comme langue d’usage public, etc.).

1 Les auteurs remercient tous les contributeurs à ce volume qui ont fourni des commentaires et des suggestions au sujet d’une version antérieure de cette introduction.2 Les données du recensement du Canada de 2001 indiquent que 485 630 personnes ont le français comme langue maternelle en Ontario (ayant répondu au recensement par une réponse unique). S’ajoutent à ces répondants, ceux qui ont fourni des réponses multiples, à savoir 37 135 personnes qui ont indiqué le français et l’anglais comme langues maternelles, 8 000 personnes ayant le fran-çais et une langue tierce comme langues maternelles, et enfin, 3 200 personnes ayant pour langues maternelles le français, l’anglais et une langue tierce (Statistique Canada, 2003).

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Il faut également voir, du point de vue sociolinguistique, que les populations francophones de l’Ontario se sont transformées de façon substantielle au cours du dernier siècle, passant d’un groupe ethnique traditionaliste défini par la foi chrétienne, à une communauté linguis- tique ancrée dans la modernité, bénéficiant de l’État providence et jouis-sant de droits linguistiques à titre de communauté de langue officielle au Canada, puis à des communautés diversifiées, soumises aux impératifs économiques de la mondialisation (voir aussi Heller et Labrie, soumis). En effet, les communautés francophones de l’Ontario sont de plus en plus diversifiées, en termes d’origines géographiques, culturelles ou sociales, et elles sont de plus en plus le reflet de la Francophonie mondiale.

Les espaces sociaux d’utilisation du français en Ontario évoluent en parallèle au changement social, culturel et économique. Les espaces traditionnels d’utilisation du français liés à la religion catholique et à l’or-ganisation sociale axée sur la paroisse ont connu un déclin au cours des dernières décennies au profit des espaces modernisants liés au dévelop- pement de l’État providence et à l’octroi de droits linguistiques à la mi-norité de langue officielle. Dans ce contexte de changement, particulière-ment intense à partir des années soixante, des institutions, des organismes et des associations ont été mis sur pied par les francophones afin de se do-ter d’instruments de développement social en parallèle à ceux de la société dominante de langue anglaise. À leur tour, ces nouveaux espaces sociaux d’utilisation du français sont confrontés aujourd’hui aux phénomènes de la mondialisation, du néo-libéralisme et du développement des nouvelles technologies de l’information et des communications, qui donnent lieu à l’émergence d’espaces globalisants, où les lois du marché économique prédominent, tandis que l’État adopte une logique entrepreneuriale tout en raffinant ses mécanismes de régulation et de contrôle. Avec la mondia-lisation, le bilinguisme anglais-français acquiert une nouvelle valeur sur le marché de l’emploi, et de nouveaux produits à teneur linguistique sont mis en circulation. Il en résulte de nouvelles pratiques sociales, culturelles et langagières pour les francophones de l’Ontario, dont on ne connaît pas encore nécessairement toutes les retombées à long terme.

Le présent ouvrage constitue une exploration, en quelque sorte, de ces phénomènes, du moins en ce qui concerne leur manifestation dans le secteur de l’éducation. Explorons davantage de quelle façon le système d’éducation de langue française s’est transformé avec le temps, en rapport avec son autonomie croissante et son institutionnalisation, au fur et à me-sure que la gestion scolaire était confiée à la population francophone.

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vue d’enSeMbLe de L’éducation franco-ontarienne

L’éducation de langue française en Ontario relève avant tout des com-pétences du gouvernement provincial. Mais son évolution ne peut être comprise que dans le cadre plus vaste des rapports de force linguistiques à l’échelle canadienne, et en particulier compte tenu du contexte consti-tutionnel et jurisprudentiel dans lequel elle s’inscrit. À cet égard, elle est tributaire de la politique linguistique menée au Québec et de son impact sur la politique linguistique fédérale et sur celle des provinces majoritaire-ment anglophones. Elle est aussi étroitement liée à la situation des autres minorités francophones du pays.

Dans cette vue d’ensemble, nous nous concentrerons sur l’évolution de l’éducation de langue française dans la seule province de l’Ontario depuis la fin des années soixante. Les lecteurs intéressés à se familiariser avec l’éducation de langue française dans l’ensemble du Canada peuvent consulter différentes publications, comme, par exemple, celles de Foucher (1986) ou de Martel (1991, 2001) portant sur les droits scolaires des mi-norités de langues officielles, ou bien le chapitre sur l’éducation en langue française dans l’ouvrage collectif dirigé par Thériault (1999), ou encore la thèse de doctorat de Dalley (2000) sur la situation spécifique à l’Aca-die du Nouveau-Brunswick. Quant aux lecteurs désireux d’approfondir l’histoire de l’éducation de langue française en Ontario, notamment en ce qui a trait au développement des écoles catholiques au cours du ving-tième siècle, ceux-ci pourront se référer notamment aux travaux de Welch (1988) ou de Heller (1994).

