6
LE BASKET-BALL, jeu simple PAR ROBERT MÉRAND Professeur à l 'E.N.S.E.P. (jeunes gens) (Suite, voir E.P.S. n 0 44, 45, 46) Avant 1938, la théorie du basket-ball était encore dans les langes. On ne savait pas et l'on ne faisait rien pour savoir. Tout était tellement simple qu'on pouvait même pré- tendre que les meilleurs étaient les perdants. Il s'agissait, évidemment, de cette naïve (impli- cite qui accompagne « une stupéfiante ignorance de la technique ». Mais, comme cela se dit aujourd'hui, la question de mettre fin au règne de cette ignorance était venue à maturité. R. Perrier pouvait écrire : « Au lieu de garder un bandeau noir sur les yeux, regardez, construisez pour l'avenir, demandez des tuyaux, instruisez-vous ». 1939 : La préparation de l'Equipe de France Uni- versitaire, sous la direction de FLOURET, et grâce à l'impulsion de FREZOT, marquera la première tentative pour rechercher « les lois de la technique » et en assurer la maîtrise dans l'application. Nous avons indiqué les étapes du lent cheminement qui représente, pendant vingt ans, l'élaboration pro gressive d'une théorie valable du basket-ball. Il n'est pas dans notre propos d'en montrer le détail, mais nous voulons, cependant, insister très fortement sur une des difficultés majeures qu'il a fallu sur- monter après en avoir pris conscience. Aristote disait déjà que celui qui ne fait rien, ne connaît rien et ne comprend rien. Mais on sait éga- lement que les sensations peuvent parfois tromper l'homme, car ce qu'on voit ne coïncide pas toujours avec l'essence réelle des phénomènes. Un bâton plongé dans l'eau nous semble brisé. Il nous semble que le soleil fait le tour de la terre en vingt-quatre heures. Mais ce n'est qu'une apparence. Lorsque les techniciens du basket-ball ont essayé d'arracher « le bandeau noir ». il a fallu un assez long moment pour comprendre toute la signification profonde de cet adage : « Ils ont des yeux et ils ne voient pas. ». En témoignent, ces deux études que nous avons publiées en 1951 : 1. Quelques exemples d'erreurs commises dans l'observation de la réalité des matches. L'observation d'une rencontre, l'analyse précise de la situation, la faculté de trouver la juste solution aux problèmes que le match pose à l'équipe, bref, la maîtrise de la réalité concrète, sont des armes que le manager doit savoir manier avec brio. Or, sur tous ces points, l'étude systématique des rencontres des Championnats d'Europe de basket, organisés à Paris en mai 1951, nous a permis de tirer un certain nombre d'enseignements. Et tout d'abord qu'il y a des difficultés à voir ce qui se passe effectivement pendant un match. Saisir avec un minimum d'exactitude ce que font réellement dix joueurs, et interpréter fidèlement ce que l'on voit n'est pas aussi simple qu'on pourrait le penser. Les difficultés auxquelles se heurtent ceux qui sui- vent des matches, soit pour en donner un compte rendu dans la presse, soit pour en dégager des leçons techniques ou tactiques, conduisent à commettre deux types caractéristiques d'erreurs, si l'on n'y prend garde... Ce sont, en premier lieu, des erreurs d'observation qui tendent à laisser dans l'ombre des faits essentiels ou à déformer !a réalité elle-même. En second lieu, et sur la base des erreurs précé- dentes, se développent des fautes d'appréciation qui aboutissent à des conclusions peu conformes avec la réalité. C'est à partir des Championnats d'Europe que nous allons, par des exemples, caractériser ces principales fautes. LES ERREURS D'OBSERVATIONS : I. — La plus courante consiste à ne pas voir ce qui se passe réellement sur le terrain. Les exemples abondent, dans les comptes rendus de presse, de cette faute. Nous voulons, ici, simplement en évoquer un car il illustre les aspects les plus typiques de l'insuffi- sance de l'observation. Nous avons suivi les péripéties du match Belgique- Tchécoslovaquie en compagnie d'un international français, joueur dans l'équipe nationale 1951. Rap- pelons qu'à la mi-temps, la Tchécoslovaquie menait par le score de 23 points à 19 et que la Belgique l'emporta finalement par 51 points à 38. Au cours des trois dernières minutes de jeu, l'inter- nationri déclara : « Les Tchèques m'ont bien déçu ; je les croyais plus forts ». Comme nous lui faisions remarquer qu'à notre avis les Tchécoslovaques étaient très forts, mais qu'ils avaient perdu pour avoir, sans raison valable, adopté la défense individuelle pendant toute la deuxième mi-temps, l'international s'écria : « C'est exact ! Je 51 Revue EP.S n°50 Mai 1960. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés

LE BASKET-BALL je simplu, e - CERIMESuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70050... · 2014. 11. 21. · LE BASKET-BALL je simplu, e PAR ROBERT MÉRAND . Professeur à

  • Upload
    others

  • View
    10

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: LE BASKET-BALL je simplu, e - CERIMESuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70050... · 2014. 11. 21. · LE BASKET-BALL je simplu, e PAR ROBERT MÉRAND . Professeur à

LE BASKET-BALL, jeu simple

PAR ROBERT MÉRAND

Professeur à l'E.N.S.E.P. (jeunes gens)

(Suite, voir E.P.S. n0 44, 45, 46)

Avant 1938, la théorie du basket-ball était encore dans les langes.

