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Selon les sources, la première marque de l’opposition -à la base topographique- entre Droite et Gauche serait née le 26 août 1789 lors du débat sur les DDHC lorsque la place du culte avait été évoquée : les défenseurs du Roi et de la Religion se seraient positionnés d’emblée à Droite, les réfractaires à Gauche. D’autres sources nous amènent à penser que cette séparation géographique découle du débat sur le droit de veto du Roi qui eut lieu au sein de l’Assemblée constituante le 28 août 1789 : les partisans du veto royal se seraient tenus à Droite, position liée à l’habitude des places d’honneurs. Il faudra toutefois attendre plusieurs décennies pour que ce positionnement bipolaire s’installe dans les esprits comme le symbole incarnant le mieux la vie politique française . En effet, la constitution de l’An III prône le Bien commun,et l’Unité, rejetant d’emblée une quelconque formation partisane ou d’intérêts, c’est pourquoi La Réveillere-Lépeaux proposa en 1795 une restructuration de l’Assemblée Nationale, sans regroupement, pour faciliter le libre-arbitre. Il faudra attendre la Restauration pour voir émerger la repolarisation de l’Assemblée Nationale, fortement provoquée par la Droite Ultra, qui outra les républicains en demandant une restauration à l’identique du modèle monarchiste, et en niant la période de la Révolution française : de là s’installe une vraie partition entre les républicains, à gauche, et les trois droites (définies par René Rémond). Par la suite, plusieurs évènements eurent une fonction clivante : c’est le cas de l’assassinat du Duc de Berry par un républicain en février 1820, du renversement de la monarchie de Juillet après la campagne des banquets, et de l’élection au SUD masculin de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848 puis de la mise en place du II nd Empire. Au cours de la IIIè République, la Droite et la Gauche subirent chacune de grandes transformations internes avec l’émergence de grands courants de pensée –comme le libéralisme et le socialisme- qui s’intégrèrent dans la logique du clivage Droite/Gauche, (bien que l’adjectif « libéral » n’aie pas la même connotation au XIXè siècle ou de nos jours). Ainsi, la fin du XIXè et le XX è siècles furent le théâtre de luttes politiques clivées : l’affaire Dreyfus opposa les dreyfusards (globalement à Gauche) attachés à la loi et aux Droits de l’homme, aux anti-dreyfusards défendant l’armée comme corps nécessaire de na nation, tout cela sur fond d’antisémitisme latent ou avoué ; la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et

