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© Masson, Paris, 2005 Neurochirurgie, 2005, 51, n° 3-4, 205-206 La Lettre de la Faculté LE CCPPRB, FONCTIONNEMENT ET ÉVOLUTIONS LÉGISLATIVES G. GUY, P. PEZARD CCPPRB n° 1 des Pays de la Loire, Angers. Après 15 ans de bons et loyaux services, la loi du 20 décembre 1988, dite loi Huriet-Sérusclat, va s’effacer devant la transposition en droit français de la directive européenne 2001/20/CE du 4 avril 2001 qu’elle avait fortement inspirée. Toutefois, elle reste en vigueur dans l’attente d’un décret qui sera pris en Conseil d’État (DCE) et qui précisera les modalités réglementaires d’application de la nouvelle loi. L’analyse qui suit résume les princi- pales évolutions introduites par la loi de Santé publique du 9 août 2004, et en particulier les arti- cles 88 à 97 qui modifient sensiblement les dispo- sitions du Code de la santé publique (CSP) en matière de recherches biomédicales (RBM). Tout d’abord, le champ d’application est mieux défini, puisque en sont exclus les recherches dans lesquelles tous les actes pratiqués et les produits utilisés le sont de manière habituelle, sans procé- dure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic ou de surveillance ; de même que les recherches visant à évaluer les soins courants (L. 1121-1). En outre, le texte précise que la recherche ne peut être effectuée si elle n’a pas été conçue de façon à réduire au minimum la douleur, les désagré- ments, la peur et tout autre inconvénient lié à la maladie ou à la recherche (L. 1121-2). Comme souhaité par beaucoup d’acteurs de la Recherche, la distinction « avec ou sans bénéfice individuel direct » disparaît au profit de la notion de balance bénéfice-risques, le bénéfice pouvant être individuel ou collectif (L. 1121-6). Dorénavant, le promoteur devient l’interlocuteur du CPP (Comité de Protection des Personnes), alors que c’était l’investigateur qui était celui du CCPPRB. Quand la recherche ne concerne pas les médi- caments, ne comporte que des risques négligeables et n’influe pas la prise en charge médicale, elle peut être effectuée par une personne qualifiée (donc un investigateur non médecin) (L. 121-3). Les personnes faisant l’objet d’une protection renforcée (femmes enceintes, mineurs, détenus…) ne peuvent être sollicitées pour se prêter à la re- cherche, sauf si le bénéfice escompté pour ces per- sonnes, ou pour d’autres se trouvant dans la même situation, l’emporte sur le risque prévisible encouru et si des recherches d’efficacité compara- ble ne peuvent être effectuées sur une autre caté- gorie de la population (L. 1121-5 à L. 1121-9). Le promoteur assume l’indemnisation des consé- quences dommageables de la RBM (L. 121-10), mais son assureur peut lui imposer une franchise. Lorsque sa responsabilité n’est pas engagée (la preuve est à sa charge), l’indemnisation des victi- mes peut être faite au titre de l’aléa thérapeutique. La RBM ne donne lieu à aucune contrepartie fi- nancière… hormis le remboursement des frais expo- sés. Toutefois, une indemnité peut être versée par le promoteur en compensation des contraintes subies ; mais il existe de nombreux cas d’exclusion de cette mesure, notamment chez les personnes protégées (L. 1121-11). Il reste interdit d’inclure une personne qui n’est pas affiliée à un régime de sécurité sociale. Il appartient à l’autorité compétente et au co- mité de protection de déterminer s’il y a lieu de fixer une période d’exclusion durant laquelle la personne ne peut participer simultanément à une autre recherche (L. 1121-12). L’autorisation administrative de lieu reste obliga- toire pour les recherches menées en dehors des lieux de soins, ou même dans des services hospitaliers, si ces recherches impliquent des actes qui n’y sont pas pratiqués usuellement ou si elles concernent des per- sonnes présentant une condition clinique ne relevant pas de la compétence du service (L. 1121-13). L’autorité compétente gère une base nationale de données des RBM dont elle transmet les infor- mations à l’organisme gérant la base européenne. À leur demande, elle peut fournir les éléments pertinents des protocoles aux associations de ma- lades et d’usagers. Elle met également en place Article reçu le 25 février 2005.

Le CCPPRB, fonctionnement et évolutions législatives

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© Masson, Paris, 2005 Neurochirurgie, 2005, 51, n° 3-4, 205-206

La Lettre de la Faculté

LE CCPPRB, FONCTIONNEMENT ET ÉVOLUTIONS LÉGISLATIVES

G. GUY, P. PEZARD

CCPPRB n

° 1 des Pays de la Loire, Angers.

