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La revue de l’inspection générale 02 > page 71 Le CDI : entre multipolarité et virtualité JEAN-LOUIS DURPAIRE, inspecteur général de l’éducation nationale Témoins et acteurs du développement de la société de l’information, les CDI sont en pleine transformation. Évolution progressive plus que révolution, les espaces s’étendent et se diversifient alors que, dans le même temps, ils se dématérialisent. Cette tension entre multipolarité et virtualité donne de la force à l’action documentaire. T outes les activités professionnelles ainsi qu’une grande partie de celles qui se rapportent aux loisirs sont désormais concernées par les technolo- gies de l’information et de la communi- cation. La quasi-totalité de ce qui s’écrit dans le monde aujourd’hui passe par un état numérique : la tendance à la traduction directe des idées sous cette forme s’accentue. On parle ainsi des documents “nativement numériques”. De cet état premier, ils peuvent devenir articles de revue ou livres et se diffuser dans les circuits traditionnels, ou pages de serveur et se propager dans les réseaux électroniques. Ces formes de diffusion ne sont d’ailleurs pas exclusives l’une de l’autre. Il y a aussi les documents qui préexistaient ou qui continuent d’être créés “à la main” : ceux-ci sont égale- ment concernés par les évolutions puisque l’extension de leur diffusion peut passer par leur numérisation. Les métiers du livre sont transformés, les chaînes de production et les circuits de diffusion sont bouleversés. L’économie globale du secteur est elle-même parti- culièrement affectée avec des interro- gations fortes sur les équilibres futurs. La production individuelle émerge avec une simplicité de création et une poten- tialité de diffusion à coût quasi-nul. La conséquence est évidemment la surin- formation et le risque est notamment celui de la perte de la mémoire. La conservation pose de nouveaux problèmes ; l’archivage numérique est beaucoup plus complexe que celui des autres supports en raison d’une part du gigantisme des données, de la variabi- lité des messages et de l’évolution très rapide des outils de lecture. Les bibliothèques et centres de docu- mentation sont évidemment totalement dossier : Construire pour enseigner > l’École de demain

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Le CDI : entre multipolarité et virtualitéJEAN-LOUIS DURPAIRE, inspecteur général de l’éducation nationale

Témoins et acteurs du développement de la société de l’information, les CDI sont enpleine transformation. Évolution progressive plus que révolution, les espaces s’étendentet se diversifient alors que, dans le même temps, ils se dématérialisent. Cette tension entre multipolarité et virtualité donne de la force à l’action documentaire.

Toutes les activités professionnellesainsi qu’une grande partie de cellesqui se rapportent aux loisirs sont

désormais concernées par les technolo-gies de l’information et de la communi-cation. La quasi-totalité de ce qui s’écritdans le monde aujourd’hui passe par unétat numérique : la tendance à latraduction directe des idées sous cetteforme s’accentue. On parle ainsi desdocuments “nativement numériques”.De cet état premier, ils peuvent devenirarticles de revue ou livres et se diffuserdans les circuits traditionnels, ou pagesde serveur et se propager dans lesréseaux électroniques. Ces formes dediffusion ne sont d’ailleurs pas exclusivesl’une de l’autre. Il y a aussi les documentsqui préexistaient ou qui continuent d’êtrecréés “à la main” : ceux-ci sont égale-ment concernés par les évolutionspuisque l’extension de leur diffusion peutpasser par leur numérisation.

Les métiers du livre sont transformés, leschaînes de production et les circuits dediffusion sont bouleversés. L’économieglobale du secteur est elle-même parti-culièrement affectée avec des interro-gations fortes sur les équilibres futurs.

La production individuelle émerge avecune simplicité de création et une poten-tialité de diffusion à coût quasi-nul. Laconséquence est évidemment la surin-formation et le risque est notammentcelui de la perte de la mémoire.

La conservation pose de nouveauxproblèmes ; l’archivage numérique estbeaucoup plus complexe que celui desautres supports en raison d’une part dugigantisme des données, de la variabi-lité des messages et de l’évolution trèsrapide des outils de lecture. Les bibliothèques et centres de docu-mentation sont évidemment totalement

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L’éducation à l’informationfigure explicitementdans les programmesscolairesde tous lesniveaux

concernés par ces technologies et leurévolution au cours de la dernière décen-nie est considérable. Les bibliothèquesont longtemps été considérées enFrance comme d’importance secondairecontrairement à l’école : pour JoëlRoman, “outil de conservation et de miseà la disposition du livre, la bibliothèquea longtemps eu, en France, une placede second rôle”. Entre une vision élitiste(conservation du patrimoine, rechercheuniversitaire) et une dimension pluspopulaire (diffusion du livre notammentpar le réseau des bibliothèques dépar-tementales de prêt), les bibliothèquespeinaient en France à trouver la dimen-sion culturelle qui était la leur dansd’autres pays notamment anglo-saxons.

L’arrivée des technologies de l’informa-tion et de la communication a certaine-ment constitué, sans être le seul, unfacteur de leur rapide rénovation. Depuisdix ans, de nouvelles bibliothèques sontnées ; elles connaissent un succès popu-laire, le public, jeune ou moins jeune, lesconsidérant comme un espace deliberté, de culture, et de plaisir.