En 1968, le gouvernement ontarien adopta deux lois (121 et 122) qui permirent la création d’écoles élémentaires publiques de langue française et qui donnèrent une existence juridique aux écoles publiques de langue française de niveau secondaire. Mais c’est surtout depuis une vingtaine d’années que d’importants changements ont vu le jour en Ontario dans le monde de l’éducation de langue française. En effet, l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, enchâssée dans la Constitution canadienne en 1982, a donné le coup d’envoi de toute une série de mesures favorisant le développement d’un système d’éducation répondant aux besoins de la minorité de langue officielle3. Compte tenu

3 L’article 23 détermine les ayants droit à l’éducation dans la langue de la minorité de langue officielle, qu’il s’agisse de la minorité de langue anglaise au Québec ou des minorités de langue française dans les autres provinces. Pour ce qui est de l’Ontario, les ayants droit correspondent aux citoyens canadiens dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité fran-cophone de la province; qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français au Canada; ou encore, dont un des enfants a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, dans la langue de la minorité. Ces derniers ont le droit de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue.

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de l’interprétation qui en a été faite par les tribunaux, suite aux luttes politiques et juridiques menées par les francophones de diverses provinces canadiennes (par exemple, le Renvoi ontarien de 1984, l’Affaire Mahé c. Alberta en 1990, l’affaire Arsenault-Cameron c. le gouvernement de l’Île du Prince-Édouard en 2000), cet article est interprété en faveur du droit de gestion par les populations de langue minoritaire de leur propre système scolaire (Martel, 2001).

Dès 1986, afin de se conformer à cet article, le Gouvernement de l’Ontario a adopté le projet de loi 75 qui, en amendant la Loi de l’éducation, reconnaissait aux communautés francophones le droit de prendre en charge la gestion de l’éducation de langue française, ceci par le truchement de sections de langue française au sein des conseils scolaires anglophones existants. Ce projet de loi prévoyait également la création du Conseil des écoles françaises de la communauté urbaine de Toronto, inauguré le 1er décembre 1988. De même, le projet de loi 109 adopté en 1988 établissait le Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton qui entra en opération le 1er janvier 1989, d’abord comme conseil scolaire homogène, puis sous deux entités distinctes, l’une catholique, l’autre publique. Plus tard, en 1991, le Conseil des écoles séparées catholiques de langue française de Prescott-Russell fut créé. Dans la même année, une Direction des politiques et programmes d’éducation en langue française fut mise sur pied au sein du ministère de l’Éducation de l’Ontario. Enfin, lors de la restructuration des conseils scolaires entrant en vigueur le 1er janvier 1998, le gouvernement provincial s’est finalement soumis aux impératifs constitutionnels et juridiques découlant de l’article 23, en créant douze conseils scolaires de district de langue française permettant aux communautés francophones de prendre en main la gestion de la totalité de leur système scolaire de langue française, dont huit conseils scolaires catholiques et quatre conseils scolaires publics.

Le monde de l’éducation de langue française a connu des chan- gements majeurs depuis la mise sur pied de ces douze conseils scolaires de district. L’obligation constitutionnelle de se soumettre à l’article 23 a ainsi forcé le gouvernement provincial à fournir aux francophones de la pro-vince un système d’éducation parallèle et autonome, ce qui s’est traduit au cours des dernières années par la mise en place de nouvelles institutions chargées de divers aspects de l’entreprise éducative. Les douze conseils scolaires se sont regroupés au sein d’un consortium, le Conseil ontarien des directions de l’éducation de langue française (CODELF). La quête d’autonomie pour le système d’éducation franco-ontarien, qui n’est pas nouvelle, se reflète, par ailleurs, dans l’existence d’un syndicat, l’Associa-tion des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), dont

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À La recherche de… L’éducation en Langue françaiSe en ontario

la création remonte à 1939, et d’une multitude d’organisations profes-sionnelles regroupant aussi bien les conseiller(ère)s scolaires (par exemple, l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques, ou l’Association des conseillères et des conseillers des écoles publiques de l’Ontario), que les directions d’établissements (par exemple, l’Association des directions et des directions adjointes des écoles franco-ontariennes, ou l’Association des agentes et des agents de supervision franco-ontariens), sans oublier le regroupement des parents des élèves qui fréquentent les écoles de langue française, à savoir Parents partenaires en éducation, ou la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), organisme axé sur la formation en leadership et en animation culturelle pour et par les élèves des écoles secondaires de langue française.

