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LE CHÂTEAUDECastelnaud

MUSÉE DE LA GUERRE AU MOYEN ÂGE

Editions OUEST-FRANCE

Texte et photographies GUILLAUME LACHAUD

Du donjon cathare au musée du Moyen Âge • 2La guerre au Moyen Âge • 18Les défenses de Castelnaud • 26Le musée de la Guerre au Moyen Âge • 38Vivre l’histoire à Castelnaud • 42Informations pratiques • 48

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Castelnaud entre dans l’histoire en 1214, par un fait d’armes spectaculaire. Le château est

alors à la tête d’une seigneurie dont le territoire s’étend vers l’ouest et le sud sur une quinzaine de kilomètres. Au nord de ce périmètre, la Dordogne marque la frontière avec les terres des barons de Beynac. Le maître des lieux, Bernard de Casnac, est

Le premier château

un seigneur puissant, également en possession de places voisines sur la Dordogne : Domme, Aillac, Montfort. Par son mariage avec Alix de Turenne, il devient le beau-frère des vicomtes de Turenne, de Comborn et de Ventadour, trois hauts seigneurs limousins. Les chroniqueurs présentent Bernard de Casnac comme un personnage haut en couleur.

Les époques de construction du château.Graphisme P. Guth.

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Fervent et féroce défenseur de la foi cathare, il est réputé pour sa cruauté envers les chrétiens qui tombent sous sa main : « Il leur coupoit piedz et mains et leur crevoit les yeux ou les faisoit mourir et sa femme exercoit mesmes cruautés envers les femmes auxquelles elle fasoit couper les mameles et le poulce des mains… » Voilà pourquoi Simon de Montfort se présente devant le château de Castelnaud en 1214. Ce chevalier venu du Nord est à la tête de la croisade contre les Albigeois, autre dénomination des Cathares.

Mais la défense de la foi n’est sans doute qu’un prétexte car Bernard de Casnac est un des appuis les plus puissants du comte de Toulouse dans la région. Or, si la croisade prêchée par le pape Innocent III a un but religieux, celui de ramener les hérétiques dans le droit chemin, elle a aussi un but politique inavoué : mettre sous la coupe royale le comté de Toulouse. Simon de Montfort prend successivement les forteresses de Montfort, Domme,

Castelnaud et Beynac. Pour autant, Castelnaud n’est pas détruit puisque Simon y installe une garnison.

L’année suivante, en 1215, Bernard de Casnac revient sur les lieux. Il surprend le gouverneur de Simon et procède à la pendaison de toute la garnison. Revanche de courte durée puisque, la même année, l’archevêque de Bordeaux, parti également en croisade, chasse défi nitivement les hérétiques et brûle le château. Seules quelques pierres rougies par le feu et réemployées plus tard témoignent peut-être de ces épiques combats, mais il ne reste rien du premier château pris par Simon de Montfort. Sans doute existait-il déjà un premier donjon avec une enceinte et un corps de logis. Quoi qu’il en soit, le château est désormais sous la domination royale. En 1240, à Compiègne, Aymeric de Castelnaud, héritier de Bernard de Casnac, s’agenouille devant Saint Louis et lui jure fi délité. Mais en 1259, le traité de Paris modifi e le contexte politique de la région.

Le château de Beynac vu de Castelnaud.

Les époques de construction

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La fi n du XIIIe siècle inaugure pour Castelnaud une période de prospérité et de calme rela-

tif. L’hommage répété aux comtes du Périgord jusqu’au début de la guerre de Cent Ans assure une grande stabilité au château malgré quelques confl its successoraux. Au début du XIVe siècle, Castelnaud s’impose comme l’une des princi-pales puissances du Périgord. Preuve en est le nombre de chevaliers dont il dispose. En 1302, le roi Philippe le Bel lève une armée pour mener la guerre de Flandres. Le comte du Périgord apportera vingt hommes à la convocation de l’ost* féodal ; Raoul et Mainfroy de Castel-naud, coseigneurs, dix hommes chacun. Mais la puissance militaire de Castelnaud et sa situation stratégique inquiètent sérieusement le voisinage.

Un château puissant

CI-DESSUS

Le bastion à l’aube.

A GAUCHE

Le château au lever du jour à peine sorti des brumes nocturnes.

PAGE DE DROITE DE HAUT EN BAS,Escalier du bastion vu du donjon.

Le site surveille la confl uence de la Dordogne et du Céou.

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Durant toute cette période, les barons de Beynac sont en confl it quasi permanent avec les seigneurs de Castelnaud. Sans cesse les deux maisons rivales se disputent le contrôle de la région, entraînant avec elles une partie de la noblesse périgourdine divisée entre ces deux camps. Les deux châteaux s’observent, s’espionnent ; chacun guette la faute de l’autre ou son ultime provocation… Mais jamais le choc frontal n’aura lieu, chacune des deux puissances craignant trop la force de l’autre pour engager un confl it armé qui aurait mis toute la région à feu et à sang. Il faut dire que de prestigieux médiateurs se sont succédé pour éviter le pire. Ainsi, en 1317, c’est le pape lui-même, Jean XXII, qui autorise un mariage entre les deux familles pour tenter de mettre un terme à ce confl it endémique.

Ce contexte de guerre privée, si fréquent au Moyen Âge, sera bientôt relégué au second rang : la menace qui planait sur l’Europe se fait de plus en plus pressante et en 1337 éclate la guerre de Cent Ans.

Le bastion à l’aube.

ver du jour à peine sorti des brumes nocturnes.

Escalier du bastion

dogne et du Céou.

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Après un siècle noir de guerres, d’épidémies et de malheurs, s’ouvre une grande période

de prospérité. Le château de Castelnaud revient en 1443 à Brandélis de Caumont qui entreprend de relancer l’économie de sa seigneurie puis de reconstruire, vers 1463, un château sans doute très endommagé par des décennies de batailles. Cette phase importante de construction s’étale jusqu’à la fi n du XVe siècle. François de Cau-mont, fi ls de Brandélis, poursuit l’œuvre de son père pour redonner à la forteresse du XIIIe siècle une image plus conforme à la mode du temps.

Le retour au calme et la reconstruction

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L’ancienne coquille féodale s’ouvre à des espaces plus vastes mais on n’en oublie pas pour autant les impératifs de défense.

Ainsi, au pied du château, la basse cour s’agran-dit mais elle est protégée à l’ouest par une enceinte basse munie de deux tours semi-circulaires percées de canonnières et au nord par le bastion protégé par un fossé. Un pont-levis et une nouvelle bar-bacane adaptée à l’artillerie défendent l’entrée au pied du donjon. Au sud de l’ensemble, les bâti-ments d’habitation se transforment radicalement. On construit, à côté du donjon, un vaste corps de logis desservi par un escalier en vis. Avec sa cuisine voûtée d’ogives à six branches, sa grande salle d’apparat aux fenêtres moulurées, cette construction s’inscrit bien dans le style gothique de la fi n du XVe siècle. François de Caumont est un seigneur apparemment très fortuné. Non seu-lement il procède à la somptueuse restauration de Castelnaud mais en plus il se fait construire en 1489 une élégante bâtisse au bord de l’eau : le château des Milandes. Ce château, célèbre au XXe siècle grâce à Joséphine Baker, obéit déjà aux canons qui s’imposeront avec la Renaissance : les épais murs des forteresses féodales sont délaissés pour laisser le jour entrer dans les salons par de larges baies. Le château n’a plus de position stra-tégique à tenir, il devient un lieu de plaisance et de plaisir. Mais si Castelnaud est reconstruit dans le même temps, c’est parce qu’il reste le centre du pouvoir de la seigneurie. François de Caumont ne peut se contenter d’un château modeste et ruiné, il lui faut asseoir son autorité et son prestige. De fait, les fortifi cations à usage de l’artillerie ne serviront jamais. La très grosse tour d’artillerie au sud de l’ouvrage, construite vers 1520, sert autant à prévenir d’éventuelles attaques qu’à symboliser la puissance du lieu.

CI-DESSUS, DE HAUT EN BAS

Baie à coussiège au deuxième étage du donjon.

Détail d’un vitrage d’une salle du musée.

PAGE DE GAUCHE, DE HAUT EN BAS

La tour d’artillerie à la pointe sud du château.

Enceinte basse de la façade ouest. Les défenses sont échelonnées en profondeur et en hauteur.

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La guerre au Moyen ÂgeLa société médiévale est dominée par une aristocratie militaire. Le pouvoir vient de l’épée, et par elle, il se maintient. Pourtant, la guerre n’est pas un état permanent au Moyen Âge mais elle demeure une préoccupation constante des populations. Toutes les villes sont ceintes de remparts et dans les campagnes, les châteaux peuvent protéger les villageois. Les places fortifi ées sont donc nécessairement une cible de choix pour celui qui conteste le pouvoir d’un seigneur. Mais les guerres de siège ne sont pas les seuls confl its redoutés.

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re n’est pas un état permanent au Moyen Âge mais elle demeure Toutes les villes sont ceintes

. Mais les guerres

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Il existe au Moyen Âge trois grandes façons de faire la guerre : la guerre de siège, la bataille rangée et la chevauchée. De nombreuses che-vauchées sont restées célèbres, telle celle du

Prince Noir qui, en 1356, se termine par la cap-ture du roi de France Jean le Bon au cours de la bataille de Poitiers. Les armées ou les mercenaires en campagne ont l’habitude de semer la terreur sur leur passage : les Grandes Compagnies ou les Écorcheurs pratiquent sans vergogne le vol, le viol, le rapt et le pillage. Mais il arrive que deux armées s’affrontent de face. Pendant la guerre de Cent Ans, certaines de ces batailles rangées ont laissé de douloureux souvenirs aux Français. Le samedi 26 août 1346, Édouard III, poursuivi par Philippe de Valois, décide de poster son armée sur une hauteur proche du village de Crécy et d’attendre l’assaut des Français. Il déploie ses 12 000 hommes sur une large ligne de 2 kilomètres et place les archers au tout premier rang. Vers 6 heures du soir, alors qu’ils ont le soleil dans les yeux, les hommes de Philippe de Valois, presque aussi nombreux que leurs adversaires, se jettent sur l’ennemi. Les arba-létriers génois engagés par Philippe VI ne peuvent rien contre la puissance des grands arcs en bois d’if des archers gallois du roi Édouard. La chevalerie française charge quinze fois jusqu’à la nuit tom-bée et à 11 heures du soir, le désastre est total. La bataille de Crécy laisse plus de 5 000 chevaliers, écuyers et fantassins à terre.

Mais des trois grands types de combat, le siège est certainement le plus répandu. C’est en l’assié-geant que l’on s’empare d’un château ou d’une place forte. La guerre de siège a des exigences particulières : l’attaque obéit à des règles précises et la défense des châteaux est conçue pour résister aux armées assiégeantes.

PAGE DE GAUCHE

La bataille de Crécy (1346). Chroniques de Jean Froissart, XVe siècle. © BnF.

À DROITE, DE HAUT EN BAS

Armure Maximilienne de combat, vers 1520.

Démonstration de tir à l’artillerie à poudre.

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Le musée de la Guerre au Moyen Âge

Servi par une très belle muséographie et conçu de façon pédagogique, le musée présente plusieurs types d’armes, du Moyen Âge à l’époque moderne. La collection, qui s’enrichit chaque année, est présentée en vitrines ou en situation, comme de nombreuses pièces d’artillerie, mais aussi en plein air pour les machines de guerre.

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gique, le musée présente plusieurs yen Âge à l’époque moderne.

La tour d’artillerie est évidemment consa-crée aux armes à feu. Plusieurs canons, un fauconneau, une haquebute, des veu-glaires semblent prêts à faire feu dans leur

chambre de tir. Toutes ces armes témoignent des recherches et des progrès effectués au cours des XVe et XVIe siècles pour rendre l’artillerie plus per-formante en puissance et en maniabilité. Ainsi les veuglaires, de faible portée mais rapides, se rechargent par une culasse mobile. Les orgues à douze canons sont capables de balayer leurs pro-jectiles de plomb sur un large secteur du champ de bataille. Celui présenté dans la plus haute salle de la tour dispose d’un affût reconstitué à partir d’un dessin de Léonard de Vinci. Même les plus petites pièces semblent menaçantes, comme ce petit canon d’alarme en bronze du XVIe siècle qui proclame : « Je mange la poudre et je crache le feu. » Mais la plus grosse pièce est à l’extérieur, en position d’attaque : la grosse bombarde est capable de lancer des boulets de 100 kilos à plusieurs centaines de mètres.

Les corps de logis présentent une impres-sionnante série d’armes d’hast*. Équipement du fantassin ou armes d’apparat décorées, elles sont de taille, pour trancher, ou d’estoc, pour piquer et transpercer. Leurs fers ont des formes variées donnant à chaque type un nom spécifique : vouge, fauchard, hallebardes, guisarme, langue de bœuf… la plupart ont pour origine des outils agricoles également présentés. De nombreuses armes de poing, haches ou masses d’armes ainsi que des dagues et épées, telle cette miséricorde du XIVe siècle, complètent la collection.

À DROITE, DE HAUT EN BAS

Miséricorde, une épée courte du XIVe siècle.Épée à une main du XIVe siècle.

Salle des arbalètes au premier étage du donjon.

PAGE DE GAUCHE, DE HAUT EN BAS

Canon veuglaire.

Harnois de guerre allemand, vers 1535. Le plastron est gravé de rinceaux et d’angelots.

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Vivre l’histoire à CastelnaudQuelle surprise en visitant le château, il n’est pas rare de croiser au détour d’une salle ou à la taverne une gente dame, un écuyer, un chevalier en armure ou un forgeron ! Ouvert toute l’année, le château est depuis longtemps un outil pédagogique. Si les principales animations ont lieu l’été, les efforts de mise en valeur sont constants. Scolaires, familles ou visiteurs individuels, chacun peut, s’il le désire, agrémenter de façon ludique et interactive sa découverte du site.

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Les professeurs d’histoire du Sud-Ouest connaissent le château de Castelnaud. Ils sont nombreux chaque année à accompa-gner les 20 000 élèves qui visitent le site.

Les enseignants disposent d’outils spécifi quement conçus pour leurs classes. Au-delà des visites thé-matiques adaptées au niveau de chaque classe, les élèves peuvent profi ter des ateliers du patrimoine pour s’initier à la calligraphie, à l’héraldique, ou découvrir les plaisirs et manières de la table médiévale, les techniques de siège et le manie-ment d’armes ou encore apprendre à compter en pieds et en pouces pour construire la maquette d’un trébuchet.

CI-DESSUS

Comédiens de la Massenie Saint-Michel. Artilleurs prêts à « bouter le feu » lors des démonstrations.

EN HAUT

Vue nocturne de la face nord.

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