On ne savait pas et l'on ne faisait rien pour savoir. Tout était tellement simple qu'on pouvait même pré­

tendre que les meilleurs étaient les perdants. Il s'agissait, évidemment, de cette naïve (impli­

cite qui accompagne « une stupéfiante ignorance de la technique ».

Mais, comme cela se dit aujourd'hui, la question de mettre fin au règne de cette ignorance était venue à maturité.

R. Perrier pouvait écrire : « Au lieu de g a r d e r un bandeau noir sur les yeux , regardez , construisez pour l 'avenir , demandez des t uyaux , instruisez-vous ».

1939 : La p r épa ra t i on de l 'Equipe de F r a n c e Uni­vers i ta i re , sous la direct ion de FLOURET, et grâce à l ' impulsion de FREZOT, m a r q u e r a la p remiè re t en ta t ive pour rechercher « les lois de la t echn ique » et en assure r la maî t r i se dans l 'application.

Nous avons ind iqué les é t apes du lent cheminemen t qui représente , p e n d a n t vingt ans , l 'é laborat ion pro gressive d 'une théor ie va lab le du basket-bal l .

I l n 'es t pas dans no t re propos d'en m o n t r e r le détai l , mais nous voulons, cependan t , insister t rès for tement sur u n e des difficultés ma jeures qu ' i l a fallu sur­mon te r ap rès en avoir pris conscience.

Ar i s to te disai t déjà que celui qui n e fait r ien, ne connaî t r ien et n e comprend r ien. Mais on sai t éga­lement q u e les sensat ions peuven t parfois t r o m p e r l 'homme, car ce qu 'on voit ne coïncide pas toujours avec l 'essence réel le des phénomènes . Un bâ ton plongé dans l 'eau nous semble brisé. Il nous semble que le soleil fait le tour de la t e r r e en v ing t -qua t re heures . Mais ce n 'es t qu ' une apparence .

Lorsque les techniciens du basket -ba l l ont essayé d ' a r r ache r « le bandeau noir ». il a fallu un assez long m o m e n t pour comprendre tou te la signification profonde de cet adage :

« Ils ont des yeux et ils ne voient pas. ». En témoignent , ces deux é tudes que nous avons

publiées en 1951 :

1 . Quelques exemples d'erreurs commises dans l'observation de la réalité des matches.

L'observat ion d 'une rencont re , l ' analyse précise de la s i tuat ion, la facul té de t rouve r la jus te solution a u x problèmes q u e le ma tch pose à l 'équipe, bref,

la maî t r i se d e la réal i té concrète , sont des a rmes que le m a n a g e r doit savoir m a n i e r avec br io .

Or, sur tous ces points , l ' é tude sys témat ique des rencont res des Championna t s d 'Europe de basket , organisés à Pa r i s en mai 1951, nous a permis de t i rer un cer ta in n o m b r e d 'ense ignements .

E t tou t d ' abord qu' i l y a des difficultés à voir ce qui se passe effectivement p e n d a n t un match . Saisir avec un m i n i m u m d 'exac t i tude ce que font réel lement d ix joueurs , et in te rpré te r fidèlement ce que l'on voit n 'est pas aussi s imple qu 'on pour ra i t le penser . Les difficultés auxque l les se h e u r t e n t ceux qui sui­vent des ma tches , soit pour en donne r u n compte r endu dans la presse, soit pour en dégager des leçons techniques ou tac t iques , conduisent à commettre deux types caractéristiques d'erreurs, si l 'on n 'y prend garde. . .

Ce sont, en p remie r lieu, des erreurs d'observation qui t enden t à laisser dans l 'ombre des faits essentiels ou à déformer !a réa l i té el le-même.

En second lieu, et sur la base des e r r e u r s précé­dentes , se développent des fautes d'appréciation qui about issent à des conclusions peu conformes avec la réal i té .

C'est à pa r t i r des Championna t s d 'Europe que nous allons, p a r des exemples , ca rac té r i se r ces pr incipales fautes.

LES ERREURS D 'OBSERVATIONS :

I. — La plus courante consiste à ne pas voir ce qui se passe réellement sur le terrain. Les exemples abondent , dans les comptes rendus de presse, de cette faute.

Nous voulons, ici, s implement en évoquer u n car il i l lustre les aspects les plus typ iques de l'insuffi­sance de l 'observat ion.

Nous avons suivi les pér ipét ies du m a t c h Belgique-Tchécoslovaquie en compagnie d 'un in te rna t iona l français , j oueur d a n s l 'équipe na t iona le 1951. Rap­pelons qu 'à la mi- temps, la Tchécoslovaquie menai t pa r le score de 23 points à 19 et que la Belgique l ' emporta finalement par 51 points à 38.

Au cours des trois dern ières minu tes de jeu, l ' inter-na t ion r i déclara : « Les Tchèques m'ont bien déçu ; je les croyais plus forts ».

Comme nous lui faisions r e m a r q u e r qu ' à notre avis les Tchécoslovaques é ta ien t t r è s forts, mais qu' i ls ava ien t pe rdu pour avoir , sans ra ison valable , adopté la défense indiv iduel le p e n d a n t tou te la deux ième mi- temps, l ' in te rna t iona l s 'écria : « C'est exac t ! J e

51

Revue EP.S n°50 Mai 1960. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés

Page 2: LE BASKET-BALL je simplu, e - CERIMESuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70050... · 2014. 11. 21. · LE BASKET-BALL je simplu, e PAR ROBERT MÉRAND . Professeur à

n 'ava is pas r e m a r q u é qu ' i ls ne p ra t i qua i en t plus la défense de zone, comme en p remiè re mi- temps ».

