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Le chercheur collectif coopératif oc 2013

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Page 1: Le chercheur collectif coopératif oc 2013

" Les chercheurs collectifs coopératifs "Olivier Francomme1 - décembre 2013

Sommaire :

Introduction sur les sciences de l'éducation

I - Les chercheurs collectifs coopératifs : un mode de production de la connaissance

II - Premier essai d'analyse (La question de la cognition collective)

III - Prise en compte de la complexité d'un système

III – 1 De la théorie des systèmes à la complexité

III – 2 Complexité : des travaux de caractérisation aux tentatives de définition

IV - L'inscription dans l'agir social: un positionnement historique et philosophique

V - Pertinence / conclusion

Table des sigles

ATSEM: Assistante technique spécialisée des écoles maternelles.

CCC: Chercheur collectif coopératif.

ICEM: Institut coopératif de l'Ecole Moderne (pédagogie Freinet).

Résumé

En regardant les productions scientifiques de l'Institut Coopératif de l'École Moderne (ICEM) on s'aperçoit qu'a été mis en œuvre un processus singulier, qui s'inscrit dans des temps longs, qui associe d'une manière particulière, à l'interne comme à l'externe, des groupes de travail variés, du niveau le plus élémentaire au niveau le plus élaboré.

À travers la description des ces chercheurs collectifs coopératifs (CCC), nous analyserons comment la théorie de l'institution peut éclairer son fonctionnement, en particulier comment elle peut articuler la temporalité et la matérialité des pratiques de recherche.

S'agissant d'une forme complexe, les théories de la complexité permettront évidemment de circonscrire la structuration et l'émergence de ce système de production de la connaissance, articulant l'individuel et le collectif au sein d'un environnement sociétal constitué.

L'émergence d'une telle structure peut être rapprochée d’une forme philosophique singulière et historique qui est celle de l'agir social et de l'inscription dans le politique, celui de la gestion du Bien commun selon Castoriadis, dans les conditions de l'activité du demos souverain. Ce demos existe à échelle restreinte : le CCC en est une modalité dans le champ de la recherche pédagogique.

Mots clés : chercheur collectif coopératif, système complexe, cognition collective, modélisation.

1 Olivier Francomme, Dr Habilité à Diriger des Recherches en Sciences Humaines, Sciences de l'éducation. Enseignant en ESPE à l'Université de Picardie Jules Verne.

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Abstract

By looking at the scientific productions of the Cooperative Institute of the Modern School (Institut Coopératif de l'École Moderne, ICEM), one notices that a singular process was implemented. In the long run, It consists in associating working parties, interbnally as well as externally, from the most elementary level with the most elaborate level.

Through the description of these cooperative collective researchers (CCC), I will analyze how the Institution theory can shed light on its working patterns, in particular how it can articulate the temporality and the materiality of research practices.

As it is a complex form, the theories of the complexity will be useful in understanding the structuring and the emergence of this knowledge production system, articulating the individual and the collective aspects within an established social environment.

The emergence of such a structure can be compared to particular and historical philosophical frameworks – that of social action and political participation as well as that of common good management according to Castoriadis, within the conditions of the activity of the sovereign Demos. This demos exists at a restricted level, and the CCC is one of it operating modalities in the field of the educational research.

Key words :

Cooperative collective researcher, complex system, collective cognition, modelization.

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Introduction sur les sciences de l'éducation

En France aujourd’hui, selon le point de vue que l’on prend, les toute-jeunes sciences de l’éducation piétinent, ou au contraire, inventent de nouvelles pistes, qui remettent en jeu un ordre trop bien établi, parfois au risque d’une dilution qui pourrait les faire disparaître2.

Elles piétinent, et en premier lieu parce qu’elles n’arrivent pas encore à trouver leur place. Elles peinent à trouver leur articulation à (avec) une réalité de terrain qui se complexifie, par une évolution accélérée de la société mondialisée, mais aussi fragmentée, selon de nouveaux clivages : ceux de l’exclusion sociale, de la déstructuration culturelle, de la communication totale… Elles piétinent, aussi, parce qu’elles ne répondent pas aux questions, ni aux inquiétudes du monde éducatif dans lequel s’invitent de nouveaux acteurs qui ne s’y retrouvent pas : parents, enseignants, politiques…

Dans cette situation, l'Education Nouvelle3 et, à travers elle, les courants pédagogiques qui la portent, ont du mal à montrer la voie d'une réelle innovation pédagogique. Le mouvement Freinet occupe une place particulière, de par son ampleur (et en particulier son internationalisation4), et par la singularité de certaines pratiques, d'ordre scientifique. En effet, l'analyse des productions scientifiques de l'ICEM (celles attestées par la communauté scientifique) montre la mise en œuvre d'une structure originale et puissante, qui a permis à des groupes de travail de l'ICEM (souvent appelés "secteurs") de produire, ou co-produire, des articles scientifiques. J'ai appelé ces structures "Chercheurs collectifs coopératifs" (CCC) dans les notes de synthèse de mon Habilitation à diriger des recherches5.