En 1998, le programme d’action gouver-nemental pour une société de l’infor-mation (PAGSI), dans son volet “culture”,a assigné aux bibliothèques une missiond’”appropriation culturelle” des tech-nologies de communication. Le plan pourune république numérique dans lasociété de l’information (RE/SO 2007)lancé par le Premier ministre ennovembre 2002 a insisté sur le rôle del’école : “L’école est le socle de la sociétéde l’information, elle doit être un despremiers lieux d’apprentissage desnouvelles technologies. “Ce plan a posécomme objectif celui de la formation de

“tous les Français à l’usage des TIC” eta postulé que “l’école et les pointsd’accès publics” sont les “clefs del’alphabétisation numérique”

L’ouverture de la Bibliothèque nationalede France, en 1997, peut marquer sym-boliquement le début de cette nouvelleétape de la vie des bibliothèques. Enrégion, de nombreuses bibliothèquesmunicipales ont été créées ou rénovéesrécemment.

En milieu scolaire, deux appellationsdifférentes sont utilisées : le terme biblio-thèque n’est plus employé dans le secon-daire alors qu’il l’est en primaire.Pourtant, le CDI a gardé des fonctionsde bibliothèque. Le CDI moderne estd’ailleurs plus proche de la bibliothèquemoderne que du centre de documenta-tion d’une entreprise ou d’une adminis-tration pour trois raisons essentielles :il est multi-support tout en laissant uneplace considérable au livre, il attacheune importance première à la formationde ses usagers, il offre une gammed’activités culturelles.

Les métiers évoluent également etconvergent. Le documentaliste desannées 2000 en établissement scolaire estun enseignant et un expert en sciencesde l’information. Il est de plus en plusreconnu par ses pairs à ce double titre.Dans la société de l’information, larichesse se trouve dans le croisementdes compétences : le bibliothécaire estaussi un formateur, le professeur estaussi un documentaliste, le documen-taliste d’entreprise ou d’administrationpense aussi culturel.Les besoins de formation à l’informationexplosent. Internetoffrant des documents

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à profusion et sans organisationapparente pour le non-initié, l’école doitimpérativement expliquer aux élèvescomment il peut trier, sélectionner ets’enrichir véritablement à partir de cetensemble si divers. L’éducation àl’information est primordiale : elle figureexplicitement dans les programmes detous les niveaux de l’enseignementscolaire.

C’est tout ce contexte évolutif – évolu-tion des métiers, évolution des techno-logies de l’information et de la commu-nication, évolution des besoins deformation – que l’architecte doit prendreen compte en abordant les questionsdocumentaires dans la rénovation et laconstruction d’un nouvel établissement.

Durant la dernière décennie, denombreux lycées et collèges ont pubénéficier de transformations ou dereconstructions. En ce qui concerne lesCDI, deux catégories d’observationspeuvent être faites. La première serapporte aux espaces documentaireseux-mêmes, la seconde à l’intégrationdes nouvelles technologies à finalitédocumentaire au sein de l’établissementen général et du CDI en particulier. Lesévolutions sont significatives, en ce sensqu’elles traduisent des changementsdans les usages.

Dès leur origine, les CDI ont eu l’ambi-tion d’introduire de la modernité au seindes établissements scolaires ; il s’agis-sait de créer un espace qui permettraitune nouvelle relation au savoir. Espacede culture, de lecture libre, d’appren-tissage autonome, le CDI était le sym-bole d’une nouvelle démarche pédago-gique. En 1975, un numéro du Courrier

de l’éducation consacre une doublepage aux CDI sous le titre “Un espacenouveau pour une pédagogie active”.Le préambule indique que “le CDI estdevenu un élément très important de lavie des établissements scolaires. Lesméthodes actives de pédagogie quisupportent de moins en moins un espacecontraignant et un savoir figé se sontlargement développées.” Le texteindique également que deux mille lycéeset collèges sont déjà pourvus et que dansles années à venir tous le seront. Trenteans après, cet objectif est atteint ; lenombre de documentalistes est passéde 2 250 en 1976 à plus de 10 000 en 2004.L’idée CDI reste très moderne partoutoù les équipes ont su porter les évolu-tions structurelles nécessaires et toutparticulièrement intégrer les technolo-gies de l’information et de la communi-cation. Dans ce contexte, des tendancesnouvelles se dessinent à la fois dans laconception architecturale. Le lieu resteessentiel, la notion plus large de fonctiondocumentaire émerge.

> Des premiers CDI à ceux des années2000 : l’évolution architecturaleL’appellation CDI remonte officiellementà 1974. Elle succède à celle de SDI quiétait le concept fondateur visant àdépoussiérer les vieilles bibliothèquesdes lycées et à remplacer les biblio-thèques des CEG et CES qui n’étaientsouvent, comme à l’école primaire, quedes armoires en fond de classe.