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Selon les sources, la première marque de l’opposition -à la base topographique- entre Droite et Gauche serait née le 26 août 1789 lors du débat sur les DDHC lorsque la place du culte avait été évoquée : les défenseurs du Roi et de la Religion se seraient positionnés d’emblée à Droite, les réfractaires à Gauche. D’autres sources nous amènent à penser que cette séparation géographique découle du débat sur le droit de veto du Roi qui eut lieu au sein de l’Assemblée constituante le 28 août 1789 : les partisans du veto royal se seraient tenus à Droite, position liée à l’habitude des places d’honneurs. Il faudra toutefois attendre plusieurs décennies pour que ce positionnement bipolaire s’installe dans les esprits comme le symbole incarnant le mieux la vie politique française . En effet, la constitution de l’An III prône le Bien commun,et l’Unité, rejetant d’emblée une quelconque formation partisane ou d’intérêts, c’est pourquoi La Réveillere-Lépeaux proposa en 1795 une restructuration de l’Assemblée Nationale, sans regroupement, pour faciliter le libre-arbitre. Il faudra attendre la Restauration pour voir émerger la repolarisation de l’Assemblée Nationale, fortement provoquée par la Droite Ultra, qui outra les républicains en demandant une restauration à l’identique du modèle monarchiste, et en niant la période de la Révolution française : de là s’installe une vraie partition entre les républicains, à gauche, et les trois droites (définies par René Rémond). Par la suite, plusieurs évènements eurent une fonction clivante : c’est le cas de l’assassinat du Duc de Berry par un républicain en février 1820, du renversement de la monarchie de Juillet après la campagne des banquets, et de l’élection au SUD masculin de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848 puis de la mise en place du II nd Empire. Au cours de la IIIè République, la Droite et la Gauche subirent chacune de grandes transformations internes avec l’émergence de grands courants de pensée –comme le libéralisme et le socialisme- qui s’intégrèrent dans la logique du clivage Droite/Gauche, (bien que l’adjectif « libéral » n’aie pas la même connotation au XIXè siècle ou de nos jours). Ainsi, la fin du XIXè et le XX è siècles furent le théâtre de luttes politiques clivées : l’affaire Dreyfus opposa les dreyfusards (globalement à Gauche) attachés à la loi et aux Droits de l’homme, aux anti-dreyfusards défendant l’armée comme corps nécessaire de na nation, tout cela sur fond d’antisémitisme latent ou avoué ; la séparation de l’Eglise et de l’Etat, et enfin les alliances électorales comme le Cartel des Gauches ou l’Union nationale. Après la Seconde Guerre Mondiale et la période Vichyiste , la IVè République fut une période de crise politico-gouvernementale, durant laquelle la France connu l’alternance : un président de la SFIO, Vincent Auriol, dont le septennat fut marqué par le guerre d’Indochine, et un président issu du CNIP, René Coty, qui fut élu et démissionna pendant la guerre d’Algérie. L’heure pour la Droite et la Gauche était surtout à la gestion de ces crises.A travers cette brève histoire du clivage Droite/Gauche, nous comprenons que ce dernier est une symbolique simplificatrice, visant à faciliter la compréhension des données politiques, et que cette construction sociétale aurait pu être différente : souvenons-nous que durant la Convention, le clivage se centrait sur la différence entre Plaine ou Marais, et Montagne. Ainsi, il est important de se questionner sur la pertinence actuelle de ce clivage vieux de plus de deux siècles ; car la Droite et la Gauche ont connu de profondes modifications internes, que ce soit en matière d’idéologie, de formation partisane par exemple. Sont-elles toujours les « suprêmes catégories identificatrices, vibrantes d’affect et gorgées de souvenirs » dont parlait Marcel Gauchet ? Par ailleurs, la question de la pertinence du clivage Droite/Gauche est-elle elle-même pertinente, pouvons-nous définir objectivement aujourd’hui UNE Droite (unie) et UNE Gauche (unie) ? Nous essaierons d’apporter un début de réponse en étudiant dans une première partie l’érosion et la crise du clivage gauche/droite, dûe à l’effacement ou au changement des idéologies de Gauche ou de Droite, à la réalité du Pouvoir, ainsi qu’à des facteurs extérieurs, puis nous analyserons la pregnance actuelle du clivage, en démontrant que ce dernier découle d’une histoire ancrée dans les mémoires, qu’il est toujours d’actualité dans

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le champ politique, et que les mouvances de Droite et de Gauche peuvent aussi être restructurantes dans l’optique du clivage bipolaire.

I . L’érosion du clivage Gauche/Droite.

Il est aisé de constater que la Gauche et la Droite, les partis qui les incarnent, les idéologies qui les symbolisent, sont perpétuellement changeantes. Ces diverses modifications internes ont aujourd’hui tendance à rapprocher les Droite et Gauche républicaines (au sens actuel du terme). Nous verrons donc les facteurs de ces changements internes à la Gauche comme à la Droite, les facteurs externes, et l’électorat perdu et ne se retrouvant plus dans tous ces bouleversements.

a) Des politiques et des Hommes   : brouillage du clivage sous la Vè République.