Plusieurs aspects seront développés dans cet article qui montrent, de manière plus approfondie, la pertinence des CCC. Les premiers cherchent à décrire le fonctionnement des CCC et à camper un contexte théorique – fût-il partiel. Le dernier, abordant les conditions particulières de production de la connaissance, dans son engendrement et dans sa validation, entame une réflexion au niveau épistémologique.

I - Les chercheurs collectifs coopératifs : un mode de production de la connaissance

Pendant de nombreuses années, j'ai travaillé au sein du mouvement de l'Ecole Moderne en France (encore appelé mouvement Freinet), dans ses structures départementales, nationales et internationales.

Mes attentes étaient multiples : structurer mes démarches, approfondir mes connaissances, décrypter les résultats de mon travail, analyser a posteriori des données issues de la classe ou plus largement de l’univers éducatif, intégrer des apports / regards extérieurs, etc. Toutes ces activités reflétaient en partie un véritable travail de recherche, mais nécessitaient aussi une confrontation avec des professionnels des champs considérés. Lorsque je me suis posé des questions sur la santé de l’écolier6, et son influence sur les parcours scolaires des jeunes, j’ai constitué plusieurs groupes de travail : un au sein de la classe (intégrant les enfants et aussi l'assistante -ATSEM-), un dans l’équipe éducative (parents, élus, enseignants intéressés), un dans le groupe Freinet de l’Oise, et un rassemblant des professionnels de la santé. Les différents groupes de travail ont peu à peu constitué des réseaux, c'est à dire qu'ils ont formé un ensemble de personnes concernées par la problématique du domaine de recherche, et intéressées pour un travail à long terme, parfois à distance (géographiquement). La qualité de réseau était aussi fondée sur l'interactivité en son sein, conçue comme une obligation de réagir aux sollicitations de chaque membre. La structuration était donc en plusieurs réseaux, c’est ce qui se réalisait, et se réalise toujours dans les groupes de travail de l’ICEM. Le mouvement Freinet est constitué en grande partie de ces réseaux structurés selon différents axes : des axes thématiques (secteur langues, mathématiques, etc.), des axes 2 Cette réflexion s’inspire du livre de François Dosse « L’empire du sens » qui a brossé un tableau international et contemporain de l’histoire des sciences humaines. 3 Donnadieu B., (2013).4 Francomme O. , (2009). 5 Francomme O., (2011).6 Francomme O., (2011), Brésil.

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transdisciplinaires (production d’outils, international, etc.), et des axes décloisonnés (dans et hors ICEM, tel celui de la "pédagogie sociale"). Certains réseaux comprenaient plusieurs axes, ce qui constitue une des caractéristiques fondamentales de ce qui représentait la matrice organisationnelle des chercheurs collectifs coopératifs. Il est légitime de les appeler ainsi, d’abord parce qu’ils produisent des écrits scientifiques attestés, ensuite parce qu’ils sont le fait de collectifs de travail souvent pluri-catégoriels, et en dernier lieu parce qu’ils fonctionnent dans une organisation coopérative, entendu au sens d’une organisation immanente, entre pairs 7, d’une part ; d’autre part, que il faut rappeler que le matérialisme pédagogique s’inscrit dans cette lignée. La matière a beau être complexe, elle n’est pas « hiérarchisée » au sein où des pans entiers seraient disjoints les uns des autres : Edgar Morin, dans La Méthode, précise bien que tout l’enjeu d’une méthode de la complexité, c’est de briser l’idée une conception non-complexe de la réalité, comme d’éléments disjoints et clairement séparés, au profit au contraire d’une conception qui les distingue et les relie. Disjonction et séparation vs distinction et liaison.Certains de ces chercheurs collectifs ont été décrits dans des ouvrages biographiques : Pierre Guérin8 et le secteur audiovisuel, Jean Le Gal9 et le chantier sur l’autogestion, et moi-même dans le travail sur la santé de l’écolier, il en existe d'autres. Ils constituent l’aboutissement de la mise en œuvre d’un dispositif particulier de recherche. Un aspect important des chercheurs collectifs coopératifs, c’est qu’ils s’associent à d’autres réseaux professionnels, et souvent de recherche (dont des laboratoires universitaires, ou des instituts). Leur pertinence est alors fondée sur la réelle coopération et les apports réciproques. Les universitaires apprécient souvent des dimensions telles que : l’environnement de travail (terrain éducatif, enfants, classes, etc.), les pratiques pédagogiques (postures, ergonomie, techniques éducatives, etc.), la vulgarisation scientifique, l’ingénierie éducative… Les pédagogues quant à eux recherchent ; des méthodes de travail adaptées à leur cas, des éléments de passage de l’intuitif à l’explicite, un regard extérieur pertinent, une évaluation qui ne soit pas un jugement.Mais cette réciprocité, fondement de la coopération, trouve par ailleurs sa légitimité. Ce sont les valeurs, défendues, exprimées, et mises en œuvre, qui servent de références, et de principes moraux. Elles concourent, de manière intime, à la mise en œuvre d’un partenariat, d’une coopération scientifique. Il y a nécessairement accord sur les valeurs, le positionnement éthique des personnes. Ce sont souvent des liens de convergence dans la posture éthique, qui font écho à des liens d’amitiés, de complicité. Les chercheurs collectifs coopératifs sont mis en place et fonctionnent sur des temps longs, dans des processus complexes et souvent autonomes : chaque réseau associé dispose d'un fonctionnement propre, tel un cercle professionnel, par exemple médecins ; cercle scolaire, par exemple conseil de classe : cercle pédagogique, par exemple groupe Freinet thématique ; etc. Chaque réseau participe aux processus généraux d’évaluation, de régulation, et de direction. Des confrontations régulières sur des objets précis, sont prévues. Par exemple à propos de la validation d’une publication, mais cela peut concerner aussi la validation d’un processus de recherche. Chaque réseau emmène les autres réseaux sur son terrain propre, ce qui constitue une véritable co-formation10, organisée au nom du principe général de la coopération.Voici un exemple de fonctionnement auquel j'ai participé, sur la santé de l'écolier :