Dès l’origine, le SDI est conçu commeun ensemble de locaux. Le documentédité en 1972 par le ministère del’Éducation nationale et composé d’unesérie de fiches jaunes, vertes, roses,pose des principes qui se veulent autant

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Un espaceéducatif noncontraint parles règles de l’éducationnationale

de normes et de règles à respecter pourtoute création. Il part du postulat que leSDI est créé pour unifier trois activitésqui étaient précédemment disjointesdans l’établissement : “la mise à dispo-sition des professeurs et des élèves dela documentation pédagogique soustoutes ses formes et des moyens tech-niques de tous ordres (audio-visuels,reprographie …), le fonctionnement desbibliothèques pour les élèves et les pro-fesseurs, la mise à disposition des per-sonnels, des élèves et de leurs parentsde la documentation relative à l’infor-mation scolaire et professionnelle.”Cedocument précise qu’en 1971 le SDI évo-lue vers “la formule du centre socio-culturel” et en déduit une organisationfonctionnelle autour des locaux suivants :bibliothèques (élèves et professeurs),salle(s) de lecture, salle de documentation,bureau du conseiller d’orientation, salledes professeurs, salle(s) de travail (pro-fesseurs-élèves), salle de réunion (élè-ves), salles de clubs, salle audio-visuelle,vestiaires-sanitaires,” à proximité immé-diate desquelles devront se trouver lessalles d’activités créatrices (dessin, édu-cation musicale, travaux pratiques, sallepolyvalente et, dans la mesure du pos-sible, les locaux médico-sociaux).”Desschémas fonctionnels sont proposéspour les CEG et CES en tenant comptedes effectifs (400, 600, 900, 1200) sous letitre “centre socioculturel”.

Ce schéma-type est repris dans unnuméro spécial des Cahiers pédago-giques consacré aux CDI sous le titre“l’optimisme officiel”. Il est vrai qu’àcette époque, le CDI se présente souventsous forme d’une salle rectangulaireplus ou moins vaste et aménagée avecdes espaces constitués par les

rayonnages : coin lecture, espaces detravail, bureau du documentaliste. Il fau-dra attendre quelques années pour quecommence à s’imposer une visionmultipolaire des CDI ; mais, il faut recon-naître que l’ambition affichée au niveauorganisationnel était en phase avec lesobjectifs pédagogiques, culturels etpédagogiques.

Deux décisions majeures ont concouruà la réalisation de CDI répondantglobalement aux critères posés initiale-ment : d’une part, les lois de décentra-lisation qui ont permis des rénovationset des constructions de collèges etlycées ; d’autre part, l’augmentation dunombre des documentalistes.

Depuis le milieu des années 80, les col-lectivités se sont efforcées de répondreaux attentes des communautés éduca-tives. Le CDI a souvent bénéficié d’uneattention particulière : un cadre où lesélèves peuvent travailler aisément, desespaces confortables, un lieu de moder-nité et de convivialité. Une rechercheesthétique était aussi effectuée.

Les transformations physiques des CDIse sont opérées et s’opèrent encore essen-tiellement dans deux circonstances : soitune équipe d’établissement a décidé, eninterne, que le CDI ne répondait pas àses missions dans les conditions où ilétait installé, soit, une restructurationvoire une construction ex nihilo s’estavérée nécessaire pour des raisons quipouvaient être indépendantes de la fonc-tion documentaire. Les modificationssont évidemment beaucoup plus impor-tantes et visibles dans le second casdont l’initiative revient à la collectivitéterritoriale.

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De manière générale, la problématiquedu CDI intéresse les collectivités terri-toriales qui y voient un espace éducatif“non contraint par les règles del’Éducation nationale” pour reprendreles termes d’un responsable adminis-tratif d’un conseil régional. En outre, cen’est pas le CDI seul qui est “intéres-sant”, mais un ensemble de fonctionsqui touchent à l’éducation des jeunes età des espaces “moins contraints que lasalle de classe.” À chaque fois qu’unerestructuration lourde est engagée, laquestion du CDI est posée : son rôle etses relations avec les autres services.

> Le CDI : un projet architectural quitraduit une ambition pédagogiqueDes préoccupations diverses peuvents’exprimer qui relèvent d’une volontépolitique de transformer ou au moinsd’infléchir l’image d’un établissement,l’architecture devant servir cette ambi-tion. Ainsi à Reims, au lycée Clémenceau

dont l’architecture initiale (fin des années50) était composée de deux parallélépi-pèdes, pour ne pas employer le termede barres, le projet de CDI en 1997 a viséà changer l’image et à créer de nouvellescirculations à l’intérieur de l’établisse-ment. Le nouvel espace a permis la miseen œuvre d’une pédagogie nouvelle. Lesenseignants de discipline n’hésitent plusà se rendre au CDI pour mettre en œuvre

des travaux qui nécessitent des recher-ches documentaires. Les documenta-listes appuient les démarches de leurscollègues en facilitant les accès aux“bonnes informations” et en proposantdes documents méthodologiques quifacilitent la tâche des élèves.Enseignants et documentalistes jouentde la diversité des espaces du CDI :petites salles, salle de documentation,etc. Les TPE ont joué un rôle de levier età partir d’un ensemble de professeursdéjà motivés, d’autres s’engagent.

> Le CDI : un lieu aisément accessibleLe CDI doit être un lieu où élèves etprofesseurs doivent pouvoir se rendre aisé-ment. Les nouveaux CDI sont donc plussouvent installés en rez-de-chausséeou au premier étage qu’à des niveauxsupérieurs.

Au collège Malraux à Dijon, ouvert enseptembre 2002, le CDI est accessibledès l’entrée dans l’établissement parune “rue” qui se définit comme un“espace d’art” et qui jouxte le préau. Ilfait face à deux salles dites “espacespolyvalents” qui s’inscrivent dans lamême logique de développement dutravail autonome des élèves.