Après 15 ans de bons et loyaux services, la loidu 20 décembre 1988, dite loi Huriet-Sérusclat, vas’effacer devant la transposition en droit françaisde la directive européenne 2001/20/CE du 4 avril2001 qu’elle avait fortement inspirée. Toutefois,elle reste en vigueur dans l’attente d’un décret quisera pris en Conseil d’État (DCE) et qui préciserales modalités réglementaires d’application de lanouvelle loi. L’analyse qui suit résume les princi-pales évolutions introduites par la loi de Santépublique du 9 août 2004, et en particulier les arti-cles 88 à 97 qui modifient sensiblement les dispo-sitions du Code de la santé publique (CSP) enmatière de recherches biomédicales (RBM).

Tout d’abord, le champ d’application est mieuxdéfini, puisque en sont exclus les recherches danslesquelles tous les actes pratiqués et les produitsutilisés le sont de manière habituelle, sans procé-dure supplémentaire ou inhabituelle de diagnosticou de surveillance ; de même que les recherchesvisant à évaluer les soins courants (L. 1121-1). Enoutre, le texte précise que la recherche ne peutêtre effectuée si elle n’a pas été conçue de façonà réduire au minimum la douleur, les désagré-ments, la peur et tout autre inconvénient lié à lamaladie ou à la recherche (L. 1121-2).

Comme souhaité par beaucoup d’acteurs de laRecherche, la distinction « avec ou sans bénéficeindividuel direct » disparaît au profit de la notionde balance bénéfice-risques, le bénéfice pouvantêtre individuel ou collectif (L. 1121-6).

Dorénavant, le promoteur devient l’interlocuteurdu CPP (Comité de Protection des Personnes),alors que c’était l’investigateur qui était celui duCCPPRB.

Quand la recherche ne concerne pas les médi-caments, ne comporte que des risques négligeableset n’influe pas la prise en charge médicale, ellepeut être effectuée par une personne qualifiée(donc un investigateur non médecin) (L. 121-3).

Les personnes faisant l’objet d’une protectionrenforcée (femmes enceintes, mineurs, détenus…)ne peuvent être sollicitées pour se prêter à la re-cherche, sauf si le bénéfice escompté pour ces per-sonnes, ou pour d’autres se trouvant dans lamême situation, l’emporte sur le risque prévisibleencouru et si des recherches d’efficacité compara-ble ne peuvent être effectuées sur une autre caté-gorie de la population (L. 1121-5 à L. 1121-9).

Le promoteur assume l’indemnisation des consé-quences dommageables de la RBM (L. 121-10),mais son assureur peut lui imposer une franchise.Lorsque sa responsabilité n’est pas engagée (lapreuve est à sa charge), l’indemnisation des victi-mes peut être faite au titre de l’aléa thérapeutique.

La RBM ne donne lieu à aucune contrepartie fi-nancière… hormis le remboursement des frais expo-sés. Toutefois, une indemnité peut être versée par lepromoteur en compensation des contraintes subies ;mais il existe de nombreux cas d’exclusion de cettemesure, notamment chez les personnes protégées(L. 1121-11). Il reste interdit d’inclure une personnequi n’est pas affiliée à un régime de sécurité sociale.

Il appartient à l’autorité compétente et au co-mité de protection de déterminer s’il y a lieu defixer une période d’exclusion durant laquelle lapersonne ne peut participer simultanément à uneautre recherche (L. 1121-12).

L’autorisation administrative de lieu reste obliga-toire pour les recherches menées en dehors des lieuxde soins, ou même dans des services hospitaliers, sices recherches impliquent des actes qui n’y sont paspratiqués usuellement ou si elles concernent des per-sonnes présentant une condition clinique ne relevantpas de la compétence du service (L. 1121-13).

L’autorité compétente gère une base nationalede données des RBM dont elle transmet les infor-mations à l’organisme gérant la base européenne.À leur demande, elle peut fournir les élémentspertinents des protocoles aux associations de ma-lades et d’usagers. Elle met également en place

Article reçu le 25 février 2005.

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des répertoires des recherches biomédicales auto-risées (L. 1121-15).

Le fichier national des volontaires sains estmaintenu et étendu aux volontaires maladesquand l’objet de la recherche est sans rapportavec leur pathologie (L. 1121-16).

