Le Berbere Kabyle Salem Chaker

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  • 7/30/2019 Le Berbere Kabyle Salem Chaker

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    Inalco-Centre de Recherche Berbre Article paru dans [Encyclopdie berbre, XXVI, 2004, p.4055-4066]

    LE BERBERE DE KABYLIE (Algrie)par Salem CHAKER

    Le berbre parle en kabyle est, avec le touareg* et le tachelhit* du Sud-Ouestmarocain, une des varits rgionales les plus tudies et les mieux connues. Cest aussi cellequi a bnfici du processus de promotion et damnagement linguistique le plus prcoce et le

    plus avanc.

    Les donnes historiques et sociales expliquent aisment cette situation particulire ;principale rgion berbrophone, bastion dune forte et longue rsistance la pntration

    franaise au XIX

    e

    sicle, situe moins dune centaine de kilomtres de la capitale Alger, laKabylie a trs tt attir les descripteurs franais : explorateurs et voyageurs, militaires,missionnaires et scientifiques. Le kabyle a donc fait lobjet dune attention prcise et prcocecomme en tmoigne la publication ds 1844 du premier dictionnaire de cette langue. Entre1858 et 1873, le Gnral Hanoteau, vritable encyclopdiste de la Kabylie, publie lui seul :sa Grammaire kabyle (1858), ses Posies populaires du Jurjura (1867) et son uvremonumentale en trois volumes, La Kabylie et les coutumes kabyles (1873). Limpulsiondonne lors de ces premires dcennies de la prsence franaise en Algrie sera dcisive etsera rapidement relaye par de nouveaux types dacteurs, non moins productifs :

    Les religieux chrtiens (principalement de lordre des missionnaires dAfrique, les"Pres blancs" et "Soeurs blanches", fond par le cardinal Lavigerie en 1868/9), dont le travail

    de description de la langue berbre de Kabylie se poursuivra sur place sans interruptionjusquau milieu des annes 1970 ; il donnera le jour notamment la prcieuse srie du Fichierde Documentation Berbre (1946-1977) et au Dictionnaire kabyle-franais de Jean-MarieDallet (1982).

    A partir des annes 1880, les spcialistes franais de lUniversit dAlger qui avecRen Basset, qui fut Doyen de la Facult des Lettres, simposera vite comme le principal pledes tudes berbres jusqu la dcolonisation. La Kabylie tant toute proche, lenseignementdu berbre la Facult des Lettres dAlger et lEcole normale de Bouzarah, de mme queles recherches et publications des titulaires de la chaire de berbre (Ren et Andr Basset, puisAndr Picard) porteront principalement sur le kabyle ;

    Enfin, dans les dernires dcennies du XIXe sicle, les berbrisants autochtones,

    quasiment tous kabyles, mergeront de diffrents corps de lappareil administratif franais :interprtes-traducteurs militaires et civils (Ben Khouas, Cid Kaoui), instituteurs (dont le

    plus connu et le plus fcond fut Boulifa) ; puis, partir des annes 1930, hommes de lettres(Amrouche, Feraoun, Mammeri*).

    1

    Malgr le coup darrt qua reprsent la suppression de la chaire de berbre de laFacult des Lettres dAlger en 1962 et la mise en place dune politique linguistique etculturelle trs anti-berbre dans lAlgrie indpendante, ce capital scientifique et ce potentielhumain constitus pendant la priode franaise nallaient pas rester sans retombes et sanssuites : partir des annes 1960, de nombreux jeunes Kabyles, en Algrie et en France,sensibiliss par le travail des gnrations antrieures et les prises de positions de quelques

    rares rfrences en activit (principalement lcrivain Mouloud Mammeri), se mettront ltude de leur langue, soit dans un cadre acadmique, soit dans des cadres associatifs et

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    Inalco-Centre de Recherche Berbre militants. Ce double engagement dbouchera progressivement sur une vritable renaissancedes travaux et publications consacrs au kabyle : tudes descriptives dans le cadre desdiffrents courants de la linguistique moderne (Chaker, Mettouchi, Nat-Zerrad, Allaoua ettant dautres) ; tudes orientation plus applique, dans le domaine de lamnagementlinguistique : notation usuelle, didactique, terminologie (Achab, Nat-Zerrad).

    A partir de 1990, lassouplissement de la position des autorits algriennes vis--vis duberbre, avec la cration des Dpartements de Langue et Culture Amazigh lUniversit deTizi-Ouzou (1990), puis de Bougie (1991), va permettre larrive dune nouvelle gnration,

    bien plus nombreuse, de jeunes chercheurs berbrisants travaillant en Kabylie mme. En unedcennie, les travaux de cette nouvelle berbrologie kabyle ont significativement renouvel laconnaissance que lon pouvait avoir du kabyle, notamment de sa diversit interne (Cf. Noticesuivante Kabylie : Dialectologie par K. Nat-Zerrad).