L’ensemble occupe une superficie dequelque 400 m2 dont 230 pour l’espaceCDI lui-même, ce qui est remarquablepour un collège de 530 élèves. Pour met-tre en œuvre des activités pédagogiquesfaisant appel à la recherche d’informa-tion, au travail sur documents, les ensei-gnants peuvent jouer sur la variété desespaces offerts : au CDI lui-même, unesalle de travail organisée avec des pointsde travail sur ordinateur et des tables tra-ditionnelles, l’ensemble pouvant accueillir

Lycée Clémenceau à Reims (2000)

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une classe complète, trois petites sallespour des groupes d’une dizaine d’élèves,une bibliothèque “élèves” qui permet desconsultations rapides (station debout).Les espaces polyvalents permettentactuellement des travaux qui nécessi-tent un espace plus important ou desvisionnements collectifs (regroupement

de deux ou trois classes). Le forum et larue qui ensemble constituent l’”espaced’art” valorisent la fonction créatrice duCDI : en effet, les lieux-ressources se doi-vent d’être des espaces non seulementde consultation, mais aussi de cons-truction d’un savoir personnel, ce quipasse par une restitution sous forme deproduction. La “rue” peut donc immé-diatement accueillir les expositions desélèves à partir des travaux effectués auCDI et dans les salles connexes.

> Le CDI : un carrefour de l’établissementLes CDI sont souvent situés à descarrefours de l’établissement avec desproximités privilégiées : salle desprofesseurs, administration, vie scolaire,maison des lycées, espace culturel (hall,amphithéâtre, galerie). Un pôle peut êtreconstitué. Ainsi au lycée Oehmichen àChâlons-en-Champagne, le CDI estétroitement associé à la vie scolaire, lessalles de permanence étant à proximitéimmédiate.

Ouvert en avril 2004, le CDI de cette citéscolaire de quelque 1 500 élèves estimmédiatement perçu comme un lieu derencontres. Jusqu’alors totalementexcentré dans un ancien dortoir au 3e

étage, le CDI est désormais sur un lieude passage. Pour les documentalistes,c’est le mot “proximité” qui est majeur :la “proximité des salles multimédias” sus-cite immédiatement “plus de contactsavec les personnes chargées de l’infor-matique” ; la proximité de la vie scolaire :CPE, salles de permanence fixes, foyerdes lycéens et de la salle des professeursfavorise les échanges : “ils montent auCDI par un escalier qui leur est réservé”,proximité directe des conseillersd’orientation psychologues : contactsplus fréquents (“nous gérons leursrendez-vous”), gestion (commune) del’auto-documentation : de nouvelles rela-tions se déterminent entre le foyer desélèves et le CDI : “L’implantation du foyer

des élèves a permis de désengorger leCDI : les élèves qui venaient pour s’occu-per disposent à présent d’un espace dedétente et d’accueil, ils gênent moins ceuxqui travaillent”. L’architecture a changéle cadre des relations. L’appropriation péda-gogique s’effectue progressivement ; demanière générale, on constate qu’elle serévèle d’autant plus rapide que l’équipe aété associée au projet.

Collège Malraux à Dijon (2002)

Lycée Oehmichen à Châlons-en-Champagne : le nouveau CDI au sein du pôle vie scolaire à l’entrée du lycée (2004)

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> Le CDI : au cœur de l’établissementLes restructurations importantespermettent de mettre en œuvre desvolontés pédagogiques, l’architectureservant l’ambition du projet d’établisse-ment. Ainsi, en 2002-2003, l’équipe dulycée Le- Grand-Chênois à Montbéliard(Doubs), partant d’un constat que “lestrois bâtiments qui formaient l’établis-sement ne communiquaient qu’au niveaudu rez-de-chaussée, ce qui engendrait

des engorgements lors de la circula-tion des élèves, il fut décidé de créerdes passerelles entre les trois bâtimentsau niveau du 1er étage pour faciliter lesflux.“ Dans ce cadre, le CDI fut appeléà déménager et à prendre sa place” aucœur de l’établissement à la jonctiondes trois bâtiments au niveau du 1er

étage, au-dessus de l’administration, àproximité de la salle des professeurs,sur le passage des élèves allant d’unbâtiment à l’autre”.

Dans le même esprit, peu de tempsauparavant, une restructuration demême nature est opérée au collègeAlbert-Camus à La-Chapelle-Saint-Lucdans l’agglomération troyenne. Untravail remarquable a permis d’aboutirà un collège totalement repensé du pointde vue fonctionnel en conservant les

parties anciennes. Une large concerta-tion entre les services du conseil géné-ral, l’équipe de direction, les personnelset les élèves, l’architecte, a conduit àrelier les bâtiments anciens entre eux“avec des pôles d’enseignement biendéfinis, répartis sur les deux étages, deslieux d’accueil et de rencontres struc-turés” ; comme l’avaient souhaité, nonseulement la documentaliste, mais laprincipale et les enseignants, le CDIdevenait le “cœur de l’établissement”.

Les contraintes techniques ne permet-taient pas de le réaliser sur un seul niveaucomme cela était souhaité, mais à l’usage,la documentaliste dresse le constat qu’ellen’a “rien perdu en ce qui concerne la com-munication directe avec les partenairespédagogiques : conseillère d’orientation,CPE et salles d’étude au rez-de-chaus-sée, salle des professeurs au premierétage”. Qui plus est, elle constate que“le CDI se trouve mieux inséré encoredans les locaux par le fait qu’il est établisur deux niveaux, il s’ouvre sur davan-tage d’espaces”. Ce CDI sur deux étagesse prolonge même depuis 2003 avec unesalle multimédia au second étage.