Essais de schématisation :

7 Sur la notion de coopération, il faut l’entendre au sens défini par Célestin Freinet, dans la tradition humaniste. Voir glossaire en annexe.8 Gast Marceau, Guérin Madeleine et Claude, (2008).9 Le Gal Jean, (2007).10 Voir définition dans le glossaire en annexe.

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publications pédagogiquessanté

scolaire

audit

formation des médecins de santé publique sages

Champ de la santé

-éducation à la santé-troubles

-formations-aménagements

-séminaires de santé publique-colloques

Champ éducatif

groupe de travail

-ICEMla classe

Schéma interdisciplinaire 1- Organisation de la recherche, espaces du chercheur collectif

Le chercheur collectif coopératif mis en place dans le cadre spécifique de la santé de l'écolier, a associé différents réseaux schématisés par des cercles : cercle professionnel, comme celui des médecins de santé publique ; cercle scolaire, comme le conseil de classe ; cercle pédagogique, comme le constitue les groupes Freinet thématiques ; etc. Un chercheur collectif coopératif implique des temporalités variées et spécifiques : il existe un temps de travail pour le recueil de données, un temps pour l’écriture de la recherche, un temps de travail pour la confrontation des idées,

Schéma interdisciplinaire 2   - les productions scientifiques, professionnelles

Champ de la santé

Troubles dans les apprentissages

Champ éducatif

consultation-prévention -posture, alimentation

articles

Interventions Rennes« le secret professionnel »

mise au point

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II - Premier essai de modélisation (La question de la cognition collective)11

Dans le fonctionnement décrit précédemment, la cognition collective prend une dimension importante dans le processus d'élaboration de la connaissance. Le CCC constitue une forme instituée et instituante de production de la connaissance. La théorie de l'institution (notamment le travail de Lourau) paraît particulièrement adaptée à décrire ce fonctionnement. Elle énonce que : "les règles et les normes évoluent de par les pratiques particulières qui interagissent avec elles12", ce qui peut se décrire selon le schéma suivant13.

Le moment de l’Universel correspond à tout ce qui est déjà institué, à tout ce qui fait référence — que ce soit, lorsqu’il s’agit du savoir et de la connaissance, le savoir construit à l’extérieur ou celui élaboré collectivement, que ce soit l’ensemble des méthodes de travail utilisées, éprouvées, et donc instituées. Dans le cas du fonctionnement des CCC, ce moment représente les lieux et moments de l'installation de la connaissance, un aboutissement momentané du travail de recherche, quand il a recueilli le consensus général des différents réseaux coopérants sur cette recherche.

Le moment du Particulier est celui où chaque participant s'approprie le fruit de la recherche, en l’interprétant et le transformant de manière originale — les jeunes faisant partie des publics concernés14. Le moment du Singulier est celui de l’émergence d’idées neuves, de propositions, de nouvelles représentations, de savoirs nouveaux — la caractéristique de cette modélisation en trois moments étant que les idées nouvelles sont élaborées à partir des anciennes, sous leur influence. Bien entendu, cette nouveauté peut fort bien ressembler beaucoup à ce qui la précédait, ou au contraire inscrire une rupture radicale. Ce qui émerge au moment du Singulier a la possibilité d’être institué. Il faudra bien sûr débattre pour préciser les propositions ou les éléments de savoir, puis viendra le temps de la présentation à des cercles et des réseaux différents, plus larges. C'est un moment de socialisation fort dans le mouvement Freinet, un mouvement de confrontation avec les différents tenants des "orthodoxies" de l'Ecole Moderne15. (Celles-ci peuvent être catégorisées par leur inscription dans des références qui ont des conséquences épistémologiques : la philosophie matérialiste, le tâtonnement expérimental, l'anthropologie, la déontologie ou l'éthique, et on peut rajouter l'Histoire !). Une fois institué, l’élément nouveau (idée, représentation, savoir) se retrouve au moment de l’Universel et va entrer dans le fonctionnement en trois moments.