Durant les 30 Glorieuses, la société est en plein changement : hausse du niveau de vie, élargissement de la classe moyenne : ce phénomène social n’est pas sans incidence sur la politique : les électeurs ont de nouvelles attentes, Droite et Gauche doivent y répondre. A Gauche d’abord : le PCF, ralliant ¼ des électeurs au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, fut par la suite fortement affecté par les évènements en URSS : répression en Hongrie, Printemps de Prague ou parution de l’archipel du Goulag participent à la dégradation de l’image du parti. La signature du programme commun en 1972 avec le PS, l’abandon de la référence au modèle soviétique et à la dictature du prolétariat en 1974, puis la participation de quatre ministres communistes de 1981 à 1984 -Charles Fiterman (Transports), Anicet Le Pors (Fonction publique), Jack Ralite (Santé) et Marcel Rigout (Formation professionnelle)- montrent la tendance du PCF à se rallier avec sa droite directe : le PS, donc d’une certaine manière, à accepter des entailles à leur idéologie marxiste-léniniste. L’implosion de l’URSS en 1991 est le symbole de l’échec du socialisme réel que revendique le PCF. Après la participation au gouvernement de Gauche plurielle de Jospin en 1997, et la déception de plusieurs militants communistes devant la tiédeur des actions des ministres communistes, le PCF entérine en mars 2000 à Martigues l’abandon de la conception Marxiste-Léniniste. Pour résumer, le PCF a joué le jeu des élections, et des alliances avec les partis à sa Droite, a donc accepté les institutions de la Vè République, et lorsqu’il prit part au pouvoir, a du transiger avec la société capitaliste (sous Jospin, malgré un foisonnement de lois sociales, Jean-Claude Gayssot permet l’ouverture du capital d’Air France aux capitaux privés) , ce qui eut des répercussions sur ses idéologies fondatrices. Tout ceci affecte le clivage Gauche/Droite, puisque la Gauche de la Gauche a reconnu, au moins dans les faits, une société capitaliste et libérale défendue par la Droite. Mais le brouillage du clivage vient surtout du PS, et particulièrement de la présidence Mitterrand. Mitterrand fut élu 1er secrétaire du PS en 1971, en partie grâce au CERES, il rallie ses troupes au Congrès d’Epinay la même année, et en 1974, une fraction du PSU rejoint le nouveau PS avec Rocard. Le PS est renouvelé sous le signe du slogan « changer la vie », et d’un programme mêlant dirigisme économique avec influence marxiste, politique néo-keynésienne, anti capitalisme et revendication de nouveaux mouvements sociaux. C’est sur ce programme, considéré comme socialement « révolutionnaire » pour l’époque, que Mitterrand se fait élire. Mais dès 1982, l’idéologie s’effrite face à la crise économique : la Gauche a assimilé la « culture de gouvernement », adhérant à ce qu’elle avait dénoncé la veille. En effet, le tournant de la rigueur de 1982-3 consiste en l’adoption d’un nouveau cap économique qui confirme brutalement le recentrage. Début 1982, Mitterrand avoue « qu’il a toujours été