Comme le souligne la documentaliste,ce sont “les professeurs, représentéspar les coordonnateurs de disciplineréunis en groupe projet espace multi-

Collège Albert-Camus-La-Chapelle-Saint-Luc (Aube)

Collège Albert Camus-La Chapelle Saint-Luc (Aube)

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médias” qui ont réfléchi aux utilisationsde ce type de salles, et la concertationa, comme pour la rénovation de l’éta-blissement, quelques années plus tôt,nourri le dossier du projet La continuitéest fonctionnelle : ces différents espa-ces traduisent architecturalement unepédagogie active, appuyée sur le travailde l’élève, les ressources documentaireset les nouvelles technologies.

> Superficies et organisation fonctionnelleLa décentralisation a entraîné l’abandonde normes nationales en matière deconstruction de CDI. Plusieurs respon-sables de services de constructions dansdes collectivités indiquent qu’ils appli-quent un principe d’accueil simultanéde 10 % de la population totale de l’éta-blissement et qu’ils multiplient le nombreobtenu par trois. Ainsi un établissementde 1 200 élèves aurait un CDI de 360 m2.Dans la plupart des situations, c’est lecontexte qui prime et le dialogue entrela collectivité et l’équipe d’établissement.Un programmiste reçoit souvent unemission pour ajuster besoins etenveloppe financière. Certaines collectivités facilitent laconcertation en proposant des pres-criptions adaptées aux effectifs et issuesd’un dialogue établi à un niveau pluslarge que l’établissement. Ainsi, leconseil régional de Poitou-Charentess’appuie-t-il sur un schéma fonctionneltype et sur des prescriptions calculéespar tranche de 100 élèves :Sur ces bases qui constituent un modèleopérationnel, les équipes réfléchissentà leur propre projet. En de nombreux lieux,on sent l’engagement de ceux qui ontporté les idées et comment le parti lemeilleur a pu être tiré des conditions

posées initialement. De l’exemple histo-rique du lycée pilote innovant duFuturoscope (1987), aux CDI en cours decréation (Marguerite-de-Valois àAngoulême, EREA Françoise-Dolto àSaint-Aubin-le-Cloud), en passant par leslycées Louis-Armand, Camille-Guérin,Bois-d’Amour à Poitiers, Émile-Combesà Pons, Cordouan à Royan, Valin à LaRochelle, autant de lieux où les talentsarchitecturaux et pédagogiques se sontconjugués.

Dans certaines académies, des docu-ments de conseil et de guidage dansl’élaboration du projet de rénovation duCDI sont créés. Ainsi à Orléans-Tours,un guide méthodologique pour la poli-tique documentaire des établissementsscolaires et des fiches de diagnosticpermettent de bien définir les besoins.Ce travail interne à l’établissement permetun meilleur dialogue avec la collectivitéterritoriale et les interlocuteurs qu’elle adésignés. Pour le conseil régional duCentre, comme pour de nombreusesautres collectivités, la procédure est endeux temps ; un programmiste qui déter-mine précisément l’étendue des travauxet effectue une évaluation des coûts,puis l’architecte qui sera chargé demener à bien le projet. A Montpellier, unguide d’équipement et d’aménagement

Effectifs (élèves) 300 700 1100 1500 1900400 800 1200 1600 2000

Bibliothèque - lecture - documentation 166 269 376 483 576

Espace d’information et d’exposition 40 78 116 154 191

Salles de travail 70 125 180 250 305

Bureau de l’orientation 15 15 18 20 20

Circulations 33 44 56 73 82

Total CDI en m2 324 531 746 980 1174

Source : conseil régional de Poitou-Charentes - 1999

Les différentsespacestraduisent dansl’architectureune pédagogieactive

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d’un CDI a été élaboré “afin d’offrir auxusagers un espace harmonieux etefficient”.

> Des CDI dans des locauxinitialement destinés à d’autresusages. Le réaménagement de locaux peut serévéler particulièrement pertinent lors-qu’un réel projet pédagogique a étédéfini. Ainsi au lycée professionnel LeChâteau à Sedan, une partie de cetteancienne école professionnelle desmétiers du textile a permis de créer unCDI original qui, pour le documentalisteporteur du projet de rénovation, “parti-cipe à l’objectif d’une meilleure inser-tion professionnelle et sociale”. Sonaménagement dégage un espace lec-ture (journaux, magazines et romans),une mezzanine de travail de 30 placesregroupant le fonds documentaire et lesusuels, des stations de travail informa-tiques intégrées dans le réseau péda-gogique, un amphithéâtre de 90 placesaux normes “cinéma” disposant de télé-projecteur, magnétoscope VHS, lecteurDVD et tuner satellite, une galerie d’ex-position, un centre de ressources “inser-tion et orientation” pour la recherchede stages en entreprise par les élèves.D’autres témoignages pourraient illust-rer cette même qualité de création. Aulycée Frédéric et Irène Joliot-Curie àRomilly-sur-Seine, une réutilisation d’unrestaurant scolaire se révèle parfaitementfonctionnelle et confortable. Organisé surdeux niveaux, le rez-de-chaussée estdestiné principalement aux élèves : plus

de 120 d’entre eux peuvent y être accueillissimultanément. Pour la documentaliste,il était indispensable de disposer d’unespace réservé aux enseignants : leniveau inférieur, correspondant auxanciennes caves et réserves des cuisi-nes a ainsi “été cloisonné en six petitessalles de travail pour les professeurs, leurpermettant d’y travailler au calme.” Lesenseignants y disposent de matériel pourdes enregistrements et des montages.