Parallèlement, la réforme entreprise depuis 1995 par le gouvernement conservateur a donné lieu à la création d’agences paragouvernementales destinées à exercer un plus grand contrôle, tant sur les professionel(le)s de l’enseignement, que sur les contenus et programmes, à savoir l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario et l’Office de la qualité et de la redevabilité en éducation (OQRE), ce qui a pour effet de restreindre la marge de manœuvre des institutions, des organismes ou des associations de langue française jouissant en principe d’une plus grande autonomie vis-à-vis le groupe majoritaire de langue anglaise. Ces nouvelles agences, à pré-dominance anglophone, bien qu’elles fonctionnent dans les deux langues, visent en effet à imposer un cadre commun de régulation sur l’ensemble des composantes du système d’éducation peu importe que celles-ci soient anglophones ou francophones, publiques ou confessionnelles.

On comptait en 1998 quelque 385 écoles publiques et catholiques de langue française aux paliers élémentaire et secondaire en Ontario, desservant une clientèle de quelque 94 273 élèves (68 109 au niveau élé-mentaire répartis dans quelque 300 écoles et 26 164 au secondaire dans environ 85 écoles). Depuis cette date, d’autres écoles ont ouvert leurs portes à la suite de la réforme des conseils scolaires.

Pourtant, le système scolaire de langue française ne fait pas le plein de sa clientèle potentielle. Dans une étude récente, menée pour le compte de la Commissaire aux langues officielles, visant à déterminer la propor-tion d’ayants droit au sens de l’article 23 qui sont effectivement inscrits dans les écoles de langue française au Canada, dans le but idéalement d’en augmenter la clientèle, Angéline Martel (2001 : Partie 3, page 6) indique qu’en Ontario, « [les] écoles de langue française regroupent 64,1 % de l’effectif scolaire cible et les écoles mixtes en rejoignent un autre 1,3 % ». Beaucoup d’élèves préfèrent passer au système de langue anglaise au fur et à mesure qu’ils poursuivent leurs études. Cette étude démontre que,

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de façon générale au Canada, avec les nuances qui s’imposent puisque les systèmes d’éducation varient d’une province à une autre, ce transfert se produit surtout au moment de la transition entre la première et la deuxième année (c’est-à-dire, après un essai d’un an), entre la huitième et la neuvième année (c’est-à-dire, lors du passage vers le secondaire, afin de s’assurer davantage d’options en vue des études postsecondaires et des choix de carrière), et entre la onzième et la douzième année (pour les mêmes raisons que précédemment).

La préférence d’ayants droit pour l’école de langue anglaise, et le phénomène que d’aucuns appellent le décrochage culturel, c’est-à-dire le passage de l’école de langue française à celle de langue anglaise, s’explique par diverses raisons, dont des questions de mobilité sociale inscrite dans la lutte des classes (Heller, 1990). Pour certains, ce transfert se fait dans l’espoir d’être admis dans les grandes universités nord-américaines. Par ailleurs, la présence d’un certain nombre de francophones dans le système d’éducation de langue anglaise s’explique par leur préférence envers un système d’éducation bilingue qui existe sous la forme de programmes d’immersion offerts exclusivement dans le système anglophone (Makro-poulos, 1998). Il y a aussi des familles dont l’enfant nécessite des services spécialisés, disponibles dans le système majoritaire de langue anglaise, que ce soit en plus grand nombre, de meilleure qualité, ou à moindre distance du domicile, et qui font le choix par conséquent d’y inscrire leur enfant. En outre, l’enseignement professionnel du niveau secondaire n’est pas aussi développé dans le système de langue française qu’il ne l’est dans les écoles de la majorité de langue anglaise. Il faut aussi ajouter à ce tableau que, bien qu’ils ne comptent pas tous comme ayants droit, des immigrants francophones choisissent d’inscrire leurs enfants dans des écoles de langue anglaise, compte tenu de divers obstacles rencontrés lors des démarches d’admission dans les écoles de langue française, que ces obstacles soient de nature administrative ou confessionnelle.

Par ailleurs, tandis que les communautés francophones ont acquis la gestion de leur propre système d’enseignement en langue française, de la maternelle à la fin du secondaire, le système postsecondaire de formation professionnelle de niveau collégial n’est pas entièrement disponible en langue française. Du moins, la totalité des programmes n’est pas acces-sible dans toutes les régions. Deux collèges communautaires de langue française sont au service des francophones (la Cité Collégiale d’Ottawa et le Collège Boréal à Sudbury, le Collège des Grands Lacs ayant récemment fermé ses portes à Toronto pour devenir une antenne régionale du Collège Boréal), en plus du Collège d’Alfred, associé à l’Université de Guelph, spécialisé dans le domaine de la technologie agricole et alimentaire.

Achevé d’imprimeren juin deux mille trois sur les pressesde l’Imprimerie Gauvin, Hull, Québec

www.prisedeparole.ca