Alors qu'il formulai t , p r imi t ivement , u n jugemen t su r la va leu r des joueurs , en t an t que tels, il s 'aper­çut qu' i l fallait s implement déplorer u n e faiblesse tac t ique .

Les événemen t s ont mont ré , p a r la suite, toute l ' impor tance d 'une observat ion exac te de cet te ren­contre . Le ma tch Grèce-Tchécoslovaquie , en effet, mon t ra :

1° Que le m a n a g e r grec ava i t compris cet te faute lac t ique de la Tchécoslovaquie ;

2° Qu'il avai t donné à son équ ipe des consignes pour amene r la Tchécoslovaquie à r ecommet t r e la même faute ;

3° Que la Tchécoslovaquie , é t an t tombée dans le piège, eut toutes les peines du monde à obteni r le ma tch nul (38-38) à la fin du t emps régle­m e n t a i r e ;

4° Que la Tchécoslovaquie ayant corr igé enfin son e r reur , la Grèce fut écrasée pendan t la prolon­gat ion (score final : 54-40).

De ces deux exemples , il faut r e ten i r u n cer ta in nombre de carac té r i s t iques :

1° Le fait qu ' un in terna t ional , donc un personnage t rès au couran t des choses du basket , commet te des e r r e u r s de cet te impor t ance doit inci ter à la p ru ­dence et à la plus g rande a t ten t ion dans l 'obser­vat ion.

2° Le fait q u e l ' e r reur concerne un aspect aussi typ ique du jeu que l'est la défense, signifie que l 'organisat ion de l 'observat ion doit englober les aspects les plus s imples, tout a u t a n t que les plus détai l lés du jeu.

3° Les répercuss ions de telles e r r eu r s sont grosses de conséquences p ra t iques car le m a n a g e r grec, sur la seule base fournie pa r l 'appréciat ion de not re in te rna t iona l , n ' au ra i t j a m a i s pu obtenir le ma tch nul cont re la Tchécoslovaquie .

4° Le m a t c h nul à la fin du temps rég lementa i re m a r q u a i t le t r iomphe d 'une observat ion exac te et d 'une jus te apprécia t ion des faiblesses t ac t iques de la Tchécoslovaquie .

I I . — La deuxième erreur, également très répandue, consiste à voir autre chose que ce qui se passe réel­lement. Il ne s'agit pas ici d 'une insuffisance de l 'observat ion ; il y a la déformat ion de la réa l i té . Ce qui est plus grave , bien sûr, lorsqu 'on aborde les répercuss ions p ra t iques concernant l ' en t ra înement ou le m a n a g e r a t d 'une équipe .

Là aussi , les exemples abondent . Nous n 'en ci terons que trois parce qu ' i ls re lèvent de personnages connais­san t bien le basket .

P r e m i e r exemple :

U n in te rna t iona l français, journa l i s te d'occasion pour les Championna t s d 'Europe, écri t au sujet de la finale U.R.S.S.-Tchécoslovaquie :

« Heureusement , Mrazek mystifia souvent par sot: mé t i e r et son au toma t i sme un Kork id ja moins bri l lant qu ' à l 'accoutumée. . . »

Cet te s imple ph ra se contient deux e r r eu r s : a) L 'une concerne la personne qui m a r q u a i t

Mrazek ; b) L ' au t r e concerne la man iè re dont Mrazek a joué

vis-à-vis de son adversa i re direct . Voyons la p remiè re inexac t i tude : Mrazek (n° 17) n 'é ta i t pas m a r q u é par Korkid ja

(n° 10), mais p a r Koniev (n° 9).

Sur ce point, ce r ta ins peuvent penser que l ' in ter na t ional - journal i s te s'est t r ompé en identifiant l'ad­versa i re de Mrazek, et qu ' i l n 'y a pas lieu d ' inscr ire cet te fau te au compte des erreurs d'observation du jeu.

Mais nous avons deux raisons de penser qu'il s 'agit d 'une inexact i tude concernan t la réal i té du ma tch :

1° Notre international connaît fort bien Korkidja et Koniev. Depuis 1947, il a eu l'occasion de rencon­trer les deux joueurs assez souvent pour ne pas se tromper sur leurs personnes ;

2° Le sys tème de m a r q u a g e des Soviét iques avec flottement d'un joueur devant Mrazek amena sou­vent Korkid ja à occuper cet te place, et c'est proba­b lement sur ce fait, perçu de man iè re superficielle, que l ' inexac t i tude a pr is corps.

Q u a n t à la deux ième inexact i tude , ce sera l 'objet de no t re deux ième exemple .

Deuxième exemple :

Notre in terna t ional - journa l i s te ne fut pas le seul, en effet, à p ré tendre que Mrazek mystifia son adver­sai re direct , en l 'occurrence Koniev . Ce fut m ê m e comme un « mot d 'ordre » qui fut lancé, car on peut lire dans la p lupar t des é tudes consacrées a u x Cham­pionnats d 'Europe : « Mrazek mystifia Koniev ».

Et cependant , le fait est là, et la réal i té nous oblige à d i re que Koniev fut précisément le seul joueur que Mrazek ne pa rv in t pas à t romper avec sa fameuse feinte du pivot.