L’impact des TIC sur l’organisationdes ressources documentairesLe développement des CDI est conco-mitant de l’entrée de l’informatique dansl’enseignement secondaire puisque lapremière opération, dite des 58 lycéescommence au début des années 70. Lanotion de sciences de l’information naîtégalement à cette même époque, leConseil supérieur des universités recon-naissant la filière des SIC en 1975. Leconcept de société de l’information s’af-firme avec le rapport Nora-Minc en 1978.

Dès cette période, les documentalistessont attentifs aux questions d’informa-tion notamment à travers les supportsqui la véhiculent. C’est l’outil audiovisuelqui retient leur attention même si sonintroduction reste limitée, sauf pour cer-taines disciplines. L’impact de cetteréflexion sur l’organisation des CDI estpeu sensible. Il faut attendre la fin desannées 80 pour une réelle première intro-duction de l’informatique dans les CDI.

> De l’informatisation du CDI au réseaudocumentaire de l’établissement En matière documentaire, les débuts del’informatique remontent à une vingtained’années. Les premiers logiciels pourl’”informatisation des CDI” arrivent en

Lycée professionnel Le Château-Sedan (Ardennes)

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C’est donc bien par ladocumentationqu’entre réellement l’informatiquepour tous dansl’établissementscolaire

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effet sur le marché au milieu des années80. Ils ont pour nom Mémolog, Diderot,Sidéral et sont le fruit de la rencontrede documentalistes et d’enseignantsinformaticiens. L’objectif est double :gérer le CDI tant au niveau du fonds quedu prêt, initier les élèves à la recherchedocumentaire. Pour le premier aspect,l’informatisation du fonds posait bien sûrla question de la création de noticesdocumentaires dans un format standardet utilisant un langage normalisé. Enparallèle à la création des logiciels,d’autres outils apparaissent : un formatd’échange qui restera longtemps spé-cifique à chaque logiciel, un langage ouplutôt des langages (Mémobase, Thélycepar exemple) qui donneront naissanceau thésaurus Motbis. Par ailleurs, avantmême l’arrivée des outils d’informatiquedocumentaire, certains ont commencéà percevoir que les travaux techniquesde traitement documentaire peuvent êtreeffectués de manière coopérative. Desgroupes de production se créent dansplusieurs académies (Rennes, Bordeaux,Toulouse, Poitiers, etc.) et proposent desfiches. Ainsi, en 1980, naissent lesMémofiches dans une version cartonnéequi deviendra disquette, puis CD-ROM,puis qui seront diffusées par internet. Leproduit reste le même globalement, seulela diffusion change.En ce qui concerne la formation desélèves à la recherche documentaireinformatisée, il faudra réellementattendre l’arrivée de versions “postesmultiples” puis “réseau” des logiciels,c’est à dire le début des années 90.

Parallèlement, une autre évolution sedessine : le CDI devient centre deressources multimédias ; cette expres-sion qui est utilisée par la circulaire du

13 mars 1986 précise la nature de cessupports : le fonds documentaire du CDIest composé “de livres, de documents,de photographies, de diapositives, defilms ou de bandes sonores.” Au fil dutemps, viendront d’autres types desupports (cassette VHS, vidéodisque,CD-ROM, DVD, etc.).

La notion de réseau émerge : permettrel’accès au catalogue des collectionsdepuis divers postes du CDI, puis distri-buer des ressources plus larges : ency-clopédies, dictionnaires, logiciels deremédiation (apprentissage de la lecture,par exemple). Le besoin de servicesdocumentaires sur le réseau d’établis-sement s’accroît. Il faut souligner quec’est donc bien par la documentationqu’entre réellement l’informatique pourtous dans l’établissement scolaire. Eneffet, les autres dimensions étaientdavantage sectorisées : l’informatiqueadministrative, l’informatique pourl’expérimentation assistée en sciences,etc. Une nouvelle étape pour l’informa-tique documentaire est franchie dès lorsque le documentaliste rend sesressources – catalogues et documentsprimaires – accessibles en dehors duCDI.

> Du CDI en réseau à l’établissementcommunicant L’émergence des réseaux d’établisse-ment correspond à une étape que l’onpeut qualifier des “établissements com-municants” lancée dans certaines aca-démies dès la fin des années 80 (parexemple à Dijon). Cette phase n’est pasachevée. Elle suppose à la fois uneréflexion sur ses objectifs stratégiques,sur l’organisation fonctionnelle (archi-tecture – physique, logique et informa-

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tionnelle – du réseau), sur l’installationphysique et bien sûr sur son fonction-nement.Le réseau, c’est aussi la solution à unproblème d’espace de travail : les sallesde permanence, les chambres del’internat gagneraient à être systémati-quement équipées d’ordinateursraccordés au réseau dans des conditionsà préciser (charte d’usage à faire signerpar les utilisateurs en respect avec lesrègles définies au plan national et local).Les documentalistes ne devraient plusavoir à sélectionner les élèves qui peu-vent venir au CDI à certains moments.Tout élève devrait pouvoir travailler dansle calme et avec des outils de travailappropriés à chaque fois qu’il en a lapossibilité temporelle.