Le contenu de l’information préalable au consen-tement est élargi. Il doit exposer également leséventuelles alternatives médicales, ainsi que lesmodalités de prise en charge médicale en fin derecherche. La personne qui s’est prêtée à uneRBM a le droit d’être informée des résultatsglobaux de cette recherche (L. 1122-1).

La signature écrite du consentement reste larègle, mais la loi prévoit qu’il peut être attesté parun tiers en cas d’impossibilité (L. 1122-1-1).

Si, en cas d’urgence, le consentement ne peutêtre recueilli, celui de la famille ou de la personnede confiance est sollicité (L. 1122-1-2). Unconsentement explicite reste obligatoire.

La loi précise en outre que, pour les mineurs,leur adhésion personnelle est recherchée et queleur refus doit être respecté. Le texte définit lesconditions dans lesquelles l’autorisation parentalepeut être sollicitée (L. 1122-2).

Les articles suivants concernent les comités deprotection des personnes (CPP).1

Les CPP seront agréés par le ministre, leursmembres seront nommés par le préfet de région,et leur compétence territoriale pourra être éten-due à plusieurs régions. Ils seront dotés de la per-sonnalité juridique (L. 1123-1).

Dans leur composition, une nouveauté : la pré-sence de représentants des associations de maladesou d’usagers (L. 1123-2).

L’article suivant rappelle l’obligation d’indé-pendance des membres du comité vis-à-vis du pro-moteur et de l’investigateur : lors de leurnomination, les membres sont tenus de déclarerleurs liens directs ou indirects avec promoteurs ouinvestigateurs (L. 1123-3).

Le projet de RBM est soumis par le promoteurau comité compétent pour le lieu où l’investigateurexerce son activité. Fait nouveau, en cas d’avis né-gatif, le promoteur peut demander un second exa-men par un autre comité (L. 1123-6).

Les missions du Comité sont étendues puisqueson avis motivé portera, outre les considérants ac-tuels, sur la nécessité éventuelle d’un délai de ré-flexion, celle d’une interdiction de participer à une

autre recherche, le caractère satisfaisant de l’évalua-tion des bénéfices et des risques attendus et le bien-fondé des conclusions, l’adéquation des objectifs etdes moyens, la qualification des investigateurs, lemontant des indemnisations et les modalités de re-crutement des participants (L. 1123-7).

Tout au long de la recherche, le promoteur amaintenant deux interlocuteurs : le CPP et l’auto-rité compétente (AC).

La mise en œuvre d’une RBM ne peut se fairesans l’autorisation de l’autorité compétente : l’AFS-SAPS pour les recherches portant sur les médica-ments, la DGS pour les autres recherches. L’ACpeut formuler des objections auprès du promo-teur. Celui-ci peut alors modifier une fois, et uneseule, son projet (L. 1123-8). Parallèlement, maissans lien chronologique imposé, le promoteur sol-licite l’avis du CPP (L. 1121-4). Cette instancecessant d’être consultative, son avis s’apparente àun avis conforme. L’autorité compétente peut nepas suivre un avis favorable, mais ne peut passeroutre à un avis défavorable.

Toute modification substantielle de la rechercheest soumise au Comité et à l’autorité compétente(L. 1123-9).

Les événements indésirables sont notifiés parl’investigateur au promoteur et par le promoteurà l’autorité compétente et au comité, lequel s’as-sure que les personnes participant à la rechercheen ont été informées et confirment leur consente-ment (L. 1123-10).

Diverses modalités d’application doivent en-core être déterminées par le DCE (L. 1123-14),tout particulièrement. Il s’agit notamment de :

— la composition des CPP, les conditionsd’agrément, de financement, de fonctionnementet de nomination des membres ;

— la nature des informations qui doivent leurêtre communiquées par le promoteur et sur les-quelles ils sont appelés à donner leurs avis ;

— la durée de leur agrément et les conditionsminimales d’activité ;

— la nature et le caractère de gravité des évé-nements indésirables ;

— les modalités d’évaluation des CPP sur labase du référentiel élaboré par l’ANAES ;

— les délais dans lesquels le comité rend sonavis et l’autorité délivre l’autorisation ;

— les modalités particulières applicables auxRBM dont le promoteur est institutionnel (IN-SERM, CNRS, INRA, Université, CHU ou CH,PSPH).

Dès la parution de ce DCE, une analyse com-plémentaire pourra faire l’objet d’une autre « Let-tre ».

1. S’il était logique de retirer un C à cette instance quin’est plus consultative, on voit mal pourquoi sonchamp d’exercice (la recherche biomédicale) a égale-ment disparu. Le sigle CPPR eut été plus informatif.