Dans cette perspective, la création pour les CCC (celle qui est capable d'instituer) peut émerger, au moment du Singulier (dans l'interaction du moment de l'Universel avec celui du Particulier). Dans les "objets" institués, il y a les représentations collectives qui structurent le sens, la pensée. Elles ont aussi pour vocation de rassembler des particularités éparses (selon cet aspect on peut dire qu'elles créent des

11 Dans ce paragraphe, je m'appuierai sur l'article de JC Sallaberry (1997) : Cognition "sociale", cognition "individuelle" et paradoxe du sens.12 Lourau René, (1970). Les trois “moments“ qui interagissent sont les trois moments de la dialectique hégelienne, adaptés à l’objet institution. 13 Sallaberry Jean-Claude, (1997), ibid. 14 C'est sans doute une des particularités notables du Mouvement de l'Ecole Moderne, que d'associer les jeunes aux processus de validation de la recherche dont ils font l'objet. 15 L'article de Jean-Pierre Bourgeois décrit de manière fine les différentes "entrées" en pédagogie Freinet.

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liens structurants ou conceptuels). Toute émergence16 nouvelle provoque une restructuration (réarrangement des relations), donc une modification du système de référence (du sujet, du groupe, de l'organisation..).

Le travail de confrontation organisé structurellement par les CCC, aboutit à la production de réorganisations scientifiques, ou émergences conceptuelles (ou relationnelles).

Le sens attribué aux objets/produits des CCC s'effectue à 2 niveaux : au niveau du collectif (puisqu'il résulte d'un consensus), mais aussi au niveau individuel, puisque chaque participant s'approprie de manière intime ces objets, et dont il est légitime de penser qu'ils différent un peu d'une personne à l'autre. Cognition individuelle et cognition collective (sociale17) ne peuvent donc être pensées séparément, puisqu'il n'y a "d'état mental" qu'au niveau logique individuel, et que d'autre part le niveau logique collectif est engagé dans tout "état mental", par le biais des représentations collectives, qui font référence..

III - Prise en compte de la complexité d'un système18

Pour pouvoir aller plus loin dans la réflexion, il faut mieux tenter de modéliser la complexité d'un système, et plus particulièrement dans les phénomènes décrits et mis en jeu dans les CCC.

III – 1 De la théorie des systèmes à la complexité

Le Moigne : modélisation des systèmes complexes19

Depuis les années 1980, les nouvelles sciences (sciences de l'information, de la communication, de la computation, etc.) ont recours à la modélisation systémique pour justifier pragmatiquement de leur scientificité. La modélisation exprime une méditation de l'objet par le sujet qui prend toujours la forme de projet20. Elle nécessite un système de règles explicites (par ex. axiomatique) et un système de symbolisation (par ex. paradigmes graphiques). Cette modélisation repose sur une hypothèse phénoménologique (Nous ne percevons que des opérations, c'est à dire des actes21), une hypothèse téléologique (c'est par la cause finale que l'expérience active se conçoit), et une hypothèse de la procéduralité de la rationalité. 22

La modélisation systémique se définit par le projet de la modélisation des phénomènes perçus complexes et donc à la fois intelligibles et irréductibles à un modèle fini, Elle ne se caractérise donc pas que par son résultat, un modèle fini, mais aussi par sa procédure ; elle est à la fois action de modéliser et modélisation d'actions. Elle n'implique pas une théorie des modèles mais une théorie de la modélisation. Elle se comprend par le projet du modélisateur qui se sait actif et partie prenante dans la production des modèles des phénomènes auxquelles il s'intéresse parce qu'il y intervient intentionnellement. Elle est modélisation d'un système

observant et donc d'un système qui s'observe lui-même dans ses actions : nécessairement "réflexif", le modélisateur devient ‘système intelligent, capable de s'observer modélisant, et donc de se construire des représentations de ses actions’.

Varela : les systèmes autopoiétiques

16 La notion d'émergence, employée dans cet article doit être prise au sens donné par F. Varela, et sera approfondie plus tard. 17 Durkheim parle de représentations collectives. Moscovici introduit le concept de représentation sociale. Codol propose de considérer qu’une représentation est toujours sociale, puisqu’étant, dès son émergence, l’enjeu des interactions entre sujets humains.18 Dans ce paragraphe, je m'appuierai sur les articles de JC Sallaberry : (2010) Management et cognition ; et (2013) Questions et problèmes de modélisation (dans les SE et les SHS)19 Pour reprendre le titre de son ouvrage de 1990.20 Bachelard G in Le Moigne JL, (2007), p85.21 P. Valery (Cahiers 1).22 Le Moigne JL, Le formalisme de la modélisation systémique.

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Pour Varela, ce qui caractérise le vivant est sa capacité d’adaptation ; dès le premier niveau de complexité de la vie, les aspects cognitifs sont présents23. Pour lui, la cognition n'est pas qu'un simple traitement de l'information, c'est la caractérisation d'un processus d'interaction avec l'environnement, et aussi avec soi même. Tous les individus possèdent une certaine autonomie, une intégralité cohérente, et une capacité autocréatrice.

Selon l'auteur, un système vivant possède un processus autoproducteur, dont le but est d’entretenir et de maintenir la cohésion entre : d’une part, une structure formée par l’ensemble des composants physiques d’un organisme, et d’autre part, son organisation définie par les relations entretenues par ces mêmes composants. Le concept d’autopoïèse rend compte de la concomitance de ces deux propriétés : organisation / structure :

Un système autopoïétique est organisé comme un réseau de processus de production de composants qui (a) régénèrent continuellement par leurs transformations et leurs interactions le réseau qui les a produits, et qui (b) constituent le système en tant qu’unité concrète dans l’espace où il existe, en spécifiant le domaine topologique où il se réalise comme réseau24.

La clôture opérationnelle garantit l'identité du système comme un tout : relations et processus entre les composants, régénération, frontière dynamique. Varela propose de voir la cognition comme action de faire émerger à la fois le monde et le sujet :

L'enaction peut se définir comme « l'étude de la manière dont le sujet percevant parvient à guider ses actions dans sa situation locale »25.  Elle souligne que « La plus importante faculté de toute cognition vivante est précisément, dans une large mesure, de poser les questions pertinentes qui surgissent à chaque moment de notre vie »26,  que l'acte de connaître  repose sur l'action du sujet guidée dans un contexte toujours singulier et jamais entièrement prévisible.

La construction des connaissances est un processus d'émergence par auto construction (alors que l'approche cognitiviste voit l'appareil cognitif essentiellement comme un simple instrument de résolution de problème).

Il y a émergence chaque fois qu'un degré d'organisation de complexité supérieure apparaît.

III – 2 Complexité : des travaux de caractérisation aux tentatives de définition

La notion de complexité a surtout27 été modélisée par les travaux de Le Moigne et de Morin. Le Moigne (1990) caractérise la complexité à partir de l’opposition compliqué/complexe, ainsi que celle des deux processus décomposition/composition. Morin (1990) mène lui aussi un travail de caractérisation important, en posant notamment les trois “principes“ : principe dialogique, principe de récursion organisationnelle, principe hologrammatique (pp. 98, 99, 100). On peut considérer que ces deux auteurs mènent ainsi le travail de caractérisation nécessaire à toute tentative d’élaboration d’une définition de la complexité.Une première définition ou approche de la complexité peut être prise chez Nicolis et Prigogine, en relation aux phénomènes d'auto-organisation (des cellules de Bénard pour ces auteurs). Cette conception de la complexité se caractérise ainsi par le constat ou l’hypothèse d’une imprévisibilité partielle du comportement d’un système (cela se caractérise par l'existence d'une bifurcation sur la courbe représentative du système dans l'espace des phases).

23 Varela F.J., (1989), Autonomie et connaissance , essai sur le vivant», Paris, Seuil.24 Varela F.J. et al., 1974, p. 188.25 Varela F.J., (1993),« L'inscription corporelle de l'esprit » , p. 235.26 Varela F.J., (1989),« Invitation aux sciences cognitives », p.  91.27 On pourrait aussi citer Atlan, même s’il parle plus d’auto-organisation de que de complexité.

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Plusieurs autres auteurs ont également contribué à définir la complexité dans les phénomènes sociaux. Au sein de la description, de caractère anthopomorphique, élaborée par Prigogine, par exemple. Mais on peut surtout penser au dialogue entre Barel et Castoriadis. 28

“L’idée de co-engendrement éléments-forme est due à ces deux grands chercheurs, aujourd’hui disparus. L’idée est déjà repérable chez Castoriadis (1978, pp. 196-197), quand il remarque qu’on ne peut composer une société qu’à partir d’individus déjà « sociaux » (qui portent déjà le social en eux-mêmes). Barel (1979) cite abondamment Castoriadis 29 et développe une réflexion sur ces parties de systèmes qui semblent « contenir » le système30. Il emploie l’expression de « co-émergence simultanée du paradoxe, de la contradiction et du système ». Castoriadis (1993), dans l’ouvrage collectif dédié à la pensée de Barel et à partir du travail de ce dernier à propos de la Cité médiévale (1978), énonce l’hypothèse du co-engendrement des éléments et de la forme. Quand apparaît en Grèce une nouvelle forme social-historique, la polis, cette dernière « est impossible sans les politai — les citoyens — lesquels, pourtant, ne peuvent être fabriqués que dans et par la polis. » De même pour les nouvelles cités qui émergent en Occident autour de l’an mille. Le bourg libre est inconcevable sans les proto-bourgeois, qui sont inconcevables en dehors du bourg.“ (Sallaberry, 2004, p.98-99)

Revenons sur la complexité au sens de Castoriadis. Sera déclaré un complexe un système pour lequel on peut observer le co-engendrement des éléments et de la forme31. “Dans ce cas, l’état global dépend des états locaux, qui dépendent eux-mêmes de l’état global. C’est en ce sens que la forme qui émerge restructure l’ensemble du système — c’est en ce sens que l’on peut parler de forme.“ (Sallaberry, 2004, p.99)

Ainsi décrits précédemment, les CCC apparaissent comme des systèmes complexes, dont les micro systèmes (les groupes, les cercles...) sont soumis à deux formes de rapports : d'une part les rapports internes, et d'autre part les rapports externes. Une part des réactions / productions des CCC s'explique par les intrants, l'action d'agents extérieurs. L'autre part des productions, provient de l'interaction des membres de chaque cercle (groupe spécifique de personnes reliées entre elles). Un des aspects intéressant des CCC, c'est qu'ils renforcent l'identité de chaque groupe (cercle), là où l'on aurait pu penser qu'ils puissent provoquer leur éclatement ou dilution.

La modélisation des situations humaines pose un certain nombre de problèmes : le niveau (individuel ou collectif), les articulations entre 2 niveaux, le sens, et la complexité. C'est ce que prend en charge le CCC, au regard de ce que nous avons déjà décrit, mais qui demande une autre mise en perspective, ou un autre éclairage.

Si l'on utilise le principe de la modélisation systémique exposé par Le Moigne32 (conséquence de l’irruption des nouvelles sciences), celle-ci privilégie la modélisation de l’acte, à celle de l’objet (la chose). Elle exprime davantage la complexité du regard que la complexité attribuée à l’objet ! (Interaction du sujet et de l’objet)

Si l'on regarde le processus général des CCC, alors on peut considérer qu'ils fonctionnent comme des institutions, celles-ci entendues au sens de R. Lourau : ils décrivent un méta-fonctionnement, avec des rôles hiérarchisés (l'espace humain considéré est plus vaste que le mouvement Freinet lui-même) ; leur vocation est d'instituer, par la production d'objets culturels représentés par les connaissances, qui donnent

28 Sallaberry JC, (2013 et 2004). 29 Il cite surtout (de Castoriadis) les ouvrages de 1975 et 1978. Il déclare d’ailleurs que son ouvrage (1979) doit beaucoup à celui de Castoriadis (1978).30 Barel note judicieusement que l’opposition ontologique de l’élément et du système correspond à la représentation corpusculaire, alors que la notion de champ permet de concevoir que niveau et méta-niveau à la fois se confondent et demeurent distincts (p.169).31 C’est ce que suggère Castoriadis dans son texte de 1993.32 Le Moigne Jean-Louis, (2007), p 83.

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le sens à leur action; et ils permettent un moment singulier, celui de renégociation, en de multiples lieux et à plusieurs niveaux (individuel et collectif).

Mais la particularité des CCC, c'est que cette structuration s'effectue aussi à un niveau moindre : la classe, qui peut aussi être considérée comme lieu d'une institution, ce qui a été l'une des voies les plus fécondes du mouvement Freinet, lorsque Fernand Oury introduisit la pédagogie institutionnelle33.

IV - L'inscription dans l'agir social, un positionnement historique et philosophique

Les chercheurs collectifs coopératifs s'inscrivent dans un domaine très vaste dont certains fondements, certaines dimensions, constituent leur matrice paradigmatique.

Le premier paradigme, ou ensemble paradigmatique, est celui qui inscrit les sciences et la recherche scientifique dans l’agir social : il existe un contrat tacite entre le monde des sciences et la société, celui-ci doit venir en aide face aux difficultés, éducatives en l’occurrence. C’est un paradigme de la dédicace34, qui lie tous les membres de la communauté, éducative et scientifique. De nombreux chercheurs et équipes de recherche ont emprunté cette voie, par exemple Bruno Latour35, qui envisage un « parlement des choses », dispositif hybride de confrontation entre le politique, l’administration, et la science. Selon lui, notre pensée politique n’a jamais été moderne, en confiant d’un côté aux scientifiques la gestion de la nature, et de l’autre aux politiques celle de la société. Le parlement des choses permet aux opérateurs humains, médiateurs des problèmes de la société, de se confronter, dans leurs logiques plurielles, aux savoirs partiels, ...

Dans la pensée marxiste, Antonio Gramsci36 était un écrivain et un théoricien politique italien qui s’intéressait beaucoup à l’éducation et à la formation politique, intellectuelle et culturelle, de la classe ouvrière. Pour celui-ci, il y avait une ré-appropriation du savoir qui devait se faire par certaines classes pour éviter leur domination. Cette ré-appropriation passait par l’émergence d’un « intellectuel organique », dont la fonction était tout à la fois technique, et politique (Il prenait l’exemple de la religion avec ses érudits,…). C’était une véritable rupture épistémologique dans la conception de l’élaboration et de l’appropriation de la culture dans les classes sociales.

Mais ce paradigme est aussi au cœur d’une philosophie de l’agir, qui explore le sens de l’action humaine. Paul Ricœur apporte une contribution fondamentale de ce point de vue sur le devoir d’agir que nous avons tous et qui nous inscrit dans un processus historique. Il souligne l’importance de la dette éthique de l’histoire à l’égard du passé. La logique même de l’action maintient ouvert le champ des possibles. L’utopie n’est pas le support d’une logique folle, mais a une fonction libératrice qui empêche l’horizon d’attente de fusionner avec le champ d’expérience. C’est ce qui maintient l’écart entre l’espérance et la tradition37. L’histoire n’est pas orpheline à condition de répondre aux exigences de l’avenir.

D’autres penseurs, philosophes, ont contribué à ce paradigme, comme dans le cas de l’apport de la philosophie analytique selon Charles Taylor (inspiré par Wittgenstein et Merleau Ponty), l’action n’est pas une chose puisqu’elle est indissociable d’un discours. Selon lui, ce qui fonde l’horizon de travail en sciences humaines, c’est la clarification. C’est une entreprise normative d’élucidation du sens commun, des expressions ambivalentes.

De nombreux écrits de Célestin Freinet attestent sa volonté permanente d’inscrire la recherche au cœur du travail d’enseignement, directement dans les pratiques de classe, mais aussi dans les nécessaires relations

33 Les principales références de la pédagogie institutionnelle sont les ouvrages de Fernand Oury et Aïda Vasquez,  Vers une pédagogie institutionnelle, et René Laffitte, Mémento de pédagogie institutionnelle.34 Cette dédicace peut être prise au sens de Jean Vial, relatée dans l’ouvrage dirigé par Henri Peyronie, au chapitre p 13.35 Latour Bruno, (1991), Nous n'avons jamais été modernes. Essai d'anthropologie symétrique, La Découverte, Paris, 207p.36 Gramci Antonio, L'éducation trahie: critères pour une nouvelle évaluation globale des "Cahiers de prison" d'Antonio Gramsci, (1985).37 Ricœur Paul, Du texte à l’action. Essai d’herméneutique II, 1986, p 391.

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avec la communauté éducative élargie. Dans toute son œuvre, Freinet effectue un travail de vulgarisation scientifique, qu’il dédie à cette communauté élargie. Pour apprendre de la recherche, il faut apprendre par la recherche. C’est le principal objet de son ouvrage « Moderniser l’école38 ». La création de l’ICEM constitue aussi un acte délibéré dans sa volonté d’inscrire la recherche au cœur de l’enseignement, dans une perspective de transformation du système scolaire. Une singularité de C. Freinet est d’opérer le changement « par le bas » et non du haut de la hiérarchie universitaire39, et cela lui aura valu nombre d’inimitiés dans son rapport avec l’Université, alors que cela ne constitue pas un dénigrement du travail de recherche, mais au contraire une autre forme de collaboration. L’inscription dans l’agir social de C. Freinet, consiste aussi à avoir élargi le champ de son intervention. Il a été à l’origine de la création de nombreuses coopératives, et groupes de travail coopératifs, dont le but était aussi la production de savoir, par des méthodes praxiques développant l’autonomie de la pensée et de la personne.

V - Pertinence / conclusion

Ainsi, les CCC, tant dans la modélisation que l’on peut en donner, que dans les pratiques historiques qui les ont fait naître dans le champ de l’École moderne, se révèlent être des processus de forte co- émergences, à même de modifier l’institué. De l’école maternelle à l’université, de l’enfant à l’adulte, entre pairs, quelle que soit l’échelle à laquelle on observe ce champ pédagogique coopératif, on voit la forme-CCC à l’œuvre (on retrouve ici le principe hologrammatique mis au jour par Morin).

Mais, on le voit à l’examen des relations complexes et changeantes du rapport entre le champ de l’école primaire et celui de l’université, ce CCC est loin d’aller de soi, même si, dans son principe, il en est arrivé à devenir un « idéal » de l’organisation de tout collectif de chercheurs.

C’est pourquoi, au sortir de cette (trop) brève présentation, l’objet véritable de ce travail doit être rappelé : il met en valeur des choses qui sont nées et existent depuis plus longtemps que certains référents philosophiques et scientifiques auxquels j'ai pu faire appel (même si ce n’est pas pour autant qu’elles sont restées « dans la naphtaline » : ce que tente de prouver ces modestes recherches). Il faut être absolument clair : ce qui, en termes d’historiographie, est premier, c’est la praxis dont je parle ; que les praticiens n’aient pu, faute du matériau conceptuel, sortir du discours ambiant de l’époque, n’empêche pas que leur pratique, elle, était dans une ambiance dont la description scientifique (au sens de sciences humaines, et je ne parle pas des autres, sciences cognitives ou autres) a dû attendre longtemps avant de pouvoir l’appréhender avec fidélité. Et ce décalage n’a rien à voir avec un quelconque déficit intellectuel de la part des praticiens, évidemment. Cela fait apparaître ce que PJ Laffitte40 appelle les deux régimes de fonctionnement d’une réalité pratique, le régime praxique et le régime non-praxique. Et selon ce dernier, si l’on veut appréhender correctement ce décalage entre la réalité déjà ancienne des classes, et les réélaborations qui, depuis, se sont succédé à leur sujet :

À tout prendre, il vaudrait mieux partir du postulat (polémique ? je n’en suis pas persuadé) d’un retard du pôle regardant sur l’objet regardé. Ce qui, implicitement, mais de façon cruciale, m’amène à supposer que, si l’objet regardé, cette pratique, ait pu vivre avec toute sa poiésis propre, c’est qu’elle développait elle-même son propre regardant, autrement dit sa propre théorie, aussi non-achevée et non-complète soit-elle selon les critères des sciences de l’éducation proprement dites. Un tel objet d’étude pourrait prendre le nom, déjà ancien, de praxis : une praxis, à la différence d’une pratique « normale », serait caractérisée par le fait qu’elle possède, immanente à son déploiement, son propre interprétant. « Quel est cet interprétant ? » peut se dire autrement : Qu’est-ce qu’une théorie praxique, que ne serait pas une théorie née hors de l’autorité des praticiens eux-mêmes, analystes de leur propre être-là41 ?

38 Freinet Célestin, (1960).39 Ibid, chapitre écrit avec R. Salengros sur : La démocratisation de l’enseignement (p 65).40 Laffitte Pierre Johan, Francomme Olivier, (2014), à paraître.41 Pierre Johan Laffitte, correspondance avec l’auteur.

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Glossaire

Encart sur la co-formation scientifique :

Dans le mouvement de l’Ecole Moderne, la co-formation revêt une forme particulière qu’il est nécessaire d’expliciter.Avant de parler de co-formation scientifique, le premier niveau d’intelligibilité de la co-formation c’est l’entraide entre pairs. Elle consiste à apporter son expérience, ses tâtonnements, son interprétation, etc, dans un échange, ou un moment formel de formation. Elle peut apporter des éléments de référence théorique, des éléments pratiques, … Le principe de base reste, dans une co-formation, la contribution désintéressée de chacun des membres venant d’horizon différents : champs disciplinaires différents : éducation et santé, champs de natures différentes : domaine universitaire et domaine professionnel, … C’est une règle d’altérité obligée. La participation désintéressée devient libérée, en ce sens où elle ne doit pas s’inscrire dans un rapport de domination ni à l’opposé de soumission par rapport à l’autre, aux autres. Chaque partie doit pouvoir s’exprimer librement, en toute confiance, il y a des règles de loyauté à définir (par exemple, la confidentialité).Les objectifs d’une co-formation peuvent être variés :-enrichir la pratique de chacun-découvrir des ressources-partager des outils de travail-créer de nouvelles formes d’action-mieux communiquer-faire se rencontrer des spécialistes d’horizons différentsL’aboutissement d’une co-formation est très souvent formalisée par la production d’un écrit ou d’une position affirmée, mis au point collectivement, et sur lequel toutes les parties sont d’accord. La co-formation préfigure le travail d’un chercheur collectif.

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Encart sur la coopération, selon Célestin Freinet

La coopération, dans la pédagogie Freinet, est l’un des piliers majeurs de cette forme pédagogique, au point qu’elle en constitue l’élément fondamental qui la caractérise. Freinet a créé l’Institut coopératif de l’École Moderne, c’est plus qu’un symbole, c’est un principe, une technique de vie.La coopération s’inscrit pour lui dans un mouvement historique, c’est une vision utopique de la mondialisation, la voie du pacifisme, dans un monde en proie aux guerres. Elle revient sur les fondements de la relation humaine et les principes élémentaires de la société.

La coopération s’inscrit dans une perspective politique, philosophique. C’est une haute forme organisationnelle de la société qui peut régir de manière universelle, les relations entre les peuples, et au sein d’une société. La particularité de ce projet politique, c’est son application au niveau macro-social et au micro-social. Au plan macro-social, elle institue une représentativité des groupements humains, ainsi que leur pouvoir participatif et contributif dans la vie de la société ; et au niveau micro-social, elle fournit un cadre d’éthicité dans les relations interpersonnelles, sous la forme de droit à la parole, d’entraide, d’accompagnement,.. Le projet est philosophique, parce qu’il s’appuie sur des valeurs universelles comme l’égalité, le partage, la solidarité, l’éducabilité, … La coopération est antagoniste à la concurrence, à la compétition.

La coopération est une forme pédagogique, dans le sens où à elle seule, elle définit le code de déontologie qui régit les relations au sein de l’espace éducatif de la classe, mais aussi élargi à l’espace de la communauté éducative. La coopérative scolaire permet aussi de gérer matériellement et financièrement la structure scolaire, dont elle institue le fonctionnement, et dont elle garantit la légalité de la gestion. La coopérative scolaire associe les élèves au processus, et elle constitue une “démocratie d’apprentissage42”.

La coopération est une forme supérieure de l’organisation de la recherche (dans l’Icem), dans le sens où elle établit un cadre éthique à son fonctionnement. À la fois, elle s’inscrit dans une perspective de l’agir social, et de l’intérêt général, et à la fois, elle attribue à chaque membre de la communauté éducative, un rôle qui responsabilise, implique et respecte les droits de chacun. C’est un collectif de sujets pensants et agissants.

42 Cellier H, (2010).14