II s'agit de l 'action de jeu su ivan te :

a) Dr ibb le du poste au pivot avec la ma in gauche ;

b) Ar r ê t b r u s q u e avec feinte de tê te ;

c) L ' adversa i re sau te pour pa re r éventuel lement au shot de la ma in gauche ;

d) Shot en re t r a i t et à l ' in tér ieur de la main droi te .

Or, Koniev n 'a j a m a i s sau té sur cet te feinte de Mrazek. C'est le seul adversa i re de Mrazek oui n 'a i t pas sau té sur ses feintes. Il y a d 'a i l leurs une bonne raison à cela : Koniev s'était spécia lement p répa ré au m a r q u a g e de Mrazek.

Si l'on examine les points m a r q u é s par Mrazek et la m a n i è r e dont ces points ont été acquis, on t rouve u n e confirmation de ce qui précède :

En première mi-temps : Mrazek m a r q u e un panier et deux coups-francs.

En deuxième mi-temps, dans les dix p remières minu tes : Mrazek m a r q u e deux paniers dont u n sur C.A. et un coup-franc. Puis Koniev ayan t t rois fautes personnelles, dans les dix dern ières minutes , Mrazek m a r q u e trois paniers et un coup-franc.

Troisième exemple :

Au sujet du ma tch Bulgar ie-Turquie , un journal is te écri t :

« Excel lents dans les cont re-a t taques , pratiquant une bonne défense de zone, les Bulgares réussisent de n o m b r e u x points à mi-dis tance. »

Or, les Bulgares n ' employèren t j ama i s la défense de zone ; ils jouèrent tous leurs matches avec une défense individuel le .

Ce t rois ième exemple nous a pa ru digne d 'ê t re cité, car, aussi incroyable que cela para isse , il n 'y a pas beaucoup d ' en t ra îneurs qui pa rv iennen t à iden­tifier avec exac t i tude les t ac t iques offensives ou défensives des équipes qu ' i ls t en ten t d 'observer .

Ainsi , dans la p ra t ique , une observat ion des mat-

52

Revue EP.S n°50 Mai 1960. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés

Page 3: LE BASKET-BALL je simplu, e - CERIMESuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70050... · 2014. 11. 21. · LE BASKET-BALL je simplu, e PAR ROBERT MÉRAND . Professeur à

A

P r e m i è r e m i - t e m p s du récent F r a n c e - T c h é c o s l o v a q u i e .

La p h o t o g r a p h i e A m o n t r e l ' a b o u t i s s e m e n t d 'une a t t a q u e t c h è q u e , la p h o t o g r a p h i e B la fin d 'une c o n t r e - a t t a q u e .

Le j o u e u r en p o s s e s s i o n du b a l l o n se t r o u v e , d a n s ces d e u x p h a s e s de j eu , a u x p r i s e s a v e c q u a t r e j o u e u r s de l ' é q u i p e d e F r a n c e .

II e n f u t p r a t i q u e m e n t a ins i tout au l o n g de ce t te p r e m i è r e par t i e du m a t c h car l ' o r i e n t a t i o n g é n é r a l e de l ' é q u i p e t c h é ­c o s l o v a q u e fut : le t ir s o u s le p a n i e r .

O r i e n t a t i o n e r r o n é e , t r a d u i s a n t u n e a n a l y s e e n c o r e t rop i m p r é c i s e du r a p p o r t réel des f o r c e s en p r é s e n c e .

B

Revue EP.S n°50 Mai 1960. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés

Page 4: LE BASKET-BALL je simplu, e - CERIMESuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70050... · 2014. 11. 21. · LE BASKET-BALL je simplu, e PAR ROBERT MÉRAND . Professeur à

ches, non organisée sys témat iquement , se t r adu i t par deux séries de faits :

1° En premier lieu, il n 'est r e t enu de cet te réal i té qu 'une série de données , f ragmenta i res et souvent t rès superficielles ;

2° Ces insuffisances ont pour complément inévi­table une déformat ion du réel pouvan t al ler jusqu 'à l ' e r reur totale , jusqu ' à la négat ion de ce réel .

A pa r t i r de ces fautes, se développent ensui te ce que nous avons appelé les e r r eu r s d ' in te rpré ta t ion des résul ta ts .

LES E R R E U R S D ' I N T E R P R E T A T I O N

I. — La p remiè re découle d i rec tement du ca rac tè re superficiel de l 'observat ion. Elle consiste dans une incapacité notoire ri découvrir les causes fondamen­tales ou réelles de tel ou tel aspect du jeu.

Voici un exemple t i ré d 'un compte r endu de presse : « U.R.S.S. bat Tchécoslovaquie, 53-37 : le m a t c h

vede t te de la journée d 'hier é tai t la rencont re de poule B Tchécoslovaquie-U.R.S.S. D 'aucuns d i ront q u e l'on faillit assister à u n e surpr i se t a n t il est v ra i que l'U.R.S.S. é ta i t menée 10-1 après q u a t r e mi ­nutes de jeu .

En effet, on r e m a r q u a i t que la défense des Sovié­t iques flottait dangereusement . Habi tués , dans les jours passés, d e v a n t des équipes d 'une classe t rès infér ieure, à re lâcher leur m a r q u a g e à l ' a r r iè re , ils la issaient des t rous et l'on vi t le Tchèque Kozak shooter p a r deux fois t r anqu i l l emen t à mi-dis tance et réuss i r q u a t r e points coup sur coup. »

Ainsi, l ' au teur de ce compte r endu notai t un fait : après q u a t r e minu tes de jeu, la Tchécoslovaquie mène 10 à 1.