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partisan de la liberté d’initiative et de la liberté d’entreprise », thèmes chers à la droite libérale. Le gouvernement Mauroy élabore un plan de rigueur , un assainissement économique et financier, mêlant hausse d’impots, baisse du financement des entreprises publiques, économies sur le budget de la Sécurité Sociale pour maitriser le déficit budgétaire ; et gel des salaires et des prix pour maitriser l’inflation. A court terme, ce revirement est vécu comme une acculturation du programme par la pratique gouvernementale. A plus long terme, les années Mitterrand provoquèrent l’acceptation par le PS de l’économie de marché, enterinée explicitement au Congrès de la grande Arche de 1991. La réelection de François Mitterrand se fait sous le thème de « la France unie » , il ne prône plus le changement mais l’union des français, encore une marque de l’affaiblissement du clivage. Rocard redéfinit le socialisme comme une sorte de « capitalisme modéré ». Après la dissolution de l’Assemblée Nationale en 1997 et la victoire de la Gauche plurielle aux législatives, Lionel Jospin, nommé Premier Ministre, revient sur la politique de Mitterrand de 1988 du « ni, ni » (ni privatisation, ni nationalisation), en privatisant des entreprises nationalisées, dont certaines furent nationalisées au début des années 80’s (GAN et CIC, France Télécom, Crédit Lyonnais). Jospin affirme alors que le socialisme n’existe plus « ni comme système doctrinal, ni comme système de production, la supériorité du marché sur la planification s’étant montrée incontestable ». En 2002, il avouera même que « son programme n’est pas socialiste ». En 2007, Ségolène Royal fait sa campagne sur « l’ordre juste », le socialisme réformisme est enterré définitivement. Ce qu’il faut comprendre, c’est que c’est tout l’idéologie socialiste –du moins au niveau économique- qui fut balayée pendant ces dernières décennies. Ce modèle socio-historique n’apparaît plus comme crédible aux yeux de la Gauche, elle tend donc, sur les grandes questions économiques, à se rapprocher de la Droite. La Droite républicaine, quant à elle, fait un pas vers la Gauche sur le thèmes des grandes questions sociales : pas de remise en cause durable des politiques de Gauche comme l’abolition de la peine de mort, autorisation des radios libres, 39 puis 35H, remboursement de l’IVG, le PACS, ou encore la disparition du délit d’homosexualité dans le code pénal. En 1995, lors de la campagne présidentielle, Jacques Chirac entend lutter contre la fracture sociale, thème dont la Gauche a eu longtemps le monopole, mais réapproprié par la Droite et même l’extrême Droite. Plus récemment, le gouvernement d’ouverture de Nicolas Sarkozy a fait débat : des ministres de Gauche ont été nommés dans un gouvernement de Droite (Kouchner, Eric Besson, Martin Hirsh, Jean-Marie Bockel) : le brouillage est complet, la logique bipolaire n’est plus si logique. Nous résumerons cette sous-partie par un mot d’Etienne Shweisguth, dans l’Atlas électoral de 2007 : « Deux grands axes idéologiques permettent aujourd’hui de définir les notions de Droite et Gauche : celui des problèmes économiques et celui des questions de société. Sur chacun de ces grands axes, on a assisté à un important mouvement de convergence idéologique entre les partis de Gauche et de Droite ». Ce phénomène est aussi dû à des facteurs extérieurs minimisants le clivage.

b) Facteurs extérieurs atténuant le clivage.

Les facteurs atténuant le clivage sont variés : la mondialisation et la construction européenne limitent les choix politiques, des hommes politiques ont placé leur politique au-dessus de ce clivage, et des nouveaux modes de formations politiques sont nés en marge dudit clivage. Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, la politique socialiste du début du mandat de Mitterrand s’est effondrée en partie à cause des des contraintes économiques et financières générées par la construction européenne, et aussi pour éviter le risque d’une sortie potentielle de la SME. Les normes européennes ont réduit la marge de manœuvre de tous les gouvernants. Aujourd’hui, la décision politique agit souvent en périphérie , et la plupart des