Les questions matérielles ne posent quedes problèmes finalement limités. Certes,relier le bâtiment A au bâtiment B dis-tant de cent mètres, voire relier plusieurssites d’un même établissement àquelques kilomètres de distance n’estpas toujours simple. Mais, plusieursannées d’expérience dans ce domainemontrent que les TIC et les TICE s’intè-grent aisément dans les établissementsquelles que soient les configurationsarrêtées. Les collectivités territorialesont généralement prévu la réalisationprogressive des câblages des établis-sements. Les établissements neufs ouceux qui ont été rénovés bénéficientgénéralement de prises dans toutes lessalles permettant la connexion de micro-ordinateurs. Le plus souvent, il s’agit deprises RJ 45, mais certaines collectivi-tés ont expérimenté d’autres solutionstels que les CPL (courants porteurs enligne). Les technologies CPL permettentde faire circuler de l’information à bas

débit ou haut débit sur des lignes élec-triques. Des expériences sont en coursdans divers établissements (collèges dela Drôme, de la Manche).De manière plus récente, les technolo-gies sans fil dites WiFI ont fait leur appa-rition. La pose de quelques bornes dansles couloirs ou dans les salles permetalors la transmission des signaux ; laportée et le débit sont encore limitésmais, comme pour toute technologie, ilest probable qu’ils seront améliorés.

Les parcs informatiques des établisse-ments ont crû de manière très sensible.Des lycées technologiques ont des tauxd’équipement proches d’un micro pourtrois élèves, les lycées d’enseignementgénéral et les collèges ont des chiffresun peu plus faibles. Mais les parcs sontdésormais de quelques dizaines pourles plus petits établissements à plusieurscentaines dans les gros lycées. Il fautaussi signaler que dans certains collègestous les élèves d’un niveau donné sontéquipés personnellement, ce qui posedes problèmes de stockage et derecharge, sans passer sous silence laquestion de la sécurité. On trouve aussides expériences de chariot mobile(micro + vidéoprojecteur) et plus récem-ment de classe mobile (autant de microsque d’élèves + vidéoprojecteur +connexion WiFI) qui peut être déployéeen quelques instants.Le lycée communicant doit permettre àtout membre de la communauté éduca-tive d’utiliser les technologies avancéesde communication à des fins de forma-tion sans difficulté. A tout instant, l’en-seignant ou l’élève peut trouver un postedisponible dans une salle ; en tout lieu,il retrouve sa configuration habituellede travail (notion d’environnement

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numérique de travail, ENT), il peut com-muniquer en envoyant et recevant desmessages, consulter des ressourcesautorisées, ou encore, s’il est enseignant,faire “son cours” à partir de la prépa-ration qu’il a effectuée chez lui et qu’il

a stockée sur un serveur de l’établisse-ment ou sur son outil personnel demémorisation. Il peut aussi renvoyer enfin de cours ses élèves vers les docu-ments qu’il a créés à leur intention, issusde sa propre production ou mutualisésavec des collègues. Aujourd’hui, toutcela est en germes : ainsi le module“devoirs” des outils d’administration deréseau IACA – Installation automatiquede comptes et administration – ouGESPERE – GEStion PÉdagogique d’unRéseau – permettent déjà des échangesde cette nature. Les ENT permettrontd’avancer à condition que la volontéexiste dans chaque équipe d’établisse-ment et que les moyens d’assistancelogistique – qu’il ne faut pas sous-esti-mer – soient mis en place.En termes architecturaux, les évolutionstechnologiques ne devraient pas poserdavantage de problèmes qu’elles en ontposés jusqu’ici. Quel que soit le typed’établissement, du lycée bicentenaireà l’établissement le plus récent, il est

toujours possible de créer des condi-tions permettant la circulation del’information.

> Demain, un CDI uniquement virtuel ?Soyons net. L’école aura toujours besoinde centres de ressources de même quela société a besoin des bibliothèquespubliques. Cette fonction des lieux oùl’on peut travailler dans des conditionsconfortables, notamment au niveau dusilence, ou prendre un temps de loisiren parcourant tel ou tel document(sonore, écrit, iconographique) est irrem-plaçable. De plus, l’aide que peut poten-tiellement fournir le documentaliste, leconseil qu’il peut apporter sont des élé-ments qui rendent le lieu, bibliothèqueou CDI, indispensable à une vie ensociété. Enfin, les besoins en formationétant en croissance, ces structures sontappelées elles-mêmes à se développer.

Le citoyen en général, mais pour ce quinous concerne plus directement l’élève,a autant besoin de ressources tradi-tionnelles, c’est-à-dire pour l’essentielécrites, que de ressources numériques.L’écrit, faut-il le souligner, a de nomb-reux avantages sur tous les autres sup-ports : il permet des lectures plus aisées,plus rapides ; il facilite les comparaisonsen permettant de consulter plusieurssources simultanément – on peut lesétaler sur une table, les comparer, onpeut aussi les conserver plus facilementet y revenir rapidement sans crainted’une disparition subite. L’écrit, c’estaussi une qualité éditoriale, une orga-nisation, une structuration.

Quant au lieu, c’est la possibilitéd’échanger avec des camarades, doncde se former en compagnonnage, de

Collège Le Masségu à Vif (Isère) - 2004

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partager son savoir. Le CDI restera doncl’espace par excellence pour le travailnon seulement autonome mais en petitsgroupes. Il devra aussi rester le lieu deréférences pour l’ensemble des élèvesen matière de formation à l’information,et donc avoir des capacités d’accueilpour permettre aux enseignantsd’effectuer cette tâche.