Pourquoi ? L a défense soviét ique flotte dangereu­sement .

L a preuve ? Les deux t i rs à mi-dis tance de Kozak. Comment expliquer cela ? Le r e l âchement de la

défense consécutif au m a r q u a g e facile contre les adversa i res de classe infér ieure des matches précé­dents .

Si ces observa t ions sont jus tes , le m a n a g e r de l 'équipe de l 'U.R.S.S. aura i t dû p r end re les mesures su ivantes :

1° Changer le joueur qui m a r q u a i t Kozak. Ce joueur é ta i t Lagunav i t chus ;

2° Donner des consignes pour remédie r à ce mar ­quage défectueux.

Or, le m a n a g e r de l 'U.R.S.S. a bien pr is des mesures , mais elles ne cor respondaien t pas du tout aux conclu­sions que la logique a u r a i t t i rées des observat ions du journa l i s te .

Cer tes , la défense soviét ique flottait dange reu ­sement . Mais le fait dominan t des q u a t r e p remières minu tes ne rés ida i t pas dans les deux pan ie r s m a r ­qués pa r Kozak. L e fait dominan t é ta i t dans la m a n i è r e dont les t rois au t r e s paniers ava ien t é té ob tenus : tous les trois sur contre-attaque à la suite d'interception sur mauvaises passes de l'attaque sovié­tique.

Les Soviét iques , pour la p remiè re fois depuis le commencement du tournoi , ava ien t affaire à une défense de zone. Il leur fallait procéder à une a d a p ­ta t ion de leurs passes et, su ivan t les joueurs , cela se fait plus ou moins rap idement .

Kon iev se m o n t r a le plus défec tueux sur ce point et ses mauva i ses passes furent à l 'origine des con t re -a t t aques tchécoslovaques.

La défense soviétique flottait parce que son attaque flottait dangereusement, notamment en la personne de Koniev.

C'est pourquoi le m a n a g e r soviét ique mit Koniev sur la touche et modifia l ' a t t aque de son équipe . A pa r t i r de ce changement , l 'équipe de l'U.R.S.S. r emonta à la m a r q u e .

II . — La deux ième faute consiste à porter , sur tel ou te l aspect du jeu, des j ugemen t s dans l 'absolu, en dehors des conditions re la t ives qui ont en touré le dé rou lement des faits.

Le plus typ ique des exemples qui , encore sur ce point, n 'ont pas m a n q u é aux Championna t s d 'Europe, reste encore les appréc ia t ions des journal is tes sur la défai te de la Tchécoslovaquie face à la Belgique.

L a Tchécoslovaquie a pe rdu p a r 51 points à 38. A cet te défaite, il y a des ra isons . Voici celles que les journa l i s tes spécialisés ont t rouvées .

L 'un d 'eux « a t t enda i t beaucoup des Tchécoslova­ques . Eh bien ! avouons qu'i ls ont déçu. Surpr i s dès le dépa r t p a r le pressing belge, ils se cont rac tèrent et se mo n t r è r en t imprécis et maladro i t s . Mrazek qui a pris du poids a perdu de son efficacité... et ses jeunes équipiers péchèrent par manque de métier ».

Un a u t r e déclare : « Les Tchèques ont déçu.. Où sont les Benacek, Krepela , Belovadsky et au t res Trpkos ? Depuis 1947, l 'équipe s lave n 'a guère évo­lué. L e seul ancien, Mzarek , a bien vieilli... Comme ses nouveaux compagnons, l'ancienne étoile tchéco­slovaque manque totalement de v i ta l i té . Quant aux Belges, ils seront , dans les poules demi-finales, p lus d a n g e r e u x que les Tchécoslovaques , bien pâles en vér i té . »

U n au t r e est ime : « Nous sommes loin, t rès loin, des vi r tuoses de P r a g u e en 1947. La jeune génération n'a pas les qualités de l'ancienne. »

Ainsi l 'accord semble se réal iser q u a n t aux causes de la défaite tchécoslovaque :

1° La j eune généra t ion n 'a pas les qual i tés d e l 'ancienne ;

2° Elle m a n q u e to ta lement de vi ta l i té ;

3° Le seul surv ivant , Mrazek, a pris du poids et a bien vieilli.

Aucun de ces personnages « compétents » n 'est f rappé par ces deux faits que nous avons déjà sou­lignés :

1° A la mi- temps, la Tchécoslovaquie mène p a r 23 à 19 ;

2° En deux ième mi- temps, une grossière e r r e u r de t ac t ique défensive est à la base de sa déroute .

Non, les causes sont ai l leurs. Ont-ils une vue jus te de la réal i té ?

Laissons-les répondre eux-mêmes : Comment expl iquent- i ls , en effet, les matches sen­

sat ionnels disputés ensui te p a r la Tchécoslovaquie ? Voici les commenta i res des mêmes journal is tes concer­nan t la rencont re Tchécoslovaquie-I tal ie (66-34) :

1° « Avec u n e facilité déconcer tante , la Tchéco­s lovaquie a disposé de l ' I talie. Ce qui p rouve que la défai te de l ' au t re soir devan t la Belgique n 'é ta i t qu ' un accident pour u n e équipe qui , d 'ores et déjà , peut p ré t endre accéder à la finale ».