    Quelques donnes sociolinguistiques

    La varit kabyle du berbre est la langue maternelle et usuelle de limmense majoritde la population de Kabylie : prs de 85% des habitants de lancien dpartement de Tizi-Ouzou ("Grande Kabylie") se dclare berbrophones natifs (recensement1 officiel algrien de1966). Il convient ce propos de souligner que les nombreux dcoupages et redcoupagesadministratifs de lentit go-linguistique kabyle oprs par lEtat algrien ont eu pourconsquence de fragmenter laire de la kabylophonie sur au moins cinq dpartements(wilayat). Tant et si bien que seules les dpartements de Tizi-Ouzou et de Bougie peuvent treconsidrs comme presque entirement berbrophones ; les autres fragments de laire kabylesont intgrs dans des units administratives priphriques, dont la plus plus grande partie estarabophone (Stif, Bouira, Boumerdes). Ce dmembrement administratif de la Kabyliehistorique et culturelle ne facilite videmment pas lvaluation dmographique de la

    berbrophonie dans la rgion.On peut nanmoins estimer, sur la base de la projection des chiffres connus, la

    population kabylophone environ 5,5 millions de personnes, dont 3 3,5 millions vivent enKabylie mme et 2 2,5 million constituent la diaspora, dans les grandes villes dAlgrie(surtout Alger), mais aussi en France o vivent probablement prs dun million de Kabyles.

    En Kabylie, lusage du berbre est tout fait prdominant ; langue dusage gnral dansles changes quotidiens, villageois et urbains, et pour toutes les gnrations, le berbre nest

    pas mme vraiment concurrenc dans les espaces officiels accessibles au public(administrations municipales, postes etc.) ; les seuls lieux de Kabylie o lon peut constater

    une prsence de larabe classique sont les espaces institutionnels formels, placs sous lecontrle direct de ladministration centrale de lEtat : Ecoles, tribunaux, gendarmeries Biensr, dans les zones de contact entre populations arabophones et berbrophones, le bilinguisme

    berbre/arabe dialectal est de rgle ; mais il nest pas toujours unilatral : dans de nombreuxcas, les arabophones apprennent et utilisent le berbre. Les deux capitales de la Kabylie,Bougie et Tizi-Ouzou, illustrent bien cette pression du berbre : dans les deux cits, le noyauhistorique ancien de la population tait arabophone ; lexode rural massif de laprs-

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    1 Ce recensement, qui a t le seul depuis lindpendance de lAlgrie comporter une questiuon sur la languematernelle, donnait en chiffres arrondis : 850.000 habitants pour le dpartement de Tizi-Ouzou (dont 85 % de

    berbrophones) et 1.300.000 pour celui de Stif (qui incluait Bougie), dont 40% de berbrophones, soit 500.000

    berbrophones pour la Petite Kabyle. Un total donc de 1.300.000 berbrphones pour la Kabylie, sur unepopulation globale de 12.379.000 ; auxquels il convient dajouter un bon million de personnes pour la diaspora,ce qui fait une population kabylophone totale de 2 2,3 millions en 1966.

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    Inalco-Centre de Recherche Berbre indpendance, a chang totalement le peuplement de ces deux villes et a gnralis lusage du

    berbre.

    En fait, en Kabylie, notamment dans les couches moyennes scolarises, cest plutt lefranais qui concurrence significativement le berbre, bien sr lcrit, mais aussi dans toutes

    les situations formelles ou requirant une certaine laboration linguistique (usages techniqueset scientifiques, politiques). Cette tendance est confirme par de nombreux indicesobjectifs : prgnance de la presse francophone en Kabylie (avec existence de plusieurs titresrgionaux), prgnance des chanes de tlvision franaises, multiplication des coles privesfrancophones, usage commercial et publicitaire quasi exclusif du franais Lvolution surce plan est tout fait impressionnante depuis le dbut des annes 1990 : dans les espaces

    publics en-dehors des sites officiels de lEtat central la langue arabe totalement disparuau profit du berbre (en notation tifinagh et latine) et du franais.

    Quelques traits linguistiques marquants du kabyle

    On rappellera en premier lieu que les varits rgionales actuelles du berbre (les"dialectes") rsultent du processus historique de longue dure darabisation dune partie dutrritoire de lAfrique du Nord ; la consquence mcanique de cette ralit, souligne dans lanotice Dialecte (EB XV, 1995), est que les "go-lectes" contemporains ne prsentent pasncessairement une profonde unit linguistique : ils rsultent de lassemblage "parsoustraction" de parlers qui, originellement, pouvaient appartenir des aires dialectalesdistinctes. Tel semble bien tre le cas de la Kabylie, comme tend le montrer la noticesuivante Kabylie : Dialectologie .