Mais, la dimension virtuelle du CDI devracroître. Le CDI sera hybride comme lesont déjà de nombreuses bibliothèquespubliques (BMVR, BU). Les “biblio-thèques numériques” sont nées, pour laplupart, d’une bibliothèque traditionnelle.Une bibliothèque numérique, c’estd’abord une bibliothèque, c’est-à-direune structure qui répond à des principesorganisationnels : un fonds établi enréponse à une politique documentaire,des usagers qui sont précisés, desmodalités de mise à disposition arrêtéesen conformité avec la législation. Qu’ellesoit numérique signifie qu’elle offre desressources numériques, ce qui emportecomme conséquence une mise à dispo-sition plus large.

Par exemple, la BNF est déjà largementune bibliothèque numérique grâce àGallica qui se définit comme “une biblio-thèque patrimoniale et encyclopédique”.À partir de ses fonds propres, la BNFoffre un accès à 70 000 ouvrages numé-risés, à plus de 80 000 images et à plu-sieurs dizaines d’heures de ressourcessonores”. A une échelle plus modeste,des bibliothèques municipales mettenten ligne certaines de leurs ressources.Ainsi la BM de Troyes propose unecollection de plusieurs milliers d’imagesissues de son fonds patrimonial. Les collèges et les lycées sont également

dans ce mouvement. Les outils de la géné-ration XML permettent la mise en lignedes catalogues ; d’ores et déjà unetrentaine d’établissements offrent ceservice et ce nombre croît rapidement.Généralement, le catalogue prend placedans la rubrique CDI du site web del’établissement ; c’est le cas par exem-ple du collège Edmond Albius au Port àLa Réunion qui offre de plus d’autrespossibilités de recherche : sélection desites et moteurs de recherche, amorced’un “portail documentaire”. La notiond’intranet documentaire apparaît dansd’autres établissements tels le lycéeJeanne-d’Arc à Clermont-Ferrand ou lelycée agricole Georges-Desclaude àSaintes. “Un projet d’intranet concernel’organisation dans son ensemble,l’objectif étant de favoriser la commu-nication interne. Le documentaliste doitfaire “une offre documentaire” permet-tant d’intégrer le centre de documenta-tion dans le réseau interne. C’est unemanière pour lui de valoriser son actionet son travail, et cela s’apparente à unevéritable conduite de projet.”

La dynamique est donc en marche pourque le CDI sorte de ses murs. Le CDItotalement virtuel n’est ni pour demain,ni pour après-demain, mais la dimen-sion virtuelle du CDI se construit sur lesconcepts de portail documentaire etd’intranet qui prennent place eux-mêmesdans une réflexion élargie sur les besoinsen ressources des élèves et de tous lesmembres de la communauté éducativede l’établissement. La place du CDI et plus globalement duréseau d’information et de documenta-tion est à trouver dans le cadre de lapolitique documentaire de l’établisse-ment. Des équipes l’ont déjà bien

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compris. Ainsi, au lycée Le-Grand-Chênois à Montbéliard, le programmede restructuration a pleinement intégrécette dimension. Pour la documentaliste,“il était évident que compte tenu desbesoins, 1 380 élèves et parmi eux 400appelés à faire des TPE, 700 de l’ECJSet 300 des activités en STT ; nécessitéd’accueillir un grand nombre d’élèves àla fois sans pénaliser ceux qui viennenten autonomie, le CDI ne pouvant à luiseul répondre , il faut réfléchir à une poli-tique documentaire intégrant toutl’établissement”.

Dans un contexte de développementtoujours aussi rapide des technologiesde l’information et de la communicationqui conduit à une grande profusion desressources documentaires, la fonctiondocumentaire est essentielle au systèmeéducatif.

La réflexion locale, principalement del’établissement scolaire, deviendra deplus en plus importante. On a vu les CDIdoubler ou tripler de superficie, voireplus en comptant les espaces annexes.Le CDI est passé d’une salle unique à unensemble de salles et d’espaces ;demain, dans certains établissements,on pourra certainement considérer quela documentation est partout : toute sallesera en quelque sorte une annexe duCDI puisqu’en tout point on pourraconsulter une grande partie desressources. Alors que restera-t-il auCDI ? L’essentiel sans aucun doute : lacompétence spécifique du documenta-liste, l’accès à certains documents qu’onne trouvera pas ailleurs (livres et revuespapier), une certaine ambiance due àl’environnement et aussi la mise enœuvre de la politique documentaire. Le

CDI doit être la plaque tournante del’accès aux connaissances par unedémarche qui privilégie l’autonomie del’élève.Les besoins de formation des élèves enmatière d’accès à l’information conti-nueront de croître. La transformation deces informations obtenues en connais-sances est une démarche pédagogiquequi sollicite l’activité personnelle del’élève et appelle l’aide des enseignants.Déjà, les programmes de la plupart desdisciplines demandent de s’attacher àcette question.

La nécessité d’une organisation auniveau de l’établissement est indispen-sable. Le CDI, le réseau d’établissementsont des éléments structurants qui vontévoluer avec des variations dans lesusages tenant compte des richesses desdémarches mises en œuvre par chaqueéquipe. D’ores et déjà, les évolutionsconstatées attestent de cette dyna-mique. Les documentalistes quicumulent cette double compétence depédagogue et d’expert en sciences del’information et de la communication,contribueront à ce que l’école répondeà l’objectif qui lui est assigné de formerdes futurs citoyens maîtrisant la sociétéde l’information dans laquelle ils sontnés et grandissent.