2° « Les Transa lp ins ont é té ne t t emen t dominés, r idiculisés m ê m e pa r moments . Le cen t re tchèque . Mrazek —- on le croyait alourdi — est aussi fort qu 'en 1947 ».

3° « Feu Mrazek. On ava i t en te r ré bien vi te celui que nous présent ions comme un ancien champion. Mrazek a é té h ier ex t r ao rd ina i r e d 'adresse , d 'oppor­tuni té , de vir i l i té même . Il n'a rien perdu de ses qualités. Feu Mrazek est ressuscité ».

Voici encore un commenta i r e relatif à la finale U.R.S.S.-Tchécoslovaquie (45-44) :

54

Revue EP.S n°50 Mai 1960. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés

Page 5: LE BASKET-BALL je simplu, e - CERIMESuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70050... · 2014. 11. 21. · LE BASKET-BALL je simplu, e PAR ROBERT MÉRAND . Professeur à

« Les Tchécoslovaques , toutefois, ont bien failli p r e n d r e leur r evanche de 1947. Depuis P r a g u e , si le basket sovié t ique a vieilli, s'il n ' a pas renouvelé ses cadres e t évolué vers u n modern i sme intégral , le jeu tchécoslovaque a progressé. Cet te na t ion a parfa i te­m e n t assimilé les règles et, devan t la défense de zone des Tchèques , les Russes demeurè ren t comme p a r a ­lysés. Il fal lut tou te l ' adresse d 'un B u t a u t a s pour compenser la supér ior i té t ac t ique d 'un Mrazek, magn i ­fique pivot d 'une a t t a q u e aux combinaisons bien réglées et efficaces. »

Ainsi , c'est clair . Ceux qui jugen t superficiel lement et d a n s l 'absolu sont condamnés à adorer ce qu' i ls b rû l a i en t la veille.

Mais u n tel désarro i ne sau ra i t a u c u n e m e n t a r m e r efficacement un en t r a îneu r ou un manage r pour dir i ­ger u n e équipe .

2 . Mécanisme de l'observation.

Les insuffisances dans l 'observat ion de la réal i té des ma tches , les e r r e u r s dans l ' in te rpré ta t ion des résu l t a t s de telle ou tel le rencont re , les jugemen t s cont radic to i res qu i s'en suivent , l ' impuissance à saisir ce qu i se passe rée l lement , tou t cela p rend sa source dans le mécan i sme de l 'observat ion et dans le fait que ce mécanisme est t r o p souvent méconnu.

C'est e n ass i s tan t à un compte r endu des J e u x Olympiques de 1948, au cours duque l Busnel t i ra i t les leçons de la r e m a r q u a b l e expér ience de not re équipe nat ionale , finaliste o lympique , que nous avions é té amenés à poser cet te quest ion du mécan i sme de l 'observat ion des ma tches .

I. — L E S DEUX S T A D E S DE L 'OBSERVATION D ' A P R E S L ' E X P E R I E N C E DU B A S K E T

P a r l a n t de son rôle de manage r , Busne l fit quel­ques r e m a r q u e s sur le t r ava i l qu i consistai t à al ler voir des rencont res d isputées p a r les adversa i res fu turs de la F r a n c e .

L 'obje t de ce t r ava i l é t a n t de p r e n d r e la mesure d e ces adversa i res , de d i scerner les difficultés qu' i ls posera ien t et . p a r sui te , de p r é p a r e r de façon adé­qua t e no t re équipe à les affronter.

En p remie r lieu, Busne l soul igna le choc émotion­nel qu ' i l ressentai t , inévitablement, au cours de la présen ta t ion des équipes et des premières phases de jeu. En par t icul ier , les ca rac tè res n a t i o n a u x pro­pres à chaque format ion é t r a n g è r e (équipements , cris, aspect a th lé t ique e t morphologique , mise en t r a in ) en ra ison de leur nouveau té , de ce qu ' i ls com­por ta ien t d ' inhabi tuel , renforça ient l ' impression que chaque adversa i re é t a i t a u t a n t de redoutab les incon­nues , a u t a n t d 'obstacles insurmontab les .

De même , les p remières minu tes , voi re tou te une mi- temps du ma tch , confirmaient ces impressions péni­bles, cet te appréc ia t ion conduisan t à envisager avec pess imisme le résu l ta t p robab le de l 'équipe de F r a n c e cont re de tels adversa i res .

Busnel nota q u e ce choc émot ionne l l ' amenai t à réagi r comm e la foule des spec ta teurs . Il v iva i t le m a t c h comme eux , c 'est-à-dire concent ra i t son atten­tion sur le va-et-vient de la balle.

Ensui te , Busnel r e m a r q u a qu 'en fa isant un effort pour s 'évader de l ' emprise d u jeu et pour ana lyser la rencont re p rop remen t di te , ce qu i supposait qu'il ne s'occupait plus en premier lieu de la balle, il commençai t à se rassure r , c a r il cons ta ta i t alors q u e tel ou tel joueur ut i l isai t telle ou telle m a n i è r e pour feinter ou shooter , pour défendre ou pour se démar ­quer , commet ta i t telle ou telle faute , bref n 'é ta i t pas aussi ex t r ao rd ina i r e qu' i l lui ava i t semblé au p remie r abord.