    Nanmoins, il existe une image, et sans doute une forme, dominante du kabyle, fondes la fois sur le poids dmographique, lextension gographique, la reprsentation dans lestudes berbres et la bibliographie ; la reprsentation aussi dans la production culturellemoderne que ce soit la chanson ou lcrit littraire. Il sagit de la varit de kabyle parledans ce quil est convenu dappeler la "Grande Kabylie" et principalement la Kabylie duDjurdjura ou Haute Kabylie, le kabyle des "Zouaouas", comme lon disait autrefois. Lenombre de travaux consacrs cette rgion depuis le XIXe sicle, mais aussi le poidsconsidrable quont jou les lites locales dans ltude et la valorisation du berbre deBoulifa Mammeri expliquent largement la prdominance et la visibilit de cette forme dekabyle. Les limites gographiques de ce "kabyle classique" sont assez floues et il nest passans connatre de sensibles variations (notamment phontiques) en son sein. Cependant, on

    peut en cerner les tendances lourdes.

    a) Phontique et phonologie

    Le kabyle, en dehors des franges de la Kabylie orientale, est caractris par une srie detraits phontiques, fortement reprsents, qui donnent ce dialecte une "identit phontique"marque :

    Spirantisation des occlusives

    b > b ([]) d > d ([]) > ([]) g > g ([])t > t ([]) k > k ([])

    (entre parenthses : API)

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    Inalco-Centre de Recherche Berbre La spirantisation qui est un affaiblissement de l'occlusion est systmatique et

    concerne toutes les consonnes, sauf dans quelques rares contextes protgs o la consonne estmaintenue occlusive ; il s'agit donc dans ce cas de variantes contextuellement conditionnes :Berbre (chleuh) t kabyle [t] tamart"vieille"

    [t] aprs /1/ ou /n/

    tamllalt"uf", ddant"elles sont alles"

    Berbre (chleuh) : d kabyle : [d] da, "ici"[d], aprs /1/ ou /n/anda "o ? " (comparez avec : anida)aldun "plomb"

    Berbre (chleuh) : k kabyle : [k] akal"terre"[k], aprs /r/, /l/rku "pourrir", tankra "se lever", tilkin "poux"

    Berbre (chleuh ) : g kabyle : [g] taga "carde"[g], aprs /r/, /n/argu "rver", ngef"haleter"

    On notera quen-dehors du kabyle, la spirantisation touche galement la plupart desdialectes berbres du Nord, l'exception du chleuh (o elle est trs localise et limite) ; maisen kabyle, cette tendance est particulirement forte et large et concerne toutes les occlusivessimples du berbre.

    Affriction des dentales (surtout [ts, tts], notes habituellement [, ], et des pr-palatales.

    Les affriques dentales sourdes [ts, tts] sont extrmement frquentes, notamment dansles parlers de Grande Kabylie. Elles correspondent toujours un [tt] tendu en chleuh et dansles autres dialectes berbres ; elles doivent leur frquence leur statut grammatical car [tt >tts] est la marque prfixe de laoriste intensif de nombreuses catgories de verbe (awittawi) et rsulte galement, de manire quasi obligatoire, de la squence /d + t/,

    particulirement frquente dans les syntagmes nominaux :prposition d "avec" + Nom fminin : tamart d wemar ("le vieux et la vieille"),

    mais : amar d temart> [amar ttemart] > [amar emart]morphme de prdication nominal d+ Nominal fminin : d amar ("cest un vieux"),

    mais : d tamart> [ttamart] > [amart] ("cest une vieille").

    En Grande Kabylie, l'extension du phnomne d'affriction varie selon les parlers et lescontextes (dans un contexte donn, certains parlers peuvent avoir [tt] au lieu de [tts]) ; on aura,

    par exemple :- [ttamart] (< /d tamart/), "cest une vieille / elle est ge", chez les At Yanni, mais :- [amart], chez les At Iraten.

    En Petite Kabylie, l'Est de Bougie, la dentale affrique disparat compltement etl'on a toujours maintien de [tt] (Cf. Notice Kabylie : Dialectologie ci-dessous). Enconsquence, [tts] doit tre considr comme une simple variante locale du /tt/berbre et nest

    pas not dans la notation phonologique ni dans l'criture usuelle.

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    Inalco-Centre de Recherche Berbre En revanche, les affriques pr-palatales [t] et [d] sont plus stables et nettement

    distinctives en kabyle et sont notes respectivement :[t] = : , "manger" (distinct de [], not cc (cri pourchasser un animal) ;[d] = : i"j'ai laiss" (distinct de i/jji "je suis guri".

    La labio-vlarisation : il sagit dune co-articulation vocalique furtive ([u/w], noteCw ou C, qui accompagne la labiale (bb) et les palato-vlaires (k/kk, g/gg, , x,q/qq) :yebba "il est cuit" ; aker"voler" : alem "chameau" ; ameqqran "grand"

    Le phnomne est largement rpandu dans tous les dialectes berbres Nord, aveccependant un frquence et une extension variable selon les parlers. Mais en kabyle :

    la labio-vlarisation est trs rarement distinctive et cette pertinence ventuelle esttoujours trs localise ;

    au sein des parlers qui connaissent la labio-vlarisation, celle-ci est souventinstable : des parlers voisins ne la placeront pas ncessairement sur les mmes squences(ainsi ameqqran "grand", chez les At Iraten, mais ameqqran chez les At Yanni) ;. certains parler de Petite Kabylie (Bougie et toute la cte de Petite Kabylie) ignorentcompltement la labio-vlarisation : aker "voler" (au lieu de aker), ameqqran "grand", aulieu de ameqqran, etc.