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questions économiques et même de société se sont intégrées dans la logique de la mondialisation, ce qui tend à suggérer la sujétion partielle des politiques nationales. Désormais le capitalisme libéral ne peut plus vraiment avoir de stratégie nationale ; l’avènement de l’économie mondialisée le conduit à assigner comme tâche principale à l’Etat d’accompagner la mondialisation en cours au moyen d’une législation appropriée : c’est le dénominateur commun des gouvernants, qu’ils soient de Droite ou de Gauche. De plus, la montée en puissance de la technocratie durant ces dernières décennies peut faire émerger l’idée que chaque problème a une solution, l’idéologie de Droite ou de Gauche n’ayant pas d’impact sur cette solution. De plus, certains hommes politiques ont, à travers l’Histoire, tenté de se placer au-dessus des partis et du clivage Gauche/Droite, en revendiquant leur politique comme la politique d’un Homme, et non une politique clivée. C’est le cas bien sûr de Charles de Gaulle, qui se disait au moins dans la parole « au-dessus des partis », ou de VGE, qui fit sa campagne de 1974 sur le thème de la désuétude du clivage. C’est aussi le cas, plus étonnant cette fois, de Jean-Marie Lepen, dont le célèbre slogan « Ni Gauche, Ni Droite, Français ! » rejetait la symbolique du clivage en promouvant l’union des français de souche autour de la mère patrie, ce qui revient à proposer une « autre solution » que celle qu’est la logique politique bipolaire actuelle. « L’autre solution » est aussi symbolisée par l’arrivée de nouveaux regroupements partisans, ne se plaçant pas d’une manière évidente sur l’échiquier politique, mais désirant parler à tous les français. C’est le cas par exemple des Verts et autres partis aux revendications écologistes, qui, dans leur formation au début des années 1980’s, ne désiraient pas spécialement entrer dans une logique de polarité partisane, mais plutôt sensibiliser tous les français sur un sujet – l’écologie – que la Droite et la Gauche se sont aujourd’hui appropriées. Tous ces exemples provoquent volontairement ou non l’infléchissement du clivage Droite/Gauche, et c’est la raison pour laquelle une partie des citoyens et de l’électorat avoue aujourd’hui ne plus se reconnaître dans l’échiquier politique, et donc le clivage Droite/Gauche actuel.

C) Un électorat déboussolé.

Le citoyen lambda se positionne en observateur de ces revirements partisans qui ont peu à peu rapproché Droite et Gauche. Les sondages SOFRES nous montrent que lesdits observateurs se font de plus en plus critiques à l’égard du clivage : en 1981, 33% des interrogés considèrent que le clivage est dépassé, après le plan de rigueur, ils sont passés à 45%, et atteignent les 46% en 1989, en 2002, les 65% sont dépassés. 67% disent ne faire confiance ni à la Droite, ni à la Gauche. Le phénomène « niniste » -ceux qui ne se classent ni à Droite, ni à Gauche sur l’échiquier politique, prend de l’ampleur : selon un sondage SOFRES CEVIPOF de fin 2002, ils seraient 19% en 1995, 45% en 2002. On commence à parler d’un nouvel électeur, qui se détermine au coup par coup, sans grande considérations pour les solidarités sociales ou professionnelles, c’est selon l’expression le « self service électoral », les programmes et idéologies de la Gauche et de la Droite sont jugés moins fédérateurs, n’interpellent pas une classe sociale ou un regroupement spécifiques, Jérome Jaffré expliquant cette réalité par le fait que «  les électeurs prennent à Droite et à Gauche ce qui leur semble bon, ce phénomène est la démonstration de la destructuration idéologiques des français qui correspond à l’affaiblissement des grands partis ». Le manque de confiance des électeurs envers les hommes politiques de Droite comme de Gauche est en partie expliqué par l’érosion du clivage bien sûr, mais aussi par le sentiment qu’un fossé s’est creusé entre l’Homme politique en général, qu’il se place à Droite ou à Gauche, et le citoyen. En effet, les affaires politiques ont touché des politiciens de tout bord, pour ne citer que deux exemple, les écoutes téléphoniques de Mitterrand, les emplois fictifs de Chirac. Le fait que les hommes politiques sont issus pour la grande majorité d’entre eux des mêmes écoles d’élite ne fait qu’appronfondir la méfiance.

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De plus, la déception de l’électorat envers un parti fait qu’il se dirige soit vers l’abstention, soit dans des partis purement protestaires à fonction tribunicienne : c’est le cas du PCF jusqu’au début des années 70’s ou du FN dès les années 80’s : le FN attire les mécontents en jouant sur les peurs sociales, le PCF attirait lui aussi ceux qui se sentaient lésés et en contestation avec la société : ces deux identités fortes attirent les déçus de la perte d’identité des partis dits « républicains », c’est peut-être pour cette raison qu’en 1986, 16% des électeurs qui votaient PCF ont soutenus le FN aux législatives, passant donc d’un extrême à l’autre. Ainsi, pourrait-on dire que l’opposition partis républicains/extrêmes est un clivage naissant plus approprié à l’attitude de l’électorat ? La question se pose, puisque depuis plusieurs années, un parti extrémiste comme le FN réunissant approximativement 20% des suffrages exprimés lors des élections s’oppose et à la Gauche, et aux autres partis de Droite : serait-ce la naissance d’une nouvelle forme de clivage ? Dans tous les cas, nous terminerons par un constat de René Rémond, qui explique la perdition de l’électorat dans le clivage droite/gauche par la baisse d’un contexte idéologiques manichéens : le choix entre Droite et Gauche est aujourd’hui, selon l’historien, dépassionné : la Droite a perdu son ennemi de toujours, les communistes, et ne peut plus mobiliser son électorat sur le thème du « péril collectiviste », tandis que la Gauche a décidé de composer avec le sien : le capitalisme.Ainsi, nous avons constaté que le clivage Droite/Gauche est en pleine perte de vitesse, mais il faut toutefois nuancer ce propos, car même si l’effacement du clivage est indéniable aux vues de ces dernières décennies, la bipolarisation partisane est toujours présente.

II . Un clivage néanmoins pertinent.

Le clivage reste néanmoins pertinent car Droite et Gauche ont une histoire qui reste présente dans les esprits, le clivage struture encore aujourd’hui la politique actuelle mais structure aussi la vision politique des français, et enfin parce que les crises que connut ce clivage ne sont peut-être que passagères , et dûes aux changements internes de la Droite et de la Gauche avec le temps.

a) Un clivage structurant la politique actuelle et encore pregnant dans le société française

L’érosion ou l’affaiblissement du clivage est un fait avéré, toutefois, cela ne signifie pas que le clivage est aujourd’hui nul et non avenu. Dans un système où le chef de l’éxécutif est élu à la majorité, et où le corps législatif se structure en fonction du vote majoritaire, comme en France aujourd’hui, la bipolarité en est la conséquence normale : soit deux partis s’affrontent comme aux Etats-Unis, entre les démocrates et les Républicains, soit émerge un clivage plus englobant comme le nôtre ; le clivage entre une Droite et une Gauche. Le rapprochement visible de ces trois dernières décennies entre les deux parties n’intercède que peu dans le fait que le politique et la politique au sens large est encore clivée : notre Assemblée Nationale et notre Sénat, jusqu’à preuve du contraire, fonctionnent encore dans le cadre d’une bipolarisation des hémicycles : la droite reste géographiquement à Droite, de même pour la Gauche. L’irrévocable attirance des partis pour la composition bipartite est avérée : de grands partis du Centre se sont retrouvés obligés d’entrer dans le système clivage , par exemple, le parti radical s’est dicisé en deux : le parti valoisien quasi intégré dans un parti de Droite, l’UMP, et le MRG se réclamant d’être à Gauche. Lors de la création du MoDem par François Bayrou en 2007, parti qui revendique son indépendance et son centrisme dans le cadre du clivage, plusieurs grandes personnalités de l’ex UDF se sont affirmées plus proches de la Droite en rejoigant l’UMP ou le Nouveau Centre (comme Jean-Louis Bourlanges ou Simone Veil) .Dire que les deux grands partis représentant la majorité de la Droite ou de la Gauche

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aujourd’hui –UMP et PS - pourraient détruire le clivage en proposant un système de bipolarité partisane, comme aux Etats-Unis, ne semble pas pertinent non plus à l’heure actuelle : en tous les cas il n’a pas fonctionné, car la multiplication des partis fait qu’il y a plusieurs Droites et plusieurs Gauches : globalement, la Gauche républicaine scindée en la Gauche et la Gauche de la Gauche, et la Droite Républicaine à la gauche de l’extrême Droite. Le second tour de 2002 montre bien que la bipolarité partisane n’est pas évidente. Les sondages sur les français l’attestent : leur méfiance se porte surtout sur les partis politiques, ils peinent à se situer sur l’échiquier partisan, et ne font pour plus de la moitié d’entre eux ni confiance aux partis de Gauche, ni aux partis de Droite. Cependant, même si 65% pensent que le clivage est dépassé en 2002, la même année, la majorité d’entre eux ont une réponse affirmée quand on leur demande s’ils se considèrent comme de Droite ou de Gauche. De plus, la volatilité de l’électorat est à nuancer : en période de paix civile et politique, pour la majorité, ils votent soit pour des partis de Droite, soit pour des partis de Gauche. Pour conclure, l’idée qui ressort de ces sondages est que ce sont davantage les partis et leur politique qui mécontent la moitié des français, mais ceci affecte peut les entités que sont la Droite et la Gauche qui ont toujours une résonnance pour les français.

B) Histoire, idéologie, héros et martyrs   : une mémoire de Gauche, une mémoire de Droite.

L’Histoire de la Droite et de la Gauche en tant qu’entités reste ancrée dans les mémoires, avec des concepts phares persistants, et une idéalisation ou une critique des années passées dont jouent la Droite et la Gauche. Depuis deux siècles, il y a toujours eu une Droite et une Gauche, leur contenu a changé, elles sont devenues plus hétérogènes, mais le clivage est toujours présent dans les esprits. La tendance est que la Droite se pense plus dans la continuité et donc la légitimité, tandis que la Gauche se caractérise par ses aspirations au changement de l’ordre établi, voire de la rupture. Outre les modifications des idéologies par les politiques des partis, le socialisme aujourd’hui par exemple reste un concept qui veut lutter contre l’aliénation, l’hétéronomie, la désappropriation de soi à travers des valeurs comme la solidarité et la réciprocité, que ce soit dans une société dite capitaliste ou non. L’article 1 de la déclaration du Parti Socialiste est d’ailleurs fait d’ailleurs référence à ce que nous venons de dire : « Être socialiste, c’est ne pas se satisfaire du monde tel qu’il est, c’est vouloir changer la société. L’idée socialiste relève, à la fois, d’une révolte contre les injustices et du combat pour une vie meilleure. Le but de l’action

socialiste est l’émancipation complète de la personne humaine. ». Les partis de Gauche se veulent porteurs de solutions sociales, en mettant en avant les grandes questions sociétales et en apportant une réponse qui leur est propre : c’est le cas du PACS, permettant entre autres aux homosexuels de s’unir, considéré au début par la Droite comme la perdition du cadre familial, de l’abaissement du temps de travail (Front Populaire, 39 heures puis lois Aubry des 35 Heures, fortement critiquées par la Droite qui y voit le premier pas d’une paupérisation de la société, et de la montée du chômage, mais aussi par l’extrême Droite dont l’un des pricipaux mots d’ordre est le Travail), les congés payés, ou l’abolition de la peine la peine de mort lorsque Badinter était garde des sceaux. La Gauche revendique cet héritage, et cette filiation par rapport aux grands noms d’Hommes de Gauche comme Jean Jaurès, Léon Blum, ou Mitterrand. La Droite s’affirme dans la critique de l’Histoire de la Gauche : Nicolas Sarkozy a dernièrement attaqué la Gauche en affirmant que c’était Mitterrand qui avait abaissé l’âge légal de départ à la retraite et donc provoqué un capharnaüm au niveau du financement desdites retraites, en disant : « On aurait moins de problèmes s’il s’était abstenu ». La filiation revendiquée par la Droite est plus complexe : si l’on s’en tient aux ouvrages de René Rémond puis à ceux de son élève Jean François Sirinelli, la France aurait connu trois types de Droite : la Droite légitimiste, réactionnaire, s’opposant et jouant sur la peur de la modernité, la Droite

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orléaniste, ou libérale, et la Droite dite bonapartiste, autoritaire et mettant en avant le Pouvoir d’un chef fort, qui compte sur le soutien des masses populaires. Ainsi, le clivage esr aussi structuré par l’Histoire et la mémoire, ce que nous allons par la suite revoir dans l’histoire du clivage de la Vè République.

C) Des restructurations périodiques du clivage.

La désuétude du clivage n’est pas qu’une question actuelle, elle s’est imposée au court de la Vè République sous d’autres formes, mais a toujours trouvé sa réponse dans une restructuration de la Gauche ou de la Droite. Par exemple, en 1958, l’appel au Général de Gaulle fit presque l’unanimité, même sur les bancs de la Gauche : la croyance dans le Sauveur, l’Homme providentiel qui allait désamorcer la bombe algérienne a participé pendant un court moment au rapprochement des deux forces bipolaires. Mais l’opposition communiste à ce qu’ils considéraient comme l’hégémonie et la dictature d’un homme, puis le redressement de la SFIO qui deviendra le PS en 1969 rétablit la réalité du clivage. De même, le grand moment de rapprochement des Gauches par Mitterrand dès le Congrès d’Epinay –que nous avons déjà évoqué- est un bel exemple de restructuration du clivage. En effet, le système majoritaire favorise la partition, sauf durant les périodes de cohabitation, entre majorité contre opposition. Cette bipolarité renforce le clivage : quand la Droite est au Pouvoir, la Gauche entre en contestation, et vice versa. C’est aujourd’hui ce qui se passe : Les divers partis de Gauche (PS, PCF, NPA par exemple) sont entrés, depuis le projet de loi du gouvernement visant à réformer les retraites, en opposition : les politiciens de Gauche proposent le retrait de cette réforme, prônent une réforme plus juste, font des propositions différentes de celles du gouvernement et n’hésitent pas à descendre dans la rue, et à y appeler leurs concitoyens. Ainsi, nous pouvons affirmer que notre époque connaît aussi un renforcement du clivage, qui découle en grande partie du système majoritaire favorisant la bipolarité, et l’opposition entre deux camps définis. L’hypothèse que nous avons évoquée précédemment sur l’existence d’un clivage entre des Gauches et des Droites est à retenir : outre les deux grands partis de gouvernement actuels (UMP et PS), il y a des partis de Gauche qui s’opposent à d’autres partis de Gauche, et des partis de Droite, comme le FN, qui contestent clairement la plupart des positions de la majorité actuelle. Mais particulièrement à Gauche, l’union a été possible ; cartel des Gauches, Gauche plurielle ,pour ne citer que deux exemples, au pouvoir ; ou Gauche unie dans la contestation comme c’est le cas aujourd’hui. Ce sont ces capacités d’union et de réaction contre « l’ennemi commun » qui démontre que le clivage vit encore.

Nous pouvons conclure que la citation de Marcel Gauchet n’est pas tout à fait erronnée : la Gauche et la Droite existent encore, elles sont toujours des symboliques identificatrices bien que sur certains point simplistes, ce qui peut provoquer une perte de repères de la part de l’électorat, ou une volonté tactique -ou non- de brouillage du clivage par les hommes politiques et consors. Depuis leur naissance, les deux grands pôles politiques clivés se sont affrontés sur trois principaux sujets : la question des institutions opposant monarchistes et républicains, la question de la religion opposant partisans d’une République laïque et défenseurs de la religion d’Etat, et la problématique des choix économiques et de société. A l’heure actuelle, le débat se porte principalement sur la dernière thématique, les deux autres ayant plus ou moins obtenu un consensus entre Droite et Gauche. Nous concluons donc que malgré les divers et profonds changements internes que connurent la Droite et la Gauche, le clivage qui les sépare est toujours le principal vecteur de compréhension du champ politique.

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