Busne l pouvai t alors ê t re en mesure de dresser un bi lan d e ce qui étai t v r a imen t la force de l 'adver­sa i re éventue l , mais aussi ses faiblesses. Les chances de l 'équipe de F r a n c e commença ien t à se faire jour . Un opt imisme ra i sonné faisait place au ven t d e dé rou t e qui agi ta i t l 'esprit de l ' en t ra îneur na t iona l pendan t la p remiè re phase de son observat ion .

Au s tade p r imai re , spontané , de l 'observat ion avai t succédé un s t ade méthodique , organisé .

Alors que dans la p remiè re phase , c 'étai t le fac­t eu r émot ionnel qui l ' emporta i t , le facteur ra t ionnel p rédomina i t dans la phase su ivan te .

De simple spectateur, Busnel devenait le manager. A u lieu de su ivre le ma tch et de le « v ivre », il

passai t à l ' analyse du jeu et pa rvena i t à la connais­sance des difficultés e t des possibili tés qu i a t ten­daient l 'équipe de F rance .

Aussi , à pa r t i r de cet exemple , que lques conclu­sions peuvent ê t re t i rées :

1° Su ivan t la m a n i è r e dont le ma tch est observé , les résu l ta t s de ce t r ava i l peuven t ê t r e diffé­rents , voi re opposés ;

2° Les e r r eu r s et les difficultés é tudiées précédem­m e n t sont liées à u n n iveau é l émen ta i r e de l 'observat ion ;

3° Pour éliminer ces erreurs et surmonter les dif­ficultés, il faut transformer l'observation, la por­ter à un niveau supérieur.

Il faut donc approfondir cet te ques t ion des deux é tapes carac té r i s t iques du mécan i sme de l 'observa­tion, dé te rmine r les phénomènes qui sont liés à cha­cune d'elles ainsi que rechercher les r appor t s qui se nouent en t re elles.

II. — LE S T A D E E M O T I O N N E L ET LE STADE RATIONNEL DE L 'OBSERVATION

Au p remie r s tade, un m a t c h c'est essent ie l lement une bal le qu i se déplace d 'un pan ie r à l 'aut re , ou, pour ceux qui voient plus en détai l , d 'un joueur à l ' au t re .

C'est à pa r t i r des m o u v e m e n t s de la bal le que se forgent des sensat ions, q u e naissent des impressions , qu 'une liaison généra le s 'é tabl i t en t r e les é léments des équipes qu i s 'affrontent.

L a façon d ' appa ra î t r e de te l ou te l j oueu r dans le c h a m p visuel des observa teurs , les aspects par t icu­liers d e telle ou telle phase de jeu sont subordonnés à ce l ien ex te rne que const i tue la bal le d a n s le déve­loppement d 'un ma tch .

Ce qui, a p p a r e m m e n t , lie les joueurs e n t r e eux, d 'une pa r t et, d ' au t r e par t , lie les joueurs a u x obser­va teurs , c'est la bal le .

Tel est le premier degré de la connaissance d'un match. C'est à ce degré que se mani fes ten t les réac­t ions émot ionnel les des obse rva teu r s qui , au lieu d 'ana lyser le jeu, suivent les pér ipét ies du m a t c h ainsi que le font les spec ta teurs .

A ce degré, les obse rva t eu r s sont encore inca­pables d 'é laborer des j ugemen t s approfondis ou de t i rer des conclusions conformes à la logique.

Ce sont des spectateurs, ce ne sont pas des tech­niciens.

C'est à ce degré que Busnel , a u x J.O., préoccupé de conna î t re les difficultés qu i a t t enden t l 'équipe de F rance , est t en t é de les grossir, de les é tud ie r d e façon un i la té ra le et d 'en t i r e r des déduct ions par t rop pessimistes.

C'est à ce degré que tel au t r e , p a r t rop confiant dans la va leu r de son équipe , ne ve r ra , au cont ra i re , que les faiblesses du procha in adve r sa i r e e t en t i re ra des conclusions p a r t rop opt imistes .

C'est en s ' appuyan t sur le fait que la major i t é

55

Revue EP.S n°50 Mai 1960. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés

Page 6: LE BASKET-BALL je simplu, e - CERIMESuv2s.cerimes.fr/media/revue-eps/media/articles/pdf/70050... · 2014. 11. 21. · LE BASKET-BALL je simplu, e PAR ROBERT MÉRAND . Professeur à

des spec ta teurs en res te à ce degré que les H a r l e m Globe Tro t t e r s ont conçu leur démons t ra t ion .

C'est une des caractéristiques du degré émotion­nel de l'observation de traduire, en les renforçant, les préoccupations des observateurs qui s'en tien­nent là. Il suffit de se r epor te r a u x commenta i res des journa l i s tes concernan t les Championna t s d 'Eu­rope 1951 pour se convaincre de l 'existence d 'un tel s tade d 'observa t ion et du fait que la p lupa r t des spécialistes de la presse spor t ive en res tent préci­sément à ce s tade .

L e second s tade de l 'observat ion représen te un pas immense en profondeur .

La balle, à ce s tade, expr ime , pa r ses déplace­ments , la m a n i è r e dont s 'établissent, se nouen t et se dénouen t les r appor t s en t re pa r t ena i r e s et adver ­saires, plus exac tement en t r e a t t a q u a n t s et défen­seurs .

C'est en portant l'attention sur ces rapports (et non plus sur la balle) qu'il est possible de les déceler et de les comprendre, d'une par t , et, d'autre part de comprendre les déplacements de la balle qui en dé­coulent.

A ce degré de l 'observat ion, il faut commencer par embrasser la totalité de la réalité d'un match.