    Vocalisme et accentuation

    Le systme vocalique du kabyle est identique celui de tous les dialectes Nord, trssimple, rduit au triangle vocalique de base : /a/, /i/, /u/. Sur ce plan, le seul trait notable, maisqui demande encore de srieuses vrifications instrumentales, parat tre la frquence et laconsistance de la voyelle neutre [] qui, au niveau phonologique, doit tre considre comme

    un simple "lubrifiant phonique" destin viter les suites de trois consonnes, sans pouvoirdistinctif et lapparition prdictible. Si, pour ce qui est du statut de [], les donnes kabylessont celles de tous les dialectes berbres Nord, cette voyelle a en kabyle, contrairement autachelhit par exemple, une relle consistance phontique, notamment une dure souvent trs

    perceptible. Il nest pas mme totalement exclu que lon puisse trouver, sporadiquement, descas o ce schwa serait pertinent (par. ex. :sser"enseigner" sser"faire scher" ?).

    Au niveau de laccent, nos travaux (Chaker 1995b, chap. 8 et 1995c) ont montr que lekabyle un accent clairement mlodique (ou "musical", fond sur les modulations de lafrquence fondamentale, F), contrairement ce que pensaient et ont crit la plupart des

    berbrisants2. Sa position distingue assez systmatiquement le nom et le verbe. On ne dispose

    pas dtudes qui permettraient la comparaison avec les autres grands dialectes berbres ; il estcependant assez probable que cette nature musicale de laccent est propre au kabyle, ou entous cas, plus nettement marque dans ce dialecte.

    En dfinitive, lexception des affrique pr-palatales // et //, tous les sonsspcifiques du kabyle ne peuvent, du moins dans le cadre dune phonologie pan-kabyle, treconsidrs comme des phonmes, mais uniquement comme des variantes locales, voire micro-locales. Pourtant, au niveau perceptif et subjectif, ils donnent au kabyle une identit forte, parrapport aux autres varits de berbre et larabe dialectal environnant.

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    2 Les berbrisants qui se sont penchs sur la question voquent gnralement un accent dintensit, plutt faible(Basset, Willms ; sur ce point, voir nos travaux).

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    Inalco-Centre de Recherche Berbre La spirantisation gnralise, la frquence et la consistance de la voyelle neutre et un

    accent de type mlodique font que le kabyle est gnralement peru comme une langue chantante , volontiers compare langlais par les arabophones.

    b) Morpho-syntaxe

    Au plan de la morphologie et de la syntaxe, deux traits principaux peuvent tre retenuscomme caractristiques du kabyle :

    La trs bonne conservation de la conjugaison suffixe du thme de prtrit des verbesdtat et de qualit ; cette conjugaison particulire sans doute un reflet lointain de laconjugaison suffixe sur base nominale du chamito-smitique (Cf. Indice de personnes

    EB XXIV, 2001, et Chaker 2004) , a laiss des traces dans de nombreux dialectes berbres(notamment en touareg Ahaggar), mais nulle part elle na t aussi bien conserve quenkabyle o elle reste non seulement complte, mais usit pour un nombre considrable deverbes, sans doute plus de 150 (Chaker 1983).

    La trs grande vitalit de la phrase nominale et de tous les types de prdicats non-verbaux. Non seulement le type classique, attest dans tous les dialectes "mditerranens, d +

    Nom (morphme de prdication spcifique + nominal indpendant) est particuliementfrquent, mais on peut y relever un nombre impressionnant dautres types de prdicats nonverbaux, utilisant des outils non-spcifiques : prpositions diverses, adverbes et formesdiverses invariables, certains nominaux, le plus souvent combins des affixes personnelsdes diverses sries pronominales (Chaker 1983). En kabyle, presque tout peut tre prdicat, condition dtre combin avec la personne grammaticale, configuration trs clairante pour lathorie gnrale de la prdication et pour la gense de la catgorie du verbe.

    c) Lexique

    Comme la plupart des dialectes Nord, le kabyle est avant tout marqu par une trs forteinfluence de larabe, classique et dialectal, auxquels il a emprunt une masse considrable delexmes ; entre 35 40 % selon nos estimations faites sur la base dune liste-diagnostic(Chaker 1984, chap. 11).

    Mme si ces emprunts larabe obissent globalement un dterminisme socio-culturelrelativement transparent (pression culturelle, technologique et conomique dune langueexerant sa domination depuis 13 sicles), il nempche que ladoption de beaucoup de cesunits ne peut se comprendre que par des raisons internes la socit berbre, notamment par

    les tabous linguistiques qui induisent une stratgie gnralise dvitement par le moyen deleuphmisme* favorisant lemprunt. Par ailleurs, cette pression de larabe nest pasexclusive :

    de phnomne tonnants de conservatisme lexical pour certaines notions : par. ex.,celle d"crire/criture" : aru/tira, alors quun dialecte rput conservateur comme le touaregla remplac par lemprunt arabe ekteb ;

    dune trs forte capacit dintgration phonologique, morphologique et lexico-smantique : des termes comme taktabt/tiktabin "livre(s) " (de larabe kitb) outamdint/timdinin "ville(s)" (de larabe (madna) sont devenus en kabyle de parfaites formes

    berbres.

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    Mais larabe na pas t, loin de l, la seule langue avoir exerc une influencesignificative sur le kabyle ; le franais, depuis la colonisation, joue galement un rle

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    Inalco-Centre de Recherche Berbre considrable dans la formation du lexique kabyle, sans aucun doute bien au-del de ce queconnaissent tous les autres dialectes berbres. La relation particulire de la Kabylie laFrance et la langue franaise (migration trs ancienne vers la France, scolarisation prcoce,importance des lites francophones) explique que le kabyle soit truff demprunts aufranais, le plus souvent "gomms", par rflexe puriste, dans les collectes lexicographiques.

    Tous les vocabulaires de spcialits modernes (technologique, scientifique, administratif etpolitique) sont gnralement emprunts au franais et font partie de lusage courant,contrairement au mme vocabulaire emprunt larabe classique par les arabisants.

    Mais l aussi, le kabyle fait preuve dune trs grande capacit dintgration linguistiquecomme lillustreront les quelques exemples suivants :

    taberwi/tiberwiin, "brouette(s)" ; tabwa/tibwain, "bote(s)" : ces deux empruntskabyles au franais manifestent une intgration phonologique, morphologique, lexicologiqueet smantique remarquable. Le genre fminin des deux mots a amen le locuteur kabyle identifier le /t/ final du mot franais (/brut/, /bwat/) comme marque finale de fminin(berbre tat) et lon a rajout la syllabe initiale canonique des nominaux fminins (/ta/.

    Dautre part, le /t/ final du mot franais, selon une tendance bien tablie dans le passage dufranais (et des langues romanes) au berbre, a t rinterprt en // emphatique3, ce quiaboutit la squence /ta/. Or, dans la morpho-phonologie berbre, un // emphatique finalsur nominal fminin est toujours la rsultante dune assimilation de la marque suffixe defminin /t/ et dun dentale sonore pharyngalise ("emphatique") // appartenant au radical dulexme, selon le processus suivant :

    /t + t/ > /t/ (le /t/ est thoriquement tendu // , mais la position finale fait quecette tension nest gnralement pas ralise) ; ex. :

    aa, caprin > t+aa+t> taa, chvreimi> t+imi+t> timi /, nombril

    Ce qui conduit, rebours, le locuteur kabylophone analyser les mots taberwi,"brouette", tabwa, "bote" comme issus des squences thoriques : ta-berwi-t(> taberwi) etta-bwa-t (> tabwa) et donc reconstituer des thmes nominaux /berwi/ et /bwa/ et desracines lexicales BRW et BW. Et cette recration nest pas purement thorique puisquilexiste en kabyle un verbe driv prfixe 4s, sberwe, "divaguer, faire et dire nimportequoi, faire de travers" ! Ce qui signifie que lintgration du mot franais est aussilexicologique et drivationnelle, et mme smantique car, la valeur nettement expressive duverbe sberwe renvoie galement un rapprochement avec le prfixe expressif5, nettement

    pjoratif, b (rwi, "remuer, mlanger" > berwi, "tre sens dessus dessous"). Ce qui indique

    une analyse implicite de BRW en B+RW.

    Le travail de berbrisation est considrable et a permis dintgrer au cur mme dusystme de la langue une forme trangre, issue dun contact relativement rcent. Dans le casdespce, lanalyse du processus de "naturalisation" peut dailleurs tre poursuivie en dehorsmme du champ linguistique si lon sinterroge sur les conditions pragmatiques de la gense

    3 Ce retraitement de la dentale sourde romane en // pharyngalis est d au fait que les occlusives sourdesromanes sont des fortis (sourdes glotte ferme), caractrise par une forte nergie articulatoire ; ce trait

    phontique est rinterprt en berbre (et en arabe) comme un trait de pharyngalisation.4 Ce prfixe de drivation, traditionnellement dfini comme morphme de "factitif", a en ralit des fonctions

    assez diverses, dont celle de pouvoir produire des verbes partir de formes non-verbales (nominaux,onomatopes, etc.). Cf. ce sujet les travaux de Chaker, notamment 1984, chap. 10.

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    5 Sur ces formations expressives, voir Chaker 1981.

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    Inalco-Centre de Recherche Berbre du sens pjoratif de sberwe; pour qui connat la Kabylie, la motivation est immdiate : ilsuffit davoir vu une fois un chantier de construction dune maison familiale dans un villagekabyle pour savoir que ce sont des adolescents, souvent mme de grands enfants, qui sontchargs deffectuer le transport des matriaux (briques, sable, ciment etc.) au moyen de

    brouettes, entre la route carrossable o ils ont t dposs par les camions et le chantier. Et,

    bien entendu, ces jeunes gens sen donnent cur joie en courses, zigzags et divagations avecleurs engins !

    Cette capacit intgrer des lexmes franais ne se limite pas aux units isoles : onpeut constater que des schmes traditionnels de production lexicale par composition (figementde syntagmes nominaux dterminatifs6) ont t dynamiss par le contact avec la langue et laculture franaise au cours de la priode coloniale. Ainsi, sur un modle ancien de composs

    Nom1 + n + Nom2 :tiurin n wuccen (ou ail n wuccen) = raisins de chacal = "sdum, raisin sauvage",ibawen n wuccen = fves du chacal = "fves sauvages, fveroles"

    on a produit, sans doute la fin du XXe sicle :abrid (n) uumi = chemin des Franais = "route goudronne"abellu(n) uumi = gland des Franais = "chtaigne"

    On notera que depuis 1970 environ, avec le dveloppement des initiativesdamnagement linguistique, un important travail de lutte contre lenvahissement lexicalarabe, mais aussi franais, a t engag par recours moyens divers : revivification delexmes anciens tombs en dsutude, emprunts dautres dialectes berbres (principalementle touareg), formation de nologismes par drivation et composition sur des racines berbres(voir ci-dessous). Cette dynamique, par ailleurs tout fait lgitime, confine parfois une

    vritable entreprise "dpuration linguistique" qui nchappe ni lexcs, ni au ridicule (sur cesujet voir lexcellente analyse de Achab 1996).

    Amnagement linguistique et dveloppements rcents du kabyle

    Le passage l'crit

    Le souci de dfinir et de diffuser une graphie usuelle pour leur langue a t partag partous les berbrisants autochtones depuis le dbut du XXe sicle, qu'ils appartiennent lasensibilit "culturaliste" des instituteurs et hommes de lettres kabyles (Boulifa, Amrouche,Feraoun, Mammeri...) ou celle des militants "politiques" indpendantistes (At-Amrane,

    Ache... Cf. Chaker 1998, chap. 2 et 5). Forms l'Ecole franaise, ayant acquis leursinstruments d'analyse partir de la langue franaise, tous ces acteurs sociaux diffusent, depuisun sicle, des graphies du berbre base latine.

    La volont de sortir la langue de la stricte oralit se traduit par la publicationd'importants corpus littraires ou de textes sur la vie quotidienne. Dans le domaine littraire,surtout, le support crit imprim vient suppler significativement la transmission orale et lammoire collective. Vers 1945-50, la diffusion de l'crit base latine en-dehors de toutenseignement formalis en Kabylie est dj suffisamment avance pour que de nombreuxmembres des lites instruites kabyles soient capables de composer et crire le texte dechansons, de noter des pices de posie traditionnelle.

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    6 Les composs synaptiques ou synapsies dEmile Benveniste.

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    Inalco-Centre de Recherche Berbre Le mouvement de production s'est poursuivi, avec un net regain depuis 1970, si bien

    qu'il existe actuellement : des traductions-adaptations en berbre d'oeuvres littrairesinternationales ou maghrbines (Brecht, Beckett, Molire, Lu Xun, Kateb, Feraoun, Mammeri) ; des oeuvres littraires originales : des pices de thtre, des recueils potiques, des nou-velles et des romans ; des essais historiques et mme des crits scientifiques (linguistiques,

    mathmatiques) en kabyle.On peut dsormais parler d'une littrature crite kabylie. Elle reste, bien sr, modeste,mais on n'oubliera pas pour l'valuer qu'elle est ne et s'est dveloppe dans des conditionsextrmement dfavorables, c'est--dire en-dehors de tout appui institutionnel, sur la base desseules motivations d'individus isols ou de petits groupes associatifs et militants.

    La notation usuelle base latine

    Les premires notations du dbut du XXe sicle, comme celles de Boulifa, sont destranspositions directes des habitudes orthographiques franaises avec notamment de nom-

    breux digrammes ("ch", "ou", "th", "dh"), une grande difficult distinguer les voyelles (/i,

    u/) des semi-voyelles (/y, w/), une prolifration des notations de la voyelle neutre ("schwa").Avec le temps et les dveloppements de la linguistique berbre l'Universit d'Alger (surtoutavec Andr Basset), les intellectuels locaux subiront une influence de plus en plus nette desusages scientifiques, largement diffuss en Algrie par une vigoureuse dition berbrisante(jusqu'en 1962). On aboutit dans les annes 1960, avec des relais efficaces comme M.Mammeri, la gnralisation de notations latines d'inspiration phonologique, caractrises

    par : La disparition des digrammes, La rduction du nombre de notations de la voyelle "neutre", L'limination de la plupart des caractristiques phontiques locales infra-phonmiques

    ou, tout le moins, leur allgement graphique par le recours de simples diacrits, Une segmentation issue directement de l'analyse syntaxique, avec une forte tendance

    l'explicitation des amalgames phoniques, trs nombreux en berbre la jonction demorphmes.

    Reues par une population ayant assez largement bnfici d'une scolarisation en languefranaise, ces notations base latine se sont solidement implantes en Kabylie. Et c'est dansces graphies qu'ont t produits au cours des dernires dcennies tous les ouvrages "grand pu-

    blic" dits en milieux kabyles.

    Une tentative emblmatique : la ractualisation des tifinagh

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    Insrs dans une aire de vieille culture scripturaire, les Berbres ont depuis toujours vuleur langue et leur culture dvalorises par leur statut d'oralit. Situation qui a induit dans la

    priode contemporaine une raction trs volontariste visant dmontrer que le berbre as'crit ! . C'est ainsi que l'on peut expliquer l'existence dans la sensibilit berbre d'un fortcourant qui prne le retour au vieil alphabet berbre (les tifinagh), qui prsente le doubleavantage de marquer l'appartenance historique incontestable de la langue berbre au monde del'criture et d'assurer la discrimination maximale par rapport aux cultures environnantes

    puisque cet alphabet est absolument spcifique aux Berbres. En exhumant cette antiquecriture sortie partout de l'usage depuis des sicles, sauf chez les Touaregs ces militants sedonnent une arme particulirement efficace dans un environnement o l'criture est mythifie,

    voire sacralise. Et comme cet alphabet berbre est attest depuis la protohistoire (au moins leVI sicle avant J.C.), les Berbres accdent ainsi l'Histoire et la Civilisation,

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    Inalco-Centre de Recherche Berbre antrieurement la plupart des peuples qui ont domin le Maghreb, notamment les Arabes !Les tifinagh permettent aux Berbres de ne plus tre catalogus parmi les Barbares et autres

    primitifs, pour qui la seule alternative est de se fondre dans les "grandes" cultures (crites), enl'occurrence la culture arabo-islamique...

    Ce sont certainement ces deux facteurs (historicit et spcificit) qui fondentl'engouement pour les tifinagh non seulement en Kabylie, mais aussi dans toutes les autresrgions berbrophones (Maroc, domaine touareg), surtout dans les milieux militants et

    populaires. Le groupe ("l'Acadmie Berbre" de Paris) qui initie, au dbut des annes 1970,les no-tifinagh tait d'ailleurs une organisation qui recrutait essentiellement des proltaires etdes tudiants directement issus de la Kabylie, ayant encore toutes leurs attaches dans lemonde rural.

    Le linguiste peut mettre les plus extrmes rserves, thoriques et pratiques, sur cestentatives de rintroduction des tifinagh. Il pourra mme montrer que cette option a tconduite sur des bases linguistiquement aberrantes puisqu'il s'agit en fait d'une notation

    phontique du kabyle base tifinagh ! La solution prconise est donc doublement anti-conomique : au plan graphique et au plan du principe sous-jacent la notation. Mais lesarguments du thoricien semblent de peu de poids face la volont de matrialiser, traversune criture spcifique, une identit distincte. Cest ce qui permet de comprendrelenvahissement de lespace public en Kabylie par cette criture, y compris au niveau de lasignaltique officielle municipale. Il est dailleurs amusant de constater que plus de 30 annesaprs leur mise en circulation par des militants radicaux kabyles, linstitution marocaineadopte ces "no-tifinagh" comme alphabet officiel du berbre (dcision de lInstitut Royal

    pour la Culture Amazigh) : les prcurseurs de lAcadmie berbre de Paris nespraientcertainement pas un tel succs !

    La nologie

    La volont d'insrer la langue berbre dans le monde moderne et de l'utiliser des finsde communication autres que villageoises et traditionnelles a galement trs tt induit unedynamique de cration lexicale parmi les militants et intellectuels kabyles.

    Les "berbro-nationalistes", militants politiques de la branche radicale du nationalismealgrien, sont les premiers stre engags, dans les annes 1940, dans la voie de l'innovationlexicale : ce sont eux qui, les premiers, sont alls puiser dans les ressources des autresdialectes berbres (touareg, Maroc, Mzab...) pour enrichir et moderniser le vocabulairekabyle. Nombre de nologismes socio-politiques introduits cette poque en kabyle sont des

    emprunts d'autres dialectes berbres.Depuis 1970, ce travail de cration lexicale s'est nettement acclr, notamment grce

    l'action de personnalits comme Mouloud Mammeri et quelques groupes associatifs (Paris) ou informels (Tizi-Ouzou). Terminologie gnrale "moderne" (Amawal, 1980),lexiques spcialiss (mathmatiques, architecture, linguistique, informatique...) ont t mis encirculation au cours des 25 dernires annes. Deux voies principales sont empruntes pourcette production nologique :

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    L'exploitation des potentialits de la drivation verbo-nominale, trs souple, maisnettement sous-utilise dans les dialectes berbres autres que le touareg. On cre partir de

    racines connues tous les drivs verbaux et nominaux autoriss par le systme : ainsi de afeg

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    Inalco-Centre de Recherche Berbre "voler", on tire asafag, "avion", amsafag "aviateur", tamsafga "aviation", anafag"arodrome"...

    L'emprunt aux autres dialectes berbres, o l'on va puiser les lments de vocabulaire"manquants" : tilelli "libert" vient du touareg, alan, "nation" du mozabite...

    Le caractre pan-berbre de la nologie kabyle s'est fortement accentu au cours de lapriode rcente : le touareg, secondairement le chleuh, sont massivement utiliss dans toutesles entreprises nologiques.

    La question du statut

    Aprs trois dcennies dostracisme vis--vis du berbre et de politique linguistiquedarabisation (Cf. Chaker 1989/98), lEtat algrien a sensiblement assoupli sa position lgard de la langue et de la culture berbres. Le berbre a retrouv sa place en 1990 et 1991dans lUniversit ; depuis 1995, des expriences denseignement facultatif de la langue sontmenes dans les collges et lyces. Et, depuis mai 2002, le berbre a mme acquis statut de

    seconde langue nationale dans la constitution algrienne. Cette volution politique etjuridique concerne bien sr lensemble de la berbrophone algrienne ; mais elle a eu unimpact et une signification toutes particulires en Kabylie dans la mesure o cette rgion tait,depuis plusieurs dcennies, la pointe de la revendication en faveur de langue berbre (Cf.Chaker 1989/98).

    Ainsi, ds le dbut des annes 1990, un tissu associatif dense sest mis en placelgalement en Kabylie ; il a pu largir et renforcer le travail de promotion et de valorisation dela langue berbre, travers son enseignement et la diffusion de son crit ; il a aussisignificativement contribu lamnagement de la langue par la diffusion de la notationusuelle et des nologismes, travers son rle dans ldition littraire et la presse.

    De mme, lenseignement du berbre dans les tablissements publics partir de 1995,assur essentiellement par des enseignants qui taient paralllement des acteurs et militants dumonde associatif, a consolid la position du berbre et la diffusion de son crit en Kabylie ; ilest dailleurs noter que ces expriences denseignement, initialement programmes pourlensemble de lAlgrie, se sont trs vite limites, pour lessentiel, au seul territoire de laKabylie, parce quelles y correspondaient une attente sociale, parce que la militanceassociative locale a pu sy investir. Actuellement, lcrasante majorit7 des lves quireoivent cet enseignement se situe en Kabylie.

    Conclusion

    La langue berbre de Kabylie, hritire dune histoire tourmente et soumise de trsfortes pressions externes, manifeste dsormais une vitalit et un dynamisme certains ; elle estla seule varit du berbre qui ait fait lobjet, depuis plus dun sicle, dune prise en charge

    par ses propres locuteurs ; de ce fait, le kabyle est en passe russir son passage lcrit , travers la stabilisation dune notation usuelle base latine, par le dveloppement dune

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    7 Selon les statistiques officielles, cet enseignement concernait 69.159 lves en 2000, dont 50.216 (= 73 %) enKabylie (Tizi-Ouzou, Bejaa, Bouira, Stif, Boumerdes). Et lon peut, sans grand risque derreur, considrer que

    les 27 % restants pour le reste du territoire algrien sont majoritairement des Kabyles de la diaspora. Source :Lenseignement de la langue amazighe, Bilan et perspectives, Etude ralise par Noura TIGZIRI et AmarNABTI, Alger, HCA, octobre 2000.

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    Inalco-Centre de Recherche Berbre littrature crite dj consquente et lmergence dusages crits fonctionnels diversifis,notamment un usage de presse.

    Paralllement, la faveur de lassouplissement de la politique linguistique de lEtatalgrien partir de 1990, lengagement massif des Kabyles en faveur de leur langue, a permisde faire du kabyle non seulement une langue enseigne, mais aussi une langue

    denseignement.Une vritable norme institue du berbre est donc en cours de constitution en Kabylie,dynamique qui, de fait et contre les aspirations mmes de ses promoteurs Kabyles, devraitrapidement donner au kabyle le statut de langue particulire dans lensemble berbre. Letravail sur la langue mene au cours du XXe sicle rejoindrait alors celui des prcurseurscomme Boulifa qui nhsitaient pas rdiger, en 1897/1913, une Mthode de langue kabyle.

    Orientation bibliographique

    La bibliographie sur le kabyle est immense ; on en trouvera un signalement systmatique dans

    les (nombreux) outils bibliographiques berbrisants disponibles : Applegate 1970, Basset 1952,Annuaire de lAfrique du Nord1965 (Galand, Chaker, Brenier-Estrine), Bougchiche 1977 Onpourra aussi se reporter sur Internet au site du Centre de Recherche Berbre (serveur de lINALCO :http//www.inalco.fr). On ne signale ici que les travaux cits dans le texte et les ouvrages de rfrence.

    ACHAB R. : 1996 - La nologie lexicale berbre (1945-1995), Paris/Louvain : Editions Peeters,1996.

    ACHAB R. : 1998 - Langue berbre. Introduction la notation usuelle en caractres latins, Paris :Editions Hoggar.

    Amawal (lexique) : 1980 - Paris, Imedyazen. [terminologie technique et moderne berbre-franais/franais-berbre]BASSET A. : 1929 -tudes de gographie linguistique en Kabylie (I. Sur quelques termes concernant

    le corps humain.), Leroux, Paris.BASSET A.: 1936/1939 - Atlas linguistique des parlers berbres. Algrie du nord, 2 voL + cartes,Alger.BASSET A. : 1952 (1969) -La langue berbre, Londres.BASSET A. :1957 -Articles de dialectologie berbre, Paris, Klincksieck.BASSET A./PICARD A. : 1948 - Elments de grammaire berbre (Kabylie-Irjen), Algerie, Alger, LaTypo-Litho.BEN SEDIRA B. : 1887 - Cours de langue kabyle, Alger, Jourdan.BOULIFA S.A. : 1897 -Mthode de langue kabyle, cours de premire anne, Alger, Jourdan.BOULIFA S.A. : 1904 Recueil de posies kabyles, Alger (Rdition avec prsentation par T. Yacine,Paris/Alger, Awal, 1990).BOULIFA S.A. : 1913 -Mthode de langue kabyle, cours de deuxime anne, Alger, Jourdan.CHAKER S. : 1981 Drivs de manire en berbre (kabyle) , GLECS, XVII, 1972-1973 [1981],

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