I l faut ensui te péné t r e r la complexi té des l iai­sons in ternes qui s 'établissent en t re les deux forces adverses , éga lement en t re les joueurs d 'une m ê m e équipe .

Ce sont ces l iaisons in te rnes qu i deviennent l 'essen­tiel, con t ra i r ement au s tade é lémenta i re qui s 'a r rê ta i t au lien ex t e rne qu 'es t la balle.

Au lieu d'aborder l'observation des joueurs par l'intermédiaire de la balle, on aborde l'étude des mouvements de la balle par l'intermédiaire de ce que font les joueurs.

D'ores et déjà, chacun peut préssent i r que les faits recueil l is à ce n iveau de l 'observat ion vont différer, en quan t i t é et en qual i té , de ceux qui sont r e t enus au n iveau émot ionnel .

Ils diffèrent de nature, exac tement comme sont différentes deux choses ident iques dont Tune serai t su r la t ê te et l ' au t re sur les pieds.

C'est à ce n iveau ra t ionnel que l 'é tude d 'un ma tch est remise à l 'endroi t et c'est pourquoi , à ce n iveau , il est possible de déceler les e r r eu r s et les insuffi­sances du n iveau inférieur , éga lement de t i re r des conclusions conformes à la logique.

Toutefois, il est nécessai re de préciser q u e le degré émot ionnel e t le degré ra t ionnel font pa r t i e d 'un mécan i sme un ique de l 'observat ion. On ne saura i t les sépa re r l 'un de l ' au t re . La p ra t ique de l 'observat ion m o n t r e que le p r emie r pas consiste à p r end re contact d 'emblée avec les c i rconstances du ma tch . C'est le degré sensible.

Le second pas consiste à faire la somme des docu­men t s fournis pa r la percept ion sensible, à les mettre en ordre et à les réorganiser. Seule l 'existence de documents p le inement suffisants, fournis pa r la per ­ception sensible organisée (et non des données dispa­ra tes et incomplètes) et leur conformité avec la s i tua­t ion réelle (et non avec une percept ion erronée) per­me t t en t d 'é laborer des déduct ions jus tes et logiques.

L e t rois ième pas consiste à assimiler la n a t u r e du jeu de basket , à éc la i rer les lois du jeu, à a t t e indre vé r i t ab lemen t les l iaisons in ternes p ropres à tel ou tel phénomène observé dans le jeu.

Ce t te ass imilat ion ne peut se faire q u e sur la base du second pas ainsi défini.

C'est pourquoi nous devrons envisager la quest ion de l'organisation d'une perception juste du jeu et celle de la somme des documents ainsi élaborés.

(à suivre)

R. MÉRAND

UNE ÉCOLE D'HUMANISME ET DE SPORT

AU XVème SIÈCLE

(Suite et fin, voir E.P.S. n° 49)

C 'est ainsi qu'unissant à tous les niveaux la théorie et la pratique, prêchant d'exemple dans ses leçons de

morale comme sur le terrain d'exercices, participant lui-même, et tant que ses forces le lui permirent, aux tra­vaux et aux jeux de ses « enfants », qu'il s'agisse de mathématiques, de latin, du jeu de paume ou des parties de natation dans lu portion du canal qui baignait les jardins de la « Giocosa », Vittorino da Feltre représente à nos yeux non seulement le type accompli du pédagogue Renaissant, mais encore un précurseur de haute classe de ce que l'on appelle couramment de nos jours la « péda­gogie nouvelle ». Dans un climat spirituel et dans des conditions sociales et économiques sans commune mesure avec ce que les nations modernes et les mœurs du xxe siècle peuvent offrir au dynamisme créateur de maîtres entièrement dévoués à la jeunesse, le directeur de l'école de Mantoue sut réaliser, au cours de la seconde partie de son existence, qui fut sa véritable vie, un programme conforme à sa philosophie de l'homme. Car il n'est pas de pédagogie générale ni d'éducation physique en particulier qui puisse apporter des fruits indépendamment d'une vision globale de l'homme, et de l'homme dans la société où il sera amené à vivre, ou dans celle qu'il contribuera à façonner. Vittorino était le modèle achevé de l'humaniste chrétien, ce qui signifie qu'en un temps de rivalités politiques, de trahisons et de guerres, à une époque où la « virtu » dispensait les Grands des vertus morales et religieuses que leur avaient enseignées leur précepteur ou leur confesseur, il apparut comme le conci­liateur d'exigences et même d'esprits opposés : l'esprit du gentilhomme et de l'homme de Cour, et celui du soldat en campagne, l'esprit du chef politique et celui du fils respectueux de l'Eglise apostolique et romaine, l'esprit de l'artiste et du lettré « Renaissant » et celui du diplomate avisé. Précurseur en cela — l'esprit religieux en plus — du célèbre Balthazar Castiglione, gentilhomme de Mantoue, au service également des marquis de Man­toue vers le début du XVIe siècle, et dont le « Courtisan » concilie lui aussi les exigences du corps, du cœur et de l'esprit.

Ce que nous pouvons retenir des idées et de la pratique de la pédagogie victorinienne en un temps où s'opèrent de profonds bouleversements sociaux et économiques et où de nouvelles tâches éducatives s'imposent aux maîtres, c'est d'abord la nécessité d'une éducation totale pour tous : éducation active de l'esprit et du corps, éducation morale et collective dans un cadre naturel où les jeunes

Revue EP.S n°50 Mai 1960. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés